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Volume 94, numéro 2

le mardi 21 septembre 2004 • www.delitfrancais.com • À l’extrême depuis 1977.


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nouvellesinsolites

VOUS AUREZ TOUT LU...

Phillipe G. lopez John à la rescousse (MSNBC) Oubliez Lara Croft et compagnie, c’est au tour de John Kerry de faire mal aux méchants. Toute l’attention et la controverse émanant de son service militaire au Vietnam auront eu un avantage, car vous pourrez dorénavant incarner le lieutenant Kerry dans un jeu vidéo. Enfin, voilà l’occasion que vous cherchiez pour flinguer des communistes! Mais surtout, ne croyez pas qu’il s’agisse d’un autre acte de propagande, question de confirmer la virilité du candidat,

car d’après Kuma Reality, le concepteur du jeu en question, le but était plutôt de relater la vie à bord du bateau. D’ailleurs, on parle déjà d’un jeu sur la carrière militaire de Bush au Vietnam: Pro Golfer 4. Ils sont fous, ces Indiens (AFP) Dans le secteur ferroviaire, l’Inde est malheureusement reconnue pour ses nombreux désastres. Pourtant, affirme Laloo Prasad Yadav, le ministre des voies ferrées, c’est le dieu hindou des machines qui est à

Le responsable de tous ces malheurs

blâmer. D’ailleurs, il soutient que le nombre d’accidents a chuté depuis qu’il a installé une nouvelle photo du dieu en question, Vishwakarma, dans son bureau de New Dehli. L’Inde possède le réseau ferroviaire le plus utilisé au monde et il représente le

second employeur du pays. Le gouvernement persiste néanmoins à introduire de nouveaux trains et ce, malgré des installations ancestrales. Mais pour régler cela, il faudra se référer au dieu du matériel défaillant.


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éditorial Valérie Vézina

Histoire de logo

et de membership

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ourquoi McGill? Parfois, je me le demande. Le plus souvent, j’arrive à trouver une réponse rationnelle, le genre qu’on a répété cent fois à tous ceux qui vous le demandent: je voulais étudier en anglais, sans trop m’exiler. Mais il y a d’autres moments où la question, tel un fer chauffé à blanc, me transperce le cœur. Un de ces instants m’a coupé le souffle l’autre soir. Et j’ai réfléchi à la question dans ma tête: pourquoi McGill? Surtout lorsque l’on est francophone. Pourquoi pas l’UQAM, l’UdM ou l’une de ces universités bien francophones? Ne vous en faites pas, ceci ne sera pas une (autre) réflexion existentielle sur la place du français à McGill. Ce qui m’intéresse plutôt, c’est la différence fondamentale qui existe entre un Bac, tel que vécu par les francophones et les undergraduate studies, telles que vécues par nos collègues anglophones. La mentalité est différente certes, mais ça va plus loin. Mardi 14 septembre au soir: Activities Night. Dans le brouhaha du Shatner, des étudiants vont et viennent, s’informent sur les divers groupes. Dans cette cohue générale, Le Délit partage sa table avec son frère le Daily. Quelques francophones viennent (merci d’ailleurs), mais très peu comparé aux anglophones. Du coup, je posais la question à mes collègues du Daily, à savoir s’ils étaient allés à leur Activities Night.Avec enthousiasme, ils m’ont répondu que oui et perplexes, ils m’ont ensuite demandé si j’y étais allée. Bien sûr que non. Je n’en avais rien à foutre, lors de ma première année, de m’impliquer dans dix mille trucs. De comprendre mes cours, c’était déjà un défi. Il ne fallait pas m’en demander plus tout de même. Où je veux en venir au juste? Au simple fait qu’un Bac, c’est un bout de papier, et tant mieux si en haut de ce bout de papier, il y a le logo de McGill. Sérieusement, quand on vient à McGill, on y vient pour le nom. Lorsque l’on est francophone, souvent, on se contente d’aller simplement à ses cours, sans trop se soucier du reste. Parce que l’on vient de Montréal et que l’on n’a pas besoin de découvrir la ville. Parce que l’on doit payer ses études et que l’on doit travailler. Et finalement, afin de garnir son portfolio, on devient membre du club de musique folklore ou du club d’échecs. D’un autre côté, les undergrads, c’est une expérience de vie; l’école de la vie. On va à McGill pour vivre, pour s’investir. Ne

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Le Délit

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Le Délit Le journal francophone de l’Université McGill 3480, McTavish, bur. B-24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Rédaction: (514) 398-6784 Publicité: (514) 398-6790 Télécopieur: (514) 398-8318

rédactrice en chef Valérie Vézina chef de pupitre-nouvelles Philippe G. Lopez chef de pupitre-culture Flora Lê rédacteur-reporteur Samuel Vaillancourt coordonnateur de la mise en page David Drouin-Lê coordonnateur de la photographie Éric Demers coordonnateur de la correction Julien Vinot chef illustrateur Pierre Megarbane collaboration Eleonore Fournier Marc-André Séguin Nicolas Bélanger Vo Nghi Mguyen Jean-Philippe Dallaire Philippe Mannasseh Marie-Noëlle Bélanger-Lévesque Alexandre Vincent Léa Guez Émilie Beauchamp Olivia Lazard David Pufahl Stéphanie Laroche-Pierre

webmestre Bruno Angeles couverture Éric Demers

gérance Pierre Bouillon

craignez rien, je ne louangerai pas à ce point les anglophones. Mardi soir passé, j’en ai vu plus d’un qui ne demandait qu’à mettre son nom sur un papier, sans trop poser de questions, qui voulait juste faire partie d’un club, sans trop se donner à fond. Toutefois, il ne faut pas se le cacher: on est différent. On pense différemment. Et peut-être que cela aurait été différent si on avait choisi d’aller à l’UQAM. Alors, je vous repose la question: pour-

quoi McGill? Et ne vous sentez pas coupables, chers compatriotes. J’ai moi-même, pendant une bonne année, été à McGill pour le simple fait d’y être. Et encore aujourd’hui, je suis loin de saisir entièrement l’expérience de vie si chère à mes collègues anglophones. En fin de compte, je serai contente de m’être investi au journal, mais aussi d’avoir un logo de McGill en haut de mon diplôme.

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La santé ou la La Russie de Le retour de Mohamed Délit souveraineté? Poutine

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Entrevue avec Colectivo

Vous voulez participer au Délit? Réunion mardi soir, à 16h30, au local B-24 du Shatner.

publicité Boris Shedov photocomposition et publicité Nathalie Fortune le McGill Daily Daniel Cohen Conseil d’administration de la Société de Publication du Daily: Marie-Eve Clavet, Denise Brunsdon, Eugene Nicolov, Jeff Carolin, Jean-Olivier Dalphond, John Jeffrey Wachsmuth, Daniel Cohen, Valérie Vézina

L’usage du masculin dans les pages du Délit français vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit français est publié par la Société de publications du Daily. Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et illustrations dont les droits avaient été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé par Imprimerie Quebecor, St-Jean-sur-Richelieu, Québec. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé. ISSN 1192-4608

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nouvellespolitique

Les forums Place aux citoyens: fin

Bilan d’une consultation publique agréable Jean-Philippe Dallaire

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es forumLe 12 septembre dernier se déroulait à Longueuil l’un des derniers forums régionaux de la série de consultations Place aux citoyens, organisée par le gouvernement du Québec. La consultation nationale devait, en effet, se terminer deux forums plus tard à Gaspé, le 19 septembre. Assis avec près de cent vingt autres citoyens, élus ou leaders régionaux dans le gymnase de l’École nationale d’aérotechnique, je me demandais bien ce qui avait pu faire déplacer un aussi grand nombre de gens un dimanche matin à 7h30. Selon la documentation préparée par le gouvernement du Québec, les forums devaient être une occasion pour les citoyens de discuter «des défis, des enjeux et des priorités de notre société». À cet

effet, les «deux défis que sont la situation des finances publiques et les changements démographiques» devaient être placés «au cœur des discussions» lors du forum. L’événement s’est donc ouvert, après les traditionnels discours des ministres et élus, sur une présentation de M. Pierre Shedleur portant sur les défis qui attendent le Québec au niveau des finances publiques et de la démographie. Malgré les nombreux avertissements lancés, il semble que personne dans la salle n’ait vraiment été choqué par les chiffres avancés. En fait, il a semblé que l’ampleur de ces deux problèmes était déjà connue de tous les participants. Ceux-ci n’ont donc pas hésité à reconnaître les faits soulevés par le coprésident du forum. L’entente entre participants et

Chaque semaine, le Délit choisit un sujet controversé. Au hasard sont tirés le nom des journalistes devant défendre respectivement le pour et le contre. Il est à noter que les positions exprimées ne sont pas nécessairement partagées par leur auteur. Cette semaine : David Drouin-Lê et Marc-André Séguin s’affrontent.

responsables de l’événement s’est cependant vite révélée plus apparente que réelle. En effet, dès la première intervention, un citoyen a attaqué les fondements mêmes du forum. François Drouin, étudiant en histoire à l’UQAM, a en effet accusé l’organisation des forums d’être «politiquement orientée», ne donnant notamment pas suffisamment de place à l’environnement. Plusieurs intervenants sont ensuite venus appuyer le discours de M. Drouin, ce qui laissait présager une chaude journée pour l’animatrice Isabelle Maréchal. Le gouvernement avait retenu quatre thèmes de consultation: la santé et les services sociaux, l’éducation, la formation et l’emploi, le développement économique, régional et durable ainsi que la famille et le développement social.

Pour chacun de ceux-ci, deux ou trois questions étaient posées et devaient orienter les discussions. Ceci avait, par exemple, pour effet, en éducation, de diriger les débats vers les questions du décrochage et de l’insertion professionnelle. Un effet décrié par plusieurs, certains participants allant même carrément jusqu’à attaquer directement le gouvernement sur des sujets connexes à un thème mais ne faisant pas l’objet des questions présentées, comme l’aide financière aux études. La réunion entre citoyens, leaders et élus a elle aussi pu provoquer certains effets pervers. C’est ainsi, par exemple, que le député libéral de la circonscription de Marguerite-D’Youville, Pierre Moreau, a fait un vibrant plaidoyer en faveur de l’exportation de l’eau.

Non seulement prenait-il alors un temps précieux aux autres participants, alors qu’il a un accès direct au gouvernement pour présenter ses recommandations, mais il noyait aussi ses propos dans les consultations, le gouvernement pouvant ainsi dire qu’il avait entendu ce type d’idées lors des forums. En définitive, ce forum s’est terminé comme plusieurs des consultations menées par le gouvernement. Parce que le débat était trop orienté, les citoyens se sont lancés directement dans une série de demandes et requêtes bien précises, trouvant dans l’événement l’une des rares occasions de se faire entendre des élus. Mais oubliant, du même coup, les réalités incontournables des chocs financier et démographique qui attendent le Québec..

La présence du français à McGill

e tout temps, l’Homme a eu besoin de la dualité homme-femme pour se perpétuer; il en va de même pour la dualité linguistique. Par conséquent, la politique de bilinguisme à McGill est un acquis qui ne peut être remis en question. En tant qu’université d’accueil d’un nombre impressionnant d’étudiants internationaux, le fait de favoriser officiellement la cohabitation de deux langues ne fait qu’enrichir le rayonnement mondial de l’institution et instaure un modèle de tolérance linguistique unique. Il faut cependant concéder qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Longtemps perçue comme un bastion e le nions pas, le conservateur de l’élite anglo-saxonne dominante du Québec et, de surcroît, férocement unilingue français est une anglais, McGill a nettement évolué. L’administration de l’université fait des efforts vigoureux et langue morte à constants en ce sens depuis plus de trente ans. Les violentes manifestations pour la francisation McGill. Il y a environ autant d’étudiants de McGill dans les années 60, en pleine période de révolution tranquille, ne seront pas resen littérature française sur le campus qu’il tées lettre morte. Nous, francophones, y a d’étudiants en latin ou en grec.Voulonsne réalisons pas aujourd’hui la chance nous vraiment accorder autant de place à la dont nous bénéficions à McGill en tant langue de Molière quand elle se trouve déjà que minorité: il est possible de rédiger ses être un vestige de l’histoire lorsqu’on marche examens et ses travaux en français, de frédans les rues du centre-ville? quemment se faire servir dans notre langue Cessons de nous compliquer la vie avec maternelle et de bénéficier d’indications en ces deux langues et surtout soyons francs. Le français partout sur le campus, lesquelles français à McGill n’existe que sur les beaux sont toutes aussi utiles que divertissantes. papiers de notre politique de bilinguisme passif. Finalement, la politique de bilinguisme Ce n’est qu’une autre technique de marketing mcgilloise a permis l’épanouissement de nompour redorer l’image de notre Université. Les élèbreux individus qui, sans une institution hétéves, les employés du campus, les professeurs, etc. tous rogène sur le plan linguistique, n’auraient auraient la vie tellement plus simple s’ils n’avaient à pu atteindre un équilibre mental adécommuniquer qu’en une seule et même langue. quat, citons notamment les cas de Même que certains, sinon la majorité d’entre eux, ont Spencer Lalonde, Dean déjà eu le bon sens et l’avant-gardisme d’adopter cette démarche: Ladouceur et Connie «Un coke, s’il vous plaît» demande-t-on. «What do you mean?» est la réponse. Un examen rédigé en français, une correction effecCaron (des noms fictifs tuée en anglais.Voilà une attitude qui donnera l’avantage aux francophones d’améliorer leurs talents dans la langue de Shakespeare. L’Université afin de préserver veut nous préparer au vrai monde, aux vraies conditions de travail. Pourquoi se mettre des bâtons dans les roues avec une langue de colonisés quand l’anonymat). on peut prospérer avec la langue des affaires? L’Université McGill devrait avoir le bon sens d’admettre qu’elle est et doit rester une université unilingue anglaise. Financée par les contribuables québécois, qui sont majoritairement francophones, elle a le devoir de lutter pour maintenir l’anglais au Québec et d’en faire la promotion afin d’adapter les nouvelles générations de cette province aux réalités du monde des affaires en Amérique. Cessons de nous emmerder à traduire et entrons donc dans l’univers et la langue du XXIe siècle. It’s time to speak white.

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Guérir le système de santé

Le nouvel accord entre les provinces et le fédéral réussira-t-il à faire la différence. Le Délit fait le point sur le dossier. Samuel Vaillancourt

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ne solution pour une génération? Le gouvernement fédéral réunissait les Premiers ministres de toutes les provinces dans une conférence portant spécifiquement sur les soins de santé, la semaine dernière. D’abord sous une couverture médiatique sans relâche, la conférence s’est terminée à huis clos après un premier échec cuisant. Après des négociations intenses de dernière minute, une entente a finalement été conclue. C’est 18 milliards en six ans que les provinces auront de plus à dépenser dans le secteur de la santé, à moins que… L’encre de l’accord à peine sèche, le gouvernement Charest déclarait que les fonds d’Ottawa étaient déjà dépensés pour cette année en santé. Les 502 millions supplémentaires d’Ottawa que Québec touchera cette année iront tout droit dans un fonds pour financer des baisses d’impôts. La grogne ne s’est pas fait attendre de la part des différents intervenants du milieu de la santé. Jean Charest, de retour en héros de la protection des compétences provinciales s’est, une fois de plus, fait détesté par les syndicats et le milieu hospitalier. Il ne reste plus qu’à attendre les sondages pour voir ce que le reste de la population en pense. Pourquoi une telle réaction? Après tout, il est vrai que le gouvernement a injecté 2 milliards de nouveaux dollars dans le secteur cette année. Le problème se pose sous plusieurs aspects. D’abord, au niveau de la crédibilité du gouvernement Charest à négocier des fonds issus du fédéral, ensuite au niveau de l’engagement électoral du gouvernement Charest en santé, et finalement sur les priorités de la population québécoise. Les Premiers ministres provinciaux se sont assis à la table des négociations en demandant à Paul Martin d’augmenter le niveau de participation financière du fédéral en santé de 16 à 25p. cent, argumentant que le réseau de santé a besoin de ces fonds pour remplir ses fonctions. S’il s’agit d’une véritable revendication, il est impératif que tout argent fédéral pour le secteur de la santé soit dépensé à cette fin jusqu’à hauteur de 25 p. cent. Les 502 millions reçus pour cette année sont très loin du compte, comme le seront les montants reçus dans les années à venir. Ou bien cette revendication sort de nulle part, ou bien cet argent doit aller dans le secteur de la santé. Retournons brièvement aux élections de 2003. Vous vous souvenez peut-être vaguement des belles promesses du parti libéral (qui se sont pour la plupart déjà évaporées). Le programme reposait sur l’idée de faire le ménage dans tous les secteurs du gouvernement pour injecter plus de fonds dans la santé et l’éducation. C’était ce miracle de gestionnaire qui devait dégager les fonds nécessaires à la santé et à l’éducation. Aujourd’hui qu’en est-il? Le gouvernement Charest a investi 2,2 milliards supplémentaires en santé depuis deux ans. Sur ce montant, le fédéral a augmenté ses transferts en santé de… 2 milliards. Mais la situation s’améliorera-t-elle pour le prochain budget? Jean Charest assurait que les 702 millions qu’il recevra l’an prochain pour la santé du fédé-

ral seront investis comme il se doit. Le problème, c’est que personne ne comprend comment Jean Charest calcule. Avec la nouvelle entente, les nouveaux transferts de points d’impôt et les nouveaux fonds accordés sous Jean Chrétien, c’est plutôt 2,9 milliards additionnels qu’il recevrait. Plus qu’assez pour remplir sa promesse électorale d’investir 2,77 milliards de plus en 20052006. Il est pourtant loin d’être clair qu’il ait même l’intention de respecter sa promesse. Le secteur de la santé va mal. Partout au Canada, les coûts de santé grimpent à une vitesse fulgurante de 5 à 6 p. cent annuellement, près de 4 p. cent au-dessus de l’inflation. Les Premiers ministres se réunissent pour demander plus d’argent, mais la solution est-elle si simple? Les gouvernements essaient de suivre la

progression des coûts de santé. Le budget des gouvernements fédéral et provinciaux est donc condamné à consacrer une proportion croissante aux dépenses de santé. Le secteur de la santé se répand comme une tumeur, asphyxiant les autres secteurs de dépenses pour assurer sa survie. Pourtant, les dépenses en santé au Canada sont légèrement au-dessus de la moyenne des pays développés. Le vieillissement de la population n’explique pas tout non plus. Les coûts des médicaments et des nouvelles technologies comptent pour beaucoup, leurs coûts ayant des taux de croissance à deux chiffres. Les compagnies pharmaceutiques ne peuvent plus être ignorées. Pendant qu’elles déclarent des profits colossaux années après années, l’augmentation des coûts des médicaments menace l’accessibilité aux soins de santé partout dans le monde.

Elles ne sont pas seules en cause cependant. Le système doit être amélioré et devenir plus efficace, le problème de la montée des coûts des technologies médicales et pharmaceutiques doit être négocié et une planification à long terme doit être faite pour les effectifs des professionnels de la santé. L’injection nouvelle de fonds fédéraux et l’idée de travailler ensemble, à travers le Canada, pour trouver des solutions à la crise à laquelle font face les provinces et leurs habitants apportaient une lueur d’espoir. Jean Charest vient de souffler la bougie en manquant une belle opportunité de se montrer de bonne foi. Il reste beaucoup à faire avant de remettre sur pied notre réseau de santé.


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nouvellesinternational

6 mois après le 11-M

L’Espagne se remet des attentas de Madrid. Eléonore Fournier

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e 11 septembre, on s’est remémoré les attentats qui, il y a trois ans, ont bouleversé les États-Unis et ont changé dramatiquement tant la politique extérieure qu’intérieure du pays. Pour l’Espagne, cette date marquait surtout les six mois après le 11 mars, jour où cent quatre-vingt-dix personnes sont mortes dans les trains de Madrid. Avec du recul, on ne sait que trop bien que les deux attaques sont l’œuvre d’Al-Quaeda, groupe terroriste islamiste international. Pourtant, sur le moment, ce n’était pas si clair. Du 11 au 14 mars 2004, les Espagnols ont été victimes d’une manipulation de la part de leur gouvernement stipulant que l’ennemi était en fait l’ETA, une organisation terroriste basque. Les bombes ont explosé dans deux trains de banlieue et dans la station d’Atocha à Madrid, à trois arrêts de métro de là où j’habitais avec six autres étudiants. Ce jour-là, les ambulances sont passées sous ma fenêtre toute la matinée, mais, habituée au bruit, je ne me suis levée qu’à midi. Tous mes colocs étaient agglutinés autour de la télévision, l’air paniqué. L’attentat avait eu lieu à 7h39 du matin. À cette heure-ci, on comptait les morts, et il y avait, selon Tele-Madrid et le journal El Pais, plus d’un millier de blessés. Selon le président José Maria Aznar, chef du Partido Popular, on avait trouvé le coupable: l’ETA. Notre amie Maria nous avait appelé paniquée du bureau: il manquait une femme au travail et la bombe avait explosé sur son trajet matinal. À la télé, on pouvait voir des centaines de corps éparpillés dans la rue et tous leurs téléphones cellulaires sonnaient, sans que personne ne puisse y répondre. À trois jours des élections présidentielles, tout Madrid était en état de choc. Aznar, au pouvoir depuis huit ans, avait passé la plus grande partie de son mandat à essayer de détruire l’ETA, et avait aussi utilisé des tactiques d’intimidation envers des associations et des journaux associés à la culture basque, aidé par une force de police spéciale héritée du temps de Franco. Il avait beaucoup été critiqué pour ces mesures antidémocratiques. Si l’ETA était vraiment coupable de la mort des madrilènes, Aznar serait inconditionnellement appuyé dans sa lutte contre le terrorisme, et n’aurait aucun mal à gagner les élections du 14 mars. Par ailleurs, à la plaza del Sol, des centaines de manifestants se regroupaient déjà, brandissant des drapeaux espagnols et chantant: «ETA no! Basta ya!» D’autres donnaient du sang ou allumaient des bougies au fur et à mesure que les noms des victimes étaient confirmés. Pourtant, quelque chose ne collait pas. L’ETA, en quarante ans d’existence, était restée une organisation relativement restreinte, s’attaquant en majorité à des cibles précises: des politiciens, des écrivains, des immeubles gouvernementaux. Jamais ils n’auraient osé poser plusieurs bombes simultanément dans des trains de la capitale, tuant surtout des travailleurs et des étu-

Au pays des mille et une grues Vo Nghi Nguyen, chroniqueur en exil

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diants. Ce n’était pas leur stratégie. Pourtant, dans tous les médias espagnols et dans la rue, le cri était le même: «ETA no!» Le jeudi 12 mars, alors qu’il m’appelait pour s’assurer que tout allait bien, mon père m’a dit: «D’après la BBC, c’est Al-Quaeda qui a fait le coup». AlQuaeda? Nos médias n’avaient pas une seule fois utilisé ce mot, et pourtant, d’après les journaux internationaux, l’ETA n’était pas l’auteur des attentats. Je me suis rendu compte à quel point les médias espagnols étaient manipulés. Aznar nous avait menti. Le lendemain, Aznar a décrété la mobilisation générale de toute l’Espagne: dix minutes de silence et une énorme manifestation contre le terrorisme. Suivant le mot d’ordre de leur président, tous ont arrêté leurs occupations de midi à midi dix, pendant un moment de contemplation très touchante. La manifestation, par contre, a été effrayante. Sous

une pluie torrentielle, des millions de gens sont sortis dans les rues, pour accomplir un pèlerinage imaginé par Aznar, jusqu’à Atocha. Quelques heures plus tard, juste avant le début des élections, le gouvernement a reconnu officiellement s’être trompé. Furieux, trahis, beaucoup de jeunes et d’universitaires qui n’avaient jamais voté ont voulu punir le gouvernement en choisissant le socialiste Zapatero. Aznar, en trois jours, avait perdu une victoire gagnée d’avance. Il ne faut pas se surprendre du manque d’objectivité des médias, ni du manque de scrupule du gouvernement. La collègue de Maria est quand même morte et les autres aussi, peu importe le coupable. Pourtant, les Espagnols ont montré que la démocratie n’était pas aussi malade qu’on aurait pu le croire. Aznar n’est plus au pouvoir, et bien que l’Espagne pleure encore ses morts, elle est aussi fière de ne pas s’être laissé faire.

hongGuo. Les Chinois font référence à leur propre pays non avec le nom de «Chine» mais bien avec celui de «ZhongGuo», la terre du milieu. Milieu du monde, sans aucun doute. Ironiquement, aucun autre nom ne pourrait mieux lui convenir ces temps-ci. Depuis ces dernières années, la Chine est au centre de l’attention. Consultez n’importe quelle revue ou bien demandez l’opinion de vos camarades et le consensus sera, fort probablement, que la Chine est en voie de devenir la prochaine superpuissance mondiale. Les arguments sont fort séduisants, une forte croissance économique et la plus grosse population de notre planète. Faites la multiplication et sous peu 1,3 milliard de chinois envahiront votre salon comme un véritable raz-de-marée. Bye-bye l’impérialisme de l’Oncle Sam, bonjour le communisme de Mao. Comme si tout cela était si simple... De Beijing à Tianjin, il est impossible de manquer ces superbes tourelles qui trônent sur des kilomètres et des kilomètres... les grues de construction. Elles se dressent et envahissent le paysage non pas seulement de la capitale mais bien de toutes les grandes villes chinoises. Les constructions semblent infinies dans la capitale. Un beau projet de modernisation, mais à quel prix? Les gratte-ciels et les stades, ça prend de la place. Pour ce faire, le gouvernement central «relocalise» des milliers de citoyens sans avertissement ou presque. Les quartiers historiques de Beijing, les hutongs, disparaissent rapidement. La revitalisation urbaine de la Chine se fait à un rythme effréné. Beaucoup trop vite. Cette même urbanisation pousse des millions de travailleurs à aller dans les centres urbains, créant ainsi une classe de «travailleurs mobiles». Tout le monde semble oublier que la grande majorité de la population chinoise vit encore dans des milieux ruraux. Le salaire moyen chinois demeure largement inférieur à celui des autres grandes puissances économiques, avec pour résultat quelques centres commerciaux flambant neufs qui sont déjà déserts. Une Chine moderne, pourquoi pas? Je n’ai nullement la prétention d’être un économiste, mais j’ai la vague impression que la Chine s’en va dans une mauvaise direction. Cependant, il y a quelques jours, le comité organisateur olympique chinois a annoncé l’annulation de la construction de cinq stades sur les dix promis, pour couper dans les coûts. Peut-être un certain signe de raison pour l’avenir?


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Le malheur russe Drames humains versus centralisation du pouvoir. Nicolas Bélanger

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u moment de l’éclatement de l’URSS, le premier symbole que la population moscovite abattit fut la statue de Félix Dzerjinski, fondateur historique de la police secrète soviétique. Par ce geste, les Russes signifiaient leur volonté d’établir enfin un état de droit dans ce pays de tradition autoritaire. Il n’aura fallu que très peu de temps à ce rêve démocratique pour se retrouver, selon les mots de Trotski, «dans les poubelles de l’histoire». À tout le moins, il convient de remarquer que l’avenir de la jeune démocratie russe paraît aujourd’hui de plus en plus incertain. Les événements tragiques de Beslan, au cours desquels des centaines d’enfants ont trouvé la mort dans des circonstances nébuleuses, ont une fois de plus démontré le manque total de considération des autorités russes pour la vie humaine. La gestion cynique de la prise d’otages du théâtre DK, en octobre 2002, ainsi que celle tout aussi révoltante de l’opération de sauvetage du «Koursk», quelques semaines plus tôt, constituaient déjà des précédents éloquents. La raison d’État semble légitimer, aux yeux de Moscou, le sacrifice de centaines, voire de milliers de vies humaines sur l’autel de la sécurité nationale. Quant à la population russe, elle ne semble pas en mesure de faire valoir son droit à une plus grande considération de la part de ses élus. Le président Vladimir Poutine a d’ailleurs profité de la crise de Beslan pour annoncer de nouvelles mesures de centralisation du pouvoir en Russie. Avec un exécutif aux pouvoirs de plus en plus étendus et une chambre basse contrôlée aux trois quarts par ses partisans, le régime de Poutine prend de plus en plus les apparences d’une dictature de facto. Au cours des dernières années, l’opposition interne a été lentement mais sûrement réduite au silence. La chaîne de télévision NTV, l’une des plus critiques vis-à-vis du gouvernement actuel, a été placée sous le contrôle direct du Kremlin. Mikhaïl Khodorkovski, le richissime président de la compagnie d’exploitation pétrolière Ioukost, a été emprisonné l’année dernière pour s’être mêlé de politique. Il convient en effet de présenter les choses sous leur véritable jour: ce n’est pas le fait de s’être enrichi de façon éhontée sur le dos de la population russe qui a précipité la chute de Khodorkovski, mais bien son opposition déclarée au parti de Vladimir Poutine. Paradoxalement, la guerre en Tchétchénie et les attentats terroristes perpétrés par les kamikazes tchétchènes servent l’agenda politique du gouvernement russe actuel. Chaque attentat donne en effet une nouvelle légitimité à sa politique de centrali-

Russie: le culte de la personnalité est loin d’être terminé.

sation du pouvoir et de restriction des libertés individuelles. L’une des plus grandes tragédies historiques de la Russie – et aussi l’un de ses paradoxes les plus fascinants - est sans doute la propension extraordinaire de sa population à se ranger derrière les chefs les plus tyranniques. Les gouvernants les plus populaires de l’histoire russe (Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Lénine et Staline) se sont en effet distingués par l’extrême violence de leur règne

et leur attitude intransigeante vis-à-vis de l’opposition. Aujourd’hui encore, une majorité de Russes appuie les politiques autoritaires de Vladimir Poutine, particulièrement sa gestion musclée du problème tchétchène. Tout semble se passer comme si les Russes n’étaient pas assez mûrs politiquement pour s’accommoder d’un régime démocratique. Un pouvoir fort et centralisé, incarné par une personnalité facilement identifiable, est-ce à

quoi aspire plus ou moins ouvertement la plus grande partie de la population? Le malheur de la Russie n’a peut-être nul besoin d’être cherché ailleurs. Par tradition, ce pays est gouverné par des personnalités davantage que par des institutions politiques, et la population semble s’être habituée à cet exercice arbitraire du pouvoir. En ce sens, la dérive autoritaire actuelle n’est peutêtre qu’un simple et déplorable retour à la normale.


Photos: Philippe Lopez et Hannah Culhane Palmer

IdÊe et montage: Éric Demers


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Une voix à portée de tous

CKUT est non seulement votre radio étudiante, mais également un terrain d’expression. Valérie Vézina

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KUT, ça vous dit quelque chose? Certains d’entre vous diront simplement: «Ah oui! La radio universitaire…» Mais, le mandat de CKUT ne s’arrête pas seulement à desservir la communauté mcgilloise. Selon Pierre Petiote, responsable de la section arts et culture (sa propre traduction de «spoken-word»), l’un des objectifs principaux de CKUT est de «donner une voix aux sans voix». Pas étonnant de retrouver dans la programmation des émissions pour gais et lesbiennes, pour les Coréens, les Haïtiens, etc. McGill est multiculturelle et

culturecampus

CKUT nous le démontre très bien en donnant une chance à tous de pouvoir s’exprimer. Les francophones ont également leur place dans la programmation. En effet, au moins quatre émissions de musique ont lieu en français. Dans le domaine arts et culture, qui se veut un mélange d’arts, de nouvelles, de culture, etc., cinq émissions ont lieu en français, parfois combiné avec une autre langue. Par exemple, lors de l’émission haïtienne, la langue de diffusion alterne entre le français et le créole.

Toutefois, afin qu’une radio puisse diffuser 24h sur 24, 7 jours sur 7, il faut du monde pour s’impliquer. Pierre Petiote et son équipe sont ainsi à la recherche de personnes motivées et responsables afin d’animer l’émission intitulée «le lendemain de la veille» qui est diffusée le jeudi matin de 7h à 9h. Ça vous fait peur, vous n’avez jamais fait de radio? M. Petiote se fait rassurant. Pas besoin d’expérience, un training gratuit, si vous êtes étudiant à McGill, vous est offert. En plus, si vous désirez, par exemple, vous occuper de critiques littéraires, mais ne pouvez être pré-

Francophilie,

sents les jeudis matins, il est toujours possible de pré-enregistrer des segments. Bref, une autre belle façon de parler la «langue de chez nous» et de la partager avec les autres. Si vous désirez vous impliquer dans l’émission «le lendemain de la veille», vous pouvez communiquer avec M. Pierre Petiote au (514) 398-6787 ext. 2593 ou encore via courriel à l’adresse suivante: culture@ckut.ca. De plus, il est toujours possible de visiter le site web de CKUT au www.ckut.ca

francofolie,

francofête

Bientôt aura lieu à McGill la deuxième édition de la Francofête, le 23 septembre prochain. Entretien avec l’un de ses organisateurs et président du réseau des francophiles, Mathieu Gobeil. Propos recueillis par Flora Lê Le Délit (LD): Comment se définit le réseau des francophiles? Mathieu Gobeil (MG): Le réseau des francophiles est un nouveau service de l’association étudiante. Passé du statut de club l’année dernière à celui de service, nous cherchons à aller rejoindre les communautés francophones et anglophones de McGill, et tenter de les rapprocher. Ce n’est pas un groupe de francophones, mais bien de francophiles, c’est-àdire de tous ceux qui sont amoureux de la langue française, ou qui sont désireux d’en apprendre plus sur la langue. On organise pour cela des activités en français sur le campus, sociales ou culturelles. On veut aussi éventuellement faire des voyages, comme à Québec par exemple. LD: Quel genre de services comptezvous offrir? MG: Nous avons d’abord un programme d’échange linguistique. On jumelle les étudiants anglophones et francophones, et sous la forme de rencontres une ou deux fois par semaine, disons dans un café ou n’importe où, et ils ont la chance de pratiquer leur français. C’est un volet plutôt pédagogique pour les anglophones, et c’est pourquoi on a besoin de bénévoles francophones. On a aussi un comité de traduction pour traduire les principaux textes de l’AÉUM. Autrefois, c’était les deux commissaires francophones qui en avaient la tâche, mais le travail est trop considérable pour deux seules personnes, c’est pourquoi nous allons former un comité qui y travaillera à temps plein. LD: Et des activités en perspective? MG: Côté activités, une ou deux fois par session, on organise des soupers «pot luck» avec les membres du réseau, où chacun apporte un plat. L’activité se déroule en français bien sûr, et favorise l’échange! Nous allons aussi faire des projections de films en français, une fois par semaine. Il y aura des sorties dans les bars, comme par exemple les dimanches francophones au Café Campus. D’ailleurs, nous avons une association avec le Café Campus qui nous donne des passes gratuites pour les membres du réseau. Mais notre plus gros pro-

jet est le voyage à Québec, pour en découvrir la culture et créer l’effet d’immersion en français! LD: Et que nous préparez-vous avec la Francofête cette année? MG: Ce jeudi 23 septembre, vous trouverez au «Three Bears Park», devant le pavillon Arts, une célébration des différentes cultures francophones à travers le monde. Chaque culture francophone sera représentée par un kiosque qui fera découvrir la communauté étudiante. Vous trouverez des présentations écrites, de la musique, des extraits vidéo, de la danse, de la nourriture, etc. Ce sera une occasion pour tous de s’ouvrir à la diversité de la culture francophone.

LD: Pourquoi est-ce important qu’il y ait un réseau de francophiles à McGill? MG: Parce que je crois que malgré le fait qu’il y ait déjà des structures qui permettent aux étudiants francophones de s’impliquer dans leur langue, comme Le Délit et le Théâtre de la Grenouille, aucune n’avait pour objectif de faire le pont entre «les deux solitudes», et c’est ce que nous tentons de faire. Et chez nous il n’y a aucun critère de sélection, tous sont admis, peu importe le domaine ou le niveau d’étude, la langue, etc. Seul le désir d’échanger est obligatoire! LD: Et à long terme? MG: À long terme, nous aimerions avoir beaucoup de membres, et une implication de

leur part qui ferait que ce ne soit pas uniquement le comité exécutif qui s’occupe de toute l’organisation des activités. Bref, que les membres fassent rouler le réseau eux-mêmes. Mais surtout, nous espérons un meilleur échange entre les deux cultures linguistiques qui se côtoient à McGill, et qui gagnent toujours à se connaître. La Francofête aura lieu ce jeudi 23 septembre toute la journée au «Three Bears Park» (en face du pavillon Arts). Pour plus d’information, consultez le site www.ssmu.ca/reseaudesfranco, ou écrivez à réseaudesfranco@yahoo.ca


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culturemusique

Colectivo: fiesta garantie! Entretien haut en couleurs avec un membre du groupe montréalais. Alexandre Vincent

D

urant la tournée de Colectivo au Mexique, le public croyait que ses membres étaient originaires de quatorze pays différents. Mais ce groupe de musique latine venait d’une seule et même ville… Montréal. Colectivo met le feu dans chaque salle de spectacle où il passe. Métissage des cultures, diversité des langues, Colectivo suscite la curiosité partout où il passe. Un trip musical comme il s’en voit rarement et un party auquel vous êtes les premiers invités! Le Délit a rencontré Shantal Arroyo, chanteuse du groupe. «Colectivo» veut bien dire «collectif» en espagnol. Par contColectivo: enflammé par la passion re, en Amérique latine, il désigne aussi un autobus ou un taxi qui Anonymus, Redcore, Funkaphone embarque des passants, des voyaet Putrid.Tous des groupes qui ont geurs, des pousseux, pour se rendre marqué, à leur façon, la scène d’une destination à une autre. Cela underground. «On ne se le cachera résume assez bien l’esprit de pas, on a fait ça pour aller jouer au Colectivo. Le groupe a vu le jour, il Mexique! On a décidé de faire y a environ trois ans. Shantal comme tous les bands de covers Arroyo, alors chanteuse du groupe (groupes qui jouent des pièces Overbass, décide de s’offrir une d’autres groupes), puis on est allé petite tournée au Mexique. Elle jouer des covers au Mexique», appelle des amis qui jouent dans explique Shantal. Un petit projet des groupes et se retrouve finalequi les a menés bien plus loin qu’ils ment avec quatorze musiciens qui ne croyaient. embarquent dans le projet. Et parmi ces musiciens, on retrouve de Valeur des villages grosses pointures de la scène locale La seule raison pour laquelle montréalaise. Mais on ne parle pas Colectivo existe est pour le plaisir ici de la scène latine ou cubaine, de jouer en groupe. Il n’y a rien qui mais bien de funk, de hardcore et puisse empêcher la volonté d’un de heavy métal. Nous y retrouvons band. Comment vous l’expliquez? des musiciens de groupes tels que Imaginez deux mille kilomètres, un Overbass, Grimskunk, B.A.R.F., van remplie d’amplis, de la bouffe

15 musiciens. 15 talents.

de la musique.

sur le pouce et une foule qui danse pendant votre show. «Il a des gens qui nous disent: “Vous avez l’air d’avoir du fun!”. Mais bien sûr qu’on a du fun! Je vais continuer de le dire même si ça fait chier du monde: Colectivo est un collectif qui nous permet de tripper, rien de plus! Ça nous permet de voyager. Faire le tour des villes et des villages au Mexique, c’est cool. Je côtoie des musiciens professionnels qui jouent juste pour le cash. Parfois, j’ai peur qu’on devienne comme ça. Il y a tellement d’attentes différentes quand on est quinze musiciens. Moi, j’ai toujours dit que je faisais ça pour le trip, pas pour le cash», précise Shantal. On peut facilement la croire parce que séparer la paye d’un groupe en quinze, ce ne doit pas toujours être

payant! «Les raisons pour lesquelles je fais de la musique, c’est pour me permettre de voyager, de faire des shows et de vivre décemment. Pas pour devenir populaire comme les Stones. Pour l’instant, je peux dire que j’ai atteint deux buts sur trois», dit-elle en riant. Connaissant ces musiciens personnellement depuis plusieurs années, je peux affirmer que ce monde-là est fait pour la scène. «On fait de la musique parce qu’on aime ça. Le band a envie d’être sur un stage. Présentement, il y a plein de fin de semaines où on n’a pas de show. Joël (le bassiste), Black (le chanteur), Kim (le trompettiste) et moi allons nous emmerder! On est tellement habitué de faire de la route, de se promener, de tripper en gang».

Les chemins de traverse

Colectivo fait tous ses projets différemment, celui du Mexique comme les autres. Ce n’est pas compliqué, ses membres font les choses différemment depuis qu’ils font de la musique. Ces musiciens ont aidé la culture musicale underground à former un réseau alternatif aux grands médias. Jadis directrice de la production aux Foufounes Électriques, Shantal sait de quoi elle parle: «Ca prend des couilles pour vouloir réussir au Québec. La diffusion est inexistante. Les journaux peuvent faire des articles sur toi, mais les radios t’ignorent. Quand une de tes tounes passe à la radio, c’est souvent la plus poche!». Ce discours n’a jamais été aussi vrai. Les institutions censées diffuser de la musique sont devenues des pos-

tes humoristiques, tant les radios que la télévision. Pour contrer ce phénomène, Colectivo explore d’autres horizons que le marché québécois. «Tout le monde va aux États-Unis ou en Europe. De notre côté, on essaie de faire les choses autrement». La preuve, Colectivo fera sa prochaine tournée en Argentine. «Si tu regardes à Los Angeles, Soulffly est reconnu comme un band local. On ne peut pas se battre contre lui! La plupart des bands payent pour jouer sur une liste de cinq groupes dans un bar. Au Mexique, on s’est rendu compte qu’il y a un public énorme qui a soif de nouvelle musique, mais tout est tellement désorganisé! Il n’existe pas de structure de diffusion». C’est l’inverse au Québec. En effet, la province s’est dotée d’un réseau alternatif de distribution et de diffusion dans le milieu des années 90. «Bande à part, la Sopref, Local Distribution n’existaient pas quand Overbass a commencé. Ce sont de méchants gros coups de main! Mais ici, il manque de monde. Il faut faire des bébés!», ajoute Shantal. «Si un band est bon, il va finir par percer». C’est du moins ce que croit Colectivo, qui en a toujours fait à sa tête. Car pour ses membres, la passion l’emporte sur tout. Colectivo travaille présentement à l’élaboration d’un deuxième album et à une possible tournée en Argentine. Pour l’instant, vous pouvez toujours vous procurer leur premier album, Hasta la fiesta sempre! et consulter le www.colectivo.ca


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culturecinéma

Les poissons font-ils l’amour?

Le Goethe-Institut célèbre 30 ans de cinéma allemand féminin avec le festival «Les femmes au cinéma» du 16 septembre au 10 décembre prochains. Marie-Noëlle Bélanger-Lévesque

P

remière confession: je ne parle pas allemand. Deuxième confession: il y a une semaine, je ne connaissais du Goethe-Institut que la façade de son bâtiment au coin des rues Sherbrooke et Saint-Denis. Troisième confession: leur festival «Les femmes au cinéma: 30 ans de cinéma allemand féminin» m’intéresse. Bon, vous me direz que je suis une femme, mais c’est une piètre raison pour assister à un festival: leur programmation est tout simplement séduisante. Ce programme célèbre 30 ans de films allemands réalisés par des femmes cinéastes et est présenté par le Goethe-Institut (qui, soit dit en passant, est l’endroit idéal pour ceux qui s’intéressent aux cousins germains, avec ses cours, ses films, etc. offerts en allemand). Le festival se déroule du 16 septembre au 10 décembre et couvre 14 films: il débute avec un film datant de 1978 Le second Réveil de Christa Klages et se termine avec Kroko, gagnant du prix du Cinéma allemand 2004 (ruban

culturecinéma

d’argent). Plusieurs autres des films présentés sont aussi récipiendaires de prix, mais ce qui les rassemble tous est leur contribution à l’histoire et à l’évolution du cinéma allemand au féminin (avec tout ce que ça comporte au niveau des changements de mode, il faut donc savoir fermer les yeux sur certaines coupes de cheveux et de vêtements!) Personnellement, je suis intéressée par Do Fish Do It?, récipiendaire du prix Max Ophuels 2002 pour la meilleure direction artistique et de celui du Cinéma allemand pour le meilleur scénario. Il est décrit par le festival comme étant «un film sur un premier amour, le danger auquel est exposé cet amour, les problèmes liés à l’adolescence et la question fondamentale de savoir si les poissons font l’amour »! Bon, je l’avoue, il faut aimer le genre, mais il y en a vraiment pour tous les goûts. Alors, peu importe la raison (si tu parles allemand, si tu t’intéresses à l’histoire au féminin, si tu étudies l’allemand, si tu t’intéresses au vécu féminin, si tu aimes les vieux (et

Do Fish Do It? sera présenté par le Goethe-Institut.

moins vieux!) films, si tu es du type explorateur, si tu veux sortir un jeudi ou un vendredi pour presque rien ou si tu veux savoir si les poissons font l’amour)… tu sais quoi faire! Les films sont présentés en allemand avec sous-titres français

ou anglais. Le festival «Les femmes au cinéma: 30 ans de cinéma allemand féminin» est présenté à la salle NormanMcLaren, au 418, rue Sherbrooke Est tous les jeudis à 20h et les vendredis à

18h30, du 16 septembre au 10 décembre. Prix d’entrée: 6$. Pour plus d’informations et pour l’horaire détaillé du festival, consultez le site du GoetheInstitut au www.goethe.de/uk/mon ou composez le (514) 499-0159.

L’Art au 7ème art

Redécouvrez les meilleurs moments de la 22e édition du FIFA au Musée des Beaux-Arts, du 19 septembre au 9 octobre. Léa Guez

E

t non, les joueurs de la coupe du monde de la Fédération internationale de football ne viennent pas rendre visite à leurs fans montréalais. Par FIFA, veuillez comprendre Festival International du Film sur l’Art. Un festival qui en est à sa 22e édition et qui rencontre un succès grandissant (plus de 30 000 spectateurs en mars dernier). Quelle chance le comité du FIFA, le Service de l’éducation du Musée des BeauxArts et l’arrondissement Ville-Marie nous offrent-ils! Pas de déception face aux séances à guichets fermés, pas d’hésitation devant une sélection de deux cent quarante œuvres présentées à cet évènement internationalement reconnu et unique en son genre. En effet, du 19 septembre au 9 octobre, les films promus à la 22e édition de ce festival seront projetés les dimanches à 14h au Musée des Beaux Arts de Montréal. Les têtes en l’air, les absents ou les pressés qui ont raté le festival en mars 2004 se voient ainsi donner une chance de se rattraper. Quant aux curieux, ils pourront profiter de cette intelligente initiative pour obtenir un avant-goût de la 23e édition programmée en mars 2005. Ayant manqué le festival en mars (et d’ailleurs aussi la première projection de cette rétrospective, La délivrance de Tolstoï, qui s’annonçait intéressante), je me promets d’as-

Ordinaire ou super - Regards sur Mies Van Der Rohe.

excavatrices hydrauliques. Il sera suivi de Danse, Grozny, danse (The Damned and the Sacred), gagnant du Grand prix, mettant en scène, de manière journalistique et humaniste, de jeunes danseurs tchétchènes. Ordinaire ou Super-Regards sur Mies van der Rohe, produit par deux néophytes du film sur l’Art, semble avoir conquis le jury qui lui a décerné le prix de l’Œuvre canadienne. Attention cependant, le choix des heureux gagnants a été quelque peu contesté étant donné que l’on a préféré récompenser non pas un film ayant pour sujet un personnage mythique de l’art mais un sujet plus original. Les amateurs d’art et les artistes vraiment fauchés (la place n’est qu’à 5$) pourront assister gratuitement à la projection du 26 septembre, à l’occasion des Journées de la culture. Les amis du Musée des Beaux-Arts (les abonnés au musée) bénéficient d’un accès gratuit à tous les films. La tournée du FIFA se poursuivra ensuite à Los Angeles puis à Paris… Le FIFA offre sans aucun doute une approche originale de l’art: s’informer sur une forme d’art, une œuvre ou un artiste par l’intermédiaire du 7e art…

sister à l’une des projections de cet échantillon de qualité. Sans en faire une liste exhaustive, et en me basant sur diverses cri-

Le FIFA au Musée des Beaux-Arts, du 19 septembre au 9 octobre. Renseignements au (514) 874-1637 ou sur le site www.artfifa.com.

tiques, je citerai par exemple le court (4 minutes) et intrigant Pretty Big récompensé par le prix du jury, un film muet sur des


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culturecinéma

Fous du surf Le documentaire Riding Giants propose l’évolution du surf, des années 50 à aujourd’hui. David Pufahl es premières images livrent immédiatement le défi des surfers: une vague impossible à parcourir. Elle mesure peut-être soixante pieds de haut. Majestueuse et inconcevable en même temps. Quelques secondes plus tard, un surfeur sort de nulle part et maîtrise sa position à la perfection. On se demande aussitôt qui pourrait être assez cinglé pour aller risquer sa vie de cette manière. Le but principal de Riding Giants est de répondre à cette question. Stacy Peralta, qui a déjà réalisé un documentaire sur la planche à roulettes (Dogtown and ZBoys), y arrive très bien. Après le générique d’ouverture, un petit résumé humoristique de l’histoire du surf nous est présenté: il remonte à mille ans plus tôt, lorsque le surf fut inventé par des indigènes de l’île d’Hawaii, et se termine aux années 50, où il commença à être pratiqué au sud de la Californie. Cette touche d’humour réapparaîtra à des moments opportuns, preuve que ce film ne se prend pas toujours au sérieux. En effet, il ne se vante pas de vouloir expliquer toute la physique que ce sport implique. D’ailleurs, vous ne verrez pas seulement des cascades réussies: environ une cascade sur quatre présentées dans ce film culmine avec la chute du surfeur dans l’eau. À certains moments au cours de ce documentaire, vous serez envahis par une avalanche de noms connus et moins connus du surf. Une fois ces énumérations encombrantes passées, le réalisateur portera son

L

culturevariétés

attention sur quelques surfeurs seulement, interviewés devant la caméra. Le film reprend du poil de la bête lors de ces interviews, car la passion qui anime ces gens est vraiment palpable. Le surf est leur raison de vivre. En fait, ce sport devient un mode de vie. Des documents d’archives nous font découvrir une petite communauté de surfeurs qui avait redécouvert Hawaii et ses grandes vagues d’environ quarante à cinquante pieds. La vie de ces gens consistait à faire du surf pendant huit heures consécutives, à plonger dans l’eau pour y attraper des poissons afin de se nourrir, à dormir sur un matelas acheté à l’Armée du Salut et à recommencer la journée suivante. On se croirait dans la communauté idyllique du film The Beach, de Danny Boyle. Comme les surfeurs nous l’expliquent à maintes reprises, la poussée d’adrénaline que l’on ressent au creux d’une énorme vague dépasse tout entendement. Malheureusement, on peut avoir à payer un prix très élevé pour cette poussée. Le film ne tente pas de nous le cacher et son ton devient dramatique lorsque le narrateur décrit l’accident qui a coûté la vie à un surfeur de Californie. Le témoignage de ses proches est d’ailleurs très émouvant. Parmi les innovations actuelles du surf présentées dans le film, celle de Laird Hamilton se détache du lot. Ce personnage a inventé une nouvelle façon d’attaquer les vagues. Avant lui, on devait passer plus de

Grâce à une motomarine, Laird Hamilton réussit à se placer directement au creux de la vague avec une vitesse suffisante pour l’attaquer.

deux heures sur sa planche de surf, à se rendre à la naissance des vagues pour ensuite se laisser transporter. Laird Hamilton, quant à lui, se laisse conduire directement vers le creux de la vague par une motomarine, avant de gagner de la vitesse, lâcher la corde qui le lie à la motomarine et attaquer la vague de plein fouet. Soudainement, des vagues de soixante à soixante-dix pieds, qui semblaient complètement hors de portée, deviennent

atteignables. On découvre ainsi un sport encore plus excitant. Ces quelques anecdotes et plusieurs autres vous attendent lors de la projection, en plus d’images absolument spectaculaires. En passant, si vous avez aimé les entrevues, restez assis pendant le générique de fin: quelques autres entrevues coupées au montage sont sublimes.

Petite gaffe,

Grande surprise Le hasard fait souvent bien les choses... Il suffit de se tromper de salle pour tomber sur un spectacle qui donne à voir le Québec sous un jour nouveau et bellissime! Olivia Lazard

O

ui oui, vous avez bien compris, je me suis trompée de salle! Figurez-vous que j’étais censée vous proposer un article sur Délicate Balance, une pièce d’Edward Albee. Le destin n’en faisant toujours qu’à sa tête m’a joué un tour qui me semblait de bien mauvais goût au départ. Mais après réflexion, le détour a valu la peine… Avez-vous entendu parler de Québec Issime? Sinon, vous devriez peut-être vous renseigner! Voici un spectacle musical qui passe en revue toute la chanson québécoise «de Céline Dion… à la Bolduc». Ok, d’accord, on s’entend bien, ce n’est peut-être pas le style de musique de tout le monde.

Seulement laissez-moi vous expliquez avant de tourner la page… Après avoir passé une bandeannonce de dix minutes expliquant les origines de Québec Issime, le rideau s’ouvre et laisse place à une bande d’artistes aux voix variées et toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Mais le spectacle ne se limite pas à la chanson. La mise en scène, les décors, les costumes, les effets de son et lumière sont réellement impressionnants. Les artistes ne sont pas seulement interprètes des chansons, ils sont acteurs, musiciens, ils incarnent la fierté d’être artiste québécois. La réalisation d’un tel spectacle a dû prendre non seulement beaucoup

de temps mais également une bonne dose de patience et de travail. Le résultat: trois heures de sourire et de frissons. Quiconque va voir ce spectacle ne peut qu’admirer la passion de ces jeunes talents qui redonnent vie à des chansons nées il y a quelques années. Mais là est la partie la plus délicate de leur aventure. Ces musiques qu’ils interprètent sont déjà des monuments ici et par-delà leur continent. La magie de la musique permet aux nouveaux venus de faire leurs preuves, ce qui appartient à tout un chacun. Ils ne reprennent pas ce qui a déjà été fait, ils donnent ce qu’ils sont dans chacun des morceaux. Les réactions dans la salle étaient unani-

mes. Le public était devenu le chœur de l’orchestre et chantait avec ferveur leurs chansons. Même moi n’étant pas d’ici me le serait presque cru, le temps du spectacle. Mais à défaut d’être québécoise, je suis artiste et je reconnais le travail époustouflant qu’a nécessité une telle réalisation. Dans le spectacle musical Québec Issime, j’ai voyagé dans différentes époques, j’ai éprouvé différentes atmosphères et traversé différentes sphères. L’enchaînement sans relâche du spectacle donnait vie à la scène. Les plus grandes comédies musicales telles que Starmania et Notre Dame de Paris se sont succédé. L’orchestre, composé d’une variété

d’instruments allant des cordes aux vents, formait un ballet sur scène grâce aux plateaux amovibles et permettait une reconstruction de la mise en scène à tout moment.Voici un spectacle qui a largement mérité ses applaudissements. Les artistes de la troupe de Québec Issime seront bientôt de retour dans leur spectacle acclamé l’année dernière, Décembre, et qui promet bien des espoirs. Mais à ce qu’il paraît, c’est la période qui veut ça…

Québec Issime est présenté au Capitole de Québec du 1er au 3 octobre. Billetterie: 1-800-261-9903.


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culturethéâtre

À la recherche du sens perdu

Stéphane Crête et Didier Lucien laissent leurs plus bas instincts et leur grande imagination mener le scénario de Nicole, leur dernier rejeton dont ils assument le texte et la mise en scène, présenté à l’Espace Libre. Émilie Beauchamp

A

u début, on est amusé. Sans le cacher, Stéphane Crête et Didier Lucien ont le talent de se permettre ce genre de conneries sans aucun sens et réussissent facilement à capter l’attention de l’auditoire. Pas de structure, pas de plan, pas de limite… Et voilà comment se déroule toute la pièce. Non seulement le seul jeu des comédiens hypnotise, mais leur apparente complicité qui ne date pas d’hier (rappelez-vous Brad et Bob du Romano Fafard) transparaît à chaque instant. Puis, toujours agréablement étonné par les scènes grotesques et loufoques, même parfois dramatiques, on commence à se poser des questions. Pas de structure, pas de limite… Pas d’histoire? Pas de sens? Certainement pas! L’histoire est plutôt simpliste, mais n’est pas vaine; un voyage dans la tête des deux auteurs. Pour ceux qui sont des fans des deux artistes et connaissent leurs œuvres, il est facile d’imaginer de quoi il ressort. Pour ceux qui ignorent, déplorablement, le travail précédemment accompli par les deux jeunes messieurs sur la scène québécoise, pensez donc à une femme à tête de panda, une séance chez le psy entièrement mimée, ou encore Didier Lucien nous faisant un

strip-tease… Sans oublier de mentionner que les saynètes, d’une durée d’environ cinq à dix minutes chacune, se présentent sans préambule, sans intro, sans lien quoi! Au moment où l’on commence à vraiment s’interroger sur le sens de leurs actions, les deux acteurs, avec la participation spéciale de Guillermina Kerwin, redoublent d’intensité et nous proposent des jeux totalement irréels, grotesques dans l’ensemble, des situations clichées qui, lorsque isolées, empêchent le spectateur de prêter attention à autre chose qu’à la merveilleuse ironie de la pièce. On devient gaga de leurs jeux de mots, de leur irrationnelle mise en scène et on se laisse emporter par la pièce. Ce n’est qu’à la fin que notre esprit critique reprend le dessus… La recherche du sens profond de la représentation nous amène alors dans une réflexion parallèle. Pourquoi porte-t-elle une tête de panda, qu’étaient ces extra-terrestres poilus et pourquoi Stéphane Crête se prend-t-il pour une femme? Mais surtout, qui est Nicole? Après mûres réflexions, la conclusion est que Nicole n’est pas une personne, mais autre chose. Nicole est en même temps la guide des rêves des deux hommes, une

culturephotographie

Nicole... en vedette à l’Espace Libre.

présence omniprésente dans leur esprit. Elle est la clé des différentes portes ouvertes dans le voyage de leur pensée, mais aussi un fantasme inatteignable, surgissant de mémoires infantiles ou de rêves d’adolescents. Nicole est la maîtresse de ce monde que Crête et Lucien nous présentent, ce monde fait de leurs désirs, de leurs peurs, des stupidités imaginées par les deux comparses au cours de leur vie. On pourrait aussi chercher ici une critique de la société, une envie de se défaire de tous ces gens qui sont trop pareils,

trop ennuyants, trop comme nous tous… En fait, Nicole est une représentation des rêves inavoués de Stéphane Crête et Didier Lucien, personnifiés en une chose nommée Nicole. Après maintes interrogations, on en finit par se dire que cette pièce, Nicole, est aussi un reflet de nous. Par des jeux de scènes qui demandent souvent la participation du public, par des situations qui ne font sens que lorsqu’on les rapporte à soi, on s’avoue que Nicole est une pièce plus profonde que la profonde ironie affi-

chée par les comédiens. Ce sont des rêves, peut-être les vôtres aussi, qui se matérialisent devant vous. Et c’est délicieusement agréable de voir deux artistes de grand talent se fondrent dans ce jeu, d’en faire leur jeu. Et puis, au fond, peut-être voulaient-ils seulement se foutre de notre gueule? Nicole est présenté à l’Espace Libre, 1945, rue Fullum, jusqu’au 25 septembre. Billetterie: (514) 521-4191.

Métros en couleurs Un projet à la portée d’un record Guinness tout en photos. Valérie Vézina

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Le métro d’Ankara.

ontréal, Madrid, Téhéran, Moscou, Paris, Le Caire, Mexico: ces lieux urbains comptent parmi les cent quatorze villes dans lesquelles un métro vibre. Partie intégrante de notre routine, nous oublions l’«œuvre» derrière le transport. En tant que Montréalais, nous avons souvent une image un peu stéréotypée du métro. Par exemple, pour beaucoup, le métro est sous terrain, roule sur pneumatique.Toutefois, ces caractéristiques varient d’un métro à l’autre, d’une ville à l’autre. Ce sont ces différences et similitudes que le groupe de recherche métroscope veut mettre de l’avant. Leur projet est de grande envergure: documenter l’environnement des utilisateurs de métros dans cent quatorze villes différentes. Le tout s’étale sur cinquante-trois pays où l’on parle trente-cinq langues différentes. Pas évident?

Rien ne semble pourtant ébranler l’équipe montréalaise. L’idée de ce projet inusité est de Paul Guérin. «Anthropologue retraité», comme il se qualifie, il a déjà travaillé pour l’UNESCO. Les projets de recherche de l’organisme lui demandant de voyager dans les grandes cités internationales, il y a découvert les différentes infrastructures des métros et a voulu en faire part au grand public. Selon M. Guérin, il y a certains points similaires dans tous les métros du monde. Par exemple, les référentiels, comme BerriUQAM, existent un peu partout. De plus, une certaine convention existe, stipulant que l’artiste à qui la station de métro est dévouée reçoit 1 p. cent du coût de la construction de la station. Néanmoins, l’âme du métro diffère à chaque endroit. Des différences surprenantes existent. Quelques exemples à l’appui suffiront pour vous en

convaincre. À Wuppertal, en Allemagne, le métro est littéralement accroché. Autre surprise: Budapest abrite sous ses murs le deuxième métro du monde. Bien qu’il ait été construit en 1896 et qu’il se trouve en Hongrie, pays riche en histoire, le métro s’avère ultramoderne. Madrid est également à mentionner. Tristement réputé pour être le métro le plus vandalisé au monde, il s’est refait une beauté, il y a trois ans. Maintenant épuré, ses lignes, selon M. Guérin, sont plus raffinées et les couleurs pastels sont apaisantes. Le métro coup de cœur: Moscou. Sa plus moche station est plus belle que notre musée d’art contemporain: on y retrouve cristal, planchers en granite, luminaires… de quoi faire rêver! Le projet cherche également à mettre en lumière le travail des créateurs d’ici qui ont percé ailleurs. Par exemple, Labbé Designer, une entreprise

du Plateau Mont-Royal, a mis sur pied un matériel anti-graffiti au métro de New York. Ainsi, chaque matin, les wagons des métros passent au «lave-métro», afin d’être nettoyés de leurs slogans. Une entreprise de chez nous qui a fait du chemin… D’autres modèles, M. Guérin en a des centaines. En fait, autant qu’il existe de métros. Une idée de projet originale pour nous faire (re)découvrir toute la beauté des métros d’ici et d’ailleurs. À voir. L’équipe de métroscope est à la recherche de photo-maniaques qui voudraient s’impliquer dans le projet. Le 22 septembre, journée sans voitures, vous pourriez être chasseurs de photos! Vous devez vous enregistrer au bureau d’information de la STM aujourd’hui entre 15h et 21h. Envoyez ensuite vos images à info@metroscope.net. Pour consulter le site du projet: www.metroscope.net


21septembre 2004

critique critique disques disques Ash Meltdown (Infectious Records)

En 1994, alors qu’Ash venait de décrocher un contrat d’enregistrement,Tim Wheeler, chanteur et compositeur du groupe déclarait à la presse: «Un artiste de rock est censé être à son apogée à 24 ans et tomber de son trône à 28. J’ai 19 ans». Une décennie plus tard, le quartet nordirlandais sort son quatrième album, Meltdown. La première chanson éponyme est plus violente et plus dégoulinante que n’importe quelle autre pièce d’Ash, cependant, outre son accès de furie et de fureur adolescente, on se demande s’il n’y a aucun signe de composition remarquable derrière tout cela. Entre excitation et semi-déception débarque «Orpheus»: intro, riff, couplet, refrain, couplet, double refrain, riff, bridge 1, bridge 2, puis…. refrain. Le même que les trois précédents, mais celui-là est différent, il s’élève au-dessus du reste de la chanson et donne soudainement un sens à tout ce qui a précédé. La chanson s’explique d’elle-même, et par le biais du rock’n’roll, c’est l’univers entier qui se justifie aussi pour quelques instants. Certaines personnes gravissent le mont Blanc pour l’unique sensation d’arriver au sommet et de contempler le monde de là-haut. Le dernier refrain d’«Orpheus» est un sommet, mais le chemin pour y accéder n’est ni sinueux ni désagréable, bien au contraire. Les autres chansons défilent, et on peut en détecter trois plutôt mauvaises. Or comme écrivait récemment un journaliste du New Musical Express, ces points négatifs montrent une certaine vulnérabilité qui innocente le groupe. Drôle de raisonnement, mais compréhensible pour un groupe qui a grandi avec nous et qui a ainsi droit à un traitement de faveur. «Evil Eye», «On A Wave», «Out of the Blue» et «Vampire Love» sont pleines de fraîcheur et d’inventivité mélodique, simultanément innocentes et agressives. On peut accuser Ash d’écrire continuellement le même type de chansons, mais accusait-on Giacometti de sculpter le même type de personnages? Même les critiques les plus fervents d’Ash ont un refrain du Pierre Mégarbane groupe qui leur trotte dans la tête, de manière obsessiv.

Björk Medulla (One Little Indian)

On s’aventure dans les œuvres de Björk à nos risques et périls. Il faut toujours s’attendre à être surpris, choqués ou même ensorcelés. Car Björk est une véritable sorcière et ce n’est pas par hasard si son dernier album, Medulla, ressemble presque à une collection d’incantations pour messes noires. L’album confirme de nouveau l’infinie créativité de la chanteuse. Chaque chanson se démarque des autres et nous entraîne dans un univers différent. Malgré quelques ressemblances avec d’anciennes compositions, un renouveau général se fait ressentir, particulièrement dans des chansons comme «Ancestors» ou «Mouth’s Cradle». Björk n’est pas seule ici. Elle laisse d’autres créatures — et je dis bien créatures — s’incruster dans sa musique: de nombreuses voix prédominantes (électroniques, extraterrestres, animales, chorales et bien d’autres) se chargent de l’accompagnement et sont d’autant plus bizarres que jubilatoires. Björk traite ici de sujets souvent trop délicats ou trop étranges pour tenter de les résumer. L’interprétation est largement livrée au public et c’est tant mieux comme ça! Dans l’envoûtante «The Pleasure is All Mine», Björk chante: «The pleasure is all mine to finally let go and evenly flow». L’album reflète parfaitement cela: il est à la fois plus accessible et plus fluide que les précédents. À explorer sans faute, pour amateurs ou habitués de cette étrange Philippe Mannasseh artiste.

À la première écoute, on croirait

Modest Mouse avoir à faire à un groupe britannique, Good News For mais tels les Grandaddy et Flaming People Who Love Bad Lips de ce monde, ces Américains News brouillent joliment les cartes. En plus (Epic/Sony) d’un son outre-atlantique, Good News For People Who Love Bad News mélange des chansons très mélodieuses, sensibles et qui restent en tête à des délires plus chaotiques, dans lesquels le chanteur et parolier Isaac Brock crie plus qu’il ne chante, mais dans le genre «indie» états-unien, c’est presque un critère. Enfin, et ce sont peut-être les meilleures, il y a les chansons qui, comme l’extrait « Float On » ou la chanson finale, enregistrée avec les Flaming Lips, marient ces deux extrêmes. Si vous aimez des groupes tels que Guster ou des artistes comme le canadien Hayden, voilà un groupe à découvrir.. Stéphanie Laroche-Pierre

Le Délit

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