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Pâques pour les nuls

La résurrection sʼest inscrite dans lʼhistoire

LE THÉOLOGIEN PROTESTANT MENNONITE CLAUDE BAECHER DÉCRYPTE UNE FÊTE MILLÉNAIRE.

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Interview: Christian Willi

Comment la commémoration de Pâques sʼest-elle inscrite dans le temps? Les documents du Nouveau Testament en témoignent déjà. Au tout début du mouvement de Jésus, après lʼévénement extraordinaire de la résurrection, «le Jour du Seigneur» est devenu comme un huitième jour, celui de la résurrection de Jésus. Il symbolisait la nouvelle création dans le Christ. Cʼest le sens déterminant de la foi de ce judaïsme messianique en Jésus: le programme de Jésus continue de plus belle!

Mais comment cette célébration sʼest-elle imposée dans le calendrier de sociétés entières, pas seulement des groupes qui ont suivi le Christ? Quelques siècles après les faits, certains puissants trouveront avantage à légiférer pour lʼEmpire, sous Constantin le Grand et faire de ce jour du culte solaire un jour férié légal. En anglais, avec sun-day, on a préservé cette origine. Cela ne modifie pas lʼorigine exclusivement chrétienne de cet accent. Il ne sʼagit pas de légiférer, mais de comprendre le fait capital de la résurrection corporelle de Jésus pour les chrétiens. Par exemple, Pline le jeune, un noncroyant, était administrateur de la province du Pont-Bithynie, en Turquie actuelle, vers lʼan 111; il mène lʼenquête au sujet de la répression des chrétiens et écrit à lʼempereur Trajan: «Ils sʼassemblaient, à jour marqué, avant le lever du soleil, ils chantaient des hymnes à la louange du Christ, comme en lʼhonneur dʼun dieu; ils sʼengageaient par serment, non à quelque crime, mais à ne pas commettre de vol, dʼadultère, à ne point manquer à leur promesse..»

On parle de Pâques… Les Juifs la fêtent au singulier... Chez les chrétiens, la célébration de la résurrection de Jésus est aussi im

toutes les hypothèses qui peuvent expliquer ces faits, avant de choisir la plus plausible. Le refus, par principe, dʼune connaissance dʼun monde transcendant est aussi une façon de croire. Ce refus a ses racines profondes dans le refus dʼun sens général à la vie, dʼun acceptable et dʼun inacceptable en terme de conduite (économique, raciale, sexuelle, etc.). On a plus quʼà rendre compte à soimême et à ce qui domine lʼindividu.

portante que lʼest la fête juive, laquelle commémore la sortie hors de lʼesclavage dʼEgypte. Pâques, cʼest la célébration du fait que par Jésus de Nazareth, quelque chose de déterminant a eu lieu sur la mort et sa puissance dʼinfluence et que lʼavenir est lié à sa personne dans ce monde et le monde qui suit celui-ci. Noël est davantage reconnue. En a-t-il toujours été ainsi? Dans le christianisme ancien, Pâques bien plus que Noël constituait la «fête des fêtes». Toutefois, il ne sert à rien de parler de la résurrection sans comprendre ce qui sʼest passé trois jours avant! Le théologien N.T. Wright explique que la résurrection est «le premier signe que la révolution salvatrice a eu lieu trois jours avant», soit lors de la mise à mort dʼun homme qui a dit la vérité et qui a aimé comme on a jamais aimé Dieu et ses prochains. Le sens donné à la mort et la résurrection a-t-il évolué? De très anciens cultes croyaient en la résurrection dans un au-delà. Ici, il est question du christianisme. Mais même à lʼaube du mouvement de Jésus, les Juifs sadducéens ou les nombreux adeptes des épicuriens et stoïciens refusaient toute connaissance dʼun monde «au-delà» et niaient la résurrection corporelle, en tant que telle. Nietzsche avait bien des prédécesseurs, dans son antimétaphysique. Jésus serait-il à lʼorigine de la notion de lʼAu-delà? Les personnes, nombreuses, qui sont devenues athées ou agnostiques ces deux derniers siècles se fient, au fond, aux seules leçons de la nature; celles-ci nous disent que la mort est le dernier mot. Il y a du réalisme dans cette attitude. Heureuses donc les personnes qui pourront lire un Evangile ou auront rencontré des chrétiens et dont la vie a été illuminée et réorientée par leur foi en son message. Je reste persuadé que lʼenseignement de Jésus apporte le salut du monde. Cʼest ce quʼopère le message du Christ aux quatre coins du monde. Et que disent les sciences? Les sciences sont marquées par des «observations» et sont ouvertes à Lʼavenir est lié à la personne du Christ dans ce monde et dans le monde à venir

Le sondage le montre, tous les chrétiens nʼy croient pas. Sʼagit-il dʼun phénomène nouveau? A lʼinstar de Léon Tolsoï, plusieurs auteurs moraux ont dénoncé la foi en la résurrection corporelle de Jésus, même après leur conversion au Christ des Evangiles. Cet auteur réagissait essentiellement contre la compréhension dʼune résurrection qui ne transforme pas cette vie-ci, mais qui sur-investit lʼAu-delà. En cela, il peut effectivement y avoir méprise, même pour les croyants.

Au fond, quʼest-ce que cette foi particulière en la résurrection peut changer? «Jésus nʼest pas venu seulement pour donner des prolongations infinies à une vie qui nʼen finit pas de se traîner et de sʼétirer dans le gâtisme», écrivait Alphonse Maillot. Croire, même en la résurrection, nʼest pas ce qui change la vie; mais les personnes dont la vie est réorientée dans lʼespérance et lʼamour, croient que «tout nʼest pas fini avec Jésus, avec soimême et avec le monde». Le théologien franco-suisse Oscar Cullmann a souligné que la résurrection est comprise comme une intronisation, une inauguration du «règne du Christ». Il sʼagit là de suivre le Christ dans son esprit et ses actes. Le sociologue Jacques Ellul, de son côté souligne que cela change lʼaction. Pour lui, cette foi est lʼaccomplissement de notre espérance et de notre projet. ▪

«Attrapez la corde!»

THOMAS ZURBRÜGG EST TOMBÉ DANS UNE CREVASSE DE 25 MÈTRES LORS DʼUNE EXPÉDITION EN HAUTE MONTAGNE. RÉCIT DʼUNE SURVIE QUI NʼA TENU QUʼÀ UNE CORDE!

Markus Richner

Par une journée ensoleillée de mars 2016, Thomas Zurbrügg, alors âgé de vingt-neuf ans, est tombé dans une crevasse. Enseveli à vingt-cinq mètres de profondeur, quelques minutes ont passé alors quʼil cherchait la corde de sécurité qui le reliait à son camarade de randonnée. Peu à peu, il sʼest rendu compte quʼun sauvetage rapide était exclu. Son camarade était-il tombé lui aussi? Avait-il appelé les services de secours? Thomas Zurbrügg sʼest extirpé de la neige et a commencé de remonter en tentant dʼéviter une nouvelle chute. Lʼescalade des murs de glace lisses semblait impossible. Sʼil

était tombé à nouveau, il se serait probablement enfoncé encore plus bas. Cʼétait déjà un quasi miracle de sʼêtre relevé indemne de la première chute. Il a prié. Pour lui-même, pour ses proches. Puis une paix surnaturelle lʼa rempli. «Même si je ne pouvais pas contrôler ma propre survie, je mʼen sortais bien!» Le danger de lʼhypothermie lʼeffrayait, mais il nʼavait pas peur de la mort en soi. «Mourir nʼest pas une mauvaise chose pour moi. Je crois que quelque chose de mieux viendra après.»

Peu importe ce qui arrive, Dieu a la situation bien en main Le verset de confirmation de Thomas Zurbrügg se trouve dans les Proverbes, chapitre 3, verset 5: «Ayez confiance

«Jʼai appris que la foi pouvait résister même aux situations extrêmes»

dans le Seigneur de tout votre cœur et ne comptez pas sur votre intelligence.» Là, dans la crevasse, ces mots ont pris un nouveau sens. Le salut de sa vie était entre les mains de Dieu. Que sa dernière heure soit arrivée ou non, il était sûr de lʼamour de Dieu, de cet amour qui ne peut être arrêté, même par la mort.

Une foi renforcée Une personne enterrée dans la neige peut vivre pendant environ quinze minutes. Comme son camarade ne pouvait pas le voir, il avait supposé que Thomas avait déjà suffoqué. Mais après presque deux heures et demie, les sauveteurs arrivés sur place ont entendu son appel, eux qui sʼétaient prépréparés à devoir remonter un cadavre. Cʼest un alpiniste indemne qui a été sorti de la crevasse et héliporté jusquʼà lʼhôpital. Les sauveteurs ont été étonnés que Thomas ait survécu à la chute et aux heures dʼattente à lʼintérieur du glacier. La paix et la tranquillité qui lʼhabitaient en disaient long. Cʼétait un miracle! Par cette expérience, la foi de Thomas a été renforcée. «Jʼai appris que ma foi pouvait résister même aux situations extrêmes.»

Nouvelle épreuve En juin 2019, trois ans plus tard, un nouvel accident est survenu. Un accident en rollers skate. Thomas Zurbrügg a chuté sur une barre de métal qui lui a fracassé le visage. Son œil a été arraché. Il a passé deux semaines aux soins intensifs, pendant lesquelles il ne voyait rien, ne pouvait pas parler et entendait très mal. Son visage a été reconstruit lors dʼune opération de plusieurs heures. Mais lʼaccident a engendré de graves problèmes pulmonaires et dʼautres complications. Dans tout cela, il restait à Thomas Zurbrügg une certitude profonde: «Dieu est avec moi et veut mon bien!» Trois semaines dʼhôpital et onze autres en clinique de réadaptation plus tard, Tho

mas est finalement rentré à la maison. On ne savait pas encore dans quelle mesure ses fonctions faciales seraient restaurées et sʼil pourrait un jour reprendre son métier de steward.

Confiance dans lʼincertitude Douleurs, perte définitive dʼun œil, absence dʼodorat, ouverture restreinte de la bouche, visage asymétrique, troubles de la circulation et de la transpiration du côté droit, cicatrices et plaques de métal: la liste était longue et lʼavenir incertain. Résultat: «Je suis souvent déprimé et je me débats avec des doutes.» Et pourtant sa foi en Dieu, qui lʼa porté jadis dans la crevasse, demeure. «Dieu a tout sous contrôle!» confie le trentenaire. Lʼimage de la corde de sauvetage qui lʼa tiré de la crevasse lʼaccompagne encore. «Laissez-vous sauver de votre désespoir», déclare-til à ceux qui sont coincés dans les crises de la vie. «Dieu a un plan pour votre vie!» Et que faire dans les crises qui durent des mois et laissent de nombreuses questions sans réponse? Thomas Zurbrügg a trouvé une réponse pour lui-même: «Je suis connecté avec mon Créateur. Il me connaît et sait quel est le meilleur chemin. Même si souvent je ne comprends pas ses actions, je lui fais confiance, quoi quʼil arrive.» ▪

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