JA 2645 DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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LIBYE ABDELJALIL, L’HOMME QUI A FAIT TOMBER KADDAFI 51e année • N° 2645 • du 18 au 24 septembre 2011

SÉNÉGAL-GUINÉE HAUTE TENSION ENTRE WADE ET CONDÉ RD CONGO LES VÉRITÉS DE MUZITO

jeuneafrique.com

LE PLUS

de Jeune Afrique

Le Cameroun au banc d’essai

CRÉDIT PHOTO

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT ENDA EN DANT DA NT

Spécial 24 pages

TURQUIE ERDOGAN CHEZ LES ARABES

FRANCE

La République bananière Proche de Sarkozy après l’avoir été de Chirac et de Villepin, Robert Bourgi dénonce le versement d’argent liquide à des personnalités politiques françaises par des chefs d’État africains. Que valent ces accusations explosives ? Quelles sont les vraies motivations de leur auteur ? Qui sont ses prochaines cibles ? Enquête et révélations

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 17 SEPTEMBRE

Argent et politique

T

OUT AU LONG DE LA SEMAINE ÉCOULÉE, au sein de la classe politico-médiatique de France et d’Afrique, on a beaucoup parlé du lien incestueux et nauséabond qui s’est tissé entre l’argent et la politique. Des informations-révélations ont été rendues publiques par l’un des acteurs de ce système, décrivant les circuits utilisés, nommant des donneurs et des récipiendaires, citant des chiffres. Dans ce qui a été dit et écrit, tout ou presque est à la fois invérifiable et… plausible ; en France, on fait mine de demander à la justice d’aider à y voir clair. Et, de votre côté, vous vous demandez sans doute ce qu’il faut en penser. Même s’il nous répugne de nous aventurer dans ce no man’s land miné, nous nous devons de saisir l’occasion de ce déballage pour partager avec vous ce que nous savons ou croyons savoir des affaires scabreuses qui ont été évoquées et de leur contexte. ■

Il ressort de ce qui a été affirmé que beaucoup d’argent – « politique » et africain – quitte, depuis des décennies, les capitales du continent, par valises pleines, pour Paris. Un tel mouvement Sud-Nord a contribué et contribue puissamment au financement des campagnes électorales comme au bien-être de nombreux hommes et partis politiques français, de droite, d’extrême droite et de gauche. Aux informations étonnantes que Jeune Afrique vous livre plus loin (lire pp. 24 à 31), je voudrais ajouter ici ce que je sais et ce que je pense de ce phénomène. ■

Il se perpétue depuis plus d’un demi-siècle, car il a pris naissance quelques années après les indépendances des pays africains, au nord et au sud du Sahara. Comme on le sait, ces indépendances ont été concédées par la France, bon gré mal gré, à partir de la fin des années 1950, et l’ancienne métropole a tout naturellement voulu garder ces pays dans son orbite. Elle a alors instauré un systèmepostcolonialdecoopérationetd’interdépendance, élaboré et régi pour l’Afrique subsaharienne, jusqu’à sa mort en 1997, par Jacques Foccart, choisi pour cette mission de confiance par le général de Gaulle. JEUNE AFRIQUE

Pour les périodes où les gaullistes n’ont pas été au pouvoir, sous Giscard et Mitterrand, les rênes de ce système ont été confiées par ces deux présidents à des exécutants qui ont tout bonnement chaussé les bottes de Foccart. Baptisé « Françafrique », entretenu par Charles Pasqua et d’autres, le système a réussi à survivre au XXe siècle ; il perdure à ce jour : de temps à autre affleure à la surface un incident de parcours qui montre que « le canard est toujours vivant ». ■

Du côté africain, les instigateurs du système – qui en sont vite devenus au sens littéral du terme les « parrains » – ont pour noms Houphouët, Mobutu et Bongo (père). Ils ont disposé de sommes colossales et en ont utilisé une bonne part pour « lubrifier » leurs relations politiques, principalement, mais pas uniquement, en France (et en Belgique). Félix Houphouët-Boigny et Omar Bongo n’ont pas craint de dire ou de laisser entendre qu’ils avaient financé non seulement les hommes politiques français de droite et de gauche, mais aussi le leader de l’extrême droite ! En Afrique du Nord, l’ancien roi du Maroc, Hassan II, et l’ancien « Guide » de la révolution libyenne se sont adonnés à ce jeu d’argent et y ont inclus, eux aussi, l’extrême droite française. ■

Les concessions pétrolières, les contrats d’achat d’armes et d’avions – de ligne et militaires – ont beaucoup favorisé la corruption politique, comme l’a montré le procès Elf et comme le montrent aujourd’hui encore les remous, parfois tragiques, occasionnés par les conséquences des ventes de frégates à Taiwan, de sous-marins au Pakistan, de « quincaillerie militaire » à l’Arabie saoudite, aux Émirats, à la Libye ou à l’Angola. On voit les hommes politiques français se combattre à fleurets non mouchetés autour de « rétrocommissions » faramineuses qui semblent avoir pollué les campagnes présidentielles des quinze dernières années. À leurs côtés se livrent à un duel à mort des intermédiaires dont les frasques font le miel d’auteurs de livres à succès – et des tribunaux… N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


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Ce que je crois Inventé il y a cinquante ans, tissé depuis un demisiècle, ce lien entre l’argent et la politique semble donc être devenu une composante du financement des partis politiques français : à leurs risques et périls, les plus importants d’entre eux continuent d’y recourir – clandestinement –, malgré une loi de 1995 conçue et promulguée pour moraliser le système. Elle devait permettre à ces partis de se dispenser de tout recours à des contributions financières douteuses, en particulier celles provenant de l’étranger. ■

Le problème se pose différemment en Afrique, où, depuis que les élections sont devenues contradictoires et, en principe, transparentes, le coût des campagnes est monté en flèche pour cesser d’être à la portée du candidat moyen. De nos jours, en Afrique, nul ne peut concourir à une élection présidentielle, aucun parti ne peut affronter une élection législative s’il ne dispose de beaucoup d’argent. En Afrique subsaharienne, les besoins se chiffrent chaque fois en milliards de francs CFA, et l’on ne trouve de telles sommes – en liquide – que chez les chefs d’État riches, les dirigeants des grandes entreprises nationales ou ceux des groupes internationaux. À la veille de chaque grand scrutin, on voit la cohorte des candidats prendre, l’un après l’autre, leur bâton de pèlerin pour se mettre à sillonner l’Afrique, de capitale

en capitale, à la recherche d’argent « électoral ». C’est malsain et c’est immoral, raison pour laquelle cela se passe dans le plus grand secret. Et comme l’argent ne circule que sous forme liquide… il lui arrive souvent de se perdre en route, conservé par des intermédiaires peu scrupuleux. Il faut donc s’attaquer à ce problème du financement des partis politiques et guérir la jeune démocratie africaine de l’une de ses maladies infantiles. ■

C’est le lieu de se poser, pour finir, quelques questions. Ceux qui, à l’instar et à la suite des vétérans que furent pendant plus de trente ans Houphouët, Mobutu et Bongo, donnent de l’argent aux partis et aux hommes politiques français ou africains y trouvent-ils en définitive leur compte ? Sont-ils, dans le cas où leur poulain est élu, payés de retour ? Comment les entreprises qui financent l’élection d’un candidat sont-elles récompensées ? Par des contrats que le candidat devenu ministre ou président leur accorde ? N’est-ce pas là une atteinte aux intérêts supérieurs de l’État où le candidat a été élu et, à la fin des fins, une variante de la corruption ? Les États – même riches – dont les présidents consacrent une partie des ressources à ces financements extérieurs ne pourraient-ils pas faire un meilleur usage de ces fonds ? ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð Assimiler sans être assimilé… Léopold Sédar Senghor Ð Tout est preuve pour les croyants. Tout est preuve pour les athées. Jean Dutourd Ð La prodigalité conduit à l’arrogance et la parcimonie à l’avarice. L’arrogance est pire que l’avarice. Confucius Ð Pourquoi faut-il que nous ayons assez de mémoire pour retenir jusqu’aux moindres particularités de ce qui nous est arrivé et que nous n’en ayons pas assez pour nous souvenir combien de fois nous les avons contées à une même personne ? François de la Rochefoucauld N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Ð Les célibataires en savent plus long sur le mariage que les hommes mariés. Sans quoi, ils ne seraient pas restés célibataires. Robert Rocca Ð La chienne qui a une queue coupée n’a plus rien à cacher aux chiens. Proverbe africain Ð La politique est plus dangereuse que la guerre… À la guerre, vous ne pouvez être tué qu’une seule fois. En politique, plusieurs fois. Winston Churchill Ð La confession la plus vraie est celle que nous faisons indirectement, en parlant des autres. Cioran

Ð Les Arabes ne boivent pas de vin, résultat, ils ne s’intègrent pas. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ð La sagesse associée à la jeunesse a aussi peu d’attraits que la frivolité à la vieillesse. Nassim Nicholas Taleb Ð Le meilleur moyen de faire tourner la tête à une femme, c’est de lui dire qu’elle a un joli profil. Sacha Guitry Ð Quand un homme ne dit rien alors que tout le monde parle, on n’entend plus que lui. Raymond Devos Ð Il y a ceux qu’on aime et ceux avec qui on se plaît. Henrik Ibsen JEUNE AFRIQUE


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Éditorial

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François Soudan

ERDOGAN SUPERSTAR En tournée, le Premier ministre turc a voulu tester sa popularité dans les pays du Printemps arabe. Pari réussi.

Dette de sang

C

EST UNE PETITE NOUVELLE qui pourrait, à condition qu’elle fasse jurisprudence, avoir de grandes conséquences. L’inverse en somme de ce scandale des mallettes de la Françafrique, lequel risque bien, une fois les scories médiatiques retombées, de déboucher sur le néant. Le 14 septembre, un tribunal de La Haye a jugé l’État néerlandais responsable de crimes coloniaux commis il y a plus de soixante ans en Indonésie, ouvrant ainsi la voie à l’indemnisation des familles des victimes. Les faits remontent au 9 décembre 1947 : l’armée néerlandaise avait ce jour-là fait table rase d’une bourgade indépendantiste, tuant plus de 200 civils. Soutenus par leur gouvernement et plusieurs ONG, les plaignants (veuves ou descendants des victimes), mais aussi les juges qui leur ont donné raison, n’ont peut-être pas conscience d’avoir ouvert une brèche historique : pour la première fois, cette antienne lénifiante de toutes les ex-puissances coloniales, selon laquelle il faut « tourner la page » et « tirer un trait sur cette partie douloureuse de notre histoire commune » en échange d’excuses vite envolées ou de repentances à reculons, se voit juridiquement contredite.

Car toutes ces victimes de la longue nuit coloniale africaine ont bien entendu des familles, des ayants droit, des enfants et petitsenfants qui seraient fondés aujourd’hui à exciper du jugement de La Haye pour déposer plainte. À l’époque où il avait l’Europe à ses pieds, c’est-à-dire hier, un certain Kaddafi avait exigé et obtenu de l’Italie berlusconienne une promesse de remboursement de cette dette de sang: 5 milliards de dollars. Mauvais exemple, dira-t-on, puisque cette somme, même convertie en investissements, n’aurait profité qu’au dictateur. Il n’empêche: le précédent néerlandais démontre que la « responsabilité de protéger » dont on nous rebat les oreilles peut aussi être rétroactive. On me dira que j’incite à ouvrir une boîte de Pandore incontrôlable. À tort. Depuis 1952, l’Allemagne a versé à Israël et aux rescapés de la Shoah près de 15 milliards d’euros à titre de compensation, ce qui n’est que justice. Justice, mais aussi rapport de force, cela va de soi. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

GRAND ANGLE

24 France

La République bananière

L’avocat Robert Bourgi a « balancé » sur les dessous de la Françafrique. Que valent ces accusations explosives? Quelles sont ses motivations? Qui sont ses prochaines cibles?

PHOTOS DE COUVERTURES : AUDE OSNOWYSCZ POUR J.A. ; JACQUES TORREGANO POUR J.A.

Pour peu que leurs dirigeants, à l’instar de ceux de Djakarta, aient la volonté de les appuyer, un très vaste champ de réparations s’ouvre devant les Africains tant le siècle dernier fut sur le continent fertile en atrocités aussi « inacceptables » qu’« imprescriptibles » – pour reprendre les attendus du jugement de La Haye. De quoi encombrer les tribunaux de Paris, Londres, Bruxelles, Lisbonne ou d’ailleurs pendant des décennies. L’État français devrait ainsi répondre, entre autres forfaits, des massacres de Madagascar et de Sétif, de la répression au Cameroun, des fusillés du camp de Thiaroye, des gazés de la guerre du Rif et des forçats du Chemin de fer Congo-Océan. L’État de GrandeBretagne serait sans nul doute condamné pour les camps de concentration des Mau Mau au Kenya, et celui du Portugal, pour avoir brûlé, en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau, un nombre incalculable de villages. Quant à la couronne belge, il lui faudrait vendre jusqu’au dernier de ses meubles pour indemniser ne serait-ce qu’une fraction des descendants de tous ceux que le roi Léopold a transformés en fantômes.

AFRIQUE DU NORD

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Turquie Erdogan superstar Libye Sarkozy en terrain conquis Guinée-Bissau Mon ami Kaddafi Kweku Adoboli Le Kerviel de la City ? Leila Lopes Black is beautiful Algérie À fond la réforme ! Arabie saoudite Un émir en ligne de mire Scandale Takieddine ou la Françarabie La Haye CPI recherche juges compétents Paludisme Extension des effets de la lutte Togo Kpatcha aux oubliettes Tour du monde

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G RA N D A N G L E

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Françafrique Les dessous d’un grand déballage

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Sénégal-Guinée Je t’aime, moi non plus 57 bis Louise Mushikiwabo, de Washington à Kigali France-Rwanda Kagamé en VRP JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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32

SÉNÉGAL-GUINÉE

JE T’AIME, MOI NON PLUS Longtemps proches, les présidents Abdoulaye Wade et Alpha Condé sont fâchés depuis près d’un an. Conakry accuse même Dakar d’être complice de la tentative d’assassinat du 19 juillet.

LIBYE L’HOMME QUI A FAIT TOMBER KADDAFI Portrait de Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT).

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ADOLPHE MUZITO

« NON, LA RD CONGO N’EST PAS UN PAYS RICHE ! » Interview du Premier ministre, à quelques semaines du scrutin présidentiel.

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No 2645

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2011

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Scandales à l’ONU Mains sales et Casques bleus Interview Adolphe Muzito : « Non, la RD Congo n’est pas un pays riche ! »

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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T

42 46 48 50

Libye L’homme qui a fait tomber Kaddafi Interview Anis Birou : « Nous sommes prêts à gouverner le Maroc » Moyen-Orient Pas de printemps pour les Kurdes Égypte Où est passé Omar Souleimane ?

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE

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Japon Touché, mais pas coulé Corée du Nord Miracle à Pyongyang États-Unis Un Texan peut en cacher un autre Parcours Rachid Ben Abdeslam, un contre-ténor à contre-courant Italie Silvio Berlusconi : comment s’en débarrasser ? Allemagne Berlin, nouvelle scène juive

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LE PLUS DE JEU N E A FR I Q U E

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Cameroun Au banc d’essai

GABON DEUX ANNÉES DE CHANTIERS L’État multiplie les initiatives pour diversifier l’économie. Avec l’appui, notamment, de nouveaux partenaires asiatiques.

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ÉC O N O M IE

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Gabon Deux années de chantiers Maroc Le TGV en sept points Nouvelles technologies À Dakar, la fièvre du web n’a rien de virtuel Devises Le billet rouge gagne en crédit Pétrole Un Jubilee bis en Guyane ? Analyse La rente démocratique Interview Albert Nsengiyumva, ministre rwandais des Infrastructures Bourse Petro Ivoire prospecte à Paris Tuninvest Et de trois ! Baromètre

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JEUNE AFRIQUE

24 SEPTE 18 AU ! DU

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AU BANC D’ESSAI • Panorama Le temps de l’éveil • Tendance Kribi, côté investisseurs et côté VIP • Finances Un marché de plus en plus « bankable » Spécial 24 pages

CRÉD

LE CAMEROUN

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C U LT U RE & M ÉD IA S Sénégal La révolte en chantant Maroc Médias : SOS culture en danger Cinéma Nadia el-Fani : « La bataille de la laïcité mérite d’être menée » La semaine culturelle de J.A. VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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la Libye. C’est notamment le cas de la société Ronco et de l’ONG Mag International, spécialisées dans le déminage.

DOMINIQUE FAGET/AFP

RD CONGO ÉTONNANTE LISTE ÉLECTORALE

MILITAIRES SAHRAOUIS, en février 2011.

Sahara Polisario Connection

L

ES VIOLENTS AFFRONTEMENTS qui ont opposé, du 7 au 11 septembre, dans le nord-ouest du Mali, deux bandes de trafiquants de drogue – et qui se sont soldés par au moins cinq morts – sont le reflet de la compétition acharnée entre « filière saharienne » et « filière sahélienne » dans le no man’s land des trois frontières. Selon nos informations, tout a commencé le 7, lorsqu’un groupe de Touaregs maliens et nigériens a enlevé en territoire algérien trois Sahraouis de la tribu des Reguibat fokra, dont le commandant Hartane Ould Zouida, chef de la 1re région militaire du Front Polisario et proche parent du président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Abdelaziz. Les Touaregs reprochaient aux Sahraouis d’avoir détourné à leur profit une cargaison de 1,3 tonne de drogue. Après avoir tenté de parlementer avec les ravisseurs, qui exigeaient une rançon et la restitution du stock, les Sahraouis ont lancé le 11 une opération commando pilotée depuis le camp de Rabbouni, non loin de Tindouf. Apparemment sans succès. Déjà, en décembre 2010, une quinzaine de trafiquants sahraouis anciens combattants du Polisario avaient été arrêtés lors d’une opération conjointe mauritano-malienne non loin de la frontière avec l’Algérie. ● LIBYE EXPERTS AU CHEVET DU CNT

Selon un haut fonctionnaire français, Paris et Londres ont proposé au Conseil national de transition libyen (CNT) leur expertise dans l’appui institutionnel et le désarmement. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Objectifs : l’organisation des prochaines élections, l’élaboration de la future Constitution et la sécurisation du pays. Quant aux ÉtatsUnis, des experts de sociétés de conseil sont récemment arrivés à Tripoli pour aider les

nouvelles autorités à reprendre la main sur l’administration. Leur interlocuteur est la Libya Stabilization Team, mise en place par le numéro deux du CNT, Mahmoud Jibril. À noter également le transfert d’équipes d’Afghanistan vers

L’inscription des électeurs pour la présidentielle du 28 novembre prochain réserve quelques surprises, en RD Congo. En cinq ans, leur nombre est passé de 25,7 millions à 32 millions, soit une hausse de 25 % supérieure à la croissance démographique. Plus surprenant, ce sont essentiellement les provinces réputées favorables au président sortant, Joseph Kabila, qui connaissent les plus fortes augmentations : Nord-Kivu (+ 22 %), Sud-Kivu (+ 21,5 %), Maniema (+ 39 %), Katanga (+ 31,5 %), Province-Orientale (+ 19,5 %). La province de Kinshasa, considérée comme hostile, est en progression de 11 % seulement. LE CHIFFRE QUI INQUIÈTE

20000

C’est, selon les autorités ivoiriennes, le nombre de « combattants » non issus des troupes dites régulières (Forces nouvelles et Forces de défense et de sécurité) et qui ont rejoint les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) lors de la crise post-électorale. À titre de comparaison, les membres des Forces nouvelles n’étaient qu’environ 3 500…

CAMEROUN MILA ASSOUTÉ : LES RAISONS D’UNE DÉFECTION

L’opposant camerounais Pierre Mila Assouté avait annoncé, fin mai, à Paris, où il s’est exilé, son intention de JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

Affaire Bourgi Compaoré et le cas Gbagbo SI LE CHEF DE L’ÉTAT BURKINABÈ, Blaise Compaoré, n’entend pas répondre publiquement aux allégations de Robert Bourgi (lire pp. 24-31), il confie volontiers, en privé, s’être « toujours méfié de ce personnage amer qui règle ses comptes. Un homme qui faisait le siège des hôtels où les chefs d’État africains descendaient pour les harceler et obtenir une audience, et qui profère des accusations ridicules, en confondant visiblement le Burkina avec un État pétrolier ». Compaoré avoue cependant l’avoir reçu à plusieurs reprises, à Ouaga ou dans sa résidence française de la Celle-Saint-Cloud, parce qu’il « comptait visiblement et connaissait tout le monde ». Il se souvient en particulier d’une discussion. En 1998, alors qu’ils devisaient sur la présidentielle ivoirienne de 2000 [à laquelle, finalement, ni Bédié ni Ouattara ne se sont présentés, NDLR], Robert

Bourgi a pronostiqué une victoire d’Henri Konan Bédié, alors que Compaoré, lui, pensait qu’Alassane Ouattara, fort de son alliance avec Laurent Gbagbo au sein du Front républicain, l’emporterait au second tour. Bourgi lui aurait alors affirmé que Gbagbo ne jouerait pas le jeu puisqu’il lui avait confié que « jamais il ne soutiendrait un Dioula pour diriger la Côte d’Ivoire ». Conséquence de cette conversation: Compaoré s’est tenu à distance de Gbagbo, après l’avoir longtemps soutenu, et a commencé à s’en méfier. Quand, en 2002, après les accords de LinasMarcoussis, Laurent Gbagbo a demandé à Compaoré pourquoi il refusait de le voir depuis son élection, ce dernier lui a raconté sa conversation avec Bourgi, proche du leader du FPI. Réponse de Gbagbo: « c’est un menteur »… ●

La vengeance de Mamadou Koulibaly LE NUMÉRO DEUX DU RÉGIME DÉCHU de Laurent Gbagbo, Mamadou Koulibaly, qui a confirmé les accusations de Bourgi sur un transfert d’argent entre Abidjan et Paris, avait cherché à « balancer » en 2007. C’est au cours d’un dîner au premier semestre 2002 qu’il a rencontré Bourgi « venu solliciter » Gbagbo pour la présidentielle française de 2002. Cinq ans plus tard, il entreprend des démarches, après avoir consulté Gbagbo, qui n’y a vu aucun inconvénient, auprès d’un journal

déposer sa candidature à la présidentielle du 9 octobre. Il n’en a rien fait. Le président du Rassemblement démocratique pour la modernité du Cameroun (RDMC) a renoncé à rentrer au pays, redoutant les suites des actions en justice qu’il a intentées contre l’État du Cameroun dans l’affaire Camair. Le 11 juin, un juge de Yaoundé a demandé l’application des arrêts du 26 avril 2007 et du 22 mai 2008 de la cour d’appel de Paris, qui le condamnent notamment à payer 50 000 euros en remboursements de frais, dommages et intérêts, etc.

JEUNE AFRIQUE

CÔTE D’IVOIRE GROUPE ATLANTIQUE : FIN DE PARTIE POUR CHARLES KIÉ

Alors que le groupe français BPCE (issu de la fusion de la Banque populaire et de la Caisse d’épargne) entre au capital de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire (Baci), à hauteur de 60 %, Charles Kié, le directeur général d’Atlantic Financial Group

(AFG), le holding de la Baci, a démissionné, le 16 septembre. Celui qui est l’un des artisans de la restructuration du pool bancaire d’AFG depuis 2008 n’a donné aucune raison officielle pour justifier son départ. Léon Kona Koffi, le président du groupe AFG pour les implantations en Afrique centrale, a été pressenti pour assurer l’intérim.

L’HOMME QUI A LA COTE

Money Express en Bourse PRUDENCE NGOM/CHAKA

FRANCE-RWANDA L’AMBASSADEUR CONTINI TOUJOURS EN POSTE Plusieurs journaux avaient annoncé son limogeage à la suite de la publication d’un

entretien dans Jeune Afrique. Erreur, car, si Laurent Contini, ambassadeur de France à Kigali, était bien à Paris pendant la visite de Paul Kagamé, du 11 au 13 septembre, il est ensuite reparti au Rwanda. Son congé ne lui a pas été signifié.

français (vraisemblablement Le Canard enchaîné). « Ce journal a pensé qu’il s’agissait d’un règlement de comptes et n’a pas repris ces informations », souligne une source proche de Koulibaly. Ce dernier a alors fait des confidences à un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP), qui n’a pas donné suite sur le coup mais qui l’a rappelé après les révélations de Bourgi. Cette fois, le président de l’Assemblée nationale n’a pas hésité à parler. ●

APRÈS SIMAT en 2007 et Petro Ivoire dans quelques jours (lire p. 110), c’est au tour de Money Express de tenter sa chance à la Bourse de Paris. La société de transfert d’argent fondée par Meïssa Ngom espère lever 2,5 millions d’euros. Accompagnés par le cabinet Maréchal & Associés, les dirigeants de Money Express seront à Paris le 27 septembre. La société sénégalaise, qui fêtera l’année prochaine ses 10 ans, est active dans 50 pays, dont 24 en Afrique. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


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La semaine de Jeune Afrique

supers

AFRIQUE DU NORD

Erdogan

En tournée en Égypte, en Tunisie et en Libye, le Premier ministre turc a voulu tester sa popularité dans les pays du Printemps arabe et relancer les échanges commerciaux. Pari réussi. JOSÉPHINE DEDET

C

est un joli rétablissement. Il y a quelques mois, la Turquie était à la remorque du Printemps arabe. Lorsque les premiers troubles avaient éclaté en Tunisie, le silence d’Ankara avait été assourdissant. Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre, était « prix Kaddafi des droits de l’homme 2010 », et il s’est longtemps dit « l’ami » de Bachar al-Assad. Aujourd’hui, c’est en héros qu’il a été accueilli en Égypte, en Tunisie et en Libye, où il a effectué une tournée entre le 12

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

et le 16 septembre. Tel un nouveau Nasser, il est devenu le champion des foules arabo-musulmanes. Son bilan économique, d’abord, les fait pâlir d’envie. Ensuite, la démocratie turque, pour imparfaite qu’elle soit, leur paraît un modèle de pluralisme. Enfin, en se livrant à une critique virulente d’Israël et en se faisant le chantre de la reconnaissance d’un État palestinien, Erdogan a gagné leur cœur. C’est ce rôle qu’il a interprété avec brio au Caire, à Tunis et à Tripoli, furieux toutefois de s’être fait brûler la politesse en Libye par Nicolas Sarkozy et David Cameron (lire p. 12). TRIOMPHE. Comme à l’accoutumée, Erdogan est

venu flanqué d’un aréopage de conseillers, de sept ministres et de 280 hommes d’affaires. S’y ajoutaient Emine, sa très pieuse épouse – qui a des origines arabes –, son fils Bilal et sa fille Sümeyye. En Égypte, il a eu droit à un triomphe populaire. Et pour cause: c’est le seul pays pour lequel il avait aussitôt pris position en faveur des manifestants, JEUNE AFRIQUE


L’événement Ý AVEC HUSSEIN TANTAWI (à g.), chef du Conseil suprême des forces armées égyptiennes, le 13 septembre, au Caire.

REUTERS/AMR NABIL/POOL

sommant Moubarak – qu’il et le primat de l’Église copte, les exhortant à « s’unir détestait – de partir, pas fâché pour l’Égypte ». de voir ce pays rival affaibli Il a également lancé un appel à l’unité, cette fois sur la scène moyen-orientale. en faveur des Palestiniens, devant la Ligue arabe. Plus de 3 000 personnes l’ont « Il est temps de hisser le drapeau palestinien à accueilli à l’aéroport du Caire, l’ONU », a-t-il déclaré en présence de Mahmoud brandissant drapeaux turcs et Abbas. Il a ensuite assisté à un forum des affaires où les Turcs ont décroché pour 853 millions de banderoles à sa gloire. Même enthousiasme à l’opéra, où il s’est écrié : « Vous dollars (environ 620 millions d’euros) de contrats, avez droit à la démocratie et à la liberté comme et affiché son objectif : que le volume des échanges (3,2 milliards de dollars en 2010) atteigne au pain et à l’eau », entrecoupant son discours de phrases en arabe et de citations du Coran. Lorsqu’il 5 milliards dans deux ans et 10 milliards dans quatre ans. a évoqué la politique « illégitime et inhumaine d’Israël », on a frôlé la pâmoison. « Si seulement À GHANNOUCHI, SA PRÉFÉRENCE. L’étape tuninous pouvions avoir un dirigeant comme lui », sienne a été plus politique. À la descente de l’avion, soupire Youssef, un ingénieur de 34 ans, qui, à l’instar de ses compatriotes, compare « la fermeté Erdogan était attendu par Béji Caïd Essebsi, le Premier ministre, mais aussi par des centaines d’Erdogan » à « la mollesse » des autorités égyptiennes. La Turquie exige des de personnes agitant des excuses d’Israël pour la drapeaux turcs et pales« Israël ne pourra plus faire mort de ses neuf ressortiniens, et par Rached ce qu’il veut en Méditerranée. » Ghannouchi, le chef tissants tués en mai 2010 au large de Gaza et vient d’Ennahdha, qui a eu TUNIS, LE 15 SEPTEMBRE. de renvoyer son ambasdroit à une accolade. À sadeur ; l’Égypte a joué l’apaisement lorsque, le quelques semaines des élections du 23 octobre, où 18 août dernier, six de ses policiers ont été abattus son parti fait figure de favori, le leader islamiste, à la frontière… qui dit prendre le Premier ministre turc pour Le pouvoir s’est agacé de l’adulation dont exemple, a été récompensé de son zèle. « Islam Erdogan fait l’objet. Son activisme au Moyenet démocratie ne sont pas contradictoires. Un Orient suscite aussi la méfiance de la vieille musulman peut gérer un pays avec beaucoup de garde des Frères musulmans, bien moins enthousuccès », a déclaré Erdogan, marquant implicisiastes que leurs jeunes troupes, surtout après tement sa préférence. Ce qui ne l’a pas empêché qu’Erdogan, l’ex-islamiste, a appelé les Égyptiens de rencontrer les dirigeants des principaux partis, à adopter « une Constitution laïque ». « Nous ne ainsi que le président Fouad Mebazaa. Un traité pensons pas que lui ou son pays doivent à eux d’amitié et de coopération a été signé. Il vise à seuls diriger la région ou dessiner son avenir », renforcer les échanges commerciaux, qui s’élèvent a tranché Essam el-Erian, le numéro deux du à plus de 1 milliard de dollars par an. mouvement. À Tunis, Erdogan a pris soin de fustiger une Outre le général Tantawi, chef du Conseil nouvelle fois Israël qui, a-t-il promis, « ne pourra suprême des forces armées, Essam Charaf, le plus faire ce qu’il veut en Méditerranée », assuPremier ministre, et les Frères, Erdogan a pris rant qu’à l’avenir des bâtiments de guerre turcs soin de rencontrer plusieurs candidats déclarés escorteront les navires d’aide humanitaire afin ou potentiels à la présidentielle, dont la date n’est de les protéger. pas encore fixée (Amr Moussa, Mohamed elDernière étape, la Libye, où les choses étaient Baradei…), des représentants de la jeunesse libérale plutôt mal engagées au début de la révolution, la Turquie ayant refusé de participer aux frappes contre le régime et longtemps louvoyé avant de EN LIBYE, LES AFFAIRES SONT LES AFFAIRES reconnaître le Conseil national de transition. Début avril, son consulat à Benghazi avait même À TRIPOLI, LES PATRONS TURCS SE SENTENT À L’AISE. Mais été attaqué par des rebelles en colère. Une fâcherie ils font profil bas : « Ce n’est pas l’heure de parler affaires, à laquelle Ahmet Davutoglu, le ministre turc des notre soutien est d’abord politique. » Plusieurs milliards de Affaires étrangères, a mis un terme, lors de ses dollars de contrats ont été signés ces dernières années. visites dans la ville (3 juillet et 23 août), en proL’expérience, les contacts noués sous Kaddafi sont des atouts posant une aide de 300 millions de dollars, dont pour revenir au « business as usual », selon ce membre de la le tiers a été payé en cash. Pour Ankara, il était délégation, qui laisse entendre que la reconstruction de Misrata urgent de se réconcilier avec la Libye, où, avant est un marché à la portée des sociétés de BTP. Et d’ajouter, un la crise, 200 entreprises turques (avec 30 milliards brin orgueilleux, que « les Libyens ne vont rien inventer. Même de dollars de contrats à la clé) et 25 000 expatriés en politique, ils vont faire un copier-coller de notre modèle ». ● étaient présents. Turkish Airlines annonce déjà YOUSSEF AÏT AKDIM, à Tripoli la reprise imminente de ses vols. ●

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PHILIPPE WOJAZER/REUTERS

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Libye Sarkozy en terrain conquis

Lors de sa visite à Tripoli et à Benghazi, le chef de l’État français a été accueilli avec chaleur par les dirigeants de l’après-Kaddafi. Un triomphe politique et populaire.

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rèsdesixmoisaprèsavoirprisfait et cause pour les rebelles libyens, Nicolas Sarkozy savoure, sur place, son succès. Premier dirigeantétrangeràavoirsoutenul’opposition, le président a remporté son pari lorsque les forces favorables au Conseil national de transition (CNT) ont pris Tripoli, fin août. C’estdoncunhommecombléquiatterrit,le 15 septembre, dans la capitale libyenne, où l’accueillentMustaphaAbdeljalil,président du CNT (lire pp. 42-45), et Mahmoud Jibril, actuel numéro deux du nouveau pouvoir libyen. Lequel doit tant au Français – et ne se prive pas de lui en faire l’éloge – qu’on en oublierait presque que David Cameron, le Premier ministre britannique, autre pilier de l’intervention occidentale en Libye, est arrivé peu avant à bord d’un appareil de la Royal Air Force. Entourés de moult CRS et autres protections rapprochées, les deux Européens déroulent leur programme. Premier arrêt à l’hôpital central de Tripoli, où Sarkozy prend la température de sa popularité auprès du personnel et des patients. Lors de la conférence organisée un peu plus tard, le président Abdeljalil insiste sur N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

l’amitié franco-anglo-libyenne: « Nos amis et alliés ne nous ont pas aidés par intérêt mais pour soutenir notre peuple dans sa lutte contre l’oppresseur. » Sarkozy en profite pour dénoncer les informations publiées « par une certaine presse », faisant état de contrats préférentiels au bénéfice des sociétés françaises : « Un faux, une manipulation », assène le président français. Mahmoud Jibril annonce, en passant, que les frappes de l’Otan continueront, à la demandedesLibyens,tantquelesfrontsde Beni Walid, de Syrte et de Sebha resteront ouverts. Mais précise tout de même que la coopération se fait « sans tutelle ». ENTRER DANS L’HISTOIRE. Côté Sarkozy,

le message est le même. Premier soutien des rebelles, grand vainqueur de l’intervention occidentale, le président français doit naviguer entre l’envie de marquer cet épisode qui pourrait l’inscrire dans l’Histoire (comme Chirac refusant l’invasion en Irak) et la nécessité, justement, de ne pas apparaître en terrain conquis: « La France est très attachée à l’unité et à la réconciliation de la Libye », martèle-t-il. « Le président est venu plaider la vertu du pardon »,

LES DIRIGEANTS FRANÇAIS ET BRITANNIQUE (Nicolas Sarkozy devant David Cameron), dans la capitale rebelle, le 15 septembre.

nous confie un de ses accompagnateurs. Il n’empêche : sa délégation imposante laisse entrevoir les belles années de coopération que se réserve la France avec les successeurs de Kaddafi. Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères, évite de croiser le regard de Bernard HenriLévy, un rang derrière lui. Le conseiller diplomatique de l’Élysée, Jean-David Levitte, est là, à côté d’Antoine Sivan, le plus haut diplomate français en Libye, officiellement en poste à Benghazi. C’est dans cette ville, capitale de la Cyrénaïque, que la visite se poursuit. Face à une foule massée sur la place Al-Tahrir locale, David Cameron sait réchauffer les cœurs : « Le colonel Kaddafi voulait vous pourchasser comme des rats, mais vous lui avez montré un courage de lions. » L’organisation est chaotique, Mahmoud Jibril se retrouve propulsé interprète. Le mot de la fin est pour Sarkozy : « Mes amis de Benghazi, nous vous demandons une chose : nous croyons dans la Libye unie, pas dans la Libye divisée. » Et de conclure, large sourire aux lèvres : « Vive Benghazi, la Libye, l’amitié entre la France et la Libye! » avant d’inviter son ami « David » à « serrer des mains ». Un bain de foule en face du port. Un meeting, des supporteurs, une victoire. Comme un avant-goût de campagne pour le président français. ● YOUSSEF AÏT AKDIM, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE


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Guinée-Bissau Mon ami Kaddafi Le Premier ministre Carlos Gomes Junior offre l’asile à l’ancien dictateur. Au grand dam des Européens, mais avec la bénédiction de ses concitoyens.

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i assassinat politique ni spectaculaire saisie de drogue. Si, début septembre, la GuinéeBissau a fait parler d’elle, c’est pour son sens de l’hospitalité. Le 9, le Premier ministre Carlos Gomes Junior a déclaré que Mouammar Kaddafi, s’il le souhaitait, serait le bienvenu dans son pays. Cette invitation, bien qu’elle n’ait pas été confirmée par la présidence, préférant garder ses distances avec cet « ami » devenu infréquentable, n’est pas passée inaperçue. Elle a suscité en coulisses l’irritation de quelques partenaires occidentaux. On se souvient que, fin 2010, l’Union européenne avait réduit la dette extérieure de

la Guinée-Bissau de 1,2 milliard de dollars (905 millions d’euros) et que, en mai dernier, le Club de Paris a annulé une dette de 256 millions de dollars (178 millions d’euros) en valeur nominale. BIENFAITEUR. Selon un officiel bissauguinéen, la position du Premier ministre est néanmoins compréhensible, car « la population admire Kaddafi ». « Elle voit en lui un panafricaniste et un ami », dit-il. « Il a apporté la lumière », témoigne un habitant de la capitale qui se souvient qu’un don de gasoil à la centrale électrique alimentant Bissau avait mis fin, pour un moment, aux délestages. Le « Guide » a également financé la construction de

deux unités de décorticage de noix de cajou, dans ce petit pays pauvre où 95 % de la population rurale vit de leur culture. Tripoli a en outre entrepris la construction et la réfection d’hôtels ainsi que d’infrastructures militaires. En 2009, peu après l’assassinat du président João Bernardo Vieira, Mouammar Kaddafi avait même effectué une visite éclair à Bissau. « Il est arrivé à bord d’un jet. Il y avait aussi deux Hercule C-130 chargés de dizaines de berlines françaises destinées aux officiers de l’armée. Il n’est pas sorti de l’aéroport, mais tout le gouvernement s’était déplacé », raconte un diplomate en poste dans la capitale à l’époque. Après la proclamation officielle de l’indépendance de la Guinée-Bissau, en 1974, la Libye fut l’un des premiers États à y ouvrir une ambassade, ainsi qu’un centre culturel, rapidement fermé. Les autorités reprochaient à ce dernier de verser dans le prosélytisme avec la distribution massive du fameux Livre vert écrit par le chef de la Jamahiriya. ● CÉCILE SOW

Où sont les membres de la famille Kaddafi ? SEIF EL-ISLAM

39 ans. Dauphin présumé. Donné pour capturé le 22 août, il a démenti son arrestation. Bani Walid, Libye.

SAADI

38 ans. Ancien footballeur professionnel. Niamey, Niger, depuis le 11 septembre.

LES MORTS SEIF EL-ARAB SAFIA FARKASH

59 ans, seconde épouse et mère de 9 enfants de Kaddafi, dont deux enfants adoptifs (Milad et Hanna). Localité inconnue, Algérie, depuis le 29 août.

AÏCHA

35 ans, avocate. A accouché d’une fille à la frontière algéro-libyenne le 30 août. Localité inconnue, Algérie, depuis le 29 août.

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MOHAMED

41 ans, fils de la première épouse de Kaddafi, Fatiha al-Nuri. Ex-président de l’organisme libyen des télécommunications. Capturé le 21 août par les rebelles, se serait échappé. Localité inconnue, Algérie, depuis le 29 août.

HANNIBAL

35 ans, célèbre pour ses frasques et ses démêlés avec la justice. Localité inconnue, Algérie, depuis le 29 août.

LOCALISATION INCONNUE MOATASSIMBILLAH, BILLAH

MILAD ABOUZTAÏA, ABOUZTAÏA

34 ans. Ex-chef du Conseil de sécurité nationale.

Âge inconnu. Fils adoptif de Safia et Mouammar. Il aurait sauvé la vie de Kaddafi en 1986.

Né en 1982. Tué par l’Otan, le 30 avril 2011.

KHAMIS

Néé en 1983. Aurait été tué à Zliten (est de Tripoli), le 5 août, selon la rébellion. Information non confirmée.

HANNA

Née en 1985. Fille adoptive de Safia et Mouammar. Aurait été tuée en 1986 lors d’un bombardement américain. Des témoignages récents la donnent vivante.

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La semaine de J.A. Les gens

Kweku Adoboli Le Kerviel de la City? Fils d’un fonctionnaire ghanéen de l’ONU à la retraite, ce jeune trader aurait détourné 1,5 milliard d’euros au nez et à la barbe de son employeur, la banque suisse UBS. DR

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Il était entré à UBS comme stagiaire en 2003,

À

l’instar des cours des banques de contrôleurs d’UBS. Déjà lancé un message prémoniAVANT DE DEVENIR européennes, le monde de la surnommé par la presse suisse toire peu avant son arrestaCOURTIER EN 2006. finance poursuit sa longue et tion : « I need a miracle. » « le trader fou », il travaillait lente dégringolade. Cette fois, dans un service baptisé Delta Mais le miracle n’a pas eu c’est un jeune trader d’origine ghanéenne, One, qui aurait donc caché un barbouze lieu. Kweku Adoboli rejoint par la grande Kweku Adoboli, qui a porté la dernière de la finance. porte l’équipe des traders indélicats pris la estocade. Soupçonné d’avoir détourné Selon sa page Facebook, le jeune main dans le sac. Il se glisse juste derrière 1,5 milliard d’euros à la suite « d’opérations le Japonais Yasuo Hamanaka, qui avait Ghanéen est un passionné de photonon autorisées » par son employeur, la graphie. « Grand bosseur, fêtard, aimant soutiré 2,6 milliards de dollars à la banque première banque suisse, UBS, le jeune le champagne et les jolies filles », écrit Sumitomo, en 1996, et loin de l’intouchahomme de 31 ans a été interpellé par de son côté le Daily Mail, il habite un ble Jérôme Kerviel, qui avait fait perdre la police londonienne le 15 septembre, appartement luxueux à Whitechapel, 4,9 milliards d’euros à la Société générale, et une enquête a été ouverte. À peine dans l’est de Londres. D’après le quotidien en janvier 2008. Le trader français a été la nouvelle affaire révélée, l’action UBS britannique, il gagnerait 200 000 livres condamné en 2010 à rembourser cette plongeait de 10 %. (230 000 euros) par an, mais ses reveperte colossale… Fils de John Adoboli, un ancien foncnus pouvaient dépasser 400 000 livres tionnaire de l’ONU à la GROS COUP DUR. « Nous avons le cœur retraite retourné vivre à brisé, la fraude ne fait pas partie de nos On le décrit comme un « grand Tema, au Ghana, le jeune valeurs. Nous sommes une famille respecbosseur, fêtard, aimant le trader travaille à la City. table et travaillant dur, comme Kweku », Installé dans les bureaux champagne et les jolies filles ». a déclaré John Adoboli à l’Association de londoniens d’UBS, il était, la presse britannique. Pas sûr que cela jusque-là – mais cela reste à confirmer –, avec les bonus. Formé à l’informatique émeuve UBS, qui n’est pas près de passer et au management à l’Université de l’éponge : l’entourloupe du trader plonresponsable des transactions sur les ETF (Exchange Traded Funds, ou fonds Nottingham, après avoir fait des études gera la banque dans le rouge le trimestre indiciels cotés) au département banque secondaires dans une école privée près de prochain, un gros coup dur. d’investissement d’UBS. En clair, le traLeeds, il avait rejoint UBS comme stagiaire Sauvé par l’État, le groupe suisse avait failli sombrer en 2008 à cause de la crise der concoctait des indices sectoriels en en 2003, avant de devenir trader à partir agrégeant des valeurs d’un même secteur des subprimes. Depuis, il a été délesté de de 2006, si l’on en croit son profil sur le (automobile, matières premières, pharmaplusieurs milliards de dollars avec l’affaire réseau professionnel LinkedIn. cie…) cotées sur plusieurs Bourses. Mais après son arrestation, l’homme a Madoff et a perdu la confiance de 4450 de aussi disparu des radars du web. Sa page ses clients, dont il a communiqué l’identité MYSTÈRE. Une enquête interne est en Wikipedia a été supprimée le 15 sepau fisc américain après avoir réglé une cours pour déterminer comment Kweku tembre à 23 h 14. Désactivées, ses pages amende de 780 millions de dollars. UBS Adoboli a pu réaliser « des transactions LinkedIn et surtout Facebook laissent ses pensait rebondir en 2011. C’est raté. ● illégales » au nez et à la barbe du bataillon 417 « amis » sans nouvelles. Il leur avait JEAN-MICHEL MEYER NOMINATIONS

FOUMAKOYE GADO NIGER L’ex-ministre nigérien des Mines a pris la tête du tout nouveau ministère du Pétrole, créé le 12 septembre. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

ARNO KLARSFELD FRANCE Cet avocat proche de Nicolas Sarkozy a été nommé, le 13 septembre, président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

LYONEL TROUILLOT ET LOUIS-PHILIPPE DALEMBERT

Leila Lopes Black is beautiful

Les deux écrivains haïtiens ont reçu, le 12 septembre, le Trophée des arts afrocaribéens 2011 pour leur livre-CD Haïti, une traversée littéraire.

Élue à la surprise générale Miss Univers 2011, la jeune Angolaise de 25 ans entre dans le cercle très restreint des Africaines couronnées.

ESTELA CARLOTTO

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La présidente des GrandsMères de la place de Mai (Argentine) s’est vu remettre, le 14 septembre, à Paris, le prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix de l’Unesco, doté d’un chèque de 150 000 dollars.

ersonne ne donnait cher de ses chances. « Elle était souvent en jeans et pas maquillée. […] Je ne sais pas, il manque quelque chose dans son tempérament… », a même déclaré, mauvaise perdante, Miss France 2011, Laury Thilleman, au magazine en ligne français première.fr. Et pourtant, ce 12 septembre, c’est bien elle, Leila Luliana da Costa Vieira Lopes, Miss Angola 2011 et Miss Angola UK 2010, qui a été élue Miss Univers 2011, au Credicard Hall de São Paulo (Brésil). L’Angolaise de 25 ans a coiffé au poteau les quatre finalistes – dont l’archifavorite, la Brésilienne Priscilla Machado –, après sept éditions consécutives remportées par des Latino-Américaines. Lors de la conférence de presse qui a suivi le sacre, Miss Univers, moulée dans une robe dorée largement fendue, n’a pas feint la modestie : « J’étais venue pour gagner. »

AUGUSTIN SIDY DIALLO L’homme d’affaires et ex-viceprésident de la Fédération ivoirienne de football (FIF) chargé des sélections nationales a été élu à la tête de l’organisme, le 10 septembre, à Abidjan.

EU TE RS

EN BAISSE

SARAH PALIN Dans une biographie non autorisée, le journaliste Joe McGinniss soutient que l’icône des conservateurs américains aurait eu une aventure avec le basketteur noir Glen Rice, « tâté » de la cocaïne et trompé son mari. AHMED EZZ Le magnat de l’acier égyptien et ancien cadre dirigeant de l’ex-parti au pouvoir a été condamné, le 15 septembre, à dix ans de prison et 660 millions de livres (80 millions d’euros) d’amende pour corruption. ADAM BOMBOLÉ Le député du Mouvement de libération du Congo (MLC, de Jean-Pierre Bemba) a été suspendu du parti le 12 septembre pour avoir déposé sa candidature à la présidentielle. Le candidat du MLC, c’est Bemba… DR

H O N EW /R

MALIKA GROGA-BADA

DR

APLOMB. Pour marquer sa différence, la native de Benguela

– une ville côtière d’Angola – a choisi d’avoir de l’aplomb. À la question de savoir ce qu’elle aimerait changer chez elle, la jeune femme a répondu, désarmante : « Rien, je me satisfais de ce que Dieu m’a donné. » De quoi séduire le jury d’un concours où la majorité des concurrentes a recours à la chirurgie esthétique. Sur les réseaux sociaux, le couronnement de Leila a été salué avec enthousiasme. Les messages de félicitations affluent sur la page Facebook de la Miss, qui est la troisième Africaine couronnée. La première, la Botswanaise Mpule Kwelagobe, a été Miss Univers en 1999. Deux ans plus tard, ce fut au tour de la Nigériane Agbani Darego d’être sacrée Miss Monde. Aujourd’hui, ces deux jeunesfemmessontcomblées.Mpule Kwelagobe, diplômée en sciences politiques, est animatrice télé aux États-Unis et ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour la jeunesse et la lutte contre le sida. Diplômée en psychologie, Agbani Darego est mannequin. Après L’Oréal, l’ex-Miss Monde est devenue l’égérie de la compagnie aérienne nigériane Arik Air Limited. Ce qui est de bon augure pour Leila Lopes, étudiante en gestion en Grande-Bretagne, qui rêve d’être une « grande femme d’affaires ». ●

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Algérie À fond la réforme! Le 11 septembre a vu le gouvernement plancher comme jamais sur des problématiques très délicates : les lois sur les partis et les associations ainsi que le code de l’information.

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amais, de mémoire d’Algérien indépendant, un Conseil des ministres n’aura duré autant : plus de vingt-quatre heures ! Aucune crise majeure (et l’Algérie en a pourtant vécu ces cinquante dernières années), pas même l’assassinat du président Mohamed Boudiaf, le 29 juin 1992, n’avait provoqué autant de palabres dans la grande salle du palais d’El-Mouradia. Le 11 septembre 2011, quand le reste du monde avait les yeux tournés vers New York, Abdelaziz Bouteflika convoquait son gouvernement. À l’ordre du jour : les réformes politiques profondes qu’il avait promises, le 15 avril, alors que le vent de la révolution soufflait en Tunisie et en Égypte, et que l’insurrection de Benghazi secouait les fondements de la dictature en Libye. Au menu de ce 11 septembre donc : la refonte de la loi sur les partis, la révision de celle sur les associations et le nouveau code de l’information. La loi sur les partis, censée conforter le pluralisme politique, a été revue à la suite des concertations avec la classe politique et la société civile, menées par AbdelkaderBensalah,présidentduConseil

de la nation. Elle limitera les pouvoirs de l’administration sur l’agrément des partis, ouvrant des voies de recours aux demandeurs et imposant au ministère de l’Intérieur un délai de soixante jours pour donner son avis motivé. Au-delà, l’agrément sera délivré d’office. Mais le débat se concentre sur un seul point : faut-il réhabiliter le Front islamique du salut (FIS, dissous en mars 1992 par la justice) ? Très vite, deux camps s’oppo-

Après un débat houleux, Bouteflika tranche : pas de réhabilitation du FIS. sent. Le premier milite pour le retour des islamistes radicaux, au nom de la réconciliation nationale. Emmené par Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN et ministre d’État, secondé par Mahmoud Khoudri, ministre des Relations avec le Parlement et membre de l’ex-parti unique, le camp des « réhabilitateurs » compte également les ministres issus du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, d’obédience Frères musulmans). En face,

le camp du refus se résume à deux membres du gouvernement : Yazid Zerhouni, vice-Premier ministre, et Khalida Toumi, ministre de la Culture. Leur détermination compense le poids du nombre, d’autant qu’ils enregistrent l’apport d’Ahmed Ouyahia. Le Premier ministre affirme que la charte sur la réconciliation nationale de 2006 avait interdit la pratique politique à ceux qui ont encouragé et commandité les actes terroristes. Bouteflika tranche : pas de retour du FIS. PRESSE. La loi sur les associations inspire

autant de passion. L’organisation de la démocratie participative est moins aisée qu’on ne le pense. Mais, après deux heures d’échanges, le texte est adopté. Alors que Nacer Mehal, le ministre de la Communication, s’apprête à lire son projet sur la troisième partie des réformes, il est interrompu par le chef de l’État : « Nous sommes fatigués et avons besoin de souffler. Nous reprendrons nos travaux demain à 8 heures. » Le lendemain, la séance est plus rapide. La nouvelle loi sur l’information exclut « toute peine privative de liberté pour les journalistes dans le cadre de leur activité professionnelle ». La dépénalisation des délits de presse, vieille revendication de la corporation, est adoptée, et l’ouverture de l’audiovisuel, monopole exclusif de l’État depuis l’indépendance du pays, est consacrée. Un joli pas en avant que tous les médias attendent de voir confirmé. ● CHERIF OUAZANI

LE DESSIN DE LA SEMAINE

Glez PRIMAIRE SOCIALISTE QUE LE MEILLEUR PIQUE !

ILS ÉTAIENT SIX, le 15 septembre au soir, sur le plateau de France 2, mais c’est vers ces deux-là que les regards se sont tournés : François Hollande et Martine Aubry, donnés favoris (et dans cet ordre) dans la course à l’investiture socialiste pour la présidentielle française de 2012. Un débat soigneusement conçu pour éviter les échanges trop directs, mais qui a été l’occasion de piques entre l’ancien premier secrétaire et l’actuelle chef du PS.

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LE SAOUDIEN EST CONNU pour défendre les droits des femmes.

Arabie saoudite Un émir en ligne de mire Accusé d’avoir drogué et violé une mannequin en 2008 à Ibiza, le prince Al-Walid Ibn Talal nie les faits.

A

l-Walid Ibn Talal Ibn Abdul Aziz Al Saoud, 56 ans, n’est pas un prince saoudien comme les autres. Sa fortune, la 26e mondiale selon Forbes, il l’a faite plus qu’il ne l’a reçue. Dans la famille wahhabite, ce « Warren Buffet arabe » est un progressiste dans les gènes : son père a connu la disgrâce pour avoir demandé des élections en Arabie saoudite. Mais le philanthrope éclairé va faire l’objet d’une commission rogatoire de la justice espagnole : accusé de viol depuis 2008, il sera convoqué pour interrogatoire devant la juge Carmen Martin Montero. L’accusé aurait appris les détails de la vilaine affaire dans le New York Times du 14 septembre. Soraya, une top-modèle alors âgée de 20 ans, l’accuse de l’avoir droguée en boîte de nuit, avant de l’entraîner sur son yacht et de la violer, en 2008, à Ibiza. La plainte, déposée le lendemain par la jeune femme, a été suivie d’examens médicaux qui ont décelé des traces de sperme et d’anxiolytique. Mais aucun signe de violence n’a été relevé, ce qui a amené la juge Montero, du tribunal d’Ibiza, à classer la plainte sans suite en juillet 2010. Saisie en appel, la cour régionale des Baléares a, au contraire, estimé les indices suffisants et ordonné au juge de reprendre l’enquête, un an plus tard. Le 14 septembre, la Kingdom Holding Company, sa société d’investissement, publie un communiqué qui réfute les accusations : « Non seulement le Prince Al-Walid n’était pas à Ibiza en 2008, mais il n’y est pas allé depuis plus de dix ans. » Il suggère qu’un imposteur aurait pu se faire passer pour le prince. La réouverture du dossier est-elle fortuite ? Pour ceux qui connaissent l’homme, l’accusation ne cadre pas avec sa personnalité : à l’inverse de nombre d’héritiers arabes, il n’a rien d’un noceur. Son action en faveur des droits des femmes plaide aussi en sa faveur. Tandis que les autorités espagnoles l’attendent de pied ferme pour le soumettre à un test ADN, Al-Walid continue d’autoriser ses employées à ne pas porter le voile dans son entreprise. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

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« Nous voulons des observateurs impartiaux, pas des gens qui nous ont imposé des sanctions et s’immiscent dans nos affaires. » ROBERT MUGABE Président du Zimbabwe, refusant la présence d’observateurs européens aux prochaines élections

« Marine Le Pen me fait moins rire que son père. Si le Front national est au deuxième tour, c’est qu’il y a quelque chose que je n’ai pas compris dans mon pays. D’ailleurs, il sera un peu moins mon pays… » JAMEL DEBBOUZE Humoriste et acteur français d’origine marocaine

« J’ai reçu des prix littéraires prestigieux. Mais le plus beau prix, je l’ai reçu place Al-Tahrir, quand des gens m’ont dit : “Nous sommes ici grâce à ce que vous avez écrit.” » ALAA EL-ASWANY Romancier égyptien

« Voici un pistolet avec deux balles. Si un jour on est encerclés, je ne veux surtout pas être pris vivant. » OUSSAMA BEN LADEN À Abou Jandal, son garde du corps. Ce dernier raconte les détails de leur vie quotidienne dans un récent ouvrage de Nasser al-Bahri et Georges Malbrunot

« Eh bien, au début, elle était normale, avant de devenir light. Et maintenant, c’est zéro ! » BENIGNO AQUINO III Président des Philippines, comparant sa vie amoureuse au Coca-Cola. Il est célibataire et célèbre pour ses conquêtes féminines N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

DR ; JASON LEE/REUTERS

FARAH ABDI WARSAMEH/SIPA

ILS ONT DIT


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Scandale Takieddine, ou la Françarabie

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L’étau se resserre autour du milliardaire : il vient d’être mis en examen pour « complicité et recel d’abus de biens sociaux ».

Retrouvez l’interview vidéo de Sharif al-Gamal, promoteur de la mosquée de New York : « Aux États-Unis, la communauté musulmane est l’une des plus influentes »

SONDAGE DE LA SEMAINE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Êtes-vous favorable à la reconnaissance de l’État palestinien ?

«

J

e suis la solution pour permettre à la justice française de découvrir la vraie affaire [Karachi, NDLR]. J’espère que j’aurai droit à des excuses », déclarait Ziad Takieddine, le 30 mai 2010, au Journal du dimanche. Les révélations de Robert Bourgi (voir pp. 24-31) avaient un précédent : s’adressant lui aussi à Laurent Valdiguié dans le JDD, Ziad Takieddine avait voulu, un an et demi avant, « laver l’affront » fait par l’équipe Chirac et Villepin. Celle-ci l’accusait alors d’avoir touché des rétrocommissions illégales dans les ventes de frégates à l’Arabie saoudite et de sous-marins au Pakistan, en 1994, pour financer la campagne présidentielle d’Édouard Balladur. Pour contre-attaquer, le Takieddine de 2010 se déclarait « prêt à aider la justice ». Aujourd’hui, celle-ci ne l’a pas oublié : les juges Van Ruymbeke et Le Loire l’ont mis en examen, le 14 septembre, pour « complicité et recel d’abus de biens sociaux » dans le dossier des sous-marins de Karachi. Tous ses biens en France ont été saisis.

Jacques Chirac menace sa position. En 2003, il négocie la vente à l’Arabie saoudite du système français de surveillance Miksa, un contrat de 7 milliards d’euros. Chirac bloque la vente, soupçonnant un financement occulte des sarkozystes. En 2004, l’embargo sur la Libye est levé. Il sert d’intermédiaire pour la vente de systèmes de cryptage de matériel de guerre, décroche des contrats pétroliers, œuvre pour la libération des infirmières bulgares en 2007. Le pays de Kaddafi devient son nouveau champ d’action. Un terrain dangereux. En mars 2011, il est Interpellé au Bourget au retour de Tripoli avec 1,5 million d’euros en liquide. Dernière affaire en date : Total a confirmé, le 19 août, lui avoir versé une commission de 6,9 millions d’euros en 2009 pour l’obtention d’un contrat gazier en Libye. Takieddine n’a pas fini « d’aider » la justice. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

INTERMÉDIAIRE. Franco-

À LIRE AUSSI : Téléphone mobile : la technophobie des dirigeants africains N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

FRANÇOIS BOUCHON/FIGAROPHOTO

DÉBAT : Le président guinéen, Alpha Condé, a dénoncé la complicité des gouvernements sénégalais et gambien dans l’attaque perpétrée contre son domicile, le 19 juillet (lire pp. 32-33). Pensez-vous que ces accusations représentent un danger pour la stabilité de la région ? Venez nombreux sur jeuneafrique. com et sur notre page Facebook pour en débattre.

L i b a n a i s d e 6 1 a n s, Takieddine a commencé en développant la station de ski Isola 2000. Il y rencontre François Léotard. Devenu ministre de la Défense en 1993, ce dernier le présente à la famille balladurienne et à l’industrie opaque de l’armement. Il va y prospérer. Les contrats à Karachi et à Ryad se multiplient, mais, en 1995, l’élection de

Ð L’HOMME, QUI PENSAIT « avoir droit à des excuses », va devoir s’expliquer devant la justice française. JEUNE AFRIQUE


TOUS LES DIMANCHES À 20H * * heure de Paris

Mohamed KACI www.tv5monde.com/maghreborientexpress

Photo © Aurélia Blanc

L’émission des (r)évolutions »


La semaine de J.A. Décryptage

ICC-CPI

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La Haye CPI recherche juges compétents Déjà en proie aux critiques, la Cour pénale internationale est freinée par une difficulté inattendue : recruter des magistrats qualifiés et impartiaux. Explications.

L

aCourpénaleinternationale(CPI) peine à trouver suffisamment de candidats aux postes de juges, semant le doute sur la gestion de la plus haute instance judiciaire du monde alors même qu’elle se prépare à statuer sur les cas très médiatisés de dictateurs déchus, tels que Mouammar Kaddafi. Le manque de prétendants a ainsi obligé la CPI à repousser de deux semaines la date butoir pour la nomination de six nouveaux juges. Un autre report est même envisageable, avoue-t-on au sein de l’institution internationale. L’embarras est donc total alors que, par ailleurs, des doutes sont régulièrement émis sur la compétence des juges en fonction, leur salaire et la façon dont ils remplissent leur mission.

La CPI, dont le siège se situe à La Haye (Pays-Bas), a été créée en 2002 afin de poursuivre les personnes inculpées pour génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre. Elle est composée de dix-huit juges. Six d’entre eux doivent bientôt prendre congé, leur mandat arrivant à terme à la fin de l’année. CRÉDIBILITÉ. Des questions autour de

l’administration de la CPI et la qualité de ses juges émergent alors qu’elle croule sous un nombre croissant de dossiers, tel le mandat d’arrêt émis contre Kaddafi. C’est la dernière polémique qui frappe la Cour, déjà sous le feu des critiques de dirigeants africains qui l’accusent de cibler injustement leur continent, et dont la compétence n’a pas été reconnue par les États-Unis.

« La crédibilité et la réputation de la CPI, comme tout système judiciaire, dépendent avant tout de ses juges. Et encore plus de leur indépendance, à la fois dans les faits et en apparence », a déclaré Richard Goldstone, l’ancien juge sud-africain à la tête du panel indépendant qui examine les qualifications des candidats. L’équipe de Goldstone doit présenter son rapport devant les 117 États membres lorsqu’ils se réuniÝ LA COUR ront, en décembre à COMPTE DIX-HUIT New York, pour choiJUGES, dont six sir les six nouveaux qui doivent être juges. Aucune critiremplacés prochainement. que ne s’est encore fait entendre contre les candidats en lice. Mais de précédents choix avaient été repoussés pour inaptitude ou trop forte politisation. Le Japon, dont la contribution s’élève à un cinquième du budget de l’année (103 millions d’euros au total), était par exemple parvenu à placer deux juges qui ne disposaient pas des bons diplômes. « Il n’y a jamais eu d’élection à la CPI avec une liste irréprochable », affirme Christian Wenaweser, président de l’Assemblée des États membres, l’organe législatif de la CPI. « La meilleure manière de s’assurer que les juges sont parfaitement compétents serait de relever les critères de nomination. » Les magistrats de la CPI perçoivent un revenu annuel non imposable de 180 000 euros. Même s’ils n’exercent pas leur mandat immédiatement, ils reçoivent une allocation de 20 000 euros, et leur salaire est complété de 60 000 euros. « L’ambiance à La Haye est pestilentielle », assène Richard Dicker, de Human Rights Watch. « Si de nombreux juges qui siègent sont compétents et travailleurs, il faut rappeler aux autres qu’il s’agit ici de servir, non de se servir. » ● CAROLINE BINHAM © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés.

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

SEPTEMBRE La moitié des membres du Conseil national fédéral vont être élus par un collège électoral. C’est la deuxième fois depuis la création des Émirats arabes unis, en 1971. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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SÉNAT

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SEPTEMBRE Élections sénatoriales en France. Pour la première fois sous la Ve République, la majorité de la Chambre haute du Parlement pourrait basculer à gauche.

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SEPTEMBRE La justice française doit rendre sa décision sur la possible extradition de la veuve de l’ancien président rwandais, Agathe Habyarimana. JEUNE AFRIQUE


Paludisme Extension des effets de la lutte LA LUTTE antipaludique avance. Dix ans après avoir lancé un plan d’action mondial, le partenariat publicprivé Roll Back Malaria, fondé par l’Unicef, le Pnud et l’OMS, a publié son bilan le 12 septembre. Et, une fois n’est pas coutume, il est plutôt satisfaisant. Le nombre de décès liés à la maladie a chutéde50%dansonzepays d’Afrique subsaharienne et plus d’un million de morts infantiles ont pu être évitées. De telles avancées ne sont pas le fruit du hasard. Le financement international de la lutte antipaludique a été multiplié par dix en dix ans, et s’élevait à 1,5 milliard de dollars en 2010. Des fonds internationaux principalement employés à des pulvérisations d’insecticide ainsi qu’à des traitements préventifs pour les femmes

enceintesetlesnouveau-nés. Toutefois, les progrès ne sont pas suffisants, notamment en Somalie et au Soudan. Si la progression est nette, l’éradication du paludisme n’interviendra pas sans un vaccin. Pierre Druilhe, ancien directeur du laboratoire de parasitologie biomédicale à l’Institut Pasteur, est peut-être sur la piste d’un remède antipaludéen : le MSP3. Les résultats d’un essai mené en 2007 sur 45 enfants âgés de 12 à 24 mois au Burkina ont été publiés par le New England Journal of Medicine le 15 septembre. « Encourageants », ils démontrent « un effet protecteur significatif », estime Pierre Druilhe. Mais il est encore trop tôt pour crier victoire, sa réelle efficacité restant à confirmer. ● DJAMILA OULD KHETTAB

www.africaneconomicoutlook.org/fr

XIe FORUM ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL SUR L'AFRIQUE 2011 Quelle place pour l'Afrique dans l'économie mondiale ?

PARIS, MARDI 20 SEPTEMBRE 2011

Togo Kpatcha aux oubliettes  CET ARRÊT EST UN CRIME. On ne peut s’amuser ainsi avec la vie des gens. » Me Djovi Gally ne décolère pas depuis le verdict rendu le 15 septembre, à Lomé, contre son client, Kpatcha Gnassingbé : vingt ans de prison ferme. Le demifrère du président Faure Gnassingbé a été reconnu coupable du crime de complot contre la sûreté de l’État, perpétré en avril 2009, accusation qu’il a toujours rejetée. Ses coaccusés, trente et un au total, ont écopé de peines allant de un à vingt ans de prison. Les avocats togolais et français dénoncent « une parodie de justice, dans un procès joué d’avance, reposant sur des aveux extorqués sous la torture et qui n’aurait jamais dû se tenir ». Ils relèvent des dysfonctionnements : le magistrat instructeur a déconseillé à leur client de prendre un avocat, lui faisant miroiter une médiation pour régler le « différend entre les deux frères ». Ce n’est que huit jours avant l’ouverture du procès que les avocats ont appris sa tenue. Ils jugent aussi inacceptable qu’il se soit déroulé malgré les preuves d’actes de torture apportées. De plus, Me Djovi Gally s’indigne que son client, député, ait été « traduit en justice sans que son immunité parlementaire ait été levée ». S’il ne s’agit pas de perpétuité, cette peine, sans possibilité d’appel, signifie pour les avocats « l’élimination » de leur client, dont l’avenir est suspendu à une éventuelle grâce présidentielle. Autrement dit à un pardon fraternel. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Centre de conférences Pierre Mendès-France MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Centre de développement de l'OCDE www.oecd.org/dev/africanforum dev.emea@oecd.org


La semaine de J.A. Tour du monde

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AFGHANISTAN

PIERRE VERDY/AFP

Kaboul visé au cœur

Ð LE SIÈGE de BNP Paribas, à Paris. BANQUES FRANÇAISES

Jeu de massacre à la Bourse

L

ES AGENCES DE NOTATION et les marchés feront-ils « sauter » les banques françaises ? Le 14 septembre, Moody’s dégradait d’un cran la note du Crédit agricole et de la Société générale, afin de mieux tenir compte de leur « exposition à l’économie grecque ». Il n’en fallait pas plus pour amplifier l’effondrement de leurs cours. Depuis le 1er juillet, la capitalisation boursière de la Société générale a fondu de 62 %, celle du Crédit agricole de 54,1 % et celle de BNP Paribas de 51,4 %. Cités en exemple lors de la crise de 2008, ces établissements sont considérés aujourd’hui par les marchés comme les moutons noirs de l’Europe, en raison de leur exposition à la dette souveraine des pays à risques (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne). Les banques françaises détiennent 48,9 milliards d’euros d’obligations dans ces cinq pays. Ont-elles les reins suffisamment solides pour faire face à un défaut de un ou de plusieurs États européens ? Affaire à suivre… ● GUATEMALA

Un général qui reprend du service Sa victoire semble assurée au second tour de la présidentielle, le 6 novembre. Otto Pérez, un général à la retraite de 60 ans, est arrivé en tête du scrutin du 11 septembre (36 %), face à l’homme d’affaires centriste Manuel Baldizón (23,5 %). Fondateur du Parti patriotique (droite), il prône une tolérance zéro contre la corruption et les N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

organisations criminelles de son pays, où une quinzaine de personnes sont assassinées chaque jour. Baldizón, 41 ans, promet de restaurer la peine de mort pour les grands criminels. Il est pourtant accusé de liens avec les narcotrafiquants, tandis que Pérez est soupçonné de violations des droits de l’homme lors de la guerre civile (1960-1996).

DES TALIBANS lourdement armés ont pris pour cible, le 13 septembre, le QG de l’Otan et l’ambassade américaine, en plein cœur de Kaboul, dans un quartier hautement sécurisé. Ils étaient retranchés dans un immeuble en construction situé à proximité des deux bâtiments visés. Après dixneuf heures de combats acharnés, les forces afghanes appuyées par l’Otan ont fini par abattre six de ces kamikazes, à court de munitions, ainsi que trois de leurs compagnons, ailleurs dans la ville. Quatorze autres personnes ont été tuées, dont onze civils. LE CHIFFRE QUI INQUIÈTE

10 millions

D’ACTIFS LE NOMBRE DE PERSONNES en âge de travailler va s’effondrer dans ces proportions d’ici à 2025, dans une Russie en plein déclin démographique. L’appel à une main-d’œuvre étrangère très qualifiée sera nécessaire, a déclaré Nikolaï Patrouchev, le chef du Conseil de sécurité russe. FRANCE

Guéant récidive CLAUDE GUÉANT a ajouté un couplet à son refrain préféré. Après avoir préconisé le rapatriement des mineurs roumains délinquants, le ministre français de l’Intérieur s’en est pris à la communauté comorienne de Marseille. Interrogé sur les problèmes d’insécurité de la ville, il a lâché : « Il y a une immigration comorienne importante, qui est la cause de beaucoup de violences. » Choqué, Nassurdine Haidari, président du Conseil représentatif des Français d’origine comorienne, JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Nasa • AFP

ESPACE

Quand la fiction devance la réalité L’UNE S’APPELLE TATOOINE, en référence au désert tunisien de Tataouine, l’autre se nomme Kepler-16b ; chacune est en orbite autour de deux étoiles. Mais la première est née dans l’imaginaire de George Lucas (Star Wars) il y a plus de trente ans, et la seconde, bien plus réelle, vient d’être découverte dans une autre galaxie. Il n’y aurait malheureusement personne pour profiter du merveilleux spectacle d’un double coucher de soleil : gazeuse et froide, Kepler-16b n’a guère de chance d’être habitée.

a demandé à Nicolas Sarkozy de condamner ces propos. Quelques jours plus tard, Guéant a dit « les regretter ». INDONÉSIE

Moluques en feu LA RUMEUR qu’un conducteur de taxi-moto aurait été torturé à mort a enflammé, le 10 septembre, l’île d’Ambon, aux Moluques, dans l’Est indonésien. Selon les rapports officiels, le chauffeur aurait été victime d’un accident de la route. Cela a suffi pour que les communautés musulmane et chrétienne s’affrontent en de sanglantes émeutes qui ont fait 3 morts et 60 blessés. L’archipel est régulièrement le théâtre de violences intercommunautaires bien qu’un accord de paix, signé en 2002, ait mis fin à un conflit qui avait fait plus de 5 000 morts. JEUNE AFRIQUE

NORVÈGE

Populistes en berne APRÈS LE DRAME D’UTOEYA du 22 juillet, les élections locales étaient attendues avec intérêt dans cette démocratie scandinave. La droite populiste anti-immigration (Parti du progrès), dont Anders Behring Breivik, l’auteur de la tuerie, a été membre, a chuté de 6 points par rapport à 2007, obtenant 11,4 %. Principale cible des attaques, le Parti travailliste ne progresse que de 1,9 point (31,6 %), tandis que le Parti conservateur bondit de 8,7 points (28 %). PÉROU

Concessions aux Indiens LE PRÉSIDENT Ollanta Humala a promulgué, le 13 septembre, une

loi historique reconnaissant des droits territoriaux aux Indiens. En cas de projet minier, l’État devra obtenir l’accord des populations concernées. En 2009, à Imacita, dans la province amazonienne de Bagua, la résistance des indigènes à la destruction de leurs habitations avait provoqué la mort de 34 personnes. VATICAN

Ils accusent le pape BENOÎT XVI COUPABLE de « crime contre l’humanité » ? Le 13 septembre, une association américaine de défense des victimes de prêtres pédophiles a porté plainte devant la Cour pénale internationale. Le Snap, qui regroupe 10 000 victimes à travers le monde, accuse le pape et trois cardinaux d’avoir « toléré et rendu possible le camouflage » d’abus sexuels et de viols d’enfants. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Grand angle

FRANÇAFRIQUE

Les dessous d’un

grand déballage cela pour venger sa mémoire », jure notre homme. Bourgi a donc tous les talents, y compris celui de faire parler les morts… En s’exposant volontairement, et avec quelle violence, au soleil des médias, Robert Bourgi a contrevenu aux prescriptions de Jacques Foccart et de ce qui lui reste d’amis, pour qui il s’est en quelque sorte immolé en public, mais il assume, non sans crânerie. Gaullien (et citant le général le 6 juin 1944): « La bataille suprême est engagée! J’accuse MM. Chirac, de Villepin et Le Pen d’avoir touché l’argent des chefs africains. » Cabotin: « Maintenant FRANÇOIS SOUDAN que la grenade est dégoupillée, je vais me retirer en l fait beau sur Paris en ce jour de septembre, Corse, dans le village de ma femme, et assister au mais les épais voilages aux fenêtres de son spectacle. » Pensif: « Je suis soulagé, j’ai accompli bureau sur cour demeurent obstinément mon chemin de Damas, je suis un repenti heureux. » tirés. Tapi dans son antre de l’avenue PierreAngoissé: « Maintenant, je me sens seul. Quel vide Ier-de-Serbie, Robert Bourgi s’est toujours autourdemoi!»Joueur:«Toutlemondeapeurdece méfié du soleil et de ses brûlures contre que j’ai gardé dans ma manche, tout le monde croit lesquelles son mentor Jacques Foccart l’avait mis en que je peux faire sauter la République. » Menaçant: garde.Danslapénombre,leslieuxsemblentencom« Je n’ai pas révélé le dixième de ce que je sais. » brés de fétiches. Grigris napoléoniens, bric-à-brac Grisé: « Si vous saviez ce qu’Elkabbach [Europe 1], gaulliste, capharnaüm de dossiers, dessins d’enfants Field [LCI] et Elkrief [BFM] m’ont dit hors antenne! à leur grand-père bien aimé, clichés dispersés aux Robert, vous êtes un transgresseur, quel courage! » À quatre coins. Bien en vue, un l’infini, on pourrait multiplier portrait de Nicolas Sarkozy ainsi les facettes du comédien Il vient d’enfiler un dédicacé: « Pour Robert, avec et les rôles du tragédien, tant énième costume. Celui toute mon amitié. » Relégué cet homme les endosse avec de Robert la balance. à l’autre bout de la pièce, un brio, gourmandise et convicautre de Jacques Chirac. Entre Et il s’y sent bien. tion. Robert Bourgi est un forles deux, des photos du maître midable acteur de sa propre de la case en compagnie de Foccart, de Ouattara, de vie, c’est une évidence, un caméléon adaptable à toutes les saisons. Mais qui peut prétendre posséBongo père, d’Ahmadinejad, de condisciples de la fac de droit de Dakar et même de Karim Wade, qu’il der les clés de sa sincérité ? Qui peut dire quand il vientpourtantdetraînerdanslemarigot.Dehors,un imagine, affabule ou s’apprête à faire volte-face, qui agent de sécurité d’une société privée veille devant peut savoir vraiment où il dit vrai, met ses tripes la porte, les bras croisés, à deux pas d’une limousine sur la table et se confie sans mentir? Nul autre que vert bouteille. « L’Aston Martin, c’est un cadeau d’Ali lui. C’est sa part d’ombre savamment entretenue. Bongo; la Maserati, c’est papa qui me l’a offerte », « Vous ne connaissez pas Robert Bourgi », répète-t-il explique, un brin provocateur, Me Bourgi. « Papa »: d’ailleurs en prenant congé. Mélange de mystère depuis des lustres, c’est ainsi que notre hôte nomme et de malice, cocktail jouissif pour cet amateur de Omar Bongo Ondimba, celui qui l’initia à la lecture coït bling-bling, Robert le diable, Robert le preux, Robert le porteur de mallettes de la Françafrique des cauris africains. Que pense « papa », là où il se trouve aujourd’hui, de l’extraordinaire impudence vient d’enfiler un énième costume. Celui de Robert de son fils blanc? « Il en sourit, il sait que j’ai fait la balance. Et il s’y sent bien… ●●●

Les révélations de Robert Bourgi étalent au grand jour les financements occultes en France en provenance du continent. Quelle est la crédibilité de ces accusations ? Pourquoi ce « porteur de valises » s’est-il mué en imprécateur ? Jusqu’où ira-t-il ? Enquête exclusive.

I

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Ð ROBERT BOURGI, dans son bureau, à Paris. JEUNE AFRIQUE


J. TORREGANO POUR J.A.

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JEUNE AFRIQUE

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Grand angle Françafrique

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Selon son propre récit, Me Bourgi a lui-même contacté Le Journal du dimanche et choisi le journaliste qui allait l’interviewer, sans l’avertir au préalable du sujet de l’entretien. La rencontre a eu lieu le 9 septembre, pour une parution le surlendemain, en une, sous un titre choc : « J’ai vu Chirac et Villepin compter les billets. » L’ancien président et son Premier ministre y ●●●

Le dernier des Mohicans

SOURCES : TÉLÉGRAMMES DIPLOMATIQUES DE L’AMBASSADE AMÉRICAINE À PARIS, RÉVÉLÉS PAR WIKILEAKS. LES NOMS DES INTERLOCUTEURS FRANÇAIS ONT ÉTÉ MASQUÉS.

En 2009 et 2010, six télégrammes de l’ambassade américaine à Paris, révélés par WikiLeaks, évoquent le rôle de Robert Bourgi dans les affaires africaines. Morceaux choisis. « MARÉCHAUX [conseiller Afrique à l’Élysée, NDLR] a critiqué de façon virulente l’avocat français, l’homme d’affaires et le réputé intrigant Robert Bourgi, souvent considéré comme le dernier représentant de l’ère classique de la “France-Afrique” (dont les vestiges sont encore présents). Selon Maréchaux, Bourgi […] est toujours prêt à travailler pour son propre intérêt en gagnant la faveur des dirigeants africains, notamment Bongo au Gabon ou, plus récemment, Rajoelina [Madagascar]. » Le 25 février 2010 « SERMAN [conseiller Afrique à l’Élysée] a affirmé que Bourgi avait des attaches de longue date avec Guéant et Sarkozy, mais qu’il était avant toute chose un homme d’affaires veillant à ses propres intérêts. Le président du Gabon décédé récemment, Bongo, a été son principal “client”. Bourgi a également eu des attaches avec le Congo de Sassou Nguesso et le Sénégal de Wade, bien qu’elles aient eu moins d’importance que celles avec Bongo. […] Bourgi a révélé la mort de Bongo à la presse [il aurait été la source de certains médias français, le 7 juin 2009] avant que les Gabonais ne l’annoncent eux-mêmes [le 8 juin]. Cette fuite avait provoqué la colère de la famille Bongo. Serman a indiqué que Sarkozy n’avait pas non plus apprécié l’affaire car l’information avait été attribuée à “une source proche du gouvernement français”. Cela avait laissé penser que le gouvernement français était responsable de cette fuite ou l’avait tacitement approuvée, ce qui n’était pas le cas. […] Les Français étaient également embêtés lorsque Bourgi avait rendu publique la rencontre entre Aziz et Guéant [le nouvel homme fort de Mauritanie a rencontré secrètement le secrétaire général de l’Élysée en juin 2008]. […] D’après Serman, Bourgi a voulu montrer que son influence demeurait intacte après l’épisode Bongo. Selon Serman, l’affaire avait eu l’effet inverse : “Bourgi n’est pas idiot, mais c’est plus fort que lui, il ne peut s’empêcher de parler pour assurer sa promotion même si cela doit avoir des conséquences pour lui.” » Le 18 juin 2009 « EN ÉVOQUANT EN PARTICULIER le thème de la “Françafrique”, Gompertz [directeur Afrique au ministère français des Affaires étrangères] a déclaré qu’il regrettait que l’avocat et conseiller présidentiel Robert Bourgi (présenté par la presse française comme le porte-parole de la vieille “Françafrique”) soit l’ami de Sarkozy, mais que “[ça faisait] partie de la vie”. » Le 19 novembre 2009 N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

sont accusés d’avoir bénéficié de financements occultes de la part d’Omar Bongo Ondimba, d’Abdoulaye et de Karim Wade, de Blaise Compaoré, de Laurent Gbagbo, deDenisSassouNguessoetdeTeodoroObiangNguema. Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, est aussi mis en cause, via le Club 89, qu’il a fondé. JeanMarie Le Pen pas encore. C’est le 12 septembre que, interrogé à la télévision, Bourgi ajoutera son nom à la liste. L’avocat reconnaît n’avoir aucune preuve ni aucune trace de ce qu’il avance, mais il a un témoin de poids: lui-même. Puisque, seul ou accompagné de l’« envoyé spécial » de tel ou tel président africain, il aurait personnellement apporté l’argent liquide à son destinataire. Ces révélations font l’effet d’une bombe, d’autant qu’elles accréditent les informations que tous les journalistes détenaient déjà – ou croyaient détenir – sans oser les publier. « L’affaire Bourgi » commence, nul ne sait quand elle s’arrêtera, ni jusqu’où elle ira. Qui est Robert Bourgi ? Né à Dakar le 4 avril 1945 – il a 66 ans – dans une famille d’origine libanaise implantée au Sénégal depuis le début du siècle, Robert est le frère de deux personnalités connues du « paysage » franco-africain. Albert, son aîné, professeur à la faculté de droit de Reims, est un homme de gauche proche de Laurent Gbagbo, d’Alpha Condé et des partis socialistes sénégalais et français. Le discret Rasseck, son cadet, est avocat au barreau de Paris. Tous trois sont les fils de Mahmoud Bourgi, grand commerçant chiite installé à Dakar, qui fut un ami de confiance de Jacques Foccart. Comme ses frères, Robert a embrassé une carrière de juriste. Il fait son droit dans la capitale sénégalaise, puis à Nice et à Paris. Sa thèse de doctorat en sciences politiques, obtenu en 1978, porte sur « le général de Gaulle et l’Afrique ». Déjà, ce gaulliste fana de Napoléon travaille pour Foccart, qu’il a connu enfant. Enseignant aux universités de Cotonou, d’Abidjan et de Nouakchott, Robert Bourgi intègre en 1986 le cabinet de Michel Aurillac, ministre de la Coopération, en tant que conseiller. C’est à cette époque qu’il fait la connaissance de Jacques Chirac, mais aussi de Nicolas Sarkozy, alors secrétaire général à la jeunesse du Rassemblement pour la République (RPR). En 1988, il s’inscrit au barreau de Paris. L’année suivante, Alain Juppé le nomme délégué national pour l’Afrique du Club 89, fonction qu’il remplit déjà pour le compte du parti gaulliste. Parallèlement, il joue et jouera pendant un quart de siècle un rôle de conseiller et de consultant auprès de plusieurs chefs d’État africains (Mobutu, Bongo, Sassou Nguesso, puis Wade, Compaoré, Gbagbo et, plus récemment, Abdelaziz et Rajoelina), mais aussi de quelques opposants (Cellou Dalein Diallo, Adrien Houngbédji, Idrissa Seck…). Cet entregent, cette influence et ce carnet d’adresses lui permettent d’agir dans les deux sens. Aux Africains, il ouvre les portes des sanctuaires de la République française (quand elle est gouvernée à droite), aux Français, si l’on en croit ses dires, les clés des coffres de l’argent noir, et JEUNE AFRIQUE


Les dessous d’un grand déballage

JACQUES DEMARTHON/AFP

ÝÆ DÉDICACES DE VILLEPIN à son ami Robert, du temps où ils étaient intimes.

à ses clients privés – hommes d’affaires, investisseurs – l’accès à des marchés acquis sans appel d’offres. Rapidement, cet amateur de grands vins et de belles voitures, qui aime l’argent et n’en fait aucun complexe, acquiert une fortune rondelette. Passé de Chirac à Villepin, puis de ce dernier à Sarkozy en 2005, tout semble lui sourire. Il a certes beaucoup d’ennemis, à

JACQUES CHIRAC ET DOMINIQUE DE VILLEPIN, en juin 2010.

À ses clients africains, il ouvre les portes de la République, aux Français, les clés des coffres de l’argent noir. commencer par Villepin, bien sûr, dont il fut l’intime pendant dix ans, Alain Juppé, avec qui il ne s’est jamais entendu, Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel, dont il a obtenu la tête, Michel de Bonnecorse, qui le tint à bout de gaffe, Bruno Joubert, qu’il fit beaucoup souffrir, et, dans une moindre mesure, André Parant, bref tous les Messieurs Afrique de l’Élysée, mais aussi Georges Ouégnin et Jean-François Probst, ses concurrents… La liste est loin d’être exhaustive et il l’égrène lui-même non sans délectation. Mais Nicolas Sarkozy et Claude Guéant soutiennent vaille que vaille ce personnage à la fois talentueux, incontrôlable et indispensable. Lorsqu’en 2006, à l’occasion de son discours de Cotonou, celui qui était encore candidat à la présidence de la République fustige les « émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent », il prend soin de téléphoner aussitôt à son ami Bob pour le rassurer : « Ce n’est pas toi que je visais. » Les deux rencontres SarkozyJEUNE AFRIQUE

Gbagbo de septembre et décembre 2007 à New York puis à Lisbonne, c’est lui. Le coup de fil à Omar Bongo Ondimba, afin qu’il intervienne auprès de Mandela pour que ce dernier consente à se faire photographier aux côtés du président français et de son épouse Carla en février 2008, c’est encore lui. L’hallucinant rite d’allégeance et d’initiation auquel se soumet deux mois plus tard le ministre de la Coopération Alain Joyandet, cornaqué par Claude Guéant, dans le bureau de Bongo à Libreville, c’est toujours lui. Entre-temps, Nicolas avait enfin remis à Robert la Légion d’honneur que lui avait refusée Chirac : « Il a ce jour-là prononcé à propos de mon père des mots que je n’oublierai jamais, confie Robert Bourgi, c’est pour cela que je lui serai toujours fidèle. » Car Robert est aussi un sentimental, prompt à envoyer à ses amis qui, pense-t-il, lui ont manqué de loyauté de longs SMS aussi cinglants que poignants. Pourquoi a-t-il décidé de « tout dire » ? Première explication, celle que Robert Bourgi lui-même a servie, tant au JDD que sur les radios et télévisions : il ne supportait plus le poids de ces lourds secrets, il ne parvenait plus à se regarder dans un miroir, son passé de convoyeur de fonds le dégoûtait, il n’en dormait plus. « Cela me taraudait depuis la mort de papa [Omar Bongo Ondimba], en juin 2009, explique-t-il. Les temps ont changé, il fallait que je me débarrasse de ce fardeau. » Certes, Chirac, Villepin, Juppé, Le Pen, il ne les aime pas (ou plus), et ils n’ont que ce qu’ils méritent, « mais le ● ● ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Grand angle Françafrique CONFIDENCES DE | Jean-Marie Bockel

« Bourgi, mon bourreau » Ð L’ancien secrétaire d’État à la Coopération avait appelé « au décès de la Françafrique », en janvier 2008 Ð Deux mois plus tard, il était débarqué JEUNE AFRIQUE: Les accusations de Robert Bourgi sont-elles crédibles? JEAN-MARIE BOCKEL : L’existence de financements occultes était un secret de polichinelle. Mais durant mon passage à la Coopération, je n’avais pas connaissance de qui recevait, combien et comment. Je n’étais pas dans ces « réseaux ». En revanche, des diplomaties parallèles sont de tout temps à l’œuvre avec un certain nombre d’intermédiaires. Certains sont efficaces, d’autres ont surtout un rôle alimentaire. Revenons justement sur votre fameux discours de janvier 2008 sur le « décès de la Françafrique »; vous aviez signé votre arrêt de mort… Mon discours avait été revu et corrigé par mes amis de la cellule Afrique de l’Élysée, dirigée à l’époque par Bruno Joubert. Eux, comme moi, devaient savoir qu’il y avait des réseaux parallèles. Mais nous étions dans l’idée qu’ils reculeraient progressivement. J’ai manifestement sous-estimé leur importance, car, si j’avais continué à faire mon travail sans ce coup d’éclat, j’aurais duré plus longtemps. Ou alors, si j’avais été dans certains réseaux, j’aurais pu être alerté.

MOUSSE ABACA POUR J.A.

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À JEUNE AFRIQUE, en juillet 2007.

Françafrique. Les actions les plus brutales et les déclarations les plus fracassantes sont souvent la marque des réseaux en fin de vie.

« Bockel, c’est plus possible ! » Il a relayé ce message jusqu’à l’Élysée.

Car ces réseaux sont plus forts que la diplomatie officielle? La conjonction de mes déclarations – qui n’étaient qu’une reprise de la feuille de route de Cotonou [discours de Nicolas Sarkozy en mai 2006 promettant la rupture, NDLR] – avec l’affaire des « biens mal acquis » qui commençait à sortir dans la presse a pu donner le sentiment à certains dirigeants africains qu’il y avait un complot contre eux. Les réseaux ont alors supplanté la diplomatie officielle. Mais on peut aussi estimer que mon histoire puis les accusations de Bourgi sont un peu le chant du cygne de la N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Quel a été le rôle de Bourgi dans votre éviction? J’ai fait la connaissance de Robert Bourgi après mon passage à la Coopération, grâce à des amis communs. Il est toujours intéressant que la victime puisse rencontrer son bourreau! J’ai pu découvrir sa personnalité complexe et à bien des égards attachante. Il a été l’ultime messager auprès de Claude Guéant, je suppose. Plusieurs signaux avaient été envoyés: « Bockel, c’est plus possible! » Il les a relayés. Durant sa longue carrière, il a bien illustré le rôle de ces intermédiaires. Avec un talent variable, ils peuvent se rendre utiles lorsque la diplomatie bloque, mais ils monnaient aussi leur prétendue influence.

Avec une dimension affairiste? Oui, les valises sont un avatar de la Françafrique. Ne peut-on pas parler de duplicité à propos de Nicolas Sarkozy ? Entre le discours de Cotonou et la réalité des choses, c’est le grand écart… J’en ai parlé récemment avec Nicolas Sarkozy. Notre désaccord porte sur la mise en œuvre de la feuille de route de Cotonou. J’ai voulu aller plus vite. Le président a, lui, invoqué la raison d’État: certains pays sont des amis de la France et ils contribuent à son influence, cela ne sert à rien de se fâcher avec des alliés. Avec le recul, à la Coopération, j’aurais eu la curiosité de rencontrer Robert Bourgi. J’aurais préparé le terrain avec quelques chefs d’État africains et retardé ma déclaration de quelques mois. Car votre appel au décès de la Françafrique avait particulièrement irrité Omar Bongo Ondimba et Denis Sassou Nguesso… C’est ce que l’on m’a dit… ● Propos recueillis par PHILIPPE PERDRIX JEUNE AFRIQUE


Les dessous d’un grand déballage sentiment de vengeance m’est étranger, en tout cas il n’a pas été déterminant ». À Jeune Afrique, Robert Bourgi livre une motivation complémentaire et pour tout dire assez curieuse : « Compaoré, Wade père et fils, leur réaction à mes propos, je m’en fiche un peu. Mais Sassou Nguesso, Obiang Nguema et, Dieu ait son âme, papa, ils doivent savoir et comprendre que j’ai réglé les comptes pour eux : ils ont été si généreux envers Chirac et Villepin et ils ont été si mal payés en retour ! N’oubliez pas que l’affaire des “biens mal acquis” a commencé alors qu’ils étaient encore au pouvoir. Ils n’ont rien fait pour l’arrêter. » Cette thèse du repenti allant à Canossa et du chevalier blanc vengeur de chefs d’État africains floués est romanesque, mais à vrai dire assez peu crédible. À tout le moins, elle n’explique que très partiellement l’« outing » fracassant de Me Robert Bourgi. L’explication inverse, celle du « complot » contre Dominique de Villepin soigneusement ourdi avec Claude Guéant sur ordre d’un Nicolas Sarkozy soucieux de porter le coup de grâce à son rival, ne tient pas plus la route, même si le timing de ces révélations a quelque chose de troublant. Vérification faite, nul n’était au courant de l’interview du JDD, et quand Bourgi précise : « pas même ma femme » (l’avocate Catherine Vittori), il dit vrai. Mais alors, pourquoi ? L’hypothèse la plus vraisemblable, à vrai dire étayée par les confidences de certains de ses proches, est celle d’un coup de poker, un tout pour le tout, joué par un homme qui pressentait – à tort ou à raison –, en tout cas redoutait d’être largué par Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, comme il l’avait été par Dominique de Villepin. « Depuis son retour au Quai d’Orsay en février dernier, Alain Juppé a établi autour de Bourgi une sorte de cordon sanitaire absolument étanche. Il l’a privé d’Afrique et donc des affaires qui vont avec. Guéant a quitté l’Élysée pour la Place Beauvau et le président ne veut rien refuser à Juppé,

depuis longtemps, tout comme Blaise Compaoré à Ouagadougou. Reste Ali Bongo, certes plus distant et méfiant que son père à son égard, mais avec qui il s’est raccommodé. Selon Robert Bourgi, le président gabonais aurait même été le seul à oser le prendre au téléphone depuis le séisme du 12 septembre : « Je devais me rendre à Libreville avec un client britannique et je lui ai dit que, vu les circonstances, il

MARCO PIRRONE/SIPA

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À Franceville (Gabon) en juillet 2005, AVEC OMAR BONGO ONDIMBA ÉDITH LUCIE.

ET SON ÉPOUSE,

« Alain Juppé a établi une sorte de cordon sanitaire autour de Bourgi. Qui s’est retrouvé en apnée. » UN CONNAISSEUR DE L’ÉLYSÉE

d’autant que ce dernier a déjà dû avaler la couleuvre Bernard Henri-Lévy. Bourgi s’est retrouvé en apnée », explique un bon connaisseur du Château et de son hôte, lequel ajoute : « N’oubliez pas que l’Afrique n’a jamais été la tasse de thé du patron ; et puis, quand on a comme ami l’émir du Qatar, les chefs africains, on peut s’en passer. » Résultat : l’étoile de l’avocat a vite pâli sur le continent. Au Sénégal, Karim Wade écarte d’un juteux marché une société britannique qu’il tente d’introduire, avec ce commentaire cinglant : « Toi, tu peux attendre » (d’où le courroux de Bourgi, qui se venge en livrant urbi et orbi le contenu présumé de ses conversations téléphoniques avec le fils de Gorgui). À Madagascar et en Mauritanie, les filons Rajoelina et Abdelaziz se tarissent d’un coup. Au Congo, Denis Sassou Nguesso ne le reçoit plus JEUNE AFRIQUE

fallait que je repousse ce voyage. Le président Ali m’a proposé de venir quand même, pour me reposer à la Pointe Denis, précisant qu’il allait mettre un hélico à ma disposition. J’ai décliné l’offre. » « Retenez-moi, ou je continue »: tel pourrait donc être le message subliminal adressé, par médias interposés, à Nicolas Sarkozy par son ancien visiteur du soir. Il est vrai que ni les propos ni l’attitude de Robert Bourgi ne sont vraiment rassurants pour le président, même si ce dernier prend grand soin de préciser – en ayant sans doute conscience de n’être cru qu’à moitié – que la noria des valises de billets a brusquement pris fin en 2005. Au mieux, Nicolas Sarkozy pourrait être jugé par l’opinion coupable de cécité envers un proche collaborateur, même de la main gauche, coupable aussi de ne pas avoir saisi la justice de faits dont il était, de l’aveu même de Claude Guéant, informé depuis six ans. Au pire: Robert Bourgi a réellement gardé par-devers lui de quoi faire sauter le reste de la République. Reste que pour l’instant, hormis les personnalités françaises nommément citées, les principales victimes collatérales de cette boule puante lancée avec allégresse sont avant tout africaines. Tous les gouvernements concernés ont fermement démenti ces allégations, tous les chefs d’État affectent de traiter leur auteur avec le mépris qui sied aux renégats, mais tous sont touchés et seul Karim Wade a annoncé son intention de porter plainte. Lésé aussi, mais sans comparaison de degré, le journaliste et écrivain Pierre Péan, dont la dernière enquête, ● ● ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Grand angle Françafrique

BERNARD BISSON/JDD/SIPA

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La République des mallettes, parue le 14 septembre chez Fayard, et qui comporte un chapitre basé sur les confidences du même Robert Bourgi, se voit en partie « grillé » par l’édition du 11 septembre du Journal du dimanche. Commentaire d’un proche de l’avocat : « Robert s’est confié à Péan, puis il s’est aperçu que ce dernier allait tirer tout le bénéfice médiatique de ses révélations. Il l’a donc préempté. » Lui dément, plaidant l’ignorance de ce que Péan allait tirer de leur entretien. Ses ennemis, eux, y voient du « Bourgi pur sucre ». ●●●

Comment a réagi Nicolas Sarkozy ? « Au début, le président a plutôt souri », nous dit l’enquête du Point parue le 15 septembre. Si cela a été le cas, le sourire devait être jaune. Selon nos informations, Nicolas Sarkozy lui aurait téléphoné le dimanche matin vers 10 h 30 : « Robert, tu as mis le feu ! – Oui, Nicolas, comme Johnny au Stade de France. » Puis, c’est Claude Guéant : « Robert, que t’arrive-t-il ? » Ce que Bourgi ne dit pas, mais que d’autres sources racontent, c’est la suite. L’avocat est convoqué à l’Élysée l’après-midi à 16 h 30, après un passage dans le bureau de Guéant, Place Beauvau. Il y entre par la grille du Coq. Le président l’attend, furieux: « C’est du grand n’importe quoi! Ce que tu dis va servir nos ennemis ! Qu’est-ce qui t’a pris ? » Puis l’orage passé, on discute, en présence de Guéant, sur le thème du comment limiter les dégâts et peut-être du comment exploiter ce qui peut l’être. Est-ce au cours de cet entretien qu’est mis au point le plan médiatique du lendemain et qu’est échafaudée l’idée d’ajouter Jean-Marie Le Pen sur la liste des bénéficiaires de valises ? Bourgi, on l’a dit, est muet sur cela, mais c’est possible et peut-être probable. Puis on se sépare sur une promesse de l’avocat : à partir du lundi 12 au soir, il fera silence et n’accordera plus aucun entretien. Sait-il seulement à quel point, à ce moment, ses deux interlocuteurs auraient préféré ne jamais avoir croisé son chemin ? N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

À l’Élysée, en novembre 1995, AVEC JACQUES FOCCART venant de recevoir l’insigne de grand officier de la Légion d’honneur.

Reste une question. Quand Robert Bourgi a quitté Dominique de Villepin, parce qu’il s’était senti humilié et jeté comme un mouchoir sale, il avait une solution de rechange : Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, si ce dernier le rejette à son tour (ce qui dépend du rapport de forces entre les deux hommes et reste donc à confirmer), où ira-t-il et quelle sera sa planche de secours ? C’est là que notre homme place à nouveau son « vous ne connaissez pas Robert Bourgi ». Depuis quelque temps, ce Raminagrobis astucieux constamment en quête d’un nouveau rebond a discrètement lancé quelques filets du côté du Parti socialiste. Il y a un an et demi environ, il était d’un dîner secret qui a réuni Claude Guéant et deux députés PS proches de Dominique Strauss-Kahn, Jean-Marie Le Guen et Jean-Christophe Cambadélis. Bourgi travaillait alors pour le camarade Gbagbo, que les deux députés fréquentaient aussi. Plus récemment, il aurait tenté des travaux d’approche en direction de François Hollande auxquels ce dernier, à la fois curieux et interloqué, ne serait pas resté totalement insensible. Simple bluff ? Revirement de plus ? Nouveau message, en forme de SOS, adressé à l’ami Nicolas ? Ou coup de pied de l’âne d’un homme libre soucieux de démontrer que nul, hormis Foccart et « papa », n’a jamais pu se vanter de le tenir dans sa main ? Pour l’instant, face aux rafales de plaintes présentes ou à venir, Robert Bourgi prépare sa défense, et, pour cela, a pris langue avec un confrère pénaliste grand connaisseur des arcanes juridiques de la Françafrique : Pierre Haïk. « Je veux une France propre, une France de la rupture, une France dont le général de Gaulle serait fier », répète-t-il. Le problème est que la France qu’il dépeint aux yeux du monde, et dont il aura été l’un des rouages les plus troubles, a toutes les allures d’une République bananière. À Colombey-les-Deux-Églises, quelqu’un doit se retourner dans sa tombe. ●

VU D’EUROPE : « SHOCKING ! » MALLETTES REMPLIES DE DIAMANTS ou djembés bourrés de billets de banque ? Voilà des choses dont on n’a jamais entendu parler à Londres, à Madrid ou à Lisbonne et qui suscitent beaucoup d’intérêt. « On attend tous la suite de cette affaire », commente Pinar Ersoy, journaliste turque. Mais, outre l’aspect croustillant de « l’affaire Bourgi », ce sont les rapports entre l’Afrique et la France qui rendent perplexe. « Aucun autre pays européen n’entretient le même genre de relations avec l’Afrique », analyse Alex Vines, chercheur à l’institut Chatham de Londres. « L’Angola est si important pour l’économie du Portugal, que ce pays n’hésite pas à faire du lobbying pour son ancienne colonie. Le Moyen-Orient est très présent dans les pays arabes… Mais la Françafrique, c’est unique », analyse-t-il. Et la presse anglo-saxonne, particulièrement pugnace, en a fait les gros titres. « S’il était prouvé qu’un Premier ministre anglais a touché de l’argent d’un dirigeant africain ou autre, ce serait une crise politique majeure », explique Alex Vines. Et un déshonneur MALIKA GROGA-BADA dont il ne se remettrait pas. ● JEUNE AFRIQUE


VINCENT FOURNIER/J.A.

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« J’ai souvent croisé à Libreville François de Grossouvre et ROLAND DUMAS (ci-dessus) », assure Bourgi.

L’argent n’a pas de couleur (politique) La machine à billets de la Françafrique a aussi fonctionné durant les années Mitterrand. L’entreprise Elf était une pièce maîtresse.

ALAIN FAVERIE

«

J

’ai souvent croisé à Libreville François de Grossouvre et Roland Dumas », dit Robert Bourgi pour étayer la thèse selon laquelle François Mitterrand aurait touché, lui aussi, de l’argent d’Omar Bongo. Conseiller à l’Élysée, François de Grossouvre était le parrain de Mazarine, la fille cachée du chef de l’État français. Il protégeait les secrets de famille et veillait au financement des campagnes du Parti socialiste (PS). Son suicide dans son bureau de l’Élysée, en avril 1994, reste inexpliqué. Ministre des Affaires étrangères à deux reprises, de 1984 à 1986 et de 1988 à 1993, Roland Dumas avait un accès direct à François Mitterrand, sans passer par le Premier ministre. C’était l’homme des missions secrètes, aussi bien chez Omar Bongo, qui l’appelait « mon ami intime », que dans l’entourage de Jean-Marie Le Pen. Grossouvre et Dumas ont-ils transporté des valises ? Le président gabonais était généreux. En 2001, il a avoué: « C’est mon argent à moi. Je ne nie pas avoir aidé les uns ou les autres, mais je ne veux pas que l’on dise que j’ai aidé tel parti contre tel JEUNE AFRIQUE

autre1. » En clair, Bongo arrosait large. À gauche comme à droite. « CADEAUTER ». « Les valises, Mitterrand

Sirven. Tarallo pour la droite, Sirven pour la gauche… Elf et Bongo remplissaient ainsi les caisses du RPR et du PS, mais aussi les poches de quelques particuliers. À propos de Roland Dumas – condamné en première instance, relaxé en appel –, l’ex-juge Eva Joly a eu ce mot: « Conciliant, le fisc ne redressera qu’une partie seulement des 10 millions de francs en liquide, d’origine indéterminée, découverts sur ses comptes bancaires2. » Les socialistes français ont-ils été encore « gratifiés » après 1995 ? Quelques mois avant la présidentielle de 2007, Guy Penne, ex-conseiller de François Mitterrand, a confié à l’un de ses amis : « Gbagbo est l’un des nôtres. Il nous a aidés récemment. » L’ex-président ivoirien

n’aimait pas trop », confie un ancien ministre d’Afrique centrale. « Trop ostentatoire ». Sous Mitterrand, l’argent circulait surtout par Elf et sa fameuse caisse noire. « Si vous ne comprenez pas la Fiba, vous ne pouvez pas comprendre le système Elf », a lâché l’ex-patron de la compagnie pétrolière, Loïk Le Floch Prigent, lors de son procès. Domiciliée à Libreville, la « Les valises, Mitterrand n’aimait banque Fiba, détenue à plus pas trop. Trop ostentatoire. » de 50 % par Bongo et ses proches, recevait tous les UN ANCIEN MINISTRE D’AFRIQUE CENTRALE dessous-de-table versés par Elf. Jusqu’en 1981, le système a essentielavait coutume de « cadeauter » ses amis. lement profité au Rassemblement pour la S’il a vraiment donné à Jacques Chirac République (RPR) de Jacques Chirac. Puis pour sa campagne de 2002 – comme l’afun jour, Mitterrand a convoqué Le Floch firme Bourgi –, on imagine mal qu’il ait pu Prigent à l’Élysée et lui a dit: « Désormais, oublier ses camarades socialistes… ● il faudra rééquilibrer les choses, sans 1. Omar Bongo, Blanc comme nègre, entretien oublier le RPR. » La caisse noire – environ 5 millions de avec Airy Routier, Grasset, 2001. dollars par an, selon Le Floch Prigent – 2. La Force qui nous manque, Eva Joly, était gérée par André Tarallo et Alfred Les Arènes, 2007. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


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Afrique subsaharienne

SÉNÉGAL-GUINÉE

moi

Je t’aime,

non plus

(UFDG), le parti de Dalein, et de Tibou Kamara, l’ancien bras droit de Sékouba Konaté lorsque ce dernier dirigeait la transition. Face aux journalistes, Condé va plus loin: il accuse le Sénégal et la Gambie (Kamaraestmariéàlabelle-sœurdeYahyaJammeh) de n’avoir rien fait pour empêcher cet « attentat » – pis : il pointe leur « complicité ». « J’estime que RÉMI CARAYOL l’attentat a été préparé à l’hôtel Méridien Président, à Dakar, et qu’il y a eu des va-et-vient entre [Dakar et] la Gambie. J’estime que cela ne pouvait pas se hat must I do ? » faire à leur insu. » (« Que dois-je Depuis, les collaborateurs de Condé se font f a i re ? » ) s e discrets. Ses amis sénégalais demandent un temps demandait il y de réflexion. À vrai dire, ils ont peine à y croire. a cinq ans un Abdoulaye Wade « Une entente Wade-Jammeh pour l’éliminer? C’est visiblement démuni devant le comportement errainimaginable, estime l’un d’eux. Cela me rappelle les années 1970, quand Sékou Touré voyait des tique de son homologue gambien, Yahya Jammeh. ennemis partout dans le voisinage. » C’était en présence de l’ambassadrice américaine de l’époque, Janice L. Jacobs, et c’est elle qui rapporte Malgré la gravité de la charge, Banjul est resté l’anecdote dans un câble diplomatique daté du silencieux. Et Dakar a fait bonne figure: « Le gouver1er juin 2006 et révélé par WikiLeaks. Aujourd’hui, nement sénégalais n’a jamais été mêlé ni de près ni les deux chefs d’État semblent se comprendre de loin à ces événements », indique le porte-parole un peu mieux. Mais Wade de la présidence, Serigne pourrait très bien se poser la Mbacké Ndiaye. Le minisCondé ne pardonne pas question au sujet d’un autre tre d’État Mamadou Diop, à son homologue d’avoir voisin: Alpha Condé. « What un ami de longue date de soutenu Cellou Dalein must I do ? » Condé qui joue les messagers entre Dakar et Conakry, Entre les deux hommes, Diallo à la présidentielle. veut croire à « une incomc’est un peu « je t’aime, moi préhension, un malentendu ». Après les coups de non plus ». L’expression est éculée, mais, dans ce feu du 19 juillet, c’est lui que Wade avait envoyé, avec cas, elle sonne juste. Si, selon un collaborateur de son ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, Wade, ce dernier « a fait beaucoup pour appuyer pour exprimer sa solidarité au président guinéen. Condé depuis son élection », le Guinéen ne lui « Tout s’était bien passé. J’avais bien entendu ces pardonne pas d’avoir soutenu son adversaire à la récriminations, mais je n’y avais pas prêté grande présidentielle, Cellou Dalein Diallo. Au point de croire que Wade puisse participer à une entreprise attention », raconte-t-il. de déstabilisation de son régime ? À Dakar, on semble vouloir oublier au plus vite Le 11 septembre, c’est la stupeur à Dakar. Robert cette accusation. Selon Serigne Mbacké Ndiaye, Bourgi n’est pas le seul à s’épancher dans la presse. elle « ne va pas obscurcir les rapports entre les deux Au cours d’une interview accordée à la radio Sud FM pays. Les deux chefs d’État entretiennent de bonnes et au journal Enquête, le président guinéen nomme relations et cela depuis très longtemps ». Voire… – avant même que l’enquête judiciaire ait livré sa Longtemps, les deux hommes ont cheminé vérité – ceux qu’il estime être les commanditaires ensemble. Les difficultés inhérentes à la vie d’opposant africain dans les années 1970 et 1980 les de la tentative d’assassinat dont il a été l’objet le avaient rapprochés, effaçant les différences idéolo19 juillet. Il s’agit selon lui de Bah Oury, le numéro deuxdel’UniondesforcesdémocratiquesdeGuinée giques (Wade est un pur libéral, Condé un produit

Rien ne va plus ! Longtemps proches, les présidents Abdoulaye Wade et Alpha Condé sont fâchés depuis près d’un an. Conakry accuse même Dakar d’être complice de la tentative d’assassinat du 19 juillet.

«

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personnes (25 militaires et 13 civils)

ont été arrêtées au cours de l’enquête sur l’attaque qui a visé Alpha Condé, le 19 juillet N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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JEUNE AFRIQUE


SEYLLOU/AFP

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ABDOULAYE WADE (À G.) ET ALPHA CONDÉ, en février, à Dakar. Dans les années 1970, les difficultés inhérentes à la vie d’opposant en Afrique les avaient rapprochés.

du marxisme). Lorsqu’Alpha est emprisonné en 1998, Wade prend sa défense. Deux ans plus tard, tout juste élu à la présidence du Sénégal, il lui envoie un avion à sa sortie de prison et l’invite à Dakar. Par la suite, Condé effectue de nombreux séjours dans la capitale sénégalaise, où il fricote aussi bien avec le président qu’avec ses opposants. Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Moustapha Niasse sont ses amis. CLASH. En décembre 2008, c’est à la demande de

Condé que Wade soutient le coup d’État de Moussa Dadis Camara. « Au début, Alpha était favorable à Dadis, raconte un médiateur africain. Il a appelé les présidents africains pour qu’ils le soutiennent. Wadeaétélepremier.»Mais,rapidement,leschoses se gâtent à Conakry. Condé se fait plus critique à l’égard de Dadis. Pas Wade. En moins d’un an, le président sénégalais visite son protégé à quatre reprises et lui apporte un soutien qui irrite les diplomates étrangers. Dadis l’appelle « Papa ». Après le départ forcé de Dadis, Wade se rapproche des libéraux Cellou Dalein Diallo et Sidya

JEUNE AFRIQUE

Touré. C’est lui qui, entre les deux tours, favorisera le ralliement du second au premier. Lui encore qui finance en partie leur campagne, selon un proche de Konaté. Condé ne l’oubliera pas: le clash intervient lors de la venue de Wade à Conakry entre les deux tours, alors que le processus est bloqué. « Il y a eu une violente altercation entre les deux, confie un témoin. Alpha l’a accusé de soutenir Dalein. Wade l’a traité d’ingrat. Puis le climat s’est apaisé. » Aujourd’hui, « Wade essaie de le gérer, mais Alpha est vraiment fâché. Il lui reproche de continuer de soutenir Dalein », affirme un médiateur. Le président de l’UFDG est souvent à Dakar – comme Condé en son temps. Il faut dire qu’il y jouit d’une belle cote. En avril dernier, il a même été honoré par le Mouvement des entreprises du Sénégal (Meds), qui l’a désigné « cauri d’or de la paix » devant un parterre de sommités. Il y avait là, entre autres, la femme du président, Viviane Wade, le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, Bah Oury et Tibou Kamara. Et c’est au Méridien que tout ce beau monde s’était retrouvé. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


Afrique subsaharienne Elle nous a rendu visite au 57 bis | Louise Mushikiwabo

De Washington à Kigali Rentrée en 2008, après vingt-deux années passées aux États-Unis, la ministre rwandaise des Affaires étrangères est bien décidée à promouvoir l’image de son pays. l’homme, elle est d’humeur badine lorsqu’elle évoque les éventuels opposants en exil, invitant Jeune Afrique à en dresser les portraits dans ses colonnes, « pour qu’on sache enfin qui ils sont ».

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PROCHE DU CHEF DE L’ÉTAT, elle revendique toutefois un esprit indépendant et refuse toute appartenance à un parti politique.

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PRÈS PARIS, NewYork pour la 66e Assemblée générale des Nations unies, puis Istanbul (Turquie), où Kigali s’apprête à ouvrir un consulat… La cinquantaine élégante, la femme qui nous rend visite passe pour une travailleuse acharnée et un esprit indépendant, refusant toute appartenance à un parti, malgré sa proximité avec le chef de l’État, Paul Kagamé, dont

En attendant de reprendre son bâton de pèlerin pour restaurer l’image de son pays, assombrie par le génocide de 1994, elle s’agace de nous entendre insister sur ses relations conflictuelles avec son homologue français, Alain Juppé, opportunément absent du pays. « Au Rwanda, nous avons coutume de dire la vérité, sans arrogance, sans méchanceté, répond celle qui fut aussi directrice de la communication à la Banque africaine de développement, à Tunis. Il faut jouer cartes sur table pour pouvoir avancer. La France a fait beaucoup de mal au Rwanda, et mettre en place un processus de normalisation de nos relations a été une décision difficile à prendre: nous savions que les obstacles ne manqueraient pas. » C’est sans sourciller qu’elle accueille, les mains croisées sur la table, les allusions aux protestations émises dans certains cercles français à l’occasion de cette visite du président rwandais. Si elle rejette les accusations d’ONG sur les violations des droits de

Ma longue absence ne m’a pas éloignée des réalités du Rwanda. elle a préparé la visite à Paris et qu’elle a accompagné en cette mi-septembre. Ministre des Affaires étrangères depuis décembre 2009, après avoir détenu le portefeuille de l’Information, Louise Mushikiwabo se pose en VRP d’un Rwanda qu’elle dit « apaisé, ambitieux, prêt à jouer son rôle sur la scène internationale et à apporter sa contribution dans la sous-région et sur l’ensemble du continent ». N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Originaire de Kigali, mariée à un Américain, elle est contrainte par les violences qui agitent son pays de passer les années 1990 aux États-Unis, où elle a fait ses études d’interprétariat. Parfaitement bilingue, elle y a vécu vingt-deux ans, mais affirme que sa longue absence ne l’a pas éloignée des réalités du pays, où elle a pris soin de retourner régulièrement après le génocide, avant un retour définitif en 2008. Au cours de cet échange, qui a pour elle des allures de pause au milieu d’un agenda surchargé, elle revient sur sa candidature à la tête d’ONU Femmes en septembre 2010, pour laquelle lui a été préférée Michelle Bachelet, exprésidente du Chili. Elle affirme n’en avoir conservé aucune amertume, ravie en fin de compte de pouvoir continuer à servir son pays. D’autant que les motifs de satisfaction ne manquent pas. Comme celui de voir quelque cent vingt jeunes orphelins du génocide passer du secondaire à l’université, puis trouver un emploi, grâce au Rwanda Children Found, un organisme qu’elle a cocréé. Moins engagée aujourd’hui en raison de son emploi du temps de ministre, elle poursuit une activité de conseil auprès d’eux, l’objectif étant de leur permettre de garder espoir. Mais, au final, ce dont elle est le plus fière aujourd’hui, c’est de ce pays passé de la déchirure à la réconciliation – un pays, explique-t-elle, dont les citoyens ont retrouvé leur dignité. La plupart de ceux qui ont vécu une quasi-crise d’identité après le génocide semblent regarder l’avenir avec davantage de sérénité et d’optimisme. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


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FRANCE-RWANDA

Kagamé en VRP

S

urtout, éviter les sujets qui fâchent. Pour sa première visite officielle en France, du 11 au 13 septembre, le chef de l’État rwandais s’est appliqué à regarder vers l’avenir. « Avec Nicolas Sarkozy, on travaille ensemble pour voir comment échapper à l’Histoire », a-t-il expliqué aux 3000 membres de la diaspora rwandaise réunis à Aubervilliers (banlieue parisienne). Accueilli sur le tarmac par… David Douillet, secrétaire d’État en charge des Français de l’étranger, Paul Kagamé a donc choisi de ne pas se formaliser. L’absence du ministre français des Affaires étrangères, mis en cause par une commission d’enquête rwandaise sur le génocide de 1994? Pas grave non plus. Alain Juppé n’est pas son homologue. Et les protestations de certains députés et ex-militaires français à l’annonce de sa venue ? « Il y a davantage JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Pour la première visite du président rwandais, Paris et Kigali étaient bien décidés à ne pas faire de vagues. Et à parler économie.

DANS LA COUR DE L’ÉLYSÉE, LE 12 SEPTEMBRE (en haut), et lors d’un discours prononcé devant la diaspora, à Aubervilliers (région parisienne), la veille.

de personnes dans nos deux pays qui sont intéressées et qui approuvent la normalisation de [nos] relations », rétorque-t-il dans les colonnes de Libération après avoir, devant la diaspora, qualifié ce type de réticences de « misérables ». SATISFAIT. Le 12 septembre, à l’Institut

français des relations internationales (Ifri), le président rwandais a donc vanté les bonnes performances de son économie, écartant les accusations de violations des droits de l’homme. Déjeuner à l’Élysée

avec Nicolas Sarkozy, en présence notamment d’Henri de Raincourt (Coopération) etdeClaudeGuéant(Intérieur).Rencontre avec des entrepreneurs français conviés au Ritz (lire aussi p. 108). Paul Kagamé est reparti satisfait, moins dérangé par les quelques dizaines de manifestants (rwandais et congolais) qui ont protesté contre sa venue qu’interloqué par les révélations d’un Robert Bourgi. « La France ne paraît pas aller très bien », confiait, dubitatif, un ministre de sa délégation. ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


BASILE ZOMA/UN PHOTO

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SCANDALES À L’ONU

Mains sales et Casques bleus

Exploitation, abus sexuels et trafics en tout genre… En Côte d’Ivoire, comme avant au Liberia ou en RD Congo, les accusations se suivent et se ressemblent.

U

ne Jeep blanche frappée du logo « UN ». À son bord, deux soldats malawites, coiffés du casque bleu des United Nations, les Nations unies. Nous sommes à Guiglo, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Le véhicule se dirige vers la résidence saccagée de Maho Glofieï, ancien chef de milice patriotique, réputé impitoyable et aujourd’hui en fuite. Il y a moins de six mois, les Casques bleus osaient à peine mettre le nez dehors,

de crainte de subir le courroux des miliciens et des mercenaires pro-Gbagbo, qui contrôlaient la ville. Depuis le 11 avril, jour de la chute de l’ancien président, ils se sentent libres de circuler à nouveau… Et à Guiglo, cela n’a pas eu que des avantages. Courant juillet, l’ONG Save the Children a découvert que plusieurs filles de moins de seize ans avaient été victimes d’exploitation et d’abus sexuels. Informée,

EN AFRIQUE, MAIS PAS SEULEMENT… LA VIDÉO, largement diffusée sur internet, a contraint l’Uruguay à présenter ses excuses et à suspendre le chef de son contingent déployé en Haïti. Elle montre le viol d’un jeune Haïtien de Port-Salut par cinq Casques bleus uruguayens. La scène aurait été filmée par un téléphone portable et une enquête a été ouverte. En Haïti, les scandales collent aux basques des Casques bleus (par ailleurs accusés d’avoir propagé le choléra sur l’île après le tremblement de terre de 2010) depuis leur arrivée dans le pays, en 2004. Cela avait également été le cas au Cambodge, dans les années 1990, quand des soldats de maintien de la paix avaient été accusés d’avoir favorisé la prostitution et de s’être livrés à des pratiques criminelles. Même chose en Bosnie-Herzégovine, une dizaine d’années plus tard, quand des militaires allemands, jordaniens et pakistanais A.S.K. avaient fait l’objet d’une enquête pour trafic de jeunes femmes. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) a conduit en août une enquête préliminaire qui a conclu que de lourdes présomptions pesaient sur certains soldats de l’ONU. Si les allégations sont avérées, ce serait la troisième fois, en quatre ans, que des Casques bleus sont impliqués dans des scandales de ce genre en Côte d’Ivoire. La première fois, c’était à Bouaké, en juillet 2007. Des éléments du contingent marocain avaient été accusés d’avoir abusé d’adolescentes âgées de 14 à 17 ans, avant d’être renvoyés chez eux. La deuxième, en avril 2010, à Toulépleu, dans l’Ouest : seize Casques bleus béninois coupables d’abus sur mineures avaient été rapatriés et exclus de l’armée. LesaccusationsquisalissentlesCasques bleus portent beaucoup sur des crimes à caractère sexuel, mais pas seulement. En témoigne la diversité des scandales qui ont, à plusieurs reprises, terni l’image des 20000 soldats déployés sous la bannière de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco), l’une des plus anciennes et la plus coûteuse des missions de maintien de la paix en Afrique. En février 2005, l’ONU avait décidé d’interdire à ses militaires d’avoir des relations sexuelles avec des Congolaises, promettant d’appliquer le principe de tolérance zéro pour toute entorse à la règle. Mais quelques mois plus tard, en juin, elle reconnaissait avoir répertorié 150 accusations d’enlèvement et de viol de mineures portées contre son personnel. En avril 2008, nouvel esclandre – et nouvelle source d’embarras à New JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Ý PRÈS DE 110 000 SOLDATS DE MAINTIEN DE LA PAIX sont déployés à travers le monde.

York – quand des Casques bleus indiens et pakistanais sont accusés d’avoir fourni des armes et des munitions contre de l’or aux rebelles de l’Ituri (Est). Un mois plus tard, une centaine de Casques bleus indiens sont soupçonnés d’avoir abusé de jeunes filles et garçons pendant plusieurs années dans le Nord-Kivu, toujours dans l’Est. Enfin, en juillet 2010, la Monusco annonce que deux de ses éléments (un Tunisien et un Indien) se sont rendus coupables d’agressions sexuelles.

Ban Ki-moon), elle se montre d’une grande sévérité envers ses soldats coupables d’abus. Sauf que la persistance de pratiques déshonorantes (abus sexuels, faux mariages, pornographie, prostitution, viols, trafics divers…) est en partie due à l’impunité dont jouissent souvent les coupables. L’obligation de répression ne s’impose pas à l’ONU, qui ne dispose pas de juridiction interne. « Il appartient aux États contributeurs d’engager des

RD Congo Soudan

IMPUNITÉ. On n’en saura pas plus.

Décidée à faire toute la lumière sur ces affaires, l’ONU conduit des enquêtes sur les accusations portées contre ses troupes, mais se montre peu transparente sur leurs résultats. « L’ONU est embarrassée par ces scandales dont elle se serait bien passée. Elle envoie des Casques bleus pour apporter la paix dans des pays en guerre, pas pour être source d’insécurité pour les populations locales », commente un fonctionnaire de l’organisation à Abidjan. Difficile donc d’obtenir des statistiques exhaustives sur les allégations et les cas avérés. Il n’empêche : depuis 2003, l’ONU a décidé de faire face à ses démons. À l’initiative de Kofi Annan, son septième secrétaire général (remplacé depuis par

Liberia Côte d’Ivoire

Des incidents à répétition poursuites contre les auteurs de ces crimes », rappelle sans cesse l’organisation. Et c’est là que le bât blesse. Car très souvent, comme le relève Save the Children, les

fautifs retrouvent le confort de leur foyer sans être inquiétés. Cependant, tous ne s’en tirent pas à si bon compte. En septembre 2008, la cour d’assises de Paris a condamné un fonctionnaire français de l’ONU, accusé de pornographie en RD Congo, à neuf ans d’emprisonnement ferme. En 2009, l’organisation a déclaré que trente-trois Casques bleus impliqués dans divers incidents en Côte d’Ivoire, en Haïti, au Liberia et au Soudan avaient été sanctionnés dans leurs pays respectifs. Les justices militaires de l’Afrique du Sud, du Canada, du Nigeria ou de l’Inde (l’un des plus gros contributeurs de troupes avec le Pakistan) ont déjà puni certains de leurs soldats. De quelle façon ? « Il peut s’agir de renvois, de retraites forcées, de destitutions d’officiers, ainsi que de peines de prison plus ou moins lourdes », expliquait Michèle Montas, lorsqu’elle était la porteparole de Ban Ki-moon. Et il est un message que le secrétaire général de l’ONU tient à faire passer: « Les mauvais agissements de quelques-uns ne doivent pas diminuer l’énorme contribution et sacrifice du plus grand nombre des Casques bleus qui servent la cause de la paix. » Les faits en question ne concernent qu’une infime partie des 110000 Casques bleus engagés dans dix-neuf opérations dans le monde. Mais en RD Congo, en Côte d’Ivoire ou en Haïti, leur image a été indubitablement ternie. ● ANDRÉ SILVER KONAN

Coulisses CÔTE D’IVOIRE EN ROUTE POUR LES LÉGISLATIVES Le 11 décembre. C’est la date proposée par la Commission électorale indépendante pour organiser les législatives, presque onze ans après la tenue du dernier scrutin. La proposition devait être validée en Conseil des ministres, le 16 septembre. Ce sera aussi l’occasion d’un redécoupage électoral, le nombre de députés passant de 225 à 255. JEUNE AFRIQUE

Le coût des élections est évalué à 20 millions d’euros, dont 40 % seront pris en charge par les bailleurs de fonds. SOUDAN LA NOMINATION QUI NE CHANGE RIEN Parce qu’il fallait bien remplacer Salva Kiir, entre-temps devenu président du Soudan du Sud, Omar El-Béchir a choisi, le 13 septembre, AdamYoussef comme second vice-président. Originaire du Darfour,

il devient ainsi le troisième plus haut personnage de l’État soudanais. Mais Youssef est un Arabe, rallié au parti au pouvoir à Khartoum, et les rebelles darfouris ont déjà dit que sa nomination ne changerait rien à la marginalisation dont souffrent les ethnies non arabes dans la région. AFRIQUE DU SUD MALEMA CONDAMNÉ Julius Malema, le très remuant chef de la ligue des jeunes de l’African

National Congress (ANC, au pouvoir), ne sait toujours pas si ses écarts de langage et de conduite lui coûteront sa place au sein du parti. Mais, en attendant, c’est la Haute Cour de Johannesburg qui, le 12 septembre, l’a reconnu coupable d’incitation à la haine pour avoir repris la chanson de lutte antiapartheid Shoot the Boer («Tuez le Blanc »). Et, pour cette fois, l’ANC, qui considère que ce chant fait partie du patrimoine sud-africain, s’est rangé aux côtés de Malema. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Afrique subsaharienne Interview

Adolphe Muzito

« Non, la RD Congo n’est pas un pays riche! » Qu’importent l’or, les diamants, ou même l’annulation de la dette… Le Premier ministre en est convaincu : son pays n’a jamais su exploiter son potentiel. Nommé en 2008, il défend le bilan de Joseph Kabila, dont il a choisi de soutenir la candidature à la présidentielle du 28 novembre.

Propos recueillis à Kinshasa par

TSHITENGE LUBABU M.K.

D

onné plusieurs fois partant, AdolpheMuzito,54ans,adéjoué tous les pronostics. Nommé en 2008pourprendrelarelèved’un Antoine Gizenga fatigué et vieillissant, il occupera toujours, le 28 novembre, le poste de Premier ministre de la RD Congo, en attendant de connaître le nom du vainqueur du scrutin présidentiel et les résultats des élections législatives. Son action a souvent été critiquée ; la réalité du pouvoir et de l’influence de ce natif du Bandundu (Ouest) a parfois été mise en doute. Mais il peut s’enorgueillir d’avoir stabilisé le cadre macro-économique et permis à son pays d’atteindre le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Le tout avec une équipe hétéroclite, aux intérêts pour le moins divergents. Sa formation, le Parti lumumbiste unifié (Palu, qu’il a rejoint en 1990, avant de le représenter, en 2003, au dialogue N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

intercongolais, en Afrique du Sud), a choisi de rester dans la majorité et de cheminer aux côtés du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD) du président, Joseph Kabila, dans la course à la présidentielle. Lui-même souhaite conserver un rôle à la tête de l’État après le scrutin. Encore faut-il que le Palu, bien implanté dans le Bandundu et la capitale, ait suffisamment d’élus pour pouvoir se maintenir sur l’échiquier politique… JEUNE AFRIQUE : La présidentielle du 28 novembre ne comportera qu’un seul tour, contre deux lors de la dernière élection. Comprenez-vous que l’opposition ait émis des doutes quant à la transparence du scrutin ?

ADOLPHE MUZITO : Je ne vois pas en quoi la révision de la Constitution [adoptée mi-janvier, NDLR] prédispose à plus de contestations qu’en 2006. Il y avait eu des contestations cette année-là, dans un scrutin à deux tours. Quant au candidat qui sera élu, ce sera celui qui aura fédéré autour de lui les forces les plus représentatives de l’échiquier politique et de la nation, contrairement à ce que nous avons connu en 2006. C’est-à-dire ?

En 2006, une fracture géo-ethnique s’est manifestée au premier tour. Il y avait l’Est d’un côté et l’Ouest de l’autre. C’était un clivage caricatural. Le président de la RépubliqueaétééludansleNord,l’Estetle Sud. Il a fallu attendre le second tour pour qu’il le soit dans tout le pays. Une élection à un seul tour obligera les leaders à faire des alliances plus représentatives de la nation. Le clivage sera idéologique.

Les violences qui ont opposé, début septembre, des partisans de l’opposant Étienne Tshisekedi à des sympathisants du parti du président Kabila vous inquiètent-elles ?

Ce n’est pas la première fois, et cela va se régler. Un clivage entre deux groupes partisans ne peut pas compromettre la volonté du peuple.

La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et son président, dont l’impartialité est mise en cause par l’opposition, peuvent-ils garantir une élection libre et transparente ?

Nous avons donné à la Ceni tous les moyens matériels et logistiques. Nous sommes soutenus par la communauté internationale, qui, jusqu’à preuve du contraire, continue de faire confianceà son président. Si l’opposition a quelque chose à dire, il y a une procédure à suivre. JEUNE AFRIQUE


ÉRIC TSHIKUMA POUR J.A.

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À Kinshasa, certains disent qu’il y a deux gouvernements: le vôtre et, à côté, un gouvernement parallèle, composé de quelques personnes autour du chef de l’État, et qui décide de tout. Est-ce le cas?

Non. Il n’y a qu’un seul gouvernement: celui que je dirige. Il existe des domaines, comme la défense, la sécurité, la diplomatie, qui relèvent du chef de l’État et nous nous concertons. Quant au reste, c’est le Premier ministre qui est responsable politiquement.

Avoir deux têtes de l’exécutif facilite-t-il les choses ?

Dans le système actuel, la vision et les décisions du président de la République sont contrebalancées par le Parlement. Il n’a pas la gestion directe des affaires gouvernementales.Samargedemanœuvreest donc réduite, d’autant que nous avons une majorité très hétéroclite. Moi, je suis pour

JEUNE AFRIQUE

un régime présidentiel. Un pays qui doit se construire a besoin d’un leadership, pas autocratique mais en tout cas décisif.

DANS SES BUREAUX DE LA PRIMATURE, LE 22 AOÛT. « Il n’y a pas de gouvernement parallèle. Le seul gouvernement est celui que je dirige. »

Il y a un an, la RD Congo atteignait le point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Pourtant, le quotidien des Congolais est toujours très difficile…

L’atteinte du point d’achèvement ne signifie pas la fin des problèmes sociaux, mais consacre l’annulation de la dette et du paiement des intérêts de cette dette, qui s’élevait à 14 milliards de dollars. Concrètement, nous économisons aujourd’hui 500 millions de dollars par an. Mais que représente cette somme à l’échelle d’un pays comme le nôtre ? Une goutte d’eau ! Cela ne signifie pas que l’État congolais aura des recettes en plus !

Cela ne changera donc rien ?

Le problème, c’est que nous n’avons pas assez d’argent pour financer les infrastructures de base, qui sont le préalable à l’investissement privé. C’est un cercle vicieux. Le fait, par exemple, qu’il n’y ait pas d’électricité, ni de routes, ni de banques dans nos provinces n’attire pas les investisseurs. Il y a bien des guichets, notamment dans le Bas-Congo et le Kasaï, mais les autres provinces n’intéressent pas les banquiers à cause du faible niveau de l’activité économique… Dans ces conditions, comment produire ou créer des emplois ?

Les Congolais sont pourtant persuadés que leur pays est très riche et que cela profite uniquement à la classe dirigeante… N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


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Afrique subsaharienne Interview Ce concept de richesse me déçoit. Les gens vivent dans une illusion collective, et c’est dramatique que cette réflexion soit partagée par les élites de mon pays. C’est vrai : nous avons beaucoup d’or, de diamants, de cuivre, de cobalt, etc. Mais c’est une richesse que nous n’avons jamais réussi à mettre en valeur. Le président a commencé à le faire, mais à peine a-t-il commencé que l’on veut des résultats ! Le gouvernement est donc sur la bonne voie ?

Il faudra du temps pour que cette premièregénérationdeCongolaisquisemetà investir, avec le soutien de la communauté financière internationale, réussisse. Quand JosephKabilaestarrivéaupouvoir,ilyavait sept banques au Congo, toutes en faillite. Aujourd’hui, il y en a vingt-deux. Nous n’avons pas non plus d’épargne : à peine 2milliardsdedollars…C’esttrèsinsuffisant pour espérer développer un pays. Le produit intérieur brut (PIB) de la RD Congo est lui aussi très faible…

Il avoisine 13 milliards de dollars par an, à peu près comme au Congo-Brazzaville. Sauf que, là-bas, ils sont 3 millions, alors que nous sommes 60 millions ! Cela leur fait un revenu moyen annuel de 4000 dollars par habitant, quand le nôtre plafonne à 200 dollars ! Lorsque Joseph Kabila est arrivé, on en était à 90 dollars. Sur le papier, c’est un taux de croissance de 100 %, mais, dans les faits, c’est toujours peu. L’optimisme est-il permis ?

Oui. Quand on se souvient des horreurs, desdouleursvécuesparcepeuple…Quand on se souvient qu’il y a quatre ans c’était encore la guerre, que le pays n’avait pas de

améliorer leurs conditions de vie…

Je comprends ce peuple, mais il croit que les solutions peuvent venir comme ça. Les intellectuels pensent la même chose, parce qu’ils ont été abrutis par l’ancien régime. Nous n’avons pas appris à débattre, à savoir ce qu’est le budget de l’État, sa relation avec le niveau de vie des gens et l’activité économique. Les gens pensent qu’on peut avoir des provinces comme le Kasaï ou le Bandundu, sans ressources, sans banques, et être riche en même temps ! La classe politique d’aujourd’hui estelle différente de celle qui existait sous Mobutu en termes de souci du bien public ?

C’est la même classe politique, la même élite. La différence, c’est qu’aujourd’hui le peuple peut sanctionner l’homme politique dans les urnes. Certaines pratiques – corruption, passedroits… – sont également les mêmes…

Le contexte matériel ne prédispose pas à un comportement plus moral. Le pays s’est paupérisé à un point tel que les gens ont développé certains comportements pour survivre. Toute la société est gangrenée. C’est dans la durée, grâce à la démocratie et à la mise en place de garde-fous, que cela peut changer. Et vu les résultats de la gouvernance sur les finances publiques, des résultats salués par nos partenaires, les perspectives sont bonnes. Comment expliquez-vous que quelques personnalités construisent autant, à Kinshasa notamment, si le pays est si pauvre ?

Le pays tout entier se construit, et l’en-

On ne peut juger Kabila que sur les années où il a eu l’exclusivité du pouvoir. réserves de change, qu’on ne payait pas les salaires, que, dans les forums internationaux, le Congo était privé de parole à cause d’arriérésdecotisations,qu’ilyadeuxansil fallait équiper une armée composite… On a hérité d’une Banque centrale en faillite, de finances exsangues… En se souvenant de tout cela, on dit: « Bravo, ce peuple est fort, courageux! Il va relever les défis. » Les Congolais attendent toutefois que les hommes politiques fassent plus pour N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

richissement que cela démontre n’est pas réparti de manière équitable, mais le développement de l’économie commence toujours par des îlots. Par ailleurs, on ne peut pas dire que ces bâtiments soient la seule propriété des ministres. Des dirigeants construisent grâce à des partenariats avec des promoteurs immobiliers. On dit que, vous-même, vous vous êtes beaucoup enrichi grâce à votre position…

Ce sont encore des rumeurs. Je peux simplement vous dire que je ne peux pas devenir plus pauvre que je ne l’étais avant d’entrer en politique. J’avais déjà des biens immobiliers. N’est-il pas facile de tout mettre sur le dos de l’ère Mobutu ? Le régime actuel est en place depuis une décennie. Ne pouvait-il pas changer les choses ?

Le pouvoir actuel n’est là que depuis quatre ans. Lorsque Joseph Kabila est arrivé, en 2001, à la mort de son père, la guerre n’était pas finie. Pendant la transition, il a été obligé de diriger avec les rebelles. Que peut-on attendre d’un tel pouvoir ? On ne peut pas évaluer l’action de Kabila pendant ces années où il n’avait pas l’exclusivité du pouvoir. C’est maintenant que le pays est en train de se construire. La décentralisation est un échec. Comment l’expliquez-vous ?

Comment décentraliser un vide? Quel est le budget de nos provinces, de nos villes, de nos territoires ? Pourquoi alors vous être lancés dans cette aventure ?

C’estlàtouteladifficulté!LaConstitution stipule que les provinces doivent garder JEUNE AFRIQUE


Adolphe Muzito Ý KINSHASA, LE 6 SEPTEMBRE. Manifestation de partisans du candidat Étienne Tshisekedi. « Il n’a jamais été question que je rejoigne l’opposition », affirme Muzito.

un gouvernement de coalition dans un régime semi-parlementaire. Certains de vos camarades voudraient vous voir quitter la majorité…

On ne va pas quitter la majorité au moment où nous nous préparons à aller aux élections. Il faut chercher plutôt à constituer une autre majorité avant, pendant et après les élections. Là-dessus, la position du patriarche [Antoine Gizenga] est claire: la majorité ne doit pas présenter plusieurs candidats à la présidentielle. Et rejoindre l’opposition ?

JUNIOR KANNAH/AFP

Je ne peux pas m’allier à des gens dont je ne partage pas la vision.

40 % des recettes et rétrocéder les 60 % restants à l’État. Mais les provinces n’ont pas de recettes propres : elles n’ont rien à retenir ni à rétrocéder ! Actuellement, l’État ne fait rentrer de l’argent que grâce à trois provinces : le Katanga, Kinshasa et le Bas-Congo, et un peu dans le NordKivu et le Sud-Kivu. Et même l’apport des provinces les plus riches au budget de l’État est quasi nul. Si vous comparez le budget de Kinshasa à celui de Luanda ou à celui de Brazzaville, c’est le jour et la nuit ! Cette décentralisation est-elle une aberration ?

La décentralisation est une revanche sur la dictature, mais elle a été mal conçue. On pouvait bien garder le pays dans sa configuration ancienne, tout en donnant des compétences aux provinces sans trop élargir la structure administrative, qui, aujourd’hui, est très coûteuse. Votre formation, le Parti lumumbiste unifié (Palu), s’est alliée au Parti du peuple pour le renouveau et la démocratie (PPRD) du chef de l’État. Tout se passe bien entre vous ?

Oui. Nous avons connu des couacs, c’est vrai, mais les institutions sont restées stables, ce qui n’est pas rien pour

Quels rapports entretenez-vous avec Kabila ?

Ils sont très bons. C’est un camarade de gauche. Nous sommes des descendants de gens qui ont fait de la résistance. C’est aussi le chef des institutions. Je crois avoir bénéficié de son expérience, parce qu’il est à la tête du pays depuis dix ans. Les législatives seront organisées le même jour que la présidentielle. Qu’en attend le Palu ?

Ce que nous souhaitons, c’est avoir au moins 200 députés. Il ne faut pas que le peuple disperse son pouvoir en le donnant à une nébuleuse. Il faut qu’il le donne à trois ou quatre formations politiques. Certaines seront dans l’opposition, d’autres dans la majorité. Mais si le pouvoir est dispersé, la gestion sera compliquée. ●

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Maghreb & Moyen-Orient

ANTHONY DEVLIN/PA WIRE

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LIBYE

L’homme qui a fait tomber Kaddafi Réputé pour son honnêteté et sa fermeté dans l’affirmation du droit, Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT), est l’une des rares personnalités nationales à bénéficier d’un large soutien de ses concitoyens pour mener le pays à bon port. Portrait.

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

ABDELAZIZ BARROUHI

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hommenepaiepasdemine.Austère et humble, il s’exprime posément, a des manières policées et sourit rarement. Mustapha Abdeljalil n’a riendusuperhéros.C’estpourtantlui qui a osé défier Mouammar Kaddafi et pris la tête de la rébellion contre sa dictature. Aujourd’hui, il est l’une des rares personnalités à bénéficier d’un soutien national pour mener le pays à bon port durant la période de transition. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Ý Sortant du 10, DOWNING STREET après une rencontre avec le Premier ministre britannique, David Cameron, le 12 mai.

la monarchie, en 1969. Depuis, les populations de la Cyrénaïque sont marginalisées, d’où leur hostilité au régime central.Oncomprendmieux pourquoi l’arc BenghaziEl-Beïda-Derna-Tobrouk est devenu l’axe stratégique des rebelles de l’Est, et Abdeljalil leur porte-drapeau.

FAN DE FOOT. C’est donc dans un cadre à la fois

urbain et lettré que Mustapha Abdeljalil voit le jour, en 1952, au sein d’une famille pieuse et conservatrice. D’où son cal sur le front, signe de piété, et sa chéchia, coiffe traditionnelle libyenne, fréquents dans la région. Après une scolarité dans sa ville natale, Abdeljalil démarre ses études supérieures en 1970, à l’université de Gar Younès, à Benghazi, où il passe une année, avant de les poursuivre à l’université d’El-Beïda, où il obtient, en 1975, un diplôme de droit (charia) à la faculté de langue arabe et d’études islamiques avec la mention « excellent ».

Il voit le jour en Cyrénaïque, la région rebelle par excellence.

Tout dans le parcours d’Abdeljalil le prédestinait à être « l’homme de la situation » dans la Libye post-Kaddafi. L’environnement d’abord. Depuis le début du siècle dernier, la Cyrénaïque est la région rebelle par excellence. C’est là que le héros national Omar el-Mokhtar a organisé, à partir de 1912, la résistance à l’occupant italien, plus précisément dans les forêts du Djebel Lakhdhar (la montagne verte), aux portes d’El-Beïda, avant d’être pendu par les fascistes en 1931, à Benghazi. Dans les années 1990, Kaddafi y a fait bombarder des groupes de jeunes rebelles sans que le monde extérieur n’en sache rien. Quatrième ville du pays avec 310 000 habitants, El-Beïda a une longue et riche histoire remontant aux Grecs anciens, qui y ont laissé des traces. Les fascistes italiens ont installé leurs colonies de peuplement dans la région, la plus arrosée du pays. El-Beïda a aussi abrité le siège du commandement de l’Afrikakorps pendant la Seconde Guerre mondiale. Au XIXe siècle, la confrérie des Senoussiya s’y est installée, faisant de la ville un centre de rayonnement religieux et éducatif. La famille royale des Senoussi y élira domicile et envisagera même d’en faire la capitale de la Libye à la place de Tripoli, avant que Kaddafi ne renverse JEUNE AFRIQUE

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Naissance à El-Beïda, dans l’Est libyen 1978

Entame sa carrière de juge 2 0 07-2 011

Ministre de la Justice 2 8 janvier 2 010

Démission rejetée 21 février 2 011

Démissionne et rejoint les rangs des révolutionnaires 5 mars 2 011

Forme le CNT, dont il devient le président 10 septembre 2 011

Arrivée triomphale dans Tripoli libéré

Abdeljalil était, surprise, féru de football, qu’il a pratiqué très jeune dans le club de sa ville natale, dont il sera par la suite le président. Il n’abandonnera la pratique du seul hobby qu’on lui connaisse qu’à l’âge de 26 ans, lorsqu’il devient juge. Très populaire dans la région grâce au foot, Abdeljalil montre déjà des qualités de meneur d’hommes. Un jour, il demande et obtient qu’on rebaptise le club de El-Beïda (« la Blanche ») pour lui accoler la mention du Djebel Lakhdhar et en faire ainsi le club de toute la région. Il y a eu d’abord de fortes réticences, mais, finalement, tout le monde s’est rendu à son avis. « Il avait une personnalité qui forçait le respect de tous ceux qui l’entouraient », raconte Fraj Bougacha, un écrivain qui l’a connu durant sa jeunesse. Ferme dans l’affirmation du droit, qu’il défendait d’une manière intransigeante, il passe très tôt pour un homme juste, honnête et pacifique. « Je n’ai donc pas été surpris qu’il devienne magistrat, poursuit Bougacha, et qu’il se soit taillé dès le départ la réputation du “juge avec lequel le droit ne se perd pas”. » La carrière d’Abdeljalil dans la magistrature se déroule à El-Beïda. Pendant trois mois, il est adjoint auprès du procureur de la ville, avant d’y être nommé juge en 1978, puis juge-conseiller. En 2002, il devient président de la cour d’appel. Quatre ans plus tard, il est président du tribunal. Déjà, dans le milieu des droits de l’homme de Tripoli, on parle de plus en plus de ce juge indépendant N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient et exemplaire qui ose défier le « Guide » dans la justice qu’il rend. JUGEMENTS MÉMORABLES. Le premier jugement

que les vétérans du barreau libyen ont encore en mémoire et qui l’a rendu célèbre remonte à 1990. Fraj Salah Kabee a passé quinze ans dans les geôles de Kaddafi. Il est accusé d’appartenance à un parti politique dans un pays où les partis sont interdits. À sa sortie de prison, il porte plainte et demande réparation. L’affaire est jugée par Abdeljalil, qui « blanchit » Kabee et condamne l’État à lui verser une forte somme à titre de dédommagement. Le deuxième jugement va encore plus loin et remonte à 1992. Kaddafi, pour mettre en pratique sa théorie du « peuple armé », fait distribuer des fusils aux citoyens, mais exige que l’on déduise le prix des fusils de leurs salaires. Fait sans précédent, Mohamed Saleh Ali, un citoyen d’El-Beïda, trouve cette déduction illégale et porte plainte, ce qui était une sorte de « suicide » à l’époque. Abdeljalil hérite du dossier et ordonne que l’administration rembourse le plaignant, et lui verse des dommages et intérêts équivalant à 50 % de la somme, avec exécution immédiate. C’est l’une des premières brèches ouvertes dans le mur de la peur. Mais cela ne rend que plus mystérieuse la nomination d’Abdeljalil comme ministre de la Justice en janvier 2007. Était-ce, comme on le murmure, à l’instigation de Seif el-Islam, chargé de redorer l’image de son père aux yeux des capitales occidentales? Était-ce parce qu’Azzouz el-Talhi, originaire de la même tribu qu’Abdeljalil et ancien Premier ministre, aurait soufflé son nom à Kaddafi ? Peutêtre les deux à la fois, mais la question était sur toutes les lèvres. En tout cas, l’arrivée de ce nouveau ministre de la Justice, qui refuse chauffeur et garde du corps, va redonner espoir aux familles des victimes d’Abou Salim, cet établissement pénitentiaire de triste mémoire, à Tripoli, où quelque 1 200 prisonniers

AUDE OSNOWYCZ POUR J.A.

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LE JOUR OÙ TOUT A BASCULÉ DANS LA NUIT DU 17 AU 18 FÉVRIER, Mustapha Abdeljalil arrive à El-Beïda, à plus d’un millier de kilomètres deTripoli, où l’ont dépêché le Premier ministre, El-Baghdadi Ali el-Mahmoudi, et Seif el-Islam pour qu’il calme les manifestants qui avaient participé à la journée nationale de la « colère », quitte à proposer de l’argent à leurs familles. Abdeljalil discute avec la population pendant trois jours. Les jeunes lui demandent de choisir son camp. Le 21 février, il annonce sa démission du gouvernement Kaddafi et son ralliement aux jeunes révolutionnaires. « Mouammar Kaddafi constitue un danger pour tous les jeunes de mon pays », déclare-t-il en protestant contre la répression armée. Il lance donc un appel à l’insurrection dans tous les coins du pays et invite les officiers de l’armée et de la police à se joindre aux contestataires. C’est le grand tournant de sa vie. Le juge conservateur s’est mué en révolutionnaire. Et le nom AZ.B. d’Abdeljalil cristallise soudain tous les espoirs. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

politiques ont trouvé la mort en 1996 après s’être mutinés pour protester contre les conditions inhumaines de détention. Pendant des années, les familles ont été réduites au silence et privées de la moindre information sur le sort de leurs proches. Elles se sont même vu refuser la restitution des corps des victimes. Elles finissent par réussir à demander la libération de ceux qui ont survécu ainsi que des dédommagements. Abdeljalil ouvre le dossier du massacre d’Abou Salim et permet à certaines de ces revendications de connaître un début de satisfaction. COUP D’ÉCLAT. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. En 2009, Abdeljalil recense plus de cinq cents détenus dont la peine est arrivée à son terme et qui sont maintenus en prison. Mais le ministère de la Justice ne peut rien, les centres de détention d’Abou Salim et d’Air Zar, dans la capitale, étant sous le contrôle des services de sécurité. « Des jugements ont été prononcés par les tribunaux pour qu’on les libère, déclare alors publiquement le ministre, mais ils n’ont pas été exécutés par les services de sécurité qui contrôlent ces prisons. » Or, on ne peut intenter une action en justice contre les responsables de la sécurité JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient des enquêteurs des organisations humanitaires internationales. L’occasion lui est fournie le 28 janvier 2010, lors de la session annuelle du CGP. Devant cinq cents délégués venus des quatre coins du pays, Abdeljalil présente sa démission. « Il y a des questions fondamentales sur lesquelles les congressistes auraient dû m’interroger, déclare-t-il. L’une d’elles est mon incapacité à faire exécuter des jugements émis par les tribunaux en faveur de trois cents détenus qui

Il promet de rendre des comptes pour ses quatre années de collaboration avec Kaddafi. continuent de croupir en prison. Face à de telles difficultés et de tels obstacles, je ne suis pas en mesure de poursuivre ma mission en raison de mon incapacité à les surmonter. » Sauf qu’en Libye on n’a pas non plus le droit de démissionner du gouvernement de Kaddafi, qui est seul à décider de la date du départ de ses membres. « Ce n’était pas ma première démission comme ministre, c’était ma quatrième », révèle Abdeljalil devant un cercle d’amis. FEUILLE DE ROUTE. Il demeure donc un an de

Ý Saluant la foule PEU du 12 septembre, place des Martyrs, à Tripoli.

APRÈS SON DISCOURS

parce qu’ils bénéficient d’une immunité et sont couverts par leurs chefs, donc par Kaddafi. « Tout ce que nous pouvons faire, c’est nous adresser au Premier ministre et au Congrès général du peuple [CGP, Parlement 100 % kaddafiste, NDLR] », s’exclamait alors un Abdeljalil impuissant devant

Ce qui attend le CNT

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Mise hors d’état de nuire de Kaddafi et de ce qui reste de ses brigades et milices

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Préparation des premières élections démocratiques, prévues dans un délai de huit mois à partir de la date marquant le début de la transition

3

Élargissement du CNT, dont le nombre de membres, après avoir été porté à 40 au lendemain de la libération deTripoli, passera à 80 pour représenter toutes les composantes du pays JEUNE AFRIQUE

4

Remaniement du gouvernement provisoire dirigé par Mahmoud Jibril, de manière à lui permettre de récupérer les fonds libyens gelés à l’étranger

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Restructuration des forces armées et des services de police, avec intégration volontaire des membres des brigades et milices de Kaddafi

plus, jusqu’au 21 février 2011, quatre jours après le déclenchement des manifestations pacifiques à travers tout le pays. Les brigades et milices de Kaddafi tirent sur la foule, faisant des dizaines de morts. Mais les révolutions des pays voisins, la Tunisie et l’Égypte, ont déjà fait tache d’huile. Les jeunes adoptent ce père de huit enfants et le pressent d’être leur image publique à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Le 5 mars, soit en l’espace d’une semaine, un Conseil national de transition (CNT) est formé sous sa présidence, avec le souci d’assurer l’équilibre entre les différentes régions et tribus du pays. Abdeljalil se pose en rassembleur et en architecte de la rébellion. Il élabore une feuille de route pour la transition et gagne le soutien de la communauté internationale. Lorsque Kaddafi menace de lancer des millions de ses partisans pour « épurer » la Libye des manifestants, qu’il appelle des « rats », et voyant que le combat est inégal, Abdeljalil n’hésite pas à appeler l’ONU et l’Otan en renfort. Réorganisés et mieux armés, les rebelles reprennent l’offensive. La route de Tripoli est ouverte, et avec elle celle de la sortie pour Kaddafi. Le 22 août, la capitale tombe. La transition démocratique peut commencer. Ce ne sera pas un chemin parsemé de roses, reconnaît Abdeljalil. Mais, pour lui, l’objectif est clair : « Ce sera le règne de l’État de droit. Tous ceux qui ont travaillé avec Kaddafi devront rendre des comptes. Je vais moi-même me soumettre, au même titre que tout autre responsable, au questionnement et à la loi pour les quatre années pendant lesquelles j’ai travaillé avec Kaddafi. » ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient

Anis Birou « Nous sommes prêts à gouverner le Maroc » Membre du bureau politique du Rassemblement national des indépendants (RNI), le secrétaire d’État marocain chargé de l’Artisanat est confiant dans les chances de son parti à la veille des élections législatives du 25 novembre.

L

e secrétaire d’État marocain chargé de l’Artisanat est un homme discret. Anis Birou, 49 ans, ingénieur de formation, est également membre du bureau politique du Rassemblement national des indépendants (RNI), à la refonte duquel il travaille, sous la houlette de son président, Salaheddine Mezouar. À l’approche des législatives du 25 novembre, Anis Birou sort de l’ombre, combatif et serein, pour défendre le bilan du gouvernement et lancer la campagne du RNI, lequel a aujourd’hui le vent en poupe. Pour la première fois depuis 1979 et Ahmed Osman, ce parti de centre droit, qui défend un « libéralisme social », pourrait en effet voir son patron et actuel ministre des Finances occuper le poste de président du gouvernement. Entretien. JEUNE AFRIQUE : Vous êtes président de la commission d’élaboration du programme du RNI. Comment travaillezvous ? ANIS BIROU : Nous essayons d’être le

plus à l’écoute possible de ce qui se passe dans notre société et d’être proches de nos concitoyens. Nous sommes en train de développer une vision stratégique et prospective qui intègre à la fois les potentialités du Maroc et les contraintes auxquelles notre pays est soumis. Notre programme doit être issu de la réalité du pays mais aussi de notre ambition pour l’avenir. Nos concitoyens pourront très bientôt en juger par euxmêmes. Nous allons utiliser tous les moyens de communication modernes pour faire connaître nos idées. Quelles sont les attentes des électeurs ?

J’ai le sentiment que les Marocains sont très fiers de la voie que s’est choisie N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

notre pays et de l’évolution que nous sommes en train de vivre. Les citoyens ont pris leurs responsabilités et ont la volonté de construire un modèle de démocratie à la marocaine. Mais vous ne pouvez pas ignorer les tensions sociales, surtout dans ce contexte régional. Le 11 septembre, le Mouvement du 20 février manifestait encore dans tout le pays…

Nous en sommes conscients et nous sommes à l’écoute de ces revendications. D’ailleurs, plusieurs jeunes du 20 février ont rejoint notre parti. Au niveau local, nos instances ont su ouvrir le dialogue avec eux et leur ont donné un espace d’expression. Ces jeunes veulent contribuer à la construction du Maroc de demain et il faut le leur permettre. Certains d’entre eux participent à l’élaboration du programme et ils pourraient même être candidats s’ils respectent les critères de probité, de proximité et de compétence que nous avons fixés.

Beaucoup d’observateurs voient déjà Salaheddine Mezouar en président du gouvernement. Partagez-vous cet optimisme ?

Je crois que le RNI a réussi sa mue, entamée en 2010. À l’époque, le Mouvement des réformateurs a permis de porter à la présidence notre ami Salaheddine Mezouar, actuel ministre des Finances. Depuis, les choses ont beaucoup bougé au sein du parti. Nous nous sommes restructurés, modernisés, et nous n’avons de cesse d’ouvrir nos portes aux jeunes et aux femmes. Aujourd’hui, le RNI a les épaules pour diriger un gouvernement. Nous comptons dans nos instances des cadres de très haut niveau, dotés d’un grand sens des responsabilités et conscients du contexte actuel, aussi bien au niveau régional que national. Comme tous les partis, nous travaillons pour gagner. Mais pour gagner, il faut des alliances…

Nous avons noué une alliance avec le Parti Authenticité et Modernité (PAM), l’Union constitutionnelle (UC) et le Mouvement populaire (MP). C’est une alliance stratégique et non pas de circonstance. Nous partageons, dans les grandes lignes, un même projet de société pour le Maroc.

UN SECTEUR QUI FAIT DE LA RÉSISTANCE AVEC UN CHIFFRE D’AFFAIRES de 80 milliards de dirhams (environ 7 milliards d’euros), l’artisanat fait vivre plus de 8 millions de Marocains. « C’est un secteur qui a une importance à la fois sociale, culturelle et politique, parce que l’artisan est souvent un citoyen engagé, qui a de l’influence sur ses concitoyens », explique Anis Birou. Mais le secteur a longtemps été plombé par un manque de vision à long terme, la perpétuation de l’informel et un déficit d’encadrement. Très lié au tourisme, l’artisanat a subi la crise de plein fouet. « Mais l’impact a été moins fort que prévu, parce que le secteur a été soutenu par le marché national », note le secrétaire d’État, qui a l’ambition de développer l’exportation en se tournant vers de nouveaux marchés, comme l’Amérique latine, les pays de l’Est ou le Golfe. « Nous allons aussi développer une stratégie vers l’Afrique subsaharienne et un programme de labellisation et de certification qui permettra de maintenir l’artisanat à son meilleur niveau », conclut Anis Birou. ● L.S. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Ý « La campagne campagn approche et, AVEC ELLE, son lot de polémiques et d d’attaques. »

Cette allian alliance va contribuer à rationaliser le champ politique cham l’heure où le à l’ citoyen réclame cito plus de lisibilité afin de distinguer af des blocs clairs. de Demain, s’il nous De choisit, il saura ch quel est notre programme et par quels moyens nous entendons le mettre en œuvre. œu N’est-il N’est- pas paradoxal pou pour un parti de gouvernement d’être gouver allié ave avec un parti d’opposition (le PAM) ?

Il ne faut pas voir choses comme les ch Nous ne devons ça. No attendre que les pas atte élections aient lieu élection pour commencer à chercher des alliés. cherch n’allons pas faire Nous n’a des calculs en fonction des résultats de chacun. Notre

y remédier et montrer que toutes les composantes du gouvernement ont travaillé en bonne intelligence. Il y a eu des succès, des manquements : c’est à présent au citoyen de juger. Salaheddine Mezouar s’est emporté contre le choix du 25 novembre comme date des élections en raison de la concomitance avec les discussions sur la loi de finances au Parlement. Partagez-vous ses appréhensions ?

Bien sûr. Le bureau politique s’est dans son ensemble inquiété du choix de cette date. La loi de finances conditionne toute l’action du gouvernement, et son importance justifie qu’elle soit discutée dans les meilleures conditions possibles. Mais une solution devrait être trouvée. D’une manière générale, le RNI est parvenu à se faire entendre au cours des discussions avec le ministère de l’Intérieur. Bien sûr, nous n’avons pas été satisfaits à 100 %, mais c’est le jeu de la démocratie et nous l’acceptons. Je crois que tous les partis politiques sont conscients de vivre un moment historique et qu’ils prennent leurs responsabilités. Les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) ont exprimé davantage de réserves…

Ils ont été écoutés au même titre que les autres. Personne n’est exclu du jeu politique. La campagne approche et, avec elle, son lot de polémiques et d’attaques.

L’a L’alliance que nous avons constituée est stratégique. Nos partenaires et nous straté partageons le même projet de société. partageo

HASSAN OUAZZANI

alliance s’inscrit dans l’avenir, nous avons pour c’est-à-dire que nou gouverner ensemble. objectif de gouverne

JEUNE AFRIQUE

Le gouvernement a publié son Makassib, une inibilan sur le site Mak tiative à laquelle vous avez participé. opération électorale N’est-ce pas une opér déguisée ?

Pas du tout. Je crois croi que l’équipe gouvernementale a beaucoup travaillé, mais qu’elle a parfois péché communication. par manque de co On nous l’a d’aill d’ailleurs suffisamNous avons voulu ment reproché. Nou

Mais nous refusons d’y attacher de l’importance. Il faut que règne un climat de confiance afin que les élections législatives du 25 novembre soient un moment aussi marquant que le référendum sur la Constitution. Serez-vous candidat à Berkane, votre ville natale ?

C’est le souhait que j’ai exprimé, mais la décision sera prise au niveau des instances du parti. Évidemment, j’ai envie d’aller sur le terrain et de contribuer au développement de ma province. ● Propos recueillis par LEÏLA SLIMANI N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient MOYEN-ORIENT

Pas de printemps pour les Kurdes Entre mi-juillet et début septembre, les armées turque et iranienne ont pilonné sans merci les positions des rebelles du PKK et du Pjak, y compris dans le nord de l’Irak.

A

ux confins de l’Iran, de l’Irak et de la Turquie, un territoire montagneuxest,depuisjuillet, le théâtre d’une guerre aussi peu médiatisée que sanglante. Du 16 juillet au 5 septembre, les Gardiens de la révolution islamique (GRI, les Pasdarans), armée idéologique de la République d’Iran, ont pilonné à l’artillerie lourde les zones frontalières du Kurdistan irakien. Le 17 août, l’aviation turque est entrée à son tour en action, bombardant la région jusqu’au 4 septembre. Villages détruits, populations en fuite, victimes civiles : malgré les vives protestations des autorités irakiennes, l’armée turque annonce que les opérations se poursuivront « jusqu’à ce que le nord de l’Irak devienne une zone sûre et vivable ». Côté iranien, le colonel des GRI, Hamid Ahmad, déclarait, le 2 septembre, que l’offensive continuerait « jusqu’à ce que la région soit débarrassée des terroristes ». Depuis les années 1980, le Nord irakien est la base arrière des indépendantistes armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour leurs opérations en Turquie. Retranché dans la même zone, le Parti pour une vie libre au Kurdistan (Pjak),

émanation du PKK, poursuit en Iran les mêmes buts que le PKK en Turquie : la lutte pour l’autonomie par des actions de guérilla et des attentats contre les forces de sécurité. Dès 1991, les puissances turque et iranienne multiplient les opérations militaires pour réduire les organisations rebelles armées. Après la première guerre du Golfe, l’autonomisation de fait du Nord irakien a profité aux mouvements kurdes, dès lors à l’abri de l’impitoyable répression de Saddam Hussein. OPÉRATION TERRESTRE ? Comme Téhéran, Ankara justifie ses offensives par les nombreux attentats commis sur son territoire. Les deux États dénoncent l’incapacité de Bagdad à assurer l’étanchéité de ses frontières septentrionales. Mais le gouvernement central a peu d’emprise sur le gouvernement régional du Kurdistan, dont le président, Massoud Barzani, refuse d’intervenir par crainte « d’une guerre interkurde ». Un analyste kurde irakien souligne d’ailleurs que Saddam Hussein, malgré une implacable campagne antiKurdes qui a fait près de 200 000 morts et des centaines de milliers de déplacés,

ASSAD LEUR FAIT LES YEUX DOUX EN SYRIE, le Printemps arabe mobilise-t-il les Kurdes ? « La jeunesse et la population participent en masse aux manifestations, alors que les chefs politiques et tribaux appellent au calme », explique le politologue libanais Ziad Majed. Ces derniers semblent avoir modéré leurs revendications devant la menace de conflit communautaire brandie par le régime, mais aussi après les concessions faites par celui-ci. En avril, le président Assad a ainsi octroyé la nationalité syrienne aux « étrangers de Hassakeh », 300 000 Kurdes qu’un recensement très superficiel en 1962 a laissés sans état civil. Le pouvoir cherche ainsi à gagner le soutien d’une communauté qui avait massivement manifesté son rejet du système baasiste en 2004 et 2005, malgré une répression féroce. Les chefs ont acquiescé, mais les aspirations de la jeunesse kurde sont les mêmes qu’à Deraa. Avec une dimension supplémentaire : ils souhaitent que la « République arabe syrienne » devienne la « République syrienne ». Saladin, le plus grand héros national, n’était-il pas kurde ? ● L.S.P. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

LE FIGARO

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n’est lui-même jamais parvenu à réduire la guérilla. Extrêmement mobile, celle-ci a établi depuis des années son principal nid d’aigle dans les monts escarpés du Qandil, massif frontalier qui culmine à 3 275 m d’altitude entre l’Iran et l’Irak. C’est sur cette région de transhumance et de contrebande difficilement contrôlable que se sont concentrés les feux des deux armées cet été. Mais d’autres zones ont également été visées: les bombardements turcs ont atteint des objectifs disséminés dans tout le Kurdistan irakien et les GRI ont mené de violentes offensives début septembre à Sardasht, en territoire iranien. La guerre de l’information aussi fait rage. Le 29 août, l’armée turque annonçait avoir tué entre 145 et 160 séparatistes au cours de dizaines de sorties, mais, une semaine plus tôt, le PKK ne déplorait que 3 morts. De son côté, le Pjak annonçait avoir tué 300 soldats iraniens, dont 3 généraux, au cours de l’offensive des GRI du 16 au 31 juillet, et 76 autres les 2 et 3 septembre, chiffreramenéà2parlesmédiasiraniens… Rare information concordante, les GRI comme le Pjak confirment l’élimination de Majid Kawiyan, alias Samkou, numéro deux du Pjak, dans un bombardement en Iran, le 3 septembre. Une chose est sûre: malgré le déluge de bombes qui s’est abattu sur elle, la guérilla est encore active, et l’objectif annoncé par JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

les Turcs et les Iraniens n’est pas atteint. Le 11 septembre, à Semdinli, localité turque frontalière avec l’Irak, des commandos du PKK ont attaqué un commissariat et une caserne de gendarmerie, tuant 3 civils et 2 membres des forces de sécurité. Pourtant, depuisle5septembre,lesbombardements turcs et iraniens semblent avoir baissé d’intensité en Irak. Une accalmie avant la tempête ? C’est ce que laisse présager le ministre turc de l’Intérieur, qui a déclaré, le 13 septembre: « Une opération terrestre pourrait être menée à tout moment. » Depuis quelques semaines, les troupes turques ont été considérablement renforcées sur la frontière irakienne. Alors que le cessez-le-feu proposé le 5 septembre à l’Iran par le Pjak a été rejeté. ENNEMI COMMUN. Y a-t-il eu coordination entre Ankara et Téhéran ? De nombreux médias le supposent, mais les autorités militaires ne se sont pas exprimées sur ce point, et certains commentateurs avancent qu’une telle coordination

le pourchasser, l’Iran a longtemps aidé le PKK et ses alliés contre l’ennemi commun en Irak, Saddam Hussein. En 1998, la Turquie avait failli déclarer la guerre à la Syrie, qui soutenait alors le PKK. À l’opposé, l’entente entre États s’est toujours faite au détriment des mouvements kurdes : le traité de Saadabad conclu en 1937 entre l’Irak, l’Iran et la Turquie,commelesaccordsd’Alger de 1975 entre le chah et Saddam Hussein, visaient à coordonner la lutte contre les indépendantistes. Aujourd’hui, les relations plutôt apaisées entre les quatre États sont de mauvais augure pour les mouvements rebelles, comme l’illustrent l e s o p é rat i o n s récentes. Le traité de Sèvres de 1920 avait prévu la création d’unÉtatkurde.Troisans est aujourd’hui peu probable. Force est plus tard, le traité de Lausanne redessinait le Moyen-Orient, octroyant ces territoires toutefois de constater la synchronisation à la Turquie kémaliste. Les Kurdes – 25 à des attaques en Irak. Sans échanges de 35 millions de personnes réparties sur renseignements, les pilotes turcs auraient 503 000 km2 – sont aujourd’hui la plus pu confondre les forces iraniennes avec des troupes rebelles. Enfin, s’il est peu grande des « nations sans État ». Si la plupart d’entre eux n’espèrent plus l’indépenprobable qu’un état-major mixte ait été dance, ils rêvent de pouvoir un jour vivre formé pour l’occasion, les deux puissanlibrement sur leur terre. Mais un peuple ces avaient tout intérêt à partager leurs qui utilise trois alphabets, parle trois diainformations pour donner la chasse à lectes, compte de nombreuses minorités l’ennemi commun. religieuses et une multitude de partis politiques soumis à Malgré le déluge de bombes toutes les influences peut-il qui s’est abattu sur elle, la guérilla créer un ensemble homone désarme pas. Et riposte. gène ? Du reste, la voie prônée aujourd’hui par le Pjak, À cheval sur l’Iran, l’Irak, la Turquie et le PKK et la plupart des Kurdes est celle la Syrie, le Kurdistan est un enjeu essend’une autonomie régionale au sein des tiel depuis les guerres qui ont opposé la États existants. Combinée à une modernisation de la langue sur le modèle de l’arabe Perse safavide et l’Empire ottoman dès et à la libre circulation des biens et des le XVIe siècle. Réprimés par les autoripersonnes, cette autonomie pourrait être tés locales, les indépendantistes kurdes le fondement d’une unité retrouvée. ● ont souvent été instrumentalisés par les LAURENT DE SAINT PÉRIER puissances voisines en conflit. Avant de

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Maghreb Moyen-Orient

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ASMAA WAGUIH/REUTERS

Ý Lors des NÉGOCIATIONS AVEC LES PARTIS POLITIQUES, le 6 février, cinq jours avant la chute de Moubarak, au Caire.

ÉGYPTE

Où est passé Omar Souleimane ?

Figure centrale du régime de Hosni Moubarak, l’ancien chef des services de renseignements – et ex-vice-président – a tout simplement disparu. À moins qu’il ne prépare son come-back…

«

E

n ces circonstances difficiles que vit le pays, le président Mohamed Hosni Moubarak a décidé de démissionner du poste de président de la République et de céder la direction des affaires au Conseil suprême des forces armées. » C’est en ces termes qu’Omar Souleimane, alors vice-président, a annoncé le départ du chef de l’État, le 11 février. Mais depuis ce discours historique, l’ex-chef des renseignements

égyptiens semble s’être volatilisé. « Il n’a plus de poste officiel, sa carrière est dans une impasse, il est donc normal pour lui de se placer en retrait de la scène politique pour réfléchir à son avenir politique et revoir sa stratégie », explique Ahmed NaguiAmha,chercheurauCentred’études politiques et stratégiques Al-Ahram. À la fin du ramadan, Omar Souleimane a discrètement élu domicile à Alexandrie, loin du tumulte et de l’agitation révolutionnaire cairotes. Sa dernière apparition

publique date du 30 août, à l’occasion de la prière de l’Aïd, dans une mosquée de la cité méditerranéenne, où il a été accueilli par une foule de supporteurs en liesse. « Il fait partie des personnalités les plus importantes du paysage politique. Il est capable de rétablir la sécurité et la stabilité », explique Mohamed Mohamed Ahmed, porte-voix de l’une des nombreuses campagnes de soutien à l’ancien numéro deux du régime qui ont fait leur apparition sur la toile. Objectif: encourager Omar Souleimane à se présenter à la prochaine présidentielle. « Nous sommes sûrs à 90 % qu’il va se présenter », confie Mohamed, qui affirme être en contact avec l’un de ses proches et qui doit rencontrer prochainement celui qui a dirigé pendant vingt ans les renseignements égyptiens. ENQUÊTES. Mais l’engouement qu’il suscite ne semble pas troubler la retraite d’Omar Souleimane. Le 7 juillet, il est sorti de son mutisme pour démentir les rumeurs insistantes annonçant sa candidature à la présidentielle. « Pendant des années, je n’ai pas ménagé ma peine pour servir l’Égypte et la protéger, parfois au péril de ma vie », explique-t-il dans une lettre adressée au quotidien gouvernemental Al-Ahram. À 76 ans, l’ancien vice-président, originaire de Qena, en Haute-Égypte, veut « se reposer et consacrer du temps à sa famille ». Pas sûr cependant que les révolutionnaires le laissent en paix. Plusieurs activistes ont en effet porté plainte contre cet acteur incontournable des négociations israélo-palestiniennes. Une enquête pour


TÉMOIN CLÉ. L’ex-patron des rensei-

gnements est également décrédibilisé par sa loyauté sans faille à l’égard de l’ancien président, qui n’a en retour jamais douté de lui. Et pour cause : en 1995, c’est sur l’insistance de Souleimane que la Mercedes présidentielle blindée qui sauva la vie à Moubarak, visé par des terroristes soudanais, fut acheminée à Addis-Abeba. Ce n’est donc pas un hasard si c’est lui que l’ex-raïs a choisi pour devenir son premier – et dernier – vice-président au moment où a éclaté la révolution, en janvier. Mais pour Ahmed Nagui Amha, « Souleimane n’a eu d’autre choix que d’accepter ce poste. Il s’est efforcé de réunir toutes les composantes de la société et les différentes forces politiques pour trouver une sortie de crise ». D’après le chercheur, le chef des renseignements « était impuissant face à l’entourage corrompu du chef de l’État », d’autant que la Constitution ne lui accordait alors aucune prérogative tant que le président était en place.

Il conserve des partisans, qui l’appellent à se présenter à l’élection présidentielle. Toujours est-il que sa présence auprès de Moubarak pendant plus de vingt ans en fait l’un des témoins clés dans le procès de l’ancien chef de l’État, accusé de meurtre et de corruption. Le compte rendu de l’une de ses auditions révèle qu’il aurait assuré au procureur général que ni Moubarak ni son ministre de l’Intérieur n’avaient donné l’ordre de tirer sur la foule. Des propos contradictoiresrapportésparunquotidien indépendant laissent cependant penser qu’il a mis en cause le président déchu. « Moubarak était au courant de chaque balle tirée sur les manifestants », aurait-il ainsi déclaré. Son témoignage devant le tribunal, le 13 septembre, a eu lieu à huis clos. Personne ne sait donc quel aura été son dernier mot. Une chose est sûre : comme en 1995, la vie de l’ex-dictateur est entre ses mains. ● TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE

Maghreb & Moyen-Orient

IRAN L’AYATOLLAH DE LA FRAUDE

courrier attribué à l’ex-directeur de cabinet d’Ahmadinejad, Rahim Mashaie, dans lequel ce dernier demande au ministre des Finances de faciliter les opérations de X. « Nos adversaires mènent une guerre médiatique et politique à coups de mensonges et d’accusations », a dénoncé le président iranien, lors d’un discours, le 14 septembre. Il a appelé à l’ouverture d’une enquête « honnête » pour identifier les responsables. Depuis plusieurs mois, Mashaie est dans le collimateur des ultraconservateurs. ●

C’est le plus gros scandale financier qu’ait jamais connu l’Iran. Surnommé « Monsieur X », un fraudeur aurait soutiré près de 2,6 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros) à sept banques grâce à de fausses lettres de crédit. Il aurait ensuite racheté en toute impunité des entreprises et notamment la principale aciérie du pays. Le scandale financier est devenu politique depuis la publication, le 13 septembre, d’un

IRAK-KOWEÏT VIEUX DÉMONS Le Koweït a procédé à un important déploiement de troupes près du chantier du port Moubarak, à l’embouchure du Chatt al-Arab, en réaction aux vives protestations de Bagdad, qui reproche à son voisin de vouloir concurrencer le futur port irakien de Fao. Enjeu : le contrôle de l’accès au golfe Persique, par où transitent les exportations de pétrole de toute la région. ARABIE SAOUDITE PRÉJUGÉS ANTIMAROCAINES L’Indonésie et les Philippines ayant gelé l’émigration d’employées de maison vers l’Arabie saoudite, Riyad veut recruter au Maroc. Mais nombre de Saoudiennes ne l’entendent pas de cette oreille, qui ont inondé le Parlement de lettres de protestations. Accusées d’être

des séductrices et de pratiquer la magie noire, les Marocaines ont la réputation d’être des briseuses de ménage. « La Choura ne discutera pas ces demandes, qui sont complètement irrationnelles », a rétorquéTala al-Bakri, président de la Commission des affaires sociales et familiales. ISRAËL EFFORT DE GUERRE… CONTRE LA PRÉCARITÉ La commission Trajtenberg, désignée par le gouvernement israélien pour répondre à la grogne sociale, doit rendre

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ses conclusions le 29 septembre. Selon des indiscrétions, le rapport final recommanderait une coupe de 817 millions de dollars dans le budget défense pour financer les réformes socioéconomiques. Les dépenses militaires annuelles d’Israël s’élèvent à 13 milliards de dollars, dont 3 milliards d’aide américaine, soit environ 7 % du PIB. La Commission recommanderait également d’augmenter les impôts pour les classes les plus aisées et de bloquer les loyers pour les ménages les plus précaires.

Æ MANUEL TRAJTENBERG, président de la commission du même nom.

DR

corruption a été ouverte par le procureur général. Une autre essaie de déterminer le rôle de Souleimane dans la vente de gaz à Israël à un prix inférieur à celui du marché. Le plus grand secret entoure cependant tous ces dossiers.

Coulisses

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Europe, Amériques, Asie

JAPON

Touché, mais pas coulé

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Six mois après le séisme et le tsunami qui ont cruellement frappé l’archipel, l’économie japonaise donne des signes de reprise. Même si tous les vents ne sont pas favorables…

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ALAIN FAUJAS

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225 %

du PIB, soit 12 000 milliards de dollars

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écidément,leshommespolitiques japonais n’aident pas vraiment leur pays meurtri par le terrible séisme et le tsunami géant qui s’est ensuivi, provoquant, le 11 mars, la mort ou la disparition de 19 868 personnes, 160 milliards de dollars de dégâts (le double du tremblement de terre de Kobé en 1995) et la récession de l’archipel. Le 12 septembre, dix jours à peine après son arrivée à la tête du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (Meti), Yoshio Hachiro a dû céder sa place à Yukio Edano. Multipliant les gaffes, il avait d’abord déclaré que les rues désertes des abords de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima lui faisaient penser à « un cimetière ». Puis, de retour de la zone irradiée, il avait fait mine de frotter sa veste contre celle d’un journaliste en plaisantant qu’il était lui aussi contaminé. Un manque de respect pour les populations sinistrées qui lui a coûté son poste. Cette péripétie n’inquiéterait guère si elle ne s’inscrivait dans une longue série de scandales de corruption et de démissions. Pas moins de six Premiers ministres se sont succédé en cinq ans, et le Parti démocrate au pouvoir est si divisé que la presse nationale le compare à l’Afghanistan… Cette instabilité politique a conduit l’agence Moody’s à dégrader d’un cran, à Aa3, la note de la dette publique japonaise. Yoshihiko Noda, le nouveau Premier ministre, présenté comme « le candidat du patronat et du ministère des Finances » – il a quitté la tête de ce dernier en août –, saura-t-il s’affirmer comme l’animateur d’une économie dont la reprise est bien laborieuse? Pas sûr. Juste après son élection, il

s’était non sans humour décrit comme un « homme ordinaire », « pas élégant » et dont le « physique n’est pas un élément de vente ». L’impact du cataclysme sur l’économie a été rude, aussi bien au premier trimestre (– 3,5 %) qu’au deuxième (– 2,1 %) : la paralysie de l’appareil industriel, détruit ou privé d’énergie (seuls onze des cinquante-quatre réacteurs nucléaires fonctionnent), a affecté les exportations (– 5 % au deuxième trimestre) et l’investissement privé (– 2,5 %). « C’est l’investissement public qui tirera la croissance, car le ralentissement constaté également en Asie ne permettra pas aux exportations de servir de moteur », commente Danielle Schweisguth, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Deux JEUNE AFRIQUE


PASCAL BASTIEN

Europe, Amériques, Asie

rallonges budgétaires d’un total de 55 milliards d’euros ont été votées, et le nouveau gouvernement devrait faire bientôt adopter un troisième plan de soutien de 95 milliards d’euros. REBOND ATTENDU. Tout le monde s’attend à ce

TTE DES

du PIB, soit 14700 milliards de dollars

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JEUNE AFRIQUE

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que la machine économique nipponne reparte d’ici à la fin de l’année, ce qui n’évitera pas pour autant la récession (– 0,5 %) en 2011. Le rebond prévu en 2012 devrait être fort, et la croissance avoisiner 3 %. À l’image de Toyota, nombre d’entreprises ont déjà retrouvé leurs capacités de production d’avant le séisme. Mais les vents ne sont pas tous favorables. D’abord, le Premier ministre a rappelé, le 13 septembre, que la hausse du yen « représente une

menace sans précédent pour l’industrie » en raison du « risque de délocalisation et de pertes d’emplois » que provoque sa cherté historique par rapport au dollar. La Banque du Japon ayant tenté en vain d’acheter massivement des dollars, le 4 août, Noda voudrait consacrer une partie du prochain plan à aider les PME à compenser le handicap du yen fort. Autre fardeau qui pèse sur le redressement : la dette publique. Avec 12 000 milliards de dollars accumulés, elle est la plus élevée au monde proportionnellement au PIB (225 %). Certes, elle est détenue à 95 % par les Japonais et se trouve donc à l’abri de la spéculation des hedge funds ; mais elle croît de 10 % par an sous l’effet des déficits budgétaires, chroniques depuis 1992. Le Premier ministre a promis de cesser de verser « des seaux d’eau dans une passoire » et de mettre le cap sur la rigueur. Il a montré symboliquement l’exemple, le 10 septembre, en se rendant chez un coiffeur de la chaîne QB qui Ý DANS UNE RUE propose une coupe de cheCOMMERÇANTE veux sans shampoing en dix d’Asakusa, un minutes et pour 9 euros. quartier de La réforme fiscale et la Tokyo, fin avril, un mois après hausse des impôts, dont Noda la catastrophe était partisan lorsqu’il était de Fukushima. simple ministre, s’annoncent plus compliquées. « Il va devoir s’attaquer à un tabou, explique Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine. Le précédent de 1997 tétanise la classe politique : à l’époque, la hausse de la TVA de 5 % à 7 % (ramenée depuis à 5 %) avait coupé les ailes à la reprise. Or on dit que le projet de réforme de la TVA porterait celle-ci de 5 % à 10 %. Ce qui pourrait étrangler la demande et donc réduire les recettes fiscales. Sur un grand corps malade comme le Japon, cela peut faire plus de mal que de bien ! » POISSON-CHAT. Les signes d’un mieux existent pourtant. Depuis le 9 septembre, les dernières restrictions à la consommation électrique des entreprises de la région de Tokyo et du Tohoku (Nord-Est, où se trouve Fukushima) sont levées. Les escalators et les distributeurs de boissons, arrêtés par mesure d’économie, fonctionnent à nouveau. Mais les incertitudes qui planent sur la conjoncture mondiale pourraient, selon Geoffron, condamner l’archipel à une « langueur monotone ». Les Japonais sont sans illusions sur les capacités de leur classe dirigeante à leur épargner cette épreuve. C’est seuls, avec leur formidable capacité de résistance, qu’ils se tiennent prêts à toute éventualité car, depuis le 11 mars, 559 répliques de magnitudesupérieureà5surl’échelledeRichteront été enregistrées, dont six de magnitude 7. Onamazu, le poisson-chat géant qui, selon la légende, dort sous le Japon et provoque des séismes quand il se réveille, frétille toujours. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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JACKY CHEN/REUTERS

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PIQUE-NIQUEURS NORD-CORÉENS saluant des plaisanciers chinois sur le fleuve frontalier de Yalu. CORÉE DU NORD

Miracle à Pyongyang

Le long hiver stalinien est-il en train de prendre fin ? En tout cas, les signes avant-coureurs du printemps se multiplient. Au moins dans la capitale.

I

éclairent les passants promenant leur l est des symboles dont la Corée du Nord se passerait bien. Pas un article chien. De nombreux logements ont par sur Pyongyang qui ne mentionne ailleurs été construits. « Ils sont très foncl’hôtel Ryugyong, cette pyramide tionnels et plutôt jolis », s’enthousiasme de béton inachevée au cœur de la ville, Suk-Myong, une commerçante jointe symbole de l’extravagance du régime et de par téléphone en Chine, où elle se rend l’effondrement de l’économie. Mais tout régulièrement pour acheter les derniers devrait changer. Grâce au groupe égyptien DVD de séries télévisées sud-coréennes. Orascom, qui, depuis 2008, investit dans Bien que leur importation soit illégale, ces le réseau de téléphonie mobile norddernières font un tabac. Et le bruit court coréen, le Ryugyong renaît de ses cendres, que Coca-Cola et Kentucky Fried Chicken près de vingt ans après sa construction. pourraient s’implanter à Pyongyang dans Si tout se passe bien, l’établissement les prochains mois ! entièrement rénové devrait être prêt pour En apparence, les rapports avec l’enles célébrations du centième annivernemi « capitaliste » sont toujours aussi saire de la naissance de Kim Il-sung, le peu cordiaux. Mais la réalité est plus « père de la patrie », en 2012. Avec ses nuancée. Fondée par un Américain et marbres précieux et son verre gris, l’hôtel inaugurée il y a un an, la Pyongyang Ryugyong est censé, du haut de ses 330 m University of Science and Technology surmontés d’une antenne Orascom, illustrer à l’avenir Le bruit court que Kentucky Fried les progrès économiques du Chicken et Coca-Cola pourraient pays. Et le développement de ses infrastructures de bientôt s’implanter dans la ville ! communication. À Pyongyang, plus de 530 000 foyers (Pust) est un succès. Associated Press, possèdent désormais un ou plusieurs télél’agence de presse américaine, va bienphones portables. En quelques années, tôt s’installer dans la capitale, suivie la capitale nord-coréenne s’est métamordans la foulée par Reuters, sa consœur phosée. Les grands magasins sont plus britannique. animés, le choix des produits proposés Pas d’illusions, pourtant. Si la vie est plus large. Dans les rues hier si somchange à Pyongyang, dans les campabres dès la nuit tombée, des lampadaires gnes dévastées par les inondations, le N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

quotidien demeure rude, en dépit d’une aide alimentaire de 10 millions d’euros octroyée par la Commission européenne. Mais les zones frontalières de la Chine connaissent une nouvelle prospérité. Les touristes chinois sont ainsi encouragés à venir dépenser leurs yuans à Sinuiju, de l’autre côté de la frontière. La KITC (agence de tourisme officielle) propose même depuis peu des croisières au départ de Rason, sur la côte est, à destination des monts Geumgang, interdits depuis cet été aux touristes sud-coréens. « Les Chinois ne s’intéressent ni aux paysages ni à la culture, tempère un de ses dirigeants. Il faudra multiplier les casinos pour les attirer. » PÉKIN VOIT LOIN. Si la Chine se montre

si patiente avec sa turbulente alliée, qui la met souvent en porte-à-faux vis-àvis de la communauté internationale, c’est avant tout afin de la conduire sur le chemin de la prospérité économique. Et d’en récolter les fruits. L’inauguration, en août, par des responsables nord-coréens et chinois de la zone économique spéciale des îles Hwanggumpyong et Uihwa, sur le fleuve Yalu, face à la ville chinoise de Dandong, illustre cette stratégie à long terme. Tout comme l’avancement des travaux dans une autre zone spéciale, celle de Changchun-Jilin-Tumen, côté Mandchourie chinoise cette fois, qui montre que la Chine voit plus loin encore en se préparant, sur son propre territoire, au développement économique de sa voisine coréenne. Que cette dernière soit nord-coréenne ou, dans un futur peutêtre pas si lointain, réunifiée. ● JULIETTE MORILLOT JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS

Un Texan peut en cacher un autre

SCOTT AUDETTE/REUTERS

Ultraconservateur, populiste et chrétien fanatique, il brigue l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2012. George W. Bush ? Non, Rick Perry.

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ans la course à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2012, Rick Perry, c’est un peu l’éléphant dans un magasin de porcelaine. Entré tardivement en lice, le gouverneur du Texas écrase depuis la concurrence. Selon les derniers sondages, il devancerait même Mitt Romney, qui fit longtemps figure de favori. Ancien boy-scout, Perry, 61 ans, est l’incarnation de la droite américaine pure et dure. Bottes de cow-boy et sourire carnassier, c’est un Texan pur jus – il est né dans les grandes plaines désolées de l’ouest de l’État. À Ben Bernanke, le président de la FED, la Réserve fédérale, qu’il accuse d’avoir détraqué l’économie, il a promis un comité d’accueil musclé si, d’aventure, l’envie lui venait de se rendre au Texas. Au niveau des idées, c’est du Tea Party dans le texte. Populiste jusqu’au bout des ongles, il n’a pas de mots assez durs pour fustiger le big government et souhaite ouvertement le démantèlement de la Sécurité sociale, institution qu’il compare au « schéma de Ponzi » cher à l’escroc Bernard Madoff ! Son cri de ralliement ? « Fed up » (« y en a marre »), titre de son JEUNE AFRIQUE

deuxième livre. Sur le plan des mœurs, c’est du même tonneau. En bon boy-scout qu’il est resté, il appelle de ses vœux une refondation morale de l’Amérique, mais se montre d’une extrême férocité lorsqu’il s’agit d’imposer le respect de l’ordre. Depuis onze ans qu’il gouverne le Texas, il a fait exécuter plus de 230 détenus. Un sinistre record. HOMÉLIE. Dieu est pourtant au cœur

responsable du cancer du col de l’utérus. Un instant d’égarement dont il s’est depuis excusé. Bateleur surdoué, Rick Perry, à l’instar d’une Sarah Palin (qui maintient le mystère sur ses intentions présidentielles), commet périodiquement de retentissantes bourdes. Des exemples ? Pour lui, les homosexuels sont semblables « aux alcooliques qui ne peuvent s’empêcher de boire ». Devant la pagaille qui règne à Washington, il est allé jusqu’à brandir la menace d’une sécession du Texas ! Mais le plus grand handicap de Perry, c’est sa ressemblance avec George W. Bush, l’un des pires présidents de l’histoire des États-Unis, auquel il a d’ailleurs, en 2000, succédé à la tête du Texas. Même côté brut de décoffrage… Même accent traînant… On comprend qu’il fasse tout pour s’en Ý RICK PERRY, démarquer. Pour 61 ans, marquer sa difféen campagne à rence – « GWB » Tampa (Floride), le 12 septembre. est l’héritier d’une illustre dynastie politique –, il évoque à tout propos ses racines populaires – il est fils de fermier – et son diplôme en sciences animales décroché dans une obscure université texane… Les primaires ont véritablement commencé avec le débat télévisé du 7 septembre. Sauf grosse surprise, l’investiture républicaine devrait se jouer entre Perry, Romney et, peut-être, Michele Bachmann. Le premier possède un atout majeur : il gouverne l’État qui a créé le

des convictions de ce chrétien méthodiste. Début août, dans un stade de Houston, il a Depuis onze ans qu’il gouverne célébré devant 30000 perle Texas, il a fait exécuter plus sonnes une grand-messe aux allures de meeting. de 230 détenus. Un sinistre record. Morceau choisi dans son homélie : « Seigneur, notre cœur saigne plus d’emplois au cours de la décennie pour l’Amérique. La discorde règne dans écoulée. Une performance dans une Amérique où le taux de chômage reste les allées du pouvoir et sur les marchés. Nous avons oublié Celui qui nous a faits bloqué à 9 %… et, pour cela, nous implorons Ton parIl a tout pour être le redresseur de torts don. » Édifiant, non ? que l’Amérique conservatrice attend Curieusement, Perry n’a pas toujours désespérément. Celui qui ramènera les été le conservateur forcené qu’il est emplois et restaurera la fierté d’un pays devenu. Il y a vingt ans, il était démodéboussolé. S’il remporte la primaire, il crate et proche d’Al Gore. En 2007, il aura une belle carte à jouer en 2012, face a même proposé que les mineures du à un Barack Obama affaibli. ● Texas soient vaccinées contre un virus JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

EN 2013, AU METROPOLITAN OPERA DE NEW YORK, le chanteur interprétera le Jules César de Haendel.

Rachid Ben Abdeslam Un contre-ténor à contre-courant Le chanteur lyrique d’origine marocaine s’est imposé dans un milieu exigeant et truffé de préjugés. Il œuvre aujourd’hui à la valorisation du patrimoine musical oriental.

C

est un heureux hasard qui, un jour, entraîne Rachid Ben Abdeslam devant les portes de la cathédrale où se produit la chorale de Rabat. Dans le chœur, il y a beaucoup d’expatriés français, très peu de Marocains. Cette musique étrange et belle, classique et occidentale, est inconnue de l’étudiant en lettres : depuis sa naissance en 1970, il baigne dans un tout autre univers. Celui des musiciens iraniens, égyptiens, libanais, celui des chanteuses Oum Kalsoum et Fairouz. Son père, le compositeur Mohamed Ben Abdeslam, et sa sœur, la chanteuse Ghita, complètent le tableau d’une enfance musicale aux sonorités orientales. Lui fréquente très

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tôt l’institut Moulay Rachid de musique arabo-andalouse. « Mes parents estimaient qu’il s’agissait d’études sérieuses parce qu’elles abordaient la musique sous l’angle du patrimoine », explique ce contre-ténor désormais habitué des plus grands théâtres. En poussant la porte de la cathédrale, ce jour-là, il entre dans un monde de promesses et de défis. « J’ai abandonné mon projet de thèse sur Baudelaire et intégré la chorale. Puis Louis Péraudin, mon professeur, m’a encouragé à suivre un enseignement approfondi.À l’époque, il n’était pas possible de mener bien loin des études musicales au Maroc », se souvient-il. Du coup, il postule au

Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSMDP) grâce à une bourse de l’ambassade de France. Péraudin, dénicheur de talents, ne s’est pas trompé. Sans difficulté, son protégé décroche le sésame. À 23 ans, le voilà aux prises avec une institution aussi grandiose qu’intimidante. Avant d’intégrer le CNSMDP, les musiciens doivent faire montre d’une connaissance parfaite de la musique. « Moi, je fonctionnais à l’instinct, la musique était un divertissement. J’avais tout à apprendre. » Ce grand écart entre ce qu’il est et ce qu’on lui demande de devenir lui cause des problèmes d’adaptation. « Dans les institutions de musique classique, on adopte difficilement les étrangers. » Face à la méfiance, Ben Abdeslam redouble d’efforts. Il obtient son premier prix au bout de trois années à peine, en avance sur tous ses camarades. En guise d’examen final, il interprète une œuvre en langue arabe et « impose une identité » à rebours des idées reçues. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie « La discrimination existe vraiment dans le classique. C’est un art identitairement très fort, presque érigé au rang de religion et que l’on voudrait préserver de tout apport extérieur », estime-t-il.

LAURANNE PROVENZANO Photo : VINCENT FOURNIER/J.A. JEUNE AFRIQUE

Comment s’en débarrasser?

Il refuse d’abandonner le pouvoir. Et pour cause : avec toutes ses casseroles judiciaires, le président du Conseil redoute de se retrouver derrière les barreaux. Les tractations en vue de son départ ont commencé.

A

ffaibli par la crise économique, qui l’a contraint à opter pour une politique d’austérité sans précédent, snobé par ses partenaires européens, qui rêvent tout bas de se débarrasser de lui, Silvio Berlusconi devrait – en toute logique – jeter l’éponge. Mais le turbulent Cavaliere s’y refuse. Il a ses raisons : avec son inégalable batterie de casseroles judiciaires, il craint de finir sa carrière derrière les barreaux. D’autant que deux des magistrats qui le poursuivent pour corruption et prostitution de mineure ont juré d’avoir sa peau. Tandis que le « vieux lion » entasse les sacs de sable autour du palais Grazioli, sa résidence romaine, il règne au-dehors une atmosphère de complot. Après avoir d’abord cherché un Brutus pour lui donner le coup de poignard fatal, sa famille politique tente désormais de lui trouver une échappatoire. C’est le sens de la proposition lancée, le 8 septembre, par

ALESSIA PIERDOMENICO/REUTERS

Outre ses origines, qui lui vaudront quelques vexations racistes, le chanteur dit être victime d’une autre « tare »: sa voix de contre-ténor, une tessiture masculine aiguë. Rare, elle est appréciée des compositeurs anglais, mais peu valorisée en France. Cette spécificité séduit néanmoins l’atelier lyrique de l’Opéra de Lyon, qui le convie à travailler des opéras baroques. Puis ce sera le Grand Théâtre de Bordeaux et de nombreuses tournées à travers le monde pour lesquelles il interprète parfois des personnages travestis. Comme celui de Nutrice, dans Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi, son dernier rôle. Dans ce microcosme « poussiéré », Rachid Ben Abdeslam se sent à l’étroit. « Ma sensibilité culturelle orientale est faite d’improvisation, la musique y est une fête, une exaspération du sentiment, et pas une exécution rigide et sclérosée. Nous ne sommes pas au Vatican ! » C’est pourquoi il s’adonne avec passion à la musique arabo-andalouse, créant en 2004 l’Ensemble Zéphyr Al Andalous. « Une soupape qui [le] fait revenir aux origines » et dont il est à la fois le directeur artistique et l’un des solistes. « J’ai essayé de valoriser et de légitimer le patrimoine musical arabe », en appliquant l’exigence du classique à la musique orientale. Rachid Ben Abdeslam s’émerveille de l’évolution artistique foudroyante du Maroc, vante les « pépinières de talents » que sont les festivals et caresse le rêve de présenter à celui de Fès un oratorio qu’il a écrit… En attendant la sollicitation, il montera en 2013 sur les planches du Metropolitan Opera de NewYork dans le Jules César de Haendel. Il sera alors « le premier Marocain et même le premier Arabe à s’y produire ». Il souligne : « C’est un peu montrer que, chez nous aussi, il y a des talents qui méritent d’être connus. » ●

ITALIE

Rocco Buttiglione, l’un de ses anciens ministres, dans le quotidien catholique Avvenire. Elle consisterait à s’inspirer du pardon accordé par le président américain Gerald Ford à son prédécesseur, Richard Nixon, pour le sortir du Watergate. Déjà évoquée il y a quelques mois par des politiciens de droite comme de gauche, cette solution garantirait une immunité pénale au président du Conseil – du coup, plus de procès ! –, mais nécessiterait aussi une modification de la Constitution. MÉFIANCE. Comment convaincre les

juges qui attendent Silvio Berlusconi le 3 octobre pour la reprise du procès Ruby – du nom de cette mineure marocaine que le (très) vieux beau aurait séduite – d’abandonner leurs poursuites ? Une solution a priori plus simple pourrait être envisagée : installer Berlusconi dans un fauteuil de sénateur à vie en échange de l’abandon de la présidence du Conseil. Mais cette proposition suscite à juste titre la méfiance de l’intéressé, les deux Chambres pouvant voter à tout moment la levée de l’immunité parlementaire d’un représentant du peuple. Dans cette difficile partie d’échecs qui vient de commencer, les marchés pourraient bien jouer un rôle déterminant. Ils vont en effet devoir juger les effets du plan de rigueur de 54,2 milliards d’euros que le Parlement vient d’adopter et qui est censé permettre à la péninsule d’atteindre le déficit zéro d’ici à 2013. Une mauvaise note des marchés pourrait pousser les partisans de l’amnistie à s’engager par écrit pour vaincre les dernières réticences du Cavaliere. ● ALEXANDRA BAKCHINE, à Rome

Ý SILVIO BERLUSCONI, qui va fêter ses 75 ans le 29 septembre. Et pense « vivre jusqu’à 120 ans »… N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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JENS RÖTZSCH/OSTKREUZ

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ALLEMAGNE

Berlin, nouvelle scène juive

Il y a soixante-dix ans, leurs grands-parents ont fui les atrocités nazies. Attirés par la réputation branchée de la ville, de nombreux jeunes Israéliens, artistes et étudiants surtout, choisissent aujourd’hui de s’y installer.

D

ans un café tranquille, une vingtaine de personnes se retrouvent tous les premiers lundis du mois, vers 20 heures. Les conversations en hébreu vont bon train. Au menu : houmous, pitas et falafels. Tel-Aviv ? Non, Berlin. Plus précisément, le paisible quartier de Schöneberg. C’est surprenant, mais c’est ainsi : depuis quelques années, de nombreux jeunes Israéliens choisissent de s’installer dans la capitale allemande. Ils y viennent pour les mêmes raisons que tous les jeunes du monde entier. C’est ce qu’on appelle ici « l’effet WM », l’effet Coupe du monde de football 2006, qui a fait découvrir le nouveau visage, résolument cool et branché, de la ville. Parmi eux, beaucoup d’artistes, de peintres, de musiciens ou de comédiens, souvent décalés ou underground, et beaucoup d’étudiants: les universités sont réputées, la vie et les loyers pas trop chers. Pour tous ces Israéliens, Berlin, c’est aussi une parenthèse de tranquillité, à des N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

israéliens, mais aussi d’un stammtisch, où l’on se retrouve pour parler et manger. « Il y a quelques années, quand je disais en Israël que j’habitais Berlin, les gens me répondaient, choqués : “Mais qu’est-ce que tu es partie faire là-bas ?” explique Nirit Bialer. Ils ont aujourd’hui une réaction beaucoup plus positive. » Mais Berlin n’est pas l’Allemagne, Germania en hébreu, qui, elle, conserve une connotation très négative. Reste que, dans l’ex-capitale du Reich, il est bien difficile d’oublier l’Holocauste. Surtout pour les descendants de Juifs allemands contraints de fuir leur pays Ý AU CLUB 90, dès les années 1930 dans le quartier de Schöneberg, pour échapper aux à Berlin. Quelque exactions et aux 10 000 Israéliens pogroms.Ouceuxde vivent dans la rescapés des camps capitale de concentration. À allemande. Berlin, cette Histoire est partout. À tous les coins de rue, des mémoriaux évoquent le souvenir des victimes, des panneaux signalent les bâtiments liés à cette période sombre. Il y a aussi les stolpersteine, ces petits pavés dorés incrustés dans le trottoir qui indiquent le nom, l’âge et la destination finale de tel ou tel déporté. NI OUBLI NI PARDON. Outre les stamm-

tisch, il existe à Berlin de nombreux sites internet, avec petites annonces et forums de discussion, une radio qui diffuse des années-lumière du climat de tension permanente qu’ils connaissent à Tel-Aviv programmes en allemand et en hébreu, ou à Jérusalem. Le conflit du Prochemais aussi des soirées dites meschugge Orient est loin. Ils peuvent même avoir (« dingues », en yiddish), rendez-vous des amis arabes ! des homosexuels. Mais d’autres maniCombien sont-ils ? Difficile à dire, les festations, surtout à destination des plus Israéliens n’étant pas tenus de se faire jeunes, ont un caractère moins excluenregistrer à leur consulat. D’ailleurs, sivement communautaire : on y parle beaucoup possèdent déjà un passeport aussi allemand ou anglais. C’est le cas de Habait (« chez soi »), cofondé au mois de juin par Une vie à des années-lumière Nirit Bialer. Au programme: du climat de tension permanente concerts, lectures et pièces qui règne à Tel-Aviv ou à Jérusalem. de théâtre. Les jeunes Israéliens n’oublient ni ne pardonnent, mais ils européen, voire allemand, grâce à une loi qui autorise les descendants de la Shoah estiment le moment venu de tourner la page, d’engager avec les Allemands et de ceux qui ont été déchus de leur nationalitéallemandependant laSeconde une cohabitation apaisée. « Leur rapport Guerre mondiale à la recouvrer. « Sans à l’Histoire est moins émotionnel que doute sont-ils entre 10 000 et 15 000 », celui de leurs parents ou de leurs grandscontre 3 000 il y a cinq ou six ans, estime parents, pour qui il aurait été impossible Ilan Weiss, qui a adopté Berlin il y a une de revenir en ces lieux », explique-t-on vingtaine d’années et s’occupe d’une à l’ambassade. ● newsletter destinée à ses compatriotes GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA Le temps de l’éveil

59

INTERVIEW Louis-Paul Motaze, ministre de l’Économie TENDANCE Kribi, côté investisseurs et côté VIP FINANCES Un marché de plus en plus « bankable »

Le Cameroun au banc d’essai

CRÉDIT PHOTO JEUNE AFRIQUE

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

LAURENT SAZY/FEDEPHOTO.COM

Premier PIB de la zone Cemac, leader régional dans de nombreux secteurs, le pays a le potentiel pour devenir un champion économique continental. S’en donne-t-il les moyens ?


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Le Cameroun au banc d’essai

Prélude

Marwane Ben Yahmed

Au pays des mille et une questions

D

RÔLE D’AMBIANCE,pourunpays qui s’apprête à élire son président dans moins de trois semaines. Beaucoup pensaient que les révoltes arabes se prolongeraient en Afrique subsaharienne, a fortiori dans les pays où le chef est au pouvoir depuis plusieurs lustres et les inégalités sociales criantes. Au Cameroun, il n’en a rien été. Paul Biya, 78 ans, en poste depuis 1982, s’apprête à être réélu sans coup férir, dans une atmosphère surréaliste : date du scrutin fixée à la dernière minute, morne campagne, opposition désunie, peu structurée et, semble-t-il, résignée, programmes flous… quand ils existent. L’inertie

PANORAMA Le Cameroun peut-il changer ? p. 62

calendes grecques, on se demande toujours quand et comment la locomotive de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) exploitera à plein son formidable potentiel humain et naturel, libérera les énergies d’entrepreneurs dynamiques mais empêtrés dans les méandres d’une administration tatillonne et trop souvent corrompue, ou améliorera de façon substantielle le quotidien de Camerounais qui ne peuvent décemment se serrer davantage la ceinture. Car, malgré de récents signes encourageants (croissance et investissements en hausse légère mais régulière, inflation

jusqu’ici en vigueur et les oligopoles qu’elle défend pourront-ils être mis à bas ?

Il est loin le temps où l’opposition mobilisait les foules, notamment à Douala, pour exiger puis obtenir le multipartisme. Oubliée aussi, la superbe de John Fru Ndi, qui talonnait Paul Biya dans les urnes en 1992. Les émeutes de la faim, en 2008, ou, cette année, la naissance du mouvement du 23 février, organisé par la Nouvelle Opposition camerounaise (NOC), n’y ont rien changé : le second souffle annoncé se fait toujours attendre, et les cadres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), véritable parti-État, ne connaissent pas les nuits agitées de certains de leurs homologues africains.

Si l’atonie politique camerounaise n’est donc pas en voie de disparition, les interrogations demeurent légion. Au-delà des inconnues relatives au niveau de la participation des électeurs à un scrutin sans véritable enjeu ou encore à l’épineuse question de l’après-Biya, repoussée aux

JEUNE AFRIQUE

contenue, dette allégée, multiplication de projets d’infrastructures, vision économique et de lutte contre la pauvreté élaborée sur dix ans, etc.), le doute n’a pas disparu. Ces bonnes intentions résisteront-elles à la fin de la campagne présidentielle ? La gouvernance suivra-t-elle ? Les plans élaborés sont-ils cohérents et adaptés aux réalités du pays ? L’inertie jusqu’ici en vigueur et les oligopoles qu’elle défend pourront-ils être si facilement mis à bas ? Les anciennes élites peuvent-elles comprendre les aspirations d’une population dont la moitié a moins de 25 ans ? Si, hélas, ces questions ne sont pas au cœur du débat politique actuel, elles n’ont pas fini de tourmenter des Camerounais qui se demandent, en résumé, si un « système » aussi ancien est capable de faire son aggiornamento… ●

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

TRIBUNE Roger Tsafack Nanfosso p. 65 INTERVIEW Louis-Paul Motaze, ministre de l’Économie

p. 68

TRANSPORTS Camair-Co face à ses concurrents p. 73 GRANDS CHANTIERS Course contre la montre p. 76 HYDROCARBURES Un peu plus de raffinage dans un monde de brut p. 80 ÉLECTRICITÉ La tension monte enfin à Lom Pangar p. 81 AMÉNAGEMENT Kribi, côté investisseurs et côté VIP p. 82 MATIÈRES PREMIÈRES L’âge de l’aluminium p. 84 AGROALIMENTAIRE À la santé de la filière café-cacao p. 88 FINANCES Un marché de plus en plus « bankable » p. 92 MÉDIAS La presse privée entre en zone rouge p. 95


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Le Plus de Jeune Afrique

Le

PANORAMA

Cameroun

Les chantiers ne manquent pas pour conduire la locomotive de la Cemac vers un vrai décollage économique. À trois semaines de la présidentielle, le point sur ses atouts et ses faiblesses.

GEORGES DOUGUELI,

L

envoyé spécial

es Camerounais s’apprêtent à élire, le 9 octobre prochain, leur président de la République (en un seul tour). Bien mené, le processus électoral donnera un coup d’accélérateur au redressement économique en cours, en dépit d’un taux de croissance à la traîne. Mal négocié, il pourrait précipiter la locomotive de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) dans le chaos de la contestation postélectorale. Pour l’instant, rien ne laisse présager un dérapage. Mais qui peut garantir une tranquillité absolue dans un pays où les équilibres ethniques sont fragiles, les disparités sociales importantes et le chômage élevé ?

LA PLACE AHMADOU AHIDJO, à Yaoundé.

VINGT ET UN CANDIDATS. Comme un signe d’apaisement, l’ensemble de la classe politique a accepté de participer au scrutin, surmontant les querelles relatives à la composition et aux prérogatives d’Elections Cameroon (Elecam),

Sa démographie

LES

ZO N E Cameroun

48,7 % 20,4

Son poids économique

(population, en millions d'habitants) Cameroun Cam

CEMAC

Centrafrique Cen Congo

(PIB 2010 en milliards de dollars, en prix courant) Cameroun Cam

20,4

Tchad

10,2 4,6 3,9

Gabon 1,5 Guinée équato. 1,3

l’organe chargé d’organiser le scrutin. Même s’il a un temps prôné le boycott, estimant que « le système électoral tel qu’il se présente jusqu’ici n’est pas fiable », l’éternel challengeur John Fru Ndi, du Social Democratic Front (SDF), a changé d’avis et sera bien candidat, parmi une opposition dispersée et loin d’être portée par une lame de fond. Au soir du 9 septembre,

ZO NE Cameroun

31,5 % CE AC M

22,48

BOI BOIS (grumes, sciages et dérivés)

2,5 5 millions de tonnes

Guinée équato.

14,49

Gabon

13,06

60 m millions de tonnes

11,53

COT COTONCOTON-GRAINE 158 000 tonnes 15

Congo Tchad Cen Centrafrique

7,85 2,02

Le Cameroun est exportateur net vers les 5 autres pays de la zone Cemac et vers la RD Congo N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Son rang de premier producteur prod pr régional

LATEX LAT

BAN BANANE BANANES

24 241 800 tonnes ALU ALUMINIUM (brut et dérivés)

81 000 tonnes

JEUNE AFRIQUE


63

peut-il changer ?

le conseil électoral d’Elecam a annoncé qu’il retenait vingt autres candidatures – sur 52 déposées –, dont celle du président Paul Biya, 78 ans, au gouvernail depuis novembre 1982, et dont on connaît déjà le projet de société. Parmi les dossiers invalidés figure notamment celui d’Augustin Frédéric Kodock, de l’Union des populations du Cameroun (UPC), habitué des

Une croissance à la traîne

LES

(évolution du PIB, en prix constants)

Afrique subsaharienne

Cemac Cameroun

6 5 4 3

4,9 %

5,5 % 5,2 %

5,9 % 5,3 %

3,8 %

JEUNE AFRIQUE

2011

(en dollars, en 2010)

2012

11 033

Gabon

8 724

Congo Cameroun Tchad

3,2 %

2010

Un PIB par habitant faible Guinée équato.

4,4 %

4,3 %

POSTURE POSTCRISE. Le chef d’État sortant se propose de remédier à la faible productivité, au déficit énergétique, aux effets de la crise financière, à l’insécurité alimentaire, à la pauvreté et au taux de chômage élevé, pour hisser le Cameroun au rang de pays émergent d’ici à 2035. Dans cet objectif, le gouvernement a élaboré en 2009 un Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) pour la période 2010-2020. Tirant les leçons de deux décennies de crise, les dirigeants ont choisi de Objectif: atteindre miser sur les points forts de l’école statut de pays nomie nationale. Il s’agit d’aider les émergent d’ici à 2035. secteurs à fort potentiel, qui apportent le plus de points de croissance – notamment les industries agroalimentaires (lire pp. 88-89), extractives (lire pp. 84-85) et les services (lire pp. 92-95) –, à décoller. Sur le front du chômage, les résultats sont mitigés, avec un taux d’emploi de 59 % (parmi les 15-64 ans), selon le rapport 2010 du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) ; seuls 21 % de la population active sont employés dans le secteur formel. Les perspectives sont cependant prometteuses compte tenu de la mise en œuvre des grands projets structurants (lire pp. 76-77) dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures routières, socioéconomiques et culturelles. La construction des complexes hydroélectriques de Lom-Pangar (lire p. 81), ● ● ●

Centrafrique

2 983 1 100 768 436

Pas assez d'investissements (en % du PIB, en 2010)

Guinée équato.

48,3

Tchad

39,7

Gabon Congo

25,7 20,8

Cameroun

16,4

Centrafrique

13,86 N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

SOURCES : BEAC, MARS 2011 – FMI, AVRIL 2011

Y. SOULABAILLE/URBA IMAGES SERVER

scrutins présidentiels. On ne verra pas non plus de bulletins à l’effigie de Bello Bouba Maïgari, de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) – qui a annoncé son soutien à Paul Biya –, ni à celle de Dakolé Daïssala, du Mouvement pour la défense de la République (MDR).


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Le Plus de J.A.

EXTRÊMENORD Maroua

Garoua NIGERIA

NORD

TCHAD

2020 ». Quant à Esther Dang, ex-directrice générale de la Société nationale d’investissement (SNI) et candidate à la présidentielle du 9 octobre, elle déplorait notamment, lors de sa démission du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti présidentiel) en janvier 2010, « une dégradation économique, financière et sociale sans précédent […] malgré les importants allègements des dettes internationales ». PROGRÈS ET MISÈRE. Pour la plupart des patrons,

le président élu devra impérativement améliorer l’environnement des affaires (lire p. 65). Trop de formalités administratives, trop de corruption Ngaoundéré 200 km et d’insécurité judiciaire continuent de freiner l’enthousiasme des investisseurs. Pourtant, des ADAMAOUA NORDefforts ont été consentis, tels que l’institution d’un OUEST RÉPUBLIQUE guichet unique pour la création d’entreprises, Bamenda OUEST CENTRAFRICAINE la mise en place de centres de gestion agréés, la SUD- Bafoussam facilitation des procédures d’octroi des permis OUEST CENTRE de bâtir à Douala et à Yaoundé, qui ont permis au pays quelques progrès en la matière. Une fois LITTORAL Bertoua n’est pas coutume, il gagne d’ailleurs cinq places Buea Douala Édéa dans le dernier rapport « Doing Business » de la Yaoundé EST Banque mondiale, passant du 173e rang en 2010 GUINÉE ÉQU. Kribi au 168e en 2011 (sur 183 pays classés). SUD Ebolowa « J’attends de voir la stratégie de chacun des Golfe de Guinée candidats pour me décider. En particulier, comment ils envisagent de combattre l’insécurité GUINÉE ÉQUATORIALE alimentaire et de réduire la pauvreté », promet GABON CONGO Adolphe, employé de banque à Douala. Malgré un frémissement de la croissance et l’émergence d’une classe moyenne urbaine qui ● ● ● de Memve’ele et de Mekin, et de la centrale à gaz de Mpolongwé (près de Kribi), celle du port en tire la consommation vers le haut (lire p. 93), le eau profonde de Kribi, le bitumage d’axes routiers quotidien des Camerounais est encore loin d’être majeurs (comme Ebolowa-Kribi ou Bamendaaisé. L’indice de développement humain (IDH), de Kumbo) ou encore la construction de logements 0,46, qui place le pays au 131e rang sur 169 dans le sociaux… Pour ses partisans, ces projets, dont la rapport 2010 du Pnud, semble bien en deçà de ce réalisation est en cours ou imminente, devraient qu’il pourrait être. Si la réduction de la pauvreté raisonnablement pousser les électeurs à reconest l’un des objectifs centraux du DSCE 20102020, pour le moment, un tiers de la population duire le bail du président sortant. – soit plus de 6,5 millions de personnes – vit avec « HYPERCENTRALISÉ ». La bataille n’est pas moins de 1,25 dollar (0,9 euro) par jour, 53 % des gagnée pour autant. Ses opposants lui reprochent Camerounais n’ont pas encore accès à des services sa longévité au pouvoir – vingt-neuf ans – et critid’assainissement, et la couverquent son bilan. Pour Jean-Jacques Ekindi, député ture médicale reste indigente : Le Cameroun a gagné de Douala sous les couleurs du Mouvement pro2 médecins et 15 lits d’hôpital cinq places dans le pour 10 000 habitants. gressiste (MP), il s’agit de moraliser la vie publique et de réformer les institutions pour revenir au L’approvisionnement en den« Doing Business » 2011 fédéralisme car, dans « un pays hypercentralisé, rées reste également précaire. La un État où l’exécutif est hypertrophié, les capacités hausse de l’indice des prix à la consommation de résistance des autres pouvoirs sont limitées des ménages et la forte reprise des importations […] dès lors qu’un parti assure son hégémonie alimentaires depuis une quinzaine d’années sur les deux pouvoirs de base que sont l’exécutif confirment les performances mitigées de la proet le législatif ». duction agricole concernant les denrées de base Le magistrat et député anglophone Paul Ayah (céréales, poissons, produits d’élevage). Une Abine estime, lui, que « l’émergence du Cameroun situation qui empêche de réduire durablement la pauvreté et sur laquelle les Camerounais, comme en 2035 n’est qu’un rêve dans le contexte des gaspillages actuels. Mais, avec une gestion saine de la communauté internationale, seront de plus en nos ressources naturelles, cela peut se réaliser en plus intransigeants. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai

TRIBUNE

Éd ROGER TSAFACK NANFOSSO Économiste, professeur à l’Université de Yaoundé II

Un climat des affaires plus clément

L

E 16 JUIN a été lancé le Business Climate Survey (BCS), une enquête nationale sur la perception du climat des affaires par les entreprises camerounaises. Lors d’une précédente enquête, menée en 2009 par l’Institut national de la statistique auprès des 93000 sociétés du pays, une majorité de dirigeants (52,4 %) avait manifesté une opinion défavorable et pointé les principales entraves à la volonté d’entreprendre (voir infographie). L’« Indice global des libertés économiques » 2011, publié par le Wall Street Journal et la Heritage Foundation, classe le Cameroun au 136e rang sur 179 pays évalués, avec un indice de 51,8 sur une échelle comprise entre 100 (liberté) et 0 (répression). Mais le rapport « Doing Business » 2011 de la Banque mondiale donne aux investisseurs quelques raisons d’espérer, puisque le Cameroun y passe du 173e rang (en 2010) au 168e, sur 183 pays. Ces classements doivent être lus en lien avec les efforts entrepris ces dernières années pour améliorer l’environnement des affaires. Sur le plan de la réglementation, la Charte des investissements, adoptée en 2002 et révisée en 2004, institue des instruments d’accompagnement et d’orientation de l’investisseur désormais fonctionnels, tels que le Conseil de régulation et de compétitivité, l’Agence de promotion des investissements et l’Agence de promotion des exportations. Sur le plan législatif, outre l’application des règles de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), différents textes ont changé la donne : lois sur le partenariat public-privé, sur le commerce électronique, sur la promotion des PME, sur le crédit-bail ; codes

Principaux obstacles à l’entrepreneuriat selon les patrons (en 2009) FISCALITÉ

58,8 %

CORRUPTION

50,5 % 37,6 %

SOURCE : INS, 2010

ACCÈS AU CRÉDIT

JEUNE AFRIQUE

FORMALITÉS

ADMINISTRATIVES

CONCURRENCE DÉLOYALE

35,2 % 25,8 %

gazier, minier et pétrolier, création de chambres spécialisées auprès des juridictions d’instance, etc. Sur le plan des institutions, la création du Prime Minister Business Council et, surtout, celle du Cameroon Business Forum (CBF), intervenue après la signature d’un protocole d’accord entre le gouvernement, le secteur privé et la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), ont donné du corps à cette interface tripartite en affichant trois ambitions : améliorer le climat des affaires, promouvoir l’investissement privé et renforcer la compétitivité des entreprises. Parmi les actions concrètes menées à cette fin, on peut souligner, entre autres, la création des centres de gestion agréés, la rationalisation des procédures d’octroi des permis de bâtir à Douala et àYaoundé, ou encore la réduction du nombre d’étapes (de 12 à 3) et du délai (de 34 à 3 jours) nécessaires pour créer une entreprise, grâce à la mise en place de guichets uniques, et qui aurait permis la naissance de 1 365 sociétés en huit mois. Sur le plan commercial, le Cameroun lance – après l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Nigeria – une Bourse des produits de base de l’Afrique centrale, basée àYaoundé. Celle-ci a pour ambition de ramener à la production quelque 900000 petits planteurs de café et de cacao découragés, en leur permettant de vendre directement leurs produits et de se faire payer dans un délai de vingt-quatre heures, mais aussi en favorisant la transparence et la prévisibilité sur le marché national avec des prix plus justes et plus équitables. Sur le plan du financement, la création de la Banque camerounaise des PME et de la banque agricole Cameroon Rural Financial Corporation (Carfic), en juin, va permettre d’apporter des solutions aux côtés de la Bourse de Douala, qui a réalisé avec succès quelques opérations d’envergure (obligations de la SFI, de l’État du Cameroun…) même si seules trois sociétés y sont cotées pour l’instant. Enfin, l’adoption du service bancaire minimum garanti, qui rend gratuites de nombreuses prestations, devrait accélérer la bancarisation et, à terme, induire quelques innovations qui permettront de libérer des capacités de financement pour l’heure prisonnières d’un système congestionné par la surliquidité. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Le Plus de J.A.

Louis-Paul Motaze « Il y a encore du travail pour être compétitifs » Tirant les enseignements d’une trop longue crise de croissance, la « Vision 2035 » est lancée. Entretien avec le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire.

JEUNE AFRIQUE : Pourquoi les Camerounais devraient-ils voter pour Paul Biya le 9 octobre ? LOUIS-PAUL MOTAZE: Certaines raisons

sont directement économiques, d’autres beaucoup plus générales. Parmi les raisons économiques, la première est que le président a quand même mis sur pied un programme volontariste de développement, « Cameroun, Vision 2035 ». Une vision qui a été modelée par toutes les forces vives de la nation et qui n’est contestée par personne. Même l’opposition l’a approuvée, ce qui est une prouesse, ainsi que les partenaires bilatéraux et multilatéraux au développement. C’est une raison valable pour reconduire le chef de l’État dans ses fonctions. Ce programme pourrait impulser la croissance et créer des emplois. Ce qui est l’ambition de tout gouvernement. Justement, l’opposition brandit des programmes qui ont la même ambition…

Je ne pense pas que l’opposition ait un programme aussi convaincant. Je voudrais d’ailleurs insister sur le fait que l’opposition l’a validé. Ils devraient sur ce point nous rejoindre. Et même appeler à voter pour le président. Et quelles sont les raisons plus générales que vous évoquiez ?

Elles tiennent au fait que le président Biya est un homme de paix. Pourquoi est-ce que j’en parle alors que je suis ministre de l’Économie ? C’est parce que je suis très bien placé pour savoir qu’aucun développement économique ne peut être impulsé dans le désordre et l’instabilité. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

L’ex-directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale, 52 ans, A INTÉGRÉ LE GOUVERNEMENT

MABOUP

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EN SEPTEMBRE

2007. Ð

Nous sommes en Afrique, et nous connaissons des pays qui sont au même niveau que le Cameroun, mais, entrés dans les affres de la guerre civile, ils sont retardés dans leur développement pour des années. Il ne faut pas que les Camerounais galvaudent cette notion de paix en pensant que c’est une chose acquise. Oui, mais la paix n’est pas quantifiable dans un bilan…

En tant que ministre de l’Économie, je sais ce qui arrive du côté des investisseurs lorsqu’ils sentent que la paix est menacée. Ils retardent leurs projets. Entre 2010 et 2011, notre pays a bénéficié de presque 1 300 milliards de F CFA [près de 2 milliards d’euros, NDLR] d’investissements étrangers. C’est de l’argent frais. Il faut aussi augmenter l’afflux des nouveaux partenaires, notamment des Vietnamiens, des Singapouriens ou des Coréens, qui n’iraient pas dans un pays en crise. Ils viennent au Cameroun

parce qu’ils peuvent y investir en toute confiance et en toute sécurité. Pourquoi le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) publié en août 2009 situe-t-il l’émergence du pays à l’horizon 2035 ?

Certes, 2035 peut sembler loin. Mais notre démarche est pragmatique et divisée en étapes de dix ans, avec l’élaboration de cadres de dépenses à moyen terme, à l’horizon de trois ans. L’émergence est l’aboutissement de différentes étapes. Nous devons d’abord parvenir au stade de pays à revenu intermédiaire, ce sera déjà une très bonne chose. Ensuite, il nous faudra accéder au niveau des nouveaux pays industrialisés, encore une étape avant d’atteindre l’émergence. Bref, ce n’est pas parce que l’on aura construit un barrage ou un port en eau profonde dans trois ans que l’on deviendra un pays émergent. Cela améliorera significativement notre situation. Mais il faudra encore travailler JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai pour améliorer la compétitivité de l’économie camerounaise, encore handicapée par un certain nombre de travers, dont le déficit énergétique. Quand des investisseurs viennent pour installer des usines ou agrandir celles qui existent déjà, comme pour Alucam, et constatent qu’il y a un problème d’énergie, ils vont voir ailleurs. Comment expliquez-vous les retards dans l’exécution de nombreux projets, notamment miniers ?

On peut en effet penser que les choses ne vont pas assez vite. Cette perception est liée aux procédures. S’agissant de l’exploitation minière, il faut d’abord explorer et ensuite évaluer la teneur en minerai, parce qu’il ne faut pas non plus se lancer dans l’exploitation pour découvrir a posteriori que les ventes ne vont pas couvrir les charges de production. Lorsqu’un minerai est si abondant que ses cours se traînent et font perdre de l’argent, autant le laisser sous terre. Quant au temps pris pour l’évaluation, nous sommes en train de négocier avec la Banque mondiale pour qu’elle nous aide à élaborer la cartographie minière du pays, où, Dieu merci, on continue de découvrir de nouveaux gisements. Je peux même vous révéler que nous venons d’identifier des gisements de fer qui sont peut-être plus importants que celui de Mbalam. Parmi les priorités qui tardent à se concrétiser, qu’en est-il de l’autoroute Yaoundé-Douala ?

Entre 2010 et 2011, le pays a bénéficié de 2 milliards d’euros d’investissements étrangers.

Elle coûte très cher. Le chef de l’État, qui était en Chine au mois de juillet, a présenté le projet à notre partenaire et, avec le ministère des Travaux publics, nous examinons toutes les formules, à savoir le financement direct par un partenaire, le partenariat public-privé et, pourquoi pas, le péage.

Les sociétés chinoises, qui décrochent nombre de grands chantiers, importent leur matériel, leur main-d’œuvre… Cela ne limite-t-il pas l’impact des projets sur le PIB et l’emploi ?

Certains pays amis ont leur code de conduite. Quand ils vous prêtent de l’argent, ils veulent qu’une entreprise JEUNE AFRIQUE

de leur pays réalise l’ouvrage. La Chine et l’Inde en font partie. Cela dit, lorsqu’ils acceptent de financer un projet, les partenaires multilatéraux, et certains bilatéraux, comme chacun des pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques, NDLR], exigent un appel d’offres international, qui peut être remporté par une société chinoise. C’est le cas du barrage hydroélectrique de Lom Pangar. Dans un cas comme dans l’autre, nous essayons d’encourager l’emploi de la main-d’œuvre locale, et les entreprises étrangères travaillent avec des Camerounais. Par ailleurs, si le chef de l’État en valide le principe, nous envisageons d’élaborer un projet de loi sur la sous-traitance, dont on discutera au gouvernement et à l’Assemblée nationale. Constatant que les retombées de la construction du pipeline Tchad-Cameroun n’ont pas été satisfaisantes en termes d’emplois, nous réfléchissons en effet à l’opportunité de mettre sur pied une sorte de « bourse de la sous-traitance », une loi d’encadrement selon laquelle tout grand marché conclu avec un industriel devra intégrer 30 % ou 40 % de participation de PME locales.

Quels sont les besoins fondamentaux du Cameroun aujourd’hui ?

Nos besoins en infrastructures sont proportionnels au retard que nous avons dans ce domaine. Nous avons des besoins colossaux de financements. Nous disons aux bailleurs de fonds, qui ont validé notre stratégie, que nous avons besoin de crédits plus importants. Mais si nous restons dans les guichets destinés aux pays pauvres, qui octroient des prêts concessionnels, nous n’y arriverons pas. C’est la raison pour laquelle nous diversifions les partenaires. ● Propos recueillis à Yaoundé par

GEORGES DOUGUELI N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


Le groupe BGFIBank s’implante au Cameroun En droite ligne avec le projet d’entreprise « CAP 2015 » du groupe, la première agence BGFIBank Cameroun a ouvert ses portes le 7 mars 2011 à Douala. Premier groupe financier d’Afrique Centrale Premier groupe financier de la zone Cemac le Groupe BGFIBank présente en 2010 un total de bilan de XAF 1390,8 milliards. Institution privée à 100 %, il compte près de 1 000 collaborateurs (dont 74 % ont moins de 40 ans) dans neuf pays : Gabon, Congo Brazzaville, Guinée Équatoriale, République démocratique du Congo, Madagascar, Bénin, Côte d’Ivoire, France et le Cameroun depuis mars 2011. Avec deux filiales certifiée ISO 9001 au Gabon et au Congo pour la totalité de leurs activités et ISO 14001 pour leur management environnemental, le Groupe BGFIBank est aussi le premier acteur financier d’Afrique Centrale à avoir signé le Pacte des Nations Unies visant à promouvoir le développement durable, la défense des droits de l’homme, la préservation de l’environnement ainsi que la lutte contre la corruption.

COMMUNIQUÉ

Des performances exceptionnelles Action commerciale soutenue et gestion performante permettent au groupe BGFIBank d’afficher de solides performances depuis de nombreuses années. En témoignent la croissance du total du bilan en 2010 (+57 % par rapport

à 2009), la hausse des dépôts à la clientèle (+2 % par rapport à 2009) ainsi que la progression des encours de crédit (+48 % par rapport à 2009). Avec un investissement citoyen en hausse de 35 %, le Groupe affirme son engagement sociétal. Près de XAF 900 millions (+35 %) ont été investis dans la fondation BGFIBank et dans BGFI Business School.

BGFIBank Cameroun, un marché et deux segments de clientèle Un agrément obtenu en novembre 2010, 3 agences et un siège ouverts entre mars et juillet 2011, BGFIBank Cameroun affirme ainsi son ambition de compter parmi les acteurs majeurs du secteur bancaire camerounais par la qualité de service qu’elle offre à ses clients. Ces derniers sont répartis au sein de deux marchés : le marché des Entreprises et le marché des Particuliers qui sont les cibles traditionnelles définies au sein du Groupe. Une particularité liée au marché local : l’intégration des PME/PMI à fort potentiel pour lesquelles une agence est dédiée.La banque propose pour chaque cible définie une gamme de produits et services différenciés et à valeur ajoutée.

Le Marché des Particuliers est organisé autour de trois cibles que sont les clients VÉGA (revenus mensuels compris entre XAF 1 et 3 millions), les clients ÉTOILE (revenus mensuels supérieurs à XAF 3 millions) ainsi que les professions libérales. Le Marché des Entreprises est organisé autour de trois cibles que sont les Grandes Entreprises (Chiffre d’affaires supérieur à XAF 4 milliards), les PME/PMI à fort potentiel (chiffre d’affaires compris entre XAF 500 millions et 4 milliards) et les Institutionnels.

La satisfaction client et les engagements de service clients, la priorité des priorités Le crédo de la banque : la satisfaction des clients. Les engagements de services qui vont des horaires d’ouverture, au Conseil en passant entre autre par l’accueil, la transparence, la réactivité, la confiance sont affichés dans les agences et suivis par le Service Qualité de la banque.

BGFIBank Cameroun

est à l’écoute permanente de ses clients via son Service Client :

Tél. : (+ 237) 33 43 43 88

Réseau d’agences _ Agence Saphir située à Akwa (Douala) et dédiée aux PME/PMI Ouverte du lundi au vendredi de 8H à 16H et le samedi de 8H30 à 12H

_ Agence Émeraude à Bonapriso (Douala) dédiée aux clients Étoile Ouverte du lundi au vendredi de 8H à 16H et le samedi de 8H30 à 12H

_ Siège et Agence Diamant à Bonanjo (Douala) dédiée à l’ensemble de la clientèle Ouverte du lundi au vendredi de 8H à 16H

_ Agence Rubis au centre-ville (Yaoundé) dédiée à l’ensemble de la clientèle Ouverture prévue fin 2011


Une équipe jeune et dynamique Aux côtés de Richard LOWE, Président du Conseil d’Administration, Éric MASBOU, Directeur Général, et Hermine-Dolorès BOUM, Directeur Général Adjoint, dirigent BGFIBank Cameroun. Jeunes professionnels chevronnés, tous deux ont eu auparavant des responsabilités de premier plan. Éric MASBOU a rejoint BGFIBank SA au Gabon en 2002 après une première carrière dans de grandes banques françaises. Il a notamment

été en charge de l’Agence centrale de Libreville, de l’Organisation et de la Qualité, ainsi que du Développement International. Hermine-Dolorès BOUM est une spécialiste de l’Audit Interne, de l’Orga-

nisation, de la Stratégie et du Management des Ressources Humaines. Compétences qu’elle a acquises en débutant sa carrière dans l’Audit Interne et le Management des risques dans le secteur des hydrocarbures avant de s’orienter vers la banque.

« Une expérience de service bancaire de référence » Éric MASBOU, Directeur Général de BGFIBank Cameroun

Éric MASBOU : BGFIBank Cameroun a démarré ses activités le 7 mars 2011 à Douala par l’ouverture à Akwa (quartier des affaires) de la première agence bancaire du pays dédiée à la clientèle des PME/PMI. Cette ouverture entre dans le projet d’entreprise « CAP 2015 » de notre groupe, lancé en 2010. Il traduit de manière opérationnelle la volonté de BGFIBank d’être un acteur bancaire de premier plan en Afrique à l’horizon 2015. En droite ligne avec ce projet d’entreprise, nous ambitionnons d’être parmi les trois premières banques du Cameroun à l’horizon 2015. Quelles ont été les réalisations majeures depuis votre implantation ? Éric MASBOU : Depuis notre arrivée, nous avons procédé au recrutement de personnel de qualité et nous avons développé un éventail de produits et services en

www.bgfi.com

parfaite adéquation avec les attentes de notre clientèle. Mais aussi, et surtout, nous avons accéléré notre déploiement sur le terrain en ouvrant, à Douala, des agences dédiées à nos segments de clientèle. En six mois, nous avons déjà ouvert trois agences, chacune dans des quartiers choisis pour leur proximité avec nos clients. Nous allons clôturer notre programme de l’année par l’ouverture de l’agence Rubis à Yaoundé.

Quelle valeur ajoutée pensez vous apporter sur le marché camerounais ? Éric MASBOU : Servir nos clients est notre credo.

Nous fondons notre action sur une qualité de service établie et proposons à nos clients une expérience de service bancaire de référence. De ce fait, en plus de notre offre de produits en parfaite adéquation avec leurs attentes immédiates et futures, nous affichons nos engagements de services clientèle dans toutes nos agences et notre service client assure leur écoute permanente à travers une ligne téléphonique dédiée.

DIFCOM / C.C.

Quand BGFIBank Cameroun a-t-elle démarré ses activités et quelles sont vos ambitions ?


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Le Plus de J.A.

DÉCRYPTAGE Alain Faujas

La stratégie du soubresaut

S

IL FALLAIT UNE PREUVE de l’immobilisme dont pâtit l’économie camerounaise, le zéro que ce banquier international indique avec son pouce et son index mis en boucle quand on le questionne sur le nombre d’investissements réalisés en 2010 au pays des Lions indomptables en constituerait une belle… D’autant qu’il a placé l’an dernier 2,2 milliards de dollars (soit près de 1,7 milliard d ’ e u r o s ) d a n s t r e n t e e t u n p a y s d ’A f r i q u e subsaharienne ! On pourrait continuer dans ce persiflage et souligner qu’il y a surtout, en cette année électorale, des cérémonies de pose de la première pierre, mais peu d’achèvements annonçant que le Cameroun se réveille sans attendre que se tarisse le pétrole, qui représente 60 % de ses recettes d’exportation. Comme le constate à regret Mathias Caro, coordonnateur régional Cameroun à l’Agence française de développement (AFD), « un nouveau modèle de développement tarde à apparaître dans ce pays où il y a tout ce qu’il faut pour le réussir ». Manquent toujours le secteur privé, les infrastructures, l’électricité et un service de santé fiable. Pourtant, l’économie n’est pas mauvaise. Au sortir de la crise mondiale de 2008, elle a progressé au rythme de 2 % en 2009, puis 3,2 % en 2010. Les prévisionnistes du Fonds monétaire international (FMI) ou de la Banque mondiale annoncent 3 % à 3,5 % pour cette année et 4 % à 4,5 % pour 2012… à condition que les dettes et les déficits n’étouffent pas les économies riches. Le PIB par habitant et les investissements sont repartis de l’avant, à petite vitesse. L’inflation de 2,5 % tout comme la dette (qui représente 14,3 % du PIB) sont plutôt sages, ce qui permettra au gouvernement d’emprunter prudemment aux conditions du marché. Il semblerait donc que les Camerounais mettent un peu plus de cœur à l’ouvrage. Les grands projets quittent lentement les bureaux des ministères pour s’inscrire enfin dans le paysage. La construction du grand barrage de Lom-Pangar a été attribuée aux Chinois après vingt années de tergiversations. Les grues signalent que, partout, on bâtit des maisons, des ponts, des routes et des ports. Toutes les régions du pays en profitent, grâce aux élections, qui obligent à caresser les populations dans le sens du poil.

Le Cameroun a toujours une piètre réputation parmi les investisseurs étrangers pour son climat des affaires médiocre. Mais ceux-ci semblent surmonter leurs réticences, et des missions viennent voir si des projets de belle taille auraient des chances de réussir dans les mines (capitaux britanniques et canadiens) ou dans l’huile de palme (capitaux singapouriens). Rien n’est signé, mais l’intérêt manifesté par ces grandes entreprises est un bon signe. Hélas, l’analyse des budgets de l’État continue de montrer une faible appétence pour le futur. Le dépassement traditionnel des crédits de fonctionnement est compensé par une réduction des crédits d’investissement. Ajoutons que le tiers et parfois la moitié des projets ne voient jamais le jour, et l’on comprend pourquoi, avec un taux d’investissement rapporté au PIB de 18,5 % en 2011, le Cameroun est à la traîne de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), où ce ratio s’élève, dans l’ensemble, à 25 % du PIB. Tout le monde ne croit pas au rebond préélectoral ou à la bonne santé du secteur immobilier. Ainsi, Olivier Behlé, président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), ne voit-il « aucune évolution significative » dans son pays. La multiplication des chantiers lui semble le signe « d’une économie souterraine qui

Avec un taux d’investissement rapporté au PIB de 18,5 %, le Cameroun est à la traîne de la Cemac, où ce ratio atteint 25 %.

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ressurgit ». Autrement dit, affirme-t-il, « ceux qui ont perçu d’importantes sommes d’argent de manière indélicate ne peuvent plus aujourd’hui les déposer sur un compte bancaire. Il ne leur reste plus qu’à construire sur un foncier hors de prix pour profiter de l’inflation des loyers, mais pas dans les zones où il existe une demande de logements ! » Ce blanchiment et cette léthargie lui inspirent cette réflexion désabusée : « Peutêtre que notre pays ne peut évoluer que par soubresauts… » Ce n’est pas la revendication maximaliste de la confédération syndicale Entente des travailleurs du Cameroun de tripler le salaire minimum – de 28 217 à 97 000 F CFA (de 43 à 148 euros) – pour l’aligner sur celui de la Guinée équatoriale qui semble annoncer un tel « soubresaut ». ● JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai TRANSPORTS

Camair-Co peut-elle réussir? Six mois après son vol inaugural, la compagnie nationale supporte la comparaison avec ses concurrentes. Même si le taux de remplissage n’est pas encore au rendez-vous.

C

Douala-Paris en classe éco

708€ Via / 922€ Durée Yaoundé minim 8h10 um :

JEUNE AFRIQUE

510€ 650€ / 1 el s Via Brux leum : im Durée min45 7h

MABOUP

«

ela fait sept ans que je ne suis pas rentré au Cameroun, soupire Pierre, patron d’une entreprise de sécurité, qui vit en France depuis quinze ans. Cet été, pour mes vacances, j’ai eu envie de tester notre nouvelle compagnie. » Il frétille d’impatience et trouve le temps long. À l’agence de Paris, une hôtesse de Cameroon Airlines Corporation (Camair-Co) lui a conseillé de se présenter très tôt à l’aéroport RoissyCharles-de-Gaulle. Sur place, il comprend pourquoi. La compagnie opère à partir du terminal 2B, où les contrôles de police s’effectuent avant l’enregistrement, à cause, dit-on, d’une erreur du constructeur. Les accompagnateurs sont donc priés de rebrousser chemin, obligeant les voyageurs à poursuivre les formalités en manipulant sans aide des chariots débordant de bagages. « C’est encore un coup des Français qui ne veulent pas de la concurrence », bougonne un voyageur arborant le maillot des Lions

POUR FAIRE DÉCOLLER SON ACTIVITÉ, le transporteur a élargi sa flotte à trois appareils avec l’acquisition d’un Boeing 737-700.

indomptables, furieux de devoir faire avancer à la fois son chariot à bagages et une poussette. S’ensuit alors un de ces débats passionnés dont les Camerounais sont coutumiers, émaillé de certitudes sur la concurrence déloyale, l’existence d’un complot occidental visant à affaiblir les entreprises africaines, etc. SYMBOLE. Une ambiance analogue à

celle qui régnait avant l’arrêt définitif, en 2008, des activités de la défunte Camair. Le pavillon national représentait alors un élément fédérateur. Et, comme son

ancêtre, la Camair-Co est une entreprise symbole, à laquelle les Camerounais de l’étranger se sont attachés dès sa création, en 2006. Avant même l’ouverture de la ligne Douala-Yaoundé-Paris, la première (avec la liaison Douala-Yaoundé) à avoir été mise en place lors du lancement de la compagnie, le 28 mars 2011. Après les formalités d’enregistrement, on découvre la cabine du Boeing 767-300 ER de 210 places, le « Dja », mis en service en 2001, qui assure les vols internationaux. Un avion bien insonorisé, mais dont les aménagements ● ● ●

(Tarif aller-retour le plus bas et tarif aller-retour de base en classe économique, proposés par les compagnies à un mois du départ, taxes comprises)

575€ / 1 80 0€ Durée Direct minim u m 6h20 :

475€ / 2 00 V 0 Duréeia Zurich € minim 9h00 um :

525€ / 950€ anca Via Casablim um : Durée min 9h55

450€ / 845€ eba Via Addis-Ab um : Durée minim 15h20 N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Le Plus de J.A. intérieurs sont sommaires. On note le peu d’espace entre les sièges, l’absence d’écran devant soi pour visionner des films, s’informer ou jouer. Diffusés par haut-parleurs, les succès de chanteurs populaires ne suffisent pas à meubler l’ennui de plus de six heures de vol intercontinental entre Paris et Yaoundé. Sur ce point, il sera difficile à la nouvelle compagnie de soutenir la comparaison avec ses concurrentes françaises, belges et suisses, qui proposent des Boeing 777 ou des Airbus A330, des biréacteurs longs-courriers de généra●●●

Le confort à bord est sommaire, mais le personnel souriant et les plateaux-repas excellents. tions récentes dont les aménagements intérieurs privilégient le confort des passagers. Deux très bons points, en revanche, pour le service à bord de la Camair-Co : le sourire et la disponibilité du personnel navigant, ainsi qu’un plateau-repas excellent et généreux, qui propose, notamment, le meilleur de la cuisine camerounaise. Certains de ses concurrents, en particulier Air France, gagneraient à s’en inspirer. Enfin, en dépit de quelques vols annulés pour des problèmes techniques, les avions sont ponctuels. DESSERTES RÉGIONALES. Cependant,

l’attachement d’une population à sa compagnie aérienne ne suffit pas, et le transporteur doit redoubler d’efforts pour améliorer la qualité de ses prestations. Pour l’heure, l’évolution du taux de remplissage reste mitigée. Ainsi que le reconnaît le directeur général, le Néerlandais Alex Van Elk, celui-ci est en deçà du taux minimum de 66 % nécessaire pour rentabiliser l’exploitation. En dépit d’un peu de retard sur le calendrier, la Camair-Co poursuit le développement de son réseau. Après Libreville (Gabon) et Lagos (Nigeria), le transporteur compte rapidement ouvrir des dessertes vers Abidjan (Côte d’Ivoire), Cotonou (Bénin) et Dakar (Sénégal). Pour faire face à la densification de son activité, il s’est récemment doté d’un second Boeing 737-700, portant ainsi sa flotte à trois appareils. ●

Passage à niveau pour Camrail La modernisation de la société nationale des chemins de fer est en marche : nouveau matériel, réhabilitation du réseau. Un partenariat public-privé qui roule.

M

ise en service de six nouveaux wagons sur la ligne Mbanga-Douala, acquisition de deux locomotives de 3300 chevaux… Cameroon Railways (Camrail), dont le capital est réparti entre le groupe Bolloré (77,4 %), l’État camerounais (13,5 %), Total Cameroun (5,3 %) et le groupe Thanry (3,8 %), renouvelle ses équipements. La compagnie va bientôt faire l’acquisition d’une quarantaine de voituresdevoyageursàlasuited’unmarché passé avec China South Locomotive and Rolling Stock Corporation Ltd. Trois ans après la signature d’une convention entre l’État et le groupe Bolloré, concessionnaire d’exploitation du réseau depuis 1999, le programme de modernisation de Camrail, qui prévoit le renouvellement du matériel roulant, mais aussi la mise à niveau de certains tronçons de voies, commence donc à se concrétiser. Courant sur la période 20092020, ce plan de 230 milliards de F CFA (plus de 350 millions d’euros) est financé conjointement par le groupe Bolloré (158 milliards) et l’État (72 milliards), qui reste propriétaire des voies. Concernant la rénovation du réseau ferré, le renouvellement de la voie entre Ka’a et Belabo, un tronçon de la ligne Yaoundé-Ngaoundéré – le fameux Transcamerounais –, est en cours. De quoi améliorer le trafic sur un axe très

utilisé, tant pour le transport des voyageurs que pour celui des marchandises, en particulier le bétail de l’Adamoua, acheminé vers les grands centres de consommation du sud du Cameroun. Par ailleurs, 1 milliard de F CFA a été débloqué pour financer une étude sur la réhabilitation de la ligne ouest, qui, une fois rénovée, ira jusqu’à Nkongsamba. SOULAGEMENT. Les usagers, qui pâtis-

sent de la lenteur et de l’irrégularité des dessertes, pourraient donc bientôt pousser un ouf de soulagement. Si le trafic et les conditions de voyage ne sont pas encore à la hauteur des attentes – seuls les axes Douala-Yaoundé, YaoundéNgaoundéré et Douala-Mbanga-Kumba sont en service –, les prestations en gare se sont déjà améliorées. Du moins à Yaoundé. Salles d’attente de première et deuxième classes entièrement rénovées, salle VIP, bureau d’informations, écrans de télévision… La gare de voyageurs respire le neuf. Et compte désormais huit guichets : cinq pour la deuxième classe, deux pour la première et un pour les forces de maintien de l’ordre. Parmi les innovations à venir, un meilleur système de réservation, l’étiquetage des bagages, la rénovation des outils signalétiques sur la voie ferrée et la sonorisation dans les trains. ● MURIEL DEVEY

Æ Les espaces d’accueil de la gare de Yaoundé ONT ÉTÉ ENTIÈREMENT RÉNOVÉS.

RENAUD VANDERMEEREN POUR J.A.

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JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. GRANDS CHANTIERS

Course contre la montre Le pays doit rattraper son considérable retard en matière d’infrastructures. Comment finance-t-il ces travaux ? Qui sont ses partenaires ?

E

spérant accéder au statut de pays émergent d’ici à 2035, le Cameroun n’avait d’autre choix que de lancer, enfin, les grands chantiers d’infrastructures, qui lui font cruellement défaut. Divers projets ont été identifiés dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) 2010-2020 et le plan « Cameroun, vision 2035».Annoncésparleprésident PaulBiya en janvier 2010, ils sont désormais sur les rails, principalement dans les secteurs de l’énergie, des transports et des télécommunications, les plus incontournables pour relancer la croissance et stimuler les investissements. Le financement de ces équipements sollicite largement le partenariat publicprivé : contribution de l’État, de bailleurs de fonds, investissements directs étrangers (IDE), appel à l’épargne privée nationale sous forme d’emprunt obligataire et endettement auprès des banques. SURSAUT ÉNERGÉTIQUE. Bien que le

pays soit doté d’un fort potentiel hydroélectrique, la production d’électricité est limitée et les infrastructures de transport et de distribution de l’énergie sont vétustes, saturées et mal interconnectées. Une situation qui complique le quotidien des Camerounais et explique le retard pris dans le démarrage de la politique industrielle et de diversification. L’enjeu est donc crucial.

Le goût du monde

Outre l’entretien et la réhabilitation des centrales existantes, l’objectif est de porter les capacités de production à 3 000 MW d’ici à 2020, contre 1 020 MW actuellement (lire encadré p. 83), afin de résorber le déficit en électricité (de l’ordre de 40 GWh/an) et de satisfaire les besoins supplémentaires engendrés, dans un avenir proche, par la forte croissance de la consommation des ménages et des industriels. À commencer par l’augmentation prévue de la production d’aluminium d’Alucam, une activité particulièrement gourmande en électricité, ainsi que le lancement de l’exploitation des mines de bauxite (lire pp. 86-87). Le coût global des opérations s’élève à 5 853 milliards de FCFA (plus de 8,9 milliards d’euros) sur dix ans pour la réalisation des infrastructures de production et de transport d’électricité par grands réseaux, et à 664 milliards de F CFA pour le programme d’électrification rurale.

RENAUD VANDERMEEREN POUR J.A.

76

Parmi ces projets, le plus avancé est celui de la minicentrale hydroélectrique de Mekin (12 MW), sur le fleuve Dja, dont les travaux, en cours, ont été confiés à China National Electric Equipement Corporation. Conformément à l’accord signé en janvier 2010 avec le gouvernement camerounais, le projet – piloté par l’entreprise publique Principaux secteurs ciblés : Mekin Hydroelectric Development l’électricité, les transports et Corporation (Hydro Mekin) – sera financé à hauteur de 85 % par les télécommunications. un prêt de 22 milliards de F CFA accordé par China Exim Bank. Le même Plusieurs projets ont été retenus, dont le barrage réservoir de Lom-Pangar, sur établissement assurera, par un prêt de le fleuve Sanaga (lire p. 83), les centrales 243 milliards de F CFA, le financement de hydroélectriques de Memve’ele, Nachtigal la centrale hydroélectrique de Memve’ele, et Mekin, ainsi que la centrale thermique sur le fleuve Ntem, dont la capacité de à gaz de Mpolongwé, près de Kribi. production sera de plus de 200 MW.

Le goût du monde pour Doual’air Servair, c’est d’être respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration aérienne et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes des passagers de l’aéroport international de Douala: Un nouveau point de restauration en aérogare, une boutique de produits hors taxes et des sallons d’aéroport.


77

LA ROUTE GAROUA-BOULAÏ-NGAOUNDÉRÉ, en cours de construction.

ONOMIQUE S2 S ÉC 0

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JEUNE AFRIQUE

IVE

transports, faute d’un réseau routier permettant de relier facilement son Nord et son Sud, le Cameroun est de fait coupé en deux. Une carence que le chemin de fer (lire p. 76) ne compense pas, puisqu’il s’arrête à Ngaoundéré (dans l’Adamaoua). Le pays est par ailleurs mal connecté à ses voisins, à l’exception du Gabon et

37,9 %

CT

COUPÉ EN DEUX. Sur le chapitre des

de la Guinée équatoriale. En matière de transport routier, l’accent est mis, d’une part, sur le désenclavement des villes secondaires de l’aire métropolitaine de HAUT DÉBIT. Enfin, dans le secteur des Douala et de Yaoundé, où est concentrée une grande partie de la population et des télécommunications (lire aussi p. 96), activités, et, d’autre part, sur l’amélioration deux projets, en cours, visent à doter le de la voirie des grandes villes. pays d’infrastructures de connexion à Trois projets devraient contribuer haut débit. D’une part, la poursuite du SOUR à atteindre ces objectifs déploiement du réseau de fibre optidéploi ctifs : CE :P ER S la construction d’un que : long de quelque 2 000 km qu second pont sur le actuellement, il dépassera, à ac fleuve Wouri à Douala terme, 5 000 km. Financée des chaussées bitumées (un chantier de 119 milà hauteur de 26 milliards sont dans un état liards de F CFA, financé de F CFA par la Chine et de médiocre ou à hauteur de 87 milliards 12 milliards de F CFA par mauvais, et 10,2 % par la coopération franl’État camerounais, cette preseulement en bon et mière initiative s’intègre au çaise), l’élargissementt mi en très bon état projet Central Africa Backbone des voiries des entrées est pr (CAB), qui doit permettre à l’enet ouest de Douala (1677 mil(CAB semble des pays de la sous-région de se liards de F CFA) et la réalisation de connecter au câble sous-marin à fibre l’autoroute Yaoundé-Douala (entre 300 et 400 milliards de F CFA), première étape de optique SAT-3. la boucle autoroutière Douala-YaoundéPar ailleurs, le National Broadband Network (NBN, réseau national haut Bafoussam-Douala. Enfin, dans le domaine maritime, les débit), d’un coût estimé à 41 milliards de capacités et résultats du port de Douala, F CFA, comprend plusieurs volets, dont en tant que centre de transbordement la diversification des réseaux de fibre pour la sous-région, restent en deçà optique, le développement de l’internet mobile à large bande et l’introduction du des normes mondiales en la matière, et ses capacités d’accueil sont limitées réseau mobile de nouvelle génération. Il par son faible tirant d’eau. De quoi porprévoit aussi un deuxième point d’atterter un coup à la vocation de transit du rissage du câble sous-marin SAT-3. ● pays. Le projet majeur dans ce secteur MURIEL DEVEY PE

Le chantier du barrage de Lom-Pangar, confié à China International Water & Electric Corporation, débutera en novembre prochain pour être livré en janvier 2015 au plus tard. Quant à la centrale thermique à gaz de Mpolongwé, dont le maître d’œuvre est Kribi Power Development Company (filiale à 56 % de l’électricien AES-Sonel), elle devrait être mise en service en septembre 2012. Son coût total est estimé à plus de 176 milliards de F CFA. D’une capacité de 216 MW, elle sera alimentée par du gaz livré par le franco-britannique Perenco, attributaire du champ gazier offshore Sanaga Sud. L’énergie produite sera vendue à AES-Sonel, qui en assurera la distribution à travers le réseau camerounais. Le réseau de transport d’énergie bénéficiera quant à lui d’un investissement de 103 milliards de F CFA, destinés à renforcer et à réhabiliter les ouvrages existants.

est la construction d’un port en eau profonde à Kribi (lire pp. 84-85), qui fera fonction de port minéralier et de plateforme de transbordement pour la sous-région. D’un coût de 282 milliards de F CFA, il est réalisé par China Harbour Engineering Company et financé à hauteur de 207 milliards de F CFA par China Exim Bank. Le gouvernement camerounais interviendra par le biais d’un emprunt obligataire. Pouvant accueillir des bâtiments de 15 m à 16 m de tirant d’eau et d’une capacité de 100 000 tonnes, le port de Kribi comprendra un terminal à conteneurs d’une capacité annuelle de 400 000 EVP (« équivalent vingt pieds », une unité de mesure qui représente environ 30 m3), un terminal aluminium dont la construction est confiée à Rio Tinto Alcan, un terminal hydrocarbures (3 millions de tonnes) financé par l’armateur Camship et la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP). La construction d’un terminal polyvalent (entre 2 et 3 millions de tonnes) est également prévue. À ces activités s’ajoutera un trafic de transbordement (20 000 EVP). Les premiers navires pourraient accoster dès 2014.

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TRADEX

UNE SUCCESS STORY AFRICAINE UNE SOCIÉTÉ EN CROISSANCE AU CAMEROUN ET DANS LA SOUS-RÉGION Spécialiste du négoce pétrolier depuis 1999 au Cameroun, la société TRADEX s’est depuis diversifiée dans la distribution tout en étendant ses activités à la zone CEMAC. Très présente au Tchad et en Centrafrique, elle ambitionne de renforcer son leadership sous-régional pour en faire un exemple d’intégration. ■ TRADEX a été créée en1999 en partenariat entre la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et des investisseurs privés camerounais et étrangers. Spécialisée à l’origine dans le négoce, elle a commencé en 2002 à diversifier ses activités dans l’approvisionnement et le soutage maritime. Elle s’est ensuite insérée dans le marché de la distribution dès sa libéralisation, au Cameroun, en 2006. Ambitieuse, elle a étendu ses activités hors des frontières camerounaises pour devenir aujourd’hui un leader de l’exportation de produits pétroliers vers les pays de la zone CEMAC. Le but de TRADEX : être un acteur majeur dans les maillons clés du secteur pétrolier africain et faire du Cameroun l’un des plus importants centres de distribution d’Afrique subsaharienne. Cela, en offrant à ses clients une gamme diversifiée de produits et une excellente qualité de service.

Awaé dans l’arrondissement de Yaoundé IV, dans la région du Centre. La confiance des clients à l’égard de TRADEX se traduit par une part de marché de près de 13 %, ce qui fait de ses stations-service les plus performantes du secteur, y compris face aux multinationales pétrolières.

UN EXEMPLE D’INTÉGRATION RÉGIONALE ■ TRADEX s’est imposée depuis dix ans comme un acteur essentiel dans l’activité d’approvisionnement en produits pétroliers des pays de la zone CEMAC. Elle assure de manière significative les exportations de produits pétroliers vers le Tchad, le Congo, la République Centrafricaine ou encore la Guinée-Équatoriale. À l’affût des opportunités, la société a créé TRADEX Centrafrique en 2006 en rachetant un réseau d’une vingtaine de stations-service réparties à travers tout le pays. En 2004, elle avait ouvert sa première filiale, au Tchad, afin d’entretenir ses clients industriels et de prospecter à la recherche de nouveaux débouchés.

À LA POINTE DE L’INNOVATION

■ TRADEX au Cameroun, c’est aujourd’hui 30 stations-service et un vaste programme d’implantation de nouveaux sites, notamment dans les villes de Yaoundé et Douala, qui en comptent déjà 21 (13 à Yaoundé et 8 à Douala). La dernière station en date a été ouverte à

■ Afin d’offrir à ses clients tous les services nécessaires dans ses stations-service, TRADEX a lancé au début de l’année « TRADEX lubrifiants ». Une gamme d’une soixantaine de produits qui répondent aux normes de l’industrie avec une spécificité, insuffisamment prise en compte : ils s’adaptent à l’environnement africain et résistent à des conditions sévères de circulation. Des spécialistes ont spécialement été formés par l’entreprise pour accueillir et conseiller les clients dans les stations au style futuriste, formes généreuses et lignes arrondies, qui font le succès de TRADEX auprès du grand public.

Le réseau TRADEX compte actuellement 30 stations-service modernes au Cameroun.

Le réseau TRADEX offre tous les services de la distribution de carburants... Et bien plus.

UN LEADER LOCAL

COMMUNIQUÉ


Yaoundé accueille 13 stations-service TRADEX. Ici à Ahala.

Interview de

Perrial Jean Nyodog*, directeur général de TRADEX

« TRADEX BIENTÔT DANS LE GPL »

Le réseau de stations-service au Cameroun se développe rapidement, à quelle vitesse depuis deux ans ? De nouvelles innovations vont-elles voir le jour après TRADEX lubrifiants ? Notre réseau se développe à la vitesse prévue. Nous avons mis six nouvelles stations en service en 2010 et cinq depuis le début de l’année. Nous comptons en ouvrir au moins deux autres avant la fin de l’année. Pour ce qui est des innovations, nous comptons nous inscrire dans le sillage du lancement réussi de notre marque de lubrifiants. Aussi, je vous informe en exclusivité de notre pénétration très prochaine du segment GPL (Gaz pétrolier liquéfié) à travers la création d’une nouvelle marque entreprise. Notre ambition étant toujours d’offrir à notre clientèle des produits remplissant les conditions strictes de qualité et de sécurité, tout en veillant à l’amélioration constante du service.

Comment expliquez-vous que le ratio d’accueil de clients par stations de TRADEX soit le meilleur du Cameroun ? On peut expliquer cela par la stratégie mise en place par TRADEX pour pénétrer le marché : le design moderne des stations-service ; le choix pertinent des emplacements, à l’entrée des grandes villes et des nouvelles zones d’habitation, ou encore la qualité de produit irréprochable et la qualité de service reconnue. Vous êtes président du Groupement des professionnels du pétrole (GPP) depuis 2008. Quel est son rôle ? Le GPP assiste les pouvoirs publics dans la régulation du marché intérieur, ses membres couvrant 90% tant en part de marché que de points de vente. Notre responsabilité est par conséquent importante pour la disponibilité des produits en qualité et en quantité. Parce qu’acteur incontournable, le GPP participe activement à l’élaboration des textes régissant la profession. Au-delà, il organise la formation des cadres camerounais qui vont ensuite faire le bonheur des entreprises nationales qui entrent de plus en plus dans le secteur. Nous garantissons donc une espèce de continuité professionnelle. * Lauréat en juillet dernier de l’Oscar prestige de la renaissance afri-

caine, décerné lors du 23e Forum économique de l’Afrique gagnante, à Paris.

TRADEX SA Douala Littoral, 1468 Cameroun (+237) 33 43 63 75 / (+237) 33 43 63 76 www.TRADEXsa.com TRADEX@TRADEXsa.com

DIFCOM/FC - PHOTOS : DR

Quelles sont les ambitions sousrégionales de TRADEX ? TRADEX va renforcer sa présence au Tchad et en République centrafricaine en attendant les opportunités qui pourraient se présenter dans d’autres pays. Au Tchad, TRADEX s’engage dans la distribution des produits pétroliers à travers la mise en place d’un réseau de stations-service modernes et futuristes. Pour ce qui est de la RCA, nous comptons améliorer notre visibilité et augmenter notre part de marché. Enfin, l’offre de nos produits et services sur ces marchés va être étendue.


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Ý LA CAPACITÉ DU SITE DE LIMBÉ va passer de 2,1 millions de tonnes par an à 3,5, voire 4 millions de tonnes.

Le fioul étant moins cher que le brut – ce qui grève la rentabilité de la raffinerie –, il a fallu prévoir un traitement spécifique pour le raffiner davantage et en extraire des produits légers : essence, gasoil et kérosène. C’est la raison qui a poussé à l’acquisition d’une unité d’hydrocraquage, nécessaire pour convertir des distillats lourds de pétrole en coupes légères à haute valeur ajoutée.

VINCENT FOURNIER/J.A.

DES BESOINS CROISSANTS. Selon le

HYDROCARBURES

Un peu plus de raffinage dans un monde de brut

L’extension des installations de la Sonara doit permettre de doubler la production. Et d’augmenter les exportations vers la sous-région, où la demande est importante.

C

es derniers mois, la Société nationale de raffinage (Sonara) a fait l’actualité. En mai, une fausse information annonçait une pénurie de carburants. Le 23 août, un incendie s’est déclenché dans l’une de ses cuves à la suite d’un dysfonctionnement. « Les organes vitaux de la raffinerie ne sont pas affectés. Par mesure de sécurité, l’usine est arrêtée en attendant l’évaluation de l’incident,pourlequelonnedéploreaucun blessé. L’approvisionnement du marché en produits pétroliers raffinés [environ

1 million de tonnes par an, NDLR] se poursuit », a dédramatisé l’entreprise. L’incident et la fermeture temporaire vont surtout retarder l’ambitieux programme d’extension, d’un coût de 380 milliards de F CFA (579,3 millions d’euros). La construction de nouvelles unités de production, annexées aux installations actuelles, devrait permettre d’augmenter la capacité de production, qui passera de 2,1 millions de tonnes par an à 3,5 millions, voire 4 millions, dont 42 % de fioul.

calendrier initial, la première phase des travaux, qui vise à optimiser la rentabilité de l’entreprise, doit s’achever en décembre 2011, et la mise en place des nouvelles unités est programmée pour la fin de 2012. Les ingénieurs prévoient le démarrage de l’hydrocraqueur et de ses unités annexes en 2014 et 2015. « La production de la Sonara est beaucoupplusimportantequelesbesoinsnationaux », explique le conseiller technique et chef de projet, Godfrey Yenwo Molo. Les excédents sont donc exportés, mais ils ne satisfont que 40 % de la demande de la sous-région.Lesbesoinsysontcroissantset l’offre insuffisante, en dépit de la construction par les Chinois d’une raffinerie au Tchad voisin. La demande du Nigeria, notamment, est due à la capacité limitée de ses quatre raffineries, qui ne comble pas les besoins de son marché intérieur. Les travaux de la raffinerie de la Sonara sont aussi l’occasion d’adapter des équipements initialement calibrés pour traiter le brut léger, ce qui avait conduit les ingénieurs de l’entreprise à recommander de raffiner le brut importé du Nigeria et, depuis quelques années, de Guinée équatoriale, plutôt que le « Kolé » camerounais, plus lourd. À la fin des travaux, la dépendance à l’égard des importations de brut sera donc réduite. ● GEORGES DOUGUELI

OBJECTIF GNL FAIRE ENTRER LE CAMEROUN dans le club très restreint des pays dotés d’installations de liquéfaction et exportateurs de gaz naturel liquéfié (GNL), tel est l’objectif de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et du groupe français GDF Suez, qui, après un partenariat stratégique en 2008, ont conclu un accord-cadre en décembre 2010. Le projet, dont les études d’ingénierie préalables sont en cours, prévoit la construction de N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

gazoducs et d’une usine de liquéfaction onshore, près de Kribi, d’une capacité de 3,5 millions de tonnes par an et d’un coût estimé à 3 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros). La décision d’investissement des partenaires devrait intervenir d’ici fin 2012, pour une entrée en production entre 2015 et 2020. Selon la SNH, le pays dispose de 157 milliards de m3 de réserves prouvées de gaz naturel non encore exploitées. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai ÉLECTRICITÉ

La tension monte enfin à Lom Pangar Le projet de grand barrage réservoir sur le Sanaga, dans l’Est, sort enfin des cartons, pour une mise en service prévue au plus tard en janvier 2015.

RENAUD VANDERMEEREN POUR J.A.

Ý LE COMPLEXE HYDROÉLECTRIQUE DE LAGDO, réalisé par China International Water & Electric Corp., à qui le chantier de Lom Pangar a été confié.

A

près plus d’un an d’attente, le gouvernement camerounais et le maître d’ouvrage, Electricity Development Corporation (EDC), ont enfin signé, le 12 août, le contrat de construction du barrage réservoir de Lom Pangar (Est), avec le partenaire retenu: China International Water & Electric Corporation (CWE), qui avait réalisé le barrage de Lagdo (Nord) dans les années 1970 et 1980. Le bureau d’études français Coyne et Bellier, spécialisé dans l’ingénierie conseil, est chargé de superviser la réalisation du projet selon les termes d’un contrat signé le 15 février dernier. CWE dispose d’un délai de trentehuit mois à compter du début du chantier – prévu en novembre – pour livrer l’ouvrage, dont le coût est évalué à près de 75 milliards de F CFA (plus de 114 millions d’euros). L’entrée en service est prévue entre juillet 2014 et janvier 2015. Le barrage de Lom Pangar permettra de réguler les courants saisonniers du fleuve Sanaga en portant son débit moyen garanti de 720 m3/s à 1 040 m3/s et la puissance garantie des barrages de Song Loulou et d’Édéa de 450 à 618 mégawatts. Une petite centrale hydroélectrique de pied, d’une capacité de 30 MW, sera annexée au barrage ; elle permettra de produire un supplément d’électricité (principalement pour alimenter la région de l’Est) pendant la période d’étiage de JEUNE AFRIQUE

la Sanaga, qui accentue le déficit énergétique du pays. Une ligne de transport de 90 kilovolts, longue d’environ 120 km, reliera le complexe à la ville de Bertoua. EN AVAL. Le réservoir, d’une superficie de

540 km2 et d’un volume de 7 milliards de m3 d’eau, permettra en outre de ravitailler en eau les barrages du bassin du fleuve Sanaga, situés en aval, et de construire la centrale hydroélectrique de Nachtigal à Batchenga, près de Yaoundé (Centre), d’une puissance d’environ 330 MW. Des difficultés ont retardé la mise en place du projet. À commencer par le manque d’enthousiasme des partenaires, peu convaincus de la nécessité de doter le Cameroun d’un tel ouvrage. Certains, à l’instardelaBanquemondiale,redoutaient

un impact négatif sur la préservation des forêts et la protection de l’environnement. Des études rassurantes, ainsi que la promesse gouvernementale d’indemniser les trois cent cinquante villageois expropriés, ont vaincu les réticences des bailleurs de fonds. Selon EDC, ces familles seront relogées dans le canton voisin. Par ailleurs, un plan de gestion environnemental et social présenté en juin prévoit une enveloppe de 44 milliards de F CFA pour la construction de centres de santé et d’écoles, ainsi que la mise en œuvre de plans de formation et d’encadrement pour le développement des activités agricoles et piscicoles. L’autre point de blocage concernait le déplacement de l’oléoduc TchadCameroun, qui traverse l’emprise prévue pour accueillir la retenue d’eau du barrage. Pour écarter le risque d’une catastrophe écologique qui pourrait survenir à cause de la forte pression exercée sur les canalisations du pipeline, le gouvernement et la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), l’entreprise qui gère l’oléoduc, ont abouti à un accord le 7 juillet dernier, après trois ans de négociations. Ce dernier stipule que chacune des parties prend à sa charge une partie du financement des travaux nécessaires pour détourner le tracé du pipeline de 25 km, dont le coût a été arrêté à 45 milliards de F CFA. ● GEORGES DOUGUELI

UN ÉNORME DÉFICIT SELON L’AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE, le Cameroun dispose du deuxième potentiel hydroélectrique du continent (23000 mégawatts, équivalant à 161200 GWh) après la RD Congo (100000 MW, 774000 GWh), mais n’en utilise même pas 3 %. Doté d’une capacité installée de 1020 MW (dont 725 MW d’origine hydraulique), le pays ne produit en effet que 5600 GWh, accusant un déficit d’environ 40 GWh, et ce alors que moins de 40 % de la population a accès à l’électricité (10 % en zone rurale) et que les besoins augmentent de 6 % par an. La consommation industrielle s’établit à 1315 GWh, soit une puissance de 150 MW (l’équivalent des besoins actuels de l’usine d’Alucam, à Édéa, pour fonctionner à pleine capacité). L’objectif du programme de mise à niveau des infrastructures, en cours, est de porter la capacité de production à 3000 MW d’ici à 2020. ● CÉCILE MANCIAUX N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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RENAUD VANDERMEEREN POUR J.A.

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APRÈS LES TRAVAUX DE TERRASSEMENT, une digue de 3 km sera bâtie pour protéger les futurs bassins. AMÉNAGEMENT

Kribi, côté investisseurs… Alors que s’engage la construction du port en eau profonde, nombre d’opérateurs affluent dans la région.

L

olabé, à près de 35 km au sud de Kribi. La rumeur des vagues est dominée par le grondement des bulldozers, pelleteuses et camions qui repoussent la forêt littorale. Pour l’instant, le chantier du port en eau profonde, l’un des plus importants projets d’équipement lancés au Cameroun (lire pp. 76-77), n’est encore qu’une vaste clairière. Vétéran du BTP en Afrique, le français Razel est chargé de réaliser les travaux de terrassement. Dans quelques semaines, China Harbour Engineering Company (CHEC) prendra le relais pour entamer les titanesques travaux d’ingénierie portuaire, dont la construction d’une digue artificielle de près de 3 km pour protéger les futurs bassins de la houle. Dans le même temps, le dragage de 11 millions de m3 permettra d’atteindre la profondeur souhaitée pour le chenal et les darses et fournira le remblai nécessaire pour les terre-pleins. L’ouvrage, d’un coût de 282 milliards de F CFA (près de 430 millions d’euros), sera financé en grande partie par China Exim Bank, qui a consenti un crédit N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

commercial dont la garantie de remboursement repose sur les profits générés par l’activité du complexe portuaire. « Avec un taux de rentabilité estimé à 16 %, c’est un très bon investissement pour eux », explique un expert du ministère camerounais de l’Économie. Grâce à son port et aux infrastructures en cours de construction dans sa périphérie, Kribi devrait drainer le trafic de marchandises en provenance du Congo, de Centrafrique et du Tchad, et devenir un concurrent direct pour

supérieur à 80 %, plus de 2 000 mm de précipitations par an et cinq heures de soleil par jour, cette région littorale, relativement peu peuplée, est favorable au développement de vastes exploitations d’hévéas, de palmiers à huile, de bananiers, entre autres. L’AGRO-INDUSTRIE EN FORCE. Plusieurs

opérateurs y sont déjà présents. La société Hévéa du Cameroun (Hevecam) exploite des milliers d’hectares de plantations à Niété, où ses usines transforment le latex en caoutchouc. La Société camerounaise de palmeraies (Socapalm, filiale du groupe Bolloré), qui détient 42 % du marché local de l’huile de palme brute, envisage de rajeunir ses plantations de palmiers, de moderniser ses huileries et de se diversifier en augmentant de 1 500 ha sa surface de culture d’hévéas. De nouveaux acteurs se positionnent pour s’implanChaleur, humidité, ensoleillement… ter dans la région. Le plus Des conditions favorables à la ambitieux d’entre eux est culture d’hévéas ou de palmiers. sans doute le singapourien Biopalm Energy, filiale de Pointe-Noire (Congo) et Malabo (Guinée Siva Group, qui a lancé le 24 août deréquatoriale). nier un projet de 900 milliards de F CFA Mais au-delà de la construction du port, (1,37 milliard d’euros) d’investissements c’est un vaste pôle de développement qui pour l’exploitation de 200 000 ha de pals’organise autour de Kribi, notamment meraies réparties entre les localités de dans les secteurs minier (lire pp. 84-85) Béla (près de Kribi), Lolodorf et Akom II, et agro-industriel. Avec une température plus au sud. ● supérieure à 18 °C, un taux d’humidité GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai

R O YA U M E D U M A R O C

… et côté VIP

D

es célébrités lui sont attachées, comme l’ex-tennisman et chanteur Yannick Noah, qui a été fait citoyen d’honneur de Kribi en 2005. Il y vient régulièrement et aime arpenter pieds nus ses plages de sable clair, sur lesquelles il a tourné une partie du clip de Saga Africa. Le footballeur Samuel Eto’o a également droit aux honneurs de la cité. Il a acquis 7 ha de terrain à Ebome, à 5 km du centre-ville. MÉMOIRE ET FARNIENTE. L’attrait de

la station balnéaire pour les vacanciers, illustres ou anonymes, ne se dément pas. Les Camerounais de l’étranger affluent pour s’y reposer ou célébrer des mariages. Les Africains-Américains à la recherche de leurs racines viennent y méditer sur les conditions du départ de leurs ancêtres victimes de la traite négrière.

Yannick Noah a été fait citoyen d’honneur de la ville, où il a tourné une partie du clip de Saga Africa. D’autres visitent les vestiges de la colonisation allemande, nombreux dans la région où, chaque mois de mai, le carnaval Mayi commémore le déplacement des populations prises entre le feu allemand et celui des troupes franco-britanniques pendant la Première Guerre mondiale. Tandis que de plus en plus d’écotouristes se laissent envoûter par l’extraordinaire biodiversité du parc national voisin de Campo Ma’an. Les classes moyennes de Yaoundé aiment aussi se retrouver à Kribi en fin de semaine. La mode est à l’achat de résidences secondaires sur la bande côtière, où la pression foncière croissante fait exploser les prix et le nombre de litiges. On achète aussi des terrains dans l’hinterland, dans un rayon de près de 40 km autour de Kribi, où le charme de la nature encore sauvage attire des people en quête de tranquillité et des expatriés, pour la plupart retraités. ● G.D. JEUNE AFRIQUE

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DIFCOM/D.F. - © PHOTOS : D.R.

La cité balnéaire ne séduit pas que les industriels. Ses plages et la forêt qui l’entoure attirent les touristes, illustres ou anonymes.


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Le Plus de J.A. club des pays producteurs de bauxite, avec 4 millions de tonnes par an dans un premier temps et 8,5 millions de tonnes par an à terme.

MINERAIS ET MATÉRIAUX

L’âge de l’aluminium

Le pays fera bientôt son entrée dans le club des producteurs de bauxite, dont l’exploitation et la transformation pourraient devenir sa source de revenus la plus importante.

NOUVEAUX ACTIONNAIRES. L’État a

installé, le 24 août, le comité de coordination et de suivi relatif au développement du projet et à l’exploitation de ces gisements par Cameroon Alumina Limited (CAL). Celui-ci doit élaborer, d’ici à fin septembre, un projet de convention qui sera soumis au gouvernement. Cameroon Alumina est une filiale à 100 % d’Hydromine Global Mineral (HGM), coentreprise entre l’Américain Hydromine Inc., porteur du projet d’exploration initial, qui ne détient plus que 10 % du capital, le groupe indien

CAMEROON ALUMINA

Dans un premier temps, la production s’élèvera à 4 millions de tonnes par an.

A

FORAGE TEST AU COURS DE LA PHASE D’EXPLORATION dans l’Adamaoua.

vec quatre grands gisements identifiés, soit environ 1 milliard de tonnes, le Cameroun dispose des 6e réserves mondiales de bauxite, les premières étant en Guinée, d’où est actuellement importée la plus grande partie de l’alumine traitée par l’usine d’Alucam à Édéa (lire p. 85).

Selon les travaux d’exploration menés de 2008 à 2010, les gisements situés à Minim-Martap et Ngaoundal, dans l’Adamaoua, sont estimés à plus de 700 millions de tonnes de bauxite, exploitables sur soixante ans. Le lancement de l’extraction, prévu d’ici à 2015, marquera l’entrée du Cameroun dans le

Des réserves mondiales de 28 milliards de tonnes (Principaux gisements, en milliards de tonnes)

2

Jamaïque

3,4

7,4

2,1 Vietnam

Guinée

Brésil

6,2

Australie SOURCES : INTERNATIONAL ALUMINIUM INSTITUTE, US GEOLOGICAL SURVEY

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Hindalco Industries Limited (45 %) et le géant émirati Dubai Aluminium Company (Dubal, 45 %). À CIEL OUVERT. Le consortium pré-

voit d’investir plus de 2 000 milliards de F CFA (3,1 milliards d’euros), dont 45 milliards pour la construction de la mine à ciel ouvert et 227 milliards pour celle des 800 km de voie ferrée qui permettront d’acheminer la bauxite vers le futur port en eau profonde de Kribi (lire pp. 82-83). CAL envisage en outre de consacrer 1 700 milliards de F CFA à la construction d’une usine de raffinage d’alumine (d’une capacité de 1,5 million de tonnes/ an, étendue à 3 millions de tonnes/ an dans une seconde phase), à Kribi également, le code minier camerounais contraignant désormais les exploitants à transformer sur place au moins 15 % de leur production. D’autres gisements sont en cours d’exploration, à Fongo-Tongo (Ouest) et à Banguem (Sud-Ouest), où les réserves estimées sont, respectivement, de 46 millions et 19 millions de tonnes. Une manne qui, à moyen terme, selon les experts, devrait faire du minerai et de sa transformation la plus importante source de revenus du pays, avant les hydrocarbures. ● CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE


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NICOLAS EYIDI

Ý L’EXTENSION PORTERA LES BESOINS EN ÉLECTRICITÉ de 150 à 500 MW.

Alucam change de braquet Numéro un de l’aluminium primaire dans la sous-région, l’entreprise va tripler la capacité de son usine d’Édéa.

T

roisième firme exportatrice du pays, la compagnie Aluminium du Cameroun (Alucam), fondée en 1957, emploie 1000 personnes et génère plusde1300emploisindirects,notamment au sein de ses dizaines de sous-traitants et de fournisseurs locaux. Leader de la production d’aluminium primaire (mis en lingots à partir du minerai de bauxite) dans la sous-région, l’entreprise repose sur un

partenariat entre l’État (46,7 % du capital) et le géant anglo-australien Rio Tinto Alcan (46,7 %), auxquels sont associés l’Agence française de développement (5,5 %) et le personnel de la société (1,1 %). En plus des lingots d’aluminium qui sortent de son usine d’Édéa, à 60 km au sud de Douala, Alucam a également développé les activités aval de la filière à travers deux filiales: la Société camerounaise de

transformation de l’aluminium (Socatral, également basée à Édéa), spécialisée dans laproductiondefeuillesdetôle,etAlubassa (à Douala), qui fabrique principalement des ustensiles de cuisine. Sesactivitésétantparticulièrementénergivores, Alucam travaille en partenariat avec les autorités camerounaises pour le développement du potentiel hydroélectrique (lire p. 81). Compte tenu des pénuries d’électricité, la production de la société a été de 63000 tonnes d’aluminium en 2010 (95000 t en 2009), soit 15 % en deçà des prévisions, mais l’entreprise maintient son chiffre d’affaires (environ 150 milliards de F CFA) et conserve l’objectif de porter la production à 300000 t d’ici à 2015, grâce à la mise en service de nouvelles unités d’électrolyse. Un investissement d’environ 900 milliards de F CFA, qui portera ses besoins en électricité de 150 MW actuellement à 500 MW. ● ARMELLE NYA, à Douala

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CAC International a fait de l’audit et du commissariat aux comptes sa spécialité, mais il exerce aussi ses activités en termes de conseil financier, juridique et fiscal, ainsi qu’en conseil en systèmes d’information et de gestion. Des références de classe mondiale

Un professionnalisme éprouvé

CAC International réalise pour le compte des États l’audit des coûts pétroliers des compagnies pétrolières Eni (Italie) et Total (France), au Congo, ainsi que du consortium Esso/Chevron/Petronas au Tchad. Il est commissaire aux comptes de la Société générale de banques au Cameroun (SGBC) et d’autres institutions bancaires et boursières. Dans le domaine des télécommunications, CAC International a été commissaire aux comptes d’Orange au Cameroun. Il a réalisé l’audit opérationnel du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) et fournit une assistance comptable au groupe pharmaceutique Pfizer au Cameroun. Dans le secteur public, CAC International, commissaire aux comptes de la SNH (Société nationale des hydrocarbures, Cameroun) depuis 1996, a accompagné en 2008 le gouvernement nigérien dans la signature du contrat pétrolier d’Agadem. Depuis 2010, il assiste également le Tchad dans l’organisation de ses appels d’offres relatifs à la mise sur le marché de blocs pétroliers. Suite à des malversations, CAC International, qui a élaboré la loi anti-corruption congolaise, a achevé en 2011 l’audit des procédures comptables et budgétaires de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale). Une institution qu’il assiste actuellement dans la réforme desdites procédures.

La confiance exprimée par ces entreprises et institutions, CAC International, intégré au réseau international d’Ernst & Young de 1983 à 2005, la doit à une expérience éprouvée par près de trente ans d’activité. Ses standards de travail sont conformes aux normes internationales et adaptés aux spécificités et aux enjeux africains. Ses professionnels, recrutés au sein des plus grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, sont également formés à la maîtrise de l’environnement institutionnel, juridique et fiscal du continent africain.

CONTACT

1043 Rue de l’hôpital, Bonanjo BP 443 Douala - Cameroun Tél. : + 237 33 43 01 71 / + 237 33 43 01 30 E.mail : cacinternational@cac-international.com Site internet : www.cac-international.com

DIFCOM/FC PHOTOS : DR

CAC International


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Ý En 2010-2011, 218 000 tonnes de cacao ont été commercialisées, ET 189 000 T EXPORTÉES.

dans le peloton de tête des producteurs mondiaux (il occupe actuellement la cinquième place). Elles ont favorisé le déploiement de conseillers agricoles sur le terrain pour encadrer les planteurs, accordé des facilités aux fournisseurs d’engrais, défiscalisé des intrants agricoles pour les rendre plus accessibles aux paysans, renforcé le contrôle des opérations de commercialisation, incité les jeunes à créer de nouvelles plantations…

SAABI

UN VERGER VIEILLISSANT. De son côté,

AGROALIMENTAIRE

À la santé de la filière café-cacao

Semences gratuites, encadrement des planteurs, nouveaux outils de financement… Après des années de baisse de la production, l’État souhaite dépoussiérer le secteur, qui mobilise 600000 exploitants.

A

vec une production nationale commercialisée de 218 000 tonnes en 2010-2011 (soit près de 13 % de plus que lors de la campagne 2009-2010), selon l’Office national du cacao et du café (ONCC), la filière cacao se porte bien. Dans le même temps, les exportations ont dépassé 189 000 t (+ 10 %). Une quantité,

mais aussi une qualité en hausse : 1,47 % du cacao produit était de grade I, contre 0,13 % lors de la campagne précédente. Cette tendance positive s’appuie notamment sur le soutien du gouvernement, qui voudrait porter la production de fèves de cacao à 280 000 t par an d’ici à 2015. Les autorités initient ou appuient plusieurs projets destinés à ramener le Cameroun

la Société de développement du cacao (Sodecao), organisme public qui encadre les planteurs, a lancé depuis 2006 un programme de production et de distribution de plants améliorés. L’objectif est d’en fournir 6 millions par an, soit la quantité nécessaire pour créer 5000 ha de nouvelles exploitations modernes. Une façon de remédier au vieillissement du verger cacaoyer (d’une superficie estimée à 400 000 ha) : près de la moitié des plantations ont plus de quarante ans. Le Cameroun veut redevenir la puissance agricole continentale qu’il fut pendant les décennies d’euphorie qui ont précédé l’effondrement des cours mondiaux des produits de base agricoles. La chute des prix a poussé les producteurs à se tourner vers d’autres cultures d’exportation, plus payantes, faisant ainsi diminuer les volumes. La production du café, tout particulièrement, a connu des hauts et des bas ces vingt dernières années. Selon l’Organisationinternationaleducafé,après un pic de 132000 t en 1986, elle a sombré à 24360 t en 1994. En 1999, elle est remontée à plus de 82 000 t, pour s’établir aux alentours de 45 000 t en 2010. Pour laisser les années noires derrière elle, la filière est en

CAFÉ

CACAO

CAMEROUN

45000 t

195700 t

Centrafrique

3000 t

Congo

180 t

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

CAMEROUN

Guinée équatoriale

3500 t

Gabon

500 t

SOURCES : ORGANISATION INTERNATIONALE DU CAFÉ, BEAC

Premier de la zone Cemac pour la campagne 2009-2010

JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai

« Nous voulons transformer un système de subsistance en un système professionnel. » LUC MAGLOIRE MBARGA, ministre du Commerce

cape le développement rural. La signature, en 2008, d’une convention de financement de 5,6 milliards de F CFA entre le Fonds de développement des filières cacao et café (Fodecc, créé en 2006) et le ministère de l’Agriculture et du Développement rural s’inscrit aussi dans cette logique de relance de la production. La filière café-cacao, qui mobilise quelque 600000 producteurs, représente près de 30 % des exportations directes non pétrolières et génère plus de 100 milliards de F CFA de revenus annuels. Six millions de personnes bénéficient de manière directe ou indirecte de ses activités. L’embellie qui touche les prix du cacao – vendu plus de 1 500 F CFA le kilo dans certaines régions du pays en juillet, selon l’ONCC – va contribuer largement au recul de la pauvreté en milieu rural. ● GEORGES DOUGUELI

Des pâtes aux œufs d’or Leader national, le groupe La Pasta SA se diversifie encore. Il s’apprête à ouvrir la première semoulerie du pays.

L

orsqu’il crée La Pasta SA, en 2002, à Bonabéri, dans la banlieue de Douala, son promoteur et actionnaireprincipal,CélestinTawamba,ambitionne de bâtir une grande entreprise de fabrication de pâtes alimentaires. Les activités démarrent et le marché accueille favorablement les produits. En 2005, au terme d’un appel d’offres international supervisé par la filiale sénégalaise de BNP Paribas, La Pasta SA acquiertPanzaniCameroun,alorsleader national sur son créneau. Le groupe peut ainsi consolider son pôle pâtes alimentaires. Et se mettre à rêver de leadership sous-régional.

DANS LA FARINE AUSSI. Entre 2002 et 2011, l’effectif du groupe est passé de 100 à 700 employés, les deux entités et deux marques (La Pasta et Panzani) coexistant et fonctionnant comme deux entreprises distinctes. Panzani Cameroun est resté dans son créneau initial, les pâtes alimentaires, tandis que La Pasta se développe également dans la production de farine. « Aujourd’hui, notre chiffre d’affaires cumulé est de 35 milliards de F CFA (plus de 53 millions d’euros). Nous l’avons pratiquement multiplié par sept depuis la création de La Pasta, affirme Célestin Tawamba. Et nous comptons bien faire mieux dans les deux prochaines années. » Pour l’instant, le groupe concentre son activité de production et de distribution sur le marché national. Seules les pâtes alimentairessontexportéesdanslasousrégion. Les responsables de La Pasta SA – l’un des deux leaders nationaux de la fabrication de farine, avec Les Grands Moulins du Cameroun – estiment qu’exporter la farine en Afrique centrale serait pour le moment une aventure périlleuse. Et pour cause: « Dans la sous-région, la

MABOUP

plein plan de relance. D’ici à 2015, le gouvernement espère porter la production à 125000 t. Au programme: la réhabilitation des anciennes plantations, la création de routes et d’un système d’information du marché destiné aux producteurs. L’État veut ainsi « transformer un système de subsistance en un système professionnel et durable, économiquement bénéficiaire pour tous », selon Luc Magloire Mbarga, le ministre du Commerce. La création de la Cameroon Rural Financial Corporation (Carfic) et de la Banque camerounaise des PME est l’une des initiatives les plus représentatives de cettenouvellevision.Cesbanquesonttenu leur première assemblée générale début juin 2011, à Yaoundé. Dotées d’un capital de 10 milliards de francs CFA (15,2 millions d’euros) chacune, elles devront remédier à l’insuffisance de financements qui handi-

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réglementation est chaotique. Il y a des distorsions fiscales, parce que le code douanier n’est pas appliqué de façon uniforme, et les procédures douanières ne sont pas simplifiées au niveau du Cameroun », regrette Célestin Tawamba. Malgrécetenvironnementpeufavorable, l’entreprise maintient son ambition de se développer à l’export. La Pasta SA poursuit la consolidation desesactivitésdansledomainecéréalier. La société vient en effet d’investir près de 2,5 milliards de F CFA pour l’acquisition d’une semoulerie, qui entrera en production au cours du premier semestre 2012. Conséquence immédiate de la mise en service de cette unité: la création de 100 emplois supplémentaires. En cours d’installation sur le site des usines de La Pasta SA, à Bonabéri, elle sera la seule du pays à transformer le blé dur en semoule ; jusqu’à présent, celle-ci était fabriquée à l’étranger et importée au Cameroun par les fabricants de pâtes. ● ARMELLE NYA, à Douala

Hôtel Mérina *** BP 14304 Yaoundé - Cameroun - Tél. : (+237) 22 22 21 31 / 99 89 02 21 - Email : reservations@merina.cm


CAMWATER : LES CHANTIERS S’ENCHAÎNENT, LES RÉALISATIONS SUIVENT.

La Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) est résolument engagée dans la réalisation des infrastructures d’eau potable à travers le territoire national. Objectif, desservir plus de 60 % de la population en milieu urbain à l’horizon 2015. Une nouvelle usine d’eau potable en construction a Yaoundé La Camwater, entreprises à capitaux publics, a engagé, depuis le mois d’août 2011, les travaux de construction d’une nouvelle usine d’eau potable, adossée sur la Mefou, au quartier Nkolbisson, dans la banlieue de Yaoundé. Co financés à hauteur de 40 milliards de F CFA par l’Agence Française de Développement (AFD) et la Banque Européenne d’Investissement (BEI), cette usine de 50 000 m3/jour sera réalisée en 24 mois. Les travaux consistent en la reconstruction de la station de traitement, la réhabilitation du barrage de la Mefou, des réservoirs de la station de pompage de Messa et des conduites de transfert amont et aval ainsi que le réseau de distribution. Elle permettra ainsi d’améliorer d’environ 50 %, l’offre en eau potable de la capitale camerounaise. Cette production va encore s’accroitre avec la construction d’un nouveau décanteur à l’usine d’Akomnyada et la réalisation des extensions de réseau en cours. Ces travaux sont réalisés grâce à un financement additionnel de 7,3 milliards de F CFA accordé par l’IDA dans le cadre du Projet de développement urbain et d’approvisionnement en eau potable (PDUE). Ils permettront, à terme, de doubler la production d’eau potable de Yaoundé qui atteindra alors le cap de Objectif, 200 000 m3/j, en attendant la réalisation desservir plus imminente d’autres projets qui à coup de 60 % de la sûr, mettront fin aux pénuries d’eau population en observées dans la cité capitale.

L’extension de l’usine d’eau potable de Douala

milieu urbain à l’horizon 2015.

quelques mois, dans le cadre de la première phase du projet des « 52 centres ». Des travaux similaires démarrent bientôt dans les villes de Limbé, Buéa, Yaoundé, Meyomesala, Tokombéré, Tonga, Bikok, Ngomedzap et Nanga Eboko qui rentrent dans les 2e et 3e phases de ce projet financé grâce à un prêt de la banque belge Dexia, pour un montant d’environ 40 milliards de F CFA. D’autres travaux verront le jour dans un proche avenir dans les villes de Bertoua, Edéa et Ngaoundéré, sur financement de l’AFD. Last but not the least, les localités de Ebolowa, Akono, BafangBanka, Bana, Foumban, Kousseri, Bafia, Kumba, Loum, Mamfé, Manjo, Mbanga, Nkongsamba, Bangangté, Bangou, Sangmelima, Ngoumou et Bansoa, Penka-Michel, verront aussi démarrer bientôt les travaux de réhabilitation et de constructions des centres de production et de traitement d’eau potable.

Les partenaires La Camwater déroule ainsi son programme d’investissement évalué à 400 milliards de F CFA et qui est financé grâce aux subventions de l’État, à ses fonds propres et aux prêts et dons des partenaires au développement tels que la Banque Mondiale, l’AFD, Eximbank China, Dexia, la BEI. Banque mondiale La Banque mondiale a notamment financé les travaux de réhabilitation d’urgence des installations hydrauliques urbaines de Yaoundé et Douala et de certains centres secondaires. En outre, elle a financé la réalisation de 50 000 branchements subventionnés. Agence française de développement (AFD) Elle finance la construction de l’usine production d’eau potable à Yaoundé ainsi que la construction et la réhabilitation des infrastructures d’eau dans les villes secondaires de Bertoua, Edéa et Ngaoundéré.

Les travaux de construction d’un deuxième module de 100 000 m3/j ont démarré au début de cette année. Ils rentrent dans le cadre de la deuxième phase du projet de renforcement et d’amélioration de l’alimentation en eau potable de la ville de Douala. La première phase de ce projet s’est achevée avec la construction, puis la mise en service en juin 2010, de l’usine d’une capacité de 50 000 m3/j adossée sur le fleuve Moungo. Celle-ci a permis, avec les forages réalisés et réhabilités respectivement dans le centre urbain et sur le champ captant de Massoumbou, d’augmenter de 80 %, la production de la capitale économique qui a atteint aujourd’hui le cap des 180 000 m3/j. Avec l’extension de l’usine sur le fleuve Moungo cette production sera portée à 280 000 m3/j à l’horizon 2013, suffisant pour couvrir l’ensemble des besoins en eau potable de la ville de Douala.

Banque européenne d’investissement (BEI) Elle co-finance, avec l’AFD, les travaux de réhabilitation, et de renforcement des réseaux dans les villes de Yaoundé, Bertoua, Edéa et Ngaoundéré.

Plus de 70 centres secondaires concernés

Dexia Banque Belgique Elle finance les travaux de réhabilitation et de renforcement des systèmes d’adduction d’eau potable dans 52 centres.

D’importants travaux sont également en cours ou achevés dans plusieurs villes secondaires. C’est le cas dans les localités de Mbankomo, Bogo, Jikejem-Oku, Maroua où la Camwater a construit des infrastructures d’eau potable en l’espace de

Eximbank China Elle a financé les travaux de construction de la première phase de l’usine de traitement d’eau potable de Yato (près de Douala). Elle est également impliquée dans la deuxième phase du projet d’amélioration de l’alimentation de l’eau potable de Douala.

Banque africaine de développement (BAD) Elle participe au projet d’adduction d’eau dans 16 centres.

COMMUNIQUÉ


D’un coût total de 18 milliards de F CFA, financé par un prêt de 11 milliards de F CFA d’Eximbank Chine, la station de traitement d’Ayatto, près de Douala, est entrée en service en mai 2011.

Dr Basile Atangana Kouna,

Directeur Général de Camwater

« TOUS LES PROJETS ONT DÉMARRÉ » Quel bilan faites-vous du programme d’investissement ? Dr Basile Atangana Kouna : En l’espace de deux ans, Camwater a réussi à mobiliser des concours extérieurs de l’ordre de 220 milliards de F CFA, soit plus de la moitié de ce que nous avons prévu d’investir en dix ans. Grâce à quoi, à ce jour, tous les projets ont démarré et des améliorations se font déjà sentir dans de nombreuses villes.

Avez-vous des exemples de réalisations ? B.A.K. : À Douala, par exemple, les travaux ont induit un accroissement de la production d’eau potable de plus de 80 % dans la capitale économique. À Yaoundé, nous avons lancé la construction d’une nouvelle usine d’eau potable d’une capacité de 50 000 m3/ jour, et nous comptons atteindre, grâce à d’autres travaux en cours sur les installations actuelles, le cap de 200 000 m3/jour d’ici à 2013.

Seules les villes de Douala et Yaoundé sont concernées ? B.A.K. : Pas du tout. Près de 70 localités sont déjà inscrites dans le programme d’investissement, qui vise autant les milieux urbains que périurbains, sur tout le territoire national. Les travaux ont démarré en novembre 2010 par la première phase du projet de 52 centres. À ce jour, ils sont déjà terminés dans les villes de Mbankomo, Bogo, Jikejem-Oku, Maroua. Les deuxième et troisième phases qui concernent une dizaine de villes seront lancées au cours des prochains mois. Dans l’ensemble, les premières réalisations du programme d’investissement de Camwater laissent espérer une amélioration de l’ordre de 60 % de la desserte en eau potable à l’horizon 2015. DIFCOM/FC - PHOTOS : DR

CAMEROON WATER UTILITIES CORPORATION

Siège social B.P. 524 Douala Tél. : + 237 33 42 96 84 / 33 43 72 69 - Fax : + 237 33 43 72 70 Site web : www.camwater.cm - Email : info@camwater.cm


Le Plus de J.A.

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MABOUP

Ý LE SIÈGE D’AFRILAND FIRST BANK, à Yaoundé.

FINANCES

Un marché de plus en plus « bankable » La concurrence entre établissements est de plus en plus vive. Si les multinationales restent en tête, les groupes africains investissent le terrain et les acteurs nationaux se renforcent.

E

lles sont loin, les fermetures et restructurations menées sous la houlette de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) au début des années 2000. Dans un environnement assaini et très concurrentiel, où des filiales de groupes occidentauxcôtoientlesétablissementsnationaux, une tendance se dessine: l’émergence des banques panafricaines. En moins de dix ans, ces dernières ont investi le marché. Et au Cameroun, qui affiche un taux de bancarisation de seulement 7 %, les perspectives de croissance sont importantes, en particulier dans la banque de détail. Ecobank, le nigérian United Bank for Africa (UBA) et son compatriote Skye Bank – entré sur le marché camerounais en juillet –, ou encore le marocain Attijariwafa Bank, premier groupe bancaire et financier du Maghreb, qui est devenu actionnaire majoritaire de la Société camerounaise de banque (SCB, ex-filiale du Crédit agricole) en avril et compte doubler le nombre d’agences (de 17 à 35) en deux ans… Les établissements africains ne cessent de

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gagner des parts de marché en proposant des produits innovants, diversifiés, adaptés aux entreprises et aux particuliers, encore sous-bancarisés. DOUALA, PREMIÈRE ÉTAPE. Parmi les nouveaux arrivants figure le gabonais BGFI Bank. Déjà présent dans une demidouzaine de pays, le premier groupe de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) a démarré

ses activités à Douala en mars et prévoit d’ouvrir quatre agences d’ici à début 2012. De la gestion d’actifs à l’immobilier, BGFI Bank Cameroun entend déployer une offre de produits à destination des particuliers aisés, des institutionnels et des grandes entreprises, en prêtant une attention particulière au financement des PME-PMI. Son objectif : pénétrer le marché de la sous-région via la capitale économique camerounaise, qui concentre plus du tiers des ressources de la zone Cemac. Non sans relever quelques défis, comme celui de répondre aux demandes de crédit dans un délai de sept jours ouvrés pour les particuliers et de quinze pour les entreprises. D’autres groupes,

LA DOUANE PASSE À LA VITESSE SUPÉRIEURE POUR LE BUDGET 2011, l’État du Cameroun attend 550 milliards de F CFA (838,5 millions d’euros) des services de la douane. Un objectif bien supérieur aux 499 milliards de F CFA de l’année précédente, qui avaient été dépassés. Les recettes avaient en effet atteint 503,5 milliards. Ces bons résultats sont dus à la mise en place d’une procédure simplifiée de traitement des déclarations douanières par le logiciel Sydonia et à l’installation d’un scanner destiné à accélérer le dédouanement des conteneurs. Selon les services de la douane, 23 555 conteneurs ont été traités en 2010, contre 21 847 en 2009, traduisant un accroissement de 7,81 % de l’utilisation du scanner. Résultat des réformes mises en place par la directrice générale, Minette Libom Li Likeng, ces performances ont donc GEORGES DOUGUELI conduit le gouvernement à fixer la barre plus haut. ● JEUNE AFRIQUE


Le Cameroun au banc d’essai

Les taux d’intérêt sur les crédits sont bas : 4 %, contre 9 % au Nigeria, chez UBA. lions d’euros) en 2010, un résultat net de 4,2 milliards de F CFA et un capital de 15,8 milliards de F CFA (contre 12,5 milliards en 2009). Sur le plan des dépôts, elle devance, avec 458 milliards de F CFA, la SociétégénéraledebanquesauCameroun (SGBC, 398 milliards de F CFA), mais se classe derrière la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec, 468 milliards de F CFA). PROFESSIONNALISATION. Par ailleurs,

les banques nationales qui avaient été placées sous administration provisoire de la Cobac reprennent de la vigueur, traduisant une plus grande professionnalisation du secteur. C’est le cas de CBC, redressé grâce au soutien de l’État, qui souhaitait que les entreprises publiques restent dans sa clientèle, et recapitalisé par le nigérian Oceanic Bank (qu’Ecobank a annoncé, mi-août, avoir l’intention de racheter). De quoi inquiéter les filiales des groupes occidentaux, qui restent cependant dominantes sur le premier marché bancaire d’Afrique centrale: 540,8 milliards de F CFA de total de bilan pour la première, Bicec (groupe Banques populaires Caisses d’épargne, BPCE), et 457,2 milliards de F CFA pour SGBC (groupe Société générale). Quelques-unes, à l’image de l’anglaise Standard Chartered Bank et de l’américaine Citibank, très spécialisées, n’interviennent pas dans la banque de détail, et la plupart, SGBC en tête, se battent pour avoir dans leur portefeuille les rares multinationales présentes sur le territoire, délaissant quelque peu les PME-PMI. JEUNE AFRIQUE

QUESTIONS À | Mireille Fomekong

Directrice générale d’Ascèse, agence de conseil en marketing qui accompagne plusieurs multinationales sur le marché local.

« La consommation se porte plutôt bien malgré la crise » JEUNE AFRIQUE : Quel regard portez-vous sur les chiffres de la consommation ? MIREILLE FOMEKONG : Comme dans la plupart des pays de la région, les indicateurs de la consommation s’appuient essentiellement sur le nombre de nouveaux acteurs, les importations, le taux et le délai de rotation des stocks dans les grandes et moyennes surfaces, les chiffres du crédit à la consommation dans les banques… Et, au regard de ces différents paramètres, alors qu’on traverse une période de crise, la consommation se porte paradoxalement plutôt bien. Le marché est même en forte croissance dans l’alimentaire, l’automobile et, plus encore, dans la téléphonie : les ventes de téléphones ont enregistré une hausse vertigineuse de 500 % au cours des deux dernières années. De même, le crédit-bail pour l’immobilier lancé il y a quatre mois par la Banque populaire a été pris d’assaut par les fonctionnaires. Qu’est-ce qui a permis une telle évolution? En dix ans, le nombre de personnes en mesure de consommer s’est considérablement accru grâce à l’arrivée de nouveaux acteurs économiques, qui a favorisé l’émergence d’une classe

Une brèche dans laquelle s’engouffrent – prudemment toutefois – les banques nationales et africaines: en 2010, Afriland First Bank a octroyé 335 milliards de F CFA de crédits, devant Bicec (306 milliards) et SGBC (279 milliards). Résultat de la vive compétition entre établissements, les taux d’intérêt sur les crédits sont les plus bas de la région. Une donnée qui explique que seules les banques implantées dans plusieurs

moyenne de cadres et d’agents de maîtrise, avec des revenus réguliers, donc un pouvoir d’achat sûr. Les bons chiffres de la consommation tiennent aussi à l’évolution de la distribution: les distributeurs ont compris qu’ils devaient se rapprocher des consommateurs et ont multiplié les points de vente. On assiste ainsi à un foisonnement de boutiques de proximité et de boulangeries, qui, au Cameroun, sont en réalité de petits supermarchés. Et comment se positionne le Cameroun dans la sous-région? Les chiffres d’affaires des entreprises y sont globalement plus importants que dans la plupart des pays de la zone, en raison notamment de sa démographie et de sa position géographique. Mais les Gabonais, par exemple, ont un pouvoir d’achat plus important et des habitudes de consommation plus modernes. Les compagnies d’assurance ont un chiffre d’affaires plus important au Gabon, qui n’a que 1,5 million d’habitants, qu’au Cameroun, qui en compte plus de 20 millions. Cependant, les chiffres de la consommation gabonaise ne concernent que Libreville, tandis qu’au Cameroun ils portent sur au moins six villes. ● Propos recueillis par C.J.-Y.

pays puissent réussir au Cameroun, où les clients sont jugés particulièrement exigeants… et les marges particulièrement faibles. UBA explique ainsi qu’il pratique des taux d’intérêt pour les entreprises différents selon le pays: 4 % au Cameroun, contre 9 % au Nigeria. Une politique qui a une influence positive sur le développement et la modernisation des sociétés camerounaises. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

DR

notamment nigérians et sud-africains, ont déposé les demandes d’agrément auprès de la Cobac pour s’installer au Cameroun. Dans ce contexte concurrentiel, les banques nationales – notamment Afriland First Bank, Commercial Bank-Cameroun (CBC) et National Financial Credit Bank (NFC Bank) – se développent également. La première d’entre elles, Afriland First Bank, occupe le troisième rang du marché national, avec un total de bilan de 504 milliards de F CFA (plus de 768 mil-

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Le Plus de J.A.

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TÉLÉCOMS

Orange et MTN bientôt chahutés Deux, voire trois nouvelles licences de téléphonie mobile vont être octroyées. De quoi stimuler la concurrence et, peut-être, faire baisser les prix.

passer sous la barre des 50 F CFA par minute d’ici à trois ans. Il s’agit par ailleurs de remédier au faible taux d’équipement en téléphonie mobile et au médiocre taux d’accès à internet. L’État a investi plus de 40 milliards de F CFA dans l’installation, en cours, d’une infrastructure de fibre optique à très haut débit (lire pp. 76-77), qui sera ouverte à tous les opérateurs et qui permettra de passer à l’internet mobile haut débit (3G) tout en évitant la saturation du réseau. L’État compte parallèlement améliorer le taux d’équipement en matériel dans les institutions : pour l’heure, moins de 10 % des administrations et des entreprises du pays sont équipées d’un ordinateur, moins de 30 % des administrations sont connectées à internet (et seul 1,5 % de la population).

MABOUP

JEU OUVERT. Si l’on ignore encore qui

LE COÛT DE LA MINUTE DE COMMUNICATION pourrait passer de 80 F CFA à moins de 50.

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et un taux minimal d’accès à internet de 10 % (5 % en 2011). Bien que le coût moyen des communications soit passé de 500 F CFA à 80 F CFA (d’environ 0,8 à 0,12 euro) par minute entre 2000 et 2011, il reste parmi les plus élevés du continent. L’ouverture du marché devrait permettre de le faire

CES :

M IN P

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T - JU IN

2011

Nombre d’abonnés

SOUR

D

epuis2000,deuxopérateurs,les filiales du français Orange et du sud-africain MTN, règnent sans partage sur le marché camerounais de la téléphonie mobile. Une situation pour le moins paradoxale pour un pays qui fut parmi les premiers du continent à introduire le système GSM sur son territoire (en 1989), qui a libéralisé le secteur en 1998, et dont les voisins, bien que moins peuplés, comptent trois opérateurs (Tchad), voire quatre (Centrafrique, Congo et Gabon). Un état de fait auquel le gouvernement compte remédier en octroyant des licences à de nouveaux opérateurs. S’appuyant sur les conclusions d’une étude du cabinet Network Dynamics Associates sur la taille critique du marché, le ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel) a confirmé qu’il lancera avant la fin de l’année l’appel à manifestation d’intérêt pour l’obtention des concessions. En stimulant la concurrence, l’objectif est d’améliorer la qualité du service et d’entraîner une baisse substantielle du coût des communications d’ici à 2015, pour atteindre un taux de pénétration du mobile de 76 % (contre 42 % en 2011)

1er semestre 2011 (42 % de la population)

2015 (selon les projections)

seront les postulants et les heureux élus, l’émirati Etisalat (avec sa marque Moov) et l’indien Bharti Airtel – réputé pour pénétrer les marchés par ses petits prix et qui pourrait introduire sur le marché camerounais ses kits Village Phone, expérimentés en RD Congo dans les zones rurales – apparaissent parmi les plus techniquement qualifiés et motivés pour remporter la partie. Mais les jeux sont loin d’être faits. Camtel, qui devrait conserver le monopole du téléphone fixe, pourrait bien se décider à se positionner pour obtenir une licence sur le segment portable (il avait cédé sa concession à MTN en 2000). Certains évoquent aussi le fournisseur d’accès internet, Ringo (contrôlé par le fonds Glenar, basé en Suisse), qui, après trois ans de présence dans le pays, a déjà couvert presque tout le territoire en menant une politique de prix bas et de services réactifs, et pourrait tenter de se positionner désormais sur le segment de la téléphonie. Quels qu’ils soient, les nouveaux opérateurs se verront livrer une sévère concurrence de la part de MTN Cameroon et Orange Cameroun, dont les agences et infrastructures sont désormais bien implantées sur l’ensemble du territoire. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


MABOUP

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MÉDIAS

La presse privée entre en zone rouge

Avec de maigres ventes, un coût de production plus élevé qu’ailleurs et des aides de l’État dérisoires, les journaux camerounais ont du mal à être économiquement viables.

L

es quotidiens Le Jour et L’Actu ont chacun reçu pour 2011 une aide de 1 million de F CFA (environ 1 500 euros) dans le cadre de la subvention gouvernementale aux médias – cette enveloppe globale de 135 millions de F CFA a d’ailleurs été revue à la baisse en 2011. Tout juste « de quoi payer les frais de reportage aux journalistes pendant une semaine, ou régler les factures d’eau et d’électricité pour six mois » au journal Le Jour, à en croire son directeur de publication, Haman Mana. L’ensemble de la presse privée camerounaise a mal à ses finances, notamment parce que la convention de Florence n’est pas appliquée. Cette dernière prévoit un régime fiscal préférentiel, des exonérations de TVA et des franchises douanières pour les médias qui contribuent au droit à l’information. Les intrants de presse sont donc taxés, avec pour conséquence directe un coût de production énorme. Des six quotidiens qui paraissent au Cameroun, seul l’organe gouvernemental Cameroon Tribune peut se vanter d’être en bonne santé financière. Et pour cause: toutes les administrations publiques y insèrent leurs annonces et, côté lectorat, la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam), éditrice du journal, compte 12 000 abonnés administratifs, qui, cerise sur le gâteau, règlent leurs factures un an à l’avance. La Cameroon JEUNE AFRIQUE

Radio and Television (CRTV), organe audiovisuel d’État, est également logée à cette belle enseigne. PORTION CONGRUE. Les médias privés

se partagent la maigre portion de publicité restante.Lesannonceurssontrares.Etceux qui se manifestent ne règlent leurs factures que trois, voire six mois plus tard. « Le gouvernement ne tient pas ses engagements. Il se comporte comme si ces médias étaient ses ennemis. Si la presse publique vit bien, cela veut dire que le reste des médias peut aussi s’épanouir, à condition qu’il y ait une volonté politique », explique Haman Mana. « Il faut financer la production et les salaires, alors que les fournisseurs exigent un dossier fiscal complet pour régler les premières

factures. Peu de structures sont organisées en entreprises, et celles qui le sont ne bénéficient pas de toutes les facilités des entreprises normales, alors qu’une société de presse, comme toute entreprise, encourtunrisqueécoÝ SUR SIX nomique », renchérit QUOTIDIENS Emmanuel Gustave NATIONAUX, Samnick, directeur SEUL L’ORGANE de publication de GOUVERNEMENTAL, L’Actu. Ce dernier Cameroon Tribune, est en reconnaît cependant bonne santé. que « l’invasion du métier de journaliste par une nuée de parasites a effrité la confiance que les autres acteurs sociaux pouvaient avoir dans la presse ». Malgré tout, les médias camerounais tracent leur route vers un environnement économique et professionnel sain. Le Messager, Le Jour, Mutations, L’Actu, La Nouvelle Expression, les cinq quotidiens privés constitués en entreprises de presse, ont pignon sur rue. Le Jour s’est même doté d’une unité indépendante d’imprimerie. Côté audiovisuel, Canal 2 International, du groupe TV+, Equinoxe (radio et télé), ou encore STV, du groupe Spectrum, sont des chaînes respectées. Emmanuel Gustave Samnick énonce quelques préalables à l’amélioration recherchée : « La première condition est que l’État reconnaisse que la presse, y compris privée, remplit une mission de service public et, pour cela, doit bénéficier de certains aménagements, notamment fiscaux au niveau des intrants et de la productionengénéral.Ladeuxièmecondition est que les médias soient créés et managés comme n’importe quelle entreprise, avec un tour de table, un personnel qualifié et rémunéré, une comptabilité rigoureuse, une évaluation régulière du marché et de ses possibilités. » ● DENIS NKWEBO, à Douala

UN MODÈLE DE SUBVENTIONS À REVOIR DE A À Z TROIS PRINCIPAUX travers sont reprochés à l’aide publique à la presse, instaurée en 2002 : • Reconvertie en « aide à la communication privée », elle n’a plus rien à voir avec sa vocation d’origine et bénéficie peu aux entreprises de presse. • Son montant total annuel reste dérisoire. Passé de 150 millions de F CFA (228 000 euros) en 2002 à 250 millions en 2008, il a été réduit à 135 millions en 2011. • Le mode et la forme d’attribution sont à revoir. Aucune évaluation n’est faite sur le professionnalisme et les besoins des bénéficiaires (certains acteurs estiment que 80 % des journaux qui en jouissent ne sont pas des entreprises de presse et ne paraissent pas régulièrement). L’aide est remise en espèces, sans qu’il y ait de contrôle sur son utilisation. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


CAMEROUNAISE DES EAUX (CDE)

La CDE a lancé un programme de 50 000 nouveaux branchements en quatre ans. Des équipements GPS permettent de déterminer les coordonnées des compteurs nouvellement installés.

La réhabilitation des équipements

L’eau potable à la portée de tous ! La CDE multiplie les efforts et les investissements pour assurer un service public de qualité et améliorer l’accès à l’eau potable des populations dans 106 centres urbains et périurbains répartis sur l’ensemble du territoire camerounais.

Brahim Ramdane, Directeur Général de la Camerounaise des eaux

COMMUNIQUÉ

La Camerounaise des Eaux (CDE) est une société de droit camerounais constituée par un groupement d’entreprises marocaines : l’Office National de l’Eau Potable (ONEP), Delta Holding et la Caisse de Dépôt et de Gestion. Créée en décembre 2007, l’entreprise a démarré ses activités en mai 2008 dans le cadre d’un contrat d’affermage. Elle a pour principaux partenaires : le ministère de l’Énergie et de l’Eau (politique sectorielle, cadre législatif et réglementaire, ressources en eau et politique tarifaire) et Camwater (Cameroon Water Utilities Corp.), société de patrimoine, publique, responsable de la mobilisation des ressources financières pour la réalisation des projets de développement du secteur.

Services et Missions La CDE est chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l’eau potable dans 106 centres urbains et périurbains répartis sur l’ensemble du territoire camerounais. Lui incombe également l’entretien et la réparation de tous les biens affectés à l’exploitation, en vue d’améliorer la qualité du service de l’eau potable. La CDE assure l’exploitation de 99 points de captage, 95 stations de traitement et 36 forages pour une longueur de canalisations de distribution de 4 300 km. Son laboratoire central assure un contrôle permanent de la qualité de l’eau en effectuant 5 500 analyses par an.


de production d’eau potable fait partie des nombreux chantiers entrepris par la CDE.

Métier et domaines d’activités Outre la production, le transport et la distribution de l’eau potable, qui constituent son cœur de métier, la CDE est également impliquée dans toutes les activités liées à l’exercice de ce métier : • Ingénierie • Contrôle de qualité • Gestion commerciale • Formation et développement des compétences

Les grands projets • Réhabilitation et extension des

infrastructures et équipements des villes de Douala et Yaoundé. • Renouvellement de 20 000 compteurs par an. 50 • 000 nouveaux branchements sur 4 ans (programme GPOBA, financement Banque Mondiale). • Renouvellement des équipements et installations (mobilier et immobilier, engins, informatique…). En 2010, la CDE a entrepris de nombreux travaux sur son réseau (renouvellement de 75 km de canalisations et de 2 000 branchements) ainsi que dans de nombreuses villes camerounaises : Douala (réhabilitation du réseau, électropompes, rénovation de la station SOCEA…), Yaoundé (réhabilitation et nettoyage de réservoirs, acquisition d’équipements…), Garoua (nouveaux raccordements de quartiers), Bamenda (raccordement de l’aéroport), notamment.

Qualité et rentabilité du réseau : la CDE a fait l’acquisition d‘équipements modernes de détection de fuites pour accroître le niveau de performance de la production et de la distribution de l’eau potable.

Direction Générale B.P. 157, Douala, Cameroun Tél. : (+237) 33 43 99 80 Fax : (+237) 33 43 99 81 E-mail : la-cde@la-cde.com www.la-cde.com

DIFCOM/FC - PHOTOS : DR

Vis-à-vis de sa clientèle, la CDE s’engage en permanence à trois engagements majeurs : • Assurer un service public dans une perspective de développement durable. • Améliorer la continuité et la qualité de l’alimentation en eau potable, ainsi que la qualité de service. • Agir avec tous les partenaires du secteur pour accroître le taux d’accès général à l’eau potable.


Économie GABON

MAROC

Le TGV en sept points

NOUVELLES TECHNOLOGIES

À Dakar, la fièvre du web n’a rien de virtuel

Deux années de

Grands travaux, soutien aux PME, reprise en main de la manne pétrolière… Depuis l’élection d’Ali Bongo Ondimba en 2009, l’État multiplie les initiatives pour diversifier l’économie. Avec l’appui, notamment, de nouveaux partenaires asiatiques.

STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial à Libreville

L

e président Ali Bongo Ondimba (ABO) chantant en chœur avec R. Kelly, la star américaine du R’nB. Ce duo d’un soir a marqué les esprits du millier d’invités – investisseurs étrangers, patrons locaux, hommes politiques… – conviés le 9 septembre à la cérémonie d’inauguration de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok, à 27 km de Libreville, deux ans après l’élection d’ABO, le milliard d’euros 4 septembre 2009. À tel point qu’on en aurait même C’est le budget oublié la raison première de cette manifestation: qu’a consacré lancer des travaux d’implantation de groupes l’État, appuyé par industriels dans ce qui devrait devenir, selon ses des investisseurs promoteurs, la plus grande ZES d’Afrique centrale et étrangers, à la construction d’Afrique de l’Ouest. Nkok devrait s’étendre, à terme, d’infrastructures, sur 1126 hectares, et sa première partie (400 ha) notamment accueillera 45 entreprises venues d’Asie (lire p. 101) routières et d’Afrique (Bénin, Cameroun, Ghana). et énergétiques, L’aménagement de cette zone (140 millions en 2010. Il compte en dépenser encore d’euros) constitue un des piliers du « Gabon émer9 milliards sur gent » prôné par le locataire du Palais du bord de les cinq prochaines mer, qui vise la diversification et l’industrialisation années. de l’économie du pays. « Il ne s’agit plus pour nous d’exporter nos produits à l’état brut. Il s’agit de les transformer sur place et d’y ajouter de la valeur », explique Alexandre Barro Chambrier, le ministre des Mines et des Hydrocarbures. Autrement dit, le Gabon veut rompre avec une économie de rente pétrolière. En 2010, l’or noir a représenté 48 % du PIB et 82 % des recettes d’exportations (4,1 milliards d’euros). Une Agence nationale Alors que l’industrie forestière, des grands travaux a été pourtant deuxième secteur du créée en octobre 2010. pays avec plus de 55 000 salariés, ne représente actuellement que 9 % des revenus tirés des exportations, et le manganèse, dont le Gabon est le deuxième producteur mondial, 6 %. De fait, la zone économique de Nkok, dont l’installation totale devrait prendre encore quelques années, entend donner la priorité N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

1,15

XAVIER BOURGOIS

98

à la transformation locale du manganèse et du bois. Mais d’ici là, les efforts se concentrent sur la construction et le renforcement des infrastructures du pays. « Pendant de longues années, le Gabon, qui n’est pourtant pas un pays pauvre, n’a pas investi dans le développement de ses infrastructures. Aujourd’hui, si le pays veut attirer les investisseurs, il se doit de rattraper son retard dans ce domaine », estime un homme d’affaires étranger de passage à Libreville. En 2010, si la croissance a retrouvé son niveau d’avant les crises économique et politique de 2008 et 2009, en atteignant 5,7 % (– 1,4 % l’année précédente), c’est justement grâce à la bonne tenue des cours du pétrole, mais aussi à la hausse des investissements dans les grands travaux. Ceux-ci JEUNE AFRIQUE


INTERNATIONAL

Le yuan gagne en crédit

DÉCIDEURS

Albert Nsengiyumva

Ministre rwandais des Infrastructures

MARCHÉS FINANCIERS

Petro Ivoire prospecte à Paris

chantiers

99

INDICATEURS 2010 PIB : 16,8 milliards de dollars* (secteur primaire 55,5 %, secondaire 28,5 %, tertiaire 8 %, et services non marchands 8 %) PIB PAR HABITANT : 6 373 dollars SOLDE BUDGÉTAIRE : 1,23 milliard de dollars DETTE PUBLIQUE : 15,7 % du PIB TAUX D’INFLATION 2011 : 2,3 %* (0,6 % en 2010*) INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS : 170 millions de dollars (+ 415 %) CLIMAT DES AFFAIRES : 156e rang (sur 183 pays classés dans le rapport « Doing Business » 2011)

CROISSANCE (en %, à prix constants) 5,7

4 * Estimations

2 0 -2

ont été particulièrement portés par les chantiers de la prochaine Coupe d’Afrique des nations (football), qui se jouera en 2012 au Gabon et en Guinée équatoriale. CHASSE AUX DÉPENSES SUPERFLUES. Rien

qu’en 2010, l’État et les investisseurs étrangers ont consacré 1,15 milliard d’euros à la construction d’infrastructures, notamment routières et énergétiques. Une manne que se sont surtout partagée les entreprises qui dominent le secteur du BTP dans le pays: le français Colas (filiale de Bouygues), l’indien Ramky Infrastructure… mais aussi des sociétés nationales comme Entraco et Socoba. Au total, l’État compte injecter près de 9 milliards d’euros, sur les cinq prochaines années, dans le développement JEUNE AFRIQUE

LA ZONE ÉCONOMIQUE SPÉCIALE DE NKOK a été inaugurée le 9 septembre. Sa première partie (400 ha) accueillera 45 entreprises.

– 1,4 2008

2009*

2010*

2011*

d’infrastructures routières et énergétiques et dans la construction de près de 5000 logements sociaux. Une Agence nationale des grands travaux (ANGT) a été créée en octobre 2010 pour mener à bien ces différents chantiers. Sa direction a été confiée à Bechtel, dans le cadre d’un partenariat signé en septembre 2010 entre l’État et ce groupe américain à qui l’on doit notamment le tunnel sous la Manche et la ville nouvelle de Jubail, en Arabie saoudite. Cepartenariatillustre,explique-t-ondansl’entourage d’ABO, la volonté du président de contourner la lenteur de certaines administrations. De fait, l’État s’attache les services de groupes privés étrangers à traverslacréationdegrandesagences.OutreBechtel pour les grands travaux, le singapourien Olam est le partenaire stratégique pour le développement ● ● ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

SOURCES : ÉTAT GABONAIS ET FMI

6


Entreprises marchés ● ● ● de l’agro-industrie (palmeraies sur près de 200000 ha et construction d’une usine d’engrais à Port-Gentil d’ici à 2015). De même, le propre frère du président, Alex Bernard Bongo, a été nommé à la tête de l’Agence nationale de l’information, des infrastructuresnumériquesetdesfréquences(Aninf), crééedébut2011pourprendreenchargel’installation et la gestion des infrastructures de télécommunications, de l’audiovisuel et de l’informatique.

QUESTIONS À | Moulay Lahcen Ennahli

Représentant de la Banque africaine de développement (BAD) au Gabon

« La croissance du PIB reste liée au cours du pétrole » JEUNE AFRIQUE : Négative en 2009, la croissance économique du Gabon a retrouvé un niveau positif en 2010. Comment l’expliquez-vous ? MOULAY LAHCEN ENNAHLI : La composition du PIB du Gabon est telle que son évolution reste fortement liée à celle du cours du pétrole [les hydrocarbures ont représenté 48 % du PIB en 2010, NDLR]. Sur l’ensemble de 2009, le cours du brut s’est contracté dans un contexte de crise financière internationale, pénalisant la croissance. Mais depuis 2010, les réformes structurelles engagées par le gouvernement et la remontée des cours mondiaux ont favorisé la reprise de la croissance économique, qui se consolide en 2011. Libreville a interdit l’exportation des grumes et imposé la transformation du bois sur place. Quel est l’impact de cette mesure ? C’est une mesure structurelle importante dont l’impact réel ne pourra s’observer qu’à moyen et long termes. le secteur forestier est considéré comme un des principaux secteurs de diversification économique. Bien qu’étant le premier employeur du secteur privé, la filière bois contribue à moins de 3 % du PIB. N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

L’obligation de transformer localement le bois devrait favoriser à terme une croissance inclusive, à travers la création d’emplois et la redistribution des richesses. La BAD est disposée à accompagner le gouvernement dans cette politique de diversification de son économie. La création de zones économiques spéciales, qui offrent d’imp o r t a n t s a va n t a g e s a u x investisseurs étrangers, est-elle un bon choix ? Quand on crée une zone économique spéciale (ZES), il se pose toujours la question des retombées économiques pour le pays. Mais ce modèle économique a permis l’émergence des pays asiatiques, notamment la Chine et l’Inde. Ce que recherche le Gabon en mettant en place ce type de dispositif, c’est l’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale. La zone économique spéciale lui permettra d’attirer des investisseurs, de créer de l’emploi et de faire entrer des devises. Elle permettra l’industrialisation du pays par effet d’entraînement des PME locales. Partant, la création de la zone économique spéciale est un bon choix. ● Propos recueillis par S.B.

BAD

100

Une bonne partie de tous ces grands projets est financée sur fonds propres. L’État s’est engagé depuis l’année dernière dans la réduction des dépenses superflues : traque des fonctionnaires fictifs, supression de postes de prestige à la présidence et à la primature, réduction des dépenses en carburants…Ilaainsiréussiàaugmentersonbudget de 36 % sur un an, pour atteindre le niveau record de 1,37 milliard d’euros. La moitié de ce montant a été consacrée en 2010 aux infrastructures. Au cours des cinq prochaines années, le pays devrait aussi bénéficier d’un appui supplémentaire de la Banque africaine de développement (BAD), qui débloquera quelque 600 millions d’euros pour la construction des routes et pour l’amélioration du climat des affaires. Un domaine dans lequel le pays ne brille guère. Le Gabon est classé 156e sur 183 pays, selon le dernier rapport « Doing Business » de la Banque mondiale. MANQUE DE TRANSPARENCE. Dans cet environ-

nement parfois opaque, les PME locales notent des progrès, mais ne manquent pas de pointer la mainmise des grands groupes de BTP sur le marché des infrastructures. « Aujourd’hui, nous avons certes la chance de participer aux appels d’offres, mais il reste encore des efforts de transparence à fournir dans l’attribution finale des marchés », relève Pierre Obiang, directeur général de l’Office gabonais de bâtiment et de construction (Ogabac, 760000 euros de chiffre d’affaires). Mais cet entrepreneur ne désespère pas de tirer profit de l’embellie annon-

Les PME pointent la mainmise des multinationales sur le marché des infrastructures. cée dans le secteur au cours des cinq prochaines années. Pour cela, Roger Owono Mba, directeur général de la Banque gabonaise de développement (BGD), entend renforcer son appui financier à l’ensemble des PME, afin de leur permettre d’être plus compétitives et de pouvoir décrocher des marchés. Globalement, sur les six premiers mois de cette année, la BGD leur a déjà accordé une enveloppe de 900 000 euros de crédits. Pour relancer la machine économique, le gouvernement a épongé la dette intérieure (543 millions d’euros), avec l’appui des banques locales, ce qui a permis aux PME de redémarrer. « Cette mesure a favorisé une hausse de leur trésorerie », affirme Jean-Baptiste Siaté, directeur général d’Ecobank Gabon. En réduisant significativement sa dette intérieure, en remboursant une partie de sa dette extérieure (1,4 milliard d’euros vis-à-vis du Club de Paris) et en s’émancipant des programmes avec le Fonds monétaire international (FMI), le Gabon est désormais le pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés (Cemac) dont le niveau de la dette publique est le plus faible : 15,7 % du PIB en 2010 et 14,3 % en 2011. En somme, les finances publiques du pays sont en voie d’assainissement. Mais il reste toutefois d’autres défis majeurs à relever pour relancer définitivement l’économie. Notamment l’amélioration de la gestion de sa manne pétrolière, qui, en attendant la diversification effective de l’économie, assure plus de 60 % des recettes de l’État. Un audit du secteur a été commandé au cabinet Alex Stewart International ; il devrait permettre à cette filière vitale pour l’économie du pays de repartir sur de nouvelles bases. Pour reprendre en main les secteurs énergétique et minier, deux compagnies nationales ont été créées. À l’instar de la Sonangol en Angola, Gabon Oil Company devrait contrôler la participation de l’État dans l’industrie pétrolière. Serge Brice Toulekima, ancien cadre de Shell Gabon et de Chevron en Australie, a été nommé à sa tête en juin dernier. La Compagnie équatoriale des mines a quant à elle été créée en mars 2011 pour assurer l’exploitation des gisements de minerais stratégiques. Autant dire que si la politique du président gabonais semble bien ficelée, les défis à court terme restent importants. ●

Ces investisseurs venus d’Asie Indiens et Singapouriens placent leurs pions dans les secteurs de l’agro-industrie et des travaux publics.

L

gabonais dans un projet d’usine es Asiatiques sont à l’offensive au Gabon, à commencer d’engrais à Port-Gentil (1,3 milliard par le singapourien Olam. Le d’euros). groupe agro-industriel y compte L’indien M3M s’est quant à pour près de 1,5 milliard d’euros lui vu attribuer le marché de la construction de 5000 logements d’investissements en cours. Outre les montants sociaux (plus de 70 milsociau engagés pour l’amélions d’euros). Pendant lion nagement de la zone ce temps, son coméconomiquespéciale patriote Ramky milliard d’euros de Nkok (88 milInfrastructure a d’investissements lions d’euros), il a décroché un contrat prévus par l’indien démarré en octopour la construcAbhijeet dans bre 2010 le dévetion de 1 000 km la ZES de Nkok loppement d’une de routes bitumées palmeraie de 50 000 ha entre Libreville et en (150 millions d’euros). Franceville. ros) France Devrait suivre une autre planOutrelesAsiatiques,lesQataris tation de 150 000 ha (440 millions pourraient prochainement investir d’euros). Olam est aussi associé à dans le pays. Deux visites de prosl’indien Tata Chemicals et à l’État pections ont déjà eu lieu. ● S.B.

1,2

Grand succès pour BFI au Cameroun Début octobre 2011, avec trois mois d’avance sur le délai prévu dans le contrat, le Groupe Tunisien BFI mettra en production le nouveau système d’information bancaire « Carthago » au Crédit Foncier du Cameroun (CFC).

Un véritable défi, qui a été relevé grâce à un travail efficace en partenariat avec une équipe mixte BFI et CFC.

Le Crédit Foncier du Cameroun bénéficie désormais d’un système d’information bancaire de la dernière technologie dans un environnement assaini, une réorganisation efficace et des procédures fiables. Crée en 1994, le Groupe BFI est spécialisé dans l’édition et l’intégration de solutions bancaires et financières fondées sur les dernières évolutions technologiques et visant à satisfaire les objectifs de croissance de ses clients. BFI comprend un Centre de Recherche et Développement rassemblant 60 collaborateurs de haut niveau, dont 20 consultants et experts dans les différents métiers de la banque et 40 ingénieurs. L’édition et l’intégration de solutions est organisée en différentes lignes métier, (RTGS et télécompensation, monétique, trésorerie, titres et cash, système d’information bancaire urbanisé, qui regroupent 150 collaborateurs.

BFI Maroc : ksaffar@b!groupe.com BFI Algérie : aimekraz@b!groupe.com BFI Yaoundé : scharradi@b!groupe.com

BFI Tunisie Rue du Lac Ghar El Mellh Imm Ezzeddine Ben Ayed 1053 Les Berges du Lac - Tunis Tél : +216 71 962 030 Fax : +216 71 961 299 info@b!groupe.com

101


Entreprises marchés MAROC

Le TGV en sept points Fin septembre, Nicolas Sarkozy et Mohammed VI poseront la première pierre de la ligne TangerCasablanca. Alors que d’aucuns s’interrogent sur le bien-fondé de ce projet, inventaire de ses forces et de ses faiblesses.

L

echantierduTGVmarocain, qui sera le premier train à grande vitesse à circuler sur le continent, sera lancé à la fin du mois. Pour l’occasion, quatre ans après avoir annoncé que la France soutiendrait le projet, le président Nicolas Sarkozy fera à nouveau le déplacement, sans doute à Tanger, pour être aux côtés duroiMohammed VIlorsde lapose de la première pierre. C’esten2015,sileplanningprévu par l’Office national des chemins de fer (ONCF) est respecté, que les rames conçues par le français Alstom et assemblées au Maroc relieront Tanger à Casablanca, en 2 heures 10, avec des pointes à 320 km/h entre Tanger et Kenitra, la première portion qui passera à la grande vitesse. Depuis la décision marocaine de se lancer dans ce projet de 1,8 milliard d’euros pour le premier tronçon (voir carte), l’ONCF, piloté par Mohamed Khlie, ingénieur tangérois rigoureux, s’est mis en ordre de bataille. Les sous-traitants marocains commencent à se positionner sur les premiers appels d’offres concernant la réalisation des études et les travaux de génie civil. Maissil’enthousiasmedomineau sein de ce projet industriel majeur, des voix s’interrogent sur le bienfondé de certains choix, et d’aucuns s’inquiètent d’un TGV bénéficiant N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

LUDOVIC/REA

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surtout à une élite et rendant le pays dépendant d’un modèle importé de France. Entre ces craintes et l’ardeur de l’ONCF à défendre le projet, décryptage des forces et faiblesses du TGV marocain. GRANDE VITESSE, LE BON CHOIX Grâce au TGV, l’ONCF Gr compte réduire à 2 heuco res10, en 2015, le temps re de trajet Casablanca-Tanger, qui dure actuellement 5 heures45. Mais aujourd’hui, pour aller en train de Tanger à Casablanca (350 km à vol d’oiseau), la ligne de chemin de fer suit un tracé qui date du protectorat et fait un détour de 70 km par la région de Sidi Kacem. Le choix de construire une nouvelle voie directe paraît donc logique, mais celui de la grande vitesse est moins

ABDELLATIF MAÂZOUZ (ministre marocain du Commerce extérieur, à g.), et ANNE-MARIE IDRAC (exprésidente de la SNCF et alors secrétaire d’État française au Commerce extérieur), au salon France Expo, en 2008 à Casablanca.

Certains s’inquiètent d’un train réservé à une élite et rendant le pays dépendant de la France. évident : « Avec un train classique passant le long de l’Atlantique, il est possible de réduire le trajet à 3 heures. Par conséquent, le gain de temps réel apporté par le TGV n’est pas si important que cela », estime Ahmed Damghi, ingénieur spécialisé dans le ferroviaire, qui pilote un rapport sur le sujet au sein

de Capdema, une association proche du Mouvement du 20 février. Toutefois, en 2030, après l’aménagement de la seconde portion KenitraCasablanca, le temps de transport devrait tomber à 1 heure 30 entre Casa et Tanger. DES ÉQUIPES COMPÉTENTES Les équipes de l’ONCF Le disposent d’une solide di cultureferroviaire,bâtie cu depuis 1911. L’entreprise publique a fortement amélioré sa qualité de service au cours de ces cinq dernières années, notamment avec la mise en place des liaisons express régionales. Une équipe « grande vitesse » de 60personnes s’est installée dans un bâtiment à part, au sein du siège de l’entreprise publique, à Rabat-Agdal.Vingt-cinqconsultants français de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), le premier exploitant du TGV, l’ont rejointe. En France, à La Rochelle, les ingénieurs et les techniciens d’Alstom planchent sur les adaptations à apporter aux quatorze rames commandées. « Au Maroc, on travaille pour une entreprise qui sait exploiterunréseau.Nousparlonslemême langage », affirme François Lacôte, directeur technique du groupe, qui juge que la coopération est plus facile qu’avec ses nouveaux clients singapouriens et anglais, qui ont JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés une culture technique différente. À la différence de la Chine, qui a opté pour un développement local et dont le TGV a connu un grave accident le 23 juillet, le Maroc a choisi un produit à la sécurité éprouvée et est bien accompagné pour le mettre en œuvre.

[nouveauxmodèlesdetrainsexpress régionaux, NDLR], dont les rames coûtent autour de 10 millions d’euros, auraient tout aussi bien fait l’affaire, avec une vitesse maximale honorable de 200 km/h pour ce dernier », juge-t-il.

DES INVESTISSEMENTS LOURDS Le royaume a prévu d’investir au total d’ environ 3 milliards en d’euros dans d’ da des lignes à grande vitesse. Un montant considérable qui représente plus que ce que l’ONCF a investi en vingt ans dans les lignes classiques. Or, en France, le pays dont s’inspire le Maroc, l’endettement lié aux investissements massifs dans le TGV (37 milliards d’euros pour Réseau ferré de France) fait débat. Selon le cabinet de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, qui a effectué un audit du réseau en 2005, la préférence pour le TGV s’est faite au détriment de l’entretien des lignes classiques: « Si la situation actuelle devait perdurer, il ne subsisterait à l’horizon 2025 qu’un tiers du réseau ferré français », diagnostique-t-il. Le coût de chaque rame marocaineestestiméà28millionsd’euros, le même tarif que pour la SNCF. Interrogé sur ces prix, Alstom indique que le royaume bénéficie des économies d’échelle déjà réalisées en France. Pour Ahmed Damghi, ce prix est trop élevé: « Le Regiolis d’Alstom ou le Railjet de Siemens

320 km/h C’est la vitesse que pourra atteindre le TGV entre Tanger et Kenitra en 2015. Le passage à la grande vitesse entre Kenitra et Casa est prévu pour 2030

Au royaume de la grande vitesse Détroit de Gibraltar Océan Atlantique

Kenitra RABAT Casablanca El-Jadida

Tanger Tétouan

Asilah Larache

Meknès

Berrechid Settat

Fès

Al-Hoceima

Taourirt

Oujda

MAROC

Safi Essaouira

Agadir JEUNE AFRIQUE

Marrakech Ouarzazate

Ligne adoptée Autres lignes en projet

PLUS RENTABLE À L’USAGE C’estl’argumentmajeur C’ qui a fait mouche à qu l’ONCF. « Le TGV choisi l’ON occasionne si à l’investissement un surcoût de 30 % par rapport à une ligne classique, mais, sur la durée d’exploitation [quarante ans], il est plus rentable pour un trafic important », confiait Mohamed Khlie à Jeune Afrique en mars 2010. « Même avec deux étages, notre TGV ne coûte pas plus en entretien que la génération précédente et use même moins les voies », complète François Lacôte. ET LES PASSAGERS ? L’objectif de 6 millions L’ob de passagers annuels annoncé par l’ONCF an sur le seul TGV est ambitieux. L’entreprise défend sa capacité à générer du trafic, qui est passé de 18,5 millions de passagers en 2004 à 31millionsen2010.Quantauprixdu billet Casa-Tanger il n’augmentera qued’environ17dirhams(1,50euro) selonl’ONCF;ilseradoncaccessible au Marocain moyen. Pourtant, certains jugent ces chiffres surestimés. « Les hauts fonctionnaires du ministère français des Transports et de Systra [filiale commune de la RATP et de la SNCF chargée des études à l’international, NDLR] qui ont participé aux premières études ont gonflé les chiffres pourfavoriserAlstom»,estimeMarc Fressoz, auteur de Faillite à grande vitesse (en librairie le 22 septembre), qui consacre un chapitre au dossier marocain. « En France, d’après une étudeduthink-tankTerraNova,70% desvoyagesenTGVsontréaliséspar les 50 % de la population les plus aisés.Parconséquent,avecleniveau de vie moyen des Marocains et la taille de Casablanca et de Tanger, plus modestes que Paris et Lyon,

le pari sera difficile à tenir », estime Ahmed Damghi, qui reconnaît toutefois que le TGV renforcera l’attrait touristique du royaume. BONNES PERFORMANCES TECHNIQUES Le TGV marocain rouleraà320km/h.Cen’est lera pas le plus rapide d’Alspa tom – son AGV circule à 360 km/h. Mais il permet un bon compromis entre le nombre de passagers et la vitesse, par rapport aux modèles de Siemens et de Bombardier. « La configuration en duplex permet d’accueillir jusqu’à 550 personnes à bord, soit 40 % de plus que notre TGV de plain-pied précédent, et ce avec un niveau de sécurité renforcé et un confort accru », affirme François Lacôte. TROP DE DÉPENDANCE FINANCIÈRE ET TECHNIQUE Pour Po Alstom, qui rencontre des difficultés co à vendre ses TGV, le projet marocain, décroché sans appel d’offres auprès de ses concurrents, est une aubaine. Même s’il a fait grincer des dents son principal concurrent, Siemens, qui a fait du lobbying pour empêcher un prêt de 400 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement au projet marocain. Après son échec à remporter le contrat des rames de l’Eurostar (600 millions d’euros) en octobre 2010 et ses difficultés face à un consortium d’entreprises espagnoles pour le contrat du « TGV des pèlerins » saoudien (7 milliards d’euros), le géant français avait bien besoin d’un projet à grande vitesse pour exister à l’international. Et « Alstom sait bien qu’ensuite d’autres contrats suivront au Maroc », juge Ahmed Damghi, qui craint une dépendance technologique, mais aussi financière envers la France. Car, même si des financiers, notamment koweïtiens, sont présents au tour de table, l’enveloppe accordée par la France, directement ou via l’Agence française de développement (AFD), dépasse les 800 millions d’euros. Dont 625 millions de prêts étatiques. ● CHRISTOPHE LE BEC N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Entreprises marchés

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ELISE FITTE-DUVAL POUR J.A.

Ý KARIM SY, fondateur du JokkoLabs (quartier Liberté), y propose des espaces de « co-working ».

NOUVELLES TECHNOLOGIES

À Dakar, la fièvre du web n’a rien de virtuel Google et Microsoft y ont implanté leurs bureaux. L’État veut en faire un centre régional d’innovation. Et des incubateurs de start-up s’y épanouissent. Voyage au cœur d’une capitale connectée.

J

uin dernier. Réuni dans un hôtel du quartier huppé des Almadies, à Dakar, le microcosme des télécoms africains réfléchit à son avenir. À la tribune, Ahmed Faroukh, patron du sud-africain MTN pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, met en garde : « D’ici cinq à dix ans, les communications seront gratuites. » Tout le monde le sait: compte tenu de la concurrence, l’assertion n’est pas improbable. Et seule la démocratisation d’internet pourra offrir un relais de croissance aux opérateurs. Problème : les échanges de données représentent moins de 10 % de leurs revenus. La situation serait due au manque de contenus locaux, indispensables pour doper l’audience. Une préoccupation partagée par les entreprises de l’électronique et de l’informatique, qui voient aussi dans l’essor du web un passage obligé pour élargir leur marché. D’ailleurs beaucoup, comme Microsoft ou Samsung, annoncent N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

desactionsde soutien auxnouvelles technologies, en appuyant ici une université, là une jeune entreprise. Autant d’initiatives encore naissantes et finalement trop modestes pour provoquer l’émergence de start-up de premier plan. CHALLENGES. Reste que, à Dakar, l’effervescence autour des technologies de l’information et de la communication (TIC) est palpable. Plusieurs groupes de classe mondiale – Nokia, Microsoft, Google et IBM en tête – y ont installé leur bureau régional. Arrivé en 2009, Google constitue sans doute l’acteur le plus médiatique de la place. Le géantaméricainmontrelavoie.Bien décidée à accélérer la maturation du marché, son équipe multiplie challenges et sessions de formation à destination des petits génies de l’informatique sénégalais. Critiqué pour son absence de stratégie en matière de TIC, l’État tente lui aussi de profiter de cette dynamique. Son objectif : faire du

Trois lieux de création en un clic http://jokkolabs.com

www.cticdakar.com

www.act-dakar.net

Sénégal un centre d’innovation capable d’irriguer la sous-région. Une place à prendre avant que la Côte d’Ivoire, qui sort d’une longue crise politique, ne devienne un concurrent direct. Avec l’appui des industriels et de bailleurs internationaux, les pouvoirs publics ont inauguré, au printemps, Ctic, une pépinière spécialisée. «Notrephilosophieestd’aiderdes entreprises existantes à faire éclore leurs projets. Nous nous rémunérons en prélevant entre 7 % et 9 % de leur chiffre d’affaires », explique le directeurgénéral,OmarCissé.Accès à internet via des lignes spécialisées, salles de réunion… Les jeunes entrepreneurs bénéficient en plus d’un accompagnement sur mesure grâce à la consultation d’experts détachés par certains partenaires, comme Orange. Avec 183000 euros de budget annuel, la pépinière est une première étape « avant la création d’un technopôle, d’ici trois ou quatre ans », espère Omar Cissé. VITALITÉ. En marge des initiatives officielles et de l’industrie, d’autres expériences démontrent la vitalité des TIC au Sénégal. C’est le cas de la VillaACT,dontlepromoteur,Vincent Lagoeyte,aécumélemondeculturel avant de bifurquer vers l’univers des nouvelles technologies. « À partir de 2005, il apparaissait clairement qu’il fallait changer la donne dans la distribution musicale et qu’internet était la clé », se souvient-il. Le lieu, installé dans une maison du quartier résidentiel de la Patte d’oie, a démarré ses activités en mai. Il est notamment articulé autour de Soon, une start-up à la fois éditrice de solutions internet et web agency. Preuve de sa créativité, cette dernière vient de réaliser une plateforme de vidéos à la demandespécialiséedanslecinéma africain (africafilms.tv), mettant à disposition plus de mille heures de programmes. « Pour débuter, elle s’adresse au public européen et à la diaspora, mais d’ici quelques JEUNE AFRIQUE


années, grâce à des technologies comme Android [utilisé par les smartphones et les tablettes numériques, NDLR], le public africain suivra », s’enthousiasme Vincent Lagoeyte. Financièrement indépendant des multinationales, cet ancien de l’École des hautes études commerciales (HEC), à Paris, n’exclut pas, à terme, des partenariats avec des industriels. TRIBUS. Indépendant, c’est aussi le

qualificatif qui pourrait être accolé au parcours et à la vision de Karim Sy. Fils de bonne famille, ingénieur formé au Canada, ce quadra est surtoutconnuauSénégalpouravoir fondé la société d’ingénierie informatique Opensys. Un confort abandonné pour mieux se consacrer à la

On y organise même, comme à Paris ou à New York, les fameux Mobile Monday.

BENOÎT TESSIER/MAXPPP

Coulisses

RD CONGO ACCORD EN VUE POUR CCT Selon plusieurs sources, France Télécom est sur le point d’acquérir Congo ChinaTelecom (CCT). Quatrième opérateur de la RD Congo, CCT est détenu par l’équipementier chinois ZTE (51 %) et l’État congolais (49 %). Le montant du contrat s’élèverait

Entreprises

marchés

à 170 millions d’euros, dont une partie couvrira d’importantes dettes (110 millions d’euros). Fin août, Kinshasa avait révélé que seul France Télécom s’était porté candidat au rachat. Ce sont en fait les exigences de ZTE – l’équipementier souhaitant rester le fournisseur exclusif de CCT – qui ont ralenti les négociations. Avec cette acquisition, le groupe français confirme ses ambitions africaines. Mais il est trop tôt pour statuer sur la qualité de cet investissement. D’ores et déjà, les experts estiment que plusieurs centaines de millions d’euros seront nécessaires pour améliorer la qualité du réseau et profiter du réservoir de croissance congolais (66 millions d’habitants pour un taux de pénétration du mobile de 17 %). ●

• TOURISME Rezidor ouvrira un hôtel à Hammamet au 2 trimestre 2012, son 3 dans le pays • PÊCHE Au Maroc, le letton Agrolats investit 5 M€ dans une usine de poissons congelés, opérationnelle avant fin 2011 • TÉLÉCOMS e

promotion de l’innovation. « Voir les TIC comme un nouveau secteur est une erreur, cela va devenir le cœur de l’économie », affirme ce patron qui s’inscrit dans la mouvance de l’entrepreneuriat social. Lancé en octobre 2010, son JokkoLabs est, en moins d’un an, devenu un rendez-vous incontournable pour les tribus de développeurs dakaroises aux noms étranges, de Mozilla Tech à Drupal. Onyorganisemême,commeàParis ou à New York, les fameux Mobile Monday,pendantlesquelsunecommunauté de passionnés partage les dernières tendances de la mobilité. Installé dans un appartement aux murs colorés du quartier Liberté, l’incubateur héberge une quinzaine de start-up. Un lieu entièrement financé sur fonds propres par son créateur, soit une mise de départ de 23 000 euros. Mais l’appétit de Karim Sy n’est pas encore rassasié. C’est désormais un fonds d’investissement qu’il veut initier pour accélérer la mutation de l’économie sénégalaise. Et faire de Dakar la nouvelle Mecque du web ? ● JULIEN CLÉMENÇOT, envoyé spécial à Dakar JEUNE AFRIQUE

S

M

S

e

Après le gain, début septembre, d’une licence 2G et 3G par Bharti, MTN et Tigo craignent une guerre des prix au Rwanda • OBLIGATIONS L’emprunt du Trésor public ivoirien a été souscrit à 160 %, permettant de lever 244 M€

ALGÉRIE CEVITAL OUVRE UN QUATRIÈME HYPER Numidis, la filiale distribution de l’algérien Cevital, a inauguré son quatrième hypermarché en Algérie, à Bouira. Installé au sein d’un centre commercial (Uno Shopping Center), il occupe 6000 m2 et présente 30000 références (alimentation, habillement, électroménager…), dont 55 % d’origine algérienne. Deux autres hypermarchés sont en projet. ● NIGERIA LA FUSION ECOBANK-OCEANIC APPROCHE Ecobank vient d’annoncer son intention de reprendre la totalité du capital social d’Oceanic Bank. Le groupe panafricain propose de verser 180 millions d’euros de ses

actions ordinaires et 77 millions d’euros d’actions préférentielles pour le contrôle de la banque nigériane, sauvée de la faillite en 2009. En juillet, les deux partenaires ont signé un protocole d’accord en vue d’une fusion. L’opération devrait être bouclée avant la fin du mois. ● MAROC GDF DANS LE VENT Le français GDF Suez, via sa filiale La Compagnie du vent, vient d’annoncer son intention de construire un champ éolien d’une puissance de 135 MW dans la région deTanger. Le projet, dont le démarrage est prévu pour 2013, représente un investissement de 195 millions d’euros. D’une puissance nominale de 3 MW, les éoliennes seront munies de rotors dont le diamètre atteindra 112 m. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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International DEVISES

Le billet rouge gagne en crédit

L’internationalisation de la monnaie chinoise sera à l’ordre du jour du prochain G20. Mais déjà, des pays comme le Nigeria misent sur le yuan comme futur concurrent du dollar et de l’euro.

L

e yuan, monnaie de référence de la planète: vue de l’esprit ou évolution inéluctable ? Ce qui est sûr, c’est que l’internationalisation de la monnaie de la deuxième économie mondiale est en marche. À la suite de la visite éclair de Nicolas Sarkozy à Pékin, le 25 août, un groupe de travail franco-chinois doit être mis en place d’ici au prochain G20, prévu début novembre à Cannes (France), pour favoriser l’entrée du yuan dans le panier des devises composant les droitsdetiragespéciaux,lamonnaie virtuelle du Fonds monétaire international(FMI)–baséeactuellement sur le dollar, l’euro, la livre sterling et le yen. La France veut tracer avec la Chine « un sentier pour faire du yuan une monnaie internationale librement convertible, dont l’usage refléterait son ouverture commerciale et son poids économique », a indiqué à Pékin le ministre français de l’Économie, François Baroin. Autre signe: le Nigeria vient d’annoncer qu’il convertirait en yuans, d’ici à la fin de l’année, de 5 % à 10 % de ses 33 milliards de dollars (environ 24 milliards d’euros) de réserves de change, aujourd’hui libellées en dollars, en euros, en francs suisses et en livres sterling. « Compte tenu de l’importance économique de plus en plus grande de la Chine dans le monde et de la croissance des flux d’échanges entre nos deux pays, cetteinitiativeviseàassurerunavantage stratégique au Nigeria dans le cadre de ses relations économiques et commerciales avec la Chine », s’est justifiée la Banque centrale de Lagos dans un communiqué. De passage à Pékin début septembre, N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

SIU CHIU/REUTERS

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À HONG KONG, une publicité pour des services de change.

son gouverneur, Lamido Sanusi, a enfoncé le clou: « Le yuan va inévitablement devenir une monnaie de réserve mondiale. Nous sommes ravis d’être le premier pays africain à franchir cette étape. Le yuan est déjà échangé dans les rues du Nigeria, ce qui montre que le marché est en avance sur nous et que nous ne faisons que le rattraper. » SOUS-ÉVALUATION. L’exemple

nigérian apporte-t-il de l’eau au moulin des économistes qui proposent d’élargir l’assise du franc CFA à un panier de devises qui comprendrait la monnaie chinoise? Difficile à dire. « La Chine commencera son programme en ciblant des partenaires africains qui sont d’importantes destinations pour ses exportations, des poids lourds régionaux qui ont des marchés financiers matures : d’abord le Nigeria et l’Afrique du Sud, ensuite le Kenya, puis l’Angola et le Ghana », relève une étude de Standard Bank sur le sujet. En août, un rapport de la Banque mondiale confirmait la tendance : le yuan pourrait devenir, d’ici à 2025, une devise mondiale majeure, avec le dollar et l’euro.

Mais où en sont véritablement les Chinois ? Avec l’internationalisation de sa monnaie, Pékin, qui a des réserves de plus de 3 000 milliards de dollars, peut réduire son exposition aux devises étrangères

« Le yuan est déjà échangé dans les rues de Lagos. Nous ne faisons donc que rattraper le marché. » LAMIDO SANUSI, gouverneur de la Banque centrale du Nigeria

Selon Standard Bank, 40 % des échanges sino-africains s’effectueront en yuans en 2015. Soit l’équivalent de

600 milliards de yuans (70 milliards d’euros).

– et notamment au billet vert. En outre, la sous-évaluation actuelle du yuan nourrit l’inflation. Les arguments ne manquent donc pas, mais des réformes restent à mener pour libéraliser sans restriction la monnaie chinoise et les flux de capitaux en yuans. Le 8 septembre, le Quotidien d’information économique, de l’agence de presse Chine nouvelle, a indiqué que le yuan serait « totalement convertible » à l’issue du plan quinquennal du secteur financier (2011-2015). « Ce plan ne définit pas de calendrier clair pour la convertibilité », a tempéré, le même jour, Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque populaire de Chine. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE


International PÉTROLE

ANALYSE

Un Jubilee bis en Guyane? LA FRANCE SE PREND À RÊVER, à la suite de l’annonce, par le britannique Tullow Oil et ses partenaires (Total, 25 %, Shell, 45 %, et Northern Petroleum, 2,5 %), sur un permis offshore au large de la Guyane, d’une découverte « historique » encourageante dans les eaux de ce département français d’outre-mer situé au nord du Brésil. Le puits, d’une profondeur de 72 m et dont la superficie n’a pas encore été déterminée, est situé à 150 km au nord-est de Cayenne, sous 2 000 m d’eau, auxquels il faut ajouter 4 000 m dans le sous-sol océanique. La junior pétrolière s’illustre une fois de plus en mettant au jour une nouvelle province pétrolière, après le champ Jubilee (1,4 milliard de barils) au large du Ghana, qui vient d’entrer en production. La compagnie s’est intéressée à la Guyane pour son analogie géologique avec la côte ghanéenne : les bords du continent sud-américain et de l’Afrique de l’Ouest ne formaient qu’un il y a cent millions d’années. La région devrait attirer de nouveaux investisseurs, si la zone s’avérait être un miroir du golfe de Guinée. De quoi inquiéter les écologistes, qui rappellent que la plateforme Deepwater Horizon, qui a explosé en 2010 dans le golfe du Mexique, forait moins profond. ● MICHAEL PAURON INGÉNIERIE

Technip se paie un américain LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE de services pétroliers a réalisé, le 9 septembre, sa plus grosse opération, avec l’acquisition de 100 % de l’américain Global Industries,pour768millionsd’euros.Legrouped’ingénierieaainsipayé55% au-dessus du cours de clôture de l’action ce jour-là. La société américaine, spécialisée dans la construction et la pose d’infrastructures pétrolières en mer, compte 2300 salariés et quatorze navires. Elle est présente notamment dans le golfe du Mexique, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient. La transaction devrait être finalisée au début de l’année 2012, indique Technip dans un communiqué. Son PDG, Thierry Pilenko, attend, d’ici à 2013, une amélioration des bénéfices par action de 5 % à 7 %. Le groupe entend profiter du boom de l’exploitation pétrolière offshore : selon les spécialistes, plus de trente gisements à plus de 1 000 m de profondeur d’eau entreront en service d’ici à 2014. Pour la Société générale, le groupe aurait payé un peu cher son acquisition. La banque souligne néanmoins que Technip bénéficie, dans tous les cas, « de la croissance structurelle de la demande de pétrole, avec l’industrialisation et la montée du niveau de vie dans les pays émergents ». ● M.P. Æ Le PDG THIERRY PILENKO veut profiter du boom de l’exploration en mer.

Opinion ns &é éditoriaux dito oria auxx

Fouad Laroui

La rente démocratique

L

E G8 S’EST DONC ENGAGÉ à mettre 38 milliards de dollars (environ 28 milliards d’euros) à disposition de la Tunisie, de l’Égypte, du Maroc et de la Jordanie sur la période 2011-2013. Il l’a fait en association avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et neuf institutions financières internationales. On parle déjà d’un « Partenariat de Deauville », puisque c’est dans cette très chic station balnéaire française que l’initiative a été lancée. Les optimistes (dira-t-on les naïfs ?) applaudissent. Les sceptiques sont plus circonspects. Pourquoi ? Tout d’abord, les financements annoncés prendront surtout la forme de prêts aux États. Au moment où la Grèce est en train de faire faillite en direct, sous nos yeux, il est quand même assez paradoxal de se réjouir d’une augmentation de l’endettement des quatre pays. Et s’ils ne peuvent pas rembourser ? Leur faudra-t-il passer sous les fourches caudines du Fonds monétaire international (FMI) dans quelques années ? Les fameuses cures d’austérité prônées par ledit FMI affectent surtout la classe moyenne. On punira donc dans quelques années les peuples pour avoir été aujourd’hui les bons élèves de la démocratie… Il eût été plus judicieux de mettre l’accent sur l’investissement direct privé. Concrètement, c’est 1 milliard de dollars qu’on aurait dû donner à Peugeot ou à Volkswagen pour aller au Maroc ou enTunisie fabriquer des voitures… Au moins, l’effet en termes d’emploi aurait été visible.

MARLENE AWAAD/IP3

D’autre part, les quatre pays ne disposent pas de la rente pétrolière (ou gazière) abondante qui permet à l’Algérie, au Qatar ou à l’Arabie saoudite d’acheter la paix sociale. C’est donc une sorte de « rente démocratique » qu’on leur promet pour atteindre le même but… Mais est-ce si judicieux ? La rente n’est-elle pas finalement une malédiction qui crée une mentalité d’assisté et fait perdre le goût du travail ? ● JEUNE AFRIQUE

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Décideurs INTERVIEW

Albert Nsengiyumva

M INISTRE

RWANDAIS DES

I NFRASTRUCTURES

« Kigali ouvre la porte à tous les investisseurs » En marge de la visite du président Paul Kagamé à Paris, Jeune Afrique a rencontré le ministre chargé des Infrastructures. Son message est clair : toutes les bonnes volontés sont les bienvenues au Rwanda, et les groupes hexagonaux ne sont pas exclus.

D

u 11 au 14 septembre, le Rwanda était de passage à Paris. Une première depuis 1994. La visite du président Paul Kagamé, accompagné de trois ministres et d’une délégation d’une vingtaine d’hommes d’affaires, était résolument tournée vers le monde économique. Chargé depuis mai dernier du portefeuille sensible des Infrastructures, Albert Nsengiyumva, ingénieur de 46 ans formé en Belgique puis aux ÉtatsUnis, avait pour mission de présenter aux entreprises françaises l’ambition du pays de devenir un hub pour l’Afrique de l’Est. Objectif: trouver des partenaires pour financer et réaliser les projets rwandais dans les domaines de la production électrique et des infrastructures ferroviaires et routières. JEUNE AFRIQUE: Quel bilan tirezvous de votre séjour parisien? ALBERT NSENGIYUMVA : Avec

cette visite, nous voulions tourner une page dans nos relations avec la France, en nous focalisant sur l’avenir et les questions économiques. Au terme de notre séjour, je peux dire que cet objectif a été atteint. Je suis particulièrement satisfait de la rencontre que nous avons eue avec le Medef [la principale organisation patronale française, NDLR],

Revenez-vous à Kigali avec des contrats signés?

Nous avons signé une convention de prêt [de 10 millions d’euros] avec l’AFD [Agence française de développement]. Elle va, à l’avenir, accroître son implication au

Les avions d’Airbus pourraient équiper notre compagnie Rwandair. le 13 septembre [lire encadré]. Nous avonspureprendrecontactavecdes entreprises comme le spécialiste des travaux publics Sogea-Satom, du groupe Vinci, qui a mené par le passé des projets routiers au Rwanda, et qui pourrait revenir. J’ai dialogué avec Thales, qui a déjà un contrat de service aéroportuaire chez nous, et qui étudie d’autres

KAGAMÉ COURTISE LES ENTREPRISES FRANÇAISES « WE INVITE INVESTORSTOTRAVELTO RWANDA AND SEE. » C’est en anglais que le président rwandais, Paul Kagamé, a invité, le 13 septembre, les représentants d’une cinquantaine d’entreprises françaises, conviés à un petit-déjeuner à l’hôtel Ritz à Paris, à venir investir dans son pays. Aujourd’hui, seules six entreprises hexagonales y sont présentes. Elles ont investi 3,5 millions d’euros, créant 150 emplois. Et 150 millions d’euros d’investissements français seraient dans les tuyaux. C’est mince. Paul Kagamé a tenté de convaincre son auditoire d’investir dans l’agriculture, les services financiers, les infrastructures, l’immobilier, les mines, les nouvelles technologies… Le holding financier privé Rwanda Investment Group (RIG) a ainsi présenté son projet d’extraction du méthane du lac Kivu, pour produire 100 mégawatts d’ici à 2018. Un projet à 200 millions d’euros. « Nous avons besoin de fonds, de technologies et de savoir-faire », a résumé Liliane Igihozo JEAN-MICHEL MEYER Uwera, directrice générale de RIG. ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

opportunités. Mais surtout, nous avons pu rencontrer de nouveaux partenaires industriels potentiels, comme Alstom, pour nos projets ferroviaires et électriques, Bolloré, qui nous intéresse pour ses compétenceslogistiques,ouencoreAirbus, dont les avions pourraient équiper notre compagnie Rwandair.

Rwanda,notammentdanslesecteur de l’énergie. En ce qui concerne le secteur privé, après cette prise ou reprisedecontact,ilfautmaintenant que les partenaires potentiels viennent à Kigali et que nous discutions plus en profondeur avec eux. Après avoir ouvert la porte aux investisseurs asiatiques dans les infrastructures, cherchez-vous à diversifier vos partenaires avec cette visite en France?

Il n’y a pas de barrière à l’entrée ou de favoritisme envers qui que ce soit. Nous ouvrons la porte à tous les investisseurs, et il y a des opportunités à prendre, à condition bien sûr que cela profite aux Rwandais. Justement, seulement 15 % des Rwandais ont accès à l’électricité. Comment y remédier?

Notre objectif est de parvenir, en 2017[àlafindumandatduprésident Paul Kagamé], à un taux de couvertureélectriquede50%desfoyersetà JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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VINCENT FOURNIER/J.A.

le projet, ce qui renforce sa viabilité économique. L’étude réalisée par la Deutsche Bahn a prouvé la faisabilité de la liaison et dimensionné les investissements à 5 milliards de dollars [environ 3,65 milliards d’euros]. On s’oriente vers une sociétéunique gérant à la fois le rail et le terminal portuaire de Dar es-Salaam, ainsi que les gares de fret. Nous fonctionnerons avec un partenaire en BOT [build, operate and trade] : il construira puis exploitera la voie, avant de nous la transférer.

une production de 1000 mégawatts. Nous travaillons à la fois à l’échelle nationaleetàl’échellerégionalepour y parvenir, avec des modalités de productionvariées,tantconventionnelles qu’alternatives. Face aux prix élevés du carburant, nos ressources hydrauliques et gazières doivent êtremieuxutilisées.Nouscomptons notammentbeaucoupsurlacentrale hydroélectrique de Ruzizi [développée conjointement avec la Tanzanie et le Burundi], qui doit passer à une capacité de 145 MW. Notre projet pilote de production électrique avec le méthane du lac Kivu produit aujourd’hui 1,9 MW. Forts de cette première expérience réussie, nous appuyons deux autres projets de plus grande envergure, avec le concours d’investisseurs privés: le premier mené par l’américain ContourGlobal, le second

par des Rwandais. À terme, nous escomptons 700 MW grâce au lac Kivu. Enfin, nous disposons d’une petite centrale solaire de 250 kilowatts, la première d’Afrique subsaharienne [hors Afrique du Sud], et nousréfléchissonsàunprojetsolaire plus ambitieux de 10 MW.

CET INGÉNIEUR DE 46 ANS est chargé des Infrastructures dans le gouvernement rwandais depuis mai dernier.

Où en est le projet de rail entre Dar es-Salaam et Kigali, qui doit contribuer à faire baisser les frais de transport, qui représentent en moyenne 40 % du prix des biens importés?

Le Rwanda est à 1 500 km des côtes. Il nous faut baisser les coûts d’acheminement, et ce projet ferroviaire est pour cela essentiel. Au départ, nous le menions avec la Tanzanie, qui dispose déjà d’un réseau ferroviaire, mais délabré. Le Burundi s’est ensuite greffé sur

Pourtant, le modèle de mise en concession est en perte de vitesse sur le continent. Les conflits contractuels entre États africains et sociétés privées se multiplient. Quelle est la position du Rwanda à ce sujet?

Noussommesfavorablesauxprojets de partenariats public-privé, mais pas dans tout ! Pour l’eau et l’électricité, nous avons opté pour une délégation de la production à des acteurs privés, mais pas de la distribution. Nous évitons ainsi les conflits contractuels portant sur la responsabilité des investissements dans les réseaux électriques, d’eau et d’assainissement, qui peuvent beaucoup évoluer en fonction des politiques urbaines de l’État et des municipalités.Celanousobligeàune gestion rigoureuse et transparente devantlescitoyens,maisilestnormal qu’elle relève du secteur public. ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC

ON EN PARLE

MARK SIMPSON SEACOM Depuis le 5 septembre, il est le nouveau DG du consortium chargé de la mise en place du câble sous-marin de fibre optique en Afrique de l’Est. Il succède à Brian Herlihy, qui reste dans le groupe.

LUCIEN KONAN AFG Il succède à Charles Kié à la tête d’Atlantic Financial Group, holding de Banque Atlantique Côte d’Ivoire (Baci). C’est une des conséquences de la cession de 60 % du capital de la banque au français BPCE. DR

KAMAL MOKDAD MAZARS MAROC Nouveau gérant du cabinet de conseil, il en dirigera le comité de direction – qui devient le centre de décision – avec Nabil Bayahya, associé-gérant. Son fondateur, Abdelkader Masnaoui, prend le titre de président honoraire. JEUNE AFRIQUE

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Marchés financiers

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Kadio-Morokro. C’est dans l’espoir de mobiliser des fonds plus rapidement que le groupe a décidé de venir convaincre des investisseurs sur le marché parisien.

PETRO IVOIRE

RÉVEIL DES MAJORS. Car Petro

Le groupe prévoit de se renforcer dans la distribution de GAZ BUTANE. BOURSE

Petro Ivoire prospecte à Paris Le distributeur de produits pétroliers s’introduira sur le marché libre NYSE Euronext le 30 septembre. Objectif : lever 5 millions d’euros, à travers un emprunt obligataire, pour financer son développement.

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du capital), le 30 septembre, sur le marchélibreNYSEEuronext,àParis. Cette cotation, pilotée par le cabinet Maréchal & Associés Finance, lui permettra de lancer un emprunt obligataire pour lever les 5 millions d’euros nécessaires au financement du plan de développement sur trois ans du groupe. Petro Ivoire mettra sur le marché 20 000 obligations d’unevaleurnominalede250euros, rémunéréesannuellementàuntaux de 5,5 %. En 2019, il décidera de les convertir en actions ou non. PetroIvoireseraainsiladeuxième entreprise à capitaux entièrement ivoiriens cotée à Paris, après la Société ivoirienne de manutention et de transit (Simat), introduite en 2007. « L’entreprise a un besoin de trésorerie lié à des projets d’investissement, à l’équipement de ses stations-services,àsondéveloppement commercial et à son programme de rebranding », explique Sébastien

Une entrée à la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan est également étudiée. lacapacitédestockagedenotrecentre d’emplissage et poursuivre notre programme d’achat de bouteilles, avec l’acquisition de 100000 unités. L’aventure ne fait que commencer », confie Sébastien Kadio-Morokro. En attendant, une introduction à la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM) est étudiée par les dirigeants de Petro Ivoire. Mais aucun timing n’a encore été dévoilé. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

Un outsider de plus en plus rentable (En millions d’euros)

2008

2009

2010

Chiffre d’affaires

68,4

59,2

64,5

Résultat net

0,73

0,88

0,95 JEUNE AFRIQUE

SOURCE : PETRO IVOIRE

E

n dix-sept ans d’existence, Petro Ivoire a réussi à se faire un nom dans le secteur de la distribution de produits pétroliers, aux côtés des majors Total, Shell, Oil Libya, Petroci… Évoluant dans cet environnement très concurrentiel, l’entreprise contrôle 15 % du marché ivoirien et veut jouer les premiers rôles. « Notre objectif est d’être un acteur majeur du secteur, en conquérant jusqu’à 25 % de part de marché dans les trois ans », explique Sébastien KadioMorokro, directeur général. Entreprise familiale créée en 1994 par un ancien cadre de Shell, Mathieu Kadio-Morokro – qui a passé le flambeau à son fils en 2010 –, Petro Ivoire a su se transformer en un groupe industriel. Doté au départ d’un capital de près de 160 000 euros, il a réalisé plusieurs recapitalisations, pour atteindre aujourd’hui 1,875 million d’euros, grâce à l’entrée des fonds d’investissement Cauris et Africinvest. Une partie de l’avenir du groupe passeaujourd’huiparl’Europe,avec uneintroductionsymbolique(0,02%

Ivoire, qui n’envisage pas de se projeter sur l’amont pétrolier pour l’instant, prévoit de renforcer et de consolider ses positions en aval. En 2007, le groupe a acquis une usine deremplissagedegazultramoderne, pour un coût de 2,3 millions d’euros. En 2009, il a créé la Société africaine d’entreposagedeproduitspétroliers, quiconstruitactuellementuneunité de stockage de gaz butane d’une capacité de 1500 tonnes, qui sera opérationnelle dès la fin de 2011, pour un investissement de 9,9 millions d’euros. Un trader, Geogas, l’accompagne dans ce projet. L’entreprise prévoit de multiplier les investissements dans la distribution de gaz butane et dans la construction de stations-services. Mais la tâche ne sera pas facile face au réveil des majors, qui profitent de la fin de la crise ivoirienne pour relancer les plans d’investissements gelés. « Pour le moment, nous avons un réseau de 26 stations, que nous envisageons de porter à 33 avant la finde2012. Nouscomptonsdoubler


Baromètre

Bière : encore de la croissance

TUNINVEST

Et de trois! Le capital-investisseur tunisien clôt le premier tour de son nouveau fonds maghrébin.

L

e contexte économique international difficile n’aura pas réellement freiné Tuninvest-Africinvest. Le capital-investisseur tunisien, qui gère plus de 500 millions d’euros, vient de réaliser le premier closing de son troisième fonds maghrébin, baptisé Maghreb Private Equity Fund III (MPEF III), avec 96 millions d’euros collectés, pour un objectif final de 150 millions. Pour ce premier tour, Tuninvest-Africinvest a convaincu des « fidèles », déjà présents dans ses précédents fonds, maghrébins ou panafricains. La Banque africaine de développement (BAD) se pose comme le principal souscripteur, avec 20 millions d’euros. Le solde provient d’autres agences de développement, comme le néerlandais FMO, le français Proparco, le belge BIO, l’allemand DEG ou la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale). Le défi, désormais, est d’attirer des fonds de fonds, des fonds souverains ou des grandes familles. SÉDUIRE LE PRIVÉ. « Tuninvest

n’a pas eu de mal à convaincre les “anciens”, notamment parce que ses équipes affichent de belles performances sur les fonds précédents, explique l’un de ces souscripteurs. Maisilestpluscompliquédeséduire des privés. Tout d’abord parce que, aujourd’hui, ceux-ci regardent plutôt vers l’Afrique subsaharienne, mais aussi parce que l’incertitude politique au nord du continent inquiète. » En attendant, MPEF III a débuté sa recherche d’investissements potentiels. Le fonds misera dans des sociétés marocaines, tunisiennes, algériennes et, plus marginalement, égyptiennes. Et dans tous les secteurs. ●

Marchés financiers

VALEUR

Namibia Breweries Delta Corporation SAB Miller Guinness Nigeria Nigerian Breweries Zambian Breweries SFBT East African Breweries Brasseries du Maroc Solibra

BOURSE

COURS au 14 septembre (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

WINDHOEK

1,29

+ 17

HARARE

0,76 3 552,96 1,42 0,54 0,55 8,16 1,99 232,02 364,26

+ 16,9 + 16,3 + 15,4 +9 + 6,6 + 0,5 – 7,5 – 12,8 – 13,9

JOHANNESBURG LAGOS LAGOS LUSAKA TUNIS NAIROBI CASABLANCA ABIDJAN

DANS DES MARCHÉS en recul, le secteur de la bière et des boissons continue de jouer à plein son rôle défensif: sept des dix premières capitalisations enregistrent une performance positive. De manière plus générale, le boom annoncé de la classe moyenne au sud du Sahara reste un facteur favorable. Aujourd’hui, beaucoup de pays africains consomment des quantités élevées d’alcool, mais les productions

traditionnelles restent dominantes. Les multinationales, déjà en situation oligopolistique, renforcent leurs positions. Heineken, qui commence son développement en Éthiopie, a annoncé vouloir investir 400 millions d’euros en RD Congo. SAB Miller, allié dans de nombreux pays avec Castel, et Diageo veulent également accélérer leur croissance, avec, en ligne de mire, la possible acquisition de brasseurs indépendants. ●

Valeur en vue SFBT Solide malgré la crise BOURSE Tunis • CA CONSOLIDÉ 2010 293 millions d’euros (– 8,8 %) COURS 11,60 dinars (14.9.2011) • OBJECTIF 19,10 dinars

EN DÉPIT d’une conjoncture difficile, la Société frigorifique et brasserie de Tunisie (SFBT) a fait valoir son caractère défensif, affichant une croissance marquée de ses principaux indicateurs opérationnels. Le chiffre d’affaires social du premier semestre a progressé de 11,3 %, à 53 millions d’euros, soutenu par la hausse des ventes de boissons gazeuses (+ 10,8 %). Le segment bière s’est montré plus résistant que prévu, malgré une activité touristique presque au point mort. Disposant d’un portefeuille produits Fatma Zalila de forte notoriété et diversifié, la SFBT a réussi à Analyste raffermir ses marges, et la présence d’un concurrent chez AlphaMena comme Heineken ne semble pas avoir altéré son champ de manœuvre. Nous attendons une hausse de 8 % du chiffre d’affaires consolidé 2011, à plus de 300 millions d’euros, et une marge Ebitda à 25,2 %. La valorisation est tirée par un rendement de dividende nettement supérieur à la moyenne du secteur, par la bonne qualité des actifs du groupe, et recèle selon nous un potentiel de hausse combiné de 65 %. » ●

FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Culture & médias

MUSIQUE

L a ré r é volte en

chantant

Didier Awadi, Ouza, Youssou Ndour ou encore les rappeurs de Y’en a marre : les artistes sont les premiers à s’opposer à une nouvelle candidature d’Abdoulaye Wade. Et, sur les ondes comme dans la rue, ils comptent jouer à fond leur rôle de « porte-voix ». RÉMI CARAYOL

À

Dakar, c’est le tube à la mode. Et c’est Abdoulaye Wade en personne qui en est à l’origine. Le 14 juillet, devant une assemblée acquise à sa cause, le président sénégalais lâche une première fois : « Ma waxoon, waxeet » (« J’avais dit, je me dédis »). Comprendre : j’avais dit que je ne me représenterais pas à l’élection présidentielle, j’ai changé d’avis. Effet garanti: le public, aux premiers rangs duquel figurent ministres et députés de son parti, est hilare. Wade, pas du genre à gâcher ces plaisirs de la vie politique, en remet une couche. Et se répète: « Ma waxoon waxeet. » Explosion de rires dans la salle. Le président semble satisfait… Le lendemain, l’opposition se dit scandalisée, les éditorialistes s’enflamment… et les DJ s’empressent de télécharger ce passage du discours présidentiel pour le remixer à leur sauce. Quelques jours plus tard, le plus célèbre d’entre eux, Didier Awadi, envoie aux radios sénégalaises son nouveau tube, Ma waxoon, waxeet, dans lequel il s’amuse à mêler les mots du président avec ceux de ses opposants : « On en a assez de Gorgui. » Pas sa meilleure réussite artistique, mais un joli coup de pub. Depuis, le morceau est présenté comme l’hymne du Mouvement des forces vives du 23 juin 2011 (M23), la coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile qui réclament le départ d’Abdoulaye Wade. CHANGEMENT. Awadi assume. Le lauréat du prix

RFI Musiques du monde en 2003 a choisi son camp. Le 23 juin, il avait publiquement demandé N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

si, « Mister Pré it Karim ne fa / pas le poids s Tu n’arrête ifier pas de mod on / la Constituti Tu penses de qu’on a peur ut toi / On ne ve r le pas bascule le pays dans chaos » on, Daddy Bibs dans « Un conseil au . président »

à Wade de ne pas se représenter. Aujourd’hui, il fait officiellement partie du M23. L’engagement d’Awadi, qui disait, lors de la sortie de son dernier album, Présidents d’Afrique, en 2010, vouloir « armer la jeunesse de références politiques », ne date pas d’hier. En 2000, il avait soutenu le Sopi (le « changement »), qui avait porté Wade à la tête du pays. Onze ans plus tard, il défend à nouveau le changement. Il en va, estime-t-il, « de la sauvegarde de notre démocratie ». « En 2000, on a changé de tête, mais pas de système », dénoncet-il. « Il y a aujourd’hui une crise du politique. Les gens veulent que ça change. Et nous, les artistes, nous devons être leurs porte-voix. On est tous allés à l’université. Et on a conservé une certaine indépendance d’esprit. » S’il n’est pas question, pour lui, de soutenir un candidat, Awadi entend jouer un rôle d’ici à l’élection, prévue en février 2012. En allant sur le terrain – comme en 2007, il a appelé ces dernières semaines les jeunes Sénégalais à s’inscrire sur les listes électorales –, mais aussi en fréquentant son studio. « La situation politique m’inspire, je m’en nourris », dit-il. CONSTITUTION. Ouza (Ousmane Diallo) s’en

nourrit lui aussi. Dans son dernier opus, Baye, sorti en juillet, un single, « Mon président », s’en prend à Wade. Il y est question de « népotisme », de « République bananière »… « Si le Vieux persiste, il y a risque de guerre civile », estime le chanteur, qui se dit « allergique » à Karim Wade. Une position radicale qui ne date pas d’hier : dès 2007, Ouza avait pris ses distances. Dans les années 1990, il était pourtant un de ses rares soutiens parmi les artistes. « Wade a perdu les artistes entre autres parce que, durant ses deux mandats, il n’y a eu aucune politique culturelle », estime l’historienne Penda Mbow, éphémère ministre de la Culture de Wade en 2001, aujourd’hui membre du M23. Le 23 juillet, lors d’un meeting à Dakar, ils étaient nombreux sur l’estrade aux côtés des leaders de l’opposition. Outre Ouza, il y avait là le rappeur Daddy Bibson, dont le dernier titre, « Un conseil au président », critique la JEUNE AFRIQUE


ELISE FITTE-DUVAL

Culture médias

LES MEMBRES DU COLLECTIF Y’EN A MARRE ont avant tout poussé les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales.

volonté présumée de Wade d’imposer son fils et sa propension à modifier la Constitution. Sur scène se trouvaient également une figure de la musique traditionnelle, Doudou N’Diaye M’Bengue, et Aby Ndour, la sœur de Youssou Ndour. Ce dernier n’est pas membre du M23. Mais lui aussi a pris position. Le 23 juin, il a « solennellement » demandé au président, depuis Hong Kong, de « renoncer à sa candidature ». Peu après, reçu en audience à la présidence, il a récidivé. Longtemps, la star mondiale a pourtant chanté les louanges de Wade, duquel il était proche. « Il disait que j’étais son fils », aime-t-il à rappeler. Mais les deux hommes se sont éloignés lorsque le chanteur a eu toutes les peines du monde à monter sa chaîne de télévision (finalement lancée en septembre 2010). Depuis, il ne mâche pas ses mots. « Au début de son mandat, il était accessible [mais] il a écarté ceux qui lui disaient la vérité », confiait-il à Jeune Afrique en 2010. Et d’ajouter : « Le moment venu, je ferai mon choix. » Un choix très attendu. Outre son aura de star mondiale, Ndour dispose de deux outils de poids : JEUNE AFRIQUE

je « Rien, non ne regrette n rien / De mo choix du 00 / 19 mars 20 Mais qui m’aurait dit onze ans après / Que llait mon pays a ns sombrer da e» le népotism Ouza, dans « Baye 2 ».

son groupe de presse (une télé, la TFM, une radio, la RFM, et un quotidien, L’Observateur, parmi les plus populaires du pays) et son mouvement citoyen, Fekke maci bole (« c’est parce que je suis témoin que j’y prends part »), fondé en 2009 pour justement « peser sur l’avenir du pays ». Il n’y a là rien de nouveau. Chaque élection charrie son lot d’artistes ayant choisi leur camp. « Dans les années 1950, c’était le dramaturge Douta Seck qui portait le mouvement pour l’indépendance, rappelle Penda Mbow. Aujourd’hui, ce sont les rappeurs. Ils représentent la jeunesse urbaine désœuvrée. Ils ont un vrai rôle à jouer. » Mais plus que la star du mbalax, c’est désormais le mouvement Y’en a marre qui symbolise l’opposition à Wade. MOBILISATION. Les studios, les membres du mouvement né en janvier dernier dans un petit appartement du quartier des Parcelles assainies, au cours d’un énième délestage, reconnaissent ne plus trop les fréquenter. Depuis six mois, leur scène, c’est la rue. Après avoir parcouru le pays afin N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Culture médias de pousser les jeunes à s’inscrire sur les listes, ils ont pris une part active dans la mobilisation du 23 juin et ont eux aussi intégré (quoique avec circonspection) le M23. Depuis, ils collectionnent les gardes à vue, les menaces à peine voilées du pouvoir et les propositions indécentes. Pour les autorités, ce ne sont que des « jeunes rappeurs en mal de publicité », selon les termes d’un député du Parti démocratique sénégalais (PDS). « Ils ne représentent qu’eux-mêmes » et « n’ont rien à voir avec les jeunes de l’intérieur du pays », pense Wade. Erreur : le mouvement, qui a fait des émules dans l’ensemble du Sénégal, a joué un rôle essentiel dans la course aux inscriptions sur les listes électorales. « Si des milliers de jeunes sont allés s’inscrire ces dernières semaines, c’est grâce à eux », estime le politologue Babacar Justin Ndiaye. Comment expliquer un tel succès ? « Tout simplement parce qu’on pense comme tous les jeunes du pays. Et on a les moyens de le dire », explique Cheikh Fadel Barro, le porteparole du mouvement. Ces moyens, ce sont un micro, un ampli et des couplets rageurs. Barro, lui-même journaliste, rappelle que le mouvement n’est pas constitué uniquement d’artistes. Mais ce sont ces derniers qui l’ont popularisé. Il y a là Thiat (« le cadet ») et Kilifeu (« chef de famille »), tous deux membres du groupe de rap Keur Gui, de Kaolack. Ils s’étaient fait connaître

AHMED OUOBA

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LE RAPPEUR SMOCKEY est devenu la bête noire du régime de Blaise Compaoré, au Burkina.

LE MONDE DE LA CULTURE AUX AVANT-POSTES DE LA CONTESTATION DES ARTISTES ENGAGÉS, l’Afrique en regorge. Les exemples les plus célèbres se trouvent en Côte d’Ivoire. Après avoir activement soutenu Laurent Gbagbo (pour le premier) et Alassane Ouattara (pour le second), les deux stars internationales Alpha Blondy etTiken Jah Fakoly ont réussi à dépasser leur vieille animosité. Ils devraient participer ensemble à une tournée pour prôner la réconciliation. Au Burkina, le rappeur Smockey est la bête noire du régime. Grâce à ses clips acides qui se moquent de Blaise Compaoré, son soutien aux étudiants en grève ou son engagement pour que vérité soit faite sur l’assassinat deThomas Sankara, il est devenu une figure de l’opposition. Au Cameroun, les trois années passées en prison (pour « pillage en bande » à la suite des émeutes de la faim de 2008) n’ont pas découragé Lapiro de Mbanga. Libéré en avril dernier, le chanteur, connu pour ses textes critiques envers le régime de Paul Biya, a répété que « Fru Ndi et Biya doivent partir pour laisser ouvert le jeu démocratique ». Et d’ajouter : « Si, à cause d’un petit vendeur de tomates, le pouvoir est tombé enTunisie, je pense qu’un R.C. chanteur aussi peut changer les choses au Cameroun. » ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

à la fin des années 1990 avec l’album Première mi-temps, pas tendre avec le président de l’époque, Abdou Diouf. « Notre album avait été censuré. Et on nous avait envoyés en prison », rappellent-ils. Depuis, ils ont sorti trois opus à succès, dans lesquels ils s’attaquent aux politiciens, à la religion et même au milieu des rappeurs. Le prochain n’est pas pour tout de suite : « En ce moment, nous préférons geler notre carrière musicale pour donner la priorité à l’engagement citoyen jusqu’à la fin des élections de 2012 », expliquait récemment Thiat sur Radio France Internationale (RFI). CARRIÈRE. Les autres rappeurs du mouvement ont

eux aussi mis leur activité artistique en sourdine. « Le jour de l’arrestation de Thiat [fin juillet, il a été libéré après plus de vingt-quatre heures de garde à vue, NDLR], j’étais en studio pour mon prochain album. J’ai dû rappliquer pour participer à la mobilisation. De ce point de vue, il y a des contrecoups inattendus de notre engagement », explique ainsi Fou Malade. Malgré tout, le rappeur venu de Saint-Louis reconnaît que son engagement au sein de Y’en a marre lui donne « du respect et du crédit auprès de la population ». De quoi assurer une belle carrière ? C’est ce qu’insinuent leurs détracteurs, mais les membres du mouvement assurent que ce n’est pas la raison de leur implication. Si tel était le cas, l’exemple de Pape & Cheikh pourrait les en dissuader. En 2000, leur tube Yatal geew bi avait été récupéré par les partis d’opposition réunis autour de Wade. Il leur avait valu une renommée soudaine et des tournées internationales. Un succès très éphémère : en 2007, leur soutien à Wade – c’est eux qui ont écrit sa chanson de campagne, Gorgui doli gnou – a été mal perçu par les Sénégalais. « Quand Wade a voulu les utiliser, ils ont perdu de leur impact », se souvient Penda Mbow. Aujourd’hui, on ne les entend plus. ● JEUNE AFRIQUE


STEFANO BARCA

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MÉDIAS

SOS culture en danger

Le site internet lachaiserouge.ma invite des personnalités à s’exprimer pendant quelques minutes sur la situation culturelle du Maroc. Avec en vue les élections législatives du 25 novembre.

C

ette année, la culture est bien décidée à s’inviter dans la campagne des législatives, prévues le 25 novembre. Parent pauvre de la politique gouvernementale, oubliée des élus locaux, la culture n’intéresse pas la classe politique marocaine. C’est pour cette raison que le directeur de Festimode, Jamal Abdennassar, et le rédacteur en chef d’Atlantic Radio, Amine Boushaba, ont décidé d’interpeller directement les partis en interviewant une centaine d’artistes et d’intellectuels marocains. « Nous avions envie de lancer un débat autour de la place de la culture. Mais plutôt que de faire circuler une énième pétition, nous avons décidé de tourner des vidéos de trois à cinq minutes », explique Boushaba. Seul élément de mise en scène : une chaise rouge, inspirée de l’œuvre d’un designer néerlandais des années 1940 et retravaillée en 2010 par des jeunes des quartiers défavorisés de Casablanca. « Elle a été conçue par des amateurs pleins de créativité, et elle est branlante, comme la culture au Maroc. Quant au rouge, c’est pour rappeler que nous sommes dans l’urgence ! » ajoute le journaliste. Enthousiasmés par l’initiative, plus d’une JEUNE AFRIQUE

centained’agitateursculturelsontrépondu présent. Parmi eux, l’écrivain Abdellah Taïa, le cinéaste Noureddine Lakhmari, le dramaturge Driss Ksikes, la directrice du Festival d’Essaouira, Neila Tazi… « Les intervenants ont eu carte blanche. Seul impératif : avoir un discours constructif et ne pas se contenter de dénigrer », conclut Boushaba. Les vidéos seront publiées sur un site où les internautes pourront eux aussi faire des propositions.

Abdellah Taïa, l’urgence est de ramener le livre dans les foyers marocains. « Quand on veut publier un livre, il faut demander des aides à l’ambassade de France. Ça m’a toujours choqué! Mais que fait le gouvernement, que fait le Makhzen ? » s’insurge le romancier. Pour Moulim Laaroussi, universitaire et critique d’art, il faut changer les mentalités. « Un jour, un ministre de l’Agriculture s’adressait à un ministre de la Culture en affirmant que l’urgence était de faire bouffer les gens, pas de les distraire. On ne peut pas faire évoluer une société quand on ne pense qu’à nourrir les gens comme des animaux. » Certaines propositions sont même radicales. « Divisons par deux le budget du ministère de l’Intérieur et donnons-le à la création, à l’organisation de débats, sans droit de regard de l’État,

« Seul impératif: avoir un discours constructif et ne pas se contenter de dénigrer. » AMINE BOUSHABA, rédacteur en chef d’Atlantic Radio

Mi-septembre,uncourt-métragedequinze minutes compilera les meilleures interventions et sera envoyé à tous les partis politiques. CITOYENNETÉ. À l’heure des révolutions

arabes, ces vidéos rappellent qu’investir dans la culture est indispensable pour assurer l’avenir du Maroc. Créatrice d’emplois, vecteur de développement, une culture vivante reste le meilleur moyen de forger des esprits libres et citoyens. Pour

parce que la culture et l’art, c’est d’abord la liberté ! » ose Driss Ksikes. Face à une culture du divertissement, incarnée par des festivals richement dotés comme Mawazine ou le festival de cinéma de Marrakech, les intervenants défendent le droit à une culture d’avant-garde, originale et accessible à tous. Pour cela, une des solutions envisagées serait de décentraliser la politique culturelle et donner des subventions au niveau local. ● LEÏLA SLIMANI N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011


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Culture médias

Nadia el-Fani « La bataille de la laïcité mérite d’être menée » Avec son documentaire Laïcité, Inch’Allah !, la réalisatrice ouvre un difficile débat de société et suscite des réactions controversées dans la Tunisie de l’après-Ben Ali.

I

l n’est pas banal qu’un film fasse autant parler de lui sans que personne, ou presque, ne l’ait vu. Laïcité, Inch’Allah!, le documentaire de Nadia el-Fani qui sort cette semaine en France, n’a en effet été projeté que quelques fois, au cours de rares séances spéciales, en Tunisie et au dernier Festival de Cannes. Cela a néanmoins suffi pour provoquer des polémiques et déchaîner de violentes réactions. Devenue la cible d’islamistes radicaux, la cinéaste a même reçu des menaces de mort. Certains ne supportent pas qu’elle se revendique comme athée et s’attaque à la question de la laïcité en terre d’islam. Nadia el-Fani, née en 1960, vivant depuis une dizaine d’années plus souvent à Paris qu’à Tunis, où l’atmosphère lui était devenue irrespirable sous Ben Ali, est l’auteure de plusieurs films sur l’évolution de la société maghrébine. Elle a notamment réalisé Ouled Lénine (2008), un documentaire sur l’histoire du Parti communiste tunisien, dont son père fut l’un des dirigeants, et Bedwin Hacker (2002), une fiction visionnaire qui supposait que la révolution pourrait se répandre dans les pays arabes par le biais d’internet. Habituée des sujets sulfureux, elle ne fuit jamais le débat. JEUNE AFRIQUE: Votre film s’appelait « Ni Allah ni maître », c’est devenu Laïcité, Inch’Allah ! Avez-vous eu peur d’être traitée de provocatrice ? NADIA EL-FANI: Quand on connaît mon

parcours, je ne pense pas qu’on puisse affirmer que je redoute d’être provocatrice. Un créateur doit pouvoir être provocateur. J’ai défendu ce droit en osant dire en terre d’Islam que j’étais athée. En revanche, je ne voulais pas qu’un malentendu persiste à cause du titre. Qu’une partie du public refuse d’aller voir le film parce que des gens se sentiraient offensés. Je ne veux pas qu’on imagine que je me moque des N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

croyants ou que je les méprise. Ce n’est pas le cas, et ce n’est pas du tout le propos du film. Mais il y a toujours « Allah » dans le titre…

C’est vrai qu’il s’agit un peu d’une pirouette. Le nouveau titre a un côté rigolo qui devrait mieux passer. Même si les islamistes seront énervés par le film. Ils n’oseront d’ailleurs pas revendiquer comme une victoire ce changement de titre, car le problème pour eux, c’est le film lui-même, et il est resté identique. Ils continueront à soutenir que j’insulte l’islam, alors qu’il n’y a rien sur l’écran qui permette de l’affirmer. Le premier titre était inspiré par une célèbre formule anarchiste. Pourquoi, s’agissant d’un film sur l’athéisme et la laïcité tourné par une réalisatrice proche des communistes ?

Je suis anarcho-communiste! Je ne me suis jamais engagée ouvertement dans un parti. L’héritage communiste est là, bien sûr, que je sois à gauche est une évidence,

plaintecontremoi,n’estpasvrai.D’ailleurs, les deux seules fois où le film a été montré, il a seulement provoqué des débats. S’il n’y a pas d’autre moyen, il sera distribué en DVD. Je m’y emploie. Pour quelle raison a-t-on porté plainte contre vous ?

Cela n’a pas de rapport avec le contenu du film, puisqu’ils ne l’ont pas vu. Des avocats islamistes ont dit qu’ils portaient plainte pour atteinte au sacré, aux préceptes religieux et aux bonnes mœurs. On était persuadé que ce serait classé sans

Je ne veux pas qu’on imagine que je me moque des croyants ou que je les méprise. mais je suis surtout libertaire. Je n’avais rien contre un clin d’œil aux anars. Cela dit, la formule originale est, il me semble, du socialiste Blanqui. Il ne faut rien conclure hâtivement du choix initial de ce titre ! Il s’agissait de signifier que, aujourd’hui, on peut entrer de plain-pied dans la modernité par la laïcité. En Tunisie, le problème essentiel, ce serait d’abord que le film sorte. Je l’ai proposé gratuitement à la télévision nationale. S’il était largement vu, le public pourrait se faire une opinion et se rendrait compte que ce que disent mes adversaires islamistes, qui ont porté

suite, mais un procureur a enregistré les plaintes. Comme si la justice, après avoir été aux ordres de Ben Ali, était aujourd’hui aux ordres des islamistes. Un comité d’avocats s’est organisé pour me défendre et poursuivre en diffamation ces gens qui m’attaquent. Et les menaces de mort proférées à votre encontre ?

Ça continue. J’ai eu des menaces au téléphone, à Paris. Je n’arrive toujours pas à faire fermer la page Facebook, réalisée en Tunisie, sur laquelle je suis insultée et JEUNE AFRIQUE


Culture médias Ý LA RÉALISATRICE TUNISIENNE revendique le droit à la provocation, qui permet de lancer le débat. certaine prescience de ce qui allait se passer ?

Disons simplement que j’étais un peu en avance en voulant tourner des films politiques en Tunisie, ce que personne ne faisait.

FATMA CHÉRIF

Si le tournage avait lieu aujourd’hui, le film serait-il le même ?

menacée de mort. On me crache dessus, on me brûle, on me montre dans des positions dégradantes sur des montages photo… Des choses abominables ! Une première version du film était en montage au moment de la révolution. Pourquoi avoir ajouté de nouvelles images tournées sur le vif ?

Jenemesuismêmepasposélaquestion. Le propos de mon film était initialement: pour obtenir la démocratie en Tunisie, il faut réclamer la laïcité. En montrant, à travers ce documentaire tourné pendant le ramadan, comment Ben Ali se servait de la religion pour mieux contrôler son peuple. Il s’agissait, par les associations d’images et par le ton ironique, de dénoncer le pouvoir etl’hypocrisied’unesociétédeplusenplus conformiste, manipulée par ce pouvoir. Mon propos devenait donc caduc et mon film n’avait plus de raison d’être tel quel après la chute de la dictature. Je me suis alors dit que j’allais incorporer l’actualité dans le film et ajouter un rappel de ce qui s’était passé sous Bourguiba, pour faire apparaître l’ampleur de la régression. Tourner dans l’urgence, est-ce un atout ou une contrainte ?

Quand j’ai débarqué à Tunis après le départ de Ben Ali, j’ai filmé ce que je voyais, sans penser à ce que j’en ferais. J’étais avec le peuple, qui ne voulait pas JEUNE AFRIQUE

que cela s’arrête alors que les bourgeois de La Marsa ou d’ailleurs voulaient déjà qu’on se remette au travail. J’étais d’accord avec tous ceux qui pensaient qu’il fallait continuer pour abattre la dictature. Tout à coup,mesamis,quitrouvaientsouventque je parlais trop de politique, ne parlaient plus eux-mêmes que de politique. Tout le monde devenait révolutionnaire, et cela ne pouvait que m’encourager à persévérer. C’est pourquoi je me suis filmée moi-même. Ce n’est pas un artifice, c’est la conséquence de ma position au sein du mouvement. Cela fait penser à la façon de se mettre en scène d’un Michael Moore…

J’irais encore plus loin. Ce qui se passe en Tunisie est grave. Aucun parti politique, même si je suis sûre que toute la gauche est prolaïque, n’ose se positionner. Il faut que le débat ait lieu. Même si la situation actuelle, avec ce gouvernement de transition et les mêmes industriels qu’avant, ne me rend guère optimiste. Au fond, je pense que la classe moyenne tunisienne reconnaît que l’enjeu de la modernité – et donc la laïcité – est une question essentielle pour la survie économique du pays. Une destination touristique qui vote pour les islamistes vote sa propre mort. On essaie de faire croire aux Tunisiens que la modernité pourrait les priver de leur identité. En fait, quel que soit le régime politique choisi, l’identité, et notamment l’identité musulmane, n’est pas en danger.

Un simple film peut-il changer les mentalités ?

Pas le film en lui-même, mais les débats qu’il peut susciter, oui. Mon film a contribué à ce que la question de la laïcité devienne un débat de société. D’ailleurs, si on veut empêcher ce film d’être vu, c’est bien parce qu’il peut avoir un impact. Et la bataille à propos de la laïcité, quelles que soient nos chances de la gagner, mérite d’être menée.

Laïcité, Inch’Allah !, Bien sûr, et avec mon monde Nadia el-Fani teur, on a souvent pensé à (sortie à Paris le Michael Moore. Avec un 21 septembre) Le prochain film, un retour sujet pareil, cela me paraisà la fiction ? sait cohérent. Cela n’aurait pas été juste Je préfère tourner des fictions. On met que je me planque derrière ma caméra plus de choses en faisant appel à l’imaalors que je demandais aux autres d’avoir le courage de prendre position. De toute gination. Mais on se sent beaucoup plus façon, ce film, comme tous ceux que j’ai libre, on prend plus de plaisir en tournant des documentaires. C’est moins tournés, est un acte militant, même s’il est individuel et indépendant. lourd, on peut réécrire le film pendant le montage, travailler jusqu’au bout sa Le choix du sujet, alors même que Ben mise en scène. ● Ali était au pouvoir, supposait-il une

Propos recueillis par RENAUD DE ROCHEBRUNE N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

THÉÂTRE

■ ■ ■ Excellent

HUMOUR

Ouvrez les vannes

Un enfant du XXe siècle Ossyane, adaptation du roman de l’académicien Amin Maalouf Les Échelles du Levant, est joué jusqu’au 16 octobre sur la scène du Théâtre 13, à Paris.

FAITES ENTRER FABRICE ÉBOUÉ, le premier one-manshow de l’humoriste français, sort en DVD dans une version enregistrée en octobre 2010 au Bataclan, à Paris. Sur scène, Éboué est redoutable. Homosexuels, racistes, tueurs en série… il n’épargne rien, ni personne. Même pas Jamel Debbouze, qui l’a propulsé sur le devant de la scène de son Comedy Club, en 2008. Le fil rouge de ses vannes ? Son parcours professionnel et personnel. C’est vulgaire, mais on rit. ● JUSTINE SPIEGEL

ALAIN LEROY/JERRYCOM

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DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN AU CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN, un homme face à la folie.

I

l s’appelle Ossyane Ketabdar. Turc, à moitié arménien par sa mère, il cristallise autour de sa personne toutes les horreurs du XXe siècle. Le génocide arménien, la Seconde Guerre mondiale, le conflit israélo-palestinien, la guerre civile au Liban façonnent ce personnage inventé par Amin Maalouf dans Les Échelles du Levant jusqu’à en faire une véritable chimère. Comment pourrait-il exister vraiment sans tendre vers l’autodestruction ? Dans sa pièce, intitulée Ossyane, le metteur en scène Grégoire Cuvier et ses sept comédiens se posent la question avec nuances et sans misérabilisme. Avec son air de rêveur déphasé, le comédien Olivier Cherki fait d’Ossyane un témoin

Ossyane, adapté et mis en scène par Grégoire Cuvier ■ ■ ■ N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

involontaire de l’horreur. Plus les drames se succèdent, plus il perd en sensibilité, oscillant sans cesse entre un héroïsme relatif et une détresse extrême. Loin de ne concerner qu’une communauté, sa chute dans la folie n’est pas seulement liée aux conflits de sang qui le heurtent, mais aussi à la disparition de sa femme, jeune Juive rencontrée dans les réseaux de la Résistance française. Divisée en deux par des panneaux, la scène du Théâtre 13 montre ce qui d’habitude est caché au public : des coulisses remplies d’un fatras d’accessoires et animées par une vive agitation. Chaque péripétie est comme exposée auprès de ses rouages, pour montrer non seulement que le théâtre est avant tout machinerie, chose plutôt banale, mais aussi que les tragédies de l’Histoire obéissent aux mêmes règles et qu’un petit hasard, une erreur inaperçue suffisent pour en bouleverser le cours. ● ANAÏS HELUIN

Faites entrer Fabrice Éboué, TF1 Vidéo, Kissman Productions ■■■

LITTÉRATURE

Au cœur de Conrad ORPHELIN D’ORIGINE polonaise devenu marin à Marseille, capitaine ayant bourlingué sur la plupart des mers du monde et sur un célèbre fleuve d’Afrique, francophone averti qui tomba amoureux de la langue anglaise, Józef Teodor Konrad Korzeniowski est devenu l’un l’u des plus grands romanciers rom du XXe siècle : Joseph Conrad. Dans un texte enlevé, l’écrivain-voyageur Olivier Weber éclaire l’œuvre de l’auteur du Nègre du Narcisse à la lumière de ses tourments, qui l’entraînèrent d’abord vers des horizons lointains avant de le plonger dans les profondeurs de l’écriture. À déguster. ● NICOLAS MICHEL

Conrad, le voyageur de l’inquiétude, d’Olivier Weber, Arthaud, 144 pages, 15 euros ■ ■ ■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias MUSIQUE

DR

Mélopée wassoulou

DÉGUISER SON COCHON EN MOUTON permettra-t-il à Jafaar de le vendre ? CINÉMA

Un porc en eaux troubles JAFAAR, PÊCHEUR PALESTINIEN DE GAZA, ne trouve plus guère de poissons dans les eaux où il peut encore jeter son filet. Mais voilà qu’après une tempête il remonte… un cochon vivant tombé d’un cargo. Ne pouvant se résoudre à rejeter

Le Cochon de Gaza, de Sylvain Estibal (sortie à Paris le 21 septembre)

■■■

la bête impure à la mer, le voilà qui tente de la monnayer auprès d’une Israélienne qui travaille sur la reproduction artificielle des porcs, au grand dam de ses compatriotes… Porté par Sasson Gabay dans le rôle de Jafaar, ce film burlesque aux gags très inégaux mais souvent réussis en dit plus sur la situation absurde imposée aux habitants de Gaza que bien des documentaires. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

ELLE, C’EST LA FILLE À LA GUITARE. Née en Côte d’Ivoire, de parents maliens, Fatoumata Diawara chante en wassoulou, mais cite volontiers Paris comme source d’inspiration. Sur son premier album (Fatou, sortie le 1er octobre), une voix chaude, un brin voilée, des percussions, une guitare, une basse et, au final, une mélopée dont les rythmes rappellent ceux d’une Rokia Traoré. Agréable, à défaut d’être très surprenant. ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

Fatou, World Circuit ■■■

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie (MICITIE)

AGEROUTE SENEGAL

(Agence des Travaux et de Gestion des Routes)

République du Sénégal Un Peuple – Un But – Une Foi

PROGRAMME ZERO BAC Avis d’Appel Public à Candidature

Dossier de Pré-qualification N° D/803/A3 Sélection d’un partenaire dans le cadre du programme de construction de ponts métalliques au Sénégal. 1. Le présent Avis d’appel public à candidature fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans les livraisons des journaux « Sud Quotidien » du 31 Décembre 2010 et le « Quotidien » du 03 Janvier 2011. 2. Le Gouvernement du Sénégal a entrepris un vaste programme de construction de ponts métalliques au Sénégal, en vue d’assurer le désenclavement de certaines localités du pays. Le Gouvernement du Sénégal envisage de s’attacher les services d’un partenaire stratégique dans le cadre d’un contrat de partenariat, en vue du financement et de la réalisation des ouvrages identifiés dans le cadre de ce programme. Le contrat prévoit la réalisation des ouvrages comprenant la conception, l’exécution et la maintenance pour une durée de quinze (15) ans. Dans le cadre de ce contrat de partenariat, tout financement sera supporté par l’entreprise avec des paiements annuels garantis par l’Etat. 3. L’Agence des Travaux et de Gestion Des Routes (AGEROUTE), agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie (MICITIE), lance le présent avis d’appel public à candidatures en vue du financement et de la réalisation de ponts métalliques au Sénégal.

Appel à candidature

Le programme est subdivisé en trois lots suivant la répartition suivante : Numéro d’ordre

Dénomination

Linéaire (m)

Région

LOT 1 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11

Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont

de de de de de de de de de de de

Fongolémi Diakène Katakalousse Niambalang Diouloulou Baïla Tobor Galoya Dimat Ganguel Souley Kayré

1960 150 76 220 364 100 100 180 250 70 150 300

Kédougou Ziguinchor Ziguinchor Ziguinchor Ziguinchor Ziguinchor Ziguinchor Podor Podor Matam Podor

LOT 2 12 13 14 15 16 17

Pont Pont Pont Pont Pont Pont

de de de de de de

Aéré Lao Nianga Edy Dodel 1 Dodel 2 Guédé Village Marssassoum

1345 300 150 130 120 130 515

Podor Podor Podor Podor Podor Kolda

712 480

Dakar

240

Dakar

200

Dakar

LOT 3 18 19 20 21 22 23 24 25

Ouvrages à Dakar Front de terre- Bourguiba, Liberté VI – Route des Niayes Grand Yoff - Route des Niayes, Khar Yalla- Front de Terre, Plles assainies Route des Niayes, La case - Route des Niayes, Unité 22 Route des Niayes, Rue 10- Route des Niayes

19 20 21 22

Bourguiba Bourguiba Bourguiba Dial DIOP

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Ouvrages à Dakar – construction de 15 passerelles

N° 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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C. A. Bamba, Dial DIOP, Allées Seydou Nourou, Rocade Fann Bel Air

JEUNE AFRIQUE


Le Directeur Général de l’AGEROUTE Ibrahima NDIAYE JEUNE AFRIQUE

N° 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Appel à candidature

Les travaux comprennent : • la construction des ponts proprement dits ; • l’aménagement des accès ; • l’entretien pendant une durée de quinze ans. Le délai prévisionnel de réalisation des travaux est de : • 36 mois pour le lot 1 • 26 mois pour le lot 2 • 24 mois pour le lot 3 4. La passation du Contrat de Partenariat sera conduite par Appel d‘offres avec pré-qualification tel que défini dans le code des marchés publics du Sénégal et ouvert à tous les candidats éligibles. 5. Les dossiers de candidature présentés par un groupement de deux ou plusieurs entrepreneurs associés doivent répondre aux conditions suivantes : • Les Candidats présentant une Candidature groupée (un Groupement) désigneront parmi eux un mandataire unique pour les représenter et produiront l’habilitation donnée au mandataire par chacun des membres du Groupement. Le mandataire sera représenté par une personne physique dument habilitée. Le mandataire désigné ne pourra être remplacé au cours de la procédure ; Une même entité juridique ne pourra présenter directement ou indirectement qu’une seule Candidature. • Les capacités techniques et financières d’un Groupement s’apprécieront globalement en tenant compte des capacités de chaque membre selon la nature de la participation envisagée dudit membre en vue de déterminer si la combinaison de leurs qualifications permet de répondre aux besoins du Projet. La levée des fonds nécessaires pour la construction des ouvrages sera de la responsabilité du groupement qui pourra se faire accompagner au besoin par des partenaires financiers ; • l’offre et, dans le cas où elle est retenue, le modèle de marché, seront signés de telle sorte qu’ils engagent légalement tous les membres du groupement ; 6. Les candidats répondant aux critères fixés peuvent se procurer le dossier de Présélection établi en français en faisant la demande par courrier, téléphone, télécopie ou télex à : L’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE) Rue David Diop X Rue F Fann Résidence Tél : (221) 33 869 07 51 - Fax : (221) 33 864 48 33 BP 25 242 Dakar Fann Résidence (République du Sénégal). Email : ageroute@ageroute.sn avec copie à : gstine@ageroute.sn et mcfaye@ageroute.sn Il doit être bien spécifié, dans cette demande, qu’il s’agit d’une demande de dossier de Présélection d’un Partenaire en vue d’un contrat de partenariat pour le programme de construction de ponts métalliques au Sénégal. 7. Une brève description des critères de qualification auxquels le candidat devra satisfaire est mentionnée ci-après : Pour chaque lot le candidat devra : (i) présenter les bilans et comptes de résultats des cinq derniers exercices et une déclaration concernant le chiffre d'affaires moyen du domaine d'activité lié au Projet pour les cinq (5) derniers exercices qui ne saurait être inférieur à Quinze milliards de F CFA. Dans le cas d’un groupement, les chiffres d’affaires moyens pour chacun des membres du groupement seront ajoutés pour déterminer si cette condition est remplie. Cependant, pour que le groupement soit éligible, chacun des membres devra remplir au moins 40 % de ce critère minimum et le chef de file 60 %. (ii) présenter la liste des travaux et/ou des services réalisés dans le secteur des projets d’infrastructures de transport exécutés au cours des dix (10) dernières années indiquant leurs montant, date de réalisation et destinataire et devant comporter au moins trois (3) ponts métalliques, chacun de longueur minimale hors rampes supérieure ou égal à 100 mètres. En cas de groupement, en plus de la satisfaction de ce critère par le groupement, chaque membre du groupement devra avoir exécuté pendant la période de dix ans, au moins un pont de longueur minimale hors rampes supérieure ou égal à 100 mètres. (iii) présenter les expériences passées acquises en termes de mobilisation de capital et de prêts pour des projets d’infrastructures au cours des dix (10) dernières années en précisant le nom du projet, le pays et les grandes lignes du montage financier. Les candidats devront également indiquer dans leurs offres, les arrangements qu’ils envisagent pour le préfinancement des travaux incluant leurs partenaires financiers (Banques ou autres établissements financiers) ; (iv) disposer de personnel qualifié, d’outillage, de matériel et d’équipements techniques nécessaires pour la réalisation des travaux et d’une unité industrielle certifiée de fabrication et d’ateliers d’assemblage de ponts métalliques ou équivalents ou d’une autorisation d’un fabricant réputé de Ponts métalliques . 8. Les Demandes de Pré-qualification, qui doivent être faites sous pli fermé, devront parvenir à l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (Dakar-Sénégal) au plus tard le 15 Novembre 2011 à 10 heures 30 minutes (heure locale) et porter expressément la mention « Dossier de Pré-qualification pour un contrat de partenariat dans le cadre du programme de construction de ponts métalliques au Sénégal ». 9. L’Agence des Travaux et de Gestion des Routes se réserve le droit d’accepter ou de refuser une demande reçue en dehors des délais. 10. Les candidats seront informés en temps voulu de la suite donnée à leur candidature. Seuls les entreprises ou groupements d’entreprises présélectionnées dans le cadre de cette procédure seront appelés à soumissionner.


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Annonces classées FIDA

PROGRAMME DE RÉHABILITATION DE L’AGRICULTURE DANS LA PROVINCE ORIENTALE

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

PRAPO - COORDINATION NATIONALE

Œuvrer pour que les populations rurales pauvres se libèrent de la pauvreté

Avis d’appel d’offres RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)

ACQUISITION DES OUTILLAGES AGRICOLES ET DES INTRANTS DE PÊCHE DAO N°: 001/PRAPO-CN/RPM/09/2011 - Date de publication : 14 septembre 2011 1. La République Démocratique du Congo a obtenu un Prêt du Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et d’un Don du Fonds Belge de Survie (FBS) pour financer le Programme de Réhabilitation de l’Agriculture dans la Province Orientale (PRAPO). Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de l’accord de prêt et de don sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre de fourniture des outillages agricoles et des intrants de pêche. 2. Le Programme de Réhabilitation de l’Agriculture dans la Province Orientale, PRAPO en sigle, invite, par le présent avis d’appel d’offres les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour la fourniture des outillages agricoles et des intrants de pêche. Ce marché est scindé en deux lots : • Lot 1 : Acquisition des outillages agricoles • Lot 2 : Acquisition des intrants de pêche

Appel d’offres

3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international décrites dans les Directives de Passation des marchés du FIDA de Janvier 2011 ; tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives sont admis à soumissionner. 4. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès du Bureau de Liaison de Kinshasa situé à l’adresse ci-dessous et peuvent examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse indiquée ci-après entre 9h00 et 16h00, heure locale de Kinshasa, ou par voie électronique aux adresses email suivante : blkin.profidardc@yahoo.fr et/ou prapo.coord@yahoo.fr 5. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet de documents d’appel d’offres rédigés en français, sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-après, moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cents (200) dollars des Etats-Unis d’Amérique. Le paiement devra être effectué en espèces auprès du bureau de liaison de Kinshasa. Le dossier sera envoyé, contre présentation de la preuve de paiement, par courrier électronique aux soumissionnaires ne résidant pas à Kinshasa (une version papier sera également adressée, tenant lieu de version officielle faisant foi) ou remis en version papier à ceux qui se présenteront à l’adresse ci-dessous. 6. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-dessous au plus tard le 7 novembre 2011 à 11h00, heure locale de Kinshasa. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre de 2 % du montant de l’offre par lot ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des Soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le 7 novembre 2011 à 11h30, heure locale de Kinshasa, à l’adresse indiquée ci-après : PROGRAMME DE REHABILITATION DE L’AGRICULTURE DANS LA PROVINCE ORIENTALE - « PRAPO » BUREAU DE LIAISON DE KINSHASA Avenue de libération n° 12 (Ex 24 Novembre en face de l’Institut Supérieur de Commerce) A Kinshasa – Gombe RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Téléphone : 00 243 998 104 904 ; 00 243 99 99 56 113 - E-mail : prapo.coord@yahoo.fr

N° 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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République Démocratique du Congo - MINISTERE DE L’ENERGIE - CEP-O / REGIDESO

CELLULE D’EXECUTION DES PROJETS DE LA RÉGIE DE DISTRIBUTION D’EAU Avis d’appel d’offres International RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) Projet d’Alimentation en eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) - REGIDESO - Don IDA N° H4350

JEUNE AFRIQUE

(b) avoir une expérience d’entrepreneur principal de travaux de construction correspondant au moins deux (2) références de travaux de même nature et complexité que ceux spécifiés dans la Fiche des Données d’Appel d’Offres (FDAO) pour la période de temps de Cinq (05) ans (2006 à 2010) ; (c) présenter des propositions d’acquisition (en propriété, en bail, en location, etc.) en temps opportun des équipements essentiels spécifiés dans la FDAO ; (d) la liste de moyens en personnel ; (e) le montant minimum de liquidités et/ou de facilités de crédit net d’autres engagements contractuels dont doit disposer le soumissionnaire sélectionné est de : Lot 1= 1 000 000 USD ; Lot 2= 1 000 000 USD ; (f) litiges en cours ou antérieurs : le candidat doit fournir des renseignements exacts au sujet d’éventuels litiges ou cas d’arbitrage résultant de marchés en cours ou antérieurs exécutés par lui au cours des cinq (5) dernières années. Si des sentences ont été fréquemment rendues à l’encontre du candidat ou à l’un quelconque des membres d’un groupement d’entreprises, cela pourra être un motif de disqualification. Une marge de préférence au bénéfice des entrepreneurs/groupements d’entreprises nationales ne s’appliquera pas. 8. Le Dossier d’Appel d’offres complet en français peut être acheté par les soumissionnaires intéressés par demande écrite à l’adresse ci-dessous contre un paiement non remboursable de 500 USD ou équivalent en franc congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou en espèce ou par virement au compte n° « 80 9433 020 123 US$», intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « Achat du DAOI Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable dans la ville de Kinshasa » auprès d’ECOBANK/Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement, ou envoyé par courrier rapide moyennant un montant supplémentaire de 200 USD, et la CEP-O/REGIDESO ne sera en aucun cas tenue pour responsable des retards ou pertes subis dans son acheminement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptées. 9. Les Soumissions devront être déposées contre accusés de réception à l’adresse ci-dessous au plus tard le 11/11/2011 à 11:00 heures locales. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les soumissions seront ouvertes le 11/11/2011 à 11:30 heures locales dans la salle des réunions de la Cellule d’Exécution des Projets à l’adresse ci-dessous en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. 10. Toutes les Soumissions doivent être accompagnées d’une Garantie de Soumission, pour un montant égal à : Pour le lot 1= 250 000 US$ ou l’équivalent en Francs congolais Pour le lot 2= 200 000 US$ ou l’équivalent en Francs congolais 11. L’adresse mentionnée ci-dessus est : Cellule d’Exécution des Projets « CEP-O » Centre de Formation REGIDESO, 22007 Route de Matadi / Binza-Ozone /Kinshasa-Ngaliéma Tél : (+243) 81 50 47 691 et (+243) 99 99 20 948 Email : cepo@regidesordc.com Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National N° 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Appel d’offres

1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB du 27 Février 2009 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il est prévu d’utiliser une partie du montant du don pour effectuer les paiements autorisés au titre des Marchés de Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable dans la ville de Kinshasa (Fourniture et pose des canalisations et accessoires du réseau de distribution secondaire et tertiaire, branchements particuliers, d’un banc d’étalonnage des compteurs, y compris les travaux de génie civil de l’atelier compteurs). 3. La Cellule d’Exécution des Projets (CEP-O/REGIDESO) invite les soumissionnaires éligibles et qualifiés à présenter leur soumission cachetée en vue de la réalisation des Travaux prévus à la fourniture et pose des canalisations des réseaux secondaires et tertiaires d’alimentation en eau potable de la ville de Kinshasa, des branchements particuliers, des bornes fontaines, d’un banc d’étalonnage des compteurs, y compris les travaux de génie civil de l’atelier compteurs. Cet Appel d’Offres est subdivisé en deux (2) lots, chaque lot de travaux constitue un marché distinct, et un soumissionnaire a le droit de soumissionner pour un lot ou les deux lots. Lot 1 (Partie Est de la ville de Kinshasa, marché distinct) : - Fourniture et pose de 153.240 ml de canalisations, dont 146.300 m en PVC de DE 63 à DE 160 et 6.940 m en acier de DN 200 et DN 250 ; - Fourniture et pose de 13.430 nouveaux branchements avec compteurs (les compteurs seront fournis par la REGIDESO) ; - Construction, équipement et raccordement de 100 bornes fontaines. Le délai maximum d’exécution desdits travaux est de dix-sept (17) mois. Lot 2 (Parties Ouest, Nord et Sud de la ville de Kinshasa, marché distinct) : - Fourniture et pose de 81.220 m de canalisations, dont 74.150 m en PVC de DE 63 à DE 225 et 7.070 m en acier de DN 150 à DN 250 ; - Fourniture et pose de 11.570 nouveaux branchements avec compteurs (les compteurs seront fournis par la REGIDESO) ; - Construction, équipement et raccordement de 100 bornes fontaines ; - Fourniture et pose d’un banc d’étalonnage des compteurs, ainsi que la réalisation des travaux de génie civil de l’atelier compteurs. Le délai maximum d’exécution desdits travaux est de quinze (15) mois 4. L’Appel d’offres se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’offres international spécifiées dans la publication de la Banque « Directives : passation des marchés financés par les [crédits ou dons] de la BIRD et les crédits de l’IDA », et est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères d’éligibilité tels que définis dans le Dossier d’appel d’offres. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès : CEP-O/REGIDESO à l’adresse ci-dessous. 6. Une visite des sites des travaux des deux lots, 1 et 2, sera organisée par le Maître d’Ouvrage délégué les 11 et 12/10/2011 respectivement, à partir de 10 heures locales. 7. Les spécifications de qualification par lot comprennent les exigences suivantes : (a) avoir effectué des travaux de construction d’un montant financier moyen annuel correspondant au moins au double du montant de la soumission au cours des cinq (5) dernières années (2006 à 2010) ;


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Annonces classées AVIS DE REPORT ET DE PRÉCISION Appel d’Offres Ouvert N°ASECNA/DGDI/DGDIMI1101/2011 L'Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) porte à la connaissance des potentiels soumissionnaires intéressés par I’appel d’offres ouvert relatif à l’acquisition d’un nouveau simulateur (Iogiciels et meubles supports) de contrôle aux procédures destiné à ses Cellules d’Instruction de Ia Circulation Aérienne (CELICA CA) que : • La date limite de remise des offres initialement fixée au 20 septembre 2011 à 11 heures, heure locale (GMT) est reportée au 30 septembre 2011 à 11 heures, heure locale (GMT) ; • La date d’ouverture des plis initialement fixée au 20 septembre 2011 à 12 heures, heure locale (GMT) est reportée au 30 septembre 2011 à 12 heures, heure locale (GMT) ; • La visite de tous les dix·sept (17) sites est obligatoire ; • Le reste de l‘appel d‘offres demeure inchangé.

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres Ouvert pour l’acquisition de fauteuils orthopédiques de bureau destinés à sa Direction Générale, ses Représentations et Ecoles. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre une somme non remboursable de Cent Mille (100 000) FCFA, soit Cent Cinquante Deux Euros Quarante Cinq Centimes (152,45 €) à partir du 08/09/2011 au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar, BP 8163 Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal), à la Délégation de l’ASECNA à Paris – 75, Rue de la Béotie 75008 Paris Cedex 08 (France) ou dans les Représentations de l’ASECNA auprès des Etats membres. La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) à Dakar, BP 8163, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 07 octobre 2011 à 11 heures GMT. L’ouverture des offres en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour à 11 heures 15 minutes GMT.

Le Directeur Général

Le Directeur Général

AVIS D'APPEL D'OFFRES INTERNATIONAL LIMITÉ AUX ENTREPRISES DES PAYS MEMBRES DE LA BID

Appel d’offres

N°006/ORS - Date : le 14/09/2011 - N° du prêt BID : MLI 0100 et MLI 0101 Le Gouvernement de la République du Mali a obtenu de la Banque Islamique de Développement (BID) deux (02) prêts (prêt Istisnaa MLI 0100 et prêt concessionnel MLI 0101) destinés à financer le Projet d’Appui au Développement Rural de Tien-Konou et Tamani (PADER-TKT). Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce prêt soit utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché issu du présent Appel d’Offres International. Le Ministère Délégué auprès du Premier Ministre chargé du Développement Intégré de la zone Office du Niger (MD-DIZON), au nom du Gouvernement de la République du Mali, lance un Appel d’Offres International pour la réalisation des travaux d’amélioration du système hydraulique du casier de Tamani. L’ensemble des travaux est réalisé en lot unique. L’Appel d’Offres est limité aux entreprises des pays membres de la BID. Une entreprise, pour pouvoir y participer, doit répondre aux 4 critères d’éligibilité suivants : avoir été créée ou être installée dans un pays membre de la BID, avoir son lieu d’activités dans un pays membre de la BID, appartenir ou profiter pour plus de 50% à une ou plusieurs entreprises installées dans un ou plusieurs pays membres (ces entreprises doivent également remplir le critère de nationalité par rapport à ces pays et/ou à des ressortissants de ces mêmes pays membres), 80% au moins de l’ensemble des personnes qui doivent assurer des prestations dans le cadre du marché à exécuter dans le pays ou qui sont employées directement par l’Entreprise ou par un sous-traitant sont des ressortissants d’un pays membre. Le Dossier d’Appel d’Offres International peut être consulté à l’adresse suivante : Office Riz Ségou (ORS), BP 94, SÉGOU, Tél. : (223) 21 32 03 26 / Fax : (223) 21 32 04 57, E-mail : officeriz@yahoo.fr Le retrait du Dossier d’Appel d’Offres International (et exemplaires supplémentaires) se fera, à partir du 19 septembre 2011, contre paiement d’un montant non remboursable de Deux Cent Mille (200.000) Francs CFA hors frais d’envoi (ou de sa contre-valeur dans une monnaie convertible), en espèces ou par chèque bancaire établi à l’ordre de Monsieur le Directeur Général de l’Office Riz Ségou. Toutes les offres, rédigées en langue française doivent être déposées au Secrétariat de la Direction Générale de l’Office Riz Ségou au plus tard le 21 novembre 2011 à 10 heures et être accompagnées d’une caution de soumission d’un montant au moins égal à Trente Cinq Millions (35 000 000) de francs CFA délivrée par une banque agréée par la BID (ou de sa contre-valeur dans une monnaie convertible). Toutefois, les Offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit de l’ouverture des plis. L’ouverture des Offres interviendra en séance publique, dans la salle de conférence de l’Office Riz Ségou, le 21 novembre 2011, à partir de 10 heures TU, en présence des représentants des soumissionnaires qui le désirent. Le délai d’exécution maximum est de huit (08) mois de travaux effectifs, à compter du trentième jour de la date de réception de l’Ordre de Service de commencer les travaux. Les travaux sont localisés dans le cercle de Barouéli/ Région de Ségou/ République du Mali. La visite de la zone de l’ORS, pour avoir un aperçu des difficultés liées au terrain, est obligatoire. L’Attestation de visite, devra obligatoirement être jointe à la soumission. N° 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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Annonces classées UNITED NATIONS United Nations Organization stabilization Mission in the Democratic Republic of the Congo

NATIONS UNIES Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo

UNITED NATIONS United Nations Organization stabilization Mission in the Democratic Republic of the Congo

NATIONS UNIES Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo

MONUSCO

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PROC/EOI-2011/057 - 12 Septembre 2011. DEMANDE DE MANIFESTATION D’INTERET

PROC/EOI-2011/058 - 12 Septembre 2011. DEMANDE DE MANIFESTATION D’INTERET

Manifestation d’intérêt pour la fourniture de Fréon a Gas 134A à Kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC.

Manifestation d’intérêt pour la maintenance et réparation des pompes à injection à kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC

1. La Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) sollicite des manifestations d’intérêt de la part des entreprises dûment enregistrées et autorisées pour la fourniture de Fréon a Gas 134A à Kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC. 2. MONUSCO entreprendra sous peu un exercice d'appel d'offres et a donc l'intention d’émettre un document de sollicitation aux sociétés qui doivent exprimer leur intérêt et fournir des informations pertinentes initiales démontrant leur capacité à satisfaire aux exigences de la MONUSCO. En outre, on demandera aux Sociétés intéressées de remplir le formulaire d’enregistrement des fournisseurs (seulement pour les nouveaux fournisseurs). 3. Les Sociétés intéressés à être présélectionnées pour recevoir le dossier d’appel d’offres de la MONUSCO, sont invitées à soumettre par écrit une manifestation d’intérêt. Les manifestations d’intérêt devraient spécifier les informations pertinentes sur la société, y compris le profil de l'entreprise, la capacité et l'expérience de l'entreprise dans la fourniture de Fréon a Gas 134A à Kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC, actuelle ou antérieure aux contrats similaires entrepris dans les douze (12) derniers mois (le cas échéant) et des copies des inscriptions et de licence (s) de l'entreprise. 4. Veuillez s’il vous plait noter que cette demande n’est pas un appel d’offres. 5. MONUSCO se garde le droit de sélectionner ceux qui devront prendre part à l’appel d’offres compétitif sur la base d’évaluations considérables et avérées sur le sujet des activités. La seule soumission de la demande de manifestation d’intérêt ne garantit pas automatiquement la bonne réception des documents de sollicitation. MONUSCO se réserve le droit de rejeter les manifestations reçues après le délai ci-dessous. 6. L'expression d'intérêt peut être soumise par courriel ou par télécopieur clairement marquée avec l'inscription « manifestation d'intérêt - la fourniture de Fréon a Gas 134A à Kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC. (PROC/EOI-2011/057(TC) » et adressée comme suit pour être reçue au plus tard le 13 Octobre 2011, 15h00 heure de Kinshasa (GMT +1): Chief Procurement Officer - MONUSCO - Utex Africa Compound, Av Colonel Mondjiba, Ngaliema, Kinshasa, DRC Fax: +1 212 963 0205 or +39 0831 44 6696 or +39 0831 24 5167 E-mail: monuc-procurement@un.org or campbelt@un.org

1. La Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) sollicite des manifestations d’intérêt de la part des entreprises dûment enregistrées et autorisées pour la maintenance et réparation des pompes à injection à Kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC 2. MONUSCO entreprendra sous peu un exercice d'appel d'offres et a donc l'intention d’émettre un document de sollicitation aux sociétés qui doivent exprimer leur intérêt et fournir des informations pertinentes initiales démontrant leur capacité à satisfaire aux exigences de la MONUSCO. En outre, on demandera aux Sociétés intéressées de remplir le formulaire d’enregistrement des fournisseurs (seulement pour les nouveaux fournisseurs). 3. Les Sociétés intéressées à être présélectionnées pour recevoir le dossier d’appel d’offres de la MONUSCO, sont invitées à soumettre par écrit une manifestation d’intérêt. Les manifestations d’intérêt devraient spécifier les informations pertinentes sur la société, y compris le profil de l'entreprise, la capacité et l'expérience de l'entreprise pour la maintenance et réparation des pompes à injection à kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC, actuelle ou antérieure aux contrats similaires entrepris dans les douze (12) derniers mois (le cas échéant) et des copies des inscriptions et de licence (s) de l'entreprise. 4. Veuillez s’il vous plait noter que cette demande n’est pas un appel d’offres. 5. MONUSCO se garde le droit de sélectionner ceux qui devront prendre part à l’appel d’offres compétitif sur la base d’évaluations considérables et avérées sur le sujet des activités. La seule soumission de la demande de manifestation d’intérêt ne garantit pas automatiquement la bonne réception des documents de sollicitation. MONUSCO se réserve le droit de rejeter les manifestations reçues après le délai ci-dessous. 6. L'expression d'intérêt peut être soumise par courriel ou par télécopieur clairement marquée avec l'inscription « manifestation d'intérêt - la maintenance et réparation des pompes à injection à Kinshasa et sur toute l’étendue de la RDC. (PROC/EOI-2011/058 (TC) » et adressée comme suit pour être reçue au plus tard le 13 Octobre 2011, 15h00 heure de Kinshasa (GMT +1): Chief Procurement Officer - MONUSCO - Utex Africa Compound, Av Colonel Mondjiba, Ngaliema, Kinshasa, DRC Fax: +1 212 963 0205 or +39 0831 44 6696 or +39 0831 24 5167 E-mail: monuc-procurement@un.org or campbelt@un.org

Avis d’appel d’offres International N° 01/EMAM/2011

Vente d’un bateau de plaisance 1 Objet et consistance de l’appel d’offres : Le Ministère de la Défense Nationale se propose de lancer un appel d’offres international pour la vente, au plus offrant, d’un bateau de plaisance type FAIRLINE SQUADRON 65 en très bon état. 2 Retrait du dossier d’appel d’offres : Les soumissionnaires intéressés par cet appel d’offres peuvent retirer le dossier y afférant de la Division Achats et Transit de l’Armée de mer ; au port militaire de la Goulette pendant les heures de travail contre le versement de cinquante (50) dinars au nom de monsieur le régisseur des recettes du Ministère de la défense National CCP : 17 001 00 000 000 616 82 24. 3 Visite du bateau : La visite du bateau n’est autorisée qu’aux personnes ayant retiré le cahier des charges ou leurs représentants. 4 Date limite de réception des offres : La date limite de réception des offres est fixée au 17 Octobre 2011 (*). Toute soumission parvenue après le délai sus-indiqué sera automatiquement éliminée, le cachet du bureau d’ordre central faisant foi. (*) : Trente (30) jours à partir de la date de publication de cette annonce. JEUNE AFRIQUE

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Manifestation d’intérêt - Divers

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

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Annonces classées UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA)

AVIS DE RECRUTEMENT N° 002/2011/DSAF/DRH

Recrutement

La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) ayant son siège à Ouagadougou, Burkina Faso, procèdera au recrutement d’un Coordonnateur du projet d’appui à l’extension de la couverture du risque maladie dans les pays de l’UEMOA. I. CARACTÉRISTIQUES DU POSTE 1. Fonctions Sous l’autorité administrative du Commissaire chargé du Département du Développement Social et Culturel, le Coordonnateur aura pour principale mission de gérer efficacement le projet. Il travaillera sous la supervision technique du Directeur de la Santé, de la Protection Sociale et de la Mutualité. 1. Tâches Le Coordonnateur du projet sera chargé des tâches spécifiques suivantes : • établir les programmes d’activités du projet et les calendriers de décaissement des fonds ; • assurer l’utilisation rationnelle des moyens du projet pour atteindre les objectifs fixés en termes de résultats ; • coordonner tous les aspects de l’exécution du projet et donner l’impulsion nécessaire en temps voulu ; • assurer l’organisation et le secrétariat des réunions du Comité de suivi du projet, ainsi que la diffusion et le suivi des conclusions ; • assurer la liaison avec les gouvernements, le monde mutualiste et tous les autres acteurs bénéficiaires et parties prenantes du projet ; • veiller à ce que le groupe de travail régional et les groupes de travail nationaux exécutent efficacement leurs missions ; • veiller à la mise en œuvre dans les Etats membres des actions retenues et financées par le projet ; • superviser les consultants dans leurs tâches d’appui aux bénéficiaires du projet ; • coordonner tous les appels d’offres pour le recrutement des consultants ; • veiller au respect des directives de l’AFD en matière de passation des marchés et d’acquisition des biens et services ; • assurer la gestion administrative et superviser la gestion financière du projet, conformément aux procédures de la Commission et de la convention de financement signée avec l’AFD ; • veiller à la bonne organisation des rencontres, formations et voyages d’études prévus dans le cadre du projet ; • participer à des rencontres internationales sur le financement de la santé et assurer la promotion du projet ; • renforcer les capacités de la Direction de la Santé, de la Protection sociale et de la Mutualité à travers l’organisation de la participation des membres de cette Direction à des sessions de formation et des conférences internationales sur le financement de la santé et la protection sociale ; • assurer la liaison avec l’ensemble des bailleurs de fonds intéressés par le projet ; • rédiger les rapports d’activités et s’assurer de leur transmission à l’AFD ainsi que les autres rapports préparés par les consultants ; • élaborer et transmettre à l’AFD le rapport d’achèvement du projet ; • exécuter toute autre tâche nécessaire à l’atteinte des objectifs du projet. 2. Profil du candidat Le Coordonnateur du projet devrait être un spécialiste de haut niveau des questions de couverture du risque maladie, ayant au moins cinq (05) années d’expérience probante dans le financement de la santé en Afrique de l’Ouest. En outre, il devra : - être titulaire d’un diplôme universitaire d’au moins BAC + 5 ans en santé publique, économie de la santé, management des systèmes de santé ou tout autre domaine jugé pertinent dans le cadre du présent projet ; - avoir une bonne expérience de l’animation de groupe de travail et de la gestion des ressources humaines ; - justifier d’une bonne connaissance des problématiques actuelles et des grandes tendances d’évolution en matière de financement de la santé, notamment en Afrique subsaharienne ;

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- justifier d’une solide expérience en matière de planification, de programmation et de budgétisation. Une expérience significative dans la gestion des projets à financement extérieur idéalement dans le secteur de la santé et une expérience en matière de conception de politiques de couverture du risque maladie dans un des Etats membres seraient un atout. 3. Durée du contrat Le contrat est de trois (03) ans renouvelables. 4. Classification professionnelle Le Coordonnateur du projet relève de la catégorie des Professionnels et est classé au grade P de la grille des salaires du personnel de l’UEMOA. N.B. : Des informations complémentaires sur le projet sont disponibles sur le site internet www.uemoa.int II CONDITIONS GENERALES DU RECRUTEMENT a) Dossier de candidature Chaque dossier de candidature doit comporter : • une demande signée du candidat ; • une lettre de motivation ; • un curriculum vitae auquel sont annexées les attestations des expériences acquises (certificats de travail) ; • une copie conforme du ou des diplômes. b) Nationalité Les candidats doivent être ressortissants de l’un des Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. III PRÉSENTATION DES DOSSIERS ET DATE DE CLÔTURE Le dossier de candidature, qui doit être déposé sous pli fermé, portera : a) au recto, la mention « Recrutement d’un Coordonnateur du projet d’appui à l’extension de la couverture du risque maladie dans les pays de l’UEMOA » ; b) au verso, les noms et prénoms du candidat. Il doit être déposé à la Commission de l’UEMOA ou adressé, par voie postale, à : MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA COMMISSION DE L’UEMOA 380, Avenue du Professeur Joseph KI-ZERBO - 01 B.P. 543 OUAGADOUGOU 01 - Burkina Faso Date limite de dépôt des candidatures : 05 octobre 2011 IV PROCÉDURE DE RECRUTEMENT Le recrutement se déroulera en deux (02) étapes : - une phase de présélection sur dossier ; - une phase de sélection. La sélection sera faite parmi les candidats présélectionnés. Avant tout engagement, le candidat retenu devra fournir : - un extrait d’acte de naissance ou tout document en tenant lieu ; - un certificat de nationalité (original ou copie légalisée) ; - un extrait du casier judiciaire datant de moins de trois (03) mois ; - un certificat médical d’aptitude délivré par un médecin agréé. Important a) Les candidats ayant adressé un dossier de candidature à la Commission de l’UEMOA avant la publication du présent avis sont invités à soumettre un nouveau dossier satisfaisant aux conditions ci-dessus. Aucun dossier ne sera retourné. b) Seul le candidat retenu sera saisi de la suite réservée à sa demande. Cet avis de recrutement est disponible sur le site internet de la Commission de l’UEMOA : www.uemoa.int Ouagadougou, le 24 août 2011 Pour le Commissaire chargé du Département des Services Administratifs et Financiers Le Directeur de Cabinet Mamadou BA

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Annonces classées

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COMMUNIQUÉ AVIS DE CONCOURS POUR LE RECRUTEMENT DES AGENTS D’ENCADREMENT SUPÉRIEUR À LA BEAC La BEAC porte à I‘attention des candidats que Ia date butoir de réception des dossiers de candidature est reportée au 30 septembre 2011. L'avis peut être consulté sur les sites www.beac.int et www.adrh-agave.com. Les dossiers de candidature peuvent être envoyés par métier, aux adresses complémentaires suivantes : 1 . Gestion des réserves de Change (Ref. BEAC 2011/01) : reservesbeac@yahoo.fr 2. Recherche (Réf. BEAC 2011/02) : recherchebeac@yahoo.fr 3. Etudes et Stabilité financière, Programmation et Politique Monétaires (Réf. BEAC 2011/03) : etudesbeac@yahoo.fr 4. Système d‘lnformation Comptable - Audit et Contrôle (Réf. BEAC 2011/04) : sicacbeac@yahoo.fr 5. Gestion des Ressources Humaines (Réf. BEAC 2011/05) : grhbeac@yahoo.fr 6. Juristes (Réf. BEAC 2011/06) : juristesbeac@yahoo.fr 7. Monéticien (Réf. BEAC 2011/07) : moneticienbeac@yahoo.fr 8. Ingénieur des travaux (Réf. BEAC 2011/08) : travauxbeac@yahoo.fr 9. lngénieur éIectromécanicien (Réf. BEAC 2011/09) : ingelectromecbeac@yahoo.fr

The UNAIDS Secretariat now seeks to recruit a:

Director Regional Support Team, D2 West and Central Africa Duty Station: Dakar, Senegal The incumbent will provide leadership and coordinate support for an expanded UN System response to AIDS at regional and country levels in West and Central Africa. Key functions include: Promotion, support and guidance to the UN System in the region on Universal Access to HIV prevention, treatment, care and support and in the achievement of the goals of the UNAIDS strategy for 2011 – 2015 and the June 2011 political declaration; coordinating the development of strategic information and documenting the trends on the epidemic and the response as well as providing intellectual leadership on the status of the AIDS response in the region. The incumbent is also expected to provide managerial support and technical advice and guidance to UNAIDS country offices. Education Advanced university degree in development, economics, social science, public health, public administration, management and/or related field essential. Experience Over 15 years of work experience leading, managing and implementing development or cooperation programmes at the international and national level; within this experience a minimum of ten years’ experience in developing countries. Experience in the UN System and/or in another international organization is also required. Language Advanced knowledge of English and French essential. For a more detailed job description and in order to apply please visit UNAIDS’ website online at: http://www.unaids.org/en/aboutunaids/workatunaidssecretariat/professionalvacancies/ where you will find the full detailed vacancy announcement. The system provides detailed instructions for online application procedures. The deadline for applications is 15 October 2011

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N° 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

Recrutement

UNAIDS is an innovative United Nations partnership that leads and inspires the world in achieving universal access to HIV prevention, treatment, care and support. UNAIDS' Cosponsors include UNHCR, UNICEF, WFP, UNDP, UNFPA, UNODC, ILO, UNESCO, WHO and the World Bank. Visit the UNAIDS Web site at www.unaids.org


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Spécial Libye Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Rien au crédit de Kaddafi ? Dans J.A. no , vous énumérez les raisons qui ont conduit les « rebelles » à se servir d’armes pour chasser Mouammar Kaddafi du pouvoir : l’absence de libertés et de démocratie, le train de vie luxueux des dirigeants… Je ne comprends pas qu’un journal panafricain aussi sérieux que le vôtre puisse s’illustrer par des commentaires pour le moins tendancieux. Vous rapportez également les J.A. N 2643, propos de ces du 4 au prétendus 10 septembre 2011. rebelles, selon lesquels l’ancien président mériterait de se faire lyncher s’il était attrapé. Croyez-vous qu’après quarante-deux ans de pouvoir il n’y ait rien à porter à son crédit ? Africaniste convaincu, il a toujours œuvré pour l’unité du continent et, à ce titre, mérite le respect. Les puissances occidentales ont planifié et financé son renversement pour une raison simple : le pétrole. J.A. devrait s’abstenir de cautionner sournoisement le mépris et l’humiliation qu’infligent les grandes puissances à nos petits États. Un scénario à l’irakienne se joue désormais en Libye, où la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis dictent leurs volontés au peuple. ● O

JEAN LÉONARD YOMBÉ, Toulouse, France

Bons et mauvais élèves Les révélations de l’avocat Robert Bourgi vont certainement hanter les nuits de ceux qui y sont cités. Pour la première fois, un homme du réseau avoue des financements occultes en provenance d’une Afrique pauvre – et appauvrie – pour soutenir les campagnes N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

électorales d’hommes politiques dans un pays étranger riche et développé. Faut-il en rire ou en pleurer ? En tout cas, les Africains sont tenus de méditer sur ces faits honteux qui, s’ils sont avérés, auront contribué à les maintenir dans une certaine forme d’aliénation. Dès lors, en référence à la une de J.A. no 2643, de qui l’Afrique est-elle libérée ou doit-elle se libérer ? D’un Kaddafi qui a tenu tête, durant des décennies, à un système de colonisateurs faisant de lui « un mauvais élève » ? De « dirigeants africains – bons élèves – » à la solde d’un système qui perpétue des pratiques dommageables pour les pauvres contribuables africains ? À quelque chose, malheur (de déballage) est bon. ● JOSEPH DIEDHIOU, Dakar, Sénégal

Que fait la presse africaine ? Il y a trop de duperies dans le conflit libyen, amplement relayées par des médias occidentaux à la solde de l’Otan : France 24, RFI, BBC, CNN… Évidemment, il est plus commode d’évoquer le mensonge d’une Nafissatou Diallo que celui d’un Nicolas Sarkozy, d’un David Cameron ou encore d’un Silvio

Berlusconi… La situation libyenne est ainsi résumée : Mouammar Kaddafi est un sanguinaire qui bombarde son peuple. Or, on le sait très bien, s’il s’est souvent montré menaçant, en revanche, il ne s’est jamais rendu coupable d’un tel forfait. Nul n’ignore également que l’Otan est partie prenante dans cette guerre, les Occidentaux mettant en avant une résolution votée par une ONU discréditée, au regard des événements en Syrie. Ce qui me conduit à m’interroger sur le silence des journalistes africains… Selon l’ambassadeur libyen à Dakar, alors qu’au début du conflit leurs collègues occidentaux se bousculaient dans les ambassades libyennes du monde pour obtenir visas et accréditations leur permettant de couvrir cette prétendue révolution, ils brillaient, eux, par leur absence. C’est ce qui explique ces images et séquences, choisies et diffusées pour crédibiliser des thèses occidentales. On en fait des tonnes sur les « mercenaires noirs » combattant aux côtés des forces de Kaddafi, mais on n’évoque jamais les forces spéciales françaises, britanniques et qataries alliées du CNT [Conseil national de transition, NDLR], déguisées en civils et en islamistes arborant d’épaisses barbes. Heureusement, ces tromperies ne passent pas. ● ABOU LY, Ndendory, Sénégal

Incompressible liberté L’IMAGE, DÉSORMAIS BANALE, de nos potentats absolus prenant la poudre d’escampette à travers champs, pieds nus, la djellaba en lambeaux, le « trouillomètre » en folie, est d’une puissance comique hors du commun. Le spectateur que je suis applaudit des deux mains. Continuez, messieurs ! Surtout, je vous prie, n’arrêtez pas de nous faire mourir de rire. Oui, on mérite bien ça ! Kaddafi, Moubarak, Ben Ali, Tandja, Gbagbo et tant d’autres à venir. Imaginez une telle brochette au cours d’un barbecue entre copains et là, devant vos invités médusés, fièrement vous annoncez : « C’est moi qui l’ai faite ! » Succès garanti ! Même ce rire ensoleillé, bien de chez moi, ils arrivent à me le rendre jaune. Au comique de ces situations répondent souvent en écho des tragédies humaines, engendrées par l’extravagance et la démesure de pouvoirs imbéciles. ● JULIEN ANGUILET, Port-Gentil, Gabon JEUNE AFRIQUE


Vous nous

CHESNOT/SIPA

français, Nicolas Sarkozy, dit honteusement « vouloir rendre aux Libyens l’argent qui leur a été volé » – puis soigneusement placé dans les banques occidentales… Nous soutenons résolument l’éviction de Kaddafi qui, humainement, a franchi le Rubicon. Mais moralement, quelle différence entre le vol qu’il aurait commis et le recel de vol dont des banques – personnes morales de droit privé justiciables au pénal – sont coupables depuis 1969, année de l’arrivée au pouvoir de Kaddafi ? Avocat de formation, Nicolas Sarkozy devrait lire (ou relire), en les combinant, les articles 311-1 et 321-1 du code pénal français, qui stipulent : « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Le recel est le fait […] de détenir […] une chose […] en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. » ●

Nulle part – ou presque –, les diverses rétributions (rémunérations, salaires, traitements, etc.) n’échappent aux écritures bancaires et/ou au Trésor public. Les sommes allouées aux dirigeants ainsi qu’aux officiels (parlementaires, membres du gouvernement, président) sont connues, au moins du cercle le plus restreint. Par ailleurs, quelle que soit la durée d’une épargne, son montant reste chiffrable. Il est donc parfaitement improbable que des revenus puissent rapporter à leurs bénéficiaires des milliards de dollars. Dans le cas de la Libye, les milliards en cause aujourd’hui choquent. Tant et si bien que le président Ý CONFÉRENCE « LES AMIS DE LA LIBYE », 1ER SEPTEMBRE 2011, PARIS.

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IBRAHIM BA, Paris, France

Une conférence pour valider ses turpitudes De l’antioccidentalisme systématique et primaire? Certainement pas: c’est contre-productif. Mais certains faits sont intolérables, tout comme leur exploitation. La conférence internationale dite « des amis de la Libye », qui s’est tenue début septembre au palais de l’Élysée, à Paris, en est un exemple.

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

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OC, BIDOC, TRIDOC . Voilà trois barbarismes. Vous y comprenez quelque chose? Non, et vous donnez votre langue au chat (ne me demandez pas lequel, je n’en sais rien). Et si je vous disais « docta »? Docta comme docteur, donc. Un doc est détenteur d’un doctorat, un bidoc en a deux, un tridoc en possède trois. Eh oui! Il y a des têtes bien faites qui s’emplissent de savoir. Mais pour en faire quoi? Un ami a reçu un mail d’un de nos anciens collègues (dans une autre de mes vies). L’auteur, je m’en souviens, n’était pas ce qu’on appelle une lumière. Il avait plutôt l’esprit lourd. Puis il est parti par monts et par vaux pour, enfin, obtenir le grade suprême conféré par une université : docteur. Mais cela lui donne-t-il le droit de signer « docteur professeur Tartempion » quand il écrit à de vieux amis ? Frimeur, va! Vous l’aurez sans doute remarqué, la mode actuelle, chez les francophones, est de transposer en français l’usage anglo-saxon du terme docteur. En français, lorsqu’on dit « docteur Tartempion », on pense spécialement au détenteur d’un doctorat en médecine. En revanche, on dit: « Machin, docteur en droit. » Au Bénin, on a poussé l’aberration très loin, jusqu’à dire, officiellement, le « docteur Boni Yayi », comme si le président béninois était docteur en médecine! L’expression appropriée aurait été le « docteur en économie Boni Yayi, président de la République ». Mais c’est d’un ridicule! « Quid du professeur? » vous demandez-vous. À l’université ou dans une grande école, il s’agit du titulaire d’une chaire. Avant de devenir professeur, ultime étape d’une longue échelle, il a d’abord été assistant, maître-assistant, chargé de cours, maître de conférences. Il ne suffit donc pas d’être docteur pour être professeur. Et puis, un vrai docteur, un vrai professeur, quelle que soit sa spécialité, mène des recherches, publie des travaux et des livres, a une pensée originale. Il ne parade pas, il est. À propos de docs, bidocs et tridocs toujours, les nouvelles qui m’arrivent de Kinshasa ne sont pas rassurantes. Des étudiants m’apprennent à quelle sauce ils sont mangés par leurs professeurs, tous docteurs en bidule, machin, truc. Ils sont condamnés chaque année à payer des syllabus, entendez des polycopiés, que leur vendent ces derniers. Chaque syllabus coûte entre 15 et 20 dollars (entre 11 et 15 euros), soit 200 dollars par année académique. Les professeurs savent qui n’a pas payé. Malheur à lui: son échec est garanti. Et comme les amphithéâtres (là-bas, ils disent « auditoires ») sont surpeuplés, on peut compter jusqu’à sept cents étudiants par promotion, affirment les concernés. Je sors ma calculette: 700 polycopiés x 20 dollars = 14000 dollars annuels. Voilà ce que touche un professeur par amphithéâtre, en plus de son salaire (2000 dollars mensuels en moyenne). Et quel est le salaire moyen des Congolais? Trente dollars par mois! Ces docs, bidocs et tridocs, malgré leurs titres pompeux, ne se gênent pas pour vendre, au prix fort, des cours tirés de livres écrits par d’autres… ● N o 2645 • DU 18 AU 24 SEPTEMBRE 2011

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