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MESSIKA
Un empire nommé Messika
Dans le monde de la joaillerie, tout le monde connaît le nom de Messika. Du père André, célèbre diamantaire de la Place de Paris à sa fille Valérie, qui a fini, malgré elle, par lui voler la vedette en créant sa propre marque… Le bijou est bel et bien une histoire de famille chez les Messika. À la tête d’une griffe planétaire, dans laquelle ses précieuses parures sont portées par Beyoncé, Kendall Jenner et Kate Moss, la créatrice a réussi le pari audacieux de ne travailler qu’une seule pierre, le diamant. Une philosophie ambitieuse, à l’ère d’une société insatiable et qui pourtant, a porté ses fruits. Tête-à-tête avec Valérie Messika, entrepreneuse inspirante. In the jewelry world, “Messika” is a household name. From father André, shining star of the Paris diamond market, to daughter Valérie, who ended up stealing the show despite herself by creating her own brand, jewelry is indeed a family affair at Maison Messika. At the head of a planetary label whose flagbearers include such illustrious names as Beyoncé, Kendall Jenner and Kate Moss, the creator has successfully risen to the bold challenge of working with a single stone, the diamond. An ambitious philosophy that has succeeded in meeting the demands of an insatiable market. Meet Valérie Messika, the inspiration behind the business.
Par / By Marine Pasquier
Valérie, vous lancez en 2005, votre maison éponyme, qui rencontre très vite un franc succès. À peine âgée d’une vingtaine d’années, quelle était votre inspiration initiale lors de cette création?
Je pense que je cherchais avant tout à faire plaisir à mon père. Je lui toujours porté beaucoup d’admiration, car autrefois, le métier de diamantaire se transmettait à travers les générations. Mon père, quant à lui, est parti de zéro et c’est à force de passion et de travail qu’il s’est forgé une certaine réputation. Étant son premier enfant, j’ai décidé de le rejoindre dans son aventure, un peu indécise car j’adorais la communication, le marketing et je ne me voyais pas du tout dans cet environnement. Pourtant, j’ai vite été prise au jeu, séduite par l’amour qu’il portait à son métier. Grâce à lui, j’ai appris à déceler toutes les facettes d’une pierre, j’ai observé les méthodes de taille, je me suis rendue à la source même des mines, d’Israël en Inde. Je l’ai suivi dans chaque étape du développement de son activité, jusqu’au jour où il a décidé de partir. Le marché du diamant se transformait et les négociants perdaient en valeur face aux grands noms de la joaillerie. Mon père ne cessait de me dire qu’il était temps que je m’accomplisse seule, et non derrière son ombre, mais je n’étais pas à l’aise avec l’image lourde et trop conventionnelle que renvoyait le diamant. J’étais jeune, éprise de liberté! Je voulais créer, innover, imaginer un quelque chose d’artistique et d’accessible, qui parlait aux femmes de ma génération. C’est ainsi que j’ai commencé à créer des bijoux, de façon spontanée, en suivant les deux précieux conseils que mon père m’avait transmis : trouver mon propre style et ne travailler que le diamant.
Diplômée d’une école de communication, vous n’avez pas été formée au métier de designer et pourtant, vous avez réussi des prouesses techniques aujourd’hui encore inégalées sur le marché, comme la gamme Skinny et ses lignes de diamants et la collection Move avec ses diamants mobiles. Comment vous est venue l’idée de ces procédés uniques qui bousculent les codes de la joaillerie traditionnelle?
Depuis la création de Messika, je n’ai qu’un seul et unique but : rendre hommage au diamant. Lorsque j’étais enfant, je m’amusais à jouer avec les pierres et à les poser sur mon corps pour leur donner davantage d’éclat. Mon objectif, c’est de faire briller des diamants sur la peau des femmes comme un tatouage, avec des lignes pures, modernes où la technicité pour atteindre cette lumière est plus complexe et importante que le dessin en tant que tel. J’ai imaginé des procédés uniques faisant disparaître la monture pour mettre les diamants au centre du bijou et leur donner du mouvement, les rendre amovibles et confortables, pouvant être portés au quotidien. C’est cette obses-
sion qui m’a poussé à innover et à repenser les techniques. Je reste persuadée que si j’avais eu un parcours classique dans la gemmologie, je n’aurais jamais osé le faire.
Valérie, in 2005 you launched your very own house, named after yourself, which very soon scored a resounding success. What was your initial inspiration at the time, when you were only just 20 years old?
I think that above all I wanted to please my father. I’ve always admired him greatly: in the past, the diamond merchant profession was always passed on from generation to generation, but my father started from scratch and carved out a reputation through sheer passion and hard work. As his first child, I decided to join his adventure, rather hesitantly as I loved communications and marketing and didn’t feel at all at home in this environment.
Vous avez ouvert votre premier atelier de Haute Joaillerie à Paris, en 2015, où vos artisans conçoivent des bijoux similaires à des œuvres d’art. En quoi cette transition a-t-elle marqué un tournant dans l’histoire de Messika?
Avoir ma propre équipe pour développer mes prototypes, les former à pousser la technique plus loin et savoir qu’ils sont à mes côtés, prêts à donner réalité à mes idées… Ça m’a challengé. Dès que j’ai une inspiration, le lendemain, je peux voir la maquette, essayer les cires et discuter avec eux pour faire croître mes projets. However, I soon changed my mind, infected by his love for his profession. Thanks to him, I learned to read all the facets of a stone, I watched how stones were cut, and I went straight to the source, visiting mines from Israel to India. I followed him as he developed the business, until the day he decided to leave. The diamond market was undergoing a sea change and traders were losing value competing against the big names of the jewellery industry. My father never stopped telling me it was time to stop hiding in the wings and strike out on my own, but I wasn’t comfortable with the heavy, over-conventional image conveyed by the diamond. I was young, I wanted to be free! I wanted to create, innovate and dream up something artistic and accessible that spoke to the women of my generation. And so I started to create jewellery, spontaneously, following two valuable pieces of advice my father gave me: find your own style and work only with diamond.
Having graduated from communications school, you never trained as a designer and yet you have achieved technical prowess still unmatched in the market, such as the Skinny range with its diamond lines and the Move collection with its moving diamonds. Where did you get the idea for these unique processes that are changing the codes of traditional jewellery?
Since founding Messika I’ve only had one purpose in mind: to pay tribute to the diamond. When I was a child, I used to play with stones and put them on my body to give them more lustre. My goal is to make diamonds shine like a tattoo on women’s skin using pure, modern lines where the technical challenge of achieving this light effect is more complex and important than the design itself. I have devised groundbreaking processes that do away with the setting, place the diamonds at the centre of the piece and endow them with movement to make them removable, comfortable and wearable every day. It is this obsession that prompted me to innovate and rethink techniques. I’m convinced that if I’d pursued standard training in gemmology I’d never have dared to do that!
In 2015 you opened your first high jewellery workshop in Paris, where your technicians are designing jewels similar to works of art. How did this transition marked a turning point in the history of Messika?
Having my own team to develop my prototypes, training them to push techniques further and knowing they were on my side, ready to breathe life into my ideas … that was a real challenge! As soon as I get an inspiration, the next day I can see the model, try on the waxes and discuss how to develop my projects with them. This is a daily process in which we share our thoughts, knowledge and skills. It’s extremely enriching!
Since inception, Messika jewels have elegantly adorned numerous celebrities and muses, each one different from all the others. How do all these women symbolise the ‘Messika woman’ in their own way?
What I like about them is that each one has her own world, personality, age and skin colour. Some are classical, others more fashion-oriented, rock’n’roll or wild… This is our strength: we don’t require any particular logo or style. On the contrary, it’s the woman who assimilates the jewel in her own way and its lustre increases her self-confidence.
C’est un échange quotidien, où nous partageons nos pensées, nos connaissances et nos compétences… C’est extrêmement enrichissant.
Depuis ses prémices, les bijoux Messika sont portés avec élégance par de nombreuses célébrités et égéries, pourtant si différentes les unes des autres. En quoi ces femmes symbolisent toute à leur manière, la femme Messika?
Ce que j’aime chez elles, c’est que chacune à sa personnalité, son âge, sa couleur de peau, son univers. Certaines sont classiques, d’autres plus mode, rock ou sauvage… C’est ici notre force : nous n’imposons pas de logo ou de style particulier. Bien au contraire, c’est la femme qui habite le bijou à sa façon et cet éclat lui permet d’avoir plus confiance en elle. Le succès de Messika réside dans cette capacité à toucher toutes les générations, de la jeune fille de 18 ans à la grand-mère de 60 ans. De par l’entendue de nos gammes et ce côté intemporel, certes, mais surtout par un dénominateur commun : le diamant.
Vous avez également lancé une collection masculine. Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer des bijoux à destination de cette clientèle? Pensez-vous que Messika s’adressa davantage aux hommes dans les futures décennies?
Il y a beaucoup d’hommes dans ma famille, je pense notamment à mes frères, mon père, mon mari. Dans l’Antiquité, le diamant était réservé aux hommes et c’est avec le temps qu’il s’est connoté d’une certaine féminité. Je me suis défiée d’apposer à nouveau diamant sur l’homme, en choisissant le titane pour son aspect brut, qui contrastait avec la brillance des diamants. Aujourd’hui, nos sociétés ont évolués et nous allons de plus en plus vers des bijoux unisexes, dans cette idée du no-gender déjà bien installée en Asie, tout comme la tendance de l’homme qui prend davantage soin de lui.
On voit que les nouvelles collections Messika s’habillent de cuir, de couleurs vives et punchy… Quelles tendances prédominent cette année dans la joaillerie?
Après cette période de Covid, je pense que nous avons tous envie de nous raccrocher à des choses qui font sens, qui nous donnent de l’énergie, de la bonne humeur. J’avais d’ailleurs créé une collection autour de sept couleurs, chacune signifiant un mantra du pouvoir féminin : be authentic, be free, be passionnated… Aujourd’hui, le bijou devient plutôt un talisman, un grigri que l’on s’approprie. Pour ma dernière campagne avec Kendall Jenner dans les eaux turquoise du sud, j’ai choisi de mettre en lumière le vert, pour sa complémentarité avec le bleu. Et sans le savoir, il s’avère que c’est une couleur porte-bonheur pour de nombreuses personnes, notamment au Moyen-Orient, où nos créations sont très demandées.
Plus de 15 années sont passées depuis la création de Messika. Quelles sont vos perspectives d’évolution pour les 15 années à venir?
En toute franchise, je n’y ai pas pensé pour les quinze premières et j’essaye de continuer à penser ainsi. Je vis un peu au jour le jour. Mon motto, ce qui me fait me lever tous les matins; c’est ma passion et mon envie de la transmettre. Quand je sais qu’aujourd’hui, je suis cheffe d’une entreprise de 300 personnes et que je suis le capitaine de ce grand bateau, c’est une véritable satisfaction et un grand honneur. Chaque jour, je m’efforce d’aller plus loin, je me remets en question et même si parfois j’ai peur, j’y vais. Mon seul objectif, c’est de continuer à vivre de ma passion et de transmettre cette valeur à mes filles. Messika’s success lies in this ability to reach all generations, from 18-yearold girls to 60-year-old grandmothers. Sure, this is achieved thanks to the breadth of our product ranges and this timeless aspect, but above all it is due to a common denominator: the diamond.
You have also launched a collection for men. What made you want to create jewellery for this clientèle? Do you think that Messika will target men more over the coming decades?
There are many men in my family, including my brothers, my father and my husband. In ancient times, diamonds were reserved for men and it’s only through time that they have acquired a certain feminine connotation. I took up the challenge of restoring diamonds to the male sex, choosing titanium for its raw look in contrast to the brilliance of diamonds. Today, society has evolved and we are moving inexorably towards unisex jewellery, following the no-gender philosophy already well ensconced in Asia, as well as the trend among men to pay more attention to their appearance.
We can see that the new Messika collections are clad in leather, sporting bright, punchy colours… What are the prevailing trends in jewellery this year?
After Covid, I think we all want to cling to things that make sense, that give us energy and make us feel better. I had also created a collection based on seven colours, each one representing a mantra of women’s power: be authentic, be free, be passionate, etc. Nowadays, jewellery has become a kind of talisman, a lucky charm that is appropriated by the wearer. For my latest collection with Kendall Jenner in the colours of southern turquoise waters, I have chosen to highlight green for its complementarity with blue. And without knowing it, it turns out to be a colour that brings good luck to many people, particularly in the Middle East where our creations are in very high demand.
Over 15 years have gone by since the creation of Messika. How do you see things panning out over the next 15 years?
Quite honestly, I didn’t think about the first fifteen years at all and I don’t intend to start now. I sort of treat every day as it comes. The driving force that gets me up in the morning is my passion and my desire to pass it on. When I think that, today, I stand at the helm of a company employing 300 people and that I am the captain of this great ship, it’s a real source of satisfaction and a great privilege. Every day, I try to go one step further, I challenge myself and, even if I’m afraid, I take the plunge. My only aim is to continue to live from my passion and pass on this value to my daughters.