Le Délit du 22 octobre 2015

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 22 septembre 2015 | Volume 105 Numéro 2

Trop de hawaïennes depuis 1977


Volume 105 Numéro 02

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

Surfer pour mieux feuilleter. julia denis

Le Délit

M

ercredi dernier, Guy Crevier, président et éditeur de La Presse annonçait que le journal quotidien «papier sera remplacé par La Presse+ du lundi au vendredi dès le 1er janvier». En d’autres termes, le journal étant connu pour avoir la plus grande salle de nouvelles du Québec, n’imprimera plus de publication tous les jours, mais uniquement à la fin de semaine. Une version quotidienne de La Presse sera disponible via l’application gratuite pour tablette La Presse+ et le site internet du journal. Il ne s’agira pas là d’une succession de «post», mais d’un véritable numéro quotidien: le contenu et la forme persiste; seule le médium change, semble nous dire Guy Crevier. Les contestataires n’ont pas tardé à se faire entendre. La mort du papier, la fin d’une profession, un triste exemple donné par un journal vieux de 131 ans, une nouvelle stratégie conjuguée uniquement au futur proche… Beaucoup d’inquiétudes – ironie du sort! – publiées sur la toile.

Il est normal de douter de cette stratégie soit disant durable alors que tout change si vite sur Internet. Il est légitime de regretter l’âge d’or de la presse papier et cette époque où le bruit des pages fraiches était un son familier de chaque matin. Mais quel espoir que celui donné par La Presse+! En cette période que beaucoup ont nomme «celle de la mort lancinante des journaux», La Presse offre une perspective qui nuance ces discours noirs rabâchés depuis des années à chaque conférence sur le journalisme. Un des principaux journaux québécois a donc su muter pour prendre place dans le XXIe siècle. «Trente mois après son lancement, La Presse+ est plus performante que La Presse papier après 131 ans d’existence. Parallèlement, La Presse+ obtient un vif succès auprès des annonceurs qui l’ont adoptée rapidement comme véhicule publicitaire», explique Guy Crevier. Longtemps décrit comme ennemi à la force de frappe destructrice, c’est le web qui sauverait finalement le papier par les revenus et l’audience qu’il génère.

Le Délit prend la vague À l’échelle du Délit cette mutation se fait aussi sentir. Le nombre de nos publications imprimées a été diminué de 6 000 à 5 000 exemplaires par semaine cette année et les revenus issus de la publicité papier ralentissent. Nous devons aussi nous lancer dans ce virage numérique. Ainsi, l’optimisation de notre présence sur internet sera l’objectif du Délit cette année. En février dernier, Le Délit a lancé son application disponible sur iTunes. Début septembre, l’équipe éditoriale du Délit élisait Matilda Nottage comme première coordonnatrice multimédias, chargée de créer des contenus plus adaptés au web. Il y a une dizaine de jours, l’équipe du Délit écoutait les conseils de Thomas de Lorimier, chef de la production web de La Presse –justement venu nous aider à améliorer notre stratégie sur les réseaux sociaux. Hier soir, le Service des Archives de l’Université de McGill tenait un évènement de lancement pour la digitalisation des archives du Délit et du Daily,

entre autres. Autrefois enfermés dans d’énormes grimoires entassés dans les sous-sols du bâtiment de l’AÉUM, nos plus vieux numéros seront disponibles sur internet. Et aujourd’hui autour de midi, après plus d’un mois de travail, Le Délit lance son nouveau site internet. Nous souhaitions un site modernisé, mettant en valeur nos visuels, et offrant une navigation épurée et facilitée. Ce mouvement est loin d’être réussi et achevé. Il se développera sur le reste de l’année. Le but n’est d’évidemment pas de délaisser notre format papier dont nous avions revisité l’esthétique l’année dernière, mais de nous adapter et d’être plus complets. Depuis 1977, Le Délit était la tranche d’informations à tremper dans votre café du mardi matin. Dès maintenant il vous suivra tout au long de la semaine dès qu’un moment d’inattention vous soufflera d’effleurer votre écran. Assez d’encre a coulé, nous vous laissons agiter vos pouces, pianoter votre clavier, cliquer, surfer, partager, et on l’espère «aimer». x

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Julia Denis Actualités actualites@delitfrancais.com Laurence Nault Julien Beaupré Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Céline Fabre Amandine Hamon Société societe@delitfrancais.com Esther Perrin Tabarly Économie economie@delitfrancais.com Sami Meffre Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Luce Engérant Eléonore Nouel Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Yves Boju Côme de Grandmaison Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Inès L. Dubois Multimédias multimedias@delitfrancais.com Matilda Nottage Événements evenements@delitfrancais.com Joseph Boju Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Laurence Bich-Carriere, Arthur Corbel, Miruna Craciunescu, Virginie Daigle, Noor Daldoul, Joachim Dos Santos, Mahaut Engérant, Noémy Grenier, Frédérique Lefort, AnneHélène Mai, Charlotte Mercille, Vincent Morréale, Chloé Mour, Arno Pedram, Vittorio Pessin, Paul Pieuchot, Amelia Rols, Zaliqa Rosli, Louis-Philippe Trozzo Couverture Eléonore Nouel Luce Engérant bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Niyousha Bastani

MAHAUT ENGÉRANT

2 éditorial

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités

VIVRE. APPRENDRE. VIVRE APPRENDRE JOUER. JOUER JOU TRAVAILLER. TRAVAILLER

actualites@delitfrancais.com

LA CONSTRUCTION EST DÉJÀ BIEN AVANCÉE

Montréal

De béton à futon

PARK(ing) Day transforme de simples cases de stationnement pour une ville durable.

Louis-Phillippe Trozzo

L

e 18 septembre dernier, les grandes artères de Montréal ont été témoins d’un spectacle enchanteur, voire irréel. À l’unisson avec les citoyens de 162 autres villes du monde, les Montréalais ont été invités à s’approprier les espaces de stationnement public de la métropole et à les réinventer en aires conviviales et récréatives dans le cadre du Park(ing) Day Étudiants, familles, artistes, urbanistes, militants écologistes... Tous ont été appelés à s’abandonner aux délires de leur imagination et à exprimer leur créativité. Les cases de stationnement ont ainsi laissé place à des espaces d’expression artistique, de détente, de rencontre, d’entraide même. Jardins urbains, espaces de méditation, aires musicales, terrains miniatures de volleyball de plage, ateliers de réparation de vélos; plein d’idées d’occupation toutes aussi insolites et originales les unes que les autres.

Cette année marquait la quatrième édition mondiale de cet événement incontournable, les participants s’étant donnés rendez-vous, comme à l’habitude, la troisième fin de semaine du mois de septembre. La ville de Montréal, quant à elle, en était à sa troisième participation. McGill n’y échappe pas Bien évidemment, les étudiants de l’Université McGill n’ont pas manqué à l’appel. Plusieurs élèves ont ajouté un brin de folie aux cases de stationnement situées à l’intersection des rues Milton et University, proposant aux passants de venir siroter un verre d’eau citronnée dans l’aire de relaxation qu’ils avaient soigneusement aménagée. Les passants étaient également invités à donner libre cours à leur expression artistique sur des billots de bois installés à cet effet.Cet aménagement était l’initiative du McGill Spaces Project (le Projet des Espaces de McGill), une organisation

Louis-Phillippe Trozzo

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Objectif et historique À l’heure de la métropolisation des grands centres urbains, l’idée du PARK(ing) Day est de susciter un débat quant à l’occupation des espaces publics par les automobiles et d’y suggérer des alternatives. C’est également l’occasion de participer à un mouvement collectif visant à améliorer la qualité de vie en ville, un pas de plus vers la réalisation d’une ville durable. Des participants plus engagés ont trouvé en PARK(ing) Day une tribune publique idéale pour exprimer leurs points de vue sur certains enjeux et problématiques qui les touchent plus particulièrement ou pour manifester leur engagement social ou environnemental. Plusieurs participants ont d’ailleurs insisté pour que les organisateurs de l’événement promeuvent davantage l’utilisation de matériaux recyclés dans l’élaboration des divers kiosques. À l’origine, PARK(ing) Day est une initiative de Rebar, un studio d’art et de design, qui avait usurpé en 2005 des cases de stationnement en plein cœur de San Francisco pour y dénoncer la sur-utilisation des automobiles et l’appauvrissement conséquent du paysage urbain. À tout prendre, vivre en ville c’est vivre sur un territoire où les espaces publics se font de plus en plus rares et restreints. Si l’on veut embellir le paysage urbain et, surtout, en assurer la durabilité, il est de la responsabilité des communautés urbaines de promouvoir des solutions écologiques et artistiques, telles que celles proposées par PARK(ing) Day, face à l’expansion fulgurante des grands centres urbains.x

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éléonore nouel

étudiante s’efforçant de rappeler aux étudiants l’importance des espaces publics en milieux urbains. Le Délit a d’ailleurs eu le plaisir de s’entretenir avec deux membres de l’organisation, Aldéric Leahy et Jules Boudreau. «L’intention première de McGill Spaces Project est de faire découvrir de nouveaux espaces aux étudiants de l’université et de les encourager à réinventer les espaces négligés en espaces plus propices aux échanges et aux rapprochements», nous racontait Aldéric. Il était donc impossible pour les membres de cette association de manquer l’appel du PARK(ing) Day!

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actualités

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Sport

Rock N’Run La 25e édition du Marathon de Montréal attire les foules. Joachim Dos Santos

D

imanche dernier, des milliers de coureurs se sont réunis pour la 25e édition du Marathon Rock’n Roll de Montréal, débutant vers 8h30 et se terminant aux alentours de 14h. La course a commencé sur l’île Sainte Hélène pour ensuite faire le tour de lieux clés de Montréal tel le Parc Villeray et le Stade Olympique, pour finalement s’achever au Parc Lafontaine. Cependant même si l’évènement était programmé comme étant un marathon, les coureurs avaient le choix entre plusieurs distances, dont le semimarathon, le 10km, le 5km, et 1km. Marathon plus familial que compétitif, le Marathon de Montréal est connu pour laisser leur chance aux sportifs locaux. Cette année encore le marathon a couronné un athlète québécois, Nicholas Berrouard, natif de Shawinigan. Cette édition a aussi prouvé l’enthousiasme de la ville par son grand nombre de participants, 34000 coureurs seulement 3000 d’entre eux s’attaquant a

ÉlÉonore nouel

l’épreuve reine, venant du monde entier! Parmi eux, Geneviève BruléOuellette, étudiante de McGill en développement international ayant terminé le semi-marathon. Elle décrit l’expérience comme un «mouvement qui te pousse à te dépasser, à tout donner: c’est positivement grisant!». En effet, il est possible d’assumer que tout participant a ressenti des émotions comparables à celles de

Geneviève. Après tout, terminer une course de cette ampleur, qui est un évènement mémorable, qu’importe la distance parcourue, amène une satisfaction authentique. Le marathon est connu pour être une épreuve exténuante, où les coureurs doivent surpasser les limites de leurs corps. Pour cela, les organisateurs de l’évènement ont mis en place un espace confort, donnant accès a une mul-

titude de petites activités, allant du massage après course, au service de traiteur, puis un service de bar afin de célébrer l’arrivée dans une ambiance d’ultime festivité. Non content de divertir, en apportant de la joie et du plaisir aux coureurs, le Marathon se veut aussi à but caritatif. Il collabore avec de nombreuses fondations, dont la Fondation Tel-Jeunes, la Société de Leucémie &

Lymphome du Canada, l’Association de Montréal pour la Déficience Intellectuelle (AMDI), ou encore la Fondation Institut de Cardiologie de Montréal. Des associations qui permettent de transposer la joie et l’enthousiasme des coureurs en une aide concrète à ceux dans le plus besoin Au final, le marathon, comme chaque année, fut un grand succès. Toutes les activités proposées en complément, des multiples distances aux ateliers de relaxation et stands d’associations, contribuèrent largement à cette fête populaire. Comme lors du Grand Prix Cycliste de Montréal, de nombreuses rues telles celles du Vieux Port, le parc Jean Drapeau et le parc Lafontaine, furent barrées tout au long de la journée. Les organisateurs de l’événement avaient aussi incité les automobilistes à modifier leur trajet, pour éviter les zones fermées à la circulation, ou ajuster leur emploi du temps, en partant au travail en avance. Vivement la prochaine édition et, avis aux amateurs, l’inscription est déjà ouverte en ligne pour une course dimanche 26 septembre 2016.x

Campus

McGill s’indigne tout doucement L’AÉUM organise une semaine contre l’austérité.

Vincent Morréale

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u lundi 14 au vendredi 18 septembre, l’Association Etudiante de l’Université McGill, l’AÉUM, tenait une semaine thématique pour sensibiliser le campus aux conséquences des mesures d’austérité au Québec et à McGill. Parmi les activités, on pouvait compter des panoramas historiques contemporains sur les leçons tirées du Printemps érable et des conférences sociologiques sur les communautés minoritaires touchées par les mesures. Les spectateurs ont eu la chance de s’informer auprès de conférenciers, mais surtout de discuter autour de diverses tables rondes. Les organisateurs de l’évènement rappellent que leur mission est d’encourager les actions, certes, mais surtout d’informer. Afin d’éviter un message confus ou une prise de position qui semblerait trop subjective, les organisateurs et conféren-

4 actualités

Luce Engèrant

ciers ont pris la peine de mentionner pendant les ateliers et les conférences qu’ils étaient que des messagers objectifs, mais que leur mandat premier était de protester contre l’austérité.

Cette semaine anti-austérité fait partie des efforts pour respecter le mandat de solidarité contre l’austérité de l’AÉUM. Ce mandat fut adopté lors de l’Assemblée Générale d’octobre 2014

suite à une proposition Amina Moustaqim-Barrette, vice-présidente externe à l’AÉUM l’an passé. Lors du dernier conseil législatif de l’AÉUM, Emily Boytinck, nouvelle vice-présidente externe, a affirmé lors de son rapport qu’il était des plus importants que les étudiants soient informés au sujet de l’austérité comme il s’agit d’un sujet brûlant dans l’actualité québécoise. Les organisateurs étaient clairs: un vote de grève n’est pas et ne sera jamais le but premier de l’AÉUM. Ils ont souligné toutefois qu’ils encourageraient les facultés et les organismes indépendants désirant se mobiliser contre l’austérité. Bien que près de 45 millions de dollars aient été coupés à l’Université McGill, l’AÉUM ne désire pas engager une discussion trop exhaustive sur le sujet. Selon l’association, les étudiants ne seront que très peu touchés. Le but est donc d’informer la population mcgilloise sur la façon dont l’université réagit à ces évènements.

Depuis les coupures, l’établissement se tourne davantage vers un financement à même le secteur privé afin de garder et d’optimiser d’année en année le statut de meilleure université au pays. La semaine antiaustérité n’était donc pas une marche progressive pour une large sensibilisation des étudiants à propos d’eux-mêmes, mais à propos de la société au sens large. La semaine fut aussi l’occasion de retrouver plusieurs communautés qui, habituellement fermées sur eux-mêmes, ont engagé des discussions avec d’autres facultés. Créer un forum de discussions entre les divers organismes mcgillois s’avère être une tâche ardue, mais après les divers regroupements de cette semaine où tous les étudiants furent regroupés en un bloc homogène donnent aux organisateurs l’espoir de voir un jour de tels regroupements se former sans leur intervention et ainsi faire profiter la communauté d’un espace de discussion.x

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Campus

Manger Mcgill

Le Projet pour les Systèmes Alimentaires de McGill débute ses activités. Laurence Nault

Le Délit

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ercredi 15 septembre, c’était soirée recrutement pour le McGill Food Systems Project (MFSP, le Projet pour les Systèmes Alimentaires de McGill) qui tenait son 1er événement de l’année. Une vingtaine de participants se sont regroupés à la maison ECOLE pour discuter d’alimentation et de développement durable. Le McGill Food Systems Project existe depuis sept ans déjà, mais a connu une baisse de participation ces dernières années. La soirée de mercredi fait partie d’un effort pour donner un nouvel élan au projet. Les étudiants présents ont pu en apprendre plus sur les initiatives du MFSP ainsi que sur les différents postes disponibles pour s’impliquer. Les raisons pour participer à l’évènement étaient diverses pour les gens présents. Plusieurs partici-

Luce Engérant

pants étaient motivés par leur intérêt pour la protection de l’environnement. Pour Natalie Quathamer, étudiante en deuxième année de nutrition, mieux comprendre les impacts environnementaux des aliments que nous consommons

est essentiel à son futur travail: «En nutrition, on conseille aux gens de manger certains aliments parce qu’ils sont bons pour eux, mais on ne se soucie pas assez des impacts que ces aliments ont sur l’environnement.» Une autre participante

a expliqué être en échange pour la session et souhaité en apprendre plus sur les associations promouvant le développement durable afin de pouvoir implanter le même genre de projet dans son université. Le MFSP est un projet basé sur la recherche étudiante pour optimiser les systèmes alimentaires à McGill, c’est-à-dire la manière dont les aliments sont produits, transportés, entreposés, consommés et renvoyés dans l’environnement, dans une optique de développement durable. Le MFSP a pour objectif de faciliter la recherche étudiante sur le sujet. Ainsi, certains projets sont indépendants, mais beaucoup sont effectués dans le cadre de cours officiels et permettent d’obtenir des crédits. Ces travaux de recherche sont ensuite utilisés, entre autres, pour faire des suggestions à l’administration de l’université afin de diminuer les impacts environnementaux des services alimentaires.

Les organisateurs de la soirée ont souligné plusieurs réussites du projet dans les années précédentes comme l’intégration de «lundi sans viande» dans les cafétérias des résidences. Une autre grande réussite du MFSP est l’introduction des aliments produits sur le campus Macdonald dans les services du campus du centre-ville. En effet, avant les efforts du MFSP, les produits du campus Macdonald étaient vendus un peu partout à Montréal, mais totalement absents des tables mcgilloises. Le MFSP est ouvert aux étudiants de toutes les facultés. Par exemple, des étudiants en marketing ont effectué une recherche sur les choix alimentaires des étudiants de McGill et les facteurs influençant ces décisions alors que des étudiants de l’École d’environnement ont fait une analyse des droits des travailleurs agricoles. Tous les étudiants souhaitant contribuer sont invités à s’impliquer. x

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actualités

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Campus

Apprendre à changer le monde, un GROOC à la fois McGill offre un cours en ligne gratuit à visée mondiale et sociale. Charlotte Mercille

L

a mission du troisième FLOT, pour Formation en Ligne Ouverte à Tous (ou MOOC, Massive Open Online Course en anglais), de l’université McGill est étonnamment vaste. Lancé mercredi dernier, le cours Social Learning for Social Impact (Apprentissage Social pour Impact Social) initie les étudiants de tous les horizons à l’apprentissage social en ligne. Le séminaire virtuel se veut un outil pour stimuler la créativité et la conception d’initiatives avec à terme l’objectif d’une influence positive sur la communauté. Récemment inscrit au GROOC (FLOT pour groupe ou Group MOOC) «Social Learning for Social Impact», Angel, originaire de l’Équateur se présente: «Je suis un agent public, et à travers mes projets je suis parvenu à faire de mes rêves une réalité, comme la construction d’un centre d’hydrothérapie pour la réhabilitation des personnes handicapées.» Plusieurs milliers de personnes comme Angel se sont inscrites à la première édition du projet ancré dans une pédagogie d’avenir. Dans cet espace virtuel hébergé par la firme edX, on oublie les frais de scolarité: l’inscription est ouverte à tous et complètement gratuite.

Amelia rols

Le projet s’inspire de programmes déjà implantés à la Faculté de management Desautels de McGill. «Le projet est né de l’idée de pouvoir partager un type de pédagogie que nous utilisons déjà dans deux programmes internationaux de management à McGill (la maîtrise internationale en management et celle de direction en santé)», explique l’une des fondatrices du projet, Leslie Breitner. La hiérarchie classique de la classe universitaire est en effet complètement bouleversée pour favoriser une discussion d’égal à égal. «Dans ce type de cours», renchérit-elle, «nous n’invitons pas des professeurs à don-

ner un cours magistral pendant deux heures. Nous encourageons plutôt les professionnels et les étudiants à se réunir et à apprendre autant de l’expérience de chacun.» Possédant un doctorat en administration des affaires et chargée de cours à la faculté de management de McGill, Leslie Breitner collabore depuis 2 ans et demi sur le projet pilote avec ses collègues de la faculté, Henry Mintzberg, Carlos Rueda et Anita Nowak. L’Université McGill en est à son troisième FLOT, mais c’est la première fois que l’institution accueille un GROOC, un modèle de FLOT novateur qui a été développé par Desautels. Selon le professeur

Breitner, «l’apprentissage social ne se fait pas individuellement. Dans notre classe, nous n’enseignons qu’à des groupes de quatre et dix personnes à la fois.» Les personnes qui s’inscrivent individuellement ne sont pas exclues, mais sont tenues de se joindre à un groupe déjà existant. Bien que l’expérience du GROOC offre plusieurs avantages, le projet fait tout de même l’objet de plusieurs critiques. Certains universitaires reprochent aux cours en ligne de fournir gratuitement le «produit» payant des universités, au risque de carrément les remplacer un jour. Leslie Breitner jette plutôt un regard optimiste sur

l’enjeu: «il y a diverses façons de livrer un curriculum, comme il y a autant de manières pour les individus de s’éduquer. Notre façon ne fait que s’ajouter à cette liste bien étoffée.» Elle mentionne d’ailleurs l’éloignement géographique et le manque de moyens pour se déplacer comme le principal facteur d’inaccessibilité à une bonne éducation universitaire. «C’est une façon différente d’apprendre qui ne cherche pas du tout à remplacer le cours traditionnel », conclut-elle. La barrière de la langue demeure le seul bémol à cette première mouture pour le professeur Breitner: «le fait que l’université offre le projet seulement en anglais peut poser problème dans un séminaire qui se veut ‘ouvert à tous’. Sans traduction simultanée, certains étudiants risquent de trouver cela difficile.» Pour de tels cours à portée internationale, on espère qu’un service de traduction, vocal ou par sous-titres soit offert prochainement. Angel conclut sa présentation aux autres membres de son groupe sur une note idéaliste, bien à l’image d’une initiative qui risque certainement de faire des petits: «Je suis profondément convaincu qu’il y a beaucoup de gens bienveillants dans le monde entier et j’espère les trouver afin d’aider les nombreuses autres personnes qui ont besoin d’aide.» x

chronique visuelle

Un Français à Montréal

Paul pieuchot

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CAMPUS

À table avec l’AÉUM Découvrez les six exécutifs du conseil législatif de l’association étudiant.

Matilda Nottage

L’AÉUM au petit trot

Le conseil législatif entame l’année par une session de mise en marche. THÉOPHILE VAREILLE

Le Délit

D

eux semaines après le début des cours, c’est au tour de l’Association des Étudiants de l’Université de McGill (AÉUM) a fait sa rentrée avec le premier conseil législatif de l’année. C’était l’occasion pour certains membres, qui ont connu une élection mouvementée en mars dernier, de laisser derrière eux toute controverse et se consacrer pleinement à leur fonction. La session a commencé avec un rapport de Sébastien Michaud, présentant un audit indépendant sur les finances de l’AÉUM, de ses cafés à ses clubs. – des finances qui seraient en bonne santé, l’AÉUM étant dans le vert. Ce rapport devrait être rendu public prochainement. Plutôt que de s’attaquer à de vrais sujets, on a préféré huiler les rouages de la machine pour les conseils et mois à venir. Quatre motions sont passées, concernant toutes le fonctionnement du conseil ou celui de l’AÉUM. La première motion, la principale nouveauté, définissait le protocole à suivre durant unconseil législatif: un système de cliqueurs

sonia ionescu

(clickers) pour les votes du conseil. Ensuite, le conseil a passé deux motions sur l’organisation des comités de l’AÉUM: comités officiels ad hoc, informels, mais semblables en tous autres points. Finalement, une quatrième motion a été approuvée par le conseil, afin de remplir un conseil des directeurs dépeuplé. Le conseil des directeurs est l’entité juridique représentant le conseil législatif au Québec, un rôle toutefois plutôt mineur.

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com

Une fois le conseil venu à bout de ces formalités chronophages, il ne restait que peu de temps pour les rapports du conseil de direction. Mme Baraldi, viceprésidente aux affaires internes, s’est déclarée satisfaite du Frosh de cette année, dont l’organisation a monopolisé son été. Après avoir provoqué de lourdes pertes l’an passé, le Frosh 2015 devrait cette fois-ci être proche de l’équilibre. Mme Rourke, vice-présidente aux affaires universitaires, ayant aussi

travaillé pour Frosh a rendu compte d’un été studieux. Mme Bialik, vice-présidente aux clubs et services, annonça quant à elle de très nombreuses candidatures pour de nouveaux clubs. M. Houston, vice-président aux finances, n’a eu que peu à porter à l’attention du conseil, l’audit de l’AÉUM ayant été présenté en début de séance. M. Ibrahim, président, a résumé un été très actif en quelques minutes. De son exposé, on a surtout retenu que les assemblées géné-

rales de l’AÉUM auront lieu les 9 novembre et 22 février prochains. Mme Boytinck, vice-présidente aux affaires externes, a témoigné d’un été passé à siéger dans deux fédérations étudiantes différentes. En effet, depuis la dissolution de la Fédération étudiante universitaire au Québec (FEUQ), deux fédérations sont nées de ses cendres. Il s’agit tout d’abord de l’Association pour la voix étudiante au Québec (AVEQ), clairement anti-FEUQ. Cette fédération de taille modeste bénéficie du soutien de Mme Boytinck comme de son équivalent à l’Université de Concordia. S’étant révélée moins sensible aux opinions de l’AÉUM, l’Union Étudiante du Québec (UEQ) – ou Mme Boytinck n’a siégé qu’en tant qu’observatrice – est une fédération de plus grande envergure, et donc aussi plus coûteuse. Mme Boytinck a appelé le conseil à se pencher au plus tôt sur la question, l’AÉUM ne pouvant évidemment continuer à siéger dans deux fédérations étudiantes distinctes. Il ne fut pas mention de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), la petite fédération québécoise, plus radicale et engagée que ses consœurs. x

actualités

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Société societe@delitfrancais.com

enquÊte

Un nouveau Frosh?

Retour sur les réformes de la semaine d’intégration de McGill. la Faculté d’Art a introduit un système d’«amis sobres» grâce auquel les premières années souhaitant rester sobres étaient mis dans des groupes avec des chefs d’équipe qui ne buvaient pas. Enfin, chaque soir, au moins un responsable de chaque groupe devait rester sobre. Comme M. Miller le souligne, un des slogans de cette année était «Frosh a de l’alcool mais n’est pas pour l’alcool», slogan qui représente bien ce changement de culture.

inès L. dubois

Le Délit

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ette année encore les nouveaux étudiants de McGill ont été plongés dans le bain lors d’une semaine d’orientation, la fameuse Frosh week. Au fil des ans, cette semaine est devenue un des événements clefs de McGill. Connu de tous, Frosh est présenté et vu comme une consécration, un premier pas essentiel dans la communauté mcgilloise, une première expérience de la culture «work hard, play hard» («travaille à fond, amuse-toi à fond») de McGill. Or depuis quelques années, l’université essaye de décourager la culture du «binge drinking», la défonce par l’alcool, qui plane autour d’un tel évènement. L’accent est dorénavant mis sur l’inclusion de tous, l’explication du consentement aux nouveaux arrivés, et des évènements de moins en moins centrés autour de l’alcool. Mais ce changement de doctrine est-il vraiment perceptible? Des Frosh pour tous les goûts À McGill, plusieurs sortes de Frosh sont proposés, dépendamment ou non des facultés. Les Frosh non-facultaires sont généralement organisés par des associations étudiantes et ont des buts beaucoup plus spécifiques que les autres Frosh. Cette année, cinq Frosh non-facultaires étaient proposés, organisés par une variété de groupes étudiants comme plusieurs groupes chrétiens, une association d’étudiants juifs, l’Association des élèves musulmans, le Groupe de recherche à intérêt public (GRIP) et enfin le club d’activités en plein air, McGill Outdoors Club. Sarah, qui a fait le Frosh en plein air cette année, explique au Délit que cette expérience lui a permis de rencontrer des gens partageant le même intérêt qu’elle pour la nature et de vraiment créer des liens avec ces gens sans distractions telles que les téléphones. De plus, un vrai travail d’équipe est demandé, ce qui rapproche encore plus les nouveaux étudiants, selon elle. Les élèves peuvent aussi choisir de participer à un Frosh lié à leur faculté. Ces derniers sont organisés par des comités élus en fin d’année scolaire, et chaque faculté choisit un thème autour duquel articuler la semaine d’intégration. Cette semaine

8 société

…juste une illusion?

mahaut engérant

de Frosh dure généralement autour de quatre jours au cours desquels plusieurs événements sont organisés la journée tels qu’une tournée des bars («pub crawl»), tandis que le soir des concerts et des soirées dans des discothèques de Montréal sont proposés. Ces Frosh liés aux facultés ont pour but premier que des élèves appartenant à la même faculté se rencontrent et tissent des liens avant le début des cours. Changement de doctrine… Les Frosh organisés dans le cadre des facultés sont ceux qui tournent le plus autour de la consommation d’alcool, et sont donc les premières cibles du changement de culture que McGill essaye d’instaurer. En effet, Mitchell Miller, coordonnateur de la vie étudiante pour Campus Life and Engagement (CL&E - Engagement et vie du campus, ndlr) explique en entretien avec Le Délit que «le but premier de Frosh est que tout les étudiants qui choisissent d’y participer s’y amusent, et qu’ils aient une expérience d’orientation saine et sûre.» Il ajoute : «Nous voulons aussi que notre travail à McGill montre au Canada entier que Frosh peut être un événement aussi marrant et énergique que sain et respectueux.» Afin d’arriver à opérer

un tel changement, l’optique dans laquelle les responsables d’équipe («Frosh leaders») ont été choisis et formés a été revue. En effet, Christine Koppenaal, la v.-p. aux affaires sociales de l’AÉFA (Association Étudiante de la Faculté d’Art) nous explique que «la préparation de Frosh a comme concept central que Frosh est organisé pour les premières années. Cela peut paraître évident, mais il y a quelques années les positions de responsable d’équipe et de personnel d’orientation («o-staff») attiraient des étudiants en deuxième et troisième année qui souhaitaient revivre leur propre semaine de Frosh avec leurs amis. Maintenant, on s’assure que les candidats comprennent bien que ces rôles sont des rôles de mentors, et c’est dans cette perspective que les formations sont pensées.» Le changement de culture de Frosh est un projet qui existe maintenant depuis 5 ans et cette édition, selon beaucoup d’organisateurs, a été une des meilleures que McGill ait vu depuis un moment. En effet, cette année, encore, plus que les précédentes, des efforts ont été faits pour vraiment se défaire de l’image de débauche, et arriver à donner celle d’une semaine amusante et riche en expériences et nouvelles rencontres. De plus, des efforts ont été fait en coordination avec le Service de Police de la Ville de

Montréal (SVPM) ainsi qu’avec la communauté Milton-Parc, qui inclut les habitants et familles vivant au milieu du ghetto étudiant de McGill, et qui sont souvent les premières victimes de Frosh, surtout à cause du bruit occasionné par toutes les soirées qui se tiennent dans le quartier. Pour éviter des débordements, des équipes de l’AÉUM (Association Étudiante de l’Uni-

Malgré toutes les nouveautés dans l’organisation de la semaine d’intégration elle reste une semaine où la fête est mise à l’honneur. Pour beaucoup, Frosh reste lié a l’idée d’une semaine de débauche, où l’on teste ses limites avant d’entamer la nouvelle année scolaire. De plus, certaines réformes mentionnées ci-dessus, comme le changement de vocabulaire, ou encore celle d’un responsable sobre par jour, n’ont pas vraiment été respectés. Or, il est vrai que cette année, les participants et les responsables ont reconnu une ambiance différente, plutôt centrée autour de l’entente entre les facultés ainsi qu’en leur sein. Anne, une première année qui a fait le Frosh de la Faculté d’Art et Sciences, interrogée par Le Délit, affirme avoir adoré son Frosh, s’être sentie accueillie

Pour beaucoup, Frosh reste lié a l’idée d’une semaine de débauche, où l’on teste ses limites avant d’entamer la nouvelle année scolaire. versité McGill) patrouillaient dans le «ghetto» afin de garder le bruit à un niveau gérable. Un autre moyen utilisé pour institutionnaliser ce changement de culture a été un vrai travail autour du vocabulaire utilisé pendant Frosh. En effet, les «predrinks» («pré-boissons», ndlr) ont été baptisés «rassemblements de groupes» tout comme la tournée des bars (pub crawl, ndlr) qui est maintenant appelée la «tournée de Montréal». Le but est de ne plus associer certains événements à l’alcool, mais de les rendre plus neutres afin de respecter les choix de chacun quant à la consommation de boissons alcoolisées. De plus,

par la société mcgilloise et directement intégrée. Les participants, les responsables ou les personnes directement touchées par Frosh, tels que les habitants de la communauté Milton-Parc ou encore les «floor fellows» (responsables d’étage, dans les résidences universitaires, ndlr) sont les premiers témoins des progrès effectués et peuvent voir que les choses s’améliorent d’année en année, comme l’affirme M. Miller. L’image renvoyée par McGill semble cette année d’avoir été différente, même si M. Miller reconnaît qu’il faudra un certain temps avant que toute la communauté ne voie Frosh d’un nouvel œil.x

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opinions

Petite défense des humanités Y a-t-il des matières qui ne servent pas la société? esther perrin tabarly

Le Délit

U

ne récente déclinaison des «Abenomics» — mesures politiques mises en place au Japon par son premier ministre Shinzo Abe pour la croissance économique — s’attaque au secteur de l’éducation. Plus précisément, c’est l’étude des sciences sociales et des humanités qui est en ligne de mire: le 8 juin dernier, les principaux des 86 universités nationales japonaises recevaient une lettre de la part de leur ministre de l’éducation Hakuban Shimomura, leur demandant «d’abolir ou de convertir ces départements (ndlr, ceux de sciences sociales et d’humanités) pour favorises des disciplines qui servent mieux les besoins de la société». Depuis, 26 universités ont annoncé leur intention de fermer ces facultés ou de réduire leurs effectifs dans ces domaines que le XXIe siècle juge souvent obsolètes. Alors que la semaine dernière Le Délit signalait la plus grande vulnérabilité financière des diplômés «en beaux-arts, en lettres, en sciences humaines» aux aléas de l’emploi directement après la graduation, il est temps de remettre les points sur les «i» d’«utilité».

En réponse au décret ministériel, Takamitsu Sawa, principal de l’Université de Shiga a publié dans le Japan Times une opinion dénonçant la démarche «antiintellectuelle» de son gouvernement. Entraver l’enseignement des sciences sociales et des humanités, c’est supprimer des manuels scolaires l’histoire, la littérature, la sociologie, la philosophie... En quelques mots, la réforme actuelle qui se justifie par le développement économique aurait sur le long terme un effet d’éradication quasi-totale d’un pan de la culture japonaise. Pour quelques points de PIB en plus, il s’agirait alors de réduire à un tas de cendre une Histoire et une culture qui remontent au Paléolithique et qui attirent tous les ans plus de 10 millions de touristes. N’oublions pas de mentionner que les facultés japonaises concernées par le décret englobent l’enseignement de l’économie et du droit. Et là, comment justifier l’abandon de l’étude de la fluctuation des marchés ou la fin du développement universitaire du cadre légal du pays? Superflu ça aussi? L’étude des humanités n’est pas plus inutile que celle d’autres disciplines car elle est

partie intégrante de la formation intellectuelle qui façonne une société, qui la fait respirer et réfléchir, qui la pousse à s’élever et à s’améliorer de siècle en siè-

cle. Elle entraine à refouler les limites imposées par son jugement premier et à enrichir ses capacités de discernement ainsi que son esprit critique: c’est la esther perrin tabarly

formation de citoyens et d’individus intégrés dans une société. Étudier les textes des philosophes de l’Antiquité, comprendre un classique russe romantique, c’est un autre moyen de se placer devant un miroir, de se confronter à d’autres expériences, à d’autres mondes, et ainsi de grandir dans le sien. Sans oublier qu’un nombre incalculable de théories des sciences sociales et autres «matières inutiles» ont motivé de grands mouvements révolutionnaires et réformateurs dans l’Histoire. La plume n’estelle pas plus forte que l’épée? En effaçant les humanités de la carte de l’enseignement supérieur, les politiciens japonais font une esquisse du citoyen qu’ils imaginent composer leur nation dans un futur lointain. C’est un individu dont toutes les décisions sont basées sur un simple calcul coûts versus bénéfices, qui ne prend en compte que ce qu’il peut observer dans une éprouvette; toutes formes de moralité, d’attachement culturel ou de questions sociales ont cessé d’ombrager ses jugements. En somme, c’est l’homo economicus parfait, que la passion et le passé auront complètement fini d’inspirer et dont la vie se résume à une fonction d’utilité immédiate? x

L’encre ne coule plus Requiem pour la fin de la presse papier. Anne-Hélène Mai

À

partir de 2016, La Presse ne sera plus pressée les jours de semaine. Hormis les samedi, les publications ne paraîtront qu’à travers son édition numérique. L’annonce a été faite la semaine passée, et ne surprend plus grand monde. La Presse ne sera pas la première ni la dernière publication à délaisser l’impression. Et pour cause: le nombre de contrats publicitaires augmente plus rapidement sur ces nouvelles plateformes. Elles permettent aux annonceurs d’atteindre la clientèle de façon plus créative et mieux orientée. La publicité est devenue le véritable poumon financier du journalisme. En effet, l’information vient à nous à travers nos fils d’actualité: les nouvelles rapportées par les journaux n’ont plus rien d’ébouriffant. À quoi bon en

importuner son porte-monnaie. Les progrès de notre époque conduisent à une inévitable dématérialisation des échanges et des divertissements. Gâtés que nous sommes par la technologie, choyés par la facilité de communiquer, les vieilles méthodes d’impression nous paraissent soudainement aussi pénibles que

pices (comme le samedi matin pour La Presse). Mais la profession doit se mettre au parfum du jour pour survivre. Le quotidien le plus lu dans sa version imprimée sur l’Île de Montréal est le journal Métro. Distribué à l’entrée des stations de métro, son format se rapproche de celui d’un magazine. C’est en effet

«À la manière du moine copiste et du télégraphe, le journalisme papier tombe en désuétude.» superflues. Le lecteur, accoutumé à la simplicité de son écran tactile de poche, est de moins en moins tenté de s’encombrer d’une liasse de papier qui noircit les doigts. Pourtant, le plaisir de lire sur du papier existe bel et bien, et revient dans les moments pro-

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com

plus commode dans un contexte de transport en commun bondé, pressé, et chargé. Outre sa gratuité, ce quotidien est aussi servi au bon moment, à des gens qui n’ont de toute façon que peu d’autres occupations durant leur passage sous terre. Les tunnels du métro étant en grande partie

dépourvus de réseaux, ce sont peut-être les derniers endroits de la ville où les cellulaires ne sont pas rois. Partout ailleurs, nous sommes toujours plus assoiffés de Wi-Fi, à mesure que s’essoufflent les alternatives concurrentes au Web. Nous sommes forcés de finir en permanence la tête penchée vers nos machines intelligentes, à une distance raisonnable d’un routeur. Cet été, plusieurs gérants de cafés de Montréal ont exprimé leur mécontentement face à la consommation de Wi-Fi, plutôt que de café, dans leurs établissements. Ils regrettent l’ambiance traditionnellement gourmande et bavarde de leur commerce. La plupart d’entre eux mettent justement à la disposition des clients des journaux locaux. Dans un contexte de pause-café, ils semblent faire meilleure affaire.

Les perfectionnements technologiques poussent fatalement à la disparition de certaines pratiques fondamentales, les altérant pour n’en garder que l’essentiel. À la manière du moine copiste et du télégraphe, le journalisme papier tombe en désuétude. L’internet apporte comme tout progrès son lot de nostalgie, nous donnant l’impression déjà d’être dépassés. Malgré tout nous ne pouvons nous empêcher de nous émerveiller devant les sommets atteints par chaque nouveau gadget. Nous ménageons notre amertume, en nous forçant à ramer dans le sens du courant pour ne pas paraître arriéré. Mais nous reste en bouche cet arrière-goût nauséeux, ce sentiment d’impuissance, cette impression de rendez-vous manqué. Il y a un deuil à faire. Ensemble, tâchons d’oublier les plaisirs périmés et de nous imprégner sans regret d’une vie informatisée. x

société

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opinion

«Indignez-vous!»… et après? Concrétisons nos emportements en actes. arno pedram

X

se réveille comme chaque matin, prend son café, allume la télévision, ouvre le journal. Il est à la recherche de l’information choc, du scandale humanitaire. Il le trouve. Alors plongé dans une rage folle, il se jette sur les réseaux sociaux, son arme la plus précieuse. Rien ne saurait l’arrêter dans cette entreprise, rien, ni personne. Et rien, ni personne, ne l’entend réellement, et son indignation bien éphémère n’a que peu d’effet.Ainsi vont beaucoup de journées dans la sphère de l’internaute. Tout le monde est victime un jour du syndrome d’X. Reste à prendre conscience du problème. Tous indignés Les réfugiés dans le monde entier, les lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigéria. Ces histoires ont peu en commun, et pourtant, toutes deux ont suscité un syndrome d’X, souvent irréfléchi, souvent fugace, souvent dans l’ignorance des causes mêmes de l’indignation; rendant ainsi impossible tout espoir d’effet réel sur la politique fédérale ou internationale. Des enfants, des femmes et des hommes meurent tous les

esther perrin tabarly

jours dans le cimetière qu’est la mer Méditerranée, ce n’est juste pas aussi visuel, choquant et sensationnel que la terrible photographie du jeune Aylan Kurdi. Boko Haram assassine depuis des années déjà au nord du Nigéria. L’assassinat de quelques-uns dans les tréfonds d’un pays dont on n’entend pas assez parler est seulement moins émouvant que la prise d’otage de jeunes filles écolières: symbole multiforme du développement, de la condition de la femme et de la protection des enfants. L’indignation se mue trop vite en désintérêt, ou débouche sur une

absence de coordination. Les provinces canadiennes ont beau tendre les bras aux migrants, le fédéral ne suit pas: le ministère de l’Immigration a refusé la demande d’asile de l’oncle d’Aylan Kurdi et les Conservateurs parlent de discriminer l’entrée dans le pays en privilégiant les non-musulmans pour ne pas admettre de terroristes, selon les mots de Jason Kenney, ministre de la Défense sortant. Au Nigéria, Boko Haram assassine toujours à tour de bras tandis que la réponse des pays voisins, chez qui le virus se propage, se fait attendre.

Changer la donne «S’il est important de bien conduire un mouvement revendicatif, il faut aussi savoir le terminer.» Ainsi parlait Maurice Thorez, représentant communiste français, lors des grèves de la joie de 1936. Son affirmation reste d’actualité. L’indignation ne suffit pas, il faut une action, une condensation des revendications dans des actes concrets afin de terminer le mouvement impulsé par l’indignation. L’Histoire récente nous a prouvé qu’il existe un militantisme utile. Le

choc qu’ont provoqué les morts du séisme du Népal ne s’est pas limité à la contemplation. Des mesures ont été implantées immédiatement: Facebook a mis en place une plateforme de dons, et une chaîne d’aide a pu être créée. Pour accueillir les migrants ces derniers mois, en Allemagne, des systèmes similaires à Airbnb, d’ailleurs saturés en quelques jours, sont apparus. Encourageons de telles initiatives, qu’elles viennent d’individus, d’entreprises, ou de gouvernements. Elles se font souvent trop attendre. À quel moment l’indignation n’est-elle plus que le passe-temps d’une population nombriliste? Loin de moi l’idée de nier que je suis aussi victime du syndrome d’X, parce qu’il concerne tout un chacun. J’accuse une population à l’opinion versatile, et de par ce fait, des politiciens opportunistes, démagogues et inconstants. Je veux encourager une prise de conscience et l’aboutissement des revendications. S’indigner ne suffit pas, il faut agir: le changement peut venir d’«en haut» comme d’«en bas», comme le montrent les Allemands. Il y a de l’espoir dans ce qui peut être notre perte: l’instantanéité est le frein mais peut devenir le moteur des revendications modernes. x

chronique

La démocratie sans parti pris Côme de Grandmaison | Ils ont pensé pour le présent pâtés en croûte, que les Grecs sont à l’origine du pire des maux dont crève aujourd’hui le monde civilisé: la démocratie.» Les partis, «cette lèpre»

L

a démocratie serait le pire des régimes à l’exception de tous les autres, entend-on parfois. Un régime qui diffuse le chaos au Moyen-Orient, qui laisse la place aux populismes en Europe et en Amérique, qui se fonde sur le nombre plutôt que sur la raison… Comme l’a si cyniquement résumé Pierre Desproges, prince des humoristes: «Il faut savoir, bande de décadents ramollis de téloche et de

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société

Passons sur l’humour et réfléchissons avec Simone Weil, philosophe française de la première moitié du XXème siècle, morte en Angleterre auprès du Général de Gaulle pour avoir refusé de se nourrir plus que les maquisards et les Français rationnés, et ce malgré sa santé fragile. Parmi ses derniers écrits, la «Note sur la suppression générale des partis politiques», qui fut éditée par Albert Camus après sa mort, propose de réinsuffler la morale, et donc la justice, au cœur de la démocratie. En d’autres termes, elle propose de refaire du bien le seul critère devant guider les décisions collectives, car «seul ce qui est juste est légitime». Mais comment peuton avoir une conception commune du bien dans des pays comptant des

millions d’habitants? La réponse tient en un point: pour que le juste et le vrai triomphent, il faut supprimer les partis politiques. La proposition a de quoi choquer: que faire de la diversité des opinions, du débat démocratique? N’est-ce pas verser dans le despotisme que de vouloir supprimer les partis? Bien au contraire. Simone Weil estime cette suppression nécessaire pour trois raisons : d’une part, les partis sont pareils à des « stupéfiants », en ce sens qu’ils sont des machines à fabriquer des passions collectives (NSDAP, je me souviens). D’autre part, les partis sont leurs propres fins: plutôt que de lutter pour les idées et le bien, le parti cherche à acquérir et conserver le pouvoir, il se considère comme une totalité plutôt qu’une «partie». Cela nous mène au troisième point, le plus développé par la philosophe : le parti ne substitue pas seulement sa croissance au bien, il exerce aussi une pression sur ses membres, les formate. On ne pense plus que selon

une ligne idéologique: «en tant que libéral…» Ainsi l’homme de parti est en état de mensonge, vis-à-vis de luimême et de ses électeurs, puisqu’à l’intérêt général il privilégie une ligne idéologique. Si il s’affranchit d’elle il perd tout. Ce n’est plus le règne de la vérité mais de la posture. De la vérité avant toute chose Simone Weil nous invite donc à abandonner les partis pour laisser place à «la lumière irrésistible de l’évidence», celle de la raison universelle. Elle propose de substituer l’écoute de soi et des autres aux clivages figés et artificiels qui ne servent qu’à la conquête d’un pouvoir dénué de sens. Mais le texte de Weil ne se borne pas à une critique. Fidèle à elle-même, la philosophe propose des solutions, des pistes. Elle souhaite l’abolition des étiquettes, et que la politique soit conçue selon des alliances mouvantes, entre hommes et femmes partageant des sensi-

bilités communes plutôt que le désir d’obéissance à des diktats. Ainsi, les décisions devraient germer dans des revues ouvertes et non partisanes, où le pouvoir serait inféodé aux idées, et où «l’obligation de la pensée» redeviendrait enfin maîtresse de «l’opération de prendre parti». Cela paraît peut-être utopiste, ignorant des exigences pragmatiques de la politique. Pourquoi abolir un système qui a tout de même accompli de grandes choses? Car il est rongé par le mal, selon Simone Weil. En agitant les passions, en ne cherchant que leur propre expansion et en imposant une manière de penser au détriment d’une exigence de penser les partis rongent la démocratie. S’en défaire est donc nécessaire pour redonner sens à la politique. x WEIL, Simone. «Note sur la suppression générale des Partis Politiques», dans Ecrits de Londres et dernières lettres, Paris, Gallimard, «Espoir», 1957.

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com


Économie economie@delitfrancais.com

Opinion

Combat de coqs Le débat sur l’économie a enflammé les trois candidats majeurs aux élections fédérales. sami meffre

Le Délit

L

e 17 Septembre dernier, le conservateur Stephen Harper, le libéral Justin Trudeau, et Thomas Mulcair du NPD (Nouveau Parti Démocratique du Canada) sont montés sur le ring à l’occasion du débat sur l’économie organisé par le Globe and Mail à Calgary. Le débat était centré sur six sujets: l’emploi, l’énergie et l’environnement, l’immigration, le logement et les impôts. Mais c’est bien évidemment la question énergétique joué une place particulière dans le débat. L’abondance en ressources naturelles au Canada et son impact très important sur l’économie et l’environnement en font un des sujets pilier des prochaines élections fédérales. En effet, les ressources naturelles du pays ont contribué à 20% du PIB (produit intérieur brut) du pays en 2014. Le secteur de l’énergie est aussi le secteur ayant le plus d’impact sur l’environnement. De plus ce sont ces ressources qui attirent les capitaux étrangers: 37% des investissements directs étrangers sont dirigés vers les ressources naturelles canadiennes. Le présentateur du débat et rédacteur en chef du Globe and Mail, David Walmsley, a annoncé

frédérique lefort

le ton et l’importance du débat en déclarant qu’«il y a peu de doute que ces élections soient à propos d’autre chose que de l’économie». Énergie, environnement et langue de bois. «Quel est le coût de votre programme de plafonnement et d’échange des émissions de gaz polluants?» La question adressée à M. Mulcair n’a pas obtenu de réponse claire. Alors qu’on lui a demandé

à deux reprises de spécifier un chiffre, M. Mulcair a consciencieusement évité d’en préciser, en se contentant de vanter les mérites de sa proposition. Cette dernière, un système d’échange qui existe déjà en Europe et en Californie, consiste simplement en l’établissement d’un plafond aux émissions de gaz polluants qu’une compagnie peut émettre. Si la compagnie veut émettre plus, elle doit acheter son surplus d’émissions à une compagnie qui produit moins d’émission

que le taux maximum autorisé. M. Trudeau a vivement critiqué l’établissement d’un système national alors que plusieurs provinces ont déjà un programme de réduction de leurs émissions. M. Mulcair a rappelé à M. Harper que c’est bien lui qui a retiré le Canada du protocole de Kyoto en 2012, et qui n’a ainsi motivé qu’une intervention plus que marginale sur le sujet. Si les trois candidats ont déclaré victoire après le débat, il est surtout apparut clairement

que le débat sur l’économie canadienne tourne autour de deux compromis: austérité contre dépense publique, et environnement contre ressources naturelles. Alors que le débat était originellement sur l’économie, il a souvent dérapé sur «trois gars qui se crient dessus», comme l’a décrit Elizabeth May, candidate du Parti Vert. Si cela a du ravir les téléspectateurs qui cherchaient un programme divertissant, le reste de l’audience qui attendait des programmes concrets, chiffrés et contextualisés a été bien déçu par la pauvreté des arguments du débat. Dans l’idéal, chacun des candidats aurait pu être moins prompt à vouloir rabaisser ses opposants, pour se concentrer sur une meilleure explication de leurs propositions pour relancer l’économie du pays. Les électeurs qui souhaitent réellement s’informer sur les programmes de chaque candidat peuvent plutôt se tourner vers leurs sites internet respectifs plutôt que vers ce débat télévisé qui s’est bien trop souvent apparenté à un combat de coqs. Il reste aux candidats d’arriver à une solution constructive et cohérente pour réduire la corrélation entre la santé et l’économie canadienne et les ressources naturelles. x

Un fâcheux débat La Fed décide d’encourager la croissance. ach gaddes

C

’est après deux longues journées de débat que le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC, Réserve Fédérale Américaine, ndlr) a décidé, Jeudi 17 septembre dernier, de maintenir sa politique du taux d’intérêt zéro censé relancer les investissements dans un contexte économique compliqué. Cette décision a été motivée par plusieurs événements récents. La débâcle boursière du 24 août dernier, qui avait provoqué une chute de mille points en une séance de l’indice Dow Jones, ainsi que la nervosité des marchés asiatiques, ont convaincu le comité de politique monétaire de ne pas compliquer les choses et de pa-

tienter encore un peu pour opérer un resserrement monétaire. Suite à la publication de la décision de la Fed, Joseph Lake, économiste au cabinet d’analyse The Economist Unit a déclaré qu’une: «légère augmentation des taux d’intérêt de la Fed aurait conduit à une fuite des capitaux dans les marchés émergents, les investisseurs étant à la recherche de rendements meilleurs et plus sûrs aux États-Unis. Cela aurait mis la pression sur ces pays pour qu’ils augmentent leurs taux directeurs, freinant leur demande intérieure au plus mauvais moment.» Matière à débat La décision de la Fed de maintenir le loyer de l’argent à son niveau

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com

le plus bas (entre 0 et 0.25%) a reçu un accueil très mitigé. D’une part, de nombreux investisseurs américains ont critiqué le laxisme de la Fed en argumentant qu’il était nécessaire d’augmenter les taux d’intérêt afin de contrer une inflation dangereusement basse provoquée par la récente appréciation du dollar et la baisse du prix des matières premières. Sur le plan international, la décision a satisfait la majorité des investisseurs. En particulier, cette décision va permettre aux marchés émergents tels que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, ndlr) de consolider leurs économies qui ont été affaiblies tout au long de cette dernière année, sans devoir se soucier de la fuite des capitaux hors de leurs territoires, chose qu’une

augmentation des taux d’intérêts de la Fed aurait pu causer. La loi du marché mondial C’est donc le contexte international, et non pas la solidité de l’économie américaine, qui a persuadé la Fed de prolonger l’application de la même politique monétaire qu’elle mène depuis maintenant près de sept ans. Il s’agit d’une situation assez inédite dans la mesure où la banque centrale s’abstient, généralement, de commenter la situation en dehors de ses frontières. Certains, comme Robert Tipp, responsable des investissements de Prudential Fixed Income (une compagnie de gestion de revenus, ndlr) s’avancent même jusqu’à dire qu’il

«y a un changement radical à la Fed: par petites touches, ils déplacent la ligne de front du combat contre l’inflation à la lutte contre les risques baissiers systémiques existants dans l’économie mondiale.» En somme, les actions de la Fed ne sont plus aussi prévisibles qu’il y a quelques mois. Les spéculations sur les marchés vont donc repartir de plus belle avant les deux prochaines réunions de la Fed prévues d’ici à la fin de l’année. L’interminable débat sur les intentions de la Fed n’est pas sans risques et peut lui-même conduire à des «turbulences» en renforçant l’incertitude, a d’ailleurs déploré Janet Yellen, la présidente de la Fed. «C’est une situation fâcheuse», a-t-elle assuré. x

Économie

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Culture

Théâtre

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Le désordre des choses

As is (tel quel) consacre le talent grinçant de Simon Boudreault. scénographie de Richard Lacroix est saisissante, la mise en scène s’y plante habilement. Les éclairages d’André Rioux servent les zones d’ombre des personnages. Que dire de cet improbable échafaudage qu’est «le tas»: immense, monstrueux, labyrinthe et avant-scène, les comédiens le traversent, en surgissent, s’y cataloguent, s’y déploient, et y donnent leur misère en spectacle.

Laurence Bich-Carrière

Le Délit

D

es casse-têtes, des vélos, des tables, des matelas, des patères, un poisson gonflable, des toutous écorchés, des casseroles émaillées, des rollers désalignés, des sofas et des boîtes, encore des boîtes, ben, ben, ben des boîtes. C’est un immense tas d’objets hétéroclites qui accueille les spectateurs à leur entrée dans la salle. L’impression de claustrophobie qui devait se dégager du Théâtre d’Aujourd’hui où la pièce était présentée en avril 2014 cède le pas à un sentiment d’impuissance dans la salle Maisonneuve du Théâtre Jean-Duceppe où la pièce est reprise cet automne. Et voilà justement ce pour quoi Saturnin Lebel (François Pronovost), jeune universitaire à lunettes, a été embauché cet été par l’Armée du Rachat, pour être «trieur de cossins». Mesquineries et petites misères Car à l’Armée du Rachat, il n’y a pas de technicien de surface, de préposé à l’écrémage des dons matériels ou de charroyeur de voiturette d’élévation des biens. Il y a un trieur de cossins, des trieuses de linge, puis un «téteux pousseux» qui monte des paniers. On se parle de façon crue. On s’appelle

Sinistre frisson des choses

Caroline Laberge

«pénis» ou «ti-coune», on joue des coudes, on se drape dans un lambeau de dignité, on s’extorque un peu, et on en bave. Néons glauques et illusions perdues, dans cette succursale, seuls les objets ont une seconde chance. C’est dans cet univers ratatiné que débarque Saturnin, naïf et bon enfant, indéfectiblement gentil. Il jure, mais il n’a pas tout à fait tort, même si sa présence dérange la mécanique malade d’un monde à l’équilibre fragile. La contradiction est le moteur d’As is (tel quel) mais il n’y a pas que les éboulements ou les rats que Saturnin apprendra à gérer.

Improbable échafaudage Une distribution adroite n’empêchera pas certains de trouver les personnages un peu minces. Jojo (Catherine Ruel), par exemple, qui justifie un larcin de sa marmaille toujours croissante ou Didi (Geneviève Alarie), l’ex-junkie encore romantique. Le malaise demeure pourtant. C’est que la subtilité n’est pas dans les personnages mais dans le sentiment qu’ils laissent au spectateur. On imagine trop facilement une Susu (Marie Michaud) désabusée et amenuisée par trente-sept années passées à travailler dans un

sous-sol, qui ne peut même pas se projeter dans sa progéniture un peu minable (Marc St-Martin) ou un de ces petits tyrans exécrables, magouilleur de bas étage, plus huileux que véritablement véreux (Denis Bernard). Chacun présente son histoire à travers une chanson-thème. Malgré d’excellentes prestations musicales (Michel F. Côté, Claude Fradette et Philippe Lauzier), ces refrains aux paroles faciles brisent le rythme plutôt que de contribuer au sentiment de pathos qu’ils supposent. Heureusement, les dialogues sont bien plus solides, comme l’est l’exploitation scénique. Car si la

Malgré le décor, ce n’est pas au consumérisme que s’attaque Simon Boudreault avec As is, ni vraiment à la lutte des classes, c’est à la quête de sens voire de salut (comme dans D pour Dieu!), aux petites misères qui usent à force de grincement. Si les personnages suscitent la pitié plutôt que la compassion, il n’en demeure pas moins que derrière la violence tragique de destins étriqués, il n’y a pas de cynisme, plutôt une lourde tendresse pour le genre humain. On se demande s’il n’y a pas un peu d’expiation dans la caricature que propose Simon Boudreault de son propre été passé comme trieur dans un centre de don. Si la rédemption existe, va-telle au rayon de l’électrique? x

As is

Au théâtre Duceppe Jusqu’au 17 octobre 2015

Donnez-moi de l’oxygène

Le metteur en scène Christian Lapointe adapte une pièce d’ Ivan Viriapev. Noémy Grenier

Le Délit

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Matthew Fournier

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Culture

ransformée pour Oxygène, la scène principale du Prospero devient un étrange chapiteau blanc. À la tente claire s’accrochent des lumières et une boule disco, suspendues au-dessus de tables rondes et de chaises en plastique. Seuls deux micros limitent l’espace réservé aux acteurs, ainsi qu’un texte projeté sur la toile derrière ces derniers. Musique «danse-électro», bande-son qui soutiendra le texte tout au long de la pièce. Tout évoque un mariage cliché, Christian Lapointe joue sans vergogne avec le thème du kitsch. Kundera approuverait. Éric Robidoux et Ève Presseault arrivent enfin, après une quinzaine de minutes de retard. Si ce retard n’était peutêtre pas volontaire, l’effet reste le

même: une impatience palpable et presque étouffante dans ces tablées de gens assis entre inconnus. Tenues de mariage, verre à la bouche, gestes calculés, les deux acteurs se livrent un duel acharné, essoufflant, étouffant à la limite. S’ensuit, en dix commandements bibliques, une grande réflexion sur notre époque et sur ses bases instables. Chaque commandement est démantelé rapidement par l’illustration d’une société incapable de s’y tenir. Manque de valeurs ou perte de valeurs, Elle et Lui finiront par démontrer rapidement le non-sens de ce système contemporain, clérical et social. Le chapiteau devient chapelle. Les acteurs parlent sans cesse, dans une Parole désacralisée et répétitive, composée en cycles. On retourne à la base de cette Parole, à l’oralité originelle: le conte. Un système de gestes et de répétitions ponctuent le texte effréné.

Les acteurs sont époustouflants. Le scénario évoque les systèmes hiérarchiques entre plusieurs polarités: sexe/amour, Jérusalem/ Occident, chameau/porc, vie/ mort, oui/non, parole/sentiments, oxygène/manque d’oxygène. Mise en scène et acteurs soutiennent remarquablement une pièce qui, au final, nous couvre «les oreilles avec des écouteurs» et nous coupe tout oxygène. Qu’est-ce qui est fondamental? «Si tu me dis que c’est l’oxygène, je sors de scène.» Pas l’oxygène, finalement, mais ce qui a besoin de cet oxygène, peut-être. Pièce puissante, dont on sort essoufflé, un peu embrouillé, en état d’ébriété mentale. x

Oxygène

Au Théâtre Prospero Jusqu’au 3 octobre 2015

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com


cinéma

Raconte-moi, Marlon Stevan Riley réanime un acteur légendaire. Noor Daldoul

Le Délit

A

près L’Histoire secrète de James Bond, Stevan Riley réveille une nouvelle fois un monument du passé avec Listen to me Marlon (Écoutemoi Marlon), un portrait inédit de l’acteur américain Marlon Brando. La célébrité, une des plus secrètes d’Hollywood, a constitué une archive personnelle exceptionnelle composée de plus de 200 heures d’enregistrements audio dans lesquels il commente, se rappelle et se confie autant sur sa vie professionnelle que privée.

Brando raconte ses premiers rôles de voyou rebelle et violent qui lui ont valu d’être le plus jeune à obtenir l’Oscar du meilleur acteur, en 1955, pour sa performance dans Sur les Quais, puis de subir de nombreux échecs, avant de connaitre une deuxième consécration pour Le Parrain en 1973. Des extraits de films ne font que confirmer l’effet hypnotique et le charme de cet acteur qui a enchainé les conquêtes. Mais surtout, Brando se raconte lui-même et nous découvrons au fur et à mesure une réflexion à hauteur d’Homme. Il se livre sur son enfance, sa relation avec son père, son image devant les caméras,

«À la fois mausolée et médium de renaissance, le cinéma invite l’immortalité» Véritable journal intime d’un homme qui avait choisi de vivre loin de l’attention médiatique tout au long de sa carrière, ces enregistrements sont révélés pour la première fois au grand public plus de dix ans après sa mort. Alors que les images prennent vie au son des réflexions de l’acteur oscarisé, ce documentaire prend résolument des allures de confession posthume.

ses relations amoureuses, les rencontres qui ont marqué sa vie, pour citer quelques exemples. On devine un acteur toujours à la recherche de sens, de réponses, en tentant d’identifier les motivations qui ont guidé ses choix et en exposant son point de vue sur le monde tel qu’il l’a appréhendé par le passé. Le public découvre un homme en quête de vérité, meurtri par des tragédies familiales, mais aussi un homme de

conviction, militant, qui usait de sa notoriété pour défendre les minorités noires ou amérindiennes. Malgré le caractère profondément intime de ces archives, le montage de Riley est subtil, de sorte que nous ne sommes jamais positionnés en voyeurs, mais plutôt comme le public auquel ces mots étaient initialement destinés. Car, chose rare au cinéma, ce sont les images qui magnifient la voix, elles habillent le monologue captivant de Brando et suivent le fil de pensée de l’acteur. Également, Listen to me Marlon soulève la complexité de la temporalité cinématographique. À la fois mausolée et médium de renaissance, le cinéma invite l’immortalité puisque la projection d’une célébrité à l’écran rappelle sa disparition tout en lui redonnant vie. Tout, dans ce film, relève de la transcendance, notamment l’image de synthèse animée de l’acteur (qu’il avait commandée dans les années 1980) par laquelle le film débute, et dont l’allure fantomatique donne l’impression qu’il renaît à l’écran, devant nos yeux, et justifie qu’il soit à présent capable de faire entendre sa voix dans le monde des vivants.

joachim dos santos

Alors, peut-être que les enregistrements de Marlon étaient la preuve la plus sincère de son âme d’acteur de cinéma, celle qui s’acharne à défier le temps, à laisser une trace, en quête d’existence éternelle. x

Listen to me Marlon

Cinéma du Parc Jusqu’au 24 septembre 2015

Un «James Bond» africain Chaméléon: thriller documentaire qui évite le sensationnalisme. Miruna Craciunescu

Le Délit

Q

ue tous ceux qui seraient tentés de croire que l’âge d’or du journalisme d’investigation est définitivement révolu se rassurent: si le récent documentaire de Ryan Mullins sur la carrière extraordinaire d’Anas Aremeyaw Anas prouve au moins une chose, c’est que les Zola existent encore aujourd’hui. Ils ont tout simplement changé de visage, et de continent. On imaginerait mal le père du naturalisme se munir d’un faux fessier, de talons hauts et de lunettes de soleil pour démasquer des malfaiteurs de toutes sortes, qu’il s’agisse de trafiquants humains, de missionnaires exaltés exploitant des enfants, ou encore de faux médecins pratiquant des avortements illégaux dans des cliniques insalubres. C’est pourtant ce que fait quotidiennement ce «James Bond» du Ghana dont les enquêtes lui ont valu une célébrité qui complique considérablement la conservation de son anonymat. La discrétion s’avère pourtant aussi nécessaire à l’exercice de son métier qu’au maintien

de sa sécurité personnelle, comme l’a d’ailleurs souligné le réalisateur tout au long du film en choisissant de le filmer de dos, lorsque son visage est découvert. Ce choix, sans doute préférable à la participation d’un acteur qui aurait joué le rôle du journaliste lors de la reconstitution de ses enquêtes, était risqué sur le plan esthétique. En effet, il risquait

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com

de créer une certaine monotonie par la répétition de ses plans. Si l’effort de mise en scène demeure honorable, le résultat est cependant mitigé, comme en témoigne le nombre réduit de spectateurs qui se sont déplacés jusqu’au cinéma Excentris pour assister à la première: nous n’étions guère plus de quatre dans la salle.

Faut-il blâmer une mauvaise publicité, ou encore la difficulté, pour les documentaires, d’entrer en compétition avec les films de fiction, plus susceptibles d’attirer les foules? Il est sans doute trop tôt pour affirmer que Chaméléon s’est heurté à un mauvais accueil seulement pour s’être vu accorder la note de 6,9 sur le site IMDb.

Eyes steel film

Après tout, cette œuvre a bien reçu le prix du réalisateur canadien émergeant au festival Hot docs à Toronto cette année, ce qui témoigne d’une certaine reconnaissance de la part du public. Le spectateur peut être surpris de constater à quel point le traitement réaliste d’un sujet plutôt aventurier (qui correspondrait plutôt à un film d’espionnage) semble avoir nui à l’effet du récit des enquêtes d’Anas Aremeyaw Anas. En effet, il semble avoir été dépouillé de ses aspects les plus sensationnels pour rappeler qu’il ne s’agit pas, après tout, d’une œuvre de fiction. Dans le film, Kweku Baako Jnr (le rédacteur en chef du New Crusading Guide qui publie les articles d’Anas depuis 1998) semble justifier cette décision en mettant les spectateurs en garde contre les dangers du sensationnalisme. On ne dit rien cependant des dangers qu’il pourrait y avoir de se prémunir de ses effets positifs, en risquant par exemple de faire tomber le récit de cette carrière incroyablement courageuse dans l’oreille d’un sourd… x

Culture

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Musique

Mémoires d’un homme dérangé

Portrait de famine, deuxième album de Philippe Brach, décrit les carences de l’âme. virginie daigle

Le Délit

A

près une pièce instrumentale aux cordes stridentes et aux sinistres cuivres intitulée «Portrait de famine», le nouvel opus de Philippe Brach est véritablement mis en branle avec le titre «Né pour être sauvage». L’appellation est juste, car le moins qu’on puisse dire est que ce portrait n’est pas le lieu des civilités. Cancer, mort infantile, addiction, sexe et poils de cul, on est propulsé dès le début dans un univers cru, pour ne pas dire rance. À regarder les textes et en considérant les arrangements, on comprend que l’œuvre est non seulement déjantée, mais minutieusement décentrée afin de défaire toutes les attentes. Pratiquement aucun des textes n’observe une métrique régulière ou un rythme établi, faisant en sorte que l’on ne puisse jamais se reposer sur le terrain familier d’une répétition tranquille. Pareillement du côté sonore, LouisJean Cormier s’avère un producteur idéal pour le style bien particulier de Philippe Brach. Comme dans l’album de Cormier Les grandes artères (paru au printemps dernier), on est complètement indifférent

mahaut engérant

aux formatages qui faciliteraient la diffusion à la radio. Les textes de Brach se trouvent ici nichés au sein d’une formation plus orchestrale et plus riche que son album précédent qui lui permet une belle exploration musicale. Quand la qualité et la brutalité des textes finissent par pratique-

ment éclipser les arrangements de maître de Louis-Jean Cormier, force est d’admettre une chose: Portrait de famine est l’œuvre d’un poète. Par exemple «Divagation parlementaire» est un bref texte récité sans mélodie, un morceau au cynisme fulgurant: «et allons faire chier un autre nous à l’autre bout de la Terre juste

parce qu’on a fait des avions pis des enfants pour le faire» s’y exclame le jeune homme plein d’ironie. On se croirait au cœur d’une soirée de poésie en compagnie de Gérald Godin. Brach se prouve également capable d’une belle réinvention de la langue «Alice j’avais jamais piné de la bullshit kitsch de même en étant

sincérieux» dit-il dans «Alice». «Belle journée» est également un morceau incroyable qui fait l’état de l’hypocrisie d’un monde rempli d’atrocités et de misère en entonnant d’un air jovial et bucolique: «Mais au réseau TVA/ Y’ont dit que c’t’une hostie de belle journée». Au sujet de l’amour, Brach n’est pas moins incisif, honnête et percutant. «Si proche et si loin à la fois» en duo avec Klô Pelgag est déchirant lorsque l’on réalise son véritable message. De même, «Nos bleus désirs» est touchant dans son expression des contrastes entre les malaises de l’esprit et les épanchements du corps, toujours sans la moindre pudeur «Pris dans l’étau de tes fesses/ Encore sous mes ongles, ton zeste». C’est un portrait empreint de cicatrices et au sourire grinçant qu’on nous présente; il ne serait pas surprenant que l’écoute n’en soit pas agréable à un grand nombre. Avec sa voix forte, parfois hurlante, parfois stridente, Brach valse entre nostalgie et carences sentimentales. Il se soucie quand même de garder une touche de son humour corrosif dans les moments plus difficiles, comme pour cautériser ces nombreuses plaies qu’il aère au grand jour de la musique. x

opÉra

Le ronron de la dame Papillon

Hypocrites ou aveugles, la nouvelle production de l’Opéra de Montréal reçoit des éloges. joseph boju

Le Délit

P

our certaines questions d’argent et d’autres d’esthétique, l’opéra est un art réputé difficile d’accès. Aussi, pour le spectateur ayant payé le prix fort, aller à l’opéra, c’est déjà une fin en soi. Le prestige se passe de critique, et d’ailleurs, aucun amateur satisfait de son acquisition au sortir de Christie’s ne supporterait qu’on lui explique que celle-ci est plutôt médiocre. Mais qu’en est-il du journaliste dont le rôle est de passer la représentation au tamis? À en juger par les titres d’articles qui traitent du nouveau Madame Butterfly de l’Opéra de Montréal, il dort d’un sommeil consensuel et débonnaire. Ce fut une «Très émouvante Butterfly» pour La Presse, «un beau moment d’opéra» sur le Huffington Post (toujours en recherche d’amateurs) et enfin «un bon moment» sur Pieuvre.ca. Passons sur «le Yankee, la Geisha et les Platters» du Journal de Montréal (qui touche le fond mais creuse encore).

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Culture

Le marasme critique en est à ce point que La Presse se sent obligée de justifier l’avis de son très âgé critique musical, Claude Gingras, par ce paragraphe introductif: «Ayant vu trois fois la production du tandem argentin Roberto Oswald-Anibal Lapiz de Madama Butterfly à l’Opéra de Montréal, soit en 1988, 1993 et 2002, celui qui vous parle a redécouvert dans une nouvelle fraîcheur cette scénogra-

phie magnifiquement dépouillée» et cetera. Le seul franc-tireur mettant du sel dans son titre, Christophe Huss, officie sans hasard au journal Le Devoir. Ce contempteur ose titrer: «Madame Butterfly: faut-il faire semblant d’y croire?». Et pour cause, la mise en scène proposée par François Racine est commune, c’est à dire moyenne, ronronnante, sans surprise. Les interprétations voca-

les sont pour la plupart passables. Mais si vous êtes malentendant, pas de souci, dans ce décor fait de papier de riz, les lumières indiquent s’il faut sourire (rose diffus) ou pleurer (rouge écarlate). Heureusement d’ailleurs, car les performances d’acteur sont terribles. Nous ne sommes pourtant plus au XVIIe siècle, le chant et le jeu peuvent être considérés avec une égale importance! Mis à

Yves Renaud

part Allyson McHardy qui fait une Suzuki crédible, on constate ici les dégâts d’une voix non incarnée: la vacuité, l’ennui. Où sont les passions? Voir tomber, une à une, à l’eau toutes les blagues d’un livret (hormis une seule soyons honnêtes), est assez affligeant. Le temps semble long. Après l’entracte, une voisine de gauche s’endort paisiblement, bercée par la douceur du chœur à bouche fermée. Une sieste luxueuse, est-ce là tout ce que l’on peut nous servir? Pour sa première, en février 1904, Madame Butterfly avait fait un gigantesque plat à la Scala de Milan. Les spectateurs s’étaient même mis à pousser des cris de bêtes en entendant les gazouillis d’oiseaux lors de l’intermezzo du deuxième acte tant la chose leur paraissait absurde ! A-t-on cloué le bec à cette ironique basse-cour? Si la critique mollassonne qui sévit dans nos parodies de journaux est à l’image du public qui fréquente l’opéra, nous voilà bien embourbé dans notre appréciation de cet art exigeant. Qu’à cela ne tienne, le spectacle affiche complet pour les quatre représentations restantes! x

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com


expositions

La Main de L’Homme

L’atelier de Rodin exposé au Musée des Beaux-Arts de Montréal. arthur corbel

Les praticiens

Il

Ne sont pas mis en lumière que les matériaux et techniques utilisés. La vie de l’atelier est révélée en intégralité. Une œuvre aussi importante ne peut se faire seule, et Rodin, comme beaucoup d’artistes de l’époque, s’entourait de praticiens pour effectuer les tâches redondantes. Une partie de l’exposition leur rend hommage. Le plus souvent anonymes et pourtant très nombreux dans le lieu de travail que nous découvrons, leurs noms ont été effacés de l’Histoire par la célébrité de cet homme. Celui de la très talentueuse Camille Claudel apparaît de temps à autre, ici et là. Aujourd’hui encore son jaloux amant et maître préfère garder dans l’ombre celle qu’il appela son «praticien le plus extraordinaire». Pourtant, dans ces salles du MBAM, le travail de ses mains est présent partout autour de nous, comme celui de tous les autres praticiens.

Le Délit

Vittorio Pessin

s’était décrit comme «un ouvrier dont la journée ne finit jamais». La longue journée de Rodin s’est pourtant bel et bien terminée le 17 novembre 1917. Mais elle fût riche! Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) nous propose de la vivre nous-même, à travers Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier de Rodin. Présentant plus de 300 œuvres, dont de superbes prêts du musée Rodin de Paris, cette exposition est la plus importante que le Canada ait consacré au sculpteur révolutionnaire. En plus de nous faire découvrir des chefs d’œuvre, le MBAM nous propose d’observer leur processus de création. Des moules sont exposés à côté d’œuvres originales et la même sculpture peut être retrouvée dans différents matériaux et différentes dimensions. Assemblage, fragmentation, agrandissement: tout est expliqué en mots mais aussi en sculpture. Même des dessins, que Rodin définissait lui-même comme la clé de son œuvre, sont affichés.

Les mains Voilà l’obsession de Rodin. Les utiliser pour créer est ce qui le rapproche le plus du divin, ce qui le transcende, ce qui le propulse audessus des Hommes. «Dieu est un

sculpteur», disait-il. Il n’est donc pas surprenant que l’une de ses œuvres majeures, celle qui trône à l’entrée de cette exposition, ne soit autre que La Main de Dieu elle-même. Cette sculpture est l’apothéose de nombreux autres essais, dont plusieurs exemplaires sont rassemblés dans la première pièce. Main crispée, main inerte, main protégeant le vide… Le visiteur peut se rendre compte du labeur nécessaire à la création d’un tel chef d’œuvre. Et ce n’est pas le seul qu’il pourra observer. Car le fameux Penseur, représentant le florentin Dante Alighieri qui contemple son œuvre, est l’un des autres invités de marque de cet événement. Les figures de Dante et de sa Divine Comédie sont une source d’inspiration importante pour Rodin. La statue dans sa première forme avait d’ailleurs été créée pour orner la non moins fameuse Porte de L’Enfer, qui reprend beaucoup des neuf cercles de l’Enfer imaginés par le poète dans son livre. L’omniprésence du Penseur en dit beaucoup sur l’artiste. Sans doute le maître aspirait-il à l’apaisement de sa sculpture, à cet instant hors du temps au cours duquel, tel Dante, il pourrait admirer l’ensemble de sa propre création. Cette exposition est notre chance de faire de même. x

Rêves de guerre

Jacques Pugin expose Les Cavaliers du Diable pour le Mois de la Photo. Yves boju

Le Délit

«A

llez viens, on est bien!» Voilà ce que ne dirait pas l’exposition de Jacques Pugin sur les dégâts de la Guerre du Darfour. Elle dirait plutôt qu’il est possible d’appréhender la douleur et le mal de manière esthétique. Dans le cadre du Mois de la Photo de Montréal, divers photographes nous invitent à réfléchir sur un thème plus global que celui de leurs propres expositions: celui de la condition post-photographique. Késako? La remise en question de l’art photographique face à la sursaturation d’images, de ses canons qui évoluent au fur et à mesure que nous valorisons de plus en plus l’accessibilité à l’image par rapport au contenu de l’image elle-même, et enfin du rôle de l’auteur qui fait face à sa propre évolution en une période de temps minime. Jacques Pugin est un artiste qui fait valoir son point de vue sur cette évolution dans Les Cavaliers du Diable, présentement au Centre Phi. Il utilise tout d’abord des images qui ne sont pas ses propres clichés mais qui proviennent de

Google Earth: le premier pas de l’artiste post-photographique qui admet l’évolution. Ces clichés représentent à l’origine des traces noires sur fond de sable rouge, vestiges des ruines des maisons et des clôtures de villages victimes de guerre civile. En leur appliquant un double-traitement, Pugin transforme ces images de manière singulière. Il retire d’abord les couleurs des photographies puis les inverse: le noir devient blanc et le blanc devient noir, ce qui laisse apparaître des formes à priori incompréhensibles mais qui révèlent finalement leur sens avec plus d’explications. Pugin explique donc: «D’habitude on fait des photographies de guerre où on montre des gens qui se font tuer, moi je voulais faire une image […] qui représente autre chose, presque des voûtes célestes.» À première vue, c’est en effet l’impression que donnent ces images noires tachetées de lumière. La tête dans les étoiles, on pourrait seulement se dire «c’est beau», se promener pour voir les œuvres les unes après les autres puis repartir en ayant l’impression d’avoir passé une nuit d’été allongé dans l’herbe à contempler le ciel. On pourrait, oui. Seulement chaque image est

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com

accompagnée de sa description qui nous ramène aussitôt sur terre. «Lieu: Angabo. Statut: Détruit. Structures détruites: 1000 sur 1000. Année de l’attaque: 2006.» Un frisson très semblable à celui de la première lecture du Dormeur du Val de Rimbaud, celui qui vous fait froid dans le dos. Ces clichés ne mettent pas fin à l’éternelle réactualisation des problèmes de la guerre mais

arment nos questions de sens artistique pour les voir d’une manière différente. «Tout ce qui était brûlé et noir devient blanc comme le passage du feu symboliquement parlant.» L’engagement de l’artiste par des moyens actuels et la recherche du symbolique sont sans doute deux représentations du nouveau rôle du photographe d’aujourd’hui. La ma-

nière dont l’exposition de Jacques Pugin ouvre le dialogue à la fois sur la post-photographie et sur la guerre peut être considérée comme remarquable car elle nous étonne, nous fait rêver mais nous positionne aussi face à l’abîme. x

Mois de la Photo de Montréal du 10 septembre au 11 octobre.

Chloé Mour

Culture

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Entrevue

«Il faut obtenir le gel des investissements» Désinvestissons McGill (Divest McGill, ndlr) tient du 21 au 25 septembre une semaine sans énergie fossile afin de promouvoir la justice climatique. Plusieurs événements sont organisés dont différentes discussions et un rassemblement lors du débat des chefs. Le Délit les a rencontré pour l’occasion.

L

e Délit (LD): D’abord, pour un lecteur qui vous connaît mal, voire pas du tout, pouvez-vous expliquer en bref le but de votre organisation? Désinvestissons McGill (DM): Désinvestissons McGill a été lancé il y a environ trois ans. L’idée, c’est de demander à l’administration de l’université McGill de retirer ses investissements des énergies fossiles. L’université a une dotation d’environ 1,3 milliard de dollars et, là-dessus, environ 70 millions sont investis dans les énergies fossiles. Si on fait une telle demande, c’est parce que les entreprises qui exploitent les énergies fossiles violent les droits de l’Homme et détruisent l’environnement. En investissant dans ces entreprises, l’université continue de promouvoir un système qui n’est pas durable. Donc, l’idée d’une campagne de désinvestissement, c’est de stigmatiser les entreprises d’énergies fossiles en ayant des institutions comme les universités qui désinvestissent.

«Les entreprises qui exploitent les énergies fossiles violent les droits de l’Homme et détruisent l’environnement.» LD: Sur les trois ans de votre existence, quelles ont été les démarches entreprises et surtout, leurs résultats? DM: Il y a trois ans, on a présenté une pétition à l’administration de l’université qui demandait un désinvestissement sous motif d’atteinte aux droits de l’homme. Pourtant, la pétition fut refusée parce que le Comité de conseil en matière de responsabilité sociale (CAMSR, Committee to Advise on matters of Social Responsability) a jugé que les preuves étaient insuffisantes alors que les preuves sont accablantes dans le monde entier. L’année suivante, au lieu de présenter à nouveau une pétition avec le même genre de demande, on a décidé de pousser l’administration (CAMSR) à intégrer les atteintes à l’environnement au domaine des responsabilités sociales plutôt que comme une atteinte aux droits de l’homme. L’opération fut un succès. L’année dernière, ensuite, on a refait une pétition avec plus de 1 400 signatures, on a réuni plus de cent professeurs de l’université qui ont signé une lettre appuyant notre pétition en plus de présenter au conseil un dossier de recherche de plus de 150 pages contenant un bon nombre de preuves concernant ces violations des droits de l’Homme et atteintes à l’environnement. Ils ont donc étudié la

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entrevue

Zaliqa rosli

pétition et nous ont demandé de leur faire une présentation en avril dernier. On leur a ensuite donné une date limite de six mois pour prendre une décision concrète sur le désinvestissement. Ils nous ont reçus en mai dernier pour qu’on réponde à leurs questions. Ensuite, ils ont voulu demander à la Société Royale du Canada de leur fournir une deuxième recherche sur le sujet, ce qui aurait pu rallonger le délai de 6 mois ou 1 an et demi, mais avec l’aide des professeurs leur initiative fut abandonnée. Il y a une semaine, on a envoyé une lettre au conseil d’administration pour leur demander de geler tous les nouveaux investissements dans les énergies fossiles pendant les négociations et pendant les délibérations sur la question du désinvestissement. LD: Le lundi 21 septembre débutera votre semaine sans énergies fossiles (Fossil Free Week), quels en sont les objectifs? DM: L’objectif final de la semaine c’est d’obtenir le gel des investissements. C’est pour cela qu’on a envoyé notre lettre. Maintenant, l’objectif plus global c’est vraiment de provoquer une prise de conscience dans la communauté. À cet effet, nous organiserons, avec l’aide de professeurs notamment, plusieurs conférences pour expliquer la situation, mais aussi éduquer les McGillois sur les questions d’environnement. D’un autre côté, on veut aussi montrer le soutien de la communauté toute entière pour cette cause. On essaie réellement de réunir, non seulement les étudiants, les professeurs et les employés du campus, mais on invite aussi toute la communauté montréalaise. Tout le monde est bienvenu pour soutenir la cause. On veut également démontrer que les campagnes de désinvestissement, c’est quelque chose de mondial. Présentement, il existe plus de 1 200 campagnes dans le monde et plusieurs d’entre elles ont déjà réussi. Plus de 200 institutions ont déjà désinvesti; on

ne peut même pas donner de nombre exact parce que ça augmente constamment. Par exemple, la fondation Rockefellers’est désinvesti du charbon tout comme le fonds de pension de la Norvège. Aussi, plusieurs institutions soutiennent le désinvestissement comme les Nations-Unies. Plus il y a d’institutions qui désinvestissent, plus il y a de données économiques utilisables pour les campagnes qui se poursuivent encore.

«On essaie réellement de réunir, non seulement les étudiants, les professeurs et les employés du campus, mais on invite aussi toute la communauté montréalaise.» LD: Si jamais, dans un avenir proche, le désinvestissement réussit à l’université, qu’arrivera-t-il à votre groupe? DM: Si on arrive à notre but, qui est quand même le désinvestissement total des énergies fossiles… il y aurait une célébration, c’est certain. Après, je pense que Désinvestissons McGill a assimilé quand même beaucoup d’expérience. On pourrait aider d’autres campagnes de désinvestissement, il y en a plusieurs autres au Canada et dans le monde entier. On pourrait également se pencher sur la question des investissements. LD: Que suggérez-vous à McGill en terme d’alternatives aux industries pétrolières? DM: On n’a pas d’alternatives. Déjà, ça nous a pris trois ans pour obtenir des délibérations sur le désinvestissement. On ne veut pas en plus leur demander d’investir dans des compagnies très ciblées.

Évidemment, on leur conseille d’investir cet argent dans des compagnies socialement responsables et des énergies renouvelables fondamentalement bonnes pour la société. Dans notre mandat, on essaie aussi d’éviter cet aspect économique parce que McGill emploie des investisseurs professionnels pour faire leurs placements et que en tant qu’étudiants, ils ne nous considéreraient pas sérieusement. Ceci dit, en août dernier, on a rencontré l’administration justement sur ces questions économiques. On s’est donc penché sur les rapports d’instances plus professionnelles. Ainsi, un rapport de la HSBC (4e plus grosse banque du monde, ndlr) affirme que l’exploitation des sables bitumineux n’est plus rentable aujourd’hui, pas plus que l’exploitation du pétrole en Arctique. Ainsi, les arguments économiques, il y en a beaucoup, non seulement quant à l’effet du désinvestissement sur les institutions elles-mêmes mais aussi les bienfaits de désinvestir parce que depuis cinq ans on est en crise des énergies fossiles. Par contre, le CAMSR, à qui on a présenté la pétition, n’est pas sensé se baser sur des éléments économiques. Son mandat est de conseiller sur les questions de responsabilités sociales uniquement. LD: Vous êtes ici dans le bureau du Délit, vous vous adressez à nous en français. Quel est l’intérêt pour vous de tenir une semaine d’activisme bilingue? DM: Bien entendu, le campus est majoritairement anglophone, mais on croit qu’il est important de relier le campus à la communauté de Montréal concernant cette question de justice climatique et sociale qui touche tout le monde. Si l’université McGill désinvestit, c’est quand même un gros plus pour tout le Québec et le Canada. Aussi, en avril dernier, on est allé à Harvard dans le cadre d’une semaine similaire et on ne s’attendait pas à voir autant d’individus hors campus. Des gens qui venaient de Boston ou des alentours pour soutenir la cause, des personnes âgées, des adultes, des parents avec leurs enfants. C’était vraiment extraordinaire! C’est donc ça qu’on veut promouvoir ici aussi. D’autant plus que Montréal est une ville très active en matière d’activisme et de justice sociale, économique, climatique, etc. On essaye donc de contacter des groupes hors campus qui ne sont pas du tout étudiant, comme Justice Climatique Montréal ou Greenpeace. On a aussi contacté tous les cégeps. On ne sait pas s’ils vont venir, mais ils sont invités. x Propos recueillis par

Julien beaupré Le Délit

le délit · mardi 22 septembre 2015 · delitfrancais.com


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