Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
SOLIDARITÉ AVEC LES FEMMES AUTOCHTONES P.6 Mardi 3 novembre 2015 | Volume 105 Numéro 7
On met quoi depuis 1977
Volume 105 Numéro 7
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
AG fantôme julia denis, esther perrin tabarly & côme de grandmaison
Le Délit
I
l n’y a eu aucune motion proposée pour l’Assemblée Générale (AG) de l’AÉUM qui se tiendra lundi prochain. Zéro, niet, nada, rien, nothing. Une première historique. Un désastre de plus pour l’équipe exécutive de l’AÉUM qui enchaîne les coups durs depuis ce début d’année. Un comble alors que Kareem Ibrahim, président de l’AÉUM, promettait encore en septembre de s’engager pour lutter contre le désengagement des étudiants dans la politique étudiante et de renforcer la démocratisation des décisions de l’association. La chute est brutale. À l’automne dernier, la motion pour «exprimer une solidarité envers les peuples des territoires palestiniens occupés» proposées par Solidarity for Palestinian Human Rights (Solidarité envers les Droits de l’Homme en Palestine, ndlr) avait réveillé les passions, les clivages et l’intérêt des étudiants pour le sort de leur association. Plus de 800 étudiants s’étaient entassés dans la salle de bal et la cafétéria du bâtiment Shatner pour débattre et voter. Pour cette session six motions avaient été proposées. Forte de ce succès sans précédent, l’AÉUM avait décidé de tenir son AG d’hiver dans le grand amphithéâtre de Leacock 132. Encore une fois plus de 500 participants s’étaient déplacés. Encore une fois le corps étudiant s’était mobilisé pour décider d’une motion à propos des territoires palestiniens (proposant cette fois le désinvestissement de McGill auprès
des compagnies profitant de l’occupation illégale des territoires palestiniens). Cette fois-ci quatre motions avaient été proposées. Cependant la participation des mcgillois aux AG n’a pas toujours été aussi forte. L’AÉUM a longtemps manqué de participants pour atteindre un quorum (un minimum de 100 personnes présentes pour voter une motion, ndlr) permettant de voter officiellement des motions – sans devoir les refaire passer devant le conseil législatif de l’AÉUM. Peu de participants… mais toujours des motions. À l’automne 2012, six motions proposées, deux ratifiées sous quorum, trop peu d’étudiants présents. À l’hiver 2013, trois motions proposées, pas de quorum. À l’automne 2013, deux motions proposées, pas de quorum. À l’hiver 2014, cinq motions et un quorum enfin atteint. Après l’apogée de l’AG l’année passée, l’AÉUM n’aura pas finalement pas besoin de réserver le Centre Bell pour accueillir tous les étudiants enthousiastes à l’idée de s’impliquer dans la vie politique du campus! Automne 2015, aucune motion, et un quorum qui sera difficile à réunir compte tenu du fait que la seule discussion portera sur le sujet des audits financiers de l’AÉUM. Pourquoi un tel vide? La clé pourrait être le manque flagrant de communication de la part du corps exécutif de l’AÉUM concernant l’Assemblée Générale. Presque aucune information n’a été relayée sur la page Facebook de l’association et l’événement ne compte que quelques dizaines de participants, pour la plupart des membres déjà actifs de la scène associative étudiante. On
peut souligner la procédure longue et fastidieuse, propre à chaque administration, qui accompagne les motions de l’élaboration au vote. On pourrait ramener l’argument de l’apathie étudiante, mais les débats de l’an dernier nous ont prouvé le contraire: il existe une dimension politique à McGill. Peut-être un peu trop présente, si l’on voit la violence des propos tenus, souvent, dans la sphère étudiante. Mais n’est-ce pas justement cette politisation du corps étudiant qui peut expliquer l’absence de motion? À voir le sort réservé à ceux qui ont le malheur de proposer la tenue d’un événement visant à exposer les conditions de vie des réfugiés on peut comprendre que beaucoup n’osent pas s’aventurer dans l’arène politique. Les membres du collectif EUMC McGill (p.3), c’est-à-dire des étudiants (dont d’anciens réfugiés), s’impliquant pour que des réfugiés aient la chance d’étudier parmi nous, ont eu le malheur de donner à leur session d’information un titre hasardeux. La foudre s’est alors abattue sur eux, des critiques 2.0 ne cherchant souvent pas aller au-delà du titre de l’événement. Cet épisode, un parmi tant d’autres, illustre la volonté qu’ont certains de limiter le débat à des sujets consensuels et «sécuritaires» qui surtout ne doivent heurter personne, quitte à oublier que le débat et l’opposition font bouger les choses bien plus que la censure, formelle ou non. x Assemblée Générale, lundi 9 novembre de 15:00 à 20:00, salle de Bal du bâtiment Shatner (AÉUM)
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Julia Denis Actualités actualites@delitfrancais.com Julien Beaupré Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Céline Fabre Amandine Hamon Société societe@delitfrancais.com Esther Perrin Tabarly Économie economie@delitfrancais.com Sami Meffre Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Luce Engérant Eléonore Nouel Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Yves Boju Côme de Grandmaison Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Inès Léopoldie-Dubois Multimédias multimedias@delitfrancais.com Matilda Nottage Événements evenements@delitfrancais.com Joseph Boju Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Léo Arcay, Hortense Chauvin, Joachim Dos Santos, Nouédyn Baspin, Mahaut Engérant, Charles Gauthier-Ouellette, Marion Hunter, Morgane Jacquet, Alexandre Jutras, Aldéric Leahy, Frédérique Lefort, David Leroux, Capucine Lorber, Ikram Mecheri, Catherine Mounier-Desrochers, Hannah Raffin, Amelia Rols. Couverture Luce Engérant, Salomé Gouard, Eléonore Nouel. bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Niyousha Bastani
2 éditorial
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).
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Actualités
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campus
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EUMC McGill tient une table d’information sur le campus.
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Le Délit
M
ercredi dernier, WUSC McGill (World University Services of Canada, soit Entraide Universitaire Mondiale du Canada, EUMC, ndlr), la branche mcgilloise de l’organisme national EUMC tenait une table d’information à l’intersection Y, et ce pour toute la journée. Cette association canadienne a pour but de promouvoir l’accès à l’éducation et à l’emploi. Il s’agit donc de donner des opportunités aux jeunes défavorisés dans le monde pour les aider à améliorer leurs conditions de vie. EUMC McGill et leur programme d’étudiants réfugiés (PER) permet chaque année de faire venir deux étudiants réfugiés à McGill. En effet, chaque étudiant au premier et deuxième cycle contribue au programme grâce à 50 centimes prélevés chaque semestre sur la facture scolaire totale. Une table pour informer Le but de leur table d’information mercredi dernier était de faire découvrir l’association aux étudiants mcgillois et de les sensibiliser à la migration forcée et l’impact que cela peut avoir sur l’éducation des jeunes. Un événement important pour l’association, surtout que les 50 centimes prélevés chaque semestre ne sont plus suffisants pour soutenir le PER, comme nous explique Daniel Kent, membre de l’association et élève en quatrième année. Il est donc important pour l’association de se faire connaître de plus en plus par les étudiants, surtout en
vue de leurs efforts pour augmenter les frais à un peu moins d’un dollar par semestre afin de pouvoir accueillir six réfugiés l’année prochaine (quatre Syriens et deux venant de camps au Malawi ou au Kenya). Amélie Fabian, coprési-
taines de signatures a été partagée dans un événement appelant à l’annulation totale de l’événement. Finalement, après discussions avec des exécutifs de l’AÉUM, et vu l’envenimement des réactions sur Facebook, l’idée des tentes a
«En tant qu’étudiants universitaires nous avons une voix et une possibilité réelle d’impacter la vie de quelqu’un grâce au programme.» dente de l’association, affirme que l’administration doit ajuster sa redevance à l’inflation, chose qui n’a pas été faite depuis la création du programme en 1986. «C’est donc vital pour EUMC McGill de se faire connaître des étudiants», ajoute-t-elle.
été abandonnée. Cependant, la controverse a permis à EUMC de se faire connaître, et a même poussé des gens à aller voir leur table d’information, à se renseigner sur les actions d’une telle association, et potentiellement à s’y investir dans le futur.
Un événement controversé
Une visibilité inespérée
Afin d’attirer l’attention et sensibiliser les élèves, l’événement, initialement appelé «Mock refugee camp on campus»,(Faux camp de réfugiés sur le campus, ndlr) prévoyait la disposition de tentes en face de l’université dans lesquelles les membres de l’association se seraient trouvés avec des brochures et affiches. L’idée était donc de créer un espace ou les bénéficiaires du PER et membres d’EUMC McGill auraient pu s’exprimer sur leur expérience, mais aussi sur le travail que fait l’association. Or, cette idée a été très mal reçue par une partie de la population estudiantine, qui trouvait que l’idée donnait une image très réduite et minimaliste de la vie dans un camp de réfugiés. Une lettre ouverte écrite par deux étudiantes et recueillant des cen-
Peu connue de la communauté mcgilloise, EUMC McGill est pourtant une association dont les résultats se font vraiment ressentir par la population visée. En effet, chaque année des étudiants viennent étudier à McGill à travers le PER, un programme qui, selon les bénéficiaires, change leur vie. La controverse engendrée a donc permis à EUMC de gagner une visibilité sur le campus beaucoup plus grande que celle espérée. Comme nous dit Amélie Fabian, «la crise des réfugiés est un sujet important surtout en ce moment et en tant qu’étudiants nous avons une voix et une possibilité réelle d’impacter la vie de quelqu’un grâce au programme. Il est donc important que les gens nous connaissent et sachent ce que l’on fait.» x
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actualités
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campus
Changer le monde, une entreprise à la fois Une rencontre sur l’art de l’entrepreneuriat social. Catherine MounierDesrochers
Le Délit
L
a semaine dernière, le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat à la Faculté de gestion Desautels de McGill organisait un événement afin de donner l’opportunité aux étudiants et aux jeunes professionnels d’échanger sur le thème de l’entrepreneuriat social. Pour les adhérents à ce type d’entrepreneuriat émergeant, le principe est d’intégrer une composante sociale à leurs initiatives, en basant leurs compagnies sur l’idée d’un changement de société. Les entrepreneurs sociaux sont des gens aux idées novatrices se présentant comme les porteurs de solutions face aux problèmes sociaux les plus pressants. Pour la présidente de l’exécutif du Centre Dobson, Maryam Sabour, « l’entrepreneuriat devient social lorsque l’on constate une véritable valeur ajoutée bénéficiant à la société en général ». Une demande en hausse L’intérêt croissant envers ce type d’entrepreneuriat est
démontré par les opportunités grandissantes offertes aux jeunes créateurs. Pensons, par exemple, à la Dobson Cup, qui chaque année donne l’occasion aux étudiants de se lancer en affaires, entre autres dans la catégorie de l’entrepreneuriat social. Les récipiendaires de l’édition 2015 se sont illustrés par leur créativité et leur désir d’impact sur les communautés. Saniter, qui a remporté le premier prix, s’est lancé dans l’amélioration de la salubrité des maisons en Inde, alors que Solar Backpack, qui a remporté la deuxième position, collecte l’énergie du soleil grâce à un panneau solaire et sert de lampes aux enfants, leur permettant ainsi de lire même une fois la nuit tombée. Par ailleurs, depuis quelques années, le prix Hult suscite l’engouement dans le milieu des affaires; attribuant un million de dollars à l’équipe gagnante. Les participants doivent trouver une initiative offrant une solution à un besoin social urgent. C’est d’ailleurs une équipe de McGill qui a remporté les grands honneurs en 2013 avec la compagnie Aspire, qui vise à aider les populations mal nourries en leur procurant une sécurité alimentaire à l’aide de produits dérivés d’insectes.
Des idées originales Une des initiatives mises en avant lors de la soirée fut la Buanderue, qui offre des services de blanchisserie commerciaux aux
entreprises montréalaises. Or, la particularité de celle-ci provient du fait qu’elle emploie des gens au chômage ou vivant dans la rue. Ainsi, elle offre des opportunités à des individus marginalisés en leur
donnant une chance de se sortir du cycle du chômage tout en changeant la perception des gens envers ces itinérants. Par la suite, des représentantes de l’entreprise Pennydrops – qui s’est donné le mandat d’offrir des connaissances financières aux jeunes étudiants du secondaire afin de bien les outiller à devenir indépendants financièrement – ont expliqué leur parcours. Le projet a été créé à la suite du constat que peu de jeunes se sentent confiants quant à leur connaissance de la gestion de l’argent. À l’aide de partenariats avec quelques écoles de Montréal, ils forment des mentors afin de donner des cours hebdomadaires pendant huit semaines et ainsi munir les jeunes étudiants de connaissances financières de base. L’entreprise vise l’expansion à travers le pays, mais ultimement, l’intégration d’un curriculum similaire dans toutes les écoles. Afin d’aider les étudiants à concrétiser leurs idées d’entrepreneuriat, le Centre Dobson offre une grande variété de ressources tout au long de l’année; l’occasion de tester leurs prototypes, un accès privilégié aux professeurs, un programme de mentorat ainsi que plus d’une trentaine d’événements pour favoriser les connexions et les échanges. x
Bal Masqué et Police Retour sur les incidents du bal annuel de la MUS. minute après qu’ils aient debuté leur concert.
Sami Meffre
Le Délit
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Intervention Policière
endredi dernier, Masquerage, le bal annuel d’Halloween organisé par la Management Undergraduate Society (Société des Étudiants au Baccalauréat en Gestion, ndlr) à l’Olympia de Montréal, a tourné court après l’intervention du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) vers 1 heure et demie du matin. Une organisation de taille Cet événement annuel commencé en 2013 était censé rassembler près de 2 700 étudiants vendredi dernier. Les organisateurs l’avaient même surnommée «la plus grande soirée d’Halloween étudiante du Canada», ainsi que le plus gros concert organisé par la MUS. Pour ce faire, l’association étudiante avait loué le théâtre de l’Olympia de Montréal tandis que son événement affichait complet depuis mardi dernier. Aux festivi-
4 actualités
tés étaient annoncé Jackal, artiste originaire de Los Angeles, en première partie, et le duo Australien Mashd n Kutcher en tête d’affiche. Les organisateurs avaient déjà commencé leur journée du 30 octobre sous pression alors que le duo
australien leur avait annoncé en fin de matinée qu’il aurait 45 minutes de retard dues à un retard sur leur vol. Finalement, le duo aura à peine eu le temps de commencer puisque la police montréalaise est intervenue seulement une vingtaine de
Selon un communiqué officiel de la MUS sur sa page Facebook, la police de Montréal aurait justifié cette intervention par la présence d’un trop grand nombre d’étudiants en état critique d’ébriété arrivant sur les lieux du concert. Selon ce même communiqué, la MUS blâme la police pour avoir choisi d’arrêter le concert en cours ainsi que pour avoir fait sortir les 2 500 participants d’un seul coup dans les rues de Montréal.Ce même choix a été critiqué par un des participants qui a confié au Délit que «la sortie brusque de tous les étudiants était vraiment dangereuse et sans aucun égard». Ce même participant a ajouté que «la situation était complètement hors du contrôle des organisateurs, et leur réaction face aux plaintes des participants manquait vraiment de professionnalisme». La MUS
se défend en expliquant que tout d’abord, aucun des étudiants en état critique n’a été autorisé à rentrer dans le théâtre, et que de plus, leurs équipes de premiers secours étaient parfaitement capable de gérer la situation. Si la MUS n’accordera pas de remboursement aux participants, elle a tout de même proposé une compensation aux étudiants de McGill. Samedi soir, un concert a été organisé dans l’urgence au théâtre Telus. Les billets à réserver en ligne étaient entièrement gratuits. Ce concert était ouvert a tous les étudiants de McGill. Les organisateurs ont même réussi à convaincre le duo de tête d’affiche Mashd n Kutcher de rallonger son séjour à Montréal afin de pouvoir endiabler ce concert de compensation. Si cet épisode noir a sûrement un peu terni la réputation de la MUS, cette dernière n’a pas eu le temps de s’apitoyer sur son sort alors que la cérémonie d‘ouverture d’Hype Week, nouvelle soirée de festivité, avait lieu lundi soir au Café Campus. x
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campus
Une solution pacifique Une conférence sur les droits des Palestiniens. Hannah Raffin
L
e mercredi 28 octobre, l’Association des étudiants de l’université McGill en solidarité pour les droits des Palestiniens (McGill Students in Solidarity for Palestinian Human Rights) a tenu une conférence pour sensibiliser les étudiants à la question palestinienne. Elle a pour objectif de montrer comment nous pouvons agir, à notre échelle, sur la situation. Selon l’association, l’État d’Israël instaure — en désaccord avec la législation internationale des Nations Unies — un apartheid vis-à-vis de la population palestinienne. L’association précise aussi que la présence des autorités israéliennes sur le territoire palestinien ne serait pas une occupation — légale, selon la loi internationale, à condition d’être temporaire —, mais la mise en place d’une politique colonialiste. En effet celle-ci s’inscrit sur le long terme et s’accompagne de l’installation de la population israélienne sur le territoire occupé. La situation est particulièrement dénoncée à Gaza. Occupée depuis 1967, la bande de Gaza oppose la résistance la plus impor-
Israël. Les multinationales Veolia et Alstom sont aussi montrées du doigt: elles participent à la construction de voies ferrées liant des colonies israéliennes installées illégalement en territoire palestinien. Pour cela, elles sont en partie responsables de la destruction de villages palestiniens.
tante à Israël. Mais la population civile palestinienne locale subit en premier cette résistance. Le taux de chômage y est de 43%, plus de 70% pour les jeunes. Le blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 8 ans sur ce territoire entrave l’activité économique. À cela s’ajoute le fait que la plupart des bâtiments détruits lors des conflits israélo-palestiniens n’ont jamais été reconstruits.
Et McGill dans tout ça?
Des accords asymétriques Selon l’association, les accords successifs d’Oslo et de Camp David II ont apporté plus de points négatifs que positifs aux Palestiniens. Par exemple, si les accords d’Oslo débouchent sur la création d’une autorité palestinienne, celle-ci n’exerce un contrôle total que sur 3% de son territoire, alors qu’entre 72 et 74% du reste de la zone occupée est toujours sous autorité israélienne. C’est la société civile palestinienne qui a amorcé ce mouvement en 2005: elle fait un appel au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS) comme outil de pression contre Israël. Ce mouvement a pour but d’inciter Israël à respecter la législation interna-
Trick or Eat
tionale. Les trois principaux objectifs sont d’arrêter l’occupation de la bande de Gaza et de la Jordanie, de reconnaître les droits fondamentaux des citoyens palestiniens, et enfin de permettre le retour des réfugiés palestiniens dans leurs propriétés et leurs terres (comme le stipule la Résolution 194 des Nations Unies). Selon l’association, le respect des droits fondamentaux est l’uni-
que objectif du mouvement BDS, qui n’a d’affinités avec aucun parti politique. Les entreprises visées par le boycott sont nombreuses. Soda Stream, compagnie israélienne qui commercialise des machines pour gazéifier des boissons, effectue sa production en violation du droit international. En effet, ses industries se trouvent sur des terres occupées illégalement par
Au niveau mondial, des universités comme l’École des Études orientales et africaines (ou School of Oriental and African Studies. SOAS) de Londres, ou encore l’Université de Johannesburg se sont engagées auprès de BDS. Cependant, une motion débattue l’année dernière lors de l’assemblée générale d’automne de l’AÉUM, pour décider de l’engagement des Mcgillois auprès de ce mouvement, avait débouché sur une impasse, la motion étant «reportée à jamais», par peur de polariser les étudiants. Cette question continue de préoccuper les étudiants, notament du fait que McGill possède, entre autres, des investissements chez Remax, un réseau d’agence immobilière qui vend des propriétés dans des colonies israéliennes illégales. x
Un projet pour pallier l’insécurité alimentaire chez les étudiants. Au total, plus de 62 denrées ont été accumulées au cours de l’évènement Trick or Eat. MFSP remettra ces dons à l’organisme La Porte Jaune (The Yellow Door) qui va se charger de distribuer ces denrées de façon tout à fait anonyme aux étudiants. L’initiative fait partie du mouvement mondial Meal Exchange qui s’est tenu à travers une centaine d’établissements universitaires situés principalement au Canada, aux ÉtatsUnis et en Australie.
Ikram Mecheri
Le Délit
L’
équipe de McGill Food Systems Project (MFSP) aura traversé les innombrables intempéries du climat entre les 28 et 30 octobre derniers afin de mener à bien l’évènement Trick or Eat. Le concept est simple: les étudiants et le personnel étaient invités à troquer leurs denrées non périssables pour des friandises. Au passage, la joyeuse équipe de MFSP en profitait pour sensibiliser la population mcgilloise à l’enjeu de l’insécurité alimentaire, phénomène en rapide croissance auprès des étudiants selon les organisateurs.
Des données manquantes
Une nouvelle équipe Pour l’occasion, Le Délit a rencontré May Hobeika, étudiante en économie et en environnement et coordonnatrice aux affaires externes de MFSP. C’est avec passion et enthousiasme qu’elle nous fait découvrir les activités de cette association ainsi que les enjeux alimentaires au cœur de leurs préoccupations. Hobeika est revenue sur l’histoire un peu chaotique de ce club étudiant qui
s’est dissous à de maintes reprises ces dernières années. Cependant, cette année, confirme-t-elle, MFSP revient avec force avec une équipe très motivée afin «de poser des actions concrètes telles que la mise en place des évènements pour sensibiliser les étudiants de l’université aux enjeux alimentaires.» La jeune étudiante nous explique aussi que la mission de MFSP a
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grandement évolué ces dernières années. Initialement, l’objectif était d’offrir du soutien aux étudiants effectuant des Projets de Recherche Appliquée (Applied Student Research Projects, ndlr) qui touchent l’alimentation et l’insécurité alimentaire. Désormais, ils souhaitent concentrer leurs efforts sur la sensibilisation des membres du campus sur ces enjeux.
L’insécurité alimentaire qui touche les étudiants n’est pas un sujet très médiatisé au Québec, car il existe sur la place publique une certaine vision trompeuse des étudiants qui sont souvent perçus comme des enfants gâtés. La fameuse bourde de Richard Martineau sur les résaux sociaux, lors de la grève étudiante, qui n’en revenait pas de voir des étudiants boire de la sangria et téléphoner sur une terrasse d’Outremont, témoigne de cette vision peu avantageuse que certains membres de la société ont des étudiants. Résultat: il existe très peu d’organismes qui s’atta-
quent au problème de l’insécurité alimentaire auprès d’eux. Hobeika affirme que selon les données de Statistique Canada, sur lesquelles MFSP se base, l’insécurité alimentaire toucherait plus de 4 millions de Canadiens et les étudiants constituent le groupe d’âge où la croissance de ce fléau est la plus élevée, ce qui confirme l’ampleur de ce phénomène. Selon elle, le peu de choix et les prix exorbitants des cafétérias de l’Université constituent des problématiques majeures. De plus, avance l’étudiante, il n’existe aucune statistique ou travail de recherche sur la situation des étudiants de McGill. Sans statistiques ni données officielles, il devient alors difficile de mesurer l’ampleur du fléau au sein de l’Université. Toutefois, MFSP – sous la houlette de la coordinatrice Anna Cécilia Portello – est en train de réaliser une recherche étudiante sur le sujet. En somme, pour Hobeika et le reste de la courageuse équipe de MFSP, l’Halloween n’est pas seulement une occasion de faire la fête et se gaver de friandises, mais aussi le moment idéal pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. x
actualités
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fédéral
Pour que ça bouge
Une vigile en solidarité avec les femmes autochtones disparues ou tuées.
salomé grouard
Julien Beaupré
Le Délit
À
l’arrivée ce qui frappe, ce sont les pancartes. Une vingtaine au bas mot. Sur chacune d’elles, le portrait d’une jeune femme sur fond blanc avec sa durée de vie, dont la fin coïncide souvent avec sa dernière apparition. S’y accrochant littéralement, les proches, les membres de la famille, les amis, les transportent dans leurs mains pour que les participants réalisent l’ampleur du drame, de leur détresse.
Sensationnalisme? Peut-être, en tout cas ça a l’avantage de briser l’apathie de l’écran, et ne laisse pas indifférent. Sauf que. À l’origine de l’agitation de ces dernières semaines, il n’y a ni pancarte ni vigile. Il y une vidéo: un reportage sur les violences faites aux femmes autochtones de la ville de Val-d’Or (voir le Délit du 27 octobre). Une musique lyrique soutient la vidéo, comme pour bien indiquer l’émotion à prendre. Parce que les informations elles, n’ont jamais réussi à émouvoir, à concerner un public indifférent.
La vigile est située Place des Arts. Le même lieu où une chaîne humaine en solidarité avec les réfugiés syriens avait eu lieu en début d’année scolaire, dans les mêmes circonstances, dirait-on. Cette fois, c’était la photographie qui avait amorcé l’indignation; même principe. Sauf qu’au Canada, cela fait plus de 10 ans que le phénomène perdure. Il s’agit d’un lieu commun au pays, la situation précaire des premières nations remonte, sans extrapolation, à Jacques Cartier. Récemment, et sur un autre enjeu que celui des femmes, on apprenait l’existence d’un réseau de pensionnats pour les jeunes autochtones entre 1880 et 1996 sous la tutelle du gouvernement canadien. Tout cela pour forcer les jeunes à oublier leur culture à force de violence psychologique et corporelle. Environ 150 000 enfants en tout. Ça a fait réagir, mais comme ici, sur papier. Cela explique au moins la réticence des premières nations à se fier aux instances de justices gouvernementales. Une soirée pleine d’émotion
salomé grouard
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La soirée a principalement consisté en un grand rassemblement: énorme pour ce type d’événement ponctué de discours bilingues et de chants. Une centaine de personnes réunies, brandissant lampions et chandelles allumées pour saluer la mémoire de celles qui ont disparu. À l’ouverture, et sous un tonnerre d’applaudissements, la présidente de Femmes Autochtones du Québec, Mme Viviane Michel, a insisté sur le fait que la foule se trouvait sur des terres traditionnelles autochtones non cédées. Une tendance qu’on note aussi parmi les associations étudiantes de McGill, à l’AÉUM comme à l’AÉFA.
La vigile s’est amorcée avec une prière traditionnelle incompréhensible, mais que le public devine bien venir de la langue et de la tradition autochtone. Laquelle exactement? On ne saurait dire, autochtone est maintenant un mot fourre-tout. Il a au moins l’avantage d’être pratique. C’est une généralité, qui englobe toutes ces minorités aujourd’hui encore opprimées. Le chant traditionnel qui a suivi la prière avait l’avantage de ne comporter que des cris; pas besoin d’en identifier la langue. Le rassemblement, sans se proclamer féministe, tournait majoritairement, sinon exclusivement, autour du sujet des femmes. Mélissa Mollen Dupuis, représentante d’Idle No More Québec, a d’ailleurs débuté son discours par une affirmation, chaudement accueillie: «les femmes autochtones ne valent pas moins.» Face aux atrocités dévoilées par le reportage d’enquête, Mme Viviane Michel, présidente de Femmes Autochtones du Québec, félicitait le courage des femmes qui ont accepté de dénoncer la situation dans laquelle elles vivaient: «Nous on les croit». Dans la même lignée, M. Ghislain Picard, chef régional de l’Assemblée des Premières nations Québec et Labrador, insistait sur la responsabilité des chefs autochtones, majoritairement des hommes. Il milite entre autres pour éviter que la situation présente ne revienne à l’étape du status quo. Une volonté de changement Pour Vincent Morreale, étudiant en littérature française à McGill, voir autant de gens non touchés directement par le reportage est rassurant. «De savoir que le malheur de ces femmes puisse être causé par des représentants de l’or-
dre rend la chose absurde. Participer au mouvement contribue à faire avancer les choses.» L’événement a été organisé par plusieurs organisations conjointement, toutes investies depuis des années dans une optique de sensibilisation pour une solidarité avec les femmes autochtones disparues ou tuées: Idle No More Québec, Femmes Autochtones du Québec, le Réseau de la stratégie urbaine autochtone à Montréal, le centre Native Montréal et Amnistie Internationale Canada francophone. C’était aussi l’occasion de distribuer une lettre ouverte, datée du 25 octobre 2015, destinée aux premiers ministres Justin Trudeau et Philippe Couillard. Le titre est clair, «Justice pour les femmes autochtones». On y demande à M. Philippe Couillard de mettre en place un comité indépendant des institutions policières pour enquêter sur les allégations d’abus de pouvoir par les agents de la Sûreté du Québec sur les femmes autochtones de Val-d’Or, ainsi que sur les femmes issues d’autres communautés. On y insiste également pour que la Déclaration des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones soit appliquée. La dernière parole tombe et la foule se dissipe. Quelques-uns demeurent pour parler pendant que les médias sautent sur les responsables de l’événement. On s’attend à ce que l’information circule davantage, l’an prochain sera peut-être un pow-wow, souhaite la présidente de Femmes Autochtones du Québec. Du moins, on est en droit d’espérer que le nouveau gouvernement libéral fera bouger les choses dans le bon sens, lui qui a fait élire huit députés autochtones en son sein, sur dix autochtones au Parlement, un record. x
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
montréal
Grève dans les écoles Coupes budgetaires dans l’éducation: à quel prix les Québécois paieront-ils l’équilibre? Aldéric Leahy
L
e gouvernement libéral du Québec a promis lors des élections provinciales de 2014 d’atteindre l’équilibre budgétaire au cours de l’année 20152016. Pour ce faire, plusieurs coupures budgetaires dans la sphère de la fonction publique ont été entreprises. Ces coupures concernent notamment les policiers, les pompiers, les employés du secteur de la santé, les enseignants, et le personnel de soutien dans les écoles. Mardi dernier, 125 000 des 415 000 employés représentés par le Front commun de la santé, de l’éducation et de la fonction publique étaient en grève à travers la province. Les employés de la fonction publique manifestent contre les nouvelles réglementations que veut imposer le gouvernement québécois. Heures supplémentaires Mercredi dernier, sur la rue Université, à l’entrée de l’école FACE, en face à l’entrée du pavillon Adams de l’université McGill, malgré la pluie et le vent, les quelque 60 enseignants de
la partie francophone de l’école étaient en grève légale non payée pour la journée. L’école FACE fait partie de L’Alliance des professeurs et des professeures de Montréal qui est représentée à la table des négociations avec le gouvernement du Québec pour une nouvelle convention collective des employés du secteur de l’éducation. Le gouvernement veut augmenter la durée de la semaine de travail des enseignants de 32 à 35 heures sans toutefois aucune augmentation salariale à l’horizon. En effet, les salaires seraient gelés pour les trois prochaines années (et non pas indexés sur l’inflation) et une augmentation de 3% des salaires des enseignants ne serait prévue que pour la quatrième et la cinquième année. Pour l’instant, cette proposition a été mise de côté par le gouvernement à cause de la grogne qu’elle a occasionnée, nous dit Paul, représentant syndical de l’école. Toutefois, les projets du gouvernement inquiètent: coupures dans l’aide spécialisée (élèves autistes, élèves sourds et muets, etc.), élimination de certains postes, telles que l’aide psychologique pour les élèves, mais aussi pour les enseignants.
Enseignants: pas contents D’après Amélie Lapointe, enseignante à la maternelle, l’enjeu névralgique des négociations est la question de l’élimination des quotas et de l’augmentation du nombre d’élèves par classe: «le gouvernement veut éliminer les quotas
dans les classes. Normalement les classes avec un enfant avec des difficultés sont prises en considération et ces classes comptent un moins grand nombre d’élèves. Par exemple, si une classe de maternelle a normalement 20 élèves, une même classe avec un enfant autiste en aurait 16 ou 17, afin que l’ensei-
gnant puisse être plus disponible pour cet enfant qui pourrait avoir des difficultés d’apprentissage.» Elle s’inquiète à l’idée que cette réforme éventuelle fasse des élèves avec des difficultés d’apprentissage des laissés pour compte tout en augmentant la charge de travail des enseignants. Julie Adam, également enseignante, se soucie du manque de reconnaissance du corps enseignant au sein de la société. «J’entends souvent dire que les enseignants ont de très bonnes conditions de travail pour une charge de travail minime. Pourtant, les enseignants n’arrêtent pas de travailler au son de la cloche, nous devons corriger les travaux scolaires, préparer les cours, organiser les activités parascolaires, etc. Ces heures supplémentaires ne sont ni comptées ni rémunérées.» Les élèves de l’école FACE auront donc manqué deux jours d’école durant cette semaine de manifestations et de piquets de grève. Si le gouvernement et les associations syndicales n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente pour le renouvellement de leurs conventions collectives, certains regroupements d’enseignants pourraient tomber en grève illimitée en décembre. x
chronique
Trudeau et le Bloc David Leroux | Espaces Politiques
L
e résultat de la dernière élection fédérale aura été, d’un point de vue canadien, une surprise absolue. D’un point de vue québécois, prenant en considération l’importance que revêt la question nationale depuis les années 1960 dans l’univers politique de la province mouton-noir de la fédération, la lune de miel prend une toute autre saveur. Moins de 48 heures après que le Canada ait porté Trudeau-fils au pouvoir,
François Legault et Philippe Couillard chantaient déjà l’agonie du projet souverainiste. Il est vrai que le pari de miser tant de ressources et d’énergies sur le Bloc Québécois, un parti devenu soudainement mineur suite à la «vague orange» de 2011, était pour le moins courageux. Seraitil possible de le faire renaître de ses cendres? Avec deux députés sortants, les beaux jours des défenseurs des intérêts et de la spécificité québécoise aux Communes semblaient révolus. Gilles Duceppe revenu en sauveur travaillant main dans la main avec un Pierre Karl Péladeau qui avait déclaré, un an auparavant, mettre en doute l’utilité du Bloc Québécois, promettaient, le feu dans la voix, le début d’un nouveau cycle indépendantiste. Axe gauche-droite Seul problème: les électeurs québécois étaient polarisés
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
autour de l’axe gauche-droite, non pas autour de la place de la nation dans (ou hors de) la fédération. Reprenant les arguments traditionnels des détracteurs du Bloc Québécois, c’est-à-dire l’inutilité de voter pour un parti condamné à l’opposition, la gauche sociale-démocrate s’est détournée sans plus de questions du Bloc au profit de n’importe quel parti en mesure de ne pas redonner le pouvoir aux Conservateurs. Les élucubrations les plus originales furent faites sur la base des innombrables sondages électoraux. Les appuis furent donnés tous azimuts au NPD, puis aux Libéraux; le Bloc devenant l’ennemi qui divise le vote. L’adoption par le Bloc d’une position sans équivoque en faveur du vote à visage découvert provoquée par le débat sur le niqab orchestré par les stratèges conservateurs a suffit à donner à la gauche «stratégique» une arme supplémentaire pour attaquer l’ennemi diviseur de vote:
le nationalisme québécois serait injecté de xénophobes et reposerait sur une intolérance latente. Montée électorale Pourtant, la députation bloquiste, au lendemain du scrutin, a quintuplé, passant de deux à dix députés — pas assez toutefois pour que l’organisation bloquiste soit reconnue comme parti officiel sur la Colline Parlementaire. Duceppe, un parlementaire d’expérience et d’une qualité reconnue bien au-delà des frontières du Québec, a de nouveau été défait dans sa circonscription. Le pourcentage d’appui au parti a, lui aussi, baissé depuis 2011. Malgré le fait que le Bloc Québécois ait servi de plateforme pour qu’une coalition souverainiste (PQ-ON-QS) travaille pour la première fois ensemble, que de nouvelles stratégies de communication aient été testées et enfin que la députation ait quintuplé, il semble difficile de se réjouir
des résultats. L’aventure aurat-elle causé plus de tort que de bien au na tionalisme québécois? L’avenir le dira. Indépendentisme, de retour? La question nationale et la souveraineté étaient certes loin d’être au premier plan, il n’empêche que l’image et les résultats mitigés obtenus par les porteurs de cette option apporteront beaucoup d’eau au moulin de ses opposants naturels d’ici l’élection provinciale de 2018. Seul espoir pour les indépendantistes: avec un gouvernement libéral de centre-gauche à Ottawa, la polarisation de l’électorat sur l’axe gauche-droite tendra probablement à diminuer . Cela pourrait ouvrir une fenêtre favorable à la réconciliation des nationalistes de gauche, de centre et de droite sous une même enseigne, et revenir à une dualité politique centrée autour de la question de l’indépendance. x
actualités
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Société societe@delitfrancais.com
Peu de peine à nourrir le monde L’agriculture naturelle, une solution inexplorée. léo arcay
Le Délit
«Il dit à l’homme: puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre: tu n’en mangeras point! Le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.»
L
(Genèse 3.17-19)
e fait que nous devions travailler pour obtenir notre pain est une hypothèse fondamentale, profondément ancrée dans nos esprits. Depuis des centaines d’années, l’homme a cherché à augmenter sa productivité agricole par toutes sortes de procédés, certains visant à accroître la fertilité des sols, d’autres à réduire l’effort, d’autres encore à atténuer les coûts de production. Cela remonte à bien avant l’invention de la charrue autour de l’an mille, en partant de l’araire, de l’irrigation et des brûlis jusqu’à nos jours en passant par le compost, la mécanisation, l’utilisation d’engrais, de pesticides et de désherbants chimiques, et, pour finir, les organismes génétiquement modifiés (OGM). Plus récemment, la montée d’un mouvement d’agriculture biologique s’est opposé à cette «dénaturalisation» de la production de nourriture. «On est allé trop loin», dira-t-on. Selon Masanobu Fukuoka, un pionnier de l’agriculture «naturelle» au Japon, nous allons dans la mauvaise direction depuis au moins deux millénaires. L’Homme contre nature Fukuoka affirme que l’immense majorité des structures agricoles construites par l’Homme sont contre nature, à l’exception notable de certains systèmes semi-nomades autochtones. L’agriculture biologique elle-même n’est pas nécessairement naturelle. L’erreur primaire est de nous considérer nous-mêmes comme dominant la nature, ou étant séparés d’elle. C’est de regarder la terre, comme le dit si bien l’activiste indienne Vandana Shiva, comme l’homme tend à
8 société
«Un fermier qui plante une graine n’est pas plus qu’un ingénieur qui modifie une variété. Il ne crée pas la vie; il est vecteur de la vie.» regarder la femme: un être passif que l’on féconde. C’est la nature qui nous donne vie, pas l’inverse. Nous sommes inutiles à la terre, alors qu’elle nous est essentielle. Un fermier qui plante une graine n’est pas plus qu’un ingénieur qui modifie une variété. Il ne crée pas la vie; il est vecteur de la vie. Fukuoka pense que nous traitons la terre comme un substrat nu, sans percevoir les grandes interactions de l’écosystème. D’un point de vue taoïste, nous allons contre l’ordre établi, quand nous devrions suivre le chemin naturel de toute chose. Laisser libre cours à la culture Le Japonais a donc inventé sa propre méthode: l’agriculture du non-agir. On pourra la décrire comme une forme de permaculture basée sur l’intervention minimale. Selon Fukuoka, la nature est Dieu; elle est donc parfaite. Les écosystèmes sont stables à moyen terme parce que les propriétés et les interac-
tions des formes de vie profitent mutuellement à tous les partis, y compris l’Homme. Suivre cet ordre naturel est simple et fiable. Celui qui tente de manipuler cet ordre ne peut avoir connaissance des causalités les plus subtiles, et son projet ne peut qu’être voué à l’échec. Sur sa parcelle de terrain sur l’île de Shikoku, Fukuoka a cultivé, jusqu’à sa mort en 2008, plusieurs types de céréales, de fruits et de légumes, ainsi qu’élevé quelques animaux… avec une productivité égale ou supérieure à ses voisins utilisant des méthodes industrielles. Cherchant à éliminer un par un les éléments superflus de l’agriculture moderne et traditionnelle, il est arrivé à un certain nombre de principes basés sur les cycles naturels des écosystèmes. Tout d’abord, pas de labour de la terre: cela n’arrive pas dans la nature et perturbe les animaux et microorganismes du sol. Les engrais chimiques ou biologiques doivent être éliminés, puisqu’ils détruisent la
capacité de régénération de la terre. Le désherbage est nocif: les légumes doivent pousser au milieu des herbes et plantes sauvages qui confondent les insectes nuisibles et enrichissent le sol. Les produits chimiques, quels qu’ils soient, détruisent la biodiversité nécessaire à l’équilibre d’un écosystème. L’irrigation est inutile, puisque cultiver des plantes étrangères qui ne sont pas compatibles avec les précipitations d’un climat n’a, d’entrée de jeu, pas de sens. Sur plusieurs de ces axiomes, l’agriculture naturelle s’oppose à d’autres formes d’agriculture biologique. Révolutionner l’agriculture, pourquoi? Quelle est l’importance de ces recherches? Un des problèmes majeurs de l’agriculture conventionnelle est que les engrais chimiques entrent en compétition avec les microorganismes responsables d’approvisionner les plantes en nutriments;
tandis que d’autres produits chimiques les tuent plus directement. Avec leur disparition, le sol perd sa capacité de régénération et devient dépendant d’engrais exogènes. La productivité absolue des champs biologiques est souvent plus basse pour cette raison; si la terre est en bon état, n’importe quelle agriculture écologique peut atteindre les mêmes rendements que ses homologues industriels. La méthode de Fukuoka a l’avantage de pouvoir régénérer les sols. Il est lui-même parti d’un terrain argileux et sec et l’a progressivement transformé en jungle agricole, en plantant simultanément ce que l’on considère comme des «mauvaises herbes», des légumes, des buissons, des céréales, et des arbres de différentes tailles. En plus de l’atout évident de «protéger l’environnement», la méthode du non-agir réduit le besoin de main d’œuvre. Et c’est peut-être le plus gros défaut de l’agriculture biologique aujourd’hui. Si le bio n’est pas accessible à tous, c’est entre autres parce qu’il remplace la mécanisation et les produits chimiques de l’agriculture conventionnelle par plus de main d’œuvre (qui est bien plus coûteuse). Fukuoka vendait une partie de ses fruits au prix le moins cher du marché, vu que les coûts de production avoisinaient zéro. Il avait seulement besoin de quelques heures par saison pour entretenir son champ de riz. Enfin, il ne dépensait qu’environ 35 dollars par mois pour nourrir ses quelques ouvriers et lui-même. Il est à noter que Fukuoka a mis des années à recréer un environnement «naturel» sur son terrain et à concevoir ses techniques; malgré son apparente simplicité, c’est une approche longue et difficile. Son rejet complet de la mécanisation lui a par ailleurs valu des critiques de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations, l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation, ndlr). Une telle forme d’agriculture, généralisée à l’échelle globale dans une myriade de versions différentes, a cependant le potentiel de lutter contre la crise environnementale, les inégalités, la désertification, l’insécurité alimentaire, et même améliorer nos démocraties. En somme, en replaçant l’homme dans son contexte naturel et en changeant notre rapport à la terre, elle pourrait rétablir un jardin d’Éden. x
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
opinion
J’te like, moi non plus Rétrospective sur l’effet de nos réseaux sociaux. yves boju
Le Délit
C
’est au cours d’une récente mésaventure sur Facebook que j’ai découvert que j’étais un mouton. Attendez la suite. Voyez-vous, un matin d’automne, vaguement réveillé et encore dans mon lit, il m’a pris par accident de supprimer ma photo de profil; cette même photo que j’avais consacré 12 heures auparavant comme blason public de mon sex appeal. «Ciel, mon profil!», m’écriai-je à moitié en train de pleurer de rire et de pleurer tout court devant ma bêtise. La faute réparée en deux minutes à peine, c’était pourtant bien dommage de constater un retour à un nombre de likes équivalent à zéro. Maudite addiction Cette précipitation si soudaine et la constatation de mon désarroi me font apprendre non pas deux choses, mais trois. La première est que je suis un peu trop attaché à mon flux permanent d’informations, la deuxième est la conclusion de la première: il faut savoir se détacher de ce flux.
La troisième englobe les deux précédentes: il s’agit de la nécessité de relativiser. Pourquoi sommes-nous tant attachés à nos likes? La réponse me paraît simple. Comme l’expliquait Wendy Brown le 13 octobre dernier lors de la Beaverbrook Annual Lecture (Conférence annuelle Beaverbrook, ndlr), le néo-libéralisme s’est immiscé dans nos modes de vie en en régulant chaque aspect de manière à nous faire apparaître comme des produits ayant une valeur sur un marché. Dans ce marché immatériel, on peut imaginer des agences de notation (Facebook, Instagram, Twitter…) qui nous donnent une valeur selon nos likes, nos amis, nos connections (sur LinkedIn). N’oublions pas que Facebook, par exemple, est à la base une plateforme destinée au réseautage entre membres de bonne société. C’est très pratique quand il s’agit d’avoir une vue d’ensemble de la valeur d’une personne sur le marché relationnel, mais il existe nécessairement des éléments réducteurs inhérents à ces marchés. Comme exemple, un nombre important de likes ou de partages est la condition sine qua non de la bonne visibilité d’une publication ouverte au
public sur Facebook, plutôt que la valeur intrinsèque du message porté. À la réflexion pourtant, un nombre important de likes est une envie irrationnelle si l’on se base
dans le monde réel. Qu’est-ce qu’un «clic» en bas d’une image veut dire sinon une poussée de dopamine dans le cerveau de l’individu qui reçoit le like? Dans le monde de l’immatériel, il veut pourtant dire
approbation et popularité. En d’autres termes, au niveau individuel, cela se traduit en capital séduction. Pour reprendre l’explication de Yann Dall’Aglio, auteur d’un Ted Talk sur le sujet: c’est l’accumulation hystérique de symboles de la désirabilité qui fait qu’adolescents, nous achetons une nouvelle paire de jeans puis la déchirons au genoux simplement pour plaire à Jennifer. Loin de moi l’idée de remédier à cette situation, j’ai conscience d’avoir moi-même un capital séduction – dont je ne vous dévoilerai pas le montant car je l’ignore. Je peux chercher à le connaître mais cette quête n’est pas très utile à mon avis car elle accorde trop d’importance à l’avis des autres. La seule chose dont je suis sûr est que le fait d’être attaché à ses réseaux sociaux est le reflet de l’attachement à notre capital séduction. Si j’ai sauté sur mon portable ce matin-là, c’est que je commence à attacher trop d’importance à mon image. Mais cela dit, en ayant bien réfléchi, allez tout de même liker ma photo de profil. x Note: Certains passages de cet article ne sont pas à prendre au premier degré.
chronique
Le climat est un enjeu politique Esther Perrin Tabarly | La minute écolo
A
lors que la recherche sur le changement climatique fait de grandes avancées, qu’elle devient plus précise, le sujet reste fortement controversé. Au sein de la communauté scientifique, il n’y a plus de remise en cause de son existence, mais le débat se poursuit sur son envergure et sur ses causes. Chez les politiciens, c’est la ligne d’actions à mener qui cause maints désaccords.
Selon un sondage du Pew Research Centre (Centre de recherche statistique et sociale basé à Washington, ndlr) datant de 2014, basé sur un échantillon de 1504 personnes, 26% de la population américaine considèrent qu’il n’y a pas de preuves solides du réchauffement climatique, dont 13% concluent qu’il n’est pas en train d’avoir lieu. Le pavé dans la mare a été jeté en 1998 par Arthur B. Robinson, président de l’Institut de l’Oregon pour la Science et la Médecine (Oregon Institute of Science and Medicine). Ce dernier a organisé et fait circuler la Pétition de l’Oregon, un projet de pétition à l’échelle globale sur le réchauffement climatique. Il encourageait alors les politiciens à rejeter le protocole de Kyoto signé en 1997, tout en exprimant un fort scepticisme sur les causes anthropiques, et sur les aspects nocifs du dioxyde de carbone. Selon M. Robinson, la pétition
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
a réuni à l’année 2013 plus de 31000 signataires, dont plus de 9000 se déclarent titulaires d’un doctorat, pour la plupart dans le domaine des sciences. Mais un haut niveau d’éducation suffit-il à convaincre? Le bien-fondé des résultats de la pétition a été fortement critiqué. Peter Hadfield, du journal New Scientist, écrivait en 2010: «La vaste majorité des scientifiques signataires de la pétition n’ont jamais étudié la climatologie et ne font aucune recherche sur le sujet. Alors, ça n’a pas vraiment de pertinence qu’ils aient un doctorat. Un doctorat en métallurgie vous rend juste meilleur en métallurgie.» L’année d’après, Scientific American contactait un échantillon des signataires qui s’étaient déclarés diplômés en sciences relatives au climat: environ un tiers a répondu être encore en accord avec le contenu de la pétition. Le journal finit par conclure qu’en réalité, la part
de la communauté scientifique (pertinente) qui est encore sceptique quant au sujet du changement climatique est plus réduite que ne laisse paraitre le capharnaüm médiatique. En effet, pour certains, ce qu’on appelle le «climato-scepticisme» est une pseudoscience. Même si l’on peut désormais prendre pour acquis le consensus scientifique sur les causes anthropiques, l’aspect politique du mouvement reste fortement impacté par le déni du changement climatique. En 1996, un rapport de George E. Brown Jr., membre du Caucus Démocrate du Comité sur la Science de la Chambre des représentants américaine, dénonçait que l’attention du climato-scepticisme se portait plus sur l’opinion publique sur des preuves scientifiques. Les médias populaires profilant ce genre d’opinions vendeuses plus que celles de la communauté scientifique moins
glamour, le débat paraît déséquilibré. Il reste à préciser le rôle certains des lobbys industriels, géants dans la balance de la controverse. Entre autres, on remarquera l’importance contribution financière de compagnies pétrolières aux efforts des groupes d’intérêts… Selon un article du New York Times en 2010, les industries pétrolière, charbonnière et celle des services publics «ont collectivement dépensé 500 millions de dollars juste depuis le début de l’année 2009 pour faire pression contre la législation sur le changement climatique et pour vaincre des candidats.» L’ancien président de l’Académie Nationale des Sciences américaine, Frederick Seitz, déclarait dans les années 1980 que «le changement climatique est bien plus une histoire de politique que de climat». Non sans surprise, ce dernier est l’auteur de la pétition de l’Oregon. CQFD. x
société
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Tu veux t’impliquer dans la vie du campus et de Montréal? Tu aimes l’esprit d’équipe? Donner ton avis? Tu as des goûts musicaux qui font honte à tes amis?
s’en va en élections! Les élections du Délit pour le semestre d’hiver approchent! Les postes vacants sont: - secrétaire de rédaction culture - éditeur campus actualités - secrétaire de rédaction actualités - coordonnateur visuel illustrations - coordonnateur visuel photos - coordonnateur correction Pour être éligible, il te faut 3 points de participation accumulés grâce à tes contributions au Délit et/ou aux soirées de production du lundi soir. Si l’un de ces postes t’intéresse, envoie une lettre de motivation à rec@delitfrancais.com avant le samedi 14 novembre à minuit. Les élections auront lieu le dimanche 15 novembre. Viens nous voir les lundi soir en salle B-24 du bâtiment Shatner (AÉUM) et envoie un mail à rec@delitfrancais.com pour plus de détails. On te tient au courant sur nos pages Facebook et Twitter!
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le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
économie economie@delitfrancais.com
entreprise
Bombardier en chute libre La Série C prend du plomb dans l’aile. Ikram Mechery
Le Délit
L
es infirmières, enseignants et étudiants ont de quoi être mécontents. Après avoir annoncé des dizaines de millions de dollars de coupures dans ses différents services sociaux, le gouvernement provincial a annoncé jeudi dernier qu’il investirait 1,3 milliard de dollars dans une co-entreprise dont la production est basée sur la Série C du géant de l’aéronautique québécois Bombardier. Rappelons que la Série C était un ambitieux projet de la compagnie québécoise pour construire des avions de plus de 100 places. La compagnie rentrerait alors en compétition directe avec Airbus et Boeing. Série noire Initialement, les premiers appareils de la Série C devaient être mis en service en 2013, date qui avait ensuite été repoussée à fin 2015 - début 2016. Suite aux multiples retards, dépassements des coûts et du désistement des compagnies aériennes mondiales, Bombardier a annoncé qu’il lui faudrait maintenant deux milliards de dollars supplémentaires sur les cinq prochaines années
pour espérer, un jour, mener à terme le programme de la Série C. Avant de solliciter l’aide du gouvernement, le conglomérat a étudié divers scénarios avec d’autres investisseurs, notamment Airbus, sans toutefois parvenir à un accord. Le privé s’est en effet montré réticent à investir dans ce projet qui cumule déjà plus de deux ans de retard, et qui n’a pas enregistré une seule vente en 2015. Le ministre de l’économie, Jacques Daoust compte demander au gouvernement fédéral d’investir le même montant que le gouvernment québécois afin de permettre à Bombardier de compléter
le programme. Suite à cet investissement, la totalité des actifs de la Série C sera transférée dans une société en commandite entre le gouvernement québécois qui détiendra 49,5%, contre 50,5% pour Bombardier. De plus, ce dernier aura aussi l’obligation de maintenir ses activités ouvrières reliées à la Série C au Québec pour les deux prochaines décennies, ce qui assurera le maintien des emplois dans la province, estimés entre 1 000 et 3 500. Le ministre de l’économie mise sur le contrat de 3,4 milliards de dollars du remplacement
des appareils de recherche et sauvetage de la flotte aérienne du gouvernement fédéral qui va être accordé au cours des prochaines années pour rentabiliser l’investissement. Selon le ministre, il y a de fortes chances que Bombardier puisse obtenir ce contrat aux retombées économiques importantes. Ce n’est pas la première fois que les instances gouvernementales viennent en aide à Bombardier. En 2000, le gouvernement fédéral a octroyé des garanties de prêts de plus 1,7 milliard de dollars au conglomérat. En 2008, le fédéral et le provincial ont versé un prêt de 350 millions et 117 millions respectivement pour financer les avions de la Série C. Double jeu En contrepartie, la compagnie Dorvaloise n’a pas joué complètement franc-jeu. En 2014, les fuites d’informations du Luxembourg, «LuxLeaks» révélaient qu’à travers un jeu financier complexe et opaque, Bombardier avait expédié 500 millions de dollars dans le minuscule petit état du Luxembourg afin de ne pas payer d’impôts au Québec. Bien que légale, cette manœuvre de Bombardier, qui bénéficie de très
larges subventions de la part de l’État québécois, a grandement nuit à sa réputation auprès de la population qui n’a plus une très grande estime de cette firme et qui, aujourd’hui, conteste cette aide du gouvernement québécois. Au dernier trimestre, Bombardier a dévoilé des pertes financières qui atteignent presque le double de sa capitalisation en bourse, ce qui explique la réticence des investisseurs privés à investir dans la Série C. L’action de Bombardier est en chute constante depuis quelques années. Après avoir atteint son prix record de 26 dollars en septembre 2000, le titre a perdu plus de 95% de sa valeur et s’achète aujourd’hui pour 1,42 dollars. L’apparente dépendance de la firme aux subventions du gouvernement québécois augmente un autre facteur de cette dégringolade en bourse. Finalement, il est intéressant de noter qu’alors que 90% des tests obligatoires ont déjà été effectués, la compagnie a tout de même décidé de se séparer de près de 50% de son investissement. Cela pourrait être un autre signe de précarité pour le constructeur d’avion, qui pourrait être forcé à une restructuration dans les prochains mois. x
Vulgarisation
Le B.-A. BA des hedge funds À grands risques, grands retours.
Sami meffre
Le Délit
L
es fonds spéculatifs, ou encore hedge funds font fréquemment les gros titres. Dans la presse générale, on aime les diaboliser; dans la presse financière ils sont souvent mis sur un piédestal, symboles de la réussite même; et en politique, on leur accorde le même traitement qu’au reste du secteur financier: on les hait, du moins jusqu’à la prochaine levée de fonds de campagne. Mais que sontils vraiment? Que font-ils? Petite définition La structure légale d’un hedge fund lui a permis d’éviter les principales régulations du secteur financier. En effet, contrairement
aux autres fonds, le hedge fund est autorisé à gérer l’argent de ses actionnaires de façon très agressive. Par conséquent, cela représente beaucoup de risque, soit beaucoup de retours sur l’investissement. Trois stratégies, généralement évitées par les fonds classiques, sont souvent poursuivies par les hedge funds: la vente à découvert, les produits dérivés et le large levier financier. La vente à découvert implique que le fonds emprunte une action à son courtier, la vend et s’engage à «rendre» l’action à son courtier au terme de l’horizon de placement. Cette stratégie peut s’avérer extrêmement lucrative si le prix de l’action venait à descendre: on vous prête une action à 50 dollars, et vous la vendez immédiatement. Une semaine plus tard l’action perd
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
50% de sa valeur, vous rachetez donc la même action pour 25 dollars (que vous aviez vendu 50 dollars une semaine plus tôt). Vous rendez alors l’action à votre courtier, et vous vous retrouvez avec 25 dollars dans la poche. Mais à gros retour, gros risque. Dans le cas adverse où le cours de l’action aurait pris 50%, vous auriez dû racheter l’action à 75 dollars, et auriez perdu 25 dollars dans l’opération. Les produits dérivés quant à eux, forment une si grande famille à part de produits financiers que nous reparlerons d’eux dans un prochain article. Le levier financier est en théorie très proche de la vente à découvert. Il consiste simplement à multiplier les profits et les pertes. Le levier financier peut être simplifié comme le ratio du capital propre
au capital emprunté d’un investissement. Au Canada, lorsque vous achetez une maison, votre levier financier est typiquement de 4 pour 1 (la banque vous prête 80% de la valeur de votre maison). Dans le cas des hedge funds, selon une étude de la Financial Conduct Authority (FCA) sortie en Juin dernier, le levier brut moyen des hedge funds varie entre 20,3 et 45,6 dollars. En d’autres termes, si la valeur de l’investissement augmente de 1 dollar, le manager gagne entre 20 et 45 dollars (et vice versa pour les pertes). Une structure qui peut rapporter gros Né dans les années 50, le hedge fund n’est pas un fond d’investissement ordinaire. Tout d’abord, il assez exclusif: aux États-Unis, seuls
les millionnaires peuvent investir dans les fonds spéculatifs en tant qu’investisseurs individuels. En outre, ils ont en moyenne moins de 10% de femmes employées. Mais avant tout, le hedge fund est une machine à transformer ses directeurs en milliardaires. D’après Fortune en 2014, le top 25 des directeurs de hedge funds les mieux payés ont gagné, ensemble, la modeste somme de 11.6 milliard de dollars; et Fortune souligne que «2014 n’était pas seulement une mauvaise année, c’était une des pires». Par comparaison, ces managers avaient gagné presque le double en 2013. Le secret de ces sommes astronomiques réside dans la capacité de certains managers à réaliser des retours tout aussi abondants, peu importe les conditions des marchés.x
économie
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Culture articlesculture@delitfrancais.com
cinÉma
Au-delà des mères
Anna Muylaert sonde les paradoxes de la société brésilienne avec Une seconde mère. hortense chauvin
Le Délit
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écompensé au Festival du Film de Sundance 2015 et au Festival International du Film de Berlin en 2015, Une seconde mère, était présenté au Cinéma du Parc dans le cadre de son neuvième festival du film brésilien. Quatrième film de la réalisatrice brésilienne Anna Muylaert, cette comédie dramatique explore avec virtuosité et intelligence les fragmentations sociales brésiliennes. Après dix ans d’absence, Val, employée de maison dans une famille aisée de São Paulo, retrouve sa fille Jessica qu’elle n’a pas pu élever. Cette dernière, venue passer le prestigieux concours d’entrée à la faculté d’architecture, découvre avec des yeux critiques l’univers dans lequel sa mère biologique évolue. À travers son rejet des conventions qui l’enferment dans un statut de citoyenne de seconde classe, sa présence remettra en question la ségrégation spatiale et l’exclusion économique dont les deux femmes sont les victimes.
frédérique lefort Tableau social Si Une seconde mère reprend des éléments classiques de la comédie, c’est avec un humour amer
et percutant que la réalisatrice explore des problématiques contemporaines persistantes dans la société brésilienne. Anna Muylaert examine avec talent et originalité le
thème des divisions sociales, jetant un regard ironique sur une société aux frontières sociales aux apparences impénétrables. Une société dans laquelle des classes sociales distinctes coexistent sans jamais se mélanger. Muylaert adopte une vision unique de cette société brésilienne, illustrant la violence d’un univers où un employé peut être «presque de la famille», et cependant être constamment relégué à un statut inférieur. Le tour de force de Muylaert réside sûrement dans sa capacité à explorer ce sujet en profondeur, signant une fable sociale percutante sans jamais tomber dans le misérabilisme. Sur fond de critique sociale, Une seconde mère est également une œuvre poétique, traitant avec une sensibilité lucide le thème de la filiation. Porté par un quintuor d’acteurs excellents, le film se distingue par la performance remarquable de ses actrices principales, Regina Casé et Camila Márdila. À travers ce duo captivant, Anna Muylaert invite le spectateur à remettre en question toute notion réductrice de la filiation. Esquissant au contraire son caractère pluriel: biologique, émotionnelle, culturel-
le, Une seconde mère explore avec tendresse les multiples manières de conceptualiser la parenté. Critique révolutionnaire? «Tout ce que je dis dans ce film est très provocant pour les Brésiliens», expliquait la réalisatrice au journal français Télérama en juin 2015. En mettant en scène les divergences générationnelles et la détermination de ses personnages à remettre en question les inégalités sociales de la société brésilienne, on reconnaît dans la dernière œuvre d’Anna Muylaert une portée révolutionnaire. Au delà de son statut d’œuvre à l’esthétique soignée, Une seconde mère est également une réflexion sur la possibilité de déconstruire les systèmes de domination sociale en changeant notre perception et en revendiquant son statut de citoyen à part entière. Illustrant les métamorphoses sociales du Brésil avec pour langage un humour acerbe, sans jamais passer sous silence la gravité du sujet, Une seconde mère est une œuvre incisive à la portée résolument universelle. x
Effet Boomerang
L’ABC du drame français à travers une critique de film. morgane jacquet
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n salles au Québec depuis le 23 octobre, Boomerang est un film réalisé par François Favrat mettant en scène trois célèbres acteurs français: Laurent Lafitte, Mélanie Laurent et Audrey Dana. Le scénario est celui d’un drame – adapté du roman de Tatiana de Rosnay – qui s’intéresse aux relations familiales qui suivent une tragédie. Alors
remonter dans ses souvenirs pour tenter de découvrir les réelles circonstances de la mort de sa mère. On s’y attend avant de voir le film: le scénario n’a rien d’original ou d’innovateur. C’est un scénario classique de conflit et de mensonges familiaux avec une résolution attendue. Le jeu des acteurs lui-même est prévisible. Mélanie Laurent et Laurent Laffitte restent dans les rôles, qu’on leur attribue, de personna-
«Rafraîchir le scénario type du drame français.» qu’Antoine, le protagoniste de l’histoire, retourne à Noirmoutier avec sa sœur Agathe, où ils ont passé leur enfance jusqu’à la noyade de leur mère, leur lourd passé remonte à eux. Tel un boomerang, les secrets familiaux ressurgissent. Face à l’éternel silence de son père et de sa grand-mère ainsi qu’à l’obstination de sa sœur qui veut ne rien voir, Antoine va
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Culture
ges qui se veulent ordinaires, avec un jeu toujours très similaire. En dépit d’un scénario déjà vu, des éléments intéressants sont apportés. Le réalisateur porte un regard sur la relation père-fille ainsi que sur la relation amoureuse de deux jeunes filles qui tentent de trouver leur orientation sexuelle. Elles se retrouvent confrontées à la tâche difficile d’accepter leur
film actu identité sexuelle d’abord, puis surtout de l’avouer à leurs proches. Cette touche plus originale permet d’une certaine façon de rafraîchir le scénario type du drame français. Légèreté maîtrisée Malgré le fait que nous soyons plongés dans une atmosphère morbide par la trame du
film, avec des couleurs froides et des dialogues sourds, Boomerang garde un caractère presque léger. On sent que le film se veut dramatique, mais étrangement, on a du mal à ressentir son caractère tragique. Lorsque l’on connaît si bien ces acteurs, ces paysages, cette façon de s’exprimer avec des expressions et un humour très français, il devient difficile de réellement établir un “quatriè-
me mur”. Les personnages parlent et plaisantent sur des jeux auxquels nous avons nous mêmes joués et incarnent des relations entre enfants et parents que nous avons tous vécus. On ressent donc comme une sorte de décalage entre ce que l’on voit et ce que l’on pense; on analyse presque la scène comme si nous la dirigions avec le réalisateur tant elle nous paraît proche. Si certains aspects du film déçoivent, le bilan n’est pourtant pas négatif. On sort de la séance satisfait car finalement, on n’en attendait pas vraiment plus. C’est un de ces films où l’on ressort avec le sentiment d’avoir passé un bon moment, tout en sachant que ce n’est pas un film dont on se souviendra particulièrement. Il s’agit simplement d’un drame français léger supplémentaire. x
Boomerang
Au cinéma jusqu’au 5 novembre
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expositions
Contourner l’évidence
Remise en question du rôle de l’architecte sous les toits du CCA. d’une culture urbaine ainsi que la lutte contre les spéculateurs en «proposant une vision alternative à la leur».
céline fabre
Le Délit
L
e silence règne dans le Centre Canadien d’Architecture (CCA) en ce samedi 31 octobre. L’avantage lorsqu’on décide de s’y rendre soixante minutes avant l’heure de fermeture, c’est que l’on croise plus de vigiles que de visiteurs. On peut alors profiter seul, ou presque, du voyage à travers l’espace et le temps qu’offrent les galeries «L’architecte, autrement», organisées par la conservatrice en chef du CCA Giovanna Borasi. «Cette nouvelle exposition présente l’architecture comme allant au-delà de la nécessité de construire – il s’agit de l’architecture comme mode de production d’idées. Ces idées peuvent contribuer à changer le monde.» Peut-être que le directeur du CCA, Mirko Zardini, exagère dans sa présentation de l’exposition. Peutêtre pas. Il semblerait qu’il soit à nous, humbles visiteurs, d’en juger. Hors des sentiers battus Il est clair dès le départ – et la variété du contenu le confirmera – que «L’architecte, autrement» cherche à repousser le sens conventionnel que l’on accole parfois à cette profession. Comme
Tête sur les épaules
céline fabre pour réfuter l’idée que l’architecture doit être réduite à une «industrie», nous voilà plongés à travers 23 cas inédits qui ont façonné la pratique architecturale de 1960 à nos jours. L’agencement de l’exposition est tel qu’il nous est permis de naviguer entre les pièces, pour s’imprégner de fresques, archives, projections et maquettes d’un labyrinthe créatif qui mêle les travaux architecturaux à de bien vastes problématiques. Un présentoir de lettres retrace, par discussion épistolaire, l’évolution de groupes de pensées tels que le labora-
toire italien ILAUD (Laboratoire International d’Architecture et de Design Urbaniste), fondé en 1973. Les cinq initiales du groupe surplombent un mur où l’on peut lire: «Pourquoi un laboratoire? Car nous n’avons pas besoin d’une école d’architecture institutionnelle de plus». Une citation radicale qui illustre plutôt clairement leur refus de la rigidité de l’enseignement architectural des années 1970. On entre alors dans un monde dont on n’aurait pas soupçonné l’existence: l’envers du décor d’un système, d’un ensemble d’institu-
tions aux airs impénétrables. La thématique «Un rôle inexploré» fait le portrait d’architectes qui se mêlent aux danseurs, détectives, sociologues et se concentrent sur des enjeux d’échelle humaine. Sur un fil tout aussi créatif, en 1978, le groupe bruxellois ARAU (Atelier de Recherche et d’Actions Urbaines) met sur pied un spectacle comique-critique où les musiciens se cachaient sous des chapeaux en forme de gratte-ciels. Tapés à la machine, les archives du membre Maurice Culot expliquent que le but est la conservation
Plutôt que de nous placer face à des maquettes sans queue ni tête, l’originalité de cette exposition réside dans son absence de matériel prévisible. Elle réussit à nous montrer ce que l’architecture peut être, ou ce qu’elle est déjà si l’on se donne la peine de le reconnaître. Car il est facile de se perdre dans des discours «prout-prout» sur «l’organisation de l’espace physique» et autres détours éloquents qui nous feraient presque oublier le caractère primaire de cet art. Tracée noir sur blanc, une boîte à outil géante accompagne la phrase «Do it yourself» («Fais le toi-même», ndlr) que l’on se prend en pleine face, une fois entré dans une pièce annexe. Simple et efficace comme une petite tape sur la joue: l’architecture ce n’est pas seulement des termes compliqués. Ce n’est pas juste une ronde de vieillards qui se chamaillent sur le design de monuments improbables qui ne verront jamais le jour. L’architecture c’est aussi un travail collectif d’artisans et des mécanismes qui, une fois imbriqués, font que l’on peut se sentir libre à l’abri. x
Modernité désordonnée
Quand on se marche sur les pieds au Musée des beaux-arts de Montréal. alexandre jutras
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algré des œuvres hautement colorées et la présence de musique jazz particulièrement entraînante, la soirée Les Années Folles au Musée des beaux-arts du 28 octobre s’est avérée plutôt décevante.
Conclusion décevante
ce qui s’avérait être une première pour l’époque, tant au Québec qu’au Canada. C’est l’une des raisons pour lesquelles on considère le collectif comme un pionnier de la modernité artistique. Son histoire reste encore à ce jour assez mystérieuse; on ne connaît même pas l’identité de tous ses membres et c’est pour-
L’exposition en elle-même est intéressante et très agréablement disposée, mais on ne peut en dire autant de la soirée jazz. Le personnel du musée semblait dépassé par la popularité de l’événement. Le vestiaire et la billetterie, situés dans l’ancien pavillon ne sont tout simplement pas conçus pour une telle foule. On se marchait sur les pieds dans le hall d’entrée où tous se demandaient dans quelle ligne se ranger. Plusieurs personnes ont accepté l’invitation que leur avait lancée le musée et ont revêtu bretelles et boas, mais tous ces beaux costumes n’ont pas suffi à faire oublier l’atmosphère un peu étouffante. C’est dommage, non seulement parce que tout laissait entendre que l’événement serait un succès, mais surtout parce que l’exposition est très enrichissante si on s’intéresse à l’art québécois et à son rayonnement sur la scène internationale. x
«On considère le collectif comme un pionnier de la modernité artistique» L’événement tentait d’encourager une faune peu habituée à fréquenter les musées à s’y rendre pour profiter d’une exposition rendant hommage à un collectif d’artistes qui a bouleversé la scène culturelle des années 1920 à Montréal. Beaver Hall, le fameux Beaver Hall est un regroupement éclectique de peintres qui tirent leur nom de l’emplacement où ils ont établi leur studio, au centre-ville non loin de la rue SainteCatherine. Le groupe comptait autant d’hommes que de femmes,
quoi le musée réussit un tour de force en réunissant autant d’objets reliés à leurs vies et à leur travail. La diversité présentée est impressionnante: des toiles de toutes les tailles, des portraits de personnalités relativement connues mais aussi d’individus ordinaires, des paysages témoignant du lien intime qu’ont développé les artistes avec une ville en pleine effervescence depuis l’apparition des premiers gratte-ciel. Le style mêle moderne et post-impressionnisme et l’on sent le désir d’expérimentation de jeunes artistes à travers des coloris fauves et une géométrie simple.
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
esther perrin tabarly
Au MBAM jusqu’au 31 janvier
Culture
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théâtre
Homo Touristus
Jean-Phillippe Lehoux partage ses souvenirs aventuriers au Théâtre du Rideau Vert. amandine hamon
Monologue transporteur
Éthique du bon voyageur
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Toute la pièce tourne autour du monologue du voyageur. Il explique pourquoi il est si attaché à ce désir masochiste de partir loin de chez lui, d’abandonner sa mère et ses habitudes confortables pour explorer des endroits plus ou moins beaux où il lui arrive parfois des choses peu désirables. C’est ce besoin de «sortir de moi-même pour mieux me retrouver», dit-il philosophiquement. Le curieux qui voyage se prend typiquement pour un aventurier intrépide qui explore le monde, à l’image du légendaire Marco Polo, et n’admet jamais
Lehoux ajoute qu’il faut rencontrer les gens, passer du temps, même sur les lieux qui ne sont pas très connus, et s’imprégner de l’endroit que l’on visite. «Les gens habitent pas dans un musée là!» s’exclame-t-il pour démontrer que les Bosniaques ne pensent pas tous les jours aux cicatrices laissées par les guerres de Yougoslavie, qu’ils ont tourné la page. Dans son monologue qui coule tout seul, Lehoux est accompagné par le chanteur et musicien Lemoyne, qui reprend des chansons de voyage assez «clichés» ajoutant une touche très agréable au spectacle et rappelant les films de roadtrip. Le musicien est un auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste, arrangeur et réalisateur qui travaille dans le milieu culturel québécois depuis une vingtaine d’années. Lehoux n’a pas eu besoin de nous montrer ses photos de vacances pour rendre compte de ses aventures. C’est ce qui rend la pièce si touchante, à l’heure où l’on suit plus souvent les périples de ses amis grâce aux photos Facebook que par leurs récits passionnés. x
Le Délit
e théâtre du Rideau Vert s’ouvre sur le monde en proposant la pièce Napoléon Voyage, mise en scène par Philippe Lambert et Jean-Philippe Lehoux. Auteur, comédien et compositeur diplômé de l’École nationale de théâtre, ce dernier a remporté en 2013 la Prime à la création Gratien-Gélinas pour sa pièce L’écolière de Tokyo. Sur la scène de Napoléon Voyage, il n’y a que deux acteurs. Lehoux joue son propre rôle et Bertrand Lemoyne, lui, produit en direct la bande son du spectacle d’une
«Ce besoin de sortir de moi-même pour mieux me retrouver» voix qui transporte sur la mélodie douce des instruments. Le principe de l’œuvre de Lehoux, c’est tout simplement de raconter les souvenirs de ses derniers voyages en Bosnie, au Japon, en Angleterre, en Syrie, en Norvège et à Cuba. Il conte les expériences très personnelles qui ont rendu ces voyages si mémorables: des rencontres incongrues et des mésaventures qui feront pouffer le public pendant une heure et demie.
qu’il n’est qu’un touriste qui se promène avec un visa à durée déterminée. Jean-Philippe Lehoux fait ce constat peu glorieux lorsque, dans l’avion pour Cayo Coco (Cuba), il se rend compte qu’il n’a rien d’un Naopléon Bonaparte moderne. Ouvrant un magazine de voyage, il lit un article sur le grand homme qu’il admire et remplace le nom du héro par le sien, Lehoux, se positionnant déjà comme le grand voyageur qu’il voudrait être.
Mépris du touriste apathique Dans son œuvre, l’auteur maladroit et souvent angoissé se rappelle ses aventures et en profite pour se moquer des touristes français qu’il a aperçu lors de l’ascension d’une montagne syrienne. «Oh bah c’est pas le Mont-SaintMichel hein!» imite le Québécois,
avant d’expliquer que les touriste parisiens pressés sont en fait restés huit minutes sur le site historique avant de poursuivre la course qu’ils osaient appeler un voyage. Lehoux fait une critique hilarante du touriste moderne qui, ironiquement, découvre son voyage en regardant ses photos de retour chez lui.
Napoléon Voyage
Du 27 octobre au 7 novembre Au Théâtre du Rideau Vert.
chronique visuelle
Un Français à Montréal
paul pieuchot
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Culture
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
exposition
Couleurs et sentiments
Le MACM présente l’œuvre à la fois attachante et dégoûtante de Dana Schultz. Marion Hunter
Présentation remarquable
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La présentation des œuvres d’art est particulièrement bien organisée dans cette exposition où des tableaux aux grands formats invitent à la réflexion. Ils habitent l’espace et font en sorte que le spectateur puisse être plongé dans ce monde imaginaire. Le MACM a la chance de disposer de lieux propices à des rétrospectives de ce genre et donne à l’œuvre de Schutz un environnement sobre qui met en valeur les choix de couleurs vives de l’artiste.
e Musée d’Art Contemporain de Montréal (MACM) présente, jusqu’au 10 janvier, la première rétrospective canadienne du travail de l’artiste américaine Dana Schutz. Basée à New York, elle a utilisé tout au long de sa carrière une variété de références, datant pour la plupart du début du XXe siècle, du cubisme à l’expressionisme allemand. Après avoir fait ses débuts au Cleveland Institute of Art, elle évolue à l’international avec des travaux exposés à la Biennale de Venise (2003) ou au Kunsthaus de Zurich (2012). Grâce au soutien de Carlo Bronzini Vender et Tanya Traykovski, le MACM expose avec succès l’évolution du travail de Dana Schultz, avec des explications utiles et pertinentes.
«Ayez le cœur attaché»
Images de dégoût Avec un style frôlant le morbide, l’artiste parvient à inspirer des réactions des plus étranges. Le dégoût en est sûrement la plus logique. Schutz représente des personnages qui urinent ou bien des enfants qui jouent avec des membres sciés, et tout cela dans un univers aux couleurs naïves. C’est le second regard qui semblerait être le plus intéressant. Les peintures inspirent
marion hunter l’espoir d’un monde meilleur avec des paysages apaisants comme dans Shaving où cette femme quasi sans tête se rase sur une plage au coucher du soleil. Le contraste entre couleur et figuration donne ce caractère si spécial au travail de Schutz: l’opposition entre le calme désirable et la fureur des lignes que le rasoir laisse sur la peau.
Concepts du mouvement postmoderne L’art contemporain, à partir du mouvement post-moderne, se caractérise par une multitude de références artistiques. Schutz en est la preuve parfaite, utilisant à la fois des représentations cubistes qui décomposent les personnages et des sujets expressionnistes. La
créativité de l’artiste nous donne l’opportunité de nous imaginer ce monde où les enfants sont rois et des créatures qui nous rongent. On pourrait penser que, comme l’artiste mexicaine Frida Kahlo, elle représenterait ses peurs les plus vives, mais Dana Schutz explique que son travail n’a rien d’autobiographique. Elle s’inspire de problèmes de la vie quotidienne.
Malgré un talent remarquable, le travail manque cependant d’évolution. L’œuvre de Schutz semble stagner dans cet univers qui ne nous mène nulle part. Nous sommes bloqués dans cette bulle où ces créatures, quasi humaines, nous rongent et nous dégoutent et on ressort de cette exposition les sens troublés et le moral plutôt bas. Ayez le cœur attaché et le désir de mener quelques réflexions personnelles pour apprécier l’ambivalence de cette exposition. x
Dana Schutz
Musée d’Art Contemporain de Montréal Jusqu’au 10 janvier
chronique
Jeune fille en fleur Charles Gauthier-Ouellette | Le port littéraire
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l est toujours surprenant de constater que le plus infime parfum réussit à produire un flot d’images, de la plus banale fragrance de lessive qui fait revivre la maison familiale à l’odeur de la madeleine qui ouvre tout un univers romanesque. Le premier roman de Corinne Larochelle, Le parfum de Janis , s’articule autour de cette exploration du souvenir et de l’intros-
pection. À travers ces derniers, la narratrice entrecoupe le présent de sa recherche d’écriture avec son passé agité. C’est dans l’atmosphère sobre de Lisbonne, au Portugal, que s’ouvre ce roman, avec une scène d’enfant qui nourrit des pigeons. Un tableau qui, tout en simplicité, donne le ton au récit qui se développera parallèlement: en effet, la narratrice est captivée par les souvenirs qu’elle alimente, à l’image du jeune garçon et de ses oiseaux. Ceux-ci se dévoilent peu à peu, sous la forme de brefs paragraphes relatant tel ou tel événement de l’enfance du personnage: la visite chez des amis de ses parents, où elle
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com
pianote pendant que les adultes discutent; un Noël où elle et son frère déballent discrètement les cadeaux avant le soir. Ces moments génériques confortent le lecteur dans un univers qui lui est familier, car partagé. Puis, c’est le drame. Le séisme de 1755 à Lisbonne: la fin de l’amour, le divorce, le déménagement, la garde partagée des enfants. Et, comme JeanJacques Rousseau ou Voltaire, le frère et la sœur ne savent plus quel point de vue prendre face à cette situation. Ces passages offrent une myriade de souvenirs dans laquelle puise la narratrice afin d’organiser son discours. Ce dernier alterne régulièrement
entre le passé et le présent, sous la forme d’échos entre les agissements de la mère et ceux de la fille: les déboires des relations infructueuses de l’une préfigurent les complications amoureuses de l’autre. La figure maternelle s’installe ainsi, progressivement, dans le roman; ce roman que la narratrice cherche tant à écrire pendant son voyage, et dont sa mère aimerait tant être le sujet principal. Adéquatement, le roman résout cette problématique dans le fil même du récit: alors que la narratrice essaie de se distancier de cette demande, l’auteure s’en rapproche. Au final, c’est toutefois l’histoire
de la fille qui se dévoile dans la dernière portion, consolidant un personnage marqué par l’anxiété en une figure de femme forte. Après tout ce travail sur la pensée, c’est avec plaisir que le lecteur voit se déplier un futur incertain et ouvert sur un monde de possibilités. Le travail du souvenir fait partie intégrante de ce premier roman de Corinne Larochelle. En explorant l’histoire de sa cellule familiale, le personnage principal trouve, par le fait même, les réponses à ses propres inquiétudes. Livre sur la mémoire, Le parfum de Janis gravite autour des imprévus de la vie afin de produire un récit émouvant. x
«Livre sur la mémoire, Le parfum de Janis gravite autour des imprévus de la vie afin de produire un récit émouvant.» Culture
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Entrevue
Le rap mouvementé de NSD
Alors que le collectif de hip-hop québécois prépare la sortie de son troisième album, un des membres fondateurs, Rafaël Proulx, nous conte l’histoire d’un groupe qui ne cesse de se renouveler.
L
e Délit (LD): Pour commencer, est-ce que tu pourrais présenter brièvement ton rôle dans le groupe? Rafaël Proulx (RP): On me surnomme Arafphat depuis le début de l’aventure et je m’occupe de la composition, des arrangements… On se nourrit tous un petit peu de ce que font les autres mais il faut quelqu’un pour organiser tout ça, parce qu’on est dix: deux claviéristes, une chanteuse, un trompettiste, un saxophoniste, un tromboniste, un batteur, deux bassistes, et un guitariste (moi). En tout cas on est bien plus que lors du premier album qu’on a fait en 2006 Yé où le hip-hop, ça remonte à longtemps! LD: C’est cette année-là que le groupe s’est créé? RP: Non, en fait, Xavier (l’autre membre fondateur du band) et moi on faisait de la musique depuis longtemps. On a commencé à faire des beats plus hip-hop/ rap au secondaire. En sortant du cégep, on commençait à être plus sérieux là-dessus, lui écrivait des textes de rap et on s’est dit qu’on allait en faire quelque chose. On a assemblé ce qu’on avait chacun de notre côté et ça faisait du sens. Bon, la qualité était un peu approximative, c’était les premiers shows, mais ça nous a donné le goût de continuer. Puis on s’est dit qu’on allait enregistrer quelque chose. On habitait ensemble avec Xavier et on a réussi à enregistrer ça dans le garde-robe. On avait mis un micro et on a fait ça là-dedans (rires).
«C’était les premiers shows, mais ça nous a donné le goût de LD: Vous avez enregistré tout un album dans votre garde-robe? RP: Oui, enfin dans notre maison. Ça, c’était en 2004-2005. Et juste avant 2006 on a eu envie de jouer avec de vrais musiciens. On voulait pas juste rapper sur des instrus préenregistrées, il y en avait trop qui le faisaient. En fait, y’avait pas beaucoup de bands de rap de l’époque qui cherchaient à faire ça, en tout cas à Montréal. Parce que sinon des groupes comme The Roots le faisaient, et moi c’était quelque chose que je voulais faire. Donc on a inclut d’autres musiciens et on s’est lié d’amitié. Tu vois aujourd’hui, le band comprend le tromboniste, le saxophoniste, Xavier et moi comme membres originaux. Et au final, au lancement en 2006, on avait 15 musiciens. Les gens ont donc vu deux formats différents: l’album puis le concert, plus complet. Ils ont vraiment trippé sur le format band et c’est devenu notre trademark. Le band de rap, c’est live que ça se passe. Mais on a quand même pensé faire un deuxième album en incluant les musiciens, et c’est ce qui a donné Pour emporter en 2011. LD: Tu pourrais nous parler de
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entrevue
simon jolicoeur
Fondé en 2004, NSD est un collectif de rap qui mélange les influences, allant du classique au jazz en passant par l’électro. Deux MC, Jeune Chilly Chill et Maître J, s’unissent avec le compositeur Arafphat pour monter un groupe composé aujourd’hui de dix musiciens. Après avoir sortit Yé où le hip hop en 2006, puis Pour emporter en 2015, NSD prévoit la sortie d’un nouvel album au printemps 2016. l’évolution entre le premier et deuxième album? RP: Le fait d’avoir autant de bons musiciens ça donne le goût d’écrire pour ces musiciens-là puis de mettre plus l’accent sur le côté musical, en tout cas c’est mon travail à moi. Sur le premier album, les textes sont assez crus, on balance quand même pas mal dans le visage de l’auditeur. Ce côté-là a évolué puisqu’on a grandi et qu’on voit peut être moins l’intérêt de provoquer. Même s’il y a des moments où on va être crus pour une raison précise. LD: Oui car dans la dernière chanson de Pour emporter, vous avez gardé un peu de ça… RP: «Va ch*** paye moé»? Oui, il y a une raison à cette agressivité-là. C’est une critique du fait que quand tu es musicien, tu te fais demander toutes sortes de trucs et personne n’est prêt à considérer ton travail et à te payer en conséquence. Dans le milieu musical, avoir des bons contrats puis des gens qui te payent vraiment c’est un petit peu difficile. Partagés à dix, les salaires sont très très minces.
c’est un mélange de soul, funk, classique, jazz… Mais ce que je trouve intéressant c’est que ça finit toujours par sonner comme le band. Comme NSD. Je sais pas pourquoi, même si c’est pas quelque chose qui est voulu et qu’on cherche pas forcément à éviter une étiquette ou quoi que ce soit. LD: On n’a toujours pas parlé de votre nom: NSD ça veut quand même dire Nul Si Découvert. Parce que ce nom ça veut quand même dire: si on est connus on perd tout intérêt mais en même temps vous cherchez à être connus. RP: Exactement. Fait que finalement on a décidé d’y aller seulement avec NSD. On trouvait que ça avait plus trop de sens. Parce qu’avec le premier album on a quand même été sur le palmarès de radios étudiantes puis communautaires, on a joué aux Francopholies… On laisse aux gens le soin de décider ce que ça veut dire. On va faire un concours (rires).
«Avoir autant de bons musiciens ça donne le goût [...] de mettre plus l’accent sur le côté musical» LD: Est-ce que tu participes aussi à l’écriture des textes? RP: C’est vraiment dans l’esprit hiphop: chacun est responsable de ce qu’il a à dire. Concernant les chansons, parce qu’on a intégré des chants, on participe un peu tous. On a aussi une ou deux covers qu’on a joué au Patro Vys (avenue Mont-Royal) le 10 octobre dernier. On aime bien dévier un petit peu de la trajectoire rap parce qu’on a tellement de raisons de se diversifier. Moi j’écoute du rap, oui, mais j’écoute aussi des millions d’autres trucs. LD: À ce propos, quelles sont vos influences majeures? RP: Il y a beaucoup d’influences de musique classique dans le premier album, et le deuxième aussi. Notre musique
LD: Si tu devais caractériser le rap québécois, qu’est-ce qui te viendrait à l’esprit? RP: Il y a plusieurs choses. C’est quand même assez diversifié pour un si petit milieu. Il y a des trucs un peu plus gangsta, des trucs complètement disjonctés, des trucs plus poétiques…Il y a une dizaine d’années c’était moins varié, moins intéressant je trouve. Peut-être plus influencé par le rap français de l’époque, plus conservateur sur le plan musical ou sur le plan des textes. C’était pas moins «vrai», mais il y avait moins d’exploration. Alors qu’aujourd’hui des groupes il y en a plein. Dead Obies qui commençait à jouer beaucoup avec la langue. Alaclair Ensemble, qui visiblement est ultra créatif, autant sur le plan musical que sur le plan des textes…
LD: On dirait qu’il y a vraiment quelque chose de spécial dans le rap québécois que l’on ne retrouve pas ailleurs. Par exemple, il y a souvent beaucoup d’autodérision. RP: Ouais c’est vrai. C’est peut-être une partie de la réponse, l’aspect autodérisoire. Ici, c’était sérieux plutôt dans des groupes comme Sans Pression ou Muzion dans les années 2000. C’était moins dérisoire. Et puis petit à petit on a commencé à se prendre moins au sérieux, je trouve que c’est une bonne chose. Qu’on s’entende bien: c’est pas parce que tu fais du rap au Québec que tu vas réussir à bien gagner ta vie. Alors commencer à parler de cash puis de tout le reste, tu peux pas le faire sans autodérision parce que c’est pas ta réalité. Si 50 cent parle de ça, je le comprends. Mais les belles autos et le gros compte en banque ça nous passe un petit peu à côté.
«C’est pas parce que tu fais du rap au Québec que tu vas réussir à bien gagner ta vie.» LD: Et maintenant: parlons de votre prochain album. RP: Donc on travaille sur un album depuis un petit moment, la maquette est terminée. Comme pour le précédent, on va se rendre en studio mais on aimerait aussi faire des choses maison. Honnêtement, ça sonnera peut être niaiseux un peu mais on fait de la musique d’abord pour nous, pour se faire plaisir. On espère que la sortie se fera au printemps ou à l’automne 2016. En tout cas c’est intéressant, on a plein d’idées de nouveaux projets sur comment on va apporter ça au public. LD: Votre dernier album parle surtout d’affaires de la vie de tous les jours, vous allez conserver ce ton-là? RP: Oui probablement par ce qu’on essaye de rester proche de ce qui colle à chacun de nous. On n’essaie pas de se donner des personnages ou d’aller trop loin. C’est sûr et certain qu’il sera beaucoup plus mûr musicalement et dans les textes. Bon, mûr ça égale pas plat ou ennuyant, c’est quand même du hip-hop, tu as besoin de bouger. Mais je me suis amusé à casser le rythme basique du rap et donner des défis aux gens qui écrivent les chansons. On a fait des expérimentations pis souvent ça marche très bien. J’ai hâte de voir ce que ça va donner en album. x Propos recueillis par
céline fabre Le Délit
le délit · mardi 3 novembre 2015 · delitfrancais.com