DE L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES TECTONIQUES, DE L’ORNEMENT ET DE L’ÉDIFICE-ORNEMENT DANS L’ARCHITECTURE CONTEMPORAINE
ELIAS Damien Mémoire de Master Master Architecture, Ambiances et cultures numériques ENSAG - 2015 Sous la direction de Phlippe Liveneau, Magali Paris, Sébastien Bourbonnais et Amal Abudaya Soutenance de mémoire le 26 mai 2015
SOMMAIRE
Introduction
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Introduction (English)
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I - La tradition de l’ornement
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A - L’ornementation comme révélateur de l’architecture
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B - L’ornement à l’ère de la modernité
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II - L’émergence de nouvelles tectoniques
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A - Le retour de l’ornementation
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B - Le rapport structure - enveloppe, l’ornement et la tectonique contemporaine
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C - Enveloppe structurelle et structure enveloppante
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D - L’édifice-ornement
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Conclusion
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Conclusion (English)
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Bibliographie
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Iconographie
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Introduction Lorsque les théoriciens entreprennent de définir l’architecture, ils se réfèrent généralement aux écrits de leurs prédécesseurs, cherchant à préciser ou faire évoluer les principes qui distinguent l’architecture, l’art d’édifier, de la pratique intemporelle de la construction. Parmi ces théoriciens, Vitruve, au Ier siècle avant J-C, en tant que rapporteur de la théorie de l’architecture antique, signe le premier traité d’architecture : De architectura. Le premier des dix livres qui composent ce traité précise le programme très scolaire de formation nécéssaire à la pratique de la profession d’architecte. Dans l’histoire de l’architecture, on retiendra particulièrement de Vitruve trois principes directifs à la pratique de l’architecture pour le peuple. Il exprime le devoir qu’ont les constructions publiques - par distinction des constructions relatives à la défense ou à la religion - d’être réalisées en tenant compte de la solidité, de l’utilité et de la beauté. Cette trilogie de principes définit une nature inhérente à l’architecture, entre science de la construction, connaissance des usages et esthétique. L’architecte n’est pas un simple constructeur, il est un bâtisseur avisé qui produit une oeuvre plastique. On retrouvera ces principes comme les éléments fondateurs de la théorie que rédige l’italien Alberti au milieu du XVème siècle, dans l’ouvrage De re aedificatoria, dans laquelle solidité devient nécessité et beauté devient plaisir 1. Si ce qui relève de la construction est structure et ce qui rend beau est ornement, alors la relation entre la structure et l’ornement s’ancre dans une tradition de la théorie de l’architecture et elle est une constituante majeure dans l’émergence de nouveaux courants de pensée. Depuis l’antiquité jusqu’au XXIème siècle, la nature de l’ornementation en architecture suit les évolutions de la pensée de l’art et s’accorde à sa relation avec la science de la construction. Si l’ornement semble dans un premier temps être considéré comme un décor ajouté, caractéristique d’un style, d’une culture et d’une époque donnée, il connaît une série de bouleversements qui l’amènent à changer radicalement de forme, disparaissant presque du paysage architectural pour enfin revenir et s’exprimer d’une manière singulière dans l’architecture contemporaine. Au cours de ces changements, le statut de l’ornement dans l’édifice et sa relation avec la structure sont constamment interrogés et deviennent constitutifs de l’identité même de l’architecture. On remarque alors une intégration progressive de l’ornementation dans l’essence de l’édifice et dans la nature même de la matière. Dans ce travail, nous pourrons explorer la nature de la relation entre structure et ornement dans l’histoire afin de qualifier l’ornementation dans son contexte contemporain et son rôle dans la caractérisation de l’identité de l’édifice. A ce titre, il semble d’abord fondamental de définir la notion d’ornement au regard de son histoire et donc de retracer l’évolution que suit l’ornementation depuis l’antiquité où on la trouve sous une forme dite traditionnelle jusqu’à la fin du XXème siècle où elle revêt une nature dite contemporaine. Il semble ensuite pertinent de définir cette nature singulière de l’ornement contemporain au travers de son lien particulier avec l’état de surface, les fonctions qu’on lui attribue mais aussi sa position au sein de configurations remarquables entre la structure et l’enveloppe de l’édifice dans l’architecture contemporaine. Nous verrons alors quelle définition et quel rôle nous pouvons attribuer à l’ornement au regard de l’édifice dans son ensemble et plus seulement en considérant distinctement l’ornement de la structure.
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Soliditas devient necessitas (nécéssité constructive) ; venustas (beauté) devient voluptas (plaisir).
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Au delà des théoriciens de l’architecture antique et classique comme Vitruve et Alberti, nous nous appuierons sur la pensée et la production d’architectes et d’historiens de l’art et de l’architecture afin d’alimenter notre propos et d’identifier les moments clés du XIXème et XXème siècle au cours desquels on rencontre une transformation notable de la nature de l’ornement, en considérant toujours sa relation avec la structure. Parmi ces personnalités figurent des précurseurs de la modernité tels que l’architecte français Eugène Viollet-Le-Duc, les architectes viennois Otto Wagner et Adolf Loos ou encore les architectes américains Louis Henry Sullivan et Frank Lloyd Wright. S’ajoutent à la pensée de ces architectes du XIXème et du XXème siècle, les ouvrages Ornament The Politics of Architecture and Subjectivity et Culture numérique : une introduction, publiés par l’historien Antoine Picon. Nous verrons donc sous quelle forme se traduit l’ornementation traditionnelle jusqu’au XXème siècle et dans quelles conditions la société appelle à une rupture avec la tradition des styles en architecture. Cette rupture sera d’abord le prétexte d’un changement de nature de l’ornementation classique vers l’art nouveau que nous pourrons interroger au travers de l’oeuvre d’Otto Wagner et de Louis Sullivan mais nous verrons ensuite comment s’opère une rationalisation de l’architecture et dans quelles conditions l’ornementation tend à disparaître. A la pensée d’Adolf Loos, moteur d’une transformation profonde de l’architecture au XXème siècle au profit de la disparition de l’ornement, nous pourrons confronter la vision de Frank Lloyd Wright et l’importance de la matérialité dans l’ornement. Nous aurons dès lors établi un paysage théorique riche qui introduit la corrélation entre la structure et l’ornement, la nature de l’ornement comme état de surface et comme matérialité et son rôle esthétique et symbolique. Nous pourrons alors nous intéresser au retour de l’ornement dans sa forme contemporaine en nous appuyant sur des éléments exemplaires de la production architecturale contemporaine et sur les réflexions de l’historien Antoine Picon. Fort de ce premier travail d’exploration de l’histoire de l’ornement et de sa nature contemporaine, nous nous attacherons à analyser des configurations remarquables entre la structure et l’ornement dans l’architecture contemporaine en identifiant là encore un amalgame progressif de ces deux entités architecturales. C’est sur ce point que nous pourrons envisager l’architecture contemporaine comme un ensemble de nouvelles tectoniques proposant une ornementation contemporaine qui tend à être intégrale à l’édifice. La dimension numérique de l’architecture et de l’ornementation contemporaine sera un critère de sélection des édifices pour constituer le corpus à analyser, les outils numériques participant pleinement du projet architectural contemporain.
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Introduction (English) When theorists undertake to define architecture, they usually refer to the writings of their predecessors, seeking to clarify or develop the principles that distinguish architecture, art of building, from the timeless practice of construction. Among these theorists, Vitruvius, in the first century BC, signed the first architectural treatise : De architectura. The first of the ten books that make up this treatise is the very precise curriculum of training required to practice as an architect. In the history of architecture, we will particularly keep from Vitruvius the three guiding principles of the practice of architecture for people. It expresses the duty of public buildings - as distinct constructs relating to defense or religion - to be made taking into account the strength, utility and beauty. This trilogy of principles defines inherent nature of architecture, from construction science, uses knowledges and aesthetic. The architect is not a simple manufacturer, he is a wise builder who produces aesthetic work. We find these principles as the building blocks of the theory that the Italian Alberti wrote in the midfifteenth century, in the book De re aedificatoria in which strength becomes necessity and beauty becomes pleasure. If what comes under building is structure and what is making beautiful is ornament then the relationship between structure and ornament thus rooted in a tradition of architectural theory. It is a major part in the emergence of each new thinking. Indeed, from antiquity to the twenty-first century, the nature of ornamentation follows the evolution of thinking of art and agrees its relationship with science of construction. If ornament seems at first be seen as an added decor, characteristic of a style, a culture and a given time, it knows a series of changes that led it to radically change shape, almost disappearing from the architectural landscape to finally come back and speak in a singular way in contemporary architecture. During these changes, the status of ornament and its relationship with structure are constantly questioned and become part of the very identity of architecture. We then noticed a gradual integration of ornamentation in the essence of the building and in the very nature of matter. In this work, we will explore the nature of the relationship between structure and ornament in history to qualify ornamentation in its contemporary context and its role in the characterization of the identity of the building. As such, it seems important first to define the concept of ornament in terms of its history and thus to trace the evolution that follows ornamentation from ancient times where it is found in a traditional form to the late twentieth century when it is of so-called contemporary kind. Then it seems appropriate to define the unique nature of contemporary ornament through its special relationship with the surface condition, the functions attributed to it but also its position in remarkable configurations between structure and envelope in the building in contemporary architecture. We will then see what definition and what role we can attribute to ornament regarding the building as a whole and not just by considering separately ornament from structure. Beyond the theorists of ancient and classical architecture as Vitruvius and Alberti, we will rely on the thought and the production of architects and historians of art and architecture to fuel our purpose and identify key moments of the nineteenth and twentieth century in which we encounter a significant change in the nature of ornament, still considering its relationship with structure. These figures include the precursors of modernity such as the French architect Eugene Viollet-Le-Duc, the Viennese architects Otto Wagner and Adolf Loos or American architects  
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Louis Henry Sullivan and Frank Lloyd Wright. Added to the thought of those architects of the nineteenth and twentieth century,we will consider the books Ornament The Politics of Architecture and Digital Culture and Subjectivity: An Introduction, published by the historian Antoine Picon. We will see what form translates traditional ornamentation until the nineteenth century and under what conditions the society calls for a break with the tradition of architectural styles. This break will be the first pretext for a change in the nature from classical ornamentation to Art Nouveau we find through the work of Otto Wagner and Louis Sullivan but we'll see how operates a rationalization of architecture and ornamentation and in what conditions it is disappearing. To the thought of Adolf Loos, engine of a deep transformation of architecture in the twentieth century in favor of the disappearance of ornament, we can confront the thought of Frank Lloyd Wright and the importance of materiality in ornament. We will have therefore established a rich theoretical landscape that introduces a correlation between structure and ornament, nature of the ornament as surface and as materiality, and its aesthetic and symbolic role. Then we can look at the return of ornament in its contemporary form by relying on remarkable elements of contemporary architectural production and the reflections of the historian Antoine Picon. With this first work of exploration of the history of ornament and its contemporary nature, we will focus on analyzing outstanding configurations between structure and ornament in contemporary architecture by identifying progressive amalgam again of these two architectural entities. It is on this point that we will be able to consider contemporary architecture as a set of new tectonic and contemporary ornamentation which tends to be integral to the building. The digital dimension of architecture and contemporary decoration will be a criteria of selection of buildings to make the corpus for analysis, digital tools fully participating in the contemporary architectural project. 
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I - La tradition de l’ornement A - L’ornementation comme révélateur de l’architecture L’ornement revient. C’est un constat que fait l’historien et architecte Antoine Picon au travers de ses différents ouvrages et conférences autour de l’ornement contemporain. L’ornement revient après sa disparition et il n’est désormais plus le même, ou en tous cas il n’est plus porteur des mêmes caractéristiques esthétiques et symboliques qu’il pouvait véhiculer auparavant. Dans son ouvrage, Ornament The Politics of Architecture and Subjectivity, Antoine Picon expose très clairement la nature de ce retour. Il fait le lien entre l’évolution de l’ornementation architecturale depuis les premiers traités d’architecture à la pensée de l’ornement qui mène à sa supposée disparition au XXème siècle. Il interroge ce retour à partir des raisons de cette disparition et exprime une série de caractéristiques qui définiraient la nature contemporaine de l’ornement et qui font contraste avec sa nature traditionnelle. Afin de nous questionner autour de l’ornement, de sa relation avec la structure qui révèle l’importance de l’enveloppe dans l’architecture, nous aurons pour premier objectif de reprendre le fil historique qui définit l’ornement traditionnel et nous nous appuierons sur la vision d’Antoine Picon, enrichie par des éléments iconographiques qui seront empruntés aux productions architecturales notables depuis l’antiquité jusqu’au XIXème siècle. D’une manière générale, nous appellerons ornement traditionnel les éléments d’ornement architectural que nous situerons historiquement antérieurs au modernisme du XXème siècle. Cette appellation balayera ainsi une grande majorité de l’histoire de l’ornement si ce n’est l’ensemble de son histoire puisque nous verrons que l’ornement contemporain qui diffère en de nombreux points de l’ornement traditionnel n’apparaît pas avant la fin du XXème siècle. Ainsi, on trouvera une définition commune aux ornements de l’antiquité comme à ceux du XIXème siècle tout en se gardant de les considérer de la même manière car leur contexte culturel diffère bien évidement et cela n’est pas négligeable. Dans son ouvrage, La Grammaire de l’ornement publié pour la première fois en 1856, l’architecte britannique Owen Jones expose au travers de nombreuses planches, des éléments décoratifs appartenant à une succession chronologique de cultures diverses. On notera les détails ornementaux des chapiteaux égyptiens, l’éventail de motifs arabes, mauresques, turcs et perses dans lequel nous pouvons aisément voir la beauté de la géométrie et différents précédés de répétition qui nous introduisent à la notion de pattern. Comme Antoine Picon dans son ouvrage Ornament The Politics of Architecture and Subjectivity, nous distinguerons l’ornementation occidentale de l’ornementation orientale et traiterons donc uniquement de l’ornement traditionnel occidental puisque, l’ornement traditionnel oriental et son rapport avec la géométrie nous rapprochera de l’ornement contemporain que nous pourrons caractériser plus tard. Antoine Picon retrace l’histoire de l’ornement traditionnel en s’appuyant sur certaines de ses caractéristiques fondamentales, la nature esthétique de l’ornement, son caractère symbolique et son caractère politique. Nous suivrons ce raisonnement en nous attachant surtout aux deux premières caractéristiques.
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Planche Moresque n°5, Grammaire de l'ornement illustrée d'exemples pris de divers styles d’ornement. Owen Jones, 1856.
Ainsi, l’ornement traditionnel occidental qui nait de la nécessité d’embellir, issu du mot latin ornamentum, c’est-à-dire orner, décorer, est un attribut de l’architecture. Lorsque l’on retrouve le terme venustas dans la trilogie vitruvienne qui dirige la théorie de l’architecture antique et classique, il s’agit de beauté, d’une forme de plaisir des sens. L’ornement rend beau, il donne une valeur esthétique à ce qui n’était jusque là que construction. en effet, lorsque Vitruve parle de beauté, il se réfère à la manière de concevoir les édifices publics. L’ornement ne concerne alors ni les constructions défensives, ni les habitations du peuple. Antoine Picon, pour décrire l’ornement traditionnel, souligne son caractère superflu, ajouté à la construction mais pourtant essentiel puisqu’il donne son identité à l’architecture. Nous verrons que c’est cette caractéristique qui distingue principalement l’ornement traditionnel du contemporain. L’ornement se
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positionne alors entre l’immobilier et le mobilier, c’est une pièce ajoutée à l’édifice, on peut aisément imaginer ce dernier privé de ses décorations et si l’on s’attarde sur les vestiges antiques, nombreux sont ceux qui restent privés de leurs ornements après le passage du temps, montrant ainsi que l’ornement n’est généralement pas structurel. Au XIXème siècle, le théoricien de l’architecture Eugène Viollet-Le-Duc publie ses Entretiens sur l’architecture. Les premiers entretiens sont consacrés à l’analyse de l’architecture grecque dont Viollet-Le-Duc fait l’éloge, notamment au regard de la science qu’ont les grecs pour exprimer la beauté d’une matière, la pierre, et de la justesse dont ils font preuve lorsqu’ils ornent leurs temples en rapport avec l’incidence de la lumière méditerranéenne. Plus loin dans ses Entretiens, Viollet-Le-Duc s’exprime sur les romains et leur civilisation en critiquant vivement l’impérialisme dont ils font preuve au regard des autres cultures, conquérant sans répit, absorbant et asservissant les arts pour la gloire de Rome. C’est ainsi qu’il prend pour exemple l’habit afin d’exprimer en quoi l’ornement des romains tient du maquillage, et du déguisement quand l’ornement Grec, lui, fait partie intégrante de leur architecture sacrée. Dans la Rome antique, l’usage des ordres qui, les romains l’ayant bien constaté, fait très bon effet, est un dispositif superficiel destiné à rendre monumentaux des édifices publics dédiés à la gloire de Rome. Viollet-Le-Duc, exprime ainsi que lorsque la Grèce entre sous l’influence de Rome, elle se retrouve asservie et décadente, perdant ainsi sa liberté d’exprimer la véritable beauté pour n’être plus qu’un instrument dédié à d’autres. Ce détournement des ordres grecs nous permet d’aborder la notion de style. Si là encore, Viollet-Le-Duc est un excellent professeur en distinguant deux formes de style, ce qui est original et ce qui est détourné dans le but de créer une nouvelle mode, nous pouvons simplement définir ce qui relève du style comme le seront plus tard les styles renaissance, Louis XIV, Louis XV, Napoléon, etc. Dans l’exagération de son caractère superflu, l’ornement traditionnel connait une série de variations, déclinaisons et d’innovations qui sont le fruit de l’invention des architectes. Ces derniers, guidés par De Architectura, de Vitruve, et plus tard par le traité d’Alberti De Re Aedificatoria, font alors preuve d’imagination dans leur liberté restreinte d’inventer et de composer l’architecture et font évoluer les ordres antiques. Nous pourrons prendre comme exemple de ces prises de liberté des architectes classiques, les colonnes annelées que Philibert Delorme dessine pour le palais des Tuileries en 1563. Nous y voyons une évidente invention de l’architecte qui détourne ainsi l’ordre ionique et ses cannelures pour en proposer une interprétation personnelle. L’ornement est ainsi sujet aux aspirations des architectes à s’approprier les canons de l’architecture établis par leurs pères, se souciant peu de l’intégrité qu’un ordre grec pouvait impliquer et se superposant aux structures des édifices comme une touche finale rendant ainsi un palais ou une gare dans l’air du temps. Si l’ornement traditionnel est porteur d’une évidente dimension esthétique, il est également porteur d’une symbolique. Comme nous l’avons mentionné plus avant, l’architecture romaine exprime sa grandeur et sa monumentalité en partie au travers de son ornementation. L’ornement comme élément décoratif est donc une richesse comme une autre. Antoine Picon fait la juste remarque que l’ornement fait alors partie, comme les meubles, des biens de la famille et ils sont retirés lorsque l’édifice est vendu. De même, seul l’empereur est autorisé à vendre les ornements de Rome2. L’ornement comme symbole de richesse est une évidence de l’architecture médiévale qui, si nous ne l’avons pas mentionnée auparavant par son clivage radical avec l’antiquité,
2 Référence à l’allusion aux biens ornementaux chez les romains dans Ornament the politics of architecture and subjectivity
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ne perd pas l’usage de l’ornementation architecturale. On considère ainsi à juste titre, les cathédrales les plus ornées comme étant construites par les plus riches paroisses. De même, lorsque l’argent fait défaut dans la construction d’une église, on observe une grande sobriété dans le décor. Enfin, dans les territoires les plus modestes, comme le sud-ouest de la France où les églises sont construites en briques, l’ornement semble inexistant. A la renaissance et plus tard jusqu’au XIXème siècle on considère l’ornement comme gage de sa valeur, les maisons de bourgeois se bardent de corniches et de colonnes comme mues par une mode héritée du roi soleil. La renaissance de l’antiquité voit la reconstruction de la Basilique Saint Pierre à Rome, la construction néo-classique de l’église SainteGeneviève, le panthéon, à Paris, ainsi que le château de Versailles. La symbolique de ces édifices religieux et politiques réside en partie dans leur ancrage dans la ville, dans les perspectives qui sont libérées afin de les mettre en scène, une scénographie particulière qui semblait absente au moyen âge compte tenu de l’étroitesse du tissu urbain3. L’ornement participe de cette mise en scène, il est instrumentalisé dans sa dimension symbolique pour accentuer les effets de l’urbanisme classique. L’arc de Triomphe de l’Étoile est un monument exemplaire où l’urbanisme et l’ornement sont entièrement dédiés à l’expression d’une grandeur et d’un pouvoir. Le XIXème siècle est riche de cet usage monumental de l’ornement classique, on retrouve ici la vision romaine de l'ornement. De manière anecdotique, on notera que le tombeau de Napoléon Bonaparte dans l’Hotel des Invalides n’est pas sans rappeler le chapiteau d’une colonne ionique. Au regard de sa relation avec la structure, l’ornement traditionnel n’est pas voué à couvrir toute la peau de l’édifice. L’ornement étant ajouté, il doit l’être intelligemment et si l’architecture devient l’art de bien orner un bâtiment, alors l’ornement semble évidement positionné, composé judicieusement afin de rehausser certains éléments de la construction qu’il faut mettre en valeur. On retrouvera l’ornement autour des ouvertures, sur les acrotères et les chapiteaux. Les façades se structurent ainsi laissant de la surface nue ce qui ménage la lecture globale de l’édifice. Cependant, l’ornement classique au XIXème siècle tend à oublier cette retenue et nous verrons à quel moment cette science de la composition laisse place à l’exagération et l’ostentation ornementale et dans quelles conditions elle se répand jusqu’à devenir une pathologie architecturale provoquant une rupture dans la tradition ornementale.
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Camillo Sitte, L’art de bâtir les villes.
Arche vestige et colonnes annelĂŠes au Palais des Tuileries, Philibert Delorme, 1563.
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B - L’ornement à l’ère de la modernité Le XIXème siècle est une période charnière pour l’ornement traditionnel, tant pour sa nature et son rapport avec l’architecture que pour la pensée même du style ornemental. Les dérives de l’architecture classique ont engendré une foule de styles différents, chacun attaché à une culture et une époque durant laquelle une variation du style précédent s’est généralisée, produisant ainsi un nouveau style qui sera encore détourné par le suivant. Dans cette dynamique singulière d’auto-génération, on ne distingue plus l’architecture du mobilier, tout ce qui porte une quelconque valeur artistique appartient à un style et tout objet qui le peut finit par être décoré selon des codes censés régir ledit style d’ornementation. Les styles « Empire » du XIXème et l’architecture néo-classique semblent caractériser une apogée dans l’histoire de l’architecture et de l’ornementation. Non pas qu’ils soient représentatifs d’une production de la plus grande qualité mais plutôt de la plus grande quantité. L’auteur naturaliste Émile Zola, dont les descriptions de la société française de la seconde moitié du XIXème siècle sont à ce point réalistes qu’elles peuvent être considérées comme de véritables témoignages des modes de vie qui lui sont contemporains, écrit à propos de la façade d’un hôtel particulier parisien dans l’ouvrage La Curée, deuxième volume de la série Les Rougon-Macquart, publié en 1871. « Mais, du côté du jardin, la façade était autrement somptueuse. […] L’hôtel disparaissait sous les sculptures. Autour des fenêtres, le long des corniches, couraient des enroulements de rameaux et de fleurs ; il y avait des balcons pareils à des corbeilles de verdure, que soutenaient de grandes femmes nues, les hanches tordues, les pointes des seins en avant ; puis, çà et là, étaient collés des écussons de fantaisie, des grappes, des roses, toutes les efflorescences possibles de la pierre et du marbre. A mesure que l'oeil montait, l'hôtel fleurissait davantage. Autour du toit, régnait une balustrade sur laquelle étaient posées, de distance en distance, des urnes où des flammes de pierre flambaient. Et là, entre les oeils-de-boeuf des mansardes, qui s'ouvraient dans un fouillis incroyable de fruits et de feuillages, s'épanouissaient les pièces capitales de cette décoration étonnante, les frontons des pavillons, au milieu desquels reparaissaient les grandes femmes nues, jouant avec des pommes, prenant des poses, parmi des poignées de jonc. Le toit, chargé de ces ornements, surmonté encore de galeries de plomb découpées, de deux paratonnerres et de quatre énormes cheminées symétriques, sculptées comme le reste, semblait être le bouquet de ce feu d'artifice architectural. » 4 Cette description de la façade donnant sur le jardin vient contraster avec un premier tableau faisant le récit de la sobriété de la façade sur cour, montrant ainsi le caractère ostentatoire que pouvait revêtir l’ornement architectural de l’époque. Une deuxième description de l’hôtel et de son installation dans un petit jardin nous fait partager la nature éclectique de l’ornement et la critique que peut faire Émile Zola du style Napoléon III. « […] cette grande bâtisse, neuve encore et toute blafarde, avait la face blême, l'importance riche et sotte d'une parvenue, avec son lourd chapeau d'ardoises, ses rampes dorées, son ruissellement de sculptures. C'était une réduction du nouveau Louvre, un des échantillons les plus caractéristiques du style Napoléon III, ce bâtard opulent de tous les styles. » 5
4
Émile Zola, La Curée, Chapitre 1 : L'extérieur de l'hôtel d'Aristide Saccard.
5
.Ibid
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Il n’est donc pas surprenant que la société de la fin du XIXème tend à éprouver un violent dégoût de l’imitation immodérée des styles classiques au point qu’elle tend à se distinguer de l’esthétique classique jusqu’à même s’affranchir partiellement puis totalement de la notion d’ornementation, menant à la période moderniste, à un design et une architecture dépouillés d’ornements. L’art nouveau est une première manifestation de ce besoin de rupture avec les grands styles du XIXème siècle. Cet art « nouveau » qui naît en réaction à une industrialisation à outrance, à la reproduction abusive de l’esthétique classique, et à un besoin des artistes de revaloriser le « travail fait main » se pose comme libérateur des formes et de la couleur. Il s’inspire directement de la nature, abandonnant les modèles qu’avaient développés les grecs au travers des ordres antiques. Appelée Art nouveau en France et en Belgique, Jugendstil en Allemagne, Sezessionstil en Autriche, Arts & Crafts en Angleterre, Modernisme català en Espagne, cette pensée d’un art opposé à l’industrialisation se propage et se mêle entre autre à certains courants néo-gothiques comme en Espagne et en France avec le travail d’Antoni Gaudi et d’Eugène Viollet-Le-Duc. Antoni Gaudi propose une architecture « perfectionnant le gothique6 » dont l’ornementation est le fruit de l’expression de la lumière sur la matière et des formes qu’il dit copier du « grand livre de la Nature » et qui n’a plus besoin des éléments de l’ornementation classique « Grâce à une utilisation rationnelle des surfaces gauches, les moulures ne sont plus nécessaires [..] Elles jouissent, par conséquent, de plus de lumière avec laquelle elles jouent admirablement, ainsi qu’avec le son. »7 Eugène Viollet-Le-Duc faisant l’éloge d’une architecture sans artifices accorde lui aussi un rôle ornemental à la matière et particulièrement à la structure au travers des matériaux modernes comme le fer. Le rapport qu’entretient ainsi l’Art nouveau avec le gothique est celui de la révélation de la matière comme élément ornemental. C’est l’émergence d’une corrélation entre structure et ornement qui influencera notamment la formation de la pensée de l’architecture organique aux États Unis. L’écrivain et critique d’art anglais John Ruskin dont l’influence sur l’apparition du mouvement Arts & Crafts est considérable s’inscrit lui aussi dans une pensée néo-gothique. Dans son essai The Seven Lamps of Architecture, puis dans un ouvrage plus complet The Stones of Venice, il affirme l’importance de revenir à l’artisanat comme l’expression sincère de la matière et de la structure. Il prend le gothique vénitien comme le style le plus exemplaire de cette pensée pour la liberté artistique qu’il donne aux ouvriers qui le réalisent. Dès lors, la pensée de John Ruskin alimente le mouvement Arts & Crafts d’une volonté de laisser l’art dans les mains des artisans, libres d’inventer et de décorer leurs créations, d’abord pour l’architecture puis de manière générale pour les objets usuels et le mobilier. L’Art nouveau, plus qu’un style, est un art total englobant une ornementation architecturale nouvelle qui implique l’importance de la matière comme l’usage du fer forgé, de la céramique ou du travail du verre ainsi que le dessin de mobiliers, d’éclairages et d’ustensiles. Il connait une période d’apogée en Europe, en témoigne la construction du Grand Palais pour l’exposition universelle de Paris en 1900. La fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle marquent cependant une période de transformation pour l’Art nouveau et l’émergence de la pensée moderniste. En Autriche et aux États Unis, différentes orientations se distinguent dans l’évolution de la pensée architecturale vers ce que nous appellerons de part et d’autre « la modernité », deuxième et véritable manifestation de la rupture avec l’esprit classique qui opère au tournant du XXème siècle.
6
Antoni Gaudí, Gaudí : paroles et écrits, précédé de Gaudí le scandale, p91.
7
.Ibid p93. 15
Publicité pour les magasines de l’exposition universelle de Paris de 1900
En Autriche, l’architecte viennois Otto Wagner peut être considéré comme un précurseur de la modernité, Il évolue progressivement au long de sa vie depuis l’historicisme autrichien vers une pensée moderniste. Ainsi, dans une première partie de sa vie, il s’ancre dans la tradition architecturale et ornementale de la prestigieuse Académie des Beaux-Arts de Vienne, il entre à l’Académie comme professeur en 1884 et construit sa première villa à Vienne en 1886. Cette construction caractéristique de l’historicisme autrichien semble mobiliser certains éléments classiques comme les colonnes et le plafond à caissons de la logia qui marque l’entrée de la villa. Villa Wagner I, Otto Wagner, Vienne, 1886.
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Durant la décennie suivante, il intègre complètement l’esprit Art nouveau, l’ornementation et la valorisation des matériaux modernes par l’artisanat se répand en Autriche sous le nom de Sezessionstil. Il utilise abondamment le fer forgé et la céramique, notamment dans l’ornementation des entrées de la station Karlsplatz du métropolitain viennois dont il est responsable et sur la façade de la Maison aux Majoliques, tous deux construits en 1898. Durant cette période la production d’Otto Wagner évolue vers une architecture qui fait la synthèse entre fonctionnalité et esthétique au travers d’un usage plus modéré de l’ornement. Le bâtiment de la caisse d’épargne de la Poste à Vienne nous permet d’appréhender les débuts de la sobriété ornementale dont Otto Wagner fait preuve au début du XXème siècle et qui s’exprime pleinement dans la réalisation de sa deuxième villa à Vienne, située à quelques dizaines de mètres de sa précédentes résidence. Cette seconde maison réalisée en 1912-1913 se distingue de la première par une certaine émancipation de l’inspiration classique dont il ne reste qu’un liseré de caissons qui marque une corniche et la représentation de Persée pourfendant Méduse sur la vitre d’une fenêtre à l’entrée. Le bâtiment carré est décoré de manière à souligner la structure en béton armé au travers de motifs linéaires et quinconces d’éléments en verre bleu et de clous en aluminium. Cette seconde villa ne s’ancre plus dans une tradition de l’ornementation ni de la construction classique, elle n’appartient pas non plus à la Sezessionstil qui marque la production d’Otto Wagner dans les années précédentes. Nous pouvons identifier dans cette réalisation une profonde rationalisation dans l’usage de l’ornementation qui s’attache à souligner la structure plus qu’à seulement décorer l’architecture. Cette rationalisation se rapproche d’une idée du modernisme qui sera développé par son successeur à la chaire de l’académie de Vienne, Adolf Loos. Villa Wagner II, Otto Wagner, Vienne, 1912-1913.
On peut considérer les écrits d’Adolf Loos dont l’ouvrage majeur Ornement et crime est publié en 1909, comme perpétuant la pensée moderniste émergente d’Otto Wagner, Loos ira cependant à l’encontre de l’ornement de manière plus radicale. Il exprime le souhait de rompre avec l’éclectisme de la Sezessionstil et se positionnera contre toute forme d’ornementation qu’il juge artificielle, primitive et infantile.
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« Chaque époque avait son style, la nôtre serait la seule à qui en serait refusé un ? Par style, on entendait l’ornement. Alors j’ai dit : ne pleurez pas! Voyez, que nôtre époque ne soit pas en état de produire un nouvel ornement, c’est cela même qui fait sa grandeur. L’ornement nous l’avons surmonté, nous sommes parvenus au stade du dépouillement. »8 C’est à ce titre que l’absence d’ornement, l’évolution vers une esthétique dépouillée apparait pour Loos comme la nouvelle culture moderne et c’est en ce point que se généralisera plus tard l’idée d’une esthétique moderne au travers du style international, comme si la notion de style ne pouvait finalement pas être abandonnée. Dans son ouvrage, Loos exprime également une vive critique à l’encontre de l’omniprésence de l’art qui caractérisait l’Art nouveau et les styles précédents. Loos se fait le porte parole de l’homme moderne qui n’est plus sensible à l’ornement qui appartiendrait au passé, à une culture révolue. « Les hommes étaient suffisamment avancés pour que l’ornement ne suscite plus chez eux de sentiment de plaisir […]. Suffisamment avancés pour éprouver de la joie devant un étui à cigarettes lisse, n’en achetant pas qui fut ornementé, même à prix égal. »9 Enfin, pour Loos, l’artisan n’étant plus asservi à une dictature de l’objet ornementé, il peut être valorisé en apportant ses connaissances à l’architecte moderne. Il inspire alors une conception plus pragmatique de l’architecture, plus proche de la réalité constructive et valorisant les matières. Ce sont ainsi les matériaux, non plus les ornements, qui produisent un effet esthétique, en témoigne la Looshaus, construite en 1911, dont la façade est recouverte en partie inférieure d’un marbre à veines ondulées qu’Adolf Loos est lui même allé recherché en Eubée. On retrouve là une pensée de la corrélation entre matière et affect, comme nous l’avons vu exprimé par Antoni Gaudi ou Eugène Viollet-Le-Duc. Looshaus, Adolf Loos, Vienne, 1911.
8
Adolf Loos, Ornement et crime, p115.
9
.Ibid p74-75.
18
Aux États Unis, on retrouve le même besoin de rupture avec la tradition classique exprimé par l’Art nouveau et la volonté de rationalisation de l’architecture manifestée au travers la pensée moderniste d’Adolf Loos ainsi que de sa production et de celle d’Otto Wagner au début du XXème siècle. Sous l’influence des écrits d’Eugène Viollet-Le-Duc, d’Owen Jones, et celle de son collaborateur et ami Frank Furness, l’architecte Louis Sullivan devient l’une des figures du rationalisme américain. Son idée de l’architecture, enrichie par ses lectures, notamment celle du philosophe français Hypolite Taine, se cristallise autour de ce que son ancien maître, Moses Woolson, appelait le « Génie du peuple »10: « […] selon la philosophie de monsieur Taine l’art d’un peuple est le reflet, l’expression directe de la vie de ce peuple »11 Cette définition de la culture s’installe comme nouvelle priorité pour Louis Sullivan qui ressent le besoin de produire une autre esthétique architecturale et une autre manière de concevoir l’architecture que celle qu’il a pu étudier au Massachusetts Institute of Technology puis à l’école des Beaux Arts de Paris dont l’historicisme correspond à la pensée des Beaux Arts au XIXème siècle. Dès lors, Louis Sullivan, attentif à l’importance que l’ingénierie civile porte aux besoins pragmatiques de la construction comme dans l’édification de ponts, va expérimenter son idée d’une architecture répondant méthodiquement et avec intelligence aux besoins constructifs qui lui sont posés : « De la sorte, les formes s’élèveraient naturellement sous sa main à partir des besoins, et exprimeraient ceux-ci avec franchise et nouveauté. Ceci impliquait pour son esprit courageux de mettre à l’épreuve une formule élaborée au cours de ses longues contemplations du vivant, nommément que la "forme vient avec la fonction" 12; et en pratique, que l’architecture pourrait redevenir un art vivant pourvu qu’on adhérât à cette formule. »13 On perçoit au travers de cette formule « la forme suit la fonction » que l’architecture tend à se rationaliser au profit d’une expression plus franche de la fonction à laquelle elle est dédiée. Adolf Loos l’exprimera aussi dans le texte Architecture de 1910 à propos de la dissociation entre artisanat et art et sur le jugement de bon ou mauvais gout en architecture en disant : « L’architecture éveille en l’homme certains états d’âme. La tâche de l’architecte est donc de préciser lesquels. La pièce doit avoir l’air intime, la maison l’air habitable […]. La banque doit dire : ici ton argent se trouve bien à l’abri chez d’honnêtes gens. »14 Dans l’expérimentation de cette idée de l’architecture, Louis Sullivan utilise l’ornementation de manière rationnelle, en composant avec la structure, donnant l’accent sur un dispositif structurel ou sur une ouverture. Son ornementation viens sur l’édifice comme un décor subtil qui attire le regard sur ce qui est important. Sullivan est un observateur de la nature depuis son
10
Louis Henry Sullivan, Autobiographie d’une idée, p138.
11
.Ibid p192.
12
« Form follows Function » est le crédo du mouvement fonctionnaliste.
13
Louis Henry Sullivan, Autobiographie d’une idée, p212.
14
Adolf Loos, Ornement et crime, p115.
19
enfance et nous pouvons évidement voir l’expression de la nature dans les ornements qu’il dessine. Louis Sullivan s’ancre dans une génération d’architectes dont l’ornementation et les arts décoratifs sont directement influencée par les ouvrages d’Owen Jones, La grammaire de l’ornement, publié en 1856 et de Victor Ruprich-Robert, La flore ornementale, publié en 1876. On y retrouve non pas un modèle ornemental de la nature, comme pouvaient le représenter les ordres et les styles classiques, mais plus un vocabulaire de composition d’ornements, basé sur une maîtrise de la géométrie et de la couleur et exprimant la Nature de manière formelle. En effet, le motif devient captal dans la composition ornementale et s’il discipline l’ornement par son cadre et sa logique de répétition, Louis Sullivan met en contraste le motif ornemental et l’élément ou la pièce d’ornement dont l’invention, la croissance et la libre créativité ne sont pas restreintes. Il conditionne alors l’ornement dans un rôle de pavage et d’évènement, l’un est linéaire, l’autre ponctuel. On peut reconnaître cet usage de la géométrie et de la libre expression artistique dans l’ornementation du Guaranty Building construit en 1896. Cet édifice caractéristique des innovations techniques et ornementales de Louis Sullivan constitue un exemple d’une ornementation florale et géométrique au service d’une mise en valeur de la structure d’acier et de terre cuite qui permet ainsi à l’édifice de s’élever à 46m et ainsi exprimer la prospérité des États-Unis à la fin du XIXème siècle. Lorsque le jeune architecte Frank Lloyd Wright travaille au sein de l’agence Adler & Sullivan à Chicago, il entretient avec Louis Sullivan une étroite relation de maître et élève. Il décrira plus tard à propos de son Lieber Meister, tout l’amour que ce dernier porte à l’ornement et en fera une vive critique malgré l’admiration qui peut lier les deux hommes. Garantie Building, Louis Henry Sullivan, Buffalo, 1896.
Frank Lloyd Wright qui s’inscrit dans la continuité de la pensée rationaliste de Louis Sullivan est également éclairé des pensées d’Eugène Viollet-LeDuc et de la Grammaire de l’ornement d’Owen Jones ou encore de l’ouvrage On Growth and form de D’Arcy Thompson. Son idée de l’architecture se formalise sous le nom d’architecture organique et outre l’idée de franchise envers la matière que nous avons pu voir évoquée plus tôt par Louis Sullivan dans son Autobiographie d’une idée, Frank Lloyd Wright considère l’ornement comme faisant partie intégrante de la matière et donc de la structure. L’architecture organique revendique une corrélation 20
entre forme et fonction au delà d’une relation de cause et conséquence et Frank Lloyd Wright remet en cause le crédo fonctionnaliste de Louis Sullivan pour dire que « la forme et la fonction de font qu’un ». Lorsqu’il fait la critique de la pensée de l’ornement chez Louis Sullivan, il lui oppose sa propre pensée de l’architecture appliquée également à l’ornement : « of the thing, not on it »15. Ainsi, pour Frank Lloyd Wright, l’ornementation de Louis Sullivan est encore trop timide dans sa relation avec la matière, elle est toujours considérée comme une couche décorative superposée à une structure. Dans son ouvrage Le printemps de la Prairie House, Jean Castex reformule ce clivage d’opinion et cette volonté de Frank Lloyd Wright d’attribuer le rôle ornemental à la matière même de la structure : « C’est par la reconnaissance du matériau que l’ornement commencera à devenir intégral à la structure. »16 Durant la première moitié du XXème siècle, Frank Lloyd Wright formalise et expérimente l’architecture organique, éprouvant les principes qu’il édicte au regard d’une société et d’une culture de l’architecture dont il est cependant marginalisé. En effet, depuis les années 20 et l’entre-deux guerres, le Bauhaus de Weimar dirigé par Walter Gropius et le mouvement De Stijl fondé par Théo Van Doesburg et Piet Mondrian, influencent considérablement la culture architecturale occidentale. Leurs pensées mettent en avant l’architecture comme lieu d’expression de tous les arts plastiques, dont la rupture avec tous les styles du passé tend à valoriser les volumes réguliers, les lignes orthogonales, et les aplats de couleurs pures17 et donneront ainsi naissance au style international par leur rencontre avec les potentiels de l’architecture de béton, d’acier et de verre aux États Unis. Le style international se revendique alors comme seule véritable manière de construire, il s’épanouit durant les 30 glorieuses et sera exprimée au travers de plusieurs manifestes dont l’ouvrage de Le Corbusier, Les cinq points de l’architecture moderne publié en 1927 et des réflexions du CIAM et de la Charte d’Athènes, également publiée par Le Corbusier en 1941. Ces manifestes définissent le style international par des directives urbanistiques d’implantation territoriale et de morphologie de la ville ainsi que par des directives architecturales qui expriment un langage uniformisé notamment autour des cinq points de l’architecture énoncés par La Corbusier18. Le style international produit ainsi une architecture apatride et libérée de contraintes géographiques et culturelles, sans réel rapport avec la Nature et privé de toute ornementation superflue qui serait ajoutée à une architecture du volume dénudé. On peut aisément considérer la ville de Brasilia érigée en cinq ans entre 1956 et 1962 comme l’exemple type de l’industrialisation démesurée qui caractérise ces ouvrages urbains du style international. Dans ce contexte, le rêve usonien19 de Frank Lloyd Wright qui vise une architecture démocratique et organique s’ancre dans une contre culture architecturale qui s’oppose vivement au style international, retrouvant un rapport privilégié à l’artisanat et l’agriculture comme c’est le cas durant la
15
« De la chose, par sur elle », Jean Castex, Le printemps de la Prairie House, p116.
16
.Ibid
17
Couleurs pures : bleu, jaune, rouge, noir, gris, blanc (pas de cyan ni de magenta ce qui justifie qu’on ne parle pas de couleurs primaires). 18
Cinq points de l’architecture moderne : pilotis, toit-terrasse, plan-libre, façade-libre et fenêtre en bandeau. On considère un sixième point, la disparition de la corniche comme ultime rupture avec la tradition architecturale 19
Usonia, Usonian dérivé du terme Usona, désigne ce qui appartient aux habitants des États Unis d’Amérique. Il apparait au début du XXème siècle dans l’intention de ne plus utiliser le terme Américain par égard pour le Canada et le Mexique.
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construction de sa villa Taliesin West et les activités communautaires que Frank Lloyd Wright y propose pour les étudiants dans le cadre du Taliesin Fellowship. Construction du Congrès National de Brasilia, Oscar Niemeyer, 1960.
R é u n i o n d u Ta l i e s i n Fellowship autour de Frank Lloyd Wright, 1937.
22
Ainsi, lorsque l’on considère d’une part l’émergence du style international dans l’après-guerre et son enracinement dans la pensée rationaliste d’Adolf Loos, de Walter Gropius ou encore du Corbusier et d’autre part la pensée d’un certain modernisme selon Louis Sullivan puis Frank Lloyd Wright, l’ornementation ne peut évidement pas être distinguée sous l’unique statut d’une décoration obsolète et être ainsi bannie de l’architecture par une pensée de l’esthétique qui s’impose à la culture architecturale. A ce titre, l’ensemble des évolutions que vit l’ornement durant la fin du XIXème siècle et sa supposée disparition au XXème siècle mènent à une scission de son statut dans un modernisme aux multiples visages qui veut tantôt sa disparition, tantôt sa pérennité. Il faut ainsi comprendre que si les architectures, les ouvrages et les théories qui furent produites durant cette période décisive n’ont pas mené à la disparition totale de l’ornement, il a cependant changée radicalement de nature. L’ornement traditionnel n’existant plus, les styles ne se perpétuent plus dans leur dynamique singulière d’auto-génération. Face aux velléités d’abolition et de transformation de l’ornement, celui-ci se fond dans une nouvelle nature : un nouveau rapport à la matérialité. Il devient l’expression esthétique de la matière construite, de la structure et nous verrons comment il ressurgit à l’insu du style international lui-même. L’ornement reste ainsi une constante de l’architecture, le voluptas, réside désormais autre part et il nous sera donc donné l’occasion de l’identifier au sein des productions architecturales contemporaines.
II - L’émergence de nouvelles tectoniques A - Le retour de l’ornementation Nous l’avons dit et expliqué précédemment, l’ornement reviens. Sa supposée disparition durant la première moitié du XXème siècle ne révèle pas un réel abandon de l’idée d’ornementation mais plus une véritable refonte de sa nature et c’est bien la dimension traditionnelle qui disparaît au profit de l’émergence d’une ornementation dite contemporaine. La pensée de l’esthétique dépouillée du style international et la pensée de l’ornementation comme matérialité chez Frank Lloyd Wright ou plus tôt encore chez Eugène Viollet-Le-Duc et chez Antoni Gaudi, ont permis de s’interroger sur l’ornementation comme un état de surface. La question de cette superficialité se retrouve ainsi au centre d’une réflexion qui, au delà de ce qui concerne l’ornementation, tend à toucher l’ensemble des préoccupations architecturales. En effet, l’architecture contemporaine, dans son ancrage au paradigme actuel qui concentre les inquiétudes environnementales dans une volonté d’économie et d’optimisation énergétique, voit se déplacer les efforts des architectes dans la conception architecturale et se porter notamment sur l’épiderme de l’édifice. Cette couche superficielle de l’architecture est, comme pour un organisme, en contact direct avec l’environnement et par conséquent établit la limite entre un intérieur et un extérieur et détermine le comportement ou la porosité de l’un sur l’autre. L’ornementation, qui auparavant constituait une pièce ajoutée à la peau de l’édifice mais sans intention de la couvrir en totalité se retrouve intégrée à l’épiderme, elle fait partie de cette membrane avec laquelle elle se combine et en constitue un attribut. L’enveloppe dans son rôle de protection de l’édifice et de gestion de son comportement avec l’environnement est assimilée à l’ornementation, à son rôle d’embellissement et ses qualités esthétiques. Dans leur ouvrage, The fonction of Ornament, Farshid Moussavi et Michael Kubo, attribuent à 23
l’ornement une fonction précise décrite par l’affect qu’elle produit. La fonction de l’ornement contemporain est donc selon eux, de produire un effet sensible au travers d’un dispositif mobilisé sur la peau de l’édifice. Cependant, nous l’avons évoqué, l’épiderme de l’édifice assume désormais une fonction lié à son environnement. Cet épiderme n’est donc pas seulement chargé de l’expression esthétique de l’objet architectural et de l’effet qu’il produit mais aussi de réguler les conditions atmosphériques au sein de l’édifice. Cette double responsabilité de l’épiderme introduit une certaine diffusion des fonctions esthétiques de l’ornementation tout comme son appropriation de certaines fonctions techniques qui lui étaient auparavant étrangères. On considèrera principalement la nature esthétique de l’objet architectural contemporain et de son épiderme afin de caractériser des pistes possibles de ce qu’est l’ornementation contemporaine et en quoi elle constitue une nouvelle ornementation. Antoine Picon dans Ornament, the Politics of architecture and subjectivity, identifie et propose différents modes d’expression de l’ornement contemporain. Ces caractéristiques qui semblent définir l’ornementation contemporaine dans une unique dimension plastique n’intègrent pas encore la dimension symbolique et politique qui, rappelons-le, permettaient à Antoine Picon de caractériser l’ornement traditionnel. Ainsi, il expose tout d’abord la notion du pattern, également assimilable au motif ou à la texture, et dont la nature modulaire à l’image d’un pavage permet d’une part de recouvrir une surface lui attribuant ainsi une certaine homogénéité ; d’autre part, elle permet de nombreuses possibilités de transformations et de répétitions. La perception d’une composition homogène dans son ensemble peut ainsi cacher une hétérogénéité du motif dans le détail. On retrouve ces possibilités de composition de l’enveloppe à partir d’un pattern au travers de la façade du John Lewis Department store, construit à Leicester en 2007 par l’agence Foreign Office Architects, dont la logique de composition des plaques de verre se base sur la répétition et l’assemblage de quatre éléments différents auxquels s’ajoutent leurs éléments symétriques respectifs. John Lewis Department Store, Foreign Architects, Leicester, 2007.
Un second mode d’expression de l’ornement contemporain explicité par Antoine Picon relève de l’usage de l’image numérique dans l’architecture. On rencontre récemment un usage singulier de l’image dans l’ornementation contemporaine, celle ci peut être restituée de manière fidèle au travers d’une reproduction comme on le ferait lors du développement d’une photographie, en témoigne la façade de la bibliothèque d’Eberswalde réalisée par le duo d’architectes suisses Herzog & De Meuron, qui reproduit en série les photographies de l’artiste Thomas Ruff. L’image peut également 24
être réduite à une différence de contrastes entre les pixels qui la composent et être ainsi reproduite au travers des variations d’un paramètre comme le diamètre de perforations dans le cas de l’enveloppe du De Young Museum de Herzog & De Meuron ou du degré de rotation de briques dans le cas du mur extérieur pour le projet AU Office and Exhibition Space réalisé par l’agence Archi Union Architects. A ce titre, Antoine Picon parle de pixellisation de l’image dans l’ornementation. De Young Museum, Herzog & De Meuron, San Francisco, 2005.
AU Office and exhibition space, Archi Union Architects, Shanghai, 2009-2010.
25
Enfin, on rencontre un troisième mode d’expression de l’ornement dans l’architecture contemporaine, qui relève du mouvement de la façade de l’édifice. L’architecture propose ainsi un relief qui, dans sa relation à la lumière offre à l’observateur une perception unique à la manière d’un tableau de Pierre Soulages. Antoine Picon parle de topographie, la façade est la traduction formelle d’un paysage appliqué à l’édifice, d’un mouvement ou d’une déformation qui se veut inscrite dans sa forme. On remarquera ainsi la fluidité du mouvement d’avancée des balcons de la façade de l’Aqua Tower réalisée à Chicago par l’agence de l’architecte Jeanne Gang ou encore la façade du 290 Mulberry Building à New York. Ce dernier projet nous permet de considérer l’ornementation classique au regard de l’ornementation contemporaine puisque sa façade est conçue dans le respect de la réglementation new yorkaise sur l’ornement classique qui impose un encorbellement maximum de 10% pour chaque 100 m carrés de façade. Ainsi, en accord avec cette contrainte et pour maximiser la surface de projection d’ombres, tout en réinterprétant l’usage traditionnel du parement de briques, les architectes SHoP Architects ont proposé une façade fonctionnant par éléments préfabriqués dont la disposition des briques est discontinue sur l’ensemble de la surface donnant ainsi à l’édifice un façade marquée par un motif en relief. 290 Mulberry Street, SHoP Architects, New York, 2008.
Au travers de ces trois modes d’expressions proposés par Antoine Picon et des productions architecturales exemplaires que nous avons relevé, nous pouvons affirmer de nouveau le changement radical qui s’opère dans la nature de l’ornement au cours du XXème siècle en identifiant l’ornement contemporain comme une préoccupation esthétique de la surface de l’édifice. Cet état de surface de la façade qui s’affranchi parfois de la planéité au travers d’une mise en relief, peut être responsable d’une fonction, la membrane est alors considérée comme une composante 26
responsable du comportement de l’édifice dans son environnement, d’un affect, de l’identité de l’objet architectural, de la nature phénoménologique de l’édifice dans un milieu de perceptions. Dans ce constat sur la nature superficielle de l’ornement contemporain, nous avons délibérément considéré l’architecture contemporaine comme un tout indifférencié et pensé l’ornement contemporain seulement comme une surface à caractériser. Nous apprécierons cette définition selon Antoine Picon, Fashid Moussavi et Michael Kubo, comme une piste de réflexion alimentant notre caractérisation de l’ornementation contemporaine dans un cadre plus large qui dépasse la seule dimension plastique de l’édifice, sa seule superficialité et la seule perception esthétique qui en résulte. En effet, nous l’avons vu tout au long des chapitres précédents, l’ornement et la structure s’articulent au sein de l’architecture et on ne peut finalement pas les considérer comme deux entités totalement distinctes. Si l’ornement existe, il est obligatoirement en relation avec la structure d’une manière ou d’une autre, qu’ils soient opposés ou rassemblés. D’autre part, l’ornement caractérise l’identité de l’édifice et sa dimension symbolique n’est pas exclue de notre réflexion. Ainsi, principalement au travers de l’extraction de l’ornementation de sa dimension superficielle en analysant la relation qu’entretien l’épiderme de l’édifice et sa structure dans l’architecture contemporaine et au travers de l’extraction de l’ornementation de sa dimension plastique par l’expression de ses caractéristiques symboliques nous approfondirons et tenterons de compléter les postulats d’Antoine Picon, Farshid Moussavi et Michael Kubo. Nous nous rapprocherons finalement d’une certaine définition de l’ornementation contemporaine comme une somme de sa dimension plastique, de sa relation fonctionnelle à l’épiderme et à la structure et de sa valeur symbolique au sein de l’édifice.
B - Le rapport structure - enveloppe, l’ornement et la tectonique contemporaine L’ornement contemporain s’est emparé de l’épiderme de l’édifice, le recouvrant dans sa totalité pour en constituer l’essence esthétique tout en laissant l’épiderme et ses fonctions devenir l’essence programmatique de ce complexe dermo-ornemental. Nous avions vu au travers de The fonction of Ornament comment la fonction de l’ornement peut être interprétée comme l’expression d’une esthétique contemporaine procurant un affect. Nous avions également évoqué comment l’épiderme se charge d’autres fonction comme la régulation de l’atmosphère interne de l’édifice et la production d’une ambiance, cependant l’architecture ne se contente pas d’une seule peau, au sens d’enveloppe, aussi imprégnée soit elle, des fonctions climatiques et d’une esthétique contemporaine. Pour replacer l’ornement et l’édifice dans l’ensemble de la culture architecturale contemporaine, nous devons les considérer non plus par le seul critère du venustas et du comoditas vitruviens, mais également par l’enjeu majeur du soliditas. En considérant la relation entre structure et ornement, l’architecture contemporaine nous offre un vaste champs de réflexion autour de sa dimension tectonique. Pour l’aborder, nous ferons la distinction entre la structure comme élément porteur purement fonctionnel dissimulé derrière une forme et la tectonique comme expression architecturale de la structure. La tectonique, se situe à la fois dans l'histoire de la construction et des techniques, mais aussi de l'histoire des sciences et de l'histoire des idées et n’appartient totalement à aucun de ces champs de savoir. On fera ici le choix de la définir, d’une part, à la lumière de la pensée de l’historien de l’architecture Kenneth Frampton exprimée notamment dans l’ouvrage Studies in Tectonic Culture : The Poetics of Construction in Nineteenth and Twentieth Century Architecture, et d’autre part par les précisions 27
qu’apportent les architectes Jessie Reiser et Nanako Umemoto dans leur ouvrage Atlas of novel tectonics. Pour Frampton, la tectonique se définit de manière générale par la relation intrinsèque entre la structure, sa matérialité et son expression architecturale. Nous formulerons cette définition en empruntant les mots d’Antoine Picon dans son ouvrage, Culture numériques : une introduction, en disant que « la tectonique correspond à la structure traduite en termes architecturaux, c’est à dire la structure en tant qu’elle contribue à la définition de l’espace. »20. Pour Jessie Reiser et Nanako Umemoto, les nouvelles tectoniques, ou tectoniques contemporaines s’ancrent dans ce cadre sémantique tout en proposant une grande diversité de matérialités liées au technologies numériques avec le recours desquelles l’architecture s’affranchit du monde cartésien et statique, requestionne l’appréciation de la différence de types architecturaux 21 par l’introduction de variations de densités et de valeurs dans l’architecture, et produit une nouvelle continuité entre conception et construction. Dans cette partie où l’on considérera l’architecture contemporaine dans son rapport entre ornement et la structure, comme la somme d’une dimension esthétique et d’une dimension tectonique, nous pourrons questionner la production architecturale contemporaine, dans un premier temps, en identifiant différentes postures dans la relation entre l’enveloppe et la structure qui semblent interroger chacune le rôle de l’une et l’autre au sein de l’édifice, puis en analysant la position de l’ornementation dans cette dialectique au regard des deux dimensions évoquées. Ces postures qui se révèlent surtout être des types de configurations entre l’enveloppe et la structure définissent la relation qui s’établit entre ces deux éléments architecturaux au travers de plusieurs degrés de dissociation et d’imbrication. Nous verrons que dans un cas, le degré de dissociation est si grand qu’on peut physiquement identifier l’enveloppe et le squelette de manière distincte alors que dans d’autres cas, cette limite semble disparaître progressivement au profit d’un système stratifié de couches fonctionnelles jusqu’à une ubiquité de la structure, de l’enveloppe et de l’ornementation au sein de l’édifice. Nous aurons l’occasion d’aborder et d’identifier chacun de ces cas de figures par l’analyse d’une production architecturale contemporaine qui met en place ces postures remarquables. Si l’on reviens sur l’histoire de l’architecture et que l’on reprend le fil suivi durant la première partie de ce travail, nous pouvons nous arrêter sur la pensée post-moderniste et particulièrement sur celle de Robert Venturi au travers de l’ouvrage Learning From Las Vegas publié en 1972. Dans cet ouvrage, l’architecte américain qui décrit et critique notamment les architectures commerciales de la seconde moitié du XXème siècle, formule le concept de hangar décoré qu’il oppose à celui de l’architecture canard. Ces concepts s’attachent à décrire deux postures dans l’expression symbolique de l’architecture. D’une part, le hangar décoré, l’architecture laide et banale sur laquelle on appose une signalétique attrayante expressive de sa fonction. D’autre part l’architecture canard qui, par sa forme fait sens en appelant à la reconnaissance de symboles connus, prenant par exemple la forme du produit vendu à l’intérieur. Au travers des concepts du hangar décoré ou de l’architecture canard qui reflètent tous deux une certaine dissociation entre l’édifice et son symbolisme à tel point que l’ornementation qui exprime ce symbole se réduit à une enveloppe formellement symbolique ou à une signalétique physiquement étrangère à l’édifice, on tend à distinguer de manière radicale ce qui relève du squelette purement structurel et programmatique et ce qui s’attache à la caractérisation de
20
Antoine Picon, Culture numérique et architecture : une introduction p127.
21
Cf. « Difference in Kind/Difference in Degree, Reiser + Umemoto, Atlas of the novel tectonics p40.
28
l’identité de l’édifice. La structure deviens ainsi générique et l’enveloppe se résume à une enseigne ou un habillage fonctionnel qui revêt également un caractère signalétique fort lui permettant de définir l’édifice. Si dans ce contexte, l’ornementation est limitée au statut de symbole et d’information, elle n’en est pas moins présente et constitue l’unique moyen de caractériser l’identité de l’édifice. La fin du XXème siècle et le début de XXIème voient émerger des architecture qui s’apparentent alors à la pensée de l’architecture canard puisqu’on finit par identifier l’édifice à la seule ornementation qu’il met en place et au symbole qu’elle exprime. Le travail de l’agence d’architecture Jakob + Macfarlane à Lyon permet de considérer une première posture remarquable dans la configuration entre structure et enveloppe dans laquelle l’ornementation est physiquement dissociée de la structure bien qu’elle ne constitue pas un ajout post-construction. A Lyon, dans le quartier de la confluence dont le projet de renouvellement s’effectue depuis la fin des année 90, les architectes Jacob et Macfarlane interviennent sur deux projets installés proches l’un de l’autre en bordure de Saône. Le premier projet, nommé Cube Orange, accueille des bureaux et des espaces d’exposition alors que le second, le siège de la chaine TV Euronews.
Cube orange, Jakob & Macfarlane, Lyon, 2011.
Siège d’Euronews, Jakob & Macfarlane, Lyon, 2014.
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Ces deux projets, bien qu’ayant été conçus pour des programmes différents sont réalisés à partir d’un langage architectural très proche. Tous deux s’inscrivent dans l’alignement de la promenade qui longe le bord de Saône, ils sont reconnaissables par une volumétrie assumée et par une couleur criarde, un cube orange d’une part et un parallélépipède rectangle vert d’autre part. On retrouve également une organisation structurelle similaire dans les deux édifices : une structure primaire en béton armé ou en ossature métallique dans laquelle sont aménagés de grands vides coniques qui creusent le volume orthogonal afin de ménager des entrée de lumière ou des accès ; une enveloppe en aluminium doublée d’une résille perforée qui englobe la structure, refermant les espaces et les protégeant des intempéries et du soleil. Cette configuration entre la structure et l’enveloppe est identique malgré le changement de système constructif entre l’un et l’autre des deux projets, et on constate bien dans la nature des matériaux utilisés comme dans leur couleur, que la structure et l’enveloppe sont deux entités architecturales distinctes. Elles ne sont pas pour autant totalement séparées puisque la structure primaire est aussi support de l’enveloppe qui l’enclôt. Dans cette incapacité à être auto-portante, l’enveloppe ne peut pas être entièrement indépendante et physiquement dissociée de la structure. Les deux projets de la Confluence réalisés par Jakob + Macfarlane mettent en place des dispositifs de percement, d’une part, dans la volumétrie de l’édifice au travers des cônes évidés en façade et en toiture, d’autre part, dans la façade de l’édifice au travers de la résille qui ceint l’ensemble de l’édifice. On constate que ces deux types de percement jouent un double rôle fonctionnel et esthétique. D’abord, un rôle fonctionnel de régulation et d’apport de lumière dans l’édifice, dont la largeur atteint en moyenne les 30m. Ensuite, un rôle esthétique lié à l’ornementation contemporaine : d’une part, les percements de la résille s’organisent autour d’un pattern dont le dessin est inspiré des mouvements du fleuve, pour le cube orange, ou produit par l’artiste Fabrice Hyber pour le siège d’Euronews ; d’autre part, les surfaces complexes qui résultent de l’opération de soustraction des cônes dans la volumétrie de l’édifice sont matérialisées par une tesselation, c’est à dire une partition de la surface en éléments triangulaires faisant ainsi apparaître un motif géométrique sur les balcons et les encorbellements le long du vide. Ici, l’ornementation est donc entièrement attachée à l’enveloppe, que ce soit dans l’expression artistique d’un dispositif fonctionnel ou dans l’expression plastique d’une volumétrie et cette enveloppe physiquement dissociée de la structure de l’édifice. Pour autant, c’est bien l’enveloppe, par son système de motifs et par sa couleur qui porte l’identité de l’édifice, c’est elle qui le caractérise et on peut constater qu’elle masque entièrement la structure, ne laissant aucune ambiguité. L’arrivée de l’architecture contemporaine s’accompagne d’une pratique et d’un pensée du numérique dans le champ de l’architecture. Le calcul de structures informatisé et le design paramétrique permettent l’émergence de nouvelles morphologies d’une architecture dites non-standard. L’industrialisation des éléments tectoniques ne s’oriente plus vers la production de masse mais se met au service d’une production d’éléments uniques dont la précision de fabrication est proche du modèle informatique. La conception et la fabrication sont d’autant plus imbriquées puisque les outils numériques introduisent des informations utiles à la fabrication directement dans le modèle et on constate que ces outils permettent une continuité totale depuis l’esquisse jusqu’à la livraison d’un édifice. A ce titre, des architectes tels que Frank Gehry et Zaha Hadid manipulent des géométries complexes en sachant les possibilités constructives qui s’offrent à eux. Dans ce processus, ils considèrent l’édifice comme un objet architectural malléable et une partie de leur travail consiste à manipuler une géométrie selon des critères programmatiques, scénographiques, physiques, etc. Dans ces conditions de conception, la structure est une 30
traduction de la forme, conçue par l’architecte, en un système constructible. L’ingénieur participe de chaque phase afin de répondre à des problématiques mécaniques qui se posent lors de la génération d’une telle structure. Dans le cas du projet du Centre culturel Heydar Aliyev pour la ville de Bakou en Azerbaïdjan, réalisé par l’architecte irako-britannique Zaha Hadid , inauguré en 2012, on peut aisément appréhender l’omniprésence de l’outil de conception et de fabrication numérique dans tout le processus de projet. Ce projet met en place un vaste dispositif de recouvrement de la structure métallique qui permet une telle morphologie, exploitant de manière efficace les potentiels de l’outil numérique pour produire des plaques uniques qui recouvriront ainsi la surface de l’édifice sans altérer la forme. La structure et l’enveloppe suivent une même géométrie et tendent à constituer un complexe stratifié au sein duquel on retrouve tous les éléments constructifs. Ici, l’ornementation et réside d’une part dans l’expression topographique de l’ensemble de l’édifice, et d’autre part la partition de l’ensemble de la surface extérieure en éléments quadrilatères faisant apparaître le maillage qui permet d’apprécier la courbure de surface et l’ensemble de ses déformations. L’édifice, comme une sculpture urbaine, deviens un symbole pour la ville de Bakou, l’ornementation donnant à l’édifice un caractère iconique. Centre culturel Heydar Aliyev, Zaha Hadid, Bakou, 2012.
Au travers de ces deux configurations remarquables de dissociation et de stratification entre la structure et l’enveloppe, nous avons perçu certains enjeux qui conditionnent la position de l’ornementation contemporaine au sein de l’édifice. Parmi ces enjeux figurent évidement les problématiques d’affranchissement de l’enveloppe à la structure et donc l’acquisition d’une structure qui lui soit propre, mais aussi et en conséquence de ce premier point, l’affirmation de la structure comme élément tectonique par son extraction du statut de support caché vers une visibilité des éléments structurels. Les postures ainsi identifiées nous permettent d’interroger le statut de l’enveloppe comme un véritable emballage ou plutôt comme un élément en prolongement de la structure. L’enveloppe est-elle un paquet qui caractérise l’édifice, contient et protège la structure, l’architecture, voire l’histoire, à la manière des interventions d’empaquetage des artistes Christo et Jeanne-Claude sur le Pont Neuf en 1985 ou sur le Reichstag en 1995. Ou bien l’enveloppe est une coque protectrice de l’espace dans et endehors de la structure, auquel cas la structure et l’enveloppe tendent à caractériser l’édifice, l’espace à l’intérieur et l’espace à l’extérieur de manière conjointe, allant jusqu’à se mélanger et même fusionner pour
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gommer les ambiguïtés qu’entraîne leur distinction partielle. Nous avons jusqu’à présent considéré la structure et l’enveloppe comme deux entités étrangères, il nous faudra désormais imaginer leur relation par l’assimilation de ces deux éléments plus que par leur unique concaténation. L’enveloppe et la structure dans ce processus d’assimilation feront émerger une ornementation particulière, une expression esthétique intégrale à une unique entité architecturale.
C - Enveloppe structurelle et structure enveloppante Nous avons évoqué précédemment, au travers de la pensée d’Antoni Gaudi ou de Frank Lloyd Wright, une certaine importance accordée à la matérialité dans l’ornementation et l’expression esthétique de la structure. Si l’architecture néo-gothique et l’architecture organique s’attachent particulièrement à la notion de matérialité, c’est parce qu’elle se substitue à l’ornementation traditionnelle et révèle le potentiel esthétique d’un matériau. Dans son ouvrage, Ornament The Politics of Architecture and Subjectivity, Antoine Picon fait le constat d’un retour progressif de l’ornement à l’époque moderne au travers de la question du matériau en prenant pour exemple le caractère esthétique qui guide le choix des marbres du pavillon de l’Allemagne réalisé par Mies Van der Rohe pour l’exposition universelle de Barcelone en 1929. Nous avons également pu retrouver cette caractéristique ornementale de la matière avec l’oeuvre d’Adolf Loos et la Looshaus. Antoine Picon prends également Le Corbusier comme exemple de cette matérialité ornementale. Dans la période d’aprèsguerre, Le Corbusier est alors attaché à la dimension ornementale de l’empreinte des coffrages sur les éléments de béton armé comme pour les pilotis de la Cité Radieuse en 1947 dont les aspérités contrastent fortement avec l’esthétique du lisse de ses oeuvres plus récentes comme la Villa Savoye en 1928. Dans l’architecture contemporaine, la notion de matérialité se perpétue au travers de l’ornementation comme un état de surface de la matière et au travers de la tectonique. Nous avons pu voir dans précédemment que ces caractéristiques dépendent d’une certaine configuration entre la structure et l’enveloppe. Ainsi, c’est à travers ce besoin d’expression esthétique de la matière structurelle que nous pouvons aborder une seconde configuration remarquable qui ne résolve pas les rapports entre la structure et l’enveloppe par leur dissociation ou par leur stratification mais par une assimilation de ces entités architecturales entre elles. Cette convergence nous permet de constater une migration des fonctions et des attributs de chacune : l’enveloppe étant considérée comme une membrane protectrice de la structure, se retrouve ainsi elle même chargée de supporter l’édifice et son caractère ornemental prends une valeur tectonique ; la structure qui était cachée, se dévoile et s’émancipe d’une certaine hiérarchie constructive pour assumer la fonction d’enveloppe et affirmer sa dimension tectonique. Nous pouvons ainsi imaginer deux types de mutations que suivent la structure et l’enveloppe pour converger l’une vers l’autre au cours desquelles l’ornementation et la tectonique se confondent. Nous verrons dans quelle mesure l’édifice deviens le théâtre d’un amalgame entre les entités architecturales que nous pouvions auparavant facilement distinguer à l’appui d’édifices représentatifs de ces types de mutation. Un premier édifice qu’il semble pertinent d’analyser est le pavillon réalisé par l’architecte japonais Toyo Ito et l’ingénieur Cecil Balmond de l’agence Arup pour la galerie Serpentine qui renouvelle un appel à projet chaque année, ce projet est celui qui a été exposé durant l’année 2002. On retrouve le travail de Cecil Balmond dans un second édifice remarquable : le Stade 32
Olympique de Pékin réalisé par les architectes Herzog et De Meuron pour les Jeux Olympiques de 2008 dont la construction s’étend entre 2003 et 2007. Dans le projet de pavillon pour la galerie Serpentine, on reconnaît une volumétrie générale de parallélépipède rectangle qui semble découpé comme un seul bloc par une série de lignes qui parcourent de manière continue les 5 faces du volume. Les surfaces découpées par ces lignes sont réparties entre celles qui sont laissées vides et celles qui sont comblées, constituant ainsi des parois et des ouvertures. Lors de ce processus de génération d’une morphologie, l’architecte semble s’intéresser à la matérialisation du volume parallélépipédique au travers des lignes qui le parcourent. Son intention n’est donc pas de construire un volume plein mais plutôt la limite entre ce volume et son environnement, en somme son enveloppe. Cette première considération dans la morphogenèse du pavillon nous positionne immédiatement dans un rapport de matérialisation de l’enveloppe et donc de recherche d’un dispositif constructif qui permet cette matérialisation. Dessin des tracés sur la toiture et de leur prolongation sur les 4 cotés du pavillon
Au cours du processus de construction du pavillon, l’architecte Toyo Ito et l’ingénieur Cecil Balmond ont pensé les lignes et leurs intersections comme un ensemble de profils métalliques et de soudures. Cette enveloppe immatérielle deviens alors une structure à part entière au sein de laquelle sont uniquement agencés des éléments qui occultent ou libèrent la vue et le passage, régulant ainsi la porosité du pavillon. A ce titre, la structure s’empare de l’enveloppe qui subit une mutation et se suffit désormais à ellemême. La matérialité de cette enveloppe-structurelle est traduite par un premier motif purement géométrique qui, lorsque l’architecte construit le pavillon, prend une épaisseur, une couleur, une rugosité propre au matériau et acquière ainsi une nature tectonique. On considèrera donc cette configuration comme une mutation de l’enveloppe vers la structure, l’enveloppe devenant entièrement autonome, assimilant à la fois les fonctions de la structure comme élément porteur mais aussi sa dimension tectonique. On peut cependant reconnaître que le pavillon conserve toujours certains éléments propres à l’enveloppe puisque les dispositifs occultant qui participent de la perception des pleins et des vides remplissent les fonctions de régulation de la lumière, des accès et font apparaître la dimension ornementale du motif par jeux de contrastes sur la base de la maille métallique.
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Pavillon de la Galerie Serpentine, Toyo Ito et Cecil Balmond, Londres 2012.
Pour le projet du stade Olympique de Pékin dont l’échelle est autrement moins modeste que celle du pavillon de la galerie Serpentine, la relation entre la structure et l’enveloppe semble également plus équilibrée. Pour autant, si l’on peut imaginer à la manière du stade olympique de Londres pour les jeux de 2012, que l’archétype de l’architecture de stade implique une franche dissociation entre une structure lourde pour les gradins et une enveloppe légère qui peut établir les limites du stade et qui réalise sa couverture, ce n’est pas le entièrement le cas du stade Olympique de Pékin. Surnommé « nid d’oiseau » en raison de son esthétique très filaire et enchevêtrée, ce dernier met en place une continuité de la structure entre le support des gradins et ceux de l’enveloppe. De grands treillis en béton armé se croisent tout autour du terrain, récupérant les charges des gradins sur l’extérieur et s’élançant en porte-à-faux vers l’intérieur, produisant ainsi un squelette massif qui couvre l’ensemble de l’édifice. Photo de la construction de la structure du stade olympique de pékin, 2003-2007.
Sur la base de cette maille structurelle qui englobe l’édifice, s’ajoute une multitude d’éléments de béton de même dimension que les treillis qui s’entrelacent autour de la structure en donnant à l’édifice son aspect si particulier de nid d’oiseau. Cet ajout d’éléments non structurels apporte à l’ensemble son caractère ornemental singulier puisqu’il est responsable de la révélation du pattern d’enroulement qui caractérise l’identité du stade. Pour assurer la protection aux intempéries, les architectes Herzog et De
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Meuron ont recouvert le stade de plaques plus ou moins opaques qui ne perturbent pas la visibilité de la structure. Dans ce projet, la structure participe intégralement de la génération d’une enveloppe, elle est accaparée par un dispositif additionnel qui lui donne une caractéristique ornementale au delà de sa nature tectonique et lui permet de participer de l’identité de l’édifice. Les éléments qui assurent la fonction de protection de l’édifice sont réalisés pour être le plus discret possible, donnant à la structure le véritable rôle d’enveloppe. On considèrera cette configuration comme une mutation de la structure vers l’enveloppe, celle ci s’empare de la structure pour l’assimiler à de nouvelles fonctions et lui attribuer une nature ornementale. Il semble intéressant de spécifier que l’ensemble des fonctions structurelles ne sont pour autant pas assumées par cette structure-enveloppante puisque le niveaux les plus bas des gradins sont soutenus par un ensemble de poteaux dont la fonction est purement structurelle. P h o t o d e l a s t r u c t u re enveloppe depuis l’extérieur du stade
Au regard de ces deux exemples remarquables de mutations de la structure et de l’enveloppe au sein d’une architecture contemporaine, nous pouvons dores et déjà affirmer l’existence d’une posture d’assimilation dans la relation entre la structure et l’enveloppe à travers laquelle ces entité s’amalgament physiquement dans la construction et fonctionnellement en échangeant leurs rôles respectifs. La structure a tendance à s’émanciper de son rôle porteur pour s’exprimer dans une dimension tectonique au travers de sa matérialité et être ensuite élevée au niveau de l’ornementation par son assimilation à l’enveloppe. L’enveloppe elle aussi s’émancipe de sa nature superficielle, comme nous l’avons vu avec le pavillon de la galerie Serpentine, il deviens alors difficile de ne pas reconnaître l’édifice comme une unique entité architecturale indifférenciée, à l’image d’un corps sans organe, une entité dont les natures structurelle, superficielle, fonctionnelle et ornementale se confondent et sont omniprésentes. Si cette configuration réalise encore partiellement la fusion de ce qui fait l’architecture, des canons de la trilogie vitruvienne, en une unique entité, elle n’en établit pas moins les conditions de caractérisation de l’édifice qui trouve son identité dans cette nouvelle tectonique, cette nouvelle ornementation.
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D - L’édifice-ornement La technique de mise en oeuvre de l’architecture a été la première identité de l’architecture. Les ordres de l’architecture antique étaient avant tout la concrétisation de systèmes constructifs qui étaient ornés, décorés à partir de ces principes structurels. En cela, on pourrait dire qu’ils sont tectoniques. Les modes de construction romans puis gothiques sont eux aussi le cadre de la corrélation entre un principe structurel et une ornementation, même si parfois on a constaté certains éléments superflu. Au travers de l’amalgame entre la structure et l’enveloppe dans l’architecture contemporaine, et de fait, de l’ornement, nous avons cherché à définir une architecture syncrétique, qui réaliserait la fusion totale de ses composante se mêlant les unes aux autres dans une indifférenciation : l’édifice devenant ornement, structure, épiderme, dans une matière fluide et continue. Il s’avère que l’ornement s’empare dores et déjà de l’édifice. Cette édifice-ornement est un constat qui s’émancipe des contraintes techniques de caractérisation de ce qui appartient à la structure, ce qui appartient à l’enveloppe, ce qui est ornemental ou ce qui est tectonique. Dans cette partie, nous verrons dans quelle mesure l’ornement s’empare de l’architecture contemporaine, s'affranchissant de son cadre physique pour en devenir l’expression iconique et symbolique dans un cadre culturel. En effet, c’est dans un contexte immatériel que s’opère réellement la fusion entre l’ornement et l’édifice, que l’édifice-ornement apparaît. Nous avions vu, avec les exemples des projets du pavillon de la galerie Serpentine et du stade olympique de Pékin que la limite entre l’enveloppe et la structure devenait parfois si subtile qu’il était difficile de les différencier. Dans une étude technique et très pragmatique il nous a été permis de redessiner cette limite mais dans une logique de perception de l’objet architectural pour lequel il n’existe pas de séparation des éléments qui constituent l’architecture, l’édifice est bel et bien un tout. Peu importe quels éléments sont à l’origine structurels et quels autres sont ornementaux puisque le résultat de cet amalgame même partiel produit un effet de globalité qui donne à l’édifice une unique identité. Dans le cas du stade olympique de Pékin c’est d’autant plus marquant que l’imaginaire qu’il développe au travers de son enchevêtrement et de sa forme lui a donné son caractère symbolique dans la culture locale et même internationale par sa médiatisation lors des jeux olympiques de 2012. L’ornement englobe alors l’architecture au delà de son cadre physique jusqu’à une dimension purement symbolique qui donne une identité à un édifice dans un contexte culturel. L’amalgame entre la structure et l’enveloppe n’est qu’un prétexte qui a permis d’identifier l’édifice comme un tout et non comme une concaténation d’entités distinctes. On pourra citer d’autres projets qui s’expriment dans une même mesure, parmi eux, le projet Métropol Parasol, réalisé entre 2005 et 2011 à Séville par l’architecte berlinois Jürgen Mayer-Hermann, le Rolex Learning Center réalisé en 2010 par les architectes japonais de l’agence SANAA à Lausanne ou encore la tour O-14 réalisée entre 2007 et 2009 par le duo d’architecte Reiser + Umemoto à Dubaï. Dans chacun de ces projets, on retrouve une certaine mutation de la structure vers l’épiderme et inversement, de l’ornement vers la tectonique et l’on pourra noter que l’implication de l’outil numérique dans la conception et la réalisation de ces projets n’est pas négligeable. Lorsque les éléments constitutifs de la grande halle du Métropol Parasol, découpés avec précision produisent un effet de topographie en contre-plongée malgré une apparente stratification des éléments entre eux, l’édifice, perçu comme une seule entité, entre dans un imaginaire collectif en tant que Setas de la Encarnación, « Champignons de la place de la Encarnación ». D’autre part, dans le cas du Rolex Learning 36
Center de l’EPFL de Lausanne, on peut voir une évidente volonté de masquer toute structure autre que les deux grandes nappes de béton qui constituent le sol et le toit : l’enveloppe en somme. Les mouvements de ce sol et de ce toit qui, malgré le fait d’être verticaux sont les véritables façades de l’édifice, donnent à voir et percevoir le projet comme une grande surface plissée, figée au dessus du sol dans un équilibre presque aérien. Là encore, le projet, s’ancre dans la culture architecturale contemporaine au travers de sa tectonique singulière. On fera le même constat pour la tour de bureaux des architectes Jessie Reiser et Nanako Umemoto dont l’usage d’une double peau structurelle qui réalise la mutation entre structure et enveloppe et de ses percements renforce le caractère monolithique de la tour. Cet édifice, bien que très modeste en terme de dimensions dans un contexte urbain extrêmement vertical, a pourtant marqué le paysage architectural de la ville de Dubaï et est devenu un symbole d’une certaine esthétique contemporaine en contrastant avec les immenses tours aux allures postmodernistes construites durant la dernière décennie du XXème siècle. Metropol Parasol, Jürgen Mayer-Hermann, Seville, 2005-2011
Dès lors, il est possible d’identifier dans la nature de l’ornement et contemporain et des nouvelles tectoniques, une dimension symbolique forte outrepassant les propriétés techniques de l’édifice et le degré d’imbrication de la structure, de l’enveloppe, du programme, etc. Au travers de sa relation avec l’enveloppe et de son amalgame à la structure, l’ornement qui tend à s’immiscer dans toutes les composantes de l’architecture transfigure l’édifice en symbole, en icône, et s’inscrit dans la culture architecturale comme tel, devenant un pôle, le plus souvent touristique mais également médiatique et culturel. Pour illustrer et mettre en perspective ce dernier point, nous pourrons citer le phénomène Bilbao Effect qui caractérise la redynamisation de villes par le tourisme au travers de la construction d’une architecture iconique identifiable par son ornementation ou sa tectonique très singulière. L’exemple majeur étant le musée Guggenheim de Bilbao de Frank Gehry mais on peut également considérer le projet de l’opéra de Sydney de Jørn Utzon ou encore, le centre culturel Heydar Aaliyev de Zaha Hadid à Bakou en Azerbaïdjan qui sont ainsi devenu le symbole de leur ville. 37
Rolex Lear ning Center, Lausanne, SANAA, 2010
O-14, Dubaï, Reiser + Umemoto, 2007-2009
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Conclusion Au cours de ce travail de recherche, nous avons révélé les natures diverses de l’ornementation, d’abord traditionnelle puis contemporaine. Nous vu de quelle manière l’usage immodéré du style en architecturaux et la profusion de l’ornement ont entrainé un besoin de rupture à la fois dans la pensée de l’ornement et donc, du caractère esthétique de l’architecture et dans la relation entre l’ornementation et la dimension constructive voire structurelle de l’architecture. Nous avons pu percevoir au travers de moments clés du XIXème et du XXème siècle que cette relation entre l’ornement et la structure évolue en les assimilant de plus en plus jusqu’à l’architecture contemporaine au travers de laquelle nous avons pu analyser précisément les conditions de cette assimilation, de l’amalgame entre l’ornement, l’enveloppe et une structure qui tend à s’exprimer dans une dimension tectonique. L’objectif de ce travail était de caractériser l’ornement contemporain au regard de l’histoire de l’ornement dans l’architecture et de la relation entre l’ornement et la structure dans l’architecture contemporaine. Nous pouvons considérer que nous avons réussi non seulement à identifier ce qui fait ornement en architecture, les caractéristiques de l’ornement traditionnel et la relation progressive qui s’installe entre la structure et l’ornement au delà de leur simple superposition, et donc par là même, l’abandon du statut de décoration de l’ornement traditionnel vers le statut de matérialité, mais nous avons également réussi à réintégrer l’ornement contemporain sous sa nouvelle nature et au regard des tectoniques contemporaines, dans la tradition de l’ornement en tant qu’objet esthétique mais aussi symbolique. En effet, en exprimant l’ornement contemporain en corrélation à une tectonique nouvelle qui fait l’amalgame entre l’enveloppe et la structure de l’édifice, nous avons pu mettre en exergue le caractère symbolique de l'ornement contemporain et l’inscrire comme une composante culturelle de l’architecture contemporaine, lui donnant du relief quant aux définitions qui ont pu lui être attribuées et qui se limitaient à des caractéristiques plastiques ou phénoménologiques. On peut désormais considérer l’ornement contemporain non plus comme un unique attribut de l’architecture contemporaine, loin d’être seulement une peau, plus loin encore d’être un décor, mais réellement comme l’identité d’un édifice, intégrant l’ensemble de son esthétique, de sa tectonique, de sa perception et son imaginaire culturel. La caractéristique majeure que nous pourrons donc attribuer à l’architecture contemporaine au travers cette idée de l’identité c’est bien le geste fort qui fait naître une image de l’architecture au delà de l’architecture elle-même, la rendant symbolique, iconique. Les architectures contemporaines que nous avons pu analyser ou seulement évoquer durant ce travail ont toutes en commun cette présence, la tectonique et l’esthétique unique qu’elles revendiquent, les rendant à la fois toutes très différentes mais également similaires. Si nous prenons en compte une certaine propension qu’ont les hommes à transformer l’architecture en style, à en faire une mode, un produit ; si nous considérons les critiques comme le Bilbao Effect ou le Wow Factor qui considèrent ce type d’édifices iconiques comme des attractions urbaines, dont la seule vocation presque mégalomane est de se faire voir, à la manière de l’architecture Canard dont nous avons évoqué le sens précédemment et de la vision romaine de l’ornementation, alors parviendrons nous peut être à exprimer sincèrement notre « génie du peuple », produisant ainsi une grande architecture sans tomber dans les travers du style. 39
Conclusion (English) During this research, we have revealed the diverse natures of ornament, first traditional then contemporary. We saw how the immoderate use of architectural style and profusion of ornament have led to a need to break both in the thought of ornament and therefore the aesthetic character of the architecture, and in the relationship between ornamentation and even structural dimension of architecture. We were able to perceive through key moments of the nineteenth and twentieth century that the relationship between ornament and structure evolves by assimilating more and more to contemporary architecture through which we were able to precisely analyze conditions of this assimilation, conflates the ornament, envelope, and structure that tends to express itself in a tectonic dimension. The aim of this work was to characterize the contemporary decoration in light of the history of ornament in architecture and the relationship between ornament and structure in contemporary architecture. We can consider that through this work we have managed not only to identify what makes ornament in architecture, the characteristics of the traditional ornament and progressive relationship that develops between the structure and ornament beyond their simple superposition, so thus, abandoning the status of traditional decorative ornament to materiality status but we also managed to reintegrate contemporary ornament in its new nature, and by contemporary tectonic in the tradition of ornament as an aesthetic object but also a symbolic one. Indeed, expressing contemporary ornament correlates to a new tectonic which conflates the envelope and the building structure, we were able to highlight the symbolism of contemporary architecture and register as a cultural component of contemporary ornament, giving it contrast from definitions that have been allocated to it and which were limited to plastic or phenomenological characteristics. We can now consider the contemporary ornament not as single attribute of contemporary architecture, far from being only a skin, even further from being a decoration, but really like the identity of a building, integrating the all of its aesthetics, its tectonics, its perception and its cultural vision. The characteristic that we can therefore attribute to contemporary architecture through the idea of identity is the strong gesture which raises a picture of architecture beyond architecture itself, making it symbolic and iconic. Contemporary architectures that we analyzed or discussed during this work have in common that presence, tectonics and unique aesthetic they claim, making them both all very different but also very similar. If we take into account a certain propensity of men to transform architecture in style, to make it a fashion, a product ; if we consider the critics as the Bilbao Effect or the Wow Factor that consider this kind of iconic buildings such as urban attractions, almost megalomaniac whose only vocation is to be seen, like the Duck architecture we discussed the sense above or the romanian way to see ornament, then we may can succeed to sincerely express our "genius of the people", producing great architecture without falling into the trap of style. 
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Iconographie
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Fig 1. Planche Moresque n°5, Grammaire de l'ornement illustrée d'exemples pris de divers styles d’ornement. Owen Jones, 1856. Scan du livre original.
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Fig 2. Arche vestige et colonnes annelées au Palais des Tuileries, Philibert Delorme, 1563. Photo, auteur inconnu,mairiedulouvre.wordpress.com
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Fig 3. Publicité pour les magasines de l’exposition universelle de Paris de 1900, tiré d’une illustration d’Alphonse Mucha, proantic.com
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Fig 4. Villa Wagner I, Otto Wagner, Vienne, 1886. Photo WikiCommons, Welleschik, wikipedia.org.
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Fig 5. Villa Wagner II, Otto Wagner, Vienne, 1912-1913. Photo © Dan Carney, ksamedia.osu.edu.
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Fig 6. Looshaus, Adolf Loos, Vienne, 1911. Photo WikiCommons, Andreas Praefcke, wikipedia.org.
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Fig 7. Garantie Building, Louis Henry Sullivan, Buffalo, 1896. Photo © Ann Sullivan, bluffton.edu.
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Fig 8. Construction du Congrès National de Brasilia, 1960. Photo © Marcel Gautherot, archdaily.com
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Fig 9. Réunion du Taliesin Fellowship autour de Frank Lloyd Wright, 1937. Photo © William Hedrich, 36.media.tumblr.com
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Fig 10. John Lewis Department Store, Foreign Architects, Leicester, 2007. Photo © Peter Jeffree, farshidmoussavi.com
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Fig 11. De Young Museum, Herzog & De Meuron, San Francisco, 2005. Photo © Paul Fisk, swissmade-architecture.com
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Fig 12. AU Office and exhibition space, Archi Union Architects, Shanghai, 2009-2010. Photo © Sheng Zhonghai, archdaily.com
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Fig 13. 290 Mulberry Street, SHoP Architects, New York, 2008. Photo © Scott Norsworthy, flickr.com
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Fig 14. Cube orange, Jakob & Macfarlane, Lyon, 2011. Photo libre de droits, Frederic Schermesser
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Fig 15. Siège d’Euronews, Jakob & Macfarlane, Lyon, 2014. Photo © Roland Halbe, Jokobmacfarlane.com
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Fig 16. Centre culturel Heydar Aliyev, Zaha Hadid, Bakou, 2012, Phot: © Iwan Baan, baan-architecture.com.
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Fig 17. Dessin des tracés sur la toiture et de leur prolongation sur les 4 cotés du pavillon. Auteur stepha-laumanns.info
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Fig 18. Pavillon de la Galerie Serpentine, Toyo Ito et Cecil Balmond, Londres 2012. Photo © Sylvain Deleu, archdaily.com
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Fig 19. Photo de la construction de la structure du stade olympique de pékin Photo, auteur inconnu, vtekla.com.
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Fig 20. Photo de la structure-enveloppe depuis l’extérieur du stade. Photo, WikiCommons, Tom Nguyen, wikipédia.org
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Fig 21. Metropol Parasol, Jürgen Mayer-Hermann, Seville, 2005-2011, Photo © Hufton + Crowhttp://divisare.com/
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Fig 22. Rolex Learning Center, Lausanne, SANAA, 2010, Photo © Rolex Learning Center, archdaily.com
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Fig 23. O-14, Dubaï, Reiser + Umemoto, 2007-2009, Photo © Nelson Garrido, archdaily.com
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