delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
Le mardi 11 février 2014 | Volume 103 Numéro 15
Marisa Lenetsky & Thomas Baron (on est pas sûr) depuis 1977
Volume 103 NumĂŠro 15
Éditorial
Le seul journal francophone de l’UniversitÊ McGill
rec@delitfrancais.com
Dialogue de sourds? On avait prÊvenu qu’on continuerait de parler d’environnement cette annÊe... Camille Gris Roy Le DÊlit
M
cGill Êtait l’hôte, les 6 et 7 fÊvrier derniers, de la confÊrence PÊtrocultures 2014: le pÊtrole, l’Ênergie et l’avenir du Canada. Le but de la confÊrence: examiner la façon dont le pÊtrole et l’Ênergie façonnent notre identitÊ nationale, indique le site Internet de l’ÊvÊnement. Le congrès Êtait organisÊ par l’Institut d’Êtudes canadiennes de McGill (IÉCM). L’IÉCM organise chaque annÊe une confÊrence sur un thème donnÊ. Par exemple, en 2012, l’ÊvÊnement de l’institut portait sur l’avenir de la justice au Canada. Dans le contexte actuel, le choix du thème de cette annÊe est intÊressant. Le pÊtrole est un grand cheval de bataille de Stephen Harper. Son gouvernement ne manque jamais une occasion de rappeler que l’exploitation du pÊtrole et des sables bitumineux est placÊe en haut de l’Êchelle de leurs prioritÊs. Au QuÊbec aussi, le dÊbat sur le futur de nos ressources, a ÊtÊ relancÊ rÊcemment avec la publication d’un manifeste pour l’exploitation du pÊtrole dans la province, signÊ par des personnalitÊs comme l’ancien premier ministre Bernard Landry. Enfin, inÊvitablement, on ne pourra s’empêcher de penser à la tragÊdie de MÊgantic. Un thème très actuel pour ce congrès, en somme. Plus intÊressant surtout: l’intitulÊ de la confÊrence, qui allie les mots pÊtrole, culture et avenir; l’utilisation en particulier du mot valise pÊtroculture semble en dire long sur l’objet d’un tel congrès. Est-ce que la conclusion qu’on devra tirer de ces discussions, c’est que l’avenir du Canada doit être un avenir de pÊtroculture? C’est-à -dire un avenir qui continuera d’être liÊ à l’utilisation du pÊtrole? Doit-on en dÊduire que la pÊtroculture, ça existe rÊellement? Qu’en est-il dans tout cela du dÊveloppement durable et des alternatives ÊnergÊtiques? Enfin plus intÊressant encore: les confÊrenciers invitÊs. Le congrès avait l’avantage de rÊunir des experts d’horizons diffÊrents -de l’industrie du pÊtrole, comme d’organisations environnementales par exemple- sur des sujets divers (pÊtrole et dÊmocratie, pÊtrole et sÊ-
curitÊ, pÊtrole technologie). Dans la salle principale du Faculty Club Êtaient rÊunies des personnes qui, autrement, ne s’adresseraient pas la parole. L’initiative doit être soulignÊe. Un des invitÊs, Steven Guilbeault d’Équiterre, a affirmÊ au DÊlit lors de la confÊrence qu’il Êtait important d’ouvrir un espace de discussion aux opinions divergentes. Mais inviter des personnes qui ne croient pas à la rÊalitÊ des changements climatiques, comme Ezra Levant? On peut ici en effet questionner la pertinence des personnes invitÊes. Le chroniqueur à Sun News et activiste conservateur Ezra Levant, qui remet souvent en cause les effets de l’activitÊ humaine sur la planète est venu la semaine dernière livrer un discours sur le pÊtrole, auquel il mêlait, en vrac, Arabie saoudite, charia, canards et gÊnocide au Darfour. Analogies très douteuses, comparaisons peu honnêtes; on retiendra surtout le vide abyssal de son exposÊ. Tout ça entre deux chansons de Tim Hus (les classiques : Alberta on my mind, Pipeline‌) Un tel ÊvÊnement n’aura pu aller sans perturbation. Ainsi au matin de la deuxième journÊe de confÊrence, des manifestants ont occupÊ le Faculty Club, sous la bannière #LockOutPetrocultures. Le coÝt de la confÊrence la rendait inaccessible à bien des gens (fait dÊnoncÊ d’ailleurs par GRIPMcGill). On retiendra l’image symbolique de confÊrenciers qui prennent un verre de vin à l’intÊrieur tandis que des groupes Êcologistes protestent dehors. Mais l’ÊvÊnement aura tout de même pu donner de la visibilitÊ à certains groupes, comme Divest McGill, toujours. La confÊrence aura permis une certaine prise de conscience. Divest McGill disait au DÊlit que le groupe tenait à participer aux discussions pour que leur point de vue soit entendu. Au final le congrès a traitÊ de thèmes très intÊressants et surtout très importants. Mais c’est comme si chacun Êtait reparti avec ses propres convictions. Personne n’aura convaincu personne. On aura mis des gens dans une pièce sans qu’ils ne se parlent vraiment. C’est un congrès qui aura fait du bruit. Tout ça pour‌? [
RÉDACTION 3480 SVF .D5BWJTI CVSFBV #t MontrÊal (QuÊbec) H3A 1X9 TÊlÊphone : +1 514 398-6784 TÊlÊcopieur : +1 514 398-8318 RÊdactrice en chef rec@delitfrancais.com Camille Gris Roy ActualitÊs actualites@delitfrancais.com Alexandra Nadeau LÊo Arcay Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Thomas Simonneau Joseph Boju SociÊtÊ societe@delitfrancais.com Côme de Grandmaison Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com ThÊo Bourgery Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com CÊcile Amiot Romain Hainaut Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Claire Launay Anne Pouzargues Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu MÊnard Coordonnatrice des rÊseaux sociaux rÊso@delitfrancais.com Margot Fortin Collaborateurs Thomas Baron, Louis Baudoin-Laarman, LÊa BÊgis, Émilie Blanchard, Virginie Daigle, Ravi Deespres, Julia Denis, Gwenn Duval, CÊline Fabre, Lauriane Giroux, Eugène Holtz, Luce Hyver, Francis Loranger, Charlotte Mercille, Mathilde Michaud, Marine Miglio, ÉlÊonore Nouel, Any-Pier Dionne, Baptiste Rinner, Mai Anh Tran-Ho, Victor Tricaud, HanHan Xue Couverture Image: Pierre Adamczyk Montage: Romain Hainaut BUREAU PUBLICITAIRE 3480 SVF .D5BWJTI CVSFBV #t MontrÊal (QuÊbec) H3A 1X9 TÊlÊphone : +1 514 398-6790 TÊlÊcopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org PublicitÊ et direction gÊnÊrale Boris Shedov ReprÊsentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Lauriane Giroux, Mathieu MÊnard, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Anqi Zhang
Conseil d’administration de la SociÊtÊ des publications du Daily (SPD) Queen Arsem-O’Malley, Amina Batyreva, ThÊo Bourgery, Jacqueline Brandon, Hera Chan, Benjamin Elgie, Camille Gris Roy, Boris Shedov, Samantha Shier, Juan Camilo Velzquez Buritica, Anqi Zhang L’usage du masculin dans les pages du DÊlit vise à allÊger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimÊes dans ces pages ne reflètent pas nÊcessairement celles de l’UniversitÊ McGill.
2 Éditorial
Le DÊlit *44/ FTU QVCMJ� MB QMVQBSU EFT NBSEJT QBS MB SociÊtÊ des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant ÊtÊ auparavent rÊservÊs, incluant les articles de la CUP). L’Êquipe du DÊlit n’endosse pas nÊcessairement les produits dont la publicitÊ paraÎt dans ce journal.ImprimÊ sur du papier recyclÊ format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (QuÊbec). Le DÊlit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
[ le dÊlit ¡ le mardi 11 fÊvrier 2014¡ delitfrancais.com
Actualités actualites@delitfrancais.com
CAMPUS
Une AG pas comme les autres Le quorum est atteint; une première depuis plusieurs années. Théo Bourgery Le Délit
D
ès l’ouverture de la salle de bal du bâtiment Shatner le mercredi 4 février, tout le monde s’accordaitt à dire que, cette foisci, le quorum de l’Assemblée Générale (AG) de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) serait atteint. En effet, quinze minutes après le début de l’assemblée, l’annonce est rendue officielle: cent personnes d’au moins quatre facultés sont présentes dans la salle. L’assemblée a commencé avec la présentation des rapports des membres exécutifs. Parmi les points les plus importants, Brian Farnan, vice-président aux affaires internes de l’AÉUM, est d’abord revenu sur le déficit de 20 000 dollars de Frosh. Il a indiqué que le service de comptabilité de l’association mettrait ses services à disposition pour les années à venir. Stefan Fong, vice-président Clubs et Services, ainsi que Brian Farnan, ont aussi fait remarquer que le lectorat de leurs courriels adressés au corps étudiant avait énormément progressé, «de 40%», d’après Fong. Tyler Hofmeister, vice-présidents Finances et Opérations, a indiqué de son côté que le nombre de participants aux «mini-courses» offerts par l’AÉUM n’avait jamais été aussi haut. «Une réussite», s’est-il exclamé. Enfin, Samuel Harris, viceprésident aux affaires externes
de l’AÉUM, a officiellement annoncé qu’une «consultation étudiante» serait mise sur pied dans les plus proches délais dans l’optique de remettre en question l’adhésion de l’AÉUM à la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ). La controverse a débuté en avril 2013, alors que plusieurs haut-placés de l’AÉUM considéraient l’adhésion à la TaCEQ comme une simple perte d’argent (17 000 dollars par an). Un autre élément perturbateur a été le référendum organisé en janvier dernier par le Regroupement des étudiantes et des étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l’Université de Sherbrooke (REMDUS) quant à son appartenance à TaCEQ. 73.2% de ces étudiants ont voté pour la sortie du groupe étudiant. Trois motions ont été présentées lors de cette AG. La première, mise en avant par la sénatrice de la Faculté des arts Claire StewartKanigan, visait à obliger l’administration à rajouter un paragraphe sur le droit des étudiants sur tous les plans de cours. Selon Stewart-Kanigan, il s’agirait d’indiquer aux étudiants qu’eux aussi ont des droits et ont un pouvoir de contestation. Sans même créer de débat, la motion est passée avec une majorité des votes. Joey Shea, vice-présidente aux affaires universitaires de l’AÉUM, ainsi que Kate Sheridan, sénatrice de la Faculté d’arts et sciences, ont ensuite présenté un projet visant à rendre les informations à propos des cours accessibles avant le
premier jour du semestre. Dans la même optique, toutes les deux ont indiqué que ces informations devraient être accessibles à tous, même lorsque l’étudiant n’est pas inscrit dans le cours en question. Selon Shea, cela permettrait aux étudiants «de s’organiser avant le début de la session», plutôt que de se retirer d’un cours déjà commencé, durant la période d’«add and drop». La motion a été adoptée sans question ni débat. Enfin, la présidente du Plumbers’ Philarmonic Orchestra (PPO) a présenté une motion, introduite par pétition, qui visait à ce que «la liberté vestimentaire ne [soit] pas enfreinte sur le territoire de l’AÉUM». Afin de respecter ce droit, «les vêtements individuels peuvent être considérés inéquitables et donc bannis [mais] ceci sera déterminé au cas par cas». Un véritable débat a suivi la présentation –alors que l’idée semblait bonne pour beaucoup, sa mise en place laissait à désirer. Shea a d’ailleurs très clairement mis les points sur les i, en demandant: «Considérez-vous que payer des personnes pour policer les habits de tous les étudiants soit une dépense nécessaire?» D’autres ont repris la même idée, indiquant que l’organisation d’une telle motion serait bien trop compliquée, coûterait trop cher, et ne serait pas une mesure populaire. Cependant, lors du vote, une majorité d’étudiants (apparemment silencieux pendant la période de débat) ont voté pour la motion, avec beaucoup de votes contres et d’abstentions. [
UNE AUTRE FAÇON
D’ÉTUDIER. L’étudiant à la maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats Martin Leclerc, lors d’un séjour de recherche au nord du Saguenay–Lac-St-Jean. Photo : Francis Taillefer
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POLITIQUE INTERNATIONALE
Crise, squat et émigration Quel avenir pour les jeunes espagnols? Louis Baudouin-Laarman Le Délit
L
a crise, le chômage, les jeunes. Ces trois mots semblent aller de pair depuis le début de la récession en 2008, dont certains pays ont été épargnés et dont d’autres commencent à voir la fin. En Espagne cependant, l’amalgame reste très réel, avec un taux de chômage juvénile (15-25 ans) de plus de 50%, soit quasiment le double de la moyenne nationale (27% en 2013), et bien au-dessus de celle des autres pays touchés par la crise. Outre les retombées économiques que cela implique, c’est tout le paysage social et la culture des moins de 30 ans qui en sont affectés. Études longues et spécialisées Le chômage en Espagne, comme dans beaucoup de pays, touche surtout les populations ayant moins d’expérience professionnelle, c’est-à-dire principalement les jeunes. Cette absence d’opportunités économiques dans le monde du travail a beaucoup changé la sphère universitaire, qui a vu ses étudiants rester plus longtemps, et se spécialiser plus, à coup de maîtrises, de doctorats ou simplement de changement de parcours. Juan Gutiérrez Martinez, délégué à la jeunesse à la mairie de Grenade (Partido Popular, droite), témoigne au Délit qu’en effet, «une fois que la crise a commencé, beaucoup de jeunes ont commencé à augmenter et élargir leur formation». De la même façon, on assiste à un intérêt croissant pour certaines spécialisations qui pourraient mieux préparer les étudiants espagnols au marché du travail, en particulier les langues, un atout pour augmenter ses opportunités à l’étranger si le chômage dure trop. Et pourtant, même avec une génération plus éduquée, plus spécialisée et plus préparée économiquement, trouver du travail reste très difficile voire impossible. Cette difficulté des jeunes espagnols, diplômés ou non, à trouver du travail a provoqué un autre phénomène social en Espagne, que Gutiérrez Martinez définit comme «un recul brutal de l’âge d’émancipation». En effet, sans travail ou autre source de revenus stables, les jeunes espagnols, à l’instar des jeunes d’autres pays en crise, se voient obligés de rester plus tard dans le nid familial, dépendant du salaire de leurs familles. Un diplôme universitaire n’est plus une garantie de pouvoir subvenir à ses besoins économiques, d’où le choix de nombreux jeunes de prolonger leur séjour au sein du domicile familial. Cependant, la prolongation du temps chez les parents a un effet atténuant sur la société espagnole: une certaine solidarité familiale et communautaire face à la crise et ses effets négatifs. En Espagne, la
4 Actualités
famille et la communauté constituent un filet qui permet un certain détachement des problèmes économiques. Selon Paula, étudiante de Barcelone, «même en restant sans travail, on sait qu’il y aura
versité sans pour autant qu’ils puissent trouver un travail, une réalité assez courante en temps de crise, qu’au manque d’intérêt de toute une génération envers les études post-secondaires.
ginalisés par la société, auxquels s’ajoutaient d’éventuels militants politisés, le squattage en Espagne a augmenté et est aujourd’hui presque normal. Maintenant, on peut voir des familles touchées
Luce Hyver / Le Délit
«Et pourtant, même avec une génération plus
éduquée, plus spécialisée et plus préparée économiquement, trouver du travail reste très difficile, voire impossible.»
toujours quelqu’un pour nous aider, les gens sont généreux». Mythe de la «génération ni-ni» Par contraste avec les jeunes espagnols surdiplômés, les médias espagnols parlent souvent de la «génération ni-ni» ou, ni trabaja ni estudia, c’est-à-dire la portion des jeunes espagnols qui ne travaillent pas et n’étudient pas non plus. Face à la difficulté de trouver un emploi même avec une éducation universitaire, beaucoup de jeunes en Espagne décident de ne pas dépenser au risque de perdre leur temps et surtout leur argent pour l’obtention d’un diplôme qui pourrait se révéler inutile. Quand ces derniers ne trouvent pas d’emploi, ils tombent dans la catégorie ni-ni, qui est l’équivalent de l’acronyme anglais NEET («not in employment, education or training»), ce qui représentait 23% des 15-30 ans en Espagne en 2013. Cependant, cette proportion relativement grande des jeunes sans activité s’apparente plus à une tendance sociale que générationnelle. Pour Omar, étudiant de Malaga «certains jeunes n’avaient pas la préparation nécessaire pour l’université, et n’ont pas eu d’opportunité de travail». En effet, la génération ni-ni semble être plus due à des difficultés économiques qui empêchent certains d’aller à l’uni-
«Occupa», nouveaux squatteurs Face aux difficultés économiques, au manque d’emploi et de ressources, de nombreux Espagnols n’hésitent pas à s’installer dans des maisons vides ou abandonnées, un phénomène qui s’est amplifié avec la crise, jusqu’à en devenir un mouvement appelé «Occupa». Il est important ici de faire une parenthèse sur la différence entre les «Occupas» espagnols et le mouvement «Occupy» de Wall Street d’il y a deux ans. La proximité des deux noms facilite l’association entre les deux mouvements, bien qu’ils soient très différents. Le mouvement «Occupy», une critique du système économique, politique et social mondial actuel à travers l’occupation durant plusieurs mois de places publiques dans de nombreuses villes du monde a son équivalent européen sous la forme des Indignés, ou Indignados en Espagne. Le mouvement qui nous intéresse, celui des «Occupas», est l’équivalent en Espagne des squatteurs. On parle en Espagne de ce phénomène assez commun comme d’un mouvement, car en effet, depuis la crise, cette pratique s’est répandue et élargie jusqu’à inclure de nombreux et divers profils sociaux, dont des militants qui en ont fait un mouvement politique, quoique sans grande coordination. À l’origine du phénomène, des individus sans ressource et mar-
par la crise en tant qu’«Occupa», ou bien des jeunes ayant perdus leur travail et sans ressource, ce qui change beaucoup le profil du mouvement et sa perception par la société espagnole. Selon Helena Sanchez, porte-parole du Comité des Immigrants espagnols de Montréal: «maintenant, la société ne les voit plus comme des anarchistes ou des radicaux qui vont tout détruire, ils comprennent que ce sont des familles normales qui n’ont absolument rien.»
«Depuis peu, tout
Espagnol résidant depuis plus de 3 mois hors d’Espagne perd ses droits aux services publics tel que la sécurité sociale.»
À la grande nombre d’Espagnols en difficultés économiques dues à la récession s’ajoute la crise immobilière, qui fournit à ces derniers de nombreux bâtiments ou appartements vides et abandonnés. Les secteurs de l’immobilier et de la construction, qui étaient en plein boum avant la crise, se sont par la suite effondrés. Ceci a provoqué d’une part une grande augmentation des loyers pendant que les emplois disparaissaient, d’où l’augmentation des gens dans le besoin, et, d’autre part, l’abandon de nombreux bâtiments en construction ou plus rentables, ce qui fournit à ceux dans le besoin de nombreux espaces vides. En théo-
rie, le squattage est illégal puisqu’il s’agit d’occuper une propriété privée sans payer, mais en pratique, la législation espagnole ainsi que le nombre grandissant de squatteurs rendent toute expulsion très lente, jusqu’à quelques années dans certains cas. Le salut dans l’émigration Pour les jeunes espagnols qui ne souhaitent ni accepter un emploi en-dessous de leurs qualifications, ni rester chez leurs parents par manque de ressources ou encore occuper un quelconque bâtiment abandonné, il ne reste qu’une solution, qu’ils sont de plus en plus nombreux à choisir depuis la crise: émigrer. Le solde migratoire espagnol a baissé ces dernières années, jusqu’à devenir négatif en 2012, c’est-à-dire que plus de gens sont partis d’Espagne qu’il n’en est rentré (125 000 plus précisément). Ces chiffres sont le reflet des nombreux jeunes diplômés partis chercher des opportunités économiques ailleurs. Généralement, ce sont les plus diplômés et les mieux préparés qui quittent l’Espagne, d’où l’attrait pour les études de langues à l’université. Cependant, tous les étudiants ne partent pas, et l’on remarque des tendances selon les facultés. Gutiérrez Martinez remarque que « ceux qui ont une très bonne formation sont nombreux à s’en aller, surtout ceux des sciences et d’ingénierie, beaucoup moins en lettres». En Amérique du Nord ou en Europe du Nord, tout est bon pour échapper au chômage, mais l’augmentation des émigrations depuis l’Espagne a eu des conséquences sur la politique intérieure qui affectent les Espagnols même hors de leur pays. Depuis peu, tout Espagnol résidant depuis plus de 3 mois hors d’Espagne perd ses droits aux services publics tel que la sécurité sociale, une réforme du Partido Popular destinée autant à économiser de l’argent qu’à garder les jeunes diplômés en Espagne. Quoi qu’il en soit, ils sont nombreux à souhaiter revenir, selon Helena Sanchez, car avec l’immigration vient un changement de statut dans le pays d’accueil, souvent pour le pire. [ Un atelier sur les impacts de la crise économique en Espagne aura lieu mardi à 18h au Old Chancellor Hall dans le cadre des journées de la justice sociale organisées par QPIRGMcGill. Consultez le site de QPIRG-McGill pour obtenir toutes les informations sur les ateliers et conférences organisés pour la semaine de la justice sociale. L’entrevue vidéo intégrale avec Helena Sanchez, porte-parole du Comité des Immigrants Espagnols de Montréal, est disponible en ligne sur le site du Délit.
[ le délit · le mardi 11 février 2014 · delitfrancais.com
CAMPUS
b-Shack
Bourdonnement d’initiatives sur le campus MacDonald. Alexandra Nadeau Le DÊlit
R
Êaliser un projet architectural original, de la conception des plans jusqu’à la construction sur le terrain? Connu sous le nom du b-Shack, voici le projet initiÊ par un groupe d’Êtudiants en architecture de l’UniversitÊ McGill. Ce nouveau pavillon qui devrait voir le jour en mai 2014 sur le campus MacDonald s’inspire d’une ruche pour l’Êlaboration de son design. Le visiteur pourra ainsi avoir le sentiment de ne pas être qu’un simple observateur, mais bien un rÊel acteur en ayant cette impression d’entrer dans une ruche, comme l’explique Étienne SÊdillot, Êtudiant à la maitrise en architecture à McGill et membre de l’Êquipe du b-Shack. Une fois construit, le pavillon servira de quartier gÊnÊral pour les divers acteurs en apiculture de McGill. On y trouvera trois ruches en exposition et plusieurs activitÊs d’Êducation et de sensibilisation y seront organisÊes dans le but de conscientiser la population quant à la rÊalitÊ critique des abeilles qui souffrent du syndrome d’effondrement des ruches, dit Étienne. Le b-Shack pourra accueillir environ 12 personnes assises. L’Êquipe du b-Shack est composÊe presque uniquement d’Êtudiants en architecture, mais aussi en ingÊnierie et urbanisme, avec la collaboration de Maria Mingallon, qui est une professeure-adjointe, ingÊnieure pour ARUP. Le projet est donc supervisÊ, mais demeure une initiative Êtudiante. C’est donc une bonne opportunitÊ pour les Êtudiants de prendre en main un projet et de le mener à terme. C’est un des [points] qui m’a attirÊ vers le projet; c’est une des seules opportunitÊs dans le curriculum de justement mener un projet à bout et de voir la rÊalisation bâtie, dit Étienne. Le b-Shack a ÊtÊ rÊalisÊ avec la collaboration du club d’apiculture de McGill. En entrevue avec Le DÊlit, Evan Henry, prÊsident du club d’apiculture de McGill
se dit très content de la rÊalisation de ce nouveau pavillon sur le campus Macdonald. Il dit que le club d’apiculture avait grandement besoin d’un endroit pour ses activitÊs, et qu’il est important d’avoir un lieu pour rassembler les gens autour de la problÊmatique des abeilles. Les plans du b-Shack sont donc presque terminÊs, et il ne reste plus qu’à trouver le financement nÊcessaire pour bâtir le fameux pavillon. L’Êquipe du bShack a par ailleurs lancÊ une campagne sur Indiegogo qui s’est terminÊe fin janvier et qui lui a permis d’amasser environ 2 000 dollars. Ce n’est pas encore assez, constate Étienne. L’Êquipe tente de plusieurs façons de rÊcolter l’argent nÊcessaire pour idÊalement terminer la construction du b-Shack en mai. Le fond de dÊveloppement durable de McGill contribue aussi au financement du b-Shack, et le FARMM (Facility for Research in Media and Mediation) versera aussi un montant à l’Êquipe. De l’importance des abeilles Un tiers de ce qu’on mange provient de la pollinisation des abeilles, dit Étienne. Il explique que les raisons qui expliquent la mort de tant d’abeilles ne sont toujours pas confirmÊes, mais qu’il demeure primordial de sensibiliser les gens sur ce problème. Evan Henry, d’Apiculture McGill, explique que les abeilles sont nÊcessaires pour la productivitÊ des champs d’agriculture, mais qu’en même temps, ce sont ces champs remplis de pesticides qui pourraient être à l’origine de l’augmentation du taux de mortalitÊ des abeilles. De retour à leur ruche, les abeilles emmèneraient avec elles non seulement du nectar, mais aussi des produits toxiques qui les contamineraient. Les monocultures aussi peuvent être à la source de la disparition des abeilles, car elles sont plus vulnÊrables si un parasite s’attaque à la culture. Evan croit donc que le bShack est nÊcessaire pour tenter de mobiliser les gens sur cet enjeu.
HanHan Xue
Reprendre son espace Y a-t-il beaucoup de projets menÊs par les Êtudiants à McGill? Les ressources sont là , je crois que c’est aussi beaucoup aux Êtudiants d’aller les chercher, constate Étienne SÊdillot du bShack. Chuck Adler, directeur du campus and space planning de McGill, dit pour sa part que la participation Êtudiante dans les projets de McGill sur le campus augmente de plus en plus d’annÊe en annÊe. Il reconnait toutefois que ce n’est pas facile d’avoir une idÊe, puis d’en faire une proposition, pour ensuite rencontrer les ressources pour finalement rÊaliser un projet. Ça dÊpend de l’Êchelle du projet et de l’impact de ce projet [‌]. Pour avoir des ressources, on doit prÊsenter des projets vraiment intÊressants, car on [est en compÊtition] avec beaucoup d’autres gens qui rÊalisent d’autres projets [à McGill]. Les ressources sont plutôt rÊparties au cas par cas, souligne Chuck. Si la rÊalisation concrète d’un projet Êtudiant comme le b-Shack n’est peut-être pas largement rÊpandue à McGill, elle n’est pas la seule. En effet, Émilie Langlois, Vincent Charles Allaire et Gabriel Damant-Sirois, Êtudiants à la maitrise en urbanisme à McGill, sont tous membres du nouveau groupe McGill Space Project (MSP). Ils expliquent en entrevue avec Le DÊlit que le but du MSP est de rÊaliser des installations temporaires, voire spontanÊes, ou permanentes sur le campus afin de se rÊapproprier l’espace. Le fond de dÊveloppement durable de McGill a approchÊ la facultÊ d’urbanisme de McGill car ils trouvaient qu’il n’y avait pas assez de projets qui Êtaient à vocation de dÊveloppement durable par rapport à l’espace, explique Émilie. Ils voulaient vraiment rÊgler le problème des espaces morts, des non-lieux sur le campus, poursuit-elle. Quelques projets sont prÊsentement en dÊveloppement: le musical chair, un concept de musique de rue pour rÊaliser des performances musicales ambulantes sur le campus, ainsi que la rÊappropriation et le rÊamÊnagement de la guÊrite inutilisÊe à l’entrÊe du portail Roddick sur la rue Sherbrooke. Ça montre comment l’espace est sous-utilisÊ à McGill, parce que c’est l’entrÊe principale du campus, et il y a une guÊrite vide et abandonnÊe, constate Gabriel. On entend souvent dire à McGill qu’il manque d’espace, mais ce qu’on rÊalise en fait c’est qu’il y a beaucoup d’espaces qui sont sous-utilisÊs. En rÊ-imaginant ces espaces-là , on pourrait vraiment agir sur l’esprit de communautÊ à McGill et faciliter les interactions sur le campus, dit Vincent. Ce dernier explique que pour le moment, l’Êquipe est en recherche de financement et de gens
intÊressÊs à contribuer au projet. Les gens qui utilisent l’espace tous les jours sont vraiment les meilleurs pour pouvoir aider le MSP, dit-il. Tous les Êtudiants intÊressÊs de McGill sont donc les bienvenus à partager leurs idÊes et à s’impliquer au sein du MSP. Parallèlement aux initiatives prises par les Êtudiants sur le campus, des professeurs viennent tout juste de dÊmarrer le Urban Lab, qui regroupe pour le moment des spÊcialistes et chercheurs travaillant sur des problÊmatiques urbaines. InitiÊ par Sarah Moser et Kevin Manaugh, deux nouveaux professeurs au dÊpartement de gÊographie de McGill, le lab doit être vu comme un concept parapluie qui organisera des
Luce Hyver / Le DÊlit confÊrences [sur les enjeux urbains] et qui pourra aider à trouver des fonds pour certains projets. C’est ce qu’explique Sarah Moser en entrevue avec Le DÊlit. Il y a beaucoup de gens à McGill qui travaillent sur des sujets reliÊs à la ville, et qui proviennent de diffÊrentes disciplines. Le but est de rÊunir tous ces spÊcialistes, dit Moser. Le groupe se concentrera sur les villes dans le monde en gÊnÊral, et pourrait Êventuellement inclure des Êtudiants pour collaborer au projet. [
UNE AUTRE FAÇON
D’ÉTUDIER.
Des infrastructures de haut niveau pour les passionnĂŠs de la mer . ! . "
ismer.ca
Pétrocultures 2014: le pétrole, l’énergie et l’avenir du Canada. Voici le titre de
Romain Hainaut / Le Délit
la conférence annuelle de l’Institut d’études canadiennes de McGill qui s’est déroulée les 6 et 7 février derniers sur le campus, au cercle universitaire de McGill. Événement souhaité par certains, critiqué par d’autres, Pétrocultures a attiré l’attention et soulevé les débats. Cette semaine, Le Délit offre une couverture en profondeur de cet enjeu et des diverses conférences qui ont eu lieu.
À qui appartient notre pétrole? Charlotte Mercille
«C
eux qui possèdent le pétrole sont ceux qui en sont le plus dépendants.» Richard Janda, Professeur associé à la Faculté de droit de l’Université McGill Confidentialité indispensable des accords entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral, droits autochtones et rôle crucial du pétrole dans les finances canadiennes et internationales : voici les trois principaux enjeux soulevés par les conférenciers invités. Ken Chapman, directeur général de Northern Initiatives et ancien président de Oilsands Developers Group relève le fait que la plus grande partie des accords d’exploitation de pétrole avec les communautés autochtones sont de nature «propriétaire», c’est-àdire qu’ils sont contractés par des compagnies privées et motivés pour des raisons commerciales et la compétition grandissante sur le marché. En contrepartie, les Premières Nations revendiquent une plus grande transparence de ces contrats. Chapman n’y va pas par quatre chemins: «le gouvernement lui-même est responsable de signer un pacte acceptable pour les deux parties, et ce dernier doit être un traité international de souveraineté, pas un simple échange commercial entre corporations». Chapman explique aussi que 72% des exploitations de sable bitumineux au Canada appartiennent à des compagnies étrangères, une statistique conférant au pays un pouvoir de négociation au niveau international. Le conférencier avance que la situation pourrait donner l’opportunité au Canada de devenir un exemple, voire une «autorité morale» en matière de développement durable, étant donné que le pétrole est à la fois une denrée rare et la fondation même de l’éco-
nomie mondiale. Ainsi, l’exploitation du pétrole se renouvèlerait comme un catalyseur pour exporter non seulement des ressources, mais des nouvelles normes et valeurs de développement durable qui permettraient à la communauté internationale d’atteindre ses objectifs environnementaux. Scott Vaughan, président et directeur général de l’Institut national du développement durable, ajoute également qu’environ 35% du pétrole produit au Canada l’est à des fins d’exportation. Katherine Koostachin, avocate en droit des autochtones, de l’environnement et des ressources naturelles fait état que les droits des autochtones ne sont pas absolus en vertu de la loi canadienne. En effet, même dans les causes allant jusqu’à la Cour suprême, la Couronne (lire ici le gouvernement fédéral) peut ignorer ces droits au nom de l’intérêt public, ceux économiques inclus. De plus, lorsque le gouvernement octroie à une compagnie pétrolière le droit d’exploiter une partie de son territoire, il lui enjoint également de consulter directement les communautés autochtones touchées, une belle façon pour le Parlement de ne pas porter le blâme de l’ingérence actuelle sur le droit ancestral autochtone. Le droit de veto que les autochtones devraient avoir sur leurs propres terres est ici loin d’être reconnu. Scott Vaughan, argumente dans le même sens en faisant valoir que «les projets les plus intéressants, excitants et innovateurs en matière d’exploitation du pétrole sont ceux où les autochtones sont des partenaires». Quand on sait que le gouvernement fédéral dépense plus de 800 millions de dollars par année en subventions pour le secteur des énergies fossiles, il y a lieu de se demander si une partie de ces fonds ne devraient pas être versées aux relations avec les autochtones. [
Notre culture, une pétroculture? Céline Fabre
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a réponse à cette question a semblé évidente pour Ruth Beer, Stephanie LeMenager et Sheena Wilson, toutes trois professeures d’université. Selon elles, le problème n’est plus de se demander si nous vivons dans une société où les intérêts économiques liés au pétrole ont une importance démesurée, car la réponse est assurément «oui». Elles sont parfaitement conscientes du rôle que le pétrole tient dans la vie sociale, culturelle et politique des Canadiens, et n’ont d’ailleurs pas hésité à énoncer vivement leur vision du problème. Sheena Wilson, professeure assistante à l’Université d’Alberta, souligne qu’il est grand temps d’admettre que nous coexistons dans une pétro-culture pour enfin éveiller la conscience collective. Pour cela, il est tout d’abord essentiel de se poser les bonnes questions. Ruth Beer remet les choses en perspective et demande: «à qui appartiennent les terres dont nous exploitons les ressources? Quels jugements doit-on considérer légitimes lorsque les risques et bienfaits de ces exploitations sont en jeu?» Ces questions rappellent que les intérêts liés au pétrole sont indissociables de réflexions sociales majeures telles que les relations entre autochtones et exploiteurs, et donc le droit de l’un à disposer des terres de l’autre. Au cours de la conférence, Stephanie LeMenager cite un exemple: des gisements de pétroles californiens installés trop près d’habitations et dont la pollution
présente des risques considérables pour les habitants des environs. À son tour, Sheena Wilson touche un problème tout autre en dénonçant la dédramatisation des contestations liées aux problèmes environnementaux et l’importance que jouent les médias dans ce combat. Mais comment faire évoluer cette culture où l’énergie prend plus de valeur que l’individu? Du discours de chacune des invitées s’échappe un optimisme encourageant qui évoque, à l’avenir, les potentielles directions à prendre. Toutes insistent sur les notions d’échange et de collaboration. Ainsi, en étant plus à l’écoute et en facilitant le dialogue, il serait possible de s’orienter vers une utilisation et une extraction plus judicieuse des énergies dont nous disposons. D’après Madame Beer, l’art représente un moyen particulièrement efficace de communiquer l’importance de remettre en question ce qui semble aller de soi, de produire une incertitude. Son projet artistique «Trading Routes» a pour objectif la recherche et la création dans une optique de reconsidération de la nature et de ses ressources. Pour sa part, à travers son dernier livre «Living Oil: Petroleum Culture in the American Century», Stephanie LeMenager, décortique l’histoire du pétrole et son omniprésence pour prôner une transition vers des énergies renouvelables. Après avoir posé des questions et énoncé leurs opinions, les trois invitées proposent une alternative et rappellent qu’il est crucial d’alimenter le débat concernant l’exploitation et l’utilisation du pétrole, un enjeu contemporain fondamental. [
Les sables bitumineux, un pétrole sécuritaire? Margot Fortin Le Délit
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cène inusitée à l’issue des allocutions des trois personnes invitées à l’atelier intitulé: «Notre pétrole est-il sécuritaire?», alors que la modératrice de l’événement, Désirée McGraw, s’est permis un camouflet à l’endroit du controversé activiste conservateur albertain Ezra Levant et de la faible valeur scientifique de son propos. «Oui, je suis biaisée en faveur de la science. Ainsi soit-il», a-t-elle lancé. Quelques minutes plus tôt, Levant avait tenté de convaincre la foule du caractère éthique de l’exploitation des sables bitumineux, qui, selon lui, équivaut au «café
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équitable» de la production de pétrole mondiale. Pour sa part, le directeur d’Équiterre Steven Guilbeault y est allé de plusieurs pointes à l’endroit du gouvernement conservateur, rappelant qu’en 2012, le ministre canadien de l’Environnement Peter Kent avait rencontré des lobbyistes de l’industrie du pétrole à 48 reprises tandis qu’il n’avait accepté de rencontrer les militants écologistes qu’à une seule occasion. La cofondatrice et directrice de PowerUp Canada Tzeporah Berman a abondé dans le même sens, y allant également d’un vibrant plaidoyer pour la liberté de la presse, des activistes et des scientifiques qui œuvrent sur la question environnementale au Canada.
[ le délit · le mardi 11 février 2014 · delitfrancais.com
Les invités se sont aussi attardés sur la question du fardeau de la responsabilité en matière environnementale. «Nous sommes tous responsables collectivement, donc nous devons sortir de cette situation collectivement. Cependant, il est clair que les pays industrialisés portent davantage le fardeau», a avancé Steven Guilbeault. Comme pour faire écho à ce constat, Ezra Levant a souligné l’ironie de demander aux citoyens de pays émergents d’abaisser leur niveau de vie en deçà du nôtre alors même que les pays industrialisés ont profité de l’absence de réglementation pour accélérer leurs propres développements. Se prononçant sur divers projets de pipelines (Keystone XL, Enbridge Northern
Gateway, etc.), Steven Guilbeault et Tzeporah Berman ont rappelé les risques de désastres écologiques encourus et l’inutilité de ces projets pour les Canadiens. «La chose que les compagnies pétrolières et le gouvernement conservateur ne veulent pas que vous sachiez, c’est que la consommation de pétrole est en diminution. Le seul but de ces projets est de faire du profit en exportant», a affirmé Steven Guilbeault. Finalement, Tzeporah Berman a conclu son allocution en lançant un message clair à l’Université McGill: «le désinvestissement n’est plus une idée marginale. Il n’est question que de 5% de vos investissements. Vous pouvez et vous devez le faire.» [
#Lockoutpetrocultures Margot Fortin Le Délit
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a deuxième et dernière journée de la grande conférence «Pétrocultures» a été perturbée, tôt vendredi matin, par la présence de manifestants à l’intérieur du Cercle universitaire de McGill («Faculty club») sur la rue McTavish. Ayant investi les lieux quelques minutes avant le début des inscriptions, le groupe de militants est parvenu à empêcher l’accès aux participants durant plus d’une heure en bloquant les portes principales de l’édifice. Dans la foulée de l’occupation, une bannière a été déroulée depuis le toit du bâtiment. Il était possible de lire la phrase «Shut Down the Tar Sands: Décolonisons», accompagnée du mot-clic «#lockoutpetrocultures». Dans un communiqué publié sur Internet, le groupe ne s’est revendiqué d’aucune appartenance particulière, indiquant simplement que leur action s’inscrivait «en solidarité avec les activités de perturbations des projets d’extractions et de pipelines à travers l’Île de la Tortue». Le terme «Turtle Island» est généralement utilisé par des activistes autochtones et par des environnementalistes pour référer au territoire de l’Amérique du Nord. Bien que la police ait initialement été appelée sur les lieux, des agents de sécurité de l’université leur aurait signifié qu’ils préféraient gérer eux-mêmes la situation. Dans l’attente d’un dénouement à la situation, les participants et les invités à la conférence ont graduellement été relocalisés vers l’édifice Redpath. Sous l’œil indifférent des passants et des curieux, le controversé activiste conservateur Ezra Levant, qui devait prononcer une allocution à la conférence, a profité de la confusion pour se lancer dans une tirade sur la liberté d’expression depuis le balcon du Faculty Club, affirmant qu’il était injustifié d’empêcher la tenue d’un événement d’envergure pour accéder aux revendications de «deux végétariens et d’un anarchiste». Le provocateur activiste albertain a par la sui-
te confié au Délit avoir vécu son «moment Charles de Gaulle» en s’adressant ainsi à la population depuis un balcon montréalais. Rien n’indique que les manifestants étaient des étudiants de McGill. Plusieurs militantes du groupe Divest McGill étaient d’ailleurs présentes pour la conférence. L’une d’entre elles, Amina MoustakimBarrette, a affirmé au Délit que son association tenait à exprimer sa solidarité avec les protestataires, mais que ces membres jugeaient tout de même important de participer à la conférence afin de s’assurer que leur point de vue soit représenté. Les activistes de Divest McGill ont d’ailleurs été très actives lors des périodes de questions. Questionné par Le Délit au sujet des perturbations, le cofondateur et porte-parole d’Equiterre Steven Guilbeault a mentionné qu’il était important d’ouvrir un espace de discussion aux opinions divergentes, tout en ajoutant d’un même souffle que les organisateurs de la conférence auraient peut-être mieux fait de ne pas inviter certaines personnes, notamment celles qui s’évertuent à semer le doute quant à l’existence des changements climatiques. En effet, le chroniqueur Ezra Levant, auteur du livre Ethical Oil: The Case for Canada’s Oil Sands, remet régulièrement en question les preuves scientifiques qui tendent à démontrer l’impact néfaste des émissions de gaz à effet de serre. Pour sa part, la principale de l’Université McGill Suzanne Fortier a admis au Délit sa déception devant la tournure des événements, rappelant avec insistance que les organisateurs de la conférence ont fait des efforts considérables pour s’assurer que chaque point de vue soit bien représenté durant les deux journées. Croyant vraisemblablement la conférence relocalisée pour de bon, les militants ont cessé leur occupation et ont quitté le Faculty Club un peu après neuf heures, permettant ainsi aux participants de réintégrer les lieux. Les activités ont donc pu reprendre, mais non sans retard et sans alimenter les débats pour le reste de la journée. [
CHRONIQUE
Divest McGill a organisé une contre-conférence à l’extérieur du cercle universitaire de McGill le vendredi 7 février. Le Délit a réalisé une couverture vidéo de l’événement, à voir sur www.delitfrancais.com
Pétrocratie Alexandra Nadeau Le Délit
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es «pays pétroliers» sont-ils considérés moins démocratiques que les autres? Le Canada brime-t-il la voix de ses citoyens pour réaliser ses projets d’exploitation pétrolière? Si les partis politiques n’exercent pas toujours une censure explicite, les experts de la conférence «Notre démocratie, une pétro-démocratie?» expliquent toutefois que plusieurs stratégies plus subtiles sont utilisées par les élites politiques pour arriver à leurs fins. En effet, les gouvernements manipulent les citoyens en invoquant l’argument du nationalisme et de la construction de l’identité canadienne, comme le démontre Darin Barney, professeur à McGill et titulaire de la chaire de recherche du Canada en technologie et citoyenneté. Monsieur Barney dit que l’entrave aux projets d’exploitation des énergies fossiles est la contestation sociale et politique des citoyens de divers horizons, ce qui entraîne un certain degré d’incertitude quant à la réalisation de ces projets. «Les capitalistes détestent l’incertitude. Et c’est là que le nationalisme arrive», dit-il. Par exemple, le nationalisme économique est utilisé pour rassembler les gens autour des projets pétroliers en donnant comme message que «les gains financiers seront bénéfiques pour tous les Canadiens». Le docteur Barney croit plutôt que ce sont les coûts de telles exploitations qui sont partagés entre tous les citoyens. Un autre exemple est le nationalisme culturel, qui véhicule une identité basée sur l’idée que tous les Canadiens exploitent les ressources
naturelles. Ceci a pour effet d’exclure tous ceux qui ne se perçoivent pas ainsi et qui ne sont pas en accord avec cette exploitation. «Il est peut-être temps de se demander qui nous sommes et ce que nous sommes en train de faire?» commente Monsieur Barney. Il conclut en disant que ces stratégies de nationalisme sont «désespérées et qu’elles échouent», et que ceci est probablement «la meilleure des nouvelles». D’un point de vue plus pratique, Mary Janigan, journaliste et auteure, explique que les pays qui font beaucoup de profit avec l’exploitation des ressources naturelles n’ont pas autant besoin de taxer leurs citoyens pour pouvoir assurer leurs dépenses. La place du citoyen est ainsi réduite au sein de l’État, et les gouvernements ont également les moyens de faire taire l’opposition. Madame Janigan explique que même si l’exploitation des ressources naturelles ne représente que 6% du produit intérieur brut du Canada, cette exploitation affecte tout de même la qualité de notre démocratie. Une membre de Divest McGill résume lors de la période de questions qu’il faut agir au niveau politique et social pour changer notre rapport au pétrole. Elle interroge Gerald Butts (modérateur de la conférence) qui siège au Conseil des gouverneurs (Board of Governor – BoG) de McGill sur la raison pour laquelle le BoG n’a pas voulu se désinvestir des énergies fossiles en 2013 pour montrer la voie du changement. Monsieur Butts n’a pas voulu répondre à la question, mais Darin Barney a pour sa part salué les initiatives de Divest McGill et a conclu qu’il est «nécessaire de faire bouger les choses et parfois de manière dérangeante pour que ça fonctionne». [
Changez l’oppresseur: du politique au pétrole
Mathilde Michaud | Retour dans le temps
1867. C’EST LA CONFEDERATION. L’union canadienne reçoit enfin une part d’indépendance qu’elle avait demandée. Les Canadiens ne sont cependant pas les seuls à être affectés par la nouvelle unité politique qu’a créée la mère patrie. Les nations autochtones, surtout celles de l’Ouest, en sont les grandes perdantes, et leurs malheurs ne font que commencer. Placés dans
des réserves, réduits au statut d’enfant aux yeux de la loi, privés de leurs principales sources de revenus, la situation de ceux qu’on appelle Indiens ou encore Sauvages selon la Loi sur les Indiens de 1876 n’est pas bien plus enviable que celle de leur voisins noirs du sud. Mais tout ça, c’est du passé bien évidemment. En êtes-vous si sûrs? Il me semble que les 5exemples démontrant le contraire pullulent. Arrêtons-nous simplement à la situation des Premières Nations d’Alberta. Cette chère Alberta, poumon économique de notre beau pays… Et si cette économie était justement la cause de bien des maux? 45 Premières Nations, réparties dans 140 réserves vivent sur le territoire de l’Alberta, la grande majorité desquelles se situent dans le Nord de la province, hôte principale de la grande industrie des sables bitumineux. Ces territoires, si on se réfère aux nombreux traités qui ont été signés entre les autorités coloniales et les chefs autochtones au cours des derniers siècles, leur appartiennent. S’ils sont utilisés pour l’exploitation pétrolière, c’est donc nécessairement que les communautés autochtones ont donné leur approbation. Vous y croyez,
vous? Pas moi! Ça ne m’a pris que quelques appels pour confirmer mon impression. Au bout du fil, à l’autre bout du pays, Quetzala Carson, graduée d’Études des Premières Nations à l’Université d’Alberta et militante pour les droits autochtones explique comment les consultations se déroulent vraiment. «Ce qu’ils cherchent, c’est une poignée de voix qui portent leur message et une fois qu’ils l’ont, ils partent aussi rapidement que possible […] Il y a une tradition dans la plupart des cultures amérindiennes selon laquelle chaque décision doit être prise en considération des sept prochaines générations. C’est tout sauf pris en considération par le système consultatif». Plus encore m’explique-t-elle, les communautés ne sont pas seulement exclues du système de consultation, leurs traditions et modes de vie sont aussi décimés par l’exploitation des ressources pétrolières. «Certaines communautés utilisent une plante spécifique pour soigner une maladie spécifique et elles ne peuvent plus la trouver car les compagnies les ont relocalisées sur de nouveaux territoires». Bien sûr, beaucoup d’argent de même que des emplois sont offerts aux commu-
nautés en dédommagement, mais à cela Quetzala répond: «ils ne demandent pas à nos enfants s’ils veulent se départir de leurs traditions, et de ce sur quoi leur communauté a grandi génération après génération, pour de l’argent à court terme. Ils ne font que demander à ceux qui leur donneront la réponse qu’ils veulent entendre et le reste de la communauté est ignorée, qu’elle se battent ou non». Nous parlons ici de l’exemple le plus probant d’infraction aux droits d’une population; de la situation où les implications sociales de cette immense industrie sont les plus visibles. Mais est-ce réellement le seul? L’éducation, les relations médiatiques, l’immigration, les services sociaux, tout en Alberta est affecté par cette grande industrie, et pas dans la plus positive des manières. Je m’arrêterai ici, car je pourrais vous en écrire un livre entier, mais posezvous un instant en prenez le temps d’y réfléchir. Prenez quelques instants pour vous demander si c’est vraiment ce pétrole, sale autant environnementalement que socialement, que vous voulez voir arriver jusqu’ici à travers une pipeline dont la sécurité laisse à désirer. [
Actualités
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Société societe@delitfrancais.com
#RoulezJ
Un groupe de jeunes souhaite rafraîchir la ci Théo Bourgery & Julia Denis
«O
n parle beaucoup du désintérêt des jeunes pour la politique» s’écrie Pierre Cazeneuve, fondateur du parti Allons Enfants, au micro de Radio France le 4 février dernier. «Nous voulons redynamiser [Saint-Cloud], lui donner une seconde jeunesse, mettre des jeunes au Conseil municipal». L’initiative a de quoi faire parler d’elle: un groupe de 35 jeunes dont la moyenne d’âge est 21 ans, un programme basé sur la culture et le sport, l’environnement, ou encore le «2.0». Considérant la voix de la jeunesse comme cruciale, leur but est de s’assurer que leurs idées soient entendues par le maire rentrant lors des élections municipales, les 23 et 30 mars 2014. En plus d’être énergiques, les jeunes ont la tendance d’être beaucoup plus imaginatifs et innovants – en sortant des «sentiers battus», comme le dit Morane Shemtov, membre exécutif d’Allons Enfants. Qu’en est-il de ce parti? Les idées sont rafraîchissantes, et se doivent d’être sérieusement prises en compte par le nouveau maire, qu’il soit de droite comme de gauche. D’ailleurs, ils ne briguent pas le poste; ils souhaitent juste être pris en compte, et que leur voix soit entendue dans le débat politique. Entrevue avec deux des membres exécutifs du parti «apolitique» Allons Enfants, qui cherchent à révolutionner les politiques jeunesse, en rentrant dans le jeu incertain des élections démocratiques. ENTRETIEN: Le Délit: Qu’est-ce que Allons Enfants, et quel est le but de l’organisme? Morane Shemtov: Allons Enfants est une liste apolitique, formée de 35 jeunes qui ont entre 18 et 25 ans. Elle a pour but final de se présenter aux élections municipales, dans la ville de Saint-Cloud (en Ile-de-France) qui se dérouleront en France les 23 et 30 mars prochains. L’idée principale de Allons Enfants, c’est avant tout de dynamiser SaintCloud et de lui apporter –on aime beaucoup le dire– un second souffle, un peu de vie et d’esprit jeune. LD: Vous parlez de «second souffle». Il consiste en quoi? MS: Je ne sais pas si vous le savez mais on dit souvent que Saint-Cloud est «une ville de vieux». Donc un second souffle ce serait justement de casser ce préjugé et pouvoir dire que Saint-Cloud n’est pas une ville de vieux. Pour reprendre l’expression, on veut montrer que c’est une ville qui a un nouveau souffle, qui a de la vie, qui est conviviale, qui est amicale, qui est talentueuse, et cela grâce à ses jeunes. LD: En tant que jeune, avez-vous vraiment une légitimité à vous présenter à des élections municipales? Après tout, vous en êtes tous à votre pre-
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mière ou deuxième année d’étude ; certains d’entre vous sont toujours au lycée… Mehdi Rédissi: Il faut savoir que nous ne visons pas les 50%. On ne veut pas être maires de Saint-Cloud; on vise juste ne serait-ce qu’un siège pour que les jeunes de Saint-Cloud soient entendus. MS: La légitimité qu’on peut avoir en se présentant aux élections, elle est dans ce que l’on propose et revendique: ce ne sont que des problématiques qui concernent les 18 à 25 ans (comme la création d’espaces dédiés à la jeunesse, l’implication dans un festival organisé chaque année à Saint-Cloud, «Rock en Seine», la création d’un incubateur de start-ups par exemple, ndlr). Les solutions que nous mettons en avant dans notre programme, elles sont légitimes puisque c’est grâce à notre expérience personnelle en tant que jeunes que nous avons pu les trouver. LD: La question peut paraître idiote mais la voix des jeunes est-elle vraiment si importante que ça, en politique comme dans d’autres secteurs? MS: Personnellement, je considère que la voix des jeunes est ultra importante en politique. LD: Mais pourquoi? Quand on y pense, les jeunes n’ont aucune expérience, ils ne sont pas spécialisés dans leur milieu … Peut-on donc dire que la voix des jeunes est pertinente? MS : Je vais prendre l’exemple de notre campagne c’est très simple. On a eu cette semaine des gens qui nous ont dit: «je ne devrais plus avoir à voter; c’est vous, les jeunes, qui devriez tout gérer. C’est à vous qu’appartient le futur». Évidemment le raisonnement est faux, dans le sens où les personnes plus âgées doivent aussi se sentir concernées par toutes les problématiques, tant au niveau local que national ou mondial. Mais les jeunes doivent aussi mettre la main à la pâte et être capables de présenter leurs idées et leurs solutions. C’est eux qui vont pouvoir innover, comme nous avons pu le faire depuis un an au sein d’Allons Enfants. C’est eux qui vont pouvoir faire avancer les choses et les dynamiser. Si les jeunes ne sont pas capables de faire ça, ce ne sont pas les personnes de 50 ou 60 ans qui vont s’en charger. En bref, pour moi, l’esprit jeune est capital. LD: Dans l’interview de Pierre Cazeneuve, le fondateur d’Allons Enfants, avec La Péniche [journal étudiants de l’Institut d’Études Politiques de Paris (Sciences Po Paris)], il indique – et vous l’avez réitéré – qu’il ne souhaitait pas être élu. N’y aurait-il donc pas un autre moyen de faire parler les jeunes sans passer par le système pur et dur des élections? MS : Saint-Cloud a un conseil des jeunes: c’est une sorte de conseil élu plus ou moins démocratiquement avec des jeunes qui sont censés agir dans la ville pour les jeunes. Mais nous, on n’a pas trouvé l’impact
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de ce conseil très frappant. On s’est plutôt rendu compte qu’au final, le seul moyen de parler de la jeunesse, c’était en se présentant. LD: La seule solution, c’était donc de se présenter. MS: Oui voilà: se présenter, c’est peutêtre la solution pour amener des idées puissantes. Si vous vous référez à notre programme, il est impossible par exemple de monter le projet du cumulus [un grand rassemblement de jeunes chaque dimanche «autour d’une scène électro, pour danser, pique-niquer, et jouer au foot ou à la pétanque pendant les beaux jours», selon leur site web, Allonsenfants2014.org] en passant par le Conseil des Jeunes. Ce genre d’idées ne peut passer que par la municipalité. LD: Bon, on s’est accordé pour dire que la jeunesse doit être représentée au niveau municipal et
que sa voix doit être entendue. Concrètement maintenant, comment réconcilie-t-on la jeunesse avec la politique, sur le court comme sur le long terme? De plus, comme fait-on pour faire en sorte que les jeunes de Saint-Cloud soient remarqués par le reste de la population? MR: Il s’agit de créer des associations comme Allons Enfants, que la jeunesse soit toujours représentée. MS: La première étape, c’est nous, c’est d’avoir monté une liste composée uniquement de jeunes. Cette liste a été extrêmement fédératrice; maintenant, toute l’équipe s’entend super bien, on est devenu proche. Monter cette liste a aussi créé son lot de débats assez intenses quant à toutes les problématiques qu’on a pu rencontrer au cours de l’année écoulée. D’une certaine manière, monter une liste nous a réconcilié avec la politique. En fait, on appellerait plutôt ça de la
Jeunesse
itoyenneté en se présentant aux municipales.
de tous les pays démocratiques, on voit qu’il y a une sorte de désillusion et les jeunes ne font plus confiance à la politique. Est-ce que vous, en tant que «citoyens», vous êtes conscients de cette désillusion, et que cette dernière a été une motivation pour la création de Allons Enfants? MS: Je pense que c’est probable. Allons Enfants est parti de notre tête de liste [Pierre Cazeneuve, ndlr] qui a eu cette idée de manifestation politique et qui a ramené quelques personnes autour de lui. Maintenant, Pierre aime raconter qu’en arrivant à Sciences Po, il a connu une désillusion. Il a remarqué que tous les jeunes étaient ancrés dans des partis politiques et avaient tous les mêmes idées très ancrées dans les grands partis de gauche et de droite. Lui voulait sortir un peu des sentiers battus. LD: Pour rebondir sur cette idée de sortir des sentiers battus: comment expliquez vous le fait que vous restiez accrochés à un système politique, qui est celui des municipales? En d’autres termes, vous ne faîtes que renforcer les institutions politiques existantes, non? MS: Dans «sentiers battus», j’entends les grandes idées des grands partis. Je ne voulais pas dire être révolutionnaires, ou aller à l’encontre de la démocratie. Je pense que Pierre est très attaché aux valeurs de la démocratie; l’idée n’est donc pas de sortir des élections démocratiques. Les «sentiers battus», c’est par exemple de créer un groupe apolitique.
Romain Hainaut / Le Délit
citoyenneté; ce n’est pas tant de la politique. On est en opposition avec des partis de gauche et de droite, très bien. Mais notre action est avant tout citoyenne: on est des citoyens clodoaldiens, on est pas des politiciens. MR: J’ai l’impression que vous pensez qu’on est un peu trop ambitieux pour la tâche.
créée, le fait que des jeunes se soit rassemblés pour nous soutenir: ça c’est incroyable! […] En revanche, je vous avoue que nous pensons surtout court à terme en ce moment, puisqu’on est en plein dans la campagne. On est pas trop concentrés sur la suite; on attend plutôt de voir comment gagner des voix, au final. C’est donc du très court terme.
LD: Mais c’est cette ambition qui nous intéresse. Car une fois les municipales terminées, vers où vous dirigez-vous? Y a-t-il un idéal sur le long terme? S’agirait-il par exemple de créer un parti? MR: Concrètement, il nous faut 5% de voix pour être remboursés. Eh bien, rien qu’obtenir ces 5%, ce serait pour nous une grande victoire. Après, tout ce qui peut suivre est un plus et ça ne sera que du bonheur. MS: Bien sûr que l’on veut continuer l’aventure. La synergie qu’Allons Enfants a
LD: Même si vous êtes en effervescence, vous ne voulez pas aller plus loin que cette campagne. MS: C’est vrai que notre premier but, ce sont les 23 et le 30 mars prochains. Il faut se concentrer sur les municipales. Est-ce que le mouvement peut continuer après ça? Je ne sais pas, je ne peux pas vous répondre, même si ça serait génial. Laissons du temps au temps. LD: Si on va au-delà de Saint-Cloud et qu’on regarde au niveau de la France, ou même
LD: Maintenant que vous êtes des représentants de la France «jeune», imaginons que vous pouviez récréer le pays. Qu’elle serait l’hymne, la devise et sa figure allégorique ? MS: Ouh, c’est compliqué comme question ça (rires). Évidemment, Allons Enfants est un rappel à La Marseillaise (l’hymne national français, ndlr), pour souligner notre côté pas révolutionnaire, mais plutôt innovant, en créant quelque chose de différent. C’est un peu de l’autodérision: on est révolutionnaires, mais on reste tout de même des enfants. LD: Vous êtes révolutionnaires mais vous prenez une devise extrêmement vieille et qui est à l’origine de la République qu’on connaît aujourd’hui. Donc vous n’êtes pas si révolutionnaires que ça finalement? MS: C’est ça, vous avez raison. Disons que nous sommes des révolutionnaires au sein des institutions déjà existantes.
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u’est-ce qu’une révolution qui se borne à rester ancrée dans la même structure qu’elle critique? Doiton faire de ce cas particulier le symbole de la jeunesse française? Pourquoi une telle
amplification d’une action citoyenne purement locale? On regrette que ce mouvement soit seulement un second souffle pour une petite ville et non un grand coup de frais par la jeunesse. Les intérêts défendus ne sont pas ceux d’une nouvelle France mais des intérêts finalement peu exportables, même si ce n’était peut-être pas leur but premier. Ils se sont érigés en symbole, en une promesse dynamisante, un signe de réconciliation des jeunes avec la politique, véhiculant cette image par Internet. Mais leur mouvement et leur combat ne vont pas aussi loin qu’on semble le croire. Comme le rappelle Morane Shemtov leur action est «citoyenne» et non «politique». Ils s’attellent à trouver des réponses concrètes à des problèmes du quotidien, et les internautes et les médias leur ont donné mission de réveiller la France. En fin de compte, il s’agit d’une campagne somme toute assez classique, le mot-clic (hashtag) en plus. Et c’est finalement cette mauvaise interprétation du mouvement qu’on devrait étudier. Qu’en est-il des groupes de jeunes dans d’autres nations démocratiques? Comment fonctionnent les autres groupes de jeunes actifs en politique? Montréal et le Québec apportent la preuve d’une jeunesse dynamique, présente sur la scène politique québécoise. On pense d’abord au Parlement jeunesse du Québec (PJQ), qui vise à inviter les 18-25 ans à faire de la «politique sans parti pris». Parlementaires, présidents de commissions, ministres et le Premier ministre; l’Assemblée nationale est la leur pour cinq jours chaque décembre, pour débattre de projets de lois préparés en amont sur la parité, l’immigration, la sécurité publique ou encore la génétique. Tout est fictif mais leurs paroles sont entendues jusqu’aux plus hautes instances de l’État. Les initiatives locales ne manquent pas à Montréal aussi. On dénombre une demi-douzaine de conseils de la jeunesse, les plus gros étant le Jeune Conseil de Montréal (JCM) et le Forum jeunesse de l’Ile de Montréal. Une grande majorité des villes au Québec ont au moins un conseil. Ces organes, reconnus par les instances gouvernementales concernées, ont un véritable pouvoir de lobby, qu’ils useront à bon escient à plusieurs reprises. Le maire de Montréal, Denis Coderre, élu en novembre dernier, s’est présenté lors du JCM 2014, qui a eu lieu dans l’Hôtel de Ville. Parmi les plus grands opposants à la Charte des valeurs, présentée par le gouvernement péquiste en place, on trouve des étudiants comme Dalila Awada. Les jeunes se mobilisent dans le monde entier sur la scène politique, sous différentes formes, montrant que, dans tous les cas, la politique a besoin d’être réinvestie par la jeunesse. [
Société
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OPINION
Bouffe bio: une utopie? Léo Arcay Le Délit
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n quoi une agriculture biologique à l’échelle mondiale serait-elle à la fois respectueuse de la nature et viable? L’agriculture biologique s’oppose à l’agriculture industrielle intensive dans le sens où elle exclut l’utilisation de produits chimiques, comme les engrais, les herbicides ou les pesticides. L’usage exagéré de ces derniers est connu pour être une véritable nuisance pour les sols et les nappes phréatiques et, de façon plus controversée, pour la santé des consommateurs. Il existe toutefois très peu d’études sur ce sujet et hélas pas assez de chiffres à l’appui de cette affirmation. Les agriculteurs biologiques comptent sur d’autres méthodes, comme la rotation des cultures, les engrais naturels, et l’introduction de prédateurs d’un parasite, pour maintenir la productivité des sols. On reproche souvent à cette forme d’agriculture de ne pas être capable de produire autant de nourriture à l’hec-
tare. «Si tout le monde faisait du bio, il n’y aurait jamais suffisamment à manger pour tout le monde», entend-on. D’après l’article Can Organic Farming Feed Us All? (L’agriculture biologique peut-elle tous nous nourrir?, ndlr) publié par l’institut américain World Watch en 2006, des études ont démontré que les faibles rendements expérimentés n’étaient dus qu’à l’endommagement des sols par l’agriculture intensive. Après une période de «réhabilitation» d’environ vingt ans, le monde pourrait largement produire assez de nourriture biologique pour tout le monde. La distribution de cette nourriture est un autre enjeu. Navin Ramankutty, professeur au Département de géographie de l’Université McGill, est plus réservé à ce sujet. Pour lui, ce scénario n’est pas réaliste s’il n’est pas accompagné d’autres changements dans l’équation, comme la restructuration du système économique mondial ou encore la réduction de notre consommation de viande et du gâchis de nourriture. Le vrai problème du «bio», à l’heure actuelle, c’est que personne n’en achète
parce que c’est cher. Les produits issus de l’agriculture biologique peuvent coûter de 30% à 100% plus cher que leurs équivalents non biologiques… de la marque du distributeur. La différence avec les prix des grandes marques est cependant presque inexistante. À ceux qui s’offrent le luxe d’acheter autre chose que de la sous-marque: vous savez ce qu’il vous reste à faire! Le docteur Ramankutty explique que, si les consommateurs occidentaux étaient sensibilisés aux bienfaits de l’agriculture biologique et que la demande augmentait, le prix du «bio» chuterait de lui-même. «Bien sûr, la nourriture biologique n’est pas une option pour les plus pauvres [et plus particulièrement les consommateurs des pays en développement]. Mais ne devrions-nous pas nous concentrer sur comment sortir les gens de la pauvreté plutôt que de rendre la nourriture moins chère?», ajoute-t-il. Enfin vient le danger des labels. Ici, je suis un grand sceptique. Ces étiquettes, atouts publicitaires colossaux, requièrent
des critères bien différents d’un pays à un autre. La mention indique uniquement qu’une certaine proportion du produit est issue de l’agriculture biologique, ce qui pose un véritable problème pour les produits transformés. Si certains labels sont gérés par des agences nationales, nombreux sont ceux d’origine privée. D’autres, comme le label européen, tolèrent une certaine proportion d’organismes génétiquement modifiés (OGM). D’autres encore sont moins regardants quant aux produits importés de pays où les standards sont inférieurs. Enfin, les pesticides et engrais chimiques pulvérisés sur certaines semences ne sont pas vraiment du genre à s’arrêter à la frontière d’un champ bio. Il nous reste beaucoup de progrès à faire quant à l’amélioration, la législation et la diffusion de la nourriture biologique avant qu’un monde «bio» cesse de n’être qu’une utopie. Le devenir de cet écosystème est de la responsabilité de chacun; nous sommes tous des ambassadeurs de la race humaine.[
INTERNATIONAL
«La République est son régime» Le 26 janvier dernier, la Tunisie a adopté une nouvelle constitution. Victor Tricaud
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l y a tout juste deux semaines, l’Assemble nationale constituante (ANC) tunisienne votait à 200 voix sur 216 en faveur de la nouvelle constitution. Durant les deux dernières années, l’ANC a été le centre de débats agités opposant les différents partis tunisiens. L’un des principaux terrains de désaccord récurrent concernait la place de l’Islam dans la constitution. D’un côté, les partis religieux – à l’instar d’Ennahda – voulaient assurer une place importante à la religion, tandis que les partis laïcs tenaient à modérer les rapports entre religion et État. Ces deux années de discussions mouvementées –qui auront entraîné l’assassinat de deux parlementaires (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi)– ont finalement abouti à un compromis équilibré entre les désirs des différents bords politiques. L’Islam est reconnu comme la religion d’État dans le premier article de la constitution: «la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime.» Mais le gouvernement tunisien s’engage aussi à garantir «la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes» (article 6). La charia n’est pas non plus citée dans le texte. De manière générale, la communauté internationale a reçu le vote de cette constitution très positivement. Barack Obama a «félicité le peuple tunisien pour la constitution et ce qu'elle contient de garanties pour les libertés», tel que rapporté par le quotidien La Presse. D’après Eric Goldstein, membre important de l’organisation non-gouvernementale internationale «Human Rights Watch», «l’Assemblée nationale constituante de Tunisie a voté
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en faveur d'un texte qui défend hardiment les droits humains», ainsi qu’il l’a déclaré dans une allocution publique le 31 janvier dernier. Bien d’autres organismes et chefs d’États ont aussi soutenu l’adoption de cette nouvelle constitution. Néanmoins, certains remettent en question la capacité d’un État à être à la fois, comme l’indique l’article 2, «civil» – terme souvent associé au concept de laïcité– et à se réclamer d’une confession particulière, comme l’indique l’article 1 de la constitution. Pour certains, cette constitution se contredit, favorisant parfois une vue libérale et à d’autres moments une vue plus religieuse et conservatrice. Si le document semble ainsi présenter quelques paradoxes, c’est pour au moins deux raisons. D’abord, des concessions ont dû être faites pour arriver à un accord entre parlementaires. Ainsi, aussi bien les partis laïcs que religieux ont pu se faire entendre. La Tunisie avait besoin d’une constitution et l’assemblée a su en présenter une qui serait acceptée par la majorité de l’ANC sans causer trop de troubles. La seconde raison pour laquelle un certain nombre d’articles peuvent donner l’impression de se contredire est que la plupart des médias occidentaux n’en savent pas assez sur les conditions qui ont amené à leur rédaction, et constatent donc des discontinuités. Ségolène Lapeyre, une étudiante en troisième année à McGill se spécialisant sur la Tunisie a partagé son opinion avec Le Délit. Elle fait remarquer qu’une des justifications pour l’article 6 – qui a fait polémique car il semble rapprocher la religion et l’État car il fait mention de «protéger les sacrés»– était la protection des sites saints non-reconnus –et par conséquent détruits– par des Salafistes
extrémistes tunisiens. On est donc loin de la proclamation d’une religion d’État. Enfin, le caractère le plus impressionnant de cette constitution est sans doute
la grande importance qu’elle porte à l’égalité entre les citoyens et citoyennes et aux quotas établis pour les femmes dans les institutions gouvernementales. [
Cécile Amiot / Le Délit
[ le délit · le mardi 11 février 2014 · delitfrancais.com
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DANSE
Le corps a ses raisons
FAR, la nouvelle chorégraphie de Wayne McGregor, explore les intéractions entre le corps et l’esprit. Mai Anh Tran-Ho & Francis Loranger Le Délit
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a compagnie Random Dance de Wayne McGregor était de retour à Montréal cette fin de semaine, dans le cadre de Danse danse, pour présenter son spectacle FAR sur la scène du Théâtre Maisonneuve. Chorégraphe en résidence au Royal Ballet de Londres, Wayne McGregor est reconnu pour ses productions contemporaines alliant la danse et la musique, les arts visuels et la technologie. Entity, sa dernière performance offerte à Montréal à l’hiver 2011, avait ravi la critique par son caractère unique et son esthétisme calculé, par ses curieux ricochets de corps désossés. Le titre de la nouvelle création, FAR, -qui résulte de l’acronyme de Flesh in the Age of Reason, un ouvrage de Roy Porter consacré à la relation entre le corps et l’esprit au 18e siècle- annonce le thème majeur de l’œuvre. Le nom de la compagnie, «Random Dance», reflète quant à lui son esthétique aléatoire et nerveuse. Le spectacle débute avec un magnifique duo dansé sur l’air de «Sposa son disprezzata» interprété par Cecilia Bartoli, sur une scène illuminée par quatre torches enflammées portées par des danseurs vêtus de noir. À cette lente valse aux réminiscences baroques succède un environnement futuriste: les torches s’éteignent et cèdent la place à un
Ravi Deespres vaste panneau composé de diodes électroluminescentes qui descend au fond de la scène. De nouveaux danseurs s’avancent, adoptant des poses distordues et progressant dans un mouvement heurté. Cette atmosphère froide et monotone suggérant les lendemains d’un désastre nucléaire, renforcée par le survêtement gris des danseurs, persistera jusqu’à la fin. La chorégraphie met en évidence les rouages de l’anatomie humaine en animant les articulations de mouvements anguleux et
saccadés, dans une exécution rapide de séquences répétitives. Le corps svelte et musclé des danseurs est réduit à un pantin fracturé; la tête souvent désaxée par rapport au tronc, ces derniers évoluent dans l’espace selon une trajectoire erratique. Malgré leur simplicité apparente, ces postures désarticulées exigent une remarquable souplesse et une impeccable coordination. Paradoxalement, une certaine beauté fluide se dégage de leurs pas déchaînés. Le mouvement du corps semble mû par ses propres raisons.
Sous une lumière blanche épurée, le spectateur observe les danseurs comme le scientifique scrute l’anatomie de ses patients. À travers un propos imprécis sur l’interaction entre le corps et l’esprit, il devine des scènes de doute, d’altercation, de conflit, de lutte. La musique électronique un peu grinçante de Ben Frost, qui crée une ambiance à la fois suave et oppressante, convient parfaitement à la chorégraphie. Le sobre éclairage de Lucy Carter ajoute à cette impression de désolation. L’écran lumineux affiche parfois un alarmant décompte du temps évoquant une catastrophe imminente; sa pertinence s’avère cependant douteuse, car il distrait davantage le regard qu’il ne contribue à l’effet plastique. Pendant quelques instants, l’éclairage crée des sentiers et transforme la scène en espaces intimes rappelant la poésie de l’ouverture. Dans l’une des scènes les plus réussies, une lumière orange illumine les corps des danseurs comme s’ils scintillaient d’eux-mêmes. Quoique moins bien ficelé qu’Entity, le spectacle FAR confirme la réputation méritée de Wayne McGregor en danse contemporaine. La troupe -surtout Louis McMiller et Anna Nowak, dont les prestations se démarquent- incarne efficacement les réflexions plastiques du chorégraphe sur la science et la technologie. Nous regrettons seulement que l’unité esthétique de l’œuvre confère à l’ensemble une redondance lassante malgré la brièveté du spectacle. [
CHRONIQUE
L’Adieu à McGill Joseph Boju | Chroniques du temps qu’il fait
LE POÈTE AU CACHOT, DÉBRAILLÉ, maladif, est certainement la figure d’identification la plus à même de décrire l’état dans lequel je me trouvais vendredi dernier, lorsqu’après une soirée studieuse, je me vis enfermé dans la bibliothèque McLennan, sans issue aucune, à une heure du matin. Un
vendredi soir, quelle drôle d’idée, passons sur ce détail et venons-en aux faits. Enfermé que je suis dans cette tour immonde, je débute une réflexion sur la notion même d’enfermement. Ce qui est somme toute, très logique. Voilà que je me sens comme un moine trappiste frappé de l’acédie. Cette maladie du reclus religieux, qui le dégoûte de l’exercice spirituel, le rend paresseux et lui donne l’irrésistible envie de sortir de son cloitre et d’aller vers le monde. Mais par un certain cours des choses, cette acédie se confond en moi avec un tout autre sentiment. Enfermé, je pèse tout le poids de la nouvelle structure dans laquelle nous évoluons. Je suis le singe dans la cage de ce zoo qui vous met mal à l’aise. «Internet: surveillé. Instagram, confiné. Facebook: réclusion. Apple store: enfermé. Quant à moi ça ne va plus très bien». Et si après tout, j’étais du bon côté du mur, là dans cette affreuse bibliothèque,
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dans le monde des idées? Enfermé, mais libre, comme tout philosophe du XVIIIe qui se respecte. Car qui est le plus libre, de l’indien Makatek ou du quidam mcgillois? Rousseau nous met des chaînes, Sartre nous les enlève et pendant ce temps-là je cherche la sortie de l’odieux labyrinthe qu’est le cinquième étage quand tout à coup je tombe nez à nez avec la section francophone. On se dévisage un instant dans la pénombre et j’engage timidement la conversation: c’est un ouvrage de Lamartine, Les méditations poétiques (1820). L’exemplaire est usé, racorni, poussiéreux. Je l’ouvre tout de même et qu’elle n’est pas ma surprise de voir un papier jauni en tomber! C’est une feuille pliée, jaunie, laisséelà par un étudiant peu précautionneux. Je l’ouvre tout de même et découvre un sonnet, écrit à la hâte sur ce papier moisi. Devant l’étrangeté de la situation. Je me permets ici de retranscrire les mots du poète oublié:
L’Adieu à McGill Oh McGill je me vois dans tes bras enfermé Un poète mourant mais du mauvais côté Les parois de tes murs ont eu raison de moi Toi mon premier amour et mon dernier émoi. Trois merlettes vermeilles sont venues ce matin M’annoncer le départ pour un pays lointain Et suivant la maxime de ton noble palais «En Dieu je confie» mes travaux et mon lais. Adieu Terre de Caïn! Golgotha du savoir! Je m’en vais, inconnu, pour ne plus te revoir Matricule perdu, aspiré tout entier Dans ton immensité, incolore, indolore, Où l’on croit au pouvoir du silence et de l’or. Je m’en vais inconnu, fouler d’autres sentiers. McGill - le 7 février 1964.
Arts & Culture
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PROSE D’IDÉES
Une seconde d’extase Ma rencontre avec James Franco. Virginie Daigle Le Délit
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ontréal, rue Sainte-Catherine, 5 heures du matin. Avec une amie, je m’engage très consciemment dans une aventure absurde: attendre quatre heures durant, par une glaciale nuit de février, l’ouverture du magasin Indigo afin d’obtenir des laissez-passer pour une séance de dédicace, pendant laquelle le célèbre acteur américain James Franco signera 500 exemplaires de son nouveau roman Actors Anonymous. Je n’ai pas lu ce roman. Mais qui, parmi ces jeunes femmes, et quelques rares jeunes hommes, fiévreusement rassemblés au cœur de cette nuit sombre, a lu le roman de James Franco? Soyons honnêtes, ce n’est pas la littérature qui nous écarte du sommeil en ce moment et nous fait braver le froid hivernal. Ce n’est pas l’exercice d’une prose particulièrement réussie, l’usage prodigieux d’une syntaxe évocatrice, ou la maîtrise des symboles poétiques qui sont à l’origine de ce pèlerinage pénible vers la procuration d’un ouvrage. C’est pour lui, pour le seul, l’unique. James. Franco. Nous entrons chez Indigo vers 7 heures du soir. En achetant nos livres ce matin, c’est un «bracelet d’or» que nous avons obtenus, il faut le répéter: ce bout de papier qui entoure nos poignets est fait de l’or des idoles, un insigne éminemment précieux, la voix d’accès au sublime. Les règles sont claires: on ne peut demander qu’à faire signer des livres, il est interdit de demander une signature personnalisée à l’illustre main de l’artiste, et si photos il doit y avoir, il doit s’agir de photos prises «sur le vif», sans demander le temps d’une pose. «Est-ce que je peux entendre toutes celles qui ont réussi à avoir un bracelet d’or pour
rencontrer James?» demande l’organisateur de l’événement. Le cri de jubilation qui jaillit alors est aigu, strident et sauvage. À cet instant on est en train de lancer des bonbons à la foule pour la distraire du fait que l’écrivain a beau être très sexy, il n’est guère ponctuel. 40 minutes de retard. Pour occuper la foule impatiente et dangereusement à l’orée du délire, l’organisateur s’écrie «on va chanter son nom, peut-être que si y’est dans le building y va vous entendre». Néanmoins, je ne crie pas: «Franco! Franco!», non merci. Mon enthousiasme s’arrête là où commence la clameur de noms de dictateurs. Puis, l’Artiste fait finalement son entrée; les hauts-parleurs de la librairie entament une musique triomphale. D’un geste unanime la foule tend les bras vers le ciel -une armée d’iPhones- comme dans un étrange salut destiné à capturer le célèbre visage. La nuée de brebis trépigne et crie de la joie d’apercevoir, un bras, un morceau de visage, une portion du dos de son valeureux berger. L’oraison de ce dernier sera brève et concise: «Good evening guys. Let’s sign some books», puis il s’installe à sa table, ajourné du halo des projecteurs adroitement installés autour de lui. Ce n’est même pas nous qui tendons les livres à l’auteur, un employé arrache les livres au gens dans la file, le tourne à la page adéquate puis le tend à un autre employé qui les glisse un à la suite de l’autre sur la table où est installé l’acteur. Un troisième s’affaire à pousser les gens jusqu’à devant la table, et un quatrième à les écarter une fois l’acte de la signature accompli. Mon tour arrive enfin. James Franco prend le livre, me regarde et me dit: «How’s it going?» Magie. Mon Dieu, moi aussi je t’aime James. Parce que c’est évidemment ce qu’il a voulu dire par sa question. Je reste muette, figée; tout
Romain Hainaut / Le Délit au long de ce périple qui m’a conduite vers ce moment précis, il ne m’est jamais venu en tête de préparer une réponse à une telle question. «How’s it going?», c’est trop difficile, que dire? Quelle réplique serait plus propice à lui révéler ma fabuleuse personnalité, mon charme et mon sens de l’humour et qui résultera ultimement en une demande en mariage? Oh Franco, voilà que devant toi, mon magnifique Graal, je suis muette telle Perceval au château du Roi pêcheur. Je dois me contenter de sourire; James Franco me sourit aussi. Mon Dieu, nous aurons donc beaucoup d’enfants. Il se souviendra de mon sourire pour le restant de ses jours, ce sourire timide et éclatant dans lequel j’aurai mis toute ma fabuleuse personnalité, mon charme et mon sens de l’humour. Nous voilà éternels et si spéciaux, James et
moi, c’est un beau roman, c’est une belle histoire... Et on me pousse pour laisser passer la chanceuse suivante. Expulsée du paradis, je descends les escaliers du Indigo, un peu sonnée du peu qu’il me reste de mes efforts: un étrange gribouillis sur les pages d’un livre qui m’a couté 33 dollars et que je n’ai aucune envie de lire. D’autres filles descendent à ma suite, en poussant des cris de joie, l’ouvrage pressé contre leur cœur. Je me demande qui jouait le rôle de l’animal dans cet étrange zoo médiatique, encadré des barreaux immuables séparant la foule de la célébrité. On nous a vendu du rêve, un rêve sexy, retardataire et peu loquace, traçant des signes sur du papier et des fantasmes exaltés dans l’esprit de ses admirateurs. [
borné à ses Décombres, non, ça aurait été un peu léger. Pendant toute la guerre, il collabore à Je suis partout, le plus grand journal collaborationniste sous l’Occupation. C’est pour cela qu’il sera condamné à mort. Finalement il est gracié en 1952 et sort de prison. Quelques semaines avant sa libération, Gallimard a publié son roman écrit en captivité, Les Deux Étendards, sous son vrai nom. Inutile de préciser qu’il n’a pas eu le même succès qu’avec son premier livre. Rayé des listes! Tout simplement. Son nom, son œuvre, ont été oblitérés par les vainqueurs, à travers le mouvement dégueulasse de l’épuration, qui a touché plus d’un million de Français. Il faut lire à ce sujet la brillante lettre de Jean Paulhan, l’éditeur de Rebatet et résistant, Aux directeurs de la Résistance. Rebatet? Connais pas. En revanche, la Résistance avec un grand R, ça je connais. Quel ignoble mythe que le résistancialisme! Les Français sont passés maîtres dans l’art d’enfouir leur passé. Comment ça les collaborateurs, l’appel au meurtre, à la déportation? Je ne connais que des résistants, mon grandpère était résistant. Quelle fierté! Pareil, aux
oubliettes les horreurs de la guerre d’Algérie! Pourrait-on seulement faire une petite exception pour Lucien Rebatet, messieurs les historiens de la littérature? Un homme lâche, ignoble peut-être pendant la guerre, mais un écrivain de talent avant tout, en plus d’avoir été le plus grand critique musical de l’entredeux-guerres? Je pensais que la Littérature était au-dessus des considérations de politicaille, que l’on pouvait faire abstraction de certaines erreurs, de traits sombres devant l’évidence du Texte, devant la beauté des Deux Étendards, devant la grandeur de l’œuvre. Mais je me trompe. Alors je veux que la France se prenne Rebatet en pleine face, que l’on sorte son œuvre des décombres de la Libération, que l’Éducation Nationale inscrive Les Deux Étendards sur les listes de lectures obligatoires, cet immense roman mystique, drôle, intelligent, le pendant métaphysique de la Recherche de Proust. Il faut que Michel Croz soit aussi connu que Meursault, Colin ou Aurélien. Doux rêve, belle utopie. Et merde, si personne n’en veut, on se le garde pour nous Lucien. Tant pis pour vous! [
CHRONIQUE
Le retour du refoulé Baptiste Rinner | Les oubliés de la littérature française
IL Y A QUELQUES ANNÉES, ANTOINE Gallimard m’a approché pour éditer les œuvres complètes de Lucien Rebatet dans la Bibliothèque de la Pléiade. Comment?! lui ai-je répondu, mais on ne peut pas faire ça, imaginez la réaction de la doxa, cet auteur n’a pas le droit de cité dans Paris intramuros. C’est vrai que ce Rebatet (je ne vous parle pas du pâtissier de Marcel Proust, Rebattet) est un personnage encombrant.
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Arts & Culture
Comment dire, il fait parti de cette race d’écrivain de la première moitié du vingtième siècle qui a milité ouvertement pour la déportation des juifs dans les camps de concentration, avec ses copains Brasillach, Drieu, Céline, Cousteau et consort. Pourtant c’était la star à l’époque… C’est lui qui a écrit the best-seller sous l’Occupation! Les Décombres, en 1942. C’est une grande fresque de la France des années 1930, un pamphlet qui dénonce ceux que Rebatet considérait comme les responsables de la défaite de 1940, notamment les hommes politiques de la IIIe République et les juifs. À y réfléchir de plus près, c’est peu surprenant qu’il n’ai pas eu le même succès après-guerre, non? En fait, tout se complique un peu pour notre Lucien national quand il est inscrit, en 1944, sur la première liste noire établie par le Comité National des Écrivains, un groupe d’intellectuels résistants. Dès lors, il est marqué au fer rouge, «À ÉXÉCUTER»! Il se constituera prisonnier en Autriche, après avoir fuit Sigmaringen, le jour de la capitulation allemande. Jugé, condamné à mort. C’est qu’il ne s’est pas
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THÉÂTRE
Être ou ne paraître La célèbre pièce des interrogations sans réponse revisitée au Collège Marie de France. Léa Bégis Le Délit
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our un metteur en scène, monter Hamlet est un défi. Je ne parle pas ici de la mise en scène en elle-même, mais de la confrontation aux attentes des spectateurs. Faisant partie des textes les plus joués de Shakespeare, la fameuse pièce de l’être ou du non-être a tendance à être considérée comme étant galvaudée. Les 6, 7 et 8 février derniers au Collège International Marie de France et le 22 mars au Théâtre Rouge du Conservatoire de Montréal, ce défi est relevé par des étudiants plus motivés que jamais. Qualifié de «décapant, vif, éclectique et incisif» par le metteur en scène Julien Blais, cet Hamlet donne un tout nouveau sens au thème du paraître inhérent à la pièce en réservant bien des surprises au spectateur. Avec une ouverture dynamique, voire agressive (les comédiens pointent de longues lattes de bois en direction des spectateurs), le public a à peine le temps d’être surpris qu’il est entraîné dans l’univers violent et sombre d’Hamlet. Cependant, présageant une atmosphère plutôt obscure sur le plan des costumes, le kaki terne des pantalons camouflage des compagnons d’Hamlet fait place à l’entrée fracassante de la Cour d’Elseneur, qui bouscule toutes les attentes. Véritable symphonie de paroles et
de gestes, le monde frivole et égoïste de la cour s’oppose au caractère mélancolique et funeste d’Hamlet. Ce dernier est incompris dans une société obsédée par le pouvoir et la richesse, parfaitement illustrée par un Claudius millionnaire et égocentrique, une Gertrude potiche complètement manipulée par son mari, et un Polonius hyperactif et soumis à son souverain. Exclu de cet univers rutilant, Hamlet se retrouve seul avec sa conscience comme unique compagne, personnifiée par deux jeunes femmes langoureuses et sadiques, qui le poussent à la violence et attisent son penchant vengeur. Le spectateur s’identifie facilement au personnage d’Hamlet interprété par Milan Tarapcik-Duchêne, qui parvient à interpréter le caractère changeant du prince danois d’une manière juste sans jamais tomber dans le mélodrame. Le spectateur se retrouve à son tour prisonnier de l’enfer cérébral dans lequel est enfermé Hamlet, notamment par l’effet d’écho sonore qui répète en decrescendo la fin des répliques du spectre et de celles des amis d’Hamlet. Toutefois, l’écho tend parfois à entraver la compréhension, quand plusieurs personnages parlent en même temps. Les tableaux s’enchaînent les uns après les autres sans aucun temps mort, malgré la longueur de la pièce. L’énergie est présente tout au long du spectacle et l’intensité des émotions atteint son paroxysme
dans les scènes finales. La douleur d’Horatio à la mort de son meilleur ami est toute en retenue, mais sur la joue de Delphine Cloarec qui incarne le personnage coule une vraie larme. On ne peut s’empêcher d’avoir des frissons lorsqu’on entend ce mélange de douleur et de rage dans la voix de Naomi Jouan (Laërte) qui appelle Hamlet à se battre. Hamlet est une histoire d’effondrement; l’effondrement d’un homme face aux événements qu’il vit, mais aussi celui du royaume du Danemark, qui finit par se rendre à un prince étranger. Le décor simple illustre cette idée de destruction et de décomposition. Les personnages utilisent à plusieurs reprises de longues lattes de bois accrochées de chaque côté de la scène sur des poteaux, et qui servent à la fois d’épées ou de murs. Ces malheureux sont continuellement en train de décrocher et de raccrocher les lattes, dans l’espoir de reconstruire un royaume qui tombe en ruines petit à petit. Les deux tonneaux en plastique placés en avant-scène servent non seulement de promontoire pour les femmes-conscience d’Hamlet, mais soulignent également la pourriture du royaume et des individus qui le composent. Malgré ses thèmes sordides, Hamlet est un texte «hors-norme et hors-temps» selon les mots de Julien Blais, et qui continue de résonner à travers des personnages qui ne sont, au fond, pas si différents de nous. [
Marine Miglio Hamlet Où: Théâtre Rouge du Conservatoire Quand: Le 22 mars 2014
THÉÂTRE
Fait d’hiver Marilyn Perreault signe sa première mise en scène avec Ligne de bus. Éléonore Nouel & Thomas Simonneau Le Délit
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a Société de Transports de Montréal (STM) ne va pas bien en ce moment. Les vélos Bixi sont en passe de disparaître, le bus 747 allant à l’aéroport a réduit son nombre de passages quotidiens par contrainte financière et, le 4 février dernier, des centaines de passagers ont été bloqués entre les stations Sherbrooke et Mont-Royal pendant plus d’une heure. La fiction montée par Marilyn Perreault, cofondatrice du Théâtre INK, depuis le même 4 février (au Délit, on soupçonne plutôt un coup monté), aux Écuries s’inscrit dans cette lignée tragique. La trame de la pièce prend place dans un autobus de ville. Une quarantaine de passagers, victimes du destin, y meurent. Il ne s’agit cependant pas d’un accident sur les routes enneigées de Montréal mais bien d’un acte criminel, d’un attentat à la bombe. Parmi les défunts ressuscités pour la pièce, six protagonistes, trois hommes et trois femmes, auxquels vient s’ajouter la metteure en scène elle-même dans le rôle de la coroner (médecin-légiste, ndlr) chargée de l’enquête. Par une mise en scène interactive, la coroner se place au milieu puis derrière le public, invitant ainsi les spectateurs à
suivre l’enquête pas à pas. De Sandy la collégienne, à Jimmy Abdallah le cosmopolite, ce sont des personnages attachants, de par leur banale humanité, qui apparaissent sur scène. Ainsi, chaque spectateur s’identifie, se glisse dans la peau et la tête de ces victimes inopportunes tout en découvrant leur passé, leurs espoirs et leurs craintes. Sur le plan technique, Maryline Perreault fait preuve d’une grande créativité dans sa mise en scène. Ligne de bus se démarque notamment par une belle performance acrobatique des acteurs qui utilisent la carcasse de l’autobus comme scène de danse, ses barres comme accessoires gymnastiques et sa décomposition au fur et à mesure de la pièce comme métaphore de l’explosion. Sans en entraver la poésie, l’usage subtil des arts multimédias accompagne parfaitement le déroulement des faits et confère un aspect moderne et dynamique. De plus, l’énergie des acteurs est bien exploitée grâce à une bande sonore juste, variée et stimulant le suspens intrinsèque à la pièce. On notera cependant une transition parfois bancale entre les tableaux avec des acteurs appelés à remplir plusieurs rôles différents, rendant un scénario, pourtant simple, plus complexe sans pour autant apporter grandchose à l’intrigue. Finalement, Marilyn Perreault utilise le thème de la tragédie, susceptible d’arriver à
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Eugène Holtz tous, pour s’attaquer aux thèmes de société, qui concernent chacun. De fait, chaque personnage dénonce par son histoire notre difficulté à vivre en communauté: le divorce et ses conséquences, la xénophobie dans un monde «globalisé», le tabou de la maladie mentale, mais, enfin et surtout, les préjugés et le regard porté sur les autres et sur notre environnement. On y perçoit une critique du renfermement sur nous-mêmes, le regard vissé sur des téléphones portables sur lesquels défilent nos conversations, et notre indifférence pour autrui. Un renferment physique donc, mais aussi, et pire encore, moral et sentimental. De manière plus large,
on y décèle une condamnation du racisme, des médias sociaux et de l’exclusion sociale. Cette pièce, bien que très divertissante, notamment par sa mise en scène exceptionnelle, nous plonge ainsi dans une véritable réflexion sur nous-même et sur l’évolution de notre société via des comédiens qui pourraient être n’importe lequel d’entre nous, ou notre voisin. [ Ligne de bus Où: Théâtre Aux Écuries Quand: Jusqu’au 22 février 2014 Combien: 22$
Arts & Culture
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ARTS DE LA SCÈNE
Retour à l’arène Robert Lepage met cartes sur table à la Tohu avec Pique & Coeur. Gwenn Duval Le Délit
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ntrer au théâtre, s’installer à sa place et regarder la scène avant le début de la pièce constitue la première déroute lorsque l’on s’aventure dans la tétralogie que Robert Lepage a mise en place avec sa compagnie Ex Machina. En face, à droite et à gauche, les autres spectateurs s’installent en attendant l’arrivée des acteurs dans la fosse. La scène circulaire précipite d’ores et déjà le public hors de ses repères habituels. Pique, le premier spectacle présenté du 14 au 25 janvier, se déroule à Las Vegas, entrée en matière inévitable lorsqu’il s’agit de jeux de cartes. C’est Elvis Presley qui jaillit le premier hors des planches pour marier un couple de Québécois avec sa célèbre chanson «Love me tender». Suivant la dynamique du Lip Sync, les langues et les histoires s’entremêlent, se rejoignent et s’éloignent suivant une chronologie presque vraisemblable qui se déroule dans l’espace restreint du Nevada. La scène ronde offre des possibilités multiples qui sont exploitées avec brio. Le décor se transforme comme par magie, des trappes s’ouvrent, se referment. D’une chambre d’hôtel à la piscine comme du bar au campement militaire en passant par la cafétéria, les objets qui composent le décor s’intervertissent avec fluidité. Les changements de scène donnent une impression cinématographique saisissante à laquelle se mêle l’exploitation minutieuse de l’art théâtral. Le mouvement est incessant, le pourtour de la scène lui-même tourne à plusieurs reprises, représentant parfois le voyage d’un personnage ou encore le courant qui s’oppose à sa direction. Entre le couple de Québécois, le barman, les soldats, les généraux, les hommes d’affaires et les femmes de chambres, des personnages, il y en a beaucoup. Pourtant, ils ne sont joués que par six acteurs (Sylvio Arriola, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Martin Haberstroh, Sophie Martin et Roberto Mori) qui changent de costume à répétition, parfois même sur scène, liant habilement les tableaux les uns aux autres. Pique est empreint de violence, peu de répit est accordé au spectateur sinon quelques soupirs de soulagement par-ci par là ainsi que de toutes petites lueurs d’espoir. Les spectateurs qui assistent à un spectacle de Robert Lepage pour la première fois sortent les yeux écarquillés, ceux qui sont un peu plus habitués diront qu’on l’a déjà vu être plus incisif. Du 30 janvier au 9 février, c’est au tour de Cœur de réveiller les planches. Très différent de Pique, puisque les histoires qui s’entremêlent reposent sur une filiation. La trame principale repose sur la quête qu’entreprend Chaffik (Reda Guerinik) le jour où son père meurt et que sa grand-mère lui annonce que ses origines ne sont pas celles qu’il a toujours cru être. À cela se mêle le monde des illusions et des inventeurs avec Eugène Robert-Houdin (Olivier Normand) auquel succède George Méliès (Ben Grant), revisitant les spectacles de magie ainsi que le cinéma des premiers temps. Encore une fois, les tableaux s’intervertissent intelligemment, de nombreux indices parsèment le déroulement de la situation, des rappels, des clins d’œil à Pique. Le tout forme une construction agencée avec élégance. Les ac-
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Arts & Culture
Gracieuseté de la Tohu teurs (John Cobb, Louis Fortier, Ben Grant, Reda Guerinik, Catherine Hughes, Kathryn Hunter et Olivier Normand) ont là encore plusieurs rôles, mais non sans raison, et les différences entre leurs personnages sont souvent teintées de sens. Impossible de passer outre les métamorphoses de Kathryn Hunter qui passe de la grand-mère algé-
rienne à un enfant du nom de Nabil en ne conservant que la puissance de son jeu. Cœur a un charme plus sensible que Pique. L’esthétique en est formidablement séduisante et l’histoire suit un fil directeur plus persuasif qui s’ancre parmi ses contemporains de façon plus évidente avec notamment une référence au Littoral de Wajdi Mouawad
au moment où Chaffik marche dans le désert en portant le cadavre de son père sur son dos. La tétralogie n’est pas finie, il reste Carreau et Trèfle, à suivre dans les prochaines années. La partie peut se prendre en cours de route dans ce monde où les cartes recèlent de symboles et jouent de divination, hasard, probabilité, règles et magie. Place au jeu! [
CINÉMA
12 Years a Slave: «Meilleur film?» Sur les jugements futurs et passés de l’Académie. Émilie Blanchard Le Délit
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u’en est-il de la possibilité de 12 Years a Slave de remporter la statuette du «Meilleur film» le 2 mars prochain? Tout est possible, mais ce n’est pas gagné d’avance. La cuvée des Oscars de 2014 se distingue majoritairement par des films inspirés de faits réels. En effet, six des neuf films en nomination sont basés sur des faits vécus, un thème prisé par l’Académie, soit: 12 Years a Slave, American Hustle, Captain Philips, Dallas Buyers Club, Philomena et The Wolf of Wall Street. Toutefois, au cours des dernières années, l’Académie a principalement récompensé des films «patriotiques». En 2010, le prix est remporté par l’excellent Hurt Locker, qui parle des démineurs militaires en Irak. L’année suivante, c’est The King’s Speech, racontant l’histoire du Prince Georges VI qui
a réussi à surmonter l’adversité et son problème de bégaiement afin de devenir roi et diriger le Royaume-Uni durant la guerre. En 2012, c’est sans grande surprise que le simpliste The Artist remporte l’honneur ultime. Finalement, l’année dernière, c’est le banal Argo qui remporte l’Oscar au lieu de l’excellent Zero Dark Thirty. En fait, la lutte entre Argo et Zero Dark Thirty démontre la tendance de l’Académie à privilégier les films avec une fin heureuse et/ ou une belle morale. Le premier fut sévèrement critiqué pour ses erreurs factuelles, comme le fait de donner un rôle bien mineur au gouvernement canadien lors de la prise d’otages de Téhéran. Zero Dark Thirty était beaucoup plus réussi autant au niveau du scénario, des interprétations et de la réalisation. Toutefois, le film présentait un côté sombre des États-Unis, en particulier l’utilisation de la torture sur des prisonniers de guerre. De plus, certains hommes politiques
américains, dont le sénateur John McCain, ont ouvertement attaqué le film et ses artisans pour, entre autres, avoir obtenu des documents confidentiels du gouvernement et valorisé l’utilisation de la torture. Somme toute, 12 Years a Slave mérite selon moi de gagner le prix du «Meilleur film». Il est supérieur en réalisation, interprétation et scénario que ses concurrents. Le projet, dans son ensemble, crée un impact majeur sur le spectateur, qui en sort troublé. Il le prend par la gorge en lui exposant sans détour une histoire dure mais très réaliste. Toutefois, son thème couvrant un pan peu glorieux de l’histoire américaine ne risque pas d’enchanter les membres de l’Académie. 12 Years Slave est un film qui est difficile à regarder et qui laisse une trace. Sa violence physique et psychologique immerge le spectateur dans le milieu de l’esclavage avec beaucoup de brutalité. C’est un film qui fait mal et bouleverse, mais qui est si beau. [
[ le délit · le mardi 11 février 2014 · delitfrancais.com
CONCERT
Murmures et musique Peter Katz transporte son public au Petit Campus. Lauriane Giroux Le Délit
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endredi soir, 19h15, plusieurs personnes s’entassent déjà dans le vestibule du Petit Campus. La soirée s’annonce prometteuse avec comme première partie l’étoile montante Corinna Rose et le bien établi Peter Katz par la suite. À peine quelques minutes après l’ouverture des portes, la salle est déjà pleine et on entend à travers les tables des conversations de gens impatients d’entendre les premières notes de la soirée. Malgré un léger retard dû au bruit venant de la boîte de nuit située en haut, tous sont attentifs lorsque Corinna monte sur scène discrètement et emmène tranquillement voguer le public à travers les notes de sa guitare. Elle nous interprète ses chansons dans un murmure, avec une voix feutrée rappelant celle du musicien américain Sufjan Stevens et qui ne laisse personne indifférent. C’est une belle surprise pour ceux ne l’ayant jamais entendue. Corinna vient de Toronto et s’est établie à Montréal il y a quelques temps déjà. Son premier album éponyme vient tout juste de sortir et a déjà plusieurs fans. Sur scène, elle est accompagnée d’Ari Swan au violon et de Quinn Brander au violoncelle. Les arrangements avec les instruments à cordes sont très originaux et dosés avec parcimonie; juste assez pour ne pas enterrer la guitare ou le banjo de Corinna. Elle
Lauriane Giroux / Le Délit accompagne ses chansons d’histoires et ses discussions avec le public sont souvent très comiques. Corinna berce tranquillement l’auditoire et l’emmène avec elle dans un monde parfois morose, parfois cocasse, mais toujours pertinent. Cette musicienne est définitivement une artiste à surveiller pour les années à venir. Puis c’est un Peter Katz en pleine forme qui prend d’assaut la scène en entamant les premières notes de sa chanson «Days and nights». Pour la soirée, il est accompagné de la pianiste et choriste Karen Kosowski. Peter est l’un de ces musiciens qui ne fait pas de
compromis sur scène. Il est l’un des rares qui utilise à bon escient une pédale «loop station» qu’il utilise entre autres pour superposer les rythmes de guitare, mais aussi pour créer des chœurs qu’il enregistre à l’aide d’un deuxième micro. Le processus est d’autant plus impressionnant qu’il fait le tout sous les yeux des spectateurs hypnotisés par cette douce musique. Peter est un musicien qui semble avoir tout pour lui. Originaire de Montréal et maintenant établi à Toronto, le nominé aux Junos en 2012 revient en effet tout juste d’une tournée européenne suivie d’une
tournée avec le musicien folk canadien Royal Wood. En plein processus d’écriture de son prochain album qu’il enregistrera en avril, le succès ne lui monte toutefois pas à la tête. Peter s’implique avec beaucoup d’écoles et de jeunes en participant à des ateliers de musique et de développement et ne se gêne pas pour parler de ses expériences sur scène. S’il ne l’était pas déjà, le public est rapidement conquis par toutes les anecdotes que partage Peter, qui aime bien discuter et raconter de longs préambules avant ses chansons. Ces dernières sont très personnelles et résonnent avec douceur dans l’esprit de tous. Son interprétation est toujours sans faille alors qu’on peut voir ses yeux s’illuminer lorsqu’il chante et partage avec le public. Les textes et la musique sont toujours d’une délicatesse réconfortante, tout en nuances et en variations de rythmes délicates. À un autre moment, il descend de la scène et raconte l’histoire touchante lui ayant inspiré la chanson «Oliver’s Tune» , inspirée de l’histoire d’Oliver Schroer, un violoniste canadien décédé d’une leucémie en 2008, avant d’interpréter une version acoustique de cette chanson riche en émotions. Corinna et Peter ont visiblement envie d’être sur scène malgré le froid et la fatigue des tournées et c’est là l’élément clé permettant de dire que la soirée est un succès. Tout le monde semble comblé et heureux lors des applaudissements finaux après avoir chanté les chœurs de la dernière chanson, «Carried Away». [
REVUE
The Void, une revue pleine de sens Créativité, vivacité et émotions en toute sobriété à Concordia. Any-Pier Dionne Le Délit
T
he Void, la revue littéraire et artistique bilingue de l’Université Concordia, fait sa place sur le campus grâce aux voix novatrices de jeunes artistes. La revue, qui a vu le jour en 2002, se veut une tribune permettant aux étudiants du premier cycle et des cycles supérieurs de Concordia de s’exprimer et de faire connaître leurs œuvres de fiction, de non-fiction, de poésie et d’arts visuels à leurs pairs. Avec la publication de seulement deux numéros par année, les éditeurs vont chercher la crème des écrivains et artistes qui verbalisent le quotidien de nombre d’étudiants en jouant sur des thèmes qui leur sont familiers. La première édition de l’année, publiée en novembre dernier, a pour thème la télévision, cet objet indissociable de notre enfance, bien qu’il semble tomber en désuétude depuis l’avènement de l’ordinateur. Les textes littéraires et les images sélectionnés intègrent donc la télévision à leur composition d’une manière parfois subtile, parfois plus extravagante. On notera entre autres un commentaire social inspiré par America’s Funniest Videos, un poème sur
Thomas Cole Baron Hollywood et son attrait qui ne se dément pas, ou encore un poème nouveau genre qui fait un collage d’extraits de dialogues de la série télévisée Girls. Bref, il semble bien que la lente disparition de l’objet de la télévision n’arrive pas à effacer son souvenir et encore moins à éclipser l’influence de l’univers télévisuel sur nos vies. Bien que l’anglais domine largement cette première édition de l’année, le français n’est pas écarté du jeu, représenté par le texte
[ le délit · le mardi 11 février 2014 · delitfrancais.com
de fiction d’Émilie Fréchette, Rubans, qui attire et retient le lecteur dans son univers énigmatique. Le seul bémol à apporter à ce premier numéro concerne la présentation assez sobre des photographies, dessins, peintures et collages pourtant intéressants qui auraient pu être mieux mis en valeur. Dans son ensemble, loin d’être vide de sens, The Void ne manque pas de soulever l’intérêt des étudiants avec des thèmes qui leur sont à la fois familiers et évocateurs.
En plus de publier deux numéros par année, l’équipe de The Void organise aussi des lectures publiques réunissant quelques-uns de leurs jeunes écrivains montréalais favoris. Pour la première lecture publique de l’année, le 4 février dernier, ce sont les auteurs Bükem Reitmayer, Soili Smith, Blare Coughlin, Mike Chaulk et Andy Szymanski qui ont été retenus. Et ce choix a définitivement plu à l’auditoire. L’endroit où se tenait l’événement, une petite librairie du Mile-End, favorisait une ambiance intime entre les amateurs de littérature présents –en grande majorité des étudiants de Concordia– et les écrivains. Les invités ont pris la parole tour à tour, chacun y allant de quelques-uns de ses poèmes ou d’un court texte de son répertoire devant un auditoire captivé. La platitude de Calgary mise en vers par Blare Coughlin, la narration de la vie de débauche de Dieu qui l’a poussé à créer le monde en sept jours par Soili Smith, et le récit humoristique d’Andy Szymanski racontant sa tentative de passer une dernière nuit avec son ex figurent parmi les textes qui ont suscité le plus d’enthousiasme du public. Au final, le véritable fil conducteur de la soirée était la créativité, la vivacité et les émotions que transmettent si humblement les jeunes créateurs, à l’image de la revue The Void. [
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[ le d茅lit 路 le mardi 11 f茅vrier 2014 路 delitfrancais.com