Publié par la Société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé.
Mercredi 21 février 2024 | Volume 114 Numéro 6.2
On mange du couscous depuis 1977.
Éditorial
Volume 114 Numéro 6.2
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Votez « OUI » pour la presse libre!
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aintenant plus que jamais, le journalisme étudiant a besoin de votre soutien pour rester en vie. Alors que Meta bloque les médias canadiens sur Facebook et Instagram depuis août dernier et que les coûts de production montent en flèche, nos journaux doivent déployer des efforts considérables pour poursuivre leurs activités de manière indépendante et libre. Contrairement aux grands journaux à but lucratif, les revenus des publications étudiantes indépendantes telles que les nôtres sont très limités, d’autant plus que nos journaux sont disponibles partout sur le campus gratuitement. Il serait alors impossible d’assurer la publication du Délit et du Daily sans les collaborateur·rice·s passioné·e·s, le personnel administratif dévoué et le soutien financier du corps étudiant. Le journalisme étudiant à but non-lucratif et indépendant doit survivre pour une raison : le droit à l’information. Une information qui n’est pas corrompue par les intérêts de différentes institutions financières dont nous pourrions dépendre. Notre responsabilité est envers vous, les étudiant·e·s. Afin de pouvoir poursuivre notre travail, nous demandons au corps étudiant de McGill de voter « OUI » au référendum de l’hiver 2024. Notre survie en dépend, car l’étau financier se resserre autour de nos cous. Irréversiblement.
Du 19 au 26 février, les étudiant·e·s du campus du centre-ville de McGill auront l’occasion de voter une proposition d’augmentation des frais de la Société des publications du Daily (SPD). La SPD est un organisme indépendant à but non-lucratif, géré par les étudiant·e·s, qui supervise la publication du McGill Daily et du Délit. Un vote majoritaire entraînerait une augmentation de 1,50$ par session pour les étudiant·e·s de premier cycle, de 6,00$ à 7,50$. Pour les étudiant·e·s de deuxième cycle il s’agirait d’une augmentation et de 1,00$ ou de 0,50$ par session, dépendamment de leur statut. La SPD n’a pas connu d’augmentation de ses revenus depuis 2010, bien que l’inflation au Canada soit d’environ 39,72% depuis cette date. Pour mettre ce chiffre en perspective, couvrir des frais de 6,00$, ce qui correspond à ce que les étudiant·e·s de McGill payent depuis 2010, nécessiterait en réalité 8,39$ en 2023. N’ayant pas reçu d’augmentation des frais tenant compte de l’inflation, les équipes éditoriales ont dû redoubler d’efforts et faire des sacrifices. Ce semestre, nous avons dû supprimer, pour la première fois, plusieurs éditions en raison du manque de moyens. L’inflation ne régressant pas, et les coûts de production augmentant peu à peu, l’augmentation des cotisations est vitale pour assurer la pérennité des deux journaux. Le journalisme étudiant est essentiel au maintien d’une culture démocratique sur le campus, étant donné qu’il permet un accès libre à l’information
depuis plus de 50 ans et permet à tous·tes de nourrir les débats. Le Délit, seul journal rédigé entièrement en français de McGill, fait partie de l’héritage de l’Université depuis 1977. Il a reçu de nombreux prix dans le domaine du journalisme étudiant de langue française, dont le Prix du Devoir de la presse étudiante en 2016. The McGill Daily, quant à lui, fait partie de l’héritage de McGill depuis plus de la moitié de l’existence de l’Université, ornant ses kiosques à journaux depuis 1911. Il compte parmi ses anciens éditeurs Léonard Cohen et Irving Layton, qui ont mené des carrières littéraires florissantes. Le travail des générations passées et présentes de collaborateur·rice·s du Délit et du Daily a abouti à la constitution d’archives inestimables sur les réalisations des étudiant·e·s, et il est impératif que nous donnions aux générations futures la possibilité de poursuivre ce travail.
Éditorial
Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Marie Prince Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Camille Matuszyk Actualités actualites@delitfrancais.com Vincent Maraval Layla Lamrani Ysandre Beaulieu Culture artsculture@delitfrancais.com Hugo Vitrac Jade Lê Société societe@delitfrancais.com Jeanne Marengère Titouan Paux Environnement environnement@delitfrancais.com Adèle Doat Juliette Elie
L’augmentation des cotisations proposée entrerait en vigueur au début du semestre d’automne 2024, et elle resterait en place jusqu’à l’hiver 2028. Son succès ouvrirait de nombreuses portes pour le journalisme étudiant à McGill, et serait déterminant dans la lutte contre de nombreux défis, notamment ceux posés par le projet de loi C-18. Également connu sous le nom de Loi sur les nouvelles en ligne, le projet de loi C-18 a conduit des entreprises telles que Google et Meta à refuser d’afficher des liens vers des nouvelles canadiennes sur leurs plateformes.
Visuel visuel@delitfrancais.com Clément Veysset Rose Chedid
Le journalisme étudiant perpétue l’héritage de notre talentueux corps étudiant, et il est essentiel que nous honorions leurs réalisations en assurant l’avenir de la presse étudiante de McGill. Si vous croyez en l’importance du journalisme indépendant et libre, et souhaitez voir perdurer une plateforme qui permet à tous·tes les étudiant·e·s de faire entendre leur voix, de partager leur perspective sur l’actualité et de diffuser leurs réalisations artistiques, mais aussi si vous croyez en l’importance d’un accès libre à l’information pour tous·tes les étudiant·e·s, alors soutenez-nous. Votez « OUI » au référendum de la SPD qui se tient depuis le 19 février et se terminera le 26 février. Nous travaillons chaque semaine, sur des enquêtes, des articles d’actualité et nous vous faisons découvrir la scène culturelle montréalaise, pour que nous puissions tous·tes avoir la possibilité de comprendre notre campus et la vie montréalaise, ainsi que les enjeux qui touchent le corps étudiant.
Contributeur·rice·s Eliott George-Grondin, Marion Lefebvre, Édouard Montagne, Philippine D’Halleine.
Le Délit porte en son cœur une rigueur et une passion qui se transmettent depuis 1977. Sans un résultat positif au référendum, notre travail sera de plus en plus difficile à exercer, et la pérennité de ce journal à l’importance capitale pour la représentation étudiante sur la scène médiatique montréalaise, sera peu à peu remise en cause. Au nom de la liberté de la presse, votez « OUI ».x
The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Olivia Shan
équipe éditoriale du daily et marie prince Rédactrice en chef
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RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau 107 Montréal (Québec) H3A 1B5 Téléphone : +1 514 398-6790
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Conseil d’administration de la SPD Olivia Shan, Emma Bainbridge, Asa Kohn, Letty Matteo Camille Matuszyk, Marie Prince.
Les opinions exprimées dans les pages du Délit sont celles de leurs auteur·e·s et ne reflètent pas les politiques ou les positions officielles de l’Université McGill. Le Délit n’est pas affilié à l’Université McGill. Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé. L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mercredis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans le journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
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Élections en Indonésie : entre autoritarisme et renouveau Prabowo Subianto remporte les élections présidentielles. LAYLA LAMRANI Éditrice Actualités
Rose chedid | Le délit
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e 14 février dernier, les Indonésiens se sont rendus aux urnes pour élire leurs prochains président et vice-président. En une journée, plus de 205 millions de suffrages ont été exprimés dans le pays avec le plus grand nombre de musulmans au monde. Prabowo Subianto, et son vice-président, Gibran Rakabuming Raka ont finalement remporté les élections. Avec une tendance de recul démocratique global et dans un climat marqué par la jeunesse de la démocratie indonésienne, la transition des 32 ans de dictature de Suharto date de seulement de 1998 ; ces élections marquent un chapitre décisif dans la politique indonésienne. Afin de mieux comprendre le contexte des ces élections et ce qu'implique l'arrivée au pouvoir de Prabowo, Le Délit s’est entretenu avec Erik Kuhonta, professeur au département de sciences politiques à l’Université McGill et expert en études de l’Asie du Sud-Est. L’importance de ces élections Ces élections dans la troisième plus grande démocratie du monde ont été suivies de près par de nombreux médias et gouvernements internationaux. L’Indonésie, située en Asie du Sud-Est, compte 273 millions d’habitants, dont 205 millions pouvant voter, répartis sur plusieurs milliers d’îles. Face aux nombreux et importants défis de développement, dont les inégalités économiques croissantes et les enjeux environne-
avec la Chine, donc géopolitiquement ce pays est très important dans sa relation avec les pays occidentaux. » Il ajoute par ailleurs que l’Indonésie a été présidente de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) jusqu’en 2023, ce qui en fait un pays d’autant plus influent à l’échelle régionale. L’héritage présidentiel Depuis 2014, Joko Widodo, communément appelé Jokowi, ancien gouverneur de Jakarta, est à la tête de la démocratie Indonésienne. Son mandat présidentiel a été marqué par une croissance économique annuelle supérieure à 5%. Le plan de développement économique de Jokowi s’est concentré sur l’exploitation
« L’entrée en politique de Gibran donne l’opportunité à Jokowi de créer une dynastie politique, phénomène récurrent en Asie du Sud-Est, comme en Philippines et Thaïlande [ ... ] » mentaux qui ont forcé le déplacement de la capitale vers une autre île ; ces élections représentent un moment charnière pour le futur de l’Indonésie et de sa population. Interrogé sur la dimension internationale de ces élections, Professeur Kuhonta a souligné leur importance à une échelle globale: « L'Indonésie est un pays très stratégique pour les États-Unis à cause de leur rivalité
des ressources naturelles du pays, dont le pétrole et le charbon, ainsi que la création de nouvelles infrastructures routières et ferroviaires. De plus, au cours de sa présidence, Widodo a débuté le projet pharaonique du déplacement de la capitale Jakarta vers l'île indonésienne voisine, Bornéo. Si Jokowi a été un innovateur dans le développement économique du pays, professeur Kuhonta nous a fait part de l’au-
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tre réalité de la présidence de ce dernier. En effet, le professeur nous explique qu’à l’arrivée en politique de Jokowi, ce dernier était perçu comme réformiste et différent des élites traditionnelles. En revanche, professeur Kuhonta note qu'« on a vu rapidement qu’il n’était pas très différent des autres politiciens. Il a notamment réprimé la société civile. Les analystes remarquent aujourd’hui que la démocratie indonésienne a subi un recul démocratique [donc un déclin graduel de la qualité des démocraties et de leurs institutions, ndlr]. » Les acteurs clés Le 14 février, avec plus de 55% des votes, c’est Prabowo Subianto et Gibran Rakabuming Raka qui se sont imposés comme président et vice-président respectivement. Ces deux hommes politiques ne sont pas inconnus de la scène indonésienne : Prabowo, âgé de 72 ans, est l’actuel ministre de la Défense et ancien commandant des forces spéciales (Kopassus) du régime autoritaire de Suharto . Le professeur Kuhonta explique ce que Prabowo à la présidence représente pour l’Indonésie : « Prabowo est très autocratique, ce n’est pas un général pragmatique et rationnel, il était aussi l’une des figures les plus autoritaires dans le régime de Suharto. » En effet, cet ancien général est accusé d'avoir bafoué de nombreux droits de l’Homme au cours de l’invasion indonésienne du Timor Oriental durant les années 1980, où 200 000 civils avaient été tués. Il est aussi accusé d'avoir participé à l’enlèvement de 22 partisants pro-
démocratie en 1998, dont 13 sont encore portés disparus à ce jour. Le professeur note aussi que Prabowo a contesté les résultats des élections à deux reprises, en 2014, puis en 2019, après avoir perdu à la course présidentielle contre Jokowi, indiquant clairement que Prabowo « ne croit pas au processus démocratique ». Aux côtés de Prabowo, Gibran Rakabuming Raka, fils de l’actuel président indonésien Jokowi et maire de Surakarta, est devenu le plus jeune vice-président de l’Indonésie, et ce, pour des raisons constitutionnelles. En effet, l’âge minimum pour se présenter à la présidence ou vice-présidence en Indonésie est de 40 ans, rendant donc Gibran, 36 ans, théoriquement non-éligible. Cependant, la cause a été contestée devant la Cour constitutionnelle et la règle a été modifiée afin de diminuer l'âge d’admissibilité aux élections présidentielles à 36 ans aux personnes ayant une expérience ultérieure dans la fonction publique. Étant maire de Surakarta depuis plus de deux ans, Gibran Rakabuming Raka a coché toutes ces cases et est devenu le partenaire politique de Prabowo. Cette baisse de l’âge d’admissibilité a été à l’origine d’une polémique dans le pays puisque le président de la cour constitutionnelle était le beau-frère de Gibran. La course à la vice-présidence de Gibran a donc été marquée d'accusations de népotisme dû au changement constitutionnel affairé à son égard et le soutien politique de son père. De plus, le fait que le fils de Jokowi puisse accéder au pouvoir directement après le mandat de son père inquiète la population
indonésienne. L’entrée en politique de Gibran donne l’opportunité à Jokowi de créer une dynastie politique, phénomène récurrent en Asie du Sud-Est comme en Philippines et en Thaïlande et de maintenir une certaine influence en politique après la fin de son mandat par l’entremise de Prabowo et de Gibran. Professeur Kuhonta note que cela est peut probable, car : « Prabowo est beaucoup trop puissant lui-même. Ce n’est pas Jokowi qui va l’influencer dans ses aspirations.» Il est aussi important de noter que Jokowi et Prabowo ont été ennemis politiques de longue date, ayant des idéologies politiques drastiquement différentes. En 2019 le président a coopté Prabowo dans sa coalition comme ministre de la Défense citant des « raisons d'unité nationale ». C’est suite à cette union que Prabowo a formé une alliance avec Gibran, le fils de Jokowi, afin de devenir président en 2024. Le professeur Kuhonta note que cette union à été établie en partie pour la raison suivante : « Pour Prabowo, Gibran légitimisait sa campagne, et lui donnait l'appui d'un président populaire comme Jokowi. » Cette légitimation est importante en raison du passé contesté de Prabowo au sein du régime dictatorial de Suharto. Le futur de l’Indonésie Durant cette campagne électorale, Prabowo a mis en avant un plan d’action ayant comme principaux buts le développement des hôpitaux, les repas gratuits pour tous les écoliers et l’amélioration des services sociaux, nous explique le professeur Kuhonta. Prabowo a aussi insisté sur le désir de continuer les réformes économiques et de développer les infrastructures que Jokowi a mis en place depuis 2014. Afin de gagner le vote du public, il a travaillé son image à travers une campagne sur les réseaux sociaux comme sur la plateforme TikTok dans le but de de se donner l’image d’une figure paternelle et inoffensive en laquelle le peuple indonésien pourrait faire confiance. Le professeur Kuhonta explique que Prabowo a beaucoup joué sur la jeunesse au sein du pays : « Les jeunes ne se rappellent pas du règne autoritaire de Suharto et cela joue en sa faveur. » Ses efforts ont porté leurs fruits. Prabowo remporte la majorité, plus de 30 ans après le règne autoritaire de Suharto auquel il a activement contribué. x
Actualités
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campus
Grève des professeur·e·s de la Faculté de droit
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Entrevue avec le président de l’Association mcgilloise des professeur·e·s de droit.
ardi 13 février, l’ensemble des professeur·e·s de droit de McGill, uni·e·s au sein de l’Association mcgilloise des professeur·e·s de droit (AMPD), ont fait grève, provoquant l’annulation de tous les cours de la faculté pour l’entièreté de la journée.
Fox-Decent, professeur de droit à McGill depuis 2005, et actuellement président de l’AMPD. Des négociations difficiles « Depuis novembre 2022, nous tentons de négocier une convention collective avec McGill pour le bénéfice de nos membres ; et dans l’intérêt, bien sûr, de l’ensemble de la communauté mcgilloise (tdlr). » Concrètement, cette convention collective aurait pour but de mieux protéger les professeur·e·s de la Faculté de droit, en les unissant au sein d’une convention commune entre ces dernier·ère·s et l’Université. En effet, le professeur Fox-Decent explique qu’ aujourd’hui « presque aucun·e professeur·e [d’autres universités, ndlr] ne travaille dans le cadre d’une convention collective. Nous travaillons sur la base d’un contrat individualisé avec McGill, qui stipule que nous sommes soumis·e·s aux règlements de l’Université, qui peuvent changer de temps à autre. »
Officiellement créée en 2021 et accréditée en 2022, l’AMPD est le premier syndicat de professeur·e·s de l’Université McGill. Ses mandats sont pluriels, et comprennent notamment un engagement à « être une voix indépendante et collective du corps enseignant [de la faculté de droit, ndlr] » à « promouvoir un environnement de travail positif et encourageant », et, de manière plus particulière à « obtenir la certification en tant qu’unité de négociation exclusive de nos professeur·e·s et négocier la toute première convention collective entre les professeur·e·s et McGill ». Ce dernier objectif a été central aux actions de l’association depuis sa création. Les difficultés rencontrées dans ce processus de Les revendications de l’AMPD dans négociation avec McGill ont suscité ces négociations se rapportent plus la consternation chez les membres spécifiquement aux conditions de de l’AMPD, les poussant finalement PAP MANIF11 Le Délit 6x7in-FR_HR.pdf 1 2023-12-20 12:08 travail, à la gouvernance de la faculté à réaliser une grève comme dernier et aux propositions monétaires. appel. Le Délit a rencontré Evan
Le syndicat demande notamment des améliorations sur les conditions d’emploi et d’enseignement, une hausse des salaires, des avantages sociaux et encore, une rémunération au mérite. Néanmoins, ces négociations ne se déroulent pas comme le syndicat le souhaitait. Le professeur FoxDecent nous explique : « Ces négociations ont débuté il y a plus d’un an. Malheureusement, au cours de cette année, nous avons été confronté·e·s à des retards systématiques. L’administration reporte ou annule des réunions, et nous donne très peu de dates pour nous asseoir à la table des négociations. Et lorsque nous nous rencontrons, McGill s’engage systématiquement dans ce que l’on appelle parfois des négociations de surface. Nous passons, par exemple, une journée entière avec eux, à nous demander ce que nous entendons par tel ou tel mot. » Le professeur explique que la grève a donc pour but premier de dénoncer ce manque de coopération de la part de l’Université dans les négociations, en particulier les retards constants, ainsi que la trop faible fréquence des discussions. « La prochaine date qu’ils nous ont proposée pour négocier est le
22 mars, ce qui est tout simplement scandaleux. La norme dans ce secteur, et la norme générale pour les négociations collectives, est de rencontrer les parties au moins une fois par semaine, afin de maintenir l’élan. En-deçà, il est très difficile de réaliser des progrès substantiels. » Fox-Decent ajoute que la grève a aussi été motivée par un désaccord sur le contenu des négociations en elles-mêmes. « Nous sommes parvenu·e·s à un accord, pour l’essentiel, sur la substance de ces dispositions [...] mais McGill refuse d’intégrer ces réglementations dans une convention collective qui les contraint [‘‘binding ’’, en anglais, ndlr]. » En effet, la structure de la convention souhaitée par McGill pourrait s’avérer détrimentale pour les membres de l’AMPD : « Ils [l’administration, ndlr] insistent sur le fait que s’ils le souhaitent, au cours de la durée de la convention collective, ils pourraient en modifier les termes. Cela nous rend nerveux·euses, nous nous demandons, en quelque sorte, ce qu’ils ont en tête. » Le professeur ajoute que cet arrangement déséquilibré souhaité par McGill rend la signature de la convention légalement impossible pour l’AMPD. « Notre devoir de représenter nos membres nous interdit de signer une convention collective qui permettrait à l’autre partie d’en modifier les termes ou d’en imposer de nouveaux à sa seule discrétion. Même si nous voulions la signer,nous ne pourrions pas le faire légalement. » La manifestation
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Pour exprimer leur colère, l’ensemble des professeur·e·s de la Faculté de droit de l’Université ont donc fait grève pendant toute la journée de mardi, après avoir voté cette décision de mobilisation en décembre dernier. Les professeur·e·s ont piqueté, bloquant ainsi les deux entrées de la Faculté de droit. « Aucun cours n’a été donné pour autant que nous le sachions. Nos collègues, tous·tes les professeur·e·s à temps plein, sont resté·e·s à l’écart. Les étudiant·e·s ne voulaient pas franchir le piquet de grève. La Faculté de droit a donc bien été fermée ». Aux alentours de midi, les professeur·e·s regroupé·e·s se sont par la suite dirigé·e·s vers le bâtiment de l’administration, devant lequel ils·elles ont manifesté, et certain·e·s ont pris la parole. Le professeur Fox-Decent souligne l’ambiance positive ressentie au cours de la journée, et le soutient que d’autres professeur·e·s, n’appartenant pas à la faculté de droit, et les élèves leur ont apporté. « Un très grand nombre de personnes nous ont soutenu toute la journée. [...] Nous avions des membres de MAUT
[Association des professeur·e·s et bibliothécaires de McGill ndlr], des membres de MCLIU, le syndicat des chargé·e·s de cours de McGill, et un important contingent d’au moins sept ou huit collègues de la Faculté d’éducation. De nombreux collègues d’autres facultés, dont celle des arts et celle d’ingénierie, ainsi que des représentants de la Fédération des professeur·e·s du Québec et de l’Association canadienne des professeur·e·s d’université sont venu·e·s rejoindre les piquets de grève afin de nous soutenir. [...] C’était une atmosphère très festive, une sorte de carnaval. Tout le monde s’est beaucoup amusé. Nous avions des mégaphones, des cloches, des bruiteurs et un haut-parleur Bluetooth. Nous avons pu chanter des chansons syndicales amusantes toute la journée. De plus, nous avons eu la chance de bénéficier d’une belle journée ensoleillée et de ne pas avoir trop froid. » La réaction de l’Université Le professeur nous apprend la réaction atypique de l’université face à cette grève. « McGill a réagi sans nous prévenir. Ils nous ont coupé l’accès à nos courriers électroniques, Onedrive et MyCourses dès minuit, le jour de la grève. Nous avons donc été complètement bloqué·e·s. Nous n’avions pas accès à nos courriels, ni à quoi que ce soit d’autre, et il n’y avait aucun moyen pour les étudiant·e·s de communiquer avec nous pendant toute la journée. » Pour le professeur, l’administration a « en quelque sorte procédé à un verrouillage électronique assidu et minutieux » des membres de l’AMPD, sans même prévenir ces dernier·ère·s de la mise en place d’une telle mesure. Et maintenant? Aujourd’hui, les négociations entre l’AMPD et l’administration de McGill sont toujours en cours. Le professeur Fox-Decent conclut : « Tout ce que nous voulons, c’est amener McGill à la table, pour négocier de bonne foi avec nous, afin d’obtenir une convention collective. Nous avons dit à McGill que si nous n’avons pas de convention collective d’ici le 15 avril, nous referons grève. » En décembre, les membres de l’AMPD ont voté pour cinq jours de grève pouvant être utilisés de manière consécutive ou individuelle. Le syndicat dispose donc encore de ce recours pour défendre leur cause. Les prochaines négociations entre l’AMPD et McGill auront lieu le 22 mars prochain. Malgré une demande du Délit, l’administration de McGill n’a pas souhaité faire de commentaire.x vincent maraval Éditeur Actualités
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
QuÉbec
Un indépendantisme solidaire Une nouvelle campagne de Québec Solidaire promeut la souveraineté auprès des jeunes.
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e 9 février dernier, Québec Solidaire, parti politique de gauche dirigé par les co-porte-paroles Gabriel NadeauDubois et Émilise LessardTherrien, a annoncé une campagne destinée à rallier les jeunes au projet indépendantiste québécois.
fesseur Bélanger explique que « le meilleur catalyseur d’appui pour le projet souverainiste au Québec a toujours été un sentiment de colère ou d’indignation vis-à-vis des autres partenaires canadiens ». Il poursuit qu’une telle crise n’est pas
Pourquoi maintenant?
Et l’opinion étudiante?
Québec Solidaire, affirme le professeur Bélanger, « cherche à réagir à la montée en popularité du Parti Québécois, et donc à ne pas laisser ce parti occuper seul
Bien qu’il soit trop tôt pour déterminer la popularité du projet indépendantiste Solidaire, Le Délit a discuté avec trois jeunes québécois·e·s (18-34 ans),
De nouveaux arguments Le projet proposé consiste en quatre étapes. Il demande l’élection d’un gouvernement solidaire, la création d’une assemblée représentative de la société québécoise, le développement d’une constitution à l’image de l’opinion et des inquiétudes du peuple québécois, et finalement, la déclaration de l'indépendance de ce nouveau pays. La campagne établit un nouveau visage à l’argument souverainiste. En effet, l’idéologie est souvent associée à une vision anti-immigration tenue par une tranche de la population âgée qui avait l'âge de voter lors des deux premiers référendums sur l'indépendance du Québec en 1980 et en 1995. Lors d’une entrevue avec RadioCanada, Ruba Ghazal, députée solidaire à la tête de cette nouvelle campagne, explique vouloir avancer une vision plus progressiste de la souveraineté. En effet, celle-ci met en lumière des enjeux précédemment exclus du discours indépendantiste, tels que l’importance des relations de nation-à-nation avec les populations autochtones en territoire québécois.
toute la place concernant le projet de souveraineté ». En effet, le Parti Québécois gagne rapidement en popularité, surtout auprès du jeune électorat : en décembre 2023, 40% des jeunes disaient voter pour Québec Solidaire, et 23% pour le Parti Québécois, contre
Marianna, Alex* et Jess, pour mieux comprendre ce qui les attire dans la souveraineté québécoise, mais aussi leur réticence à s’embarquer dans un tel projet. Marianna explique que pour elle-même et son entourage, l’en-
« Le meilleur catalyseur d’appui pour le projet souverainiste au Québec a toujours été un sentiment de colère ou d’indignation Attrait auprès d’un jeune public vis-à-vis des autres partenaires canadiens » La campagne lancée cible un
public jeune, auprès duquel le projet indépendantiste semble présentement avoir moins d’attrait. La nouvelle génération n’a pas vécu la période des référendums, et est moins préoccupée par l’idée d’un Québec indépendant. Éric Bélanger, professeur en sciences politiques à l’université McGill écrit au Délit : « Il est certain que ce projet a le potentiel de devenir attrayant s’il est arrimé de manière convaincante aux préoccupations (notamment environnementales) de la jeune génération actuelle. » C’est ce que Québec Solidaire tente, en notant dans leur plan qu’un Québec indépendant serait libre de passer des lois plus progressistes sur l’environnement, qui seraient autrement contraintes par la séparation constitutionnelle des juridictions. Bien que la vision avancée soit importante au succès d’un mouvement pro-souverainiste, l’attention doit être aussi portée au contexte socio-politique. Le pro-
Professeur Éric Bélanger à un fédéralisme asymétrique, c'est-à-dire un fédéralisme adapté aux spécificités du Québec.
36% et 27% en février 2024, respectivement, selon un sondage publié par la firme Léger.
Éric Bélanger note cependant la possibilité de points de friction importants entre le gouvernement québécois et le gouvernement fédéral. Il identifie notamment la potentielle décision de la Cour Suprême du Canada sur la constitutionnalité de la Loi 21. Cette loi sur la laïcité, pour laquelle le gouvernement caquiste de François Legault a invoqué la clause nonobstant, fait polémique depuis son adoption en 2019. Le prononcement d'un jugement défavorable à la Loi 21 par la Cour « pourrait offrir un potentiel de choquer plusieurs Québécois ». En effet, cette loi, parfois perçue comme renfort du caractère distinctement laïque de la province, pourrait être source de tension entre le Québec et le Canada si la Cour Suprême émettait un jugement défavorable à l’opinion québécoise.
La décision de lancer cette campagne n’est pas exclusivement stratégique. Elle est également fondée dans une réelle conviction idéologique au sein de Québec Solidaire que l'indépendance du Québec est un projet fondamental pour la province. Comme Bélanger le fait remarquer, Émilise LessardTherrien, nouvelle co-porte-parole du parti depuis juin 2023, adhère ouvertement au souverainisme depuis longtemps. Bélanger explique que cette croyance tenue par plusieurs membres influents du parti se traduit en « une croyance que les jeunes Québécois peuvent se laisser convaincre du bien-fondé et de la nécessité du projet ». Toutefois, il note qu’il est trop tôt pour déterminer si l’idée gagnera de la traction au sein de cette tranche de la population.
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
Alex trouve la proposition solidaire plus attirante. Iel adhère particulièrement à l’idée d’un Québec plus progressiste, qui n’est pas restreint par le reste du Canada, notamment sur des enjeux environnementaux. Iel ajoute : « J’ai plus d’attachement au Québec, à sa culture et son histoire qu'au Canada. Je parle de la culture québécoise au sens large, qui inclut les communautés immigrantes. Je pense que c’est important aussi qu’il y ait une valorisation de cette culture québécoise, et l'indépendance aiderait cela. » L'indépendance, néanmoins, ne peut pas être obtenue coûte que coûte, selon Alex. « Il y a certaines choses que nous ne pouvons pas sacrifier ou compromettre, comme la place égale des nations autochtones ou des immigrant·e·s dans un Québec indépendant », conclut-iel.
clement veysset | Le Délit en vue. En effet, les autorités fédérales gèrent avec prudence leurs relations avec le Québec depuis la période des référendums en 1980 et en 1995. Le gouvernement fédéral n’a rien à gagner de l’indignation des Québécois, et ceci se reflète dans sa politique qui a donné naissance
nécessité d’un projet d'indépendance qui rallie les québécois·e·s de toutes les origines, et conclut : « Je ne me sentirais pas représentée dans un Québec qui ne fait plus partie du Canada. ».
jeu d'indépendance n’est pas la priorité, surtout pour les jeunes issus de familles immigrantes. « Nos inquiétudes ne sont pas basées autour de l'indépendance du Québec. » Elle poursuit : « le Québec pourrait peut-être faire mieux sur le plan international s'il était indépendant, donc je pense que le projet a de la légitimité, et c’est certainement plus facile d’accrocher les jeunes avec leur vision [celle de Québec Solidaire, ndlr] altermondialiste [une pratique qui favorise une économie sociale et mieux répartie, ndlr] ». Toutefois, des enjeux identitaires trompent l'attrait de cette vision pour Marianna. Elle clarifie que « les communautés immigrantes n’ont pas vraiment de sentiment d’appartenance au Québec, et s’associent plus au Canada qu’au Québec. Il faudrait promouvoir une identité québécoise qui est plus inclusive ». Elle illustre la
Alex note également une dimension géographique à considérer avec l'approche de Québec Solidaire. « Ayant grandi en campagne avec des Québécois qui étaient tous blancs et francophones, je n’avais pas vraiment de sensibilité aux enjeux des communautés autochtones. Je ne sais pas si les arguments de Québec Solidaire sur l’importance d’inclure les nations autochtones dans le processus vont nécessairement rejoindre les jeunes qui ne sont pas sensibilisés à ces situations. » Jess, pour sa part, exprime de l’ambiguïté. « Je n’ai pas d’opinion fondée. Au niveau identitaire, je m’associe plus au Québec qu’au Canada, mais le Canada fait quand même partie de mon identité. » Jess explique douter de l’approche de Québec Solidaire vis-à-vis ses relations avec les peuples autochtones, et de l'argument environnemental. En référence au plan mis en ligne par le parti, iel explique qu'au vu de la manière dont il est présenté, « Québec Solidaire met le blâme sur le reste du Canada pour les problèmes environnementaux, alors que c’est un enjeu collectif ». Iel continue : « Ils disent trouver important de centrer les expériences des personnes autochtones, mais ils n’en parlent qu’à la fin. Est-ce l'indépendance d'abord et les peuples autochtones ensuite, ou les peuples autochtones d'abord et ensuite l'indépendance? » *Nom fictif x ysandre Beaulieu Éditrice Actualités
actualités
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CaMPUS
Suppression du poste de Floor Fellow Causes et conséquences de la décision : entrevue avec le SEOUM.
L
ors d’une réunion privée le 15 février dernier, le service des ressources humaines ainsi que Daniel Fournier, président associé de la branche « vie en résidence » du Service de Logement Étudiant et d’Hôtellerie (SLEH) de McGill ont informé les représentants du Syndicat des Employés Occasionnels de l’Université McGill (SEOUM), de la future suppression du poste de Floor Fellow. Les Floor Fellows sont des étudiants de deuxième année ou plus qui vivent dans les résidences universitaires de McGill et qui ont pour mission de servir la communauté des étudiants de première année afin de les aider à s’adapter à la vie en résidence. Mais quelles sont les raisons derrière la suppression de ce poste, et surtout, quelles en seront les conséquences? Le Délit s’est entretenu avec des membres de SEOUM pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de la décision de McGill
Rose chedid | Le délit
Une réunion froide Les membres du SEOUM expliquent que la réunion informant le syndicat de la décision s’est faite dans une ambiance très froide, qui reflète le point de vue ferme de McGill au sujet des Floor Fellows. Avec amertume, Harlan Hutt, président du SEOUM, décrit la situation : « Il y avait déjà des rumeurs qui circulaient à propos d’une telle décision depuis quelques jours. Jeudi à 15h, Daniel Fournier et des représentants des ressources humaines ont organisé une rencontre Zoom en petit comité, et ont annoncé que McGill supprimerait le poste de Floor Fellow à partir d’avril 2024, dès la fin de nos contrats. Ainsi, non seulement nous ne serons pas réembauchés, mais le poste n’existera tout simplement plus (tdlr). » La même journée, à 18h, une réunion plus générale en Zoom avise les Floor Fellows de l’abolition imminente de leur poste. Harlan déplore qu’ « encore une fois, la réunion s’est déroulée par Zoom, et les caméras et micros des participants ont été coupés volontairement par l’administration. Il n’y a eu aucune possibilité de poser des questions ou de faire des commentaires. Daniel Fournier a fait un très court discours de cinq minutes pour expliquer la décision et c’est tout, aucun échange n’a été encouragé. » Quelles sont les raisons? Une des raisons de cette décision est relativement simple, explique Harlan : « Ils [l’administration, ndlr] nous ont dit que c’était à cause de la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement québécois pour les étudiants hors-province, ainsi qu’à cause de coupes budgétaires. » La suppression du poste serait donc une question de
6 actualités
finances pour McGill. Dans un courriel du 14 décembre 2023 adressé à la communauté mcgilloise, le recteur Deep Saini avait notifié que la hausse des frais de scolarité impacterait fortement le nombre d’élèves non-québécois inscrits à l’Université, évaluant les pertes monétaires entre 42 et 94 millions de dollars canadiens par an. L’administration n’a pas précisé les gains que la suppression du poste apportera à l’Université. En revanche, Graeme Scott, vice-président du SEOUM et responsable des Floor Fellows, précise que « la valeur qu’apportent les Floor Fellows ne peut pas toujours être inscrite sur une feuille de calcul, mais elle est formidable pour plein d’autres raisons. C’est crucial à l’expérience étudiante. » Par ailleurs, McGill semble justifier sa décision par une volon-
Quelles seront les conséquences financières? Supprimer la position reviendrait à priver les Floor Fellows d’un financement crucial à leur échelle, puisque que les élèves occupant ces postes n’auront plus accès à un salaire qui leur permet bien souvent d’alléger le prix élevé de la vie et des études. La suppression du poste pourrait également impacter l’Université elle-même, tant dans son environnement social que ses finances. Kevin Batsinduka, assistant en relations du travail au SEOUM clarifie l’avantage financier que ce poste constitue pour l’Université : « Beaucoup de jeunes, surtout lorsqu’ils quittent la maison pour aller à l’université, peuvent avoir une mauvaise première ou deuxième année, et comme ils se sentent inconfortables dès le départ, ils décident d’arrêter l’université. Dans ces cas-là, souvent,
logements coûtent de l’argent, et supprimer les Floor Fellows permettrait de libérer un certain nombre de chambres, mais si vous regardez, par exemple, à mon étage [de New Residence Hall, ndlr], il y a énormément de chambres qui ne sont même pas pleines, voire complètement vides. Les étudiants qui pourraient prendre nos chambres n’existent pas. S’ils existaient, pourquoi les résidences ne sont-elles pas déjà pleines? À mes yeux, cela n’a aucun sens. » Y aura-t-il d’autres conséquences? Supprimer les Floor Fellows aura également de nombreuses conséquences humaines et sociales. Graeme développe sur sa propre expérience en tant que Floor Fellow : « Nous sommes les personnes qui vivent dans ces résidences et
« Ce n’est pas pour rien que ce poste existe dans pratiquement toutes les universités d’Amérique du Nord. En le supprimant, un préjudice irréversible sera infligé à la communauté mcgilloise » Harlan Hutt, président du SEOUM té de restructuration de la vie en résidence. En effet, dans un article du McGill Reporter datant du 16 février, le SLEH explique : « Une évaluation de la vie en résidence a montré que le rôle que [les Floor Fellows, ndlr] jouaient autrefois est aujourd’hui comblé par de nombreux autres services [...]. L’éventail des services que nous proposons aujourd’hui est très différent de ce qu’il était il y a dix ans. »
les Floor Fellows servent de mentor à quelqu’un qui aurait autrement décidé de partir. L’aide des Floor Fellows encourage ces étudiants à rester et à terminer leurs études, et donc à payer leurs frais de scolarité jusqu’au bout. » Harlan considère que cette mesure n’aura pas un impact si significatif sur les finances de McGill : « Je vais être très honnête. Nous ne sommes pas très bien payés. Certes, nos
qui sommes en contact avec ces étudiants de première année. Nous sommes le visage qu’ils associent à quelqu’un de confiance, à qui ils peuvent s’adresser lorsqu’ils ont besoin d’aide. Tout le monde a besoin d’un point de repère. Les Floor Fellows effectuent ce travail inestimable. Et ce dont nous sommes absolument certains, c’est que nous allons assister à une baisse massive du sens de communauté et de sécurité, non seulement dans les résidences, mais
aussi à McGill en général, parce que c’est dans les résidences que les étudiants arrivent à former des réseaux de soutien qui perdurent au fil de leur parcours universitaire. » Selon Graeme, l’Université estime que le système des Floor Fellows est dépassé, et compte le compenser avec des solutions qu’elle considère plus modernes, comme le Pôle bien-être étudiant ou le Bureau d’intervention, de prévention et d’éducation en matière de violence sexuelle (OSVRSE). Néanmoins, Graeme demeure sceptique quant à un tel remplacement : « Demandez à quiconque a déjà essayé de naviguer ces services s’ils sont adéquats. Regardez les commentaires sur le pôle bien-être étudiant sur Google Maps. Ils sont si mauvais que cela découragerait n’importe qui de faire une quelconque demande avec eux. » Interrogé sur les conséquences sociales du remplacement, Kevin ajoute que les étudiants internationaux pourraient se retrouver disproportionnellement affectés : « McGill a énormément d’étudiants internationaux qui viennent de très loin [environ 12 000, ndlr], il y a un nombre particulièrement élevé de personnes qui bénéficient d’un mentor, précisément parce qu’elles ne sont pas originaires d’ici. Les Floor Fellows peuvent servir de point d’ancrage pour mieux s’intégrer dans une société nouvelle. » La suite du combat Le SEOUM a confié au Délit avoir déjà fait appel à leur syndicat mère, l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour avoir des conseils légaux sur la marche à suivre afin d’empêcher l’abolition du poste. Par ailleurs, un formulaire est disponible en ligne sur le site du SEOUM, qui vise à récolter des témoignages d’étudiants et leurs expériences avec les Floor Fellows afin de confronter l’administration de McGill quant à la nécessité de préserver ce poste. Selon Harlan, les témoignages déjà récoltés sont largement positifs et condamnent la décision de McGill. Harlan conclut : « Nous allons chercher à parler aux médias, bien sûr, mais surtout à parler aux Floor Fellows, à les impliquer, à faire passer le mot à tout le monde, et nous l’espérons, à organiser des actions futures, des actions directes pour s’assurer que McGill comprenne que les Floor Fellows sont cruciaux au bon fonctionnement de la vie étudiante. Ce n’est pas pour rien que ce poste existe dans pratiquement toutes les universités d’Amérique du Nord. En le supprimant, un préjudice irréversible sera infligé à la communauté mcgilloise. » x titouan paux Éditeur Enquête
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
société societe@delitfrancais.com
OPINION
L’abandon de nos garçons
Pierre Poilièvre gagne en popularité chez les jeunes hommes à travers le pays. Elliott george grondin Contributeur
ROSE CHEDID | le dÉlit
L
es sondages se multiplient et une tendance se dessine à l’horizon : la droite et son représentant fédéral, Pierre Poilièvre, sont premiers dans les sondages. Depuis plusieurs mois, le camp conservateur creuse son avance sur le gouvernement libéral. Là où Poilièvre semble gagner beaucoup de terrain, c’est au niveau du soutien marqué dont il bénéficie auprès des jeunes hommes. Comment se l’expliquer? MeToo et nous Dans les dernières années, les hommes et le modèle patriarcal ont été mis sous la loupe. Le mouvement MeToo en est sûrement l’investigateur. Depuis son apogée, nous avons été témoins d’un mouvement international qui invitait les femmes à dénoncer leurs agresseurs sexuels. Grâce à la prise de parole de ces femmes, des discussions sur la place de la femme et dela manière dont elle est traitée se sont invitées dans nos foyers et dans le reste de la société. De plus en plus de parents ont tenu à initier une discussion sur le respect de la femme avec leurs fils. MeToo nous a confrontés à notre propre reflet dans la glace, et il va sans dire qu’il n’était pas toujours beau. La réponse masculiniste
Comme à chaque fois qu’un mouvement émerge, son contre-mouvement lui emboîte le pas. Dans ce cas, il s’agit de l’apparition d’un mouvement réactionnaire masculiniste farouchement antiféministe. En effet, en réponse au mouvement MeToo, certains influenceurs utilisant une rhétorique machiste ont surgi dans notre quotidien. Ces influenceurs ayant pour figure de proue Andrew Tate prônent une vision forte de la masculinité en réponse au mouvement féministe, qui représenterait une menace pour les hommes occidentaux. Pour eux, l’homme parfait, c’est celui qui va au gym, qui souffre en silence, qui ne fait jamais preuve de faiblesse, de sentimentalisme, et surtout de considération envers les femmes. Tate et ses sbires se sont dotés d’une fixation maladive pour les années 50 et son paradigme représentant
l’âge d’or de la masculinité et de l’homme guerrier. Toujours selon eux, les femmes seraient devenues des Marie-Madeleine à la recherche d’attention depuis la libération sexuelle et les enseignements égalitaires féministes. Celles-ci seraient animées par
à un autre, c’est impérativement parce qu’on l’enlève à d’autres. En omettant d’enseigner à nos jeunes garçons qu’en redistribuant la force de pouvoir aux femmes c’est toute la société qui en bénéficiait, nous avons créé une horde de jeunes hommes qui se sentent
réelle souffrance en utilisant des hashtags cachés dans leurs publications sur les réseaux sociaux. Ces hashtags permettaient aux conservateurs d’utiliser des codes et des normes présents dans ces groupes. Par exemple, en utilisant des mots connotés dans le milieu
« Si Poilièvre peut compter sur un appui aussi considérable chez les jeunes hommes, c’est qu’il courtise une tranche extrémiste de cette partie de l’électorat. Le chef conservateur vient consoler ceux qui se sentent délaissés par les politiciens et la société en général, en écoutant et en validant leurs théories absurdes sur le genre » un ressentiment misandre, ce qui les pousserait à vouloir remplacer l’homme dans les hautes sphères de la société. Juste à écrire ces lignes, j’en ai un haut le cœur. Malheureusement, pleins de garçons sont tombés dans le panneau. Ils voient le féminisme comme étant une mouvance fondamentalement anti-homme. Pour eux, si on accorde plus de pouvoir aux femmes à travers des politiques plus équitables, les hommes s’en trouvent forcément diminués. Au fond, c’est un raisonnement foncièrement enfantin. Comme si, lorsqu’on donne quelque chose
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
perdus et dépossédés de leurs droits fondamentaux. C’est une souffrance qu’on se doit d’adresser et de rectifier à travers l’enseignement pour le bien de la cohésion sociale. Et c’est là que la politique entre en jeu. Flirter avec le masculinisme Avec ce mouvement masculiniste, une communauté d’hommes qui se sentent désabusés par le système actuel est apparue de par la création de réseaux d’hommes partageant ce sentiment. Pierre Poilièvre l’a compris et l’utilise à son avantage. Poilièvre et son parti ont tiré bénéfice de cette
masculiniste comme MGTOW, ce qui signifie men going their own way, les conservateurs s’assurent d’apparaître sur le fil d’actualité de ces cercles misogynes. Poilièvre s’est créé un discours basé sur ces croyances pour faire écho à ses potentiels électeurs. De ce fait, il a attiré leur attention et a été le premier politicien au Canada à courtiser cette tranche de la population. Il offre un refuge politique à de jeunes hommes qui en veulent au système qui les auraient abandonnés. De plus, afin de consolider son soutien au sein de cette démographie, Poilièvre a dépeint ses
adversaires de manière à ce que les masculinistes se sentent interpellés. Il a présenté le premier ministre Trudeau comme étant un homme rose, un féministe enragé et déconnecté, bref un homme faible et soumis au mouvement féministe soi-disant extrémiste. De ce fait, Poilièvre dépeint Trudeau comme un activiste anti-homme, qui suit un agenda woke, un politicien qui voue une aversion aux hommes, les vrais, ceux qui vont au gym et qui ne pleurent jamais. Si Poilièvre peut compter sur un appui aussi considérable chez les jeunes hommes, c’est qu’il courtise une tranche extrémiste de cette partie de l’électorat. Le chef conservateur vient consoler ceux qui se sentent délaissés par les politiciens et la société en général, en écoutant et en validant leurs théories absurdes sur le genre. Poilièvre vient cautionner une rhétorique qui menace la santé et la sécurité des femmes dans notre société par des hashtags ridicules, mais qui représentent une réelle menace. À mes yeux, c’est un jeu extrêmement dangereux qui n’en vaut certainement pas la chandelle. Il attise la haine envers les femmes et cautionne les sentiments de ces masculinistes, qui intrinsèquement en veulent à celles-ci. Pour un homme qui aspire à occuper la plus haute fonction de notre nation, c’est une honte, c’est un danger pour notre démocratie. Néanmoins, je pense qu’il est primordial d’écouter les souffrances de ces jeunes hommes, parce qu’elles traduisent une réelle aliénation. Bien que je me refuse à accorder quelque crédit que ce soit à ces théories antiféministes et profondément misogynes, certains y croient et en souffrent. Ces souffrances sont perçues comme étant réelles, mais je refuse de les valider. De ce fait, une partie de nos fils se sentent perdus et déboussolés. Il serait imprudent d’ignorer cette mouvance ; des gens mal intentionnés se feraient un malin plaisir à réconforter leurs maux et sauraient sans doute les pousser à l’extrémisme. En les ignorant, nous les poussons directement dans les bras de personnes cachant un agenda dangereux. Il faut donc les écouter pour déboulonner les mythes sur l’égalité des sexes et pour assurer la pérennité du tissu social.x
société
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au quotidien
Trois recettes végétariennes à déguster Bon appétit!
adèle doat Éditrice Environnement Réduire sa consommation de viande et de poisson est une manière efficace de limiter son impact sur l’environnement et de diminuer son empreinte carbone. C’est pourJADE lÊ quoi, cette semaine, Le Délit vous partage trois de ses recettes végétariennes préférées, à base de légumes de saison. Maintenant, à vos fourneaux et bonne dégustation! Éditrice Culture
Ingrédients : - 175 g de tofu extra-ferme - 2 c. à soupe de pesto - 1 c. à soupe d’huile d’olive - Une poignée d’épinards - 1/2 citron pressé - Sel et poivre au goût - Toutes les épices que vous voulez - Environ 100 mL d’eau - Pâtes de votre choix
Pour accompagner : adÈle doat| Le dÉlit
- Noix de Grenoble - Parmesan
Recette 1 : Pâtes vertes protéinées N’aimez-vous vraiment pas le tofu ou ne savez-vous tout simplement pas le cuisiner? Voici une savoureuse recette facile et rapide pour les amoureux des pâtes, qui permet de l’intégrer à son alimentation tout en masquant sa texture et en donnant du goût à cette excellente source de protéine à base de plantes. C’est un plat léger et énergisant, optimal avant une séance de sport! Étape 1 : Faire bouillir de l’eau dans une casserole et y ajouter les pâtes une fois que l’eau bout. Laisser cuire les pâtes selon le nombre de minutes indiqué sur l’emballage. Saler l’eau au goût. Étape 2 : Pendant ce temps, dans un mixeur, ajouter le tofu coupé en dés, le pesto, le sel et le poivre, le jus de citron, l’huile d’olive, les épinards et l’eau pour faire la sauce qui va accompagner les pâtes. Il faut ajouter autant d’eau nécessaire de sorte que le mélange ait une consistance à peu près liquide. Étape 3 : Une fois les pâtes cuites et égouttées, les verser dans une poêle à feu doux et ajouter la sauce. Il suffit d’attendre quelques minutes pour que le mélange des pâtes et de la sauce soit chaud. Étape 4 : Après avoir versé le tout dans une assiette, saupoudrer de parmesan et de morceaux de noix de Grenoble pour une dose d’oméga-3, et il ne reste plus qu’à se mettre à table!
Recette 2 : Quiche orange-courge-chèvre Rien de mieux qu’une bonne quiche réconfortante un soir d’hiver avant d’aller se coucher. Voici la recette d’un repas idéal pour s’endormir le ventre léger. Étape 1 : Faire cuire au four la courge coupée en deux avec un filet d’huile d’olive à 355°F pendant environ une heure. Étape 2 : Pendant ce temps, préparer un bol avec les œufs, la crème, le sel et le poivre et mélanger jusqu’à obtenir un mélange homogène. Étape 3 : Une fois cuite, retirer la peau de la courge et la réduire en purée avec une fourchette, ou en utilisant un mixeur et l’ajouter à la préparation. Mélanger le tout. Étape 4 : Étaler la pâte feuilletée dans un plat en piquant le fond avec une fourchette. Y verser la préparation. Étape 5 : Couper des rondelles de chèvre et concasser les noix. Déposer les noix sur la quiche.
Ingrédients : - 1/2 bûche de fromage de chèvre - 1 pâte feuilletée - Quelques noisettes (environ 20 g) - 2 œufs - 1 petite courge musquée - 200 g de crème semi-épaisse légère - Sel et poivre au goût adÈle doat| Le dÉlit
Étape 6 : Enfourner la quiche à 355°F pendant environ 25 minutes. Déguster!
Ingrédients : - 1 bloc de tofu extra-ferme Recette 3 : Tofu croustillant sucré et pimenté à la Coréenne - Sel et poivre au goût - 3 c. à soupe de fécule de maïs ou farine Rien de plus réconfortant qu’un bon bol de riz après une grosse session d’étude! - 3 c. à soupe d’huile végétale Étape 1 : Presser le tofu avec une serviette pour enlever l’eau, puis le couper en cubes. Recouvrir avec de la fécule, du sel et du poivre.
Pour la sauce :
jade lÊ| Le dÉlit
8 environnement
- 1 c. à soupe de sucre (ou de sirop d’érable ou de miel) - 1 c. à soupe de ketchup - 1 c. à soupe de gochujang (pâte de piment coréenne à doser selon vos goûts) - 2 c. à soupe de sauce soja - 1 c. à soupe de vinaigre de riz ou de vinaigre blanc - Ail (frais ou en poudre) - Gingembre (frais ou en poudre)
Étape 2 : Faire revenir le tofu dans de l’huile à feu moyen ou fort pendant environ 10 minutes dans une poêle, jusqu’à ce qu’il soit bien doré. Essayer de disperser les morceaux pour qu’ils ne se touchent pas au risque d’être moins croustillants. Étape 3 : Retirer le tofu de la poêle et ajouter la sauce (en description sous la liste des ingrédients) à feu moyen jusqu’à ce qu’elle s’épaississe un peu. Une fois la sauce rendue à une texture épaisse et brillante, ajouter les morceaux de tofu pour qu’ils soient entièrement recouverts. Étape 4 : Servir avec un bol de riz et des graines de sésame. (Conseil : servir également avec n’importe quel légume en accompagnement comme des haricots verts ou du brocoli!)
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
rÉflexions
L’écoblanchiment : manque de transparence
marion lefebvre Contributrice
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n longeant les étalages des magasins, à première vue, de nombreux produits semblent être écoresponsables. Mais sur les indications des emballages se succèdent les termes flous, ainsi que les images et les étiquettes trompeuses. Pensons notamment à l’usage excessif du vert sur certaines bouteilles de shampooing ou de nettoyant chimique, ou encore de l’expression « carboneutre », d’ailleurs reprise maladroitement par la compagnie pétrolière BP pour qualifier son huile moteur. Bien souvent, ces étiquettes exagèrent les gestes véritablement menés par les entreprises pour amoindrir l’impact de
Le marketing à l’ère du développement durable.
aux États-Unis. Depuis les années 2000, les pratiques de cette nature se répandent rapidement, et le mot greenwashing gagne en popularité. Plus de transparence Le phénomène d’écoblanchiment est apparu lorsque les entreprises ont compris l’attrait de certains consommateurs pour les produits écoresponsables. Les équipes de marketing se sont ruées sur l’occasion, afin de mettre en avant, souvent de façon démesurée, leurs initiatives écologiques et d’ainsi attirer une nouvelle clientèle. Un des cas les plus fréquents pour les entreprises consiste à se présenter dans l’ensemble comme
« Les entreprises ont compris l’attrait de certains consommateurs pour les produits écoresponsables » leurs produits sur l’environnement, voire les inventer de toute pièce. Ces pratiques mensongères ne sont autres que l’écoblanchiment ou, sous sa traduction anglaise plus populaire, le greenwashing. Ce terme est employé pour la première fois en 1986 par un activiste écologiste américain, Jay Westerveld, dans le cadre de critiques à l’égard de certaines compagnies hôtelières
réflexions
faible émettrice de carbone, alors que seule une infime partie de leurs services ont une empreinte carbone moindre. « Le greenwashing est né de cette envie en marketing de toujours vanter les mérites de son entreprise », rapporte en entrevue Valérie Vedrines, fondatrice et présidente du conseil d’administration de
clément veysset | Le dÉlit Masse Critique, un organisme à but non-lucratif accompagnant l’industrie de la communication vers des pratiques durables et responsables. « Si certaines entreprises mènent de grandes initiatives [en matière d’environnement, ndlr], d’autres réalisent de toutes petites actions et en disent tout de même beaucoup », ajoute-t-elle. D’après une étude menée par le cabinet britannique d’audit Deloitte, 57% des consommateurs ne croient finalement plus aux déclarations environnementales des entreprises en raison de leur omniprésence et du peu d’information qui les accompagne. Un désir de transparence se fait alors de plus en plus ressentir. Toutefois, au Canada, les législations encadrent assez mal ces allégations environnementales.
Un déficit juridique
Vers plus de sobriété
« Ici, nous pouvons à peu près dire n’importe quoi. Cela donne lieu à des promesses démesurées de la part des entreprises », déplore Valérie. « Par exemple, des entreprises vendant des produits à emballage recyclable peuvent ainsi affirmer que ceux-ci sont bons pour l’environnement ». Le problème? Les lois canadiennes et québécoises ne légifèrent pas de façon spécifique l’écoblanchiment et comportent de grandes lacunes. L’organisme Masse Critique milite auprès du gouvernement pour que des lois efficaces contre l’écoblanchiment voient le jour. « Ce qui serait important, ce serait de légiférer certains mots », déclare Valérie Vedrines. « Quand des entreprises se proclament carboneutres, il devrait y avoir une signification concrète et légale qui se rattache à un tel terme. Sans cela, le mot ne veut plus rien dire. » Véronique indique qu’« il serait également intéressant en marketing de légiférer le contexte de nos messages. [...] Pensons aux SUV qui, dans les publicités, sont souvent présentés en nature ». En France par exemple, cela ne serait pas permis. Selon Valérie, ce n’est plus qu’une question de temps avant que ces législations fassent leur entrée dans le droit canadien.
Si certaines entreprises joignent le geste à la parole et fabriquent des produits de manière plus écologique, « acheter plus d’un produit puisque celui-ci s’avère avoir un impact moindre sur l’environnement n’est pas la solution », rappelle Valérie. Remettre en question nos habitudes de consommation demeure impératif. Éviter la surconsommation est une responsabilité qui incombe aussi bien aux consommateurs qu’aux employés en marketing. « Nous, les marketeurs, sommes un rouage de cette surconsommation », explique Valérie Vedrines. Une promotion judicieuse consisterait à ne publiciser que pour des produits ayant une réelle utilité, plutôt que d’inciter les personnes à munir leur garde-robe d’un énième chandail dont elles finiront par se débarrasser quelques mois plus tard. Certaines marques prennent un chemin plus radical, celui de cesser toute publicité pour leurs produits, afin de ne plus inciter à la consommation. C’est notamment le cas de Veja, une entreprise de chaussures. Une telle voie devrait-elle être étendue à l’ensemble de notre société? Alors que la publicité figure partout, des rues aux réseaux sociaux, son existence même est peut-être à remettre en cause. x
Trop beau pour être vert
Les projets de villes futuristes : révolution écologique ou apparences trompeuses? juliette elie Éditrice Environnement édouard montagne Contributeur
L
’archétype du mégaprojet d’habitation futuriste cible souvent les mêmes problématiques et secteurs de développement : l’environnement, l’innovation technologique, la culture et la santé. Sur papier, tout semble toujours se compléter parfaitement. La vision du projet est claire, son résultat paraît logique et durable. Pourtant, sa réalisation génère souvent les problématiques mêmes que le projet vise à régler : la surexploitation et la contamination des ressources naturelles nécessaires à la construction, l’émission de grandes quantités de gaz à effets de serre, l’aggravation des injustices entre les classes sociales, etc. En 2021, l’industrie de la construction générait un tiers des déchets produits dans le monde. Voici deux exemples de ces projets peut-être trop beaux pour être verts en voie de réalisation dans les prochaines années. Projet NEOM En explorant leur site web de présentation, le projet saoudien
NEOM semble être la solution parfaite pour alléger nos consciences. Il existe enfin un projet concret pour modeler la société du futur, c’est-àdire une société environnementale! Cette superstructure, qui espère rassembler neuf millions d’habi-
images 3D promotionnelles mettent en avant des installations qui n’affecteront pas le territoire, dont 95% de la superficie est supposément protégée, mais la réalité des travaux en cours montre autre chose : une quantité faramineuse de camions
« Il faut recommencer à zéro » tants dans un espace équivalent à la superficie de la Belgique, mise tout sur l’innovation verte ; mais ce qui surprend le plus sont les promesses grandioses de la multitu de de services et d’opportunités qui y seront offerts. Alimenté par la richesse colossale de l’Arabie Saoudite et d’investisseurs privés, il est difficile de croire que le seul but de NEOM soit un renouveau environnemental. Sur le site web du projet, on apprend l’origine de l’acronyme : « Les trois premières lettres proviennent du préfixe grec ancien “neo”, qui signifie ‘‘nouveau’’. Le ‘‘M’’ est la première lettre de ‘‘Mustaqbal’’, un mot arabe signifiant ‘‘futur’’. Le ‘‘M’’ est également la première lettre du nom du prince héritier, Mohammed ben Salmane (tdlr) » Ces quatres lettres reflètent l’ambition démesurée d’un pays qui s’aligne vers un futur post-pétrole, selon la « Vision 2030 » de Mohammed ben Salmane. Les
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
aller lire plus de 200 articles rédigés sur le sujet. Pourtant, on remarque assez vite que ce sont des articles uniquement en faveur du projet, et que si on cherche par soi-même, on trouve beaucoup plus d’opinions nuancées. Le Rapport d’analyse systémique de durabilité du projet
énormes et d’équipement mécanique lourd. Avec la construction de NEOM qui va assurément polluer en grande quantité, il est difficile de voir comment cette solution auto-désignée aux problèmes du monde accomplira le défi insurmontable de se prouver comme modèle viable pour la vision d’un futur durable. Projet géoLAGON Un autre exemple plus près de chez nous est le projet géoLAGON, pensé par le promoteur Louis Massicotte. Ce projet, inspiré des bains thermaux islandais, vise à bâtir d’ici 2027, à quatre endroits au Québec, un village de chalets autour d’un vaste bassin d’eau maintenu à 38˚C à l’année. Les villages seraient supposément carboneutres, alimentés par l’énergie solaire et la géothermie. Sur la première page du site internet du projet, on est invité à
rose chedid | Le dÉlit géoLAGON, effectué par la Réserve de la biosphère de Charlevoix (RBC), met en lumière plusieurs défis peu raisonnables et des dangers de contamination de nappes phréatiques et des milieux humides par les infrastructures. « Sur papier, c’est un projet novateur estime Jean Landry, directeur de l’OBV [Organisme de bassins versants, ndlr] Charlevoix-Montmorency », rapporte un article du Charlevoisien.
Il reste à voir si le projet atteindra ses objectifs quelque peu utopiques sur le terrain. Qu’est-ce qui motive tous ces projets de grande envergure? Est-ce simplement la bienveillance humaine? C’est facile d’en douter, car il ne faut pas passer plus de cinq minutes à lire les nouvelles pour voir que notre société a déjà mille et une choses à régler avant de penser à de nouvelles villes et aux autres installations du futur. Peut-être que ces projets ont comme vision que notre société actuelle est irréparable, donc qu’il faut recommencer à zéro. Même là, ils ne s’attaquent pas au cœur des problèmes systémiques, comme la pauvreté ou la surconsommation, qui ont façonné la société inégale et la crise climatique qui existent aujourd’hui. Au contraire, ces projets ont une motivation économique, perpétuant la cupidité et l’égocentrisme, qui détournent les efforts nécessaires pour améliorer les institutions qui existent déjà. Au lieu de recommencer à neuf et de négliger les enjeux présents devant nos yeux, concentrons-nous plutôt à les régler à la source. La planète, pour être protégée, n’a pas besoin d’être encore plus recouverte de béton qu’elle ne l’est déjà. x
environnement
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culture
artsculture@delitfrancais.com
musique
Magie, féérie et nostalgie
Concert Candlelight des musiques de Joe Hisaishi.
A
près New York et Londres, les concerts à la bougie sont enfin offerts à Montréal. Ces concerts Candlelight sont une expérience musicale magique qui nous invite à écouter et à redécouvrir la musique dans des lieux inédits. À partir de classiques comme Vivaldi en passant par des artistes contemporains comme Coldplay, leurs répertoires sont très variés, attirant un public diversifié. Les représen-
La vente des billets se déroule sur le site de Fever, qui propose maintenant de nombreuses dates à Montréal. Les concerts proposés sont d’ailleurs adaptés à la métropole québécoise. En effet, nous pouvons y retrouver les chansons de Céline Dion ainsi que de Leonard Cohen, deux artistes majeurs de la province francophone. L’idée derrière ces concerts, me partage Fever, est de démocratiser
« L’idée derrière ces concerts est de démocratiser la musique classique, surtout pour les étudiants, en la mariant avec la culture populaire » tations se déroulent à Montréal, dans différents lieux sacrés comme la cathédrale Christ Church, l’église Saint-Jean-Baptiste et la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. D’innombrables bougies illuminent les scènes féériques, permettant une parenthèse musicale sublime dans une ambiance intime et douce.
exposition jeanne marengère Éditrice Société
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Ce vendredi 16 février, je m’apprête de ma plus jolie robe pour assister à la représentation des musiques de Joe Hisaishi, connu principalement parce qu’il est le compositeur derrière la plupart des musiques iconiques des films de Hayao Myazaki. Cet événement se déroule dans un endroit exceptionnel : la chapelle Notre-Dame-de-BonSecours, soit la plus vieille chapelle à Montréal. Au programme, plus d’une dizaine de musiques provenant des films des studios Ghibli, tels que Mon Voisin Totoro, Princesse Mononoke, Le Château dans le Ciel, et bien évidemment
Le Château Ambulant, mon préféré. Dès que franchis le seuil de la porte de la chapelle au bras de mon partenaire, le temps semble se suspendre. Éclairé par des centaines de chandelles, ce lieu merveilleux respire le calme et la sérénité. Les gens, pour la plupart habillés très chic, s’installent peu à peu sur les bancs en bois et se préparent pour le spectacle. Je regarde autour de moi. Les âges varient. Il y a des personnes plus âgées, mais aussi des jeunes couples, comme nous, et des enfants. C’est alors au tour du Quatuor à Cordes Listeso de faire son entrée. Composé de deux violons, d’un alto et d’un violoncelle, ils prennent place sur scène, sous la lumière douce et chaude des bougies. Les premières notes retentissent et je ferme les yeux. Tout au long de la soirée, je suis transportée dans un univers féérique, retombant en enfance en entendant la bande sonore de mes films d’animation préférés.
De temps en temps, un des musiciens s’interrompt pour nous en dire plus sur les musiques qu’ils interprètent. Cela nous permet d’en savoir un peu plus sur la vie de Joe Hisaishi et de sa collaboration avec Myazaki. On comprend également la philosophie de ce dernier et le message qu’il cherche à faire passer à travers ses films. Chacune de ses réalisations est un questionnement moral sur l’humain et ses technologies face à une nature sacrée, que l’on se doit de préserver. Bien souvent, c’est d’ailleurs la nature qui l’emporte. Enfin, tout le monde se lève et applaudit. Nous revenons dans l’espace temporel, tirés de notre rêve éveillé. Même si le concert fût une expérience remarquable, il n’y a pas à dire, c’est le fait d’avoir passé un moment plaisant avec une personne qui m’est chère que j’ai préféré. Je ne peux que vous inviter à en faire vous-même l’expérience. x jade lê Éditrice Culture
O’Keeffe et Moore au MBAM
La nature au cœur des œuvres des deux artistes modernistes.
e Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) accueille du 10 février au 2 juin 2024 une exposition rétrospective sur la vie de deux des artistes les plus influents du mouvement moderniste ; Georgia O’Keeffe et Henry Moore. D’une part, O’Keeffe est connue pour ses peintures, de l’autre, Moore l’est pour ses sculptures. O’Keeffe, géante de l’art moderne américain, et Moore, reconnu comme l’un des artistes britanniques les plus importants de sa génération, se rencontrent pour une valse harmonieuse au MBAM. De salle en salle, le visiteur est plongé au cœur même de leurs mondes, presque écrasé par l’omniprésence grandiose de la nature et du vivant dans leurs œuvres. Malgré le fait que les deux artistes ne se soient croisés qu’une seule fois durant leur vivant, leurs œuvres se marient harmonieusement grâce à leur amour commun pour la nature environnante, leur servant de source majeure d’inspiration. Passant des fleurs bien connues d’O’Keeffe aux ossements méticuleusement sculptés par Moore, l’exposition nous trans-
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la musique classique, surtout pour les étudiants, en la mariant avec la culture populaire. Les expériences proposées par Fever varient en termes de prix, mais celle à laquelle j’ai assisté coûtait 30$, soit moins cher qu’un ballet classique ou qu’un opéra.
jade lê | Le dÉlit
porte au cœur de leurs vies, au cœur de leurs arts. La juxtaposition de leurs œuvres permet de déceler les similitudes existantes entre leurs arts : on remarque plusieurs ressemblances dans leurs démarches artistiques, donnant un sens plus clair au jumelage de leurs entreprises. Un autre point commun relevé lors de l’exposition est que les deux artistes ont notamment expérimenté avec le style surréaliste. Là où O’Keeffe jouait sur les limites de l’abstraction avec ses fleurs, Moore optait pour des techniques de sculpture rappelant des formes humaines, tout en explorant les frontières du figuratif. Ainsi, on se retrouve en pleine immersion dans un monde de coquillages et de fleurs, qui brouille la frontière entre l’abstrait et le réel. De plus, les techniques de juxtaposition en peinture ont été exploitées autant par O’Keeffe que par Moore, et ajoutent à l’aspect surréaliste de leurs arts. Plusieurs peintures, de Moore comme d’O’Keeffe, représentaient la perspective d’un os ou d’un coquillage devant le ciel ou encore devant un paysage dé-
sertique néo-mexicain, offrant des panoramas surréalistes fascinants. La mise en dialogue de leurs œuvres force le visiteur à constater la grande similarité entre leurs travaux : dans une marée de roches, de coquillages, d’ossements et de fleurs, leur passion pour la nature est indéniable. Pour ce qui est de l’expérience lors de la visite, l’exposition est plutôt courte, ne regroupant que trois salles, mais comprenant tout de même plus d’une centaine d’œuvres des deux artistes. Les murs ont subi un traitement leur donnant un aspect plus organique et fluide afin de créer un univers susceptible d’accueillir et de mettre en valeur les œuvres des artistes. La pièce la plus marquante est probablement celle qui nous permet d’observer une reconstruction des ateliers d’O’Keeffe et de Moore : le visiteur est alors invité à s’immiscer dans l’intimité des artistes, en des lieux teintés par l’individualité de ces derniers, mais qui partagent plusieurs similitudes. On note qu’ils avaient tous deux des collections extensives de roches, d’os et de coquillages. L’éclairage était relativement tamisé, mais sans pour
clément veysset | Le dÉlit
autant enlever au dynamisme des salles. En général, la scénographie de l’exposition a été réalisée avec beaucoup de finesse, permettant une visite agréable. Bien que son œuvre puisse sembler redondante, il aurait été intéressant qu’on dédie à O’Keeffe une exposition lui étant entièrement consacrée, où l’on aurait pu explorer avec plus de profondeur la complexité de son travail et sa place de pionnière au sein du mouvement moderniste. Malgré le fait qu’elle et Moore aient été des icônes du milieu artistique
de façon concomitante, le lien entre leurs œuvres se limite à l’importance accordée par chacun à la nature comme source d’inspiration. Ainsi, j’aurais aimé voir une telle exposition - joignant l’œuvre de deux artistes d’envergure - regrouper des artistes ayant partagé plus qu’une passion, ou encore ayant travaillé ensemble. Malgré tout, l’exposition vaut la peine par le simple fait qu’elle offre une mise en dialogue inédite entre les œuvres d’O’Keeffe et de Moore, permettant de jeter un regard nouveau sur leurs entreprises respectives. x
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
littérature
Plongée dans une librairie indépendante : De Stiil Entretien particulier avec Aude Le Dubé. philippine d’halleine Contributrice
A
u cœur du Plateau MontRoyal, nichée dans la rue Duluth, se trouve la librairie De Stiil. Une véritable oasis littéraire au milieu du tumulte urbain, cette boutique d’angle, baignée dans un vernis blanc, évoque l’atmosphère des quartiers bohèmes de Notthing Hill ou de Brooklyn. J’ai eu la chance de m’entretenir avec Aude Le Dubé, la fondatrice de la boutique. Installées près d’une des nombreuses fenêtres qui encadrent la boutique, un rayon de soleil timide nous réchauffait, nous faisant momentanément oublier la température glaciale de l’extérieur. Nous nous sommes alors plongées dans une conversation envoûtante sur la littérature, l’art et l’importance des librairies indépendantes dans notre société.
« Véritable oasis littéraire au milieu du tumulte urbain, cette boutique d’angle, baignée dans un vernis blanc, évoque l’atmosphère des quartiers bohèmes de Notthing Hill ou de Brooklyn » L’entretien a été édité dans un souci de clarté et de concision.
de Lol V. Stein. J’aime son style d’écriture faussement simple, qui va au cœur des choses. Sartre disait « J’ai pas le temps de faire court », et bien, je dirais que Duras avait le temps de faire court. Alors j’ai décidé de poursuivre une carrière en tant qu’autrice et traductrice. L’aventure De Stiil a donc émergé de mon histoire dans le monde de l’édition. En arrivant à Montréal en 2018, j’ai ouvert une boutique qui vendait initialement ce qu’on peut appeler des beaux livres et des objets d’art. C’est lors du premier confinement que j’ai réalisé que les clients s’intéressaient principalement aux romans. J’ai donc rapidement élargi notre assortiment pour répondre à cette demande croissante. Philippine : Pourquoi ce choix de vous tourner vers de la littérature anglophone en tant que française? ALD : Ça fait maintenant 45 ans que je lis de la littérature anglophone. Je trouve que c’est plus vivant, avec davantage de place pour les voix féminines, différents genres et styles, que je trouve moins dans d’autres langues. Nous vendons surtout des livres traduits. Les livres traduits de langues étrangères en anglais représentent seulement 3% de la production dans le monde de l’édition. Alors, en tant que francophone, si on veut lire beaucoup, la production de littérature en français pourrait ne plus être adéquate pour répondre à nos besoins. Moi, j’ai simplement reproduit ce qui m’attire. Je suis particulièrement attirée par la littérature allemande, donc j’en ai beaucoup, philippine d’halleine
Philippine : Est ce que vous pouvez vous présenter? Aude Le Dubé (ALD) : Je m’appelle Aude, je suis née en France, j’ai déménagé au États-Unis où j’ai vécu 16 ans, pour ensuite partir en Suisse pour dix années. Ça fait maintenant 12 ans que j’habite à Montréal. Philippine : D’où vient cette passion pour la lecture et l’écriture? Comment en êtes-vous arrivée à ouvrir une librairie? ALD : Je dirais que ma fascination pour la littérature a débuté dès mon enfance avec Agatha Christie et s’est approfondie avec Marguerite Duras, que j’admire notamment pour Le Ravissement
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com
mais il y aussi des traductions du japonais, de l’hébreu, de l’italien, de l’arabe, du français, ça voyage beaucoup.
philippine d’halleine
Philippine : Comment décririezvous le concept de votre boutique? L’esthétique de vos livres joue-t-elle un rôle dans vos ventes? Et quel type de clientèle vous cherchez? ALD : Évidemment que l’esthétique joue un rôle important pour moi, mais aussi pour les clients. Les livres qu’on ne propose pas, c’est-à-dire, les romances, les livres young adult, sont généralement laids, mais de toute manière ils ne m’intéressent pas, donc le choix n’est pas difficile. À l’inverse, il m’est déjà arrivé de commander des livres passionnants, mais la couverture était si hideuse qu’il m’a été impossible de les vendre ; les consommateurs ne sont pas réceptifs. La clientèle est très jeune. Il y a des préjugés sur le fait que les jeunes ne lisent plus la littérature papier à cause des nouvelles technologies, mais moi je pense que ce sont surtout les personnes âgées qui sont concernées par ce déclin. Philippine : Vous ne constatez donc pas de baisse de lecture chez les jeunes? En tout cas au niveau papier? ALD : Au contraire! Maintenant, plus rien ne nous appartient. On n’achète plus de disques, on stream la musique, et c’est pareil pour les livres ; on achète en ligne ou sur Kindle. Donc je pense que les gens constatent cela et préfèrent posséder un livre papier. Souvent, ils lisent en bibliothèque, et après, ils viennent acheter ici, parce que c’est important de pouvoir échan-
ger, de pouvoir prêter, donner et partager ses livres. Tandis que les clients qui viennent, savent ce qu’ils veulent et savent qu’ils peuvent le trouver ici. On fonctionne beaucoup par thème. On a une table appelée Uplifting Reads [lecture édifiante, ndlr] parce que le monde est déprimant en ce moment. J’achète comme une lectrice, pas comme une libraire. C’est donc ça la différence. Philippine : Des conseils pour parvenir à se mettre à la lecture pour le plaisir, pour sortir des cours? ALD : Les gens qui veulent lire, c’est très simple, mais ça peut être difficile de le faire naturellement, notamment pour les étudiants qui lisent pour les cours toute la journée. J’ai un seul conseil : se débarrasser de son téléphone. Seulement 15 minutes pour commencer ; se mettre dans une autre pièce silencieuse pour quelques minutes de lecture. Le lendemain 20 minutes, puis 30. Il faut laisser la magie opérer. La fiction, la littérature, ce n’est pas pour nous aider à vivre, c’est pour nous aider à sortir de nos vies. C’est pour nous aider à ne pas vivre. Philippine : Vous me parliez de la littérature expérimentale comme un style de lecture qu’on peut trouver ici, auriez-vous des conseils de livres pour débuter? ALD : En fait, la littérature expérimentale, ce n’est pas un narratif littéraire, ce n’est pas nécessairement une histoire, ça prend diverses formes. Huysmans, George
Perec ou Prévert étaient de cette littérature. C’est de l’art facile à lire, qui sort des sentiers battus, d’une l’histoire avec une introduction et un développement et une
« La fiction, la littérature, ce n’est pas pour nous aider à vivre, c’est pour nous aider à sortir de nos vies. C’est pour nous aider à ne pas vivre » conclusion. C’est peut-être plus original. Encore plus moderne, je conseillerais Wild Milk de Sabrina Orah Mark. Philippine : Pour conclure, deux livres à acheter chez De Stiil ce mois-ci? ALD : Le Prophet’s Song de Paul Lynch, je pense qu’il deviendra un grand classique contemporain. Et Kairos par Jenny Erpenbeck, tout simplement brillant. Retrouvez la librairie au 351 Avenue Duluth E, Montréal, et suivez la page instagram pour vous tenir au courant des événements organisés par l’équipe De Stiil, qui réserve régulièrement de jolis moments à partager entre passionnés et débutants. x
culture
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littÉrature
La Transparence, au-delà des apparences Critique de Panorama de Lilia Hassaine.
hugo vitrac Éditeur Culture
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anorama, paru en août 2023, est le troisième livre de l’écrivaine et journaliste française Lilia Hassaine. Lauréat de deux des prestigieux prix littéraires français, le Prix Renaudot et le Prix des Lycéens, ce roman se situe à la frontière entre utopie et dystopie et plonge le lecteur dans une enquête policière dans une société française futuriste de 2049, à l’ère de la Transparence.
reur, c’est la révolution, le début de l’ère de la Transparence. Les institutions sont démantelées, les lois abolies et toute décision est désormais passée par référendum sur internet, et rendue publique. Mais la Transparence n’est pas seulement politique, elle est aussi individuelle et architecturale. Au nom de la clément veysset | Le dÉlit
Rien à cacher Le roman s’ouvre sur le procès de la justice française. En 2029, un influenceur célèbre victime d’inceste par son oncle plusieurs dizaines d’années auparavant décide de faire justice lui-même face à l’irrecevabilité de sa plainte. Le meurtre est filmé et diffusé sur les réseaux sociaux, lançant la revenge week. Partout en France, les victimes se soulèvent et se vengent de leurs agresseurs. Le flic pourri, le patron d’une entreprise pétrolière, le voisin qui bat sa femme, tous y passent. Face à l’ampleur du mouvement et aux manifestations appelant à la réforme de la justice, le gouvernement tente de réprimer sans succès, plie et finit par s’effondrer. Après sept jours de ter-
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laura tobon
paix civile, pour combattre les violences du passé commises dans la discrétion des espaces clos, les murs doivent tomber. L’intimité devient un luxe égoïste auquel la population renonce en réformant l’architecture. Les maisons, bureaux, lieux de culte sont abattus et remplacés par des édifices en
verre. Exposés constamment à la vue de tous, les criminels entrent dans les rangs, les violences domestiques diminuent jusqu’à disparaître grâce à la surveillance constante des voisins suspicieux qui n’hésitent pas à appeler les gardiens de protection au moindre soupçon. Après avoir plongé le lecteur dans cette société utopique, Lilia Hassaine nous emmène dans une trame policière qui passionne la population de 2049. Au cœur d’un quartier huppé, dans un bloc de verre exposé à la vue de tous, une famille disparaît. L’enquête révèle quelques gouttes de sang, identifie des suspects potentiels, mais faute de pistes tangibles et sous la pression du chef de police, elle est classée sans suite, jusqu’à la découverte des corps un an plus tard. Avec cette enquête, l’autrice interroge les mécanismes dystopiques de cette société futuriste : son rapport à l’éducation avec l’abolition du risque transformant les enfants en clones idéaux pas si parfaits, la marchandisation de l’intimité, et la violence sym-
« À l’ère de la Transparence, l’exemplarité est de mise. L’intimité est égoïste puisque personne n’a rien à cacher, et pourtant, un couple et son enfant disparaissent »
bolique et réelle d’une population qui se veut assainie. Au-delà de la fiction Le style de prédilection de Lilia Hassaine n’est pas la science-fiction. Ses deux romans précédents, Soleil Amer, et L’Oeil du Paon traitent respectivement de l’intégration d’une famille d’immigrés dans la France des années 80 et de la dangereuse ivresse d’une jeune croate qui intègre la jeunesse aisée parisienne. Dans son dernier roman, Panorama, l’autrice dresse avec succès le portrait d’une société qui nous ressemble, où les murs transparents interdisent les secrets, où la pénétration dans l’intimité d’autrui ne se fait plus seulement par nos téléphones, mais par l’architecture même de la société. Reclues derrière des murs de verre, les personnes sont prisonnières du regard des voisins, des passants qui les scrutent en permanence et leur imposent une image. À l’ère de la Transparence, l’exemplarité est de mise. L’intimité est égoïste puisque personne n’a rien à cacher, et pourtant, un couple et son enfant disparaissent. Dans une société fictive qui nous invite à réfléchir sur notre rapport à la liberté, à la démocratie, Lilia Hassaine nous plonge dans une trame policière dont l’on peine à sortir. x
le délit · mercredi 21 février 2024 · delitfrancais.com