Le journal du PDC suisse, mars 2012

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Magazine d’opinion. Numéro 2 / Mars 2012 / CHF 7.80 www.la-politique.ch

U A E s V U em P O REN Print tion a e i m r g Fo ener


sommaire

TITres

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noUVeaUX DÉFis rÉFUgiÉs ÉConomiQUes troP De CostarDs La tUnisie, mon PaYs D’origine Formation PoUr La Vie notre aVenir ÉnergÉtiQUe QUatre JeUnes PDC nettoYage De PrintemPs JUste DiVorCÉs innoVation Un angLais en sUisse

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reNDeZ-VOus

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Au CAFÉ Du COMMERCE

Impressum

EDITEUR Association LA POLITIQUE ADRESSE DE LA REDACTION LA POLITIQUE, Case postale 5835, 3001 Berne, tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30, courriel binder@cvp.ch www.la-politique.ch REDACTION Marianne Binder, Jacques Neirynck, Yvette Ming, Lilly Toriola, Barbara Christen, Florian Robyr TRADUCTION Yvette Ming, Isabelle Montavon GRAPHISME, ILLUSTRATIONS ET MAQUETTE Brenneisen Communications, Bâle IMPRIMERIE Schwabe AG, Muttenz ANNONCES ET ABONNEMENTS tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30 Courriel abo@die-politik.ch, abonnement annuel CHF 52.–, abonnement de soutien CHF 80.– PROCHAIN NUMERO avril 2012

La parole est d’argent mais le silence est d’or…


eDITO – Jacques Neirynck, Rédacteur en chef adjoint

et QUanD Le PrintemPs reVient! «C’est en croyant aux roses qu’on les fait éclore» selon Anatole France, qui était pourtant un vieux sceptique, rationaliste et matérialiste. L’histoire récente nous donne des exemples de cette règle en politique. Il y a eu voici un an le «printemps arabe» en Tunisie, Lybie, Egypte et Syrie. Des peuples opprimés par des dictatures archaïques ont manifesté leur appétit de démocratie au risque de maintes vies. En 1989, le mur de Berlin s’est effondré sous le poids de sa propre absurdité et indignité: il ne reste plus qu’une dictature européenne, la Biélorussie. Mais ce mouvement irrésistible n’intéresse pas qu’un continent. Des pays émergents, la Chine, le Brésil et l’Inde s’affirment comme des acteurs économiques de plus en plus puissants en ébranlant de la sorte la domination séculaire de l’Europe et des Etats-Unis. Le monde change et nous devons en tenir compte. Un grand espoir soutient ce bouleversement: il ne faut pas le décevoir. Pour ce numéro, nous avons choisi le thème du renouveau, dont le printemps météorologique nous rappelle chaque année la réalité dans la Nature. Il faut croire à la démocratie pour la susciter, il faut diriger la démocratie pour la respecter, il faut la propager pour le bien-être de tous les peuples, il faut que ceux-ci y aspirent. Et le mouvement devient alors irrésistible. Déjà le Magnificat le disait: «Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.» c’est-à-dire: il renverse les puissants de leur trône et il élève les humbles. Cette parole constitue un fil invisible de l’histoire depuis vingt siècles et une des valeurs auxquelles le PDC est attaché.

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Viola Amherd, Conseillère nationale et Vice-présidente du Groupe

La noUVeLLe LÉgisLatUre

DU sang, De La sUeUr et Des Larmes… …nous ne devrions pas en verser au cours de cette nouvelle législature. Mais outre l’achèvement des chantiers toujours en cours, nous devrons à mon avis faire face à quatre nouveaux défis essentiels qui vont requérir toute notre énergie. Garantir l’approvisionnement énergétique Sur le plan politique, nous entamons la grande aventure de la sortie du nucléaire. Nous avons dit oui à la sortie du nucléaire et maintenant nous devons définir la manière dont nous voulons en sortir. Les tiraillements ont déjà commencé mais la défense inflexible d’intérêts particuliers ne sera d’une grande utilité ni pour la protection de la nature, ni pour la préservation du patrimoine, ni pour les entreprises d’énergie, ni pour les consommateurs et l’économie. Ce n’est que si nous pensons la question dans sa globalité et que nous ne perdons pas de vue les intérêts de l’ensemble de notre pays que nous aurons du succès. Tous doivent y contribuer. Le PDC n’a pas une tâche facile à réaliser. Car nos décisions auront un impact déterminant sur celles de l’ensemble du Parlement. Détendre nos relations avec l’Europe Actuellement, la question de l’énergie est encore une équation à nombreuses inconnues, dont l’Europe. En effet, nous avons un intérêt primordial à conclure un accord sur l’énergie. Par ailleurs, nous avons d’autres dossiers importants à négocier avec l’UE dans le domaine de l’agriculture et de la fiscalité. Ce qui est nouveau c’est que nous nous trouvons face à une UE ébranlée qui a de l’eau jusqu’au cou en raison de la crise de l’endettement. Pour la première fois, l’Union est poussée dans ses retranchements. La tolérance à l’égard de la voie spéciale empruntée par la Suisse s’est considérablement réduite, la voie bilatérale est devenue plus caillouteuse et plus onéreuse. Nous devrons donc réfléchir à la manière dont nous entendons la poursuivre. Rétablir le respect L’affaire des banques nous a montré que nous serons bien obligés de nous poser des questions fondamentales au sujet des

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relations entre l’Etat et l’économie. L’idée libérale de l’Etat qui prévaut dans l’organisation de l’économie et de l’Etat a permis à notre pays de passer en 160 ans du statut de parent pauvre de l’Europe à celui d’un des Etats les plus riches et les mieux organisés du monde. Mais elle est de plus en plus contournée par de hauts dirigeants et leurs lobbyistes qui ne connaissent pas nos mécanismes politiques ou qui ne s’en soucient guère. Un Etat qui n’est pas traité avec respect ne peut pas fonctionner. Et il n’est pas pris au sérieux à l’étranger. Nous devons faire preuve de fermeté afin de rétablir ce respect. Seules les conditions-cadres doivent toujours et encore relever de la compétence de l’Etat mais l’économie – même internationale – doit les respecter. Alors les Etats partenaires tels que les EtatsUnis, l’Allemagne ou la France, si importants pour nous, nous respecteront à nouveau.

Prendre le leadership Et finalement, le rôle du PDC proprement dit fait l’objet d’importantes réflexions. Nous ne sommes plus le seul Groupe du centre sous la coupole fédérale. Suite à l’arrivée du PVL et du PBD, nous avons de nouveaux coéquipiers. Ce n’est qu’ensemble que nous avons deux conseillères fédérales. Le message est clair: le centre est susceptible de rallier des majorités mais il comporte des courants plus variés que par le passé. Nous devrons y penser lorsque nous fêterons notre 100ème anniversaire dans le courant de l’année. Cela signifie: chercher un dialogue ouvert, factuel avec les nouveaux partenaires du centre, sans songer à des idées de fusion ou de non-fusion. Nous devons rapprocher ceux qui sont faits pour s’entendre. En tant que plus grand et plus ancien parti du centre, c’est à nous de veiller à ce que la véritable majorité pragmatique de notre pays s’impose. C’est la meilleure condition préalable pour faire face aux grands défis de la législature. ■


ProCÉDUres eXtraorDinaires PoUr Les rÉFUgiÉs ÉConomiQUes La situation est tendue dans le domaine de l’asile. Les mutations qui s’opèrent en Afrique du Nord ont notamment contribué à une forte hausse des demandes d’asile. Ce sont essentiellement des jeunes hommes qui s’acheminent vers l’Europe dans l’espoir d’y trouver un travail, un revenu et de meilleures conditions de vie. Comme il s’agit de réfugiés économiques, ils n’ont pas droit à l’asile en Suisse. Pour le PDC, la situation tendue qui prévaut actuellement pourrait être désamorcée dans une large mesure par la mise en place de procédures accélérées en matière d’asile. De plus, il importe de développer des mesures permettant d’améliorer les conditions des réfugiés sur place, afin d’éviter ces flux migratoires. Les demandes déposées par des ressortissants venant d’Afrique du Nord et des Balkans ont contribué à la forte hausse des demandes d’asile au cours de ces derniers mois. Il est clair d’emblée que les requérants en provenance de Tunisie et des Balkans n’ont guère de chance d’obtenir l’asile. C’est pourquoi le PDC demande que les demandes d’asile de pays dont les ressortissants n’ont guère de chance d’obtenir l’asile soient traitées dans le cadre de procédures extraordinaires: ces requérants seront logés séparément des autres réfugiés, leur demande sera traitée dans les 10 jours. Dans le cas d’une décision négative, ces requérants d’asile doivent être renvoyés sans délai dans leur pays d’origine. Les possibilités de recours doivent être réduites de façon importante. Cela permettra de ne pas éveiller de faux espoirs et d’éviter un séjour de plusieurs années en Suisse. Il importe de prendre des décisions rapides et claires, mais équitables.

Le PDC demande en outre de diminuer les possibilités de recours également dans le cadre des procédures ordinaires: en principe les demandes d’asile multiples ne devraient plus être considérées; de plus nous devons resserrer les critères appliqués aux demandes de réexamen et aux demandes de révision.

Harmonisation en matière de politique extérieure Le PDC s’est fixé comme autre priorité la politique extérieure en matière de migration. Nous demandons d’une part une conditionnalité accrue dans le cadre de l’asile et de la coopération en matière de politique de développement ou d’économie. La Suisse ne doit pas accorder de fonds aux pays d’origine de nombreux requérants d’asile, qui refusent fermement de reprendre leurs ressortissants et ne sont pas disposés à conclure un accord de réadmission. D’autre part il y a lieu de renforcer la politique de migration qui implique, entre autres, la conclusion de partenariats migratoires. Ces derniers permettent de regrouper divers domaines d’action, tels que les accords de réadmission, la politique commune en matière de visas et la migration légale pour des motifs professionnels. Sur le fond, la Suisse a besoin d’une orientation stratégique en matière de politique extérieure qui harmonise non seulement les intérêts économiques, sociaux et écologiques, mais aussi ceux qui relèvent de la politique migratoire. Ce n’est que de cette façon que la Suisse va continuer à mener une politique des étrangers crédible. ■ –Gerhard Pfister, Conseiller national et Muriel Haunreiter

Pour en savoir plus sur les mesures que le PDC demande de prendre dans le domaine de l’asile, n’hésitez pas à consulter notre site: www.pdc.ch/themes/positions-du-parti/ La PoLitique 2 Mars 2012

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COLONNE LIBRE

Sur l’inertie spontanée des pouvoirs établis

Les révoltes qui fermentent actuellement du Maroc à la Syrie illustrent une règle fondamentale de tous les pouvoirs: il suffit d’être en place pour bénéficier d’un privilège, à savoir la faculté d’y demeurer indéfiniment et de n’être délogé que par la violence. C’est vrai des dictatures, mais ce n’est pas étranger aux démocraties. Les dictatures bénéficient tout d’abord d’un attirail policier, de la torture dans les commissariats jusqu’à l’internement à vie dans des camps de concentration. Cela permet d’étouffer les voix dissidentes, mais cela ne suffirait pas car les opposants emprisonnés ou tués deviennent des martyrs et suscitent de nouvelles vocations: celui ou celle qui donne sa vie ou sa liberté accrédite les valeurs défendues. Il faut donc un second volet, la propagande, pour faire croire que le pouvoir est à la pointe de l’évolution historique (communisme), à la racine de l’identité nationale (nazisme) ou à la source d’une révélation divine (islamisme). Goebbels était aussi indispensable que Himmler. Dès que la dictature de Moubarak s’effondre, celle des islamistes se met en place. En Iran, le pouvoir autocratique du Shah fut remplacé séance tenante par celui des mollahs.

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Il existe donc un ensemble de préjugés qui constituent le politiquement correct, un ramassis de croyances vagues, inlassablement répétées qu’il est très difficile de réfuter. L’opinion publique a horreur de la nouveauté. Les médias sont rarement tout à fait libres, soit de l’ingérence du pouvoir, soit de l’influence de la finance. Il suffit de dépendre de la publicité pour devoir s’abstenir de certaines révélations. En France, le régime actuel, qui est loin d’être une dictature, n’hésite pas à intimider ou à espionner les journalistes. Rien ne serait donc moins innocent que de contempler les révolutions arabes du haut d’un balcon, en s’imaginant que cette incapacité de construire une démocratie est le propre des pays sous-développés avec tout ce que cet adjectif comporte de méprisant. La Suisse est avec les pays scandinaves une démocratie modèle, mais elle n’est pas pour autant une démocratie parfaite. Il reste des progrès à accomplir pour assurer la transparence des arcanes du pouvoir. Il en restera toujours. La démocratie est un objectif transcendant, pas un oreiller de paresse. –Jacques Neirynck


troP De CostarDs-CraVates… Les femmes occupent une place de plus en plus importante dans l’économie, dans la science et dans la société. Ce sont elles qui prennent 80 pour cent de toutes les décisions d’achats. Les femmes possèdent un quart de la fortune suisse, soit 450 milliards. En 2010, les femmes ont obtenu cinquante pour cent de tous les diplômes universitaires attribués dans le monde. En biologie et en médecine, six étudiants sur dix sont des femmes. Et en 2009, cinq prix Nobel sur douze ont été décernés à des femmes. Néanmoins le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration des vingt plus grandes entreprises de Suisse cotées en bourse n’est que de quatorze pour cent. Cette sous-représentation est absolument disproportionnée par rapport au rôle des femmes sur les plans économique, scientifique et sociétal et elle doit absolument être corrigée.

Importance morale des décisions La crise économique des dernières années n’aurait pas pu mieux démontrer la pertinence morale des décisions prises au sein des conseils d’administration. Elles influencent non seulement l’entreprise même, mais aussi l’ensemble de la société. Pensons simplement au système de rémunération adopté par les conseils d’administration ainsi qu’aux bonus. En admettant que les conseils d’administration prennent aussi des décisions d’ordre moral, j’émets la thèse qu’un nombre plus élevé de femmes devrait être élu aux conseils d’administration parce qu’elles se distinguent des hommes dans leur façon de penser éthico-morale. Je me détache volontairement de l’idée très controversée de l’égalité des sexes et des quotas de femmes qui s’y rapportent, car il existe d’autres raisons plus convaincantes d’augmenter le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration. A ce propos je me réfère à la recherche menée par la professeure américaine de l’Université de Harvard, Carol Gilligan, qui a découvert sur la base de ses études empiriques que les femmes cherchent davantage à résoudre les problèmes d’ordre moral avec des sentiments de compassion, de soutien, d’empathie et d’altruisme, tandis que les hommes tendent plus à fonder leur pensée morale sur les principes de justice, de loyauté, d’autonomie et de rationalité. Carol Gilligan parle d’une approche féminine fondée sur la compassion et d’une approche masculine basée sur l’équité.

Des approches spécifiques En admettant que la manière de penser de l’homme diffère largement de celle de la femme, on peut avancer un argument nouveau relevant de la philosophie morale pour revendiquer une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration. Selon cet argument, une sous-représentation des femmes ne permet pas ou que difficilement de tenir suffisamment compte de leur approche, si importante d’un point de vue éthique. De plus, si l’on part de l’idée que les décisions d’un conseil d’administration devraient reposer sur un processus décisionnel largement étayé et diversifié, il serait souhaitable que les personnes concernées par ces décisions, à savoir les hommes et les femmes à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, soient représentés à parts égales et que leurs pensées et arguments se complètent réciproquement tout au long des débats. Outre la compétence professionnelle incontournable, la compétence sociale émotionnelle propre à la femme serait donc un critère de sélection équivalent et supplémentaire en faveur de l’élection de plus de femmes aux conseils d’administration. Ce serait une manière simple d’accorder à un nombre croissant de femmes presque naturellement et automatiquement l’accès aux conseils d’administration, sans devoir introduire des quotas dans la loi. Cela présuppose toutefois une évolution de la mentalité des conseillers d’administration actuels ainsi que de ceux qu’ils éliront. ■

gabriele m. Paltzer-Lang M.A.E. (Master en Ethique appliquée), à l’Université de Zurich. Le travail de Master, portant le titre «Die Ver­ tretung von Frauen im Verwaltungsrat», peut être commandé auprès de paltzer@sunrise.ch. La PoLitique 2 Mars 2012

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PrintemPs arabe – hiVer isLamiste? Cela avait débuté par des protestations isolées pour s’achever par la chute de plusieurs régimes. Un an plus tard, que reste-t-il du printemps arabe? Interview de Saïda Keller-Messahli, spécialiste de l’islam. Saïda Keller-Messahli, le printemps arabe a débuté en Tunisie, dans votre pays d’origine. Avez-vous été surprise par ce mouvement à la fin de l’année 2010? De retour d’un voyage en Tunisie au printemps 2008, j’étais bouleversée par le climat oppressant qui régnait dans le pays. Pour moi, il était clair que les choses ne pouvaient plus continuer ainsi. De retour en Suisse, j’ai écrit une colonne dans la «NZZ am Sonntag» intitulée «La Tunisie a absolument besoin de conditions démocratiques». A l’époque, rien de cette dépression sociale ne filtrait à l’extérieur mais depuis longtemps on ressentait une énorme inquiétude et un fort mécontentement. C’est pourquoi j’ai été plutôt surprise que les événements auxquels nous avons assistés ne surviennent que trois ans plus tard.

grandes universités du pays durant des semaines. Ils empêchent la tenue de manifestations culturelles et agressent des jeunes femmes qui ne sont pas habillées à la musulmane. Soudain, il y a des écoles où les jeunes filles doivent être entièrement voilées dès l’âge de sept ans. C’est un islam importé des pires régimes et qui n’avait pas cours en Tunisie auparavant.

Quelle est l’ambiance dans le pays actuellement? Aujourd’hui, je n’ai malheureusement pas un très bon sentiment. Lors des premières élections libres de l’automne 2011, le parti islamiste Nahda a été porté au pouvoir. Ce résultat a provoqué un changement fondamental. Il ne règne plus l’ambiance que je connaissais autrefois en Tunisie quand je pouvais traverser mon village habillée à l’occidentale sans que cela ne gène personne. Aujourd’hui, le climat a changé. Il y a comme une menace qui plane dans l’air.

Après la chute de Ben Ali, ils étaient tous surpris par l’importance des moyens financiers dont disposaient les islamistes. Ces derniers achetaient des biens immobiliers dans la capitale, ouvraient des bureaux de vote, collaient un nombre incalculable d’affiches. Aujourd’hui, les islamistes disposent d’un pouvoir effrayant. Le parti islamiste Nahda occupe toutes les fonctions importantes au sein du gouvernement de transition. Le chef du parti, Rachid al-Ghannouchi, qui est revenu de son exil londonien après la chute de Ben Ali, dispose de moyens financiers colossaux grâce à ses liens avec le prédicateur égyptien extrémiste Qaradawi, un multimillionnaire établi au Qatar. Le premier invité que la Tunisie a accueilli le jour du premier anniversaire de la soi-disant révolution fut l’émir du Qatar. Cela en dit très long sur la structure du pouvoir. Des forces importantes qui ont beaucoup d’argent et une grande volonté d’influencer idéologiquement la Tunisie et d’autres pays travaillent en arrière plan. Au fait, le Qatar était aussi impliqué en Libye. En Egypte, on sait que les Frères musulmans obtiennent un soutien financier de l’Arabie saoudite.

Dans ce contexte, est-ce que l’expression «printemps arabe» est encore de mise? Actuellement, on se croirait plutôt en hiver. Il ne reste quasiment plus rien de cette ambiance de printemps. Il est consternant de voir comment les islamistes manipulent par leur action. Avec quelle habileté ils utilisent la situation pour prendre en marche le train du «printemps arabe». Ces dernières semaines, de vifs affrontements, à mettre sur le compte des salafistes, ont eu lieu en Tunisie. Le salafisme est l’une des formes les plus extrêmes de l’interprétation islamique. En Suisse, Nicolas Blancho et Qaasim Illi du Conseil central islamique défendent les mêmes vues. On estime que le noyau dur des salafistes regroupe quelque 200 personnes et qu’ils ont environ 2000 sympathisants. Et pourtant, ce petit groupe parvient à terroriser toute une société. Ils ont occupé l’une des plus 8

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Comment un si petit groupe peut-il avoir autant de pouvoir et d’influence dans un pays? Il est évident que les salafistes sont le bras militaire des partis islamistes. Les islamistes sympathisent ouvertement avec eux, se font prendre en photo à leur côté. Dans le même temps, ils restent à l’arrière plan et laissent les salafistes faire le sale travail.

Vous dressez un sombre tableau de la situation actuelle. Avez-vous quand même relevé une amélioration depuis le départ de Ben Ali? Le point positif est qu’aujourd’hui les gens n’ont plus peur et ceci malgré la situation délicate avec les salafistes et les isla-


Photo: Manfred Schade

mistes. C’est le principal acquis, ils osent dire ce qu’ils pensent. Je me souviens que récemment encore ma mère ne parlait pas de politique en public. Cela a changé aujourd’hui, ce qui est salutaire pour la population. C’est la première expérience de ce genre. Mais il ne faut pas oublier que la situation actuelle est provisoire. La Tunisie n’a qu’un gouvernement de transition et sa constitution est en cours d’élaboration. Le parti Nahda au pouvoir essaie d’exercer une influence massive et souhaite par exemple que le premier article de la constitution stipule que la Tunisie est un pays islamique. Les forces modernistes s’y opposent. Elles ne veulent pas une constitution faite sur mesure pour un islam des islamistes. Pourquoi autant de Tunisiennes et Tunisiens ont-ils voté pour les islamistes lors des premières élections libres? Les islamistes ont certainement fait de grandes promesses avant les élections. Pour moi, il ne fait aucun doute que les élections furent faussées. Même si les observateurs internationaux disent qu’elles se sont déroulées de façon correcte. Il y a tout simplement trop d’indices qui laissent supposer le contraire. En Tunisie, on parle aussi très ouvertement de manipulations électorales. De nombreuses voix ont été probablement achetées. Sur Facebook, on trouve différentes vidéos de personnes affirmant que le parti Nadha leur a offert de l’argent pour obtenir leur voix. Un jeu facile auprès des plus pauvres d’entre les pauvres.

L’être humain veut avant tout pouvoir se nourrir et nourrir ses enfants… Par ailleurs, on sait aujourd’hui que seulement un électeur sur cinq a voté pour les islamistes, soit 20 pour cent de tout l’électorat. Les islamistes étaient interdits sous les deux régimes précédents, sous Bourguiba et Ben Ali; ils étaient écroués et torturés. Ceci étant, ils étaient contraints à l’exil ou à la clandestinité. Cette expérience leur a appris à s’organiser et ils ont pu en profiter largement par la suite. Dès le début, les islamistes étaient très bien structurés et, après le renversement du régime en place, ils ont rapidement pu trouver leurs marques. Comme ils avaient été harcelés sous les deux régimes précédents, ils ont bénéficié en quelque sorte d’un bonus auprès du peuple. Après le renversement du pouvoir, ils ont su habilement tirer profit de leur rôle de victime. De nombreux gens simples – le parti Nahda a été avant tout plébiscité à la campagne – avaient le sentiment que ceux qui s’en référaient autant à Dieu ne pouvaient rien avoir de mal en tête. Là, le faible niveau de formation dans les campagnes a joué un rôle important car moins on est formé, plus on se laisse facilement manipuler. Est-ce que les leaders de la révolution ont sous-estimé les islamistes avant les élections? Il n’y a aucun leader de la révolution. Personne. Toute la révoLa PoLitique 2 Mars 2012

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lution est survenue tout à fait spontanément. Il n’y avait personne à la tête des masses populaires. C’était aussi la force de cette révolution. Et en même temps sa faiblesse si on examine la situation de façon rétrospective car on peut regretter qu’aucune organisation, qu’aucune personnalité n’ait été là pour unir toutes ces forces. Le gouvernement de transition devrait remettre le pouvoir à un gouvernement définitif après les élections, en automne 2012. A votre avis, est-ce que la Tunisie va réussir à faire le saut vers une véritable démocratie? Non, il n’y aura pas de démocratie dans ce pays de sitôt. Les Tunisiens en sont bien conscients. D’ailleurs, il n’est vraiment

pas certain que le gouvernement provisoire quitte le pouvoir. Cette question fait l’objet de nombreux débats de haut niveau entre mes compatriotes sur Facebook. La démocratie ne signifie pas uniquement d’avoir des élections libres, un parlement et un président. Il s’agit d’un long processus qu’un peuple doit apprendre au cours de plusieurs décennies. Il doit être ancré dans chaque citoyen. Outre les connaissances théoriques, il faut avant tout une expérience pratique. La vraie démocratie se construit au quotidien et dans la cohabitation. Elle implique un débat continu entre les gens et l’abandon du culte de la personne. C’est là que débute la démocratie. Elle requiert par exemple d’accepter une opinion contraire et de respecter ses adversaires. C’est le genre de travail qui doit se faire dans les esprits. Le citoyen tunisien est comme un enfant qui apprend à marcher. Pendant des décennies on lui a dit ce qu’il devait penser. Et ce n’est qu’aujourd’hui qu’il fait ses propres expériences et réalise que les gens peuvent avoir des avis divergents. Et que c’est à lui-même qu’il revient d’être un citoyen. ■ –Interview: Lilly Toriola

saïda Keller-messahli est originaire de Tunisie, elle a étudié la philo­ sophie à l’Université de Zurich et elle préside le Forum suisse pour un islam progressiste. Cette professeur de gymnase est mère de deux enfants adultes. Sur mandat du Département des affaires étrangères, Saïda Keller­Messahli a été à deux reprises à Hebron en tant qu’obser­ vatrice. Son livre «Muslime in Europa – Ein Plädoyer für einen fort­ schrittlichen Islam» publié par Orell­Füssli paraîtra en juin. 10

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carTe blaNche

Banque privée et autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération Après des années de débats parlementaires, le Parlement a décidé que la surveillance sur le procureur général de la Confédération et ses deux procureurs généraux suppléants serait exercée par une autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (ci-après MPC) indépendante, élue par l’Assemblée fédérale. Cette institution est composée de sept membres, parmi lesquels trois spécialistes qui n’appartiennent pas à un tribunal fédéral et qui ne sont pas inscrits dans un registre cantonal des avocats. Lors de la session d’automne 2010, la Commission judiciaire a notamment proposé la candidature de M. David Zollinger, associé à responsabilité limitée de la banque privée Wegelin & Co., responsable des nouveaux marchés au sein de cet établissement bancaire, en tant que membre de l’autorité de surveillance du MPC. Des parlementaires de différents partis se sont opposés à cette proposition et ont présenté en lieu et place la candidature d’un professeur de droit constitutionnel, qui n’était malheureusement affilié à aucun parti…

En effet, comme le rappelait le conseiller aux Etats Dick Marty à la tribune, l’indépendance est constituée de deux aspects fondamentaux: d’une part, l’indépendance personnelle, que chacun a ou n’a pas; d’autre part, l’apparence d’indépendance qui doit être donnée vis-à-vis de l’extérieur. Or, un banquier en exercice, avec des compétences opérationnelles, ne pouvait pas donner cette image d’indépendance et d’impartialité à l’égard de l’opinion publique, en particulier à l’étranger. Et ce même si son intégrité et son indépendance personnelle n’étaient en soi pas contestées! (Cf. Bulletin officiel, 29.09.10, 10.208) Cet argument, essentiel, n’a pas ébranlé la majorité du Parlement, qui a élu M. Zollinger. Depuis lors, la banque privée Wegelin & Co., qui fait l’objet de poursuites aux Etats-Unis, a transféré ses activités non américaines à Raiffeisen… Alors que la Suisse fait l’objet d’énormes pressions de la part des Etats-Unis dans le domaine fiscal, je comprends mal que M. Zollinger fasse encore partie de l’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération et n’ait pas jugé bon de démissionner! –Anne Seydoux-Christe

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Stefan C. Wolter

La Formation ProFessionneLLe PrÉPare-t-eLLe à toUte Une Vie?

éléga­ Pendant que les d éf ilent tions ét ra ngères d ou r dans notre pays p de for­ étudier le système nel le mat ion profession dans suisse, on d iscute le tau x notre pays du fa ib se de maturité et on at ion demande si la form ’est en de cu lture général rofit pas nég ligée au p rofes­ d’u ne format ion p ent sionnel le injustem privi lég iée.

Il est vrai que l’intérêt que les pays étrangers portent à notre formation professionnelle est motivé par des problèmes à court terme tels qu’un taux de chômage des jeunes élevé et la capacité de financer une formation de culture générale coûteuse. L’intérêt des pays étrangers n’en dit donc pas long sur la question de savoir si, dans vingt à trente ans, la formation professionnelle sera la bonne solution pour notre économie et notre société. La question que se posent les sceptiques suisses ou étrangers est la suivante: est-ce que la formation professionnelle prépare suffisamment la jeunesse à un avenir, dans lequel le changement sera la seule constante et le métier appris ne sera que rarement celui exercé jusqu’à l’âge de la retraite?

Formation et formation professionnelle La réponse à cette question est clairement oui, mais deux malentendus largement répandus déforment souvent la perception de cette réalité. Premièrement, il n’existe aucune formation qui ne devrait préparer dans une certaine mesure à 12

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l’exercice d’une profession. Dans le cadre d’un apprentissage classique, cette préparation a lieu un peu plus tôt que dans celui d’une formation de culture générale. C’est au plus tard à l’université que l’on apprend un métier. De nombreuses personnes ne sont pas conscientes du fait que la formation académique est une formation professionnelle et que les universités ont toujours été des hautes écoles professionnelles. D’abord elles étaient destinées à la formation des prêtres, des juristes et des médecins, puis à celle des physiciens, des chimistes et des économistes. Ce n’est pas parce que leurs études ne les ont pas préparés à exercer le métier d’historien, de germaniste ou d’ethnologue que la plupart des diplômés en sciences humaines ne travaillent pas dans le métier appris. Rares sont les étudiants qui choisissent ces disciplines juste pour le plaisir, sans garder l’espoir d’en faire leur profession. Quelle historienne de l’art, quel sociologue n’a pas rêvé travailler plus tard dans son domaine?

Université ou apprentissage Peut-on affirmer d’office que la voie académique prépare mieux la jeunesse aux changements de demain compte tenu du nombre élevé d’universitaires qui sont contraints à changer de métier dès le début de leur vie active? Non, on ne peut pas tirer une telle conclusion, même pas pour celles et ceux qui ont la chance d’exercer pendant les dix premières années de leur carrière professionnelle le métier qu’ils ont appris. Aucune étude scientifique ne montre qu’un médecin ou un pasteur maîtriserait mieux une réorientation professionnelle imposée qu’un polymécanicien ou un boulanger. On objectera à ce propos que le risque de connaître le chômage, d’être exclu de la vie active ou d’avoir un revenu plus bas est supérieur chez les universitaires que chez les anciens apprentis, ce qui m’amène au deuxième malentendu. Ces comparaisons ne seraient défavorables à la formation professionnelle que si les jeunes en formation professionnelle et les étudiants en culture générale avaient les mêmes compétences et si la durée globale de leurs filières de formation respectives était la même. L’importance de la durée de la formation par rapport à


Il Y a 50 aNs …

celle du type de formation se justifie par le fait que, d’un point de vue économique, les diplômés des écoles professionnelles supérieures ou des hautes écoles spécialisées ont les mêmes chances de trouver un emploi que les diplômés académiques. Néanmoins, pour les apprentis en formation professionnelle la probabilité d’obtenir un diplôme tertiaire est moindre que pour les lycéens. Or, qui oserait prétendre que les apprentis auraient probablement fait des études supérieures s’ils avaient fréquenté un lycée et qu’inversement les lycéens auraient vraisemblablement renoncé aux études s’ils avaient fait un apprentissage? Les observations faites à l’étranger montrent clairement que la possibilité de choisir à la fin de la scolarité obligatoire le type de formation qui correspond le mieux aux forces et aux compétences des élèves permet d’éviter que ceux-ci ne renoncent à toute formation post-obligatoire sans laquelle ils n’ont pas les bases pour suivre une formation continue tertiaire. Les systèmes éducatifs de type «bons pour tout le monde», adoptés surtout dans les pays anglo-saxons et latins, évitent peut-être aux jeunes de devoir choisir un métier prématurément. Mais le prix à payer est que le taux d’abandon des études après la scolarité obligatoire est élevé tout comme la frustration d’un trop grand nombre d’étudiants qui constatent à vingt-cinq ans que l’illusion (nourrie par le système éducatif) d’exercer un métier idéalisé s’évanouit face à la réalité du marché du travail.

Talent et motivation En raison de sa politique de l’éducation, la Suisse se trouve aujourd’hui dans une situation gagnant-gagnant qu’elle ne devrait pas abandonner, à moins d’y être contrainte. Grâce à des conditions d’accès à la filière gymnasiale exigeantes, notre pays assure aux universités un taux de personnel d’encadrement ainsi que des conditions financières de travail leur permettant de se positionner en tête de classement à l’échelle mondiale. Elles sont ainsi en mesure d’offrir à leurs étudiants une formation qui leur ouvre d’excellentes perspectives sur le marché du travail. Par ailleurs, la Suisse propose comme alternative à tous les jeunes une formation professionnelle, qui offre toutes les options, y compris la formation académique (passerelle Dubs), grâce à la perméabilité complète qui distingue notre système éducatif depuis les années nonante.

Le 1er avril 1962, l’initiative populaire «pour l’interdiction des armes atomiques» était soumise au verdict des citoyens (les citoyennes n’avaient pas encore le droit de vote!). Cette initiative demandait d’interdire, au niveau fédéral, la fabrication, l’importation, le transit, l’entrepôt et l’emploi d’armes nucléaires. Alors que le gouvernement n’avait nullement l’intention d’acquérir de telles armes et qu’il déclarait être conscient du danger que constituerait le déclenchement d’une guerre atomique pour l’humanité, il avait recommandé le rejet de l’initiative. Le peuple et les cantons ont suivi son avis puisque cet objet a été refusé par plus de 65 pour cent des citoyens suisses et par 15 cantons et 6 demi-cantons. Le Tessin, Vaud, Neuchâtel et Genève avait soutenu l’initiative. (ym)

En Suisse, peu importe de savoir s’il vaut mieux commencer une filière professionnelle ou une formation de culture générale après la scolarité obligatoire pour se préparer à la vie active. Seules nos compétences et nos motivations nous permettent de faire face aux changements et aux chances que l’avenir nous réservera. ■ stefan C. Wolter est professeur en économie de l’éducation à l’Uni­ versité de Berne et directeur du Centre suisse de coordination pour la recherche en matière d’éducation (CSRE) à Aarau. La PoLitique 2 Mars 2012

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Jacques Neirynck, Conseiller national

noUVeLLe PoLitiQUe De L’Énergie:

ÉConomie et aUtonomie

Le 28 septembre 2011, le Conseil des Etats a ratifié par 30 voix contre 8 la motion d’un Conseiller national PDC, Roberto Schmidt, demandant la sortie du nucléaire, c’est-à-dire l’abandon du projet de construction de nouvelles centrales, déjà approuvée par le Conseil national dès le 8 juin par deux tiers des voix. Le PDC a fait pencher la balance dans les deux Chambres. Depuis le 23 octobre, le Parlement a été renouvelé et doit maintenant élaborer une loi d’application. Sortir du nucléaire, oui bien sûr, mais comment? C’est la Conseillère fédérale PDC Doris Leuthard qui doit gérer cette situation dans son département DETEC. 14

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Hausse de la consommation d’électricité Dans l’alimentation en énergie primaire de la Suisse, les produits pétroliers et le gaz naturel tiennent la part majeure soit 66.9%. Quant à la puissance électrique, elle est fournie à 56.5% par les centrales hydrauliques, à 38,1% par les centrales nucléaires et le reste par des combustibles fossiles. Or la consommation d’électricité va continuer à croître parce qu’elle se substituera aux produits pétroliers. Comment l’assurer une fois les centrales nucléaires arrêtées vers 2030? La tentation est grande de proposer la construction de centrales au gaz à titre de mesure transitoire, quitte à compenser la production de CO2 en achetant des droits de polluer sur le marché international. Autonomie énergétique de la Suisse Mais ce serait reculer pour être obligé de sauter plus haut encore vers 2050, lorsque toutes les ressources non renouvelables, du pétrole à l’uranium, se seront raréfiées et renchéries. Le véritable problème est le poids de la facture énergétique dans le bilan des importations de la Suisse. Le véritable objectif est de rendre à terme le pays autonome. Il faut pour cela combiner deux manœuvres dont aucune ne fait sens isolément: économiser, c’est-à-dire cesser de gaspiller de l’énergie, et collecter l’énergie indigène. D’une part mieux isoler les maisons, remplacer l’usage obligé de la voiture par une offre améliorée de transports publics, tenir compte de l’énergie grise dans les produits de consommation courante, interdire la vente de matériel électrique à faible rendement. D’autre part exploiter systématiquement toutes les ressources locales: photovoltaïque, éoliennes, géothermie, pompes à chaleur, bois. Equilibre du compte énergétique Autonomie ne veut pas dire autarcie. La Suisse n’est pas obligée de produire toute l’énergie qu’elle consomme. Elle doit jouer sa carte de château d’eau de l’Europe, idéalement située pour stocker l’énergie dans des cycles de pompage-turbinage vers les barrages de haute montagne. L’énergie éolienne de la mer du Nord et celle des centrales solaires thermiques du Maghreb ne sont pas produites en fonction de la demande et l’électricité ne se conserve pas. Il faut à tout moment couvrir les exigences du réseau. Dès lors, on stocke de l’eau en montagne lors d’un excès de vent ou de soleil et on la turbine lors des pointes de la demande en la vendant bien plus cher qu’on ne l’a achetée. Le but de la Suisse est d’équilibrer son compte énergétique et elle est en excellente position pour le faire. Encore faut-il disposer d’un réseau de transport qui supporte ces

afflux momentanés de courant. Le problème immédiat de la Suisse est d’étudier et d’investir dans un tel réseau pour que les flux d’électricité européenne transitent par notre territoire.

Blocage à dépasser Jusqu’à Fukushima, la ritournelle du politiquement correct helvétique consistait à seriner: «il est impossible de se passer du nucléaire». A force de répétitions, cette phrase vide de sens finissait par s’imposer. Il n’y aurait pas eu de partis verts, si cette ânerie n’avait pas été acceptée par le plus grand nombre. Le jour où le PDC aura démontré qu’il est possible de dépasser ce blocage, il aura rendu un service signalé au pays et accru sa crédibilité. ■

Dictionnaire du représentant du peuple Palais n.m. somptueuse résidence d’un roi, d’un chef d’Etat ou d’un personnage de marque ou vaste édifice public destiné à un usage d’intérêt public, exemples Palais de justice, Palais des sports, Palais des expositions ou encore le Palais fédéral. Coiffé d’un imposant dôme vert, le Palais fédéral abrite le Parlement helvétique. C’est aussi en ses murs que se tiennent la plupart des séances des commissions ainsi que les séances des groupes parlementaires. Une partie de l’administration fédérale est également installée dans les ailes du Palais. Et comme dans tous les palais, il y a des codes d’habillement à respecter: port de la cravate pas obli­ gatoire mais bien vu, jeans à déconseil­ ler, shorts à éviter impérativement, moonboots à enlever absolument avant de franchir la porte d’entrée, minijupes à porter avec modération, chemises ha­ waïennes très peu appréciées, etc… (ym)

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Stefan Müller-Altermatt Est-ce que le fait d’être jeune est un programme? Etre jeune n’est pas un programme car parmi les jeunes politiciens on trouve le même spectre que parmi les collègues plus confirmés. Mais tous les jeunes ont un point commun: nous avons d’autres perspectives. Nous avons de jeunes familles, sommes encore en pleine phase de développe­ ment professionnel et, outre la génération qui nous suit, nous avons plu­ sieurs générations qui nous précèdent. Personnellement, cela me pousse à m’engager pour la durabilité et à intégrer des réflexions à long terme dans la politique. Quatre jeunes hommes ont obtenu un siège au Conseil national. Où sont les femmes? Avec une pointe d’ironie je vous répondrais qu’elles sont soient à la gymnas­ tique prénatale, soit à une séance de direction. La conciliation de la famille et de la profession a été améliorée au cours de ces dernières années. Et l’on ne peut que s’en réjouir. Mais de nombreuses jeunes femmes ne disposent tout simplement pas du temps nécessaire pour mener une activité politique ou (ce qui est tout à fait compréhensible) n’en font pas une priorité. Je peux aussi vous citer mon exemple personnel: j’ai 35 ans, quatre enfants, et suis conseiller national. Je doute que j’aurais eu le même parcours – ou que je l’aurais souhaité – en tant femme.

Jeunes, po dynam

Suite aux élections fédérale 2011, quatre j de 36 ans siègent au Parlement fédéral: Ma Marco Romano et Yannick Buttet.

La politique mise sur un rajeunissement. Comment allez-vous concrétiser les espoirs que le PDC place en vous? En ayant le courage de faire valoir les perspectives des jeunes. Mais pas en criant plus fort que les autres, ni en me prosternant devant les anciens mais avec des arguments bien réfléchis qui seront présentés avec l’insouciance de la jeunesse.

Yannick Buttet Est-ce que le fait d’être jeune est un programme? Evidemment non. Le meilleur programme est de défendre nos valeurs et de maintenir une ligne politique claire, proche des gens, responsable et soli­ daire. Toutefois, «être jeune» en politique permet d’apporter une certaine fraîcheur et de mettre en valeur le côté dynamique du PDC. Par ailleurs, chaque génération éprouve une sensibilité différente et j’ai l’impression qu’avec les nouveaux élus, le ton a changé et que les messages sont plus directs, moins politiquement corrects. Quatre jeunes hommes ont obtenu un siège au Conseil national. Où sont les femmes? Au Conseil fédéral! Elles ont pris plus vite du galon que nous autres… Plus sérieusement, le groupe PDC possède une représentation féminine compé­ tente et appréciée aux Chambres et au Conseil fédéral dont il peut être fier. Malgré cela les jeunes femmes se heurtent encore et toujours à la réalité familiale. En effet, si le partage des tâches s’est nettement amélioré, ce sont encore les femmes qui portent les enfants et en restent très proches au moins durant les premières années de la vie. Cela pousse certaines d’entre elles à remettre leur engagement politique à plus tard ou à y renoncer. La politique mise sur un rajeunissement. Comment allez-vous concrétiser les espoirs que le PDC place en vous? En restant moi­même. C’est­à­dire en défendant mes valeurs avec convic­ tion et fermeté dans le respect de celles et ceux qui pensent différemment. Au final, comme dans tous les domaines, seuls l’engagement et le travail permettent d’obtenir des résultats!

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Stefan Müller-Altermatt Yannick Buttet Conseiller national Conseiller national *1976 *1977


olitiques, miques

eunes démocrates-chrétiens de moins artin Candinas, Stefan Müller-Altermatt,

Martin Candinas Est-ce que le fait d’être jeune est un programme? Non, vraiment pas. En tant que président des JDC Surselva, ma devise a tou­ jours été qu’un parti de jeunes doit se sentir libre de faire ce qu’il veut et agir sans concession. C’est ce que nous avons fait en étant visionnaires et en osant prendre des risques. Nous ne remettions pas toujours en question ce que nous voulions réaliser. Nous agissions. C’est ainsi que notre parti s’est fait connaître et a remporté des succès. Je suis convaincu que c’est aussi ce que l’on attend des jeunes politiciens. Mais nous n’avons pas vraiment droit à l’erreur. Pour qu’un jeune politicien soit pris au sérieux, il faut que ses idées reposent sur du contenu et de l’engagement. Si tel est le cas, un jeune a de bonnes chances de réussir. Notre population veut un rajeunissement de la po­ litique. Mais, le bonus jeune ne permet pas à lui seul d’être élu. Au mieux, il peut aider à faire pencher la balance. Quatre jeunes hommes ont obtenu un siège au Conseil national. Où sont les femmes? Je pense que le fait que quatre jeunes hommes PDC aient été élus est plutôt dû au hasard. Nous avions aussi des candidates très compétentes. Mais c’est un fait que moins de femmes ont accepté de se porter candidates. Aussi loin que je m’en souvienne, nous avons toujours eu de la peine dans les Grisons à trou­ ver des candidates tant dans les rangs des JDC que du PDC. A titre personnel, j’ai toujours essayé de promouvoir les femmes. C’est Tanja Bundi qui m’a suc­ cédé à la présidence des jeunes PDC Surselva et par la suite elle a été nommée secrétaire des JDC suisses. Je crois que ce qui vaut pour les jeunes vaut égale­ ment pour les femmes: à lui seul le bonus femme ne permet pas d’être élue. La politique mise sur un rajeunissement. Comment allez-vous concrétiser les espoirs que le PDC place en vous? Je suis convaincu d’appartenir au meilleur parti de Suisse. Depuis l’âge de 18 ans, je m’engage pour ce parti au sein des JDC des Grisons puis en tant que président des JDC Surselva et membre du comité des JDC suisses. A 26 ans, j’ai été le plus jeune député élu au Grand Conseil de mon canton. Et au­ jourd’hui, à 31 ans, je suis le plus jeune conseiller national grison depuis des décennies. Le PDC est un parti ouvert, axé sur les solutions et raisonnable qui encourage les jeunes. C’est ce que je veux montrer à la jeune génération de ce pays par mon engagement politique.

Marco Romano Essere giovani è un programma? Assolutamente no. Essere giovani è una fase della vita che purtroppo, a detta di chi ci è passato, dura (troppo) poco. Poter a trent’anni muoversi attiva­ mente nella politica federale, oltre che un onere, è un’esperienza arricchente e stimolante. Credo che i giovani parlamentari debbano incitare il dialogo tra le generazioni. Vogliamo costruire insieme a tutto il parlamento la Svizze­ ra di domani, gestendo al meglio quanto ci ha dato chi ci ha preceduto.

Marco Romano Conseiller national *1982

Martin Candinas Conseiller national *1980

Quattro giovani uomini sono riusciti ad affermarsi sulle proprie liste. Dove sono le giovani donne? Le giovani donne PPD ci sono e sono donne di grandissima qualità. Senza citare singoli personaggi, noto che si tratta di persone vincenti con grande carisma. Guardando alle prossime elezioni federali posso sin d’ora affermare: «vi aspetto tra i banchi del Consiglio nazionale, contate sul mio appoggio nella vostra campagna elettorale!». Non dimentichiamo poi il grande lavoro che svolgono queste giovani donne nelle loro sezioni cantonali e comunali. Ad ogni livello hanno assunto ruoli di responsabilità e svolgono il loro mandato con grande passione. Se l’esempio è la nostra Consigliera federale Doris, il futuro prossimo sarà ancora rosa… Nella politica nazionale e cantonale è in atto un ringiovanimento. Come pensa di rispondere alle aspettative che il PPD ripone in lei? La politica, come ogni ambito della società, deve mirare alla rappresentanza di tutte le realtà. Personalmente cercherò di svolgere al meglio il mio manda­ to, carpendo esperienza e consigli dai politici piú navigati e portando il mio personale contributo. Il lavoro di squadra permetterà di far crescere il PPD e le sue giovani leve. La PoLitique 2 Mars 2012

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Pascal Gentinetta, Président de la direction d’economiesuisse

Des ConDitions-CaDres LibÉraLes assUrent Des emPLois et La ProsPÉritÉ

Le franc fort et la crise de l’endettement en Europe pèsent sur l’économie suisse. Que peut faire la politique économique afin de préserver la compétitivité? Elle doit renforcer l’économie de marché en procédant à un nettoyage de printemps. La crise de l’endettement au sein de l’UE tient également en haleine la Suisse. Dès 2009, economiesuisse a évoqué cette problématique dans une publication «Hausse de l’endettement: un défi pour l’après-crise». Rappelons-nous: les graves turbulences qui secouaient alors les marchés financiers ont incité les États à adopter des trains de mesures conjoncturelles et d’autres visant à soutenir l’économie d’une ampleur sans précédent et donc à intervenir dans l’économie. Avec les engagements pris, l’endettement public de nombreux États de l’OCDE a atteint un niveau record. L’augmentation massive des dettes publiques a pris de court de nombreux pays qui, déjà avant la crise, menaient une politique financière ne pouvant pas être qualifiée de structurellement durable. Les conséquences étaient malheureusement totalement prévisibles. La crise de l’endettement a touché particulièrement durement la zone euro. Sachant que l’UE est notre principal partenaire économique, la Suisse a tout intérêt à ce que l’UE mette un terme à ses déséquilibres budgétaires structurels majeurs. On en est encore loin.

La Suisse doit s’accommoder de violentes tempêtes La Suisse est en bonne posture. En matière de compétitivité et de capacité d’innovation, elle figure en position de pointe dans les classements internationaux. Mais le «navire Suisse» a beau être solide, en tant que petite économie ouverte, il navigue 18

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constamment dans les eaux internationales et est de ce fait exposé à de violentes tempêtes. Notre pays est directement affecté par les problèmes en Europe, puisqu’il gagne plus d’un franc sur deux à l’étranger. Il va de soi que la crise ne sera pas sans conséquences pour la Suisse, dans la mesure où elle entretient des liens économiques étroits avec l’Europe. Les conséquences sur la politique monétaire, dans le contexte du franc fort, nous préoccupent depuis quelques mois déjà et il en restera ainsi à moyen terme. À cet égard, l’indépendance de la Banque nationale pour les questions de politique monétaire est essentielle, on ne saurait le souligner avec suffisamment de force. Seule une institution indépendante de l’appareil politique possède la réputation nécessaire et est en mesure de soutenir l’économie suisse dans la situation actuelle, sans causer de dommages importants à long terme. Les conséquences sur les relations bilatérales entre la Suisse et l’UE sont difficiles à évaluer. À l’heure actuelle, l’UE a passablement de questions à régler à l’interne. Une centralisation supplémentaire est possible au sein de l’Union européenne, ce qui ne simplifierait pas les négociations à venir. L’UE pourrait en particulier maintenir la pression sur la Suisse dans le domaine fiscal. Pour l’économie suisse, la situation est claire: à l’avenir aussi elle s’engagera en faveur du développement de la voie bilatérale, également dans des conditions moins favorables, mais seulement si cela est dans l’intérêt mutuel et pas à n’importe quel prix.

Un nettoyage de printemps s’impose L’économie suisse doit s’affirmer dans un contexte économique qui reste difficile à l’échelle mondiale. La politique est donc appelée à améliorer les conditions-cadre de la place économique suisse et à préserver sa compétitivité. En ce qui concerne la nouvelle législature, il faut espérer que le Parlement procédera à un nettoyage de printemps, en l’occurrence qu’il réduira les démarches administratives et la densité réglementaire, gardera ouvertes les fenêtres vers l’étranger et conquerra de nouveaux marchés, poursuivra la voie bilatérale avec l’UE, maintiendra l’équilibre budgétaire et donc une fiscalité avantageuse. Enfin, il convient d’accorder une attention particulière à un approvisionnement énergétique sûr. La société du réseau suisse

Swissgrid se dit préoccupée par la garantie de l’approvisionnement électrique pendant un hiver rigoureux: en cas d’événements imprévus, tels que pluies glaçantes ou fortes fluctuations des injections de courant du parc éolien dans le nord de l’Allemagne, une rupture de l’approvisionnement électrique à large échelle n’est plus exclue. Cela nuirait fortement à l’économie et à la population. Fort heureusement, la Suisse peut encore compter sur ses ressources hydrauliques et ses centrales nucléaires pour produire de l’électricité. Il importe d’établir des conditionscadres claires permettant de réaliser les investissements qui s’imposent d’urgence dans les réseaux de transport et dans de nouvelles centrales électriques. Chaque jour que nous laissons passer sans rien faire nous rapproche de coupures de courant. ■

Grincheux J’étais persuadé que les Suisses étaient les rois du travail jusqu’à ce que paraisse une statistique qui a fait s’écrouler toutes mes certitudes dans ce domaine. Eh oui, nous n’occupons que la 10 ème place du classement des 27 pays européens avec 1931 heures de travail pour l’année 2010, soit légèrement plus que les Allemands (1904) et les Italiens (1813). Mais qui peut bien travailler plus que nous? Qui l’eut cru, ce sont les Roumains qui sont les plus assidus avec 2095 heures de travail, suivis des Hongrois (1983) et des Bulgares (1976). Quant aux Français, ils figurent à l’avant dernier rang avec 1679 heures, juste devant les Finlandais bons derniers avec une durée effective de travail de 1670 heures. La PoLitique 2 Mars 2012

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Divorcer en raison de la pénalisation du mariage

Walter Schwager-Bühler, durant votre longue activité à la tête d’un établissement médicalisé pour personnes âgées, vous avez souvent conseillé des couples mariés de retraités et préretraités en matière de budget. Quelles ont été vos expériences? «L’argent n’est tout simplement pas suffisant», tels sont les propos que j’entends fréquemment au début d’un entretien. Il est vrai qu’avec l’âge certains couples se trouvent confrontés à de réels problèmes financiers. La plupart de ces gens ont exercé une profession manuelle, une activité dans le domaine alimentaire ou dans la vente. Il s’agit le plus souvent de femmes qui ont travaillé pendant presque toute leur vie, mais seulement à temps partiel. A votre avis, pourquoi les couples de retraités ont-ils des soucis financiers? La majorité de ces gens ne disposent d’aucun voire que d’un très faible deuxième pilier, puisque celui-ci n’a été introduit qu’en 1985. De plus, à l’époque, lorsqu’un employé changeait d’emploi, il perdait le montant versé par son employeur dans la caisse de pension. Ainsi, chaque changement d’emploi entraînait une réduction de ses avoirs de vieillesse. Par ailleurs, certains employeurs font en sorte que les salaires de leurs employés soient assez bas pour ne pas être soumis à la LPP. Cela concerne en premier lieu les employés à temps partiel.

prestations complémentaires. Parfois ils y ont renoncé parce qu’une telle demande revêt une connotation péjorative et qu’ils ne veulent pas être des assistés. Connaissez-vous des couples mariés qui ont divorcé pour ne pas être pénalisés à l’âge de la retraite? Oui, dans notre village il y a deux exemples: un ancien maître d’école secondaire et son épouse, de même qu’un couple qui a émigré à Bali. L’enseignant secondaire a loué un appartement pour éviter d’avoir la même adresse que sa femme. Mais ils ont continué à passer leur temps libre ensemble comme auparavant. Le couple qui a émigré à Bali a même affirmé publiquement la raison de sa séparation. Comme Bali est très éloigné de notre pays, ils étaient convaincus de ne jamais avoir de contrôle. Quelles étaient les réactions dans le village? Dans le village ces séparations n’ont pas été vues d’un bon œil. A aucun moment je n’ai entendu quelqu’un dire: «Ils ont pris la bonne décision, ils ont été malins!» Un employé de la caisse de compensation communale m’a confirmé avoir également connaissance de séparations fondées sur des réflexions d’ordre financier. Il suppose qu’elles sont même plus fréquentes dans les zones urbaines que dans les régions rurales. Le contrôle social semble produire plus d’effet à la campagne qu’en ville. On le fait, mais on n’en parle pas. On a honte.

A l’heure actuelle, les couples mariés de retraités sont en plus défavorisés, parce qu’ils ne perçoivent qu’une rente AVS plafonnée à 150 pour cent. Les retraités vivant en concubinage ou selon un autre mode de vie, reçoivent une rente AVS de 200 pour cent. Pour les couples mariés, ce désavantage est considérable et tout à fait injuste.

–Interview: Simone Hähni et Barbara Christen

Quels conseils donnez-vous aux couples mariés? Jamais je ne leur dis «séparez-vous» ou «divorcez». J’expose aux intéressés le problème du plafonnement, en précisant combien d’argent supplémentaire ils pourraient recevoir par mois. Les couples mariés ont souvent décidé de demander des

Walter schwager-bühler (71), qui a travaillé pendant plus de 25 ans en qualité de directeur d’un établissement médicalisé pour personnes âgées, a établi des centaines de budgets privés tout au long de ces années et il continue encore à prodiguer ses conseils.

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Est-ce que la situation des couples mariés retraités va s’améliorer à l’avenir? Si la loi reste inchangée, la pénalisation du mariage perdurera également dans le futur. ■


Signez sans attendre

l’initiative «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage» pour mettre enfin un terme à la discrimination des couples mariés retraités.

L’initiative du PDC «Pour le couple et la famille – non à la pénalisation du mariage» vise à supprimer de manière conséquente la pénalisation du mariage par rapport aux autres modes de vie et confie une mission claire au législateur: les couples mariés ne doivent plus être pénalisés par rapport aux personnes vivant en concubinage. tous les couples mariés profitent de cette initiative: les ménages à un seul revenu, ceux à deux revenus, les couples dont l’un des deux partenaires travaille à temps partiel et en particulier les couples à la retraite. Ces derniers ne seront plus défavorisés par rapport aux rentiers aVs vivant en concubinage. Pour de plus amples informations sur l’initiative «Pour le couple et la famille – non à la pénalisation du mariage» ainsi que sur la deuxième initiative du PDC «aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l’impôt» veuillez consulter la page:

www.initiativesfamilles-pdc.ch La PoLitique 2 Mars 2012

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Elisabeth Schneider-Schneiter, Conseillère nationale

Dans le cadre des mesures conjoncturelles adoptées l’année dernière par le Parlement fédéral, des moyens supplémentaires avaient été accordés à la technologie et à l’innovation. Cette aide de 100 millions de francs a connu rapidement un énorme succès. En deux mois, l’économie et les hautes écoles ont déposé plus de 1000 projets novateurs de grande qualité correspondant à un montant total de 550 millions de francs. Ces mesures visaient à créer une dynamique et c’est exactement ce qui s’est produit. Grâce à la perspective d’un soutien financier, de bons projets qui devraient compenser à moyen terme les désavantages concurrentiels liés au franc fort ont vu le jour. De nombreuses entreprises ont saisi cette occasion pour concevoir des projets et, parmi elles, on dénombre aussi plusieurs PME qui n’avaient encore jamais déposé un tel dossier. Environ la moitié des demandes ont pu être examinées par les experts et 240 d’entre elles ont été autorisées selon le principe du premier arrivé, premier servi.

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Aujourd’hui, le montant de 100 millions de francs mis à disposition par la Confédération n’est de loin pas suffisant pour financer tous ces bons projets. Quelque 500 demandes ne peuvent pas être satisfaites dans le cadre de ces mesures spéciales. Ce manque de moyens risque de freiner les efforts qui ont été faits par les entreprises en matière d’innovation. Alors, que faire? Pour éviter de mener une politique par à-coups et afin d’être un partenaire fiable pour l’économie d’innovation et ses entreprises axées sur la recherche, il con-

vient de prendre immédiatement des mesures. C’est pourquoi le PDC demande d’allouer, déjà au cours de cette année, des moyens supplémentaires au domaine de la recherche. Ainsi, on disposerait de suffisamment de moyens financier pour soutenir – aussi au cours des prochaines années – à la fois les demandes déposées dans le cadre des mesures spéciales et les projets qui suivent la procédure habituelle. L’investissement dans la technologie et l’innovation est rentable. En effet, au cours de ces dernières années on a pu une nouvelle fois constater que la technologie et l’innovation étaient le moteur de notre économie. Une formation solide associée à de bonnes conditions-cadres juridiques et économiques pour la recherche et le développement sont les principales matières premières de notre pays. Et afin qu’elles soient préservées en Suisse et puissent se renouveler, il faut un soutien de l’Etat (en quantité raisonnable et visant à encourager la responsabilité personnelle). ■


reNDeZ-VOus Martin Candinas, Conseiller national

Val sumVITg – uNe Vallée De rêVe Val sumvitg est une vallée latérale de ma commune d’origine du même nom, située dans la Surselva aux Grisons. Dans la partie supérieure de la vallée, traversée par la rivière Rein da Sumvitg, se trouve un lac artificiel d’environ 500 mètres de long. Aujourd’hui, le Val Sumvitg ne compte plus que neuf habitants. Au Sud, un sentier muletier mène à la cabane Terri et au haut plateau de la Greina en passant par le Crest la Greina. La diversité de son biotope est extraordinaire et unique. C’est pourquoi en 1996, la plaine de la Greina a été inscrite comme zone protégée dans l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale. Longtemps, les thermes de Tenigerbad furent un lieu d’attraction touristique réputé du Val Sumvitg. Ils furent rénovés pour la dernière fois en 1971 et on y construisit un nouveau bâtiment comprenant 150 lits et trois piscines. Mais après trois ans d’exploitation, les installations furent fermées et, depuis lors, elles sont vides et désaffectées. Ce centre thermal, dont il est fait mention pour la première fois en 1580, avait connu son

apogée avant la première guerre mondiale. Par ailleurs, le Val Sumvitg est l’un des décors favoris de la littérature romanche. Ce coin de pays merveilleux et mythique me procure paix et détente, de même qu’à ma jeune famille. Dans cette vallée, je peux m’évader du quotidien, me mettre à l’écoute de la nature, profiter pleinement d’une nature vierge et intacte, me complaire dans mes pensées, trouver de nouvelles idées et chercher des solutions aux questions courantes. Après une longue ballade dominicale et pour bien terminer la journée, un arrêt s’impose au restaurant Ustria Val tenu par Erna, situé dans le hameau du même nom. J’espère que la lecture de ces lignes vous fera rêver. Evadez-vous de votre quotidien et passez quelques jours de vacances dans la région de rêve de Sumvitg, ma commune d’origine! ■ www.sumvitg.ch

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NécrOlOgIe

un grand homme d’etat Monsieur Hans Wyer qui vient de nous quitter à l’âge de 85 ans fut un grand homme d’Etat. Il voua plus de trente ans de sa vie à la chose publique, oeuvrant tant sur le plan communal que cantonal ou fédéral. Une carrière politique hors norme: – président de Viège de 1961 à 1976 – député au Grand Conseil valaisan de 1965 à 1973 – conseiller national de 1967 à 1977 et finalement – conseiller d’Etat de 1977 à 1993. Au moment de son élection au Conseil d’Etat, Hans Wyer était d’ailleurs président du Conseil national, fonction qu’il ne put exercer que quelques mois la constitution valaisanne n’autorisant qu’un conseiller d’Etat à siéger à Berne et Monsieur Guy Genoud occupait ce siège. A côté de ses fonctions officielles, Hans Wyer se dévoua pour son Parti. Il fut président du Parti chrétien social du Haut-Valais (les Jaunes) puis il présida le Parti démocrate-chrétien suisse de 1973 à 1982. Dans toutes ces fonctions, il s’est distingué par un souci d’efficacité et une capacité de travail exceptionnelle. Ses dossiers étaient préparés avec soin. Ceux qui s’adressaient à lui devaient venir avec des arguments précis et étayés. Pour lui, le Parti démocrate-chrétien devait vraiment être démocrate et chrétien. Homme de conviction, il avait le souci de traduire dans les faits l’enseignement social de l’Eglise comme les principes de subsidiarité et de solidarité. Il s’est engagé pour une politique familiale digne de ce nom, en particulier dans le domaine de la fiscalité et des allocations familiales. Au moment de la retraite, loin de baisser les bras, il a continué à avoir le souci de l’intérêt public. En 2000, à l’âge de 73 ans, il a fait paraître une thèse de doctorat sur l’hydroélectricité, domaine qui lui tenait particulièrement à cœur. C’est un grand homme d’Etat qui vient de nous quitter et pour moi un ami. Le Valais lui doit de la reconnaissance et nous présentons à son épouse, à ses enfants et à ses petits-enfants nos sentiments de sympathie. ■ –Vital Darbellay, Anc. Conseiller national (VS) et Chef du Groupe PDC de l’Assemblée fédérale de 1988 à 1991.

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LE MOULIN AU PRINTEMPS Le chaume et la mousse Verdissent le toit; La colombe y glousse, L'hirondelle y boit. Le bras d'un platane Et le lierre épais Couvrent la cabane D'une ombre de paix. La rosée en pluie Brille à tout rameau; Le rayon essuie La poussière d'eau; Le vent, qui secoue Les vergers flottants, Fait de notre joue Neiger le printemps. Sous la feuille morte, Le brun rossignol Niche vers la porte, Au niveau du sol. L'enfant qui se penche Voit dans le jasmin Ses œufs sur la branche Et retient sa main. Alphonse de Lamartine


glOssaIre – TraNspOrTs Nouvelles transversales alpines (NLFA)

Surnommé «chantier du siècle» et approuvé par le peuple suisse en 1992, les NLFA ont pour but de transférer un maximum de trafic marchandises transalpin de la route vers le rail. De nouveaux tunnels de base, au St-Gothard, au Ceneri, et au Loetschberg, complétés par l’aménagement des voies d’accès, doivent ainsi apporter aux trafics voyageurs et marchandises des liaisons plus courtes et plus rapides entre le nord et le sud. Le tunnel de base du Gothard, long de 57 km (le plus long du monde), est le cœur des NLFA. Il doit permettre à partir de 2016 de traverser les Alpes à des vitesses allant jusqu’à 250 km/h, et de relier Zurich à Milan en 2h40. A l’heure actuelle, le coût total du projet NLFA est estimé à 18,7 milliards de francs.

sage pour le trafic transalpin, sur la base d’un volume de trafic préalablement défini. Fonds d’infrastructure

Depuis 2008 et pour une durée de 20 ans, le «fonds d’infrastructure pour le trafic d’agglomération, le réseau des routes nationales de même que pour les routes principales dans les régions de montagne et les régions périphériques» met à disposition une somme de 20,8 milliards de francs pour l’achèvement du réseau des routes nationales (8,5 milliards), l’élimination des goulets d’étranglement du réseau autoroutier (5,5 milliards), le trafic d’agglomération (6 milliards), et les routes principales dans les zones de montagne et dans les régions périphériques (0,8 milliard).

Vignette autoroutière

Approuvée par le peuple en 1984 (53% de oui), la vignette autoroutière coûtait 30 francs lors de son introduction en 1985. Il s’agit d’une redevance payée pour emprunter les routes nationales suisses avec des véhicules à moteur et des remorques. Son prix est passé à 40 francs en 1995. Le Conseil fédéral prévoit d’augmenter son coût à 100 francs dès 2015 environ et d’introduire une vignette de deux mois au prix de 40 francs, notamment pour les touristes.

Redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP)

Sorte de péage routier dont les camions doivent s’acquitter pour circuler en Suisse. Il est perçu en fonction du poids total du véhicule, de sa catégorie d’émission et des kilomètres parcourus en Suisse et au Liechtenstein. Les recettes reviennent pour ⅓ aux cantons, et pour ⅔ à la Confédération. Cette redevance sert en partie à financer l’infrastructure ferroviaire. Road pricing

Initiative des Alpes

L’association Initiative des Alpes exigeait de protéger la zone alpine des conséquences négatives du trafic marchandises. L’initiative populaire fédérale «Pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit» a été approuvée par le peuple et les cantons le 20 février 1994. L’article constitutionnel sur la protection des Alpes (art. 84) engage notamment la Confédération à prendre des mesures afin de transférer le trafic marchandises de la route au rail. Bourse du transit alpin

La bourse du transit alpin est un instrument en cours d’élaboration pour satisfaire à l’exigence de transférer autant que possible le trafic de transit alpin de la route au rail et pour limiter le nombre de véhicules à un maximum de 650'000 par an. Il s’agit concrètement d’une mise aux enchères de droits de pas-

Le terme Road Pricing désigne la perception d’une taxe pour l’utilisation des routes à l’intérieur des villes par le trafic privé. Ce système vise à réduire le trafic et par conséquent les contraintes pour l’environnement et le bruit dans les grandes villes. Il a déjà été mis en place dans certaines grandes villes, dans la cité de Londres et à Stockholm par exemple. Impôt et surtaxe sur les huiles minérales

Impôt spécial sur la consommation que la Confédération perçoit sur les carburants et combustibles (pétrole, essence, gaz naturel, etc.). Une surtaxe est perçue sur les carburants. Les recettes pour 2010 se sont montées à 5,13 milliards de francs, soit 8,17% des recettes de la Confédération. La moitié des recettes de l’impôt et la totalité de la surtaxe sont obligatoirement affectées au financement du trafic routier. –Florian Robyr

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DÉPart Vers Une terre inConnUe

Il y a six ans Rory McGrath a quitté son Angleterre natale pour venir s’établir en Suisse. On pourrait croire qu’il n’y a pas une différence culturelle significative entre la Suisse et l’Angleterre. Et pourtant cet Anglais de 35 ans a vite réalisé que les deux pays diffèrent dans de nombreux domaines. Voici les expériences d’un immigré. Rory McGrath a émigré par amour. En 2005, cet Anglais a rencontré celle qui allait devenir son épouse, une Bernoise qui travaillait dans la gastronomie en Ecosse. Sans vraiment connaître son futur pays d’accueil, le jeune homme de 29 ans a quitté Inverness en 2006 pour suivre l’élue de son cœur à Berne. «Auparavant, j’avais vécu et travaillé à divers endroits en Ecosse et en Irlande. J’avais l’habitude de m’évader régulièrement de ma patrie, l’Angleterre», déclare-t-il. A l’époque, il n’était pas conscient du fait que l’émigration en Suisse serait beaucoup plus difficile à assumer que ses précédents déménagements vers des pays anglophones proches de l’Angleterre. Rory McGrath était contremaître forestier à la base. Arrivé en Suisse, il a réalisé que sa formation n’était pas reconnue. «C’est pourquoi j’ai travaillé d’abord dans la restauration. Pour moi c’était une bonne manière d’améliorer mes connaissances d’allemand.» Mais il désirait reprendre son premier métier. «Je suis proche de la nature et travaille de préférence à l’extérieur.» Après quelques mois, il a trouvé une place dans une exploitation forestière dans l’Oberland bernois. Même s’il effectuait le même travail que ses collègues, il était engagé en tant que manœuvre. «Cette situation était quand même un peu frustrante et j’essayais d’en faire abstraction», admet aujourd’hui Rory. «En ma qualité de contremaître forestier diplômé, je pos26

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sédais le même degré de formation, voire même un niveau supérieur que certains de mes collègues.» Et pourtant il gagnait un tiers de moins que les autres. Deux ans plus tard, il a trouvé du travail dans une pépinière. Son salaire s’était effectivement un peu amélioré, mais il était toujours bas en comparaison avec ses collègues professionnels. «C’est là que je me suis rendu compte qu’en Suisse je resterais manœuvre tant que je ne posséderais pas un diplôme professionnel reconnu.» C’est pourquoi McGrath a décidé à 32 ans de reprendre une nouvelle formation professionnelle initiale. Il a postulé au Papiliorama à Chiètres pour une place d’apprentissage en tant qu’animalier et il a été accepté. En dépit du salaire de misère de 800 francs et de son retour dans les bancs d’école avec un apprenti de 16 ans, il dit avec bonheur: «j’ai réalisé un rêve.» L’été prochain il achèvera son apprentissage.

Quatre langues nationales et une multitude de dialectes Immigrer en Suisse? – Rory McGrath le referait pour son épouse. Mais pour recommencer sa vie dans un autre pays, il convient d’avoir beaucoup d’énergie et de faire preuve de patience et de persévérance. «Il faut régulièrement faire face à des revers de fortune», ajoute-t-il. Cela vaut tant sur le plan profes-


sionnel qu’en ce qui concerne l’intégration dans la vie courante. «Il est vrai que j’ai fait très rapidement des progrès en allemand, mais je ne comprenais pratiquement rien aux dialectes alémaniques pendant les deux premières années.» Lorsqu’il s’est enfin senti plus à l’aise en bernois, il a été confronté au prochain obstacle. «A l’école professionnelle, l’enseignement se déroule en suisse allemand. Le dialecte de Bâle-Campagne de mon professeur était une nouvelle langue étrangère pour moi durant les premières semaines», se souvient-il. «Une multitude de dialectes et quatre langues nationales – la Suisse représente un vrai défi sur le plan linguistique. A chaque fois on recommence par le début.» Il ressent la même chose à son travail au Papiliorama, qui se trouve dans le canton bilingue de Fribourg. «Face aux visiteurs romands j’atteins régulièrement mes limites.»

Des regards méfiants Selon Rory McGrath, la maîtrise de la langue est décisive pour s’intégrer dans un nouveau pays. «Sans cela, il est impossible de se familiariser avec la culture et la société suisses.» Le travail est tout aussi important. «Seul celui qui travaille est susceptible de s’intégrer.» Entre-temps ça se passe assez bien pour lui, tant au niveau professionnel que linguistique. Par contre, l’intégration sociale est plus difficile pour Rory. Il a beaucoup de peine à nouer des contacts en Suisse. «Je ne suis pas le seul dans ce cas, d’autres étrangers rencontrent les mêmes difficultés. Même s’ils parlent parfaitement bien le suisse allemand.» C’est au niveau du contact social que la différence culturelle entre les deux pays est la plus visible. «En Angleterre on n’entretient pas les amitiés d’une manière aussi explicite qu’en Suisse. On invite rarement les amis chez soi, mais on les rencontre le plus souvent au Pub, lieu privilégié de la vie sociale.» Il est plus courant d’avoir de grands cercles d’amis que d’entretenir des relations avec un cercle fermé et restreint d’amis. En Angleterre, pour rencontrer ses amis il suffit de se rendre au Pub du quartier, relève Rory McGrath. Lorsqu’on ne rencontre aucun visage connu, on engage la conversation avec d’autres clients. «On ne reste jamais longtemps seul en Angleterre.» Les Britanniques sont de nature extravertie et sociable. «En Suisse, lorsque vous adressez spontanément la parole à une personne dans un bar, vous vous attirez souvent des regards circonspects.» Rory McGrath aura mis du temps à comprendre la façon suisse de nouer des contacts sociaux.

Au cours des dernières années, cet Anglais a fait la connaissance de nombreux Suisses par l’intermédiaire de son épouse. Mais ce sera un défi pour lui de créer son propre cercle d’amis. «En Suisse il existe des groupes fermés – tight communities – où il est difficile de se faire une place. Il faut beaucoup de temps pour construire quelque chose.» Même s’il préférait se mêler davantage à la population et discuter plus souvent avec des Suisses, il se rend encore aujourd’hui régulièrement au «English Speaking Club of Bern» où il rencontre d’autres expatriés anglophones.

La Suisse, ma patrie Compte tenu de ses propres expériences, Rory McGrath n’a pas de peine à s’imaginer les difficultés que doivent surmonter les migrants issus de milieux culturels complètement différents lorsqu’ils désirent s’intégrer en Suisse. Et ceci d’autant que ce Britannique aux racines irlandaises a dû subir des formes de xénophobie. «Mais il est vrai qu’il existe des étrangers qui font trop peu d’efforts pour s’intégrer.» Tout compte fait Rory McGrathi se sent très bien ici en Suisse. Malgré ou peut-être grâce au grand effort que représente l’émigration, il affirme: «aujourd’hui la Suisse est ma patrie.» ■ –Lilly Toriola La PoLitique 2 Mars 2012

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Magazine d’opinion. Numéro 9 / Novembre/Décembre 2010 / CHF 7.80 www.la-politique.ch

Input. www.la-politique.ch

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