Le journal du PDC suisse, octobre 2009

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LA

POLITIQUE

Magazine d’opinion.

Numéro 7 / Octobre 2009 / CHF 5.– www.la-politique.ch

CONSEIL FÉDÉRAL , CULTURE , MAGAZINE


SOMMAIRE

TITRES

4 ELECTION AU CONSEIL FÉDÉRAL UN BILAN 6 LA NOUVELLE ALLEMAGNE

Wolfgang Schäuble à propos de la réunification

8 CRISE DES BANQUES

Interview du CEO du Credit Suisse en Suisse

10 RÉFLÉCHIR SUR SOI-MÊME

Bernd Roeck à propos de la conception de l’homme au Moyen-Âge

12 BOMBES À RETARDEMENT 17 UN CHEF, UN PROGRAMME RENDEZ VOUS

13 ENGIADINA TERRA FINA 14 ECHO DES CANTONS 15 LE GROUPE PARLEMENTAIRE FEDERAL

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T U G O VI E A 16 L DE

18 VOTATIONS

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IMPRESSUM

EDITEUR PDC suisse ADRESSE DE LA REDACTION LA POLITIQUE, Case postale 5835, 3001 Berne, tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30, courriel binder@cvp.ch www.la-politique.ch REDACTION Marianne Binder, Jacques Neirynck, Yvette Ming, Simone Hähni GRAPHISME ET MAQUETTE Brenneisen Communications, Bâle IMPRIMERIE UD Print, Lucerne ANNONCES ET ABONNEMENTS tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30 courriel abo@die-politik.ch, abonnement annuel CHF 32.–, abonnement de soutien CHF 60.– PROCHAIN NUMERO novembre 2009

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LA POLITIQUE 7 Octobre 2009


EDITO – Marianne Binder, Rédactrice en chef

TOUT N’EST PAS NEUF !

Nous avons développé ce qui a fait ses preuves. Voici près de quatre ans que LA POLITIQUE, le magazine politique du centre, a vu le jour. Notre journal revêt dorénavant un nouvel habillage graphique et son concept a été remanié. Le principe «un numéro, un thème» a été maintenu. Ces articles seront complétés par diverses petites rubriques et colonnes, ce qui nous permettra également de mieux coller à l’actualité politique et de l’aborder sous des angles différents. Pour ce premier numéro de la nouvelle formule, un sujet s’imposait: la nouveauté et le renouveau que ce soit la Renaissance, le nouveau Conseil fédéral, une nouvelle Allemagne, un nouveau mode de penser au sein des établissements financiers, une éventuelle nouvelle forme de gouvernement en Suisse et un «swiss new green deal». A l’occasion de ce renouveau, j’exprime toute ma reconnaissance à celles et ceux qui ont développé LA POLITIQUE, qui ont travaillé à son succès et qui le font encore aujourd’hui. Je vous remercie aussi, chères lectrices et chers lecteurs, de votre fidélité et j’attends avec intérêt vos remarques, même critiques.

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INTERVIEW – Urs Schwaller, Conseiller aux Etats et Président du Groupe

SUIVRE NOTRE LIGNE

Le PDC a brigué ce siège en lançant dans la course le Conseiller aux Etats et Président du Groupe Urs Schwaller. Il tire pour nous le bilan de cette candidature. Urs Schwaller, vous avez tenté de reconquérir le deuxième siège du PDC au Conseil fédéral. Même si la tentative a échoué, était-ce la bonne décision de lancer cette offensive? Je reste convaincu qu’il était juste de présenter une candidature devant l’Assemblée fédérale. Avant les deux dernières élections au Conseil fédéral, nous avions dit clairement que nous allions examiner la situation lors de la prochaine vacance radicale et briguer le siège. Un parti qui reste uniquement sur la défensive et qui se contente d’annonces est déjà en train d’abdiquer et n’est pas attrayant pour les électrices et les électeurs à l’horizon 2011. Votre candidature pour le PDC impliquait un grand engagement de votre part. Après le scrutin, il vous a fallu gérer la déception. Dès le début, je savais que la reconquête du deuxième siège au Conseil fédéral ne serait pas une promenade de santé et que nous aurions certainement besoin de quelques voix de droite. L’éventail des intérêts personnels et partisans était trop large au PS et chez les Verts pour pouvoir compter sur un soutien unanime de leur part. Au cours de ces derniers mois, j’ai pu observer de près le fonctionnement des médias ainsi que les structures et les mécanismes de direction des autres partis, ce qui compense la surcharge de travail inhérente à cette candidature. Par ailleurs, il était clair pour moi que les chances étaient de 50/50 et que je devais être prêt à faire face quel que soit le résultat. Et c’est le cas aujourd’hui. Je n’ai pas encore totalement digéré les insinuations selon lesquelles un Fribourgeois alémanique, qui se sent à l’aise dans les deux cultures, ne peut pas représenter la Romandie. Je ne comprends pas non plus 4

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que des gens qui se veulent d’habitude urbains et ouverts propagent l’idée qu’une élection d’un catholique fribourgeois nous replongerait à l’époque du Sonderbund et du Kulturkampf. Vous aviez derrière vous un Groupe parlementaire très uni. De quoi vous donner du courage. Pour moi, il était essentiel de savoir que ma candidature était soutenue par un Groupe uni. Durant ces dernières semaines, j’ai appris à beaucoup mieux connaître certains membres du Groupe et à les apprécier. Je suis convaincu que nous n’avons jamais été aussi soudés que lors de cette élection. J’ai aussi pu compter sur un soutien très fort de nos deux partenaires: le Parti évangélique et les Verts libéraux. Pour moi, l’attitude de tout le Groupe a été vraiment superbe! Aurions-nous dû faire des concessions aux autres partis pour obtenir ce siège? On ne ment jamais autant qu’avant et après les élections. Bien entendu, on m’a dit après le jour de l’élection que nous aurions dû mener des discussions approfondies avec les autres groupes avant la décision finale. Je suis convaincu que cela n’aurait rien changé. Les propres intérêts des uns et des autres étaient si importants que les partis ont préféré ne pas préciser leurs intentions. Des concessions au niveau du contenu politique auraient encore moins apporté. Dès le début, il était important pour moi de rester sur la ligne du Groupe et de ne pas être rattrapé par des promesses le 17 septembre. J’ai tellement bien suivi la ligne du Groupe que, lors des auditions, on m’a fait comprendre que même en tant que président de Groupe je devais moins parler de «nous – le Groupe» et plus utiliser le «je».


Photo: Raphael Hünerfauth/Aargauer Zeitung

Comment le PDC doit-il se positionner à l’avenir dans ce Parlement? Avec qui doit-il conclure des coalitions? Est-ce que le Parti a aussi gagné en indépendance? Lors de cette élection, nous avons gagné en profil et nous devons maintenant poursuivre sur cette voie et mener une politique plus offensive. Nous devrions aussi comprendre que nous ne pourrons progresser en 2011 que si nous sommes connus et reconnus pour nos positions claires et nos personnalités. Nous avons des partenaires fiables au sein du Groupe et je veux pouvoir continuer à collaborer ouvertement avec eux. Je ne suis

guère favorable à un grand regroupement du Centre qui ne pourrait se faire qu’en atténuant les positions des uns et des autres. Cela ne permet pas de gagner un seul nouvel électeur, ni d’accroître l’attrait du parti. Depuis le 16 septembre, il devrait être clair pour tout le monde qu’il n’y a pas d’amis en politique ou plus précisément entre partis mais uniquement des intérêts et des accords en ce sens. C’est pourquoi le 16 septembre aura aussi des répercussions sur la nouvelle composition du Conseil fédéral après les élections de 2011. Nous voulons progresser d’ici là et les réactions de ces derniers jours montrent que cela est possible. ■ LA POLITIQUE 7 Octobre 2009

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Wolfgang Schäuble, Ministre allemand de l’intérieur

Photo: BMI/Hans-Joachim M. Rickel

1989: RÉUNIFICATION DE L’ALLEMAGNE ET DE L’EUROPE

Depuis le début des années 80, la plaque tectonique européenne commençait à glisser, un mouvement à peine perceptible au début. L’Union soviétique atteignait les limites de sa capacité économique, avec des répercussions pour ses alliés du Pacte de Varsovie. Parallèlement, le mécontentement revêtait des formes nouvelles: Solidarnosc en Pologne qui était aussi soutenu par l’autorité du Pape polonais; la Charte 77 en Tchécoslovaquie; la pression qui montait en Allemagne en incitant les gens à quitter le pays, un mouvement citoyen d’abord peu important et en rangs dispersés. Lorsque Gorbatchev a entamé sa politique de réforme, lui aussi n’imaginait pas les forces incontrôlées qu’il allait libérer avec ses slogans tels que «ouverture», «transformation» et «nouvelle pensée». En RDA, la pression pour quitter le pays ne cessait de s’accroître durant l’été 1989 et, dès l’automne, les manifestants se retrouvaient de plus en plus nombreux dans les rues pour demander la fin de la dictature puis la réunification de l’Allemagne.

Gel de la question allemande Il y a longtemps que la question allemande n’était plus à l’ordre du jour international. Elle n’était pas résolue, et pas considérée comme telle, car elle était gelée par la Guerre froide et stabilisée de force par la menace permanente que représentaient le mur renforcé et surveillé vers l’intérieur ainsi que la fron6

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En Europe, l’effondrement du système communiste qui se produisit à la fin du siècle dernier a marqué un tournant historique très important. En Allemagne, la division du pays n’avait plus de raison d’être après la chute de la dictature du Parti socialiste unifié qui fut précipitée par la révolution pacifique dans l’Est du pays.

tière intérieure allemande. Le Gouvernement fédéral s’efforçait de veiller à ce que la vie des habitants de la DDR soit facilitée humainement et à ce que la question allemande reste ouverte juridiquement et dans les faits. En revanche, la politique de détente préconisée dans les années 80 était devenue une pure politique de stabilisation. Dans un discours tenu en 1985, Egon Bahr appelait à reconnaître le statu quo et à chercher les opportunités de l’Histoire dans la division. Un leader politique du SPD expliquait sans détour qu’il n’y avait rien à réunifier.

Sous Helmut Kohl, les revendications de la population de la RDA figurent à l’agenda international Avec le programme en dix points du 28 novembre 1989, le Gouvernement fédéral sous le Chancelier Helmut Kohl a tenu compte des revendications de la population de la RDA et mis la réunification allemande à l’agenda international. En RDA, le rapide déclin de l’autorité de l’Etat et la pression constante de la population accélérèrent les négociations nationales et internationales. Il n’y avait pas de temps à perdre car on ne savait pas combien de temps allait durer la conjoncture favorable, surtout à Moscou. Il était donc juste de limiter les négociations internationales aux deux gouvernements allemands et aux


quatre puissances alliées et de n’aborder que les aspects internationaux de la réunification allemande alors que certains auraient souhaité des négociations de paix qui, 45 ans après la fin de la guerre, n’auraient pas été opportunes. Et c’était juste d’opter pour la voie rapide d’une adhésion à l’article 23 de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne – la Volkskammer de la RDA l’a fait le 23 août 1990 à une majorité des trois quarts – plutôt que de choisir la voie compliquée de l’élaboration d’une nouvelle constitution. Plusieurs points ont été déterminants au cours des négociations internationales. Tout d’abord, la direction soviétique était d’avis qu’il valait mieux privilégier une future coopération avec l’Occident plutôt que préserver un système d’alliance fragile. Ensuite, il semblait possible de convaincre les puissances européennes que non seulement l’Allemagne tenait à la politique européenne d’intégration mais qu’elle allait encore l’intensifier. Et pour terminer un point très important, les Etats-Unis sous G. Bush senior soutenaient sans réserve la politique de réunification dans la mesure où l’Allemagne restait intégrée dans l’alliance occidentale. C’était aussi notre propre intérêt. En octobre 1990, grâce à la révolution pacifique et à une politique ciblée, ce que beaucoup n’osaient même plus imaginer est arrivé. Pour la première fois de notre histoire depuis la constitution libérale-démocratique, l’unité nationale alla de pair avec une relation de confiance avec tous nos voisins européens et de nombreux partenaires sur la scène internationale. L’Allemagne est aujourd’hui intégrée dans un système d’alliance transatlantique qui a lui aussi triomphé de la division EstOuest de l’Europe.

La réunification interne est un succès même si le processus est très long La situation économique des nouveaux Länder était encore plus mauvaise que l’on n’avait pu l’imaginer. Les expériences quotidiennes très différentes que vivaient les Allemands de l’Est et de l’Ouest depuis deux générations avaient laissé des traces. Néanmoins, les succès furent considérables. Depuis 1990, les habitants des nouveaux Länder ont fait preuve d’une grande flexibilité et d’un énorme engagement pour surmonter les changements fondamentaux, aussi dans leur vie privée. Tous les Allemands se sont montrés solidaires et ont fourni un effort extraordinaire pour reconstruire le pays. Malgré certaines difficultés et malgré la crise économique actuelle qui réduit le succès de la reconstruction obtenu ces dernières années, l’Allemagne réunifiée est sur la bonne voie. En Europe arrivent les générations pour qui le rideau de fer n’est que de la préhistoire. ■

MISSING LINK

L

es nouveautés sont captivantes, la plupart du temps. «La Politique» s’est habillée de neuf. Dans l’économie, l’innovation est une condition indispensable au succès. L’avant-garde artistique a une longueur d’avance sur son temps. Le renouveau est une valeur en soi sans qu’on se demande forcément si le nouveau est meilleur que l’ancien. Ainsi nous nous sommes révélés être les enfants du progrès et de sa foi irrationnelle dans un futur rationnel, équitable et libre. Ce n’est pas par hasard que le conservatisme politique date de cette époque-là. L’esprit universel d’Hegel fait surgir des forces dialectiques antagonistes. Les révolutions qui font avancer l’Histoire reposent souvent sur des arguments conservateurs: la Renaissance s’inspire de l’Antiquité pour créer le nouvel homme. Luther annonce la nouvelle croyance en demandant que le christianisme originel soit considéré comme une utopie. Rousseau n’aspire certes pas à un «retour à la nature» au sens strict du terme mais l’idée fait son chemin. Le désir conservateur d’un état de nature bienheureux sans classe l’anime, tout comme Marx ultérieurement. Pour être couronnées de succès, les révolutions doivent être conservatrices. Quiconque n’attaque que vers l’avant encaisse de nombreux auto-buts. Que les acteurs conservateurs de l’Histoire soient sur leurs gardes: la révolution russe de Lénine n’a pas réussi uniquement grâce à l’argent de l’empereur allemand. Certes le front occidental a été libéré comme souhaité. Mais peu après, le bolchévisme a balayé ses sponsors occultes conservateurs. L’esprit universel ne se laisse pas tromper par les révolutionnaires, ni par les conservateurs. Mais il utilise les deux pour atteindre ses buts que nous ne connaissons pas. –Gerhard Pfister LA POLITIQUE 7 Octobre 2009

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INTERVIEW – Hans Ulrich Meister, CEO du Credit Suisse en Suisse

UNE NOUVELLE FAÇON DE PENSER AU SEIN DES INSTITUTS FINANCIERS ?

La faillite des systèmes financiers a provoqué une crise économique mondiale. Les banques ont-elles changé de ce fait leur façon de penser? Absolument. Mais nombreux sont les observateurs qui ne s’en sont pas assez rendu compte. Notre secteur s’est profondément transformé. Notre banque également a pris très tôt des mesures en conséquence. Nous avons réduit notre bilan d’un quart et avons réorienté notre modèle commercial dans le domaine de l’investment banking afin de répondre encore plus fortement aux besoins de nos clients. En octobre 2008, nous avons été en mesure de nous procurer des capitaux à hauteur de 10 milliards de francs auprès d’investisseurs privés, ce que peu de banques ont réussi à faire au niveau mondial. Avec 15,5%, notre ratio de fonds propres est aujourd’hui l’un des plus élevés au monde dans notre branche. Cela crée de la confiance et génère un afflux de nouveaux capitaux en notre faveur. Rien qu’au premier semestre 2009, les rentrées d’avoirs de clients se sont élevées à 17,5 milliards de francs. La nécessité de réduire les risques semblait évidente. Les dirigeants des établissements financiers auraient cependant pu faire ce constat plus tôt. Ces dernières années et d’une manière générale, nous n’avons pas suffisamment discuté des évolutions négatives survenues dans notre secteur. On agissait de manière procyclique et on partait de l’hypothèse que les affaires poursuivraient leur cours malgré les excès apparents, notamment en matière de bonus. Nous devons davantage porter un regard critique sur la situation lorsque certaines évolutions, par exemple concernant les structures et les évaluations de produits financiers, n’ont plus de sens. Et qu’en est-il des systèmes de rémunération? Beaucoup de banques ont commencé à adopter diverses mesures à cet égard. Le Credit Suisse a d’ores et déjà intégré de nombreuses exigences fixées par les autorités de surveillance, par exemple associer à long terme les collaborateurs aux intérêts des actionnaires ou encore la possibilité, sous certaines conditions, d’un remboursement des bonus. Dans quelles circonstances? Fondamentalement, un remboursement devrait être possible lorsque les bénéfices n’apparaissent pas comme durables. 8

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La FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) propose d’appliquer des réglementations, y compris en ce qui concerne les systèmes de rémunération. Il faut procéder à des changements, et nous sommes d’accord sur ce point avec la FINMA. De fait, nous répondons déjà aux nouvelles exigences. Mais il ne peut pas s’agir de tout réglementer jusque dans le moindre détail ni d’imposer des restrictions nationales au point de défavoriser la Suisse face à la concurrence internationale. Les systèmes de rémunération ne sont d’ailleurs pas le seul aspect à prendre en compte. Les efforts visant à améliorer et à rendre plus stable le système financier nécessitent une collaboration sur le plan international. Cette constatation est-elle nouvelle? Nous avons toujours été favorables à une réglementation concertée au niveau international. De quelle façon peut-on réduire le risque systémique résultant de la taille et des activités des grandes banques? Le risque systémique n’est pas uniquement lié à la taille des banques ou aux activités d’investment banking. Il trouve également son origine dans l’interconnexion des banques au niveau mondial. Autrement dit, il n’est pas limité à un seul pays, mais concerne les flux financiers à l’échelle globale du fait que le réseau est devenu international. Avec la crise, nous en avons subi les conséquences au moment où les opérations interbancaires se sont effondrées. Par conséquent, il est essentiel que des domaines inhérents au système comme les opérations de paiement de base, indispensables au fonctionnement d’une économie, puissent être dissociés en cas de crise. Cela nécessite des solutions bénéficiant d’un soutien international. Il a été proposé de réduire la taille des grandes banques et de morceler les affaires relevant de l’investment banking. Qu’en pensez-vous? En tant qu’économie à vocation mondiale et en tant que place financière leader, la Suisse doit faire appel à un réseau bancaire étendu doté d’un secteur d’investment banking orienté vers l’international et capable de répondre aux exigences essentielles aussi bien de la clientèle privée que des entreprises. N’oublions pas que plus de 50% de notre produit intérieur brut est généré


par l’exportation. Les entreprises suisses actives dans ce domaine ont besoin que les banques les accompagnent. Or il s’agit là d’un soutien que souvent seuls les deux grands établissements peuvent leur offrir grâce à leurs unités d’investment banking. En outre, c’est précisément leur taille et le fait de disposer de telles unités qui apportent une contribution importante à l’infrastructure du marché financier en Suisse, au trafic des paiements au niveau national et international ainsi qu’aux opérations interbancaires et aux transactions sur devises. On trouve toutefois des responsables politiques dont on ne peut pas dire qu’ils soient des ennemis de l’économie, comme l’ancien Conseiller fédéral Christoph Blocher, qui exigent de telles mesures. Un démantèlement des grandes banques n’est pas réalisable sur le plan juridique en raison, selon le Tribunal fédéral, de l’obligation d’assistance de fait imposée à la société-mère. Le risque systémique ne s’en trouverait donc pas réduit. En outre, aucune grande banque ne pourrait se permettre de laisser tomber en faillite l’une de ses entités. La perte de réputation et de confiance serait énorme pour l’établissement lui-même et, au bout du compte, pour tout le pays. Cela entraînerait une sortie massive

de capitaux détenus par les clients, des suppressions d’emplois – pas seulement dans le secteur bancaire – et aurait des conséquences négatives pour l’ensemble de l’économie nationale. Vous observez les évolutions en matière de secret bancaire d’un œil inquiet? Les changements actuels au sein de l’OCDE permettent de clarifier la situation juridique et d’améliorer la réputation internationale. En même temps, nous assistons ici à une concurrence des centres de private banking entre eux. De nombreux établissements en Suisse se sont préparés à cette évolution en investissant dans la croissance internationale et dans la compliance, c’est-à dire le respect des règles. Dans ce contexte, la protection légitime de la sphère privée doit continuer à revêtir la plus haute importance. En fait, les enjeux de la concurrence internationale ne sont plus tant d’ordre fiscal, mais se rapprochent d’aspects tels que la compétence, le savoir-faire, la fiabilité, la qualité des produits et des services ainsi que la stabilité. A mes yeux, une telle situation est très prometteuse pour l’avenir de la Suisse, car ce sont ces atouts et non le secret bancaire qui font l’attrait des banques helvétiques pour les clients. ■ LA POLITIQUE 7 Octobre 2009

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Bernd Roeck, Professeur d’histoire, Université de Zurich

LA RENAISSANCE , L’AUBE D’UN NOUVEAU TEMPS

La Renaissance, la période située grosso modo entre le XVème et le début du XVIème siècle, est couramment considérée comme une époque florissante: l’aube d’une nouvelle ère, de notre temps. C’est l’époque où furent inventées la double comptabilité et la perspective centrale, où un nouveau continent a surgi derrière l’océan. La vision du monde de Ptolémée cède alors le pas à la cosmologie de Copernic. Le recentrage sur la culture de l’antiquité laisse apparaître le présent sous un autre éclairage; le débat animé sur la philosophie des Anciens et sur leur art, leurs technologies et leurs théories ne déboucha nullement sur des copies serviles. Au contraire, les découvertes antérieures furent approfondies, transformées et reformulées. Même si elle célébrait les dieux antiques en tableaux et en statues et qu’elle en faisait les héros de sa littérature, la Renaissance était tout sauf païenne. C’était un vrai renouveau, c’était la révolution médiatique de Gutenberg qui se traduisit par un élargissement du débat. De plus en plus de thèmes profanes furent abordés; un cercle d’intellectuels préconisant déjà une approche de la tolérance à l’égard des autres religions se forma dans la Florence du XVème siècle. En dépit de nombreuses critiques à l’encontre de la célèbre thèse de Jacob Burckhardt affirmant que la Renaissance a vu naître l’homme moderne, celle-ci 10

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cache en elle un fond de vérité, que l’on relève par exemple à la profusion de portraits et d’autoportraits fort réalistes que le Moyen Âge ne connaissait pas.

Réflexion sur soi-même Il est certain que la réflexion sur soi-même avait pris de l’importance en raison de la crise qui avait sévi à la sortie du Moyen Âge. C’est de là que s’est développé le mysticisme qui consiste à chercher les chemins vers l’intérieur et donc vers Dieu tout comme le désir de salut de l’homme qui surviendra finalement à la Réforme. Mais l’expérience de l’évanescence de tous les humains qui étaient frappés par la mort noire, les épidémies de peste qui décimaient l’Europe depuis le milieu du 14ème siècle, pouvait aussi inciter l’homme à se recentrer sur lui-même et sur son présent, à réfléchir aux possibilités qu’offre le monde dans lequel il n’effectuait qu’un court passage.

Les possibilités créatrices de l’homme C’est ainsi que la confiance dans les possibilités créatrices de l’Homme s’est accrue parmi les élites européennes. En des termes prégnants, Pic de la Mirandole écrit dans son célèbre ouvrage – très peu diffusé à l’époque – sur la dignité humaine


COLONNE LIBRE

Le chagrin de l’UDC «De dignitate hominis» qu’il incombe à Adam et à lui seul de s’élever jusqu’à la divinité ou de s’abaisser au niveau animal. A cette époque, Machiavel est le premier penseur important des temps modernes qui bannit totalement la foi de l’histoire. Au lieu de Dieu, il table sur «Fortuna», le destin imprévisible qui ne peut être maîtrisé que par nécessité et qui parfois demeure totalement incontrôlable. Ces mesures encadrent la création d’une science de la politique qui est fondée sur la raison et l’empirisme ce qui implique de voir le monde tel qu’il est et non tel qu’on croit qu’il devrait être. Sauf quelques exceptions pour le moins spectaculaires, la marche triomphale des sciences modernes basées sur la raison et l’empirisme n’a presque jamais été en forte opposition avec la foi – de quelque religion que ce soit. Leonardo n’a pas été plus poursuivi par les instances ecclésiastiques que Machiavel, alors que ses écrits avaient été mis à l’index. Seul Giordano Bruno fut exécuté.

L’héritage de la Renaissance L’expérience des crises pourrait donc encourager la perception du monde qui prévalait à la Renaissance tout comme la contrition et l’aspiration au bonheur, deux éléments qu’on retrouve aussi dans l’art flamboyant de l’époque. Quel en est l’héritage? Un héritage quasiment anéanti par des guerres de religions, tel que la notion de tolérance et de liberté du débat. Ces idées ne deviendront universelles et ne seront développées qu’à partir du XVIIIème siècle. Une mappemonde indiquant les innovations technologiques reconnues par des licences ou des prix Nobel mettrait en évidence toutes les régions à la pointe du progrès et où se sont formées des sociétés libérales dans lesquelles une classe moyenne eut la possibilité de s’épanouir. Certaines idées sur lesquelles repose la société – notre société – datent de l’époque de la Renaissance. On ne devrait pas perdre de vue que la société civile, comme toute formation fragile et menacée en permanence, est une particularité dans ce monde et qu’elle n’a pu devenir réalité que dans quelques pays. Elle n’est pas simplement le résultat réjouissant de l’histoire universelle mais un projet auquel il s’agit de travailler sans relâche. ■

L’initiative antiminarets a posé un problème politique redoutable à la présidence de l’UDC: fallait-il oui ou non la soutenir? La réponse était évidente mais insupportable: il fallait la soutenir pour gagner des électeurs, mais pas au point qu’elle réussisse car elle jouerait alors à fins contraires. Conclusion: il faut soutenir l’initiative mais comme la corde soutient le pendu, pour l’étrangler. Pourquoi cette contradiction? Parce que, si l’initiative réussissait ou même si elle obtenait un large soutien populaire, il en résulterait un scandale médiatique au niveau mondial. Non seulement la Suisse apparaitrait comme un pays violant les droits de l’Homme, mais la nouvelle atteindrait des oreilles de gens plutôt hostiles, comme l’aimable Kadhafi. Interdire les minarets en Suisse au niveau de la constitution revient à prendre une position en flèche contre l’Islam. Une série de pays seraient alors obligés de prendre des sanctions économiques, comme d’interdire l’importation de produits suisses ou d’empêcher nos entreprises de travailler sur leur territoire. Bref, la sanction économique serait immédiate et fracassante. Sans parler de mesures de rétorsion plus vives comme la prise d’otages. Ou l’organisation d’attentats sur le territoire suisse. Ce scénario serait détestable pour l’UDC qui serait alors tenue pour responsable et subirait une déroute électorale. L’utilisation de l’initiative populaire comme moyen de recruter des membres agirait à fins contraire. Tant il est vrai que l’initiative populaire n’est pas un instrument destiné à faire de la propagande électorale. A force de jouer avec les institutions celles-ci finissent par se détraquer. –Jacques Neirynck

Illustration: Domo Löw pour bc LA POLITIQUE 7 Octobre 2009

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Christophe Darbellay

DU TRIENT AU GRIMSEL Pour observer les défis qui nous attendent, il n’est jamais nécessaire d’aller très loin de chez soi: le glacier du Trient subit de plein fouet le réchauffement climatique. Pour envisager des solutions non plus: le projet de parc éolien du Grimsel et les cellules photovoltaïques et thermiques que mon voisin vient de monter sur le toit de sa maison Minergie. Ces mesures ne suffiront pas à relever le défi climatique mais elles sont un premier pas important dans cette direction.

Le réchauffement climatique et la pénurie des ressources sont autant de bombes à retardement et leurs conséquences économiques auraient des effets autrement plus profonds voire plus durables que la profonde crise économique que traverse la Planète. En effet, le rapport de Nicholas Stern, économiste et académicien reconnu par l’ONU, datant de 2006 a pour la première fois élucidé l’impact économique du réchauffement climatique: les coûts et les risques globaux du changement climatique seront équivalents à une perte d’au moins 5 % du PIB mondial chaque année. Même si ces prévisions restent des supputations et non des faits tangibles, le fait est que la crise climatique pourrait avoir des conséquences économiques plus catastrophiques que n’importe quelle autre crise. Ce défi planétaire interpelle les organisations internationales et les Etats. Leur engagement est essentiel. En Suisse, le PDC reste le seul parti dit bourgeois à assumer clairement ses positions environnementales. Diminuer considérablement et globalement notre impact sur l’environnement et accroître notre

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indépendance énergétique suppose une forte volonté politique et un changement radical de nos comportements. Il s’agit d’un combat global où tous doivent s’engager avec ambition et détermination.

Une nouvelle approche a vu le jour avec la parution du rapport Stern, celle de la réconciliation de l’économie et de l’écologie Le PDC est convaincu qu’il s’agit d’une chance pour notre économie et pour la société toute entière. De nombreuses entreprises ont saisi l’opportunité d’investir durablement dans les énergies renouvelables. Pour une entreprise, une famille ou un Etat, un investissement dans une construction ou une technologie durable ne peut que s’avérer gagnant. Ainsi, la Suisse doit saisir cette chance de développer une société et une économie plus durable. Notre pays peut devenir celui de la durabilité parce que tout simplement ce vocable trop souvent usurpé s’inscrit parfaitement dans l’esprit de nos valeurs démocrates et chrétiennes. La DURABILITE est sans doute le plus grand dénominateur commun des quatre piliers de notre programme politique économique, familiale, environnementale et sociale. Nos enfants et petits-enfants devraient pouvoir gravir les faces nord des Alpes et s’émerveiller des glaciers étincelants, ils s’enchanteront des éoliennes qui tutoient les nuages: voilà le souhait que je formule et pour lequel je m’engage avec le PDC. C’est notre responsabilité. ■


RENDEZ VOUS Corina Casanova, Chancelière de la Confédération

TARASP

– la localité où j’ai passé une partie de mon enfance, où j’ai passé mes vacances d’été de mai à octobre. C’est à dessein que j’ai choisi ce lieu, car j’aimerais souligner ainsi l’importance que j’accorde aux régions périphériques et notamment à l’Engadine. Toute région périphérique qu’elle est, l’Engadine est pour les citadins un lieu de retraite apprécié, où ils peuvent se remettre de l’agitation de la vie quotidienne et recharger leurs batteries avant de retourner à leur domicile et à leur lieu de travail. Ce qu’il faut spécialement souligner, c’est que l’Engadine constitue pour les gens qui y vivent tout à la fois leur milieu vital et leur patrie. Evitons donc de mettre en cause l’existence même des régions périphériques (mot d’ordre: «jachère alpine»), de les saigner indirectement par le biais de prétendues «incitations financières» ou de les muséifier en en faisant autant de Ballenberg. Personne ne peut avoir sérieusement intérêt à ce que la Suisse s’urbanise davantage ou que ses agglomérations se densifient encore. La survie à long terme des régions périphériques exige toutefois un soutien sans faille.

L’infrastructure de base est ici l’élément décisif, à savoir des liaisons routières convenables, une offre suffisante en matière de transports publics, de poste et de télécommunication, des possibilités adéquates de formation ainsi qu’un accès aisé à des soins médicaux de qualité. Ce n’est qu’à ce prix que les régions périphériques pourront attirer de nouveaux habitants et que les zones touristiques pourront développer leur potentiel. Ces régions ne peuvent en effet créer l’infrastructure minimale nécessaire en ne comptant que sur leurs propres forces. Or, la péréquation entre les agglomérations et les zones rurales constitue, outre la cohabitation harmonieuse des langues et des cultures, un des acquis de notre pays. Il n’y a donc pas de solution de rechange à la solidarité entre les régions. Dans ce contexte, le château de Tarasp me tient tout particulièrement à cœur. Je suis convaincue qu’il restera accessible au public – à ce public qui continuera de soutenir les régions périphériques. Un soutien qui, en fin de compte, profite à tous. ■

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ECHO DES CANTONS

UN PRAGMATIQUE DU CENTRE Après plus de cinq années aux commandes du PDC du Valais romand, Raphy Coutaz a passé le témoin à Michel Rothen à la fin du mois de septembre. Qui est le nouveau président du PDC VR et comment aborde-t-il sa nouvelle fonction?

Enseignant, âgé de 52 ans, Michel Rothen est député au Grand Conseil valaisan depuis 2001. Cet amoureux de la langue française qui organise depuis 20 ans le championnat suisse d’orthographe est aussi connu pour son franc-parler et son esprit indépendant: «Je n’ai pas de fil à la patte, je suis curieux, j’ai des idées et je n’ai pas de tabous.» Le nouveau président se définit comme un pragmatique et un optimiste. Quel que soit le défi à surmonter, il trouvera toujours un moyen de positiver les choses voire de se réjouir. Et des défis à relever, il en aura aux commandes du PDC VR! Lorsqu’on lui demande s’il sera possible de maintenir la majorité démocrate-chrétienne dans son canton, Michel Rothen répond: «Pas en passant par la voie de l’électoralisme. Le PDC ne peut pas présenter des idées aussi sexy que celles avancées par d’autres partis, par le fait qu’il assume des responsabilités au Parlement et au Gouvernement. Nous ne pouvons pas promettre de raser gratis, de doubler les allocations familiales ou

de ne construire que des maisons Minergie. Nous devons assumer concrètement nos promesses.» Quant à savoir si le nouveau président se situe dans le camp des conservateurs ou des réformateurs de son parti, là aussi la réponse est très pragmatique: «Je me situe dans le camp de ceux qui pensent qu’on ne peut pas faire de la politique correctement avec une aile droite et une aile gauche qui battent à des rythmes trop différents. Demander à ses membres et électeurs de choisir entre deux tendances, c’est comme demander à un enfant de choisir entre son papa et sa maman. La question est aussi stupide que cruelle. Après cet exercice qui lui a été imposé, le PDC s’en est encore assez bien sorti et il a maintenu le cap. Pour ma part, je suis un pragmatique du centre. Je suis convaincu que la seule politique valable est celle qui pèse les intérêts, qui prend des décisions de manière pondérée, mesurée, sage. Mon objectif: c’est de cultiver ce qui nous unit et de trouver des coordinations pour ce qui pourrait nous diviser. Sans tabous.» ■

INTERVIEW – Simon Oberbeck

UN ENTREPRENEURIAT RESPONSABLE Quels sont les thèmes qui occupent les JDC suisses en ce moment? Actuellement, nous mettons l’accent sur l’équité entre les générations, la sécurité ainsi que l’environnement et l’énergie. La crise économique est bien entendu un sujet qui nous préoccupe aussi. Il est important que tout ne continue pas comme avant. Sinon, nous serons confrontés à la prochaine crise dans 10 ou 15 ans. Il y a lieu de promouvoir un «entrepreneuriat durable». Quelles sont vos relations avec le PDC suisse? Nos relations sont très bonnes. Depuis l’élection de Patricia Mattle au sein de la présidence du PDC suisse, nous sommes encore mieux entendus. De plus, nous pouvons toujours compter sur un très grand soutien des représentants du PDC suisse 14

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lors de nos manifestations. Et ce sera aussi le cas lors de notre prochain congrès. Quand aura lieu ce congrès? Le premier grand congrès des JDC suisses se déroulera le weekend des 14 et 15 novembre 2009 en présence de la Conseillère fédérale Doris Leuthard et du Président du PDC suisse Christophe Darbellay. Nous aurons également le plaisir d’accueillir le Ministre allemand de l’économie K.T. zu Guttenberg. Le principal thème de ce congrès sera: «Notre pays a besoin d’entrepreneurs conscients de leur responsabilité !» A cette occasion, nous voulons mobiliser le plus grand nombre de membres possible. Inscriptions sur le site www.jcvp.ch. ■


LE GROUPE PARLEMENTAIRE FEDERAL

RÉTROSPECTIVE DE LA SESSION D’AUTOMNE

Hormis l’élection au Conseil fédéral dont l’issue n’a évidemment pas correspondu à mes souhaits, la session a été réjouissante au niveau des résultats obtenus sur les dossiers politiques. Je pense notamment à la réforme de l’imposition des familles et à la troisième phase de mesures de stabilisation conjoncturelle. Avec le nouveau barème familial et la déduction des frais de garde des enfants, le Parlement a suivi la proposition du PDC. Ce nouveau système d’imposition des familles est équitable, économiquement judicieux et il permettra de réduire sensiblement la charge fiscale des familles de la classe moyenne dès 2011. De la sorte, c’est une exigence essentielle de la politique familiale du PDC qui est enfin satisfaite. Grâce à la cohésion de notre Groupe face à une vive opposition de l’UDC et du PLR, le Parlement a également accepté le troisième paquet conjoncturel. Ces mesures visant à lutter contre une forte augmentation du chômage des jeunes et de longue durée sont ciblées, limitées dans le temps et financièrement raisonnables. –Brigitte Häberli

L’imposition des familles L’engagement de longue date pour alléger la charge fiscale des familles a porté ses fruits. Au terme de débats très vifs, le Parlement s’est rallié à la proposition du PDC (concept de Lucrezia Meier-Schatz). L’exemple d’un couple marié avec deux enfants illustre le potentiel d’économie.

S A N S

A P P E L

En fouillant dans les archives du Parlement, j’ai trouvé un postulat de 1988 demandant au Conseil fédéral d’examiner la possibilité d’acquérir le champ de bataille de Marignan menacé d’urbanisation. Cet achat devait être financé par une partie du bénéfice provenant de la vente des monnaies spéciales frappées à l’occasion des festivités commémoratives du 700ème anniversaire de la Confédération. Le Conseil national avait donné suite à ce postulat. Toutefois, le fait que ce terrain appartienne toujours et encore à l’Italie n’a jamais dérangé personne. Dans nos esprits, nous avons annexé Marignan depuis longtemps. Le respect des frontières fait partie de notre culture comme la langue nous le prouve. Depuis 1515, le suisse allemand ne s’est que peu modifié de sorte qu’à part nous, personne ne comprend cette langue! Et pourquoi? Si on se propose de ne plus se battre contre autrui, il n’est plus nécessaire de parler avec l’autre. La communication avec l’étranger n’est pas notre fort, du moins en politique. Et là, nous devons nous améliorer. Nous avons au moins appris les langues étrangères. Reste à les mettre à profit et c’est ce que nous ont fait comprendre les événements de ces derniers temps. Presque personne ne saisit la gestuelle de la Ministre des affaires étrangères qui rejette unilatéralement la faute sur l’un ou l’autre camp en conflit tout comme le fait que les bons services deviennent de moins en moins bons, voire partisans. En 1515, la devise de ne pas se mêler des affaires des autres était citée en exemple de par le monde. Ce principe n’exclut pas de disposer d’un bon réseau, bien au contraire, c’est une nécessité. En adoptant une telle attitude, on ne porte préjudice à personne. Une bonne raison pour manifester une grande assurance, mais avec de plus grandes compétences, sans se dissimuler. –Marianne Binder

Cas: Garde des enfants uniquement par la famille Impôt fédéral direct Actuelle- Proposition du Proposition (en francs) ment Conseil fédéral du PDC

Cas: Garde des enfants exercée régulièrement par des tiers Impôt fédéral direct Actuelle- Proposition du Proposition (en francs) ment Conseil fédéral du PDC

Revenu imposable* Impôt par année (barème) Barème parental** Impôt à payer

Revenu imposable* Déduction pour garde extrafamiliale des enfants Revenu imposable effectif Impôt par année (barème) Barème parental** Impôt à payer

80 000 1 196 0 1 196

(pas retenue)

(adoptée par les Chambres fédérales; valable dès le 1.1.2011)

80 000 1 196 340 856

80 000 1 196 500 696

* déductions pour enfants de 2 fois 6’800 fr. déjà prises en compte – restent identiques avec la réforme ** déduction forfaitaire pour 2 enfants

(pas retenue)

(adoptée par les Chambres fédérales; valable dès le 1.1.2011)

80 000 0

80 000 12 000

80 000 10 000

80 000 1 196 0 1 196

68 000 745 340 405

70 000 805 500 305

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LA CITATION

«Et tant que tu n’as pas obtenu de mourir pour renaître, tu n’es qu’un hôte obscur de la terre ténébreuse.» J.W. Goethe, Nostalgie bienheureuse

Décidément, commenter ou donner son avis sur les quelques vers du poète allemand ne nous incite pas à l’optimisme! Sa vision de l’homme et du monde – un invité triste dans un sombre monde – est tout sauf encourageante. Que veut nous dire Goethe? Sommes-nous d’accord avec l’idée qu’il faille accepter de mourir pour renaître et que, sans cette expérience, la vie est terne et triste? D’une manière plus moderne et triviale, cela signifie qu’il faut qu’une personne soit «au fond du trou pour qu’ensuite elle remonte la pente». C’est dire que des expériences telles que la souffrance, un échec personnel ou professionnel, une rupture sentimentale et même le deuil sont des points de départ obligés vers une guérison, un nouveau départ, une renaissance… qui feront qu’ensuite notre vie aura un goût moins amer et même que nous pourrions devenir des hôtes plus heureux sur une terre plus accueillante. Les femmes et les hommes qui ont dû passer par de telles épreuves reconnaissent, mais souvent longtemps après, que les épreuves les ont fait grandir et que, à travers elles, la vie a repris de la couleur et du goût. Mais est-ce vraiment indispensable de devoir faire de telles expériences pour apprécier la vie? Je ne le pense pas et je ne le souhaite à personne. Si, à l’instar de la citation de Goethe, on devait appliquer cette maxime à «La Politique» qui prend aujourd’hui un nouveau départ, on ferait fausse route! L’objectif politique du PDC est que chacun-e vive comme un «hôte heureux sur une terre de paix»! ■

LE COIN CULTUREL

GRAND AMOUR Ceux qui pensaient trouver, à la lecture du titre de ce roman, une histoire d’amour comparable à «Autant en emporte le vent», seront déçus. Certes il est question d’amour. Mais d’amour des mots. D’amour de la politique. D’amour des courtisans qui se pressent autour du Maître des Lieux – le locataire de l’Elysée. D’amour de soi, aussi. D’amour ou de désamour des sondages, enfin. Sous le couvert d’une fiction, Erik Orsenna nous entraîne dans les coulisses de l’Elysée. Un univers qu’il connaît bien, puisqu’avant de recevoir le Prix Goncourt et de rejoindre l’Académie française, il a exercé, durant trois ans, un étrange métier: celui d’écrire des projets de discours pour le Président de la République française, François Mitterand. A travers son héros, le jeune Gabriel, qui débarque au 55, Faubourg Saint-Honoré avec pour seules valises ses dictionnaires afin d’y être la plume du Président, Erik Orsenna nous raconte l’Elysée, ses mystères, ses occupants illustres mais aussi ses travailleurs de l’ombre. Avec un regard drôle et toujours tendre, Erik Orsenna nous dépeint un univers fascinant où se mêlent grandeur et désenchantement. Il nous livre aussi un regard critique sur notre époque. Une époque du tout-à-la-communication où l’image tend à l’emporter sur «ces petits morceaux de rêve que sont les mots» et où, lors des élections présidentielles, «les êtres humains auraient à choisir entre des portraits-robots d’hommes politiques» modelés par les professionnels de la communication. A méditer… –Marie Chappuis

–Madeleine Amgwerd, Théologienne

Grand Amour Erik Orsenna Edition du Seuil, 1993, 298 pages ISBN-ISSN, 2-02-012127-1 16

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Jacques Neirynck, Conseiller national

SORTIR DU BLOCAGE POLITIQUE Les institutions helvétiques ont fonctionné à merveille pendant un siècle et demi. Si la Suisse avait été seule au monde, elles auraient fonctionné pour l’éternité. Mais la pression de l’extérieur force le système à se réformer. Distinguons trois niveaux: le Conseil fédéral, le parlement, le souverain populaire. Le gouvernement La Suisse est le seul pays au monde sans chef de l’exécutif. Le président de la Confédération change chaque année, préside les réunions du Conseil fédéral et entretient les relations publiques à l’étranger: en cas de crise, il disposerait de pouvoirs étendus comme prévu aux articles 25 et 26 de la loi, mais il outrage alors le droit coutumier. Comme les dragons légendaires, la Suisse a un corps et sept têtes. Aucune de celles-ci ne peut contrôler les membres, qui se sont agités de façon désordonnée lors des crises de Swissair, de l’UBS et du secret bancaire. Cela aurait dû alerter sur le fait que l’Etat n’a pas de chef, avant que l’on en constate aujourd’hui l’urgente nécessité après la perte de face libyenne. Tout gouvernement gouvernant s’articule autour de trois impératifs pour la durée d’une législature: un chef, un programme, une majorité. Aucun de ces trois ingrédients n’entre aujourd’hui dans la construction du Conseil fédéral. Comme l’art. 176 de la Constitution impose la rotation annuelle du président, il faudrait commencer par son abolition. On imagine le parcours du combattant que cela représente à soi seul. Le parlement Cette réforme isolée est insuffisante. Un gouvernement moderne est une équipe soudée autour d’un chef, qui l’a librement composée et qui peut compter sur une majorité fidèle dans les situations critiques. Actuellement, le parlement fonctionne selon le principe de la majorité fluctuante et imprévisible entre blocs gelés: tantôt droite contre gauche, tantôt UDC contre tout le monde, tantôt UDC et PS opposés au centre. Le fait pour un parti de se trouver face à un Conseiller fédéral issu de ses rangs ne change rien à cette pratique de la girouette parlementaire. La séquence idéale serait donc: élection du président par l’Assemblée fédérale ou par le peuple; recrutement de l’équipe; obtention de la confiance devant le parlement sur la base d’un programme. Et bien entendu possibilité de retirer

cette confiance pour le parlement et d’obliger le gouvernement à la démission avec pour sanction la dissolution du parlement et le retour devant les électeurs.

Le souverain populaire La simple énumération de ces exigences pour un gouvernement helvétique en fait ressortir le caractère exorbitant et irréaliste. Comme le peuple a toujours le dernier mot, un gouvernement gouvernant se heurterait à un barrage d’initiatives populaires. Le peuple s’érigerait en opposition institutionnelle permanente et tenace. L’impuissance actuelle du gouvernement est le résultat de la toute-puissance du peuple souverain. Il est donc vain et injuste de s’en prendre aux personnes, qui s’efforcent d’exercer le pouvoir. La faiblesse du Conseil fédéral ne signifie pas que les conseillers fédéraux sont incompétents, mais que le souverain est versatile. En fin de compte, le blocage originel se situe au niveau de la démocratie directe. Si le peuple peut à tout propos désavouer l’exécutif et le législatif qu’il a élu, – et il ne s’en est pas privé – ces deux institutions sont bloquées. Mais on ne peut toucher à ce fondement même des institutions. La question est donc: les avantages réels de la démocratie directe compensent-ils ses inconvénients, tout aussi réels? Aussi longtemps que cette question ne recevra pas une réponse convaincante, la Suisse souffrira des blocages actuels en refusant d’en déceler la source et en s’en prenant aux personnes plutôt qu’aux institutions. ■

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VOTATIONS

Non à l’initiative «contre la construction des minarets» Une interdiction des minarets au niveau de la Constitution fédérale violerait certains principes fondamentaux de notre ordre juridique tels que l’égalité de traitement, l’interdiction de discriminer, la liberté de religion et le principe de la proportionnalité. Cette initiative entend interdire un élément architectural musulman. A notre sens, les questions architecturales doivent être réglées au niveau des plans d’aménagement. Au lieu de définir de bonnes conditions-cadres pour ces lieux de culte, les initiants ne pensent qu’à interdire et ne contribuent en rien à la cohabitation harmonieuse des diverses communautés religieuses en Suisse. Les véritables problèmes relatifs à l’intégration de la population musulmane en Suisse se situent au niveau des prédicateurs qui parlent de guerre sainte, du manque d’intégration des femmes musulmanes issues de l’immigration et de la méconnaissance de nos valeurs et de notre culture. C’est là que des mesures doivent être prises et le PDC préconise des règles claires: – les imams et prédicateurs doivent parler une de nos langues nationales; – les communautés islamiques doivent contribuer activement à l’intégration de leurs membres; – pour tout projet de mosquée, la transparence doit être garantie en matière de financement et de planification; – il y a lieu de renoncer dans tous les cas au muezzin; – une certaine ouverture des lieux de culte également à la population non musulmane et notamment l’accès des femmes à ces lieux.

Initiative populaire «Pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre» Cinq raisons de refuser cette initiative: – L’initiative porterait préjudice à notre économie au niveau de l’emploi et de l’innovation. – Plus de 10’000 postes de travail seraient touchés. – Elle menacerait notre sécurité. – En mettant en danger notre propre industrie, nous nous rendons dépendants de l’étranger pour notre armement. – Ce n’est pas cette initiative qui va apporter la paix dans le monde. 18

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Lors de la réalisation de lieux de culte et notamment de mosquées, nous demandons aux autorités de coopérer étroitement avec les communautés religieuses concernées et la population locale. Dans notre pays, les plans d’aménagement locaux permettent de réguler les constructions dans le respect des principes fondamentaux et du voisinage. Dans le cadre des activités organisées dans les lieux de culte, les communautés musulmanes doivent en contrepartie s’engager à soutenir l’intégration et à proscrire absolument le détournement de la liberté de culte à des fins d’agitation politique. Convaincue qu’une interdiction des minarets au niveau constitutionnel ne résoudrait aucun problème mais en créerait de nouveaux et qu’il vaut mieux miser sur l’intégration que sur l’interdiction, je vous recommande de dire NON à cette initiative le 29 novembre prochain. ■ –Thérèse Meyer-Kaelin

Arrêté fédéral sur la création d’un financement spécial en faveur de tâches dans le domaine du trafic aérien Trois raisons de soutenir cet objet: – La solution proposée répond au principe de la vérité des coûts: le produit de l’imposition des carburants d’aviation reviendra au mode de transport générant les recettes, soit le transport aérien. – Les coûts de sécurité qui ont massivement augmenté ces dernières années sont pour l’instant supportés par les aéroports et les passagers. La sécurité étant l’une des tâches prioritaires de l’Etat, il paraît approprié que ces coûts soient en partie supportés par l’Etat. – Un secteur aéronautique dynamique est un atout pour la Suisse, son économie et son tourisme. Ce secteur doit bénéficier des mêmes avantages que ceux dont disposent d’autres pays.


IL Y A 10 ANS… …en octobre 1999, le PDC suisse se réjouissait d’avoir gagné un siège lors des élections au Conseil national et d’avoir renforcé sa représentation féminine sous la coupole fédérale. Parmi les 35 élus PDC à la Chambre du peuple, on dénombrait 19 nouveaux parlementaires dont dix arpentent aujourd’hui encore le Palais fédéral: la Conseillère fédérale Doris Leuthard, la Présidente du Conseil national Chiara Simoneschi-Cortesi, Elvira Bader (SO), Lucrezia Meier-Schatz (SG), Kathy Riklin (ZH), Maurice Chevrier (VS), Arthur Loepfe (AI), Ruedi Lustenberger (LU), Jacques Neirynck (VD) et Meinrado Robbiani (TI).

MANIFESTATIONS

Une Suisse inculte? L’OCDE considère qu’en Suisse le faible taux de titulaires d’une maturité est un problème. Toutefois, derrière cette déclaration se cache un malentendu car elle méconnaît la grande performance du système dual de formation. Nous en discuterons.

LA QUESTION DU MOIS

QUE FAIT UN SOLDAT AVEC UN SPRAY AU POIVRE?

Depuis le 1er septembre, le service de garde s’effectue «en cas normal et sur base réglementaire» avec une arme non chargée au sein de l’Armée suisse. Cela signifie que le magasin plein est introduit dans l’arme mais sans effectuer de mouvement de charge. Un spray au poivre complète l’équipement du soldat. Selon le Département militaire, cela élargit les possibilités de réagir avec proportionnalité. Un argument très pertinent: finalement, pour garantir la sécurité de la ligne ferroviaire Genève– Zurich – un scénario conçu par le Conseiller national Ulrich Schlüer – il faut pouvoir faire face à toutes les menaces qu’il s’agisse d’un photographe amateur égaré ou de l’attaque d’une brigade blindée. Grâce à «la complémentarité des systèmes d’armes» qui vont du spray au poivre jusqu’à l’obusier blindé, rien ne peut nous arriver. Le spray au poivre ne protège pas seulement le soldat qui fait la garde de réactions disproportionnées, il contribue aussi considérablement au redressement de la conjoncture en Suisse, ce qui est tout particulièrement important en période de crise économique. Celui qui aura mis aussi facilement un agresseur sur le carreau n’hésitera pas à recommencer. En plus des militaires en service de garde, ce sont tous les soldats – les hommes comme les femmes – qui devraient bientôt être équipés d’un spray. Cela contribue à accroître d’une part la sécurité publique et de l’autre celle de l’armée ellemême. Enfin, les hommes peuvent aussi se protéger contre d’éventuelles agressions féminines. Pour une fois, c’est l’armée qui crée une tendance: plus de croissance et d’emplois grâce à une plus grande quantité de poivre dans la sécurité. –Martin Fröhlich

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