"Demain" N° 08 - Novembre 2020

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ACTUALITÉ ÉCONOMIE ET POLITIQUE

« L’INITIATIVE PLACE TOUTES LES ENTREPRISES SUISSES ACTIVES À L’INTERNATIONAL, PETITES OU GRANDES, SOUS UNE SORTE DE SUSPICION GÉNÉRALE. ELLE LES EXPOSE À UN RISQUE DE PLAINTES ABUSIVES. »

D’un point de vue économique, avez-vous pu chiffrer les conséquences de sa mise en œuvre ?

Quant aux PME suisses, à quels changements concrets l’initiative les exposerait-elle ?

L’initiative affaiblit la place économique suisse. Elle introduit des règles de responsabilité qui n’existent nulle part au monde sous cette forme. Même la France ne connaît pas un tel régime de responsabilité civile. Ces règles exposent les entreprises à des risques importants : si une filiale ou un fournisseur dépendant a causé un dégât, et que l’entreprise suisse fait l’objet de plaintes, ce serait finalement à elle de prouver qu’elle a assumé tous ses devoirs de diligence d’une manière suffisante. Qu’elle a tout fait pour éviter ces dégâts. Certaines entreprises suisses pourraient préférer réduire leurs activités commerciales ou leurs investissements dans les pays où les risques sont élevés, ou alors déplacer leur siège à l’extérieur de la Suisse.

L’initiative concerne en principe toutes les entreprises suisses, c’est-à-dire pas seulement quelques multinationales, mais aussi les PME actives à l’international. Le texte de l’initiative dit simplement que le législateur devra « tenir compte des besoins » des PME qui ne présentent que peu de risque. Les PME ne sont donc pas exclues en tant que telles du champ d’application de l’initiative. Pour contrôler toutes les activités de leurs partenaires commerciaux à l’étranger, elles devraient faire face à de lourdes charges administratives. Je connais suffisamment bien le monde des PME – où j’ai grandi – pour savoir à quel point ces charges peuvent peser.

Certaines multinationales pourraient-elles simplement décider de quitter notre pays ? Ce n’est pas à moi de faire des pronostics ou de donner des conseils aux chefs d’entreprises. Une chose est sûre : l’initiative place toutes les entreprises suisses actives à l’international, petites ou grandes, sous une sorte de suspicion générale. Elle les expose à un risque de plaintes abusives.

Et quelles seraient les conséquences du contre-projet indirect sur ces mêmes entreprises ? Le contre-projet poursuit le même but que l’initiative : protéger les droits de l’homme et l’environnement. Il s’agit d’une solution très helvétique conclue au Parlement. Elle propose des solutions réalistes et raisonnables. L’écrasante majorité des entreprises suisses se comportent aujourd’hui déjà de manière tout à fait responsable. Une grande nouveauté pour les grandes entreprises seraient les

règles en matière de transparence, avec l’obligation de rendre compte des risques et des mesures pour les prévenir. Et bien-sûr, le devoir de diligence particulière et étendue dans les domaines du travail des enfants et des minéraux issus de régions en conflit. Ce devoir de diligence vaudrait pour toutes les entreprises qui sont exposées à des risques dans ces deux domaines sensibles. Et comme je l’ai déjà dit : la réputation est un bien très précieux pour les entreprises. L’information est aujourd’hui instantanée et globale. Les clients, les investisseurs et le personnel ont aussi des attentes concernant le comportement des entreprises. Les entreprises savent qu’elles doivent se comporter de manière responsable. Ne manquez pas la conférence de Mme Keller-Sutter, suivie d’un débat contradictoire, mardi 10 novembre à 18 h au Casino de Morges. Incriptions sur : m www.cvci.ch/evenements

PROPOS RECUEILLIS PAR FANNY OBERSON FANNY.OBERSON@CVCI.CH PHOTO ALESSANDRO DELLA VALLE


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