Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
BILAN DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE P. 4
4ÈME ANNIVERSAIRE DE LA RÉVOLUTION SYRIENNE P. 6 ET 10-11 Mardi 17 mars 2015 | Volume 104 Numéro 19
Tous des limaces depuis 1977
Éditorial rec@delitfrancais.com
Volume 104 Numéro 19
«Elle avait un cœur ouvert à toute détresse, servant spécialement les pauvres et les petits, qu’elle désirait traiter comme des rois.» Jean-Paul II, lors de la béatification d’Émilie Tavernier-Gamelin, 2001.
Cultures de résistance et d’indifférence JOSEPH BOJU
A
Le Délit
ujourd’hui mardi 17 mars 2015, nous célébrons en silence le jour où l’Association Étudiante de l’Université McGill, dans un élan de solidarité dont plus d’un la croyait incapable, votait pour son dernier jour de grève. C’était il y a dix ans, jour pour jour, du temps que le gouvernement Charest imposait des coupes de 103 millions dans le régime provincial de prêts et bourses. Toute la province était en branle. Environ 230 000 des 450 000 étudiants au postsecondaire furent en grève cette semaine-là. L’Université McGill, ainsi que Polytechnique, HEC, ou encore Jean-de-Brébeuf – ceux qu’on ne voit pas beaucoup dans la rue –, ne restèrent pas non plus en reste. À l’issue d’une Assemblée Générale extraordinaire tenue dans le pavillon Shatner, où près de 1000 étudiants s’étaient présentés et près de 200 n’avaient pu rentrer, la communauté étudiante mcgilloise avait décidé, d’une majorité écrasante, de soutenir le mouvement de grève par 24 heures sans cours. L’éternité d’un jour de grève est un slogan tout à fait mcgillois. Lors de notre dernière Assemblée Générale, ce dimanche 15 mars, la motion concernant la politique de l’AÉUM pour une éducation accessible a été votée par une large majorité, mais non sans commentaires de la part de certains agélastes. Ceux-ci étaient non seulement alarmés à l’idée d’un vote de grève à venir mais aussi ravis de la mention de la hausse des frais de scolarité français dans les «attendu que» pour ruer dans les brancards et qualifier cette motion d’infâme suppôt de la partisannerie francophone québécoise sur le campus (ou quelque chose de similaire). En 2005, suite à l’Assemblée Générale et à son vote de grève victorieux, un étudiant nommé Philippe Morin avait remarqué, en entrevue avec le McGill Daily «comment ce problème avait rassemblé les étudiants anglophones et
francophones à McGill et pressé les votants à persévérer dans cette solidarité à travers les langues en rejoignant le reste des étudiants grévistes du Québec, lesquels sont majoritairement francophones». Une culture de résistance peut s’affranchir des barrières linguistiques. L’Université Concordia dispose à ce jour de plus de 3600 étudiants avec un mandat de grève reconductible et Dawson College, avec ses 10 000 étudiants, est en procédure de vote. Que l’AÉUM n’embarque pas est prévisible, peu de risques non plus au niveau facultaire; pour les étudiants de premier cycle, la mobilisation se joue désormais au niveau départemental, ainsi qu’en 2012. Parmi d’autres – dont le Département de médecine –, l’Assemblée Générale des Étudiants-es de Littérature Française (AGELF) tiendra un vote ce mercredi à 16h dans la salle ARTS210, pour déterminer si un vote de grève devrait avoir lieu lors de son Assemblée Générale, qui se tiendra le lendemain. La barre des 30 000 étudiants – plancher pour débrayer les mandats de grève de nombreuses associations étudiantes – a désormais été franchie.Vendredi dernier, les porte-paroles de l’ASSÉ appelaient à une «grève sociale», formule pour demander aux étudiants et aux travailleurs de se tenir unis dans leurs revendications contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard, notamment ses 200 millions de coupes dans le budget des universités. Selon le site du mouvement Printemps 2015, nous en sommes à 37 460 étudiants mandatés. Dans les prochains jours, plus de 71 associations, représentant près de 139 300 étudiants, prévoient tenir leur consultation médicale – nom de code en vogue pour un vote de grève. Samedi 21 mars, à 14h, place ÉmilieGamelin, débutera le printemps. Il n’est pas une fin rappelons-le, mais un moyen sans pareil pour préparer l’été. x
Le seul journal francophone de l’Université McGill rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Joseph Boju Actualités actualites@delitfrancais.com Louis Baudoin-Laarman Esther Perrin Tabarly Laurence Nault Culture articlesculture@delitfrancais.com Noor Daldoul Baptiste Rinner Société societe@delitfrancais.com Gwenn Duval-Stojanovic Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Cécile Amiot Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Luce Engérant Eléonore Nouel Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Any-Pier Dionne Céline Fabre Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnatrice réseaux sociaux réso@delitfrancais.com Inès L. Dubois Contributeurs Chloé Anastassiadis, Lauren Boorman, Jérémie Casavant-Dubois, Mahaut Engérant, Chloé Francisco, Jules Gauthier, Amandine Hamon, Sami Meffre, Matilda Nottage, Jessika-Kina Ouimet, Kary-Anne Poirier, Noémy Grenier, Théophile Vareille. Couverture Luce Engérant Eléonore Nouel bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Dana Wray
Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Juan Camilo Velazquez Buritica, Dana Wray, Joseph Boju, Baptiste Rinner, Rachel Nam, Hillary Pasternak & Ralph Haddad.
2 éditorial
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
Actualités
Montréal
Kill Bill: C-51
actualites@delitfrancais.com
Manifestation contre le projet de loi antiterroriste. SAmi meffre
Le Délit
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as moins de 800 participants se sont réunis le samedi 14 mars à 14 heures au parc Jarry pour la marche inaugurale du mouvement contre l’adoption de l’Acte antiterrorisme (Loi C-51). Sur les diverses pancartes, on pouvait lire «L’activisme n’est pas un crime», «Le terrorisme d’État n’est pas une solution» ou encore «RIP – Nos Droits et Libertés», tandis que la foule scandait le slogan «Harper terroriste, Trudeau complice». L’ordre du jour était clair: le projet de loi C-51 est une grave infraction au respect de la vie privée et au droit à la confidentialité. Un grand nombre de participants se sont présentés avec une bande de ruban adhésif sur la bouche, symbolisant l’effet que va avoir la loi C-51 sur leur liberté d’expression. «Nous sommes la voix aux sans voix» ont proclamé les organisateurs de la manifestation. Ils ont par la suite dénoncé la création d’une police d’État qui va à l’encontre des libertés et droits des canadiens, et ont même déclaré tout partisan de cette loi un «ennemi du
eleonore nouel
peuple». La marche a été ponctuée par des discours de personnalités des différents partis d’opposition. Thomas Mulcair du Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD) a déclaré avant le début de la marche que «nos libertés sont inaliénables et nous allons les défendre à chaque étape», et assuré que cette marche n’était «que le début d’une bataille pour maintenir nos droits et libertés». M. Mulcair n’a cependant pas pris part à la marche elle-même avec les manifestants.
Souvent associé à un Patriot Act à la sauce canadienne, le projet de loi antiterroriste propose l’amendement d’une douzaine de lois canadiennes, incluant le code pénal. Cette large réforme du droit canadien se veut agressive face à un large éventail de possibles menaces envers la sécurité nationale. En éléonore nouel effet, elle obligera un plus grand partage d’information entre les différentes agences gouvernementales, inclura une large réforme de la sécurité du secteur
aérien et de l’immigration, et élargira de façon considérable la mission du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). C’est cette dernière partie qui est la plus controversée. Avec cette nouvelle loi, le SCRS s’éloigne de son rôle relativement passif pour s’engager de façon plus agressive dans la lutte contre le terrorisme, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays. Cette législation se veut une réponse à la récente augmentation des attaques terroristes sur le sol canadien. Dans
une entrevue avec CBC, Edward Snowden, l’ancien agent de la NSA, a jugé que, avec cette loi telle quelle, le SCRS manquait cruellement de supervision. La marche s’est terminée devant le bureau du chef libéral Justin Trudeau, situé devant la station de métro Jarry. Ce dernier a déclaré lors d’un discours à Vancouver la semaine dernière qu’il soutenait le projet de loi, d’où la décision de finir la marche devant son bureau. Il a expliqué qu’il voulait éviter «la capitalisation politique d’un sujet aussi important que la sécurité de la part du camp Harper», mais qu’il promet, tout comme l’ont fait tous les autres chefs des partis d’opposition, de rectifier cette loi s’il est élu aux prochaines élections. Plusieurs intervenants ont pris la parole devant les bureaux de M. Trudeau, du Parti vert ou encore du Parti communiste du Québec. Daniel Green, du Parti vert du Québec (PVQ), a fait remarquer que «le pétrole sale a tué plus de personnes au Québec que la menace terroriste», faisant référence aux événements de Lac Mégantic.x
VIVRE. APPRENDRE. JOUER. TRAVAILLER. LA CONSTRUCTION EST DÉJÀ BIEN AVANCÉE
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE L’assemblée générale annuelle de la Société des publications du Daily (SPD), éditeur du McGill Daily et du Délit, se tiendra
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actualités
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politique étudiante
Trois petits tours et puis s’en vont La motion sur le désinvestissement rejetée, pas de quorum pour l’éducation accessible. louis baudoin-laarman
Le Délit
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rès de 500 personnes se sont déplacées dimanche 15 mars pour participer à l’Assemblée Générale du semestre d’hiver de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Contrairement à l’usage habituel, les débats, qui ont démarré vers midi, se sont déroulés dans l’amphithéâtre Leacock 132 et non pas dans la salle de bal du bâtiment Shatner. Ce semestre, les motions à l’ordre du jour concernaient le désinvestissement des compagnies profitant de l’occupation illégale des territoires palestiniens, les stages non-rémunérés et une politique étudiante pour l’accessibilité de l’éducation. La motion sur la solidarité envers les étudiants et les protestataires demandant des gouvernements démocratiques, qui avait été annoncée et devait être proposée lors de l’Assemblée, ne l’a finalement pas été. Avant d’entamer les débats sur les motions mentionnées ci-dessus, une motion a été présentée par la v.-p. aux finances de l’AÉFA Kathleen Bradley au sujet du renouvellement du contrat entre l’AÉUM et RSM Richter, qui s’occupe des contrôles financiers de l’AÉUM. Le contrat doit être renouvelé tous les 3 ans par un vote étudiant, et la motion est passée avec 259 voix pour, 6 contre, et 4 absentions. Motion sur le désinvestissement La motion pour le désinvestissement des compagnies profitant de l’occupation illégale des territoires palestiniens, pour laquelle la plupart des étudiants s’étaient déplacés, avait été présentée à l’Assemblée par pétition.
C’est l’organisation étudiante mcgilloise Solidarity for Palestinian Human Rights [solidarité envers les droits de l’homme en Palestine, ndrl.] qui était à l’origine de la recherche et de la rédaction du texte lui-même. La motion visait à ce que l’AÉUM, à travers son exécutif, s’engage à faire pression sur l’administration de l’Université pour que celle-ci désinvestisse de cinq «compagnies qui profitent de l’occupation illégale des territoires palestiniens», les compagnies incluent entre autres Volvo et Mitsubishi. Avant d’être présentée à l’Assemblée Générale, la motion avait reçu l’appui officiel de 22 associations étudiantes, dont le Groupe de Recherche d’Intérêt Public (GRIP-McGill) et Midnight Kitchen. À la présentation de la motion a succédé un long débat, tant les avis de la communauté étudiante étaient divisés. Simon Parentski, étudiant en droit, a affirmé au Délit qu’il était venu pour voter contre la motion car : «[…] par le passé, je sais que des étudiants se sont sentis menacés par des motions comme celles-ci qui imposent un côté du débat [sur le conflit Israélo-Palestinien] plutôt que
éléonore noel
diante en gestion, a déploré que «La majorité des arguments contre la motion étaient sans rapport avec les investissements économiques de McGill dans ces com-
‘‘Une insulte à l’intelligence des étudiants.” l’autre, et je ne pense pas que cela peut être accepté sur un campus comme McGill où la diversité des opinions est valorisée». Mackenzie Kibbler, étudiant en Arts, a quant à lui ajouté que la motion était «une insulte à l’intelligence des étudiants.» Du côté du oui, on regrettait surtout un débat qui s’est plus concentré sur des théories générales liées au conflit IsraéloPalestinien que sur le contenu de la motion elle-même. En entretien avec Le Délit, Dina el-Baradie, étu-
pagnies, aucune desquelles n’est israélienne.» «Je suis venue parce que je me sens complice du fait que mon université investit dans ces cinq compagnies qui aident activement l’occupation illégale [des territoires palestiniens] et l’expansion des colonies.», a-t-elle ajouté. Après environ 45 minutes de débat, une motion pour passer au vote a été approuvée, ainsi qu’une mention proposée par Zain Ali Syed, étudiant en sciences, de procéder au vote par bulletin secret, ce qui a considérablement allongé
la procédure. À 212 voix pour, 276 contre, et 9 absentions, la motion a été rejetée, annonce après laquelle la majorité des participants ont quitté les lieux. Plus ou moins d’état Présentée par le Nouveau Parti Démocrate de McGill (NPDMcGill), cette motion suggérait que l’AÉUM ne soutienne plus et ne promeuve plus «tout stage qui aille à l’encontre des lois du travail applicables.» et que l’AÉUM incite l’administration mcgilloise à faire de même. La majorité du débat autour de la question concernait l’application de cette motion aux clubs et services de plus petit calibre, certains craignant que la dernière clause de la motion en particulier limiterait ces derniers dans leur marge de manœuvre. Scott Conrad, étudiant en génie, a fait valoir que: «Limiter les clubs n’est pas une bonne idée, ils détestent ça, et ce n’est pas une bonne relation pour l’AÉUM et les clubs.». Duncan Walt-Kier trouvait quant à lui que «notre syndicat étudiant doit parler d’une seule voix pour dire que nous n’accepterons pas que des clubs au sein de l’AÉUM promeuvent des stages non-rémunérés.» Après qu’une modification à la dernière clause concernant l’application de la motion aux clubs ait été rejetée, la motion a été divisée en deux sections: une plus générale et une concernant seulement les clubs, les deux ayant été approuvées. Motion sur l’éducation accessible
éléonore nouel
4 actualités
La dernière motion débattue, concernant l’accessibilité de l’éducation, a été présentée par
l’une des auteurs de la motion, la v.-p. aux affaires externes Amina Moustaqim-Barrette. La motion, qui répond au contexte provincial actuel de mesures d’austérité, vise à ce que l’AÉUM «s’oppose spécifiquement à tout mécanisme visant à augmenter les frais de scolarité» et «mobilise ses membres contre les mesures d’austérité». Comme pour la première motion, le débat s’est rapidement éloigné du contenu lui-même alors que certains étudiants craignaient qu’elle ne serve de base à un vote de grève, dont Joshua Chin, représentant de la faculté de médecine à l’AÉUM. Plusieurs étudiants ont fait remarquer que les étudiants Français pourraient payer de plus hauts frais de scolarité si l’Université avait besoin de plus d’argent, avant que Mme Moustaqim-Barrette ne leur réponde que ces frais venaient d’avoir été augmentés. M. Chin a par la suite proposé que, comme la motion précédente, la motion sur l’accessibilité de l’éducation soit divisée en deux, sans succès. La motion a été approuvée par l’Assemblée Générale, mais seuls 97 étudiants étaient présents lors du vote, soit 3 de moins que le quorum requit pour qu’elle ait une valeur quelconque. La motion sera donc présentée au conseil législatif de l’AÉUM pour être approuvée plus tard. Après les rapports des exécutifs de l’AÉUM, devant une vingtaine de personnes, l’Assemblée Générale s’est conclue vers 17h00. De près de 500 personnes à un peu plus d’une vingtaine, la longueur de l’Assemblée Générale aura fait fuir les plus militants, les auteurs des premières motions passées inclus. x
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
politique étudiante
De la place pour nos enfants
L’AÉUM adopte une motion soutenant la création de nouvelles crèches à McGill. Théophile Vareille
Le Délit
S
éance assez calme le jeudi 12 mars dernier pour le bimensuel conseil législatif de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), alors que se profile l’Assemblée générale hivernale de l’AÉUM, prévue dimanche 15 mars. De nombreux membres du conseil étant absents, le conseil a tout de même passé une motion sur les services aux familles d’étudiants et s’est vu présenter le budget final de l’AÉUM pour l’année fiscale 2014-2015. Une volonté d’éteindre la polémique Le premier sujet qui a néanmoins provoqué une discussion engagée au sein du conseil a été le cas de Soumia Allalou. Cette dernière est une étudiante en droit, de confession musulmane, qui a récemment demandé à Sports McGill (McGill Athletics) de réserver la salle de gym aux femmes à certaines heures de la semaine, pour ne pas heurter sa sensibilité et ses convictions personnelles. L’information a été largement relayée cette semaine dans de nombreux médias nationaux et a aussi donné lieu à de
eléonore nouel
nombreuses réactions haineuses dans certaines sphères islamophobes du net. Claire StewartKanigan, vice-présidente aux affaires universitaires, en contact continu avec Mme Allalou, a tout d’abord clarifié la chronologie de l’événement: Mme Allalou serait entrée en contact avec Sports McGill dès janvier. Après qu’on lui ait conseillé de consulter ses pairs étudiants, elle s’est exécutée, mais, ne recevant pas de réponse à ses demandes, elle a décidé de partager son histoire à la presse début mars. La situation, selon Mme StewartKanigan, aurait escaladé à cause d’un manque de communication
interne chez Sports McGill, le directeur n’ayant jamais été mis au courant de la requête de Mme Allalou. Finalement, Vincent Pierre-Fullerton, représentant de la Faculté de droit (à laquelle appartient Mme Allalou), a affirmé la volonté des deux partis de trouver un compromis, probablement sous la forme d’une salle séparée réservée aux personnes s’identifiant au genre féminin, mettant ainsi fin au plus vite à une polémique qui ne peut que faire du dommage à l’image de McGill et nourrir le discours de populistes visant à stigmatiser une minorité religieuse.
Motions présentées et votées Mme Stewart-Kanigan a entamé les affaires nouvelles du jour avec la proposition de quelques modifications au plan de cinq ans sur la santé mentale. Son application réduirait les coûts du plan et améliorerait son fonctionnement interne en le recentrant sur la promotion des problèmes de santé mentale communs aux étudiants. Le conseil a ensuite voté à l’unanimité pour une motion concernant le nombre de crèches à la disposition des parents membres de la communauté mcgilloise. La motion déplore l’interdiction du gouvernement provincial, qui refuse
L’espace, leitmotiv à l’AÉFA
de laisser l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) ouvrir sa propre crèche, ce qui force nombre des membres de l’association à inscrire leurs enfants à la crèche surchargée de l’AÉUM. La motion en elle-même plaide pour le soutien de l’AÉUM sur l’expansion du programme de crèches à McGill dans les futures discussions, ainsi qu’une attention particulière aux besoins des parents seul(e)s, homosexuels ou étrangers. L’un des auteurs de la motion, le viceprésident aux clubs et aux services Stefan Fong, a fait remarquer la contribution disproportionnée des étudiants étrangers aux fonds de soutien ainsi que sur l’introduction prochaine de prélèvements progressifs (en fonction du revenu familial) pour les Québécois. Kathleen Bradley, vice-présidente à la finance et aux opérations, a ensuite présenté un budget révisé pour 2014-2015 avec un déficit final de 12 000 dollars, en baisse par rapport aux 22 000 dollars de l’année précédente. Le conseil s’est conclu sur un rappel de l’importance de l’Assemblée générale de dimanche, après quoi le comité exécutif a prié la galerie de sortir pour tenir une session confidentielle.x
Le conseil de l’AÉFA débat du Space Project et de la polémique du Centre sportif. gwenn duval
gwenn duval
Le Délit
L
e conseil législatif de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) du mercredi 11 mars dernier a adopté toutes les motions à l’ordre du jour de façon étonnamment consensuelle. Le conseil a approuvé à l’unanimité la mise en place d’une politique d’accompagnement mieux organisée des victimes d’agressions sexuelles au sein de l’Université. Après une motion pour l’adoption d’un nouveau programme de maitrise, la présidente de l’AÉFA, Ava Liu, a apporté des précisions à propos de son Space Project, avant que la discussion ne s’oriente vers la position que devra prendre l’AÉFA vis-à-vis de la création d’horaires réservés aux filles du Centre sportif. Un intérêt pour les projets À la demande des conseillers de l’AÉFA d’il y a deux semaines, Ava Liu a exposé son Space Project devant les membres du conseil. Mme Liu a assuré que l’argent serait investi de manière raisonnable et adéquate et que le budget de l’AÉFA ne serait
pas dépensé dans son intégralité pour financer le Space Project. La présidente soutient que l’appropriation de l’espace du campus par les étudiants est importante, que ce ne serait plus seulement l’Université qui offrirait des services, mais l’association étudiante qui investirait alors l’espace et procurerait aux étudiants un environnement de meilleure qualité. Jacob Greenspon, représentant des arts au sénat, qui avait émis quelques réserves lors du conseil du 24 février, semblait plus acquis
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
à la cause du projet mercredi dernier, surtout lorsque l’idée d’un espace vert au deuxième étage du bâtiment Leacock a été mise sur le tapis. Ava Liu a confirmé qu’elle tiendrait le conseil au courant des avancées concernant les plans. Elle y travaille actuellement avec McGill Spaces Project (MSP), Campus Space et le designer Paul Gaunther ainsi qu’avec Gillian Lane-Mercier. La présentation officielle du projet lors d’un événement festif ne devrait pas tarder.
Polémique du Centre sportif Le conseil s’est légèrement prolongé lorsque le sujet du Centre sportif et de ses plages horaires réservées aux filles a été abordé. Plusieurs propositions et réserves ont été émises, quelques problèmes aussi. Faut-il réserver une heure par jour pour les filles ou bien leur accorder une plus longue plage horaire moins fréquemment? Pourront-elles aller d’une salle à l’autre en tenue de sport sans risque de rencontrer
des hommes dans les couloirs? La représentante du programme des études des femmes a demandé comment était traitée la question de l’identité féminine; la réponse a été: «l’entrée serait accordée à quiconque considère être une femme.» La présidente a proposé de créer un espace réservé aux filles dans le Centre sportif, au lieu d’un horaire. Le conseil n’a pas rejeté l’idée, bien que tout cela représenterait des dépenses qu’il faudrait alors discuter. Le dernier point à avoir été abordé concernait les démissions nombreuses des v.-p. cette année: y aurait-il eu moyen de les éviter? Ava Liu a répondu que pour la dernière démission, celle de la v.-p. aux finances, elle aurait pu avoir recours à une solution, mais que la charge de travail qui restait à accomplir cette année sera plus simplement réattribuée à d’autres membres, dont elle-même. Il reste que certaines circonstances échappent au contrôle du conseil et à celui de la présidente qui a ponctué sa dernière intervention de «malchance». C’est ainsi que le conseil a bouclé la boucle, dans une atmosphère plus calme qu’à l’accoutumée. x
actualités
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montréal
Un divorce coûteux L’AÉCSUM dresse le bilan d’une année complexe. Esther Perrin Tabarly
eleonore nouel
Le Délit
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’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) a tenu le mercredi 11 mars dernier un conseil général expédié, suivi de son assemblée générale annuelle. Les deux séances consécutives se sont tenues en la présence du nouveau secrétaire général en intérim de l’Association, Yony Bresler, en poste depuis huit jours. Dirigé en une vitesse record, le conseil général a duré une quarantaine de minutes. Après les rapports des différents responsables, le conseil a approuvé les prochaines questions référendaires portant sur l’augmentation des frais d’adhésion à l’AÉCSUM, celle des frais dédiés aux projets spéciaux, ainsi que celle des frais relatifs à la location du bâtiment Thompson (la dernière représentant une augmentation de plus de 200%). Le conseil comportait aussi une motion concernant les détails du groupe de travail conjoint pour la mobilisation conte l’austérité qui, après quelques minutes de discussion, a été remise à plus tard. En effet, les conseillers ont
jugé que le temps de débat restant n’était pas suffisant pour arriver à une conclusion dûment informée. L’AÉCSUM, la FCÉÉ et la dette La préoccupation majeure à l’AÉCSUM présentement concerne les bien lourdes conséquences de sa récente désaffiliation de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ). En janvier dernier, en effet, l’association a massivement (à 97%) exprimé son désir de se défaire
de la fédération syndicale étudiante. Après reconnaissance du vote par la FCÉÉ, l’AÉCSUM a été officiellement autorisée à prévoir son départ de la Fédération, qui prendra effet au terme de cette année scolaire. La décision de janvier représente un réel avancement dans le litige entre les deux associations qui dure depuis 2010, année où l’AÉCSUM avait exprimé pour la première fois l’intention de quitter la Fédération. Pour tenir le référendum de janvier, cependant, l’Association a été
contrainte de payer la modique somme de 300 000 dollars, soit l’équivalent de ses frais d’adhésion cumulés depuis le début des négociations, amende imprévue qui a fait un gros trou dans ses finances. Lors de l’assemblée générale de mercredi, les membres du comité des ressources financières (CRF) ont expliqué que «le litige avec la FCÉÉ a toujours représenté un risque pour les finances de l’AÉCSUM, le problème est que cette année, c’est devenu une dette». Juste avant, le commissaire aux affaires financières avait expliqué «nous avons été capables d’absorber 200 000 [dollars] de la dette». Sachant que l’AÉCSUM est actuellement en train de discuter d’une modification du bail avec McGill pour la location du bâtiment Thompson, la conclusion du rapport des finances a été qu’afin de pouvoir fonctionner à l’avenir, il va falloir trouver plus d’argent, la solution sera probablement une augmentation des frais d’adhésion à l’AÉCSUM pour les étudiants. Bilans des commissaires L’assemblée générale a surtout fait fonction d’assemblée
consultative mercredi, le quorum n’ayant été atteint que pour les premières minutes. Lors des rapports des membres de l’exécutif, Julien Ouellet, le chargé des affaires externes, s’est félicité d’une «une très bonne année», qui a été l’occasion d’«approfondir l’assise de l’AÉCSUM au niveau national». La commissaire à l’écologie Amanda Winegardner a mentionné la question du soutien de l’AÉCSUM envers le mouvement Divest McGill qui pousse pour le désinvestissement de l’Université dans les énergies fossiles. Mme Winegarder a expliqué que bien que la campagne de désinvestissement s’inscrit au niveau universitaire et ne concernerait qu’une fraction limitée de la dotation de McGill dans le secteur, elle croit sincèrement «qu’il y a des solutions alternatives pour gérer le besoin d’énergie». La session a en outre été l’occasion de discuter de l’éventuel soutien de l’AÉCSUM envers la proposition sur les heures réservées aux femmes au gymnase mcgillois. Le débat a été interrompu pour des contraintes de temps mais l’AÉCSUM compte en faire l’objet d’une question référendaire. x
De Paris à Montréal, la Syrie rassemble Une marche de solidarité pour le 4ème anniversaire de la révolution syrienne. noor daldoul
Le Délit
À
l’occasion du quatrième anniversaire de la révolution syrienne le 15 mars 2015, une marche a été organisée à Montréal par la communauté Syrienne Libre de Montréal, un groupe d’activistes syro-canadiens auto-désigné, en solidarité avec le peuple syrien. La marche à Montréal a fait écho aux rassemblements en France, tenus le 14 mars, dont celui de Paris, qui avait réuni plus de 700 personnes. L’Association étudiante syrienne (SSA) et Amnistie Internationale de l’Université McGill ont également organisé le 16 mars une vigile en soutien avec la Syrie. Faisal Alazem, porte-parole du Conseil canado-syrien, cofondateur de l’école Al-Salam et organisateur de la marche, se dit très heureux de la tournure qu’a pris l’événement, car le mauvais temps n’a pas eu raison des dizaines de personnes qui sont venues se mobiliser pour la cause. La manifestation a commencé
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à midi sur la place NormanBéthune à côté de Concordia, où a eu lieu une collecte de fonds dont les bénéfices seront reversés à l’école Al-Salam, qui accueille 2000 enfants syriens déplacés – projet monté à l’origine à Montréal. Puis, la foule a longé la rue Sainte Catherine, brandissant le drapeau de l’indépendance syrien, scandant des slogans de solidarité et armés de fleurs blanches, symboles de paix. La procession s’est arrêtée deux heures plus tard sur le Square Phillips, où la foule a continué de chanter au bonheur de sa Syrie, entonnant entre deux chansons les slogans contre Bashar el-Assad qui étaient déjà scandés au temps de la révolution. Une date clé Selon M. Alazem, le 15 mars est devenu «un jour symbolique pour les syriens», date que tous retiendront parce qu’elle a marqué le moment où «la barrière de peur a été brisée», et que les syriens continueront srement à célébrer après la chute du régi-
me. Quatre ans après, et malgré le désastre humanitaire en Syrie, le 15 mars demeure le symbole du courage de ceux qui ont osé s’élever et qui continuent de combattre pour libérer tout un peuple du joug de l’oppression. «Ils nous ont tous libéré»; «l’effet de ce 15 mars 2011 est historique et inoubliable» continue M Alazem. Ghalia Elkerdi, présidente de la SSA McGill, explique que la journée de commémoration du 15 mars et la vigile organisé le 16 mars ont pour but d’honorer tous les hommes et femmes syriens et leur «périple riche d’espoir.» «Nous pleurons la perte colossale de vies humaines» annoncet-elle avant de conclure «n’abandonnez pas les humains de Syrie». Pour Kinan Swaid, président de SSA Concordia, la marche de dimanche a été l’occasion de renforcer le moral des syriens et de leur montrer ainsi qu’à la communauté internationale que le soutien ne faiblit pas et que le combat ne s’arrête pas. «On veut toujours la liberté, la démocratie et la justice aux morts depuis quatre ans.»
Démocrates, solidaires et pacifistes Tous les manifestants se sentent concernés par les atrocités que les civils syriens continuent d’endurer, et ont dénoncé les coupables selon eux: el-Assad et l’État Islamique. M Swaid insiste sur le fait que, pour les syriens, le régime de Bachar elAssad est à condamner au même titre que l’EI. Les organisateurs de la marche avaient d’ailleurs lancé le hashtag #No2AssadNo2ISIS. M Alazem explique la nécessité de faire une telle distinction face à la simplification que beaucoup véhiculent, qui consiste à penser que se positionner contre le régime d’elAssad implique un soutien à l’EI. L’objectif de la marche était alors en partie de prendre la voix au nom de tous les syriens dont les revendications ne sont pas médiatisées. «On veut réaffirmer que nous sommes des démocrates syriens qui croient aux droits de l’homme, qui veulent une Syrie plurielle et démocratique, pas seulement ceux à Montréal ou ailleurs mais aussi ceux qui sont encore en Syrie». Le mot de la fin était consacré à la paix et applaudissait le peuple syrien de continuer à
être, quatre ans après la révolution, un peuple pacifiste, «comme le Canada». Un combat continu Cette année, les organisateurs se sont félicités de la présence de non-syriens dans la foule de manifestants. M Alazem déplore que le nuage politique qui couvre aujourd’hui la Syrie «cache le vrai désastre humanitaire» et freine ainsi la volonté de certains de s’impliquer, mais a confiance en l’effet positif des campagnes de sensibilisation envers la Syrie, ce qui explique que des personnes de diverses nationalités se soient mobilisées au même titre que les syriens lors de la marche. De manière similaire, Ghalia Elkerdi dénonce la couverture médiatique qui a tendance à éloigner le débat de la souffrance et des revendications du peuple syrien, et invite la communauté mcgilloise à s’intéresser aux multiples aspects du conflit en dehors de la guerre civile, que ce soit la crise de réfugiés, les secours d’urgence à court terme ou le développement du pays sur le long terme. x
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
montréal
Les affaires publiques au micro La 10e édition de Rencontres Maîtres chez vous bat son plein. Kary-Anne Poirier
Le Délit
D
es dizaines de jeunes et professionnels provenant de tous les milieux politiques ont participé aux «Rencontres Maîtres chez vous» à HEC Montréal le samedi 14 mars dernier. L’organisme Force Jeunesse organisait cette 10e édition du plus important colloque d’affaires publiques pour les jeunes au Québec. Depuis 1998, Force Jeunesse vise à défendre et à améliorer les conditions de travail ainsi que les perspectives d’emploi de la relève. L’organisation défend notamment l’équité intergénérationnelle et se préoccupe de l’avenir collectif de la société québécoise. Si la journée était non-partisane, certains invités étaient des élus du PQ ou du NPD. Aucun représentant du Parti libéral du Québec, de la Coalition Avenir Québec ou de Québec solidaire n’était présent lors de l’évènement. La parole aux partis Le chef du Nouveau Parti Démocratique Canadien (NPD) Thomas Mulcair a ouvert le bal avec une conférence sur les perspectives d’avenir du gouvernement fédéral. Son discours avait des airs de précampagne électorale
fédérale, et M. Mulcair en a profité pour dénoncer l’important écart qui persiste entre riches et pauvres, en plus d’accorder une importance particulière à l’environnement et aux intellectuels. Ce clin d’œil aux récents propos du maire de Saguenay, Jean Tremblay, selon lequel ces groupes empêchent de grands plans de développement, lui a permis de proposer plutôt une antithèse. Préoccupé par les jeunes qui s’impliquent de moins en moins en politique M. Mulcair estime que «lorsque les jeunes ne votent pas, la démocratie perd et la droite gagne». Les participants ont questionné le chef du NPD sur les prochaines élections et sur s’il y avait la possibilité de former un gouvernement de coalition avec les libéraux de Justin Trudeau advenant l’élection d’un gouvernement conservateur minoritaire, proposition face à laquelle M. Mulcair semblait peu intéréssé. Or, en fin d’après-midi, lors de la conférence sur la revue de l’année et sur les perspectives pour 2015 animée par Philippe Marcoux, les panélistes ne semblaient pas écarter la possibilité d’une éventuelle coalition. Martine Ouellet, candidate à la direction du Parti Québécois (PQ), Hoang Mai, porte-parole de l’Opposition officielle pour le dossier du transport pétrolier à Ottawa
et Normand Mousseau, spécialiste des gestions énergétiques, ont présenté les enjeux portant sur le transport du pétrole. Mme Ouellet et M. Mousseau se sont accordés sur le fait que «le Québec doit revoir son modèle économique en diminuant notamment sa consommation de pétrole». Selon M. Mousseau, «l’acceptabilité sociale passe par des organismes envers lesquels la population a confiance», et pour l’instant, «la population doit douter d’un projet [TransCanada] qui présente autant de risques, surtout avec l’incapacité d’encadrement du gouvernement actuel et du manque d’expertise au Québec». Pierre-Karl Péladeau a livré un long discours en après-midi. La twittosphère était très active voire saturée durant sa conférence et un petit oiseau a insinué que son long discours lui permettrait d’éviter les questions de l’assemblée. PKP a affirmé que «le Québec a tous les moyens pour devenir un pays» et a fait de brèves allusions à sa volonté de doter le Québec d’énergies vertes. En rappelant le modèle historique québécois, PKP a misé sur sa vision entrepreneuriale pour se démarquer dans la course à la chefferie du PQ. Certains moments de malaise ont toutefois flotté dans la salle à la suite
de ses réponses ou lorsqu’il a évité certaines questions des participants. Le président de Force Jeunesse, Damien Auger, s’est dit ravi du déroulement des
colloques. Tout au long de la journée, il y a eu une importante effervescence sur les médias sociaux: le mot-clic #mcv2015 a maintenu son rang dans le top 5 canadien. x
En entrevue avec Le Délit, Hassan Aizami, le gérant de SNAX, revient sur les détails des négociations avec l’Université. En octobre dernier, le collectif a reçu un courriel de l’administration leur ordonnant de cesser la vente de sandwichs immédiatement. La convention collective entre l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) et l’administration, dont ils négocient présentement le renouvellement, interdit à SNAX de vendre des aliments transformés. Cependant, ce n’est qu’au
semestre dernier que l’administration a commencé à appliquer l’interdiction. «Nous savions que nous étions en violation de la convention, mais pourquoi maintenant?» Les étudiants ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’un souci de responsabilité et le SNAX a fait certifier tous ses employés. L’Université a également signifié qu’elle ne se souciait pas de problèmes de compétition. L’administration parle maintenant d’une «pente glissante», parce que négocier avec SNAX ouvrirait la porte à de nouvelles requêtes de
la part des services gérés par les étudiants. L’argument paraît faible pour ceux qui soutiennent SNAX et mettent en avant le fait que SNAX fournit également aux étudiants des emplois aux horaires flexibles. De plus, le casse-croute n’étant pas motivé par le profit, tout surplus est réinvesti dans la communauté étudiante. En privilégiant une extorsion de revenus immédiate, McGill semble perdre de vue l’investissement à long terme que sont les services gérés par les étudiants.x
parcours privilégié, certes au même titre que ses mentors masculins, lui a permis d’ouvrir plusieurs portes. «Je n’ai pas appris, j’ai réappris» («I didn’t learn in, I learned back»), a-t-elle confié, dans un clin d’œil au livre de Sheryl Sandberg. «Ils pensent que j’ai réussi», a lancé Odile Liboirin-Ladouceur, professeure à la Faculté de génie à McGill. Reste que des mentors masculins ont aussi fait partie du paysage. Cependant, a-t-elle mentionné, rien n’est véritablement
gagné: la Faculté de génie compte 45 hommes pour 4 femmes, toutes aux prises avec les grandes classes de premier cycle. Le parcours et le discours de Star Gale, travailleuse sociale, contrastaient avec ceux des autres femmes du panel. Elle a été réalisatrice pour la télévision pendant dix ans, puis dix ans sans-abri. Son discours était plein de fraicheur sans être simplet ou complaisant. Mme Gale a souligné qu’il n’existe pas de récit unique pour
les femmes, et cela, peu importe le domaine. Professeure en sciences politiques à McGill, Julie Norman a clôturé la discussion, signalant les problématiques liées aux propos tenus sur l’Islam au Québec. Bien que la conférence ait permis de couvrir plusieurs thématiques de la lutte des femmes pour l’égalité, on pourrait espérer, l’an prochain, la participation de présentatrices provenant d’horizons culturels encore plus diversifiés.x
Mahaut engérant
brèves
#saveoursandwiches chloé francisco
Le Délit
U
ne trentaine d’étudiants se sont réunis mercredi au SNAX de Leacock pour manifester leur soutien au café étudiant et réclamer qu’il puisse vendre à nouveau des sandwichs. Parmi eux, Michelle et Amina déplorent le bannissement de leur sandwich préféré, le délicieux BLT végétalien qui faisait leur bonheur pour seulement 3 dollars. «C’était un des seuls endroits où trouver
des déjeuners végétaliens et peu couteux», regrettent les deux étudiantes. D’autant plus que son emplacement est particulièrement pratique pour les étudiants pressés. Bien que les participants aient été relativement peu nombreux, l’occupation des lieux s’est prolongée plusieurs heures et a attiré l’attention de CBC. D’autres étudiants ont également pu manifester virtuellement leur solidarité grâce au mot-clic #saveoursandwiches sur Twitter.
Prises de parole au féminin Jessika-kina Ouimet
Le Délit
E
n marge de la Journée internationale des droits des femmes, le dimanche 8 mars, des membres de la communauté mcgilloise ont saisi l’occasion de se prononcer sur le sujet. Le groupe d’étudiants de McGill pour l’organisation ONU Femmes a organisé une conférence, le mercredi 11 mars en fin d’après-midi au bâtiment Shatner, pour explorer les défis aux-
quels les femmes sont confrontées. Quatre femmes ont pris la parole, traitant de la reconnaissance de leur succès dans leur domaine respectif: des vérités toutes crues, mais aussi des obstacles rencontrés dans leurs parcours académiques et professionnels respectifs. Margaret Graham, professeure en stratégie et organisation à la Faculté Desautels, a ouvert la discussion. Son impressionnant curriculum révèle une femme qui a fait sa place dans le milieu des affaires. Son
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
actualités
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chronique
Les échos du premier débat Jérémie Casavant-Dubois | Au fil de la campagne. Débat sans débats
L
e mercredi 11 mars dernier a eu lieu le premier débat de la course à la chefferie du Parti Québécois, qui a pris place à Trois-Rivières. Les cinq candidats se sont affrontés dans une joute verbale sur thème du développement économique devant plus de 600 militants. Ce premier débat aura eu ses hauts et ses bas.
Sans surprise, Pierre-Karl Péladeau a été la cible de plusieurs attaques bien préparées de la part de tous ses adversaires. Ce dernier a réussi à détourner les attaques en donnant des réponses vagues; lorsque questionné par son opposant Pierre Céré sur l’utilisation de paradis fiscaux par Québecor, l’actionnaire de contrôle de l’entreprise s’est contenté d’esquiver en remettant en cause la pertinence de la question. Après le débat, PKP a déclaré que Québecor avait une filiale au Delaware afin de faciliter les échanges commerciaux avec les États-Unis. Le format du débat ne favorisait pas les échanges entre candidats puisqu’il empêchait de forcer un candidat à répondre à une question. Cela a, entre autres, permis à PKP d’esquiver les questions embêtantes. Au lieu d’avoir un sujet plus large pour discuter, les candidats répondaient aux
questions des militants par l’entremise de Gilles Gougeon. Il n’y avait pas assez de place pour des affrontements entre candidats; on avait parfois l’impression que ceux-ci répondaient chacun leur tour à une question, sans que ce soit réellement un débat. Séduire par un Québec souverain? Le débat a pris place au Cégep de Trois-Rivières devant une salle conquise d’avance. Pour le public, ce fut sans aucun doute un délice de voir cinq candidats parler aussi vigoureusement d’indépendance et attaquer le Canada aussi férocement. Tous les prétendants à la succession de Pauline Marois ont réaffirmé leur désir d’indépendance, un peu comme pour rassurer les militants. Toutefois, cela pourrait être dangereux car certains échanges étaient très loin des préoccupations actuelles des Québécoises et Québécois. Par exemple, la
première question portait sur le développement économique d’un Québec souverain. Cela intéresse plusieurs militants péquistes et pourrait séduire quelques autres brebis égarées de Québec Solidaire, mais la question référendaire n’est pas sur la table pour l’instant. Le prochain chef aura avant toute chose le rôle de chef de l’opposition officielle pour les trois prochaines années. De plus, en ce moment, tous les yeux de la société sont rivés sur l’économie du Québec et les mesures de rigueur imposées par le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Ottawa a le dos large Un point sur lequel tous les candidats se sont entendus fut sur qui rejeter la faute. À entendre les candidats, tout est la faute du Canada. La balance économique déficitaire du Québec est la faute du pétrole de l’Alberta qui a surévalué le dollar canadien
au fil des ans. Pas assez d’argent dans les coffres de l’État? C’est parce que Québec a envoyé 46 milliards de dollars à Ottawa en 2013. Sauf que le Québec a reçu pour 62 milliards de dollars de services et biens pour la même année (Rapport de l’Institut de la statistique du Québec 2014). Le Québec recevra 9,5 milliards de dollars d’Ottawa en paiement de péréquation pour 2015-2016, ce qui sera une somme record. Mais ce n’est pas si grave car «la péréquation, je l’emmerde», comme a si gracieusement déclaré Pierre Céré. Pierre Céré, Bernard Drainville, Alexandre Cloutier, Pierre-Karl Péladeau et Martine Ouellet se sont donné rendezvous à Sherbrooke le 29 mars prochain pour le deuxième débat de la course à la chefferie. D’ici là, les candidats chercheront à reprendre leur élan dans cette course qui est très calme depuis le départ de Jean-François Lisée. x
chronique visuelle
L’illus’ tout cru
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luce engérant
Le Délit
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
société
OPINIONS
societe@delitfrancais.com
Tout baigne chez Facebook Lever le voile sur celui dont il faut prononcer le nom. Le Délit
E
n dépit des inquiétudes que le titre de cet article pourrait occasionner, soyez sans craintes. L’idée n’est pas ici de diaboliser le réseau social qui a su charmer le monde entier et encore moins de condamner le temps que nous pouvons y passer au lieu de nous consacrer à des choses jugées plus essentielles telles que la paix dans le monde ou la lecture de l’œuvre intégrale de Proust. Non, il s’agit tout d’abord, sans le moindre jugement ou sermon hâtif, de réfléchir et de s’avouer ce qu’il est désormais impossible de nier: nous ne pouvons mener une vie sociale normale sans Facebook. Dorénavant, il est impossible de jouer la carte de l’anticonformisme en y renonçant sans que cela n’affecte au moins légèrement notre rapport aux gens, sans que cela ne nous exclue au moins un tout petit peu de l’équilibre des forces obscures
et fragiles qui orchestrent notre rapport au monde. Nous sommes maintenant liés aux autres, à des divertissements, à des projets d’avenir et même à des fantasmes à travers les branches de Facebook, qu’on décide de l’accepter ou de fermer les yeux sur la question. La question, justement, quelle est-elle? Quel est le débat, ou plutôt y a-t-il un débat? Les regards ébahis qu’entraine le coming-out gênant des rares individus qui décident de manquer à l’appel du réseau virtuel suffisent à compromettre l’existence même de la question «Facebook ou pas Facebook?». Ainsi, si potentiel débat il y a, c’est au sein même du réseau qu’il faut aller le chercher, car si le côté pratique ou les vertus sociabilisantes de ce dernier ne sont pas à contester, il me semble qu’il existe tout de même un danger important qui est trop souvent mis de côté. Au bout du compte, à force de placer vie sociale et amusement au-dessus de toute autre
préoccupation, le monde selon Facebook a la fâcheuse tendance à faire émerger des tourments qui
me dérange avec Facebook, c’est à quel point le raté, la honte, le noncool y sont niés et disparaissent
n’ont absolument pas lieu d’être. Contrairement à ce que son credo nous ordonnerait, il y a aussi un intérêt au temps passé seul et oui, manquer une soirée est une chose normale qui arrive même aux plus hypes d’entre nous. Voilà, ce qui
sous les photos, les statuts, les «j’aime» sur un écran qui donne l’impression que tout est beau, facile et que la vie est un délire perpétuel. Tout y est sublimé, filouté par cette sorte de sacralisation virtuelle qui nous amène à
Chloe Anastassiadis
Céline Fabre
questionner notre capacité à plaire et vivre selon des aspirations qui nous sont propres. Non, mon objectif n’est pas de diaboliser la façon dont le géant bleu a conquis nos cœurs mais plutôt de le remettre gentiment à sa place. Le taquiner: voilà une méthode élégante et subtile de détourner la fierté avec laquelle il contemple notre vie sociale ou le domaine dont il est maintenant souverain, le bain public dont il est l’ultime maître-nageur. Il est bien trop tard pour le discréditer, mais il n’est pas trop tard pour le ramener à son statut de simple outil qui devrait seulement nous simplifier la vie au lieu de nous faire croire au caractère supérieur de choses qui ne durent pas. Il me semble qu’il faut garder à l’esprit qu’il est avant tout une surface, un terrain fertile aux illusions et aux faux-semblants. Il suffit de prendre un petit peu de distance pour se rendre compte qu’il n’est en fait pas grand-chose sinon le selfie de la vérité qu’il prétend refléter mais dont il peine à peindre l’extrême délicatesse. x
Cultiver son jardin maison Un potager, c’est pas sorcier mais c’est magique! Laurence Nault
De multiples options
C
La première possibilité qui vient en tête lorsque l’on parle potager, c’est d’utiliser un espace au fond la cour arrière. Toutefois, triste réalité, la plupart d’entre nous n’avons pas accès à ladite cour. Heureusement, il existe plusieurs manières de pallier ce manque. La ville de Montréal, par le billet de ses arrondissements, donne accès à des parcelles dans des jardins communautaires. Il suffit d’être résident de la ville pour s’en prévaloir et les parcelles de terrain à cultiver coûtent environ une dizaine de dollars, le prix dépend de l’arrondissement dans lequel se trouve le jardin. Aussi, Agriculture Montréal tient sur son site Internet, un répertoire des jardins accessibles dans chaque quartier, incluant des jardins privés que les propriétaires proposent de partager. Voilà enfin une raison pour parler au voisin du coin! Et si vous n’avez pas envie de vous éloigner de
Le Délit
ette année, la température moyenne du mois de janvier a été plus élevée que les années passées partout sur le globe, sauf au Québec. Février s’est avéré le mois le plus froid des 115 dernières années et en mars, après quelques jours de soleil, la neige est de retour... Il est facile de perdre espoir et de douter qu’un jour le printemps reviendra. N’ayez crainte, la chaleur viendra et avec lui les terrasses, le soleil et... les potagers! Oui, même dans un milieu urbain comme Montréal, avoir son propre potager relève du possible. Cultiver un potager, c’est l’occasion rêvée de mettre la main facilement sur des fruits et des légumes frais à faible prix. C’est aussi une excellente façon de poser un geste pour l’environnement; difficile de manger plus local qu’un poivron qui a poussé dans votre propre cour.
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
votre foyer, il reste la solution de cultiver un «jardin en pot» qui requiert peu d’espace et surtout ne demande pas d’avoir accès à une parcelle de terre. Prenez exemple sur le jardin mobile qui verdoie chaque été tout près du bâtiment Burnside et transformez votre balcon! Il vous suffit d’acheter quelques pots, de la terre, du compost et des graines ou des pousses pour faire de vous un agriculteur urbain.
de débuter avec des pousses qu’à partir des graines. Certains producteurs au marché Jean-Talon et au marché Atwater offrent un rabais sur le prix des jeunes plants pour les étudiants. Il s’agit d’un petit investissement de départ, mais lorsque que vous croquerez dans votre première tomate, croyez-moi, vous n’aurez aucun regret! x
Pour plonger ses racines Aménager son propre potager est relativement simple, mais quelques conseils élémentaires ne feront de tort à personne. Le jardin botanique de Montréal propose, sur son site Internet, des fiches explicatives sur la culture de plus d’une centaine de plantes. Il est aussi possible d’y trouver des conseils et astuces sur toutes sortes de sujets verts: comment débuter un potager, vermicomposter et jardiner sans pesticides. Aussi, il est plus facile
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société
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Société societe@delitfrancais.com
entrevue
Mitrailleur photographe
«Quand ça sera plus sérieux, je m’achèterai un petit casque et un gilet.» Jules Gauthier, 23 ans, aspirant photo-journaliste, raconte son expérience au Liban et en Syrie. Alors que le spin médiatique bat son plein, que la Syrie entrait dans sa cinquième année de guerre le quinze mars. Jules confie au Délit ses impressions et met des mots sur les images qu’il a rapportées.
mitrailleuses qui tirent partout, c’est… c’est assez étrange. Tout le monde connait un peu la situation là-bas, Tripoli c’est très facile d’accès, à seulement à 80 kilomètres de Beyrouth. Tu peux y aller comme ça [il claque des doigts]. C’est difficile, par contre, de trouver des contacts. Un jour, en me promenant dans le souk, j’ai rencontré un vieux monsieur auquel j’ai expliqué que je voulais prendre des photos des combattants, de ce qu’il se passait à Tripoli. Et puis il m’a répondu: «oui, moi même je suis un ancien combattant, viens je vais t’amener.» Il m’a fait rentrer dans des quartiers où normalement on ne peut pas trop aller comme ça avec un appareil photo.
Propos recueillis par GWENN DUVAL
L
e Délit (LD): Bonjour Jules, je suis tombée sur cette photo (trois enfants et un fusil) que tu as prise et je me suis demandée si tu pouvais m’expliquer un peu le contexte dans lequel tu l’as prise? Jules Gauthier (JG): C’était en décembre 2013, dans la ville de Tripoli, la deuxième plus grosse ville du Liban. C’est une ville où il y a souvent eu des affrontements armés entre les sunnites et les alaouites donc c’est un peu le conflit syrien qui se déplace au Liban. Les alaouites qui supportent le régime de Bachar el-Assad affrontent les sunnites qui supportent la rébellion en Syrie. Quand il y a des combats en Syrie, ça déclenche souvent des combats à Tripoli. Ces enfantslà, toute la série sur Tripoli en fait, c’est avec ceux qui supportent la rébellion, les sunnites. C’était dans le quartier de Bab al-Tabbaneh, là où les affrontements ont souvent lieu dans cette grande ville du Nord du Liban. Cette photo-ci a été prise après une nuit où il y avait eu des combats entre les deux groupes, en milieu d’après midi dans un des
jules gauthier
souks de la vieille ville de Tripoli. Les combattants se reposaient sur des sofas et leurs enfants, ou les enfants du quartier, étaient en train de nettoyer et recharger les armes,.J’ai trouvé ça assez surréaliste: quand on habite en Occident, on n’est pas habitué de voir des enfants de onze ou douze ans nettoyer des mitrailleuses et charger des fusils tandis que sporadiquement, au loin, des tirs de sniper se font entendre. Le gros des combats se passe souvent durant la nuit, mais tout le monde reste chez soi, parce [que] les snipers sont quand même en action le jour. Si tu traverses une rue sans faire attention, tu peux te prendre une balle dans la tête.
LD: Mais comment t’es-tu retrouvé là-bas? JG: Je suis parti en échange pendant un an. J’étudie les sciences politiques à l’Université de Montréal et j’ai choisi d’aller à Beyrouth, à l’Université SaintJoseph, fondée par des jésuites francophones. Il y avait environ moitié moins d’étudiants étrangers cette année-là, à cause des conflits. La majorité des étudiants en échange viennent de France, j’étais le seul Québécois, même le seul Canadien.
Tous les jours je regardais les infos et si je voyais qu’il y avait un affrontement [il claque des doigts], ou «ça pète», «il y a de la tension», je prenais mon appareil photo, je sautais dans le bus et je fonçais… Si je n’avais pas de cours. Bon, parfois j’ai manqué des cours, comme tout le monde… Tu débarques du bus et t’entends des
LD: Et tu restais dormir à Tripoli? JG: Je partais le matin de Beyrouth, ça prenait deux heures pour aller jusqu’à Tripoli. J’arrivais vers midi, je faisais mes photos et je repartais vers huit heures le soir dans un petit bus. Des fois, quand je prenais des photos plus tard le soir ou la nuit, je dormais dans une auberge à Tripoli, ça coutait quinze piaces la nuit. Je me débrouillais, c’est assez accommodant quand même.
LD: Tu vivais à Beyrouth mais tu prenais des photos à Tripoli ? JG: Je vivais dans un appartement pas trop loin de la gare routière.
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10 société
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
jules Gauthier
LD: Il y avait beaucoup de monde qui allait prendre des photos? JG: Non, non. Enfin il y a beaucoup de photographes qui y ont été mais, personnellement, je n’en ai pas croisé pendant que j’y étais. Tripoli, ce n’est pas un sujet très original, mais c’est une façon de faire ses armes un peu. C’était un conflit quand même contenu dans une ville, même s’il y a parfois des affrontements dans d’autres villes du Liban, ça reste assez localisé. Après j’ai été en Syrie. LD: Ce weekend, la Syrie entrait dans sa cinquième année de conflit, comment c’était quand tu y es allé, en janvier 2014? JG: J’y suis allé dans un contexte assez particulier. La plupart des journalistes qui ont couvert le conflit l’ont fait du côté de la rébellion. Ils sont entrés illégalement sur le territoire via le Liban ou la Turquie et ont rejoint les groupes rebelles qui affrontaient le régime syrien. Aujourd’hui, c’est devenu beaucoup plus compliqué de couvrir cette guerre syrienne, les risques d’enlèvement sont beaucoup plus grands à cause de la présence de l’État islamique et les groupes djihadistes se sont multipliés. Moi j’ai pris des photos de l’autre côté. Je ne prends pas du tout parti dans cette guerre-là, j’ai mes propres idées là-dessus. Je l’ai fait d’un point de vue journalistique, photographique. Quand tu fais de la photo journalistique, peu importe le côté où tu vas, tu le fais pour documenter. J’ai été du côté de Bachar el-Assad, j’avais des contacts via une organisation humanitaire. On a obtenu des visas, on a été logés, nourris et on se déplaçait avec l’armée pour éviter tout enlèvement. Nous étions avec SOS chrétiens d’Orient qui allait porter des cargaisons de vêtements, de jouets et de vivres aux différentes communautés religieuses à Damas. Pendant qu’on se déplaçait, je prenais des photos. Je n’étais pas là en tant que journaliste: le régime surveille qui prend des photos sur le territoire, ça reste un régime autoritaire. Je n’avais pas le droit de photographier des soldats et des installations militaires. J’essayais d’être discret même quand je prenais des photos de gens dans la rue. La photo des enfants qui dansent en rond a été prise dans un orphelinat près de Damas.
LD : Et l’interaction avec les civils, c’était comment? JG : Dans un régime autoritaire, les gens se sentent surveillés. Si quelqu’un parle en mal du régime, les policiers peuvent arriver chez lui et l’arrêter. Si par exemple, je me balade dans la rue et que je demande à un commerçant dans sa boutique: «Et puis, toi tu penses quoi du régime ?», il y a peu de chance pour qu’il me réponde. Il y avait une tension, l’ armée nous surveillait, on se déplaçait mais on ne pouvait pas vraiment entrer en contact avec les civils syriens. LD: Ta perception des choses a-t-elle changée? JG: À propos des camps de réfugiés syriens au Liban, avant d’y aller, je voyais les nombres dans le journal. Des chiffres, ok, on en voit chaque jour… C’est horrible mais sans plus. Quand tu arrives dans le camp et que tu vois des gens qui s’entassent dans des tentes, au milieu d’un paysage presque désertique à la frontière entre la Syrie et le Liban; qu’il fait 40 degrés dans leur tente le jour et 2 degrés la nuit; qu’ils ont pas une cent; que les enfants vont pas à l’école; que les parents ont pas de travail… et que t’es là, toi, petit occidental avec ton Canon 5D, ça fait un peu cliché mais ça te donne un coup. Pour vrai, ça fesse pas mal. Quand je reprenais la voiture après, pour retourner chez moi à Beyrouth, ça faisait un peu comme après un film qui t’a bouleversé, tu ne dis pas un traitre mot. LD: Et quand tu reviens ici, que tu te retrouves au milieu des autres étudiants montréalais, tu te sens comment? JG: C’est un retour à une vie où on a aussi nos propres problèmes, c’est sûr, c’est pas les mêmes… Je n’ai pas oublié ce que j’ai vécu, j’ai envie d’y retourner pour documenter les choses. Oui, ça a changé une certaine partie de moi, une certaine perception mais ça va pas non plus m’empêcher de vivre ma vie, moi aussi j’ai le droit de m’amuser, de lire… mais toujours en sachant que… oui ça a changé quelque chose, je regarde plus les infos pareil. Ici, les gens s’en fichent de la Syrie… LD : Ce weekend, tout le monde en parle.
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
JG: Oui, et dans deux semaines on n’en parle plus. On parle de l’État islamique mais pas du régime de Bachar el-Assad. On parle des décapitations, pendant ce temps là, ailleurs dans le pays, il y a des combats qui continuent et des civils qui payent le prix fort: des barils de bombes, des attentats, des enlèvements… LD : Si on te proposait d’y aller sans appareil photo, tu partirais quand même? JG: J’en serais incapable aujourd’hui, je dois avoir mon appareil photo. Ne serait-ce que pour un voyage, même si c’est pour aller voir la famille dans une autre ville, tu te promènes dans la rue et tu vois un truc, [il claque des doigts] hop, tu l’as! Maintenant que j’ai mon appareil photo et que je m’investis dans cette pratique, que j’espère un jour être photographe, je ne peux pas me permettre d’en manquer une, c’est trop frustrant. Je me rappelle encore d’une scène que je n’ai pas réussi à photographier parce que mon appareil était au fond de mon sac! Non vraiment, je ne pourrais pas. Pour moi, le voyage et l’étranger sont vraiment associés à la photographie. LD: Tu as dis que tu voulais y retourner, ce serait quand?
jules gauthier
JG: Je vais essayer d’y retourner en août, mais mes parents ne sont pas très chauds pour que je retourne en Syrie. J’aimerais aller faire une sorte d’état des lieux après cinq ans de conflit pour documenter sur les relations entre les différentes communautés, la reconstruction du pays, la formation des milices locales et d’autres sujets comme ça. LD: C’est vraiment ta passion alors? JG: J’ai toujours été intéressé par les conflits armés: le pourquoi, le comment, les destructions. Je ne pense pas pouvoir répondre un jour, mais je me demande pourquoi les humains continuent à s’entretuer. Ça m’attire. C’est proche parce que sur internet on a accès à plein de choses, mais en même temps ça parait tellement loin de notre monde et c’est juste à sept heures
d’avion tout ça. Même si je suis profondément athée, je voudrais pouvoir comprendre les rouages des religions et les tensions entre les différentes communautés. Pour moi, c’est à la fois fascinant et absurde quand je pense à quel point ça peut faire des ravages. LD: Y-a-t-il une leçon que tu as tirée de ce que tu as vécu là-bas? JG: Il faut vraiment être sur le terrain pour mesurer la chose. Il ne faut pas se fier toujours aux informations, aux journaux qui se nourrissent de sensationnalisme. Ça peut paraitre ironique parce que moi, ce que je ramène, c’est de l’information, mais il faut y aller pour voir. C’est du fragile équilibre entre sensationnalisme et documentation dont il est question quand on parle de ce qui se passe à l’étranger, surtout en temps de guerre. x
jules gauthier
société
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Culture
musique
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milk & bone
Voix lactées Le duo montréalais Milk & Bone lance son premier album. Luce engérant & NOOR DALDOUL
Le Délit
L
a scène électro-pop montréalaise peut se targuer d’accueillir en son sein le duo prometteur Milk & Bone, qui lance son premier album «Little Mourning» sous le label Bonsound ce mardi 17 mars lors d’un concert — très attendu — au Centre Phi. Le duo féminin, composé de Laurence Lafond-Beaulne et Camille Poliquin, nous propose un album délicieux dont vous pouvez déjà écouter les chansons «Coconut Water», «New York» et «Pressure» en ligne. Artistes complètes, les deux jeunes femmes ont écrit les textes de leur album, en plus de s’illustrer au piano et d’offrir une prestation vocale hypnotique. Combinant des musiques aériennes à des textes terre-à-terre, l’album est un mélange de douceur et de force tranquille, à l’image du nom du groupe. Mais ce ne sont pas les premiers pas de Camille et Laurence dans le monde de la musique. Musiciennes et choristes de studio, elles ont fait les chœurs sur les albums de David Giguère. Le groupe Misteur Valaire les avait également réunies pour chanter avec lui sur le titre «Known By Sight» sur son dernier album en date («Bellevue», 2013). Mais les deux jeunes femmes, dont la complicité amicale et musicale grandit au fil des collaborations, décident de se lancer au-devant de la scène en formant Milk & Bone. Le public montréalais avait entre autres pu découvrir ce duo lors de l’édition 2014 du festival Les femmes s’en mêlent. Fort de ce passé musical, ce n’est pas étonnant que Milk & Bone nous propose un album mûr, abordant des thèmes crus (comme l’adultère et le désir), réalité brute qu’on retrouve dans le titre de l’album lui-même «Little Mourning».
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Culture
La force du duo est de proposer un projet fini qui étonne par sa fluidité, mais qui, si on s’y penche de plus près, détonne par le foisonnement de ses sonorités. Enveloppée dans une musique tamisée, chaque chanson éclot et laisse éclater une saveur rythmique distincte – qui à chaque fois nous fait voyager: petit tambour méditerranéen dans «Easy to Read», balade polonaise dans «X», techno parfaite pour l’élite anglaise dans «Elephant». L’Amérique du Nord ressort aussi dans cet album: les thèmes
positives applaudissent déjà l’univers et la voix de ses deux jeunes interprètes. Pourtant, certains pourraient reprocher aux rythmes et aux voix des chanteuses de ne pas être assez punchy, et d’emmener l’auditoire dans le monde dilué du rêve, d’où rien ne ressort vraiment. Même les voix des chanteuses sont indissociables l’une de l’autre. Sensuelles, elles s’entrecoupent et se mêlent pour créer des harmonies, qui sont non sans rappeler l’univers de Lorde, mais passé sous une
Au final, l’album est un millefeuille de planches sonores, avec quelques moments transcendants pâte feuilletée comme le feature rap de Terrell Morris dans «Tomodachi». Harmonies trop liquides ou tout simplement moelleuses, elles sont à dévorer par tous, et raviront à la fois les adeptes de la pop, l’indie pop, l’électro, et même les amoureux de la ballade romantique avec «X», une chanson où les voix cristallines du duo ne sont accompagnées que de la pureté d’un piano.
L’album est un mélange de douceur et de force tranquille, à l’image du nom du groupe. de l’amitié et de l’amour sont dépeints sur des fonds de scènes proches de New York dans la chanson du même nom, alors que d’autres morceaux rappellent Montréal en été («Coconut Water») ou une cabine perdue dans les bois d’une campagne alentour («Elephant»). D’ailleurs, le duo Milk & Bone a déjà commencé à faire parler de lui en Amérique du Nord mais aussi en France, où les critiques
brume épaisse. Pour d’autres, l’album se dessinera davantage comme un disque électrisant. Aux morceaux languissants et mélancoliques servis par des harmonies oniriques (on pense à «Pressure») s’entremêlent des morceaux plus ronds aux accents pop comme «Watch» — tous parcourus d’un son électro laid-back et entêtant (le final de «New York» nous en donne le meilleur exemple).
Alors comment et quand écouter cette album chill et chimérique ? Le Délit, qui a eu un accès exclusif à l’album, a testé son utilisation: On vous recommande «Little Mourning» le matin, pour se réveiller tout en douceur un dimanche ou une journée d’hiver; pour préserver les brumes du sommeil un peu plus longtemps et prendre le temps de s’habiller, au fil des morceaux. Matilda Nottage
Il est aussi conseillé le soir, sur le chemin nocturne du retour de soirée. La maison vous attend, peut être passez-vous devant la figure stoïque et majestueuse d’un Mont-Royal perdu sous le brouillard, sous un ciel sans étoiles ou à travers une ville illuminée. Votre casque vissé aux oreilles, les sons et les paroles deviennent vos compagnons de fortune et s’égrènent en accord avec la métrique de vos pas. Par contre, l’album est déconseillé pendant la soirée elle-même. Son caractère — fondu et fondant — pourrait laisser penser qu’il serait approprié comme musique de fond pour un rassemblement entre amis proches. Que Nenni. Un peu trop mélancolique pour être partagé en société, «Little Mourning» est plutôt un album à découvrir seul. En somme, l’album est parfait pour accompagner la langueur d’une chaude journée d’été, quand le soleil vous abandonne somnolant et anesthésié; il ne vous privera pas de l’effet hallucinatoire de la chaleur écrasante, tout en vous désaltérant. Une écoute attentionnée est la clé pour parvenir à discerner le relief et la texture des morceaux – sans oublier le talent vocal de leurs interprètes. Chaque vague de son érode peu à peu les défenses de l’auditeur et les thèmes récurrents de l’amitié et de l’amour, en passant par la sensualité, le désir et la jalousie, vous plongeront surement dans une réflexion sur vos propres relations. Avec cet album, Milk & Bone décide de laisser le public le découvrir à travers un univers intimiste et personnel, chic et sans une once de prétention. La sortie de l’album, prévue le 17 mars au Canada et le 31 mars aux ÉtatsUnis, ainsi que leur concert de lancement (le mardi 17 mars au Centre Phi à 18h00) offrira au public l’opportunité d’écouter le duo montréalais et de se forger sa propre opinion. x
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
théâtre
De l’envergure et du grotesque Brigitte Haentjens sublime Shakespeare dans sa mise en scène de Richard III. JOSEPH BOJU
Le Délit
U
n grand soleil surplombe la scène du Théâtre du Nouveau Monde. Les comédiens de Brigitte Haentjens sont sur le plancher, ils s’échauffent la voix et le corps, entre les lignes saillantes d’un parquet inégal. Sébastien Ricard, en passe de devenir Richard III, est en avant des autres, un capuchon lui couvrant le chef. Il a l’air d’avancer vers le public, de lutter sur place, de faire le guet, d’être en attente. Après un noir, le spectacle commence. L’Angleterre de Richard III, drame de jeunesse de l’œuvre d’un certain William Shakespeare, est un pays du Moyen-Âge finissant où les despotes sont des monstres difformes et où les intrigues de cour prennent des aspects de luttes mythologiques. Le Duc de Gloucester, nommé Richard (Sébastien Ricard), supporte très mal le soleil de paix qui brille sur la dynastie de la Maison d’York depuis leur sanglante victoire contre les Lancastre. La première scène donne le ton: «J’ai décidé de jouer le rôle du grand méchant / Et de haïr les plaisirs frivoles de notre temps.» Pour accéder au trône de son frère
aîné, le roi Edouard IV (Gaétan Nadeau), Richard multiplie les complots. Mariage d’intérêt avec la femme de son ancien ennemi (Sophie Desmarais);
mais qui se montre au contraire, à l’image de cette jambe boiteuse que l’aspirant tyran traine en soupirant devant ses ennemis. Les intentions sont claires,
plus belle et ce, jusqu’à la mort du protagoniste. Aucun répit dans ce vacarme? Si, les scènes grotesques, judicieusement traduites en yves renaud
assassinat de l’autre frère, le duc de Clarence (Maxim Gaudette); emprisonnement des enfants du roi puis leur assassinat – rien n’est épargné. Les pleurs et les malédictions des reines déchues n’y feront rien. Notre héros est cruel. D’une cruauté qui ne se cache pas
l’engrenage implacable. Aidé par le duc de Buckingham, (Marc Béland), Richard devient roi. Une fois en place, l’adjuvant devient gênant, on lui coupe la tête. Un bourreau entre sur la scène, abat sa hache dans un bruit retentissant, puis passe son chemin. Et l’intrigue infernale reprend de
joual par Jean-Marc Dalpé. Dans Hamlet, ce sont des fossoyeurs; ici, ce sont des assassins. L’un n’est pas sûr d’assumer son forfait et la langue de Shakespeare devient «Iiii shit! Y m’reste encore queques miettes de conscience de pris icitte», pour le plus grand plaisir de la foule.
L’acteur est censé représenter les monstres. Brigitte Haentjens l’a compris. La force de sa mise en scène repose dans la métamorphose de ses acteurs; pris dans des luttes de pouvoir, ils se transforment en loups. Ils font meute; meute officielle et claironnante du roi, ou meute éprise de justice, pleine de fougue, d’un Richmond (Francis Ducharme) et de ses hommes venus de France combattre le despote. Sébastien Ricard, d’une monstruosité désarmante, s’impose en premier fauve, lui le prétendant de l’ombre puis le chef tyrannique d’un royaume en révolte. Son personnage bossu, ricanant, claudiquant, est l’archétype de la bête noire, celle qui allie l’intelligence à la cruauté. Sa diction si particulière — proche de ce qu’on nommera la matérialité des mots, à défaut de comprendre ce dont il s’agit —, nous le rend étranger, effrayant, presque irréel. Si quelques palabres nous échappent ça et là, le rendu est sublime. Sur le plancher instable de la scène du TNM, il n’est pas d’horizontalité possible. Ou l’on monte, ou l’on descend. Du soleil à la lune, de l’ascension à la déchéance, Richard III explore avec folie ce que l’époque exige, «de l’envergure». x
CHRONIQUE
L’inconnaissance de l’innommable Baptiste Rinner | Subversion en pyjama
M
aintenant que je me suis débarrassé de mon «Je» encombrant, JE JE JE ( je n’y échappe pas!), je peux me concentrer sur des sujets autrement plus intéressants. Il vient un temps où l’écriture doit produire plus que sa propre masturbation, qu’elle dépasse la fonc-
tion métalinguistique qui lui est assignée (Jakobson, 1963). Qu’est-ce que je voulais faire en commençant ce projet? Je parlais dans ma dernière chronique de créer une fissure dans Le Délit; c’est bien joli, mais une fois la fissure créée, il faut la combler, proposer quelque chose, avoir un projet. C’était bien le comble de ma chronique, le risque que je prenais (et quel risque! que d’écrire quelques mots insignifiants dans un coin de journal) en me vautrant dans l’utilitarisme du journalisme. Trouver un sujet. Impératif. Intéressant. Susceptible d’intéresser mon lectorat. Élaborer ma propre théorie de la réception. Prévoir. Trouver un sujet. Être efficace. Ne pas se répéter. Ne pas répéter ce que quelqu’un a déjà dit. Impossible. Alors quoi? Trouver
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
un sujet. Une forme. Un style. Qui n’est pas le mien. Emprunter. À qui? Emprunter, est-ce plagier? L’Université McGill accorde beaucoup d’importance à l’intégrité universitaire, laquelle repose sur le respect mutuel, l’honnêteté, la confiance, l’équité et la responsabilité. Un milieu universitaire sain ne peut prospérer que si les participants aux examens font preuve d’honnêteté intellectuelle et personnelle. Il est donc essentiel que les examens reflètent l’effort personnel de chacun. Trouver un sujet, donc. Être original donc. Les scories qui viennent ponctuer mon discours. Donc, donc. Être absolument moderne. Oui oui bien sûr! On te croit. Je suis sur la sellette. Il faut que je parle de quelque chose. En lien avec le sujet de ma chronique accessoirement. Sinon je saute. Il
faut être efficace. Impératif. Ne pas se répéter. Trouver un sujet. Être efficace. Original. Réciter le cantique. Être inutile. Se répéter. Trouver quelque chose. S’en sortir. Je voulais donner un grand cours d’écriture à l’usage de personne. Plus humblement, je me propose de résoudre le conflit des Anciens et des Modernes avec les deux cents mots qui me restent. Ou plutôt celui des Modernes. Du moderne. pas de majuscule. (Ne plus être dans le commentaire de ma propre écriture. Investir mon sujet. Y réfléchir. Déplacer les points de vue. Satisfaire mon lecteur, entre parenthèses. Ne pas désespérer. Ne pas faire comme Hubert Aquin. C’est dangereux. Fermer la parenthèse.) Le problème du moderne. La modernité est un discours. Il faut se débarrasser du discours de la
modernité. Pour en finir avec la modernité. Ce n’est pas la modernité qui pose problème, c’est notre rapport au contemporain. La difficulté de lire le contemporain dans l’optique de la modernité. Y chercher quelque chose de neuf. Ne pas voir, comme certains, la fin de l’art dans notre contemporain. Exercice difficile sûrement. Ne pas céder. Je suis étonné par les ressources insoupçonnées du beau. Que lire après Proust? Après Céline? Après Joyce? Après Homère? Après ceux-là, on tombe sur Koltès, sur Aquin. Et après? Un Garneau, Jaccottet, Cailleux. D’autres suivront. Il faut perdre la mémoire de l’avenir. Oui, je serai toujours étonné par les ressources insoupçonnées du beau. Du beau, de mon beau. x
Culture
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cinéma
Les vagues du cœur et des légendes Tomm Moore présente son nouveau film d’animation, Le Chant de la mer. GKIDS
noémy grenier
Le Délit
L
e Chant de la mer est un film d’animation réalisé en 2014, projeté au Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre dernier et qui sort en DVD le 17 mars. Une intéressante équipe de production s’y est impliquée: Cartoon Saloon (Irlande), Mélusine Productions (Luxembourg), Norlum (Danemark), Superprod (France) et The Big Farm (Belgique). Le deuxième film d’animation du réalisateur Tomm Moore (Brendan et le secret de Kells, 2009) a reçu un accueil favorable, souligné par deux nominations aux César et aux Oscars pour le meilleur film d’animation 2015. Habitants d’un phare isolé du reste du monde, sur une côte irlandaise, Ben et Saoirse vivent seuls avec leur père. Morte en donnant naissance à Saoirse, Bronagh laisse toute une famille en deuil derrière elle, seule avec les légendes que la mère a racontées à Ben. Or, il s’avère que Saoirse, personnage inspiré du folklore écossais et irlandais, est une selkie, une fée de la mer
mi-femme, mi-phoque. Si Ben a promis d’être le meilleur grand frère, il éprouve de la difficulté à aimer celle qui a remplacé leur mère. Un soir, la petite fille muette trouve le coquillage que Bronagh avait offert à Ben, lui enseignant la chanson de la mer. De petites lueurs magiques surgissent lorsqu’elle souffle dans l’objet, guidant la petite fille au coffre de sa mère. Saoirse y trouve un manteau. Curieuse, elle l’enfile et se faufile dans la nuit, offrant son petit corps
aux eaux bleues. Suivant les phoques sous l’eau, elle se transforme alors en l’une des leurs. La grand-mère, de passage au phare à ce moment, trouve alors Saoirse sur la plage et la ramène au nid familial. Suite à une dispute, elle convainc le père de se séparer de ses enfants, afin de posséder une «véritable» vie, au cœur de la ville. Colérique, Ben décide de se sauver de chez sa grand-mère, suivi malgré lui par sa petite sœur. Celle-ci sera en danger, capturée par Macha, une
sorcière qui vole les émotions et condamne les êtres dépouillés à se transformer en pierre, comme l’a été son fils. S’enchaînent alors une suite d’aventures, entrecroisant des forêts prisonnières de la ville, des Sidhes, de méchants hiboux, un grand Chanaki un peu fou et des victimes pétrifiées. Un conte poétique, aux dessins incroyables. Les lignes sont en rondeurs, en mouvement constant, comme si, même hors de la mer, les personnages en sont prisonniers d’elles, pris entre le
rêve et l’eau, le flou. Des travellings avant et arrière créent, à leurs tours, des effets de vagues, de tournis. Un étourdissement face aux émotions, crainte face à la profondeur des vagues, une chute menaçante, comme la falaise sur laquelle est perché le phare. Or, ces mouvements incessants, de la mer à la ville, de la ville à la forêt, de la forêt aux souterrains, des souterrains au vent, du vent à la mer, amènent Ben à confronter ses peurs. Thèmes importants de ce conte, le deuil et le pardon surgissent lorsque les personnages acceptent de vivre la peine qui les étouffe, de s’y glisser comme le fait sans crainte Saoirse au cœur de la mer. C’est d’ailleurs ce que finiront par faire Ben et son père, lorsqu’ils devront sauver la vie de la petite selkie. Composé de cycles intelligents et bien construits, ce film est une petite réussite. Les graphiques, les plans et les thèmes se soutiennent les uns les autres, imbriqués dans une valse tranquille et sûre. La bande-son, composée en grande partie par le groupe Kila, ajoute au superbe de ce film. Quatre-vingt-dix minutes bien investies dans une fin de session surchargée. x
chronique
Mets ta méthode! Gwenn Duval | Petit cours d’écriture à l’usage de tous
J
’ai entendu, certainement tout comme vous, nombre de discours sur la méthode. J’y ai cru, plus ou moins fermement, plus ou moins longtemps, plutôt moins que trop,
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Culture
mais point trop n’en faut, ne perdons pas les mots qui auraient pu avoir en vue quelques propos plus pertinents que leur propre méthode, qu’un discours sur celle-ci et surtout qu’une impertinente prétention de n’en pas avoir. Je ne vais pas changer de sujet, je vais juste changer d’allure. C’est un test, une expérience, soyez les bienvenus dans mon laboratoire, encore une fois, je vous attendais justement. Voilà, sur ma table de dissection, cette semaine, il y aura: la méthode, la méthode et la méthode. La méthode, cher lecteur, c’est tout ce que j’adore abhorrer… mais si je ne la connaissais pas, je n’aurais pas cette opportunité. Comme de fait, comment juger de l’inconnu? Ne me faites
pas dire ce que je n’ai pas dit, je n’ai jamais prétendu tisser une synonymie entre connaître et maîtriser, même s’ils portent tous les deux jolis chapeaux. En face de la méthode, j’arme l’intuition – c’est du moins ce à quoi j’aime croire lorsque j’avance. Je cherche la stratégie, c’est ce que je tente d’élaborer en suivant mon intuition. Je jette la méthode et l’intuition dans mon éprouvette, je secoue, ce coup le vaut-il? Je croise les doigts et j’espère qu’une stratégie naîtra de leur union haineuse. Et me voici, le nez dans mes spéculations, mes préoccupations qui me regardent en biais. Moi, quand bien même le risque de me perdre me guette, je continue à chercher le moyen d’allier les antipodes. Et ce nez
dans la science hume l’air opaque des présupposés, j’erre mais je ne flaire, à quoi ça sert? Pas à rien, non pas à rien... Je vais vous dire pourquoi tout cela ne sert pas à rien, pour ce faire je vais puiser mes ressources dans les expériences antérieures. Non, non ce n’est pas ma méthode, I just feel it, bien sûr. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme; si tout cela servait à rien, rien se perdrait, rien se créerait et rien finirait par se transformer. Or, cela est impossible, même logiquement inadmissible, rien se mettrait à courir, partirait à point nommé et ne risquerait alors plus rien, sinon quelques minutes à la vie. La méthode, le logicien de Ionesco en a fait son affaire, il
suffit d’avoir quatre pattes pour être chat ou chien quand la caravane passe. On n’attache pas son chien avec des saucisses, même s’il est chaud, car on finit par ne plus se comprendre et par se faire servir à côté de la plaque. Alors, les mots qui cherchent à générer une action, à créer une situation où le corps doit s’engager, où le serveur doit servir, répondre au mot juste, tombent à plat. Ma méthode, ici, ce n’est pas de n’en pas avoir, c’est plutôt de l’assujettir à un espace-temps quasi-imaginaire, de la limiter à l’aventure paradoxalement spontanée et surtout, surtout, d’en réduire autant que possible l’applicabilité. Qui prouve trop, ne prouve rien, et voilà pourquoi je me surprends à tant éprouver. x
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
chronique
Art et idéal Joseph Boju | Enième chronique du temps qu’il fait
F
igurez-vous que l’autre jour (celui où il faisait beau), lors d’une balade iconoclaste dans le Plateau, je parlais carrière avec un ami. Au moment de traverser le boulevard Saint-Laurent, il me posa la question suivante, qui me parut digne du langage d’un concours d’école de journalisme: «Imagines-tu un monde sans journaliste?». Aussitôt piqué d’une
verve scolaire, je lui répondis sans ambages (ou si peu). Un monde sans journalistes n’est pas envisageable, à court terme du moins. Le mot même de «journaliste» est trop auréolé dans l’esprit public pour disparaître dans un avenir proche. La menace, si menace il y a, c’est que ce mot soit détourné de son sens originel et que, sous l’expression «monde du journalisme» on entende désormais autre chose: un monde de communicants, de relationnistes et d’actionnaires. Ces métiers existent déjà dans notre écosystème médiatique et leur présence ne va faire que s’accentuer. Toutefois, cela n’empêchera pas dans le même temps au véritable journalisme – manière de présenter l’information et de lui donner du sens – de continuer à s’inventer. Pourquoi ce double mouvement? Pour répondre à un double besoin, celui de s’informer et celui de comprendre. Le besoin d’information (les journalistes n’en ont plus le monopole) est d’ores et déjà com-
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com
blé et ce, gratuitement. En revanche, le besoin de comprendre, qui relève de la curiosité intellectuelle, sera toujours comblé par les journalistes. Eux seuls ont les outils matériels et intellectuels pour être capables d’expliquer – c’est-à-dire déplier – un sujet pour le rendre accessible. Le journalisme connaît un processus de déterritorialisation (à ce moment précis mon interlocuteur me rappela que je n’avais pas vraiment lu Deleuze ni Guattari), de délocalisation si vous préférez. Il migre non seulement vers de nouvelles pratiques avec le numérique, mais aussi vers de nouveaux secteurs pour se créer une image de marque et interagir avec son lectorat (que ce soit de l’édition de livres au Monde ou l’organisation d’un festival au NYTimes). Le rapport vertical au lectorat est défait, concurrencé par l’horizontalité apparente que permet le numérique. Tout le monde écrit, photographie et filme, à tel point que Facebook a créé sa
propre plateforme d’agrégation de contenus à l’usage des journalistes, leur permettant d’accéder aux vidéos publiques des organisations et particuliers inscrits. La question de la valeur de l’information se pose. Le défi principal du journaliste sera de faire reconnaître et certifier sa voix dans le désordre des discours. Cela relève de l’équilibre funambulesque. L’obsession de l’immédiateté facilite l’erreur, l’annonce par l’AFP de la récente fausse mort de Martin Bouygues en France n’en est qu’un exemple de plus. Qui donc est fiable? Celui dont le but n’est pas d’écrire pour ses collègues ou les acteurs politiques, mais pour le public. Celui dont le travail n’est pas de servir un pouvoir mais de rester un contre-pouvoir. Celui enfin dont la tâche n’est pas de rendre indispensable le dispensable, mais de hiérarchiser l’information et de lui donner du sens: le journaliste. Une fois mon discours terminé, mon ami se mit à sourire, et
renchérit: «Existe-t-il vraiment ce journaliste-là?» Je fus un peu plus bref. Il me semble qu’il relève avant tout d’un type idéal, type dont je n’ai de cesse de parfaire la définition au fur et à mesure que j’avance (ou m’enfonce) dans la pratique. Cet idéal du journalisme est celui qui provoque chez son lectorat la réalisation d’un apprentissage et la sensation d’une expérience de lecture, le dire soulignant le dit. Il se met au point de vue du lecteur, rapporte les pratiques et dévoile les enjeux de chacun des sujets qu’il se donne. Portant la responsabilité de la parole qu’il porte, ce journalisme s’écrit, car les hommes sont encore menés par les mots. Il est mode de connaissance du monde et acteur de changement social, tout simplement. Cette fois-ci, mon ami se mit à rire gentiment, sans trop de méchanceté, et nous entrâmes tous deux dans la librairie Gallimard, soucieux d’oublier tout ce qui venait de m’échapper. x
Culture
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concert
fondation pour l’alphabetisation / E. nouel
Des classiques pour la justice sociale L’OSA joue Mozart et Bethoven pour promouvoir l’alphabétisation des Québécois. amandine hamon
Le Délit
L
e concert l’ABC de la Musique, c’est la musique classique qui s’engage pour lutter contre les inégalités sociales et l’éducation. Mercredi 11 mars, la Grande Bibliothèque (BAnQ) a prêté son grand Auditorium à la Fondation québécoise pour l’alphabétisation (FQA) et à l’Orchestre Symphonique de l’Agora (OSA), qui se sont associés pour défendre la cause de l’alphabétisation au Québec. En jouant une symphonie concertante de Mozart et la symphonie Eroica de Beethoven, l’OSA a choisi des valeurs sûres pour amasser des fonds. Devant une salle remplie de moitié, les jeunes musiciens de l’OSA s’installent tranquillement sur la scène, puis un hôte introduit Salomé Corbo, la présidente d’honneur du concert et porte-parole du programme pour l’alphabétisation, qui explique l’envergure de sa cause au Québec: plus d’un million de Québécois peineraient à lire. La Fondation québécoise pour l’alphabétisation, fondée en 1990, cherche à promouvoir l’alphabétisation chez les adultes en distribuant des livres et en favorisant leur retour en formation. D’une façon poétique et quelque peu surfaite, la porte-parole dénonce les inégalités dont elle est témoin dans son travail avant de faire l’éloge de la lecture. «Ils ne peuvent pas lire leurs feuilles d’impôts, leurs contrats d’assurance, ou même une simple lettre d’amour», déplore Mme Corbo. Après sa longue introduction, Mme Corbo rend la scène à l’orchestre et surtout à Nicolas Ellis, jeune chef d’orchestre et pianiste, diplômé de McGill.
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culture
Âgé d’une vingtaine d’années seulement, il est aussi le directeur artistique et le fondateur de l’OSA, qui est le premier orchestre du Canada à jumeler la musique classique et l’économie sociale. En effet, créé en 2011, l’OSA est un organisme à but non lucratif dont les concerts visent à amasser des fonds pour différentes causes humanitaires, environnementales ou sociales.
Cette symphonie laisse entendre certains traits stylistiques de la symphonie concertante viennoise, conservant la structure tripartite classique. Elle joue sur l’équilibre entre l’intimité et la grandeur que l’OSA a su trouver. Les solistes se font une bise après avoir fini leur délicat duo. Entracte.
Les deux solistes se prêtent à un jeu coquin aux résonnances aigües et au tempo enjoué
Après une pause, la troisième symphonie de Ludwig van Beethoven est introduite avec un peu d’histoire. Nicolas Ellis explique que la symphonie Eroica a été écrite entre 1803 et 1804, dans un contexte militaire tendu, entre batailles franco-prusses, une admiration de Beethoven pour Napoléon et une Europe anxieuse. Salomé Corbo se donne un grand plaisir à lire, d’abord, des extraits d’une lettre de Beethoven, furieux à la nouvelle de l’auto-couronnement du Premier Consul. Elle raconte que Beethoven, désillusionné par Napoléon, a déchiré la première page de sa symphonie en criant qu’il ne serait qu’un «tyran comme les autres!» La page dut être recopiée et dédiée à quelqu’un d’autre. Ensuite, Mme Corbo enchaine avec une lettre de Ferdinand Ries, élève de Beethoven, qui dénonce les tensions politiques et les temps difficiles dans lesquels la symphonie Eroica est jouée chez les aristocrates. Colossale et tonnante, la symphonie marque un tournant et entame l’ère romantique. Elle évoque la lutte et la solution héroïque d’un conflit harmonique. À l’image de Napoléon, à qui Beethoven avait initialement dédicacé la symphonie, le chef d’orchestre dirige son orchestre
Intimité coquine avec Mozart Le chef d’orchestre s’installe au clavecin et entame le premier mouvement de la symphonie concertante en mi bémol majeur K. 364 de Mozart. Écrit entre 1777 et 1779, ce chef-d’œuvre de Mozart entre symphonie et concerto met en vedette deux solistes, rappelant le concerto grosso baroque. Sur trois mouvements, Allegro Maestoso, Andante puis Presto, pièce est jouée par vingt musiciens, joints par deux solistes et le chef d’orchestre au clavecin. Les deux solistes, Patrice Calixte au violon et Mathilde Bernard à l’alto (elle moins à l’aise que lui), se prêtent habilement à un jeu coquin aux résonances aiguës et au tempo enjoué en mariant le timbre du violon à celui de l’alto, notamment dans le lyrisme du second mouvement.
Frissons chez Beethoven
comme on dirigerait une armée dans la bataille. Deux accords brefs et théâtraux en mi bémol majeur introduisent l’œuvre, avant la première exposition du thème principal «héroïque» aux violoncelles puis aux violons. Le deuxième mouvement est une marche funèbre qui rappelle les temps durs mentionnés dans la lettre lue par Salomé Corbo. Avec précision, malice et force, le chef d’orchestre assigne, entres autres, aux violons, aux altos, aux flûtes et aux clarinettes d’attaquer de front alors que les contrebasses et les cors suivent le rang, avec puissance. Au fond, les timbales tonnent sous la poigne d’un batteur hip, apprêté d’un costume noir et blanc et d’un chignon. Vibrante et grandiose, la symphonie Eroica achève les musiciens en trois
mouvements, dont le dernier est d’une telle force qu’il supplante l’importance du premier. Leur performance donne des frissons. Après un peu moins de deux heures de représentation, sous les applaudissements et quelques «Bravo!», le chef d’orchestre salue le public, sort puis revient, remercie l’orchestre et s’en va. Tous les dons seront versés au profit de la Fondation québécoise pour l’alphabétisation. Et Salomé Corbo de préciser qu’elle rêve que la FQA n’existe plus et que l’on n’ait plus besoin de son aide et que tout le monde sache lire. La porte-parole idéaliste remercie tout de même le public de donateurs, puis tout le monde s’en va. L’OSA s’engagera pour de nouvelles causes, et il est fortement conseillé d’aller le voir. x
lauren boorman
le délit · mardi 17 mars 2015 · delitfrancais.com