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Random Recipe: une formule gagnante > 11
Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.
Changer le fusil d’épaule > 3 Troubles dans les équipes sportives > 4 Migration de la matière grise > 8-9 Rencontre avec Alex Nevsky > 13
Le mardi 21 septembre 2010 - Volume 100 Numéro 3, le seul journal Francophone de l’Université McGill.
David contre Goliath depuis 1977.
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LE PROJET DE LOI PRIVÉ C-391, INTRODUIT en mai 2009 par la députée fédérale conservatrice Candice Hoeppner, propose de cesser l’enregistrement des armes d’épaule au registre canadien des armes à feu. Le vote se tiendra mercredi et, aux dires de Carl Boisvert, attaché de presse du Bloc Québécois, «aucun député du bloc n’est récalcitrant et les Libéraux vont voter contre. Tout dépendra du nombre de députés libéraux qui se présenteront en chambre lors du vote.» La position du Nouveau Parti Démocratique n’est toujours pas déterminée et le sort du projet de loi est incertain. Le registre des armes équivaut-il au contrôle de leur utilisation? L’Association des chefs de police canadiens a récemment pris position: «Nous croyons que l’élimination du système national canadien d’enregistrement des carabines et des fusils de chasse et de délivrance de permis diminuera la sécurité au pays.» Dans son rapport, la Gendarmerie Royale du Canada note que le registre des armes à feu d’épaule contribue à la sécurité des policiers et «aide les policiers à retracer les armes et à lutter contre leur circulation illégale». Gabriel Tordjman, le deuxième vice président de l’Association des professeurs de Dawson, en entrevue avec Le Délit, explique que le rapport favorable de la GRC a été un facteur déterminant dans leur rejet total de la proposition du Premier ministre. Pour lui, cela relève du «bon sens que de croire en l’efficacité du registre et en sa capacité de réduire le nombre de morts dues aux armes d’épaule». Il soutient que les «moyens d’attribution de licence, les réglementations sur la santé mentale et les constantes mises à jour peuvent en effet faire une différence.» Pourtant, l’argument soutenant que le registre n’a pu empêcher les fusillades de Concordia en 1992 et de Dawson en 2006, résonne en sourdine. Le discours public sur le registre encensé par les nouvelles quotidiennes qui vont s’éteindre d’ici peu, après le vote de cette semaine, est confus et, comme notent certaines critiques, déformé par la désinformation. Pour certains, il semble instinctif de rejeter la proposition du premier ministre canadien sur une base économique. M. Tordjman pense que l’évaluation des coûts et des bénéfices est superflue parce qu’évidente: quand le registre a été établi, «les coûts étaient assez élevés, mais tout le monde est d’accord pour dire qu’ils ont grandement diminué depuis.» D’autres en font un débat social, faisant de la dichotomie rural/urbain leur char d’assaut. La décision de Jack Layton, chef du NPD, de ne pas donner de consigne sur le vote du projet de loi C-391, donne au débat des couleurs partisanes. C’est l’idéologie du Parti conservateur qui est sur la ligne de mire pour le représentant des professeurs de Dawson: «L’idéologie conservatrice est traditionnellement associée à un respect de l’appareil légal. Mais en ce moment ils sont tellement occupés à discréditer les arguments avancés par les forces de l’ordre qu’ils contredisent les principes fondamentaux de leur propre parti.» Pour Montréal cependant, ce projet de loi privé est une flèche en plein cœur. Ou plutôt le couteau qui remue la plaie de vieilles blessures depuis Polytechnique, et plus récemment, comme en témoigne le discours de Mme De Souza, Dawson. Même si les étudiants de l’année 2010 ne comptent pas parmi ceux qui ont été en contact direct avec la fusillade, ils se sont mobilisés pour adopter une position claire sur la question et ont organisé un voyage à Ottawa pour faire pression sur leur député. Les professeurs, eux, sont là pour rester et «essaient de retirer quelque chose de positif de la tragédie, sans être aveuglés par l’idéologie politique». x
Le traumatisme de l’automne 2006 a été rendu public la semaine dernière.
C’était 391?
Fusillade à Dawson: étude
Les étudiants et les employés en contact direct avec la fusillade sont les plus touchés. Camille Pasquin
Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
I
l y a maintenant plus de quatre ans que Kimveer Gill a semé la panique dans les couloirs de Dawson, tué Anastasia De Souza, blessé dixneuf étudiants et s’est enlevé la vie. Sans se limiter à la comémoration de l’événement, le Centre de recherche Fernand Séguin (CRFS) de l’Hôpital Hyppolite Lafontaine et le Centre Universitaire de santé de McGill ont essayé de répondre à la question «et après?» Commandée par M. Richard Fillion, directeur général du Collège Dawson, l’étude porte strictement sur une évaluation du plan d’intervention psychologique spécialisé pour ce genre de crise. Richard Boyer, chercheur au CRFS explique que s’il a été décidé de circonscrir l’angle d’approche de cette étude, c’est que: «on s’est aperçu qu’il y avait des répercussions psychologiques sévères même dix-huit mois après l’événement, ce qui suggère qu’on a peutêtre négligé notre capacité de dépistage [des troubles post-traumatiques, NDLR] à long terme.» Le rapport identifie certaines lacunes dans les mesures d’intervention telles que le dépistage et la recherche active d’individus aux troubles psychologiques
post-traumatiques à long terme, et ce à partir «d’une méthode [qualitative] classique d’enquête de santé mentale et d’entretiens avec les personnes clés sur place.» Comme il est stipulé dans l’évaluation, «les programmes post-trauma ou post-incident critique reposent sur un modèle médical d’intervention d’urgence», donc limités au court-terme. Bien que la tragédie à Dawson s’inscrive dans une série de fusillades ayant eu lieu dans des écoles de Montréal, l’étude se concentre uniquement sur le cas du 13 septembre 2006 et ses répercussions. Dr Boyer maintient que les chercheurs ont d’abord essayé d’adopter une approche plus large en essayant de recueillir de l’information sur la gestion de crise et l’intervention psychologique auprès des personnes présentes lors des fusillades aux États -Unis. Toutefois, rien n’a pu être publié. De même, les chercheurs n’ont pas tenté de faire des liens entre les quatre tireurs, leur profil psychologique ou les facteurs sociétaux pouvant potentiellement expliquer la recrudescence de la violence perpétrée en milieu scolaire depuis une vingtaine d’année. L’étude a donné naissance au «programme d’intervention psychologique multimodal» intitulé SÉCURE (Soutien, évaluation et
coordination unifiés pour le rétablissement et l’éducation), contenant des recommandations adressées particulièrement au Ministère de la Sécurité qui se voit désigner responsable d’orchestrer le bal et de développer un plan pour l’ensemble du Québec conjointement avec le Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport. Le chercheur ne doute pas de la faisabilité des recommandations. Sur la question du budget que ceci représente, il insiste sur le fait que ce n’est pas excessif: «Cela fait partie des budgets d’intervention et de gestion de crise, de tout ce qui se fait déjà dans les écoles et dans les universités. Il est important de faire la part des choses entre les types de crise et aussi le contexte, pour préciser leur modèle d’intervention. Il faudra sûrement former des gens ou augmenter le nombre d’intervenants, mais compte tenu des coûts encourus par les étudiants, les enseignants et les parents des victimes, le compromis est minime.» L’étude a été rendue publique la semaine dernière. Le timing semble assez opportun car les députés doivent voter cette semaine sur le registre des armes à épaules, ces mêmes armes qu’avaient choisies Marc Lépine et Kimveer Gill pour perpétrer leur massacre. x
Et si ça se passait chez nous?
Les images de Dawson rapellent Columbine. Camille Pasquin
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Lors de la fusillade au Collège Dawson, le campus de McGill était en état d’alerte. Selon Pierre Barbarie, Directeur Adjoint du Service de Sûreté de McGill, la possibilité que Kimveer Gill soit accompagné ce jour-là par d’autres tireurs sur d’autres campus signifiait qu’il fallait se préparer à toute éventualité. Louise Savard, Directrice de la Sûreté Universitaire, a même qualifié cette journée d’«effrayante». Lors d’une entrevue accordée au Délit, elle a déclaré que pendant la journée du 13 septembre 2006, des patrouilleurs surveillaient constamment l’enceinte ainsi que l’intérieur du campus. L’objectif principal du Service de Sûreté était «de s’assurer que la communauté [soit] réconfortée, et qu’elle sache qu’ils étaient disponibles en tout temps» pour garantir la sécurité des étudiants. Le mot clé de la journée était «préparation». «Malheureusement, on ne peut pas empêcher le déclenchement de ce genre de situation, mais on peut être mieux préparés à réagir,» note Barbarie. À cette fin, le Service de Sûreté de McGill offre depuis trois ans des «présentations sur les tireurs actifs» (active shooter presentations). Lors de ces séances, une mise en scène prépare les participants à adopter la meilleure ligne de conduite face à de telles circonstances. Savard nous a aussi fait part du nouveau programme de sécurité «McGill Attention!» Ce dernier consiste à entrer notre numéro de cellulaire sur Minerva pour «recevoir des messages d’alerte pouvant être importants pour [notre] santé ou [notre] sécurité». En d’autres mots, dans l’éventualité d’une telle situation, l’université enverrait un SMS aux abonnés indiquant l’emplacement du tireur, pour que tous puissent s’en éloigner. x Andrea Saavedra / Le Délit
Nouvelles
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SPORT ÉTUDIANT
Presque deux fois moins d’équipe varsity Des remaniements au sein du service des sports se répercutent sur le financement de plus de vingt équipes sportives. Les athlètes sont inquiets des conséquences de cette décision draconienne.
Les athlètes devront débourser davantage pour faire partie de certaines équipes sportives de l’université. Florent Conti / Le Délit
Éléna Choquette & Philippe Teisceira-Lessard Le Délit
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’Université McGill a fait tomber le couperet sur une grande partie de ses équipes sportives cet été: près de la moitié de ses clubs de catégorie varsity ayant perdu leur statut, au grand dam des sportifs affectés. «L’effet de cette décision sur notre équipe est qu’elle n’existe plus. Nous ne sommes maintenant qu’un groupe de personnes qui ont été abandonnées par l’université et qui doivent se débrouiller seuls», affirme tout de go Nick James, l’entraîneur et capitaine de l’équipe de squash mcgilloise. Alors que quarante-neuf équipes détenaient le statut varsity l’année dernière, la hache de l’administration n’en a laissé que vingt-neuf encore debout pour commencer septembre. Hormis celle de squash, la liste des équipes qui le perdent
cette année inclu l’équipe de cyclisme, de patinage artistique et de curling. «Je crois que les équipes qui ont perdu leur statut varsity étaient peut-être choquées au début ou mécontentes, mais je crois qu’ils verront qu’ils sont mieux là ou ils sont», plaide Jill Barker, en charge des communications pour le service des sports. «Je crois que nous avons pris la bonne décision.» Alexandre Fyfe, membre de l’équipe de voile de McGill, n’est pas du même avis. Selon lui, la perte du statut varsity a créé des difficultés supplémentaires pour sa formation et pour les athlètes qui souhaitent en faire partie. «On recevait 400$ par année pour faire partie de varsity, ce qui était insignifiant il est vrai; mais maintenant on doit payer 100$ à l’université pour exister!», affirme le sportif. Il indique que la situation les désavantage par rapport aux équipes adverses recevant à la fois support et financement de
leur université respective. M. Fyfe doit aussi consacrer beaucoup de son temps à la bureaucratie qui entoure l’administration de l’équipe, ce qui nuit à ses performances sportives, estime-t-il. L’étiquette varsity Peu connu à l’extérieur du monde sportif, le statut varsity est normalement accolé aux équipes d’élites d’une université, à celles qui portent le plus haut la bannière de l’institution. En plus de l’honneur, les équipes varsity de McGill jouissent de plusieurs privilèges. Déplacements payés (y compris l’hébergement et les repas), séances de traitement dans une clinique médicale en cas de pépin, tutorat académique et accès à une salle d’entraînement particulière, une large gamme de dépenses de ces sportifs sont pris en charge par McGill. Le service des sports de l’université sépare ses équipes en trois
catégories. Les deux premières reçoivent l’étiquette varsity, alors que la dernière est constituée de clubs dits compétitifs ayant l’opportunité de jouer à l’extérieur des murs de l’université sans ne jamais officiellement la représenter. Pourquoi une réduction si importante du nombre d’équipes? Selon Mme Barker, les compressions budgétaires de 147 000 $, soit 10% du budget d’opération, en sont la source principale. Elle estime également que la gestion de quarante-neuf équipes dégradait l’efficacité de l’organisation. «Pour avoir des équipes de niveau un qui sont compétitives, nous avons vraiment besoin de diriger plus d’argent dans cette direction: plus d’argent pour l’équipe d’entraîneurs, plus d’argent pour l’entraînement, plus d’argent pour les installations», explique-t-elle, avant d’ajouter que l’an dernier, elle et ses collè-
gues faisaient face à des attentes qu’ils ne pouvaient pas remplir. «Je conseillerais [à Drew Love] de ne pas gager d’argent sur son équipe de football», lançait Nick James au Délit par courriel, visiblement fâché de voir plus de ressources dirigées vers une équipe qui n’a même pas accédé aux séries éliminatoires l’année dernière. Au contraire, affirme-t-il, son équipe de squash a de bons résultats. «McGill a une longue tradition de victoires en squash. Nous avons déjà été les champions incontestés à travers le Canada. L’an dernier, nous avons atteint le deuxième rang de la ligue ontarienne, le plus haut niveau de compétition pour le squash universitaire.» Un petit nombre d’équipes a aussi profité d’une élévation de leur statut en acquérant le titre de varsity. C’est notamment le cas de l’équipe mcgilloise de natation synchronisée. x
BILLET
Ça roule pour Montréal Florent Conti «Merci de nous prêter le Mont-Royal!» Charly Mottet, ancien champion cycliste et manager sport du Grand Prix Cycliste de Québec et de Montréal. Vous en avez entendu parler, ça a peut-être perturbé vos déplacements: le 12 septembre dernier avait lieu le Grand Prix Cycliste de Montréal. Serge Arsenault, présentateur de la soirée du Hockey dans les années 1980, ancien président du Marathon de Montréal et propriétaire du groupe média Serdy, a su convaincre gouvernement, mairies et Union Cycliste Internationale (UCI) d’«importer» les équipes du Tour de France pour deux courses se passant dans la belle province. Pour Pat McQuaid, président de l’UCI «il y a une belle tradition cycliste à Montréal. Le fait d’organiser cette
4 Nouvelles
épreuve en Amérique constitue un pas en avant extrêmement important dans le cadre de la mondialisation du cyclisme». Fermer l’avenue du Parc, le boulevard Édouard-Montpetit, le chemin de la Côte-Ste-Catherine, ainsi que l’accès au mont-Royal ça a un prix: on estime l’investissement à un million de dollars. Mais les retombées économiques pour ce genre d’événement sont d’ordinaire positives. De plus, la diffusion des images d’une ville pendant cinq heures «offrent une plate-forme rarement égalée pour accroître la réputation et le rayonnement international des villes de Québec et de Montréal» selon Denis Lebel, ministre d’état pour l’Agence de Développement Économique. Les événements sportifs dans la métropole se multiplient: les
Canadiens, les Alouettes, l’Impact (qui entrera en ligue majeure de soccer en 2012), la Coupe Rogers de Tennis, le Grand Prix de Formule 1 et la course NASCAR. Montréal compte également un nombre incalculable de rencontres culturelles tels que les très connus Festival International de Jazz et Festival des Films du Monde. À organiser tant de choses si excitantes, Montréal semble ressentir un besoin de briller aux yeux du monde. D’où vient ce besoin? Est-ce un moyen pour les Montréalais de maintenir leur caractère distinct, de demeurer une métropole francophone influente en Amérique du Nord? Le monopole économique perdu dans les années 1970 se compenserait-il par un calendrier événementiel qui ne cesse de s’enrichir depuis de nombreuses années maintenant?x
Les cyclistes prenait la ville d’assaut le 12 septembre dernier Maurice Dykmans / Le Délit
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GAZ DE SCHISTE
CHRONIQUE
Équiterre se prononce
Le conflit continue Le cabot bilingue
Maya Riebel
Le complexe dossier des gaz de schiste fait encore tourner des têtes et hausser des sourcils. Le co-fondateur et coordonnateur d’Équiterre explique la position rendue publique la semaine dernière.
Steven Guilbault défie la position de plusieurs décideurs. Flickr: Équiterre
Anabel Cossette Civitella Le Délit Le Délit (LD): Le rapport d’Équiterre éclaire certains aspects de l’enjeu des gaz de schiste. Il soulève aussi nombre de questions: Quelles quantités de gaz à effet de serre seraient émises par l’exploitation des gaz de schiste? […] L’exploitation du gaz de schiste québécois estil plus émetteur de CO2 que le gaz naturel conventionnel? Steven Guilbault (SG): On ne peut rien affirmer à 100%, mais l’analyse de cycle de vie [un moyen pour évaluer les impacts environnementaux, NDLR] nous donnerait un ordre de grandeur. Le gouvernement devrait au moins se prêter à l’exercice pour qu’on ait une idée des tenants et des aboutissants du projet. En ce moment, pour certains enjeux, on nage en plein brouillard et ça ne rassure pas la population.
«
pact pour ce type d’activités. La ministre des ressources naturelles, Nathalie Normandeau, doit modifier la loi sur les mines, car cette activité industrielle est essentiellement régie par une loi complètement désuète –elle date du XIXe siècle et n’a pas subi de changement majeur depuis une centaine d’années. La loi permet à n’importe qui possédant une carte d’exploitation de forer et d’exproprier. LD: Pourquoi passe-t-on au gaz de schiste tout à coup? SG: Des enjeux économiques sont, entre autres, en jeu: on importe 1,5 milliard de dollars de pétrole de l’Alberta. Le gouvernement s’est dit qu’investir cet argent dans l’économie québécoise pourrait être intéressant. Cette idée n’est pas dénuée de bon sens, mais il n’y a pas d’études indépendantes qui s’y sont intéressées. Au contraire, ce qu’on charge en
Ce qu’on charge en redevance pour les terres donne l’impression de vendre le Québec à rabais. Ici, c’est dix sous l’hectare contrairement à 1000$ en Colombie. Pourquoi? Le gouvernement ne donne aucun détail.»
LD: Que pensez-vous de la réaction des autorités face aux inquiétudes des citoyens? SG: Le gouvernement est allé un peu vite dans ce dossierlà. D’habitude, il y a un Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) avant de donner l’aval à un projet. Là, parce que les activités de gaz sont des activités d’exploration, la loi ne prévoit pas d’évaluation d’im-
redevance pour les terres donne l’impression de vendre le Québec à rabais. Ici, c’est dix sous l’hectare contrairement à 1000$ en Colombie. Pourquoi? Le gouvernement ne donne aucun détail. LD: André Caillé, ex-PDG d’Hydro-Québec, président de l’Association pétrolière et gazière du Québec et conseiller de Junex, voit le moratoire comme
xle délit · le mardi 21 septembre 2010 · delitfrancais.com
la chute des investisseurs québécois propriétaires des terres. Qu’en pensez-vous? SG: M. Caillé n’a pas tort, le moratoire pourrait faire très mal à de petites compagnies québécoises comme Junex, alors qu’il n’affecterait pas du tout une grosse firme albertaine comme Talisman. Mais va-t-on vraiment potentiellement prendre des risques, bulldozer tout un pan de la société québécoise au nom de deux ou trois petites compagnies québécoises? LD: Est-ce que l’accès au gaz naturel et donc la disparition du spectre de pénurie de pétrole peut inciter les gens à consommer davantage? En effet, c’est l’une de nos préoccupations. Nous sommes l’une des économies les plus consommatrices du monde. Est ce que le gaz va s’ajouter à une société qui est déjà boulimique d’énergie? Est-ce que le gaz va s’ajouter à cette consommation effrénée ou va-t-il remplacer des combustibles plus polluants? Je ne sais pas si c’est une bonne idée environnementalement parlant, car nous n’avons toujours aucune donnée. LD: Que doit-on retenir de ce débat? SG: La centrale du Suroît en 2003-2004 a été un grand débat. Ça nous a fait prendre un virage important, car on a fait avancer le dossier de l’énergie éolienne et celui de l’efficacité énergétique. Si on a réussi à faire avancer la société avec le Suroît, peut-être que le dossier du gaz va servir aussi. x
Une confession tout d’abord. Je ne suis pas québécoise, je suis même Française et Américaine… Je suis une mutt. Et comme vous le constatez, je me permets de commenter le bilinguisme au Québec, à Montréal, et sur le campus McGill. Non mais, pour qui je me prends? Cette question épineuse (pour le moins) de la coexistence du français et de l’anglais est tout simplement trop complexe et trop intéressante pour que je ne m’y attarde pas, surtout étant donné mon identité hybride. J’ai l’espoir totalement illusoire de vous faire rigoler un petit peu pendant les mois qui suivent, mais j’ai surtout pour but de réfléchir aux enjeux multiples qui s’entrecroisent dans cette situation sociale complètement unique et propre au Québec –une province qui m’a quand même chaleureusement accueillie! Ceux qui sont restés à Montréal cet été, les McGillois québécois et les autres qui ont peut-être perdu le chemin de leur comfort zone le savent déjà: le débat fait rage à propos du projet de loi 103. Celle-ci permettrait aux parents francophones et allophones d’envoyer leurs enfants dans des «écoles passerelles» (établissements anglais privés et non subventionnés par l’état), depuis lesquelles, à la suite d’une scolarité de trois années, les jeunes pourraient passer dans le réseau public anglophone. Cela parait plutôt inoffensif à première vue; mais c’est en fait un moyen de contourner la loi 101, puisque a priori, une fois les trois ans passés, toute la descendance obtient le droit de fréquenter le système anglophone. Sans grande surprise, c’est surtout le Parti québécois qui fait sonner l’alarme sur ce qu’il perçoit comme une nouvelle attaque de la place du français au Québec, ou
encore une nouvelle brèche dans la loi 101 qui s’élargit depuis des années. Les critiques politiques nationalistes et conservateurs accusent Jean Charest d’entraver la marche vers un Québec uni francophone; d’autres au point de vue plus fin font remarquer que le Parti libéral souhaite surtout s’approprier le vote des anglophones, pas vraiment minoritaires. D’un côté la défense de la culture et de la langue québécoise; de l’autre, la question des droits individuels. Car oui, après tout, pourquoi n’aurait-on pas le droit de choisir la langue de son éducation? Eh bien non! Le PQ voudrait faire appliquer la loi 101 aux écoles passerelles, c’est-à-dire défendre aux francophones de poursuivre leurs études dans le système anglais. Selon Stéphane Beaulac, professeur de droit à l’Université de Montréal, appelé à témoigner dans cette affaire, il n’y a rien dans la constitution canadienne qui défend le Québec d’agir ainsi. «Il n’y a pas, soyons clair, de droit à l’éducation dans la langue de notre choix.» Peut-être vaudrait-il mieux rappeler qu’il est totalement dans les droits, et logique, par ailleurs, pour un État de vouloir et de pouvoir régir l’éducation nationale. Or le Québec n’est pas une province ordinaire… Je peux très bien comprendre qu’accueillir des immigrants au Québec pour ensuite leur permettre de devenir anglophones peut paraître contre-productif. J’ai eu l’opportunité de pouvoir choisir entre les deux systèmes, mais seulement grâce à la double-nationalité. Faut-il donc poursuivre une politique dans laquelle la nationalité décide de tout, alors que le territoire devient de plus en plus bilingue ? Il est possible qu’encourager une telle mesure (forcer les écoles passerelles à se soumettre à la loi 101) revienne à imposer de force un modèle québécois particulier aux électeurs francophones qui, de toute évidence, ont leur propre idée sur la société québécoise moderne. Peut-être est-il temps d’accepter que le Québec n’est plus l’enclave française de jadis. S’isoler dans le monde actuel, c’est le dépérissement. Je suis complètement pour la défense du français (je suis avant tout une littéraire), mais pas lorsqu’il s’agit d’ignorer la volonté du peuple. x
Vous gribouillez? Faites profiter votre talent. visuel@delitfrancais.com Nouvelles
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URBANISME
Plus que le droit à un toit
Peter Marcuse milite en mots pour la justice sociale, l’aménagement urbain et le droit à la ville. Geneviève Lavoie-Mathieu Le Délit
À titre d’exemple local inspirant, Marcuse cite le Projet du Parc Milton. Pour lui, l’établissement de vingt-deux coops d’habitation à but non lucratif est un exemple d’engagement unifié d’une communauté qui réclame son quartier, son droit à la ville.
D
ans un auditorium bondé de l’université Concordia, Peter Marcuse, professeur émérite de l’université Columbia à New York, tentait de transmettre la valeur de la justice sociale par la conception d’un système qui permette l’accomplissement des aspirations individuelles à travers l’aménagement urbain et la planification métropolitaine.
Transparence, corruption et autres crimes Dimitri Roussopoulos, médiateur de la conférence et président fondateur du Centre d’écologie urbaine a quant à lui fortement tcritiqué l’absurdité de la distribution des taxes, en clamant haut et fort chaque dollar payé en taxe à Montréal, 42 à 43% sont remis au gouvernement provincial, 50 cents au gouvernement canadien et seulement 7 cents reviennent à la ville de Montréal.» À ce rythme, on peut se demander comment une ville de 1,7 millions d’habitants peut continuer à maintenir les infrastructures, qui font d’elle la ville dynamique et interculturelle la démarquant sur la scène internationale. Comment peut-on «bâtir une vision de Montréal pour la prochaine génération? Par une approche intégrée transversale et multi scalaire et en proposant des stratégies à cette fin.»
L’urbanisme sur la balance L’octogénaire en visite à Montréal y était pour explorer les possibilités offertes par l’aménagement urbain dans le but d’atteindre une cohésion sociale et communautaire dans un système capitaliste et, ultimement, le bonheur brut de ses habitants.
«
La planification des villes implique des problèmes de justice sociale [...] et la manière dont les planificateurs réagissent à ces changements dépend de nous.»
La bataille doit se mener sur plusieurs fronts, d’abord avec les moins bien nantis dans le besoin immédiat de nourriture et d’un toit, puis avec les travailleurs qui combattent tous les jours pour leur salaire, sans oublier les résidents qui se battent pour préserver leur communauté contre la menace quotidienne de l’éviction. «Dans tous les cas, a-t-il continué, la planification des villes implique des problèmes de justice sociale […] et la manière dont les planificateur réagissent à ces changements dépend de nous.»
Le droit à la ville sur la balance Robert Miller
Plus qu’un toit, une maison ? Inspirant, Marcuse a laissé l’audience sur cette piste de réflexion. Dans le système dans lequel nous évoluons présentement, «la justice est une question de distribution, mais la justice sociale est intrinsèquement liée à l’accomplissement des aspirations individuelles; combler les besoins d’une personne. Un système qui permettrait à tout le monde de pratiquer l’occupation de leur choix et qui les satisferait pleinement. Rêve ou réalité? x
CHRONIQUE
Troque my ride... pour un vélo! Bulle climatique
Andreea Iliescu
6 Nouvelles
Le 22 septembre prochain, les citoyens du monde entier sont censés avoir moins de difficulté à respirer. Je dis «censés» car, soyons réalistes, les banlieusards ne vont pas prendre leur vélo pour se rendre au travail, mercredi prochain. La journée «En ville sans ma voiture» est plutôt symbolique. On aime bien le concept, mais pour le réaliser, il faut un peu plus que de la bonne volonté. Par exemple, un réseau de transport en commun fiable qui ne se retrouverait pas engorgé lorsqu’on ajoute une centaine de personnes de plus aux heures de pointe. Ok. Tout n’est pas noir pour la banlieue. J’y habite. Je prends le bus pour me rendre à Montréal. Oui, tous les jours. Non, je ne mets pas une heure car l’Express 90 Chevrier relie la banlieue au centre-ville en vingt minutes grâce aux voies réservées. Non, je ne comprends pas pourquoi des gens utilisent leur voiture en solo pour s’y rendre, et eux, par contre, doivent bien mettre une heure. Oui, je suis sûre qu’ils ont fait un calcul. Est-ce le bon? Je l’ignore. Récemment, une étude menée par notre très chère université dé-
montrait que les BIXI ne servent pas vraiment à réduire les gaz à effet de serre (GES), car les automobilistes ne renoncent pas à leur voiture pour prendre le vélo. Eh ben voyons? C’est bizarre que les gens de Saint-Hubert ne prennent pas des BIXI pour se rendre à Montréal. Les BIXI ont été inventés justement pour ça… Trêve d’ironie, il reste que des gens essayent des BIXI, les aiment et se les approprient, et j’ai vu des gens en costard cravate le faire aussi. Et en admettant que les BIXI aient été adoptés par des personnes qui prennent le bus, cela aura permis de libérer des sièges pour d’autres personnes, qui elles, peutêtre, ont l’habitude de prendre la voiture. Analyze that!
«
La culture de l’immédiat ne s’applique pas aux changements de mentalité. Elle ne s’applique pas non plus à la compréhension des enjeux liés aux changements climatiques.»
Les changements ne se font pas en un clic mais peuvent bien se faire
en une génération. Si les jeunes jugent que ce n’est pas le fun de payer l’essence, les assurances et les réparations d’une auto, comme le font leurs parents, ils vont peut-être décider de s’installer plus près des bus et des trains ou emprunter un vélo pour se rendre au travail. La culture de l’immédiat ne s’applique pas aux changements de mentalité. La culture de l’immédiat ne s’applique pas non plus à la compréhension des enjeux liés aux changements climatiques. Selon la Société de transport de Montréal, les transports sont à l’origine de la moitié des GES dans notre région métropolitaine. Davantage de gaz à effet de serre contribuent au réchauffement climatique et à la fonte des calottes glaciaires mais aussi à plus de maladies cardio-respiratoires. Alors nous voilà à l’université, un tournant dans notre vie où des prises de décision s’imposent. Va-t-on s’adapter aux changements climatiques en s’habituant à respirer du CO2, un peu comme ces bactéries qui se nourrissent de pétrole, ou, va-t-on préférer l’oxygène et envisager une utilisation réduite de la voiture? x
xle délit · le mardi21 septembre 2010 · delitfrancais.com
Éditorial
Volume 100 Numéro 3
rec@delitfrancais.com
le délit
Palmarès, Palmarès, dis-moi qui est la plus belle des universités?
Éléna Choquette & Mai Anh Tran-Ho Le Délit Chimère ou réalité? Le verdict du plus récent des sondages sur les universités est tombé: McGill passe derrière l’Université de Toronto, et même derrière l’Université de la Colombie Britannique. Selon le Times Higher Education’s World University Rankings, McGill passe au trente-cinquième rang. De quels malheurs notre université a-t-elle été accablée, elle qui était en dix-huitième position l’année dernière? Réponse: aucun. La méthodologie qu’utilise les Times Higher Education (THE) et QS World University Rankings (QSWUR) est basée sur des variables tels que le ratio professeurs/étudiants, la quantité de ressources disponibles pour les étudiants et professeurs, la quantité d’articles publiés dans la littérature scientifique, le nombre de prix Nobel et la quantité de fois où les citations des universitaires sont reprises par d’autres. À chaque changement dans la pondération de ces critères, les universités dégringolent ou grimpent dans la liste. Un des aspects importants de ces palmarès est la réputation de l’université quant à la recherche et l’enseignement, telle que perçue par ses étudiants et son corps professoral. Dans le THE, par exemple, plus d’un tiers de l’évaluation tient à cette donnée. Résultat? Plus une université paraît réussir, plus ses étudiants et ses professeurs croient évoluer au sein d’une université prestigieuse. Et si cette perception se maintient, la réputation augmente et l’université se hisse au haut des palmarès. Ainsi, les résultats ne sont pas tant fondés sur des données concrètes liées à des faits pratiques, mais davantage à un sentiment de fierté et d’’appartenance à l’université. Tout débute avec un rêve de grandeur? Mais à quel point ces aspirations deviennentelles plus importantes que les faits?
La barre des gagnants... avec ou sans les étudiants Comme mentionné dans un récent communiqué, McGill se conçoit comme étant une «top-rated school in Canada». Selon le QSWUR de 2010, McGill est dix-neuvième dans le monde, devant toutes les autres universités canadiennes. L’Université McGill ne mentionne pas cette position, et met davantage en valeur le fait que le dernier palmarès des facultés de droit du magazine Maclean’s la place au troisième rang au Canada pour l’enseignement de la Common Law et au premier rang pour le droit civil. Si McGill présente souvent les résultats qui la mettent en valeur, elle semble retourner sa veste lorsqu’elle comparait devant la commission parlementaire de la culture et de l’éducation. En effet, Heather Munroe-Blum soulignait qu’à cause du manque de financement, les avancées sont fragiles et les succès incertains année après année. Pour escalader les rangs des palmarès qu’elle prenait peutêtre pour acquis, le ministère devrait-il lui laisser faire ce qu’elle veut, notamment augmenter les frais de scolarité? Vaughan Dowie, chef des communications à l’Université McGill, dit qu’il ne faut pas voir dans le classement du THE une dégringolade de notre institution puisqu’une nouvelle méthodologie a été utilisée. «Pour nous, il s’agit donc de l’an zéro pour ce qui est de ce classement», ajoutant que la pondération pour chacun des critères étudiés a été revue. Il est impératif pour McGill de figurer parmi les meilleurs dans le monde, essentiellement pour pouvoir attirer des étudiants internationaux (article en pages 8-9). L’université s’engage donc année après année à garder la réputation qu’elle a sur la scène internationale, quitte à masquer tous ces points noirs. Par exemple, en obligeant les étudiants à changer le nom de leur club pour que le nom de McGill n’y figure pas, au cas
où le club projetterait une mauvaise image ou exprimerait des idées divergentes de celles de l’administration. Mais le risque n’est-il pas là de passer par-dessus ceux qui pourraient contribuer à embellir la réputation de l’université (prenons seulement Sexual Assault Center et Walk Safe)? Le Délit a dû lui aussi ce battre pour garder «Le seul journal francophone DE l’Université McGill». McGill, université de langue anglophone dans une province francophone, ne devrait-elle pas montrer l’exemple en matière de bilinguisme et inciter ses étudiants à apprendre et maîtriser ses deux belles langues? En agissant ainsi, McGill ne fait que creuser le fossé entre l’université et les étudiants et met ainsi en péril l’attachement que peuvent avoir ses étudiants à l’université et compromet sa réputation perçue par les étudiants –donnée importante dans les palmarès, rappelons-le– qu’elle chérit tant. Dans une entrevue accordée au McGill Tribune la semaine dernière, Mendelson a affirmé que le souci premier de l’université était de contrôler l’usage du nom McGill et d’assurer l’intégrité du nom et du logo. Ne soyez pas si inquiets, si vous faites partie des équipes gagnantes, vous avez plus de chance d’être aimés de McGill. L’argent n’est jamais bien propre, et dans le cas des équipes qui brillent, elle peut être plus sale qu’on ne le croit. Ainsi, vingt équipes ont été coupées de leur financement cette année (article en page 4). L’argent est réinvesti dans les sports emblématiques tel le football, mais dont les équipes ne sont pas assez performantes. Comme on dit «L’habit ne fait pas le moine» ou «Il ne faut pas juger un livre par sa couverture», l’Université McGill au premier rang ou au dernier rang, c’est devant ses étudiants qu’elle devrait vouloir s’afficher sous son meilleur jour, et non dans les palmarès. Mais pour ça, il faut peut-être lui rappeler qu’une université est composée d’étudiants et non de trophées et de médailles. x
LETTRE OUVERTE
Mon vélo pour toujours Christian Scott Martone J’ai décidé de ne pas adhérer à la politique «aucun vélo sur le campus» que McGill a récemment mis en place. Pourquoi? Parce que je sais que cette politique n’est fondée sur aucune recherche sérieuse, qu’aucune alternative n’a été considérée et parce qu’une adhérence totale nuirait à la création d’un campus réellement viable d’un point de vue environnemental. Sans oublier qu’aucun étudiant n’a été consulté avant la mise en place de la politique! L’argument principal présenté par McGill pour défendre la politique «aucun vélo» est la sécurité des piétons. L’administration a d’ailleurs mentionné un nombre d’événements malheureux entre cyclistes et marcheurs. Par contre, aucune statistique n’a été produite. De plus, ces présumés accidents auraient eu lieu alors que les voitures étaient encore permises sur le campus: mais cyclistes et marcheurs se comportent différemment lorsqu’ils partagent la route avec des automobilistes. Autrement dit, il est beaucoup plus facile de coexister lorsque les voitures n’y sont plus!
Si l’administration McGill ne nous a pas soumis de littérature scientifique décourageant le partage de la route entre cyclistes et piétons, le professeur Jacob Larsen, un assistant de recherche en transport a complété une telle recherche qui conclut que la plupart des McGillois se sentent à l’aise de partager la route avec des cyclistes. Est-ce que McGill nie ces faits? L’administration a-t-elle considéré des options de gestion de trafic? Portland, New York, Amsterdam, Bogota; plusieurs villes ont démontré combien il est facile et opportun de créer des espaces partagés. Ces villes investissent temps et argent à modifier leur environnement dans le but de sécuriser la ville pour marcheurs et cyclistes. Nous sommes une université de recherche, munie du capital social et de l’expertise nécessaire pour accomplir un tel projet. Posez-vous la question, en toute honnêteté: l’embauche de cinq gardes était-elle la solution la plus efficace? Rappelons que ces gardes sont payés environ 3000$ par semaine. Je vous propose une meilleure alternative: «Pédalez avec respect et soucis pour les autres.» Le cyclisme devrait être permis,
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à vitesse modérée, sauf durant les heures de pointe, essentiellement pendant les quelques vingt minutes où les étudiants se rendent à un cours. Il est plutôt question de «design intelligent», de consensus et de co-existence entre les usagers de la route. Cet exercice de partage pourrait même être vu comme un effort de démocratisation du campus. Nous sommes d’accord avec la nécessité d’assurer la sécurité de tous les utilisateurs. Pour ce faire, il convient de sagement inclure les cyclistes dans l’équation. Si le débat vous intéresse, les Services universitaires et l’AÉUM offriront un forum ouvert sur ce sujet, le mardi 23 septembre au 3e étage de l’édifice de l’AÉUM de 15h30 à 17h.Vous pouvez aussi envoyer un courriel à Jim Nicell (vice-principal adjoint au Services universitaires) pour lui faire connaître votre opinion: jim.nicell@mcgill.ca. “One has not only a legal but a moral responsibility to obey just laws. Conversely, one has a moral responsibility to disobey unjust laws.” - Martin Luther King Jr. Traduit de l’anglais par Anais Cadieux Vanvliet.
Le seul journal francophone de l’Université McGill
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L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
Éditorial
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Société societe@delitfrancais.com
L’EXODE DES Une épopée
Le Canada accueille chaque année de plus pays en voie de développement: acte de gé
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nviron 130 000 étudiants étrangers viennent fréquenter les établissements scolaires canadiens annuellement. Si la dualité de nos langues officielles et la qualité de l’éducation post-secondaire jouent un rôle dans leur décision de joindre nos rangs d‘école, le gouvernement se fait aussi un devoir de présenter le Canada sous ses meilleurs atours à l’étranger, entraînant de graves conséquences pour plusieurs pays en voie de développement. Le Délit s’est penché sur ce produit dérivé de la mondialisation. Xavier Plamondon Le Délit
L’arroseur arrosé
Il faut comprendre que le Canada est à la fois une victime et un des moteurs du phénomène qu’est l’exode des cerveaux. Michael Dilworth, du Ross Clouston Scholarship, a longuement étudié le sujet au Canada. Il révèle qu’à chaque année des milliers de professionnels canadiens, entre autres des médecins et des gens d’affaires, quittent le pays au profit des États-Unis. Parmi leurs motivations figurent des avantages fiscaux et des opportunités professionnelles plus nombreuses. Cette migration, combinée au vieillissement de notre population, à un taux de natalité relativement faible et à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, constitue véritablement un problème dans notre économie. Ce manque est-il voué à être comblé par la venue d’immigrants? La professeure Jennifer Hunt, spécialiste en économie du travail à McGill, demeure prudente dans ses propos. «Il est certain que les immigrants arrivant au Canada ont un niveau d’éducation très élevé, mais il leur est difficile de transférer leurs compétences au pays. Ils doivent souvent repartir à la case départ. Le véritable problème n’est pas la transférabilité de l’éducation, mais la transférabilité de l’expérience.» Une solution repose ainsi dans la façon de choisir la clientèle immigrante. «La nouvelle politique d’accueil des étudiants au Canada est prometteuse. Leurs expériences académique et professionnelle seront acquises ici-même, alors aucun problème relié au transfert de compétences ne sera soulevé. Plusieurs études démontrent en effet que les immigrants arrivant au Canada comme étudiants gagnent plus que ceux qui arrivent directement comme résidents permanents.»Toutefois, le défi de la transition démographique n’est pas seulement présent au Canada. Plusieurs pays occidentaux doivent y faire face. Et la compétition y est féroce pour attirer une clientèle universitaire. Si les États-Unis
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attirent celle-ci par le biais de généreuses bourses d’études, le Canada a décidé d’opter pour une stratégie axée sur l’immigration pour attirer et retenir ces gens éduqués. Par exemple, le gouvernement fédéral a ajouté une catégorie d’immigration qui «attire les étudiants les plus talentueux dans le monde, tout en facilitant leur établissement ici». Un étudiant peut donc postuler pour un statut de résidence permanente et accumuler ses années d’expérience en tant qu’étudiant au Canada, des années qui sont requises pour son acceptation. Ceci facilite davantage le processus d’application pour la citoyenneté canadienne. De plus, depuis 2006, le gouvernement autorise certains étudiants internationaux à travailler hors campus pour payer leurs frais de scolarité et ainsi participer à l’économie canadienne.
«
Peut-être que le gouvernement aspire à retenir ces jeunes, mais la réalité est qu’ils peuvent aider leur pairs dans leur pays d’origine tout en participant à l’économie canadienne.»
Est-ce que les étudiants internationaux sont dans la mire de l’administration de McGill? Puisqu’ils paient des frais de scolarité plus élevés, l’université les apprécie particulièrement en raison de leurs généreuses contributions. «L’Université McGill a une réputation internationale pour son excellence académique et est intéressée à attirer des étudiants performants peu importe leur origine», explique Emily Kingsland, assistante au bureau du registraire de l’Université McGill. On dénombrait à l’automne 2009 environ 6800 étudiants internationaux, la majorité d’entre eux provenant des États-Unis et de la France. Néanmoins, une proportion considérable est originaire de pays émergents et en voie de développement tels que la Chine, l’Inde, l’Arabie Saoudite et l’Iran.
Immigration Cana
S CERVEAUX: intelligente
en plus de jeunes étudiants provenant de énérosité humanitaire ou usurpation égoïste? Y a-t-il une entente entre l’université et le gouvernement fédéral pour retenir ces étudiants après leurs études? «Il y a quatre ans, Immigration Canada autorisait les étudiants à rester au pays et à y travailler à la suite de l’obtention de leur diplôme. Le programme initial était d’une durée d’un an. Toutefois, depuis deux ans, ils sont autorisés à demeurer pendant une période de temps équivalente à la durée de leurs études, jusqu’à concurrence de trois années», ajoute madame Kinsland. Ainsi, sans même appliquer pour la résidence canadienne, ces jeunes peuvent demeurer au pays et acquérir une expérience durable.
Vendre son âme au Canada?
Ces jeunes aspirant à une vie meilleure et à acquérir une solide éducation à l’étranger ont tout de même une variété de motifs pour venir s’installer au Canada. Ogake Anne Angwenyi, originaire du Kenya et étudiante à l’Université Simon Fraser à Vancouver partage son expérience: «Tout est si facile au Canada. La vie y est bonne, et les Canadiens sont ouverts aux non-Canadiens. Et tout y est si fiable: au Kenya, un professeur peut donner un cours une journée et décider de ne pas venir le lendemain! De plus, le nombre d’opportunités d’emplois y est très avantageux pour se bâtir une expérience de travail.» La généreuse bourse qu’elle a reçu, couvrant ses frais de scolarité ainsi que la majorité de ses dépenses a été la cerise sur le gâteau qui l’a convaincue de venir étudier au Canada. Toutefois, une question éthique doit être posée: est-ce moralement acceptable d’inciter l’immigration au Canada d’étudiants universitaires de pays en voie de développement avec un excellent potentiel académique et intellectuel sachant qu’ils risquent de ne jamais retourner dans leur pays d’origine?
«
Forcer quelqu’un à rester dans un pays ou bien à le renvoyer d’où il provient relève de la liberté civile. C’est difficile de légiférer dans ce domaine.»
ada se fait un plaisir de conserver les cerveaux internationaux Jimmy Lu / Le Délit
«Je me sens personnellement inconfortable lorsque des Canadiens se vantent de la façon dont on a réussi à attirer tant de gens qualifiés provenant de pays en voie de développement qui ont grandement besoin d’eux», confie la Professeure Hunt. Si les pays riches sortent gagnants de cette course aux cerveaux, ce n’est pas toujours le cas des pays en voie de développement. «Cette situation est d’autant plus problématique si ce sont les gouvernements de ces pays en voie de développement qui leur ont donné leur formation.» Ainsi, sans s’en rendre compte, des pays du Nord peuvent en effet économiser sur le dos des pays du Sud en s’accaparant un capital humain essentiel au développement économique de leurs pays d’origine. Louis-Philippe Tessier, étudiant de troisième année à McGill, s’occupe du groupe d’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC). Il s’agit d’une organisation humanitaire ayant pour but de promouvoir l’accès à l’éducation auprès de gens défavorisés en Afrique ou en Asie. «À McGill, tous les étudiants donnent une contribution obligatoire de $0.50 qui sert à payer les frais de scolarité pour un jeune réfugié», précise le président. Louis-Philippe se veut rassurant: «Peut-être que le gouvernement aspire à retenir ces jeunes, mais la réalité est qu’ils peuvent aider leur pairs dans leur pays d’origine tout en participant à l’économie canadienne.»
Paroles des intéressés
Même son de cloche de la part de nombreux étudiants internationaux interviewés. Wan Farihah Ahmad Fahmy vient de la Malaisie et entame sa troisième année à McGill. «Venir étudier au Canada est une opportunité extraordinaire. Mais pourquoi ne pourrions-nous pas y rester? Ne pensez-vous pas qu’on peut aider votre pays aussi?» Elle ajoute que le choix de partir dépend du programme d’étude à l’étranger : «Dans mon cas, le département des services publiques de la Malaisie paie mes frais de scolarité et me donne une allocation de subsistance. Tout ce que je dois faire, c’est étudier puis retourner dans mon pays. Je ferai mon stage avec le gouvernement et travaillerai avec eux pour une durée de six ans.» Ce type de bourse, qui oblige les récipiendaires à contribuer en retour à leur donateur, est très commun en Malaisie. Par exemple, la compagnie pétrolière Petronas envoie chaque année des dizaines de jeunes étudier au Royaume-Uni et les embauche à leur retour.
«
Je suis du Kenya, et mon peuple a besoin de mon expertise bien plus que les Canadiens.» Zina Mustafa est d’origine soudanaise: «Forcer quelqu’un à rester dans un pays ou bien à le renvoyer d’où il provient relève de la liberté civile. C’est difficile de légiférer dans ce domaine.» Cependant, Zina croit que le vent est en train de tourner. «J’ai l’impression que de plus en plus d’Africains retournent chez eux après leurs études à l’étranger. On a tous un attachement à notre terre natale, et on désire tous y retourner un jour. Il y a d’ailleurs un dicton qui affirme que peu importe ce que tu penses, tu retourneras au Soudan et y mourras.» Ogake Anne, elle, retournera définitivement chez elle: «Je suis du Kenya, et mon peuple a besoin de mon expertise bien plus que les Canadiens. L’exode des cerveaux ne devrait pas être vu comme un vol de la part des pays riches mais plutôt comme un transfert de compétences. Tout ce que le Canada devrait faire, c’est préconiser le retour de ces jeunes chez eux par le biais de partenariats entre gouvernements, organisations et entreprises. »
Matière grise en zone grise
Afin de considérer le séjour de jeunes étudiants internationaux au Canada comme un acte de grandeur humanitaire, il faudrait que le gouvernement s’engage à orienter ce mouvement migratoire. Par exemple, des mesures pourraient être prises pour que les nouveaux venus soient encouragés à supporter financièrement leurs communautés dans leur pays d’origine dès la fin de leurs études. Il pourrait également y avoir des politiques incitant ces personnes à retourner chez elles, emportant ainsi avec elles leur expertise nouvellement acquise. Toutefois, la seconde option pourrait s’avérer dangereuse. Mesures incitatives, certes, mais expulsions forcées, non. Dans ce monde globalisé, où la mobilisation de la main d’oeuvre et le libre-échange sont monnaies courantes, il serait discutable, voire déplacé, d’aller à l’encontre du choix individuel et de la libre volonté de chacun en ce qui concerne ses aspirations.x
Société
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Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com
ARTS VISUELS
2010 en images2010
Pietro Masturzo
L’édition 2010 du World Press Photo investit l’espace du Musée Juste pour rire. L’exposition offre une revue de l’année des plus percutantes photographies de presse, sélectionnées par un jury d’experts. Audrey Gauthier Le Délit
L
es photographies, choisies parmi plus de 100 000 propositions par un jury issu du milieu journalistique, offrent un regard souvent triste et pessimiste sur l’année actuelle, exposant sa confusion et sa complexité. L’atmosphère lourde et silencieuse du musée amplifie la lourdeur des événements tragiques de 2010. Il ne faut pourtant pas oublier les moments de joie ou de plaisir qui ont, eux aussi, été soulignés dans les journaux à travers le monde. Ces images, toutefois, ont malheureusement une grande difficulté à alléger l’atmosphère de violence, de tristesse et même de solitude qui est véhiculée par leurs consœurs.
La mauvaise nouvelle d’abord La nouvelle grave et triste fait couler beaucoup plus d’encre que la bonne nouvelle. Cette année n’a pas fait exception, surtout lors de ses premiers jours: l’année 2010 a été baptisée par le tragique tremblement de terre survenu le 12 janvier sur l’île d’Haïti. Un étage complet de l’exposition est dédié à cet événement, rappelant avec justesse la terrible réalité que le temps et les soucis du quotidien ont tendance à nous faire oublier. Le segment «Haïti à vif» expose le regard de quinze photojournalistes et raconte leur expérience sur le terrain. Les images sont accompagnées de textes descriptifs qui permettent de mettre chaque photo dans son contexte. Cette partie de l’exposition est présentée par la Maison d’Haïti, un organisme qui depuis mainte-
nant plus de neuf mois aide les Haïtiens à se remettre du séïsme dévastateur qu’ils ont connu. Durant toute la durée de l’exposition, la Maison d’Haïti recueille d’ailleurs des dons au cinquième étage du musée. N’oublions pas de sourire Deux autres sections de l’exposition permettent au visiteur de retrouver le sourire et de changer d’univers. Châtelaine, qui fête ses cinquante ans cette année, propose notamment un retour sur les photos qui ont fait la couverture du magazine au fil des cinq dernières décennies. Juxtaposés à la salle noire du WPP, de grands murs rouges sont érigés et portent avec fierté l’image de la femme souriante et forte que la publication québécoise véhicule.
The Gazette a aussi mis de l’avant ses talents en proposant les clichés de huit de ses photographes. «The Best of the Gazette» capture divers événements qui ont récemment touché le Canada. Rien n’est oublié, des Jeux Olympiques jusqu’à la sortie tant attendue de l’iPad. La section est de taille modeste, mais elle amorce le périple du visiteur dans l’art de l’information par l’image. Année après année, l’exposition du World Press Photo offre de grandes images, nous permettant de revenir sur les événements marquants de l’année.x World Press Photos Où: Musée Juste pour Rire 2111, boul. Saint-Laurent Quand: Jusqu’au 3 octobre Combien: 8$ (étudiants)
Lunes Rouges, Kiki Smith (1998)
ARTS VISUELS
D’oranges et de rêves
Gracieuseté du Musée des beaux-arts de Montréal
Le surréalisme contemporain s’installe dans le deuxième sous-sol du Musée des Beaux-arts de Montréal. L’exposition La terre est bleue comme une orange nous présente les récents ajouts du Musée à sa collection permanente. Véronique Martel Le Délit
S
’inspirant du célèbre vers du poète surréaliste Paul Éluard («Premièrement» dans L’amour la poésie, 1929), La terre est bleue comme une orange offre une réinterprétation du surréalisme et de son langage visuel. À travers des tableaux peints, des photographies, des installations, des sculptures, des modèles réduits ainsi que des projections vidéo, une dizaine d’artistes participant à l’exposition explore les relations entre l’art et l’imagination, et leurs répercussions dans nos vies. Bien que certaines toiles et photographies soient de facture et de composition assez «traditionnelles», la majorité des créations sont assez inusitées et forcent le visiteur à les observer attentivement. Les diverses réalisations questionnent, de façon ironi-
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que et éclatée, les rapports entre l’homme et la nature, ainsi que ceux entre la nature et le milieu urbain. Ces rapports sont traités à travers les thèmes de la sexualité, de la nature, de la religion et de la ville. La sculpture Esclavage de conservation de l’espèce humaine (1972) du Japonais Tetsumi Kudo, par exemple, montre des phallus à carapaces d’escargot engluant un crucifix entouré de pièces électroniques. Moins provoquant, mais tout aussi explicite, la maquette de Carlos Garaicoa interroge la relation entre nature et urbanité en créant un parc où conifères et feuillus se mêlent sans distinction à des antennes téléphoniques, des lampadaires et des panneaux lumineux. La sculpture All You Can Eat (2008) de l’artiste québécoise Karine Giboulo questionne le résultat des relations entre l’individu et le monde et l’abrutissement général de la société de consommation qui en découle. Emily Vey Duke et Cooper Battersby, eux,
inversent la réflexion en proposant l’animal comme être capitaliste dominant l’espèce humaine dans Le royaume de l’animal de compagnie émancipé (2007). Dans cette œuvre, un lynx, un renard et un cerf de Virginie empaillés regardent paisiblement la télévision sur un tronc d’arbre géant orné de cousins, de peaux d’animaux et de couvertures de velours. La première œuvre sur le parcours du visiteur ne donne malheureusement pas le ton au reste de la collection: l’installation vidéo I Am Called A Plant (1999) de Pipilotti Rist est sombre et froide, tandis que les pièces des autres artistes sont plutôt ludiques et conviviales. Dans l’œuvre de Rist, la vidéo d’une jeune fille nue –morte ou endormie– gisant dans une flaque d’eau et d’herbes est projetée sur un mur de céramique blanche tout droit sortie de la plus banale des cuisines. Le bruit de gouttes d’eau qui tombent
se fait entendre et le visiteur est invité à s’asseoir sur un banc, dans le noir, à bonne distance du mur du fond. Rares sont ceux qui s’attardent véritablement à cette première pièce, puisque l’œil est rapidement attiré par les couleurs, les formes et les textures beaucoup plus aguichantes des autres créations de la salle. Les œuvres de la collection La terre est bleue comme une orange proposent une réflexion humoristique sur notre manière d’interagir avec les objets de notre quotidien, qu’ils soient le produit de l’action humaine ou de la nature elle-même.x La terre est bleue comme une orange Où: Musée des beaux-arts de Montréal 1380, rue Sherbrooke Ouest Quand: jusqu’au 27 mars Combien: Gratuit
xle délit · le mardi 21 septembre 2010 · delitfrancais.com
MUSIQUE
Combustion spontanée
La formation montréalaise Random Recipe lance cette semaine Fold it! Mold it!, son tout premier album. Le Délit a rencontré Frannie Holder, l’une des deux voix du groupe, pour recueillir ses impressions.
Gracieuseté de Bonsound
Catherine Côté-Ostiguy Le Délit andom Recipe résiste à toute classification, ne s’insère dans aucun genre. La formation allie des styles musicaux qui n’ont rien en commun, à une époque où l’hybridité artistique a la cote. Mais elle le fait si bien et de manière si naturelle qu’on ne saurait voir dans son entreprise une tentative désespérée de suivre l’air du temps. Au contraire, ce qui les place au-dessus de tous ces musiciens qui mêlent les genres pour mieux se démarquer, c’est que le folk-hip-hop-jazz-électro à la Random Recipe ne ressemble vraiment à rien de connu. Ne sachant pas trop quel créneau inverstir, ils ont créé le leur et l’ont fait avec brio.
s’amorce la vague qui a porté le groupe jusqu’à la production d’un premier album, presque trois ans plus tard. «On n’a pas eu à cogner aux portes» confie Frannie. Le public, instantanément séduit, a fait tout le travail. On s’est mis à parler d’elles, à écrire à propos d’elles sur les blogues culturels et musicaux, tant et si bien que, bientôt, elles sont devenues presque malgré elles un «vrai groupe». C’est lorsqu’ont commencé les prestations plus «organisées» que le duo est devenu quatuor, afin de donner aux voix un support qui les éloignerait de la formule jam. Les spectacles se sont multipliés –le premier a eu lieu au Quai des brumes–, puis les rencontres avec les maisons de disques. La machine était lancée. «Je ne comprends toujours pas comment ça se fait qu’on soit rendus là», s’étonne Frannie.
À l’origine il y avait deux voix Random Recipe, c’est l’union improbable de quatre personnes –Frannie, Fab, Liu-Kong et Vincent– qui ne semblent avoir véritablement qu’une chose en commun: la volonté de faire de la musique, à leur manière, et d’avoir le plus de plaisir possible en cours de route. La rencontre de quatre personnalités, de quatre esthétiques, de quatre influences diamétralement opposées ne pouvait se faire que par hasard et, franchement, quel heureux hasard! Tout a effectivement commencé par la rencontre fortuite de Frannie et Fab qui se rendaient un soir au même spectacle, et ont fini par improviser un «jam hippie» dans l’appartement de Frannie. À l’époque, avoue la chanteuse, «je connaissais trois accords et je ne chantais pas». Fab, elle, faisait du beat-box, comme ça, pour le plaisir. Ni l’une ni l’autre n’envisageait faire carrière dans la musique. Et pourtant. Les deux filles ont rapidement pris goût à ces séances de freestyle improvisées et elles se sont mises à se produire en public, sur les coins de rues, n’importe où. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que le bouche à oreille fasse son travail et que
Une question de confiance Dès leurs débuts, les membres de Random Recipe attirent la confiance, tant celle du public que des gens de l’industrie. Alors qu’eux-mêmes ne s’en croyaient pas capables, on leur assure qu’ils doivent faire un album. «On ne se prend pas au sérieux. [...] On fait ça avec candeur», souligne la chanteuse. Mais il reste que ce qu’ils considèrent comme une simple partie de plaisir, d’autres y voient un énorme talent musical, un son unique, une présence scénique hors du commun. C’est donc portés par la confiance que d’autres leur vouent qu’ils en sont venus à produire un album, malgré leur difficulté à croire à ce qui leur arrive. Fold it! Mold it!, c’est quatre mondes en un. Frannie Holder précise: «On a tous une façon différente de percevoir l’album. Si ça avait été juste de Fab, on aurait fait du Lil Wayne [...]. Moi, je suis plus du genre Coco Rosie.» Il a fallu, souligne-t-elle, trouver un réalisateur qui saurait comprendre ces quatre visions et qui, surtout, saurait les combiner, mais pas de n’importe quelle manière. C’est à Philippe Brault que revient cette tâche, qu’il remplit admirablement. L’album a
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xle délit · le mardi 21 septembre 2010 · delitfrancais.com
été enregistré en une semaine, avec un objectif en tête: s’éloigner le moins possible du live. Chaque chanson a donc été captée comme on l’aurait fait d’un jam, plutôt que d’enregistrer chaque musicien sur une piste différente. Résultat: un album qui n’est ni poli, ni léché, où l’on privilégie l’authenticité à la perfection. À présent, souligne Frannie, «ce n’est plus entre nos mains», et c’est sans doute ce qui fait le plus peur aux membres d’un groupe habitué au freestyle et à la spontanéité. Une fois les chansons fixées sur l’album, plus rien n’est «aléatoire». «Je suis déjà tannée de faire "Shipwreck"», avoue la chanteuse en parlant du single de leur tout nouvel album. Mais si l’idée de pouvoir de moins en moins se laisser aller aux divagations du freestyle l’inquiète un peu, elle ajoute, simplement, que «le jour où ce ne sera plus naturel, ce ne sera plus le fun, et je vais arrêter». Souhaitons seulement que ce jour ne vienne pas trop vite. Ici et partout à la fois Le ciment qui unit les quatre membres de Random Recipe, c’est la tournée. Et ils ont déjà eu l’occasion de vivre l’expérience à fond, puisqu’ils se sont promenés cet été un peu partout au Québec pour aller commencer l’automne à Paris, rien de moins. C’est sur scène, ajoute Frannie, que le groupe prend toute son énergie et qu’il trouve sa véritable raison d’être. «Tu reçois de l’amour à chaque fois que ça applaudit» s’exclame la chanteuse, une étincelle dans les yeux. On sent bien que, sans cet amour de la scène, sans l’envie, à chaque fois, de reconnecter avec le public, Random Recipe ne se serait jamais rendu jusqu’à la production d’un album. «Le studio aussi, c’est le fun», concède Frannie, mais rien n’égale à ses yeux l’expérience d’un spectacle live. «On est proches de notre public, il n’y a pas de barrière.» Quiconque a déjà assisté à un spectacle de ces quatre larrons peut en témoigner: Random Recipe sur scène, ça déménage. Maintenant que l’album
est lancé, le groupe veut tout simplement tourner le plus possible. «On va jouer où on veut bien nous entendre», lance Frannie avec enthousiasme. La formation peut d’ailleurs espérer le meilleur: l’accueil en Europe a été des plus chaleureux, et ils courtisent déjà nos voisins du Sud. In english, please… Random Recipe a choisi de chanter en anglais, même si, comme le souligne Frannie, ce n’était pas un choix à proprement parler. Les quatre membres ont si peu pensé à former un groupe, si peu planifié les événements des dernières années qu’on ne saurait véritablement parler d’une décision consciente. L’anglais s’est plutôt imposé de lui-même, explique la chanteuse. «Je pense qu’en français ça n’aurait pas aussi bien fonctionné» dit-elle, expliquant que chaque style musical appartient en quelque sorte à une langue. L’anglais «s’écoute différemment du français», souligne-t-elle, et il a «collé» tout naturellement à la musique qu’ils faisaient. Et puisque le mot d’ordre, chez Random Recipe, c’est le naturel avant tout, c’est donc dans la langue de Shakespeare qu’ils s’expriment aujourd’hui. Cela dit, le groupe s’étonne de son succès auprès des francophones. Alors qu’ils s’attendaient à se constituer un public essentiellement anglophone, tout le contraire s’est produit. C’est également vrai du côté des médias: Frannie ne compte plus les articles parus dans le Voir au sujet de la formation, alors qu’un seul est paru dans les pages du Hour. Après avoir rencontré Le Délit, Frannie Holder a rejoint les autres membres de Random Recipe, question de préparer un stunt dans le métro qui aurait lieu le soir même. Le 14 septembre dernier, le groupe a investi un wagon de la ligne orange, direction Côte-Vertu, et a offert à quelques caméras et une poignée de fans un spectacle improvisé dans le «dernier métro». Du grand Random Recipe.x
Arts & Culture
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CINÉMA
Abandonner la voiture ou le steak? Meat the truth ou comment cerner l’impact de l’élevage de bétails sur le climat pendant les soixante-quatorze minutes d’un documentaire plutôt bien ficelé. Annick Lavogiez Le Délit
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ocumentaire sur les conséquences écologiques de l’élevage de bétail, Meat the truth questionne nos habitudes de consommation de viande au quotidien, une consommation qui est au cœur de notre diète et est devenue, avec le temps, un modèle social positif, un signe évident de richesse. Loin de prôner le végétarisme, encore moins le végétalisme, Marianne Thieme, présentatrice du documentaire, explique à l’aide de témoignages, dessins animés, vidéoclips et tableaux explicatifs à quel point l’élevage de bétail est plus néfaste pour l’environnement que ne le pense une majorité de gens. L’élevage de bétail –c’est-à-dire l’élevage des animaux mais aussi tout le système qui l’entoure: les forêts détruites pour cultiver le soja destiné à nourrir les animaux, l’engrais, les transports utilisés par cette industrie, etc.– constitue 18% des émissions globales de gaz à effet de serre, contre 13% pour l’ensemble des transports.
Gracieuseté de l’Association végétarienne de Montréal
Afin d’avoir un réel impact sur les spectateurs, Marianne Thieme, députée pour les droits des animaux en Hollande depuis 2006, réunit dans Meat the truth des témoignages de politiciens, fermiers, chercheurs, et autres. Si les interventions de la part des célébrités hollywoodiennes telles que Bill Maher, Emily Deschanel
ou Pamela Anderson ne servent qu’à marquer l’esprit du public et n’apportent ni information ni argument, les affirmations des spécialistes tels que Henning Steinfeld, de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, amènent réellement le spectateur à méditer sur ce problème. Ainsi,
différents chercheurs assurent que réduire sa consommation de viande, ne serait-ce que d’une journée par semaine, aurait un impact aussi important sur l’environnement que de remplacer la voiture par le vélo. Grâce à ce type d’argument, Meat the truth semble atteindre parfaitement son objectif: loin de tout sensa-
tionnalisme, le documentaire valorise les petits gestes de chaque citoyen au lieu de bombarder le spectateur de culpabilité et de sacrifices à faire. Au cas où l’argument écologique n’aurait pas suffit à convaincre son public, Marianne Thieme n’hésite pas à évoquer les conséquences positives qu’un léger changement de diète peut avoir sur la santé. Elle aborde aussi la question du respect et de la protection des animaux, dont les conditions de vie sont déplorables dans les fermes industrielles –les exemples les plus frappants sont le débecquage des poules et l’entassement des vaches, cochons et autres animaux d’élevage. S’il est à déplorer que Meat the truth s’attarde trop longuement sur une critique –sans doute justifiée mais quelque peu redondante– du film d’Al Gore An Inconvenient Truth, il n’en reste pas moins que ce documentaire aborde de manière intéressante et percutante la question de la consommation de la viande, tantôt avec humour et distance, tantôt avec sérieux et émotion. x
CHRONIQUE
L’automne c’est plate, le fun c’est l’fun Billet incendiaire
Catherine Renaud
Il semble que mon (mauvais) karma avec Postes Canada me suive jusqu’à ce billet que je vous fais parvenir de mon Papinotte Palace. Traduction: ma chronique bimensuelle fait ses débuts dans les pages de votre Délit favori avec trois semaines de retard sur la rentrée. Votre écrivaine de roman-feuilleton has-been n’aura donc pas d’autres choix que de couper les coins ronds sur l’exposé élogieux de sa propre personne qu’elle aurait voulu vous faire en guise de première chronique pour mordre directement dans le vif des «super-actu-people» culturelles. Les gens qui me connaissent savent que j’aime environ cinq choses dans la vie: lire, le Pepsi, la musique un peu brutale, la télé et le potinage. Ceux qui partagent avec moi au
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moins l’un de ces nobles intérêts auront sans doute assisté au marathon Twin Peaks, cette série culte des années 1990 créée par David Lynch (yes, madame), qui a eu lieu les 18 et 19 septembre au Blue Sunshine–Psychotronic Cinema Space. Les trente épisodes de la série y ont été projetés en présence de Kimmy Robertson, qui incarnait l’adorable Lucy Moran. Café et tarte aux cerises inclus. Le 27 septembre, vous casserez avec moi votre blues du lundi au spectacle de Best Coast à la Sala Rossa. Ce groupe de indiesurf-rock lo-fi, aux accords minimalistes grunge-esques, venant de El Lé, Californie, s’y produira avec les également surf et grunge-esques britanniques de Male Bonding. Sortez vos flanelles. N’achetez pas Yupster, le «roman indie» de Sylvain Raimond lancé le 15 septembre, poubelle de clichés entendus sur le Plateau et, selon Fabien Loszach du blogue Almost as Cool as Fighting, «pastiche de Glamorama de Bret Easton Ellis». Justement, ce bon vieux Bret nous a offert récemment un nouveau roman, Suites Impériales, qui se veut une suite à Moins que zéro, qu’il écrivait en 1985. Prenez les cennes que vous avez économisées en n’achetant pas Yupster pour vous le procurer.
Et maintenant, le sujet qui nous brûle tous et toutes les lèvres depuis la sortie de sa programmation au début du mois de septembre: la rentrée TVA. La «télé des émotions» est fidèle à elle-même et nous revient avec une sélection télévisuelle de qualité: les quasi-mongoliens –pour reprendre l’expression d’Ignatius J. Reilly dans la Conjuration des imbéciles– du Banquier useront encore une fois de force et de magie pour choisir la bonne valise; Chantal Lacroix et son chuintement récidivent avec une nouvelle saison de La Collection et s’incriminent davantage avec Rencontres paranormales, nouveau délit de la rentrée; la pièce de résistance de l’automne est évidemment la nouvelle saison d’Occupation Double à Whistler, avec Pierre-Yves Lord en remplacement de Joël Legendre. À l’instar des Liaisons dangereuses de Laclos, cette télé-réalité créée par le très intellectuel Éric Salvail nous permettra d’assister à un jeu séduction et de trahison hautement cérébral, avec chutes de ski, cheveux bleachés et implants mammaires en bonus. Finalement, l’automne ne s’annonce pas trop mal, n’est-ce pas? Je vous reviens dans deux semaines, dépeignée et fatiguée, avec ma rétrospective sur Pop Montréal x
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MUSIQUE
Bipolarité pop
Avec son look bohème, ses airs de pianos nostalgiques et ses tubes électrisants, Alex Nevsky suscite un enthousiasme qui ne démord pas en cettte rentrée culturelle. Rencontre avec un passionné des mots qui conjugue à un côté fleur bleue tout le charme d’une poésie sombre.
Émilie Bombardier Le Délit
A
u Cabaret Juste pour rire, devant une foule composée de journalistes et des proches de l’artiste, Alex Nevsky entre en scène avec ses musiciens. Tout de motifs fleuris et de plumes vêtu, il offre quelques ballades au piano, puis il enchaîne sans attendre des pièces dansantes. D’une reprise de «Pour un flirt» de Delpech à «Shalalala», que le public entonne avec lui, rien n’arrête la nouvelle révélation du milieu musical, si ce n’est le moment des remerciements. Yann Perreau est évidemment mentionné. Mentor et ami, c’est à lui qu’on doit la réalisation de ce premier album, De lune à l’aube, amalgame insolite de spleen et de naïveté joyeuse. Il y a quatre ans, ce natif de Granby choisissait son nom d’artiste, décidé qu’il était de se lancer en musique. «Le nom s’inspire du film [Alexander Nevsky de Sergei Eisenstein] mais j’aimais surtout sa sonorité, sa poésie. Je ne sais pas pourquoi j’ai voulu un nom d’artiste…» Tout semble s’imposer naturellement dans l’univers d’Alex Nevsky. À l’époque où il étudiait à l’École nationale de la chanson, il fait la rencontre de Yann Perreau, qui l’aidera quelques années plus tard à préparer un démo. S’en suivent «trois jours d’alcool et de plaisirs à Sorel», puis la préparation d’un album, entreprise qui durera près d’un an. Entre temps, un extrait de la chanson «Mille raisons» est présenté par l’animatrice Catherine Pogonat lors de son passage à Tout le monde en parle. Du jour au lendemain, l’attention médiatique se porte soudainement sur Nevsky. La suite est bien connue. Après la saga des concours (le Festival de la chanson de Granby, les Francouvertes et Vue sur la relève), voilà qu’il est recruté par l’étiquette Audiogram. Sacré depuis peu «Révélation chanson» par Radio-Canada Musique, luimême semble perplexe face à l’instantanéité de son succès: «En bout de ligne, je suis vraiment heureux d’avoir toute cette attention. Mais c’est un peu irréel… Je catche pas trop».
La lune et l’aube Depuis les premières ébauches jusqu’au disque lancé tout récemment, le style d’Alex Nevsky s’est étoffé. Les conseils de Yann Perreau lui auront d’abord été d’une grande aide: «Yann m’a donné une conscience. Il m’a appris à mieux structurer mes chansons et m’a permis de gagner deux, trois ans». Inspiré par une belle anglophone qu’il fréquente pendant plusieurs années, il ajoute à ses pièces un côté plus joyeux et plus pop et y intègre parfois quelques refrains en anglais. Puis, d’autres chansons s’ajoutent, créées pour la plupart lors de ses voyages: «J’ai commencé à écrire «Notre cœur» dans un avion. Je l’ai finie dans un train en partance de Bangkok. L’inspiration est un acte migratoire pour moi. […] Il faut toujours que je sorte de mes 100 km2 habituels.» Le résultat final offre un va-et-vient constant entre pop et mélancolie, tout à fait à l’image de sa création. «L’album s’est construit au fil de ma bipolarité, j’imagine. J’aimerais n’être que joyeux, mais le contact avec le piano est un contact de nostalgie ou de tristesse. J’ai appris à être heureux et à le partager en chanson, mais j’aime quand même les tounes tristes.» L’influence littéraire est palpable dans le verbe de Nevsky. Difficile toutefois de cerner ce qui peut l’avoir mené aux deux univers distincts qui se côtoient dans sa musique. Encore une fois, tout est affaire de contrastes. «J’ai surtout été influencé par Henry Miller et Antoine de SaintExupéry. Miller m’a rendu un peu fou. Saint-Exupéry m’a rendu beau. J’ai été là-dessus pendant les deux dernières années, explique-t-il, Ce sont deux personnages complètement opposés, deux poésies différentes. C’est la lune et l’aube…» «Faire l’amour avec le public» Alex Nevsky assume bien ses contradictions. C’est d’ailleurs ce clair-obscur musical qui guidera ses prochains concerts. Pour monter un spectacle à l’image du compositeur, place au talent de la comédienne et metteure en scène Brigitte Poupart, qui a notamment
travaillé avec Yann Perreau, Beast et Florence K: «On commence le processus. J’ai travaillé avec [elle] deux jours avant le lancement pour que ça roule mieux. Je ne serai plus seulement derrière le clavier. […] Nous allons dynamiser le truc et miser sur le côté sombre versus le côté plus clair. C’est très excitant.» Après avoir maintes fois assuré la première partie des concerts de Yann Perreau, tâche qu’il avoue être aussi ingrate que formatrice, Nevsky peut maintenant miser sur une aisance scénique très convaincante, développée de peine et de misère au fil de ses rencontres avec le public: «Le rôle de première partie est un peu ingrat. Tu n’as pas le choix de créer une connexion avec le public. Mais j’ai pu comprendre que le vrai fun, c’est l’échange. C’est la différence entre la masturbation et faire l’amour. Il ne faut pas simplement faire ses chansons une après l’autre et sacrer son camp. Il faut faire l’amour avec le public. Et maintenant [que je l’ai compris], j’ai envie de rester [sur scène].» Pour la suite… La nouveauté chez Alex Nevsky ne saurait trop se faire attendre. La sortie d’un EP est déjà prévue pour l’été prochain. Les pièces qu’il veut créer et les collaborations dont il rêve côtoient, encore une fois, des registres on ne peut plus différents. «Je veux flirter avec le hip-hop. J’aimerais travailler avec Oxmo Puccino. C’est vraiment mon fantasme masculin […] J’ai aussi fait un remake d’une chanson de Barbara, «La solitude». J’ai réécrit les paroles. C’est mon plus beau texte. Je tripperais de la faire avec Emily Haines [chanteuse du groupe canadien Metric]. C’est du domaine du rêve, mais on peut rêver.» Dans le «domaine» du réel, le slam et le folk pourraient s’immiscer dans les prochains albums. Un public fidèle ne s’en surprendra pas, habitué qu’il sera, d’ici là, aux accords à la Nevsky: «L’album a le champ tellement large. Ça ne sèmera pas la déception du changement de genre. On ne sait pas où va être Alex Nevsky dans trois ans», conclut-il.x
Chris de Muri
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Arts & Culture
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CHRONIQUE
L’âme à la tendresse Rêveries familières
Véronique Samson
«Supposez un couple. Un couple parle, lui fait des poèmes, elle en dit, ils s’adorent, ils se portent mutuellement aux nues, ils planent dans une espèce de ciel abstrait, ils se lancent au cœur des mots qui sont fort beaux et qui ne rendent qu’un bien piètre compte de ce qui les anime, qui est une chose bien palpable, le désir.» Celui qui fait des poèmes et signe ce texte, vous l’avez peut-être deviné, c’est Gérald Godin, l’intellectuel engagé
de tous les métiers. Et celle qui dit des poèmes, nulle autre que la chanteuse à la voix ardente et aux yeux charbonneux, Pauline Julien. Ce n’est pas par hasard, ni par grand romantisme, que je vous fredonne en guise de titre l’un de ses plus grands succès. Dimanche dernier, sa correspondance avec Gérald Godin prenait vie sur scène à la Place des Arts dans le cadre du Festival international de la littérature. Marie Tifo et Pierre Curzi –en qui l’on pourrait voir l’incarnation contemporaine de ce couple mythique– se sont donnés la réplique de La renarde et le mal peigné, fragments épistolaires et amoureux parus il y a un an déjà. Comme le laisse entendre ce court extrait de la correspondance, la «Pâoline» et le «Gégé» ont vécu leur trente ans d’amour dans un grand écart: tendus entre la lettre et le lit, entre la «solitude à deux» et le quotidien partagé. Tous deux sont appelés au loin par leur carrière, mais, au fil des années, un même pacte les lie: pas de téléphone. Seule cette correspondance frénétique, parfois terrible, qui s’est étendue avec la même fougue de 1962 à 1993. Il y a là quelque chose de bien arriéré, ironiseront certains. Mais pour nos tourtereaux, c’était une manière d’être à jamais libres l’un vis-à-vis l’autre, de faire en sorte que ce ne soient pas les heures ensemble qui comptent, mais seulement ce corps-à-corps ininterrompu d’idées et de sentiments. Il ne s’agissait pour eux que de se regarder dans le blanc du papier à lettre pour établir un dialogue profond. C’est pourquoi, à la lecture de La renarde et le mal peigné,
l’impression du grand écart entre la vie et la lettre se défait. Les deux correspondants s’y dévoilent avec une telle impudeur, se livrent tout entiers l’un à l’autre avec une telle générosité, qu’on les sent tout à fait présents. Comme le lance Gérald à sa «queen»: «Je suis tout entier à toi, j’ai mis mon âme à nu, telle qu’elle est depuis toujours. Que te faut-il de plus? Une vulgaire présence?» Leur vraie vie, donc, a pu se retrouver dans la parole écrite. On pense à Proust parvenu à la fin de sa Recherche, qui va jusqu’à affirmer que «la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature». Certes, c’est là l’adage d’une poignée d’étudiants en lettres voulant justifier leur tête-à-tête permanent avec les rayons de leur bibliothèque. Mais l’idée se voit ici adaptée par des gens préoccupés du monde, l’un faisant face à l’actualité politique de son époque et l’autre à son public. Ce sont également des participants de la Nuit de la poésie de 1970 pour qui la parole avait une véritable portée. Gérald Godin et Pauline Julien ont cru en ces poèmes que l’un faisait et que l’autre disait, et la place des lettres dans leur couple en témoigne. Si cette foi a vacillé depuis (Le Devoir parlait lundi dernier de la Révolution tranquille comme d’un lointain fait historique), la lecture de La renarde et le mal peigné servira, au moins, à combler nos trous de mémoire et à nous rappeler un temps où la parole était plus qu’un simple asservissement à la communication rapide.x
Après que nous ayons publiés des articles bourrés de fautes, nous avons décider d’embocher un coordonateur à la correction. Ecrivez-nous. Vite. Envoyez cette phrase corrigée à correction@delitfrancais.com
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L’ÉDITO CULTUREL
La poésie n’est pas morte Catherine Côté-Ostiguy Le Délit
L’
incorrigible amoureuse des mots que je suis a fait un tour du côté du Festival international de la littérature, ce week-end. Je me suis assise sur l’un des sièges disposés en estrade de la Cinquième salle pour assister -pour la troisième fois en quelques années- à une représentation de l’incroyable et saisissant Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent. Et comme j’attendais, fébrile, que le spectacle commence, comme je regardais les spectateurs prendre place dans la salle, je me suis dit, tout de même, qu’il reste des gens pour se déplacer et venir entendre, voir et sentir le pouvoir des mots. Le public, encore et toujours, est au rendez-vous. La poésie n’est pas morte. À une époque où les médias sont devenus les «nouveaux médias», où la page a laissé sa place à l’écran illuminé, où la culture se consomme sur le pouce, en instantané, la pente est déjà bien entamée vers une désacralisation
générale de la culture. Et attention, cette pente, elle est glissante. Je sais, je sais, on en parle déjà beaucoup. Mais c’est le lot de notre génération, qui s’est trouvée placée à un tournant –technologique, culturel, médiatique–, que de s’interroger sur ce que deviendra la société une fois ce tournant effectué. Nos parents ont voulu tout changer; nous, nous sommes en perpétuelle hésitation entre l’ancien et le nouveau, entre ce qui était et ce qui sera. Nous avons vécu –et nous vivons toujours– une véritable explosion de l’univers médiatique, qui a eu des répercussion gigantesques sur la sphère culturelle. Et si nous avons gagné beaucoup de cette transformation, il me semble que nous y avons aussi perdu quelque chose. Au milieu de l’abondance, de l’accessibilité, de l’instantanéité, quelle place reste-t-il pour la beauté? Il me semble parfois que nous perdons graduellement notre capacité à nous émerveiller, à nous extasier devant la beauté des mots, de la parole. Il n’y a plus de place que pour la vitesse, alors qu’il est si bon, parfois, de savourer la lenteur.
Heureusement que demeurent, debout dans la tempête, quelques braves qui font, encore et toujours, le culte de cette beauté devenue rarissime. Sur la scène de la Cinquième salle, les acteurs et les passeurs de mots s’agitent. Ils prêtent leur voix à des textes connus et moins connnus, ils mettent leur corps au service de la littérature. Et dans cette mise en mouvement du texte, dans cette fresque magnifique venue célébrer la parole et les mots, il me semble voir quelque chose comme un acte de résistance. Un cri du coeur pour que la beauté ne soit pas oubliée. Rien d’étonnant à ce que les frissons me viennent à entendre ainsi déclamés les vers de Miron et de Nelligan, de Rimbaud et de Joyce. Difficile de ne pas être nostalgique du temps où les mots étaient chargés d’une infinie portée, où ils n’étaient pas encore banalisés par le tourbillon technologique. Pourtant, il faut savoir vivre avec son temps. Et si je me sens parfois un peu anachronique, il faudra pourtant que je m’y fasse.x
THÉÂTRE
Premier amour: un spectacle à ne manquer sous aucun prétexte Annick Lavogiez Le Délit
L
e 16e Festival international de la littérature (FIL) propose cette année à ses adeptes un cadeau unique à ne pas manquer: Premier Amour, une pièce de Samuel Beckett mise en scène et interprétée par Sami Frey, géant de la scène théâtrale et cinématographique française. Créée en novembre 2009 au Théâtre de l’Atelier à Paris, cette pièce, qui a reçu un accueil unanimement enthousiaste de la part du public et des médias français, n’est pas une lecture mais bien «une interprétation», comme le précisait l’acteur metteur en scène à un journaliste du Figaro en 2009. Séduit par Premier amour parce que «la langue française dans laquelle Beckett a commencé à écrire à ce moment-là est tout à fait délicieuse, drôle, terrible, d’un humour ravageur», Sami Frey revient donc à Montréal, où il avait déjà présenté Je me souviens de Georges Perec et Cap au pire, un
des derniers romans de Beckett. Il interprète du 22 au 25 septembre ce monologue d’une «drôlerie déchirante qui prend les gens au dépourvu parce qu’elle révèle une sorte de sincérité déroutante». Un monologue que Sami Frey a travaillé pendant cinq mois sur les bancs de Paris: «Avec la multiplication des gens qui parlent dans les micros de leur portable, je ne passe plus pour un fou...» Écrite en 1945 par Beckett et retrouvée vingt-cinq ans plus tard par Jérôme Lindon qui a vraisemblablement poussé Beckett à la retravailler, Premier amour est une pièce difficile à résumer en quelques lignes. Un homme, assis seul sur un banc, raconte, après la mort de son père, l’histoire de son premier amour. À moins que ce ne soit l’histoire de l’Amour?x Premier amour Où: Usine C 1345, avenue Lalonde Quand: du 22 au 25 septembre Combien: 33,44$
Gracieuseté de Seville Pictures
COUP DE CŒUR
Incendies: de l’étincelle à l’explosion Après Maelstrom et Polytechnique, le réalisateur québécois Denis Villeneuve revient en force avec Incendies, l’adaptation cinématographique de la pièce de Wajdi Mouawad. Sabrina Ait Akil Le Délit
D
ans Incendies, on assiste à la renaissance d’une famille à travers l’histoire d’une femme, Nawal Marwan (Lubna Azabal), originaire du Moyen-Orient. Lorsqu’elle meurt, à Montréal, le notaire chez qui elle travaillait depuis dix-huit ans lit son testament à ses deux enfants, les jumeaux Jeanne et Simon (Mélissa DésormeauxPoulin, Maxime Gaudette). À la lecture du testament, les orphelins découvrent, choqués, l’existence d’un père qu’ils croyaient mort et d’un frère qu’ils doivent retrouver selon les dernières vo-
lontés de leur mère. Les jumeaux se rendent alors compte qu’ils ne connaissaient pas réellement leur mère. Et voilà qu’elle leur demande de reconstruire leur vie à partir des cendres de sa propre existence. Commence alors un long périple qui promet d’être difficile. Jeanne et Simon trouveront-ils la paix? Seront-ils les mêmes après ce voyage aux allures de pèlerinage? C’est ce qu’on cherche à savoir. On se demande même si c’est possible avec tout ce qui finit par se révéler au grand jour. En parallèle, Villeneuve trace le portrait de Nawal Marwan, exposant sa jeunesse, ses erreurs et ses déchirements. Tout commence lorsque son amant mu-
xle délit · le mardi 21 septembre 2010 · delitfrancais.com
sulman, réfugié dans son village, est tué par son frère qui l’accuse d’avoir sali l’honneur de leur famille chrétienne. Nawal est enceinte et se voit obligée de donner son fils en adoption. Pour pouvoir le retrouver un jour, la grand-mère de Nawal tatoue à l’enfant trois petits points sur le talon droit. Une nouvelle histoire commence, celle de Nawal qui décide de retrouver son fils avant que la guerre ne les emporte tous. On sait d’ores et déjà que la suite sera mouvementée et douloureuse. Afin d’arriver à rendre justice à la pièce de Mouawad, il fallait toute l’ingéniosité de Denis Villeneuve. C’est avec ardeur que
chaque scène est filmée, et les moments les plus dramatiquement forts sont ceux où on laisse toute la place à l’image et où l’on tait les dialogues. C’est vrai, une image vaut mille mots. Villeneuve est parvenu à transmettre au téléspectateur la notion de douleur et la charge émotive véhiculée dans le film est essouflante, voire perturbante. Que ce soit la douleur physique, représentée par des scènes de tortures, ou encore celle de l’âme, celle qui ne s’efface pas et qui caractérise la sempiternelle perdition. Le spectateur est confronté aux malheurs d’une famille atypique. Leur histoire est comme un volcan en éruption prêt à tout
faire sauter. Le feu est d’ailleurs l’élément qui dicte la direction du film. Il y fait terriblement chaud, c’est la canicule, physique comme émotionnelle. La violence de certaines scènes évoque la guerre civile libanaise, dans un pays qui est à feu et à sang tout comme l’a été la vie de Nawal. L’histoire de cette femme semble concorder avec celle d’un pays meurtri par les aléas de la guerre. Incendies, c’est dire que la famille est une prison. C’est une sentence à perpétuité qui rappelle sans cesse que le passé dicte l’avenir, mais qu’on ne saura jamais si le futur sera paisible. Il aura suffit d’une étincelle, la mort de Nawal, pour déclencher un voyage épique.x
Arts & Culture
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LE DÉLIT AIME...
Ecoutez.ca Émilie Bombardier Le Délit
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l était grand temps que la musique québécoise se taille une véritable place dans le cyber-espace. Et pour cause, plusieurs artisans de l’industrie musicale réunis cet été dans le cadre des Rencontres annuelles de l’ADISQ (Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) discutaient des enjeux du virage numérique en ne faisant que de tristes constats. Le téléchargement illégal et l’obsolescence du CD se présentaient toujours comme de redoutables obstacles et les simples
fonctionnalités des réseaux sociaux, comme seuls outils de diffusion à l’ère 2.0. Et pourtant, en marge de leurs échanges se déroulait la conférence MusiQCnumériQC. Programmeurs, médias alternatifs et agences de communication québécoises s’y trouvaient, chacun y allant d’une solution pour résoudre l’impasse. Parmi celles-ci se trouvait Ecoutez.ca, un portail voué à la diffusion de la musique québécoise. En ligne depuis quelques mois, on retrouve sur ce site toute l’information imaginable sur l’actualité musicale et sur quelque 1500 artisans faisant partie du milieu. Photos, extraits, vidéos et ca-
nati
lendrier; la page dédiée à chaque groupe ou artiste est on ne peut plus complète, bien qu’elle n’ait rien d’absolument novateur. Au-delà de sa vocation informative, Ecoutez.ca se veut aussi une alternative à iTunes, une plateforme qui, selon plusieurs, ignore totalement la distribution locale. Ici, chaque artiste ou maison de disque peut décider des titres qu’il offre en vente ou en écoute libre. La plupart des dates de concerts annoncées sur la page sont quant à elle reliées au site atuvu.ca, qui offre des billets à rabais à tous les membres qui s’y inscrivent. Loin d’aspirer à devenir un autre réseau social ou un nouveau
média, le portail prend plutôt le pouls de tout ce qui s’écrit sur la musique québécoise, rassemblant dans sa section «actualités» articles de journaux, billets de blogues et tweets de tous les horizons. Le référencement d’une page d’Ecoutez. ca vers Facebook ou Twitter est aussi très facile. La diffusion et le partage peuvent donc y prendre des proportions exponentielles. Afin de profiter de toutes ses fonctionnalités, mieux vaut s’inscrire à Ecoutez.ca, ce qui est évidemment gratuit. Vous pourrez alors créer vos propres listes de lecture et constituer votre profil d’«amateur de musique», si cela vous dit.
La popularité du site semble relever du bouche à oreille pour l’instant, ce qui pourrait expliquer que des artistes que l’on dirait plus populaires n’y ont pas leur page. Les artistes émergents sont d’ailleurs souvent les plus novateurs en ce qui concerne les nouvelles technologies. Néanmoins, le site vaut le détour, et on ne peut qu’espérer qu’il sera bientôt considéré comme une partie de la solution aux parts de marché perdues par les disquaires. D’ici là, vous pourrez tout de même vous y rendre, ne serait-ce que pour y jeter un œil. Si ce n’était pas déjà le cas, Myspace vous semblera alors… tellement 2007.x
MUSIQUE
par Martine Chapuis
La bd de la semaine
Moran aime McGill
16 Arts & Culture
L’
auteur-compositeur-interprète Moran, qui faisait paraître l’an dernier son second album, Mammifères, donne actuellement une série de spectacles que nous vous conseillons de ne pas manquer. L’artiste fera vibrer sa voix sur la scène du Petit Medley chaque mercredi, jusqu’au 27 octobre. Et puisque le jeune compositeur affectionne particulièrement les lecteurs du Délit, il leur propose une aubaine! Sur présentation de votre carte étudiante de McGill, vous aurez droit à un rabais significatif sur le prix de l’entrée -10$ plutôt que le tarif régulier de 20$- et ce, jusqu’à la fin de la série de spectacles. Il s’agit d’une excellente occasion de découvrir un artiste qui a fait beaucoup parler de lui depuis la parution de son premier album, Tabac, en 2006. Ses textes poétiques et ses mélodies simples et mélancoliques vous séduiront à coup sûr et vous mourrez d’envie d’aller vous procurer l’un ou l’autre de ses albums.x
Victor Diaz Lamich
xle délit · le mardi 21 septembre 2010 · delitfrancais.com