Magazine d’opinion. Numéro 4 / Juin/Juillet 2012 / CHF 7.80 www.la-politique.ch
CONTRAIRES HISTOIRE SUISSE PERSPECTIVE
Sommaire
Titres
4 ANTAGONISMES 6 RAISON D’ÊTRE 10 DIALECTE VS. ALLEMAND 12 IMPORTANCE DES FEMMES 14 OPPOSITIONS 15 CONTRÔLE 16 LIBÉRALISME 19 VICTOIRE 20 JEUNESSE VS EXPÉRIENCE 26 FOSSÉ DES PATATES 9 Mon LAC
Impressum
ÉDITEUR Association LA POLITIQUE ADRESSE DE LA RÉDACTION LA POLITIQUE, Case postale 5835, 3001 Berne, tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30, courriel binder@cvp.ch www.la-politique.ch RÉDACTION Marianne Binder, Jacques Neirynck, Yvette Ming, Lilly Toriola Traduction Philipp Chemineau, Isabelle Montavon GRAPHISME, Illustrations ET MAQUETTE Brenneisen Communications, Bâle Imprimerie Schwabe AG, Muttenz ANNONCES ET ABONNEMENTS tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30 Courriel abo@die-politik.ch, abonnement annuel CHF 52.–, abonnement de soutien CHF 80.– PROCHAIN NUMÉRO Septembre 2012
Photo: swiss-image.ch / Martin Ruetschi
RENDEZ-VOUS local
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Édito – Jacques Neirynck, rédacteur en chef adjoint
La logique de l’absurde : la coexistence des contraires en politique La logique nous aide à vivre dans la vie de tous les jours : les mêmes causes produisent les mêmes effets et l’avenir est dans cette mesure prévisible. La politique est le lieu où cette logique élémentaire ne s’applique pas. Exemple : l’initiative de l’ASIN qui entend donner la parole au peuple pour ratifier les traités internationaux « importants ». Cela veut dire logiquement que le Parlement qui les a approuvés risque de se tromper. Pourquoi ? Soit parce que les parlementaires sont incompétents ; soit parce qu’au contraire, en toute connaissance de cause, ils trahissent la volonté du peuple. Selon les initiants : « les citoyens suisses sont parfaitement capables d’évaluer les « causes à effet complexes » des accords internationaux ; il se peut qu’ils en soient même plus aptes que les fonctionnaires et politiciens à la Berne fédérale. » En somme, les citoyens sont plus aptes parce que dans leur immense majorité ils n’ont pas étudié le dossier, alors que les parlementaires et les fonctionnaires ont l’esprit brouillé pour l’avoir trop travaillé. Pour prendre une bonne décision, il vaut mieux ne pas savoir dans les détails de quoi il s’agit. C’est la logique de l’absurde. Cette vision romantique de la démocratie achoppe sur un détail fatal. Comme la Confédération souscrit environ 500 traités internationaux par an, les initiants précisent que seuls les traités « importants » doivent être soumis au referendum obligatoire. Mais qui va décider ce qui est important ou pas ? Toujours selon les initiants, c’est le Parlement. Or, celui-ci est réputé incompétent et déloyal au point d’entériner des traités qui ne devraient pas l’être. A la question de savoir si un traité est « important », cette assemblée devient soudain compétente pour prendre la bonne décision. Soit dit en passant, on se demande comment ce peuple si lucide a pu élire des représentants si indignes : il faut que le même peuple soit incompétent lors des élections et compétent lors des votations.
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Rudolf Hofer, Bümpliz
La Suisse et ses différences
La Suisse est un pays d’antagonismes. Ces derniers relèvent de différences (entre ville et campagne, entre les confessions, les langues et les classes sociales) pouvant devenir conflictuelles. Nombre d’Etats confrontés à ce genre d’antagonismes se sont déjà effondrés. Pourquoi pas la Suisse ? Pourquoi l’intensité de ces conflits reste-t-elle faible dans notre pays ? Cela ne tient ni au caractère particulièrement pacifique des Suisses ni au manque d’occasions de se confronter : des antagonismes religieux conduisirent à des guerres en 1529, en 1531, en 1656 et en 1712. Au cours de la Première Guerre mondiale, les querelles linguistiques prirent des proportions menaçantes, parce que les différentes régions linguistiques s’engagèrent vivement, soit pour la France, soit pour l’Allemagne. Plus près de nous après la Deuxième Guerre mondiale, le conflit jurassien dérapa par moment et se manifesta au travers d’attaques à la bombe et d’incendies volontaires. En 1481, on craignit sérieusement que la Confédération pût s’effondrer en raison du conflit entre les cantons urbains et les cantons ruraux. La Guerre des paysans de 1653 s’inscrivait à la fois dans le contexte de l’opposition des classes et de la rivalité entre ville et campagne.
L’héritage de l’ancienne Confédération L’ancienne Confédération était une alliance souple, dont les cantons s’étendirent dans différentes directions. Un pouvoir central, qui aurait pu unifier les langues ou les confessions par la contrainte ou par l’attractivité culturelle dans ces régions divergentes, faisait défaut. A cette faiblesse administrative s’opposait la force militaire remarquable des Confédérés, qui présentait les caractéristiques suivantes : contrairement aux sociétés féodales des autres pays, les Confédérés ne mobilisaient pas seulement une petite partie du peuple pour former leur armée, mais tous les hommes aptes à porter les armes, soit entre 10 et 15 % de la population. Il est vrai qu’une telle armée 4
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n’était pas en mesure de s’attarder longtemps sur un champ de bataille et de mener une guerre de longue durée. Par contre, elle était d’autant plus puissante dans les nombreux conflits de courte durée, dans lesquels la Confédération était impliquée. L’incapacité de mener de longues guerres eut pour conséquence que les conflits entre les différents cantons confédérés aboutissaient à des compromis qui, bien que favorables au vainqueur, n’anéantissaient pas le vaincu. Le plus faible cessait relativement vite de se battre, le plus fort faisait preuve d’une certaine retenue au niveau de ses exigences. La vie à l’intérieur des divers cantons confédérés ne changeât pas, ce qui ouvrit aussi la voie au fédéralisme ultérieur.
Libéraux et conservateurs Une nouvelle rivalité se manifesta après 1815 entre libéraux et conservateurs, fondée en partie sur d’anciens antagonismes. A Berne ou à Bâle, par exemple, le chef-lieu était conservateur et
hein ?
la campagne libérale, alors que c’était le contraire à Lucerne. Les catholiques avaient plus tendance que les protestants à adopter une attitude conservatrice. Par ailleurs, il apparut clairement que la diversité des antagonismes atténuait quelque peu leur intensité individuelle. Les catholiques jurassiens, qui appréciaient leurs lois modernes (le Code Napoléon), purent s’allier avec d’anciens bernois libéraux qui souhaitaient introduire ces lois dans tout le canton. Les antagonismes croisés diminuèrent le risque de confrontations bipolaires. C’est au moment où ces relations croisées firent défaut que toute leur importance apparut au grand jour. Normalement, les conservateurs catholiques pouvaient compter sur le soutien des conservateurs protestants pour se défendre contre les actes de violence des libéraux. Le rappel des jésuites à Lucerne réveilla toutefois chez les protestants des peurs ancestrales. Les militants conservateurs protestants de la base passèrent dans le camp radical. Le canton de Berne en fut un exemple, dans la mesure où les radicaux remportèrent la majorité en 1846, en attisant la peur des jésuites. Après la résolution de la question des jésuites, les paysans bernois protestants portèrent à nouveau les conservateurs au pouvoir. Suite à l’introduction du référendum, les antagonismes croisés prirent encore plus d’importance. Les conservateurs des deux confessions, de même que les fédéralistes francophones purent former des majorités populaires contre la majorité parlementaire radicale. Des coalitions auparavant impensables devenaient aussi possibles. Ainsi fut adopté en 1877 la loi sur les fabriques, grâce à l’alliance entre radicaux de gauche et catholiques conservateurs.
Langues et classes sociales Au XIXe siècle, les rivalités linguistiques et les luttes de classes prirent de plus en plus d’importance en Europe. En Suisse, elles se manifestèrent plus tardivement et dans une moindre mesure que dans les autres pays. Les mesures mises au point pour gérer les conflits, eurent sans doute ici une influence positive. La minorité francophone su compenser sa faiblesse numérique par le prestige accru de sa langue. Les rivalités linguistiques jouèrent un rôle certain au niveau des tensions qui régnaient durant la Première Guerre mondiale, dans la mesure où les sympathies pour l’un ou l’autre Etat belligérant étaient fondées sur des critères linguistiques. Cela pourrait s’expliquer en premier lieu par le fait que les informations et les idées franchissent plus facilement les frontières nationales que les barrières linguistiques. Le conflit jurassien fut plus long et plus intense, par contre il se déroula sur un territoire restreint. La création du canton du Jura fut une solution typique du fédéralisme.
La lutte des classes atteignit son paroxysme dans le cadre de la Grève générale en 1918. La direction de la grève renonça à faire monter la tension indéfiniment et le bloc bourgeois se montra modéré dans ses revendications. Le fédéralisme à l’échelle communale permit aux socio-démocrates et aux syndicats de participer au pouvoir dans les villes.
Divers antagonismes La Suisse s’est bien tirée de la résolution de ses conflits internes. Les relations conflictuelles croisées empêchèrent la confrontation entre deux blocs figés. La succession des conflits permit d’entamer un processus d’apprentissage visant à les résoudre sans qu’ils ne dégénèrent indéfiniment. La peur face à une dégradation de la situation ainsi que l’esprit fédéraliste, tôt éveillés, permirent au XIXe et au XXe siècle de mettre en place une gestion efficace des conflits. ■
Grincheux Assis à la terrasse d’un café, j’ai observé les passants et me suis amusé à faire une statistique qui n’a rien de scientifique. Une personne sur deux porte des jeans. Et parmi elles, une sur deux porte des jeans délavés. En résumé, environ 25 pour cent de la population achètent des pantalons neufs mais qui paraissent déjà usés. C’est tendance… si l’on en croit les magazines ! Est-ce que ce quart de la population sait que la technique de sablage utilisée pour obtenir des jeans délavés provoque la silicose (une maladie connue chez les mineurs). Dans certains pays, pour éviter des pertes lors de la propulsion du sable sur les tissus, cette opération se fait dans des pièces fermées, sans aucune aération. Cette technique étant interdite au sein de l’Union européenne, de nombreuses marques ont délocalisé la fabrication de leurs jeans. Un acheteur bien informé en vaut deux… La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Gerhard Pfister, conseiller national
Pourquoi le PDC, même centenaire, a toujours sa raison d’être
Un parti, qui fête ses cent ans, qui a une forte représentation au sein du Conseil des Etats, mais dont la proportion d’électeurs sur le plan national est historiquement faible, a-t-il encore sa raison d’être ? De toute façon, ce n’est pas lui, mais les électeurs qui en décident. Le parti a pour tâche de rappeler à l’électorat les motifs pour lesquels il a été créé. C’est ce que fait le PDC avec un taux de succès variable, hélas en baisse depuis les années 80. Si l’on observe cette évolution sur une durée prolongée, on constate une certaine tendance. Bien d’autres ont déjà affronté ce phénomène sans succès. Voilà la raison qui m’incite à exposer une vision personnelle du PDC. Le PDC est ma patrie politique. En général, on ne choisit pas sa patrie sur la base d’une décision rationnelle ; on y est simplement né. Il en va de même pour moi et pour certains membres du PDC : on en fait partie, parce que c’est une bonne tradition. C’est beau en effet, mais c’est de plus en plus rare. Et cela enlève toute nécessité de justification. C’est là que réside le problème du PDC : l’électorat actuel accorde ses faveurs, d’une part, aux personnalités (dans ce domaine le PDC a plus de facilité que d’autres partis) et, d’autre part, aux partis qui ont un thème porteur (tâche ardue pour un parti qui appréhende la politique dans sa globalité). Le PDC est néanmoins le parti qui propose une patrie politique et répond mieux que d’autres aux questions d’identité. Car sur ce point, ni le libéralisme ni le socialisme n’apportent de solution satisfaisante. Ils présentent en effet des concepts rationnels d’un ordre social « juste », mais ils n’offrent pas de patrie. De plus, ils ne tiennent pas compte de l’aspect humain en politique, à savoir des imperfections de tout ce qui existe. A cet égard, seul un parti attaché aux valeurs fondamentales chrétiennes et démocratiques de notre société, qui a mis en œuvre la conception de l’économie sociale de marché comme modèle à succès de l’Occident d’après-guerre, qui défend les vertus éthiques de la tempérance et du centre, qui respecte la 6
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tradition dans la mesure où elle a fait ses preuves, est à même d’apporter une solution. Voilà ce que défend le PDC, bien qu’il se fasse des ennemis parmi ceux qui, par leurs positions radicales, obtiennent beaucoup pour eux-mêmes, mais peu pour le bien commun. Les idéologies sont, par définition, inhumaines. Aussi bien les 68ards de gauche que la droite nationale de ces dernières années, toutes les idéologies nuisent au bien commun en plaçant leurs propres conceptions au-dessus des considérations humaines confirmées par l’expérience. Ces tentatives de réorganisation de la société, qu’elles soient de nature socialiste, néolibérale ou nationaliste, ont besoin du PDC comme contrepoids humaniste. « Plus proche de l’être humain », c’est ce à quoi aussi bien le PDC que la CDU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne) peuvent prétendre à bon escient. S’il n’y a plus le PDC pour offrir ce contrepoids, la Suisse ne sera plus ce qu’elle a été jusqu’à présent.
Plus qu’une simple baisse des impôts Observons la Suisse de plus près et regardons dans quelles régions le PDC domine ou représente une force importante : quelques cantons agricoles pauvres ont réussi à devenir des régions économiques extrêmement prospères grâce à une poli-
tique du centre et de droite basée sur les valeurs chrétiennes. La baisse des impôts n’a joué qu’un petit rôle dans les succès remportés par le PDC à Zoug, Schwyz, Nidwald et Appenzell Rhodes-Intérieures. Par ailleurs, ils démentent clairement l’interprétation simpliste proposée par la thèse de Weber, selon laquelle les économies efficaces seraient liées au protestantisme. Au cours de ces dernières années, il a été possible de moderniser avec succès d’autres fiefs du PDC, tels que Saint-Gall, Fribourg, le Valais, Obwald, Uri, Lucerne (présentant des avantages sur le plan géographique ainsi qu’au niveau de la taille et
de la structure) et d’accroître l’attrait de ces sites. Cela fait (également) partie de la politique démocratique chrétienne ! Si cette politique PDC obtenait aussi la majorité à l’échelle fédérale, la Suisse ferait (encore) meilleure figure ! A quoi pourrait bien ressembler le PDC dans les années à venir ? De nos jours, si l’on veut gagner des électeurs, il faut montrer ce que l’on défend. C’est ce à quoi le PDC doit travailler. Le C dans l’appellation du parti pourrait l’aider à y parvenir – et non pas l’en empêcher. Mais qu’est-ce qui est, au fond, si blâmable et démodé au sujet de ce C ? Ne serait-il pas nécessaire, à l’heure actuelle, qu’au moins un parti nous rappelle que notre société occidentale repose sur les valeurs chrétiennes ? Qu’y a-t-il de si mauvais dans le fait d’être principalement élu par des catholiques, tout en menant évidemment une politique pour tous ? Le PDC suisse n’est pas la CDU allemande, car la Suisse ne connaît pas le système de partis bipolaire. Elle présente au contraire de multiples facettes d’ordre historique, géographique et culturel, symbolisées par divers partis politiques. C’est précisément cette diversité suisse qu’aucun parti n’in-
carne aussi bien que le PDC. Le « conservatisme compatissant » n’est-il pas la concrétisation politique d’un altruisme pro metteur ? La « conservation de la création » ne constitue-t-elle pas une priorité absolue, compte tenu des défis écologiques à relever ? Un parti qui garde toujours l’équilibre entre la responsabilité personnelle et la liberté d’un côté et la solidarité de l’autre n’a-t-il pas sa raison d’être ? Et qui, à part le PDC, doit exiger régulièrement le fédéralisme impliquant le principe de subsidiarité, qui contribue à faire de la Suisse un modèle à succès ? Le PDC est en outre prédestiné à prendre position en faveur d’une société occidentale fondée sur les valeurs chrétiennes et sur son interprétation de l’ordre juridique, par
rapport au conflit grandissant avec les fondamentalismes pseudo-religieux.
Le C comme la croix suisse Qui d’autre peut appliquer tous les jours sur le plan politique le principe inscrit dans la Constitution suisse que seul Dieu est tout-puissant – et limiter ainsi l’exercice du pouvoir humain sur autrui ? La gêne éprouvée par rapport au C est comparable à celle que les Suisses peuvent ressentir par rapport à la croix sur le drapeau national. La croix ne signifie pas non plus que les Suisses sont intrinsèquement meilleurs, mais elle est une profession de foi en faveur de leurs origines, traditions et valeurs qu’ils doivent vivre dans la vie courante (et concrétiser sur le plan politique), pour éviter qu’elles ne soient plus qu’un simulacre. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il faille mener une politique marquée par les thèses évangéliques ou cléricales, mais qu’il convient évidemment de soigner (de nouveau) le dialogue avec les Eglises. Le C est un signe distinctif délicat certes, mais c’en est un. D’autres partis seraient contents d’en avoir. Le C est un constant défi et parfois une surcharge pour la politique. Mais celui qui désire se faciliter la vie doit, ma foi, choisir un autre parti. ■ La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Rudolf Hofer, Bümpliz
Pourquoi
1912 ? Le parti conservateur populaire (PDC à partir de 1970) fut fondé le 22 avril 1912 en tant que parti national : 7 ans après le premier parti cantonal, 6 décennies après la fondation de la Confédération, 3 décennies après l’entrée au Conseil fédéral. Pourquoi en 1912 ? Aujourd’hui, il est évident que tout parti tant soit peu important se dote d’une organisation nationale. Comment fonctionnait le PDC – ou ses prédécesseurs – avant 1912 ? Après le Kulturkampf et afin de tirer parti des droits populaires, ont été créés les partis cantonaux. Quant à la coordination nationale, elle était assurée par le groupe parlementaire. Pourquoi un parti national était-il nécessaire aux environs de 1912 ? Illustrons la réponse par trois votations populaires qui eurent lieu peu de temps avant la création du parti. En 1908, une des compétences octroyées à la Confédération dans le domaine de l’économie fut la réglementation de l’utilisation des forces hydrauliques et de la vente d’électricité. En 1912, le peuple approuva une loi sur l’assurance maladie. La Confédération devenait en effet de plus en plus active dans le domaine de la politique sociale. L’augmentation du transfert de compétences politiques des cantons à la Confédération rendit une organisation nationale du parti nécessaire pour mener une politique efficace. En 1910, le système proportionnel pour le Conseil national fut rejeté, mais avec un score beaucoup plus serré que 10 ans auparavant (47,5 % de oui au lieu de 40,9 %). Il commença à être prévisible qu’une majorité serait bientôt atteinte. Le système majoritaire ferait perdre au parti des élus au sein du Conseil national dans les régions catholiques et en ferait gagner dans les régions industrielles à forte immigration, traditionnellement protestantes. Il fallait trouver un équilibre entre les électeurs du milieu agricole, dans les fiefs du parti, et les travailleurs dans les villes. Un parti national serait à la hauteur de cette tâche. ■ 8
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Edition commémorative pour les 100 ans du PDC Le PDC suisse – fondé en 1912 sous le nom de parti conservateur populaire – fête cette année ses 100 ans ! A cette occasion, le magazine La Politique publiera dans ses prochains numéros des articles sur l’histoire du parti. Et en automne, paraîtra une édition commémorative à la création de laquelle VOUS pourrez contribuer. Etes-vous en possession de photos, d’enregistrements sonores ou de témoignages écrits susceptibles de documenter l’histoire du PDC suisse ? Ou désirez-vous rédiger un article sur un aspect de sa genèse ou sur une personnalité exceptionnelle du PDC ? Alors n’hésitez pas à contacter la rédaction de LA POLITIQUE (redaktion@die-politik. ch, 031 357 33 33). Rédaction LA POLITIQUE
Rendez-vous local Christian Lohr, conseiller national
Limitrophe au Lac de Constance Depuis des années, les minutes et les heures passées au bord du Lac de Constance font partie des moments privilégiés de ma vie. J’ai grandi sur ses berges, à Kreuzlingen. Le Lac est, pour moi, synonyme de pays natal, mais aussi point de départ de nombreux voyages enrichissants de par le monde. Penser à « mon » Lac de Constance, alors que je suis, de par ma condition de vie spéciale, plutôt habitué à réfléchir de façon plus pragmatique, me rend très sentimental. Les innombrables rencontres avec le Lac ou, sur ses rives, avec des gens on ne peut plus différents, au cours des quatre saisons si particulières à cet endroit, exercent toujours un immense charme sur moi. Parfois, c’est comme si je lui donnais un aperçu du plus profond de mon âme. Je suis assis, là, mon regard vagabonde pardessus ses eaux immenses et je me sens en symbiose avec la nature. Ici un rayon de soleil, là le souffle du vent, les vagues dansent, fougueuses. J’y reconnais beaucoup de force – et, quelque part aussi, ma vie.
Le Lac de Constance représente pour nous la frontière. Nous, dans le canton de Thurgovie, de prime abord, nous ne voyons pas dans cette frontière quelque chose de séparateur. En effet, il nous est important de savoir que le Lac exprime quelque chose qui nous est commun à tous. Quand je longe sa magnifique et généreuse promenade, alors je me sens chez moi au cœur de cette région européenne baignée par les eaux du Lac de Constance. Par sa splendeur, cet espace vital, de travail et d’habitat offre un potentiel de développement pour de nombreuses idées et des engagements forts. Oui, je fais ici partie d’un système limitrophe, expression que je veux sciemment un peu provocante. En effet, le Lac de Constance, lui aussi, se situe dans un champ de tension permanente, entre mouvement et calme. Le Lac et moi sommes en ce point très semblables, raison pour laquelle des liens très étroits nous unissent. Nous absorbons de l’énergie et la retransmettons sous une multitude de formes. ■ La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Daniel Goldstein
Peut-on demander à des Suisses alémaniques de parler l’allemand ?
Bien-entendu, certains diront qu’ils l’ont tous appris à l’école. Le germaniste Peter von Matt a pu constater que tous ne partagent pas cette opinion, lorsqu’il s’est exprimé sur le sujet, le 16 octobre 2010 dans le « Tages-Anzeiger ». En choisissant le titre « Der Dialekt als Sprache des Herzens? Pardon, aber das ist Kitsch! (Le dialecte, langage du cœur ? Pardon, mais c’est kitsch !) », il a jeté un pavé dans la mare ; d’ailleurs les réactions sur internet ont été « frustes, grossières et dénuées de style ». Certains percevaient une attaque diffamatoire de la part du professeur contre le dialecte par le biais des termes précités. La citation était certes correcte, mais elle ne se rapportait pas au dialecte, mais à la mauvaise habitude « de parler aux Allemands et aux Autrichiens aussitôt et exclusivement en suisse allemand ». En réalité, les étrangers germanophones ne sont pas les seuls à savoir ce qu’en vaut l’aune ; les ressortissants d’autres pays et – pire encore du point de vue de la Suisse – les autochtones natifs d’une langue latine font la même expérience désagréable, explique le conseiller national genevois, Antonio Hodgers. Ce dernier s’était installé à Berne pendant une année afin d’y vivre une immersion linguistique. Une année durant laquelle l’allemand qu’il avait péniblement appris à l’école lui a fort peu servi.
nelle des Suisses et l’allemand, la première langue étrangère ». Son article ne traitait ensuite plus que de la « chimère affirmant que le dialecte est la seule et véritable langue maternelle » la qualifiant de langue maternelle « allemande sous deux aspects : le dialecte et le standard ». Ce qui est pratiquement incontesté pour la langue écrite. Par contre, le fait que nombre de Suisses allemands éprouvent des difficultés à s’exprimer oralement en allemand, ne provient pas uniquement du manque de formation ou de bonne volonté.
Communication et identité Hodgers a ensuite proposé d’imposer l’allemand standard comme norme applicable à la formation supérieure et à la sphère politique élargie. En revanche, les dialectes « devraient être reconnus comme langues régionales et porteurs d’identité et de culture propres à la région ». De même que von Matt, l’incompréhension qu’a rencontrée Hodgers a été tellement stupéfiante qu’on l’eût cru délibérée. Les uns reprochèrent au conseiller national de vouloir interdire le dialecte en public, les autres de vouloir élever le patois au rang de langue régionale. Le dernier scénario était l’un de ceux qu’il avait ébauché dans l’édition du 21 mars 2010 du journal « NZZ am Sonntag » et immédiatement rejeté.
Langage spontané et « langue nourricière » Le dialecte est effectivement le langage que nous parlons spontanément. En termes de marketing, c’est notre signe distinctif, même si ça n’encourage pas les ventes. L’allemand est la langue du vaste espace culturel auquel appartient la Suisse. Il est appris certes depuis la prime jeunesse, mais appris différemment. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’événements culturels en dialecte, mais qu’eux aussi se nourrissent du contact intensif avec l’allemand. La langue allemande est – que l’on ait suivi une formation supérieure ou non – une alma mater, une mère nourricière. Si elle n’est pas la langue maternelle, elle est tout du moins la « langue nourricière ».
Von Matt a essuyé un nombre particulièrement élevé d’attaques, lui qui en avait lancées hardiment en déclarant que « la chimère s’était répandue que le dialecte est la langue mater-
Le bon allemand (ou ce qui est considéré comme tel) ne nous relie pas seulement aux Allemands ou aux Autrichiens ; il nous relie également à tous ceux qui se donnent la peine de d’ap-
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qui e c , u’e n tation e q r e ll ul l ig n c on s s ion n e u o e s t r e d u r e d p r ofe s p l u s u o e n ie cé u t e l a p r o e l a v s it e u n a f d s « Il e r ne i l it é e n é c e c b n a é li co n c i i e p r iv . » o c la l a v t e nt i o n e d et e at d n gra
prendre l’allemand comme langue étrangère. Il suffit d’avoir le sens des convenances pour ressentir le besoin de parler le bon allemand avec les personnes qui ne comprennent pas le dialecte. On peut cependant exiger des germanophones qui souhaitent s’installer durablement en Suisse alémanique d’apprendre à comprendre le dialecte. La plupart d’entre eux le souhaitent et demandent qu’on leur parle « Schwitzerdütsch », tout en continuant eux-mêmes à parler leur propre variété allemand. C’est une requête à laquelle il y a lieu d’accéder, même s’il serait peut-être plus facile d’employer notre standard.
L’école de langue de la nation Nous autres Suisses alémaniques devrions cependant être capables d’employer aisément l’allemand, même oralement. L’acquisition de cette compétence linguistique dépend essentiellement de l’école. L’importance de cette dernière – entre autres pour la communication entre les différentes régions linguistiques – a été particulièrement bien exprimée par Willy Brandt : « L’école de la nation est l’école. » De manière ludique et en addition à la confrontation des enfants avec les médias, le standard a déjà sa place à l’école enfantine, sans « interdiction du dialecte » – un chiffon rouge agité volontiers par les personnes qui souhaiteraient imposer le dialecte au jardinières d’enfants.
L’argument étant que l’apprentissage du dialecte promeut l’intégration des enfants étrangers. Un raisonnement qui n’est pas remis en question. Pas plus que la certitude que les enfants autochtones s’en chargeront de toute façon. Et pour tous, l’apprentissage du bon allemand – à l’écrit comme à l’oral – est indispensable pour l’intégration ultérieure dans le monde du travail, de la culture et de l’Etat. Son importance va certes grandissante au fil de la scolarité, mais il n’est pas nécessaire de bannir le dialecte de l’éducation physique supérieure. Il n’est pas vraiment avantageux que le dialecte prenne une place de plus en plus importante à la radio et à la télévision publiques. Une émission de divertissement a certainement plus de succès auprès des gens si elle est diffusée dans le langage familier du patois, mais lorsqu’il s’agit de sujets ayant un rapport étroit avec des documents et des discussions écrits, il est préférable d’en débattre en bon allemand. Et ne serait-ce que pour nous éviter un peu de langue de bois. ■
Daniel Goldstein est rédacteur pour la revue « Sprachspiegel » (www.sprachverein.ch). Pour le journal bernois « Bund » il rédige la rubrique « Sprachlupe » (sprachlupe.ch). La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Ce n’était point des hommes,
mais des femmes…
Extrait du sermon pascal du Doyen Josef Stübi, pasteur catholique de la ville de Baden
Qui annonça en premier la Résurrection ? Dans l’entourage de Jésus, quelles furent les personnes les plus fidèles dans les heures les plus difficiles ? Quelles furent les premières personnes à visiter le tombeau de Jésus ? Personne ne peut prétendre le contraire : ce furent des femmes ! Compte tenu de la prépondérance du monde masculin dans l’Orient ancien, il est déjà fort étonnant que les Saintes Ecritures nous révèlent si nettement des personnages féminins, des portraits de ces femmes qui contribuèrent activement à approfondir le secret du Christ. On les retrouve au fil des Evangiles, ainsi que tout au long de la tradition des
débuts du christianisme. Il suffit de penser à des femmes comme Marie, la mère de Jésus ; Elisabeth, la mère de Saint-Jean Baptiste ; Marthe et Marie, les sœurs de Lazare ; la femme guérie de son hémorragie ; celle qui oignit Jésus avec de l’huile à Béthanie ; celle qui reconnut Pierre dans la cour du palais où Jésus était soumis à un interrogatoire ; les femmes sur le chemin de croix ; les femmes au pied de la croix et les femmes le matin de Pâques. L’histoire de l’Eglise prouve l’immense importance de la femme dans les premiers temps de l’Eglise. Examinons sous cet angle deux aspects de l’Evangile d’aujourd’hui (Jean 20, 1–18). Tout d’abord, Marie de Magdala (Marie-Madeleine) s’étant dirigée vers le tombeau à l’aube du premier jour de la semaine, le trouve vide. Effrayée, frappée d’étonnement et bien sûr inquiète, elle annonce rapidement sa découverte aux apôtres. Pierre et Jean se hâtent alors vers le tombeau qu’ils trouvent vide, eux aussi. Les linges ont été pliés. Ils retournent vers les autres, sans avoir la moindre idée de ce qui a pu réellement se passer. Et ensuite, Marie de Magdala reste encore un peu près du tombeau vide. Elle pleure parce que le corps de Jésus a apparemment été emporté, du moins le suppose-t-elle. C’est alors qu’elle rencontre Jésus qui appelle sa fidèle disciple par son nom : Marie. Et elle le voit et lui répond en utilisant le terme intime de « Rabbouni ». Le ressuscité confie à cette femme une tâche, il lui ordonne : « Va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon père et votre père, vers mon Dieu et votre Dieu ! ». Dans les Evangiles de Marc et de Matthieu, il lui confie une autre mission : celle d’informer les disciples qu’ils doivent se rendre en Galilée afin de l’y retrouver. Marie de Magdala devient ainsi la première personne à recevoir et à transmettre le message de la
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A la suite de Jésus, les femmes participèrent également, dès le début et d’une manière décisive, à l’enracinement de la foi chrétienne et à sa transmission. Et lorsque Paul arrive pour la première fois en Europe, à Philippes, il est accueilli par une femme nommée Lydie. Avec sa maison, cette femme a créé la première communauté chrétienne en Europe. Aujourd’hui aussi, l’importance des femmes dans la transmission de la foi n’est pas estimée à sa juste valeur. Dans les familles, la mission consistant à transmettre les premiers éléments de la religion aux enfants est souvent l’apanage des mères, parfois aussi des grands-mères, auxquelles viennent s’ajouter ultérieurement les catéchistes. Pâques est et demeure la clé de voûte de notre religion chrétienne. La résurrection de Jésus-Christ – comme nous le disent les éminents pères de l’Eglise et les théologiens, aujourd’hui aussi les théologiennes – ne signifie pas que le Christ est simplement « revenu à la vie d’avant », contrairement à toutes les lois de la nature. La résurrection du Christ signifie que c’est une toute nouvelle réalité qui commence, quelque chose de nouveau. Et de ce fait, l’événement de Pâques a revêtu toute son importance autant pour les premiers chrétiens que pour nous aujourd’hui. Nous avons tous reçu la promesse que la mort n’est pas la fin de tout. Nous avons reçu une bonne nouvelle qui affirme en fin de compte le sens et le but de la vie. Et nous avons reçu la promesse de Jésus-Christ : « Je suis avec vous tous les jours de votre vie ! » – et bien au-delà ! C’est Dietrich Bonhoeffer, martyr évangélique de la domination nazie, qui a dit : « Celui qui connaît Pâques ne saurait désespérer ! » Aujourd’hui encore, il vaut la peine de ne cesser de le proclamer, de le fêter et de le transmettre. Les grands personnages féminins de Pâques ont été les premiers à le reconnaître, à en être les témoins et à en être pour nous tous, hommes et femmes, le modèle impérissable. ■
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foi en le Seigneur ressuscité ! Saint-Augustin, cet important père de l’Eglise du IVe siècle, écrit rétrospectivement à propos de l’événement de Pâques : « Marie-Madeleine est l’apôtre des apôtres ». Ses expériences, qu’elle partage dans les autres Evangiles avec d’autres femmes, constituent le cœur même de la foi qui, jusqu’à ce jour, lie les chrétiens avec ces femmes et crée un lien entre eux.
Petits clins d’œil d’ailleurs…
Notre ancien membre de la rédaction, Yvette Ming, a entrepris un tour du monde. Voici le feuilleton de son aventure. La patience est de mise Avec la mondialisation, Internet, l’information en permanence en temps réel, on pourrait croire que le passage des frontières est devenu une simple formalité. Et pourtant… Venant de Russie par le Transsibérien, il nous a fallu plus de sept heures pour passer la frontière russo-mongole. Premier arrêt à la dernière gare sibérienne : tous les passagers peuvent sortir du train pendant deux heures pour se restaurer. Ensuite, tous les voyageurs doivent remonter à bord et attendre patiemment la venue des douaniers et policiers. Plus de deux heures s’écoulent jusqu’à l’arrivée du chef douanier accompagné d’une petite dizaine de collaborateurs et policiers ainsi que d’un chien renifleur. Les passeports sont emportés par la sous-cheffe qui reviendra une heure plus tard en disant à tout le monde que tout est en ordre. Encore quelques dizaines de minutes d’attente avant que le train s’ébranle. Après avoir parcouru quelques dizaines de kilomètres jusqu’à la frontière mongole, le train s’arrête à nouveau : contrôle des passeports, ouverture de toutes les caches potentielles du wagon… L’opération dure plus de deux heures. Au total, il faut compter plus de sept heures pour passer la frontière. On en vient à rêver d’un « Schengen mondial » pour les touristes. Un logo bien connu La tempête sévit et il neige lorsque nous arrivons dans un parc national mongol où nous séjournerons dans une yourte. Tout le personnel s’affaire pour assurer la stabilité des yourtes et réparer l’électricité. Comme il fait très froid, les hommes du camp se chargent de scier du bois pour que nous puissions faire du feu (petit fourneau au centre de chaque yourte). Et, oh surprise, nous réalisons que ces travailleurs portent tous des vestes chaudes avec le logo et l’inscription « Swisscom ». Serait-ce un signe avant-coureur d’un futur partenariat ? La couleur PDC En entrant dans une yourte mongole, nous nous sentons bien accueillis, l’ambiance est chaude, chaleureuse, voire familiale. C’est certainement l’« effet orange », la couleur de tout le mobilier et de la structure en bois qui supporte la yourte. ■ La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Quand les opposés se rencontrent En principe, la droite et la gauche sont les contraires l’une de l’autre. Mais, de temps en temps dans l’hémicycle parlementaire, gauche et droite votent ensemble contre le gouvernement qui n’est plus soutenu que par le centre. Par exemple sur la réforme de l’AVS, la gauche refuse parce que ce n’est pas assez et la droite parce que c’est trop. Les deux extrêmes idéologiques se rejoignent dans un même déni de réalité. Comment est-ce possible ? Comme tout spectacle de prestidigitation, ce type de politique idéologique recourt à l’illusion. Pour défendre une cause injustifiable, il faut détourner l’attention des citoyens de la réalité et remplacer celle-ci par une utopie. C’est l’objectif de la langue de bois ou encore du mentir-vrai : le discours politicien s’organise autour de faits fictifs auxquels est appliquée une logique fantaisiste. Le présent est remplacé par une sorte de conte de fées, qui permet un instant de rêver et de s’évader de la dure réalité. Lorsque la lumière de la scène s’éteint, l’évidence des faits reflue avec une cruauté implacable. Il ne reste aux spectateurs d’autre ressource que de conspuer les artistes. Ils ne s’en privent jamais. Le plus grand parti de Suisse est celui des abstentionnistes. L’illusion caractéristique de la gauche consiste à accuser les « riches » de tous les maux de la terre et à proposer de leur enlever leur fortune. Le discours dominant est fondé sur l’hypothèse fausse selon laquelle cette confiscation constituerait une source infinie d’argent qui peut être affecté à toutes les bonnes causes, sociales, écologiques, culturelles, tiers-mondistes, féministes. L’équilibre du budget et le niveau de la dette publique ne constituent pas des sujets méritant d’être sérieusement considérés. La générosité prime la réflexion. Voter à gauche donne bonne conscience, ce qui est très précieux pour l’équilibre psychologique. Le discours symétrique de la droite n’est pas moins irréaliste. Seul compte l’équilibre du budget et la réduction de la dette. Des investissements indispensables sont négligés au risque d’entrer dans un cercle vicieux
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de sous-développement. L’Etat est l’ennemi : la société se gère elle-même par les miracles du marché concurrentiel. L’égoïsme prime la réflexion. Tant qu’à faire, à l’extrême de la droite on y ajoute une dose de xénophobie, de racisme et d’intolérance religieuse. Cela revient à accuser les « étrangers » de toutes les difficultés du pays et à proposer de les exclure. Dans les deux cas, la faute incombe toujours à l’« autre », ce qui épargne de se poser les véritables questions sur ses propres erreurs. Ces deux méprises sont communes à tous les pays démocratiques. En sus de ces deux penchants usuels, s’ajoute une panoplie de mythes helvétiques poussés jusqu’à l’absurde qui expliquent certains cruels mécomptes : concordance, milice, secret bancaire, démocratie directe, neutralité. La droite oublie les fins ; la gauche néglige les moyens. Le propre de toute idéologie est de grossir une partie de la réalité et de minimiser le reste, en vue de restreindre l’analyse et de persuader ainsi les électeurs par une fausse simplicité. Ces deux écueils étant repérés, il reste qu’une politique économique réaliste ne se conçoit pas aisément. Car l’économie n’est pas une science exacte, dans la mesure où elle est incapable de prédire à coup sûr la conjoncture des années ou même des mois à venir. On peut donc diverger d’avis sur les mesures à prendre, puisque personne ne peut en mesurer toutes les conséquences. Définir une politique du centre, c’est opérer une pesée des intérêts, accepter des inconvénients pour percevoir des avantages. C’est gérer un pays comme une entité vivante, une famille, un village, une entreprise. C’est ne pas se faire plaisir à soi-même en s’imaginant que l’on détient toutes les clés, mais en les essayant patiemment, l’une après l’autre, dans la serrure de l’avenir. C’est tout d’abord comprendre la véritable nature du problème auquel on est affronté dans toute sa complexité. Et c’est dire cette vérité, souvent déplaisante, aux électeurs. ■ –Jacques Neirynck
Comment garantir la compétitivité de la Suisse, lieu de travail et de production, dans le futur ?
Daniel Lampart, économiste en chef et directeur du secrétariat de l’Union syndicale suisse
Une politique contrôlée en matière de change, d’infrastructures, de salaire et d’impôt Si l’on considère le franc suisse à sa juste valeur, l’économie suisse est concurrentielle. C’est ce que le développement réjouissant des exportations, de la production industrielle et du tourisme a montré clairement. Cette situation initiale n’a pas changé. Le taux de conversion équitable du franc suisse par rapport à l’euro se situe entre CHF 1,40 et 1,50 pour EUR 1,00 d’après les comparaisons de prix internationales. Les prix des biens commercialisables en Suisse et à l’étranger sont plus ou moins les mêmes à ce taux de conversion. Par contre, si le franc est plus fort, la production suisse renchérit par rapport à l’étranger, exerçant ainsi une pression sur la marge et générant des difficultés d’écoulement. Un franc surévalué peut, à long terme, laisser des traces au niveau de l’économie suisse. Car dans la majorité des sociétés industrielles, la recherche et le développement dépendent de la marche des affaires. Quand les sociétés se portent bien, elles investissent plus dans le développement de nouveaux produits. En revanche, selon une étude menée par le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’EPFZ, elles préfèrent réduire leur activité de recherche et d’innovation – voire prendre des mesures de rationalisation – lorsque leurs affaires vont mal. Ces dispositions ont pour conséquence une réduction massive des investissements dans les produits qui seront, demain, à la base de la compétitivité. Ces corrélations ont également été prouvées par des études macroéconomiques. Les monnaies surévaluées, de même que les fortes variations des taux de conversion, entraînent une plus faible croissance de la productivité, respectivement de l’économie en général. La banque nationale doit veiller, conjointement avec la Confédération, à ce que le franc suisse retrouve au plus vite sa juste valeur.
Une régulation renforcée de la politique en matière d’infrastructures La politique en matière d’infrastructures permet également de renforcer la compétitivité. Une évolution des mentalités s’impose. La politique de libéralisation, menée durant les années 1990 dans le domaine du service public, a échoué dans de nombreux secteurs. La position dominante de Swisscom sur le marché n’est guère réglementée dans des secteurs, tels que la téléphonie mobile. Cela fait monter les prix. Une évolution non contrôlée se dessine également dans le domaine des fibres optiques. Entretemps, l’ouverture du marché de l’électricité est
très mal perçue en Suisse, car, contrairement aux promesses douteuses, elle n’a pas abouti à une baisse des prix d’électricité. Les transports publics ont atteint les limites de leurs capacités, ce qui n’est ni écologiquement ni économiquement souhaitable. Les principales atteintes à l’environnement sont générées par le trafic routier privé. Il importe donc de pallier le manque de capacité dans le secteur des transports publics sous la conduite de la Confédération. L’approvisionnement en matière de télécommunications et d’électricité a besoin d’une régulation plus stricte, telle qu’elle était auparavant.
Des charges fiscales et une politique salariale plus justes Le critère principal d’une économie efficace est la satisfaction du peuple par rapport à sa propre situation économique, qui se traduit par des places de travail satisfaisantes et sûres, des salaires équitables ainsi qu’un bon approvisionnement de produits et de services à un prix raisonnable. Cependant, l’insécurité a augmenté et la répartition des revenus est toujours plus inégale. Des mesures conséquentes doivent donc être prises. Il convient non seulement d’introduire des salaires minimaux (également pour les personnes mieux qualifiées) afin d’éviter que l’écart des salaires et des revenus ne s’élargisse, mais aussi de mener une politique plus juste en matière d’impôts et de taxes. Il importe que la politique fiscale devienne enfin plus efficace. Les baisses d’impôts accordées aux entreprises et aux actionnaires représentent de l’argent mal placé, puisque ces derniers bénéficient d’ores et déjà de charges fiscales plus faibles et qu’ils ne dépendent pas d’allégements supplémentaires. Cet argent est nécessaire pour alléger les primes et financer un service public plus performant (la formation professionnelle et continue, la prise en charge extrafamiliale des enfants, les transports publics). L’ensemble de la population est appelé à participer au développement économique et pas seulement une catégorie privilégiée. Si les milieux politiques respectent ce principe, le développement économique sera plus juste et plus stable. ■ La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Comment garantir la compétitivité de la Suisse, lieu de travail et de production, dans le futur ?
Thomas Daum, directeur de l’Union patronale suisse
Concurrence et ouverture de marché Depuis la crise financière, la Suisse a de nouveau le vent en poupe en tant que site de production. Contrairement au début de cette décennie, lorsque de nombreux milieux concernés n’accordaient à notre pays qu’une place secondaire au sein des prestataires de services financiers, il est aujourd’hui incontesté que la Suisse se porte mieux que la plupart des autres Etats de l’OCDE, et ce précisément grâce à sa vigoureuse économie réelle. Nous avons donc toutes les raisons du monde de prendre soin de la place industrielle suisse. C’est un pilier indispensable du lieu de travail, même si trois quarts des emplois se situent dans le secteur tertiaire.
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Pour comprendre la formule qui rend la place de travail suisse concurrentielle, il suffit d’une petite rétrospective : elle nous montre que le développement de notre économie a été essentiellement favorisé par des mesures de revitalisation, qui remontent aux années 90 du siècle passé. Parmi ces mesures comptent notamment l’encouragement de la concurrence au sein de l’économie intérieure, de même que l’ouverture du marché à l’UE (par le biais des accords bilatéraux) et à d’autres marchés d’exportation (par le biais de nombreux accords de libre-échange). Différentes réformes ont renforcé le domaine de l’éducation, de la recherche et de l’innovation, quant au marché du travail, il a profité de l’orientation vers une politique migratoire orientée vers la qualité qui repose en priorité sur l’ouverture du marché du travail à l’UE et ensuite sur l’admission contingentée de main-d’œuvre qualifiée d’Etats hors UE. C’est surtout la libre circulation des personnes qui a permis la croissance de 2004 à 2008 et la stabilisation pendant la crise et qui a été ensuite un instrument important pour combler les déficits en personnel qualifié.
Engagement en faveur des facteurs suisses de succès Il ne faut cependant pas oublier que l’économie suisse a bénéficié des qualités traditionnelles du lieu de production et de travail suisse : sa réglementation libérale du marché du travail, son infrastructure fiable, le bon niveau de formation de la main-d’œuvre, et enfin – et non des moindres – de la stabilité politique et sociale de la Suisse. On peut donc décrire le développement de l’économie de notre pays vers sa vigueur actuelle comme la revitalisation basée sur les qualités déjà acquises de la place économique. On peut en conclure que, pour maintenir la compétitivité de la place de travail et de production suisse, il nous faut nous engager en faveur des facteurs de succès déjà existants. Du point de vue des employeurs, les facteurs les plus importants sont la flexibilité et l’ouverture du marché du travail. Il s’agit de les protéger contre les revendications de la gauche – pour les réglementer – et contre les tentatives d’isolement de la droite. C’est pour cette raison – et non par entêtement idéologique – que l’union patronale lutte contre le renforcement de la protection du licenciement, contre des salaires minimums légaux et contre l’obligation générale de prévoir un plan social. Et elle lutte de manière tout aussi vigoureuse contre les attaques vis-à-vis de la libre-circulation des personnes, des attaques qui menacent la stabilité du marché du travail suisse par le biais de la clause guillotine, la totalité des accords bilatéraux et ainsi l’accès au marché de l’Union européenne.
Relever les défis démographiques Même le point de vue limité de l’employeur interprète le maintien de la réglementation souple et ouverte du marché du travail comme une condition nécessaire, mais insuffisante à la compétitivité future de la place de travail et de production suisse. Il faut y ajouter le développement de notre système d’éducation et de formation professionnelle ainsi que – et surtout – l’orientation des assurances sociales sur les défis posés par la démographie. Avec le vieillissement de la population, la pression exercée sur l’AVS, l’AI, le 2e pilier et l’assurance-maladie ira croissante. La cotisation de base et les rendements sur les marchés des capitaux ne peuvent suivre le rythme de cette évolution, ce qui fait craindre d’importants déficits de financement. Sans mesures de correction, cette évolution mènera à une grave détérioration des conditions-cadres sociales et économiques de la place de travail suisse, car les entreprises sont dépendantes d’un environnement social stable sans augmentation considérable de la charge fiscale et des taxes. En conclusion, répondons à la question posée en titre d’un autre point de vue : si nous tirons des leçons des erreurs commises par d’autres sans les répéter (sans les prendre pour du progrès) et si nous acceptons le réseau mondial dont est doté notre pays, alors la compétitivité future de la place de travail et de production suisse est déjà à moitié assurée. ■
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Locataires et propriétaires lors que tout le spectre politique se réjouit de cette situation, il n’y a aucune raison que cela change.
La Suisse est un pays de locataires. C’est aussi un pays riche gouverné par la démocratie directe. Et cependant un pays où la pénurie de logements est permanente. Quand on met tout cela ensemble, cela donne ceci : il y a assez d’argent pour construire, mais ceux qui n’ont pas de logement ne possèdent pas cet argent. Ils restent donc locataires. Mais comme ils sont les plus nombreux et qu’ils peuvent influencer la loi directement, ils se prononcent pour la protection des locataires. Cela signifie en clair que les loyers ne peuvent pas être « abusifs », c’est-à-dire aussi élevés qu’ils le seraient si le marché de la location était libre. Dès lors, les loyers sont trop bas pour rémunérer les investissements. Et ceux qui disposent des capitaux ne les investissent pas dans la construction de logements. En revanche, il y a pléthore de bureaux et de surfaces commerciales. Comme les locataires n’ont aucun espoir d’accumuler suffisamment d’économies pour constituer un apport personnel significatif, ils ne construisent jamais leur propre maison. Ils dépensent le petit peu qu’ils ont en biens de consommation, en matériel de ski ou
d’informatique, en voyages et en restaurants. Tout cela est bénéfique pour le commerce. Economiesuisse est donc satisfaite de cette situation. La gauche est ravie car dès qu’un citoyen est propriétaire il se met à voter à droite. Dès
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Le jour où les propriétaires constitueraient la majorité des Suisses, comme c’est le cas déjà dans les pays voisins, la défense aveugle des locataires cèderait le pas à un marché ouvert, où l’offre s’ajusterait à la demande. C’est de l’économie rudimentaire. Mais la politique politicienne a ses raisons que l’économie ne connaît pas. C’est tellement plus gratifiant pour le citoyen électeur de ne pas économiser et de ne pas se lancer dans le remboursement d’une lourde hypothèque. Et cela épargne même des impôts parce que les propriétaires sont taxés sur un revenu locatif fictif qu’ils ne touchent pas. Au fond, ils sont coupables de n’être pas comme la majorité du peuple. Ils sont punis parce qu’ils ont économisé et qu’ils n’ont pas dépensé. Cela s’appelle la relance par la consommation. Certains appellent cela une exigence de l’économie, mais ce n’est pas la même que celle qui prône d’économiser vraiment : c’est l’économie du gaspillage, la coexistence des contraires. ■ –Jacques Neirynck
La nécessité d’être là où les décisions se prennent ! Oui, oui et encore oui… Ces oui ne sont pas des mots d’ordre, mais une vraie réjouissance ! Après huit années d’existence en terre neuchâteloise, le PDC voit enfin le fruit de son travail prendre forme. Le 13 mai 2012 restera gravé dans l’histoire du PDC en terre neuchâteloise : ce jour-là, onze de ses représentants ont fait, sous l’étiquette du parti, leur entrée dans un législatif communal ! Jusqu’ici, plusieurs membres du PDC faisaient partie d’autorités communales, mais ils avaient été élus au sein d’ententes locales. Le PDC compte désormais cinq élus aux Brenets, deux à La Tène, un à Neuchâtel, un au Locle, un au Val-de-Ruz et un à Hauterive.
Malgré un faible taux de participation C’est une opportunité de taille qui nous à été offerte le 13 mai dernier, pour certaines communes apparentées au PLR et pour la ville de Neuchâtel au PLR et au PBD. Malgré un taux de participation à géométrie variable, à peine plus de 29 % en ville de Neuchâtel et 48 % aux Brenets, commune de notre président cantonal Marc Eichenberger où le PDC à vécu un véritable plébiscite, sans apparentements, puisque nous avons obtenus dans cette commune plus de sièges que de candidats présentés ! Etre là où les décisions se prennent Nous devons maintenant passer à l’action. A onze mois des élections cantonales d’avril 2013, nous sommes convaincus que nos élus sauront, malgré le peu d’expérience pour certains, faire la part des choses et travailler pour le bien commun. A l’aube d’une législature qui s’annonce ardue, tant les dossiers importants sont légion : que ce soit la politique des hôpitaux, de la mobilité, de la fiscalité et des énergies, il est important que le PDC soit là où les décisions se prennent, là où l’action se passe et participe de façon active au développement de nos communes respectives, mais également de notre canton. Car, pour une partie importante de la population, les sujets cruciaux sont des sujets supra communaux. C’est à nous d’intéresser l’électorat qui ne vote pas à la chose politique, c’est à nous de leur montrer que la droite ou la gauche ne sont pas les seules forces politiques de nos communes et de notre canton à même d’être sur la place, mais qu’il existe bel et bien le Vrai Centre, le Plus grand Dénominateur Commun, le PDC. Aussi, nous nous réjouissons de participer à la construction du Vrai Centre, le centre constructif et raisonnable et continuerons le travail en perspective des élections cantonales d’avril 2013 ! ■ –PDC Neuchâtelois
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Jacques Neirynck
Sven Strebel
Interview bilatérale
Le doyen du PDC, Jacques Neirynck, conseiller national (VD), et son benjamin, Sven Strebel, candidat au Conseil national et président des JDC (AG), se sont adressé mutuellement une série de questions. Malgré l’excellence de ses positions et de sa communication, le PDC perd des voix depuis quatre élections fédérales. Quelle est l’erreur la plus manifeste qui a été commise durant la dernière législature ? Le PDC est considéré comme un parti très constructif qui s’efforce d’agir dans le but de trouver des solutions. Les partis comme l’UDC, en revanche, préfèrent recourir à la stratégie hollywoodienne et attirer l’attention en soulevant de vives polémiques. Le spectacle est, certes, passionnant, mais il est au détriment d’une politique de fond et par conséquent de ceux qui la défendent. Je ne veux pas dire que nous devrions en arriver là, mais nous devrions absolument afficher une plus grande assurance et nous montrer plus combatifs. Nous existons tout de même depuis cent ans et avons participé et contribué à la réussite de la Suisse d’aujourd’hui. Quelle serait la suggestion principale pour améliorer la situation ? Nous ne devons pas baisser la tête, mais continuer au contraire à nous battre pour notre cause, à analyser la situation ainsi qu’à ne pas tout critiquer, mais à pratiquer l’autocritique. Nous devons de toute évidence améliorer le contact avec les gens. En tant que parti populaire, nous devrions être plus présents dans les rues et chercher le dialogue avec les gens, afin d’améliorer notre visibilité. 20
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Est-ce qu’un rajeunissement massif des candidats serait positif, par exemple en limitant à trois le nombre de législatures ? C’est une régulation que je saluerais. Il y aurait toutefois lieu d’y intégrer un mécanisme permettant aux politiciens d’accepter une quatrième législature, à condition de recevoir l’appui nécessaire de leur propre section cantonale. Dans l’intitulé du parti en français et en allemand, il y a toujours la lettre C, référence au christianisme. Est-ce un avantage ou un inconvénient en général ? Il est indéniable que nombre de personnes en Suisse associent la lettre C à l’institution de l’Eglise catholique. Cette identification présente un inconvénient pour notre parti, en particulier parmi les jeunes. En revanche, nos valeurs chrétiennes sont ressenties d’une manière très différente. Elles sont en effet considérées également par les jeunes comme actuelles et modernes. Nous sommes donc appelés à faire connaître le C de manière plus efficace et plus compréhensible. Lorsque nous y parviendront, la fameuse discussion autour du nom s’avérera superflue. Le monde change rapidement. Quel est le défi le plus important que le gouvernement suisse doit résoudre durant la présente législature ?
La planification de la sortie du nucléaire, puisque des décisions importantes ont été prises pour assurer l’avenir de la production d’électricité en Suisse.
dant pas ce qu’elle va faire pour nous mais ce que nous pouvons faire pour elle. Si l’Europe échoue, le continent retournera à la violence et la Suisse en pâtira.
Est-ce que la Suisse serait plus forte ou plus faible si elle adhérait à l’UE, avec ou sans euro ? A mon avis, la Suisse ne revêtirait qu’une faible importance au sein de l’UE. De plus, la crise de l’euro ne promet pas non plus de gros avantages pour notre économie. C’est pourquoi l’adhésion n’est, à mon sens, pas une option à viser. Nous devons favoriser plutôt la voie des bilatérales.
Quel conseil pourrait-on donner à un jeune politicien comme moi ? Toujours dire ce que l’on pense de façon claire et compréhensible pour les électeurs. Et commencer par penser sérieusement en se renseignant et en réfléchissant pour dégager une analyse claire de la situation. Refuser de se faire influencer par des groupes de pression. Refuser tout poste compromettant comme celui d’administrateur de société.
Est-ce que la réduction du nombre de cantons à cinq ou six serait une bonne opération ? Une telle mesure contredirait notre principe fédéraliste. La Confédération devrait préserver l’autonomie de nos cantons et agir dans l’intérêt général. En outre, un « esprit de clocher » raisonnable n’est pas si mauvais que ça.
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Du haut de vos 80 ans, vous êtes le conseiller national le plus âgé. De plus vous avez récemment été élu au parlement du canton de Vaud et avez ravi des sièges supplémentaires pour le PDC. C’est un magnifique bilan. Quand êtes-vous entré en politique ? Je me suis engagé en politique en 1999 à l’âge de 68 ans. Je n’aurais pas pu le faire plus tôt parce que je n’ai été naturalisé qu’en 1996 après 24 années de résidence en Suisse et deux refus l’un par le canton, l’autre par la Confédération. Ces deux refus constituaient des violations de la loi sur les étrangers. J’ai décidé qu’il s’agissait d’un affront que je devais relever. Il y a eu sur cette terre de nombreux politiciens qui ont marqué notre société de manière déterminante. Quels sont vos préférés ? J’ai quelques exemples que je m’efforce de suivre : Charles de Gaulle, Konrad Adenauer, Robert Schuman, Winston Churchill. Ces hommes ont liquidé l’ancienne Europe qui se détruisait par les guerres et créé une Europe unie. Quel est le plus grand chantier politique de la Suisse ? Tout d’abord l’approvisionnement énergétique de la Suisse en visant son autonomie. Ensuite une véritable politique familiale qui remonte le niveau des naissances à ce qu’il faut pour assurer la relève des générations, soit 50 % de naissances en plus. Enfin l’adhésion pleine et entière à l’Europe, en ne se deman-
Lors des dernières élections nationales, deux jeunes politiciens PDC ont été élus au Conseil national en les personnes de Marco Romano et de Martin Candinas. Quelle importance est accordée aux jeunes dans la politique suisse actuelle ? Le rôle des jeunes en politique est d’être la voix des jeunes générations qui ne pensent pas nécessairement comme leurs aînés. Le monde évolue et beaucoup de gens n’évoluent pas avec le monde. C’est mortel en politique. Il est déplorable de constater que les jeunes Suisses s’intéressent trop peu à la politique. Quels motifs pourraient expliquer ce manque d’engagement ? Tout d’abord, les jeunes sont engagés dans une période professionnelle importante où ils doivent prendre leur place dans le monde du travail. Ils ne peuvent pas gagner leur vie en faisant de la politique à cause du mythe de la milice au Parlement fédéral et dans les Grands Conseils cantonaux. Par ailleurs, la Suisse fonctionne tellement bien qu’il n’y a aucune urgence, guère de lacunes, peu de grandes causes à défendre. Les jeunes estiment que cela va de soi et qu’il est inutile de s’en occuper. Il n’y a pas de raison de faire une révolution en Suisse puisque le peuple a déjà le pouvoir. Le pourcentage des électeurs du PDC diminue. Qu’incombe-t-il à nous, les jeunes, de changer, respectivement de conserver ? Il faut garder l’inspiration du parti qui a tenu une place importante dans l’histoire de la Suisse en défendant simultanément deux valeurs qui s’épaulent mutuellement : la responsabilité individuelle et la solidarité sociale. Ce qu’il faut changer, c’est l’idée confuse que le PDC serait à l’égal du PLR et de l’UDC un parti bourgeois, défendant les mêmes valeurs et irréductiblement opposé à la gauche. En un mot, le PDC doit apparaître comme le parti du centre. ■ La Politique 4 Juin/Juillet 2012
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Christophe Darbellay, président du PDC suisse
Déclaration d’amour envers les régions de montagnes – ne les restreignons pas à de simples réserves naturelles…
Il n’y a guère d’autre pays aussi diversifié que la Suisse au niveau des régions, des langues, des cultures, de la topographie, des mentalités, des conditions climatiques et de l’expression des opinions politiques. Mais il n’y a guère d’autre pays que la Suisse, en mesure de gérer ces contrastes de façon à ce qu’ils ne soient pas source de divisions, mais au contraire d’enrichissement. Ce sont elles qui façonnent l’identité de ce pays. Et, parmi les partis nationaux, il n’y a que le PDC qui a assimilé cette identité suisse, qui vit le fédéralisme et a conscience des sensibilités et des besoins différents. Il n’est donc pas étonnant que le PDC soit le parti qui a rejeté aussi clairement l’initiative sur les résidences secondaires, contrairement à l’alliance contre-nature entre le PS et l’UDC. Par ce vote nous avons fait preuve de compréhension à l’égard des régions touristiques et de reconnaissance envers leur situation économique. De surcroît, nous avons témoigné notre confiance dans leur capacité d’aborder de façon responsable les problèmes relevant de l’aménagement du territoire et de la construction. Je suis fier d’être le président de ce parti. La raison pour laquelle j’évoque encore une fois l’initiative sur les résidences secondaires dans le cadre de ma déclaration d’amour envers les régions de montagnes est simple. Le résultat de cette votation a dévoilé le fossé, au sens figuré, entre le Plateau et les cantons alpins, mettant à ainsi l’épreuve la source même de l’identité suisse, cette solidarité pragmatique mu22
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tuelle. Même si je dois accepter, en tant que démocrate, le résultat de cette votation, je me permets d’exposer ma vision des régions de montagnes où je réside. Je prétends qu’elle n’est point déformée, mais relève directement du « rêve d’un paysage alpin vierge », plus proche de la plupart des idées que les habitants des autres régions suisses se font des montagnes. Les cantons alpins ne sont pas de simples réserves naturelles, mais des zones où les gens vivent et travaillent. Les personnes qui ont grandi dans les montagnes, connaissent leur beauté. La plupart éprouvent comme moi un besoin impérieux d’y retourner, ne supportant pas de rester longtemps en ville. Les montagnes symbolisent à mon sens la force de la nature. Quand j’escalade le Cervin, le Grand Combin ou ne serait-ce que la Pierre Avoi, je ressens la force de la nature en moi, les intempéries et la chaleur du soleil. Il importe de se soucier de l’état des montagnes et de préserver le paysage alpin, mais il est aussi permis – voire même recommandé – de les exploiter. Nombreuses sont les personnes qui ne défendent que l’idée de protection, à l’image des Verts ou d’Avenir Suisse qui voulaient abandonner 60 vallées latérales à la nature, au loup et à l’ours en demandant de mettre un terme aux investissements dans les régions de montagnes. Or, le paysage alpin, tel que nous nous l’imaginons, n’existerait pas sans les paysannes et paysans qui les habitent et les exploitent. Il en va de même pour les chasseurs, les forestiers et les acteurs du tourisme. Non seulement on fabrique une énergie propre et des produits alimentaires de qualité dans les montagnes, mais on y entretient de merveilleux lieux de détente. La Suisse ne serait pas la même, sans les régions de montagnes, qui façonnent son identité. Et lorsque les villes et agglomérations tentent d’affaiblir le principe du fédéralisme, en revendiquant régulièrement un siège au Conseil des Etats pour les localités de plus de 100'000 habitants, elles excluent les cantons alpins et désavouent ainsi la nature profonde de l’ancienne Confédération.
Photo: swiss-image.ch / Marcus Gyger
Peut-être faudrait-il s’éloigner de l’idée traditionnelle qui voudrait que des barbus sauvages vivent chez nous dans une sorte de réserve naturelle (comparable aux parcs nationaux du Far Ouest) que les clients d’hôtels de luxe peuvent venir visiter. Entre-temps, « Heidi » possède un petit hôtel, « Grand-père » s’est rasé la barbe et a ouvert une agence de voyage et « Mlle Rottenmeier » gère plusieurs studios de Pilates. Si le tourisme a quelque peu terni l’image romantique d’un paysage alpin vierge, il témoigne du bien-être d’un grand nombre de personnes, de la bonne santé de la classe moyenne. Il est possible que certaines localités aient négligé les plans de construction, de sorte qu’elles ressemblent en partie aux paysages mités du Plateau, où les centres commerciaux Aldi et Lidl poussent comme des champignons. La densification des constructions et la protection du paysage doivent également être thématisées dans les régions de montagnes. De fait, il y a lieu de prendre ces mesures, afin d’agir efficacement contre le mitage. Mais est-il nécessaire de condamner le fait qu’aujourd’hui les plus riches ne sont pas les seuls à pouvoir s’offrir des vacances et qu’un nombre croissant de personnes des régions de montagnes ont la possibilité d’y demeurer et de jouir d’une situation économique saine ?
La situation n’a pas changé. Mon père, issu d’une famille de paysans de montagne, avait douze frères et sœurs. Une de ses tantes vivait également avec eux. En 1947, ils durent tous quitter le petit village de montagne et descendre dans la vallée. Des vallées entières se dépeuplèrent et se transformèrent en « régions fantômes » jusqu’à ce que le tourisme opère un changement et qu’un nouveau secteur économique se développe, rendant les régions de montagnes cultivables et mettant un terme à l’exode rural. Ce changement, survenu il y a à peine 60 ans, est fragile. Nous devons nous en préoccuper, non seulement nous les montagnards, mais aussi tous ceux qui vivent en plaine. Ce sont les mêmes motifs qui, à certaines saisons, poussent pratiquement tous les habitants du Plateau à se déplacer en montagne : c’est beau et reposant ici ; on nous envie souvent, parce que nous vivons et travaillons dans une région où d’autres passent leurs vacances. Cette interdépendance entre la population alpine et les habitants du Plateau profite aux uns comme aux autres et par conséquent à la Suisse entière. ■
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Philip Ursprung
Qui a peur de l’urbain ? A grands frais et de manière systématique, on attise en Suisse la peur de l’altérité, que ce soit l’islam, les étrangers ou la pauvreté. Une peur gui s’accompagne de la peur de l’urbain. Les résultats des votations – interdiction de construire des minarets en 2009, expulsion des criminels étrangers en 2010 – reflètent davantage le fossé entre population urbaine et non urbaine que les luttes entre différentes classes sociales. Il ne faut toutefois pas confondre le concept d’« urbain » avec ce que l’on entend généralement par « citadin ». Il ne s’agit pas de ce que nous nous plaisons à englober dans la notion de ville, à savoir un espace d’un seul tenant, densément construit, riche en services de centralité et en édifices monumentaux, un espace nettement distinct de la campagne d’une part et de l’agglomération d’autre part. Car la tendance à la ségrégation politique et sociale, qui fait le miel de l’UDC 1, est étroitement liée à la ségrégation spatiale qui constitue justement la spécificité de la cité.
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Cette dernière se distingue par le fait que l’impondérable y est mal reçu, qu’il s’agisse de mendicité, de vol à la tire ou d’un trafic motorisé non maîtrisé. La ville passe pour l’incarnation même du concept de cité. Elle combat donc l’urbain par tous les moyens, de la densification du territoire à la lutte contre la pollution sonore, en passant par les constructions aux normes minergiques et la protection du patrimoine.
La densification – autrement dit l’accélération de l’activité constructive dans les centres – ne se traduit guère par un afflux supplémentaire d’habitants en ville. Elle permet surtout à quelques privilégiés de bénéficier de logements plus spacieux. Le concept de minergie n’implique nullement que l’ensemble de la société bénéficie des bienfaits du développement durable ; il débouche plutôt sur le fait qu’une petite élite sociale et certaines institutions publiques diminuent leur facture énergétique, au prix d’investissements antipollution massifs et pour le plus grand bénéfice de l’industrie du bâtiment. La conservation du patrimoine ne protège pas l’identité individuelle. Elle ne fait que consolider les rapports de pro-
priété en vigueur et empêche la réallocation des ressources que sont l’espace, l’air, le calme, le patrimoine historique, etc. Quant à la lutte anti-bruit – qu’accompagne une avalanche d’ouvrages techniques, de murs de protection et de fenêtres isolantes – elle ne reconnaît pas le droit au calme des individus. Elle permet en revanche d’intensifier l’exploitation de l’espace – par exemple, l’autoroute implantée sous la fenêtre de votre salon – et facilite la sélection des informations qui nous parviennent. Dans un ouvrage publié en 1972 , Henri Lefebvre se propose de clarifier la différence entre les concepts de ville et d’urbain. Il y pose l’hypothèse que, dans un avenir proche, la société se muera en une société « d’urbanisation complète ». Son propos ne se rapporte pas à la dimension croissante des villes mais à une mutation radicale, qui les fait passer du moule industriel à une forme, nouvelle, de l’urbain. A l’époque où Henri Lefebvre écrit son livre, cet urbain n’est que virtuel. L’auteur n’y parle pas de l’opposition ville-campagne caractéristique du passage d’une société agricole à une société industrielle. 2
La notion de nature, par exemple, est totalement absente. Car, pour Lefebvre, l’urbain se caractérise surtout par la sortie de l’ère industrielle et l’avènement d’une société pétrie de différences et de contradictions. Cette cité idéale, urbaine, qui permet à la polyvalence des styles de vie de coexister, se heurte cependant à de nombreux obstacles, estime Henri Lefebvre. En effet, « dans l’ordre existant, ce qui sépare se sent solide ; ce qui dissocie se sent fort ; ce qui divise se croit positif… »3 Pour tisser l’urbain, il faut franchir diverses étapes, selon Lefebvre. Et concrétiser les quelques prémisses suivantes : « Mettre fin à toutes les séparations, celles qui séparent les gens et les choses, qui entraînent sur le terrain des ségré-
gations multiformes, celles qui écartent les uns des autres les messages, les informations, les codes et sous-codes (bref, celles qui interdisent le développement qualitatif […] Faire sauter aussi les obstacles qui […] masquent la polyvalence des façons de vivre dans la société urbaine (des modalités et modulations du quotidien et de l’habiter), qui interdisent les transgressions aux normes prescrivant les séparations. »4 Si Henri Lefebvre a raison, nous vivons actuellement une phase fondamentale de la mutation. Architectes et urbanistes en sont les acteurs majeurs. Il leur incombe, même s’ils ne sont pas seuls à guider le processus, de créer un environnement construit en mesure de nous faire vivre ensemble au lieu de nous séparer. ■ Union démocratique du centre, parti situé tout à droite de l’échiquier politique suisse 2 Henri Lefebvre, « La révolution urbaine », Gallimard, Paris 1970 3 Ibid., p. 235 4 Ibid., pp. 235–236 1
Philip Ursprung est professeur d’histoire de l’art et de l’architecture à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich
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Christine Bulliard-Marbach, conseillère nationale
Le « Röstigraben »
Regard d’une Fribourgeoise germanophone sur la Suisse romande Les Fribourgeois germanophones profitent de leur côté volontiers de chaque occasion pour partager une fondue ou une raclette, accompagnée d’un verre de « Faverges ». Aussi bien les Romands que les Alémaniques portent sur eux un « Natel » et non pas un « portable » et aussi bien les uns que les autres ont le sens de l’humour. Les deux groupes linguistiques jouent avec les cartes de Jass françaises, introduites par les Romands, qui ont envahi deux tiers de la Suisse depuis le début du XX e siècle. Lorsque des Fribourgeois bilingues s’entretiennent en français, ils glissent des expressions allemandes dans leur conversation et, inversement, les Fribourgeois germanophones utilisent parfois des mots français. Mais les quotidiens de notre canton bilingue sont publiés chacun dans sa langue. Il serait bon de jeter de temps en temps un coup d’œil sur la ville de Bienne pour nous rappeler que nous devrions mieux exploiter notre potentiel. Outre les « Freiburger Nachrichten », « La Liberté » est régulièrement distribuée dans nos boîtes aux lettres. Depuis environ 30 ans, l’allemand et le français font partie de mon quotidien familial, de mes activités politiques et de ma vie culturelle.
Différence – diversité – compréhension Ces notions nourrissent mes rencontres avec l’autre culture, à laquelle je suis très sensible, grâce à mon entourage personnel, à mes intérêts culturels ainsi qu’à mon activité politique. J’ai même développé une identité complémentaire. En tant que Singinoise, je me tourne principalement vers Fribourg, cheflieu du canton à majorité francophone, et comme les habitants germanophones de la ville, j’ai dû m’habituer dès mon enfance à accorder de l’importance aux deux langues pour m’assurer des rapports de bon voisinage. L’ouverture d’esprit, la curiosité, l’intérêt et le respect envers l’autre, qui s’exprime dans une autre langue et évolue dans un mode de vie différent, sont les conditions d’une cohabitation réussie. Nous avons des antennes plus ou moins sensibles, mais dans le contact avec l’autre culture, nous devons toujours les mettre sur position d’écoute. Nous réalisons alors que nos modes de vie, nos opinions et nos idées ne sont pas les seuls possibles, mais qu’il
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existe bon nombre d’alternatives, de concordances et de parallèles.
Différences culturelles Le cliché du Romand charmant, souple et décontracté, de même que celui du Suisse allemand précis, fiable et sérieux existent bien sûr. Les Romands se jugent plus sympathiques et plus satisfaits de leur qualité de vie. Ces clichés, de même que la volonté absolue de calquer les unités culturelles sur des régions linguistiques déterminées, modifient le regard sur les différenciations régionales très nuancées et faussent la réalité. La personne qui veut identifier les différences doit s’y prendre de manière plus subtile. Ainsi, les Romands préfèrent se rendre au travail en voiture, tandis que les Suisses allemands privilégient les transports publics, dont le réseau est plus dense et les horaires plus attractifs. Ce constat fait apparaître une différence culturelle. Les Romands n’ont que trois choses en commun : ils sont suisses, parlent le français et forment une minorité suisse. Etre un Romand, c’est être conscient des intérêts communs de la Suisse romande. Ce n’est que depuis la disparition des patois romands en faveur du français et l’intégration définitive des pays romands dans l’Etat fédéral suisse au XIXe siècle que ces derniers forment la Suisse romande. De nos jours, la Suisse romande met de plus en plus en avant sa cohésion supracantonale, en renforçant sa coopération régionale et en consolidant ainsi l’identité « Suisse romande ». Je me sens à la fois « Freiburgerin » et Fribourgeoise. ■
Dominique de Buman, conseiller national et vice-président du PDC suisse
Des regards différents
qui cultivent des valeurs communes
Déchiré au XVe siècle entre la sympathie culturelle de sa population pour Charles le Téméraire et l’attirance socio-politique de ses oligarques pour Berne, Fribourg a finalement choisi le camp des Confédérés. 500 ans plus tard, aussi bien l’arc lémanique que la capitale suisse courtisent Fribourg pour qu’il adhère à leur périmètre de développement économique. Ainsi va Fribourg, ballotté entre diverses influen ces, mais ouvert à plusieurs mondes. J’ai toujours vécu dans ce laboratoire institutionnel où Alémaniques et Romands se côtoient au quotidien. Il ne me viendrait pas à l’idée de rompre cette alchimie qui rend les Fribourgeois si helvétiques. Entre nos cultures, il y a des différences certes, mais l’aventure commune qui nous lie depuis des centaines d’années a fini également par former un creuset de convergences. Les différences. Le Suisse alémanique confiera avec moins d’élan des tâches à l’Etat, tout en sentant davantage son appartenance à une même communauté. C’est ainsi que l’aménagement du territoire revêt pour lui une signification particulière. Le Suisse alémanique se démarque enfin avec plus de détermination de la sphère allemande que le Romand ne le fait lui-même vis-à-vis de la France.
Le creuset des convergences : il fait Fribourg, il fait la Suisse. Nous aimons avant tout nos paysages, et nous les « bichonnons ». Nous avons le goût du travail bien fait : pour s’en convaincre, il n’y a qu’à consulter les carnets de commandes de nos entreprises d’exportation ou admirer comment une fête populaire est organisée. Nous cultivons enfin cette passion immodérée pour la liberté, qui se décline essentiellement dans l’exercice d’une démocratiemodèle, quelles qu’en soient les formes, voulues par un fédéralisme vivant. Retour sur Fribourg : les cultures romande et alémanique y vivent dans un périmètre cristallisé par la Réforme et par le partage des influences avec Berne. Elles y sont tout aussi différentes qu’ailleurs, mais plus proches également. La synthèse qu’offrent les bilingues rend le dialogue naturel, quotidien, typiquement suisse. Chez nous, les Alémaniques comprennent la manière de vivre des Romands, et les Romands saisissent les accents alémaniques. Ce sont des sortes de bonne entente qui nous permettent de vivre heureux. La Suisse ferait bien de s’inspirer davantage aujourd’hui du modèle fribourgeois. Car, sans les uns et les autres, la Suisse n’est plus la Suisse. ■
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Michel Cullin, ancien secrétaire général de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ)
Dépasser la réconciliation franco-allemande Et si on commençait par un petit nettoyage sémantique : couple franco-allemand, moteur franco-allemand, tandem franco-allemand, images, métaphores terriblement réductrices d´une relation complexe et donc riche, où l´idéologie de la réconciliation a occulté pendant longtemps l´histoire des transferts culturels et politiques des 19ème et 20ème siècles. Entendons-nous bien : quand nous parlons d´idéologie de la réconciliation, nous ne dévalorisons, ni minimisons, le courage de ceux et de celles qui, souvent à contre-courant dans leur propre société, surent renouer le dialogue et favoriser les échanges après les deux guerres mondiales du siècle passé. Par exemple : les pacifistes comme Romain Rolland, et Victor Basch en France, ou, en Allemagne, René Kuczinky, dont il faudrait rappeler le courage pendant la Première Guerre mondiale lorsqu´ils dirent non aux folies nationalistes dans les deux pays et lorsqu´ils refusèrent en France par exemple le racisme « antiboche » après 1918 et dans le cas des pacifistes allemands lorsqu´ils firent tout, en Allemagne après 1918 pour lutter contre l´esprit de revanche. D’autres exemples : des résistants et des déportés en France qui, après 1945, insistent selon la formule de Joseph Rovan, sur « l’Allemagne de nos mérites » des résistants, aussi en Allemagne, des émigrés qui ont fui le nazisme, mais également des hommes et des femmes de bonne volonté de tous les bords et issus de tous les milieux sociaux qui ne cesseront, après 1947, de crier « plus jamais ça ». Oui, tous ceux et toutes celles qui veulent dans la seconde moitié du 20ème siècle un nouveau départ ont accompli une œuvre de pionnier au sein des deux sociétés civiles. La compréhension internationale, l´amitié entre les peuples et la paix ont été les valeurs fortes de toute une génération dans les deux pays, qui sut et qui heureusement sait toujours dire non à la guerre. Pourquoi alors l´idéologie de la réconciliation est-elle si problématique ? Parce qu´elle dressait alors un bilan des relations franco-allemandes, fait de conflits, de guerres, de tensions, qui culmineront dans cette « pensée unique » de « l´ennemi héréditaire ». Combien de fois n´avons-nous pas entendu ou lu cette tarte à la crème des discours de circonstance. Comme s´il n´y avait pas une autre histoire franco-allemande, éminemment positive et riche de conséquences au regard de la diversité, mais aussi de la transculturalité en Europe. Cette autre histoire, c’est celle des transferts culturels et politiques qui ne sont pas tous générés par les guerres ou les occupations. 28
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Il y a au 19ème siècle en Allemagne des Républicains qui ne sont pas des produits d´exportation de la Révolution française ou de l’occupation napoléonienne. Ils sont minoritaires certes, mais les idées du Siècle des Lumières, celles de Montesquieu, de Diderot ou de Rousseau, mais aussi celles de Kant ou de Leibnitz ont constitué un héritage qu´ils sauront assumer avec beaucoup de courage face à la vindicte des Puissants. Ils sont écrivains, avocats, mais aussi paysans ou soldats : en 1848, certains rêvent d´une république franco-allemande qui ne verra, hélas, jamais le jour. Il y a au 19ème siècle, en France, de fantastiques transferts d´expériences scientifiques ou universitaires allemandes qui vont marquer l’enseignement supérieur et la recherche de la 3ème République, sans compter le domaine de la littérature ou de la musique, des beaux-arts, où l’inculturation franco-allemande, pour reprendre l’expression de J. Demorgon1, va produire entre romantisme et réalisme des œuvres originales, fines et complexes. La liste est longue. Mais notre propos n´est pas ici d´en faire l´histoire. Il est de démontrer l´inadéquation du terme « d´ennemi héréditaire » pour rendre compte de la relation franco-allemande. C´est parce qu´il y a un « ennemi héréditaire » qu´on justifie la réconciliation. Or, l´histoire des relations franco-allemandes montre, au contraire, comment le mythe de l´ennemi héréditaire non seulement a légitimé toutes les politiques de nationalisme et de chauvinisme, connues de part et d’autre du Rhin, mais il a surtout permis l´épanouissement des stéréotypes cultivés et repris par la sinistre psychologie des peuples. La botte allemande qui remet au pas l’esprit léger des Français. Fait encore plus grave : l´idéologie de la réconciliation a contribué l´occultation du passé récent, chez les Français et chez les Allemands. Prenons l´histoire des résistants allemands en France. Sujet tabou par excellence peu traité dans l´histo riographie française et allemande. Il n´était pas de bon ton de parler après 1945, en France, de ces Allemands-là. Puisqu´ils 1
J. Demorgon : « Complexité des cultures et de l’interculturel », Anthropos, Paris 2000.
étaient Allemands, ils devaient être soit nazis, soit boches, souvent les deux à la fois. En Allemagne, après 1945, ils appartenaient à ces émigrés (« Emigrant » : terme à connotation diffamatoire dans l’après-guerre qui voulait oublier), qui s´étaient soidisant dorés au soleil des terrasses des grands palaces de Londres, de New York etc., alors que leurs concitoyens se faisaient bombarder par les Alliés ou tombaient à Stalingrad. Ils n’étaient donc pas bien vus, ces Résistants, qui avaient osé porter un uniforme allié ou lutter dans les maquis contre l´armée allemande. Ils étaient des traîtres et encore pire des lâches. Comme l´Allemagne était divisée, ceux qui croyaient être dans la « bonne » Allemagne, c´est-à-dire l´Allemagne de l´Est, la RDA sous influence soviétique, avaient été instrumentalisés. Ces Résistants allemands en France devenaient alors tous des communistes fidèles, ayant œuvré pour la victoire de la grande Union Soviétique. Un certain nombre d´entre eux étaient d´origine juive, ils connurent alors l´antisémitisme stalinien et les exclusions des années 50. Il faut donc dépasser la réconciliation et cela a deux conséquences : 1) la redécouverte d’une autre histoire incroyablement actuelle comme celle des résistants allemands en France, une histoire de valeurs communes, d´esprit européen, une histoire de solidarités transnationales. C’est ici le mot-clé. 2) La relation franco-allemande n´a de sens pour l´Europe que si c´est un laboratoire de transnationalité. Il faut la redéfinir en Europe. Il faut combattre son exclusivité. Dans l´Europe d´aujourd´hui, il ne saurait y avoir d´axe ou de modèle franco-allemand. Par contre s´il n´y a pas exclusivité, il y a singularité et, à bien des égards, exemplarité.
Courrier de lecteur Je vous félicite, vous et votre équipe, pour la dernière édition (avril/mai) du magazine La Politique qui a été – une fois de plus – présentée de manière émi nemment instructive. Je me permets également une requête et une sugges tion : je trouve qu’il serait bon et motivant pour des cadres, si vous pouviez évoquer brièvement les suc cès de sections locales. Il intéresserait certainement beaucoup de gens de comprendre comment Les Brenets (NE) ont réussi leur tour de force. Personnelle ment, je le trouve tout simplement incroyable ! D’au tant plus que ce n’est pas la seule réussite aux légis latives, sur l’ensemble de la « diaspora politique » du PDC. Vitus A. Ehrenbolger, Hergiswil am Napf Nous avons accédé à cette requête par l’article à la page 19 de la présente édition
Laboratoire de transculturalité, cela signifie, comme hier dans les cas de figure exposés, valeurs communes, combats communs, mais aussi symbioses, échanges des idées et des expériences. Le « franco-allemand » n´est pas alors une addition des intérêts nationaux, condamnée à dépérir en Europe ; il donne du sens à l’avenir. Il est l’expression d’un nouveau cosmopolitisme. Le « franco-allemand » est ainsi un laboratoire fantastique, pour reprendre encore une fois Jacques Demorgon, où l’inculturation a généré de la mondialisation. Il s’agit d’une inculturation franco-allemande qui a généré de l´européanisation. N´est-ce pas là une vision nouvelle bien différente de ce qu´a pu nous apporter la réconciliation ? Attention encore une fois, nous ne serions pas là aujourd´hui s´il n´y avait pas eu les pères de la réconciliation, mais nous ne pouvons en rester à la coexistence pacifique des Français et des Allemands ou à l’addition de nos politiques, de nos cultures, nous devons plaider pour l´enchevêtrement, l´interpénétration de ces cultures et le métissage culturel dans nos deux sociétés. Nous devons encourager dans l´éducation et dans la formation tout ce qui est regards croisés. C’est la vocation de l’OFAJ. ■
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Initiative populaire fédérale «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage» Publiée dans la Feuille fédérale le 3.5.2011. Les citoyennes et citoyens suisses soussignés ayant le droit de vote demandent, en vertu des articles 34, 136, 139 et 194 de la Constitution fédérale et conformément à la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (art. 68s.), que: La Constitution fédérale1 est modifiée comme suit: Art. 14, al. 2 (nouveau) Le mariage est l’union durable et réglementée par la loi d’un homme et d’une femme. Au point de vue fiscal, le mariage constitue une communauté économique. Il ne peut pas être pénalisé par rapport à d’autres modes de vie, notamment en matière d’impôts et d’assurances sociales.
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Seuls les électrices et électeurs ayant le droit de vote en matière fédérale dans la commune indiquée en tête de la liste peuvent y apposer leur signature. Les citoyennes et les citoyens qui appuient la demande doivent signer de leur main. Celui qui se rend coupable de corruption active ou passive relativement à une récolte de signatures ou celui qui falsifie le résultat d’une récolte de signatures effectuée à l’appui d’une initiative populaire est punissable selon l’article 281 respectivement l’article 282 du code pénal.
Canton
No
Nom
écrire à la main et en majuscules
Prénom
écrire à la main et en majuscules
No postal
Commune politique
Date de naissance exacte jour/mois/année
Adresse exacte rue et numéro
Signature manuscrite
Contrôle
laisser en blanc
1 2 3 Important: cette liste, entièrement ou partiellement remplie, doit être renvoyée au comité d’initiative: CVP / PDC / PPD / PCD, «Non à la pénalisation du mariage», Case postale 362, 3052 Zollikofen. Le comité se chargera de demander l’attestation de la qualité d’électeur des signataires. D’autres listes peuvent être commandées par courriel à l’adresse info@cvp.ch ou téléchargées sur www.initiativesfamilles-pdc.ch. Expiration du délai imparti pour la récolte des signatures: 3.11.2012 Le/La fonctionnaire soussigné/e certifie que les (nombre) signataires de l’initiative populaire dont les noms figurent ci-dessus ont le droit de vote en matière fédérale dans la commune susmentionnée et y exercent leurs droits politiques.
Sceau
Le/La fonctionnaire compétent/e pour l’attestation (signature manuscrite et fonction officielle)
Lieu: Date: Le comité d’initiative, composé des auteurs de celle-ci désignés ci-après, est autorisé à retirer la présente initiative populaire par une décision prise à la majorité absolue de ses membres ayant encore le droit de vote: Darbellay Christophe, Le Perrey, 1921 Martigny-Croix; Schwaller Urs, Rossackerstrasse 4, 1712 Tafers; Binder Marianne, Müntzbergstrasse 21, 5400 Baden; David Eugen, Marktgasse 20, 9000 St. Gallen; de Buman Dominique, Place de Notre-Dame 12, 1700 Fribourg; Frey Tim, Freiensteinstrasse 6, 8032 Zürich; Glanzmann-Hunkeler Ida, Feldmatt 41, 6246 Altishofen; Graber Konrad, Amlehnhalde 18, 6010 Kriens; Häberli-Koller Brigitte, Im Furth, 8363 Bichelsee; Hany Urs, Chileweg 8, 8155 Niederhasli; Meier-Schatz Lucrezia, Haus zum Bädli, 9127 St. Peterzell; Pedrazzini Luigi, Sentiero alle coste 1, 6600 Solduno; Pfister Gerhard, Gulmstrasse 55, 6315 Oberägeri; Romano Marco, Via Carlo Pasta 21, 6850 Mendrisio; Seydoux Anne, Rue du Mont-Terri 15, 2800 Delémont. 1
RS 101
Initiative populaire fédérale «Aider les familles ! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l’impôt» Publiée dans la Feuille fédérale le 3.5.2011. Les citoyennes et citoyens suisses soussignés ayant le droit de vote demandent, en vertu des articles 34, 136, 139 et 194 de la Constitution fédérale et conformément à la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (art. 68s.), que: La Constitution fédérale1 est modifiée comme suit: Art. 116, al. 2, 2e phrase (nouvelle) 2 … Les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle sont exonérées de l’impôt. Seuls les électrices et électeurs ayant le droit de vote en matière fédérale dans la commune indiquée en tête de la liste peuvent y apposer leur signature. Les citoyennes et les citoyens qui appuient la demande doivent signer de leur main. Celui qui se rend coupable de corruption active ou passive relativement à une récolte de signatures ou celui qui falsifie le résultat d’une récolte de signatures effectuée à l’appui d’une initiative populaire est punissable selon l’article 281 respectivement l’article 282 du code pénal.
Canton
No
Nom
écrire à la main et en majuscules
Prénom
écrire à la main et en majuscules
No postal
Commune politique
Date de naissance exacte jour/mois/année
Adresse exacte rue et numéro
Signature manuscrite
Contrôle
laisser en blanc
1 2 3 Important: cette liste, entièrement ou partiellement remplie, doit être renvoyée au comité d’initiative: CVP / PDC / PPD / PCD, «Allocations pour enfants et jeunes en formation, sans impôts!», Case postale 362, 3052 Zollikofen. Le comité se chargera de demander l’attestation de la qualité d’électeur des signataires. D’autres listes peuvent être commandées par courriel à l’adresse info@cvp.ch ou téléchargées sur www.initiativesfamilles-pdc.ch. Expiration du délai imparti pour la récolte des signatures: 3.11.2012 Le/La fonctionnaire soussigné/e certifie que les (nombre) signataires de l’initiative populaire dont les noms figurent ci-dessus ont le droit de vote en matière fédérale dans la commune susmentionnée et y exercent leurs droits politiques.
Sceau
Le/La fonctionnaire compétent/e pour l’attestation (signature manuscrite et fonction officielle)
Lieu: Date: Le comité d’initiative, composé des auteurs de celle-ci désignés ci-après, est autorisé à retirer la présente initiative populaire par une décision prise à la majorité absolue de ses membres ayant encore le droit de vote: Darbellay Christophe, Le Perrey, 1921 Martigny-Croix; Schwaller Urs, Rossackerstrasse 4, 1712 Tafers; Binder Marianne, Müntzbergstrasse 21, 5400 Baden; David Eugen, Marktgasse 20, 9000 St. Gallen; de Buman Dominique, Place de Notre-Dame 12, 1700 Fribourg; Frey Tim, Freiensteinstrasse 6, 8032 Zürich; Glanzmann-Hunkeler Ida, Feldmatt 41, 6246 Altishofen; Häberli-Koller Brigitte, Im Furth, 8363 Bichelsee; Hany Urs, Chileweg 8, 8155 Niederhasli; Meier-Schatz Lucrezia, Haus zum Bädli, 9127 St. Peterzell; Pedrazzini Luigi, Sentiero alle coste 1, 6600 Solduno; Pfister Gerhard, Gulmstrasse 55, 6315 Oberägeri; Romano Marco, Via Carlo Pasta 21, 6850 Mendrisio; Seydoux Anne, Rue du Mont-Terri 15, 2800 Delémont. 1
RS 101
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