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Le seul journal

• Le mardi 11 septembre 2007 — francophone de l’Université McGill

7 depuis 1977.

Volume 97 Numéro 1 • Depuis 197

Le Délit fête la rentrée en grand! Cahier spécial détachable sur le trentième anniversaire du journal

Célébration musicale: Osheaga en pages 12-13


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Valide sur présentation d’une carte étudiante et d’un numéro d’étudiant.

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SÉANCES D’INFORMATION SUR L’ADMISSION EN DROIT 14 septembre 2007 à 16h Agents d’admissions et représentants étudiants sur place 3660, rue Peel (coin Peel et Dr. Penfield)

(514) 845-1515

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francais.mcgill.ca/law-admission Date limite pour les candidats universitaires et adultes : 30 novembre 2007

* Les prix peuvent changer sans préavis et peuvent varier selon la prescription. Applicable sur une chirurgie des deux yeux. ** Sujet à changement et modification en tout temps sans préavis. Financement assuré par Credit Medical Corporation Inc, sur approbation de crédit.

Dr. Pierre Demers

MD, FRCSC 35,000 interventions

Dr. Avi Wallerstein

MD, FRCSC 40,000 interventions

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Halifax | Moncton | Québec | Montréal | Ottawa | Kingston | Toronto | London | Windsor | Winnipeg | Edmonton | Calgary | Vancouver | Syracuse

www.lasikmd.com † Remboursement de 150 $ /oeil déjà inclus pour les détenteurs de carte de l’ASEQ .

Avis de consultation publique Du 27 août au 8 octobre 2007 Le 28 juin 2007, la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Mme Michelle Courchesne, annonçait que le gouvernement soumettrait une proposition pour encadrer plus adéquatement les frais institutionnels obligatoires dans les universités. Afin d’en arriver en toute transparence à la meilleure proposition possible, du 27 août au 8 octobre 2007, soit pour une durée de six semaines, les étudiantes et les étudiants, les personnes ou organisations désirant faire connaître leur opinion et exercer leur droit de parole peuvent le faire en consultation publique. Toute l’information utile à la consultation est disponible dans le site Internet :

www.mels.gouv.qc.ca

Vous aimeriez critiquer les médias ? Le McGill Daily recherche un rédacteur public. La Société de publication du Daily est à la recherche d’une personne critique avec une bonne plume en anglais pour écrire une chronique régulière évaluant la qualité journalistique du McGill Daily. Le bénévole devra correspondre avec des lecteurs du Daily, entendre leurs inquiétudes et critiques concernant le journal et réaliser des entrevues avec des membres du personnel et de l’équipe éditoriale, pour ensuite détailler ses constatations à l’écrit. Pour plus de renseignements, envoyez un courriel à

emeere@dailypublications.org. La date limite pour appliquer est le 21 septembre.

Il est possible de faire connaître ses préoccupations en s’inscrivant dans le site ou en faisant parvenir ses commentaires ou mémoires à l’adresse suivante : Consultation Frais institutionnels obligatoires dans les universités Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport 1035, De La Chevrotière, 19e étage Québec (Québec) G1R 5A5


Éditorial

xle délit | 11 septembre 2007 www.delitfrancais.com

Volume 97 Numéro 1

Le Délit : une autre histoire de survivor

Le seul journal francophone de l’Université McGill rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318

campus Laurence Martin Le Délit

I

l y a 30 ans, quelques étudiants décidaient de publier dans les pages du McGill Daily une édition hebdomadaire en français: le 20 septembre 1977, le premier McGill Daily Français voyait le jour. Et la chicane a «pogné». L’association étudiante s’est indignée, CBC a débarqué, les lettres ouvertes fusaient (on ne pourrait pas en dire autant aujourd’hui). Il faut dire que les changements étaient frais: entre les mouvements étudiants (McGill Français) et les lois linguistiques - dont la très récente loi 101 - le Québec se francisait drastiquement et certains avaient de la difficulté à avaler la pilule. Mais le journal, en vrai survivor, a tenu bon, modifiant son nom au fil des ans pour devenir Le Délit, et être non plus la simple petite sœur du McGill Daily, mais une publication «capable d’assumer pleinement sa destinée». Et nous voici donc trois décennies plus tard - toujours dans des locaux au soussol - MAIS avec un journal sur la voie du professionnalisme, s’exprimant sur un ton professionnel (et qui publie chaque semaine beaucoup d’affaires sérieuses et parfois, seulement parfois, quelques plaisanteries innocentes). Et nous voici surtout à l’heure du bilan, tentant de nous demander ce qui a bien pu changer, trois décennies après la loi 101, quant à la place de McGill dans la société québécoise. Les Franco-Québécois ont-ils réglé leur compte avec McGill ou existe-t-il encore un malaise ?

Le «pure-laine» à McGill «Quoi ? T’étudies à McGill, ah, ouain… » Oui, ça, on se demande vraiment quand ça va ENFIN changer. Parce que combien de fois l’avez-vous entendue cette petite remarque déplaisante ? Et pas

seulement de la part de quelques «marxistes-souverainistes-extrêmistes». Non, de monsieur et madame tout le monde qui ne comprennent véritablement pas pourquoi, en tant que Québécois francophone, vous n’allez pas à l’Université de Montréal ou à l’UQÀM. Alors, vous avez beau expliquer «l’occasion unique d’étudier au Québec en anglais», «la reconnaissance internationale» ou «la bonne qualité de cours pour un prix abordable en Amérique du Nord», rien à faire: ça agace encore. Pour expliquer ce malaise, on vous dit: «Non, mais tu comprends, c’est une question de passé politique, d’histoire non réglée, d’identité nationale et de revanche à prendre. » Bref, encore une histoire de statu quo: le statut du Québec ne peut changer, et celui de McGill non plus. Quand la presse s’en mêle Et puis, pour épaissir un peu la sauce, nous avons l’immense privilège de compter sur des médias qui sont les premiers à débarquer sur le campus dès qu’il y a scandale à McGill. C’était le cas il y a 30 ans, lorsque CBC a voulu interviewer les quelques fous qui osaient écrire des journaux en français à McGill. C’est encore le cas aujourd’hui

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quand les journaux à sensation attendent aux portes du carnaval de la Faculté de gestion pour que, dès qu’il y ait une personne saoule, on le rapporte tout de suite aux nouvelles. «Regardez comment les étudiants de McGill ne savent pas boire ! Regardez comment ils font tout le temps la fête et ne sont pas sérieux ! » En passant, je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler des initiations à la Polytechnique ou aux HEC, mais je doute fort que ce soit «tout gentil, tout mignon» simplement parce qu’il s’agit de «bons Québécois pure laine». Au fond, certaines choses prennent beaucoup plus de temps qu’on se l’imagine pour changer: Pauline est toujours en politique, les dames de la bibliothèque ne peuvent toujours pas vous répondre en français et nous faisons souvent la «une» dans les médias à sensation. Et Le Délit est toujours là. Un grand merci d’abord aux fondateurs, sans qui nous ne serions pas là aujourd’hui, ainsi qu’aux lecteurs, collaborateurs et enfin à tous les membres de la rédaction, ceux pour qui les lundis soirs ont été pendant plusieurs mois ou même quelques années associés au luxueux local du B-24 Shatner et à beaucoup de bons souvenirs. Bon 30e et bonne rentrée ! x

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Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Laurence Martin Nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Chef de section Zoé Gagnon-Paquin Secrétaire de rédaction Alexandre Duval Arts&culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Lawrence Monoson Secrétaire de rédaction Pierre-Olivier Brodeur Société societe@delitfrancais.com Julie Rousseau Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnateur visuel visuel@delitfrancais.com Louis Melançon Coordonnateur de la correction [Poste vacant et disponible] Collaboration Sabrina Belvoto, Laurence BichCarrière, Jessyka Boulanger, Cynthia Cloutier-Marenger, Laurence CôtéFournier, David Marc-Newman, Pierre Mégarbane, Philippe Morin, Maysa Pharès, Alexandra R. Lattion, MarieMadeleine Rancé, Julie Roy-Audet. Couverture Louis Melançon bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Mathieu Ménard The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Drew Nelles Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Sarah Colgrove, Jeremy Delman, Aaron Donny-Clark, Alexandre de Lorimier [chair@dailypublications.org], Laurence Martin, Erika Meere, Drew Nelles, Max Reed L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Ça brasse à Montréal: AÉUM: Jake se bat retour sur le FSQ pour ses barils

Osheaga: Rafale de musique alternative

Qui est le nouveau chroniqueur culturel?

En ce début d’année, Le Délit est à la recherche de nouveaux collaborateurs. Venez nous rencontrer lors de nos réunions (détails en page 10) ou à Activities Night.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimerie Quebecor, Saint-Jean-sur-le-Richelieu (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

www.delitfrancais.com redaction@delitfrancais.com


délit | 11 septembre 2007 04 le www.delitfrancais.com

Insolite: toilettes et pompes funèbres «Fais ce que je dis, pas ce que je fais» Une autre controverse majeure a secoué le Parti républicain des États-Unis la semaine dernière lorsque le sénateur de l’Idaho, Larry Craig, a démissionné suite à une mise en arrestation pour conduite sexuelle inappropriée. Ce dernier, comme la majorité des membres du parti, défend des principes très conservateurs en ce qui a trait aux droits des homosexuels. Or, un policier en civil l’a piégé dans une toilette des hommes de l’aéroport de Minneapolis-Saint Paul le 11 juin dernier, alors qu’il sollicitait des faveurs sexuelles de l’agent. Il est le deuxième membre important du Parti républicain, après Mark Foley, à démissionner suite à de telles allégations (La Presse).

Un deuil difficile Pour la plupart des gens, l’idée de voir le cadavre d’un de leurs proches en pleine décomposition est terrifiante. La situation semble différente pour deux sœurs londoniennes, Josephine et Valmai Lamas. Après la mort de leur mère, Annie Lamas, en 1997, ces dernières ont décidé de l’embaumer, mais elles ont refusé de l’enterrer. À chaque semaine depuis l’évènement, elles visitent sa dépouille qui est entreposée dans la chambre froide d’une entreprise de pompes funèbres. Le temps a beaucoup altéré le corps et il ne reste maintenant plus que quelques tissus de peau sur le haut du squelette. Malgré cet état de décomposition avancée, Josephine applique encore du maquillage sur le visage de sa mère à chaque visite. Plusieurs autres membres de la famille souhaitent que les deux sœurs se décident finalement à enterrer ou à incinérer le corps d’Annie, qu’ils comparent à «un personnage de film d’horreur vidé de son sang par un vampire» (The Sun).

Controverses Citation de En trois la semaine vitesses «Il y a l’épaule de Dieu sur laquelle je peux pleurer. Et je pleure beaucoup. Je suis prêt à parier que j’ai versé plus de larmes, en tant que président, que ce que vous pouvez compter.» Le président américain a tenu ces propos lors d’une entrevue qu’il a accordée au journaliste texan Robert Draper pour l’écriture de son livre Dead Certain : The Presidency of George W. Bush (La Presse).

en hausse L’ÉQUIPE JUNIOR CANADIENNE DE HOCKEY La formation a servi toute une leçon à l’équipe de la Russie en remportant 7 des 8 parties de la Super Série 2007, qui se veut un hommage à la Série du Siècle. Suite à une victoire de 8 à 1 du Canada, le Ministre des Sports de la Russie a d’ailleurs déclaré qu’il s’agissait de «l’une des défaites les plus humiliantes dans l’histoire [du hockey national russe]» (RDS).

au neutre LA COMISSION BOUCHARD-TAYLOR

CHRONIQUEURS RECHERCHÉS Intéressés à collaborer régulièrement pour le seul journal francophone de McGill? Le Délit est à la recherche de chroniqueurs réguliers pour la section Nouvelles. Pas de qualifications requises; il faut seulement s’intéresser à l’actualité et écrire de façon hebdomadaire ou bimensuelle.

La commission a connu son lot de controverses dans les dernières semaines. Bouchard s’est fait âprement critiquer lorsqu’il a mis en doute les capacités des auditeurs de TVA et de TQS à comprendre le débat. Taylor a dû, par la suite, défendre son indépendance face à la fondation Templeton, un institut qui cherche à prouver l’importance de la religion dans la société (PC).

en baisse

LE CRÉATIONNISME EN ONTARIO Le chef du Parti progressisteconservateur a fait surgir une controverse lorsqu’il a suggéré qu’une forme de financement public soit accordée à des écoles chrétiennes privées, même si ces dernières enseignaient le créationnisme en classe. Alors que la province vient de se lancer en campagne électorale, il s’est attiré les foudres de la plupart de ses adversaires politiques (Globe and Mail).


Controverses

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Nos lecteurs se manifestent déjà La grève: un moyen solidaire Les étudiants de McGill payent la facture universitaire la plus élevée du Québec. Pourtant, suite au gel des frais de scolarité imposé en 1994 par le gouvernement, nous devrions payer tous et toutes la même facture. La présence de frais afférents et de droits de scolarité mène à une disparité financière qui mine notre droit à l’éducation. Nous devons nous demander pourquoi il nous faudrait payer pour jouir de notre droit aux connaissances et pour assurer le passage du savoir d’une génération à l’autre. Le coût de la gratuité scolaire postsecondaire est estimé à 550 millions de dollars, selon une recherche menée par l’IRIS. Cette somme représente environ 13% de notre budget militaire. De surcroît, le gouvernement a décidé dernièrement d’acheter 100 chars d’assaut totalisant un investissement de 650 millions. La gratuité scolaire est un choix prioritaire de société. Selon Statistiques Canada, 70% des Canadiennes et Canadiens identifient la barrière financière comme étant la raison de l’interruption de leurs études au niveau post-secondaire.

L’éducation permet une amélioration des conditions sociales, mais est présentement réservée à l’élite économique de la société. Cela ne permet pas à la population entière d’accéder et de contribuer au développement des connaissances qui constituent la richesse de nos institutions. Ce choix de société ne peut provenir d’un gouvernement prônant la marchandisation de la connaissance et la privatisation de notre éducation. Il est impératif d’entreprendre une lutte sociale face à cette inégalité élitiste: la grève. Celle-ci est le moyen ultime; elle ne surgit que suite à diverses actions déjà entreprises pour faire connaître les effets négatifs découlant de cette injustice. Demeurer inactifs entraînera des abus, tel que la hausse de 500$ sur cinq ans des frais de scolarité à laquelle nous faisons face et le financement de notre éducation par les compagnies privées de type Chartwells à McGill. Sans votre solidarité envers la grève qui est maintenant imminente (elle est annoncée pour octobre), nous ne pourrons regagner l’accessibilité universelle à l’éducation post-secondaire. — Jessyka Boulanger, étudiante de deuxième année en biochimie et membre de GRASPÉ

Circulation et ignorance Du nouveau cette année à McGill: l’administration Munroe-Blum a cru bon dépenser dans la «sécurité» des piétons et cyclistes sur le campus, en postant aux alentours des Milton Gates plusieurs gardes en survêtement orange fluo qui font office d’agents de circulation. Je leur ai demandé pourquoi ils étaient là, s’il s’agissait d’un évènement spécial, mais non! Ils m’ont répondu: «Nous sommes là pour votre sécurité, pour que vous puissiez circuler tranquillement». Quoi? Depuis qu’ils parasitent l’aile est du bas-campus, ces gardes me tapent sur les nerfs. Parce qu’ils m’empêchent de circuler «tranquillement» à vélo comme je l’ai fait des centaines de fois depuis les deux ans que je fréquente McGill, mais surtout parce qu’ils sont symptomatiques d’une infection sociale sévissant à McGill et ailleurs. Le désir d’ignorance mutuelle! Maintenant que chacun espère pouvoir faire ses journées sans avoir à interagir et à se compromettre avec autrui plus que nécessaire, et maintenant que la normale humaine des pays «développés» croit de bon ton de sous-traiter le

plus possible les rapports humains normaux à des institutions pour ne pas avoir à se regarder dans le blanc des yeux, McGill engage des agents de circulation pour la «tranquillité» de chacun. Pour que nous puissions tous cesser de jouir de nos yeux, bras et langues afin de flotter sur le campus le nez en l’air sans devoir interagir avec quiconque nous déplairait. Parce que chaque matin maintenant, ces agents tentent de me faire descendre de mon vélo lorsque j’entre sur le campus: «C’est pour que les piétons soient tranquilles», se défendent-ils! Eh bien, si jamais j’offensais un collègue étudiant, ou que la population universitaire se trouvait dérangée par les cyclistes intra-campus, ne seraient-ils pas capables de le leur faire savoir: «Hey! Ralentis! » ou « Tasse-toi, fais attention! »? Mais non, nous nous croyons devenus incapables de nous parler franchement et on a besoin d’employés de sécurité pour éviter d’avoir à se dire ce qui nous rend inconfortables. — Claire de Gracque, étudiante de troisième année en philosophie

Les collectes de sang contreviennent à notre constitution Le comité judiciaire (Judicial Board) de l’AÉUM a statué, en juin dernier, que la constitution de l’association étudiante ne permet pas la mise en place de collectes de sang d’HémaQuébec dans le pavillon Shatner. campus Alexandre Duval Le Délit

S

uite à plusieurs mois de controverse, le Comité judiciaire a jugé que la politique d’Héma-Québec de refuser les dons de sang d’hommes qui ont eu des relations homosexuelles dans les vingt dernières années était injuste et discriminatoire. La plupart des membres du Comité ont soutenu que cette pratique violait l’article constitutionnel selon lequel «les actions entreprises par l’AÉUM doivent se faire en tenant pleinement compte de la dignité humaine et en évitant toute forme de discrimination qui se base sur des caractéristiques personnelles non pertinentes comme [...] l’orientation sexuelle».

Cette décision survient plus de sept mois après le vote du comité exécutif de l’association de bannir les collectes de sang qui adoptent une telle politique «de sélection». La prise de position de l’AÉUM «avait alors déplu à plusieurs» et, suite à ces évènements et à plusieurs longs échanges écrits dans les journaux de l’université, MarcAndré Rousseau, maintenant étudiant à la maîtrise en mathématiques, avait demandé la tenue d’un référendum pour, souhaitait-il, donner une nouvelle interprétation à la constitution. Cependant, une fois la consultation terminée, l’ancien président de l’AÉUM, Aaron Donny-Clark, s’est opposé à ce qu’on se serve d’un tel moyen pour déterminer l’issue de ce débat sous prétexte que la question référendaire n’était pas suffisamment claire et donnait une représentation erronée des

L’époque où le «Shatner» accueillait Héma-Québec semble révolue Louis Melançon / Le Délit

faits et qu’un vote pour la réinstauration des collectes de sang forcerait l’association étudiante à violer sa propre constitution. Le comité judiciaire s’est donc penché sur ces deux allégations et a conclu, un mois après l’audience, soit le 26 juin 2007, que la question était claire et précise, mais qu’il ne pourrait accepter de prendre en compte les résultats du référendum parce que «la décision finale lors d’un litige qui concerne une question d’interprétation revient au comité

judiciaire». Or, sur ce point, le comité a accepté les arguments avancés par Donny-Clark et il a tenu à souligner qu’ «il nexiste aucune preuve que, pour un homme, le fait d’avoir eu une relation sexuelle avec un autre homme depuis 1977 est un critère pertinent [de sélection]». Pour appuyer sa décision, le Comité ajoute qu’ «il ne semble y avoir aucune recherche qui s’intéresse à la différence de risque qui existe entre prendre le sang d’un homme qui a

eu une ou deux relations sexuelles avec un autre homme et prendre le sang d’un homme qui s’adonne à ce type de relation régulièrement». Après avoir rendu son verdict, le Comité judiciaire a permis le dépouillement des votes du référendum tout en rappelant que ces derniers «n’ont aucune valeur et ne pouvaient avoir aucun effet». Des 5911 personnes qui se sont prononcées, 68,5% voulaient que le «Shatner» rouvre ses portes aux collectes de sang, contre 20,6% qui s’y opposaient. Cette énorme différence entre l’opinion de la population étudiante et la volonté du conseil exécutif de 2006 risque de ramener cette question à l’avant-plan cette année. Plusieurs personnes, dont Rousseau, ont suggéré qu’une clause spécifique aux collectes de sang soit ajoutée à la constitution pour réadmettre les collectes d’Héma-Québec dans l’édifice de l’AÉUM, le «Shatner». Il est à noter que toute cette controverse affecte uniquement la tenue de collectes de sang dans cet édifice et que les autres parties du campus continuent d’héberger régulièrement des collectes de sang, leur usage n’étant pas régi par la constitution de l’AÉUM. x


NOS NOUVELLES NE RESSEMBLENT À RIEN? CRITIQUER LE DÉLIT, C’EST BIEN. L’AIDER, C’EST MIEUX! Le Délit accueille en tout temps de nouveaux journalistes pour participer, avec l’équipe permanente, à la rédaction d’articles sur les actualités de la semaine. En ce début d’année particulièrement,

nous avons besoin de vous! Aucun engagement ou expérience n’est nécessaire et nous offrons une courte formation au besoin. Le Délit propose chaque semaine aux

journalistes des sujets d’actualité à couvrir et accepte aussi des sujets venant des journalistes euxmêmes. Nous publions chaque mardi. Intéressés? Écrivez à nouvelles@delitfrancais.com.

Votez ici OUTREMONT Le lundi 17 septembre 2007, une élection partielle fédérale aura lieu dans Outremont. POUR SAVOIR OÙ ET QUAND ALLER VOTER, CONSULTEZ VOTRE CARTE D’INFORMATION DE L’ÉLECTEUR. ÉLECTION PARTIELLE FÉDÉRALE

FEDERAL BY-ELECTION

Le lundi 17 septembre 2007

Monday, September 17, 2007

CARTE D’INFORMATION DE L’ÉLECTEUR

Si vos nom et adresse figurent sur cette carte, vous êtes inscrit pour voter. Conservez cette carte. Elle aidera à localiser votre bureau de vote.

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Pour voter, vous devez être : • citoyen canadien • âgé d’au moins 18 ans le jour d'élection • résident de la circonscription depuis le 15 août 2007

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NOUVELLES MESURES D’IDENTIFICATION Certaines dispositions de la Loi électorale du Canada ont été modifiées. Au moment de voter, vous devez prouver votre identité et votre adresse résidentielle. Trois options s’offrent donc à vous, soit :

Elle contient l’information dont vous avez besoin pour voter, et le processus de vote sera plus rapide si vous l’avez en main.

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Si vous n’avez pas reçu cette carte, vous n’êtes probablement pas inscrit sur la liste électorale. Pour vous inscrire, il suffit de vous présenter à votre bureau de scrutin le jour d’élection où vous devez établir votre identité et votre adresse résidentielle. Pour voter, vous devez être citoyen canadien, résident de la circonscription du 15 août au 17 septembre 2007 et avoir au moins 18 ans le jour d’élection.

présenter une pièce d’identité originale délivrée par un gouvernement ou un organisme gouvernemental avec vos photo, nom et adresse résidentielle. p. ex. : permis de conduire OU

présenter deux pièces d’identité originales autorisées par le directeur général des élections du Canada, toutes deux avec votre nom, et l’une d’elles avec votre adresse résidentielle. p. ex. : carte soleil et facture d’électricité OU

prêter serment, appuyé par un électeur inscrit sur la liste électorale de la même section de vote et qui a les pièces acceptées. p. ex. : un voisin, votre colocataire Attention : les pièces exigées selon la Loi électorale du Canada ne sont pas les mêmes qu’aux élections provinciales ou municipales. Pour connaître la liste des pièces acceptées par Élections Canada, veuillez consulter le dépliant que vous avez reçu avec votre carte de rappel ou visitez le www.elections.ca et cliquez sur l’icône Identification de l’électeur au bureau de scrutin.

LE LUNDI 17 SEPTEMBRE, ON VOTE. www.elections.ca

1-800-INFO-VOTE 1-800-463-6868

ATS 1-800-361-8935

pour les personnes sourdes ou malentendantes


Nouvelles

xle délit | 11 septembre 2007 www.delitfrancais.com

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Retour sur le Forum social québécois Les projecteurs du premier Forum social québécois, tenu à l’Université du Québec à Montréal, du 23 au 26 août 2007, sont encore fumants. Muselant les critques de la gauche québécoise, ce premier Forum a connu le succès et a su démontrer sa pertinence. A

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national Philippe Morin Le Délit

I

l est trop tôt pour tracer un bilan durable de l’évènement; voici donc un premier retour sur la grande rencontre de la gauche québécoise. Un Forum social, quelle utilité? Depuis le premier Forum social mondial, à Porto Alegre au Brésil en 2001, les Forums sociaux (FS) ont beaucoup évolué. Créé à l’origine en marge du Forum économique mondial de Davos, le plus grand forum capitaliste au monde réunissant chefs d’État et d’entreprises, le Forum social mondial a voulu s’éparpiller et se régionaliser. Les Forums sociaux se sont alors déplacés vers Mumbai en Inde et Nairobi au Kenya; puis, ils se sont décentralisés pour aller vers Caracas, Bamako et Karachi, et également régionalisés. On postulait que ce serait à travers cette régionalisation que les individus et groupes de base auraient le plus à gagner. Depuis, les Forums se sont tant multipliés qu’il s’avère maintenant difficile d’en tenir un compte exact. Ainsi, le Forum social européen est un événement réunissant des centaines de milliers de participants; cependant, ce mode de rencontre et d’échange à grande échelle, qui nécessite billets d’avion et chambres d’hôtel, ne convient pas à tous. Près de chez nous, nous avons donc vu de plus petits Forums se réaliser. Que ce soit le FS régional QuébecChaudières-Appalaches, le FS de la jeunesse estrienne, le FS de l’Abitibi-Témiscamingue, celui du Saguenay-Lac-St-Jean ou le FSUQAM, il semble que plusieurs groupes et individus aient compris l’importance de se rencontrer en personne afin d’échanger et de créer des coalitions. Tous ces Forums, grands et petits, partagent une vision: la nécessité de trouver une alternative écologique et non violente au néolibéralisme. C’est ainsi qu’après plusieurs tentatives infructueuses, un Forum social québécois (FSQ) a finalement vu le jour. Les attentes étaient très grandes, et il semble que le premier FSQ ait comblé les participants, au nombre de 5000. Dans cette foule bigarrée, entre les messagers

à vélos tentant de se syndiquer, les associations de femmes autochtones, les marchands de commerce équitable et les grandes ONG multimillionnaires, quelques visages familiers apparaissent. Rencontre avec des mcgillois et autres participants Fernand, 61 ans, aux cheveux blancs étincelants, s’est déplacé de la ville de Québec pour assister au FSQ. Timide, il raconte: «Je voulais assister à des ateliers, voir des conférences sur l’altermondialisme, pour créer un monde meilleur». Interrogé sur ses intérêts spécifiques, il confie calmement: «Je suis dans Québec solidaire (le nouveau parti provincial socialiste) et je milite dans un groupe de solidarité avec l’APPO». L’APPO, une coalition d’Oaxaca au Mexique, est présentement au coeur de la construction d’un pouvoir autonome dans cet État du centre du Mexique. L’expérience de Fernand est caractéristique du FSQ. C’est ce lien entre le local et l’international qui inscrit l’évènement dans une mouvance mondiale tout en l’enracinant dans l’expérience locale. Élisabeth, fraîchement graduée de l’École d’environnement de McGill, est venue dans le cadre de son travail. Employée chez Équiterre, un organisme à but non lucratif promouvant le commerce équitable et l’achat local, elle en tient le kiosque. Enthousiasmée par l’évènement, elle nous confie: «Si je n’étais pas ici pour Équiterre, je serais venue quand même». Quant à Sophie, qui vient de terminer son baccalauréat à McGill en sciences biomédicales et en développement international, elle hésite pourtant face à la programmation du FSQ. «Comme c’est impossible d’être impliqué dans toutes les causes, le Forum est un espace pour en connaître davantage sur plein de luttes qu’on appuie. Un rassemblement de personnes progressistes, qui vivent isolées mais avec un rêve similaire, c’est très encourageant». Une ombre au tableau: «Les conférences sont un peu magistrales et il n’y a pas assez de discussions entre les participants». Joana, à peine revenue d’un séjour de quelques semaines à Cuba, n’a pas perdu une minute pour défaire ses valises. Cette étudiante en sociologie à McGill était

très curieuse à l’idée de comparer ce qui se dit sur Cuba et l’Amérique latine avec son expérience personnelle. Elle souligne le caractère nord-américain du FSQ: «En Amérique du Nord, aux ÉtatsUnis, des gens sont en train de s’organiser, d’enraciner le concept de forum social. C’est important de réunir les forces sociales des États-Unis, c’est important pour le Québec». Elle admet être venue au FSQ d’abord pour s’informer: «Comme étudiante, c’est important de s’informer. J’ai approfondi un peu ce que je savais déjà, mais je n’ai pas appris grand-chose de nouveau. Si les ateliers étaient répartis sur une plus grande période de temps, il y aurait peut-être plus de participants». Nik, qui a terminé son baccalauréat en mathématiques à McGill en 2005, se montre néanmoins davantage critique du FSQ et des groupes participants. «Je fais partie d’un collectif de solidarité avec le peuple haïtien, Haiti Action Montreal, et nous souhaitons assister à la conférence de l’ONG Alternatives pour dénoncer leur [sic] complicité avec le gouvernement canadien dans le coup d’état haïtien». Anglophone, il ne se soucie pas trop du petit nombre d’ateliers et de conférences en anglais: «C’est correct que ce soit en français, c’est ainsi que ça devrait être». Les critiques soulevées par ce participant sont réelles et sérieuses. Selon lui, le FSQ, comme ses grands frères mondiaux, a souvent l’aspect d’une «foire des ONG». Faible représentation des organisations anglophones du Québec, financement discutable (SSQ Groupe financier, un commanditaire majeur, est-il vraiment opposé au néolibéralisme?), coût d’entrée que certains ont trouvé prohibitif, présence encore modeste d’organisations régionales, abandon du concept de Forum social QuébecCanada-Premières Nations, le premier FSQ n’aura pas, bien sûr, été parfait. Les prochains mois nous montreront si l’événement aura permis de créer un front commun, que ce soit pour le retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan ou pour contrer la hausse des frais de scolarité au Québec. Or, d’ici là, force est de constater que le Forum s’est bien déroulé et a suscité une participation enthousiaste et diversifiée. À l’an prochain? x


délit | 11 septembre 2007 08 le www.delitfrancais.com

Nouvelles

Activisme et Islam, une question d’intentions Sarah Elgazzar fait une de ses dernières apparitions publiques et invite les musulmans à l’action sociale. campus Maysa Pharès Le Délit

V

endredi dernier, le Comité justice sociale de la United Muslim Students Association entamait une série de conférences sur le thème de l’activisme. Les intervenants, Sarah Elgazzar et Ali Shayan, ont tenté de définir la contribution de la communauté musulmane à la justice sociale. Une affiche accrochée à la dernière minute sur la porte de la salle de bal de l’édifice Shatner signale la tenue de la conférence. Dans le couloir, un groupe de jeunes femmes vêtues du hijab échangent quelques mots avant l’arrivée des intervenants. Les organisateurs nous assurent que la conférence commencera aussitôt que les deux invités auront terminé de prier. Dans la salle, deux rangées de chaises séparent les hommes des femmes dans une assistance presque entièrement composée de membres de la com-

munauté musulmane. Une demi-heure plus tard, Sarah Elgazzar et Ali Shayan font leur entrée. Sarah Elgazzar est porte-parole du Conseil canadien des relations américanoislamiques. Elle a livré à son auditoire un discours sous forme de «manuel d’activisme social à l’intention des croyants». Selon elle, la foi islamique joue un rôle essentiel dans l’action collective des musulmans. Elle-même une activiste fort médiatisée, madame Elgazzar a rappelé les risques qu’il y a à se laisser emporter par le désir de bien paraître. «Assurez-vous de la clarté de vos intentions, a-t-elle martelé, et rappelez-vous qu’en tant que musulmans vous êtes censés plaire à Dieu et non vous mettre en avant». Évoquant la situation des musulmans au Canada et dans le monde, madame Elgazzar n’a pas hésité à dire que «les prochains mois vont être particulièrement difficiles pour les musulmans, qui feront l’objet d’une grande surveillance». Elle a donc rappelé l’importance de l’humilité et de l’espoir dans la lutte activiste. La jeune femme a aussi proposé un argumentaire anti-consumériste axé sur la nécessité de freiner l’achat sans discernement. «Il faut faire un usage éthique de votre argent, a-t-elle insisté avant d’ajouter en guise d’exemple, si vous ne voulez pas acheter un produit manufacturé en Israël, ne le faites pas.» Selon elle, être de ceux qui achètent les ordinateurs Hewlett-Packard sans se soucier du fait qu’ils sont fabriqués dans les territoi-

Sarah Elgazzar, musulmane et militante Louis Melançon / Le Délit

res occupés marque une indifférence qui «signifie que vous avez du sang sur les mains.» Faisant appel à la foi de son assistance, elle a ajouté: «Nous, musulmans, savons que nous devrons rendre compte de chaque minute passée sur cette terre dans l’indifférence». Ali Shayan est membre de l’Association islamique de Montréal. Selon lui, l’activisme social n’est pas une priorité dans les communautés musulmanes issues de l’immigration, pour qui l’idée de donner ce que l’on possède ne va pas de soi: «Dans l’esprit de gens qui ont traversé les difficultés de l’immigration, penser en termes de justice sociale, aider, donner, ce sont des choses qui ne sont pas faciles.»

Ce n’est toutefois pas le cas de la génération étudiante, qu’il invite à faire du bénévolat au sein de la communauté mais aussi dans d’autres organisations. «Les gens seront ravis d’avoir un musulman au sein de leur équipe», a-t-il affirmé. Pour illustrer l’importance des musulmans dans la société, monsieur Shayan a dit que si la communauté musulmane venait à disparaître, elle serait vivement regrettée par les étudiants. Pour mieux inciter l’auditoire à s’impliquer socialement, il a enfin évoqué le confort financier des musulmans: «L’argent n’a jamais été un problème pour nous, c’est pourquoi il faut des musulmans dans les professions d’aide et de conseil». 

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30 ans de

DĂŠlit


II •  Le Délit • Édition spéciale du trentième anniversaire • Mardi, le onze septembre deux mille sept

Le Délit est trentenaire À l’occasion de cet anniversaire spécial, Le Délit fait un retour sur ses trente années d’existence. Vous y trouverez une revue d’articles parus dans le journal depuis 1977, un dossier sur sa fondation accompagné d’une entrevue du premier rédacteur en chef, un survol d’évènements culturels importants des trois dernières décennies et un photo-montage d’une soirée de production typique.

Bonne Lecture!

17.10.78 • L’amour fait mal...

18.10.77 • Claude Morin compare René Lévesque à Mao... Faut pas toucher à notre Ti-Poil!

1982-1983 • Le règne de «Bianca la terrible» (ci-dessus), dont la devise est «une édition française forte dans un Daily uni», s’accompagne de plusieurs drames (menaces d’abandon par manque de collaborateurs) et d’échanges épistolaires venimeux dont nous vous fournissons un extrait.

01.11.77 • C’est compliqué avoir une question claire...

02.10.79 • Longue vie à Broue! Ils ne croyaient pas si bien dire.

13.01.81 • Déliite un jour, déliite toujours.

28.09.83 • Tentative désespérée d’auto-promotion.

19.02.80 • Après cette défaite, Mara délaisse les rhinocéros pour adopter un chihuahua.

13.02.79 • Lors de ses débuts, le Daily Français couvrait les sports... Vous comprenez pourquoi cela ne se fait plus!


06.02.87 • Quelques semaines avant l’échec de Meech...

Mardi, le onze septembre deux mille sept • Édition spéciale du trentième anniversaire •  Le Délit • III

18.09.84 • Vraiment?

27.02.87 • Lancement du populaire hebdomadaire qui nous dit quoi faire.

13.09.88 • Le Daily Français explore de nouvelles sources de financement.

13.10.87 • L’affichage unilingue français a connu quelques ratés.

27.11.89 • Une petite erreur de traduction...

13.10.87 • Le SIDA inquiète. Le Daily Français voudrait bien faire sa part pour protéger les étudiants.

01.12.88 • On joue au prophète.

23.10.85 • Le dévouement journalistique se passe parfois de vêtements.

24.10.84 • Ricardo cuisine pour la paix .

06.03.90 et 13.03.90 • So, So, So, Sorry... Finalement, on ne vient pas avec vous.


IV •  Le Délit • Édition spéciale du trentième anniversaire • Mardi, le onze septembre deux mille sept

9.09.96 • Le Délit a toujours su faire d’excellentes auto-promotions...

31.10.95 • Quand Le Délit couvrait de la grosse politique...

03.03.98 • Le Délit Français pavane sa nouvelle identité, avant même l’approbation officielle du conseil privé du Daily... «Le progressisme a droit à une certaine effronterie. Et tant pis pour la bureaucratie».

27.10.92 et 6.10.92 • ... et prenait position.

19.11.86 • Eh oui! Il nous est arrivé de partir en grève... mais n’en parlez pas trop fort, ça risquerait de détruire notre réputation.

18.09.90 • C’est aussi ça, les années 1990.

12.02.91 •Les francophones désertent McGill? 25.10.94 • Une chance qu’on a de bons voisins pour sauver la planète.


Mardi, le onze septembre deux mille sept • Édition spéciale du trentième anniversaire •  Le Délit • V

22.03.05 • Les étudiants se mobilisent enfin... même si l’administration ne veut pas. 02.02.99 • Les querelles sur l’enseignement de l’histoire ne datent pas d’hier. 19.09.06 • Les Français s’impliquent dans la communauté francophone.

23.11.04 • L’AÉUM pense participer au réchauffement planétaire.

16.01.07 • L’hiver 2007 a été particulièrement froid au Québec. L’AÉUM commence finalement à combattre les changements climatiques.

26.09.06 • Désaffiliation de l’AÉUM: la photo est tellement éloquente qu’elle sera réutilisée plusieurs fois... Pourquoi changer une formule gagnante?

01.03.05 • Une grève étudiante généralisée frappe le Québec (non, non, pas nous...). 15.03.05 • Jean Charest prépare déjà sa retraite. 10.11.98 • La genèse d’une girouette.


VI • x Le Délit • Édition spéciale du trentième anniversaire • Mardi, le onze septembre deux mille sept

La difficile route vers la

reconnaissance

À l’automne 1977, l’équipe éditoriale du McGill Daily, sous la direction de Daniel Boyer, lance une édition francophone hebdomadaire du journal universitaire. Vingt pour cent des étudiants étant francophones, le journal sera publié en français un jour sur cinq. La création d’une enclave francophone à McGill, bastion de l’élite anglophone au Québec, est loin de faire l’unanimité dans les communautés étudiante, montréalaise et canadienne. Qui plus est, l’édition francophone naît dans la période d’agitation politique et linguistique qui suit la première victoire électorale du Parti Québécois et l’adoption de la Charte de la langue française. Si plusieurs applaudissent l’initiative, d’autres y voient un complot séparatiste.

Bataille linguistique nationale, controverse à saveur politique, difficultés financières, problèmes de recrutement, Le Délit n’a pas eu la vie facile. Au moment de souffler les trente bougies du journal francophone, Julie Rousseau fait le point sur son passé houleux.

La Charte de la langue française a-t-elle fait perdre son anglais au McGill Daily?

L’onde de choc Après l’annonce de la parution d’une édition française du Daily dans les médias montréalais, le journal reçoit plusieurs lettres d’opinion. Pour certains, le Daily Français est une victoire pour la reconnaissance du «fait français» à McGill, alors que pour d’autres, il est le signe que l’envahisseur est déjà entre les murs. Furieuse, la mère d’une étudiante accuse le Daily de vouloir détruire l’Université

Le 20 septembre 1977 marque la naissance du McGill Daily Français.

McGill et l’unité canadienne. «Pourquoi se préoccuper de la minorité? Si vous leur accordez un peu d’importance, ils croiront bien vite qu’ils contrôlent toute la province», dénonce-t-elle. Devant ces accusations, les étudiants réagissent rapidement pour défendre l’édition francophone. Deux jours après la première publication du Daily Français, les boîtes de courrier débordent. «McGill n’est pas isolée, elle fait partie de la communauté montréalaise», affirme une étudiante anglophone. «Ce sont des gens comme vous qui font du Canada un pays divisé. […] Nous espérons que vous ne serez pas trop scandalisée lorsque vous réaliserez que le Québec est francophone», lance un groupe d’étudiants francophones. Certains croient même que cette lettre haineuse est une blague de l’équipe de rédaction. La controverse dépasse l’enceinte de l’université. À la fin octobre, le Daily Français est qualifié de «scandale d’ordre national» par un journaliste du service de nouvelles de la CBC. On voit la naissance de l’édition francophone comme le début de la fin de l’éducation universitaire anglaise au Québec. «French Daily today, McGill français demain», peut-on entendre d’un océan à l’autre dans un reportage diffusé à l’émission d’actualité Sunday Morning. Cette vague de protestations nationale n’est cependant pas étrangère au contexte entourant la naissance du journal francophone. Certains ne font qu’utiliser l’exemple du Daily Français pour raviver la bataille linguistique canadienne, déjà bien entamée avec les politiques de Trudeau sur le bilinguisme et l’adoption de la loi 101. «Le Daily a assumé [ses responsabilités] en offrant à la population francophone de McGill une édition dans leur [sic] langue maternelle. Je n’y vois pas [de] quoi se scandaliser. Le Daily n’est pas en train de brimer les droits des anglophones qui ont toujours leur édition quatre jours sur cinq», se défend Allen

Conter dans l’éditorial du 1er novembre.

L’épuisement des ressources Les débuts du Daily Français sont aussi marqués par d’importantes difficultés financières. Les annonceurs francophones se font rares et certaines compagnies anglophones hésitent à acheter de la publicité pour l’édition du mardi. Durant les premières années de publication, l’édition francophone est parfois bilingue, parfois bimensuelle. C’est lors de cette époque difficile que le McGill Daily, longtemps fier d’être le seul quotidien universitaire du Commonwealth, cesse d’être publié tous les jours. L’édition francophone résiste et fait peu à peu sa place sur le campus. Les difficultés politiques et financières s’amenuisent. Les esprits se refroidissent et le débat s’essouffle. Tellement que, au début des années 1980, c’est le manque de collaborateurs qui menace la survie du Daily Français. En janvier 1981, l’équipe de rédaction demande aux francophones de s’impliquer au sein du journal. «[Il] est onze heure», peut-on lire dans un éditorial intitulé Si le journalisme

vous intéresse…

Le temps passe, l’heure avance, mais les choses ne changent pas vraiment. La maigre équipe de production ne suffit pas à la tâche. Le 26 janvier 1982, «c’est le last call pour l’édition française». Le cri d’alerte est heureusement entendu; de nouveaux collaborateurs viennent apporter de l’eau au moulin rédactionnel. Les francophones et francophiles de McGill pourront encore s’abreuver aux présentoirs le mardi matin. La souveraineté association Avec la fondation de la Société de publication du Daily, en 1981, les Daily anglophones et francophones acquièrent leur indépendance par rapport à l’association étudiante. Certains reprochent cependant au journal francophone de s’accrocher aux jupes de sa grande sœur anglophone, de couvrir les

mêmes sujets, de brasser les mêmes idées. La place du Daily Français est, une fois de plus, remise en question. Estil nécessaire d’avoir un journal francophone s’il ne s’agit que d’une copie de la publication anglaise? «[Pour] faire du journalisme étudiant en français sur le campus, il faudrait peutêtre organiser une division intellectuelle du travail au sein des deux Daily», suggère Pierre Bigras dans une lettre au journal. L’autonomie éditoriale des deux Daily est effective à la fin des années 1980. Après un quart de siècle de publication, la place du journal francophone au sein de l’université est toujours un sujet chaud. En 2001, le numéro spécial marquant les quatre-vingt-dix ans d’existence du McGill Daily ne mentionne même pas l’existence du frangin francophone. Le conseil de rédaction de l’époque, dirigé par Anne-Marie Rollin, est choqué de cette absence de reconnaissance. Il réplique en publiant, dans un spécial de douze pages, une analyse sur la place des universités anglophones au Québec et sur les relations entre anglophones et francophones à l’intérieur de la forteresse mcgilloise. La collaboration entre les deux journaux, gérés par un seul conseil d’administration, mais produits par des conseils de rédaction différents, est difficile. L’an dernier, les publications sœurs s’unissent pour produire des numéros spéciaux sur l’espace public. Cet effort de collaboration marque un retour vers les idéaux fondateurs du journal francophone. Reste à souhaiter que «les deux minorités [puissent] se comprendre et s’entendre tout en travaillant à l’élaboration d’un Québec meilleur».


Mardi, le onze septembre deux mille sept • Édition spéciale du trentième anniversaire •  Le Délit • VII

ENTREVUE AVEC DANIEL BOYER En quelque sorte, le papa du Délit.

Premier rédacteur en chef francophone du Daily, Daniel Boyer est également celui qui a présidé à la naissance de l’édition française hebdomadaire.

Propos recueillis par Laurence Bich-Carrière. Symboliquement, on pourrait presque faire remonter la naissance de l’édition française du Daily au soir du 15 novembre 1976. Pendant que le Parti Québécois remporte 71 sièges à l’Assemblée nationale, quelques étudiants, X-acto à la main, s’affairent à la mise en page du Daily du lendemain. Par provocation peut-être, l’un d’entre eux a l’idée de traduire le logo du journal. Le 16 novembre, le McGill Daily s’affiche comme «Le quotidien de McGill» [voir image ci-contre]. L’un de ces étudiants est Daniel Boyer. Devenu rédacteur en chef l’année suivante, il lance l’idée d’une édition hebdomadaire en français, une idée qui a fait, depuis, un petit bonhomme de chemin. Réflexions, trente ans après. Le Daily Français est publié pour la première fois en 1977. Dans quel contexte cela s’est-il fait? J’étais un Daily staffer assez typique des années 1970. À l’époque, il devait y avoir 50 ou 60 membres avec le droit de vote, […] organisés en cliques. […] Pour les élections, d’abord, on allait prendre un café avec une personne qui était forte sur le commérage, pour lui déclarer que le poste de rédacteur en chef ne nous intéressait en aucun cas, qu’on aimait écrire et que décider du contenu du journal, non merci. Ensuite, la campagne était lancée, c’est-à-dire qu’on essayait d’obtenir l’appui du plus grand nombre de cliques possible. Le candidat choisi […] était présenté à l’Association étudiante –dont le Daily était l’organe de presse–, qui ratifiait le choix. Dans les années les plus radicales, cette ratification a rapidement pris le bord!

[…] Il y a toujours eu beaucoup de politique au Daily. Et les années 1970 ont connu leur lot de discours radicaux. Il faut comprendre –et je ne voudrais pas ici passer pour un grand-père–, [que] sans Internet, sans courriels, c’était le seul médium de communication créant une réaction différente au discours. Il n’y avait pas vraiment d’autres endroits pour tenir un discours alternatif. […] Par ailleurs, [le Daily comptait en ses rangs] énormément d’Américains, qui n’avaient rien à faire chez eux et qui traitaient le journal comme un club. Ces Américains s’intéressaient énormément à la «chose québécoise» comme on disait à l’époque. […] Et c’est dans contexte que vous avez proposé de fonder ce qui allait devenir Le Délit? J’avais décidé qu’il fallait vraiment faire une édition française hebdomadaire […]. À ma surprise, ma proposition n’a suscité, aucun, mais vraiment aucun, intérêt. Les gens de l’équipe trouvaient ça bizarre, [réaction qui] m’a résolu à pousser la chose plus loin. […] [Au fil de diverses tractations], ma managing editor a accepté d’appuyer mon projet. D’une certaine façon, l’édition hebdomadaire francophone a été imposée à l’équipe. […] Sans que personne soit formellement contre, il n’y a jamais eu l’enthousiasme qu’il y a eu pour d’autres sujets proposés, par exemple, un numéro spécial sur la Journée internationale de la femme. Pas contre, mais pas d’intérêt. Ceux qui ont été contre, par contre, c’est l’association étudiante. Opposition totale, crise complète: je me suis retrouvé devant le Comité judiciaire –que je croyais alors sans pensée indépendante. J’ai donc été très surpris lorsqu’ils m’ont donné raison: « Le choix de la langue du Daily n’est pas une prérogative du publisher mais de l’éditeur. » Et l’édition française a vécu. Est-ce que cette réticence vous semble une réaction aux mouvements de l’époque: McGill français, Mouvement Québec français, bill 22, loi 101?

Coup d’envoi Pour Daniel Boyer, l’idée du Délit naît symboliquement le 16 novembre 1976, lorsque l’équipe de production décide de traduire son titre en français.

C’est peut-être une chose que je ne comprenais pas à l’époque en tant que Québécois francophone, mais cette édition française a dû traumatiser le campus parce que voir le Daily –le seul journal étudiant à l’époque– en français, ça signifiait que, même dans l’enceinte des Roddick Gates, le «fait français» était présent. […] Ç’a touché un nerf. Ça m’a transformé: CBC nous interviewait! Je ne pouvais pas imaginer la manipulation sémiotique que ça allait causer. Il faudrait sans doute faire ici une petite mise au point. En 2007, on a tendance à voir [toutes ces revendications] presque en synchronicité. Mais à l’époque, McGill français, c’était looooin, c’était une autre génération: des étudiants, ça reste trois ans. La Charte, on n’en parlait pas vraiment –choisir d’étudier à McGill, c’était déjà un compromis. Et puis, on pensait que les choses avaient changé. Était-ce le cas? Avaient-elles changé? Il est difficile pour un étudiant actuel de McGill de comprendre ce qui se passait dans les années 1970. Il y avait une réelle remise en question, du recteur jusqu’aux professeurs, sur la pertinence de McGill pour le Québec. […] [Rien à voir] avec le créneau sur lequel s’aligne McGill aujourd’hui. Pas d’américanisation, par exemple, avec les [initiations-]beuveries, pas de triomphalisme, vraiment une remise en question de l’institution et de son rôle. Il y avait même une satire dans le McGill Reporter sur l’«Université du Québec à McGill». Le recteur, à l’époque, était un monsieur Bell, alors il y avait «le mot du recteur de la cloche». Même le journal de l’administration se permettait ce genre de blague parce que c’était la situation! Et pour nous, effectivement, les choses avaient changé. Donc, une édition française hebdomadaire née dans une relative indifférence de la part de l’équipe de rédaction, mais qui en dérange certains et dont il faut imposer l’idée qu’elle est là pour rester. Comment les choses déboulent-elles à partir du moment où le Daily Français est un acquis?

[Très rapidement], mon plan d’avoir une édition française hebdomadaire –c’est-à-dire une journée où l’équipe dit «aujourd’hui, on travaille en français»– a [connu des ratés]. Tout de suite, certains collaborateurs se sont désinvestis de cette «journée française». Il est vrai qu’à l’époque, la structure de production était un peu féodale: chaque journée avait son coordonnateur, le duc du lundi, la duchesse du mardi, avec, pour injecter une unité thématique, le rédacteur en chef et son managing editor, espèces de suzerain de jure […]. Cela dit, d’un autre côté, dès les premiers numéros, l’édition française a attiré des collaborateurs qui n’avaient jamais écrit, qui voulaient s’impliquer. […] Cette édition francophone a été un élément très rassembleur et je suis certain que ça a attiré d’autres étudiants, notamment des étudiants en sciences, longtemps le point faible du Daily. C’était offrir au Daily une nouvelle part de l’univers statistique du campus. Et c’était ça, la nouveauté. Et qu’est-ce que ça vous fait aujourd’hui de lire Le Délit et le Daily comme deux journaux distincts? C’est une trahison ou une consécration de l’idée originale? […] C’est excellent qu’il y ait eu un tel développement. Je ne l’aurais pas cru possible à l’époque. Il me semblait alors que s’il y avait eu assez de francophones pour faire un journal francophone, on l’aurait fait. Mais ça prenait peut-être cette base [de l’édition hebdomadaire française] pour amorcer une publication indépendante. Le danger, c’est que les deux équipes travaillent comme deux silos absolument distincts. Le Daily attire des gens un peu spéciaux –à un moment, parce que c’était l’époque, il y a eu pas mal de cliques maoïstes dans les années 1970, aujourd’hui peut-être parce qu’il y a le Tribune. Les gens du Délit représentent une réalité particulière. Ces idées différentes, ça suscite des débats très formateurs… […] Mais enfin, Le Délit, quel titre génial! Je suis un peu jaloux de ne pas y avoir pensé moi-même. Si ça peut vous rassurer, ça a quand même pris vingt ans… [Rires.]


VIII •  Le Délit • Édition spéciale du trentième anniversaire • Mardi, le onze septembre deux mille sept

TROIS

FOIS

DIX

LE

Est-il même raisonnable de vouloir résumer 30 ans de culture en quelques mots? Bien que cette tâche puisse paraître impossible, l’équipe du Délit a choisi un format unique pour y parvenir : le 3 x 10. Vous pourrez agréablement naviguer à travers ces 30 dernières années, en abordant une des 10 thématiques choisies. Pour chaque thématique: 3 propositions âprement discutées. Résultat: un panorama éclectique, miintellectuel, mi-humoristique pour saisir les aléas de la culture québécoise depuis la fondation du Délit, en 1977.

LES

ÉDITIONS DE LA COURTE ÉCHELLE

Récipiendaires de nombreux prix internationaux et distribués en dix-neuf langues, les romans de la maison d’édition montréalaise sont lus et reconnus de par le monde. Bertrand Gauthier, diplômé de McGill en littérature, fonda la maison en 1977 pour offrir aux jeunes lecteurs des romans à leur image. Méli-Mélo et le monstre de la boîte de céréales, les conflits d’Ani Croche avec Mario Brutal et sa Charlotte Russe, les enquêtes de Notdog et des Inséparables, Rosalie et ses sept tantes; les personnages des romans de La courte échelle ont inspiré toute une génération de jeunes lecteurs.

NELLY ARCAN

Sans vouloir risquer un jugement esthétique, force est d’admettre que l’oeuvre de Nelly Arcan a infléchi le cours de la littérature québécoise. Depuis la parution de Putain en 2002, suivie de Folle, les récits autofictionnels pervers et voyeurs se multiplient comme la vermine sur un tas d’ordures laissé à pourir au soleil.

30 ANS DE LITTÉRATURE

DES TUQUES

Cette réalisation d’André Melançon, qui a marqué toute une génération de jeunes Québécois, fait son apparition dans les cinémas en 1984. Le film met en scène deux groupes de jeunes qui décident, en plein milieu de l’hiver, de se faire la guerre pour un butin. Il s’ensuit une vicieuse bataille de boules de neige autour d’un énorme fort blanc construit par les enfants.

LE DÉCLIN

DE L’EMPIRE AMÉRICAIN

Long métrage écrit et réalisé par Denys Arcand, il paraît en 1986 et remporte un énorme succès critique et commercial. Arcand nous y fait découvrir la vie personnelle de huit universitaires québécois, alors que ces derniers discutent sexualité et avenir du monde dans le confort d’une maison de campagne. Le film vaut d’ailleurs à son réalisateur le Prix de la critique internationale au Festival de Cannes et une nomination pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.

2003

AQUIN

Le 15 mars 1977, dans la cour d’un collège privé pour jeunes filles, Hubert Aquin se loge une balle dans la tête. L’auteur de Prochain épisode et Neige noire, journaliste, cinéaste, révolutionnaire et maquisard, figure emblématique de la Révolution tranquille, sort de scène avec un dernier coup d’éclat qui laisse toute une province dans le deuil.

TRENTE ANS DE CULTURE

LA GUERRE

SUICIDE D’HUBERT

L’année 2003 s’est avérée particulièrement excitante pour l’industrie du cinéma québécois. Premièrement, La Grande séduction de Jean-François Pouliot, qui nous a fait découvrir la difficulté qu’éprouvent les régions éloignées à attirer des médecins, a obtenu un succès commercial au Québec et sur la scène internationale. Ensuite, le film Les Invasions barbares, qui s’attaque aux thèmes de la mort et du deuil, a reçu plusieurs honneurs internationaux. Finalement, Louis Bélanger nous a présenté Gaz Bar Blues, un brillant long métrage sur l’importance des relations père-fils, qui a remporté un grand succès critique.

SOEUR ANGÈLE

Figure marquante de la gastronomie des années 1960, 1970 et 1980, Soeur Angèle a animé une dizaine d’émissions culinaires, en plus de signer des chroniques dans le TV Hebdo et de publier de nombreux best-sellers, au nombre desquels on compte l’inoubliable La cuisine amusante de Soeur Angèle.

POL MARTIN

Eh oui, vous avez bien lu, Pol avec un “o”. Parues au cours des années 1980, les recettes du célèbre chef québécois constituent l’intermédiaire parfait pour ceux qui ne se sentiraient pas à l’aise de concurrencer l’immense table à desserts de grand-maman ni de se lancer dans la cuisine fusion des restos “hip” du Plateau. En gros, Pol Martin vous a appris à faire du bon bœuf aux carottes, étape par étape et images à l’appui ! Pas mal quand on part de la maison…

DANIEL PINARD

Ce sympathique animateur a révolutionné l’art culinaire au Québec. Sous son influence, les recettes cessent d’être simplement des instructions rigides pour se transformer en voyages gustatifs et la cuisine n’est plus une tâche, mais un plaisir, une véritable activité artistique avec ses joies et ses peines.

30 ANS DE CINÉMA 30 ANS DE CUISINE


Mardi, le onze septembre deux mille sept • Édition spéciale du trentième anniversaire •  Le Délit • IX

HARMONIUM

En 1973, Serge Fiori, Michel Normandeau et Louis Valois créent Harmonium, qui deviendra l’un des groupes rocks les plus populaires de l’histoire du Québec. Par leurs textes et leurs prises de position publiques, ils seront rapidement associés au mouvement souverainiste. Le groupe progressif produit en tout trois albums – Harmonium, Si on avait besoin d’une cinquième saison et L’Heptade – et donne des spectacles au Canada, aux États-Unis et en Europe, avant de s’éteindre en 1978.

JEAN LELOUP

Né à Ste-Foy, ayant grandi en Algérie (mais aussi au Togo), Jean Leloup perce sur la scène musicale québécoise au milieu des années 1980. Original, déluré, imprévisible, le personnage ne passe pas inaperçu. Le succès de la chanson “1990” et de l’album Le Dôme (1996) le consacre comme une icône de sa génération. Depuis le suicide scénique du personnage en 2003, Jean Leclerc, l’homme derrière le loup, rode toujours dans la sphère artistique québécoise.

«NÉO-TRAD»

«Néo-trad»: diminutif branché pour exprimer la vague de nouvelle musique traditionnelle apparue ces dernières années. Ses figures principales sont bien sûr les groupes Les Cowboys Fringants et Mes Aïeux. Au programme : beaucoup de remises en question du Québec moderne et d’attaques pimentées envers la génération des baby-boomers.

SALON

DU LIVRE DE

MONTRÉAL

Le Salon n’est peut-être pas l’évènement le plus hautement littéraire de l’année, mais c’est sans aucun doute celui qui rassemble le plus de lecteurs. Depuis 30 ans, le Salon du livre fait la promotion de la lecture auprès du grand public et lui donne l’occasion de rencontrer ses auteurs préférés.

FESTIVAL INTERNATIONAL

DE

JAZZ

Il serait difficile d’imaginer l’été montréalais sans le Festival International de Jazz. Tout en accueillant les légendes du genre (Oscar Peterson, B.B. King, Chick Corea, etc.), l’évènement parvient souvent à rassembler une programmation éclectique. Le jazz devient alors seulement une saveur ou une mentalité, pour attirer un plus grand nombre de mélomanes. Des groupes d’ici et d’ailleurs, petits et grands, ont su faire vibrer les Montréalais au fil des années.

LES 1001

FESTIVALS DE FILMS

Il y a un festival montréalais pour tous les types de cinéphiles. Malgré une bataille pour l’obtention de financement du gouvernement fédéral qui déchira le milieu cinématographique en 2004, Montréal conserve ses nombreux festivals. FFM (ancien FIFM), FCMM (rebaptisé FNC en 2004), Fantasia, MUFF, FIFA, RIDM, l’alphabet complet est sollicité. Le public montréalais se perd dans les acronymes, mais c’est un moindre mal pour avoir accès à autant d’évènements sur le septième art.

30 ANS DE MUSIQUE 30 ANS D’ÉVÈNEMENTS ROBER RACINE

PASSE-PARTOUT

GENEVIÈVE CADIEUX

LA PETITE

Rober Racine commence à se faire connaître avec ses «installations-performances» (amorcées en… 1977), dont une prestation de l’intégrale de Vexations d’Erik Satie, pièce musicale d’une durée de plus de quatorze heures! Artiste multidisciplinaire, il doit aussi sa renommée à sa maîtrise du langage, se traduisant par son utilisation du dictionnaire et de la littérature dans ses œuvres. On a récemment pu admirer sa série de dessins et de peintures sous le thème du vautour. Même s’ils ne s’en doutent pas, l’œuvre de Geneviève Cadieux est familière aux Montréalais puisqu’une de ses pièces domine la Place des Arts : c’est la gigantesque photographie de lèvres au sommet du Musée d’art contemporain. Les photos et les vidéos de l’artiste opposent une réflexion sur le corps et sur la photographie à l’univers intimiste qu’elle tend à créer. Vers le milieu des années 1980, sa renommée atteint son apogée avec sa participation à de nombreuses Biennales d’art contemporain.

BGL

Ce trio d’iconoclastes, caché derrière un acronyme (Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère, Nicolas Laverdière) et une présentation à saveur corporative, s’amuse à déjouer les attentes des visiteurs. Ses expositions ont recours à toutes sortes de pièges: passages secrets, tableaux se décrochant eux-mêmes de leur support et chantiers de construction côtoient des symboles de nature sauvage transformés en un étrange discours critique sur la société de consommation.

30 ANS D’ARTS VISUELS

Il est impossible de faire une rétrospective télévisuelle québécoise des trente dernières années sans mentionner Passe-Partout. Cette émission jeunesse, née en 1977 tout comme Le Délit, a en effet profondément influencé les enfants québécois, au point où on parle aujourd’hui de la “génération Passe-Partout”. Comment pourrait-on oublier l’énergique Passe-Carreau, l’enjoué Alakazou ou le rebelle Ti-Brin?

VIE

De 1993 à 1999, cette satire grinçante de la société québécoise a réuni devant le petit écran des millions de téléspectateurs désireux de regarder cette gigantesque caricature signée Claude Meunier. Qui pourra jamais oublier l’amour de Pôpa pour ses vidanges? La passion de Môman pour sa dinde?

BERNARD DEROME

«Si la tendance se maintient...» Voilà peut-être la meilleure façon de penser à Bernard Derome, présentateur de nouvelles à Radio-Canada qui couvre depuis les années 1970 les soirées d’élection. De la Crise d’octobre au référendum de 1995 où il annonça le résultat fatidique pour le camp du “OUI”, il a couvert plus d’une vingtaine d’élections fédérales et provinciales.

30 ANS DE TÉLÉVISION


X •  Le Délit • Édition spéciale du trentième anniversaire • Mardi, le onze septembre deux mille sept

ILS ONT VU LE JOUR EN 1977

MICHEL TREMBLAY

Peu d’auteurs dramatiques incarnent le théâtre québécois comme Michel Tremblay, qui n’a cessé, tout au long de sa carrière, d’amener sur scène des réalités cachées et souvent tragiques: réalités linguistiques, socioéconomiques et même sexuelles. Son oeuvre n’a pas marqué que le Québec, comme en témoigne son succès international.

• L’ordinateur personnel Apple II

ROBERT LEPAGE

• L’amitié entre Brigitte Bardot et les bébés phoques de la Côte-Nord

Bien qu’il ait mis en scène des spectacles destinés à la cour des grands (de Peter Gabriel au Cirque du Soleil), c’est probablement dans ses propres créations, solo et autres, que Robert Lepage brille davantage. Avec une créativité déconcertante et une économie de moyens, il réinvente les conventions du théâtre. Flotter contre un miroir, graffiter virtuellement, transformer en un tournemain le décor ou la réplique: rien ne semble lui être impossible.

• La Charte de la langue française • Le chanteur Corneille • Les théories niant la mort d’Elvis • La série La Guerre des étoiles

WAJDI MOUAWAD

Cet auteur d’origine libanaise illustre bien une nouvelle tendance du théâtre québécois, qui se distancie du théâtre absurde et cherche à raconter une histoire ou de TRÈS longues fresques historiques (parlezen à ceux qui ont vu Forêts). Wajdi (parce que c’est comme ça qu’il faut l’appeler) montre d’ailleurs dans ses pièces comment des thèmes propres au Québec – dont celui de l’identité – trouvent des échos ailleurs dans le monde.

• Le mouvement Punk • Le magnétoscope VHS Et les Canadiens gagnent la coupe Stanley! Les temps ont bien changé...

30 ANS DE THÉÂTRE MAISONS

DE LA CULTURE

Jumelées aux bibliothèques municipales sur l’île de Montréal, les Maisons de la culture rythment les découvertes culturelles des citoyens depuis maintenant plus de vingt-cinq ans. La première ouvre ses portes à Hochelaga-Maisonneuve en 1981; bien qu’elles soient maintenant une douzaine à divertir gratuitement les badauds, elles demeurent un peu invisibles. Elles servent néanmoins de tremplin aux artistes, toutes disciplines confondues, tout en soutenant des évènements de plus grande envergure, comme le World Press Photo en 1994.

FORUM

Cet édifice légendaire situé en plein coeur du centreville a rythmé la vie montréalaise jusqu’en 1996, année durant laquelle il fut converti en méga-complexe cinématographique portant la romantique appellation Forum Pepsi. Durant toutes ces années, il fut le théâtre d’évènements sportifs majeurs, de compétitions olympiques, de rallyes politiques, de concerts, de films et de vidéoclips.

GRANDE

BIBLIOTHÈQUE

En 2005, le Québec se dote d’un magnifique établissement culturel en ouvrant la Grande Bibliothèque, fruit de la fusion des bibliothèques centrale et nationale. Son ouverture est très significative parce qu’elle procure à toute la population de la province un accès gratuit à d’énormes sources d’information. Montréal a d’ailleurs été capitale mondiale du livre l’année de son ouverture.

J’AI

VU LE LOUP, LE RENARD, LE LION

Le 13 août 1974, dans le cadre de la Superfrancofête à Québec, un spectacle gigantesque est organisé, rassemblant les trois plus grands noms de la chanson québécoise. Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois célèbrent la fierté québécoise et francophone devant plus de 100 000 spectateurs venus du monde entier.

BROUE

Avec plus de 2 500 000 spectateurs et le record mondial de longévité pour une pièce jouée par la même distribution, Broue est un monument du théâtre québécois. La pièce-phénomène, créée par Michel Côté, Marcel Gauthier et Marc Messier en 1979, multiplie les tournées d’adieu sans s’essouffler. Les trois comédiens y interprètent dixhuit personnages colorés qui nous transportent dans le quotidien de la taverne Chez Willy.

STARMANIA

L’opéra rock de Michel Berger et Luc Plamondon fut créé pour la première fois sur scène en 1979. Première coproduction franco-québécoise dans le domaine, Starmania fut un tremplin pour la carrière française de plusieurs artistes québécois. Au fil des ans, le spectacle est repris de nombreuses fois à travers le monde et dans les auditoriums des polyvalentes québécoises.

30 ANS DE LIEUX CULTURELS 30 ANS DE PRESTATIONS


Mardi, le onze septembre deux mille sept • Édition spéciale du trentième anniversaire •  Le Délit • XI

UNE

SOIRÉE DE PRODUCTION AU

DÉLIT

Texte et photos: Louis Melançon

Tout est rangé au Délit en ce lundi matin. Cela ne saurait durer bien longtemps...

Zoé arrive et s’apprête à fouiller dans les archives pour le trentième du Délit.

WOW!

Julie s’installe confortablement pour dénicher les articles les plus pertinents...

DENIS MELOCHE?

Lawrence attend calmement l’article en retard d’un collaborateur...

Louis prend les photos de dernière minute.

QUOI?!

BON LE SERVEUR A ENCORE PLANTÉ!

Comme si ce n’était pas assez, des intrus du Daily débarquent à l’improviste.

OUPS!

Une fois qu’on a les articles et les photos, mise en page! Malgré tout, les Déliites persévèrent et continuent le travail. On bizute les nouveaux collaborateurs.

Mais tout ceci ne se fait jamais sans difficultés... De céleris au Cheez Whiz, la discussion dégénère rapidement aux Whippets au Cheez Whiz. Miam.

Le clou de la soirée... on trouve le «Depuis 1977!»

EURÊKA! «JE TRUCIDE LE LAYOUT DEPUIS 1977»



Nouvelles

L’été de l’AÉUM Au menu: la nouvelle équipe, son été et des barils de bière. campus Zoé Paquin Le Délit

L

a nouvelle équipe exécutive de l’Association des Étudiants de l’Université McGill, élue en mars dernier, a pris la relève le 1er mai 2007. À la présidence cette année, se trouve Jake Iztkowitz, qui avait dû se présenter pour une réélection partielle en avril après que les résultats de la première élection, qu’il gagnait par moins de 50 votes, aient été contestés par la candidate Floh Herra-Vega. Aux cinq vice-présidences, on retrouve cette année Max Silverman aux Affaires Externes, réélu pour un deuxième mandat, Adrian Angus aux Affaires Universitaires, Marcelle Kosman aux Clubs et Services, Imad Barake aux Finances et Kay Turner aux Affaires Internes. Ce poste avait été renommé l’an passé VP Communications pour lui permettre un mandat plus large, de type politique, dépassant la simple mission de coordination des Frosh et évènements festifs que le poste avait représentés jusqu’à maintenant. En entrevue cette semaine, le président

Jake Itzkowitz a résumé au Délit les accomplissements estivaux de l’AÉUM. Il a été fier de nous apprendre que le litige entre l’AÉUM et le Board of Governors [BoG] est enfin réglé. Lors d’un remaniement important ramenant son nombre de membres de plus de 40 à 27, en 2006, le BoG, assemblée décisionnelle suprême à McGill, majoritairement composée de directeurs de grandes entreprises, avait révoqué le droit du président de l’AÉUM de siéger à ses rencontres. Cette décision d’exclusion avait fait scandale et l’AÉUM avait dû entamer des menaces de poursuites légales pour retrouver ce qu’elle estimait être son juste droit. Ces négociations ont porté fruit le 7 juillet 2007. Le président sortant Aaron Donny-Clark nous a expliqué que l’AÉUM est désormais libre de nommer un de ses membres étudiants à temps plein ou un exécutif de l’AÉUM qui aurait complété 18 crédits dans les 18 mois précédant le début de son mandat. «C’est une décision juste du BoG et elle devrait satisfaire l’AÉUM», a-t-il ajouté. Cependant, Jake Itzkowitz affirme que sa priorité estivale fut toute autre puisqu’il a commencé à y travailler dès les premiers jours de mai: il tient énormément à gagner la permission de l’administration pour acheter et utiliser des barils de bière lors d’évènements sur le campus. Il y a travaillé tout l’été, mais s’est heurté à un refus ferme de la part de l’administration. Après avoir consulté la Régie de l’alcool du Québec et les règlements municipaux, l’AÉUM est convaincue

le délit | 11 septembre 2007 www.delitfrancais.com

qu’aucune loi ne s’oppose à l’utilisation de barils de bière sur le campus lors d’évène-

09

étudiantes face à la possibilité d’une grève en octobre, la fermeture impromptue et sans

Jake Itzkowitz, président 2007-2008 de l’AÉUM Louis Melançon / Le Délit

ments avec permis d’alcool. L’administration affirme le contraire, mais le président, convaincu que l’administration n’admet pas que la loi provinciale soit en faveur de l’AÉUM et qu’elle demeure surtout préoccupée par des questions d’image, ne baisse pas les bras. C’est pourquoi il choisit de prioriser ce dossier plutôt que, entre autres, l’état de l’éducation et des frais de scolarité au Québec, la concertation des associations

doute injustifiée du Café d’Architecture –le dernier café étudiant sur le campus-, les questions du remaniement administratif du service des bibliothèques, que de nombreuses voix ont dénoncé l’an passé. Jake Itzkowitz s’est dit satisfait de l’été et a expliqué que si, hors le litige sur le siège au BoG, relativement peu avait été accompli, c’est en raison de la longueur du processus de relève et parce qu’établir le budget pour l’année lui a coûté tout le mois de juin.

Renouveau francophone à l’AÉUM L’AÉUM ferme le Centre des étudiants francophones et mise sur la francisation des services déjà existant. campus David-Marc Newman Le Délit

C

et été, l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a pris la décision de fermer le service destiné aux francophones: le Centre des étudiants francophones (CEF). Ceci semble être, au premier abord, une drôle de décision pour un comité exécutif qui, lors des élections, a souvent promis de faire un effort considérable pour faire avancer les droits des francophones et sauvegarder le «fait français» à McGill. Pourtant, cette décision peut demeurer cohérente dans une perspective de francisation de l’AÉUM. L’histoire du CEF nous démontre que l’idée d’un service séparé pour les francophones n’est peutêtre pas la solution aux problèmes d’intégration des francophones. La fermeture du CEF est plus qu’une bonne décision; elle semble évidente et nécessaire à l’AÉUM.

L’histoire du CEF débute en 2003-2004 avec la création du Club des francophiles par les Commissaires francophones Sophie Marcoux et Sophie Zhang. A la fin de cette année, le Club devient le Réseau des francophiles, qui acquiert le statut de service de l’AÉUM. Malgré ce changement, la constitution n’est pas amendée pour refléter ce nouveau statut et le Réseau continue d’agir comme un club plutôt qu’un service: les activités du Réseau sont centrées sur les rencontres festives et de véritables services administratifs et ressources pour les francophones ne sont pas offerts. Les deux années suivantes sont également difficiles: les francophones manifestent peu d’intérêt pour les évènements (principalement festifs) du Réseau, des problèmes de finances subsistent et un manque de candidatures pour le comité exécutif persiste. Les élections du Réseau doivent même, deux années de suite, être remises à septembre au lieu d’être tenues en mars comme celles des autres clubs et services.

Le nouveau lieu de la francité à L’AÉUM Louis Melançon / Le Délit

Durant l’été 2006, afin d’éviter la fermeture du service, la Viceprésidente (Clubs et Services) Floh Herra-Vega, les Commissaires francophones et les anciens dirigeants du Réseau se réunissent pour en changer la constitution. Le Centre des étudiants francophones naît avec un nouveau mandat. Celui-ci privilégie la plaidoirie et redéfinit le service comme centre de ressources et organisme parapluie pour les

divers groupes francophones. Durant l’été 2007, n’ayant pas vu d’amélioration ni de progrès potentiel, l’AÉUM (après consultation avec les Commissaires francophones et le CEF) décide de trouver une autre solution à la question linguistique à McGill. L’AÉUM décide que la francisation des services existant et un bilinguisme plus visible seraient plus avantageux pour les francophones

qu’un service de référence. Cette décision, rendue publique, a suscité de vives réactions de la part du CEF et de certains étudiants francophones. Afin de susciter une discussion plus productive, Marcelle Kosman, Vice-présidente (Clubs et Services), les a invités à discuter, le 18 août 2007, de l’avenir du français et de la communauté francophone à McGill. Suite à ces discussions, les Commissaires francophones présideront désormais un comité du Conseil législatif de l’AÉUM, comme le font déjà les autres commissaires. La Commission des affaires francophones se réunira à chaque deux semaines et regroupera des membres du conseil, des membres du comité exécutif et des francophones impliqués sur le campus. Un groupement francophone au sein de l’AÉUM sera plus efficace qu’un service extérieur. La Commission aura comme objectif principal de faire des recommandations auprès du conseil législatif pour mieux représenter les francophones et éliminer les obstacles à leur participation. La prochaine réunion de la Commission aura lieu le 12 septembre à 17h30, au bureau de l’Association étudiante dans l’édifice Shatner. 


délit | 11 septembre 2007 10 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

Le Délit: comment y participer?

Les chefs de section Julie Rousseau (société) et Lawrence Monoson (culture) prennent part à une passionnante séance de production du Délit. Quand trouvera-t-on votre photo dans le journal? Louis Melançon/Le Délit

Voici quelques informations pratiques pour vous impliquer dans le journal francophone de McGill. Nouvelles

Quoi? Nouvelles du Campus, nationales ou internationales. Réunion hebdomadaire Mercredi à 18h Contact courriel nouvelles@delitfrancais.com

Arts&Culture

Quoi? Théâtre, Cinéma, Musique, Danse, Opéra, Arts Visuels, Littérature... Réunion hebdomadaire Mardi soir à 18h. (Si vous ne pouvez pas venir, veuillez contacter le chef de section par courriel.) Contact courriel articlesculture@delitfrancais.com

Société

Quoi? Dossiers spéciaux sur des enjeux actuels de société Contact courriel societe@delitfrancais.com

Visuel

Quoi? Photojournalisme, illustrations, dessin, caricatures. Contact courriel visuel@delitfrancais.com

Production

Quoi? Mise en page et site Internet Contact courriel production@delitfrancais.com

Correction

Quoi? Correction grammaticale et syntaxique d’articles. Contact correction@delitfrancais.com

Bienvenue dans la SPD I

nutile d'avoir un baccalauréat en journalisme pour comprendre qu’il faut une équipe nombreuse pour publier un journal comme Le Délit. Entre le journaliste qui a contré vents et marées pour l’entrevue de la section Nouvelles et la correctrice qui s’est assurée que toutes les virgules étaient au bon endroit, notre équipe éditoriale travaille sans relâche pour publier un journal que vous appréciez - ou duquel vous vous moquez - tous les mardis. Tout aussi dévoués sont les gens de l’arrière-scène qui vendent de la publicité, qui gèrent nos finances et qui s’assurent que nos ordinateurs tiennent le coup. On vous épargne les détails... Ensuite, il y a vous, nos lecteurs, l’élément le plus important de cet ensemble journalistique. Plus que toutes les autres publications sur le campus, Le Délit — et sa publication-soeur le McGill Daily - sont le produit d’un appui continu des étudiants de McGill. À la différence du McGill Tribune et du McGill Reporter, qui sont subventionnés par l’AÉUM et par l’Université respectivement, nous sommes financés uniquement grâce à la publicité et à la contribution des étudiants. Si vous êtes étudiant au campus central de McGill, vous êtes automatiquement membre de la Société des publications du Daily (SPD) et vous payez 5$ par semestre (ou 3,75$ pour les étudiants des cycles supérieurs) pour financer Le Délit et le McGill Daily. Votre contribution constitue plus de la moitié de nos revenus, donc ce n’est pas quelque chose que nous prenons à la légère. De plus, en tant qu’organisme étudiant, la SPD a besoin de vous, nos membres, pour produire le contenu de nos journaux. Vous pouvez le faire en écrivant des articles, des dossiers et des lettres, en prenant des photos ou en dessinant des illustrations ou en participant à nos soirées de production. Depuis 1911, nos publications sont un lieu central de débat sur le campus et une source majeure d’irritation pour des groupes influents tels l’AÉUM et l’administration de l’Université. C’est tout un honneur, n’est-ce pas? Pour ceux qui sont moins intéressés par la démarche éditoriale, la SPD invite également ses membres à participer à son processus démocratique. Vous pouvez vous présenter à notre Conseil d’administration et déterminer l’orientation financière de la SPD. Vous pouvez aussi voter lors des référendums ainsi qu’à nos Assemblées spéciales et générales. Si vous êtes vraiment motivé (ou fâché), vous pouvez proposer des changements à notre constitution, à nos arrêtés et même à notre structure de frais en contactant un membre de notre Conseil d’administration (chair@dailypublications. org). Cette année, la SPD veut être plus ouverte que jamais en ce qui concerne ses publications et son administration. C’est pourquoi nous avons créé le poste de public editor. Son chroniqueur va commenter régulièrement les pratiques journalistiques du McGill Daily, faire état des préoccupations des lecteurs et s’assurer que nous ne dépassons pas les bornes. Bien que le poste ne s’applique qu’au journal anglophone pour l’instant, tous les membres de la SPD peuvent déposer leur candidature. Lisez la publicité en page 2 de ce journal pour en savoir plus. Le Délit et le McGill Daily sont avant tout vos journaux. Nous vous proposons vivement de vous impliquer avec la SPD, que ce soit en nous critiquant, en rédigeant des articles ou en votant lors de nos assemblées. — Le Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Pour obtenir une copie de la Constitution et des arrêtés de la SPD, visitez le www.dailypublications.org.


Arts & Culture

xle délit | 11 septembre 2007 www.delitfrancais.com

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Action et lumière La vie vue de leur objectif. arts visuels Julie Roy-Audet Le Délit

L

e mot «photographie» vient des mots «lumière» et «écriture». L’art de la photographie, selon son étymologie, permet d’écrire avec la lumière. L’exposition World Press Photo tenue au Musée Juste pour rire jusqu’au 30 septembre crée un contraste entre des événements obscurs et d’autres qui illuminent le regard de ceux qui s’y attardent. Le World Press Photo est un organisme à but non lucratif qui valorise le travail de photoreporters professionnels depuis 1955. Pour ce faire, il offre des séminaires et des ateliers spécialisés pour les photographes et participe activement à des projets éducatifs dans lesquels le pouvoir de la photographie prime. Toutefois, le volet le plus connu de l’organisme est sans contredit son concours. Ce dernier donne lieu à une exposition ambulante présentée chaque année dans 90 villes dont Montréal, à notre grand plaisir. Cette année, l’évènement comprend trois parties. La première est le World Press Photo dans lequel figurent dix catégories dont, notamment, les meilleurs spots d’infor-

mation, arts et spectacles, reportages nature, etc. Les photographies et photoreportages de cette section sont accompagnés de textes nous permettant de comprendre la situation exposée tout en nous invitant à nous renseigner davantage. La plupart des images dénoncent, sensibilisent, interrogent, mais plusieurs misent également sur l’espoir ou encore sur la beauté de certains paysages, de certaines coutumes. On passe ainsi de frustrations causées par l’injustice de violents «femmicides» au Guatemala à l’espoir que s’améliore la santé en Afrique, grâce, entre autres, aux films portant sur la santé présentés par l’Unicef. Chaque image de cette exposition représente la complexité de la vie tout en fixant dans le temps un moment, un lieu, sans oublier la situation et les enjeux qui y mènent. En circulant à travers toutes ces photographies, nous avons accès à ce qui se passe ailleurs, nous élargissons nos horizons et entrons dans un monde qui nous semble plus tangible que lorsque décrit par des mots. Les mots n’ont pas la force requise. «Respect», le deuxième volet de l’exposition, m’a personnellement laissée froide. Des photographes ont capturé des images aériennes de la forêt boréale canadienne qui ont ensuite été imprimées en grand format. Quoi de mieux qu’une bribe de forêt vue de haut pour ressembler à une autre bribe de forêt vue de haut! Certaines photographies sont plus réussies que d’autres, mais elles

L’exposition présente des photos saisissantes, comme cette tranche de vie libanaise. Spencer Platt

manquent de chaleur, ne sont pas accessibles, ressemblent à un manuel de géographie. Quelques pas plus loin, cependant, se trouve un petit coin bien tranquille où sont exposées les huit photos de Ladislas Kadyswzki représentant les phases de la maladie d’une jeune femme atteinte du cancer du sein. Cette intimiste exposition nommée «5e saison» est très touchante. La dernière exposition, et non la moindre, est celle des 60 ans de Magnum Photos, l’agence créée par les légendaires Robert Cappa et Henri Cartier-Bresson. Elle montre un panorama délectable des photos ayant

le plus marqué le public dans ces 60 années d’existence. À ne pas manquer! Un volet multimédia fait également partie des nouveautés de cette année. Soixante personnes peuvent prendre place dans une salle où auront lieu quatre représentations sur écran géant. Un moment de détente qui ajoute à la diversité de l’événement du World Press Photo 2007. x World Press Photo Où: Musée Juste pour rire 514-845-2322 Quand: 31 août au 30 septembre Combien: 5$ (tarif étudiant)

Le fantôme d’un grand film Goya’s Ghosts se perd dans les détours d’une histoire trop complexe. cinéma Laurence Côté-Fournier Le Délit

L

e respecté cinéaste tchèque Milos Forman (One Flew Over the Cuckoo’s Nest, Hair) n’en est pas à une biographie près, son brillant opus sur Mozart, Amadeus, ayant notamment fait date au chapitre des grandes réussites du genre. Cependant, Goya’s Ghosts, bien que mettant effectivement en scène le peintre espagnol Francisco de Goya (1746-1828) ne relate qu’avec distance les évènements qui ont marqué la vie de l’artiste. Goya, joué par Stellan Skarsgard, n’est rien de plus qu’un observateur du drame terrible qui se joue devant lui. L’Inès qu’interprète Natalie Portman est une jeune fille de bonne famille naïve et insouciante, dont le

La beauté des décors et des costumes est un des grandes forces du film. gracieuseté Samuel Goldwyn

visage sert de modèle à Goya pour peindre ses anges. Un jour, alors qu’elle est surprise à refuser une assiette de porc, la pauvre est «mise à la question», euphémisme pour la torture qu’emploie l’Inquisition. Accusée de s’être convertie au judaïsme, Inès confesse tout sous l’empire de la douleur. Francisco de Goya détenant d’importantes relations à la cour et auprès des autorités ecclésiastiques, c’est vers lui que se tourne la famille d’Inès pour obtenir du secours. Goya ten-

te alors de convaincre le puissant religieux Lorenzo, dont il peint le portrait, d’intervenir. Lui-même fervent défenseur de l’Inquisition, Lorenzo, défendu par l’acteur espagnol Javier Bardem, résiste cependant mal à l’appel de la chair, particulièrement à celle de la douce Inès. Ayant de surcroît sur les bras un scandale, Lorenzo fuit le pays, tandis qu’Inès pourrit en prison. Quinze ans plus tard, alors que Napoléon envahit l’Espagne, leurs routes se croisent à nouveau.

De même que dans ce film les accents américain, britannique, espagnol et français se mêlent maladroitement sans jamais être totalement crédibles, les thèmes passent sans jamais réussir à se fondre pour former un tout cohérent. Goya’s Ghosts est un film ambitieux, une grande fresque historique qui vise large et tente de dire beaucoup. Malheureusement, ses propos sur l’art, la religion ou la politique ne parviennent jamais à dépasser le stade embryonnaire. Ainsi, s’il est intéressant d’adopter le point de vue de Goya pour décrire cette époque trouble, pourquoi faire si peu de cas des liens réels entre sa production artistique et les évènements politiques, qui occupent pourtant une grande place dans le film? Les retournements mélodramatiques noient de surcroît les questionnements moraux qui auraient pu donner une plus grande consistance au film. Javier Bardem tire remarquablement son épingle du jeu en rendant insaisissable son Lorenzo. C’est grâce à lui qu’émergent les réflexions les plus abouties du film, celles sur la force des idées et de la foi qui peuvent animer un homme.

Le personnage qu’il défend n’est en rien sympathique, mais il possède un magnétisme et un mystère qui l’élèvent bien au-delà des vilains habituels. L’intensité de Bardem brille encore davantage devant la tiédeur de ses partenaires de jeu. Alors que Skarsgard transforme Goya en un sympathique mais relativement inoffensif bon vivant, Portman ne parvient pas à faire de son Inès un personnage tout à fait développé et, donc, tout à fait émouvant. Malgré ces problèmes, Goya’s Ghosts n’est pas un film raté. Simplement, devant la beauté des décors, des costumes et, surtout, de certaines scènes, il est difficile de ne pas penser qu’en optant pour une plus grande simplicité, Forman aurait accompli bien davantage. x

Goya’s Ghosts Où: Cinéma du Parc 3575, avenue du Parc. Quand: présentement à l’affiche Combien: 7$ (tarif étudiant)


délit | 11 septembre 2007 12 le www.delitfrancais.com

Arts&Culture

2 journées de musique alternative au

Parc Jean Drapeau Les 8 et 9 septembre derniers, Montréal a accueilli avec succès la deuxième édition du Festival Musique et Arts Osheaga.

Oshea quoi ? Non, nous ne parlons pas ici d’un vieux rituel amérindien. Quoi qu’aurait pu nous faire croire la présentatrice hippie, encore dans son habit de Woodstock, qui tentait de nous ramener vers nos racines avec des chants traditionnels. Osheaga, qui se traduit par «gens aux mains très agitées», n’a rien à voir avec l’agitation peace and love des années 1970. Le festival accueille plutôt depuis deux ans de nombreux artistes de la scène musicale alternative.

Les deux magnifiques journées de l’édition 2007 ont offert aux fans plus de 65 groupes sur 5 scènes différentes, de quoi rentabiliser les 150$ douloureusement investis dans la passe de fin de semaine. Le Délit a sélectionné pour vous quelques artistes ayant donné des prestations assez remarquables et que nous vous invitons à surveiller. Alexandra R. Lattion et Laurence Martin

Apostle of Hustle Il s’avère parfois difficile de dénombrer les membres de Broken Social Scene, groupe se formant et se déformant au gré de diverses collaborations et véritable who’s who du monde indie canadien. Toutefois, le super-groupe torontois compte sur un membre particulièrement assidu en la personne d’Andrew Whiteman. D’ailleurs, sa présence en ouverture donnait le ton à l’ensemble du festival, marqué par la présence de plusieurs collègues. Également, à la tête de Apostle of Hustle, Whiteman se plaît à explorer d’autres sonorités, intégrant des rythmes latins à un souci mélodique et quelques moments folks. Énergique, le groupe a enchaîné «My Sword Hand's Anger», «National Anthem of Nowhere» et plusieurs titres phares de Folkloric Feel, leur album paru en 2004. Un sympathique coup d’envoi.

Suggestions Album : Folkloric Feel Chanson : «Animal Fat»

Patrick Watson Patrick Watson, la nouvelle sensation du milieu alternatif montréalais, a une fois de plus prouvé qu’il n’a pas volé toute l’attention dont il est l’objet. Après une lumineuse performance au Festival de Jazz, il nous a réservé les moments forts de son spectacle issu de Close to Paradise, son dernier album. Appréciant visiblement la scène, Watson a déployé pour nous sa voix cristalline, toute en lyrisme. De sa performance, nous retiendrons «The Great Escape», «The Storm» et bien sûr «Man Under the Sea», chanté a capella, les mains en porte-voix, s’appuyant sur une foule conquise. Un artiste à voir et à revoir.

Album : Close to Paradise Chanson : «Luscious Life»

Feist

Arctic Monkeys

You Say Party! We Say Die!

«The best voice in indie rock», écrivait le magazine Rolling Stone à propos de Feist lors de la parution de son dernier album, The Reminder. Difficile de contredire la célèbre parution, à la lumière de la performance que l’artiste nous a offerte samedi. Jouant de sa voix habilement, quoique avec une belle retenue, Feist nous a présenté un charmant enchaînement de ses pièces les plus appréciées, notamment «Mushaboom» et «1 2 3 4», notre hit de l’été. Joueuse aussi, avec son public autant qu’avec ses mélodies, elle affirme son rapport ludique à la musique. Telle une petite fille, vêtue d’une robe et d’un chapeau à large bord, elle entonne ses jolis refrains avec un pétillant irrésistible. En outre, sa présence, comme celle de bien d’autres musiciennes et interprètes, permet d’affirmer l’importance grandissante de la gent féminine sur la scène alternative. Rafraîchissant.

Si l’on n’apprend pas aux vieux singes à faire des grimaces, on n’apprend surtout pas aux jeunes Anglais à faire du rock. Pour le plus grand plaisir d’un public s’exerçant au body surfing, les quatre garçons qui forment Arctic Monkeys ont repris les «I Bet that You Look Good on the Dance Floor» et «Fake Tales of San Francisco» tout en accordant une grande place à leur plus récent compact, Favourite Worst Nightmare. Quelques mots en français d’Alex Turner et c’était parti pour 45 minutes. Ce format leur convenait d’ailleurs parfaitement, leur permettant d’enchaîner leurs brûlots de 2min50, «top chrono». Ils nous ont laissé époustouflées et irrémédiablement séduites par leurs charmants accents.

Un nom pareil annonce une belle intensité sur scène et les fans groupés près de la modeste scène des arbres ne furent pas déçus. À l’image des points d’exclamation qui parsèment les titres de bon nombre de leurs chansons, les trois gars et deux filles de You Say Party! We Say Die! nous ont séduit avec leur enthousiasme contagieux. Un public sautillant a accueilli les courts morceaux de leurs disques Hit the Floor! et Loose All Time comme autant de décharges d’énergie. Tout désignés pour la piste de danse, les airs du quintette de Vancouver étaient portés par la voix haut perchée de Becky Ninkovic et les claviers de sa comparse Krista Loewen. Voilà un groupe qu’une si petite scène aura bientôt du mal à contenir.

Album : The Reminder Chanson : «My Moon My Man»

Album : Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not Chanson : «When the Sun Goes Down»

Album : Hit the Floor Chanson : «He! She! You! Me! They! We! Us! OK»


Arts&Culture

le délit | 11 septembre 2007 www.delitfrancais.com

13

Stars L’alternance des voix féminine et masculine, la sensibilité pop, les riches orchestrations et la propension à une mélancolie romantique qui font, sur disque, tout l’intérêt des Stars, s’accompagnent sur scène d’une attitude mordante et d’une énergie rock indéniable. Les deux chanteurs Torquill Campbell et Amy Millan à l’avant-scène, le groupe nous a proposé une sélection variée. «Elevator Love Letter», dédiée aux fans de longues date et tirée de Heart, leur premier album complet, quelques nouveaux titres et une finale qui s’imposait d’elle-même, splendide et incontournable, «You’re Ex-Lover is Dead», ont ravi les spectateurs. Une solide performance, livrée avec un sourire en coin, des lunettes de plastique et un ton sarcastique. Après tout, pour reprendre les propos de Campbell: «Isn’t all ironic ? »

Album : In Our Bedroom After the War (à paraître le 25 septembre 2007) Chanson : «Take Me to the Riot»

Damien Rice Plus connu sous le nom de chanteur de «Blower’s Daugther» dans le film Closer, Damien Rice a offert samedi soir une performance assez enflammée. L’artiste irlandais, qui compte déjà un merveilleux premier album, O, et un second, 9, moins solide, a su combiner habilement ses tendances mélodramatiques à une atmosphère définitivement rock. Il naviguait aisément de «Rootless Tree», où les deux batteurs présents sur scène ont enchaîné les coups d’éclat, à la touchante «9 crimes», qu’il a interprétée seul au piano. Sa versatilité, qui relevait parfois d’une véritable transformation pour qui ne l’avait jamais vu sur scène, a atteint son apogée lorsqu’il nous a livré «Woman Like a Man», une chanson au texte très cru accompagnée de riffs pesants. Le chanteur a terminé en force avec «I Remember» durant laquelle on a ressenti l’absence de Lisa Hannigan, son ancienne partenaire.

Album: O Chanson: «Blower’s Daughter»

Martha Wainwright Moins connue que son frère Rufus, Martha Wainwright n’a malgré cela rien à lui envier. La chanteuse montréalaise a fait la preuve qu’on peut être forte et vulnérable à la fois en interprétant, seule avec sa guitare, les succès de son premier album («Factory» , «G.P.T.», «This Life») ainsi que quelques nouvelles chansons, tirées d’un disque qui sortira en janvier. Entre chaque chanson, Martha accordait tantôt sa guitare en faisant la promotion, en franglais, d’œuvres charitables, coupait ses ongles, qu’elle avait gardés longs pour ressembler à une dame, ou encore demandait à fumer le «joint de pot» qui circulait dans la foule. Un sacré personnage ! Et même si le technicien lui faisait signe depuis dix minutes qu’elle dépassait largement le temps alloué, elle a offert aux spectateurs le très fort «Bloody Mother Fucking Asshole». Un bonheur !

Album: Martha Wainwright Chanson: «Bloody Mother Fucking Asshole»

M.I.A.

Dumas

Qui de mieux pour transformer notre festival chéri en discothèque que M.I.A.? Après la performance plutôt planante de Gotan Project, Osheaga en avait bien besoin et, surtout, son public en redemandait. Manifestement, la foule s’était déplacée pour danser et elle s’est déhanchée dès les premières notes. M.I.A., qui a pris du coffre depuis son dernier passage à Montréal, nous a balancé, beats pesants à l’appui, les moments forts de ses deux albums, Arular et Kala. Nommés en l’honneur respectivement de la mère et du père de l’artiste d’origine sri-lankaise, ceux-ci tranchent particulièrement dans le monde pop et hip-hop actuel par leur saveur politique. Bref, du rythme et un propos, que demander de plus?

«Oui, mais moi, je ne sais pas». C’est vrai qu’avec Dumas, on ne sait jamais. La star pop québécoise qui a déjà deux albums à son actif, l’excellent Le cours des jours et le très bon Fixer le temps, nous surprend souvent en spectacle en offrant des performances très rock. Comme il l’avait fait au National au printemps dernier, il a chanté un incroyable «Linoléum», mais également d’autres hits tels «J’erre», «Les Secrets», «Alors alors»… C’est que Dumas possède maintenant un vaste répertoire pour offrir beaucoup de chansons à succès en spectacle, spectacle qui s’est d’ailleurs terminé par une belle envolée de ballons… Que de «vols en éclat» !

Album : Arular Chanson : «Bucky Done Gun»

Album: Le cours des jours Chanson: «Linoléum»


délit | 11 septembre 2007 14 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Trêve de trône King Dave tiraillé entre son règne et sa réalité. théâtre Julie Roy-Audet Le Délit

S

i j’avais un nom à retenir cette année, ce serait sans contredit celui d’Alexandre Goyette, l’interprète et auteur de King Dave. Cette pièce lui a valu les Masques 2005 du meilleur texte original et de la meilleure interprétation masculine, sans compter une reconnaissance provinciale indiscutable. Tous les éloges dans lesquels baignent ce premier texte et cette interprétation hors pair ne sont toutefois pas les fruits du hasard. C’est dans un joual «québécoadolescent» urbain que David Morin nous plonge au coeur d’un épisode de sa vie. Il se présente sous le surnom de King Dave, celui que l’atmosphère de party enivre, que la bière avive et que la drogue chavi-

re. Dave veut «tripper», sentir qu’il domine la place, qu’il est puissant et admiré. Il entre peu à peu dans le monde de la délinquance, s’y sent «comme dans un fucking film de marde». Une dégringolade qui le pousse à poser des gestes qu’il regrettera amèrement, surtout quand ils lui coûteront la vie d’une personne chère. Puis, le désir de vengeance, de faire peur pour oublier qu’on a soi-même peur, s’installe et domine ses pensées, jusqu’à ce qu’il souffre et se réveille de sa torpeur, jusqu’à ce qu’il constate que «quand on crache trop haut, ça nous retombe toujours dessus». La performance d’Alexandre Goyette est tout simplement remarquable. Il réussit à nous faire rire malgré la gravité des thèmes abordés. Il passe de questionnements sérieux et désarçonnants à des scènes plutôt cocasses d’un réalisme étourdissant. De plus, son monologue est traversé de dialogues rapportés dans lesquels il imite le second actant. Il va, en une fraction de seconde, de policier à jeune femme en passant par un bum de la région et réussit ces rô-

il ne fallait pas être déconcentré par une démesure des décors, des déplacements acrobatiques ou encore par une langue inutilement riche et inappropriée. Le dépouillement convenait mieux. Un salon, une salle de bain. Tout ce qu’il y a de plus sobre. À l’intérieur, Dave se promène entre sa raison et ses émotions au même rythme qu’il passe du salon à la salle de bain. Un endroit nous montre son côté éclaté toujours en quête de plaisirs neufs et de sensations fortes alors que le second nous révèle le reflet qu’il se refuse à voir dans le miroir, celui de l’introspection, celui qu’il avoue moins franchement, qu’il cache sous un voile ou, plutôt, sous cette cape de roi qu’il endosse lors des sorties royales dans la cour du grand Montréal, le glaive à la main.x

King Dave, un personnage habité par une passion dévorante. Sylvain Poirier

les avec une aussi grande dextérité que celle de David Morin. En 75 minutes, il ne nous laisse aucune pause pour un bâillement ou pour regarder notre montre.

La mise en scène de Christian Fortin est simple, précise et efficace. Le faste aurait été superflu. Pour comprendre l’essence, pour entrer dans la psychologie de Dave,

King Dave Où: Théâtre la Licorne 4559 avenue Papineau Quand: jusqu’au 6 octobre Combien: 17$ (tarif étu diant)

Hippocampe, entre rêve et mémoire La pièce Hippocampe est une plongée dans l’onirisme. théâtre Mado Rancé Le Délit

P

our ouvrir cette saison itinérante, Éric Jean, en tant que directeur artistique du Théâtre de Quat’Sous, décide de reprendre sa pièce phare : Hippocampe, Prix de la critique montréalaise 2002. Inspirée par une improvisation sur un décor créé par Magalie Amyot, Hippocampe fut d’abord montée dans les murs mythiques du Quat’Sous, sur la rue des Pins. Or, cette ancienne synagogue va sous peu succomber sous les coups d’une grue afin de laisser place à un nouvel édifice, au détriment de la conservation du patrimoine. C’est donc un peu de ces murs chargés d’histoire qui reprennent vie sur la scène du Théâtre Prospero, premier port d’attache de cette saison nomade. Outre cela, pourquoi reprendre une pièce qui avait tant ravi les foules? D’abord, pour retravailler un texte qui avait été finalisé en à peine une semaine par le scénariste Pascal Brullemans. Mais aussi, selon les dires d’Éric Jean et de la troupe d’acteurs qui offrent tous encore une fois une interprétation saisissante, pour aller plus loin dans cette exploration des méandres et détours de la mémoire et de son flirt incessant avec le rêve. Car l’hippocampe, c’est, outre ce petit

Un saisissant tête à tête... Yanick Macdonald

animal marin aux allures fantastiques, cette partie frontale du cerveau qui joue «un rôle primordial dans le processus de mémorisation», selon Le Robert. Il ne sert à rien d’essayer de résumer en quelques lignes la trame de ce tissu d’images oniriques. L’intrigue se met en place dans un sous-sol, tantôt cabaret clandestin des années 1960 et tantôt appartement des années 1990. Ces quatre murs inchangés contiennent les clés de la mémoire perdue de Suzanne, la mère narcoleptique de Karl, jeune professionnel qui vient de s’installer dans ce lieu. Cette chambre -ou plutôt son propriétaire- aimait Suzanne avant que celle-ci ne disparaisse sans laisser de trace, à la suite d’un choc qui lui a fait perdre la mémoire.

Il y a peu de choses ici qui obéissent au réel. Des jambes flottent par la fenêtre; en un claquement de doigts, les scènes et les histoires changent, mais les coupures ne sont jamais nettes. «C’est une ambiance entre le rêve et la réalité. Le public ne doit pas réfléchir à quoi que ce soit, mais simplement faire appel à sa sensibilité», explique la comédienne Muriel Dutil, qui interprète Suzanne. La musique de Leonard Cohen, tout comme l’éclairage et la mise en scène, contribuent à déstabiliser le spectateur avide de cohérence. On sent dans la pièce les influences d’Éric Jean: David Lynch, pour la structure des scénarios et son côté tordu, Salvador Dali, pour la polysémie de ses œuvres, et Cohen, pour la mélancolie.

Si on cherche l’essence de ce spectacle uniquement dans le texte ou dans l’intrigue plus ou moins cousue de fil blanc, on sortira de la salle avec le sentiment de s’être fait flouer par une pièce qui sacrifie le sens à la forme. Or, ici les deux sont indissociables, et seuls ceux qui ont réussi à fermer les yeux grand ouverts se réveilleront de la pièce comme d’un rêve, anxieux de retrouver leur oreiller pour pouvoir y retourner. x Hippocampe Où: Théâtre Prospero, 1371, ru Ontario E. Quand: du 28 août au 2 septembre Combien: 18$(tarif étudiant)


Arts&Culture

le délit | 11 septembre 2007 www.delitfrancais.com

De moi à Toi

kulturkalender

Toi, réalisé par François Delisle, est le portrait d’une femme désillusionnée, qui cherche à se reconstruire. cinéma Sabrina Belvolto Le Délit

P

résenté en grande première cet été au Festival des Films du Monde, le film québécois Toi n’a malheureusement remporté aucun prix. Cependant, ses images, ses acteurs, et surtout son thème auraient facilement pu en faire un gagnant. Le film traite de l’infidélité, qui ravage tout sur son passage. Michèle (Anne-Marie Cadieux) et Paul (Laurent Lucas) sont mariés, collègues de travail et parents d’un garçon, Manu. Leur couple ne tient qu’à un fil, et ce fil est Manu, leur fils. Michèle n’en peut plus, étouffe dans cette vie, alors elle tombe dans le piège de l’infidélité. Thomas (Marc Béland), un musicien chevronné, la désire, l’aime comme jamais elle ne l’a senti. Sur un coup de tête, Michèle quitte famille et em-

ploi afin de vivre pleinement sa passion avec Thomas. Une série de drames suivra ce geste: Manu la repousse, son ex-mari tente de se suicider devant leur fils et sa vie à elle bascule totalement. Michèle se sent vide, recommence à étouffer dans sa nouvelle vie avec Thomas. Ce n’était pas son mari qu’elle n’aimait plus, mais bien l’idée d’être en couple. Toute la beauté et la finesse de ce film reposent sur le jeu d’Anne-Marie Cadieux qui, comme à son habitude, est remarquable. Tout au long du film, elle se donne entièrement à son rôle: qu’elle soit en plein délire, en pleurs ou en extase, elle nous subjugue. On pourrait presque croire que Marc Béland et Laurent Lucas ne sont que ses faire-valoir, mais ces deux excellents acteurs, incroyablement humains et réels, apportent eux aussi beaucoup au film. Toi nous parle beaucoup plus à travers la gestuelle des acteurs et les plans de caméra qu’à travers les dialogues. Par exemple,

L’art sans dessus desous Mathieu Ménard C’EST PAR UN MERCREDI soir tranquille que, attiré par la perspective d’une sortie gratuite et galvanisé par une campagne publicitaire étalée à travers les panneaux, les journaux et le métro, vous avez décidé de jeter un coup d’œil au Musée d’art contemporain. Vous espériez partager quelques moments avec les muses; au contraire, ce sont plutôt la confusion, le doute et l’intimidation qui semblent accompagner cette promenade. Vous êtes tombé de l’autre côté du miroir, le monde est devenu complètement fou. Cette scène vous semble-t-elle familière? Bien que Montréal soit somme toute choyée par la multitude de circuits de diffusion à travers lesquels se développe l’art actuel (musées, galeries, évènements et centres d’artistes), le domaine continue à inspirer une certaine impression d’ésotérisme. Pour les non-initiés, il peut être difficile d’apprécier une discipline dont les racines comprennent des sérigraphies de boîtes de soupe, des sculptures abstraites et des enseignes fluorescentes. On ne pourrait certainement pas qualifier le clivage entre l’art et le spectateur d’inédit; de tout temps, l’artiste s’est fait une mission de surprendre son public. Néanmoins, c’est aux environs de la moitié du vingtième siècle qu’on observe la plus radicale rupture entre la pratique créative et les canons esthétiques. Détourné de l’assise esthète, l’art contemporain se dérobe aux définitions et aux tentatives de le disséquer.

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compilé avec dévotion par Lawrence Monoson

Jeudi 13 septembre Bière et tours à vélo

L’infidélité dans le regard. Jennifer Alleyn

au moment où le personnage interprété par Anne-Marie Cadieux se sent le plus déboussolé, on la voit marchant dans la nuit noire, l’air sombre. Cette scène filmée caméra à l’épaule nous donne vraiment l’impression que tout bouge et s’effondre dans la tête de Michèle. Autre fait intéressant la nudité et le sexe sont omniprésents dans le film. Du sexe cru, sans artifice. Les personnages ne font pas l’amour, ils baisent, et à travers ces scènes totalement explicites, on ressent un malaise, qui nous fait comprendre à quel point les personnages de ce film sont en détresse, autant physique que psychologique. Malheureusement, Toi n’est pas complètement sans défauts. On ne réussit pas à entrer en

contact avec les personnnages, leur monde, leurs histoires. La connection se fait mal, car les personnages sont repliés sur euxmêmes, dans leur propre univers. On a même du mal à s’attacher à l’un ou l’autre tellement leur monde est dur à pénétrer. Toi est un film réellement sombre, et cet aspect amène une lourdeur qui aurait pu être évitée. François Delisle a réalisé un drame stupéfiant qui nous fait réfléchir. On sort de la salle en pensant à nos propres vies, notre avenir, souhaitant ne jamais en arriver à ce stade de désespoir. Toi Où: carrefour Angrignon et à l’Ex-Centris. Quand: À l’affiche.

Jeux de miroirs Nul besoin de s’égarer dans les édifiantes tautologies du critique, entrepreneur et créateur Joseph Kosuth («l’art est la définition de l’art»). Il est sans doute plus avantageux de considérer l’art à la façon d’un langage. Comme ce dernier, il se déploie en différents formats (d’abord visuel, il ajoute plusieurs cordes à son arc avec la performance, la vidéo et le multimédia). Ses tendances stylistiques sont autant de dialectes, ses façons d’interpeller le visiteur autant de registres. Les artistes jouent constamment avec les frontières entre l’intelligible et le poétique pour évoquer des expériences, des sentiments et des discours qui, du moins l’espèrent-ils, feront vibrer les visiteurs. En tant que langage, l’art développe une multitude de vocations. À l’image de ses auteurs, il s’intéresse à une infinité d’enjeux; il peut donner une voix à des problématiques qui n’ont pas encore saisi l’attention des médias. Il offre aux marginalisés l’opportunité de peindre une fenêtre ouvrant sur leur existence. Finalement, plus significatif encore, il témoigne d’une époque particulière, d’une manière qui serait difficile à traduire dans un compte rendu historique traditionnel. À partir de ce point, l’intérêt de l’art contemporain commence à prendre forme: il devient un reflet de la société. Il offre une perspective qu’on ne retrouve pas souvent ailleurs. Ces jours-ci, bien rares sont les ermites qui reçoivent des commandes sans quitter leur atelier ou les poètes hallucinés qui espèrent guider la masse à travers leurs œuvres. Dans ce règne de l’information et

des communautés (virtuelles ou autres), les artistes peuvent difficilement percer sans interagir avec leurs collègues, les institutions et le public. En cherchant à obtenir le support de tous ces groupes, l’artisan engendre souvent une tension entre la volonté de démontrer son savoir-faire et le désir d’appuyer ses œuvres sur une rigueur intellectuelle. Cette dernière s’exprime par le développement (soit par l’artiste, soit par une tierce partie) d’une dimension conceptuelle suffisamment riche pour alimenter le débat sur la nature de l’artiste et de son métier. De tout temps, on semble déchiré entre la noblesse de la besogne manuelle et le monde des idées, entre l’adulation et le rejet de l’intelligentsia. Au terme de cela, réaliser une œuvre suffisamment «ouvrante» pour interpeller un public plus large devient un défi considérable. L’art contemporain n’est pas obligé d’être réservé à ceux qui l’inventent et le réinventent et à une poignée d’initiés. L’ambition de cette chronique est, à partir d’exemples développant l’idée d’art en langage, de fournir les outils permettant d’aborder les œuvres qui prennent vie maintenant de façon compréhensible et critique. Peut-être que tout le monde est fou au pays des merveilles; ça ne devrait pas vous empêcher de jouer en apprenant les règles du jeu.

Découvrez le temps d’une ballade à vélo les recoins les plus cachés de Montréal. Au programme: musée Redpath, le Grand Séminaire, Côte-Saint-Antoine, la maison d’enfance de Léonard Cohen, bières... Où? Musée Redpath, 859 Sherbrooke O. Quand? 16h00 à 18h00. Tarif: 10$ Plus d’infos? 514 398 4086

Samedi 15 septembre Nouvelle Musique pour la Tabla (Nord de l’Inde) Les employés de McGill et autres invités vous invitent à cette soirée musicale. Où? New Music Building, 527 Shrebrooke O., Tanna Schukich Hall Quand? 20h00 Tarif: 5$ Plus d’infos? 514 398 4547

Dimanche 16 septembre Documentaire McLuhan’s Wake Venez voir ce documentaire sur l’influence de la technologie sur notre société. Où? L’auditorium du Musée Redpath, 859 Sherbrooke O. Quand? 16h00. Entrée gratuite Plus d’infos? 514 398 4086

Le Délit vous propose World Press Photo Exposition (cf. page 11)

Goya et ses fantômes Cinéma du Parc (cf. page 11)

King Dave

Théâtre la Licorne (cf.. page 14)

Hippocampe

Théâtre Prospero (cf. page 14)


Le lundi seulement, sur présentation de votre carte étudiante dans les magasins participants. *Excluant tabac, alcool, loterie et médicaments. Offre valide jusqu’au 31 décembre 2007. Ne peut être jumelée à aucune autre offre.

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