Nuclear Power and the City

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Enoncé théorique de Master en Architecture SAR / ENAC / EPFL Davide DI CAPUA Sous la direction du Professeur Jacques Lévy

Janvier 2012, Lausanne



Le Nucléaire et la Ville

Un programme pour la reconversion de la centrale nucléaire d’Indian Point (NY, USA)



Je tiens à remercier tout particulièrement l’équipe du groupe de suivi, le professeur responsable de l’énoncé théorique Jaques Lévy, le directeur pédagogique Stefan Behnisch et le maître Martin Latham pour leurs conseils. Toute ma gratitude va aussi M. Chawla Rakesh, M. Haldi PierreAndré, M. Wald Matthew, M. Whiterspoon Roger, Mme. Elie Marylin, M. Tama Mario, Mme. Shapiro Susan, M. Truby Stefan, M. Pittet Christian, Mme Flower Joanna, M. Widmer Pascal pour m’avoir accordé différents entretiens qui se sont révélés une grande source d’informations. Un grand merci également à Fabien Buccino, Roberto Di Capua, Georges Dos Santos qui ont soutenu mon travail.


Sommaire


Première partie / Introduction / Problématique / Méthode / Documents

03 05 08 10

I.Répulsion / Histoire / Controverses / Perspectives

15 21 23

II.Confinement / Politique / Lieu d’exclusion / Inventaire et typologie des centrales / Architecture / Générique et standardisation III. Radiation

Deuxième partie I. Neutralité 133 138

/ Réseaux / Proximité / Identité

/ Démantèlement / Temporalité

91 93 100

IV. Contamination

II. Attraction 145 151 153 155 158

/ Reconversion / Anesthétique / Mémoire et nostalgie / Nouvelle urbanité / Cas d’études

/ Migration / Industrie / Signalisation / Risque / Imaginaire

III.Manifeste 171 185 190 192 194

43 47 49 73 79

/ Etat des Lieux / Scénario / Super signe / Intentions / Conclusion

109 112 114 116 118





Première partie


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

“ This is a book about people. It is also about power, and not just about the power of nuclear fission produces at an electrical generating station. It is about political power as well and the power derived from status and access and information and money. And it is about fear. Fear of radiation and accidental catastrophe, of course. But also fear of losing an opportunity, a job, a reputation, an investment; of losing a struggle of such duration that the rivality itself sometimes obscured its causes; of losing the amenities of a pleasant and familiar environment; of losing control of communities, neighborhoods, and lives.” Henry F.Bedford, Seabrook Station, 1990, p.9


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/ Introduction Hiroshima, le 6 août 1945, marque à jamais le début d’une ère nouvelle, celle du nucléaire. Cette énergie développée pendant la deuxième guerre mondiale aux Etats-Unis suite au projet Manhattan, devient le 20 décembre 1951, près de la ville d’Arco (Idhao, USA), l’énergie du futur grâce à la construction de la première centrale nucléaire civile. Les prémisses sont grandioses. “On imaginait la batterie atomique, des avions nucléaires et la maîtrise de l’énergie du soleil: la fusion nucléaire” raconte avec nostalgie Pierre-André Haldi, professeur et ingénieur-technicien en électrotechnique et génie nucléaire à l’EPFL. Dès lors, les centrales nucléaires se multiplient à un rythme effréné sur le territoire des pays industrialisés. Et pourtant, le nucléaire présente des risques, et plusieurs accidents restent encore ancrés dans nos mémoires: Three Mile Island en 1974, la catastrophe de Tchernobyl en 1986 et dernièrement Fukushima, suite au tremblement de terre et au tsunami du 11 mars 2011. Les controverses sont complexes : d’une part, cette technologie fascine, de l’autre elle effraie. Actuellement, l’atome est remis en question. De multiples ONG, partis politiques ou pays dénoncent les problèmes de sûreté. Les contestataires accusent le « Lobby Nucléaire » de ne pas se préoccuper suffisamment de la sécurité de leurs installations et affirment que le nucléaire n’est plus d’actualité. Dans l’élan de peur suscité par l’accident de Fukushima, plusieurs pays d’Europe tels que la Suisse et l’Allemagne entreprennent un programme de démantèlement des centrales nucléaires afin de se tourner vers des énergies plus durables et sans danger. Que deviennent alors ces sites nucléaires ? Peu d’études ont cherché à comprendre le rapport qu’entretiennent ces installations industrielles avec leur territoire. L’architecte et l’urbaniste ont souvent été, ou se sont eux-mêmes auto-marginalisé des questions urbaines et architecturales sous-jacentes, peut-être par peur de prendre part au débat. Depuis quelques années l’Architecture a tendance à étendre son champ de recherche vers d’autres domaines. Elle ne semble plus s’intéresser seulement à sa fonction première, celle de construire, mais veut prendre part à différentes discussions, qu’elles soient urbaines, économiques, politiques,


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scientifiques ou sociales. Les différentes facultés scientifiques proposées à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne m’ont toujours surpris par leurs diversités et en même temps par leurs similitude. Le fait de rattacher la faculté d’architecture à un campus pluridisciplinaire m’a permis d’ouvrir mes horizons sur d’autres disciplines scientifiques. J’ai toujours été captivé par la possibilité de créer de nouveaux liens avec d’autres disciplines, de les comprendre, de les réinterpréter... Comment être architecte sans avoir un esprit curieux ? Le Corbusier, dans son livre « Vers une Architecture », a utilisé la formule « des yeux qui ne voient pas » pour interpeler les architectes qu’ “Une grande époque vient de commencer. Il existe un esprit nouveau. Il existe une foule d’œuvres d’esprit nouveau ; elles se rencontrent surtout dans la production industrielle. L’architecture étouffe dans les usages. Les « styles » sont un mensonge. Le style, c’est une unité de principe qui anime toutes les œuvres d’une époque et qui résulte d’un esprit caractérisé. Notre époque fixe chaque jour son style. Nos yeux, malheureusement, ne savent pas le discerner encore.”(Vers une architecture, Le Corbusier, p.67). Serait-il temps d’ouvrir aussi nos yeux sur le futur des centrales nucléaires ? Depuis peu, l’existence d’un réacteur nucléaire sur le site de l’école1 et la catastrophe de Fukushima ont retenu mon attention. Je me suis demandé alors s’il y avait eu préalablement des études sur l’architecture des centrales nucléaires. Après quelques recherches, j’ai mis la main sur un livre de l’architecte Français Claude Parent qui avait étudié les centrales nucléaires pour EDF (Electricité de France) dans les années 1970. L’objectif était alors de déterminer une architecture propre aux centrales nucléaires. Pourtant, aucune remarque sur le démantèlement futur des centrales ne figurait dans cet ouvrage. Dans un esprit durable que notre société essaie tant bien que mal de nous inculquer, la question des centrales nucléaires et de leur démantèlement, voire l’hypothèse de leur recyclage pour d’autres programmes par exemple, a suscité mon intérêt. J’ai donc décider de traiter la thématique du nucléaire selon un angle architectural et urbain pour le travail de recherche de mon énoncé théorique de Master. 1

Le réacteur CROCUS est un réacteur expérimental sur le site de l’EPFL d’une puissance limitée à 100W.


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/ Problématique Les centrales nucléaires sont parmi les industries les plus puissantes et potentiellement les plus dangereuses au monde. La présence de celles-ci a affecté « positivement » ou « négativement » plusieurs territoires. Leurs dimensions respectives marquent et définissent à jamais un lieu. Pour certaines, elles sont l’essence même de l’essor des communautés ouvrières dans les années 1960 et 1970. Ces ensembles urbains qui se sont formés autour des centrales n’ont cessé de croître malgré l’exode rural. Pourquoi autant d’attractivité pour vivre près d’une centrale nucléaire tout en sachant le risque potentiel que l’on encoure? Plus des deux tiers des sites nucléaires dans le monde ont été bâtis avant 1980. Ces centrales, autrefois construites dans des régions rurales, en bordure de ville, commencent à se retrouver dangereusement dans les périphéries des plus grandes métropoles. Une majorité de centrales se retrouveront ces prochaines années en fin de vie. La question de leur existence est remise en cause par leur proximité délicate avec la ville ainsi que leur obsolescence. Habituellement, le démantèlement est la dernière étape du cycle d’une centrale nucléaire, avant de reconstituer le terrain naturel précédent. N’y a-t-il pas un potentiel réel de deuxième vie pour ces sites contaminés ? La IAEA (Interna-

Nombre de réacteurs dans le monde

Age des réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde

18% >20 ans

82% < 20 ans

Age des réacteurs (année) Source: Reference data series no2, «Nuclear power reactor in the world, IAEA (International Atomic Energy Agency, 2011


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tional Atomic Energy Agency) a récemment souligné les faits suivants: “ Power plants have a number of qualities that make them ideal for redevelopment. The design style of older power plants makes them attractive for reuse from an aesthetic or historical perspective. They were constructed with large turbine generator halls mainly because they were steam cycle based, which required large buildings. These large spaces present opportunities for a variety of reuse options. The large open spaces make old power plants ideal for conversion into museums and exhibit halls, but the options should not be limited to museums and heritage facilities.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.24). La centrale nucléaire d’Indian Point, construite dans les années 1970, se situe à une quarantaine de kilomètres de Manhattan dans le conté de Westchester, une région de plus en plus urbanisée. Depuis sa mise en fonction, plusieurs liens se sont établis entre la ville et la centrale nucléaire. En général, une centrale nucléaire procure plusieurs changements : elle contribue au développement socio-économique du village hôte et de la région, alimente une ville en électricité, multiplie les controverses d’intérêts ambivalents au sein de cette communauté, ajoute de nouvelles implications territoriales et spatiales, et enfin se propose comme un emblème industriel attractif ou répulsif tout en alimentant plusieurs cycles migratoires. Ainsi, les conséquences multiples de son établissement finissent par Prévisions du début d’activité de démantèlement de la totalité des réacteurs en activité dans le monde

32%

45% 14%

4%

1995 2000

2000 2010

2010 2020

2020 2030

Source: UNION OF THE ELECTRICITY INDUSTRY – EURELECTRIC, Decommissioning of Nuclear Power Plants and Related Waste, Brussels, 2000

5%

2030 2040


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produire un équilibre entre la centrale et la ville. Les années 2013 et 2015 peuvent être décisives pour l’arrêt de la centrale nucléaire d’Indian Point. Quelles peuvent être alors les conséquences du démantèlement futur de la centrale? Peut-on imaginer que ce lieu devienne ce que prévoyait Claude Parent, soit un potentiel spatial de cette friche face à la menace de conurbation? A la fin de son livre « Les maisons de l’atome », il pose la question suivante: “Contrairement à la trajectoire industrielle non maîtrisée du XIXème siècle et du début du XXème siècle, l’étape des centrales nucléaires, comme celle des barrages, ne soulève-t-elle pas plus un espoir pour l’aménagement du territoire?” (Claude Parent, Les maisons de l’atome, p.57). Ce nouvel état inactif de la centrale nucléaire implique une remise en cause de cette réciprocité avec la ville. Le démantèlement et la possible reconversion peuvent ainsi faire basculer les paramètres relationnels de ces deux entités jusqu’à l’adoption d’une nouvelle configuration. Dès lors, comment peut-on réutiliser ces éventuelles friches nucléaires en fonction des différents facteurs internes et externes des centrales nucléaires ?


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/ Méthode Ce rapport ne cherche pas à être exhaustif mais à regrouper et assembler plusieurs théories, articles, recherches, données et entretiens afin d’approfondir ce sujet d’une manière autre que purement technologique, technique ou scientifique. De ce fait, cette recherche se base sur une approche qualitative et sur des sources restreintes. Celle-ci s’articule principalement autour d’une méthode de comparaison avec des théories sur des sujets analogues, des entretiens semi-directifs et des observations sur le terrain. Elle s’appuie aussi sur des études empiriques précédemment établies afin de proposer certaines hypothèses. Les extrapolations de ces divers travaux et entretiens servent de fondement à cet énoncé. Cet écrit propose une analyse du nucléaire civil dans son contexte urbain. Il va de soi de considérer la centrale nucléaire comme une entité industrielle qui a sa propre logique. Cet approfondissement se focalise sur les relations spatiales et sociales des « Maisons de l’atome »2 avec leur contexte. Ce document se veut indépendant du débat sur le nucléaire : il ne considère cette question que pour expliquer certains phénomènes sociaux et urbains. La centrale nucléaire sera étudiée de manière générique dans ce travail, hormis dans le cas spécifique de la centrale nucléaire d’Indian Point dans l’Etat de New York. Nous allons approfondir ce sujet selon le cycle de vie des centrales nucléaires avec l’hypothèse finale d’un potentiel de réutilisation de celles-ci. Pour approcher la question, cette recherche se divise en sept points et deux parties distinctes : 1. l’état actif de la centrale nucléaire 2. le processus de démantèlement et de reconversion La première partie explore l’équilibre qui se met en place entre la centrale nucléaire et l’environnement urbain. Quatre chapitres distincts sont développés : La « répulsion » comme condition sine qua non liée au danger radioactif pour l’environnement et l’être humain; ensuite la recherche se focalise plus particulièrement sur les centrales des Etats-Unis et sur la celle d’Indian Point en examinant premièrement la notion de « confinement » selon un principe d’objet isolé ; la « radia2

Faisant référence au titre “Les maisons de l’atome” écrit par l’architecte Claude Parent pour EDF publié en 1983 aux éditions du Moniteur, Paris.


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tion » pour analyser les liens matériel et immatériel de la centrale en dehors de la zone d’exclusion ; la « contamination » afin d’illustrer l’influence de la centrale sur son environnement. Dans la deuxième partie, nous explorerons dans le chapitre « neutralité » le démantèlement nucléaire comme une variable qui perturbe l’équilibre établi précédemment. Ce changement doit être pris en compte comme postulat d’un nouvel état de la centrale (friche industrielle), qui peut éventuellement donner lieu à une réaffectation du sol ou de la centrale même : ce sera le propos du chapitre « attraction ». Finalement, une prise de position et plusieurs scénarios pour le problème seront proposés et décrits dans le chapitre « manifeste ». L’un de ceux-ci fera l’objet d’une recherche plus approfondie lors du projet d’architecture.


/Documents Il est facile de remarquer que le sujet comporte des impasses au niveau documentaire. J’ai essuyé un refus généralisé d’accès aux plans ou à des informations, dû à des motifs de confidentialité et surtout de sécurité par peur des attentats. Cela est compréhensible et pourtant déconcertant par le fait que l’on s’adresse à des autorités publiques, voire privées dans le cas spécifique des Etats-Unis. Il y a aussi un certain tabou de la part de la population résidente qui ne veut ou ne peut pas exposer d’avis ou d’informations par peur des autorités locales ou de la pression collective. “ I do not talk about that, I am not the owner.” me dit un restaurateur lors de ma visite au village de Buchanan, près de la centrale nucléaire d’Indian Point dans le comté de Westchester (NY) ou encore “ I am not allowed to talk about the plant.” me répliquent la responsable municipale et la postière. Au delà de l’impossibilité d’obtenir certains documents, il faut souligner le fait que les sources et les intervenants ont tendance à toujours prendre parti. Il devient dès lors clair qu’il est difficile de divulguer un renseignement sans avoir un avis sur le nucléaire. Il en ressort une information façonnée à l’image que l’on a vis-à-vis du nucléaire. Dans certains cas, les acteurs ont tendance à divulguer uniquement les données qui sont les plus propices à la défense de leurs propos. Cela peut parfois conduire à des antinomies, même sur des faits empiriques. Les plans exploités dans cet énoncé et dans le futur projet d’architecture sont redessinés à partir d’accumulation de documents tels que des photos satellites, plans historique, images, photos et schémas. Les plans ne correspondent donc pas à la réalité mais sont indicatifs.



RĂŠpulsion


La « répulsion » est une répugnance physique ou morale à l’égard d’une chose ou d’un être que l’on repousse. La radioactivité peut engendrer des effets néfastes pour la santé et l’environnement. La radioactivité est synonyme de dissuasion. La centrale nucléaire est perçue comme un univers hostile à la vie car les réactions atomiques se dispersent sans que l’être humain en discerne le danger. La centrale nucléaire est par de là : « répulsive ». La ville s’en dissocie et s’en éloigne à l’image de deux polarités opposées.


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“ Les gens de la centrale vivent à côté de moi, les gardiens, comme on les appelle. Ils ont travaillé là toute leur vie. Et, à ce jour, ils continuent à prendre leur poste. Plusieurs d’entre eux ont des maladies terribles, sont invalides, mais ils n’abandonnent pas la centrale. Qui a besoin d’eux, aujourd’hui ? Et où ? Beaucoup meurent. Sur le coup. Un homme était assis sur un banc, et il est tombé. Un autre attendait l’autobus, dehors, et il est tombé. Ils meurent, mais véritablement interrogés sur ce que nous avons vécu… Les gens n’ont pas envie d’entendre parler de la mort. De l’horrible…” Svetlana Alexievitch, La supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse


Répulsion

/ Histoire Les historiens retracent la période d’après-guerre selon la dénomination de “L’ère atomique”. On ne peut pas analyser les centrales nucléaires sans comprendre la portée de l’atome en regard de notre société contemporaine. Le nucléaire n’est pas seulement une énergie en soi, mais elle a façonné et façonne toujours notre monde de manière ambivalente avec des effets pouvant être perçus aussi bien positivement que négativement. L’énergie atomique n’existe que depuis moins d’un siècle, et pourtant son histoire est particulièrement dense et importante : “Dans ce domaine, plus peut-être que dans d’autres domaines scientifiques, l’histoire pèse, et pèse lourd, sur les mentalités ” raconte Claude Allège. La majorité repère comme point de départ le projet Manhattan lancé en 1942 aux Etats-Unis, qui a permis la création de la première bombe atomique lachée sur Hiroshima et Nagasaki respectivement les 6 et 9 août 1945. Et pourtant, tout démarre vers la fin du XIXème siècle à Paris avec le professeur Henri Becquerel. Il débute par plusieurs expériences portant sur les rayons qu’il nomme X à cause de leur nature inconnue. C’est en fait le début de l’étude de la radioactivité et donc de la physique nucléaire. Dès lors, deux autres personnes interviennent dans ces recherches : ce sont Pierre et Marie Curie. Ils étudient ce phénomène conjointement sur différentes matières qu’ils nommeront «radioactivité». La radioactivité peut être naturelle ou artificielle, toute matière étant plus ou moins radioactive. Par la suite, la théorie de la relativité établie par Einstein en 1903 devient fondamentale pour le développement de l’énergie atomique. La célèbre formule E = mc2 prouve la relation entre la masse et l’énergie. Les réactions nucléaires sont donc déterminées par cette relation. On va faire disparaître de la masse (atome) afin de la transformer en énergie. L’autre découverte majeure, c’est la fission nucléaire développée par Enrico Fermi et Otto Hahn avant la seconde guerre mondiale dans le réacteur du stade de Chicago. La fission consiste à générer une réaction en chaîne par l’impact de neutrons sur des noyaux d’isotope. Une effervescence de cette technologie appliquée à des fins militaires apparaît durant la guerre froide. Lors de cette

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course aux armements, de multiples bombes nucléaires dont la bombe à Hydrogène la plus terrifiante “ Tsar”, sont fabriquées durant cette période. Celle-ci laisse encore plusieurs traces dans un territoire inexploré. De multiples artefacts tels que des signes d’explosions expérimentales, des bunkers, des abris ou encore des bases de missiles intercontinentaux se retrouvent dispersés dans des territoires arides. Aux Etats-Unis, ces lieux deviennent des paysages dominés par la peur d’une attaque nucléaire ou à l’opposé, le symbole d’une puissance militaire. Tom Vanderbilt souligne dans son livre « Survival City »,“At White Sands and the others artifacts, of the future found in the American desert, one sees in history a portent of how the future was going to be, and whether the visions were dystopic or Edenic, they summoned society’s ultimate faith in technology, as well as the more primitive desire, rewakened by the Cold War, to find strength in the violence and promise of the conquering of yet another frontier.” (Survival City, Tom Vanderbilt, p 47). L’utilisation pacifique de l’atome se développe quant à elle parallèlement aux applications militaires. Son emploi se trouve incontestablement rentable pour la production d’électricité. En 1951, un réacteur à neutrons rapides de 100kW produit pour la première fois de l’électricité pour quatre ampoules dans la centrale nucléaire d’Arco et marque le début d’une nouvelle ère. “ Générosités et calculs mêlés, enthousiasme généreux, utopie des visionnaires, tout concordait pour faire de la conférence de Genève « Atoms for peace » l’aube d’une ère nouvelle. ”(L’ère du nucléaire, Julien Leclercq, p.28), partage avec contentement Julien Leclercq. Par la suite, plusieurs crises pétrolières, comme le premier choc de 1973, sont les éléments déclencheurs pour l’essor de projets nucléaires civils. Divers pays industrialisés et en voie de développement s’engagent aussitôt dans la voie du nucléaire. La conquête de l’atome dans les années 60 à 80 est souvent synonyme de réussite et d’innovation, 2/3 des réacteurs actuellement en fonction étant édifiés avant 1980. La compétitivité avec les autres industries énergétiques permet la croissance rapide de cette technologie afin de maximiser le rendement, car c’est notoire : le prix de construction d’une centrale nucléaire se compte en milliards de dollars. Malgré l’avancée technologique de l’Homme sur la nature et la faible probabilité d’accidents selon les méthodes de probabilités mathématiques, trois accidents majeurs sont


Répulsion

survienus dans les centrales nucléaires. L’explosion nucléaire dans une centrale est en soi une impossibilité physique, toutefois le relâchement du combustible ou d’éléments radioactifs vers l’extérieur comporte un risque potentiel pour la population et l’environnement. L’accident en 1979 du réacteur de Three Mile Island, à 15 km de Harrisbourg dans l’état de Pennsylvanie, n’a eu aucune conséquence environnementale directe grâce à la protection du confinement autour du réacteur. Et pourtant, les impacts indirects de cet incident ont été multiples, surtout au niveau psychologique. La psychose d’une catastrophe nucléaire s’est propagée par manque d’information partagée avec la population. La centrale a été nettoyée et ne sera vraisemblablement pas réutilisée dans un futur proche. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 a eu quant à elle des conséquences dramatiques, particulièrement à cause de l’absence d’enceinte de protection. “Deux catastrophes ont coïncidé : l’une sociale – sous nos yeux, un immense continent socialiste a fait naufrage ; l’autre cosmique – Tchernobyl. Deux explosions totales. Mais la première est plus proche, plus compréhensible. Les gens sont préoccupés par le quotidien : où trouver l’argent pour vivre ? Où aller ? Que croire ? Sous quelle bannière se ranger ? Chacun vit cela. Mais tous voudraient oublier Tchernobyl. Au début, on espérait le vaincre, mais, comprenant la vanité de ces tentatives, on se tut. Il est difficile de se protéger de quelque chose que nous ne connaissons pas. Que l’humanité ne connaît pas. Tchernobyl nous a transposé d’une époque dans une autre.” (La supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, Svetlana Alexievitch, p.32). L’impact écologique, économique, politique et humain est considérable. Plus de 250’000 personnes ont été déplacées de leur lieu de résidence. Une trentaine de personnes ont perdu la vie à cause d’irradiations aigües, sans compter le nombre inestimable de personnes mortes par suite de cancer quelques années plus tard. Une trentaine de kilomètres autour de la centrale s’est transformée en zone d’exclusion dont le verdict est un éternel « no man’s land »3. Plus récemment, le 11 mars 2011, l’accident de Fukushima Dai-ichi, suite à un tremblement de terre de magnitude 9 et à un tsunami, ont fait renaître des peurs 3 Les scientifiques estiment théoriquement à 48’000 ans, le temps nécessaire pour que toutes les substances radioactives deviennent inoffensives.

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1939 Otto Hahn et Fritz Strassman fissure des atomes d’Uranium: la fission nucléaire est née

1896 Wilhelm Roentgen découvre par hasard des rayons inconnus qu’il nomme “rayon X” 1896 Henri Bequerel découvre la radioactivité grâce à ses expériences sur l’uranium 1903 Henri Bequerel et Pierre et Marie Curie reçoivent le prix Nobel pour leur découverte de la radioactivité naturelle

1941 Projet secret Manhattan lancé aux U.S.A par le président Roosvelt

1919 Première réaction nucléaire artificiele par Rutherford

1942 Première réaction nucléaire en chaîne controllée par Enrico Fermi

1945 Explosio la première bom atomique à Alomogordo, Nouveau-Méxiq

1905 Albert Einstein publie la théorie de la relativité restreinte: E = mc2

1890

1900

1910

1949 explose bombe

1945 Explosio “little boy” et “Fa Man” sur Hiroshima et Nagasaki

1920

1930

1940

1950

1947 Pr réacteur a construit Royaume

1946 loi de l atomique afin d’orienter les recherches nu au niveau pac

1943 Constructio du premier réacteu de Hanford, Washington pour une bombe


/19 1982 Strategic Arms Reduction Talks (START) commence à Genève

U.R.S.S fait er sa première e nucléaire

1989 Fin de la Guerre froide par la destruction du mur de Berlin

1954 U.S.S Navy lance son premier 1962 Crise des missiles Cubains, la sous-marin à propulsion nucléaire tension d’une guerre nucléaire probable rejoint son pic

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on de mbe

1959 Premier missile balistique intercontinentale déployé par les U.S.A.

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on de at

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1960 1957 Un incendie détruit le noyau du réacteur nucléaire de la centrale de Windscale au Royaume-Uni 1954 La centrale atomique est la première qui se connecte sur le réseau éléctrique de Obinsk, U.R.S.S. 1951 Première centrale atomique entre en service dans la ville d’Arco aux U.S.A.

remier atomique au e-Uni

l’énérgie n

ucléaire cifique

on ur

1956 Première centrale nucléaire commerciale à Calder hall (50 MW), Sellafield aux Royaume-Uni

1991 Le président Bush et le président Gorbatchev signent la supression de 50% des ogives nucléaires

1970 Traité de la non profilération entre en vigueur

1970

2005 L’Iran reprend ses activités nucléaires

1995 Le président Clinton annonce l’interdiction totale des essais nucléaires sur sol américain

1980

1990

2000

1973 La crise pétrolière amplifie la construction de centrales en France et Japon 1975-1979 Les activistes Anti-nucléaire se rassemblent particulièrement aux U.S.A., France, Allemagne 1970 La puissance mondiale en Energie nucléaire passe de 1 GW à 100 GW en 10 ans 1969 Fusion d’éléments combustibles des réacteurs de la centrale nucléaire de St-Laurent en France

1986 Accident majeur par effondrement du réacteur nucléaire de Tchernobyl en Union soviétique, des particules radioactives se propagent sur toute l’Europe

1979 Accident par fusion partielle du coeur du réacteur de Three Mile Island en Pennsylavanie

2012

2011 Accident majeur de la centrale de Fukushima au Japon suite à un Tsunami, un rayon de 30 km est évacué

2000 Le dernier des réacteurs de la centrale de Tchernobyl est arrêté 2011 L’ Allemagne et la Suisse arrêteront toutes les centrales nucléaires d’ici 2025. L’italie refuse par référendum la construction de centrale nucléaire


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oubliées. Le choc du tsunami a affaibli le système de refroidissement des réacteurs, ce qui a eu pour effet la fusion de ceux-ci. La population dans une zone de 20 à 30 km a été évacuée. Les conséquences pourront correctement être évaluées avec plus de recul dans les prochaines années. Depuis ces évènements, un nouveau climat d’inquiétude et de répulsion envers l’énergie nucléaire s’est établi sous plusieurs formes.


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/ Controverses Le débat sur le nucléaire est d’actualité, et risque de l’être encore dans les prochaines années. Il faut en tenir compte pour comprendre la complexité globale du nucléaire et l’éventuelle possibilité de réutiliser ces installations. Il n’y a sans aucun doute jamais eu autant de controverses dans aucun autre secteur énergétique. Deux camps s’attaquent sans répits dans des altercations sans fin. “Nucléocrates” et “anti-nucléaire” s’opposent sur les avantages et les risques du nucléaire civil afin d’expliquer que le jeu en vaut la chandelle ou non. Les arguments proclamés par les défenseurs du nucléaire sont principalement les suivants : > Le nucléaire permet de se détacher des combustibles fossiles et produit de l’électricité meilleur marché dans une société de plus en plus gourmande en énergie. > Le rejet de CO2 est moindre par rapport à d’autres moyens de produire de l’électricité, elle est donc plus écologique. > Toute activité industrielle est sujette à des risques. Le nucléaire est sans doute un des domaines les plus règlementés au monde. > La catastrophe de Tchernobyl ne peut pas se reproduire dans les centrales nucléaires modernes par le confinement du combustible nucléaire. Fukushima représente une exception. > Le nucléaire civil permet la croissance économique d’une région et politique d’un pays. > La recherche dans le nucléaire a permis d’augmenter le rendement et de réduire les déchets. Les anti-nucléaires critiquent, eux, ce raisonnement et plaident les points ci-dessous : > L’énergie nucléaire est dangereuse. Les conséquences d’un accident sont catastrophiques d’un point de vue écologique et humain. > Le nucléaire n’est pas à l’abri d’actes terroristes. > Les accidents graves ne semblent pas être prévisibles et surviennent plus souvent que les calculs de probabilité ne le prédisent. Le risque zéro n’existe pas. Tchernobyl et Fukushima en sont les exemples. > Il y a un profond manque de transparence de la part

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des industries et de l’autorité, ce qui réduit le débat public. > Les déchets nucléaires sont radioactifs et doivent en conséquence être stockés dans des sites appropriés et transmis aux générations futures pendant des milliers d’années. > Le développement du nucléaire civil peut accroître le risque de prolifération, certaines centrales pouvant être utilisées pour des armements nucléaires. > Le démantèlement d’une infrastructure nucléaire n’est pas suffisamment pris en compte dans le cycle des infrastructures nucléaires, aussi bien d’un point de vue environnemental qu’économique. Sur ce dernier point, les centrales nucléaires semblent critiquables et critiquées aussi par Michele Laraia responsable de l’unité de démantèlement de la section des déchets technologique de l’IAEA (International Atomic Energy Agency). En effet, le démantèlement est considéré comme une fin, donc négligé, au lieu d’être perçu comme un point de départ.


Répulsion

/ Perspectives Suite à l’accident de Tchernobyl, la construction de centrales nucléaires connaît un fort ralentissement. De nombreux projets tombent « à l’eau » par manque de moyens financiers ou par opposition des populations locales. Pourtant, une « renaissance » du nucléaire se profile déjà le long des côtes des pays émergents tels que la Chine ou l’Inde. En 2010, on a annoncé la construction de 400 nouveaux réacteurs dans le monde d’ici 2030. Néanmoins, il est fort à parier que cette expansion va être considérablement ralentie par l’ « effet » Fukushima, et ce malgré l’augmentation du besoin en électricité de ces pays. Cette croissance des installations nucléaire est déterminée par le lieu géographique. On constate une stagnation des installations nucléaires dans les pays développés. Et depuis les évènements de Fukushima, une régression du nucléaire, principalement en Europe, se produit dans différents pays. Le nucléaire devient une des principales préoccupations politiques du vieux continent. L’Allemagne décide la première de l’abandon du nucléaire, soit 17 réacteurs, au profit de ressources renouvelables d’ici 2022, suivie de près par la Suisse avec la fermeture de ses 5 réacteurs d’ici 2034. L’Italie, quant à elle, refuse par référendum la réouverture d’un programme de construction de centrales nucléaires. L’atome se retrouve fragilisé sauf en France et aux Etats-Unis, qui tiennent dur comme fer à maintenir leurs installations respectives. Fukushima va probablement induire de nouvelles normes de sécurité et surtout faire ressurgir à nouveau les craintes que l’ont avait enterrées. De plus, l’évolution progressive de l’utilisation des énergies renouvelables dans les pays industrialisés tend à réorienter le programme énergétique. L’avancée technologique de ces dernières années a fait par exemple bondir l’utilisation des éoliennes de 6,1 GW en 1996 à 194.4 GW en 2010. La compétitivité avec ces formes de production d’énergie risque d’être plus rude dans les prochaines années si le projet de fusion nucléaire du projet (réacteur ITER) se réduit à un échec.

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centrale nuclĂŠaire

o

4000 km


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Source: Agence Internationale de l’Enérgie Atomique (AIEA)


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pays sans centrale nuclĂŠaire pays avec centrales nuclĂŠaires

o

4000 km


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18

19

8

104

2

2

2

Source: Agence Internationale de l’Enérgie Atomique (AIEA)

1 7 1 58 5


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32

4 10

17 6 4 1 4 2 2

1 13 2

51 21

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2

quantité de réacteurs en construction quantité de réacteurs construits

o

4000 km


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Source: Agence Internationale de l’Enérgie Atomique (AIEA),Power Reactor Information System (PRIS), NASA Socioeconomic Data


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population dans un rayon de 30 km des centrales nuclĂŠaires actives population dans un rayon de 75 km des centrales nuclĂŠaires actives o

4000 km


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Le nucléaire et la ville - Chapitre I

Dépendance des principaux pays envers l’énergie nucléaire

part de l’énérgie éléctrique en provenance de source nucléaire (%) Source: Reference data series no2, «Nuclear power reactor in the world, IAEA (International Atomic Energy Agency, 2011

Un autre facteur décisif pour les installations nucléaires va être l’évaluation de la vétusté et de la sûreté des centrales construites dans les années 1960 à 1980. L’âge moyen des réacteurs qui sont actuellement en fonction est de 25 ans. Sachant que la durée de vie d’un réacteur est d’une trentaine d’années pour les réacteurs de première génération, cette décennie va être décisive pour l’arrêt de certains d’entre eux. De plus, la suburbanisation notoire développée ces dernières décennies engendre une proximité manifeste de la population avec certaines centrales. Ces faits mettent en péril leur présence. Une grande question se pose alors : Que faire d’une installation qui, au jour d’aujourd’hui, est considérée comme néfaste ? Les prochains chapitres soulèveront certains points essentiels pour répondre à cette question, particulièrement dans le contexte américain.


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1/Le site de Hanford dans les années 60 (projet Manhattan)

2/Composante et esthétique d’un réacteur nucléaire


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3/Première production électrique grâce à l’énergie nucléaire le 20 décembre1951 à Idaho


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4/Décontamination de Three Mile Island

5/Protestation anti-nucléaire à New York en 1963


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6/La zone d’exclusion aux environs de Tchernobyl

7/Aire traversée au moins deux nuages nucléaires pendant les essais nucléaire des U.S.A de 1958-1962


8/Bombhead, Bruce Corner, 1989/2002



Confinement


Le « confinement » est un dispositif destiné à empêcher ou limiter la dispersion. Le confinement force un objet, une activité ou une personne à rester dans un espace délimité. La centrale nucléaire s’abrite sous de multiples couches de « confinement », sous forme matérielle et immatérielle. Elle s’isole du monde dans un espace restreint dans le but de se développer, s’agencer et se composer selon sa propre logique. Ses limites établissent le seul lien physique avec l’extérieur.


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

“Ce qui devait être parc aménagé est devenu esplanade dégagée, ce qui devait être ligne symbolique de changement d’activités est devenu triple enceinte. Il faudra longtemps pour revenir sur ces inquiétudes nées d’une agression et pour abolir le no mans land militaire qui s’est installé entre la campagne et la centrale.” Claude Parent, L’architecture et le nucléaire


Confinement

/ Politique La politique a toujours été un support institutionnel pour l’énergie nucléaire. Ceci est particulièrement le cas aux Etats-Unis qui, souvent pour les démocrates et toujours pour les républicains, soutiennent l’industrie nucléaire. Le nucléaire civil est un programme national, et ce principalement à cause des litiges militaires: “During my 8 years in the White House, every nuclear weapons proliferation issue we dealt with was connected to a nuclear reactor program.”(Al Gore, NYU Law, 18 septembre 2006). Le nucléaire a également une implication directe dans le développement technologique du pays. Au niveau industriel, le nucléaire est un produit commercial primordial dans l’ensemble des Etats-Unis. Il est exploité par des sociétés privées ou semi-publiques telles que Exelon Generation, Entergy nuclear operations, Duke Energy Power Company, etc… La US NRC (United-States Nuclear Regulatory Commission) contrôle et règlemente ces installations. A priori, tous ces acteurs sont reliés et dépendent l’un de l’autre par des intérêts économiques ou politiques. Ces rapports ont pour effet de constituer un monde politique cadenassé afin d’isoler, protéger, voire cacher des informations et décisions: “Un tel univers est, par vocation, saturé d’enjeux politiques et il paraît bien difficile d’échapper à la tendance générale qui consiste à réduire tout événement à un rapport de forces entre quelques « macro-acteurs » prédéfinis. Ainsi, la plupart des commentateurs critiques font valoir les relations d’interdépendance entre tous les organismes et entreprises ainsi que l’importance des effets de corps dans le « verrouillage du secteur ».”(Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Francis Chateauraynaud et Didier Torny, p.198). Cette interdépendance de chaque maillon de la chaine de décision se traduit aussi dans l’espace public comme le soulignent encore Francis Chateauraynaud et Didier Torny : “[…] il faut bien constater que les discours critiques réitèrent un même type d’interprétation : quelle que soit la face sous laquelle il se montre dans l’espace public, il y a un « lobby du nucléaire » et rien de ce qui est entrepris, aucun événement significatif, aucun dossier ne semble échapper à son emprise. Loin de l’atténuer, la multiplication des écrans de

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Columbia

Diablo Canyon

San Onofre Palo Verde

Com

Source: Nuclear Regulatory Comission; U.S. Census Bureau


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Kewaunee Point Beach

Prairies Island

Fort Calhoon

Pallisades Cook Duan ArnoldByron Quad CitiesDresden LaSalle Braidwood

Perry Fermi Davis-Besse Beaver Valley

Clinton

Cooper

Seabrook VermontYankee Pilgrim

FitzPatrick Nine Mile Point Ginna

Monticello

Millstone Indian Point Susquehanna Three Mile Island Oyster Creek Limerick Peach Bottom Hope Creek Salem Calvert Cliffs North Anna Surry

Calaway Wolf Creek

Arkansas Nuclear One

Schearon Harris McGuire Watts Bar Catawba Sequoyah Oconee Robinson Brunswick Summer Browns Ferry Vogtle Hatch

manche creek

Grand Gulf

Farley

River Bend Waterford

Christal River Saint Lucie

South Texas Turkey Point

centrale nuclĂŠaire en fonction o

500 km


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

communication renforce, pour certains, la thèse d’un pouvoir occulte exercé par une poignée de « technocrates ».” (Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Francis Chateauraynaud et Didier Torny, p.198) Ce pouvoir résulte d’une mise à l’écart de l’industrie nucléaire pour la population, la clôture des centrales nucléaire en étant le symbole matériel de confinement le plus significatif.


Confinement

/ Lieu d’exclusion La centrale nucléaire redéfinit un lieu géographique. Celui-ci est toujours un site naturel, peu ou pas construit. Généralement, pour des raisons techniques (refroidissement du réacteur par eau), il se situe en bordure de rivière ou sur le littoral. Ces emplacements sont sensibles car ils sont fréquemment en pleine nature et bénéficient d’un écosystème particulier. Toutefois la centrale se retire parfois dans des zones plus reculées, désertes et sans vie. Ce lieu tente de s’écarter au maximum de la ville. Par opposition, il veut s’en rapprocher pour des raisons économiques (perte de transmission énergétique proportionnelle à la distance, transport, lieu de travail). Le lieu final est une résultante de l’équation des ces variables. De ce fait, ce lieu se retrouve bien souvent dans la périphérie de la ville, dans cet entre-deux que Thomas Sievert nomme « Zwischenstadt ».4 La valeur d’un lieu, négative ou positive, est liée à sa création et à son identité initiale. La centrale s’approprie ce lieu et en fait partie sur un laps de temps indéfini. Elle crée un nouveau paysage par remblais et déblais par exemple. Elle cherche au lointain une symbiose ou un contraste avec l’organisation du paysage. Le lieu de la centrale nucléaire ne se limite pas à son empreinte bâtie mais affecte ses environs. Elle transforme, modifie et structure l’espace à son gré. Par ce biais, elle se propose comme un référentiel absolu de l’endroit. Cet espace nucléaire peut influencer le monde matériel telles que le bâti et l’espace public, mais aussi le monde immatériel tels que les décisions stratégiques d’évacuation ou encore de planification urbaine. Cette industrie fait réagir le contexte dans lequel elle se trouve jusqu’à établir une stabilité durable. L’espace propre à la centrale nucléaire est aussi par définition un lieu de danger, un espace où les échanges sociaux deviennent impossibles dû à l’activité radioactive. La centrale est considérée comme un environnement à risque. Le problème principal est que ce risque n’est pas intelligible. Dès lors, la centrale génère de multiples couches protectrices 4

Terme employé par Thomas Sieverts pour décrire la périphérie des villes et considéré comme intraduisible, voir Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, 2004

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

servant à confiner la radioactivité. La clôture, quant à elle, se présente seulement comme une forme symbolique à l’origine. Depuis le premier attentat à la centrale de Fessenheim en 1973, on a instauré un périmètre de sécurité délimité par une triple enceinte et des barbelés autour de la centrale nucléaire. La centrale modifie les relations sociales du lieu en les plaçant sur un rapport de domination, la sécurité ayant la suprématie sur la collectivité. Par conséquent, cet espace se trouve à l’opposé de l’espace carcéral : il ne cherche plus à inclure des hommes dans un secteur mais plutôt à les exclure. Ce lieu nucléaire devient dès lors un lieu d’exclusion, il est effacé de la carte. Marc Augé observe qu’une des conséquences de la « Surmodernité », de la consommation spatiale effrénée, est la création de ce qu’il définit comme des« non-lieux » : “ Elle aboutit concrètement à des modifications physiques considérables : concentrations urbaines, transfert de populations et multiplications de ce que nous appellerons « non-lieux », par opposition à la notion sociologique de lieu, associée par Maus et toute tradition ethnologique à celle de culture localisée dans le temps et l’espace. Les non-lieux, ce sont aussi bien les installations nécessaire à la circulation accélérée des personnes et des biens (voies rapides, échangeurs, aéroports) que les moyens de transport euxmêmes ou les grands centres commerciaux, ou encore les camps de transit prolongé où parquent les réfugiés de la planète.”(Nonlieux : Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Marc Augé, p.48). “Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. […] Le lieu et le non-lieu sont plutôt des polarités fuyantes : le premier n’est jamais complètement effacé et le second ne s’accomplit jamais totalement – palimpsestes où se réinscrit sans cesse le jeu brouillé de l’identité et de la relation.” (Ibid., p.100-101). Pour aller plus loin, l’hypothèse proposée suppose que la ville de la« Surmodernité » entraîne aussi la création de lieux d’exclusion. Ici, que l’homme agisse seul ou en collectivité, il n’est pas le bienvenu. Ce lieu n’a pas besoin de lui pour subsister ; il s’agit des bunkers, des abris atomiques, des bases militaires, des usines chimiques, des sites stratégiques ou secrets, des zones d’exclusions suite à des incidents nucléaires comme Tchernobyl, des centrales nucléaires, voire des frontières entre les pays. Ces lieux sont bannis de notre mémoire, désormais ils évoquent le néant.


Confinement

/ Inventaire et typologie des centrales Les Etats-Unis sont les détenteurs du premier parc nucléaire au monde avec 104 réacteurs nucléaires produisant pas moins de 807 TWh (19.6% de l’énergie électrique totale aux U.S.A.)5. Il y a 65 sites nucléaires qui sont localisés essentiellement sur la côte Est et près des régions urbanisées. Ce chapitre propose un catalogue et un classement typologique des centrales nucléaires aux Etats-Unis selon leur considération urbaine et composition architectonique. L’inventaire et le classement s’agencent sur deux échelles : l’une territoriale et l’autre sur la masse construite. Par la suite nous essayerons de les arranger, trier et classer dans plusieurs typologies. Une centrale n’est pas seulement un objet technologique, elle articule et modifie un territoire. On ne peut pas comprendre les centrales nucléaires sans étudier leur organisation spatiale. Habituellement, le classement des centrales se fait scientifiquement selon plusieurs critères : par réaction nucléaire, par type de matériaux de modérateur, par type de refroidissant ou encore par génération de réacteurs. Au EtatsUnis, il y a 69 réacteurs à eau pressurisée (PWR – Pression Water Reactor) et 35 à eau bouillante (BWR – Boiling Water Reactor). Types de réacteurs dans le monde

Type de réacteurs

Nombre de réacteurs / Puissance électrique Net (GW)

nombre de réacteurs construits puissance net (GW)

Source: Reference data series no2, «Nuclear power reactor in the world, IAEA (International Atomic Energy Agency, 2011

5

Nuclear reactors in the world, IAEA, Vienna, 2011

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0

500

Arkansas Nuclear One/Russellville, Arkansas

0

500

Beaver Valley Nuclear Power Station/ Shippingport, Pennsylvania



0

500

Braidwood Generating Station /Will County, Illinois

0

500

Browns Ferry Nuclear Power Plant/Limestone County, Alabama



0

500

Brunswick Nuclear Power Station Southport, North Carolina

0

500

Byron Generating Station, Ogle County, Illinois



0

500

Callaway Nuclear Power Station/Reform, Missouri

0

500

Calvert Cliffs Nuclear Power Station/Lusby, Maryland



0

500

Catawba Nuclear Power Station/Rock Hill, South Carolina

0

500

Clinton Power Station/Dewitt County, Illinois



0

500

Cooper Nuclear Power Station/Brownville, Nebraska

0

500

Crystal River Nuclear Power Plant/Crystal River, Florida



0

500

Davis-Besse Nuclear Power Plant/Ottawa County, Ohio

0

500

Diablo Canyon Nuclear Power Station/San Luis Obispo County, California



0

500

Indian Point Nuclear Generating Station Buchanan, New York

0

500

Palo Verde Nuclear Power Station/Maricopa County, Arizona



0

500

Turkey Point Nuclear Power Plant/Florida City, Dade County, Florida

0

500

Vermont Yankee Nuclear Power Station/Vernon, Vermont



0

500

Vogtle Nuclear Power Station/Waynesboro, Georgia

0

500

Waterford 3 Steam Electric Station/Killona, Louisiana



0

500

Watts Bar Nuclear Power Station/Spring City, Tennessee

0

500

Wolf Creek Generating Station/Burlington, Kansas


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

La configuration du réacteur modifie en conséquence la disposition des centrales. Pourtant ce n’est pas le seul facteur décisif de l’agencement interne des centrales nucléaires. Claude Parent, dans son Livre « les Maison de l’atome » préconise l’étude des masses pour comprendre les relations internes et externes avec leur environnement. Aux U.S.A, les arrangements des centrales nucléaires sont le résultat de la rationalité, de l’intuition et du hasard de la part des ingénieurs. Nous pouvons classer les centrales nucléaires selon 5 systèmes pour la composition des masses: > Système Compact (unitaire, monolithique) > Système Agrégatif (évolutif, assemblage, collage, agglutination, pittoresque, addition, informalité, asymétrie) > Système Répétitif (linéaire, économie, utilité) > Système Symétrique (monument, distribution, diposition à enfilade probable, hiérarchie et intelligibilité) > Système radial (géométrique, concentrique) Bien sûr, il y a aussi des compositions hybrides des différentes typologie, chaque système étant relié à certains facteurs de décision de la part des différents acteurs (ingénieur, maître d’ouvrage, commune, NRC, etc.)


Confinement

/ Architecture Y-a-t il une architecture liée au nucléaire ? C’est la question qui a été posée lors du « boom » nucléaire des années 70 à Claude Parent6, qui est un des premiers architectes à être impliqué dans la démonstration d’une architecture appliquée aux centrales nucléaires. Il expose, dès lors, une vision personnelle de ce que pourrait être l’architecture du nucléaire, qui se concrétisera plus tard notamment par la construction du site de Cattenom près de Lyon. Toutefois, il faut souligner que les constructions de centrales nucléaires dans le monde, qui incluent des architectes dans l’équipe de projet, sont exceptionnelles. Les ingénieurs ont donc bel et bien la lourde responsabilité des installations nucléaires. De ce fait, la compréhension d’une architecture vernaculaire industrielle, propre à cette industrie nucléaire, est cruciale. L’esthétique d’une architecture nucléaire produite anonymement subsiste dans les centrales, et, comme le dit Julien Leclercq, elle est bien plus éloquente que ce que l’on pourrait croire : “ Il serait excessif de prétendre que les préoccupations d’esthétique l’emportent sur les nécessité du fonctionnel. Dans l’architecture de notre temps, les centrales nucléaires ont pourtant leur place ; plus encore, à mon avis, elles marquent ce siècle. ” (L’ère du nucléaire, Julien Leclercq, p.181). L’architecture nucléaire se caractérise en premier lieu par sa fonction qui induit une certaine esthétique. Le tout étant le résultat le plus pur et efficace du rapport contenant-contenu. A ce propos, on peut citer Louis Sullivan qui prônait l’attitude moderniste à atteindre: ”It is the pervading law of all things organic and inorganic, of all things physical and metaphysical, of all things human and all things superhuman, of all true manifestations of the head, of the heart, of the soul, That the life is recognizable in its expression, that form ever follows function. This is the law.” (The tall office building artistically considered, Lippincott’s magazine 57, p.403-409 Louis H.Sullivan, 1986). La forme suivant la 6

Claude Parent est un architecte français reconnu qui a travaillé pendant plus de 15 ans avec EDF pour différentes centrales nucléaires. Il a publié principalement deux livres sur la question « L’architecture et le nucléaire » et « Les maisons de l’atome ». Il a obtenu le grand prix national d’arichitecture en 1979 et a notamment théorisé l’architecture oblique avec Paul Virilio .

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

fonction, selon Louis Sullivan, peut être applicable dans le cas présent de la centrale nucléaire. Chaque volume se rationalise en conséquence. Le parallélépipède devient l’élément de base de la composition par ses caractéristiques primaires et sa facilité d’exécution. Il ordonne et hiérarchise couramment les espaces primaires et secondaires, tels que les salles des machines ou les volumes annexés. Le réacteur, quant à lui, est l’élément le plus sculptural de la centrale, l’apparition d’un dôme hémisphérique en représente le symbole. Sa forme circulaire est le résultat de la disposition des réactions nucléaires se passant à l’intérieur. La coupole est pensée pour une logique de maximisation de l’espace ,évitant toutes structures porteuses en son centre sur une distance variant de 15 à 30 m. La coupole du Panthéon à Rome en est l’exemple architectural parfait. Dans certains cas, le réacteur se présente comme une sphère, utopie réelle de la forme parfaite, symbole du pouvoir absolu sur la matière. Ainsi chaque volume s’obtient suivant les calculs les plus aboutis des ingénieurs. “ Ne poursuivant pas une idée architecturale, mais simplement guidés par les effets du calcul (dérivés des principes qui gèrent notre univers) et la conception d’un organe viable, les ingénieurs d’aujourd’hui font emploi des éléments primaires et, les coordonnant suivant les règles, provoquant en nous des émotions architecturales, faisant ainsi résonner l’œuvre humaine avec l’ordre universel. Voici des silos et des usines américaines, magnifiques prémices du nouveau temps. Les ingénieurs américains écrasent de leurs calculs l’architecture agonisante.” (Le Corbusier, Vers une architecture, Crès et Cie, p.20) écrit Le Corbusier dans “Vers une Architecture ”. L’organisation des centrales atomiques se fait par juxtaposition ou intégration de ces masses selon plusieurs systèmes cités précédemment dans « inventaire et typologies des centrales ». Le résultat est le plus souvent une composition intuitive de ces masses, ce qui provoque la diversification des dispositifs nucléaires. En outre, la mutation dans le temps des centrales selon le progrès technologique déteint en proportion sur sa forme. L’agencement de ses blocs suit la rationalité, l’utilité et l’économie la plus totale, les volumes n’étant qu’une simple extrusion du plan. L’étagement en coupe de ces parties, en est l’indicateur le plus clair et significatif. Chaque lien entre les objets révèle le parcours le plus judicieux pour produire de l’énergie, et son architecture en permet l’expression. “ La centrale nucléaire est à l’avant-garde des nouvelles sources de pro-


Confinement

duction d’énergie. A ce titre, elle est dans l’esprit des hommes, un événement encore mal connu, toujours exceptionnel et souvent inquiétant. Son architecture doit aider à comprendre l’importance de ce phénomène et permettre d’en apprécier le caractère” (Alexandra Cot dans l’Architecture et le nucléaire, Claude Parent, p.78) On peut subdiviser l’îlot nucléaire en trois éléments essentiels : Le réacteur nucléaire, la salle des machines et un ensemble composite de l’îlot nucléaire. Le réacteur nucléaire s’impose comme l’élément central de l’îlot nucléaire. La salle des machines n’est pas négligeable, de par son expression monumentale. L’ensemble composite est l’élément plus libre. Par la suite, des systèmes de refroidissement s’ajoutent si nécessaire aux centrales. Il y a principalement deux systèmes : les réfrigérants à tirage induit et les réfrigérants à tirage naturel. Chacun de ces éléments s’assemble, agit et interagit avec le tout, le réfrigérant devenant extrêmement important dans le dévoilement des masses construites. Par ses proportions monumentales, la relation centrale-site est fondamentale. La centrale redessine un paysage, et devient un point de référence dans sa perception. Les talus peuvent en exprimer le contraste ou servent à camoufler l’objet d’un coté comme à l’amplifier de l’autre. Cette relation entre paysage et centrale nucléaire peut être fondamentale dans la décision volumétrique. On cherche habituellement, suivant les sites, à l’intégrer au contexte paysager. Claude Parent cite comme référence Frank Lloyd Wright qui affirme : “ Il faudrait parvenir à ce que chaque maison fasse partie intégrante du paysage où elle est située et dont elle devrait refléter l’harmonie. Si l’effort de l’architecte est couronné de succès, il est impossible d’imaginer cette maison ailleurs qu’à l’endroit où elle se trouve. Elle devient un élément même du paysage ; elle ajoute à sa beauté au lieu de l’amoindrir.” (L’architecture et le nucléaire, Claude Parents, p.18). Selon Claude Parent, l’objet doit se soumettre au site ou affirmer sa présence au risque d’une cassure psychologique pour les habitants. De manière générale, la centrale essaie de dissimuler sa présence. On peut distinguer trois attitudes architecturales par rapport à la distance avec laquelle elle se dévoile : Architecture bâtiment-enseigne /Architecture d’exclusion /Architecture domestique. Il y a concrètement trois échelles : l’échelle territoriale, l’échelle locale, l’échelle humaine. A l’échelle

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

territoriale, la centrale se pose en tant qu’élément fédérateur du paysage. Elle découpe le paysage éloigné. Elle se distingue en tant que « symbole », devient un bâtiment-enseigne à la Venturi. A l’échelle locale, la centrale s’exprime selon une idéologie d’exclusion et de sécurité par des clôtures, des murs, des tours de gardes, des accès sécurisés ou encore des talus végétalisés, interdisant l’interaction directe avec les profanes. Son architecture se présente sous une expression massive et brutale. Finalement, à l’échelle humaine, l’architecture se retrouve « domestiquée », notamment pour les bâtiments annexes. Ce sont les bureaux, magasins, garages, infirmeries, restaurants, etc. L’architecture s’exprime dans l’usage et dans une ambiance technologique. Au niveau de la matérialité, on remarque une attitude brutaliste pour exprimer les matériaux. La tendance au béton permet une représentation de la sécurité. Il est souvent utilisé pour ses propriétés matérielles pour les réacteurs et les locaux rattachés. Pour le reste des bâtiments, ils sont majoritairement de nature composite : ossature et remplissage. L’ossature est en acier tandis que le remplissage ou bardage peut être en briques, en tôle ou béton préfabriqué. L’expression brute de la structure et de la juxtaposition des matériaux amplifie le climat industriel du lieu. J’introduirai un autre aspect qui me semble essentiel pour concevoir l’atmosphère d’une centrale nucléaire : l’esthétique technologique. Celle-ci s’apparente à tout un ensemble concret d’éléments statiques tels que des faisceaux de tubes, des échafaudages, des conduits de ventilation, des valves, des turbines, des transformateurs électriques, des réseaux électroniques, etc… Ces éléments combinés évoquent les “ornements” primordiaux de l’architecture du nucléaire. Ils sont le décor représentatif de la réaction nucléaire. Ils deviennent la seule présence vivante dans les espaces radioactifs. Ils sont l’essence même du bâtiment. La centrale nucléaire vit, s’anime et parle grâce à ces derniers. L’architecture vernaculaire nucléaire ne s’arrête pas au bâtiment. Elle devient, comme pour la plupart des industries du 20ème siècle, une source d’inspiration pour différents courants architecturaux. On l’exporte, la transforme, la dissèque. “L’architecture du Mouvement Moderne, pendant ses premières décennies et à travers nombre de ses maîtres, a développé un vocabulaire de formes basé sur divers modèles industriels dont les conventions et les proportions n’étaient pas moins


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explicites que les ordres classiques de la Renaissance. Ce que fit Mies avec ces bâtiments linéaires dans les années 1940, Le Corbusier l’avait fait avec la forme des silos à grain dans les années 1920 et Gropius avec le Bauhaus dans les années 1930 en imitant sa propre usine, le Faguswerk de 1911. Leurs bâtiments, semblables à des usines, étaient plus qu’ « influencés » par les structures industrielles vernaculaires du passé alors récent au sens où les historiens ont décrit les influences parmi les artistes et les mouvements. ” (Learning from Las Vegas, Robert Venturi, Denise Scott Brown, Steven Izenour, p.142-143). Le Corbusier est le premier qui s’en inspire pour le palais des assemblées de Chandigarh en 1951. Le volume hyperbolique d’une cheminée de refroidissement est inséré dans un parallélépipède rectangle pour former la salle des congrès. Le Corbusier modifie cet objet à son gré. Il l’étire pour des raisons utilitaires et le tronque pour l’apport solaire. Le Corbusier imite aussi la membrane d’un point de vue constructif afin de réduire au maximum la paroi de la salle. Un deuxième exemple encore plus représentatif est le dernier projet et surtout dernier combat du Corbusier, achevé en 2006. C’est l’église Saint-Pierre de Firminy dans la Loire en France qui débuta en 1970, 5 ans après sa mort. Le Corbusier reprend à nouveau cette forme conique mais la modèle selon ses envies. Au delà des inspirations formelles, l’énergie nucléaire change à elle seule notre environnement bâti. Elle génère de nouvelles typologies telles que des bunkers ou des abris antiatomiques. Elle s’incorpore aussi dans les typologies existantes, en les obligeant par exemple à intégrer des abris : la Suisse et l’obligation des abris antiatomiques en est l’exemple. L’esthétique architecturale se transforme aussi durant la guerre froide, elle se durcit, devient plus brute, exprime la protection de l’atome par le béton. L’architecture post moderne soviétique par exemple, manifeste cette métaphore dans le volume et la masse des édifices. Aux Etats-Unis, on lance même plusieurs concours d’architecture7 pour imaginer 7

La AIA (AMERICAN INSTITUDE OF ARCHITECTS) et la U.S.O.C.D (UNITED STATES OFFICE OF CIVIL DEFENSE) lancent en 1965 un concours nommé « National community fallout shelter design competition » pour la constitution d’une nouvelle architecture antiatomique pour des centres commerciaux, des écoles, des bureaux, etc.

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

comment utiliser des bâtiments pour des programmes publics aussi bien que pour des abris antiatomiques. L’architecture se densifie et prend un tout autre aspect formel. Il faut se protéger, se confiner du danger externe potentiel.


Confinement

/ Générique et standardisation La centrale nucléaire est générique par le caractère univoque de sa fonction : produire de l’énergie. Elle est le résultat d’une globalisation des connaissances scientifiques. Elle est générique par sa délocalisation urbaine et son implantation dans le monde rural. La centrale nucléaire est aussi générique par sa dépendance territoriale à l’eau, aux établissements humains et sa proximité de grandes zones urbaines. Elle est générique par la mise à l’écart du territoire, par son confinement. La centrale nucléaire est aussi générique par la poursuite de standardisation des éléments qui la compose afin d’optimiser sa reproduction à n’importe quel endroit. “Ici se pose le problème de la normalisation des éléments. Il ne peut être question de changer sur chaque site le volume ou les matériaux des îlots nucléaires : ils doivent être normalisés pour des raisons d’économie qui touchent à la fois des études, très longues et très complexes, et les travaux.” (Paul Andreu dans L’architecture et le nucléaire, Claude Parent, p.42). La standardisation permet la réduction significative de coût et limite les ennuis techniques. Cependant, la standardisation entre en conflit avec son environnement car elle fait perdre l’adaptabilité à un lieu spécifique. La composition des éléments de la centrale n’est quant à elle jamais générique, elle s’adapte au contexte territorial mais aussi temporel, suivant l’évolution des réacteurs par exemple. Elle est spécifique et non standardisée. Cette adaptation se fait aussi dans la justification des matériaux qui ne sont pas standardisés pour chaque centrale mais le fruit des matières premières ou des connaissances de la main-d’œuvre du lieu.

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9/Zone protégée de la centrale nucléaire d’Indian Point, NY

10/Batiment d’acceuil de la centrale nucléaire de Cattenom, Claude Parent


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11/“Les pattes du tigre”, Claude Parent, proposition de réfrigérents naturels regroupés en lobes

12/Etudes des dispositions pour les centrales nucléaires, Claude Parent


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13/Vue depuis le bas d’un réfrigérant

14/Le cénotaphe de Newton, Etienne Louis Boullée, 1784


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15/La sphère de la centrale de Chinon 1, la forme “idéale”


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16/Le Corbusier et sondernier projet, l’église Saint-Pierre de Firminy insirée d’une toure de refroidissement


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17/Illustration d’un concours pour une école servant aussi à un abri antiatomique

18/City Hall de Boston, Kallan, Mc Kinnel et Knowles, 1963: nouvelle esthétique architecturale inspirée du nucléaire


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Le nucléaire et la ville - Chapitre I

19/Le réacteur de Canada-Illdia à Trombay



Radiation


La « Radiation » est un processus d’émission et de transmission entre deux entités. C’est habituellement un mouvement qui part d’un centre et qui rayonne dans plusieurs directions. La « Radiation » symbolise l’interaction physique et mentale entre la centrale nucléaire et son environnement externe. La centrale est le centre d’émissivité. Ces liens diffèrent selon plusieurs critères comme l’utilité énergétique, la proximité ou encore l’identité des entités. Ces rapports se répercutent directement ou indirectement sur ces deux entités selon un mouvement alternatif (va-et-vient).


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

“On a des noms géniaux pour nos bières : « Halflife edelweissen », « Atomic amber », « Plutonium porter », « International pluton pale ». On s’amuse bien. On évite d’utiliser des symboles comme la bombe ou le champignon atomique. On préfère jouer sur la nostalgie de l’ère atomique et de l’histoire de ce lieu. On aime bien. Il y en a très peu qui voient ça de manière négative. On a ouvert il y a 15 ans, et ces dernières années c’est devenu de plus en plus populaire d’utiliser le mot « Atomic » pour son business.” Aaroon Burks, Patron du bar restaurant « Atomic Ale », Interview du documentaire « Atomic City » de Mica Patault


Radiation

/ Réseaux Les réseaux électriques sont la première expression physique d’une centrale nucléaire au-delà de ses frontières. Ils représentent les premières lignes droites partant de la centrale nucléaire et reliant un réseau électrique. Ils sont le seul et unique lien matériel, bien qu’inconscient, avec la ville. Les réseaux électriques fragmentent le territoire avant même la présence de la centrale nucléaire. Ils se divisent selon plusieurs échelles nationales et locales. Ils sont particulièrement importants pour la centrale nucléaire car c’est le lien direct entre la source et la réception. La localisation des centrales est en partie déterminée par ce réseau. La centrale nucléaire, comme toute installation électrique, essaie de se rapprocher des consommateurs. “The Location of industrial activities is rather firmly determined by economic considerations. […] The cost of transporting energy is in many cases an important factor : aluminium smelters, chemical plants using electrolytic processes, or atomic energy instalations will locate near sources of cheap electric power ; conversely, thermal power plants serving cities will locate as close to their consumer as possible, at a place where they have an ample supply of water for cooling purposes and, coal or oil deliveries by barge ; losses of electric power in transmission are high.” (Christopher Tunnard & Boris Pushkarev, Man-made Energie consommée aux U.S.A 5

Trillion Kilowatt/heure

4

3

Enérgie total 2

1

Enérgie nucléaire 0

1960

1970

1980

Source: U.S. Energy Information Administration, Annual Energy Review 2010, 2011

Année

1990

2000

2010

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

America chaos or control ?, p.279). La présence d’une centrale nucléaire implique la modification du réseau électrique et du territoire, ce qui tend à centraliser les installations électriques en un seul point. Il devient clair que ce centre est un point radial où le réseau et particulièrement dense. Le territoire se divise et se développe suivant ce réseau qui, tantôt, se cache sous terre et, souvent, s’exprime le long des routes nationales. La seule condition pour l’acceptation d’une centrale nucléaire en proximité d’une ville est le besoin énergétique. Ce sont souvent les « black out » qui expriment le mieux cette dépendance de la ville vis-à-vis de la centrale nucléaire. L’absence d’électricité est la seule prise de conscience des citoyens du lien vital avec les réseaux électriques. Le « black out » de New York city en 1977, dû à un problème engendré par la centrale nucléaire d’Indian Point représente clairement la dépendance de la ville au regard de cette centrale. L’interruption du courant électrique a engendré des pillages, des vols et du vandalisme, causant des dégâts pour 300 millions de dollars. Plus de 3 700 personnes ont été arrêtées, ce qui représente la plus grande arrestation de tous les temps pour cette ville. Ce « black out » montre la fébrilité d’une ville si dépendante de l’électricité.


Radiation

/ Proximité La proximité établit une relation entre deux entités selon une distance ou un temps. Elle définit un rapprochement ou un lien commun. La proximité est le lien la plus significatif des relations centrale nucléaire-ville. Elle permet d’en évaluer les rapports sociologiques et urbains. Plusieurs notions de proximité peuvent s’établir avec une centrale nucléaire. Premièrement, il y a le rapport de proximité de danger. Celui-ci est déterminé par un rayon de risque potentiel en cas d’accident selon la NRC8 (Nuclear Regulatory Commission). La proximité ne se définit pas selon une distance métrique, mais selon un niveau probable de danger radioactif pour l’être humain. Ainsi, la première relation de proximité s’exprime en tant que norme basée sur des faits scientifiques. Le premier rayon s’établit à 20 miles et repose sur la dispersion de la population dans le territoire. Le deuxième rayon est lui à 50 miles et se base sur la densité. Cette proximité se rapporte à une éventualité de risque d’irradiation en cas d’accident. Le fait que cette proximité s’ajuste selon une normalisation, engendre une modification permanente des relations spatiales entre risque et territoire. La proximité géographique est liée par une relation intrinsèque de distance ou de temps. Ce rapport est essentiel pour la compréhension des situations actuelles des centrales nucléaires dans notre environnement urbain. Ce rapport peut se voir aux abords des métropoles ou des zones urbanisées. Cette liaison au facteur de distance est extrêmement importante car la centrale est une industrie unique dans la manière dont elle se dispose. Il y a deux phénomènes contradictoires qui apparaissent : La délocalisation se manifeste pour des raisons évidentes de danger. Alors que pour des raisons infrastructurelles, de rendement énergétique ou encore de personnel, la centrale se rapproche constamment. La centrale nucléaire s’installe en périphérie de la ville, en limite des zones métropolitaines. Cette proximité géographique implique une prise de conscience de la centrale de la part de la population locale comme une icône de l’agglomération urbaine. Pour finir, la proximité cognitive n’implique pas une

8

Voir NRC 1996, section C.1.4

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

mesure mais une notion de sensation. Le « sixième sens » (sensibilité radioactive) n’étant pas propre à l’être humain, “ En d’autres termes, l’évolution n’avait pas prévu que l’homme, en tant qu’espèce, serait exposé à ce genre de danger ; elle n’avait pas prévu le sixième sens pour l’individu, qui lui dicterait de s’éloigner immédiatement des irradiations. ” (Philippe Lhéritier, Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Francis Chateauraynaud et Didier Torny, p.201). Ce sens n’étant pas présent, d’autres capacités cognitives subsistent. Ainsi cette proximité est liée à différentes facultés humaines, principalement trois: le visuel, l’ouïe et la raison. Le visuel implique une perception selon une identité, un symbole que la majorité des êtres renvoient de la centrale nucléaire. Elle peut, pour la centrale nucléaire, se retranscrire par une forme physique ou l’abstraction d’un pictogramme (trois triangles noirs reliés par un disque sur fond jaune). La vision dessine aussi une proximité plus directe de la centrale nucléaire: une présence formelle ou une disparition dans la nature, souvent par des artifices. La proximité reliée au bruit de la centrale nucléaire, environ 90 dB dans les salles de turbines et 45 dB proche des clôtures du site nucléaire9, implique une perception de la présence de cette installation nucléaire. La proximité de la raison dépend de la relation que chaque individu a par rapport à la centrale ou à l’énergie nucléaire. Elle se compose d’une multitude d’événements souvent négatifs, de sensations, de relations plus ou moins profonde avec la centrale nucléaire. Ces aspects sont assimilés mentalement et représentent une distance de la centrale nucléaire propre à chaque individu. C’est une sorte de « carte mentale » de la centrale. Ainsi, la proximité de la raison d’un individu vivant non loin de la centrale d’Indian Point diffère avant ou après les événements médiatisés de Fukushima. Les évènements, expériences, sensations ou sentiment, concernant la centrale, modifient les cadres mentaux de la proximité de la raison. L’inquiétude, selon Lewis Mumford dans les années 1960, est lié à deux variables qui se sont désunies : le taux d’avancement scientifique et le taux d’adaptation sociale,

9

Voir « Environmental noise impact study into the proposed establishment of a pebble bed modular reactor demonstration power plant in the western cape », Prepared by a.w.d. jongens, For arcus gibb (pty) ltd, November 2007


Radiation

Perception de la population au regard des centrales nucléaires aux U.S.A.

70

Tchernobyl

80

50

en faveur du nucléaire (USA) opposé au nucléaire (USA)

40

Fukushima

Proportion (%)

60

30

1985

1990

1995

2000

Source: BISCONTI RESEARCH, INC, Latest Trends in U.S. Public Opinion about Nuclear Energy, September 2011

l’une évoluant trop vite par rapport à l’autre.10 Au delà de la conception d’inquiétude de Lewis Mumford, j’insiste également sur la notion de proximité: En effet, le gradient d’inquiétude et d’identité de la centrale varie selon ces trois proximités. On sera inquiet ou pas, proportionnellement aux décisions et croyances dans les normes scientifiques de danger, en rapport avec la proximité géographique et, finalement, selon la conscience de l’existence de la centrale nucléaire. L’identité négative ou positive de la centrale nucléaire dérive de ces proximités et de la valeur que chacun donne au nucléaire.

10 Sur l’étude sociologique de l’impact du nucléaire sur la société des années 60 voire « Anticipations and Social Concequences on Atomic Energy, Lewis Mumford, Procedings of the American Philosophical Society, vol. 98, Numéro 2, 1954, p149-152

2005

2010

février-11

10

septembre-11

20

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Source: Nuclear Regulatory Comission; U.S. Census Bureau


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400 habitants/km2 200 habitants/km2 80 km 16 km o

500 km


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Source: Nuclear Regulatory Comission; U.S. Census Bureau


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400 habitants/km 200 habitants/km 18 millions dans un rayon de 80 km 5 millions dans un rayon de 80 km 2 millions dans un rayon de 80 km 160 000 dans un rayon de 80 km o

500 km


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

/ Identité L’identité d’une centrale nucléaire est associée à la représentation produite par l’esprit. Cette relation entre objet et individu est divergente pour chacun. Certains la vénèrent, d’autres la haïssent, certains restent indifférents. De tout point de vue, elle marque par son empreinte une image importante dans notre histoire. “Notre temps, dans l’image que s’en fait le grand public, restera marqué par l’aventure nucléaire et ses gigantesques édifices. Pour tous, pour les bâtisseurs comme pour les foules qui les visitent, les centrales nucléaires seront les cathédrales du XXe siècle. Le syncrétisme qu’elles expriment mêle inextricablement le conscient et l’inconscient, la finalité religieuse pour les unes, industrielle pour les autres, les contraintes d’utilisation des matériaux et l’inspiration artistique, l’utopie matérialisée et la recherche de l’harmonie.”(L’ère du nucléaire, Julien Leclercq, p.182) Son identité est singulière au niveau historique et peut être comparée à des objets tels que Versailles, les pyramides ou la muraille de Chine. Ce sont des identités qui marquent et symbolisent un instant défini. Cette image conditionne l’image mentale de la centrale à travers le temps. Elle se répercute sur d’autres générations qui l’extrapolent pour symboliser d’autres significations. Toutefois, certains paramètres définissent une identité commune pour la centrale. Au delà de la forme même, la centrale nucléaire tend, par ses proportions, à une monumentalité significative. Elle crée un nouveau site, en devient le monument le plus magnifique et en même temps le plus angoissant de toute une région. Elle agit qu’elle le veuille ou non en temps que « Landmark » , point de repère d’un paysage et fédérateur de la ville industrielle. Pour certains groupes, la centrale est l’essence identitaire de la communauté. Elle symbolise un pouvoir économique, technologique, voire traditionnel d’une ville ou région. C’est incontestablement le cas pour la ville de Richland, une ville de presque 50’000 habitants où la première centrale nucléaire est construite et où l’industrie du nucléaire des Etats-Unis est née. On la surnomme “Atomic City”. Cette ville passa de 300 personnes en juillet 1943 à 25’000 personnes en août de la même année pour la construction du réacteur nucléaire de Hanford. C’est la ville la plus influencée par cette énergie, on y trouve « la rue nucléaire », « le bar Atomique » ou encore la mascotte du


Radiation

lycée en forme de « champignon atomique ». Le nucléaire fait partie du quotidien même si à quelques kilomètres de là, l’ancienne centrale vénérée n’est plus qu’un site radioactif, le troisième site le plus contaminé après Tchernobyl et Fukushima. De manière plus abstraite et inconsciente, on peut décrire l’identité d’une centrale nucléaire comme le contraire de la « cabane primitive ». “It is in a way the opposite of primitive hut. The primitive hut protects you from the wild there is a stability inside. Nuclear power plants are the opposite because everything else is safe except the power plants itself. It produces safety outside ” (Stefan Trüby, interview 18 novembre 2011). De ce fait, cette identité, intrinsèque à l’objet, soulève un point significatif, l’espace des centrales nucléaires est considéré comme l’équivalent d’un espace de danger.

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20/L’énérgie atomique, emblème de Richland

21/Le réseau éléctrique trace son territoire


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22/Migration massive de la ville surnommée “Atomic city”, Richland


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Le nucléaire et la ville - Chapitre I

23/Incident suite au “blackout” de 1977 à cause de la centrale nucléaire d’Indian Point



Contamination


La « Contamination » est l’envahissement d’un objet, d’un milieu, par un organisme. La résonance de la centrale nucléaire se fait au delà de ses frontières. Elle propage son identité sur son environnement urbain. Cette contagion se développe et se transmute radicalement dans un nouvel environnement. La centrale nucléaire affecte ses environs par plusieurs « contaminations » progressives, elle génère ou modifie de nouveaux espaces réels mais aussi fictifs.


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Le Nucléaire et la Ville - première partie

“Prenons un exemple type dans une région de tradition industrielle : une route est disponible, une fabrique y est construite pour transformer des produits agricoles ou pour exploiter des ressources minières afin d’alimenter un marché en plein expansion. La fabrique s’entoure alors de logements ouvriers et de jardins qui permettent d’assurer la subsistance des habitants. Cette nouvelle population a besoin d’écoles, de commerces. La croissance des marchés du travail et de la consommation attire de nouveaux établissements, la richesse générale s’accroît. On atteint le seuil de la division du travail et de la spécialisation ; des équipements publics et de nouveaux réseaux de transport deviennent nécessaires. Le développement urbain se poursuit ainsi en application du principe selon lequel « l’agglomération produit de l’agglomération » sans se préoccuper de suivre un quelconque modèle préconçu.” Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt


Contamination

/ Migration Une centrale nucléaire est généralement construite dans des milieux ruraux ou semi-industriels. Cela implique différents changements socio-économiques dés le début de son chantier. En effet, l’importation d’un objet de la ville dans un monde rural suscite des réactions. Les travaux d’une implantation nucléaire sont aussi importants que la construction d’un port, d’un aéroport, d’infrastructures de transports ou encore de barrages. Par ce biais, le chantier attire plusieurs ouvriers en quête de travail. Des familles s’installent alors dans les alentours, soit dans les villages proches de la centrale soit par la création de nouvelles agglomérations, autrement dit des cités dortoirs. Ce phénomène d’urbanisation par migration se produit selon plusieurs étapes. Une centrale nucléaire peut employer jusqu’à 2000 personnes pour la construction d’une centrale de 1 300 MW sur 6 ans, soit l’équivalent de 10 millions d’heures de travail sur le chantier11. Cela implique par conséquent, un changement sociologique et économique majeur au niveau de la région et de la communauté hôte. Une forte dépendance de la ville par rapport à la centrale nucléaire s’établit temporairement. L’achèvement des travaux constitue une transition assez difficile pour la communauté. Un nouveau changement s’établit avec l’engagement de nouveaux ouvriers, principalement locaux hormis pour les spécialistes du domaine, qui permettent l’exploitation de la centrale nucléaire. Le personnel nécessaire peut dépasser 2’500 personnes, dans certains cas, sur une période assez longue selon l’exploitation. Ces ouvriers ont tendance à se rassembler dans la proximité de la centrale nucléaire majoritairement dans le village hôte de cette industrie. Ce schéma, avec une industrie au centre et des ouvriers autour, est caractéristique de la ville industrielle utopique imaginée par Claude Nicolas Ledoux, dont les salines d’Arc-et-Sénant en sont l’exemple de cette vision de la ville industrielle. On peut identifier ces mêmes spécificités pour la classe ouvrière de la centrale nucléaire. Les ouvriers amènent de nouveaux logements, le plus souvent des maisons unifami11

Données tirées d’une centrale type en France, voir « L’ère du nucléaire », Julien Leclercq, p.230

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

liales standardisées et répétitives. Une nouvelle couche migrante s’ajoute aux ouvriers et résidents locaux des agglomérations proches de la centrale. Celle-ci est attirée par les impôts fonciers payés par les exploitants de la centrale à la commune hôte et au comté (département). La commune dispose de fonds importants pour toutes les instances publiques tels que les écoles, la police, les pompiers, l’administration communale, etc. qui sont toutes de bonne qualité. Cela implique aussi la réduction des impôts pour les résidents de la commune hôte qui peut aller jusqu’à 50%. “The local fisical impact of the privately owned nuclear power station is considerable. Property taxes remain low while public services are upgraded. Burchell found that a municipal government’s revenues are usually double when it receives private power plant revenues ; a county’s revenues increase by 60 to 120 per cent ; and a school district’s revenues increase by an average of 40 per cent.” (Michael R. GreenBerg, Donald A Krueckeberg, Michael Kaltmann, William Metz and Charles Wilhelm, Local planning v. national policy : Urban growth near nuclear power stations in the United States, p.232). La commune s’enrichit et par conséquent attire la population, ce qui est contradictoire comme le dénonce une étude de l’université de Liverpool en 1986 “ The siting of nuclear power plants in the United States has been guided by a clear policy of seeking locations remote from population and urban growth. But these remote locations have failes to prevent populations growth near nuclear power plants; communities hosting these facilities experienced, as a whole, a rate of populations growth in the las decade more than three times the national average. […] The findings suggest that Federal, States and local governments should reconsider the policies that send nuclear stations, and quite often, their tax revenues, into local jurisdictions which the strive to promote growth around these sites rather than restrain it.” (Michael R. GreenBerg, Donald A Krueckeberg, Michael Kaltmann, William Metz and Charles Wilhelm, Local planning v. national policy : Urban growth near nuclear power stations in the United States, p.225) On peut trouver dans cette étude, réalisée en partie avec la NRC, des statistiques issues de toutes les centrales des Etats-Unis sur les facteurs contribuant à la croissance de la population se situant près des centrales nucléaires. Il en résulte que les deux facteurs décisifs sont les impôts bas (61%) et la centrale nucléaire même (43%). Cela


Contamination

a pour conséquence la constitution d’une nouvelle classe au sein de la commune; une classe au revenu bas pouvant accéder à la propriété privée et bénéficiant d’ infrastructures communales hautement qualifiées. “ Dans ces conditions, on imagine aisément que les usines soient d’avantage perçues comme un facteur d’amélioration de la qualité de vie en générale que comme une source d’inconvénients. […] Ce n’est donc pas un hasard si jusqu’au début des années 1970 la disparition progressives des espace résiduels entre la ville et les usines s’opère dans l’indifférence générale.” (Emmanuel Martinais, Habiter les territoires à risque, p.107) Une sorte de gentrification d’une fausse classe bourgeoise, dépendant seulement de la taxation de la centrale nucléaire, s’implante à proximité de celle-ci. Ces différents cycles migratoires ont une influence directe sur l’économie locale et sur la société. On retrouve, de ce fait, des habitants et une commune complètement dépendants de la centrale nucléaire. “ Economiquement et socialement structurante, cette industrie a comme dans la plupart des contextes similaires, contribué à la formation des quartiers environnants et au développement des communes voisines. En ces lieux, villes et usines partagent donc la même histoire. Une histoire qui lie, dans un ensemble d’interactions complexes, une activité de production polluante et dangereuse à son environnement social et urbain.” (Emmanuel Martinais, Habiter les territoires à risque, p.102). Ceux-ci sont en majorité pro-nucléaires car les avantages financiers compensent largement l’inconvénient de la présence d’une centrale pour ces habitants. On remarque par ailleurs, que dans les années 1960 et 1970, différentes communes des Etats-Unis ont volontairement mis à disposition des terrains pour la construction d’une infrastructure nucléaire car celle-ci permet la propagation et le développement d’une économie régionale, l’augmentation de la valeur des terrains habitables et l’urbanisation de la région par des couches migratoires successives.

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/ Industrie L’influence industrielle est notable, car elle se répand dans les proximités de la centrale. Christophe Tunnard et Boris Pushkarev expliquent que cette industrialisation se déroule suivant deux étapes migratoires, en premier lieu la société et ensuite l’industrie : “Thus, metropolitan growth seems to proceed in two waves : in the first, settlement by residence takes place ; in the second, industry moves in, providing the new communities with a local employment base. In low density areas, large plants prefer not to locate too close to each other, so as not to compete for the labor market ; and the general pattern for small plants (often representing infant industries) is to be located closer to the center, where they can make use of agglomeration economies, and for large, more stable and mature industries to be located further out.” (Christopher Tunnard & Boris Pushkarev, Man-made America chaos or control ?, p.283) L’apparition d’une centrale nucléaire implique la construction de nouvelles infrastructures telles que des routes, des transports ou des réseaux électriques. Ces améliorations se traduisent par une attraction industrielle qui dépend souvent de la qualité du transport routier aux Etats-Unis. Les parcelles voisines d’une installation nucléaire étant inadaptées pour des programmes autres qu’industriels, conduisent à la concentration d’industries qui ont besoin d’électricité à prix avantageux et en grande quan-

Transport 27%

Pétrole 37%

Gaz 25%

Résidentiel/Commercial 11%

Charbon 20% Energie renouvelable 8% Energie nucléaire 8% Source: U.S. Energy Information Administration, Annual Energy Review 2010, 2011

Electricité 40%

< 100%

>

Secteur

Industrie 20%

Source

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tité, ou encore de petites industries au service de la centrale nucléaire. L’utilisation du rejet des eaux ou des vapeurs de la centrale nucléaire attire aussi dans certains cas des agriculteurs et des pisciculteurs. Ils voient dans la centrale un potentiel inexploité des eaux chaudes pour chauffer leur serre horticole et l’élevage de poissons dans des bassins. Pour certains, la centrale devient vitale dans le développement de leurs produits agricoles hors saison. Cette forte densification manufacturière amène la création d’une identité industrielle se propageant sur l’ensemble de l’agglomération. Thomas Sieverts explique que la Zwischenstadt peut être caractéristique, selon lui, d’un événement industriel dans une région. L’urbanité autour des centrales s’identifie comme une communauté industrielle. L’industrie nucléaire en représente le point le plus fort et souvent le point de départ d’une « contamination » industrielle.

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/ Signalisation La centrale nucléaire engendre un changement de l’espace public au-delà des multiples « contaminations » socioéconomiques. De nouveaux objets spécifiques au nucléaire se diffusent sur le territoire. Il y a différents signes qui soulignent la présence d’une centrale nucléaire. Ce sont les affiches, les pancartes, les symboles, les plans d’évacuation en cas d’accident qui s’implante dans l’espace public. Les enseignes sont les seuls éléments permettant de représenter l’espace nucléaire. Tom Vanderbilt dans son voyage à la découverte des ruines atomiques des Etats-Unis rencontre le même dilemme. “The guards have a point. There is a certain latent absurdity in the fact that a group of rational adults have paid to take a tour of a place that not only can be seen, but until recently was not even acknowledged to exist. […] The guards remain in the shade of their jeep, in tacit recognition of the obvious: that in fact there is nothing to photograph here except the sign.” (Survival City, Tom Vanderbilt, p 28). Ce phénomène, bien exploré par Venturi, Scott Brown et Izenour à Las Vegas, prend dans le cas d’une centrale nucléaire une forme différente. L’enseigne se détache du bâtiment, s’en éloigne et se propage sous différentes formes dans l’espace. Sa seule présence indique la proximité explicite d’une centrale nucléaire. La centrale nucléaire ajoute une autre dimension au « bâtiment-enseigne » de « Learning from Las Vegas » : l’enseigne se détache et le bâtiment disparaît, sa présence n’est plus nécessaire. La présence de la centrale nucléaire se fait aussi ressentir sur des bâtiments ou objets publics de la communauté hôte. Ce sont en particulier les multiples dons que la centrale nucléaire offre au village hôte. Il peut s’agir de la rénovation d’un bâtiment spécifique, voire même de sa construction ou encore de plus petits objets comme des horloges ou des aires de repos pour le centre du village. Des insignes de reconnaissance soulignent la générosité des dons offerts par les propriétaires de la centrale. Au delà des enseignes, il y a une propagation des instruments de mesure, des alarmes, des haut-parleurs dans le domaine public. “Dans le domaine du nucléaire, les instruments de mesure déterminent la tangibilité des phénomènes. Les capteurs, radiomètres ou dosimètres, sensibles, aux rayonnements suppléent aux sens qui jouent plus leur rôle de premier système


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d’alertes. ” (Francis Chateauraynaud et Didier Torny, Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, p.202). Ces objets deviennent l’indicateur nécessaire pour la présence des habitants dans la région. Ce sont grâce à ces objets répandus dans le territoire que l’on se sent protégé. “ Il y a transformation symbolique et métaphorique de ces objets qui, de simples instruments de mesure de la radioactivité, passent au rang de moyens de protections. Dans cette perspective, il n’est guère besoin de s’interroger sur leur fiabilité puisque c’est affaire de croyance. ” (Françoise Zonabend, dans Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Francis Chateauraynaud et Didier Torny, p.202) Ces objets liés aux risques nucléaires font alors partie de la vie courante de l’espace public des citoyens.

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

/ Risque La centrale nucléaire implique aussi la prise en considération et la dissémination d’espaces fictifs (probabilité d’espaces radioactifs). Le risque nucléaire est une considération imaginaire, une probabilité, qui conduit à une multitude de modifications territoriales dans la réalité. “En effet, en matière territoriale le risque s’exprime sur des registres très divers. Il peut, par exemple conduire à des transformations structurelles, qui touchent à la matérialité même à l’espace, aux formes et aux agencements qui le composent. Mais il peut dans le même temps agir sur un registre plus immatériel, en influant sur les représentations, en infléchissant des pratiques ou en conditionnant des stratégies. Par sa présence, il a aussi la capacité de déplacer les frontières qui définissent les groupes sociaux, de créer des statuts et des rôles particuliers, ou d’agir sur les identités individuelles ou collectives.” (Emmanuel Martinais, Habiter les territoires à risque, p.101). La première résultante de cet espace fictif est le risque potentiel d’accident nucléaire sur le territoire américain. C’est le premier facteur qui amène à la mise à distance de la centrale nucléaire avec la ville qu’elle dessert. S’ensuit un plan d’évacuation de 10 miles12 autour de la centrale nucléaire aux Etats Unis. Ce plan d’évacuation se répercute pourtant très peu sur le territoire. Il n’implique pas de grand changement sur la planification territoriale vu qu’aux Etats-Unis la planification est un enjeu local (commune) et il n’y a pas de plan directeur à l’échelle régionale (comté). En second lieu, nous retrouvons des modifications engendrées par le risque à un niveau plus localisé. Elles peuvent prendre la forme d’interdiction générale ou spécifique d’un lieu par les autorités respectives de chaque commune concernée. “ La localisation en « zone de risques » est en effet un motif suffisant, qui peut justifier de nombreuses interdictions, comme l’ajout d’une pièce à la maison, la construction d’une véranda ou l’installation d’un ascenseur dans un immeuble. Ces prescriptions d’urbanisme constituent également des contraintes locales pour les collectivités locales qui , sous la pression des services de l’Etat, doivent parfois renoncer à d’importants

12

voir United States Nuclear Regulatory Commision (USNRC)


Contamination

projets d’aménagement redéfinir des implantations d’équipements ou des services publics prévus de longue date et, plus largement, adapter leurs politiques de développement local.”(Emmanuel Martinais, Habiter les territoires à risque, p.112). La liberté et l’individualisation sociale aux Etats-Unis, amène entre autre à une prise de conscience drastique du risque de la part de certains individus qui se propage notamment après l’accident de Three Mile Island. Etant donné que l’Etat n’est pas suffisamment inquiet quant à leur sécurité, ils prennent les choses en main par la construction d’abris atomiques en cas d’accident. Ceux-ci sont particulièrement d’actualité lors de la Guerre Froide comme le souligne le chapitre « The domestification of doomsday » dans le livre « Survival City » de Tom Vanderbilt. Il en ressort une modification du logement de la part de certains habitants des villes proches des centrales nucléaires, préfèrant veiller eux mêmes à leur propre sécurité en cas d’accident atomique.

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Le Nucléaire et la Ville - première partie

/ Imaginaire L’espace nucléaire n‘est ni perceptible, ni accessible aux êtres humains. Dés lors, L’homme tend à se faire une représentation par plusieurs moyens de ce qu’il ne peut pas discerner, comme pour la plupart des religions : il faut trouver une représentation de ce que l’on ne voit pas, de Dieu. “ Dans ces lieux où le péril est inapparent et ne peut être perçu que par la médiation de moyens artificiels – compteurs, alarmes, films,… ” (Francis Chateauraynaud et Didier Torny, Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, p.202) Quel est sa représentation imaginaire ? Par quelles images la centrale nucléaire contamine-t-elle nos esprits ? Suite aux radiations atomiques, les mutants sont les premières représentations du nucléaire qui apparaissent dans nos esprits. Le film de Godzilla par Tomoyuki Tanaka en 1954 est le premier symbole figuratif et populaire du nucléaire. L’identité de Godzilla, un lézard géant réveillé par des radiations nucléaires lors d’essais atomiques, symbolise précisément la peur du Japon face à l’énergie atomique. Dans le même registre de mutation génétique entraîné par la contamination radioactive, il y a le travail de l’artiste scientifique zurichoise Cornelia HesseHonnegger. Depuis la catastrophe de Tchernobyl, Cornelia Hesse-Honnegger collectionne et peint des insectes mutants qu’elle a répertoriés à Tchernobyl et aux abords des différentes installations nucléaires dans le monde. Elle en conclut que les centrales nucléaires en fonction causent autant de déformations morphologiques irrévocables aux insectes en contact direct avec les centrales que toutes autres installations nucléaires. Au-delà des milliers de reportages réalisés sur le thème du nucléaire dans le monde, le cinéma américain aime utiliser la centrale nucléaire pour des fictions apocalyptiques. Le long métrage « The Atomic City » de 1952 rapporte une catastrophe nucléaire causée par des terroristes en se procurant la bombe H grâce à un braquage dans une centrale nucléaire. Le film «The China syndrome » de 1979 représente aux yeux des américains la catastrophe évitée et cachée à la population lors de l’accident survenu à Three Mile Island 12 jours après la parution de ce film. Le terme « China Syndrome » évoque le moment où le réacteur entre en fusion entrainant la dispersion de matière radioactive dans son environnement et l’effondrement du réacteur qui s’enfoncerait dans la terre « jusqu’à re-


Contamination

joindre la Chine ». Pendant la guerre froide, plusieurs artistes imaginent des scénarios catastrophics qui restent ancrés dans la mémoire des gens comme des images terrifiantes de l’énergie atomique. Ce sont par exemple les peintures de la revue « Collier’s » en 1952 qui imagine la ville de New York suite à une catastrophe atomique. Il en reste des ruines romantiques d’une ville inhabitée, un Pompéi des temps moderne. Le collage céleste « Bombhead » du cinéaste Bruce Conner en 1989 exprime le pouvoir si effrayant que l’homme détient. Néanmoins une fascination positive de l’énergie nucléaire apparaît aussi au travers des travaux de plusieurs artistes. Un parallèle entre énergie nucléaire et art peut être observé lors du dernier siècle. C’est le cas de la sculpture abstraite en bronze « Nuclear Energy » de Henri Moore 1967, représentative du premier réacteur construit de Enrico Fermi dans le stade de Chicago. La sculpture de l’artiste Suisse Pierre Travaglini à l’entrée de la centrale nucléaire Suisse de Gösgen réinterprète au premier degré la réaction en chaîne, au second degré une ambiguïté entre la libération énergétique et son asservissement. C’est aussi le cas de Xavier Dégans exprimant par ses aquarelles un nouveau monde monumental et surréaliste de l’ère nucléaire. A noter aussi l’imagination graphique des affiches contestataires des anti-nucléaires qui utilisent des symboles macabres tels que des squelettes humains ou des carcasses d’animaux, de même que des métaphores sarcastiques pour propager une identité menaçante de la centrale nucléaire.

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24/Configuration de saline royale d’Arc-et-Senans, Claude-Nicolas Ledoux, 1774

25/Culture en serre utilisant la chaleur de la centrale nuclĂŠaire


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26/Essor d’un cité nouvelle qui acceuille en partie les ouvries à proximité de la centrale nucléaire


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27/Metropolis, Fritz Lang, 1927, dystopie d’un monde machiniste

28/L’atome domestiqué, Xavier Degans


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29/Etude pour la Ville Nouvelle - centrale électrique, Sant’Elia, 1914


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30/Imagination d’une explosion nucléaire sur Manhattan, Collier’s, 1958

31/The China Syndrome, Columbia Pictures, James Bridges


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32/Recherche d’un symbole pour définir l’espace radioactif



Deuxième partie




NeutralitĂŠ


La « Neutralité » est l’état d’un objet qui n’est chargé ni négativement, ni positivement. Cet état est une phase seconde des centrales nucléaires. Elle permet de réduire, voire d’anéantir les liens entre la centrale nucléaire et la ville. La centrale n’agit plus, n’entre plus en interaction, passe inaperçue si elle ne représente pas un danger potentiel. Cet aspect est particulièrement représentatif du démantèlement d’une centrale nucléaire. L’espace de la centrale nucléaire s’introvertit sur une durée incertaine et se neutralise par la suite.


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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

“Les activités industrielles ont toutes une fin, et, de façon générale, se pose la question du devenir des installations et usines, une fois les productions arrêtées. L’expérience passée de notre civilisation industrielle ne donne pas une image très reluisante de la prise en charge des bâtiments industriels après l’arrêt des activités: l’abandon en l’état, la création de friches industrielles, les bâtiments délabrés sont fréquents, et parfois, des produits dangereux sont abandonnés, et les terrains industriels sont largement souillés. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup s’inquiètent du sort ultime des installations industrielles nucléaires.” Robert Lallement, Démantèlement des installations nucléaires : les voies de la maîtrise industrielle


Neutralité

/ Démantèlement La majorité des centrales nucléaires atteindront ces prochaines années leur fin de vie après 30 à 40 ans d’exploitation (plus de 15 % des réacteurs sont déjà à l’arrêt dans le monde13). La fin de ce cycle fait l’objet d’une phase qui se nomme : démantèlement. Le démantèlement va devenir un des principaux domaines de préoccupation de la part de l’IAEA (International Atomic Energy Agency) suite au vieillissement des installations nucléaires dans le monde14. Au jour d’aujourd’hui, certains réacteurs se trouvent inadaptés ou trop dangereux pour continuer leur exploitation. Les coûts du démantèlement « devraient » être financés par des fonds collectés durant les années de production industrielle et sont équivalents à 15% selon la IAEA et peuvent varier d’un facteur 615 du prix de la construction initiale. Le démantèlement commence quand la centrale nucléaire est mise à l’arrêt définitivement. L’architecte Claude Parent présente deux hypothèses retenues dans les années 1970 pour le démantèlement16. Il propose le démantèlement selon quatre étapes : 1 > Le confinement du réacteur (bétonnage de l’accès matériel et blindage du sas matériel) 2 > Le confinement des principaux constituant nucléaires (coupure des tuyauteries de liaison, isolement des constituants, démolition des locaux non nucléaires) 3 > L’enterrement par gravitation du réacteur nucléaire (Hypothèse A : site réservé pour un nouvel usage nucléaire) 4 > Reconstitution du terrain naturel (Hypothèse B : 13 Voir le rapport de l’Union of the Electricity Industry avec l’IAEA (International Atomic Energy Agency) « Decommissioning of Nuclear Power Plants and Related Waste », 2000 14

Voir le rapport de la IAEA (International Atomic Energy Agency) «Decommissioning costs of WWER-440 nuclear power plants », 2002

15

Les coûts estimés de démantèlement varient selon les sources scientifiques et les organisations pro ou antinucléaires. De plus chaque centrale a sa propre histoire il devient de ce fait difficile d’évaluer les coûts exacts. Voir le rapport de l’Union of the Electricity Industry avec l’IAEA (International Atomic Energy Agency) « Decommissioning of Nuclear Power Plants and Related Waste », p.10, 2000 16

Claude Parent illustre les deux étapes du démantèlement nucléaire au travers de la notion de temps, voir « Les maisons de l’atome », Claude Parent, p.56-57

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

Vue d’ensemble du cycle et du processus de démantèlement

projet/concept

construction

≈10 - 20 ans

FONCTIONNEMENT

≈30 - 40 ans

mise à l’arrêt

démantèlement

REDEVELOPPEMENT

AUCUN REDEVELOPPEMENT

réutilisation

déclassement

≈30 ans

Source: IAEA (International Atomic Energy AgencyTECHNICAL REPORTS SERIES No. 444, REDEVELOPMENT OF NUCLEAR FACILITIES AFTER DECOMMISSIONING, Vienna, 2006


Neutralité

Evolution de la construction de réacteurs civils aux U.S.A.

Nombre de réacteurs

120

Pic: 112 réacteurs en 1990 Pic: 104 réacteurs en 1990

90

60

> construction < démantèlement

30

0

1960

1970

1980

1990

Source: U.S. Energy Information Administration, Annual Energy Review 2010, 2011

site disponible pour tous usages) Ces hypothèses des années 1970 se sont quelque peu modifiées à cause de nouvelles règlementations et de l’augmentation des coûts. Les coûts de démantèlement diffèrent selon le type d’installation, le type de démantèlement, la vétusté et la qualité de la centrale nucléaire. En fonction des différents démantèlements achevés, on l’organise aujourd’hui en 4 étapes successives17. On commence par « l’assainissement » de l’installation nucléaire, c’est à dire le nettoyage des combustibles et tout autre élément radioactif. Ensuite vient « la déconstruction », la centrale est démontée en commençant par les installations techniques, machines, appareils, etc. puis par la déconstruction lente des murs du confinement, des bâtiments ou des cuves du réacteur selon de leur degré de radioactivité. Ensuite, « la gestion des déchets » entre en jeu. Celle-ci consiste à trier et à conditionner les déchets selon leur catégorie radioactive. Si le site compte être réutilisé, il faut dès lors déplacer les déchets. Pour finir, la réhabilitation permet de remettre le site à l’état originel. Traditionnellement la IAEA subdivise le démantèlement selon 3 niveaux 18: 1 > « Fermeture sous surveillance » La centrale est 17 Voir le rapport RGN oct-nov 2004 de Robert Lallement sur le Démantèlement des installations nucléaires : les voies de la maîtrise industrielle, p.22 18

Ibid.

2000

2010

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

Etat des réacteurs aux U.S.A. / évolution des réacteurs arrêtés

104 réacteurs en fonction

28 réacteurs arrêté

4

Nombre de réacteur arrêté

cteurs aux U.S . A. s réa t le u o

état de t

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3

2

1

0

1960

1970

1980

Source: U.S. Energy Information Administration, Annual Energy Review 2010, 2011

fermée et mise sous surveillance. On nettoie et contrôle l’installation. (Aucune démolition) 2> « Libération partielle et conditionnelle »Les bâtiments de la centrale sont évidés de ses équipements et les volumes radioactifs sont confinés et scellés. La décontamination remet la radioactivité à des niveaux acceptables. Certaines parties sont démantelées totalement. La surveillance est réduite. D’autres parties peuvent être reconverties pour de nouvelles utilisations. (Démolition partielle). 3> « Libération totale sans restriction ». La centrale est complètement déconstruite en ce qui concerne des parties radioactives. Tous les éléments radioactifs sont évacués. Le site est complètement démanteler et peut être utilisé librement. Il n’est plus surveillé. (Réutilisation de locaux ou démolition totale). La planification du démantèlement est un stade aussi critique que la phase de projet ou de construction et mise en route de la centrale au niveau socio-économique. En effet, le démantèlement se déroule sur une durée évaluée à 30, voire 40 années. Un nouveau cycle migratoire ou de transition peut s’opérer les années successives à l’arrêt définitif de la centrale et lors du démantèlement. Les individus vivant dans le village hôte risquent de ne plus pouvoir habiter ce lieu au vu de la disparition des avantages financiers des impôts. “They don’t even know that it is the best nuclear power plant that was ever built! They don’t

1990

2000

2010


Neutralité

give a fuck to the people living here. You can not afford to live here anymore if the nuclear power plant is shut down” (Interview barber, Indian Point, Buchanan, 8 novembre 2011) L’impact sera irrévocable sur le prix du logement, des impôts, l’utilisation du sol, la valeur de la propriété, etc. Ces facteurs auront leur importance sur l’opinion publique du lieu. De plus, de nombreux employés risquent de perdre leur travail du jour au lendemain suite à une décision de fermeture, même si la tendance actuelle est de réembaucher le même personnel pour le démantèlement et de le réduire progressivement19. Ceci peut impliquer une transformation des profils des habitants locaux par de nouvelles personnes à la recherche d’un travail, car le démantèlement implique en partie un nouveau corps professionnel.

19

Voir le rapport sur l’expérience du démentellement de la centrale nucléaire de Maine Yankee « Maine Yankee Decommissioning Experience Report Detailed Experiences 1997 – 2004 » par EPRI, 2004

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

/ Temporalité La notion de temporalité devient un facteur important lors du démantèlement. L’échelle du temps s’allonge. On ne peut pas compter par année mais plutôt par dizaines d’années. Le phénomène nucléaire est basé sur une échelle non humaine, qui dépasse notre entendement. Le temps devient aussi un facteur déterminant pour la spatialité. Il est à prendre en considération dans la vie d’une centrale nucléaire et particulièrement dans sa mort lente due à la radiation20. Le démantèlement peut s’arrêter à différents stades pendant une période indéterminée selon l’utilisation future prévue pour le site de la centrale nucléaire. Il peut par conséquent rester au niveau 1 pendant 30 ans pour des questions souvent budgétaires. Son démantèlement, qui est alors d’une durée de 10 ans, est réalisé par les futures générations. Cependant, les autorités recommandent le démantèlement rapide pour cause évidente de perte de mémoire lors d’une attente prolongée. Le temps devient une dimension projectuelle de la centrale nucléaire. Chaque action doit s’entreprendre dans une société qui pense à long terme et non plus dans une société obsédée par le temps et l’argent rapide. Même si la temporalité devient un facteur difficile à appréhender, il peut aussi susciter Plusieurs stratégies de démantèlement pour quelques centrales nucléaires arrêtées aux U.S.A Yankee Rowe

démantèlement

mise sous surveillance

Trojan

planification pour le déclassement

San Onofre-1

en fonctionnement

Rancho Seco Pathfinder La Crosse Indian Point-1 Humbolt Bay-3 Fort St. Vrain Dresden-1 0

20

40

60

Source: UNION OF THE ELECTRICITY INDUSTRY – EURELECTRIC, Decommissioning of Nuclear Power Plants and Related Waste, Brussels, 2000

20

Lié à la décroissance radioactive afin qu’un élément devienne stable, c’est ce qu’on appelle communément la demi-vie radioactive.

80


Neutralité

un potentiel des centrales nucléaires lors du démantèlement pour la ville “Contrairement à la trajectoire industrielle non maîtrisée du XIXe siècle et du début de XXe siècle, l’étape des centrales nucléaires, comme celles des barrages, soulèvera-telle plus tard un espoir pour l’aménagement du territoire ?” (Claude Parent, Les maisons de l’atome, p.57).

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

33/Croquis, Claude Parent



Attraction


L’ « Attraction » est l’attirance de deux entités entre elles. Cette influence permet d’orienter, de déplacer des masses physiques et psychologiques vers une direction ou un lieu défini. Elle peut engendrer une nouvelle centralité si l’attraction est unilatérale. La centrale nucléaire change de connotation. Il y a un inversement de pôles qui s’établit entre la centrale nucléaire et son environnement. Cet objet attise la curiosité, elle devient attrayante. Un changement des interactions centrales nucléaires-villes se met en scène. Les bornes de la centrale nucléaire se flouent. La centrale nucléaire ne s’écarte plus de la ville, elle en fait partie.


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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

“Peut-être ces espaces pris actuellement par les centrales nucléaires, au grand dommage de certains, constitueront-ils des réserves foncières face à la menace d’une conurbation générale, peut-être seront-ils demain les espaces de détente et de loisirs de nos villes, proche de l’étouffement.” Claude Parent, Les maisons de l’atome


Attraction

/ Reconversion La reconversion est un processus d’adaptation d’un bâtiment à une nouvelle situation au programme architecturale. Dans le cas des centrales nucléaires, on peut définir la « reconversion » selon plusieurs termes : réutilisation, revitalisation, régénération, ré-industrialisation, réhabilitation, etc. Tous ces termes ont la même étymologie mais des significations différentes. La reconversion est une opportunité qui peut faciliter la transition entre la centrale nucléaire active, sa fermeture et son démantèlement, même dans le cas de contamination radioactive. Depuis peu (mai 2011), la IAEA (International Atomic Energy Agency) a publié un rapport introduisant le concept de « réutilisation » pour les centrales nucléaires. “The initial concept of decommissioning management for nuclear facilities was generally that of a closed life cycle that entailed the removal of buildings, final disposal of waste and the restoration of a site to its original condition. This concept is no longer considered optimal. Decommissioning should not be an end point of a facility or site, but should enable opportunity for redevelopment and reuse of a facility or site. The redevelopment and reuse of disused and decommissioned buildings, facilities and sites should be promoted as an opportunity rather than a constraint. […]The presence of Evolution des dépenses pour le démantèlement des infrastructures nucléaires aux U.S.A 45 000

infrastructure de recherche retraitement

40 000

fabrication du combustible

Millions de dollars (USD)

35 000

enrichissement unité de récupération

30 000

réacteur expérimental centrale nucléaire

25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0

2001 2005

2006 2010

2011 2015

2016 2020

2021 2025

2026 2030

Année

2031 2035

2036 2040

2041 2045

2046 2050

Source: IAEA (International Atomic Energy AgencyTECHNICAL REPORTS SERIES No. 444, REDEVELOPMENT OF NUCLEAR FACILITIES AFTER DECOMMISSIONING, Vienna, 2006

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

contamination is an additional barrier to the redevelopment of facilities, but should not be seen as impossible to overcome.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.1) La reconversion des installations nucléaires est encore un domaine qui n’est pas optimisé à tout point de vue, mais qui a déjà présenté plusieurs projets réels ces dernières années. La IAEA regrette en général le manque de connaissance et de propositions effectuées sur cette question. Effectivement, la reconversion doit déjà être intégrée dans le plan de démantèlement afin de déterminer si cette possibilité n’est pas plus judicieuse. Dans un futur proche, la reconversion peut être une opportunité cohérente qui a déjà été exploitée par d’autres secteurs industriels. Depuis des siècles, l’homme a appris à réutiliser et réinterpréter ce que lui confiaient les anciennes générations. Ce sont principalement des endroits historiques de la ville qui sont exploités pour de nouveaux buts. La nouvelle fonction de ces lieux dérive souvent de leur fonction originelle. Traditionnellement, la réadaptation de ces espaces est apparue dans un souci d’utilité et d’économie, et plus récemment pour un aspect esthétique non négligeable. Dans l’histoire, il y a eu un grand nombre d’édifices reconvertis pour de nouvelles utilisations. C’est par exemple le cas de l’actuel musée d’Orsay à Paris qui originellement a été une gare, la gare d’Orsay, puis utilisée comme centre postal pendant la 2ème guerre mondiale et est actuellement un des plus importants musées de France. La décision de réutilisation des ces bâtiments est souvent reliée à leur valeur de « Landmark » ou de patrimoine historique. Il est aussi important de noter l’évolution des opinions dans le temps de ce que l’on considère comme des espaces intéressants de la ville à redévelopper. C’est le cas des bâtiments de l’ère industrielle qui sont considérés comme des terres en friches dans la première moitié du XXème et dans la deuxième moitié perçus comme un potentiel face à l’étalement global des périphéries des villes. “A un moment ou à un autre, l’espace sera totalement occupé, ce qui signifie que la Zwischenstadt aura atteint sa nouvelle « taille adulte ». Une implantation nouvelle ne pourra, et ne devra résulter que de la densification, de la reconversion ou de la réaffectation d’une friche. Des constructions anciennes et des fonctions devenues superflues sont alors requalifiées, réaffectées, transformées ou bien destinées à disparaître. L’ensemble de ces transformations produit une urbanisation en


Attraction

tapis qui se développe apparemment sans schéma préalable, une sorte de palimpseste sur lequel le texte le plus récent laisserait émerger ça et là les traces effacées d’une écriture ou d’une image d’un autre temps : d’anciennes limites parcellaires, les traces d’un cours d’eau ou les vestiges de bâtiments réaffectés.” (Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, p. 20). Dans un souci écologique, la reconversion d’une centrale nucléaire présente un avantage certain. Elle permet la réduction des déchets et de l’énergie grise de déconstruction et démolition “ Typically, over 90% of the volume of waste generated during the decommissioning of a nuclear facility has little or no radioactivity associated with it, and most of the remainder contains only very low levels of radioactive material. Thus, only a small percentage of waste material is regulated as low or intermediate level radioactive waste.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.11). Le développement durable dans la réutilisation de la centrale nucléaire se produit aussi grâce à la possibilité d’un développement socioéconomique de la région pour maintenir une intégrité sociale. La décision de reconvertir une centrale nucléaire est socio économiquement plus adéquate et responsable de la part du propriétaire. La propriétaire a une implication éthique voire légale envers les ouvriers et de la communauté locale. Le recyclage de la centrale nucléaire offre en premier la possibilité aux employés d’être réembauchés. Dans un deuxième temps, le démantèlement n’étant pas le point final de la vie d’une infrastructure nucléaire, apporte une deuxième vie aussi au village hôte qui ne se situe pas dans un scénario possible de « village fantôme ». La reconversion peut être une alternative concrète des revenus liés aux taxes versées par la centrale, ceux-ci pourraient même augmenter.21 En outre, la reconversion présente, suivant les cas, un avantage financier certain pour les propriétaires selon la IAEA, car il permet d’éviter des coûts souvent importants de démantèlement, 21 Voir LARAIA, M., GORDELIER, S., NEAL, A., “Transition from a nuclear to an industrial site — managing change in the reuse of sites including a UK example”, Safe. Efficient, and Cost-Effective Decommissioning (Proc. OECD/ NEA Workshop, Rome, 6–10 Sep 2004) CD-ROM )

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d’évacuation et de gestion des déchets. On relève donc deux points positifs du redéveloppement : la mise en valeur du site nucléaire et le remplacement des emplois qui ne sont pas affectés de la même manière après la fermeture et le démantèlement de la centrale nucléaire. La réutilisation de la centrale nucléaire est envisagée selon la spécificité du site et du contexte. Elle est considérée comme un futur alternatif du site afin d’optimiser l’infrastructure déjà sur place. Elle permet aussi d’éviter les problèmes de vandalisme, d’activités criminelles qui pourraient subvenir suite à l’abandon de la centrale. Cette friche pourrait aussi altérer la valeur des terrains à proximité. Les bâtiments non réutilisés affecteront la valeur de la priorité locale. Dans ce sens, la reconversion se révèle favorable. La localisation de la centrale nucléaire est extrêmement importante pour caractériser leur potentiel de reconversion. Certains sites nucléaires ont tendance à être éloignés des zones urbaines, ce qui implique un potentiel très faible pour des programmes autres que énergétiques “ There are approximately 480 000 sites and almost 6 million ha (15 million acres) of potentially contaminated properties across the USA that are tracked by the Environmental Protection Agency. Cleanup goals have been achieved and controls put in place to ensure long term protection for more than 340 000 ha (850 000 acres). This opens many potential opportunities to develop renewable energy facilities on these sites; coordination and partnerships among federal, state tribal and other government agencies, utilities, the private sector and communities will help advance renewable energy production.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.57). Cependant, plusieurs centrales nucléaires sont des sites potentiels pour de nouvelles réaffectations car ils se retrouvent ou se retrouveront proches des villes à cause de la conurbation et de l’étalement urbain. La reconversion doit pouvoir être propice à la population locale et être projetée en fonction de leur besoin. Dans un contexte de crise économique qui perdure depuis maintenant quatre ans, la reconversion peut s’avérer un potentiel pour la relance d’une économie localisée. La construction du musée du Guggenheim est par exemple le résultat d’une décision prise par les autorités locales de Bilbao pour subvenir à la crise économique de l’industrie navale et métallique de 1990.


Attraction

Sur le plan architectural, la reconversion d’une centrale peut présenter des enjeux intéressants. Il y a la possibilité de contraster le contenant et le contenu, surtout dans un bâtiment au symbole si fort. Et pourtant, plusieurs projets peinent à démarrer. Un cas intéressant est le Dounray Demonstration Fast Reactor en Ecosse vieux de 50 ans, dont le devenir du dôme reste irrésolu. La sphère a pourtant d’un côté, un potentiel de Landmark, voire de monument national, d’un autre côté, elle pourrait être corrosive et radioactive, ce qui rendrait sa remise à l’état extrêmement cher. Mais le problème principal qui semble venir en surface est le symbole qu’elle préfigure “It is curious that the debate divided environmentalists: « some said preserving the building would serve as a reminder of the nuclear legacy; others disagreed, arguing that the legacy should be that we learn not to do it again ». Several possible reuses have been proposed for the dome, including an exhibition and conference centre, a leisure centre, a hotel and nightclub, a space observatory and a nuclear museum ”(IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.9). C’est exactement la réutilisation de cette symbolique typologique industrielle que Venturi, Scott Brown et Izenour critiquent dans un autre contexte auprès des modernistes qui s’en sont réappropriés pour d’autres fonctions. “ Les historiens du mouvement Moderne se sont intéressés avant tout aux structures innovatrices de l’ingénierie du dix-neuvième siècle en tant que prototypes pour l’architecture moderne, mais il est significatif que les ponts de Maillart ne soient pas de l’architecture et que les hangars de Freysinnet sont à peine de l’architecture. En tant que solutions d’ingénierie, leurs programmes sont simples et dépourvus des contradictions inhérentes aux programmes architecturaux. Tout ce qui est demandé à ces structures, c’est qu’elles permettent de traverser un ravin directement, en toute sécurité et à bon marché ou de protéger un grand espace de la pluie sans supports interposés. Le contenu symbolique inévitable de ce que Colquoun appelle des typologies, ont été ignorées pas les théoriciens du mouvement moderne. ” (Learning from Las Vegas, Robert Venturi, Denise Scott Brown, Steven Izenour, p.142).

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

Finalement, un projet de reconversion d’un site nucléaire serait propice à un niveau éducationnel. On pourrait concevoir les sources de difficultés et optimiser cette solution. La reconversion pourrait dès lors être prise en compte dès la construction d’une centrale nucléaire.


Attraction

/ Anesthétique L’esthétique d’une centrale nucléaire ou de tout autre industrie est communément considérée comme répulsive, anesthétique. L’esthétique étant subjectif à l’individu, l’anesthétique permet de remettre en cause la validité de la perception sensible. Elle permet d’aller plus loin de la pensée moderniste selon la quelle l’esthétique architecturale n’est que dérivée de « Form follows function » de Louis Sullivan. L’anesthétique doit être vue comme un potentiel d’attractivité présent dans le site nucléaire comme dans toute autre friche urbaine. Thomas Sieverts l’introduit de la manière suivante ; “Abordé comme un domaine de projet culturel, le monde quotidien de la Zwischenstadt doit s’inspirer d’une esthétique différente de l’esthétique architecturale conventionnelle. Ce point de vue a été développé par Susanne Hauser chercheur en médiation culturelle, à propos des friches industrielles un secteur particulièrement important de la Zwischentstadt. Le processus de leur formation, leur interprétation et leur réaffectation fait appel à des réflexions sur une para esthétique directement inspirée par Nietzsche, Lyotard, Foucault, Derrida et que David Caroll développe de la manière suivante : “Paraesthetics indicates something like an aesthetics turned against itself, or pushed beyond or beside itself, a faulty, irregular, disordered, improper aesthetics— one not content to remain within the area defined by the aesthetic.” (Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, p. 115) L’anesthétique ou paraesthétique de la centrale nucléaire, d’un monde sans émotion sincère, laisse transparaître des pensées plus profondes. L’appréciation de l’anesthétique comme un monde façonné par l’ingénieur, la technique et la rationalité permet là, l’apparition d’une nouvelle beauté. “ Les ingénieurs font de l’architecture, car ils emploient les calculs issus des lois de la nature, et leurs œuvres nous font sentir l’harmonie. Il y a donc une esthétique de l’ingénieur, puisqu’il faut, en calculant, qualifier certains termes de l’équation, et c’est le goût qui intervient. Or, lorsqu’on manie le calcul, on est dans un esprit pur et, dans cet esprit, le goût prend des chemins sûrs.”(Le Corbusier, Vers une architecture, Crès et Cie, p.7). Rentrer dans le champ de l’anesthétique permet d’ouvrir de nouvelles portes sur les possibilités de

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reconversion des centrales nucléaires. L’anesthétique doit être perçue comme une esthétique décalée, non directement liée à nos sens cognitifs mais plutôt à la raison. “ Paraesthetics indicates, then, more of a bastard, parasitical, transgressive, critical aesthetics than a « true » aestheticas. ” David Carroll, Paraesthetics: Foucault, Lyotard, Derrida, 1987, p.9 La lecture de l’anesthétique est multiple. Elle peut être perçue aussi comme négative. L’anesthétique peut éveiller des cauchemars d’une civilisation machiniste, où l’esthétique de la ville se transforme en une accumulation d’objets technologiques et techniques. Comment ne pas citer la dystopie du film « Metropolis » de 1927, où Fritz Lang met en scène une ville futuriste basée sur l’esthétique de la rationalité et de la machine, ou encore le film « Brazil » de 1985 de Terry Gilliam dont la ville ne marche que par des réseaux complexes de tubes engloutis dans les entrailles de la ville, et où les cheminées de refroidissement des centrales nucléaires sont les lieux suprêmes de tortures. Pourtant, l’anesthétique a aussi été un point idéalisé par les futuristes. L’architecte italien Antonio Sant’Elia adopte l’anesthétique dérivée de la rationalité de l’ingénieur pour l’exalter et imaginer une ville nouvelle, la « città nuova » symbole d’une nouvelle ère. L’anesthétique prend une nouvelle connotation ; une connotation qui se charge de signification positive et où l’anesthétique passe du côté de l’esthétique. La réaffectation culturelle de l’Emsher Park (ancienne industrie minière) en fait un parfait exemple “ Toutes ces démarches artistiques ont changé notre vision du monde, et contribuent à transformer l’anesthétique en esthétique “ (Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, p. 140)


Attraction

/ Mémoire et nostalgie L’échelle du temps est essentielle pour la réaffectation d’un site nucléaire. Le temps marque les esprits, la centrale nucléaire devient un objet de souvenirs liés à la mémoire du lieu. Comme le dit Claude Parent, “ Ils veulent en construisant les centrales nucléaires trouver ce second état de lieu qui peu à peu dans la mémoire des hommes habitant, travaillant ou visitant, devient l’authentique état du site […] Ce nouvel état du paysage devient le patrimoine de la région considérée et, à ce titre, doit pouvoir entrer sans accrochage trop violent dans la mémoire des hommes, dans la nouvelle mémoire géographique du lieu.” (Claude Parent, L’architecture et le nucléaire, Claude Parent, p.18). La mémoire de la centrale nucléaire et le temps écoulé pour le démantèlement permettent la dérive de son symbole premier. La centrale devient un objet nostalgique perdu dans la ville du passé et du futur dont Colin Rowe en illustre quelques-uns dans la section « excursus » du fameux livre « Collage City » : “ Pour finir, une quantité d’instruments de la nostalgie, lesquels peuvent être « scientifiques » et du futur, « romantiques » et du passé ou, à différents égards, relever d’un vernaculaire élégant ou du pop. Dans ce contexte, on pense aux plate-formes pétrolières offshore, à la pyramide de Caïus Cestius, aux rampes de lancement et aux anciennes sépultures romaines, à l’Amérique des petites villes, aux fortifications dues à Vauban, et au Strip de Las Vegas ou à toute autre bande routière si chère au cœur des Venturi. ” (Colin Rowe et Fred Koetter, Collage City, p.220). La mémoire peut établir une pensée différente de la réalité effective. Il peut évoquer un sentiment négatif. “Même lorsqu’il s’agit d’objets de nature assez abstraite, la mémorisation s’accroche généralement à des éléments singuliers de l’espace auxquels on peut associer des événements, des images et des signes.” (Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, p. 44). Cependant, si la centrale nucléaire devient accessible et s’intègre dans la vie quotidienne, la réaffectation implique un nouveau souvenir nostalgique et du coup la perte d’une identité répulsive. Le temps devient un facteur déterminant pour la centrale nucléaire en vue de la reconversion. Elle laisse des traces dans le territoire et peut se retrouver sous une forme symbolique de ruines romantiques dans un paysage. ”Le Temple,

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

le château fort, plantés, en bord de fleuve, revenaient en mémoire ; les centrales, véritables monuments protecteurs étagés à flanc de colline se reflétaient à la surface de l’eau comme ces monuments paysages anciens qui a eux seuls faisaient toute la valeur d’un site, créaient le lieu.” (L’architecture et le nucléaire, Claude Parent, p.30). La centrale nucléaire a éventuellement la qualité d’une ruine nostalgique d’un passé industriel, et par conséquent une valeur architecturale incontestable comme le dit Auguste Perret : « L’architecture, c’est ce qui fait les belles ruines. ».


Attraction

/ Nouvelle urbanité La réaffectation ou la réutilisation de l’espace entourant la centrale nucléaire permet une réorientation urbaine de la ville en direction de la centrale nucléaire. Un nouvel espace s’offre pour une nouvelle utilisation. La centrale réaffectée possède le potentiel de générer une nouvelle urbanité, dont elle se positionne non comme une centralité mais comme milieu à forte connotation symbolique. “Chaque ville a pourtant besoin d’un « milieu », représentatif de sa nature profonde. Dans notre époque de mutation fonctionnelle, ce « milieu » sera paradoxalement d’autant plus stable et significatif, qu’il sera peu fonctionnel mais fortement symbolique, qu’il pourra se charger d’un large éventail de significations, toujours ouvert à de nouvelles interprétations. Quel meilleur exemple cité que les ruines de la Gedächtniskirche de l’empereur Guillaume, même s’il ne provient pas de la Zwischenstadt ? Sans un grand intérêt architectural, dépouillée de toute fonction, la Gedächtniskirche figure « le milieu » incontesté de la partie ouest de Berlin, justement parce qu’elle n’a aucune fonction et bénéficie par conséquent d’un large éventail de significations. Cette caractéristique est apparue comme une évidence lorsque l’architecte Egon Eiermann voulut implanter une église et un clocher moderne à proximité et qu’il demanda très naturellement la démolition de cette ruine affreuse et inutile. Les protestations qui s’ensuivirent émanaient de toutes les couches de la population, alors même que les personnes les plus âgées étaient encore capables de faire le lien entre le nom du clocher en ruine et les grands moments de l’Empire.” (Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, p. 44) La centrale nucléaire réaffectée devient un élément fondateur d’une nouvelle urbanité naissante par la nouvelle place qu’elle occupe au sein du territoire. Le type de programme inséré dans le site devient de ce fait essentiel. Pour qu’une nouvelle urbanité s’opère, la centrale nucléaire doit être utilisée pour une fonction différente de celle pour laquelle elle a été édifiée. Cette nouvelle fonction peut être le point central d’une revitalisation urbaine générale. “Adaptive reuse of urban facilities has high potential to support ‘smart growth’ initiatives, which focus development within cities to decrease sprawl. Development in cities, as opposed

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

to suburbs or rural areas, helps contribute towards the revitalization of urban cores.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.22). Pour que la centrale soit perçue comme un élément propice à un renouvellement urbain, sa nouvelle fonction nécessite de préférence un programme d’ordre public. La centrale nucléaire doit être reconvertie pour qu’elle soit accessible et visible à la population locale. “Un paysage ne vaut que par les hommes qui y passent, qui le voient, qui s’insèrent. Il s’agit donc, avant tout, de rendre claire aux hommes, la perception du milieu dans lequel ils vivent.” (Alexandra Cot dans l’architecture et le nucléaire, Claude Parent, p.79).


Attraction

Processus de croissance et de déclin économique

UTILISATION ORIGINELLE

valeur économique

déclin économique

obscolescence de sa localisation obscolescence physique/structurelle obscolescence fonctionnelle

obscolescence légale/statut

obscolescence économique

obscolescence symbolique

obscolescence

processus de revitalisation

revitalisation sociale

revitalisation fonctionnelle

revitalisation physique

aucune valeur économique

mise hors service

perte valeur économique

croissance économique

NOUVELLE UTILISATION

potentiel

valeur urbaine valeur sociale

valeur esthétique valeur culturelle

valeur historique

valeur économique

Source: IAEA (International Atomic Energy Agency), IAEA NUCLEAR ENERGY SERIES No. NW-T-2.2, REDEVELOPMENT AND REUSE OF NUCLEAR FACILITIES AND SITES: CASE HISTORIES AND LESSONS LEARNED, Vienna, 2011

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

/ Cas d’études Les cinquante dernières années se sont révélées particulièrement bouleversantes pour l’industrie électrique. De nombreuses centrales énergétiques ont fermé leur porte à cause d’obsolescence, de rendement insuffisant, de pollution aggravée ou de proximité trop élevée par rapport à la population. Pourtant, plusieurs ont fait preuve de qualités irrévocables pour le redéveloppement de ces industries. Leur qualité architecturale, leur structure solide, leur esthétique, leur histoire, leurs grands espaces, leur proximité d’infrastructure de transport et leur positionnement dans des zones à la densité élevée en font des édifices intéressants pour la reconversion dans de nouveaux programmes. Plusieurs centrales non-nucléaires ont été reconverties avec succès ces dernières années. Le programme inséré dans le bâtiment est défini par des facteurs internes et externes à la centrale et selon les besoins des différents acteurs. Il y a de multiples possibilités de reconversions : musée, studio artistique, bureau, logement, école, site nucléaire, parc industriel, etc. Voici quelques centrales énergétiques reconverties avec succès en musée, restaurant ou bureau : > The Tate Modern, Londres, Angleterre : une ancienne centrale à charbon est maintenant musée d’art contemporain > Le centre d’art de Montemartini, Rome, Italie : une ancienne centrale à vapeur est aujourd’hui un centre d’art pour la collection de sculpture antique du musée Capitoline > Le Hard Rock Café restaurant, Baltimore, Maryland, USA : une vielle centrale électrique à un restaurant > Le Chester Waterside Station,Philadelphie, Pennsylvanie, USA : une ancienne centrale à charbon à un quartier général avec bureau > Le projet pour le Riga Contemporary Art Museum, Riga, Lettonie : une centrale conventionnelle à un centre d’art contemporain Plusieurs sites ou centrales nucléaires ont déjà été reconvertis ou sont en phase de reconversion. Il faut dire que dans la plupart des cas, les centrales nucléaires sont réutilisées pour des fonctions nucléaires ou énergétiques à cause des coûts de reconversion et de la licence d’exploitation déjà attribuée. Tout de même certaines centrales ont pris d’autres directions. Nous allons nous attarder principalement sur 4 cas d’études :


Attraction

> Wunderland Kalkar, Kalkar, Allemagne : la centrale nucléaire de Kalkar est achevée en 1985 après un coût global de 3.5 milliards d’Euros. En1991, suite à des protestations et aux accidents de Tree Mile Island et de Tchernobyl, on décide de démanteler certaines parties du surgénérateur sans qu’il ait été mis en service une seule fois, ce qui en fait un des plus grands fiascos de l’histoire. En 1995, la centrale nucléaire est mise aux enchères et vendue pour 2.5 millions d’Euros à un investisseur Hollandais qui la transforme en parc d’attractions « Wunderland Kalkar ». Il y a environ 40 attractions et un hôtel. Il accueille 600’000 personnes par année et donne du travail à 550 personnes en haute saison. L’intérêt de cet exemple est principalement dans « l’ambiance » que génère la centrale nucléaire pour un programme si opposé. Cette tension entre contenant et contenu est particulièrement intéressante dans ce projet de reconversion. La peur du contenant contre la joie du contenu. Cette même tension de deux pôles si différents, on la retrouve par exemple dans la transformation de la vielle prison Charles Street de Boston, symbole de dureté, en Hôtel Luxueux, idéologie du plaisir. Il faut noter que la reconversion amène souvent un surclassement ou à un déclassement global de la fonction originelle. Il y a très rarement un entre-deux, si ce n’est pour des raisons de fonctionnalité. > Le site nucléaire de Greifswald, Greifswald, Allemagne : le site nucléaire de Greifswald est composé de huit réacteurs nucléaires qui ont été construits entre 1968 et 1979, faisant d’elle la plus grande centrale d’Allemagne. La centrale est éteinte entre 1989 et 1990. Le démantèlement commença en 1995 et continue toujours actuellement. C’est le plus grand démantèlement nucléaire de l’histoire. En parallèle avec le démantèlement, il y a la mise en place du projet de reconversion et une aide économique pour les employés et les constructeurs de la centrale nucléaire (~13’600 personnes). Le site sera converti en plusieurs activités, tels qu’un port industriel, une centrale énergétique à gaz, une infrastructure pour la gestion des déchets et de nouvelles industries. Certains bâtiments sont réutilisés et adaptés pour ces nouveaux programmes. Ce cas présente des objectifs réalistes et un programme suivant une approche purement socio-économique en vu du grand nombre d’employés. Cette centrale est unique

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

par sa taille, ce qui implique la planification de cet espace, presque 120 ha, à un niveau territorial. Les programmes de reconversion sont très proches de l’état précédent si ce n’est que l’on diversifie l’industrie pour créer un pôle industriel. > Dépôt et abri des biens culturels du Canton de Vaud, Lucens, Suisse : la centrale de Lucens est la première centrale expérimentale de Suisse. Elle est construite dans une caverne en 1968 et arrêtée en 1969 suite à un accident nucléaire de niveau 4. La centrale est démantelée en 3 ans et le réacteur bétonné et scellé. On l’oublie pendant une trentaine d’années jusqu’à ce qu’on ait l’idée de la reconvertir en dépôt et abri des biens culturels du Canton de Vaud. Cette centrale est atypique dans sa configuration souterraine. Le fait d’être enterrée a permis de faire correspondre la nécessité principale du programme, avec celle de l’abri. La nouvelle fonction correspond bien au contenant et à son positionnement dans le territoire. A noter le fait que la centrale a pu être réutilisée malgré un accident survenu dans le réacteur. > Musée de l’atome, Chinon, France : la centrale nucléaire de Chinon comporte sept réacteurs, dont trois respectivement arrêtés en 1973, 1985, 1990 et quatre construits en 1984, 1987, 1988. Elle fait partie de la première centrale nucléaire française projetée par un architecte. Le réacteur A - 1, surnommé « boule » est considéré comme un « Landmark » pour l’ensemble de la région. Il a été démantelé partiellement jusqu’au niveau 1. Il est depuis 1986 reconverti en musée de l’atome suite à la demande de la population.


Attraction

typologie de la centrale nucléaire intégrité des bâtiments et du site

potentiels

caractéristique régionale du site facteur commercial/ climat état de fonctionnement du site nucléaire location de la centrale nucléaire mesures nécessaires au démantèlement

RECONVERSION facteur de redéveloppement

caractéristiques radiologiques

valeur patrimoniale des batiments/ installation/site (landmark)

options possibles pour la gestion des déchets

esthétique du bâtiment/ instalation/site (architecture)

nouveaux acteurs pour le redéveloppement

politique générale de développement (plan directeur, projection) impact environnemental

perception publique (village hôte, communauté locale)

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34/Hard Rock Cafe, Baltimore, U.S.A., ancienne centrale électrique

35/Wunderland Kalkar , Kalkar, centrale nucléaire jamais utilisée


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36/Centre d’art du Musée du Capitoline, Rome, Italie, ancienne centrale électrique


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37/American Museum of Science and Energy, Oak Ridge, ancien réacteur nucléaire

38/Dépot des Biens Culturels du Canton de Vaud, Lucens, Widmer architectes


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39/Centrale nucléaire de Dounreay, actuellement en démantèlement, possibile reconversion


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Le nucléaire Nucléaireetetla laville Ville- -Chapitre deuxièmeI partie

40/Centre d’art du Musée du Capitoline, Rome, Italie, ancienne centrale électrique



Manifeste


Ce « manifeste » fait état de prises de positions, de déclarations et de propositions. Il expose des idées répondant aux points soulevés précédemment concernant la reconversion de la centrale nucléaire d’Indian Point. Le but n’est pas de trouver « la » réponse à tout. En effet, il serait faux de croire qu’une solution règle tous les points d’un sujet si complexe. Le manifeste propose pourtant une logique cohérente dans une problématique durable : le « recyclage » de la centrale nucléaire pour un nouveau programme.


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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

“ Puisque l’on côtoyait le monde rural, il fallait faire sienne l’idée de la centrale aux champs, de la centrale monde ouvert, promotrice de jardins extraordinaires, de cultures pilotes, ponctuée de nappe d’eau et de lac, lieu de promenade. A la limite, la clôture n’était plus que symbolique et l’environnement immédiat de la centrale pouvait être utilisé comme lieu de loisir et de détente. Ce n’était pas une idée impossible puisqu’il existe aux U.S.A des exemples de terrains de loisirs aménagés à proximité immédiate des centrales nucléaires […] Les architectes conservent toujours l’espoir de traduire cette osmose entre le cadre et la centrale.” Claude Parent, L’architecture et le nucléaire


Manifeste

/ Etat des lieux La centrale nucléaire d’Indian Point est localisée à 39 km au Nord de New York dans le comté de Westchester. Elle occupe 97 hectares, soit près d’1 km2, dans le village de Buchanan. L’infrastructure se situe sur la rive Est de la Hudson river à environ 4 km au sud-ouest de Peekskill, la ville la plus proche. L’Hudson peut être considéré comme une artère physiologique de New York, mais aussi infrastructurelle à cause des différentes industries pétrolières, chimiques, textiles, etc. s’étant rassemblées le long de la rive pour des besoins en eau. Cependant, la « Hudson Valley » est aussi un lieu de loisirs et de repos, une sorte de « Central Park » dans la périphérie de New York. A Indian Point, l’Hudson se plie et grâce à la coupure du chemin de fer, produit un espace résiduel où se positionne la centrale nucléaire. Le comté de Westchester est considéré comme la première région suburbaine s’étant développée à grande échelle dans le monde. Cet étalement urbain est facilité par le développement de transports publics et de réseaux routiers partant de la ville de New York. Les zones urbaines du comté de Westchester sont constituées principalement de réseaux de villes et de villages sous forme d’archipels dans une structure désordonnée et décentralisée. La centrale nucléaire est actuellement composée de 3 réacteurs : les unités IP1, IP 2 et IP3. La centrale occupe un peu plus de la moitié du site, c’est-à-dire 50,3 hectares. Le reste est une portion inutilisée et non développée incluant de la forêt et des champs. Les réacteurs IP2 et IP3, construits en 1973 et 1976, sont les seuls réacteurs actuellement en fonction. Tout deux sont des réacteurs à eaux pressurisées avec un système à vapeur. Le refroidissement des réacteurs est fourni par l’eau de la rivière Hudson, qui est réchauffée par les réacteurs puis déversée à nouveau dans l’Hudson à une température plus élevée. Quant au réacteur IP1 construit en 1962 , il est formellement à l’arrêt depuis le 31 octobre 1974 et attend son démantèlement définitif. L’ensemble du site de la centrale nucléaire est encerclé par une clôture qui détermine la zone d’exclusion. L’accès est contrôlé par identification électronique. L’accès à la centrale peut se faire par voie terrestre et maritime. Le quai est souvent utilisé pour les équipements lourds.

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Indian Point

New York

o

50 km


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Indian Point

autoroutes principales o

50 km


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Indian Point

metro-north railroad o

50 km


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Indian Point

lignes de ferries o

50 km


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Indian Point

aire mĂŠtropolitaine (1930) o

50 km


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Indian Point

aire mĂŠtropolitaine (2010) o

50 km




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41/La centrale nucléaire d’Indian point vue depuis la rive de l’Hudson, NY


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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

Dans une aire de 10 km de rayon, figure le village de Buchanan à environ 0.8 km au Sud-Est de la centrale, la ville de Peekskill à 4 km au nord-est, la ville de Haverstraw à 6 km au sud-ouest. Le village hôte, Buchanan est constitué de 2’189 habitants, la ville de Peekskill de 22 441 habitants et la population de Haverstraw est de 33 811 personnes22. D’autres villages se situent dans cette zone comme Verplanck et Montrose. A 3.7 km au Nord du site se trouve aussi une base militaire « Camp Smith ». Le territoire des alentours de la centrale nucléaire de Indian Point a une morphologie de terrain ondulé et est constitué de collines et de vallées qui culminent au maximum à 258 m. La centrale se situe à une hauteur de 30 m dans un terrain en dénivelé constant. La centrale nucléaire de Indian Point peut être facilement repérée depuis la rive Ouest de l’Hudson. Alors que depuis le côté Est, la centrale nucléaire est enfouie sous une végétation et un remblais ce qui la rend pratiquement invisible. La cheminée de refroidissement de IP1 s’élevant à 102 m. les deux salles des machines d’une hauteur de 40,8 m. et les réacteurs de IP2 et IP3 de 76,2 m en sont les structures les plus hautes et massives du site. D’autres bâtiments auxiliaires sont aussi présents, comme des structures de décharge, des bureaux, des postes électriques, des lignes de transmission, des stations pétrolières, des réservoirs. La centrale nucléaire d’Indian Point utilise deux transformateurs électriques situés à l’extérieur du site, le long de la rue Broadway, pour distribuer l’énergie électrique sur le réseau principal. La population s’est accrue de 28 %23 en 10 ans dans un rayon de 5 miles (8 km) de Indian Point, à cause de l’étalement de la ville de New York, ce qui la définit comme la centrale nucléaire la plus dangereuse aux U.S.A, dû à sa proximité urbaine (près de 18 millions de personnes dans un rayon de 80 km). Le gouverneur de l’Etat de New York, Andrew Cuomo et différentes organisations non-gouvernementales, demandent par ailleurs la fermeture complète de cette centrale dont la décision sera prise en 2012-2013. Le potentiel de reconversion de la centrale nucléaire d’Indian Point est de ce fait un parfait cas d’étude possible à cause de sa localisation en proximité d’une 22

Voir US census bureau 2000

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Voir US census bureau 2000 et US census bureau 2010


SO

SSE

S

INDIAN POINT

SSE

NNE

SE

NE

ESE

ENE

distance radiante = tous les 10 miles

distance radiante = tous les 5 miles

distance radiante = tous les 2.5 miles

E distance radiante = tous les 1 miles

distance radiante = tous les 2.5 miles

distance radiante = tous les 5 miles

distance radiante = tous les 10 miles

Source: LYMAN, edwin s., Tchernobyl on the Hudson - the health and economic impacts of a terrorist attack at the Indian Point nuclear plant, PhD, Union of Concerned Scientists, 2004

OSO

O

ONO

NO

NNO

N

< 1 600 000

900 000 - 1 600 000

600 000 - 900 000

300 000 - 600 000

150 000 - 300 000

> 150 000

Manifeste /183


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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

grande ville comme New York. “The location of any industrial facility to be decommissioned is an important factor that needs to be considered from a socioeconomic perspective. Most of the facilities that become obsolete or operational functions were modified are located in geographical areas already heavily populated and close to commercial districts. Older facilities are usually targeted for decommissioning. These facilities were originally constructed on the edge of a growing metropolitan area but are now in the centre of an urban area and are engulfed by city sprawl.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.11). La centrale nucléaire approvisionne tout de même une quantité d’énergie électrique non négligeable pour New York et pour d’autres régions. Son arrêt devrait par conséquent se traduire par d’autres installations comme l’ont prédit différentes études.24 Le futur de la centrale nucléaire devient important pour des raisons socioéconomiques. Indian Point et sa région, dont le village hôte de Buchanan, peuvent se décrire comme un système socio-économique dynamique et interdépendant. La communauté procure les personnes, les biens et services requis pour le fonctionnement de la centrale nucléaire. En échange, la centrale nucléaire crée de la demande et paie pour les personnes (~ 1’300 ouvriers), les biens et les services. En outre, Buchanan, Cortland et Hendrick Hudson Central School bénéficient d’une taxe importante d’exploitation versée par la centrale, respectivement entre 30 et 45 % des dépenses communales de Buchanan, entre 10 et 20 % pour la ville de Cortland et de 25 à 40 % pour l’école Hendrick Hudson. Ces dépenses sont surtout utilisées dans les services publics tels que la police, le service du feu, la santé, les transports, les zones de repos, etc… La reconversion a donc la responsabilité de rétablir une nouvelle économie locale mais aussi une nouvelle centralité urbaine et une cohérence globale pour cette agglomération.

24 Voir l’étude portant sur les alternatives énergétiques:COMMITTEE ON ALTERNATIVES TO INDIAN POINT FOR MEETING ENERGY NEEDS, Alternatives to the Indian Point Energy Center for meeting New York Electric Power Needs, The National Academies Press, Washigton, 2006


Manifeste

/ Scénario Ordinairement, la meilleure réutilisation d’une centrale nucléaire est la fonction pour laquelle elle a été originellement dessinée, particulièrement pour les centrales construites dans des zones éloignées. « Nuclear facilities are normally sited at a distance from residential areas. If this is still the case, the remoteness can be an advantage for prolonged nuclear applications. If this is not the case, the risk involved related to an abnormal situation that might occur at a nuclear facility and current regulatory requirements will influence the nuclear redevelopment and reuse viability of

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structure de confinement

générateur de vapeur

ventilation de la centrale

pompes

présuriseur

cœur du réacteur

circuit primaire

traitement des déchêts

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vapeur du générateur sortie aspiration eau de la rivière Hudson

alternateur

condenseur

turbines

pompes

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

such a site. » (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.20) Indian Point se retrouve dans une région plutôt urbanisée, qui semble posséder un potentiel d’urbanisation grandissant dû à la congestion New Yorkaise et à son exode urbain spécifique de ces dernières années. L’obsolescence de la centrale nucléaire d’Indian Point peut impliquer une fermeture imminente. Un scénario possible serait le « recyclage », un potentiel d’Indian Point pour une réaffectation adaptée ou adaptable à un autre programme non exclusivement énergétique : “The term ‘adaptive reuse’ is applied to situations where a facility or building is obsolete from in terms of its original purpose, but can be modified for a new function. If the facility has the right combination of location, architectural scale, and aesthetic or historical appeal, it can be an extremely attractive prospect for adaptive reuses options oriented towards the general public. […] The opportunity to reuse obsolete facilities in the urban core supports sustainability and smart growth initiatives designed to focus redevelopment in inner cities in an effort to decrease urban sprawl.” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.12) Le scénario, peut-être utopique, est directement déterminé par les besoins et les données du contexte : une centrale trop chère pour être démantelée dans sa totalité, une dépendance socio-économique d’une partie de la région, une crise économique et d’investissement, un besoin de renouvellement et d’identité, une monumentale et symbolique friche nucléaire. La centrale nucléaire d’Indian Point se propose comme une nouvelle polarité d’un certain type d’urbanité. Elle se veut le point de départ d’un renouvellement urbain le long du Hudson, une bande caractérisée par des carcasses industrielles sans vie. La reconversion dans un autre programme serait clairement viable dans une région aussi attachée à l’histoire industrielle. Cependant la banlieue de Westchester n’a pas encore de point de référence autre que Manhattan. La rivière Hudson pourrait ainsi retrouver sa qualité d’aire de repos, de paysage sublime, devenir le centre linéaire de la région périphérique de New York.


Manifeste

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H udson river

s on Hud

riv er

Dutchess 80km

Ulster Sullivan Orange

Hu dson r i ver

Indian Point 30km

Putnam Westchester Rockland

Bronx New York (Manhattan) zone potentiel de redĂŠveloppement


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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

/ Super signe La centrale nucléaire reconvertie et la réaffectation d’autres friches industrielles le long de l’ Hudson River redonneraient une nouvelle identité à la région. En effet, plusieurs beautés architectoniques, présence d’un passé industriel, se trouvent dispersées le long de l’ Hudson et tombent petit à petit dans la décrépitude. Thomas E. Rinaldi et Robert J. Yarsinsac critiquent fortement cette attitude passive envers ces friches de la part de l’administration : “The Hudson Valley is changing today. Rapid population growth has brought development pressures greater than any the region has ever demand for commercial and residential development together with the successful cleanup of serious pollution problems has bought new attention to properties long laid to waste. Often these areas are home to historic structures that have stood abandonned for years, buildings that now could be redeveloped, to put new use, and preserved. But in a region still accustomed to viewing such buildings as symbols of stagnation, and whose communities for a generations have had to take what they could get in terms of new development, these ruins have begun to disappear at an increasing rate” (Thomas E. Rinaldi, Robert J. Yasinac, Hudson valley ruins – forgotten landmarks of an american landscape, p.2). Ces ruines industrielles considérées comme les “Landmark” d’un passé nostalgique pourraient voir à nouveau le jour avec le redéveloppement de la centrale nucléaire. Ce développement urbain pourrait permettre à l’agglomération urbaine de se dépolariser de la ville de New York et ainsi se revitaliser. Le redéveloppement de cette bande industrielle, ne débutera que par la réaffectation d’une entité symbolique, c’est-à-dire la centrale nucléaire d’Indian Point. Cela induira la création d’un « super signe » : “Des éléments auxquels on a donné une visibilité et une charge positive sont rassemblés dans une chaîne d’objets et d’événements également requalifiés. Des signes d’origine et de nature très différentes sont ainsi regroupés pour former un ”super signe” à l’échelle de toute une région.” (Thomas Sieverts, Entre ville : une lecture de la Zwischenstadt, p. 135) Ce « super signe » aurait le potentiel d’attirer de nouveaux investisseurs, de nouveaux développements et de nouvelles personnes. La centrale nucléaire deviendrait le symbole positif de toute une région et peut-être même de l’état de New York. Dans une société où l’exception est mise en avant, une centrale


Manifeste

nucléaire réaffectée par un programme public engendrerait un « pèlerinage » d’individus recherchant la singularité. Le fait de se retrouver à proximité d’une ville aussi attractive mondialement que celle de New York amplifierait la perspective d’un pèlerinage. La spécificité d’une centrale nucléaire augmenterait une polarisation de cet espace jusqu’à un retournement potentiel de situation : un passage de la répulsion à l’attraction.

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

/ Intentions Le projet de centrale nucléaire d’Indian Point doit jouer un nouveau rôle pour la région. La centrale nucléaire d’Indian Point doit être interprétée comme un cas d’étude pouvant ouvrir de nouvelles voies vers la réutilisation d’infrastructures nucléaires existantes dans le monde. Ces installations sont bien souvent détruites ou laissées sur place pendant des dizaines d’années malgré le fait qu’une majorité des bâtiments n’est pas ou très peu radioactif. De plus, l’impact socio-économique et urbain de cette installation pendant son fonctionnement et après son démantèlement n’est pas négligeable. La possible réutilisation après le démantèlement serait une occasion à saisir au plus vite. Le projet ne cherchera pas à résoudre les problèmes énergétiques liés à l’arrêt de la centrale nucléaire d’Indian Point, bien trop complexes pour cette étude, mais considérera la centrale nucléaire comme une entité arrêtée et démantelée. La spécificité typologique de la centrale nucléaire d’Indian Point peut permettre l’intégration de plusieurs programmes publics. ”Power plants have solid structures and are usually situated along lakes and/or rivers or have large sources of water available. The buildings have large floor space and height, making them ideal for reuse options such as museums, aquariums, restaurants, offices, hotels, libraries, science and technology centres, arts centres, industrial manufacturing facilities and stations for public transportation systems. Any number of these options may be combined. […] Redevelopment and reuse options influence the decommissioning endpoints, especially for museums or heritage facilities. In industrial museums, most of the equipment (e.g. power generators, control systems) are to be kept in the original state, and decommissioning includes cleanup actions and restoration options, but not necessarily the dismantling and demolishing of equipment and parts of buildings. The architectural scale and open spaces of former power plants are well suited for use as museums. […]Nuclear facilities have been redeveloped and reused as, inter alia, museums, natural gas power plants, waste storage areas, nuclear culture complexes, technological parks and renewable power generation facilities (wind energy).” (IAEA, Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, 2011, p.29).


Manifeste

Les intentions du projet se résument en sept points énoncés ci-dessous : > Contraste et tension entre le contenant (la centrale nucléaire) et son contenu (programme ou évènement), recherche d’une ambiguïté spatiale comme un élément attractif. > Remplacement de la dépendance socio-économique par le nouveau programme. > Rétablissement d’un nouvel équilibre urbain entre la centrale nucléaire et son territoire. > Ouverture de la centrale nucléaire au public. La centrale devient un lieu inclusif de la ville. > Le temps devient un paramètre architectural essentiel du projet de reconversion (projet évolutif). > Utilisation des éléments symboliques comme un élément pojectuel d’un certain type de spatialité. > Nouveau code génétique dans le bâtiment, réintégration d’un nouveau langage architectural inspiré de l’esthétique nucléaire Le démantèlement ne doit pas être un aboutissement, une triste fin, mais au contraire le début d’une nouvelle histoire.

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Le Nucléaire et la Ville - deuxième partie

/ Conclusion La centrale nucléaire peut être considérée comme un paradoxe du XXIème siècle. L’éloignement de la ville par rapport à la centrale, qui est une réelle nécessité, s’estompe avec le temps. Cet objet, autrefois exclu de la ville, se rapproche de celle-ci à cause de l’étalement urbain. La centrale, après quelques décennies, se retrouve, par la force des choses, unie à la ville, qu’elle a toujours servie pour le meilleur (production d’énergie électrique), et parfois pour le pire (contamination radioactive). Vu cette nouvelle situation, ville et centrale devront interagir en conséquence. Cet espace nucléaire doit être remis en question en tenant compte des différents symboles qu’il représente dans notre société. Il se peut que la ville bannisse la centrale nucléaire à nouveau, ou encore qu’elle l’asservisse à sa propre cause : l’espace urbain. De nouvelles opportunités spatiales pour la banlieue pourraient voir le jour. Il se peut à bien des égards, que la centrale nucléaire remplisse une nouvelle fonction dans la ville. Un changement dans son contenu permettra une modification de la connotation négative de la centrale et de son interaction avec la ville. Les frontières, autrefois établies entre ces deux entités, disparaîtront avec le démantèlement de cette installation. Un nouvel équilibre devra être trouvé, auquel il faudra répondre par l’adoption de nouvelles solutions adaptées à son contexte.

42/Bâtiment du réacteur traité à la Piranese, Jean Pattou


Manifeste

La centrale, avec toute la fascination et l’imaginaire qu’elle a pu susciter, deviendra enfin accessible au commun des mortels. En effet, comme le dit l’artiste allemand Anselm Kiefer, concernant la centrale de Mülheim-Kärlich qu’il veux racheter : “ Cette centrale nucléaire est fantastique. Merveilleuse. C’est mon Panthéon […] Les centrales nucléaires sont la plus fantastique forme de production d’énergie, elles ont quelque chose de mythique ” (Anselm Kiefer, interview, 1 novembre 2011). La monumentalité et l’ histoire de cette centrale nucléaire accentueront sa nouvelle position de « Landmark ». Cette installation, qui ne suscitait que des réactions de rejet à cause de son contenu dangereux, pourra par la suite faire l’objet d’une reconversion et devenir un symbole positif pour toute une région. Ce retournement de situation impliquera obligatoirement de nouveaux acteurs. Finalement, c’est aux urbanistes et aux architectes qu’incombera la responsabilité de cette problématique afin d’inventer de nouvelles solutions pragmatiques et durables.

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43/Dolgorukov, Affiche de propagande du réalisme soviétique des années 30


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44/Centrale nucléaire d’Indian Point, NY, vue depuis Peekskill

45/Centrale nucléaire d’Indian Point, NY


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46/Ancien parc d’Indian Point dans les années 40, NY

47/Friches industrielles le long de l’Hudson, Westchester County, NY


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48/Ville de Peekskill, dans les abords de la centrale nucléaire d’Indian Point, NY

49/Manifestation à New York pour la arrêt de la centrale nucléaire d’Indian Point, NY


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50/Article de Roger Whiterspoon concernant le démantèlement de la centrale nucléaire d’Indian Point


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51/Brochure de 1950 pour la centrale nucléaire d’Indian Point, NY

52/Coupe générale pour le confinement du réacteur de la centrale nucléaire d’Indian Point, NY


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53/Coupe longitudinale type de la centrale nucléaire d’Indian Point, NY

54/Emblème municipal de Buchanan, le village hôte de la centrale nucléaire d’Indian Point, NY


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55/Les réacteurs de la centrale nucléaire d’Indian Point

56/La salle des machines de la centrale nucléaire d’Indian Point



Bibliographie, liste des illustrations


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Bibliographie, liste des illustrations

/ Bibliographie Littératures TERTRAIS, Bruno, Atlas mondial du nucléaire : Civil et militaire, Autrement, Paris, 2011 CHATEURAYNAUD, Francis, TORNY, Didier, Les sombres précurseurs – Une sociologique pragmatique de l’alerte et du risque, Ecoles des hautes études en sciences sociales, Paris, 1999 NOVEMBER, Valérie, PENELAS, Marion, VIOT, Pascal – sous la dir., Habiter les territoires à risques, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2011 ALEXIEVITCH, Svetlana, La supplication – Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, j’ai lu, Moscou, 1997 ROWE, Colin, KOETER, Fred, Collage city, infolio archigraphy, Golion, 2002 PARENT, Claude, L’architecture et le nucléaire, Moniteur, Paris, 1978 SIEVERTS, Thomas, Entre-ville – une lecture de la Zwischenstadt, Parenthèses, Marseille, 2004 VANDERBILT, Tom, Survival city (adventures among the ruins of atomic America), The University of Chicago Press, Chicago, 2010 VENTURI, Robert, SCOTT BROWN, Denise, IZENOUR, Steven, L’enseignement de Las Vegas, Mardaga, Sprimont, 2007 PARENT, Claude, Les maisons de l’atome, Moniteur, Paris, 1983 BEDFORD, Henry F., Seabrook station – citizen politics and Nuclear Power, The University of Massachusetts Press, United States, 1990 STEADMAN, Philip, HODGKINSON, Simon, Nuclear disasters & the built environement, Butterworth Architecture, London, 1990 TUNNARD, Christopher, PUSHKAREV, Boris, Man-made America – Chaos or Control ?, Harmony Books, New Yorks, 1981 LECLERCQ, Jacques, L’ère nucléaire, Chêne, Paris, 1986 BASDEVANT, Jean Louis, Maîtriser le nucléaire – que sait-on et que peut-on faire après Fukushima ?, Eyrolles, Paris, 2011 AUGE, Marc, Non-lieux – introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, 1992 RINALDI, Thomas E., YASINAC, Robert J., Hudson valley ruins – forgotten landmarks of an american landscape, University Press of New England, Lebanon, 2006 FONDATION ELECTRICITE DE FRANCE, INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHITECTURE, Architectures de l’électricité, Norma, Paris, 1992 LE CORBUSIER, Vers une architecture, Champs arts, Malherbes, 2010

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Sitographie http://www.nrc.gov/, novembre 2011 http://www.iaea.org/, novembre 2011 http://www.census.gov/, octobre 2011 http://www.msnbc.msn.com/, novembre 2011 http://www.ny.gov/, octobre 2011 http://www.westchestergov.com/, décembre 2011 http://www.villageofbuchanan.com/, octobre 2011 http://www.cortland.org/, octobre 2011 http://www.entergy-nuclear.com/, novembre 2011 http://www.shutdownindianpointnow.org/, décembre 2011 http://www.riverkeeper.org/, novembre 2011 http://cryptome.org/, décembre 2011


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Bibliographie, liste des illustrations

Filmographie LANG, Fritz, Metropolis, UFA, Berlin, 1927, 145 min , version originale sous-titrée français restaurée de 2010 GILIAM, Terry, Brazil, Universal Studio, 1985, 94 min, version originale BRIDGES, James, The China Syndrome, Columbia Pictures, 1979, 122 min, version originale MADSEN, Michael, Into Eternity, 2010, 75 min, version originale sous-titré français PATAULT, Micha, Atomic City, Narrative, France Télévisions, 2010, 34 min, version originale

Entrevues/Séminaires WYNN KIRBY, Peter, Unknown Fields: From the Atomic to the Cosmic, Trajectory Public Forum 2 Nuclear Identity in Japan, séminaire, AA school, Londre, 11 juillet 2011 CHAWLA, Rakesh, doctorat en génie nucléaire à l’Imperial College de l’Université de Londres, directeur du Laboratoire de physique des réacteurs et de technique des systèmes au PSI et professeur ordinaire son enseignement porte sur les aspects physiques du génie nucléaire et les travaux pratiques utilisant le réacteur CROCUS à l’ l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Entrevue, Lausanne, 27 septembre 2011 HALDI, Pierre-André, ingénieur-technicien en électrotechnique et génie nucléaire de l’Ecole d’ingénieurs de Genève et d’un diplôme d’ingénieur-physicien de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Directeur du “Master of Advanced Studies” (MAS) en énergie de l’Ecole polytechnique fédérale de, Entrevue, Lausanne, 3 octobre 2011 WALD, Matthew L., écrivain au New York Times sur les questions Energétique depuis plus de 30 ans particulièrement sur l’énergie nucléaire, Entrevue, New York, 24 octobre 2011 WHITERSPOON, Roger, journaliste indépendant, auteur, éducateur et spécialiste en relation publique, dénonce depuis plusieurs années les problèmes liés à la centrale nucléaire d’Indian Point dans l’état de New York, Entrevue, Cortland Manor, 27 octobre 2011 ELIE, Marylin, travaille avec « Croton Close Indian Point » et conteste depuis 17 ans de la centrale nucléaire d’Indian Point dans l’état de New York, Entrevue, Cortland Manor, 27 octobre 2011 TAMA, Mario, photographe pour le Getty Images, Entrevue, New York, 3 novembre 2011 SHAPIRO, Susan, avocate, experte pour le démantèlement de la centrale nucléaire d’Indian Point dans l’état de New York,Entrevue, Buchanan, 7 novembre 2011 TRUBY, Stefan, diplômé de la AA School de Londres, architecte, théoricien, curateur, professeur à la Zürich University of Arts, a écrit plusieurs livres sur l’électromagnétisme en architecture et sur l’architecture paranoïaque, Entrevue, Zürich, 23 novembre 2011 FLOWER, Joanna, WIDMER, Pascal, architectes diplômés EPFL, élaboration du projet de reconversion de la centrale nucléaire expérimentale de Lucens, Entrevue, 5 décembre 2011


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/ Illustrations Répulsion

1, p.34 > United States Department of Energy 2, p.34 > AA school, Sho Ito 3, p.35 > http://www.ne.anl.gov 4, p.36 > Report of president’s commission on the accident at Three Mille Island 5, p.36 > http://www.nytimes.com 6, p.37 > http://taco-man-andre.tumblr.com/ 7, p.37 > http://jeremynicholl.photoshelter.com/ 8, p.38 > http://magnoliaeditions.com

Confinement

9, p.80 > photo, Davide Di Capua 10, p.80 > Les maisons de l’atome, Claude Parent 11, p.81 > L’architecture et le nucléaire, Claude Parent 12, p.81 > L’architecture et le nucléaire, Claude Parent 13, p.82 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 14, p.82 > http://mini-site.louvre.fr 15, p.83 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 16, p.84 > http://lewebpedagogique.com 17, p.85 > National community fallout shelter design competition awards, 18, p.85 > Learning from Las Vegas, Venturi, Scott-Brown, Izenour 19, p.86 > The architect in the nuclear age, Munce

Radiation

20, p.102 > http://www.washington.edu 21, p.102 > Nuclear Technology review 2011 22, p.103 > http://www5.hanford.gov 23, p.104 > http://www.nytimes.com

Contamination

24, p.120 > http://en.wikipedia.org 25, p.120 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 26, p.121 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 27, p.122 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 28, p.122 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 29, p.123 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 30, p.124 > http://romantic-ruins.blogspot.com 31, p.124 > The China Syndrome, James Bridges 32, p.125 > http://kisrael.com/

Neutralité

33, p.140 > Les maisons de l’atome, Claude Parent

Attraction

34, p.162 > Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, IAEA 35, p.162 >http://www.theatlantic.com 36,p.163 > Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned,


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Bibliographie, liste des illustrations IAEA 37,p.164 > Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, IAEA 38, p.164 > Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, IAEA 39, p.165 > Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, IAEA 40, p.166 > Redevelopment and reuse of nuclear facilities and sites: case histories and lessons learned, IAEA

Manifeste

41, p.180-181 > photo, Davide Di Capua 42, p.194 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 43, p.196 > L’ère du nucléaire, Jacques Leclercq 44, p.197 > photo, Davide Di Capua 45, p.197 > photo, Entergy 46, p.198 > Indian Point park at the Hudson river Day Line 1924-1948 47,p.198 > photo, Davide Di Capua 48, p.199 > photo, Davide Di Capua 49, p.199 > photo, Davide Di Capua 50, p.200 > The journal newsparer 51, p.201 > The Star newspaper 52, p.201 > IAEA (International Atomic Engergy Agency) 53, p.202 > IAEA (International Atomic Engergy Agency) 54, p.202 > photo, Davide Di Capua 55, p.203 > photo, Davide Di Capua 36, p.203 > photo, Entergy


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