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CONCLUSION
La Rouvière, Marseille (13), Raoul Guyot architecte, 1966-1975
ÉLARGIR LA QUESTION DU CONFORT ?
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Initialement motivée par une envie d’approfondir mes connaissances sur la réhabilitation, cette recherche m’a permis d’approfondir un autre sujet : celui du confort. Comme nous avons pu le voir, le « confort » reste souvent automatiquement associé et réduit au « confort thermique », notamment avec les campagnes de « rénovation énergétique » comme MaPrimeRénov.172
« En quelques années, les réglementations thermiques, les labels et certifications qui les accompagnent se sont imposés à toute l’industrie de la construction. Désormais indispensables pour obtenir un permis de construire, les engagements imposés en matière d’amélioration de performances énergétiques ont d’abord été accusés de faire augmenter les coûts de construction avant d’être absorbés dans un processus global. Ces contraintes sont désormais acceptées, considérées comme indispensables pour l’environnement et plus remises en cause. »173
Nous avons vu avec ce travail que la qualité thermique d’un logement participe à sa qualité et ainsi au confort qu’il promulgue à son habitant, mais il est loin d’être la seul facteur. Il y aurait alors un intérêt à élargir les législations pour qu’elles englobent plus de dimensions du confort telles que la luminosité, la qualité des espaces communs, des extérieurs attenants au logement... La liste peut être infinie. Ces préoccupations devraient donner naissance à des référentiels applicables au neuf ou au projet de réhabilitation.
Dans les faits, on peut observer que, notamment grâce au confinement, la question du confort du logement est devenue un sujet de recherche, ce qui est une bonne chose. Par exemple, en
172 https://www.batiactu.com/edito/ lactivite-renovation-energetique-bondit-grace-amaprimerenov-62903.php
173 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 72
Catherine Chevillot, présidente de la Cité de l’Architecture, Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture et Christine Leconte, présidente du Conseil National de l’Ordre des Architectes réunies pour lancer un appel à manifestation d’intérêt (AMI) inédit pour la qualité du logement
octobre 2021, la ministre de la Culture et la ministre chargée du logement ont lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) inédit à l’attention des maîtrises d’ouvrage et des architectes, visant à « expérimenter et inventer de nouvelles formes de production et de conception du logement de demain » pour encourager l’innovation dans la qualité des logements.174
FAUT-IL JETER LES GRANDS ENSEMBLES ?
La poésie brutaliste des grands ensembles « ne séduit qu’un public restreint et le plus grand nombre n’y voit que la médiocrité architecturale et le mal-vivre des banlieues. »175
174 https://www.architectes.org/actualites/ lancement-du-programme-d-innovationengages-pour-la-qualite-du-logement-dedemain
175 Fédération Française du Bâtiment, Les bétons du patrimoine, Histoire - Diagnostic - Rénovation, Éditions SEBTP, 2021, p. 22 De toute évidence, les grandsensembles ne font pas consensus. Ils sont pourtant porteurs de certaines qualités comme peuvent l’être tous les bâtiments. S’il a été question de les raser pour construire du neuf à la place, avec les préoccupations environnementales actuelles, la démolition à grande échelle n’est plus crédible et viable.176 Il faut alors trouver les solutions pour adapter ce bâti existant aux usages d’aujourd’hui’hui grâce à la réhabilitation. Pour lancer ce type de projet, le premier enjeu est alors de mieux valoriser ces immeubles pour que les individus aient l’envie de travailler avec cet existant malheureusement souvent peu considéré. Des labels (ACR)177 ou associations (Docomomo)178 s’investissement dans ces missions de valorisation et protection du patrimoine plus récent. Ce travail a la volonté d’aider à cette valorisation en ayant
176 Voir Avant-propos, p. 5
177 Voir partie I.3, Législations et labels pour la qualité du logement, p. 47
178 docomomo.com ou docomomo.fr
mis en évidence quelques qualités de plusieurs édifices.179
DES REHABILITATIONS / EQUATIONS VERTUEUSES ?
Réhabiliter un édifice, c’est comme résoudre une équation. Premièrement, grâce au diagnostic180, il faut mettre en avant les qualités des édifices (et il y en a toujours) pour s’appuyer dessus, et souligner les faiblesses à consolider pour un projet de réhabilitation efficace. Ces données sont les composantes de
179 Voir partie II, Histoire, typologies et valeurs patrimoniales des grands-ensembles, p. 50
180 Voir partie III.2, La phase incontournable du diagnostic, p. 82 l’équation de réhabilitation. Une réhabilitation réussie est une réhabilitation qui doit considérer et faire au mieux dans différents aspects : - Prise en compte des enjeux des ressources énergétiques - Confort et usages améliorés - Prise en compte des enjeux des ressources économiques - Mise en valeur architecturale grâce à la reconnaissance des qualités des édifices Pour résoudre cette équation on peut considérer qu’il y a une multitude de réponses possibles. En effet, réhabiliter c’est faire des choix et pondérer les différentes composantes et enjeux pour un projet.
Ressources énergétiques maîtrisées et optimisées
Confort d'usage/de vie amélioré REHABILITATION VERTUEUSE
Ressources économiques maîtrisées et optimisées
Patrimoine respecté et architecture valorisée
Avec cette thèse professionnelle, j’ai essayé de mettre en évidence l’importance des aspects fondamentaux à considérer pour un projet de réhabilitation. Ces quatre aspects forment ainsi le socle d’une nouvelle méthodologie que j’ai commencé à élaborer. C’est en quelque sorte une nouvelle éthique de travail qui s’engage à considérer plus exhaustivement les bâtiments à réhabiliter.
Si la stratégie la plus prudente de la réhabilitation d’un édifice existant est celle de la réfaction à l’identique (on répare et remplace, en prenant soin de ne pas modifier l’image de l’édifice), il est parfois plus judicieux de transformer plus profondément et visiblement un édifice si l’opération apporte une vraie plus-value en terme de confort (une extension qui offre un nouvel usage, une réorganisation du bâtiment...) ou d’utilisation des ressources (énergétiques et économiques). Certains choix peuvent rendre légitimes des changements d’esthétique d’une façade, même pour un bâtiment « patrimonial ». Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réhabilitation, mais il faut la justifier pour que le projet soit en accord avec les idées prônées. Tout est question de choix et d’optimisation des ressources.
Bien entendu, les rénovations énergétiques sont souhaitables pour limiter notre impact sur notre planète. Cependant, nous avons vu avec ce travail qu’il fallait prendre en compte d’autres éléments dans les projets de réhabilitation et ne pas foncer tête baissée dans une campagne d’ITE car elle est poussée par des subventions publiques. Nous avons vu que par le passé (et d’ailleurs encore dans le présent), les opérations massives d’isolation par l’extérieur peuvent conduire à une uniformisation des édifices. Avec un diagnostic complet, on peut choisir où placer son curseur entre conservation et transformation profonde en prenant en compte les qualités d’une résidence et les besoins du projet de réhabilitation.
Avec ce travail, j’ai pu croiser plusieurs thèmes de réflexion pour les mettre au service d’une cause commune : la réhabilitation vertueuse des grandsensembles, qui est une mission urgente du 21ème siècle à laquelle je souhaite prendre part.
Vue du Gratte-ciel n°1 d’Édouard Albert, en couverture de la revue Le Panneau, image choisie pour la journée d’étude « Reconnaître, restaurer, transmettre » organisée par Docomomo France le 15 avril 2021 Source : Photographie de Jean Fortier, 1960. Fonds Albert conservé à la Bibliothèque Kandinsky (Centre Pompidou), ALB35.2.79