ledelit_20060228

Page 1


délit | 28 février 2006 02 xle www.delitfrancais.com

Pourquoi dormir? Un Bar des sciences en pleine Nuit blanche pour répondre à la question: aperçu de l’événement. local Christina Lemyre McCraw Le Délit

N

ous passons environ le tiers de nos journées à dormir. À l’approche de la fin du semestre, une question s’immisce dans nos esprits à la recherche de temps pour accomplir nos multiples tâches: pourquoi dormir? C’est dans le cadre de l’événement «Nuit blanche à Montréal» que s’est tenu, le 25 février, un Bar des sciences sur la question. Plusieurs oiseaux de nuit se sont rassemblés au Café du Nouveau Monde pour en apprendre plus sur le sujet. Quelques précisions Un sujet ennuyeux, le sommeil, peut-on

penser. On pourrait même croire qu’il n’y a pas lieu de faire des recherches scientifiques sur le sujet. Au contraire. En matière de sommeil, les panélistes Joëlle Adrien (neurobiologiste), Roger Godbout (professeur de psychiatrie à l’Université de Montréal), Nicolas Cermakian (chercheur au centre de recherche de l’hôpital Douglas) et Pascale Montpetit (comédienne) s’entendent pour dire que plusieurs zones restent encore nébuleuses. De manière générale, on peut distinguer deux phases de sommeil: le sommeil lent et le sommeil rapide. Plus précisément, le premier type serait associé à la période réparatrice de la nuit, alors que c’est au cours du second que nous rêvons. Mme Adrien, spécialiste des troubles de sommeil, précise d’ailleurs que la durée du sommeil lent ne varie pas, peu importe le nombre d’heures de sommeil. Une question de gènes Les zones inexplorées du sommeil sont nombreuses et difficiles à élucider. Plusieurs questions persistent pour les scientifiques. Par exemple, qu’est-ce qui différencie un oiseau de nuit d’un lève-tôt? Pourquoi certaines personnes peuvent ne dormir que

quelques heures alors que d’autres en ont besoin de plusieurs? Pour l’instant, les panélistes attribuent ces différences de comportement aux gènes. En effet, nos habitudes nocturnes ne seraient

«Qu’est-ce qui différencie un oiseau de nuit d’un lève-tôt?» pas reliées, comme le veut la croyance populaire, à la psychologie, mais bien à la physiologie. Ils précisent également que des études sont en cours sur le sujet et que les chercheurs essaient, à l’aide de mouches, de trouver le gène du sommeil. Les mythes démystifiés Les trois invités de ce Bar des sciences ne se sont toutefois pas contentés d’expliquer le phénomène du sommeil. En répondant aux questions de l’assistance, ils ont tenu à faire tomber les croyances populaires et à promouvoir une bonne hygiène de sommeil. Est-il vrai que le sommeil est plus

réparateur avant minuit? Les trois scientifiques répondent que non. L’un d’eux pousse même l’explication en précisant, un sourire en coin, que la légende est propagée par les parents souhaitant envoyer leurs enfants au lit tôt. Les somnifères sont eux aussi passés devant le tribunal scientifique. Résultat: la prise ponctuelle et discontinue de somnifères n’est pas dommageable. Toutefois, Mme Adrien insiste pour dire qu’ils ne guérissent rien à long terme et qu’il vaut mieux revoir son comportement de sommeil. Finalement, quelques conseils pour tirer le maximum du peu de sommeil que vous réservent les semaines à venir. Premièrement, les trois invités insistent sur l’importance d’une routine de sommeil pour équilibrer notre horloge biologique. Il faudrait se lever sensiblement à la même heure tous les jours pour donner le rythme à notre organisme. Puis, on nous répète que le lit est une aire réservée au sommeil et à l’intimité et qu’il faut le limiter à ces activités. Il nous faudrait donc accorder plus d’importance à l’horloge biologique qu’au temps réel, et se laisser tout simplement bercer par Morphée. x

www.delitfrancais.com Mieux que les Jeux olympiques depuis 1977.


Éditorial L’AÉUM doit-elle quitter la FEUQ? Au terme du dernier congrès du lobby étudiant universitaire, la question reprend toute sa pertinence. David Drouin-Lê Le Délit

L

Les doléances de l’AÉUM L’AÉUM avait boycotté le congrès de janvier, pour protester contre le manque de transparence de l’exécutif et l’absence d’écoute de leur part. On leur avait promis l’écoute lorsqu’elle s’est présentée au congrès des 25 et 26 janvier, et l’AÉUM comptait bien en profiter pour présenter ses revendications et critiques à l’exécutif de la fédération. L’AÉUM souhaitait principalement exprimer son mécontentement à l’égard des actions de l’exécutif dans le dossier de la hausse potentielle des frais de scolarité pour les non résidents du Québec, annoncée en janvier dernier. En effet, au printemps 2005 la FEUQ avait été informée d’un rapport émanant du Comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études (CCAFE), organe gouvernemental consultatif sur lequel le ministre de l’Éducation s’appuie lorsqu’il est question de prendre une décision sur les frais de scolarité, portant sur cette hausse pontentielle. Or, les associations-membres de la FEUQ, dont l’AÉUM, n’ont pu connaître l’existence de ce rapport que lorsqu’il a été

9

03

LE SEUL JOURNAL FRANCOPHONE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6784 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com

campus

es étudiants de McGill forment en quelque sorte une société distincte à l’intérieur de la population étudiante québécoise. Non seulement sont-ils en grande partie anglophones, mais beaucoup ne sont pas résidents du Québec. En effet, près de la moitié de ces étudiants proviennent des autres provinces canadiennes ou de l’étranger. En faisant partie de la FEUQ par l’entremise de l’AÉUM, ces étudiants sont en droit d’attendre que certaines de leurs revendications propres soient défendues vigoureusement par l’exécutif de la FEUQ. À en juger par le comportement de ce même exécutif, l’AÉUM devrait sérieusement songer à militer pour son prompt remplacement.

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

rendu public en janvier alors que la FEUQ nomme les représentants étudiants siégeant sur le comité. De surcroît, la FEUQ n’a pas le moindrement réagi au rapport. Cette conduite est pourtant en contravention patente avec sa propre déclaration de principe annuelle où la défense des droits des étudiants non résidents constitue l’une de ses trois priorités avec le réinvestissement fédéral en éducation. L’AÉUM s’est montrée, avec raison, particulièrement choquée face à cet état de faits lorsqu’elle a constaté que le président de la FEUQ avait accepté de signer un communiqué de presse appuyant la réduction de la dette de l’État québécois alors que cet enjeu ne figure nullement sur la liste de ses priorités. La réponse laconique de la FEUQ Alors, qu’est-ce que l’exécutif de la FEUQ a répondu à ces critiques? Lors de la commission politique de l’organisation se tenant la veille du congrès de dimanche, la question était à l’ordre du jour, mais a été éludée complètement selon les dires des délégués de l’AÉUM. Guillaume Lavoie, le vice-président aux affaires fédérales et internationales, s’est contenté de sommer l’AÉUM de dédramatiser la situation et de dire que les augmentations de ces frais étaient normales. La discussion s’est ensuite transformée en attaque en règle contre

12-13

Amir et Françoise se Montréal: île confient antillaise du nord

l’AÉUM, sans que la question de fond n’ait été abordée. Lors de l’instance décisionnelle du congrès le lendemain, les délégués de l’Université du Québec en Outaouais ont déposé une motion de blâme à l’endroit du vice-président Guillaume Lavoie pour son manque de respect envers l’AÉUM et pour le traitement du dossier des étudiants non résidents. La discussion sur la motion s’est cette fois mutée en vote de confiance contre la totalité de l’exécutif de la FEUQ lorsque son président a affirmé que l’exécutif démissionnerait si la motion devait être adoptée. Elle ne l’a pas été. Reste que la question de fond portant sur la défense d’une cause chère à l’AÉUM n’a pas été débattue, une fois de plus. Interrogé par Le Délit, le vice-président de l’AÉUM aux affaires externes a souligné qu’il espère l’élection d’un nouvel exécutif à la FEUQ l’année prochaine qui fera preuve «de davantage de respect pour les étudiants de McGill». Le Délit juge qu’il n’y a pas lieu de réviser l’affiliation à la FEUQ tant que celle-ci n’a pas officiellement pris une position fortement antagoniste aux intérêts fondamentaux de l’AÉUM. Il importe cependant que l’Association fasse tout en son pouvoir pour que l’exécutif national défende les demandes qui lui sont les plus chères. x

15

¡Festivalíssimo!

18

L’art rôde sur le campus

Chers lecteurs, devenez collaborateur au Délit. Une seule adresse : redaction@delitfrancais.com

Rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê Chefs de pupitre–nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire Chef de pupitre–arts&culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry Rédacteurs-reporters Maysa Pharès Marc-André Séguin Coordonateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier Coordonateur de la photographie Mathieu Ménard Coordonateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur Chef-illustrateur Pierre Mégarbane Collaboration Benoît Auclair, Adrien Beauduin, Christopher Campbell-Duruflé, Lucille Hagège, Flora Lê, Christina Lemyre McCraw, Sophie Lestage, Marie-Ève Léveillé, David Pufahl, Clémence Repoux, Verki M. Tunteng Couverture Mathieu Ménard BUREAU PUBLICITAIRE 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6790 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Nathalie Fortune The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD) David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Rishi Hargovan, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert, Jefferey Wachsmuth L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP), du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé par Imprimeries Quebecor, Saint-Jean-sur-leRichelieu (Québec).

www.delitfrancais.com redaction@delitfrancais.com


délit | 28 février 2006 04 xle www.delitfrancais.com

Controverses bons baisers de mcgill

L

Sélection naturelle

es deux dernières semaines ont été le théâtre d’une guerre télévisuelle sans merci. Alors que la Société Radio-Canada bouleversait son horaire afin de nous montrer comment les Canadiens réussissaient à amasser un total de vingt-trois médailles, Télévision Quatre-Saisons mettait en vedette une belle brochette de célibataires voués à unir leurs destinées pour le plus grand plaisir des téléspectateurs. Guerre du direct et du différé, quel sport fut votre préféré lors des dernières olympiades?

Compétition en direct Le Canada a gagné beaucoup de médailles. Le Canada sera prêt pour les Jeux olympiques de Vancouver, en 2010. Nos athlètes sont jeunes, beaux, bons, fins et n’ont pris part à aucune fête où ils auraient couru le risque d’inhaler des vapeurs de marijuana. Mais les Allemands les ont battus. Oui, les Allemands, pas les Russes. Et ils ont aussi battu les Américains. Comme quoi les Jeux, ça n’a pas tout à voir avec la démographie et la puissance. Alors, pourquoi continuer d’accoler un drapeau à chaque athlète? Serait-ce par anachronisme? Compétition en différé Dans ce contexte, comment les olympiades pourront-elles faire face à des compétitions de nature plus moderne? Par la qualité, probablement. Voyons où en est le principal rival de ce côté. Il s’est passé beaucoup de choses dans le Loft cette semaine. Il est certain que l’ambiance ne pouvait qu’être tendue, les gars ayant tous été mis au ballottage. Heureusement, la semaine n’aura pas été aussi stressante qu’elle aurait pu l’être pour le public. En effet, dès mardi, Maxime, l’intello du Loft, le préféré des commentatrices, l’homme à la chemise à carreaux, a su qu’il ne serait pas éliminé. De quoi nous permettre de dormir. Mais qu’est-ce que la semaine nous a permis de découvrir? D’abord, ce n’est pas seulement sa chemise qui fait de Maxime quelqu’un de hot. Selon Josée, spécialiste sur le plateau de l’émission, il n’aurait emmené que «deux calottes et une veste noire» dans sa valise. Élizabetta, sa blonde italienne, a quant à elle dû emporter des vêtements d’une valeur totale d’environ 30 000$ pour être aussi hot et sortir avec le beau Maxime. Tout cela fait cependant dire à Josée que les deux n’ont pas d’avenir en dehors du Loft. En effet, Élizabetta serait plutôt à la recherche d’un homme riche. Marc Boilard, éminent spécialiste des relations homme-femme, n’est cependant pas d’accord avec ce constat. D’abord, selon lui, Élizabetta serait une «femme-femme», c’est-à-dire qu’on pourrait en apprendre sur les femmes en la regardant. Or, extrait vidéo à l’appui, M. Boilard a révélé que Maxime serait en «business». En effet, lorsque Maxime a chuchoté à l’oreille de sa douce que Lysandre (une autre lofteuse) chantait trop aigu, Élizabetta a confirmé et répété les propos de son jules. Un très bon signe, selon M. Boilard. Mais ce n’est pas tout ce qu’Élizabetta pouvait nous apprendre. En effet, au lendemain d’une première soirée olé-olé avec son homme à lunettes, la blonde a affirmé qu’elle se sentait bien. Donc, selon M. Boilard, pour être en «business» avec une femme, il faut qu’elle se sente bien. Avis, donc, au «jeune Skywalker»: il faut «prendre son temps». Quatre semaines après le début de l’expérience, peut-on déjà prédire qui seront les derniers participants dans le Loft? Le massage en bikini que les cinq filles ont donné à Jean-François n’a pas suffi à lui permettre de rester. Selon Josée, Mathieu, le «chef de la bande», risque bien d’être le dernier homme debout. Mais, avec sa coupe de cheveux en mohawk, réussira-t-il vraiment à se sauver avec les 50 000$ qui sont en jeu?x Jean-Philippe Dallaire

Petites mais En trois vitesses En hausse intenses dans l’étrange... Un crime, deux peines Manger des frites peut avoir des conséquences insoupçonnées, si on en croit l’aventure vécue par le Britannique Mathew Bruer. Il faut dire que le jeune homme de vingt et un ans n’a rien fait pour aider sa cause en jetant par-dessus bord des frites alors qu’il roulait en voiture. Qu’on lui impose une première amende de 125$ pour rejet volontaire de déchets, va encore. Mais qu’il reçoive un deuxième constat d’infraction du même montant parce que les frites sont tombées des deux côtés de la frontière, c’est plus difficile à accepter. Une bonne leçon, en somme. (AgenceNews/Matinternet) Après Mozart, les ultrasons Les commerçants britanniques ne savent plus quoi inventer pour faire fuir les bandes de jeunes qui traînent autour de leurs commerces. Après avoir essayé la musique classique et la musique d’ascenseur, voici qu’Howard Stapleton a mis au point un «répulsif acoustique»: il s’agit d’une fréquence qui ne serait, grosso modo, perceptible que de douze à vingtdeux ans et qui semblerait à ces jeunes oreilles aussi supportable que «le bourdonnement d’un moustique pris de frénésie amoureuse». Avis aux intéressés, le dispositif coûte environ 1 000$, mais on se l’arrache déjà. (Le Figaro/Courrier international) Prendre le café à Kandahar Les soldats canadiens déployés en Afghanistan en ont marre. Pas seulement des mines antipersonnelles, des bombardements américains, des attaques terroristes, de l’éloignement et des jeeps qui explosent, mais aussi de la bouffe. Qu’à cela ne tienne: l’état-major des Forces canadiennes a trouvé la solution. Si les Américains pouvaient déguster de savoureux burgers et pizzas de chez Burger King et Pizza Hut, les Canadiens pourront peut-être bientôt faire des jaloux avec leurs beignes et café de Tim Hortons! En effet, le Général Rick Hillier a invité le président de la chaîne à venir faire un tour en Afghanistan, afin de lui démontrer comment l’entreprise pourrait s’y implanter. Dans un communiqué, Tim Hortons a indiqué être intéressée par l’idée. L’exportation de la pop culture à la canadienne? (CNEWS/PC) Des chaussures Gucci qui font jaser On le sait, le ministre des Finances a droit à une nouvelle paire des chaussures lorsqu’il présente son budget. On s’est longtemps demandé si les femmes avaient droit à douze du même coup. La réponse est non. N’empêche, les chaussures de Carole Taylor de Colombie-Britannique lui ont coûté 600 dollars. «Je crois fermement dans les investissements dans les infrastructures à long terme. Mes chaussures seront amorties sur vingt ans», a-t-elle plaisanté. (CNews/ CBC) Et dire que Céline Dion a failli jouer Édith Piaf... Qui aurait cru que refuser de poser dans Playboy pouvait faire de vous Mère Teresa? En effet, le réalisateur indien T. Rajeevnath s’est dit très impressionné du refus de Paris Hilton d’accepter une séance de photos pour le magazine. C’est la raison pour laquelle il a contacté les agents californiens de Paris Hilton pour lui proposer de jouer Mère Teresa dans son film sur le sujet. Oui, oui, vous avez bien lu. Il espère également que son projet recevra la bénédiction de Benoît XVI. (Courrier international/NewKerala.com)

Cindy Klassen. Notre championne du patinage de vitesse longue piste: cinq médailles en dix jours, c’est une bonne moyenne, quand même, non? Le bronze au 3 000 mètres et au 5 000 mètres, l’argent dans la poursuite par équipe et au 1 000 mètres et l’or au 1 500 mètres. Ça nous fait presque oublier la combinaison laide de l’équipe de patinage de vitesse. (SRC)

Au neutre Ken Livingstone. Le maire de Londres ne pourra plus exercer ses fonctions pour les quatre prochains mois. Ainsi en a jugé le Adjudication Panel, un organisme indépendant qui a pour rôle de juger le comportement des individus locaux. Que reproche-t-on au maire? D’avoir traité un reporter juif du Evening Standard de «criminel de guerre allemand» et de «gardien de camp de concentration». En refusant de s’excuser et en portant la cause en appel, le maire de Londres fait décidemment tout pour se faire aimer. (Fenêtre sur l’Europe)

En baisse L’équipe canadienne de hockey masculin. Trois blanchissages? Une élimination en quart de finale? Est-il nécessaire d’en dire plus? (SRC)

La citation de la semaine

«J

e suis une victime au même titre que les investisseurs.»

L’ex-PDG de Norboug, Vincent Lacroix, a fait cette déclaration-choc pour expliquer qu’il comptait à présent poursuivre d’anciens employés ainsi que la Caisse de dépôt et placement du Québec. C’est parce qu’il «a fallu tout patcher» les erreurs des autres qu’il se trouve aujourd’hui dans la situation où il est. Et en plus, ses comptes ont été gelés, il doit donc demander la permission de la cour pour être en mesure de faire faire une énième expertise comptable. Saint-Vincent-Lacroix. Un martyr. (Métro/PC)


Controverses

Revue de la presse étudiante

Comme à chaque deux éditions, Le Délit vous propose sa revue de la presse universitaire du Québec. Montréal Campus, UQÀM, édition du 8 février. «Heather Munroe-Blum doit se serrer la ceinture», titre Vincent Larouche en première page du journal de l’UQÀM. «Indécent.

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com C’est le premier mot qui vient à l’esprit en lisant l’article du Journal de Montréal du 1er février dernier» d’ajouter Sébastien Ménard, à propos de la rémunération de notre principale. À combien se chiffre le montant de cette frustration, en ces temps de sousfinancement des universités québécoises? Un salaire annuel de 362 500$, plus «une allocation de 48 000$ en compensation pour le travail de relations publiques», 16 000$ pour sa voiture et 3 000$ pour son conseiller financier personnel. Dans les trois dernières années, elle se serait également fait rembourser, de fonds entièrement publics, «30 000$ pour l’entretien ménager et 1 500$ de frais de jardinage à sa résidence personnelle.» Sachons-le donc, nous sommes dans une institution qui, «pour attirer les meilleurs candidats», offre un salaire de principale équivalent à «quatre fois plus que [ce que reçoit] le premier ministre du Québec.» Quartier libre, Université de Montréal, édition du 8 février. «Vingt-quatre heures de jeûne à l’UdeM»

ont été observées par vingt et un étudiants le 9 février dernier pour protester contre ce problème mondial auquel nous contribuons. Mathieu Gaudet, étudiant en médecine et membre du CASI-sensibilisation, explique que «le but premier est de vivre la faim, symboliquement et par solidarité avec les 840 millions de personnes qui en souffrent au quotidien. On voulait aussi informer la communauté étudiante des causes structurelles, politiques et économiques de la faim». «Nos gouvernements, nos compagnies sont les grands complices de la situation actuelle», ajoute-t-il. Comme le rappelle Hélène Delisle, professeure au département de Nutrition et spécialiste de la malnutrition dans le Tiers-monde, «il y a un excès de production dans le Nord parce que l’agriculture est subventionnée à coups de milliards. Sauf en cas de situation d’urgence, l’aide alimentaire a des effets très néfastes, car elle tue l’économie locale.» Elle est donc très critique par rapport à cette «aide liée» créant davantage de dépendance que de résultats positifs dans les pays en voie de développement. «Les États font rarement

05

de la philantropie. La plupart des pays ne s’en cachent pas: quand ils ont créé l’aide alimentaire, c’était pour se créer de nouveaux marchés». Impact Campus, Université Laval, édition du 21 février. «Première concession alimentaire étudiante sur le campus»: une victoire étudiante, rapportée par Christiane Vadnais, qui pourrait en apprendre aux membres de l’AÉUM. Alors que plusieurs autres pavillons boycottent présentement les cafés étudiants appartenant à Sodexho, le rejet de leur café par les étudiants de la faculté d’Agriculture était «à ce point ancré dans les mœurs […] que la multinationale n’a pas voulu renouveler son contrat». Leur «rêve» s’est donc réalisé par la signature avec l’université d’un contrat transformant le café en «concession alimentaire» à but non lucratif et gérée par des étudiants. Comme quoi même aujourd’hui «à cœur vaillant…» Compilé par Christopher Campbell-Duruflé.

Les cent jours de Boisclair André Boisclair rassemble ses troupes à Québec pour célébrer ses cent premiers jours comme chef. national Marc-André Séguin Le Délit, envoyé spécial à Québec

C

’est dans une salle remplie en grande partie par des têtes grises qu’André Boisclair est venu s’adresser à ses troupes au Cabaret du Capitole de Québec pour souhaiter la bienvenue à des «nouveaux jeunes membres», selon des proches des organisateurs. L’événement a eu lieu le 22 février dernier, à l’occasion du soulignement des cent premiers jours d’André Boisclair en tant que chef du Parti québécois. Quelque 300 militants étaient au rendez-vous, et on dit que 30 à 40 p. cent de ces derniers étaient des nouveaux membres ayant rejoint les rangs du PQ lors de la course à la chefferie de l’automne dernier. Dans son discours, M. Boisclair a d’abord cherché à accueillir les nouveaux membres de son parti. «Nous avons le devoir de nous mettre rapidement à l’ouvrage pour accueillir nos nouveaux membres.» À travers la foule de sujets abordés –qui selon certaines critiques était trop nombreuse– le chef péquiste a repris sa traditionnelle formule: «Si M. Charest me demande si ma priorité est la souveraineté ou l’éducation, je vais lui répondre que ma priorité, c’est l’éducation et que j’ai besoin de la souveraineté pour y arriver.» Il a aussi profité de sa tribune pour attaquer le programme et la performance du premier ministre Jean Charest. «C’est Jean Charest qui a dit pendant la campagne électorale qu’il était prêt, qu’il allait baisser les impôts, qu’il allait geler les tarifs des

garderies, qu’il allait réinvestir des sommes considérables dans la santé –ce qu’il n’a pas fait. C’est Jean Charest qui nous a dit que le déséquilibre fiscal était le premier des dossiers sur son bureau. Sur chacun de ces dossiers, ni Jean Charest, ni aucun de ses ministres, ni le Parti libéral du Québec n’ont livré la marchandise et nous le rappellerons à M. Charest à l’occasion de la prochaine campagne électorale.» Les suites de l’arrêt Chaoulli Sur le dossier de la santé, M. Boisclair a souligné que les mesures actuellement prises par le gouvernement libéral suite au jugement de la cour suprême du Canada dans l’arrêt Chaoulli sont calquées sur des recommandations formulées en 2002 par l’ancien ministre de la Santé péquiste, François Legault. Ces dernières consistaient à mettre sur pied des cliniques de santé affiliées pour apporter un soutien au système public dans certains cas précis. Or, le chef péquiste déplore le fait que les libéraux aient attendu plusieurs années avant de les mettre à exécution. «Moi j’appelle ça un gouvernement de «bretteux». […] Il aura fallu trois ans pour arriver à nous dire qu’ils allaient sans doute, dans les cinq prochaines années, mettre sur pied trois ou quatre nouvelles cliniques privées. […] Nous avons un gouvernement de «bretteux», et le «bretteux» en chef, c’est M. Jean Charest.» Objectif mobilisation interne Devant les troupes péquistes, M. Boisclair a tenu à souligner l’importance du défi à relever pour son parti d’ici aux prochaines élections. «La partie n’est pas gagnée. […] Nous avons besoin d’avoir une plateforme de qualité. [Nous voulons montrer que] ce progrès que nous voulons au PQ est le progrès du plus grand nombre», soulignant par le fait même que le PQ devra réussir à rejoindre les gens «qui en arrachent» afin de leur donner de l’espoir. La mobilisation au sein des rangs du PQ sera aussi un enjeu important après une course à la chefferie déchirante. Chose

curieuse, Agnès Maltais, députée péquiste du comté de Taschereau –où se déroulait l’événement– a d’ailleurs quitté les lieux avant même l’allocution de son chef, sous prétexte qu’elle était attendue à une fête de quartier. Toutefois, lorsqu’il a été interrogé par les journalistes à cet effet, M. Boisclair a précisé que cette absence était planifiée et que ceci n’était pas un indicateur de

mauvaises relations avec Mme Maltais. Ayant à plusieurs reprises insisté sur l’importance de renouer avec la région de la capitale nationale –où le Bloc québécois a souffert de lourdes pertes lors de la dernière élection fédérale– M. Boisclair s’est refusé à dire s’il allait ou non se présenter dans un comté de la région de Québec lorsqu’il voudra entrer en chambre. x



Nouvelles

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

07

Mission: durable! Préserver ce qu’il reste de l’environnement exige davantage que de la bonne volonté. national Christopher Campbell-Duruflé Le Délit

L

e café y était équitable. Le sucre aussi. Les tasses pour les y mettre étaient en plastique réutilisable. Les feuilles étaient imprimées recto-verso et le papier recyclé. Nous avons mangé dans de la vraie vaisselle non jetable et pris le transport en commun. Et à la fin, la quantité de gaz à effet de serre (GES) émise par l’événement a été calculée pour investir l’équivalent en crédits dans des projets environnementaux. Radical? Obsessif? Révolutionnaire? Réaliste? Le colloque «Mission: durable», tenu les 18 et 19 février derniers à l’UQÀM, obligeait ses participants à choisir. C’est le Conseil permanent de la jeunesse qui avait rassemblé une cinquantaine de conférenciers de très grande qualité pour traiter, devant quelque trois cents jeunes, des divers aspects et défis du développement durable. Urbanisme, exploitation forestière et minière, accès à l’eau, droits autochtones, mondialisation, réchauffement. Autant de problèmes en face

desquels le quidam se sent bien souvent impuissant. Une réalité pressante Le secrétaire exécutif de la Convention des nations unies sur la biodiversité, le Dr Ahmed Djoghlaf, a procédé à l’ouverture de cette fin de semaine de conférences et de forums. Même s’il se voulait alarmiste, son discours était plutôt axé sur des faits: le développement technologique actuel de l’humanité est «insoutenable». D’un milliard en 1804, on estime à cinq milliards le nombre d’habitants des villes en 2025. L’exploitation des ressources naturelles et les industries sous-tendant ce mode de vie sont des menaces réelles pour la biodiversité et l’humain lui-même. Il explique par exemple que les conséquences du manque d’eau potable (maladies hydriques et infections), dont 67 p. cent de l’humanité souffrent aujourd’hui, devraient obliger à revoir le développement économique et agricole des régions plus vulnérables. Mais l’inégalité de répartition des richesses à plusieurs échelles le permet rarement, déplore-t-il. Sécurité écologique Le Dr Djoghlaf nous rapportait que le discours même du Conseil de sécurité de l’ONU avait dû «s’adapter aux menaces réelles» que les perturbations environnementales pouvaient faire peser sur l’humain. Le site du Centre de recherche pour le développement international (CRDI) note cette transition des préoccupations «de la sécurité territoriale et de la sécurité par les

Dort-on comme une bûche?

armements à la sécurité par le développement humain et l’accès à l’alimentation, à l’emploi et à la sécurité écologique.» L’exemple du Tuvalu est frappant: d’ici cinquante ans, les flots du Pacifique engloutiront cette île polynésienne, faisant de ses habitants les premiers réfugiés climatiques en quête d’asile –asile déjà refusé par l’Australie et la Nouvelle-Zélande! En 2002, projet abandonné depuis, le premier ministre de l’île de 26 km2 avait projeté poursuivre les États-Unis et l’Australie devant la cour internationale de justice de La Haye pour leur contribution au réchauffement, mais cela n’aurait pas empêché l’eau de monter…

D

Revenir en arrière? «On remarque un fort lien de corrélation entre l’appauvrissement de la culture d’origine d’un pays et la détérioration de son environnement», affirme Ahmed Djoghlaf. Certes les facteurs sont multiples, mais on note immanquablement que le développement de l’industrialisation, de la consommation et de l’urbanisation de masse «vient effacer les langues, cultures et identités autochtones». Sommes-nous encore «attachés à la terre», conscients de la Nature comme ceux qui en dépendaient l’étaient? S’il n’est pas question de «revenir en arrière», et s’il serait malheureux d’interdire aux autres pays du monde de puiser dans leurs ressources en considérant ce sur quoi s’est basé notre propre développement, «nous ne pouvons pas nous satisfaire du statu quo» pour autant: il faut changer notre mode de vie globalement. On peut bien réglementer l’industrie et tenter de la rendre un peu plus propre, lance-t-il, mais elle ne fait que répondre à une demande. Pour W.J. Cosgrove, président du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, «vous serez toujours libres de choisir votre mode de vie. Lorsque nous en arriverons au point où tout le monde fera ces petits choix, les grands seront déjà faits.»

Offusqués? Visitez le www.ondortcommeunebuche.com.

Le Québec dans l’air du temps Le gouvernement provincial semble

ans les années soixante, le barrage hydroélectrique Manic 5 inonda le pourtour du cratère Manicouagan, à 300 km au nord de Baie-Comeau, visible de l’espace. Rebaptisé île René-Levasseur, sa biodiversité l’a rendue célèbre au point où quelques vingt p. cent de sa superficie sont protégés. Mais en 1997, Kruger inc.-Scierie Manic obtint une concession d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) sur le reste de l’île. Site idéal pour une compagnie forestière: malgré un accès difficile, les droits de coupe y sont bas et l’île est riche en épinette noire. Assez intéressant pour que des scientifiques sonnent l’alarme: «On peut s’attendre à ce que les coupes prévues de quatre-vingts p. cent du territoire fassent disparaître la majorité des espèces de la surface de l’île [dont plusieurs sont déjà protégées]», affirmait Jean-François Bergeron, du ministère des Ressources naturelles et de la Faune en 2003. Le chanteur et militant Richard Desjardins soulignait le manque d’améliorations de la situation depuis la déposition du rapport Coulombe de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise en décembre 2004. Selon lui, la formule actuelle des CAAF doit être revue, car «ce qu’on pense être des profits de l’exploitation forestière sont en fait des pertes pour la société». Le poste de forestier en chef créé par le gouvernement en décembre 2005 ne semble pas avoir eu d’impact véritable. Quant aux recommandations de mise en régie des forêts ou de spécialisation de l’industrie québécoise vers des produits de deuxième transformation (meubles et bois de meilleure qualité), elles n’ont toujours pas été suivies, parce que, selon lui, les aires protégées sont la dernière priorité du gouvernement. Et d’ajouter que «le[ur] nombre […] est à pleurer». Le défi de société est de taille, puisque plusieurs régions dépendent de l’emploi de cette exploitation massive. C’est pour cela que de nombreux intervenants suggèrent un changement d’échelle. Il serait ainsi possible de faire de l’exploitation par métairie: la location des concessions à des métayers (artisans-exploitants) permet un développement durable des forêts, «respectant les zones d’affectation, les bandes riveraines, et évitant la surexploitation», selon l’ingénieur forestier André Huppé. Il ajoute qu’il est conscient que les prix de telles exploitations ne sont pas encore compétitifs à l’export, mais seulement s’il est fait abstraction des externalités négatives sur l’environnement. x

prêt à adapter ses politiques générales à ces préoccupations. Accommodation sur la forme ou transformation sur le fond? Toujours estil qu’en 2004, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Thomas J. Mulcair a lancé une consultation avec le Plan de développement durable du Québec. Celle-ci a mené en 2005 au dépôt du projet de loi sur le développement durable devant l’Assemblée nationale. Le projet de loi prévoit l’adoption d’une stratégie gouvernementale de développement durable, la nomination d’un commissaire au développement durable pour assister le vérificateur général sur cet enjeu, la création d’un fonds vert pour les activités du ministre de l’Environnement et l’ajout à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec du «droit de chacun de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi». Pour Julius Grey, avocat spécialiste des libertés civiles, présent lors du colloque, ce projet d’ajout doit être fait avec circonspection, car l’enchâssement des droits n’est pas une garantie que les problèmes seront réglés. La Charte québécoise, rappelle-t-il, est un outil juridique permettant d’inculper des parties privées lorsqu’elles contreviennent à des lois, elle permet également «des recours plus fréquents et plus sévères» lorsque le comportement constitue déjà une infraction. Premièrement, elle aide à l’interprétation des lois et permet aux cours d’imposer alors l’action gouvernementale. Cependant, qui dit poursuite environnementale dit preuve complexe et, surtout, coûteuse. Quels individus ou regroupements auront assez de ressources pour contrecarrer les études présentées en défense par les grandes compagnies d’exploitation de ressources naturelles? Il existerait un risque, souligne Me Grey, de renforcer un pouvoir correctif tel que le juridique en permettant au politique de ne plus prendre d’initiative. Et d’en conclure qu’«il est naïf de penser que l’on peut protéger l’environnement en se contentant de continuer à amender les chartes en vase clos».x


délit | 28 février 2006 08 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

La santé, autrement Un colloque apporte de nouvelles perspectives sur les défis du système de santé. national Jean-Philippe Dallaire Le Délit

L

’Institut du Nouveau Monde (INM) organisait les 24 et 25 février derniers un colloquew sur le privé dans la santé, intitulé «Après le jugement Chaoulli, les options du Québec». Politiciens, acteurs du milieu universitaire et représentants de divers groupes se sont succédés au micro afin de débattre des suites à donner au jugement Chaoulli sur l’assurance privée en santé. La source du problème Dès la première soirée du colloque, André-Pierre Contandriopoulos, de l’Université de Montréal, a situé la réflexion sur les coûts et les délais d’attente en santé dans le contexte plus général du vieillissement de la population. D’après lui, la hausse des coûts serait due au «développement des technologies qui s’appliquent sur les personnes âgées. […] Les corps vieillissants sont aujourd’hui la frontière de la médecine». L’être humain veut

vivre le plus longtemps possible, et il demande à pouvoir le faire tout en étant en bonne santé. Or, quelles seront les conséquences d’une longévité accrue, de l’émergence de cette «quatrième génération, qui en est une qui ne sert plus à rien» et consomme des soins de plus en plus dispendieux? Monsieur Contandriopoulos croit qu’il n’a pas lieu d’adopter le modèle nordaméricain «en se disant qu’on n’a pas le choix». S’adapter au vieillissement Amélie Quesnel-Vallée, de l’Université McGill, pense elle aussi que le vieillissement de la population est «un changement qui, en soi, ne justifie pas un plus grand recours au privé dans la santé». Il pose certes plusieurs problèmes: usage accru des médicaments, nouvelles interventions dont le rapport coûts-bénéfices reste à établir et augmentation du rapport du nombre d’interventions par individu. Cependant, une donnée du vieillissement est souvent occultée. En effet, si la proportion d’individus âgés de plus de soixante-cinq ans dans la société va augmenter, celle des personnes de moins de vingt ans va diminuer. Le «rapport de dépendance démographique» dans la société québécoise devrait à terme revenir à celui qui prévalait au cours des années 1970. Bref, s’il y aura plus de personnes âgées, il y aura moins de jeunes dont il faudra s’occuper. Sans compter qu’après soixante-cinq ans, les citoyens

paient toujours des impôts. Madame Quesnel-Vallée a cependant été claire: afin d’éviter les problèmes, il faut s’adapter au vieillissement. Parce que d’après elle, «un des plus grands risques du vieillissement, […] c’est la complaisance». Le discours favorable au privé Mais pourquoi, alors, certains voient-ils une solution aux problèmes du système de santé dans le recours au secteur privé? Selon Antonia Maïoni, de l’Université McGill, «les médecins anglophones ont moins tendance à s’orienter vers le privé» lorsqu’il est question de trouver une réponse aux problèmes du système de santé. L’explication se trouve peut-être dans les propos de Céline Saint-Pierre, de l’INM. Celle-ci a en effet fait valoir que les citoyens ayant pris part au Rendezvous stratégique sur la santé organisé l’an dernier par l’INM ont fait preuve d’ouverture à l’égard du privé, mais pas à n’importe quel prix: il fallait «rejeter toute logique marchande» et restreindre le recours au secteur privé à but lucratif «à des champs périphériques». Le soutien dont le secteur privé jouit dans l’opinion serait donc peutêtre dû à des sentiments difficiles à concilier, nous révèle Henriette Bilodeau, de l’UQÀM. Ainsi, si 51 p. cent des Canadiens et des Québécois sont d’accord avec un système de santé mixte, 90 p. cent veulent que l’accès soit le même pour tous. Le beurre et l’argent du beurre, pourraient dire certains. x

Santé et privé: ce qu’en pensent les politiques

L

e ministre de la Santé et des Services Sociaux, M. Philippe Couillard, est venu présenter les orientations gouvernementales en matière de santé lors du colloque de l’Institut du Nouveau Monde sur le privé en santé. Il a parlé de la structure du réseau et de son financement. Selon lui, la façon dont le gouvernement entend répondre au jugement de la cour suprême dans l’arrêt Chaoulli témoigne de son engagement en faveur d’un système de santé public et reflète les valeurs d’équité, de solidarité et le «vouloir vivre ensemble» d’une société moderne. La proposition gouvernementale prévoit la création d’une garantie d’accès dans des délais raisonnables pour les chirurgies de la hanche, du genou et de la cataracte, la mise en place de cliniques affiliées et l’ouverture de l’assurance privée pour les seuls médecins non participants (ceux dont les traitements ne sont pas remboursés par la Régie de l’assurance-maladie du Québec). Le fait de ne lever l’interdiction de l’assurance privée que pour les médecins non participants est un choix délibéré, affirme le ministre: «l’étanchéité du système public est fondamentale en situation de pénurie». Plusieurs craignaient précisément qu’avec une ouverture à la privatisation, on observerait un drainage des ressources du public vers le privé. Le ministre n’a cependant pas rejeté, à plus long terme, l’idée de mixité, c’est-à-dire permettre à des médecins d’œuvrer simultanément dans le public et le privé. Quant au financement, M. Couillard estime que les expériences de privatisation à l’étranger ne sont pas concluantes quant à la capacité du privé à réduire les coûts du système. De plus, les pays d’Europe de l’Ouest où un régime d’assurance privé coexiste avec le régime public de prestation des soins ne permettent pas d’établir une comparaison pertinente. En effet, selon le ministre, les structures sociales y sont très différentes, les mêmes solutions pouvant ne pas produire les mêmes résultats au Québec. Par exemple, dans les pays scandinaves, les inégalités sociales en terme de revenus sont très faibles, de sorte que la mixité du système n’entraîne pas un empiètement du système privé sur le système public, la capacité de payer étant sensiblement la même pour tous. Il n’est pas dit qu’une stabilité semblable serait possible ici, puisque les écarts de revenus sont plus prononcés au Québec. À ceux qui espéraient une ouverture plus grande à la privatisation, il répond que cela n’est pas nécessaire puisque «le paysage du système de santé a changé depuis 2003». La principale inquiétude de la cour suprême qui a motivé l’arrêt Chaoulli n’est plus aussi valide en 2006. En effet, le nombre de personnes sur les listes d’attente a diminué depuis 1997, année de référence dans le jugement. Pas besoin de lever la prohibition davantage, car le bilan gouvernemental «fait partie de la réponse» au jugement. Pour Jean-Pierre Charbonneau, porte-parole de l’opposition officielle sur la proposition gouvernementale, le gouvernement actuel ne peut pas prétendre être à la source de la réduction des délais d’attente. «Ce qui a été fait, indique M. Charbonneau, avait déjà été pensé par le gouvernement précédent», notamment dans un rapport préparé par M. François Legault en février 2003, qui serait en tout point similaire au livre blanc du ministre Couillard. On aurait perdu trois ans, aux dires de M. Charbonneau, car le gouvernement Charest, plutôt que de poursuivre sur la lancée initiée par ses prédécesseurs, aurait préféré commander une nouvelle étude pour arriver aux mêmes conclusions, afin de capitaliser seul sur les réformes à apporter. Ainsi, il est difficile de critiquer la proposition du ministre Couillard, puisque, selon M. Charbonneau, il applique les mêmes recommandations proposées par l’opposition officielle. x

Marie-Ève Léveillé


Nouvelles

L’homo politicus est-il un homme blanc? Les femmes et les minorités politiques telles que vues par Françoise David et Amir Khadir, porte-parole de Québec solidaire. local Adrien Beauduin Le Délit

D

u 3 au 5 février se déroulait à Montréal le congrès de fusion de deux partis de la gauche québécoise, l’Union des forces progressistes et Option citoyenne, menant à la fondation du parti Québec solidaire. Le Délit a rencontré les deux porte-parole de la nouvelle formation après le point de presse de clôture. Comment Françoise David et Amir Khadir perçoivent-ils le manque de participation des femmes et des immigrants à la vie politique, et quelles solutions envisagent-ils pour y remédier? Les filles et la politique C’est d’abord avec Françoise David que Le Délit s’est entretenu à propos de la mainmise masculine sur la vie politique au Québec. Statistiquement, des plus hautes sphères du pouvoir jusqu’aux assemblées générales étudiantes, la participation des femmes est beaucoup moins importante que celle des hommes. En tant que féministe et militante politique de la première heure, Françoise David était toute désignée pour parler de ce problème. Mme David se dit d’abord très consciente du problème de la participation féminine et des difficultés d’une femme sur la scène publique. Elle croit que cet enjeu de prise de parole et d’intervention lors des débats publics s’exprime dès le cégep et l’université. Alors que la gent féminine y est majoritaire, elle n’est pas représentée selon les mêmes proportions au sein des associations étudiantes. De plus, lors de la tenue d’assemblées générales, ce sont surtout «les gars» que l’on voit prendre le micro. Selon Mme David, cela viendrait du fait que les filles ne se précipitent pas pour intervenir et souvent n’ont plus la possibilité de le faire quand elles se décident, car les gars sont déjà tous en train de faire la queue. Le caractère souvent enflammé des discussions lors d’assemblées décourage aussi les filles, qui préféreraient un climat plus calme et serein pour intervenir, selon la co-porte-parole de Québec solidaire. Selon Mme David, elles «ne seraient pas du genre à crier, à s’emporter ou à accepter le brouhaha qui règne couramment». Les femmes et la politique Quant aux problèmes que rencontrent les politiciennes ou les femmes actives sur la scène publique, ils sont tout autres. Ces femmes-là n’ont pas froid aux yeux, mais n’ont pas la vie facile pour autant, souligne Mme David. Si elles n’hésitent pas à intervenir et à faire part de leurs opinions, elles subissent malheureusement encore

le regard d’une société qui doit encore beaucoup évoluer. Ainsi, «l’image d’une politicienne prend une place démesurée». Mme David assure qu’elle est obligée de faire constamment attention à son apparence et à son attitude, beaucoup plus que son co-porte parole Amir Khadir, par exemple. Elle confie qu’elle doit réfléchir à son habillement, pour ne pas remettre les mêmes vêtements trop souvent, et à la façon dont elle paraît. «Il faut être faite solide, car les gens te rapportent toujours à ton image», regrette-t-elle. Françoise David préférerait évidemment que les gens se concentrent sur ses propos et ses idées. Elle nous rapporte aussi qu’elle doit faire très attention à son attitude quand elle parle: il n’est pas encore accepté aujourd’hui qu’une femme s’emporte et s’enflamme. «Une politicienne, dit-elle, doit garder un ton posé et calme et une posture sereine. Elle ne peut gesticuler et hausser la voix», comme le fait couramment M. Khadir lors de ses interventions. Comment entendre les femmes? Comment faire alors pour encourager les femmes à prendre plus souvent la parole et à participer activement à la vie politique? Du point de vue pratique, Françoise David pense qu’une solution efficace et simple est possible. Elle recommande d’imiter la méthode privilégiée lors du tout récent congrès de fusion, c’est-à-dire l’installation de micros «femmes» et de micros «hommes» pour contrebalancer le surnombre d’intervenants masculins. Alliée à une alternance homme-femme pour les interventions, cette mesure a permis une certaine égalité des sexes dans l’expression des points de vue, comme les délégués du congrès ont pu le constater. Mais cette égalité a des limites, puisqu’il n’en restait pas moins qu’il y avait beaucoup plus d’hommes que de femmes qui se présentaient pour intervenir et que l’absence d’intervenantes féminines empêchait parfois une véritable alternance. C’est pour cette raison que Mme David croit que de telles procédures sont positives, mais sont loin d’être une solution au problème. Pour elle, il faut que les femmes soient plus poussées à prendre la parole. Il y a plusieurs moyens pour cela, nous ditelle. «Les femmes plus âgées pourraient encourager les plus jeunes à intervenir, les femmes devraient se rencontrer afin de se donner leurs trucs et astuces pour oser prendre la parole et avoir plus confiance en elles.» De plus, elle pense que les hommes pourraient aider les femmes à avoir une plus grande place en les encourageant à parler publiquement. Toutes ces idées contribueraient à faire de la vie politique une affaire animée par les hommes et les femmes, croit-elle.

Le règne politique des Québécois de souche? Après cet entretien avec Françoise David, c’est avec Amir Khadir que Le Délit a abordé un autre problème, celui de la participation des immigrants et membres des minorités ethniques à la vie politique. Ce médecin militant de gauche est d’origine iranienne, donc très bien placé pour nous parler de ce problème. Pour lui, dans une société assez ouverte comme le Québec, cet enjeu touche surtout les immigrants de la première génération. Selon son expérience et les visites qu’il a faites des écoles secondaires et des cégeps, les enfants d’immigrants sont capables de prendre leur place dans la vie politique. Il croit cependant qu’il faut s’investir davantage pour que les membres des minorités ethniques soient adéquatement représentés dans le système québécois. Pour lui, il est nécessaire d’appuyer les candidats progressistes qui sont issus de l’immigration, comme Maka Kotto, ce député du Bloc québécois d’origine camerounaise. M. Khadir croit que le changement doit se faire par le vote et aussi par la nomination de membres de minorités à des charges publiques. Pour ce faire, «il faut franchir les barrières symboliques en ayant recours à des mesures comme la discrimination positive». Il insiste sur la nécessité d’un travail d’éducation à la citoyenneté à l’école pour intéresser les élèves de toutes les origines à la vie démocratique. Pour lui, une meilleure représentation de ces citoyens ne ferait «qu’augmenter la qualité démocratique et est primordiale afin de s’intéresser aux problèmes de justice sociale, qui touchent beaucoup les minorités». M. Khadir parle notamment des ennuis que rencontrent les minorités pour trouver un emploi ou un logement. Pour lui, la participation accrue des membres des minorités ethniques équivaudrait à une préoccupation plus grande pour les enjeux qui intéressent Québec solidaire, car les immigrants et minorités sont les premiers touchés par les mesures néo-libérales que combat le nouveau parti. Femmes et immigrants: le pari de Québec solidaire Si ces deux problèmes sont loin d’être réglés, ils sont au moins au cœur des intérêts du nouveau parti. Les deux porte-parole se félicitaient donc publiquement d’avoir un Comité de coordination national qui comprend neuf femmes et sept hommes, ce qui est assez rare en politique québécoise. Amir Khadir nous a aussi fait part de sa fierté de voir que dans ce comité ont été élus quatre membres de minorités ethniques et une femme issue de la communauté anglophone. Selon eux, cela démontre bien que contrairement à d’autres partis, les désirs d’égalité de Québec solidaire sont bien plus que de simples vœux pieux. x

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

09

Pendant ce temps, McGill reçoit Boisclair Le chef du PQ André Boisclair rencontre des étudiants de McGill. campus Marc-André Séguin Le Délit

L

e chef du PQ André Boisclair était de passage à McGill lundi, dans le cadre d’une participation à un cours de science politique, où il a présenté à une soixantaine d’élèves les fondements du mouvement souverainiste contemporain. Plus tôt en journée, il était allé rencontrer la principale Heather Monroe-Blum. Devant la classe, M. Boisclair a expliqué que le mouvement souverainiste diffère de ce qu’il fut jadis pour les autres générations. «Les préoccupations de ma génération ne sont pas les mêmes que pour celle de mes parents. […] Les raisons pour faire la souveraineté aujourd’hui ne sont donc pas les mêmes qu’avant.» M. Boisclair a affirmé que de nos jours, la souveraineté se justifie par un désir d’accélérer le développement du Québec et de lui donner une voix sur la scène internationale. «Les Québécois ont besoin de choisir [la manière par laquelle ils vont gérer leurs relations] avec le reste du monde.» En entrevue, M. Boisclair a déclaré qu’il ne sentait pas que les résultats plus faibles du Bloc québécois au profit du Parti conservateur lors des dernières élections fédérales étaient le signal d’un déclin de la popularité de l’option souverainiste. «La stratégie des péquistes ne changera pas au gré des événements et de l’actualité. Notre pensée sur l’avenir du Québec est une pensée claire, elle s’appuie sur des faits inattaquables. L’espoir qu’on porte m’apparaît être le plus porteur sur le plan économique, culturel et social pour le Québec. Je ne commencerai pas à aller dans toutes les directions. Je reste sur mon cap en étant convaincu que peu importe le débat politique, le Québec va continuer d’avancer», a-t-il lancé. x

Le CAHIER CRÉATION arrive à grands pas. Envoyez-nous vos compositions et œuvres d’arts à creation@ delitfrancais.com


délit | 28 février 2006 10 xle www.delitfrancais.com

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

11

Cobayes «rémunérés» ou volontarisés»? Le recrutement des sujets pousserait les entreprises de recherche à jongler avec l’éthique.

Q

uiconque prend le métro ou feuillette les pages de la presse gratuite aura remarqué les affiches et annonces recherchant des volontaires pour des essais cliniques. Bien souvent, ces publicités mettent en valeur une certaine «indemnité compensatoire», parfois clairement affichée comme l’occasion de se faire un peu d’argent de poche (souvent jusqu’à 1500$), pourvu qu’on veuille bien se prêter au jeu de la recherche scientifique. Parmi les entreprises privées établies à Montréal, les plus importantes sont SFBC Anapharm et l’entreprise québécoise Algorithme Pharma. Généralement en quête de volontaires sains, leurs cliniques effectuent le plus souvent des études de phase I (premiers essais chez l’humain pour établir un nouveau médicament) et de bioéquivalence (comparaison de deux produits similaires dont l’un est déjà sur le marché). Si Montréal démontre un tel dynamisme dans le domaine de la recherche clinique, c’est que l’industrie pharmaceutique y prospère depuis plusieurs années déjà. Claude Tremblay, directrice des opérations cliniques chez Algorithme Pharma, explique que «beaucoup de compagnies pharmaceutiques sont venues s’installer dans la région, et cela a apporté une expertise en matière de recherche clinique. D’autant plus que Montréal offre un bassin de population tout proche». Émergence d’une nouvelle classe? Ce bassin s’avère en effet une source fructueuse de sujets humains. D’après Me Jean-Pierre Ménard, du cabinet Ménard Martin, spécialisé en responsabilité médicale, les Montréalais sont des milliers à se porter volontaires pour des études cliniques. Les étudiants sont nombreux à se laisser tenter, mais ils ne sont pas les seuls. Mme Tremblay constate que «les volontaires sont de tous les milieux sociaux et de tous les âges. La majorité a entre vingt et quarante ans». Si l’altruisme seul devrait en principe guider les volontaires, Mme Tremblay admet que «c’est évident qu’il y a un attrait pécuniaire. En même temps, ça leur permet de collaborer au monde scientifique. Ils

font d’une pierre deux coups». Reste à savoir si l’aspect financier ne prend pas le dessus sur l’altruisme, et si l’indemnité «compensatoire» n’est pas plutôt une forme de salaire et une incitation indue à la participation. En effet, il n’est pas impossible que les études deviennent presque un emploi parallèle, destiné à arrondir les fins de mois. Selon vicePrémont, Marie-Claude doyenne de la faculté de Droit de McGill, «les études démontrent que les gens qui participent à ces études cliniques sont des personnes qui ont besoin d’argent». La plupart d’entre eux participent à plus d’une étude. Les chiffres publiés par Algorithme Pharma indiquent que, sur une banque de 33 000 sujets, la moyenne prend part à trois études par an. Mme Michaud, volontaire chez Algorithme, affirme en avoir fait six et compte poursuivre, surtout pour des raisons financières.

La «zone grise» de l’indemnisation de question la Or, les et soi de pas va ne l’indemnisation juristes s’accordent pour dire qu’elle n’est pas assez encadrée par la loi. L’article 25 du Code civil du Québec, qui aborde ce concept, se prête à une ambiguïté d’interprétation. La distinction entre «contrepartie financière» et «indemnité» demeure dans le flou juridique le plus absolu. Cela accommoderait les chercheurs. Me Ménard souligne que «la ligne est mince à savoir combien on doit rémunérer un patient. Aucune loi n’a été faite à ce sujet. Par conséquent, certains chercheurs dépassent les bornes». «Aucun tribunal ne s’est penché sur l’interprétation de l’article 25 et très peu de littérature a été produite à ce sujet», note M. Letendre, juriste et directeur de l’éthique chez Ethica Clinical. «Il y a une énorme zone grise sur le principe de la gratuité de la participation. Il devrait seulement y avoir compensation sur les pertes et les contraintes. Or, en ce qui concerne les pertes, elles sont quantifiables (transport, places de parking), mais les inconvénients ne le sont pas, et c’est là qu’il devient difficile d’établir une norme. La limite est basée là où le montant représente une influence indue sur la participation». Selon Mme Prémont, «il est

certain qu’on ne peut pas demander à des gens de rester couchés et enfermés pendant plusieurs jours sans leur offrir une compensation en échange». De fait, l’existence même de la compensation n’est pas remise en cause. Mme Tremblay note que «les patients doivent demeurer sur le site clinique en moyenne une quarantaine d’heures, parfois même jusqu’à sept ou huit jours. L’indemnisation est ajustée en fonction de cela». Certes, mais les critères de cet ajustement ne sont nulle part définis par la loi. M. Letendre insiste que, si l’indemnisation est nécessaire, il faut s’assurer que les sujets ne deviennent pas «une sous-classe d’individus, des objets». Il explique aussi que «la limite n’est pas seulement dans le montant, mais aussi dans la façon dont ce montant est donné». En effet, il faudrait idéalement qu’il soit remis au pro rata de la participation. Ainsi, si le sujet décide de quitter l’étude à mi-chemin, il faudrait qu’il touche la moitié du montant fixé. Or, «le problème au niveau de l’éthique vient non pas de la mauvaise volonté mais de l’ignorance de certains chercheurs qui présentent l’indemnisation comme un montant forfaitaire donné à la toute fin de l’étude. Le montant devient alors un cadeau et un incitatif. C’est inacceptable». La publicité est-elle éthique? Cela porte à s’interroger sur les règles dans l’usage de la publicité. «Au niveau de la publicité, la population de Montréal est extrêmement sollicitée pour participer à des études cliniques», affirme M. Letendre, ajoutant que «le format ne respecte pas les principes éthiques. La compensation est mise bien trop en évidence». Pour Me Ménard, «la manière dont la compensation est mise en avant peu devenir un incitatif sur la participation». La publicité affiche généralement des personnes souriantes, en santé, et met de l’avant une compensation pouvant aller jusqu’à 1 500$. Chez Algorithme Pharma, on joue sur le matériel (l’indemnisation permettra de s’offrir un écran plat). Il ressort que le Canada tarde à adopter des normes en matière de publicité. Il y a donc, dans ce domaine également, des zones d’ombre à éclairer. x

La protection des sujets remise en question

Les juristes déplorent l’absence de législation nationale.

L

es entreprises de recherche ont beau clamer leur engagement pour la sécurité et le bien-être de leurs patients, ce n’est pas remettre en cause leur expertise que de noter que des incidents peuvent arriver, et arrivent. Or, force est de constater que la loi ne pourvoit pas à la protection des patients en cas de complications. De plus, il n’existe aucun syndicat ou association ayant pour mandat de défendre les droits des volontaires ou de jouer le rôle de groupe de pression pour mettre en avant leurs intérêts. «L’encadrement juridique ne protège pas adéquatement les sujets» affirme Me Jean-Pierre Ménard, du cabinet Ménard Martin, spécialisé dans la protection des usagers du système de santé. Un principe fondamental de la recherche est le devoir qu’a le chercheur d’informer son sujet par écrit de tous les risques qu’il court. Il s’agit du «consentement éclairé» par lequel le volontaire consent aux risques. Or, s’il est informé, le sujet n’en est pas pour autant protégé. Les entreprises revendiquent la sécurité des essais Si des individus en bonne santé acceptent de se soumettre à des études cliniques, c’est, vous diront les entreprises de recherche, que les risques sont infimes. Claude Tremblay, directrice clinique chez Algorithme Pharma, la plus grande entreprise québécoise privée de recherche, déclare que «les risques sont très bien encadrés. Le protocole de recherche protège l’individu et on prévoit au maximum ce qui peut survenir». Elle admet que des réactions secondaires peuvent arriver mais «souvent, on s’attend à ce qui va se produire, par exemple une chute de tension. C’est pourquoi on garde les sujets sous observation, avec une présence médicale permanente. Le personnel est formé pour répondre aux situations d’urgence». Mme Tremblay ajoute qu’«on doit appliquer les bonnes pratiques cliniques, qui sont l’équivalent des normes ISO en entreprise. On est inspectés en permanence». L’absence d’un encadrement juridique nuit à la protection des sujets Il reste que, selon Me Ménard, «il n’y a pas de législation [et] beaucoup trop d’autonomie est laissée aux chercheurs». De plus, les études sont certes régies par des normes éthiques fixées par Santé Canada, mais Me Ménard explique que les principes éthiques n’ont pas de valeur obligatoire. Aussi, les normes de Santé Canada ne s’appliquent pas à tous les tests cliniques. Me Ménard souligne de plus que «la loi exige

la formation d’un comité de l’éthique (chargé de superviser les essais et de fournir des rapports) mais elle ne prévoit aucune norme relative à la composition de ces comités». Selon lui, les sujets devraient aussi pouvoir avoir aisément accès aux travaux des comités d’éthique. Mais bien souvent la transparence n’est pas assurée. «Il est arrivé que, pour une étude se tenant à Montréal, le comité d’éthique soit à Saint-Louis dans le Missouri!» Cela dit, s’il est vrai qu’il n’y a aucune norme nationale et de loi encadrant les recherches cliniques, il reste qu’il existe des normes provinciales, avec des niveaux différents en termes de protection des sujets. Monsieur Letendre, directeur de l’éthique et des affaires gouvernementales chez Ethica Clinical (entreprise fournissant aux chercheurs privés, entre autres services, l’administration d’un comité d’éthique), souligne que ces normes sont très élaborées en Alberta. Le Québec fait aussi figure de leader au pays. «Même si elles ont des approches très différentes, ce sont les deux principales provinces à avoir mis la protection des sujets comme priorité», souligne M. Letendre. Consentir aux risques, est-ce renoncer à une protection? «Dans le cas de complications, le sujet est absolument sans recours», affirme Me Ménard. Certes, le principe du «consentement éclairé» oblige le chercheur à informer le sujet de tous les risques et contraintes auxquels il s’expose. De plus, Santé Canada veille à ce que l’on dispose d’assez d’information sur un produit testé pour qu’il soit sécuritaire. A priori destiné à assurer la liberté et l’autonomie du patient, le consentement éclairé a toutefois une faille. Me Ménard explique que, «parce que le devoir du chercheur est d’informer par écrit le sujet de tous les risques encourus, si une complication prévue se réalise, le patient n’a pas de recours puisqu’il y a consenti». Selon Me Ménard, les chercheurs devraient avoir des assureurs qui couvrent les éventuelles complications. Or bien souvent, comme le souligne M. Letendre, les chercheurs mentionnent qu’aucune couverture ne sera fournie dans le cas de complications. D’autres, cependant, prévoient compenser ce qui n’est pas couvert par l’assurancemaladie du patient. S’il demeure vrai que les cliniques de recherche sont souvent sommées de répondre à des exigences éthiques et sécuritaires, toujours est-il que l’absence de structure juridique laisse les sujets vulnérables en cas d’incident. x


délit | 28 février 2006 12 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

«Montréal, ville

De l’affaire Sir-George-Williams à Maka Kotto: aperçu de l’histoire des Noirs à Montréal effectué dans le cadre du Mois de l’histoire noire. local Verki Michael Tunteng Le Délit

Q

u’est-ce qu’un Montréalais? C’est toute une génération d’Antillais qui rend cette question plus complexe depuis son arrivée à Montréal pendant les années 1960. Lieu de débats et de manifestations, point de rencontre pour premiers ministres et acteurs politiques futurs, la ville de Montréal est un incontournable dans l’histoire récente des Caraïbes. Le 18 février dernier, quelques membres de cette génération se sont réunis afin de faire le bilan de cette époque et de tracer l’histoire des Noirs à Montréal. Bien des protagonistes des années 1960 sont décédés, d’autres ne vivent plus à Montréal. L’événement a donc attiré des conférenciers des États-Unis et d’ailleurs au Canada, dont Robert Hill, actuellement professeur à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Les conférenciers étaient bien connus chez les participants, et leurs discours, ponctués de rires et d’anecdotes de leur jeunesse, étaient à la fois une rétrospective et un hommage à leurs anciens collègues. «Les années 1960 étaient une époque de bouleversements sociaux et politiques, et la communauté

noire de Montréal en faisait partie, soutient Dave Austin, un organisateur de la conférence. Ceux qui l’ont vécu tiennent maintenant à partager leurs expériences et réflexions». Des moments historiques à McGill et à Concordia L’époque des bouleversements. Et comment! En 1960, la grande majorité des pays antillais sont toujours des colonies du RoyaumeUni. L’indépendance demeure un rêve pour ceux qui songent à rentrer chez eux après leurs études universitaires afin de participer à l’ère postcoloniale qui approche à grands pas. En octobre 1968, ces étudiants organisent un congrès international réunissant, entre autres, artistes, étudiants et activistes au pavillon Shatner de l’Université McGill. La situation d’inégalité des peuples noirs à travers le monde est à

l’ordre du jour, et les conférenciers prônent un activisme musclé, voire radical. On y retrouve plusieurs étudiants de l’Université SirGeorge-Williams (maintenant Concordia) qui sont, depuis quelques mois déjà, aux prises avec un professeur qu’ils accusent d’évaluer plus sévèrement les étudiants noirs par rapport à leurs collègues de classe, au point où quelques-uns se voient obligés d’abandonner leur rêve d’étudier la médecine. Ils sortent du congrès fortement influencés par les idées de moyens de pression avancées par les participants. Le 29 janvier 1969, ils investissent le centre informatique de l’Université et réclament, entre autres, le congédiement du professeur et la mise sur pied d’un comité chargé d’enquêter sur les allégations de racisme. Moins de deux semaines après, Marlene Jennings, jeune fille à l’école secondaire et présidente de son conseil étudiant, se rend à l’Université et témoigne de sa solidarité avec les manifestants. Elle quitte avec l’intention d’y retourner, mais elle n’en aura jamais la chance. Le 11 février 1969, un incendie se déclare dans le centre informatique: des milliers de cartes perforées s’éparpilleront sur la rue de Maisonneuve. Les dégâts sont évalués à plus de deux millions de dollars, ce qui en fait la manifestation étudiante la plus lourde de conséquences de l’histoire du Canada. L’«affaire Sir-GeorgeWilliams» suscite de vives réactions à travers les Caraïbes, dont la plus célèbre est une manifestation sur le campus trinidadien de l’Université des Antilles lors d’une visite du gouverneur-général

Marlène Jennings, activiste et députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine gracieuseté Parti libéral du Canada

canadien de l’époque. «La communauté noire de Montréal s’est affirmée, souligne Garvin Jeffers, enseignant à l’époque. Il fallait par la suite reconnaître les besoins de la communauté noire en matière de culture et d’éducation, et d’agir en conséquence. Cet événement a entraîné la création d’organismes et l’adoption de nouvelles politiques dans le but de permettre aux Noirs de mieux s’intégrer à la société». Akinwunmi Alaga, activiste et ancien acteur sur la scène politique mcgilloise, constate que cette manifestation «donne aux Montréalais une référence historique pour des gestes concrets motivés par la conviction». Une vaste communauté noire aux origines diverses Aujourd’hui, afin d’atteindre leur objectif de transmettre un message à une nouvelle génération de Montréalais, les organisateurs devront faire face à une communauté noire qui diffère de façon marquée de celle d’il y a quarante ans. Robert Hill, Jamaïcain d’origine, très actif dans le Montréal des années 1960, a remarqué pendant son discours que la communauté noire «s’est grandement élargie» au fil des ans. Alors que les protagonistes de l’affaire Sir-George-Williams étaient en grande majorité anglophones, les Noirs montréalais de 2006 sont plus francophones que jamais, et plusieurs d’entre eux sont arrivés à Montréal après les années 1960. Les Noirs ont beau avoir une histoire commune, il n’en demeure pas moins qu’un noir francophone vivant à Montréal depuis à peine quelques années risque d’avoir dans sa vie des influences plus fortes qu’une manifestation étudiante ayant eu lieu il y a près de trente-sept ans dans une ville qu’il ne connaissait guère à l’époque. Ainsi, M. Alaga, lui-même originaire du Nigeria, affirme qu’«on ne peut [tenir] pour acquis que des immigrants noirs venus ici d’Afrique il y a peu de temps auront les mêmes aspirations que ceux qui ont participé aux événements à Montréal dans le passé». Libéraux et bloquistes, une histoire commune? Les Noirs qui sont présentement sur la scène politique canadienne semblent avoir eu des influences toutes aussi diverses que leurs origines. Marlène Jennings, élève d’une école secondaire montréalaise lors des événements de 1969, est actuellement députée du Parti libéral au parlement fédéral. À

la suite de l’affaire Sir-GeorgeWilliams, qu’elle considère avoir été un tournant personnel, elle est devenue très active dans la communauté noire et a travaillé notamment à l’élaboration de politiques anti-discriminatoires. Née à Longueuil, l’avocate âgée de 54 ans se dit surprise par son saut en politique, ayant auparavant eu l’ambition de devenir juge. Loin de regretter son choix, elle se dit fière d’«apporter une perspective qu’on entend rarement» à Ottawa. En 1968, Maka Kotto, aujourd’hui député du Bloc québécois au parlement fédéral, avait sept ans et vivait toujours au Cameroun. Formé par des curés, il avait l’ambition de devenir prêtre. Ce sont toutefois les curés qui l’ont dissuadé, conscients de sa détermination «de [s]e battre contre les injustices, de faire ce qu’il faut pour défendre les exclus». Les curés ont également remarqué que le jeune M. Kotto avait des «talents en tant que leader et poète». Il explique: «[T]rès jeune j’écrivais de la poésie inspirée par la politique. Mais le statut de l’artiste au Cameroun était inexistant à l’époque, et mon père insistait [pour] que je suive une formation professionnelle». C’est ainsi qu’il est parti étudier les sciences politiques et le droit en France avant de poursuivre des études en cinéma. Les inspirations et influences de M. Kotto semblent donc bien loin de Montréal. En réalité, il faut reconnaître qu’à Montréal il n’existe pas une, mais plutôt des communautés noires. Comment réconcilier la proposition voulant que les Montréalais noirs soient liés par des expériences partagées qui vont au-delà d’une langue d’expression avec l’idée que dans la communauté noire on retrouve les «deux solitudes» bien connues du contexte québécois? Peut-être n’est-ce pas nécessaire. M. Kotto dit ne pas être au courant de l’affaire SirGeorge-Williams, mais renchérit «voyez-vous, j’ai deux images dans mon bureau, une de Martin Luther King, l’autre de Nelson Mandela. Ce sont deux personnes qui m’ont profondément marqué –mais ils sont tous deux anglophones! Ils ont vécu des expériences, des grandes batailles à côté de nos petits problèmes, parce qu’ils étaient Noirs». Il semble ainsi rejoindre M. Austin, qui reconnaît que la communauté noire d’aujourd’hui est plus complexe qu’il y a 40 ans, tout en soulignant que «l’histoire des Noirs à Montréal nous appartient tous et façonne notre réalité quotidienne peu importe nos origines».


Nouvelles

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

antillaise» «Monter dans le manège» C’est également l’avis de Mme Jennings et de M. Alaga. Pour eux, il faut analyser les thèmes généraux plutôt que les détails historiques de l’affaire Sir-George-Williams afin de permettre aux Noirs montréalais venus d’ailleurs au monde de se reconnaître devant les expériences vécues par les vétérans des années 1960. M. Kotto abonde dans ce sens lorsqu’il fait référence à ses «batailles en tant que Noir, que ce soit contre Jean-Marie Le Pen en France ou ailleurs» et affirme que «[s]a conscience historique de [s]es origines, [s]a conscience en tant qu’Africain, est très forte». M. Kotto insiste que les Noirs «doivent s’impliquer dans la vie publique, ils doivent se donner les moyens pour améliorer leur situation pour que nos enfants ne vivent pas les mêmes injustices». Il admet que, malgré ses talents de leader, il est «resté longtemps voir le manège tourner sans y monter». De Port-au-Prince à SaintMichel Afin de réunir les conditions propices à un véritable échange d’expériences, les organisateurs devront donc rejoindre toutes les communautés noires, et surtout celle ayant la plus grande population, la communauté haïtienne. Dorothy Williams, auteure d’un livre portant sur l’histoire des Noirs à Montréal, explique que, outre l’importante barrière de la langue, les divergences historiques entre la communauté haïtienne et les autres communautés noires s’expliquent en partie par une dynamique politique distincte dans la communauté haïtienne. La plupart des Haïtiens voulaient rentrer dans leur pays, et leurs efforts étaient concentrés sur Haïti. «Ils voyaient leur séjour au Canada comme une affaire temporaire, le temps que l’ère Duvalier soit passée. Ils s’intéressaient surtout aux développements politiques en Haïti. » M. Hill a rendu hommage au peuple haïtien dans le cadre d’un exposé portant sur les racines historiques de l’activisme des Antillais à Montréal. «Les origines de l’activisme noir dans le contexte nord-américain sont en Haïti, et nous leur devons le plus grand respect». Son discours était également un hommage à la ville de Montréal, qu’il qualifie de «capitale politique pour la communauté antillaise, et surtout pour les Haïtiens». Aujourd’hui les Haïtiens, tout comme les Noirs anglophones arrivés il y a quarante ans, ont des racines à Montréal. En plus

d’institutions communautaires, leurs enfants sont nés ici. Pour nombre d’entre eux Montréal n’est plus un séjour temporaire. Le temps de chercher des intérêts communs est-il arrivé? D’après Mme Jennings, il faut reconnaître le bilan fort positif des dernières années. «Le Canada a évolué de façon significative, il n’est plus le même pays qu’en 1969. Le gouvernement et le secteur privé ont implanté des programmes d’équité d’emploi. Et bien des

écoles soulignent le Mois de l’histoire des Noirs.» L’organisateur de la conférence a-t-il un souhait pour la suite? M. Austin est conscient de l’impossibilité de tout accomplir dans un après-midi. Il espère toutefois que ceux qui y ont assisté «apprécieront l’histoire des Noirs dans cette société qu’ils ont aidé à bâtir. Les Noirs sont au Québec depuis des siècles, ça leur appartient.» x

Viola Daniel, Barry Burgher et Alfie Roberts Archives du Délit

13


délit | 28 février 2006 14 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

Bombardier menacerait-il le Tibet? L’organisme mcgillois Students for a Free Tibet veut faire sa part pour empêcher l’assimilation des Tibétains. international Benoît Auclair Le Délit

L’

invasion du Tibet en 1949 par les troupes chinoises marque le début de la mainmise chinoise sur le territoire. En 1994, à New York, un groupe de Tibétains et divers étudiants et supporters de milieux variés ont formé le regroupement Étudiants pour un Tibet Libre (SFT en anglais), qui regroupe aujourd’hui près de 650 chapitres dans plus de 30 pays. Ils appuient leurs actions sur des allégations reliées à la destruction de nombreux monastères, la mort d’un sixième de la population tibétaine ainsi que l’emprisonnement et l’exécution de moines.

SFT McGill prend le train Pour Stephanie Childs, responsable de SFT McGill, l’occupation grandissante du territoire tibétain par les forces chinoises est manifeste et pourtant pratiquement ignorée par les médias. Elle donne en exemple le projet de construction d’un chemin de fer qui relierait la capitale tibétaine, Lhassa, au reste du réseau chinois, ce qui n’est à son avis qu’une façon pour le gouvernement chinois d’étendre son emprise sur le Tibet pour l’intégrer de façon accrue à la république. Et ce, contre le gré des habitants qui l’occupent. Selon elle, «le projet lui-même sera [de plus] dévastateur d’un point de vue écologique, traversant les montagnes isolant le Tibet. Il a pour but d’y favoriser la venue d’étrangers, et implicitement une assimilation culturelle, de même

Auditorium Lev Buckman auditorium 2e étage, Centre Universitaire, 3480, McTavish Street Conférenciers: - Stanley B. Frost, historien, membre History of McGill Project and auteur du livre McGill University, for the advancement of learning. - Rod Macleod, historien, président, Quebec Heritage Network - Ginette Lamontage, directrice, relations inter-institutionnelles, Université McGill Commentateur: Me Julius Grey, professeur associé, faculté de droit, Université McGill Présidente de séance : Gretta Chambers, Chancelière émérite, Université McGill En plus de son rayonnement international et de sa réputation d'excellence universitaire, quels rôles l'Université McGill, a-t-elle joué comme institution publique québécoise sur le plan politique, sociale et culturel ? 3 présentateurs vont notamment s'intéresser à 3 aspects : L'impact social et politique que l'Université McGill a eu auprès de la société québécoise lors de certains événements historiques, l'importance d'être identifié comme une institution anglophone notamment en ce qui concerne son héritage auprès de la communauté anglophone du Québec, la présence du français sur le campus et au sein de l'administration. Présenté par le Programme d'études sur le Québec et l'Association étudiante de l'Université McGill. Les conférences seront tenues en anglais.

McGill espéraient que l’événement qui, selon eux, a «embarrassé» M. Beaudoin, n’aurait pas de répercussions néfastes pour la faculté de Gestion. Les bureaux de Bombardier n’ont voulu émettre aucun commentaire supplémentaire lorsque contactés par Le Délit.

que l’exploitation des ressources tibétaines.» Les membres de l’organismes craignent que les Tibétains ne se sentent plus chez eux. Maude Côté, membre du conseil d’administration de SFT, déclare que «les Tibétains sont déjà une minorité dans leur propre patrie. Ils sont privés des droits et libertés fondamentales, et les paroles «libérez le Tibet» garantissent du temps en prison.» Or, il se trouve que ce projet n’est pas sans lien avec le Québec, et que ce lien porte un nom: Bombardier. En effet, le géant de l’aéronautique a entamé depuis déjà longtemps les négociations qui lui ont valu, en février 2005, l’obtention du contrat de construction de 361 wagons pour ledit train. Du point de vue commercial, un contrat de plusieurs millions de dollars est certes alléchant, mais pour les sympathisants nord-américains de la cause tibétaine, cela pose un grave problème éthique. Childs résume la position de l’organisation mondiale SFT en affirmant «que les actes commis par le gouvernement chinois ne sont ni plus ni moins que des violations des droits de l’homme. Le refus de reconnaître la légitimité du peuple, l’interdiction de professer leur religion et l’arrivée forcée et massive de colonisateurs

chinois rendent désormais les Tibétains minoritaires dans leur propre pays. Chaque personne susceptible d’entrer en relation avec la Chine a le devoir de s’élever contre ces pratiques.» Elle parle même de «génocide» et reproche à Bombardier d’y participer implicitement en ayant signé le contrat. «[Ce] n’est pas digne d’une entreprise canadienne qui reçoit notamment du financement par le biais de nos impôts. La compagnie, bien entendu, ne voit aucune implication politique dans le projet du gouvernement chinois.» Le 10 février dernier, Pierre Beaudoin, vice-président exécutif chez Bombardier, était de passage à la faculté de Gestion dans le cadre d’une conférence sur l’investissement. Quelques sympathisants mcgillois du Tibet ont profité de l’occasion pour distribuer des tracts et faire connaître la relation entre Bombardier et le Tibet, le tout dans le calme. Lorsque le représentant de Bombardier a été appelé par un auditeur à commenter la bannière «Bombardier: Out of Tibet!», il a invoqué les «bienfaits du développement économique». D’après lui, les Tibétains tireront aussi avantage du projet de chemin de fer. En réunion la semaine suivante, les membres de SFT

D’autres occasions pour SFT Bombardier est une cible de SFT, mais ce n’est pas la seule. Les Jeux olympiques de Pékin en 2008 représentent également une occasion pour le groupe de revendiquer. Chloé BennettPinel, responsable du chapitre de l’Université de Montréal, affirme que l’organisation a eu l’occasion de se faire remarquer quelques fois dernièrement. «En juin dernier, plus d’une centaine de sympathisants ont manifesté à Montréal à l’occasion d’un rassemblement annuel de Bombardier et plus tard, à Ottawa, Jessica Spanton, membre de SFT, a perturbé une allocution commanditée par Bombardier durant laquelle l’ambassadeur de la République populaire de Chine au Canada abordait les relations économiques Canada-Chine. […] Les autorités policières nous ont très bien reçu malgré les gardes chinois qui faisaient tout pour que le président ne voie pas les manifestants.» Quant à l’ambassadeur, il aurait détourné le regard, ce qui permet à Spanton d’en conclure: «Il semble qu’ou bien son orgueil ou bien un reste d’humanisme lui rend insupportable qu’on lui rappelle le massacre qu’il engendre lui-même.» x Le 10 mars marque la 47e commémoration d’un soulèvement populaire tibétain. Des manifestations auront lieu à Ottawa. Contactez sftmontreal@yahoo.ca pour plus de détails. Pour STF McGill et Stephanie Childs: sftmcgill@gmail.com.

Plogues «L’égalité, acquise?», conférence pour la Journée internationale des femmes – mardi 7 mars 2006, à partir de 19h, studio-théâtre Alfred-Laliberté, pavillon Judith-Jasmin, local J-M400 de l’UQÀM (405, Ste-Catherine E.) – 5$ sur réservation, 7$ à l’entrée. www.journeeinternationaledelafemme2006 .blogspot.com – Parmi les invitées: Françoise David (fondatrice d’Option citoyenne), Ariane Émond (cofondatrice du magazine féministe La vie en rose), Michèle Asselin (présidente de la Fédération des femmes du Québec) et d’autres encore!

Conférence sur les condamnations injustifiées organisée par Innocence McGill – mercredi 8 mars 2006, de 12h30 à 14h30, Faculté de droit (3644, Peel), Moot Court – Conférenciers: Me Bernard Grenier, anciennement juge à la Cour du Québec, Neil Barker, expert en tests polygraphiques et Stephen Bindman, expert en condamnations injustifiées du ministère de la Justice du Canada. Vous voulez une plogue? Écrivez à redaction@delitfrancais.com.


Arts&Culture

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

Le septième ciel du septième art C

’est en fin de semaine qu’avait lieu la grande ouverture du festival culturel Festivalíssimo, le plus important festival de cinéma ibéro-latinoaméricain au Canada. En effet, la Movida de la nuit blanche servait de prélude à la dixième édition du festival Festivalíssimo. En plus d’une projection de courts métrages, c’est-àdire les meilleures productions d’Amérique Latine, d’Espagne et du Portugal, se déroulait une nuit torride au Club Espagnol où les festivaliers étaient conviés à danser jusqu’au petit matin. Mais, ce n’est pas tout… Films, spectacles et expositions sont au rendezvous! Sous la présidence d’honneur d’André

Melançon, la dixième édition de Festivalíssimo met à l’honneur cette année les films les plus marquants de la cinématographie argentine. Le festival consacre d’ailleurs une section, intitulée Regard Argentin, aux films qui ont marqué le début du Nouveau Cinéma Argentin. Le volet cinéma du festival a pris de l’ampleur. Avec plus de soixante films présentés cette année (documentaires, courts et longs métrages inclus) Festivalíssimo a de nouveau enrichi sa programmation, laissant davantage de place au cinéma innovateur et contestataire, sans toutefois oublier le meilleur et le plus récent cinéma ibérolatinoaméricain, dont le très attendu Batalla

Festivalíssimo est un Festival ibérolatinoaméricain endiablé qui défend la diversité culturelle à travers le monde en réunissant les cultures de manière conviviale. Par Sophie Lestage

en el cielo (Bataille dans le ciel), film mexicain qui était présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Toutefois, les amateurs de spectacles et d’expositions ne seront pas en reste. Le volet ArtFeria propose encore cette année un panorama de la peinture ibérolatinoaméricaine contemporaine. De ce fait, cinq galeries d’art de Montréal participent à cet évènement afin que vous puissiez plonger gratuitement dans l’atmosphère exotique des nombreuses œuvres de ces peintres. Puis, fidèles à la tradition, les organisateurs du festival vous invitent à la Movida de Festivalíssimo où vous pourrez apprendre à danser, grâce à des ateliers préparés par

le Studio Tango et l’Académie Flamenca de Montréal. Vous pourrez également assister à un spectacle époustouflant de la compagnie argentine Tangokinesis, Nuevo Tango ou encore, au spectacle de clôture, la Noche Loca, un concert de Luisito Rosario, accompagné de ses douze musiciens, qui vous fera danser sur les rythmes sensuels de sa musique endiablée. ¡Bueno festival! x La dixième édition du festival Festivalíssimo se tiendra du 2 au 12 mars. Pour plus d’information: (514) 737-3033 et www. festivalissimo.net ou contactez le Cinéma du Parc au (514) 281-1900, www.cinemaduparc.com.

Dieu, cet À vingt cm du héroïnomane? bonheur

Meurtres en direct

D

D

aniel est un poète qui vient tout juste de s’échapper de la retraite fermée qu’il faisait dans le but de vaincre sa dépendance à l’héroïne. De retour dans son minable appartement qu’il entreprend de rénover, il tente de réorganiser sa vie de débauche en suivant dix préceptes de vie, qui s’inspirent des dix commandements de Dieu. Daniel doit 0) Avoir un corps sain dans un esprit sain 1) Soigner son hygiène personnelle 2) Tenir sa maison propre 3) Faire attention aux détails 4) Manger sainement 5) S’immerger dans la vraie vie 6) Sociabiliser 7) Faire l’amour 8) Regarder la télévision 9) Gagner de l’argent. Amen. En désirant se rapprocher de la normalité et, par conséquent, faire ce que les gens normaux font, la consommation de stupéfiants de Daniel est remplacée par une consommation abusive de tout et de n’importe quoi. Laura, quant à elle, cherche son frère Andres, le voisin de Daniel, et finira par aider ce dernier à «contrôler la qualité» des étapes accomplies. Heureusement. Le film Astronautas de Santi Amodeo est rafraîchissant. Entrecoupé de séquences, mélange de bandes dessinées et d’info publicité, ce film dénonce les difficultés reliées à un idéal de vie. Traité en extraterrestre, Daniel n’arrivera pas à s’identifier aux autres, tel l’astronaute qui vient de poser pied sur la lune… Touchant. Astronautas (Astronautes), 2004, v.o. espagnol – s.t. anglais, est présenté le 4 mars à 17h et le 10 mars à 21h au Cinéma du Parc (3575 avenue du Parc).

15

A

tteinte de narcolepsie, une maladie qui provoque le sommeil, Marietta (née Adolfo) dort partout et souvent. Or, sa vie en vient à n’être que rêves dans lesquels elle trouve refuge. C’est que Marietta, un travesti, s’imagine femme, dansant dans la rue tel que le ferait une vedette de comédie musicale. Cependant, vingt cm de chair la séparent de ce désir viscéral, de son bonheur. Mais peut-on véritablement mesurer le bonheur? Haut en couleurs et tout en lumière, ce film prend des allures de fête lorsqu’on entre dans le quotidien de ce travesti. La richesse de ce film se trouve d’ailleurs dans la douceur poétique avec laquelle Ramón Salazar nous présente ce personnage, car Marietta nous est présentée comme un être de fascination plutôt que comme une bête de cirque, ce qui est rare. Depuis toujours, Marietta épargne de l’argent afin de se faire opérer et ainsi se faire enlever les vingt cm qui la condamnent. Or, une question demeure. Est-il véritablement possible de changer de sexe ou resterons-nous toujours qui nous sommes vêtus d’un mauvais déguisement? Ici, une chose est sûre: avec ou sans opération, Marietta est, et sera toujours, une femme. C’est qu’on ne peut pas se contenter d’imiter dans le monde de Marietta, il faut devenir. Récipiendaire du prix de la critique du Festival de Malaga 2005, 20 cm est un film singulier à l’allure d’une comédie musicale d’envergure.

20 cm, 2005, v.o. espagnol – s.t. anglais, est présenté le 4 mars à 21h et le 11 mars à 19h au Cinéma du Parc (3575 avenue du Parc).

photos gracieuseté Festivalísimo

ans la minuscule ville de Babahoyo en Équateur, Manolo Bonilla, le journaliste vedette d’une émission de télévision à sensation, est sur les traces d’un tueur en série. Ce meurtrier, appelé le «monstre de Babahoyo», viole, torture, puis brûle ses victimes. Manolo est avide de trouver l’identité de ce sadique, car il est convaincu que cette histoire pourra le rendre célèbre. Ainsi, il transgresse la loi pour obtenir des informations sur les quelques cent cinquante meurtres perpétrés sur de jeunes enfants, mais Manolo finit par courir davantage après sa réussite personnelle qu’après le tueur en question. De sorte qu’il se sert des gens du village, dans bien des cas des parents des victimes, pour parvenir à ses fins. Récipiendaire du prix du meilleur film du Festival de films mexicains de Guadalajara 2005 et de la mention spéciale du Festival international de films de San Sebastian 2004, Crónicas est digne des plus grands films policiers. Ce film démontre la violence physique, psychologique, mais aussi la torture mentale. Ainsi, on finit par comprendre la haine, celle-là même que l’on ressent envers une réalité qui pourrait changer, mais dont les mécanismes sont engendrés par un désir de popularité mal exploité, car ce qui existe hors caméra n’existe pas. Un bijou!

Crónicas (Chroniques), 2004, v.o. espagnol – s.t. anglais, est présenté le 8 mars à 19h et le 10 mars à 15h au Cinéma du Parc (3575 avenue du Parc).


délit | 28 février 2006 16 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Écran sur la Corée Un 11 septembre

un peu tordu

Robert Morin nous propose sa vision du 11 septembre 2001 avec Que Dieu bénisse l’Amérique. cinéma David Pufahl Le Délit

A Coup d’œil rétrospectif sur la Corée. gracieuseté Cinémathèque québécoise

La Cinémathèque québécoise nous offre un nouveau regard sur la Corée du Sud et son cinéma. cinéma REGARD SUR LE CINÉMA SUD-CORÉEN Cinémathèque québécoise, 355 boul. de Maisonneuve Est Du 1er au 9 mars Agnès Beaudry Le Délit

«J

e me souviens bien de cette époque» dit Mi-Jeong Lee, programmatrice invitée de la rétrospective Regard sur le cinéma sud-coréen, tenant affiche du 1er au 9 mars. L’époque en question: les années 80, troisième Âge d’or du cinéma sud-coréen. Réveil culturel d’un genre, la remontée du cinéma coréen dans les années 80 marque une nouvelle ère. Ère de liberté artistique, d’expression libérée. La dictature militaire ayant jusqu’alors surveillé de près l’industrie cinématographique en restreignant les déboires, on voit alors naître dans le clandestin un cinéma qui se veut libérateur, c’est-à-dire provocateur et subversif, mais d’abord et avant tout artistique. C’est alors qu’en 1985 naissent les quotas, réservant 146 jours par année des salles au cinéma national. Enfin, le cinéma coréen pourra combattre le monstre du blockbuster, Hollywood. Entre autres, de Jang Sun-woo, sera présenté The Age of Success et de Hong Sang-soo, The Day the Pig Fell Into the Well. Jang Sun-woo et l’âge du succès Jang Sun-woo est né à Séoul en 1952. Activiste «culturel» fervent, il est emprisonné en 1980 pour avoir dénoncé le massacre de Kwangju, ce qui le convainc de devenir cinéaste pour pouvoir encore et mieux crier son opposition. Il perce d’abord en tant que critique, soutenant l’idée du «cinéma ouvert» qui se fond bien dans le renouveau du cinéma national de l’époque. Il se lance dans la réalisation avec L’Empereur de Séoul en 1986 et se fait connaître sur la scène internationale avec Fantasmes en 1999. Dans le cadre de la rétrospective sera présenté The Age of Success (1988), une critique des politiques commerciales et publicitaires de la société capitaliste. Sun-woo a voulu, en racontant l’histoire d’un responsable publicitaire, mettre sous projecteurs la

débâcle insidieuse du système. Inspiré par ses observations sur (et surtout par sa révolte contre) la rencontre du capitalisme américain avec le fascisme coréen, ce film est un manifeste offert à qui veut le lire. The Age of Success sera présenté le vendredi 3 mars à 18h30. Hong Sang-soo et une journée de cochon Né à Séoul en 1961, Hong Sang-soo y étudie le cinéma d’abord, pour ensuite poursuivre son éducation cinématographique aux États-Unis. De retour dans son pays natal, il travaille en télévision pour ensuite enseigner le scénario à l’université où il est reconnu pour ses techniques non conventionnelles, anti-formules. Sangsoo cherche à marcher côte à côte avec les personnages, à produire des scénarios où l’individu, réel en idée, n’est point objet du scénariste. C’est ce qu’il enseigne et c’est ce qu’il crée. En 1996 il lance sa première production, The Day the Pig Fell Into the Well. The Day the Pig Fell est un méli-mélo amoureux: Hyosup, écrivain, est amoureux de Bokyung, femme prise dans un ménage endormant, voyant dans cet amour une chance d’émancipation. Minjae, vendeuse de billets de cinéma rêve d’aimer un écrivain et Dongwoo, mari de Bokyung, s’ennuie au travail. Bref, The Day the Pig Fell est l’histoire de tout le monde, s’emmerdant dans un quotidien qui ne concorde point avec l’éducation fantastique qu’a procurée l’enfance, rêvant d’un jour où tout ira de travers,selon l’expression populaire coréenne, d’un «jour où le cochon tombera dans le puit». Dans ce film, Sang-soo démontre à quel point son art est sensible à l’individu, à quel point il est «humaniste», dénudant le terme de son bagage philosophique pour ne conserver que sa connotation amoureuse et humanitaire. The Day the Pig Fell Into the Well sera présenté le dimanche 5 mars à 19h. C’est cette riche histoire d’un pays que veut partager avec nous la Cinémathèque en la présentant à travers les films de cette période d’effervescence et de quelquesuns du second Âge, cinéma peu connu des années 60, comme Mother and Her Guest in the Master’s Room de Shin Sang-ok ou Obaltan de Ryu Hyun-mok. x

vec le recul, les événements du 11 septembre 2001 peuvent maintenant être évoqués dans n’importe quelle œuvre d’art sans choquer la populace outre mesure. Certaines personnes ont mis ces événements en avant-plan dans leurs créations (Michael Moore, Fahrenheit 9/11) et d’autres en font mention sans que cela prenne toute la place (Denys Arcand, Les Invasions barbares). Aujourd’hui, c’est au tour de Robert Morin, cinéaste québécois provocateur et enragé, de nous proposer sa vision du 11 septembre 2001 par le biais de Que Dieu bénisse l’Amérique, un film tordu et sans compromis. Lors de cette journée fatidique, les inspecteurs de police Maurice (Gildor Roy) et Sylvain (Patrice Dussault) ont d’autres chats à fouetter que de voir ce qui se passe aux États-Unis. En effet, ils sont aux prises avec un tueur en série qui a pour cible des délinquants sexuels libérés. Il les castre et remplit leur bouche de nourriture, ce qui lui vaut le surnom de «l’alimenteur». Puisqu’il vient d’être libéré de prison où il était à la suite à d’une condamnation pour pédophilie, Pierre (Sylvain Marcel) craint pour sa vie. N’ayant plus de domicile, il vivote ici et là et rencontre plusieurs personnes de son quartier à qui il n’avait jamais adressé la parole auparavant. Parmi eux, il y a Angéla (Sylvie Léonard), l’épouse fugueuse de Sylvain, Johanne (Marika Lhoumeau), une mère célibataire qui recherche désespérément l’amour et Claude (Gaston Lepage), un paysagiste aux idées farfelues. Ce qui ressort le plus de ces personnages est probablement leur égoïsme et leur refus de s’ouvrir aux autres. Ils se mêlent de leurs propres affaires et, du coup, restent très seuls. Ils sont tellement absorbés par leur

petite vie qu’ils remarquent à peine les deux tours qui s’effondrent à New York. En fait, j’ai été incapable de m’identifier à un seul de ces personnages. D’habitude, je considère cela comme un défaut, mais dans ce casci, c’est une bonne chose car personne ne souhaiterait leur ressembler. Cela donne un point de vue détaché que j’ai trouvé très intéressant. Dans ses films précédents, Robert Morin ne s’est pas attardé à nous en mettre plein la vue avec une mise en scène inventive et spectaculaire. Il préfère nous dire ce qu’il veut dire de manière crue, sans aucun compromis et sans se servir de béquilles pour mieux nous faire avaler la pilule. Que Dieu bénisse l’Amérique ne déroge pas à cette règle, mais garde une note d’espoir qu’on n’avait pas vue chez Morin depuis bien longtemps. On avait déjà remarqué Gildor Roy dans un autre film de Morin intitulé Requiem pour un beau sans-cœur. Cette fois-ci, son personnage fait penser au douanier qu’il a incarné dans les films de Karmina. C’est un bon policier qui veut bien faire, mais il est un peu idiot. C’est vrai qu’il se répète en faisant cela, mais il joue ce rôle tellement bien qu’on lui pardonne facilement. Aussi, il est dommage que Sylvie Léonard ne fasse pas beaucoup de cinéma car dans ce film, elle incarne la beauté désespérée de façon incroyablement naturelle. Les autres acteurs s’arrangent pour conserver le ton tordu du scénario. Morin est un de ces réalisateurs trop rares qui sont toujours pertinents et qui nous disent ce qu’ils pensent sans détour. Il n’a pas fait beaucoup de films, mais chacun devrait être considéré comme un événement à ne pas manquer. Que Dieu bénisse l’Amérique marquera peut-être le moment où le public québécois se rapprochera de l’œuvre de Morin. Vu que tout le monde se rappelle du 11 septembre 2001, ce film pourrait attirer les curieux et ainsi faire connaître un excellent cinéaste aux spectateurs. x

Maurice (Gildor Roy) mène l’enquête sur «l’alimenteur». gracieuseté Christal Films


Arts&Culture

xle délit | 28 février 2006 www.delitfrancais.com

Chorégraphie des contrastes Une expérience d’un soir avec Shen Wei. ballet Jean-Philippe Dallaire Le Délit

L

a Place des Arts était l’hôte, du 23 au 25 février derniers, de L’Expérience Shen Wei, une production de la compagnie sino-américaine Shen Wei Dance Arts. Le programme double présenté par les Grands Ballets Canadiens de Montréal comprenait Le Sacre du printemps ainsi que Folding. Le chorégraphe Shen Wei est originaire du Hunan en Chine. Âgé de 38 ans, il a œuvré dans les domaines de la danse et de l’opéra en Chine jusqu’en 1995, année de son déménagement à New York. La troupe Shen Wei Dance Arts a été fondée en 2000. Il en est le directeur artistique et chorégraphe. L’homme ne fait cependant pas seulement dans la danse. En effet, il est aussi peintre et designer, ce qui se reflète dans L’Expérience présentée aux spectateurs montréalais. Les deux oeuvres Le Sacre du printemps s’amorce alors que les lumières sont grandes ouvertes dans la salle. Les danseurs se positionnent, un à un, en deux rangées, rejoignant leur position avec des petits pas rapides. Le décor est noir, la scène est recouverte de formes géométriques. Les danseurs portent des vêtements moulants, aux couleurs grises. Sur chacun, une ou deux lignes blanches, peintes. L’interprétation sur piano à quatre mains du Sacre du printemps de Stravinski donne du rythme à l’ensemble. Les danseurs dansent parfois de façon individuelle, mais aussi en groupe, dans un mouvement fluide de va-et-vient. Au sol, ils évoquent une mer ou un vent en s’élevant chacun leur tour. Dans Folding, le chorégraphe réussit une

fascinante fusion de formes artistiques: danse, théâtre, opéra chinois, peinture et sculpture. Le contraste des couleurs est saisissant: les danseurs sont talqués et revêtent de longues robes rouges ou noires, et évoluent devant de longues colonnes blanches, faites de rideaux. L’ambiance est à la fois sous-marine et spatiale, ancienne et futuriste. Sur une musique aux accents bouddhistes, des danseurs portant de hautes coiffes blondes avancent à pas courts mais rapides, ou alors franchement lents. Périodiquement, un danseur vêtu de noir revient faire sa ronde, sur une musique plus dramatique. Wei explore le mélange des genres: «Mon travail n’a rien à voir avec la vraie vie, révèle-t-il. [...] J’explore l’inconnu. Je cherche une nouvelle façon de communiquer». Une Expérience Et cette nouvelle façon, Wei la trouve. Nul besoin d’être un expert du ballet pour apprécier la soirée, L’Expérience s’empare du spectateur pour l’emmener dans le monde de Shen Wei. Quiconque aime la musique ou la peinture les voit s’exprimer à travers la danse, et ne peut qu’en être ravi. Il n’est pas nécessaire de saisir la nature des subtilités de chaque mouvement ou image pour s’en imprégner et se laisser envelopper par l’ambiance mise en scène par le chorégraphe. La beauté de l’oeuvre de Wei, c’est la fusion. «Je n’ai pas appris les arts de façon séparée, donc je ne les sépare pas dans mon travail, indiquet-il. Parce que je suis un peintre, je veux voir comment les mouvements de danse son reliés à la musique et comment la danse est reliée à l’art visuel, afin de voir comment les trois éléments se combinent». Aux lecteurs sceptiques à l’égard du ballet, un conseil: faites-en l’essai. Ne serait-ce que pour la beauté de la chose, prenez une soirée pour aller voir ce que vous entendez. Bref, amateurs de musique, allez faire un tour au ballet! x Avec la collaboration de Laurence Bich-Carrière

17

l’aventure du vin

A

Goûter par les yeux et le nez

près s’être bourré le crâne de quelques notions théoriques, nous avons mis la table pour commencer une aventure plus empirique et nettement plus agréable. La dégustation du vin est un monde en soi, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit entourée d’un halo de prétention. Quelques trucs vous aideront à apprécier davantage chaque vin que vous buvez, et vous permettront d’en comparer la qualité. Boire ou déguster? Peut-être avez-vous déjà assisté au grand rituel de la dégustation professionnelle qui surprend par ses bruits et ses grimaces. À moins d’avoir des ambitions d’œnologue, oubliez ce rituel barbare de dégustation où on sirote à grand bruit, on aspire de l’air goulûment, on mastique comme un ruminant et puis on crache. Toutes ces étapes ont leur raison d’être, mais aucune ne vous sera de grande utilité dans un souper d’amis. La dégustation devrait se situer à mi-chemin entre ce rituel et l’ingurgitation mécanique du vin. Boire sans même y penser vous prive de plusieurs agréments du vin qui se laissent découvrir au prix d’un peu d’attention. Vous disposez pour cela de trois juges: l’œil, le nez, et le palais. En tout temps, veillez à garder du néophyte la spontanéité et le plaisir, et du professionnel, tirez avantage de ces deux règles: prendre son temps et être attentif. L’œil Il y a tout un plaisir à admirer d’abord le vin dans un verre, à commencer par sa couleur. Tous les rouges n’ont pas la même couleur: certains sont très pâles, presque orange, d’autres si foncés qu’ils apparaissent noirs. La couleur du vin, tant dans le blanc que le rouge, dépend d’un paquet de facteurs comme le cépage, la méthode de vinification, la région de production, etc. Mais on peut retenir en général que des vins clairs seront probablement plus légers et secs, tandis que les vins corsés et moelleux sont issus des régions plus chaudes, et donc de coloration plus intense. Prenez donc le temps de regarder le vin dans le verre et d’anticiper le goût qu’il aura en bouche. Plusieurs ouvrages vous recommanderont de vérifier si le vin est limpide ou s’il contient des particules en suspension. Mais ce conseil n’est plus vraiment à l’ordre du jour puisque la modernisation des méthodes de vinification a presque complètement enrayé ce phénomène, ce qui fait qu’il est très rare que l’on retrouve des défauts visuels dans le vin. Un petit mot sur la façon de tenir les verres. Les coupes de vin ont été dotées d’un pied, et ce n’est pas une fantaisie ou une décoration. La raison pour laquelle on boit du vin dans des coupes qui ont la forme particulière qu’on leur connaît c’est que les mains, qui génèrent de la chaleur, peuvent influencer la température du vin. Alors mesdames et messieurs, enlevez-moi vos doigts des verres! Une coupe devrait se tenir en tout temps par sa tige. Je vois souvent des clients dans les restaurants prendre leur verre à pleine main, celui-ci devenant de plus en plus sale et gras à mesure que le repas avance… Alors que ce soit pour l’amour du vin ou pour une question de propreté, une bonne habitude à prendre est celle de tenir une coupe par sa base. Le nez Nous arrivons à l’étape vraiment agréable de la dégustation: faire tournoyer le vin dans le verre et le humer. C’est au contact de l’air que le vin laisse s’échapper ses arômes, c’est pourquoi on doit l’agiter dans le verre pour lui donner un petit incitatif. Maintenant, si vous avez la fâcheuse habitude de remplir votre verre à la moitié, vous ne serez pas capable de le faire tournoyer sans que vos voisins de table en souffrent. Un verre de vin ne devrait jamais contenir plus du tiers de liquide, ce qui vous permettra de le humer plus facilement. En tournant le verre légèrement, le liquide devrait faire des rotations contre les parois. C’est alors que vous devez plonger votre nez dans le verre sans gêne et inspirer à petits coups. Faites des associations comme bon vous semble. Le vin est-il fruité, boisé, frais, intense, léger? Le nez se fatigue rapidement, mais récupère tout aussi vite. Faites une pause et recommencez. Faites vos commentaires et écoutez ceux de vos convives. Oubliez vos inhibitions et laissez courir votre imagination. Aucune réponse n’est mauvaise! Il n’y a de limite que les odeurs que vous connaissez, parmi les fruits, les fleurs, les végétaux, les épices et tant d’autres choses. Laissez-vous aller… La semaine prochaine: le vin en bouche. x

L’expérience s’empare du spectateur, en deux temps. Zen Qian

Questions et commentaires? flora.le@mail.mcgill.ca


délit | 28 février 2006 18 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Manifestations rapprochées Autour du campus de McGill, certains phénomènes artistiques sont intégrés dans le paysage au point de ne plus attirer l’attention. campus Mathieu Ménard Le Délit

S

ur l’avenue McGill College, en chemin vers le campus du centre-ville, on peut apercevoir une sculpture monumentale rassemblant un groupe de personnages. Intitulée The Illuminated Crowd, cette œuvre fut réalisée en 1985 par le vénérable sculpteur anglais Raymond Mason. Ce natif de Birmingham illustre bien le dicton «nul n’est prophète en son pays»; ses sculptures peuvent être observées à Montréal et à Paris (son lieu de résidence). Toutefois, la seule œuvre installée dans sa ville natale, Forward, une marche de personnages allégoriques et historiques vers le progrès, a péri sous les flammes en 2003. De fait, la présentation de groupes paraît une spécialité pour Mason, avec une figuration simplifiée, où le relief délibéré accentue les expressions. Plusieurs de ses

œuvres optent pour la résine de polyester, avec une finition lisse qui n’a pas le côté «académique» du bronze. Parvenant à infuser une large gamme d’expressions à ses sculptures, allant de l’austérité au rictus sauvage, Mason occupe une place de choix dans l’art contemporain, aux côtés de peintres comme Francis Bacon et Lucian Freud. Pour The Illuminated Crowd, des citoyens de toutes origines semblent fixer un idéal lointain, une lumière idéologique. Au fur et à mesure que l’on recule, les personnages étant moins exposés à l’illumination changent d’humeur: les fléaux du chaos et de la mortalité prennent le contrôle. La composition allongée permet de dissimuler ces détails au premier coup d’œil, et la disposition en escalier accentue la différence entre les groupes de personnages. Dans un tout autre ordre d’idées, le musée McCord est aussi à un saut de puce du campus. Ses ambitions sont de nature plus historiques que le Musée d’art contemporain, mais il n’en demeure pas moins que cette institution rassemble une quantité impressionnante de pièces appartenant à l’histoire de l’art. L’exposition Picturing Her Images of Girlhood, à l’affiche jusqu’au 2 avril, illustre cette variété. Rassemblant la peinture, la gravure, le dessin et la photographie, cette exposition se veut une exploration de la présentation du sexe féminin au Canada de 1860 jusqu’à aujourd’hui. L’exposition permanente, Simply Montreal, apparaît par nature documentaire, sinon didactique. Néanmoins, la qualité

Le musée McCord: deux pas qui valent la peine. Mathieu Ménard

de l’installation et le grand nombre de photographies (dont certaines de dimensions plutôt respectables) en font une visite plaisante pour l’esthète. Les différents objets originaires des premières nations font de la visite une exploration d’une discipline connexe (lorsqu’elle n’est pas directement impliquée) à l’art, soit l’artisanat. Le campus lui-même, tout comme le reste du centre-ville, incorpore un grand nombre de sculptures et d’installations

inspirées de courants différents, et nécessitant une inspection rapprochée. Ces pièces seront le sujet d’un article futur; en attendant, pourquoi ne pas braver la gadoue pour reluquer quelques photographies ou des personnages burlesques? x Le musée McCord, situé au 690 Sherbrooke Ouest, est accessible de 10h à 17h du mardi au dimanche. L’entrée est de 5,50$. Pour plus d’information: www.mccord-museum.qc.ca.

Musimars 2006: Des impressions Musique du Nord sur le campus.

J

usqu’au 3 mars, l’école de musique Schulich, en coproduction avec la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), présentera son événement biennal MusiMars: une semaine de concerts, de conférences, d’ateliers et de cours de maître avec des compositeurs et des interprètes étrangers en dialogue avec leurs visà-vis d’ici. Cette fois-ci, le regard se tourne vers les pays nordiques avec l’ensemble islandais Caput, invité d’honneur, le Quatuor Molinari, l’Ensemble de la SMCQ et trois ensembles d’ici, le McGill Chamber Singers, le McGill Contemporary Music Ensemble (CME) et le McGill Digital Composition Studio. Cette année, MusiMars met l’accent sur plusieurs compositeurs des pays nordiques, en particulier Anders Hillborg de Suède, Bent Sørensen du Danemark, Lasse Thoresen de Norvège et Haukur Tómasson d’Islande, qui seront à Montréal durant toute la semaine. Ils y présenteront des musiques semblant partager «un sens aigu de l’exquis et une poésie très finement ciselée, dotée d’une grande force évocatrice» et, parfois, «en lien très riche avec les traditions populaires», selon les mots de Bouliane, coordinateur artistique de l’événement. À ce sujet, il ne faut pas manquer la prestation de Karen Young avec l’Ensemble de la SMCQ, dans une pièce écrite spécialement pour chanteuse folk. «Ces œuvres, ajoute-il, ne sont pas sans rappeler l’idée de la musique comme transposition, sublimation et formalisation acoustiques des sensations, chère aux esthétiques impressionnistes.» L’événement se déroulera sur le campus entre les salles Redpath et Pollack, présentant étudiants de McGill en concert avec ces artistes et plusieurs autres musiciens canadiens. x Informations et horaire: www.smcq.qc.ca/smcq/mtl.f/40/comm.10024.html

The Illuminated Crowd regorge de détails accentuant son côté théâtral. Mathieu Ménard


Arts&Culture

CADM sous projecteurs Une institution essentielle à la scène culturelle québécoise. théâtre Clémence Repoux Le Délit

L

e Conservatoire d’art dramatique de Montréal est une institution importante de la scène culturelle de notre province, en particulier dans les milieux du théâtre, de la télévision et du cinéma. Leur récente pièce de théâtre, Un Ennemi du peuple d’Ibsen, en témoigne. Le Conservatoire Fondé dans le but de former des jeunes musiciens et comédiens talentueux et de jouer un rôle important dans la formation artistique au Québec, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal (CADM) est né en 1954, sous la direction de Jan Doat. Il a déménagé de très nombreuses fois, entre les étages supérieurs du Monument-National, le sous-sol de la Bibliothèque Saint-Sulpice,

le Théâtre National, et j’en passe, pour s’installer en 2001 dans une ancienne école polyvalente du quartier du Plateau MontRoyal, au 4750 avenue Henri-Julien, où il se trouve encore aujourd’hui. Le Conservatoire dispose d’un équipement perfectionné: différents studios de doublage, radio, télé, cinéma, ateliers de costumes et décors, labo de langues et de diction, mais surtout, il est doté d’une bibliothèque remarquable, riche d’environ vingt mille documents. Depuis 1985, y sont conservés les enregistrements audiovisuels de tous les exercices pédagogiques et évaluations d’élèves. À la suite d’une entente avec l’ANETH (Aux nouvelles écritures théâtrales) et le consulat français, cette bibliothèque est devenue le dépositaire de plus de trois mille pièces de théâtre contemporaines, pour la plupart inédites, qu’elle rend accessibles au milieu professionnel du théâtre québécois. Le Conservatoire accueille une trentaine d’élèves à la fois, soit une dizaine par promotion. Ceux-ci poursuivent à temps plein une formation de trois ans, de niveau équivalent au premier cycle universitaire, axée sur le jeu. De plus, chaque été, les élèves terminant leur deuxième année effectuent un stage de formation intensive au théâtre de rue à Saint-Malo, en France, en partenariat avec

l’Office franco-québécois pour la Jeunesse. Par ses exercices pédagogiques, le CADM rend le théâtre accessible à un large éventail d’auditoires. De plus, il organise à l’occasion des lectures publiques, notamment avec la collaboration des Maisons de la culture, de la Maison Théâtre, et des théâtres de Montréal. Le Conservatoire présente un certain nombre de ses activités publiques, entre autres les productions de ses finissants, à la cinquième salle de la Place des Arts. Sur scène C’est la production des finissants de cette année que j’ai été voir l’autre jour à la cinquième salle: Un Ennemi du peuple d’Henrik Ibsen, d’après une adaptation de Normand Chaurette, mise en scène par Suzanne Lantagne. Le jeu de ces acteurs de la relève est époustouflant: on a du mal à se rappeler qu’ils sont encore étudiants, jeunes pupilles impressionnants! Certains ont certes plus de talent que d’autres, mais ils font tous preuve d’un professionnalisme et d’une maturité de jeu remarquables. On retient la performance d’Émile Proulx-Cloutier qui interpréta avec brio le rôle principal du docteur Stockmann dans la deuxième partie. Ce rôle est difficile, parce qu’il oscille entre la lucidité et la demie folie,

xle délit | 31 janvier 2006 www.delitfrancais.com

mais le jeune homme a très bien rendu la complexité de son personnage. On note aussi la performance d’Amélie Dallaire dans le rôle d’une belle-mère caustique interprétée à souhait. Le personnage de la belle-mère agaçante assise sur son tas d’or et qui veut contrôler la vie de tout le monde, en particulier celle de son gendre, est un cliché, mais l’interprétation de Dallaire est originale et particulièrement drôle. Enfin, Sarianne Cormier était hilarante dans le rôle de la très modérée Madame Aslaksen, elle avait une diction particulièrement lente et calme, ce qui créait un contraste comique avec les autres personnages plus ou moins déjantés. Les deux jeunes femmes ont fait rire le public plus d’une fois. Cette performance remarquable de la relève, les jeunes finissants du Conservatoire, m’a donné envie de les revoir sur scène. Tant mieux, parce que le prochain spectacle promet: Chroniques des jours entiers, des nuits entières de Xavier Durringer, mise en scène par Michel Monty. Par contre, il va falloir un peu de patience, ce n’est pas pour l’instant: ce spectacle sera sur les planches du 21 au 29 avril. Mais autant le noter tout de suite, parce que s’il est aussi bon que le dernier, il ne faudra absolument pas le manquer! x

calendrier culturel

les rêveries du lecteur solitaire

Semaine du 28 février au 6 mars

Pourquoi je ne peux plus lire Hugo

Théâtre Le Théâtre de la Grenouille, la troupe francophone de McGill, présente Inès Pérée et Inat Tendu, une pièce de Réjean Ducharme. Elle sera jouée les 9, 10 et 11 mars à 20h au théâtre A B C Clown Express (2019 rue Aylwin, coin Ontario – Métro Joliette). Les billets sont à 5$. Réservations: theatredelagrenouille@ hotmail.com. Danse L’ensemble de danse MOSAICA présente Synergie, un spectacle de jazz, hip hop, tap et bien d’autres choses. Il se déroulera les 3, 4 et 5 mars à 20h au Théâtre Gesu (rue Bleury, juste au sud de la rue Ste Catherine). Les billets sont à 12$ pour les étudiants et 15$ pour les adultes. Pour achats: www.admissions.com ou mcgillmosaica@hotmail.com. Cinéma Le documentaire When Are You Coming Back?, adressant les tensions entre traditions et tourisme moderne dans un village mexicain, sera visionné le vendredi 3 mars à 12h30 au Chancellor Day Hall (3644 Peel Street). Entrée gratuite. Pour plus d’information: (514) 398-1813 Lectures publiques Le McGill Center for Research and Teaching on Women (MCRTW) présente une conférence intitulée «Privilege and Diversity in the American academy: Its roots and its

workings on campuses today» par Mary Kay Tetrault, professeur de la Portland State University, Oregon, le jeudi 2 mars à 16h30 dans la salle 160 du Pavillon des Arts. Pour plus d’information: (514) 398-3911 poste 3. Le professeur James Devine du département de Sciences Politiques présentera «Accomodation within Strategic Rivalries: Iran and Saudi Arabia» le vendredi 3 septembre à 15h30 au ICAMES (3465 Peel). Pour plus d’information: (514) 398-1246. Le McGill Institut for the Study of Canada présente un colloque sur «The Liberal Order in Canada». Le colloque aura lieu le vendredi 3 mars de 9h à 17h à la Thompson House (3650 McTavish). Entrée libre. Dans le cadre de la série Here on Earth, le Santropol Roulant donne une présentation intitulée «Rooftop Gardening Initiative in the City», le lundi 6 mars à 18h à la Thompson House (3650 McTavish). Musique Dans le cadre du Festival Musimars, l’école de Musique Schulich présente un programme a capella par The McGill Chamber Singers & Les chanteurs d’Orphée. Le concert aura lieu le jeudi 2 mars à 19h dans la salle Pollack du Pavillon de musique Strathcona (555 Sherbrooke O). L’entrée est de 5$. Réservations: (514) 398-4547. Pour plus d’information: www.smcq.qc.ca/ smcq/musi.e/2006/index.html.

O

n peut respecter l’œuvre d’un auteur, l’admirer ou même l’aimer en étant pourtant tout à fait incapable de le lire: c’est mon cas envers Victor Hugo. Peut-être y a-t-il dans cette incapacité une part de surdose, mais ce sont surtout les implications idéologiques de son œuvre qui me la rendent rebutante. Car, en bon politicien qu’il était, Victor Hugo met de l’avant dans ses écrits toute une série de valeurs tout à fait modernes (au sens ancien du terme) qui ne peuvent paraître aujourd’hui que dépassées, voire anachroniques. Parmi celles-ci se détache au premier plan la notion de progrès, omniprésente autant dans son théâtre que dans ses romans ou sa poésie. L’idée était dans l’air du temps; on peut la retrouver chez d’autres auteurs comme Musset, Lamartine ou Gauthier (tous unis sous la bannière romantique), mais également jusque chez Marx. Si chez ce dernier elle prend la forme d’un matérialisme historique, d’un destin mondial avançant inéluctablement vers une société plus juste en bondissant d’une étape à l’autre sous la pression de forces économiques, elle est amenée beaucoup plus subtilement dans l’œuvre de Hugo. En effet, le héros archétypal de Hugo est un paria (détenu, ancien détenu, futur détenu, aberration muette, sourde, méchante et repoussante qui vit recluse dans un clocher, etc.) qui, par ses qualités morales, finit par s’illustrer, par progresser moralement ou socialement, habituellement dans un contexte où cette progression aura des effets bénéfiques sur toute la société (l’avènement de Charles Quint, symbole de Napoléon, dans Hernani). Victor Hugo ne se gêne pas non plus pour prêcher plus directement: on n’a qu’à relire le chapitre

19

sur les égouts de Paris dans Les Misérables pour s’en rendre compte: «viendra un jour où tous ces déchets seront récupérés afin de fertiliser les riches domaines agricoles de France, réglant ainsi le problème de la faim du peuple…» Je résume, mais l’essentiel est là. Or, l’idée de progrès est une illusion découlant de notre perception linéaire du temps, de notre conception cartésienne du monde et de nos peurs. Les évènements se succédant chronologiquement (axe des x), ils doivent forcément se succéder sur une autre base, celle de la condition humaine (axe des y). La pente qui en résulte (y=quoique ce soit x), est la mesure, sinon la définition, du progrès. S’il y a eu un quelconque «progrès» (terme que sa connotation méliorative me pousse à mettre entre guillemets) ces dernières années, c’est bien la prise de conscience chez plusieurs intellectuels que la société peut régresser. La condition humaine n’est pas fatalement vouée à se rapprocher d’un bien-être global parfait et harmonieux: sommes-nous vraiment mieux aujourd’hui qu’il y a dix ou vingt ans? Ce changement de paradigme constitue le point de rupture entre deux courants: celui du «ça-va-pétisme» (selon les mots de Jean-Robert Sansfaçons) et celui du «ça-va-allisme» (selon les miens). Ainsi, tandis que Hubert Reeves et David Suzuki tentent de faire comprendre au monde que rien ne garantit, au rythme actuel, que les humains peupleront encore la Terre dans cent ans, Stephen Harper affirme l’inutilité de Kyoto parce qu’on ne peut arriver à satisfaire ses exigences. «De toutes façons, ça va aller…» x

Pierre-Olivier Brodeur


délit | 28 février 2006 20 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

critiques de bédé LAX Les Tribulations du Choucas Trekking payant

À

part le nom, le Choucas, l’homme, détective privé «malhabile malgré des efforts méritoires quoiqu’intermittents», partage très peu de caractéristiques avec son homonyme, l’oiseau des montagnes, «habile voilier sachant profiter du moindre courant ascendant pour se déplacer sans faire d’effort». Or, cette fois-ci, des efforts, le Choucas devra en faire parce qu’on l’a chargé de se rendre au Népal pour enquêter sur une mort naturelle qui n’en est peutêtre pas une. Et étant donné la somme qui est en jeu, on peut bien se permettre de monter plusieurs fois les marches de la butte Montmartre, question de retrouver la forme. Comme d’habitude, l’enquête n’en est pas vraiment une, c’est plutôt une toile de fond pour quelques piques à la bonne société française (la conversion bidon et bouddhique d’une «grosse aubergine obséquieuse», un avocat véreux surnommé «la lessiveuse de la République») et à la guérilla maoïste rançonneuse de trekkeurs (mais attention,

ce ne sont pas des barbares, ils émettent des reçus et vous rembourseront quand ils seront au pouvoir). Le trait est aussi sec que l’humour (alors que le Choucas est plutôt du genre noyé dans le picon), précis et nerveux. Mais il manque quelque chose: l’univers est moins codifié, moins lugubre, les plans, plus larges, plus épurés, plutôt que le thriller de série noire, on glisse vers l’aventure. Dupuis a même changé le titre de la série, supprimé la couverture granuleuse et espère ainsi atteindre un public plus large, presque conquis par le one-shot de L’Aigle sans orteil (2005). C’était un risque à prendre du côté des inconditionnels du polar français en bédé. Les réparties grinçantes y sont toujours, la voix hors champ, corrosive et littéraire aussi, mais l’ambiance a perdu un peu de sa force. Elle était sombre, elle n’est plus que maussade. Sans doute la palette aquarellée deux tons –orangé le jour, bleu foncé la nuit– y a-t-elle contribué, mais les bousculements éditoriaux ont peut-être un peu sonné le personnage. Il ne reste plus qu’à attendre qu’il retombe sur ses pattes. x (Dupuis)

Laurence Bich-Carrière

JYTÉRY • RODOLPHE Arlequin Game over

P

resser le citron, vous dites? Les plus indulgents avaient bien voulu croire au problème de la modernisation d’une série reprise, mais le gros n’importe quoi du tome 7 d’Arlequin dépasse les bornes. D’abord, un scénario frisant la nullité: propriétaire de la société Rainbow, Ève Rawson, aussi plantureuse que cupide, va tout faire pour empêcher la Paradise Inc. d’investir dans les voyages virtuels. Tout, c’est-à-dire envoyer cet imbécile heureux de Bertie McCallum et son «gardien» Lavanel (qui a perdu son monocle et donc, son charme) à travers diverses époques: du far-west à l’arène romaine, du futur à la guillotine révolutionnaire, en passant par un aujourd’hui parallèle où ils sont morts. C’est loin d’être brillant. C’est même catastrophique. En fait, on pourrait intervertir la plupart des planches sans que l’«histoire» n’en souffre. Côté dessin, si Jytéry jouit d’un trait ferme et d’une ligne claire, on ne sent aucune application et peut-être même pas de plaisir. Des angles qui défient les lois de la physique, des gros plans «pour faire comme si c’était sérieux» (sans succès), des planches

assez peu travaillées avant l’encrage (on voit presque les lignes de construction!). Et c’est sans parler du cadrage et du découpage. Par ailleurs, en voulant imiter le style de Dany, le dessinateur original, ses personnages sont devenus sinistrement simiesques: Lavanel avait toujours eu une mâchoire bien accusée –on dirait aujourd’hui qu’il a en permanence un bébé carotte ou un morceau de bois devant la gencive inférieure. Jusque dans les détails, on a l’impression d’être en face d’une cause irrémédiablement perdue: la série originale (j’entends, les premiers tomes publiés par Dany et Van Hamme dans les années 70) était imprimée sur du papier mat. La suite aurait dû l’être autant car les effets de lumière de Jytéry semblent grotesques et démesurés sur du papier glacé –certes, la maison Joker fait beaucoup dans l’«humour» coquin, mais de là à ce que toutes les femmes paraissent consciencieusement huilées… Et finalement, je veux bien que le charme de la série soit qu’on ne sache pas vraiment qui est Arlequin, mais de là à l’écarter totalement du scénario… x (Joker)

L.B.-C.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.