Le journal du PDC suisse, mai 2010

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Politique

Magazine d’opinion.

Numéro 5 / Mai 2010 / CHF 7.80 www.la-politique.ch

Objets boudlés «A chaque canton sa propre œuvre d’art…»

Appenzell Rh.-Int.

Glaris

Neuchâtel

Obwald

Vaud

Berne

Schaffhouse

Zurich

Jura

FéDéralisme Nidwald

Bonheur ConCurrenCe eConomie Uri

Schwytz

Zoug

Argovie

Bâle-Ville


Sommaire

TITre

4 6 19 20 24 26 28

nouS SommeS heureux Simple organe d’appliCation? nouvelle Charte genevoiSe la BaSe de notre démoCratie réformeS de par le monde SolutionS novatriCeS éConomie et religion

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La paroLe aux Images

10 de BourgeS à verSailleS rendez-vous

14 himmelreiCh (ag) spécIaL

le fédéraliSme de 1291 à aujourd’hui

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echo des canTons

12 deS SuCCèS politiqueS: ag, vS, fr 22 Le groupe parLemenTaIre fédéraL Burn out dE l’annéE Impressum

EDITEUR Association LA POLITIQUE ADRESSE DE LA REDACTION LA POLITIQUE, Case postale 5835, 3001 Berne, tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30, courriel binder@cvp.ch www.la-politique.ch REDACTION Marianne Binder, Jacques Neirynck, Yvette Ming, Simone Hähni, Lilly Toriola TRADUCTION Yvette Ming, Isabelle Montavon GRAPHISME, ILLUSTRATIONS ET MAQUETTE Brenneisen Communications, Bâle PHOTO TITRE You tube focus sur l’œuvre «Objets boudlés», Paul Wiedmer, Plasticien sur métal, Musée Tinguely (09/10) A voir sous www.youtube.com/watch?v=hWvkbJRXkq0 IMPRIMERIE UD Print, Lucerne ANNONCES ET ABONNEMENTS tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30 Courriel abo@die-politik.ch, abonnement annuel CHF 32.–, abonnement de soutien CHF 60.– PROCHAIN NUMERO juin 2010

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Eyjafjallajökull


edITo – Jacques Neirynck, Rédacteur en chef adjoint

le fédéraliSme peut S’inCarner de diverSeS façonS: un simple principe d’organisation administrative, une préoccupation constante au niveau de l’Etat, un art de faire de la politique, une composante essentielle de l’être collectif d’une nation.

Dans la plupart des cantons, bâtis sur une longue histoire, l’identité cantonale s’inscrit dans l’appartenance helvétique: on est d’abord vaudois ou valaisan et puis suisse. C’est une application très forte du principe de subsidiarité. Le fédéralisme entraîne une saine concurrence entre cantons à tous les points de vue: une fiscalité contenue par la compétition pour attirer entreprises et travailleurs; une politique économique fondée sur les initiatives locales. Mais le fédéralisme suisse, c’est aussi 31 systèmes scolaires, plus que le nombre de cantons à cause de ceux qui sont bilingues. Cela n’est pas sans poser des problèmes aux parents qui déménagent pour des raisons professionnelles et qui risquent de perturber le parcours scolaire de leurs enfants, voire de leur faire perdre une année. Cela signifie aussi un accès au niveau universitaire très variable d’un canton à l’autre et donc la perte de certains talents qui n’ont pas été exploités dès le début. Cela signifie enfin l’hétérogénéité des auditoires d’étudiants dans les hautes écoles avec du temps perdu à combler certaines lacunes. C’est aussi 26 systèmes de santé avec des duplications coûteuses, 26 façons de faire fonctionner les institutions, d’organiser les transports, etc. Pour coordonner cette inventivité débordante, les organes intercantonaux, les concordats foisonnent. Les institutions se compliquent et parfois s’immobilisent plus que de s’affermir. Le fédéralisme bien compris, c’est la liberté d’entreprendre en politique, limitée par le seul impératif du bien commun. C’est l’obligation de gouverner au centre et de respecter toutes les minorités. C’est un de nos biens les plus précieux. Il ne faut pas le galvauder. lA Politique 5 Mai 2010

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Bruno S. Frey, Claudia Frey Marti

le fédéraliSme rend-il heureux? Selon une enquête représentative, une bonne moitié des Suissesses et des Suisses interrogés s’estime heureuse et un tiers même très heureuse. En comparaison, le degré de bonheur et de satisfaction dans la vie indiqué par les personnes interrogées en Allemagne ou aux EtatsUnis est inférieur. Mais de quoi dépend notre bonheur? Déterminants économiques, sociodémographiques et politiques du bonheur Non seulement les critères économiques, tels que le revenu, le chômage et l’inflation et les données sociodémographiques, tels que l’âge, les conditions familiales et la santé, mais également les facteurs politiques déterminent dans une large mesure notre satisfaction dans la vie. La démocratie et le fédéralisme contribuent de manière essentielle à notre contentement. le fédéralisme: décisions politiques décentralisées Le fédéralisme fait partie des principes fondamentaux de la Confédération helvétique. L’idée principale est de déléguer le plus de tâches possibles – ainsi que le financement des coûts et la responsabilité – à des entités plus petites (cantons, communes) qui ont un rapport plus étroit avec les citoyennes et les citoyens. La population quant à elle peut ainsi bien observer ce qui est discuté, décidé et mis en œuvre sur le plan politique et la manière dont cela se passe. Les cantons se font concurrence les uns les autres, ce qui les incite à mieux tenir compte des souhaits de la population. rapport empirique entre fédéralisme et satisfaction dans la vie Une analyse quantitative du rapport entre la décentralisation politique et la satisfaction dans la vie des citoyens a été effectuée en Suisse. Les résultats empiriques montrent clairement 4

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que les structures fédérales et l’autonomie locale accroissent la satisfaction dans la vie: plus l’autonomie communale est grande, plus les habitants sont contents.

Nouvelle proposition en matière de fédéralisme Les juridictions fonctionnelles, superposées et concurrentes («Functional, Overlapping and Competing Jurisdictions» FOCJ) représentent une solution innovante en matière de fédéralisme. Les unités fonctionnelles FOCJ sont des collectivi-


LA QUESTION DU MOIS QU’EST-cE AU fAIT

que la Démocratie écoNomique? tés territoriales régionales qui offrent à la population des prestations publiques à l’échelle régionale (p.ex. la police, les écoles publiques, l’approvisionnement en eau ou la voirie) tout en présentant les caractéristiques d’un pouvoir étatique. Cette proposition souligne le rôle des citoyens dans le processus politique et recommande la décentralisation de chaque fonction exécutive vers un domaine de compétence de taille appropriée. Elle préconise le principe de l’équivalence fiscale se traduisant par une concordance territoriale des instances responsables des prestations publiques régionales, de leurs bénéficiaires et de leur financement. Ces régions fonctionnelles permettent de tenir compte, de manière optimale, des préférences de la population tout en offrant des prestations publiques à des prix avantageux.

les conditions du bonheur individuel Le bonheur est en étroite relation avec la réalité économique et institutionnelle. Contrairement aux avis divergents, le bonheur n’est pas seulement déterminé par l’environnement privé restreint mais il possède une composante sociale importante. Dès lors, la satisfaction dans la vie des gens dépend également de la politique. En Suisse nous avons l’avantage de disposer, grâce à la démocratie directe et au fédéralisme, d’institutions favorables au bien-être des gens. ■ Bruno S. frey, Professeur en sciences économiques à l’Université de Zurich. L’application de l’économie à de nouveaux domaines, tels que l’environnement, la politique, l’art, l’histoire, les conflits, la famille et le bonheur, qui prend en considération les aspects psychologiques et sociologiques est au centre de ses recherches. Claudia frey marti Docteur en économie. Elle a été cheffe adjointe au Service de coordination en matière d’environnement du canton de Bâle-Ville avant d’assumer la fonction de chargée d’enseignement en économie politique et d’experte aux examens auprès de la haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO). Aujourd’hui, Claudia Frey Marti est indépendante. Bruno s. frey und claudia frey marti, glück – die sicht der Ökonomie. Rüegger Verlag, Zurich/Coire, 2010

Assis à mon bureau, je réfléchis comment le chapitre «démocratie économique» inscrit dans le programme du parti socialiste pourrait être appliqué dans notre entreprise: – Les employé-e-s déterminent la stratégie de l’entreprise. – Les employé-e-s définissent la politique d’investissement de l’entreprise. – Les employé-e-s mènent les négociations sur la politique financière de l’entreprise avec les banques. – Les employé-e-s se chargent des commandes. – Les employé-e-s sont prêts à réinvestir une partie de leur salaire dans l’entreprise. – Les employé-e-s assainissent si nécessaire la caisse de pension. – Les employé-e-s renoncent à une partie de leur salaire en cas de problème de liquidités. – Les employé-e-s décident à quel moment il faut introduire le chômage partiel et pour quelle durée. – Les employé-e-s veillent à la sécurité sur le lieu de travail. – Les employé-e-s garantissent des emplois à vie. Comme je n’ai lu nulle part le mot responsabilité, je pars de l’idée que celle-ci continue d’être assumée par les patrons de toutes les petites et moyennes entreprises qui créent la majorité des emplois dans notre pays. Quelqu’un doit bien être responsable. Autrement, je n’ai plus qu’à me retirer. Si contre toute attente des problèmes devaient survenir, le service de conseil en entreprise démocratico-économique des stratèges du PS les résoudrait de toute urgence. On appellera l’entrepreneur afin qu’il entreprenne quelque chose, même s’il ne s’agit que d’injecter des moyens financiers supplémentaires. Vive la démocratie économique. –Urs Hany

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Michael Reiterer, Ambassadeur de l’UE en Suisse

leS petitS et moyenS payS au Sein de l’union européenne et danS le monde Savez-vous ce qui est commun aux petits et moyens pays (PMP) et aux petites et moyennes entreprises (PME)? Aussi bien les premiers que les seconds sont sous-estimés.

Les deux représentent la majorité et non pas la minorité au niveau des pays comme à celui des entreprises. Ils assument leurs responsabilités en politique et dans le cadre de leurs activités économiques – sans eux l’immobilisme et le chômage règneraient. Ils ont tous deux appris à s’organiser pour mieux couvrir les aspects nécessitant des actions communes. Dans le domaine politique, l’Union européenne constitue sur notre Continent la réponse des divers Etats à l’expérience historique des nombreuses guerres et actuellement de plus en plus à la globalisation, tandis que les PME forment des pôles d’excellence afin de réunir leurs forces dans la recherche et le développement. Ne voulant pas abuser de l’analogie je me limiterai aux PMP, une catégorie dont la Suisse fait partie au même titre que ma patrie, l’Autriche. En tant que membre de l’UE, cette dernière

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aide à façonner l’Union de l’intérieur, tandis que la Suisse se contente délibérément de suivre la loi européenne dans les domaines qui lui tiennent à cœur, de façon indépendante ou par contrat. J’entends souvent dire que cela ne représente pas un inconvénient, puisque les petits et moyens Etats sont de toute façon perdus au sein de l’Union et qu’ils n’ont pas voix au chapitre. Or, s’il en était ainsi il faudrait se poser la question de savoir pourquoi 19 PMP ont adhéré à l’Union de leur propre gré s’ils n’avaient rien à y gagner. Ils ne sont pas tous masochistes. Cela tient-il à une compréhension dépassée de la notion de souveraineté qui se base sur l’aspect formel et non pas matériel, à savoir la cogestion et la participation? Jetons un regard rétrospectif sur l’histoire: six Etats étaient réunis autour du berceau de l’Europe, les trois grands, à savoir l’Allemagne, la France et l’Italie, et les trois PMP du Benelux. Ces derniers ont pu se lancer dans cette expérience parce qu’ils adhéraient à une communauté de droit et que l’Union a, dès le début, discriminé positivement les PMP, une situation qui dure jusqu’à nos jours. Voici quelques exemples: l’Allemagne qui est le plus grand pays de l’Union en constituant 16,5% de la population européenne est représentée par 99 délégués au Parlement européen, ce qui correspond à 12,6% de l’ensemble des délégués, soit moins 3,9%. L’Autriche qui n’équivaut qu’à 1,7% de la population européenne, envoie par contre 2,3% des parlementaires – les six délégués du Luxembourg constituent 0,8% des parlementaires, bien que cet Etat ne comporte que 0,1% de la population européenne. A qui revient l’avantage lorsque Malte et la France présentent un commissaire chacun? Qui a comparativement une influence plus grande, par exemple lorsque la Lituanie dispose au même titre que l’Italie d’un droit de véto dans des affaires importantes comme la politique fiscale et extérieure? En fin de compte 4,2 millions d’Irlandais ont tenu en échec 470 millions de citoyennes et citoyens européens, lorsque leur pays était le seul à ne pas avoir ratifié le contrat de Lisbonne… Ces exemples parlants ne doivent cependant pas dissimuler le fait que le débat sur l’influence exercée au sein de l’Europe n’est pas mené uniquement sur la question de la différence de taille entre les Etats membres: le degré d’influence ne dépend pas uniquement de la taille géographique et du produit intérieur brut qui sont d’ailleurs souvent découplés. C’est pour-

quoi les PMP sont mis à rude épreuve: ils doivent avancer des arguments meilleurs, détecter les créneaux dans la politique mondiale et les occuper, afin d’en augmenter le profit et d’accroître ainsi leur influence. La qualité des arguments, des idées, du niveau de formation de la population, de l’état de l’infrastructure, de l’implication dans des processus décisionnels, du réseautage, bref de la capacité d’innovation… voilà des qualités qui sont toutes indépendantes de la taille et qui permettent aux PMP de s’investir de manière constructive. Tim Guldimann a cité la Suisse en exemple: «Nous nous déclassons et nous nous persuadons de notre impuissance. En Europe (sans la Russie ni le Caucase) il existe aujourd’hui 47 Etats, dont 16 affichent une population plus grande que la Suisse et 30 autres une population inférieure. Sur le plan économique la Suisse occupe le 10e rang par rapport au produit intérieur brut. Cela signifie que l’Europe compte 36 entités économiques plus petites…1» Ceci est en quelque sorte aussi valable pour l’Union européenne: la plus grande puissance économique du monde, le plus grand donneur d’aide au développement du monde entier, un acteur fort dans le cadre de la diplomatie commerciale internationale, n’apporte pas le même poids politique sur la scène politique internationale. Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009 se place dans ce contexte. Il a pour but de renforcer le profil international par l’introduction de deux positions nouvelles – la présidence permanente du Conseil européen, le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité – ainsi que par un service diplomatique européen. L’Union européenne serait bien inspirée de mieux utiliser son pouvoir de convaincre («soft power») en faisant appel à sa puissance intelligente («smart power») afin d’imposer ses intérêts. L’Europe n’est plus le centre du monde mais, en tant que communauté de petits Etats, elle est plus fortement engagée sur le plan international que d’autres. →

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Tim Guldimann. «Die Schweiz leidet an einem Kleinstaaten-Komplex». NZZ, 1er avril 2010, p. 23.

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C’est là que réside la chance des PMP en tant qu’Etats membres de l’Union: l’européanisation des intérêts augmente leur chance de s’imposer à l’échelle mondiale. L’Union est probablement le principal exportateur du monde de normes, de standards et de règles – une importante dimension extérieure du marché interne, dont la Suisse, non membre, profite également en raison de sa relation étroite: le fait d’agir aussi sur les marchés étrangers selon des standards connus représente un avantage concurrentiel pour les entreprises européennes. Même pendant la crise grecque actuelle, il ne faut pas oublier que la stabilité de l’Euro a préservé l’économie européenne d’une issue plus grave durant la crise financière et économique; le cours élevé de l’Euro a permis durant de nombreuses années d’acheter l’énergie à un prix plus avantageux (car facturé en dollars), ce qui était un avantage concurrentiel; le risque de change par une facturation en Euro a été supprimé… des acquis qu’un PMP ne pourrait pas obtenir à lui seul. L’adhésion des Etats baltes à l’OTAN et à l’Union constituait une garantie de sécurité essentielle au niveau de la politique étrangère; en qualité de pays membre de l’UE, la Bulgarie a pu ré-

LA MAISON DES CANTONS Proche de la gare de Berne et du Palais fédéral, la Maison des cantons a ouvert ses portes en août 2008. Elle regroupe les secrétariats de plusieurs conférences intercantonales gouvernementales et sectorielles ainsi que des institutions affiliées. Le regroupement de ces institutions sous un seul et même toit crée des synergies, notamment sur le plan administratif, et il offre une infrastructure moderne et bien située. Par ailleurs, la Maison des cantons renforce la collaboration intercantonale et lui donne une plus grande visibilité.

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soudre avec l’aide de l’Union le problème de son personnel médical retenu en Libye, chose qu’elle n’avait pas réussie à faire auparavant. Les PMP sont en mesure de relever des grands défis, tels que la réforme du système financier mondial, l’approvisionnement en énergie et la sécurité énergétique, le changement climatique, la lutte contre les pandémies, la réduction de l’écart entre riches et pauvres, les mouvements migratoires, la lutte contre la criminalité… à condition qu’elles collaborent au sein d’une fédération plus grande et que cette Union coopère à son tour au sein du FMI, de la Banque mondiale, du G20, des Nations Unies… Telles sont des priorités reconnues par l’Union qui, en tant que communauté juridique basée sur certaines valeurs, fournit aux PMP un cadre à l’intérieur duquel ils peuvent s’engager de manière constructive en collaborant avec les pays plus grands de l’UE qui se sont rendu compte qu’en solitaire ils étaient eux aussi trop petits dans de nombreux domaines. Ce qui est certain c’est qu’ils ont tous besoin d’avoir confiance en leur propre force. ■

Qui est dans la Ma Conférences des directeurs La Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) La Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) Le Centre d’information et de documentation de la CDIP La Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) La Conférence suisse des Directeurs cantonaux des Forêts (CDFo) La Conférence suisse des directeurs des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement (DTAP) La Conférence des directeurs cantonaux des transports publics (CTP)


«La Suisse se contente de suivre la loi européenne dans les domaines qui lui tiennent à cœur.» Michael Reiterer

MiSSing Link

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es Grecs brûlent le drapeau européen. Chez nous, même l’ASIN ne va pas aussi loin. Le berceau de la démocratie exige de la part de Bruxelles que l’UE continue de financer le laxisme méditerranéen. A quoi bon être membre de la zone Euro, si l’on ne peut pas s’endetter jusqu’au cou? De même que leur maître Socrate, les Hellènes modernes montrent l’écart qui existe entre les droits et la réalité au sein de l’UE. Le pacte de stabilité de l’Euro ne s’applique qu’à ceux qui sont assez bêtes pour le respecter et qui ne connaissant pas les lois de la comptabilité créative.

aison des cantons? Conférence gouvernementale La Conférence des gouvernements cantonaux (CdC)

Institutions affiliées

La Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS) Le Centre suisse de formation continue des professeurs de l’enseignement secondaire (CPS) Le Centre suisse de services Formation professionnelle Orientation professionnelle, universitaire et de carrière (CSFO) Le Centre suisse de pédagogie spécialisée (CSPS) L’Interassociation de sauvetage (IAS)

L’Espagne, le Portugal et l’Italie attendent de voir comment va leur frère du Péloponnèse avant de faire connaître leurs droits. Entre temps la Chancelière Angela Merkel est louée par les siens pour sa fermeté digne de la «Dame de fer». Mais leur mécontentement est tel qu’ils ne réalisent pas son incohérence: elle continue de payer! Les Grecs sont d’avis que cet argent leur revient. Les Allemands n’auraient de loin pas encore payé les dégâts causés durant la deuxième guerre mondiale! Ces propos manquent de tact mais ont le mérite d’être précis. Le sens profond du projet de l’UE est ainsi dévoilé: la paix par la domestication de l’Allemagne et l’assurance du paiement des réparations allemandes à la moitié du continent. En remerciement, les Allemands éprouvent ainsi le sentiment rassurant de ne plus être redoutés et ils acquièrent surtout le statut d’enfant modèle. Ce deuxième «pacte de stabilité» durera aussi longtemps qu’ils pourront payer. Donc encore un petit moment. Les Anglais sont plus pragmatiques et moins euphoriques. Ils tiennent à leur livre sterling. Margaret Thatcher, la vraie dame de fer, était plus intransigeante lorsqu’elle répondait aux eurocrates de Bruxelles: «I want my money back.» –Gerhard Pfister lA Politique 5 Mai 2010

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Adrian Meyer

perSpeCtiveS

Les piliers en pierre qui s’élancent vers la lumière donnent une impression de légèreté stupéfiante. Ornés de faisceaux de pilastres, ils forment des voûtes sur croisée d’ogives dont les nervures s’écartent tels les doigts d’une main pour la prière. L’architecture gothique des monuments sacrés s’est détachée de l’apparence plus massive et terrestre de l’art roman et semble se dérober à toutes les conceptions antérieures en s’élevant ainsi vers le ciel. L’image d’une communauté pénitente qui prie, clouée sur un sol de pierre froide par l’attraction terrestre, est littéralement transportée par la magie de cette colonnade en pierre inondée de lumière. Telle une main ouverte, le chœur arrondi de la cathédrale Saint-Etienne de Bourges assume la fonction d’une croisée de transept qui définit l’espace surélevé de l’autel comme point de mire et d’action. Les lustres qui sont suspendus juste au-dessus des têtes sont là comme des feuillages givrés pesant sur l’assistance recueillie dans la prière.

Les deux images, la cathédrale de Bourges et l’allée de platanes dans le parc de Versailles, témoignent d’une beauté dramatique éclatante qui converge vers la lumière. Jusqu’ici tout va bien. Cependant la genèse de cette cathédrale à cinq nefs, comparable à beaucoup d’autres, ne laisse paraître absolument aucune trace des travaux de construction extrêmement durs et

Au-delà de ces représentations romantiques, on constate que nous ne percevons que ce que nous savons et que par ailleurs nous croyons plus que nous ne savons. Martin Walser affirme que l’état permanent n’existe ni dans la foi, ni dans l’amour, ni dans la haine. Dans ce sens, la foi suppose de montrer le monde plus beau qu’il n’est en réalité. Je pense que l’architecture gothique des monuments sacrés traduit cet état de flottement. Leur dimension spatiale, en harmonie avec le dogme de l’Eglise, est en effet ressentie comme une mise en scène. La beauté de ces édifices ne s’explique pas seulement par leur durabilité historique ou par la mémoire collective, mais elle est due aux émotions que suscite cette architecture indépendamment de sa dimension religieuse. Les limites entre la beauté, l’émotivité et l’excentrique peuvent s’estomper, c’est une question de connaissances préalables et de profondeur au niveau de l’expérience culturelle. Nef centrale de la cathédrale de Bourges. 10

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pénibles. On suppose que ces derniers ont débuté en 1195 à la suite d’une donation de l’archevêque Henry de Sully. La durée de construction s’étendant sur plus de cent ans, la cathédrale n’a été consacrée qu’en 1324. Les travaux ont été régulièrement interrompus en raison de problèmes financiers, de risques d’effondrement et d’incidents bien réels. La façade à cinq portails, surmontée de deux tours, ouvre sur cinq nefs conduisant directement au double déambulatoire du chœur. Elles se soutiennent mutuellement, forment la nef centrale d’une hauteur majestueuse et la protègent de l’effondrement. Tout ou presque tout ce que l’on voit sur place, à savoir les bas-côtés en cascades et leurs multiples arcs-boutants à l’extérieur, les colonnades ornées de faisceaux de pilastres surmontées de voûtes sur croisée d’ogives, n’est au fond que l’expression d’une gigantesque démonstration de force mise en valeur par des astuces architecturales. Les formes d’architecture imaginées par les chefs suprêmes de l’Eglise de l’époque et par leurs maîtres d’ouvrages s’opposaient fermement à la nature même des pierres qui, en raison de leur poids, sont attirées vers le sol et risquent de faire s’effondrer tout l’ouvrage. On pourrait aussi considérer ces constructions comme des jeux d’équilibre entre les forces des pierres, dont on ne savait pourtant pas calculer les valeurs. L’expérience à elle seule et l’exploration de dimensions de plus en plus osées ne suffisaient souvent pas à faire tenir les édifices debout. Des effondrements, des interruptions de travaux et des incendies entraînaient les travailleurs dans la mort.

sence se transforme en une fascination éternelle. Elle s’explique probablement en alliant tout ce que nous ne savons pas mais que nous croyons. Ce n’est que lorsque l’architecture conçue par l’homme atteint cette dimension qu’elle renvoie à sa vocation originale – un espace construit rempli de lumière et de sensualité. ■

adrian meyer, Architecte à Baden, Professeur émérite dans le domaine Architecture et projet à l’EPFZ.

Images extraites de «Das Lesen der Zeit im Text der Natur» de Klaus Merkel, Lars Müller Publishers, 1997

Seule la volonté de créer des espaces s’élevant vers le ciel, de transformer les formes puissantes en formes délicates, en entrelacs de pierre, a permis de surmonter ces innombrables désagréments. Toutes les traces ont disparu derrière l’innocence des images intérieures et extérieures. On peut pousser la réflexion encore plus loin au sujet des platanes qui ont été plantés par l’homme et de ceux qui ont poussé naturellement à Versailles. S’il est vrai qu’ils forment un espace semblable à celui de la cathédrale de Bourges, ils donnent cependant un effet de néant apparent en créant un espace dramatique qui se dissout dans la lumière qui transparaît derrière le feuillage en filigrane. Or le néant traduit souvent des émotions fortes, il représente en quelque sorte une existence d’absence. Cette présence d’abAllée de platanes dans le parc de Versailles. lA Politique 5 Mai 2010

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echos des canTons

Succès de la politique familiale La politique familiale est l’affaire des cantons. En Valais, il s’agit d’un modèle à succès qui a été mis en place depuis de longues années avant tout par le PDC, le PCS et les syndicats chrétiens. «Sans le PDC, la politique familiale valaisanne ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui» avait même relevé un Conseiller d’Etat socialiste. Au cours des siècles passés, la pauvreté avait poussé de nombreux Valaisans à émigrer vers d’autres continents. Selon la statistique des salaires, aujourd’hui encore les familles valaisannes ne peuvent pas s’offrir le luxe de manger du caviar tous les jours! Et pourtant, elles se portent bien. Le coût de la vie est inférieur à la moyenne suisse. Le prix du lait et du pain est certes le même qu’à Zurich. Mais le niveau inférieur des salaires est compensé par des locations modérées, du terrain à bâtir bon marché, des subsides destinés à réduire les

primes de l’assurance-maladie, des allégements fiscaux pour les familles, des bourses d’étude plus élevées, des tarifs avantageux pour la garde extrafamiliale des enfants et surtout des prestations sociales très généreuses. Les enfants (nous) sont chers – aux deux sens du terme. C’est bien connu. En Valais, il est «rentable» d’avoir des enfants. C’est ici que l’on verse les plus hautes allocations pour enfants et jeunes en formations, ce qui fait rêver plus d’une famille zurichoise. La générosité des Valaisans commence déjà par les allocations de naissance et d’adoption. Et les familles modestes reçoivent encore une allocation ménage supplémentaire. Et toutes ces allocations familiales sont exonérées d’impôt en Valais – ce que le PDC demande pour l’ensemble de la Suisse. Cette politique favorable aux familles est ancrée dans l’article sur la protection des

De la moyenne au haut de gamme AAA Par des interventions parlementaires, le PDC argovien a exigé à maintes reprises que les comptes du canton soient équilibrés. En 2003, après douze années consécutives de déficit, ces comptes se soldèrent enfin par un excédent. Depuis lors, le directeur PDC des finances, Roland Brogli, a toujours pu présenter des chiffres noirs. La situation financière du canton s’est donc nettement améliorée. La dette a été amortie d’environ 2 milliards de francs. 12

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familles que le Valais a été le premier à inscrire dans sa constitution en réponse à une intervention du PCS. Par la suite, un bureau cantonal et un conseil de l’égalité et de la famille ont été créés. De nombreuses interventions faites par les partis «C» ont permis d’améliorer les conditions-cadres pour le travail éducatif et pour la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Ainsi, le taux d’activité féminin qui était traditionnellement faible en Valais augmente aussi. Récemment, le secrétariat cantonal à l’égalité et à la famille a lancé le prix «Famille+» afin de distinguer des entreprises valaisannes qui, par une politique active, ont développé des mesures favorisant une bonne conciliation entre travail et famille. Le bilan de la politique familiale du PDC/ PCS est tout à fait positif… et pourrait avoir valeur d’exemple. ■ –Roberto Schmidt, Conseiller national

Les résidus toxiques de la décharge spéciale de Kölliken ont pu être éliminés. Le défaut de couverture de la caisse de pension du personnel enseignant et de celle des fonctionnaires a été assaini. Ces deux caisses ont fusionné pour devenir la caisse de pension argovienne dont les finances ont été régularisées en deux étapes. Parallèlement, ce système de prévoyance est passé de la primauté des prestations à la primauté des cotisations. Grâce à une révision partielle de la loi fiscale, l’attrait économique du canton a été amélioré tant pour les personnes privées que pour les entreprises. En effet, en allégeant la double imposition et en imputant l’impôt sur le capital à l’impôt sur le bénéfice pour les personnes morales, le canton a joué un rôle de pionnier en Suisse. La nouvelle loi sur les constructions met l’accent sur la promotion de la qualité des logements et des lotissements. Afin que les habitants puissent se déplacer rapidement de leur


Mesures efficaces à long terme Dans le canton de Fribourg, les derniers chiffres économiques inspirent confiance: 3,3% de chômage (nouveau recul de 0.2%), 43 entreprises en chômage partiel (recul de 15). Parallèlement, nous devons à nouveau nous inquiéter de l’évolution au niveau mondial. Nous ne savons pas si l’éclaircissement du ciel économique va se poursuivre ou si de gros nuages vont à nouveau l’assombrir. De toute façon, la vigilance est de mise.

engagement complémentaire de la confédération et des cantons Sous la conduite éclairée de la ministre de l’économie Doris Leuthard, la Confédération a pris d’importantes mesures qui ont largement contribué à endiguer la crise. Je pense notamment aux autorisations de chômage partiel qui ont été saluées de toutes parts et qui ont permis de sauver des milliers d’emplois. Mais les mesures de stabilisation déployées au

titre de la nouvelle politique régionale ont aussi donné des impulsions intéressantes en termes de croissance.

soutien aux personnes touchées par la crise Le plan cantonal de relance fribourgeois de 50 millions de francs visait en premier lieu à apporter un soutien aux personnes touchées par la crise et à éviter de nouveaux licenciements. Grâce aux mesures de soutien en faveur des jeunes, plus de 120 contrats de travail ont pu être conclus. Pour le canton de Fribourg, cela se traduit par environ 1% de chômage en moins pour les jeunes âgés de 20 à 24 ans. Un deuxième exemple: grâce au guichet unique, il a été possible de répondre rapidement et sans tracasseries administratives aux questions des personnes et des entreprises concernées et de leur fournir des informations et de l’aide. Ce guichet est toujours en service.

accroître la compétitivité Les mesures qui ont été prises servent aussi à fixer des priorités importantes pour l’avenir. Ainsi, le Conseil d’Etat fribourgeois a affecté une partie non négligeable des moyens financiers à des mesures résolument tournées vers l’avenir: un fonds d’amorçage (seed capital fonds) a été constitué afin de mieux valoriser le savoir généré dans les hautes écoles et de garantir le transfert technologique. Un fonds de soutien à l’innovation doit également contribuer à la création de nouveaux postes de travail. Par ailleurs, un montant de 5 millions de francs va contribuer à équiper l’ensemble du canton d’un réseau de fibre optique souterrain. Finalement, la nouvelle stratégie énergétique du canton a pu franchir une étape importante grâce aux moyens alloués. Plus de 10 000 m 2 de panneaux solaires photovoltaïques ont été installés. Sur les 50 millions prévus par ce plan de relance, 35 ont déjà été affectés. Le Conseil d’Etat a gardé une petite réserve afin de pouvoir prendre de nouvelles mesures et réagir rapidement en cas d’une éventuelle dégradation de la conjoncture.

domicile à leur lieu de travail, les liaisons ont été développées tant pour les transports privés que publics. Ces dernières années, le canton d’Argovie a vu sa population et son économie prendre un essor important. Le canton d’Argovie a fait face à la crise économique sans devoir contracter de nouvelles dettes alors que la situation n’était vraiment pas facile. Tenant compte de ces éléments, l’agence de notation Standard and Poors a attribué à notre canton la plus haute mention : AAA. En Suisse, seuls deux autres cantons ont obtenu une si bonne note. Mais le canton ne se repose pas pour autant sur ses lauriers et il prépare déjà une nouvelle révision de sa loi fiscale. Argovie, le canton de l’énergie, entend aussi consolider sa place dans le domaine de la production de courant et la développer. ■

En Suisse, nous avons su garder la tête froide et faire face à la crise avec beaucoup de dynamisme et de rigueur. Nous avons aussi fait de la crise une chance. Une chance de préparer la phase de relance et d’améliorer notre compétitivité économique. Sans être à l’abri d’éventuels revers, nous pouvons être confiants! ■ –Beat Vonlanthen, Président du Conseil d’Etat, Directeur de l’économie du canton de Fribourg

–Peter Voser, Président du Groupe PDC/PBD

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rendez-vous Esther Egger, Conseillère nationale

hImmeLreIch

se trouve à Kirchdorf, commune d’obersiggenthal, en surplomb de notre maison et cela…

…dans le canton d’argovie qui est surtout connu pour ses autoroutes et ses centrales nucléaires alors qu’il offre aux visiteurs ses châteaux et forteresses, ses prairies verdoyantes, ses crêtes du Jura, ses chemins pédestres et ses lacs, mais aussi son réseau de pistes cyclables et ses nombreuses animations culturelles. Avez-vous déjà assisté à un concert de l’orchestre symphonique d’Argovie ou à un opéra au château de Hallwyl? …dans ce canton, formé de régions arbitrairement réunies par napoléon en 1803, qui se classe – grâce à Baden et ses environs – au quatrième rang des régions économiques de Suisse. …bien que nous soyons une commune multiculturelle de taille moyenne avec tous les problèmes que pose une agglo­ mération mais qui saisit les chances de cette diversité constituée de 80 nations et qui offre une qualité de vie fort agréable. …sans doute parce que nous nous efforçons de garantir – sans université mais au moyen de plusieurs centres de formation – la relève nécessaire pour les multinationales établies dans le canton. C’est avec conviction que je m’engage depuis de longues années en faveur d’une exigence de qualité. …constitue sans doute la base d’une terre extrêmement fer­ tile, car notre commune est représentée par trois personnes au Conseil national dont la présidente en cette année 2010. 14

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…bien que nous connaissions parfaitement le brouillard qui plane sur la vallée de la Limmat sans entacher notre bonne humeur. Les Zurichois – qui nous portent un mélange d’amour et de haine – l’avaient déjà remarqué à l’époque de la voie ferrée du «Spanischbrötlibahn» en visitant notre région où il fait bon vivre et en profitant largement de nos sources thermales. Aujourd’hui, nous leur donnons l’occasion de tenter leur chance au Casino et de venir aux bains qui seront prochainement modernisés par le célèbre architecte Mario Botta. …malgré la proximité des centrales nucléaires et des lieux de stockage provisoire des déchets nucléaires alors que l’argile à Opalinus de nos terres risque d’alourdir encore notre responsabilité. Néanmoins nous l’assumerons et contribuerons à garantir l’alimentation en courant qui s’avère vitale pour notre pays. …offre une vue étendue à celles et à ceux qui le souhaitent. Personnellement, c’est ici que je puise force et énergie mais… sans succomber à la fameuse tourte aux carottes, spécialité argovienne que j’adore pourtant! …renvoie pour une fois la politique à sa fonction purement politique. ■


Rudolf Rudo lf Ho Hofer, Bü Bümpl mpliz iz

l a r é d

L’ANCIENNE CONféDéRATION Un Etat fédéral se compose d’un Etat central équivalant à la Confédération actuelle ett d’Etats membres correspondant aux cantons actuels. s. L’ancienne Confédération nee pouvait créer que des instituutions centrales rudimentaires. ti s.

1291

au cours des siècles

1370

1515

LA CHARTE DES PRêTRES

LA DéfAITE DE MARIGNAN

L

LE BAILLAGE COMMUN D’ARGOvIE

L

e Pacte fédéral de 1291 est une alliance pacifique entre Etats, à savoir un pacte de nonagression et de défense comme l’OTAN aujourd’hui. Nombreuses étaient les alliances pacifiques, mais celle-ci fut la seule à donner naissance à un Etat.

L

es troupes fédérales ne peuvent plus se mesurer aux armées modernes, équi-

a Charte des prêtres ôte les compétences aux tribunaux étrangers et ecclésiastiques. Elle interdit les guerres privées. Elle représente une première tentative d’un ordre juridique fédéral.

1415

LE PACTE féDéRAL DES TROIS CANTONS

ismE

U

ne grande partie de l’actuel canton d’Argovie forme la première région gouvernée par les Confédérés. Dans le but de réglementer la gestion des seigneuries territoriales, la Diète fédérale se réunit régulièrement et prend pour la première fois des décisions à la majorité.

1450

LA fIN DE L’ANCIENNE GUERRE DE zURICH

Z

urich est en conflit avec les Confédérés en raison de la succession du dernier comte de Toggenbourg et s’allie aux Habsbourgs. En 1450, Zurich est contraint de rompre ses liens avec l’Autriche et de tenir sa place dans la Confédération. Une chose est claire: on ne peut sortir de la Confédération sans guerre.

pées de canons. Ces armées avec leur discipline plus stricte et leurs coûts élevés imposent aux autres Etats un renforcement du pouvoir central, un facteur qui manque en Suisse.

1522

LA RéfORME zURICHOISE

LA STAGNATION A l’abri du vent de la politiquee européenne, l’alliance souple entre les cantons continue d’exister. Il n’y a pas de pres-sion on à la centralisation et les différences confessionnelless empêchent qu’elle ne se proem duise. Des républiques fédérale les de conception nouvelle le voient le jour aux Pays-Bas et aux Etats Unis.

L

’ imprimeur zurichois Froschauer mange avec ses compagnons des saucisses pendant le Carême. Cette provocation déclenche la Réforme zurichoise. Réforme et scission confessionnelle empêchent le renforcement des institutions centrales de la Confédération.

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1787

LA CONSTITUTION DES ETATS-UNIS

E 1579

L’UNION D’UTRECHT

L

es sept provinces du Nord des Pays-Bas s’unissent pour former une république fédérale. Grâce à des institutions centrales relativement solides, les Provinces-Unies sont en mesure de suivre le rythme du jeu mené par les grandes puissances durant le 17e siècle.

1653

LA GUERRE DES PAySANS

L

a révolte est réprimée. Mais les patriciens des villes savent à présent que leurs tenta-

n 1787, les Etats-Unis adoptent une Constitution démocratique, fédérale et moderne. La combinaison d’une Chambre, dont la répartition des sièges est proportionnelle au poids démographique de chaque Etat, et d’une Chambre composée des représentants des Etats membres montre la voie aux démocraties fédérales modernes.

S

ous l’occupation française, la Suisse se transforme en «République helvétique, une et indivisible». Les cantons deviennent de simples circonscriptions administratives. A la suite du retrait des troupes françaises, ce régime sombre après plusieurs coups d’Etat dans une guerre civile.

1798

L’HELvéTIE

u Congrès de Vienne les bases d’une nouvelle Constitution sont fixées pour la Suisse. Seules la politique extérieure et la défense sont communs.

1833

1803

LA PROPOSITION DE TROxLER EN fAvEUR D’UN SySTèME BICAMéRAL

LA MARCHE DIffICILE vERS L’ETAT féDéRAL Les guerres de la révolution de 1792–1815 montrent que la suisse doit renforcer son n etat central si elle veut conti­ et i­ nuer à exister en tant qu’etat at souv uverain. La suisse se mett en mouvement et s’acheminee vers un etat fédéral moderne ve ne..

A

A

L’ACTE DE MéDIATION

N

apoléon Bonaparte impose à la Suisse une nouvelle Constitution. Seule la politique extérieure est commune. Les limites cantonales correspondent en grande partie aux frontières actuelles.

1815

près que les libéraux se soient imposés dans plusieurs cantons, une réforme fédérale est à l’ordre du jour. En référence à la Constitution des Etats-Unis, le médecin et philosophe lucernois, Ignaz Troxler, lance le débat sur un système bicaméral, composé du Conseil national (Chambre du peuple) et du Conseil des Etats (Chambre des cantons).

1847

LA GUERRE DU SONDERBUND

LA RESTAURATION

tives de centralisation rencontreront une résistance. En conséquence, l’autonomie traditionnelle des communes est largement maintenue.

L

’ appel des Jésuites à Lucerne et les mouvements séditieux des libéraux accrois-


LA DEUxIèME CONSTITUTION féDéRALE

rieures, la poste, les douanes et la politique des transports. La position des cantons reste toutefois forte.

LA CENTRALISATION ET LE NOUvEAU féDéRALISME sent le conflit entre libéraux et conservateurs. La Diète exige la dissolution de l’alliance secrète et sécessionniste des cantons conservateurs. Ces derniers sont vaincus dans le cadre d’une guerre civile de courte durée.

La confédération élargit pro­ gressivement ses compétences dans le cadre d’un processus constant. Les cantons déve­ loppent de nouveaux élémentss fédéralistes sur la base de con­ cordats et de leur influence ce sur la politique fédérale (pro­ o­ cédures de consultation).

A

la seconde tentative, la révision complète de la Constitution fédérale aboutit. La Confédération acquiert des compétences accrues en politique militaire, de même qu’au niveau de l’uniformisation du droit. Cela lui permet d’imposer dans une plus large mesure l’égalité entre les citoyennes et les citoyens suisses au niveau des cantons.

1897

1848

LA CONSTITUTION féDéRALE

A

près la guerre du Sonderbund, la Diète désormais libérale fait adopter une Consti-

LA CRéATION DE LA CDIP

1866

L’éCHEC D’UNE NOUvELLE TENTATIvE DE CENTRALISATION

L

a tentative de parvenir à une centralisation accrue par le biais de huit modifications constitutionnelles échoue dans une large mesure. Seule la liberté d’établissement des non chrétiens est adoptée.

1874

1914 –1918

LA PREMIèRE GUERRE MONDIALE

L

a première guerre mondiale et l’occupation des frontières accroissent à une vitesse fulgurante les dépenses fédérales. La Confédération prélève de nouveaux impôts et puise dans la substance fiscale des cantons. La tendance se poursuit.

2003

L

a création de la Conférence suisse des directeurs de l’instruction publique donne lieu à un forum important en matière de politique cantonale. Les concordats entre les cantons constituent une alternative majeure à la centralisation sur le plan fédéral.

1898 tution fédérale. La Confédération a ses propres autorités: le Conseil fédéral, le Conseil national et le Conseil des Etats. La Confédération se voit attribuer en particulier des compétences dans les domaines suivants: le militaire, les relations exté-

la suite, la Confédération s’engage de plus en plus dans le domaine des infrastructures, voire même dans celui des autoroutes.

L’ACQUISITION DES CHEMINS DE fER

L

e peuple approuve la loi fédérale concernant l’acquisition des chemins de fer et donc la création des CFF. Par

LE PREMIER RéféRENDUM CANTONAL

D

epuis 1874, huit cantons – ou 50'000 électeurs – peuvent exercer un référendum contre une loi fédérale. En 2003, onze cantons font pour la première fois usage de ce droit contre un projet de loi sur l’imposition fiscale, qui porte atteinte à la souveraineté cantonale.


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Nouvelle Constitution genevoise en 2012? Genève a jusqu’en 2012 pour réécrire sa Constitution. De mai à novembre, l’Assemblée constituante devra débattre des 450 thèses emballées dans 24 rapports sectoriels élaborés en une année par cinq commissions thématiques. Puis la commission de rédaction proposera un projet de texte qui devrait être adopté en 2 ou 3 lectures. L’occasion aujourd’hui de donner un bref éclairage sur quelques sujets chauds. – On pourrait théoriquement s’épargner l’énumération des droits fondamentaux puisqu’ils sont déjà mentionnés dans la Constitution fédérale. Mais nous songeons plutôt à leur adjoindre des devoirs fondamentaux pour rappeler la primauté de la responsabilité du citoyen face à la communauté plutôt que ses revendications à l’égard de l’Etat. – Indépendamment des actuelles «tensions de civilisations», l’Etat doit confirmer sa laïcité et sa neu­ tralité dans ses rapports avec les communautés religieuses. Une référence explicite à Dieu n’est pas opportune. Cela dit, la Constitution ne doit pas occulter la dimension spirituelle de l’homme et nos valeurs de référence chrétiennes. Le préambule devrait donc mentionner les valeurs partagées par les courants spirituels qui ont marqué notre histoire et qui nourrissent notre présent. – Genève, avec ses 40 pour cent d’étrangers, est un cas particulier en Suisse. Accorder les droits poli­ tiques les plus larges possibles aux étrangers est la meilleure façon de les intégrer et de confirmer la vocation internationale du canton qui ne peut exclure de la vie politique plus d’un tiers de ses résidents. C’est ainsi qu’il faut confirmer le droit de vote au niveau communal, proposer le droit d’éligibilité communal et le droit de votre au niveau cantonal.

– Genève est le cœur de la région franco-valdo-genevoise et la dynamique d’agglomération transfron­ talière va aller en s’intensifiant. La Constitution doit reconnaitre cette évolution incontournable, l’accompagner d’une gouvernance dans les limites des souverainetés respectives et favoriser la création d’un «parlement transfrontalier», organisme de concertation et de coordination permettant un aménagement du territoire intégré et un développement équilibré. – Quant à la genève internationale, non seulement elle est inscrite dans les gènes de ce canton mais elle contribue à sa prospérité et à sa notoriété. Cette vocation mérite d’être reconnue au niveau constitutionnel tout en relevant les valeurs de paix et de solidarité que l’esprit de Genève véhicule. La Constitution devrait aussi donner la mission au Canton de renforcer son engagement international et d’optimiser ses moyens avec ceux de la Confédération. Peut-être rien de très révolutionnaire, c’est le propre des processus de révision totale «à froid», sans grande crise ou remise en question préalable. Et même si l’avenir va dans cette direction, nous ne créerons pas (encore) une ville et république de genève à travers une grande fusion des commu­ nes, à l’exemple de Bâle-Ville. Mais nous nous efforcerons de trouver l’équilibre entre une vision novatrice et ambitieuse de la Genève de demain et la faisabilité politique d’un tel projet dont le destin ultime est entre les mains du peuple. –Raymond Loretan, Membre de l’Assemblée constituante du canton de Genève

lA Politique 5 Mai 2010

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Martin Graf, Secrétaire des commissions politiques fédérales des deux Chambres

fédéraliSme et démoCratie Quel est le rapport entre fédéralisme et démocratie dans le système politique suisse? Est-ce que fédéralisme et démocratie vont de pair ou existe-t-il des tensions entre ces deux principes fondamentaux de notre système politique?

le fédéralisme à la base de la démocratie de concordance La Suisse est une entité étatique extrêmement hétérogène, qui s’est formée au fil de l’histoire. L’intégration indispensable des différents groupes linguistiques, culturels, confessionnels et sociaux dans l’Etat est un grand défi que la Suisse a jusqu’ici relevé en bonne partie avec succès, en développant un système politique unique. Ce système se fonde sur une participation la plus étendue possible des citoyennes et citoyens, ainsi que des différents groupes d’intérêts – et donc également des intérêts des divers cantons – aux processus décisionnels de l’Etat. Tous les groupes sociaux organisés d’une certaine importance s’y impliquent en permanence et ils recherchent ensemble des solutions susceptibles de réunir la majorité. Ces dernières sont principalement trouvées au sein des parlements: les gouvernements leur soumettent des projets, le peuple ne se prononce toutefois en dernier ressort que dans des cas rares mais particulièrement importants. La forme spécifique du régime parlementaire suisse constitue l’élément central de la démocratie de concordance, en particulier la façon dont s’articulent les rapports entre le Parlement et le Gouvernement. A la différence d’une démocratie d’alternance, le système politique suisse ne repose pas sur une majorité parlementaire qui est formée en fonction d’un programme gouvernemental et qui se retrouve pendant toute la durée d’une législature face à l’opposition. Dans un système d’alternance bipolaire, les partis et les parlementaires qui forment la majorité gouvernementale doivent agir ensemble; ils ne peuvent que peu s’écarter de la position officielle sur des dossiers précis. 20

lA Politique 5 Mai 2010

En revanche dans les parlements suisses il n’y a pas de majorité constante. Les majorités changent en fonction du sujet traité. Les groupes parlementaires et leurs membres – et par conséquent les groupes d’intérêts qu’ils représentent dans la société – disposent d’une grande marge de manœuvre et de nombreuses possibilités de se faire entendre. Ils sont généralement libres de voter au cas par cas en fonction de leurs intérêts réels. Ainsi, la discipline de vote n’empêchera en général pas un parlementaire uranais qui défend d’autres intérêts que la majorité de son Groupe en matière de transport, d’exprimer ses intérêts. Il n’en serait pas de même dans une démocratie parlementaire. En fin de compte, les principaux intérêts de la société – et donc aussi ceux des régions linguistiques, des cantons ou d’autres espaces – concourent à la formation de la majorité. Ce système caractérisé par des majorités politiques changeantes au niveau de tous les organes de l’Etat (Gouvernement, Parlement et Peuple) impliqués dans le processus législatif a par conséquent un effet intégratif énorme. Le fédéralisme se trouve dans un rapport d’interdépendance étroit avec la démocratie de concordance.

les risques d’un fédéralisme exécutif pour la démocratie La démocratie de concordance n’existerait sans doute guère sans fédéralisme. Inversement, des formes d’organisation fédérale de l’Etat apparaissent bel et bien mais elles ne répondent pas aux exigences de la démocratie. Il est vrai que lorsque les gouvernements cantonaux négocient des concordats, la légitimation démocratique ne doit pas leur être tout bonnement refusée: les gouvernements cantonaux sont élus par le peuple. Les concordats qui renferment d’importantes dispositions normatives doivent en outre être adoptés par les parlements, le cas échéant ils doivent être approuvés en votation populaire. Néanmoins la voie du concordat entraîne des déficits démocratiques lourds, lorsqu’il s’agit de régler des questions importantes qui touchent de larges couches de la population. La représentation démocratique des différents intérêts de la société n’est pas garantie de la même façon dans un gouvernement que dans un parlement. Un parlement n’a le droit d’accepter ou de refuser un concordat que dans sa globalité. Il n’est donc pas


COLOnnE LiBRE

Le sens du mot parlement habilité à présenter les différents contenus d’un concordat et dans le cadre d’une confrontation publique, ce qui n’est pas le cas pour les actes législatifs. Les exécutifs déterminent les contenus d’un concordat pratiquement à huis clos. La participation consultative des organes parlementaires dans le cadre de l’élaboration d’un projet permet certes de réduire ces déficits démocratiques mais nullement de les combler. La signature de concordats sur le plan régional est une forme de collaboration intercantonale judicieuse. De même, sur le plan suisse une collaboration intercantonale s’avère sans conteste opportune pour résoudre des questions d’exécution. Cependant il est problématique de signer des concordats à l’échelle nationale pour régler des questions importantes. Est-il souhaitable de maintenir les compétences des cantons en limitant par ailleurs les droits de participation démocratiques des législateurs cantonaux et du législateur fédéral? Ou cette démarche sert-elle davantage à renforcer l’influence du «complexe bureaucratique» composé d’exécutifs cantonaux, d’organes intercantonaux qui se sont fortement développés durant ses dernières années (Conférence des directeurs cantonaux, Conférence suisse des directeurs de l’instruction publique) ainsi que de différentes parties de l’administration fédérale, en éliminant les «facteurs démocratiques dérangeants»? ■

«A l’énoncé du seul mot de fédéralisme, on entend déjà les ricanements des professionnels du scepticisme. Pourtant après avoir longuement réfléchi, l’idée fédérale me paraît l’idée de l’avenir.»

C

e mot signifiait à l’origine (en 1200!) le simple fait de parler. De là, par extension est venu l’usage de désigner ces assemblées où l’on parle beaucoup pour finir par voter de temps en temps.

A l’oreille, ce que l’on entend aujourd’hui c’est un mauvais jeu de mot: parle-ment. Serait-ce un endroit où l’on parle et où l’on ment? Le peuple n’est pas loin de le soupçonner car il est souvent déçu par la différence entre ce qui a été promis lors de la campagne électorale et ce qui est tenu durant la législature, entre ce qui est dit à la tribune par les uns et les autres et ce qui est décidé en fin de compte. Les engagements électoraux n’engagent que le parti qui les prend, tout en sachant qu’il ne sera pas seul au gouvernement. Du programme à la décision, il y a la nécessité de construire une majorité au terme de longues discussions. Le discours parlementaire tient donc compte d’exigences contradictoires: le programme des partis, la recherche d’une solution, la concession à des préjugés, le respect d’une idéologie et, en fin de compte, ce que le peuple des électeurs souhaite entendre pour réélire l’orateur: l’avenir sera radieux, on rasera gratis et les cailles tomberont toutes rôties du ciel dans la bouche ouverte des gloutons. Il n’est pas aisé pour un politicien de mettre ainsi sa conscience, sa raison et sa mémoire en contradictions perpétuelles. Faire de la politique, ce n’est pas mentir systématiquement, mais c’est apprendre l’art de camoufler certaines vérités trop crues qui ne seraient pas acceptées par l’assemblée et par le peuple. C’est indispensable mais ce n’est pas sans risque. Car, à force de ne pouvoir dire ce qu’ils pensent, certains politiciens finissent par ne plus savoir ce qu’ils pensent, s’ils pensent quelque chose ou même s’il est possible de penser. –Jacques Neirynck

Jack lang lA Politique 5 Mai 2010

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Le groupe parLemenTaIre fédéraL

«Oui ou non», telle est la question de la session d’été Une série d’objets passionnants figurent à l’ordre du jour de la session d’été: l’accord entre la Suisse et les Etats-Unis, le contreprojet indirect à l’initiative sur le climat et une révision efficace de la loi sur le CO 2 ainsi que le contreprojet direct à l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers et à l’initiative Minder. L’accord entre la Suisse et les Etats-Unis et en particulier la demande d’entraide administrative au sujet de l’UBS est l’un des objets les plus brûlants de cette session d’été. Le PDC a formulé ses conditions et le Groupe en débattra: l’UBS doit supporter les coûts de la procédure et reprendre les dettes garanties par la BNS qui se montent actuellement à quelque 23 milliards de francs. Le Parlement doit aussi se prononcer sur un tout autre dossier: la politique climatique. Faut-il soumettre au peuple un contreprojet indirect à l’initiative sur le climat? En 2007, le PDC a déjà agi en déposant une initiative parlementaire demandant que les émissions de CO2 soient réduites de 20 pour cent par rapport à l’état de 1990. Il rejette l’initiative sur le climat. Par des mesures concrètes, nous soutenons l’objectif qui est de limiter à 2 degrés la hausse de la température, nous fixons un objectif de réduction de CO2 de 20 pour cent dans notre pays et conservons le système d'échange de droits d'émission. Deux contre-projets directs initiés par le PDC susciteront le débat. En janvier, le PDC a lancé un contre-projet direct à l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers qui est en conformité avec le droit international et qui présente trois avantages essentiels par rapport à l’initiative populaire: – sécurité du droit garantie: les délits passibles d’un renvoi sont clairement définis et énumérés. – droits fondamentaux respectés: les principes fondamentaux de la Constitution fédérale doivent déjà être respectés lorsque la décision relative au retrait du droit de séjour ou au renvoi est prise et pas seulement lors de l’exécution du renvoi. 22

lA Politique 5 Mai 2010

– devoir d’intégration: il est demandé aux étrangers de s’intégrer en participant à la vie économique, sociale et culturelle de notre pays. Par ailleurs, le Groupe recommande de rejeter l’initiative Minder et il a élaboré un contre-projet direct. Contrairement à l’initiative populaire, le contre-projet résout efficacement le problème des profiteurs mais aussi celui des investisseurs sans scrupules et il permet – ce qui n’est pas le cas avec l’initiative Minder – aux grandes entreprises de garder leur siège en Suisse et de garantir les emplois. Le programme de la session est très chargé, il n’y manque que l’annonce de la démission d’un membre du Conseil fédéral… ■ –Brigitte Häberli, Vice-présidente du Groupe

Grincheux Combien de fois, n’ai-je pas lu que les glaciers du Rhône, d’Aletsch ou du Mont-Blanc se retiraient de quelques mètres chaque année. Même s’ils sont un peu moins imposants, ils sont toujours là. De quoi s’inquiéter, mais pas de quoi s’affoler! L’autre jour, j’ai eu un choc en lisant que les neiges éternelles du Kilimandjaro ne mesuraient plus de 2 tout petits km2 alors qu’elles occupaient encore 12 km2 au début du XXème siècle. Ces neiges éternelles rendues légendaires par Ernest Hemingway en 1935 et chantée notamment par Pascal Danel dans les années 60 sont en train de disparaître… définitivement. Le compte à rebours à débuté… En 2020, les neiges du Kilimandjaro n’existeront plus que dans les romans et sur les vieux disques en vinyle.


Jacques Neirynck, Conseiller national

liBerté ou ConSigne de vote au parlement

L’article 161 de la Constitution est limpide. «Interdiction des mandats impératifs: Les membres de l’Assemblée fédérale votent sans instruction.» Cela s’entend sans exception. Pas de consignes des partis, assorties de mesures de rétorsion si le parlementaire de base n’obéit pas à la direction. Pas de pressions douces ou insistantes des lobbies de tout poil, depuis l’économie jusqu’aux syndicats en passant par les humanitaires. De tous les articles de la Constitution, c’est sans doute le moins respecté, mais comme aucune sanction n’est prévue dans la loi sur le Parlement ou les règlements des assemblées, cet article est de fait tombé en désuétude. Il est placé dans la Constitution pour énoncer un principe rassurant, pas pour le faire respecter. Il suffit de consulter les études de Michael Hermann et Bruno Jeitziner, chercheurs à l’Université de Fribourg, qui établissent un «rating» des votes de chaque parlementaire sur une échelle de –10 à gauche à +10 à droite. En moyenne sur l’année 2005, le pourcentage de voix discordantes par rapport au parti est de 2,2% chez les Verts, de 4,5% pour le PS, de 13,9% chez l’UDC lorsque les dissidents du PBD en faisaient encore partie. Actuellement, ce taux devrait être pratiquement tombé à zéro. C'est au PRD (16,5% de voix discordantes) et au PDC (16,4%) que la discipline est la plus volatile. On peut également le constater dans le tableau qui positionne les parlementaires sur l’échelle gauche-droite. Alors que les conseillers nationaux qui se situent aux deux pôles de l’échi-

quier reflètent une certaine unité idéologique, le centre est plus éclaté. Le spectre du Parti radical va ainsi de –1,2 à +5,9. Celui du PDC s’étend de –3,8 à +4,7. C’est le PDC qui se trouve le plus à cheval entre les deux moitiés du spectre: il a voté dans 71% des cas avec l’UDC et dans 70% des cas avec le PS. Il n’y a donc pratiquement pas de majorité possible sans le PDC sauf dans le cas pathologique où UDC, Verts et PS forment ce que l’on appelle une alliance perverse pour des raisons, qui non seulement ne coïncident pas mais sont même radicalement opposées. Ils tiennent ensemble à marquer qu’ils constituent une sorte d’opposition populiste à un gouvernement auquel ils ne participent que du bout des lèvres. C’est la tactique qui consiste à être à la fois dedans et dehors pour bénéficier des avantages politiques de la majorité et de l’opposition. Il y a donc au Parlement trois partis d’inspiration stalinienne où l’unanimité des votes est attendue et se manifeste le plus souvent. Et deux partis du centre où les parlementaires obéissent à la Constitution en votant selon leur conscience. Or les partis à pensée unique sont le cimetière de la démocratie. Quand un conseiller vote, il ne doit de comptes selon la Constitution qu’à sa conscience et à ses électeurs. S’il se plie à une discipline de parti, il fait passer l’intérêt de celui-ci avant celui du peuple dans le but de présenter aux élections un front uni et un visage lisse. Aux citoyens de décider en 2011 s’ils seront encore dupes de cette tactique populiste de la droite et de la gauche. ■ lA Politique 5 Mai 2010

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le fédéraliSme horS de noS frontièreS en europe … D’importantes réformes du fédéralisme ont été opérées dans des Etats membres de l’UE, l’aspect fiscal en étant souvent le point fort. C’est ainsi qu’en Allemagne, le travail de la «Kommission von Bundestag und Bundesrat zur Modernisierung der Bund-Länder-Finanzbeziehungen» (Commission conjointe des deux Chambres chargée de moderniser les relations financières entre l’Etat fédéral et les Länder) a permis de mettre un terme à un processus de réforme à plusieurs niveaux, un chantier entamé il y a une bonne dizaine d'années. La commission s’est notamment mise d’accord pour inscrire dans la Constitution fédérale la notion de frein à l’endettement pour l'Etat fédéral et les Länder. L’Espagne a également réalisé une réforme du fédéralisme fiscal. Ainsi, le «nouveau modèle de financement de l’Etat autonome espagnol» prévoit le report partiel de droits d’autonomie fiscale aux communautés autonomes. Ce même aspect joue également un rôle majeur dans le processus de dévolution en cours au Royaume Uni. Ainsi, la «Calman Commission on Scottish Devolution» a recommandé de transférer des droits fiscaux à l’Ecosse. L’Italie a également adopté une loi sur l’introduction du fédéralisme fiscal. Il s’agit là d’une étape de plus dans le processus de fédéralisation de l’Italie. En revanche, les discussions autour d’une nouvelle réforme de l’Etat en Belgique n’ont débouché sur aucun résultat en 2009 mais resteront néanmoins vraisemblablement inscrites à l’ordre du jour. La BosnieHerzégovine demeure une entité fédérale fragile, la Russie affichant des tendances centralisatrices.

Source: Monitoring Rapport – Fédéralisme 2009, publié par la Fondation CH pour la collaboration confédérale

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alle al lema magn gnee 16 ét état atss féd fédéré éréss afriquee du afriqu du sud sud 9 pro provi vinc nces es arge ar gent ntin inee 23 pr prov ovin inces ces aust au stra rali liee 6 éta états ts autrich autri chee 9 éta états ts Brés Br ésil il 26 ét étatss ca nadaa canad 10 pr prov ovin inces ces como ress comore 3 îîle less emir em irat atss ara a rabe bess u uni niss 7 émi émira rats ts et uniss d’a d’amé etat atss uni méri riqu quee 50 ét état atss et hiop ethi opie ie 9 éta états ts fédérat de B fédér atio ion n de Bos osni nie­ e­he herz rzég égov ovin inee 10 ca cant nton onss Inde In de 28 ét état atss Irak Irak 3 éta états ts ma lais mala isie ie 13 état étatss mexi xiqu quee me 31 état étatss micr cron onés ésie ie mi 4 rég régio ions ns ni nigé géri ria 36 ét état atss paki pa kist stan an 4 pro provi vinc nces es russ ru ssie ie 21 ré répu publ bliq ique uess suis su isse se 26 ca cant nton onss vene ve nezu zuela ela 23 ét état atss

…et dans le monde Au Canada, le problème de la répartition entre l’Etat central et les Provinces des recettes fiscales provenant de l’exploitation des ressources du sol (surtout le gaz et le pétrole) a joué un rôle politique majeur en 2009. Cette question politique est également d’actualité dans d’autres Etats fédéraux riches en ressources, p.ex. en Argentine, au Brésil, au Nigéria et en Russie. En Irak aussi cette question revêt un grand poids, un des défis majeurs étant en plus la question de la mise en oeuvre de la Constitution fédérale. L’agenda du fédéralisme de l’Etat fédéral le plus peuplé du monde, l'Inde, était dominé, lui aussi, par les questions de fiscalité. La Commission des finances de l'Etat central et des Etats membres a pu se mettre d’accord en décembre sur un nouveau système de compensation financière. La réforme du fédéralisme fiscal fait l’objet de discussions au Pakistan aussi. Le gouvernement civil à Islamabad s’oriente vers une politique de décentralisation. Aux Etats-Unis, les propositions de l’administration Obama d'instaurer une politique étatique de la santé renforcent le mouvement vers la centralisation décriée par de nombreux Etats. La même constatation est faite au sujet des directives relativement strictes de Washington sur la mise en oeuvre du plan de relance économique («Stimulus Package»). Au vu de la situation de sécurité précaire au Mexique, une question centrale qui se pose, en revanche, est l’amélioration de la coordination entre forces de police de l’Etat fédéral, des Etats et des communes. Concernant l’Australie, la mise en œuvre du «Nouveau fédéralisme», proclamé par le Premier Ministre Kevin Rudd dès son entrée en fonction en 2007, était inscrite à l’ordre du jour du fédéralisme en 2009. Le Secrétariat du Commonwealth, tout comme les Etats membres ont discuté, entre autres sujets, d'une répartition judicieuse des tâches en politique de la santé publique. Dans les jeunes pays fédéraux ou ceux qui sont «en transition vers le fédéralisme», tels que l’Ethiopie, la Bolivie, l’Irak, le Népal, le Pakistan ou le Soudan, les discussions portent plutôt sur les rudiments du fédéralisme et se concentrent sur des questions de cohésion interne du pays. La coexistence de différents groupes de population dans l’unité, la satisfaction des intérêts pacifiques et le partage du pouvoir sont des questions majeures de l’agenda de la politique quotidienne. ■ lA Politique 5 Mai 2010

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Lorenz Bösch, Conseiller d’Etat, Schwyz

le fédéraliSme vit de la reSponSaBilité fonCtionnelle Notre fédéralisme n’est pas gravé dans le roc. Divers développements en matière de politique intérieure et extérieure ainsi que des mouvements de notre société favorisent la centralisation des compétences et des réglementations. Toute centralisation n’est pas forcément mauvaise. Elle peut parfois être nécessaire pour trouver des solutions efficaces aux questions politiques. Pour être efficace, moderne et couronné de succès, le fédéralisme doit obéir à quelques préceptes, à savoir: la responsabilité de tâches à chaque niveau de l’Etat, une certaine retenue dans l’extension des compétences, l’innovation dans la recherche de solutions et la simplicité des solutions.

Photo: © Ricardo De La Riva

responsabilité des tâches Lorsqu’une question ou un problème dépasse la responsabilité individuelle du citoyen, c’est le niveau le plus bas possible de l’Etat qui doit assumer cette tâche. Les responsables à l’échelon communal doivent aborder concrètement les questions et les problèmes et ne pas choisir le chemin de la facilité. En niant volontairement les difficultés, en laissant les citoyens seuls face à leurs problèmes ou en les transférant à l’échelon supérieur, on ouvre la voie au centralisme.

retenue dans l’extension des compétences Depuis deux décennies, l’idée d’un Etat svelte et de la dérégulation domine le débat politique. Les prestations n’ont pas pour autant été réduites. En revanche, la fourniture de prestations s’est nettement améliorée. Dans un pays libéral, la responsabilité individuelle des citoyens doit rester importante. C’est pourquoi aucune pression ne doit être exercée afin de renforcer davantage l’Etat prestataire de services. Dans divers domaines, des efforts sont plutôt fournis pour garantir les prestations actuelles ou pour moderniser les tâches et les compétences. L’accent doit être mis sur la recherche d’une structure optimale des prestations et des règlements et non sur le transfert de compétences.

Passage du Mont-Blanc, Genève. 26

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«La politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politique tout court, la politique par excellence, c’est-àdire l’art d’organiser la cité au bénéfice des citoyens.» Denis de Rougemont (1906–1985)

innovation dans la recherche de solutions Le développement adapté des règlementations et prestations étatiques est prioritaire. Chaque prestation et chaque règlement a aussi une date de péremption et doit être repensé. Les règlementations peuvent tomber en désuétude et même devenir contre-productives avec les années. La société et l’économie changent et il convient de donner de nouvelles réponses à la question: comment réglementer ou quelles prestations fournir? Au niveau communal comme à l’échelon cantonal, de nouvelles pistes de solutions peuvent émerger si on fait preuve d’un sens aigu de l’amélioration. Dans ce cas, notre fédéralisme deviendra un laboratoire expérimental. Mais cela n’est possible que si tous les niveaux de l’Etat disposent d’une certaine marge de manœuvre et pour autant qu’ils s’en servent de manière responsable. simplicité des solutions Notre monde est devenu complexe et souvent les changements s’opèrent à un rythme très rapide. De nombreuses personnes ressentent un sentiment d’insécurité général et la confiance envers les institutions et les entreprises s’érode. Il s’agit là d’une évolution dangereuse. Le fédéralisme offre la possibilité d’apporter des solutions plus proches des citoyens qu’un Etat centralisateur. Parallèlement et malgré le principe «des problèmes complexes appellant des solutions complexes», les autorités doivent tout mettre en œuvre afin de trouver toujours la solution la plus simple et la plus facile à expliquer. Le PDC du canton de Schwyz est favorable à une grande autonomie des communes et il s’engage pour que des personnalités marquent de leur empreinte la politique au niveau des communes et du canton, des personnalités qui ont une haute conscience de leur responsabilité, des personnalités qui font preuve d’innovation pour résoudre les questions et les problèmes actuels. ■

Honni soit...

Carla… (nous t’avons aimée) L’Allemagne a réfléchi plutôt sans grand enthousiasme à l’intrication de l’éthique et de l’esthétique, alors que la France l’a pratiquée. Et comment. Des fleurs nourries par la sève absolutiste que ni une Quatrième ni une Cinquième République n’ont pu perturber se sont épanouies sous le drapeau tricolore. Il est impossible de déterminer si l’affirmation «S’ils n’ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche» doit vraiment être attribuée à Marie-Antoinette. Mais cette condescendance souveraine semble possible, compte tenu des circonstances dans lesquelles vivaient les masses françaises. Un style de vie opulent et un manque d’empathie de la part de cette jeune femme de moins de 18 ans contrastaient avec la réalité économique de la Cour. Sans parler du peuple dont la misère devait bientôt lui coûter la tête ainsi que celle de Louis XVI. Et aujourd’hui? Carla Bruni. J’avoue que nous l’avons aimée, mon fils de cinq ans et moi-même. Elle a murmuré «Regardez-moi, je suis la plus belle du quartier» et nous avons presque cru qu’elle parlait de nous. Celle qui a un enfant avec Raphaël Enthoven, ne peut être qu’une déesse. Ensuite vint le choc du mariage. Et la question de savoir que fait ce népotiste égocentrique, porteur de chaussures à talons, qui brasse de l’air. Elle dit: «Il a deux cerveaux et la puissance nucléaire». C’est le pain quotidien actuel des médias. On pourrait dire: le couple numéro un en France accomplit un jeu de pouvoir sublime. Est-ce le pouvoir informel (l’origine, la beauté, la grâce, l’art, la liberté) ou le pouvoir constitutionnel (la voiture de service, l’Elysée, la force de frappe) qui l’emporte? Peu importe. Non seulement on ne peut plus mais on ne veut plus l’aimer. –Reto Wehrli

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Pirmin Bischof, Membre de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national

ProFiteurs, jeu D’acquisitioNs De sociétés, globalisatioN

L’économie de marché est-elle chrétienne ou non chrétienne? Est-elle «réformée» ou «catholique»? Quelle influence la religion chrétienne exerce-t-elle sur l’activité économique des gens? Dans quelle mesure un système économique globalisé est-il malgré tout équitable? Que dit le Christ à propos des profiteurs, du chômage et de la destruction de l’environnement? Je suis avocat et pas théologien. En tant que membre de la CER et à titre de porte-parole économique de la présidence du PDC ces questions reviennent de façon récurrente. Le C dans le nom du parti n’est pas seulement une étiquette, mais il désigne une mission politique concrète! «Entre le Grossmünster et la Paradeplatz», ainsi s’intitulait avec justesse le symposium que l’église catholique du canton de Zurich et l’Institut d’éthique sociale de l’Université de Zurich ont organisé il y a quelque temps à l’Hôtel Savoy (situé précisément à la Paradeplatz, la place des banques par excellence!) à Zurich. Les principaux représentants de l’Eglise, de la science et de l’économie se sont posé la question de savoir dans quelle mesure le Christianisme d’obédience protestante et catholique a eu une influence sur la vie économique et s’il pourrait en exercer une dans le futur.

l’ «économie de marché» est-elle réformée ou catholique? est-elle vraiment chrétienne? L’économie occidentale est une économie de marché. Les quantités produites et les prix ne sont pas fixés par un organe de régulation étatique, mais par le libre jeu entre l’offre et la demande. Selon une conception économique communément admise, ce système donne lieu à une «allocation des biens» la plus efficace. Chaque bien est ainsi utilisé «au mieux». On ne produit ni trop, ni trop peu. C’est ce que dit le mode d’emploi. Le fait est que le système d’économie de marché s’est développé avec toute sa puissance au sein de la société chrétienne et humaniste de l’Europe et non pas dans une autre région du monde. Une étude menée en 2003 par le professeur Bruno Frei de l’Université de Zurich a montré qu’aujourd’hui encore les Chrétiens ont une attitude plus positive par rapport à l’économie que les membres d’autres religions. Les Musulmans sont les plus sceptiques à l’égard de la croissance économique et les Hindous face à la concurrence économique. 28

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Dans son œuvre principale, intitulée «L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme», le célèbre sociologue Max Weber a défendu en 1905 une thèse dont l’effet se prolonge jusqu’à nos jours et selon laquelle le développement économique du monde occidental se fonderait essentiellement sur l’esprit protestant. La Réforme aurait donné lieu à une véritable révolution de la pensée qui aurait contribué à l’émergence du capitalisme moderne et par conséquent à la croissance économique. On peut s’appuyer sur la doctrine de la prédestination de Calvin, qui (sous sa forme simplifiée) part du fait que la réussite personnelle et économique d’un individu est le reflet sur terre de sa future position dans une vie éternelle. L’industrialisation aux XIXe et XXe siècles s’est effectivement développée nettement plus vite dans les régions citadines et protestantes, telles que Zurich, Bâle ou Genève que dans les zones rurales et catholiques. C’était le cas en Suisse et dans tout l’hémisphère occidental. Or, on peut se demander si cette thèse tient encore debout aujourd’hui. Depuis quelques années, les cantons qui proposent les prestations et les baisses d’impôts les plus attrayantes sont des cantons catholiques traditionnels, tels que Zoug, Schwyz, Nidwald et Obwald. En Allemagne, l’activité économique des deux grands Länder catholiques de Bade-Wurtemberg et de Bavière a éclipsé celle des Länder protestants du Nord. Le professeur Frei cite en outre l’Italie du Nord et l’Irlande pour démontrer qu’une région fortement catholique offre à longue échéance un revenu par habitant égal voire même supérieur à celui enregistré dans l’Europe protestante. La distinction entre catholicisme et protestantisme ne permet donc plus guère d’expliquer une différence au niveau du succès économique.


Que pense un Chrétien de l’économie de marché? Une étude menée à l’Université de Chicago sur la base des données du «World Value Survey» (1981–1997) arrive à la conclusion étonnante que les fidèles assistant régulièrement aux services religieux ont une attitude plus positive à l’égard de l’économie que les personnes non croyantes. Les pratiquants tendent non seulement à penser que le marché libre permet d’obtenir des résultats équitables, mais ils sont également plus favorables aux institutions susceptibles de renforcer la productivité et la croissance économique. Les personnes croyantes, par ailleurs moins disposées à violer la loi, soutiennent un système juridique solide qui forme l’une des principales bases d’une économie de marché satisfaisante. En qualité de politicien chrétien, je préfère en bonne conscience le marché libre au plan socialiste. Cela signifie-t-il que tout baigne et que nous, les politiciens chrétiens, pouvons partir de l’idée que la main invisible d’Adam Smith règlera les problèmes liés au marché libre, tels que la pauvreté, le chômage et la destruction de l’environnement?

une économie chrétienne est-elle libérale ou sociale? L’économie de marché capitaliste est née dans les pays chrétiens. Mais ce sont précisément les Eglises catholique et protestante qui ont fait en sorte que l’économie de marché ne sombre pas dans l’anarchie et elles continuent à le faire aujourd’hui. Le marché repose sur l’intérêt personnel de chaque acteur économique, du typique «homo oeconomicus». Ou en termes ciniques: si chacun pense à soi, personne n’est oublié. Un tel système correspond peut-être aux critères d’efficacité des libéraux de Manchester, mais il ne respecte pas le principe de l’amour chrétien du prochain.

sociale, Johannes Fischer, avait entièrement raison d’ajouter que la doctrine sociale catholique «avait contribué de façon difficilement surestimable à l’idée d’un Etat social en soi équilibré». En conséquence, la stratégie fructueuse de l’«économie de marché» de Konrad Adenauer et de Ludwig Erhard ne se fonde ni sur les idéologies des libéraux de Manchester ni sur celles des socialistes, mais bien sur la doctrine sociale catholique. Déjà dans la Grèce antique l’hybris, la démesure ou l’orgueil, était considérée par les Dieux comme un crime. Icare ne tomba pas parce qu’il avait osé voler avec des ailes fabriquées de ses propres mains avec des plumes et de la cire, mais parce que, contre le conseil de son père Dédale, il «avait voulu voler trop haut» et qu’il s’était trop approché du soleil. A l’heure actuelle nous sommes à nouveau confrontés à des problèmes de démesure en versant des salaires exorbitants et incontrôlés aux managers et en bradant des sociétés industrielles sans le moindre souci de transparence au moyen de capitaux anonymes. Une vision du monde axée sur la responsabilité et fondée sur la doctrine sociale catholique n’accorde aucune place à la démesure. En tant que politiciens chrétiens, nous sommes appelés à accomplir une mission éthique, aussi et notamment parce que l’Eglise a perdu sa fonction dirigeante «sur le marché des valeurs». Si la philosophie de Manchester accepte la pauvreté, le chômage et les excès en haussant les épaules, la politique chrétienne a pour tâche de réguler l’anarchie libérale créative et puissante, mais aussi dangereuse et parfois autodestructrice.

La Réforme zurichoise de Zwingli ne représentait pas une simple réforme de l’Eglise, mais aussi un renouvellement de l’Etat et de la société. Zwingli a traité les questions sociales fondamentales de l’époque: l’injustice en matière d’intérêts, le servage et la misère des mercenaires. Le réformateur a souhaité au moins rapprocher la justice humaine de la justice divine.

la protection de l’environnement est-elle libérale ou chrétienne? Des réflexions sur l’efficacité peuvent mener aussi un pur économiste de marché à la conclusion que la protection de l’environnement se justifie, puisque non seulement la vie est impossible dans un monde où l’eau et l’air sont pollués mais également l’économie. Quand un économiste de marché distribue des «droits à polluer» (certificats d’environnement) dans le cadre d’une Bourse, il le fait sur la base de réflexions liées uniquement au rapport coûts-utilité.

La «doctrine sociale catholique» s’est développée bien plus tard, au XIXe siècle, mais politiquement de manière sans doute plus percutante. Elle a placé des valeurs telles que la dignité de l’Homme, la solidarité et la subsidiarité au centre de la pensée économique et politique. Peter Ulrich, professeur d’éthique économique à l’Université de Saint-Gall, constate qu’en matière d’éthique du travail, l’éthique protestante est «plus profondément impliquée dans la genèse de l’esprit du capitalisme» que ne l’est la doctrine sociale catholique qu’il convient de considérer plutôt comme un «correctif externe» du système de marché fondamentalement incontesté. Le spécialiste en éthique

Il est vrai que le politicien chrétien spécialisé en économie obtient en partie des résultats similaires (p.ex. émissions de CO2), mais il part d’un état d’esprit complètement différent. Pour nous les Chrétiens la préservation de l’environnement n’est en premier lieu une question ni d’efficacité ni de rapport entre l’offre et la demande. La conservation de la Création est plutôt une mission biblique impérative. L’Homme n’a pas le droit de détruire la Création divine, mais au contraire l’une de nos plus nobles tâches consiste à préserver l’intégrité de l’eau, de l’air et de la terre et à utiliser les moyens politiques nécessaires dont nous disposons pour y parvenir. ■ lA Politique 5 Mai 2010

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IL Y a 10 ans Le 21 mai 2000, 1'497'093 citoyennes et citoyens suisses acceptaient les sept accords bilatéraux conclus entre l’Union européenne et la Suisse suivant en cela les recommandations du Conseil fédéral et du Parlement. Ces accords concernaient la coopération scientifique et technologique, certains aspects relatifs aux marchés publics, la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité, les échanges de produits agricoles, le transport aérien, le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route, la libre circulation des personnes. La brochure explicative précisait que ces accords allaient permettre à notre pays de renforcer son pôle industriel et scientifique et de contribuer au maintien de sa prospérité et de la croissance. Ce même dimanche de mai, 730'980 personnes avaient glissé un Non dans l’urne et refusaient ces accords. Pour les adversaires de ce projet, ces accords étaient inutiles et seul un Non devait empêcher le Conseil fédéral et le Parlement de réaliser promptement le but déclaré de l’adhésion à l’UE. Dix ans ont passé – A chacun d’en juger! (ym)

«Le fédéralisme diffère d’une manière profonde, et du régionalisme, et de la décentralisation. Le régionalisme et la décentralisation excluent toute idée, tout principe de souveraineté. Ils ne sont l’un et l’autre que des concessions administratives émanant d’un pouvoir, non pas seulement central, mais encore centralisé. C’est de ce pouvoir qu’ils dépendent. C’est ce pouvoir préexistant qui le crée et leur confère une existence légale. En revanche, le fédéralisme implique des Etats souverains, préexistant au pouvoir central, le créant et lui faisant librement, pour qu’il soit en mesure de s’exercer, des sacrifices de souveraineté. Car c’est aux Etats confédérés que le pouvoir doit son existence légale.» Gonzague de Reynold, Conscience de la Suisse, 1938

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gLossaIre – droIT de La socIéTé anonYme Révision du droit de la société anonyme

La première pierre de la révision actuelle du droit de la société anonyme (SA) et du droit comptable a été posée en 2002/2003. Le rapport von der Crone concernant la révision partielle du droit de la SA a été publié en 2002 et il a été suivi en 2003 du rapport final et du projet du groupe de travail «gouvernance d’entreprise». Un avant-projet et un rapport intermédiaire ont été mis en consultation à la fin de l’année 2005 et le Département fédéral de justice et police a reçu plus de 100 prises de position, ce qui était déjà un indice de la complexité du dossier. Le projet de message est paru en 2007. Les nouvelles prescriptions en matière de transparence applicables aux SA cotées en bourse sont entrées en vigueur la même année. Le 5 décembre 2008, un contre-projet indirect à l'initiative populaire «Contre les rémunérations abusives» (voir ci-dessous) faisant l’objet d’un message complémentaire à la révision du droit de la SA était publié. Initiative Minder «contre les rémunérations abusives»

L’initiative populaire «contre les rémunérations abusives» a été déposée à la Chancellerie fédérale le 26 février 2008, munie de 114'260 signatures valables. Elle veut mettre un frein aux indemnités versées à la haute direction de sociétés anonymes cotées en bourse, qui sont jugées excessives, par un renforcement de la gouvernance d’entreprise. Elle prévoit notamment que l’assemblée générale vote chaque année le montant global des rémunérations du conseil d’administration et de la direction. Contre-projet du PDC

Le PDC s’est opposé à l’initiative Minder dès son lancement. Certes, son titre sonne bien mais elle porterait préjudice à la place économique suisse. En été 2008, le PDC a déjà présenté sa position relative à la révision du droit de la société anonyme. Pour le parti, le droit de la SA devrait être révisé de manière à instaurer une plus grande transparence concernant les détenteurs de paquets d'actions. Le débat sur la révision du droit de la SA n’ayant pas été fructueux, le PDC a lancé un contre-projet direct à l’initiative «contre les rémunérations abusives» en février 2010. Il s’agit d’une mini-réforme qui tient compte des principales exigences de l’initiative Minder mais sans mettre en péril la place économique suisse. Alliance Minder-Blocher

Au début du mois de février 2010, l’auteur de l’initiative «contre les rémunérations abusives» a conclu un pacte surprenant avec

Christoph Blocher. Ensemble, ils ont présenté un contre-projet indirect au niveau de la loi. Th. Minder s’est alors déclaré prêt à retirer son initiative si le Parlement approuvait ce contre-projet. Démocratie des actionnaires

Lors d’une assemblée générale, les actionnaires ont des intérêts très différents. Il y a d’une part le petit actionnaire classique et de l’autre les fonds de couverture (hedge fonds), les fonds souverains étrangers ou les spéculateurs qui ne voient que le profit à court terme. A l’UBS par exemple, 90,3% des 363'060 actionnaires inscrits venaient de Suisse et ensemble ils ne détenaient que 23,5% des actions. Le reste des actionnaires inscrits (env. 10%) étaient domiciliés à l’étranger et disposaient d’environ 40% des actions. 37% des actions ou 1.3 milliards n’étaient pas inscrits dans le registre des actions, c’est ce qu’on appelle des «actions dispo». Actions dispo

Les actions «dispo» sont des actions dont les détenteurs restent anonymes. Comme les actionnaires ne s’inscrivent pas, ils n’exercent pas leur droit de vote lors de l’assemblée générale. Problème des investisseurs sans scrupules

Le contre-projet du PDC devrait résoudre la problématique des «investisseurs sans scrupules». Comme entre 20 et 50% des actions sont sans droit de vote à l’assemblée générale, il est plus facile à une minorité d’actionnaires disposant d’une partie relativement restreinte du capital de l’entreprise d’imposer ses vues lors de l’assemblée générale. Contrairement au Conseil d’administration, l’actionnaire n’a aucune obligation envers sa société. L’actionnaire peut même acquérir des actions pour anéantir la société, ce qu’un membre du Conseil d’administration ne peut pas faire. Représentation par un dépositaire ou un organe de la société

La plupart des actionnaires demandent à un autre actionnaire, à une personne indépendante, à un dépositaire ou à un organe de la société de les représenter à l’assemblée générale. La banque exerce pour son client le droit de vote des actions en dépôt mais elle doit toutefois respecter les consignes du client. En cas de représentation par un dépositaire, c’est un organe de la banque qui exerce le droit de vote. ■ –Muriel Haunreiter

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TERRE D’HARM MONIE

Le label en faveur d’une agriculture suisse durable TerraSuisse garantit un habitat aux espèces animales rares comme la huppe et encourage ainsi la biodiversité. Plus d’informations sur www.migros.ch/terrasuisse


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