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ENQUÊTE au Cœur De L’arMée tunisienne

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jeuneafrique.com

MODE, DESIGN, CONSO… quanD L’aFrique se Fait (enFin) pLaisir

GABON MuniCipaLes : Le granD test

AFRIQUE-FRANCE

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 30 NOVEMBRE

Les États-Unis sont indépendants!

L

ACCORD SCELLÉ À GENÈVE entre les six grandes puissances du moment* et l’Iran au sujet du programme nucléaire de ce pays date d’une semaine. Depuis sa signature, à l’aube du 24 novembre, nous avons été abreuvés d’informations et de commentaires sur l’événement, sa signification et ses conséquences pour la région et pour le monde. Est-il utile d’en ajouter d’autres ? Et d’ailleurs, que reste-t-il à en dire ? ■

Au terme d’une négociation mouvementée, les protagonistes n’ont signé au demeurant qu’un document provisoire, mais où, fait nouveau, chacune des parties reconnaît à l’autre des droits à respecter, des intérêts et une dignité à sauvegarder. Il ne s’agit cependant que d’une trêve ou d’un armistice de six mois : on calme le jeu, on s’observe et, le feu ayant cessé, on négocie le passage d’une ère à une autre. D’une ère à une autre ? Beaucoup plus, en fait : d’une situation à son contraire, de la diabolisation réciproque à la paix et à la coopération. Voilà ce qui, en vérité, révulse les ennemis israélien et saoudien de l’accord. Cela dit, ce n’est qu’à condition que la trêve du 24 novembre et la négociation qu’elle a enclenchée conduisent, en 2014, à la paix et à la coopération que les historiens retiendront le tournant du 24 novembre comme l’événement de l’année 2013, ou peut-être même de la décennie. ■

Au sein de Jeune Afrique comme de La revue, nous avons suivi l’évolution du conflit dans toutes ses phases et en connaissons les arcanes. Nous nous estimons donc bien outillés pour en éclairer les recoins. Nous savons que nous allons être la cible de thèses opposées, d’informations aussi contradictoires qu’intéressées, et qu’il nous faudra en permanence faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Nous savons également que l’enjeu des prochains mois est tout simplement une nouvelle guerre au Moyen-Orient, qui bouleverserait une fois de plus JEUNE AFRIQUE

la carte de la région, ou, si la trêve du 24 novembre conduit à la paix, l’instauration d’un modus vivendi fondé sur un nouvel équilibre régional. ■

Une semaine après l’accord du 24 novembre, que peuton en dire d’éclairant et qui n’a pas encore été exposé ? 1) A été rendue publique, la semaine dernière, l’information selon laquelle les Américains et les Iraniens négociaient en secret depuis des mois (lieu de la négociation secrète : Oman). Beaucoup d’initiés le savaient déjà ou, à tout le moins, s’en doutaient. Certains d’entre nous connaissaient même les noms des négociateurs. Ce qui, en revanche, n’était connu que de ces alliés intimes et complices des États-Unis que sont les Britanniques, c’est que les Américains ont cessé de classer l’Iran dans « l’axe du mal » et que, de leur côté, les Iraniens n’ont plus vu en l’Amérique le « Grand Satan ». Pour ma part, lorsque j’ai appris, début octobre, que Londres et Téhéran rouvraient leurs ambassades respectives, que le 11 novembre ont été nommés leurs chargés d’affaires, j’ai compris que les Anglo-Saxons avaient pris la décision stratégique de considérer désormais la République islamique d’Iran comme l’un de leurs principaux partenaires dans la région. Lundi 18 novembre, une semaine avant la signature de l’accord, le Premier ministre britannique, David Cameron, a fait savoir qu’il a téléphoné au président iranien, Hassan Rohani, pour lui parler non seulement du nucléaire mais aussi de la Syrie. J’ai acquis la certitude, dès cet instant, que les Anglo-Saxons allaient signer avec l’Iran. L’Allemagne suivrait le mouvement et la France serait obligée d’en faire autant. C’est exactement ce qui s’est passé dans la nuit du 23 au 24 novembre. ■

2) Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui avait fait échouer l’accord une première fois avant de l’accepter le 24 novembre, est-il, comme on le dit ou l’insinue, un adversaire caché de l’objectif stratégique des Anglo-Saxons qui est de faire tout ce qui est raisonnable pour renouer avec l’Iran ? N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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Ce que je crois Un de nos confrères soutient que le président Obama n’aurait eu d’autre choix que de demander à François Hollande de « calmer » son ministre. Et l’on prête à ce dernier d’avoir pronostiqué, après la signature, que ce seront les Iraniens eux-mêmes qui rendront l’accord caduc : « Ils tricheront », auraitil prédit. Il sera important, en tout cas, de vérifier dans quel camp se situera la France en 2014 : dans celui d’Israël et de l’Arabie saoudite, alliés de circonstance, réunis par une volonté acharnée, à l’instar des plus conservateurs des Américains, de remettre l’Iran, avec la Corée du Nord, dans « l’axe du mal » ? ou dans celui des cinq autres grands qui tentent de l’en sortir en pariant sur une évolution positive de son régime ? ■

3) L’opinion américaine ? En dépit de sa sympathie bien connue pour Israël et de l’action soutenue du lobby pro-israélien, elle s’est prononcée cette semaine à deux contre un en faveur de l’accord. Lasse des guerres, elle soutientmajoritairementcequienéloignelesÉtats-Unis. Guerroyant sans discontinuer depuis le Vietnam (où ils ont été engagés par John F. Kennedy en 1961, il y a un peu plus de cinquante ans), les Américains de 2013 ont en Barack Obama, Prix Nobel de la paix, un président qui refuse que les États-Unis continuent de s’endetter et de perdre des soldats pour être « le gendarme du monde ». Là est la donnée de politique internationale la plus nouvelle et la plus importante du moment.

S’y ajoute la révolution énergétique née de la mise à disposition du marché, grâce au procédé de la fracturation hydraulique, du gaz et du pétrole de schiste. Désormais, avec ce qu’ils peuvent importer du Canada et du Mexique, les États-Unis n’ont plus besoin, pour leur consommation, des hydrocarbures du MoyenOrient ou même d’Afrique. Fatigue de la guerre et indépendance énergétique virtuelle sont les deux fondements principaux d’une nouvelle analyse stratégique américaine. En cours d’élaboration, elle conditionne déjà le comportement des États-Unis au Moyen-Orient. ■

Les Américains regardent désormais le MoyenOrient de plus loin, si je puis dire ; ce qui s’y passe a moins d’importance pour eux, et leurs alliés dans la région pèsent moins. Israël et l’Arabie saoudite ont déjà perdu leur droit de veto sur la politique américaine et, au fil des années, verront diminuer leur importance aux yeux de Washington. C’estparcequ’ilsnel’ontpasencorecomprisouaccepté que Benyamin Netanyahou et le roi Abdallah d’Arabie saoudite, en s’opposant à Barack Obama sur l’Iran, donnent l’impression de « mouliner dans la farine ». L’accord du 24 novembre n’a été que la première manifestation d’une nouvelle politique des États-Unis qui les affranchit d’Israël et de l’Arabie saoudite. ● Lire aussi pp. 50-52. * États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France, Allemagne.

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. ! Aujourd’hui, sur demain tu ne peux avoir prise. Omar Khayyam ! Mon passe-temps favori, c’est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre mon temps, perdre mon temps, vivre à contretemps. Françoise Sagan ! En politique le meilleur moyen de résoudre un problème est de nier l’énoncé. André Frossard ! La haine est bien plus dure à imiter que l’amour. On entend parler d’amour feint, jamais de haine feinte. Nassim Nicholas Taleb N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

! Nous gagnerions plus de nous laisser voir tels que nous sommes, que d’essayer de paraître ce que nous ne sommes pas. François de La Rochefoucauld ! Moi je vais me barrer à la Guadeloupe! La plage, les Restos du cœur, le rhum, le RMI. Les Nouvelles Brèves de comptoir ! Il est difficile de comprendre pourquoi la dentelle est si chère ; ce sont surtout des trous ! Mary Wilson Little ! Le bruit de la mer n’empêche pas les poissons de dormir. Proverbe africain

! Dieu, lui aussi, a essayé de faire des ouvrages. Sa prose, c’est l’homme. Sa poésie, c’est la femme. Napoléon Bonaparte ! Je viens de faire le premier pas dans la voie du divorce, c’est-à-dire que je viens de me fiancer. Pierre Doris ! L’épargne est une magnifique réalité, spécialement quand nos parents l’ont pratiquée. Mark Twain ! Un critique, c’est un journaliste que sa petite amie a plaqué pour un acteur. Walter Winchell JEUNE AFRIQUE


1,65 100 000 50

* Source : WTC de Dubaï, 2012 (derniers chiffres disponibles).

MILLIONS* DE PERSONNES ONT VISITÉ LE WORLD TRADE CENTRE DE DUBAÏ L’AN DERNIER. M2 DÉDIÉS AUX EXPOSITIONS, AU SEIN D’UN SITE DE PREMIER ORDRE.

% DES EXPOSITIONS DE LA RÉGION ONT LIEU AUX ÉMIRATS ARABES UNIS. BIENVENUE AU CŒUR DES ÉVÉNEMENTS MONDIAUX.

LES CHIFFRES PARLENT D’EUX-MÊMES, LE BUSINESS EST À DUBAÏ. À VOIR SUR VISION.AE/VIDEOS/NUMBERS

INFO@FALCONANDASSOCIATES.AE


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Éditorial François Soudan

PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITION INTERNATIONALE : OLIVIER BALEZ ÉDITION GABON : DESIREY MINKOH; BAUDOIN MOUANDA ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT : HICHEM

L’Afrique existe-t-elle?

V

U DE KIGALI, où je me trouve en ces derniers jours de novembre, le sommet Afrique-France des 6 et 7 décembre, auquel nous consacrons cette semaine un dossier complet, apparaît largement comme une fiction. Outre le fait qu’il peut sembler étrange de venir discuter de la paix et de la sécurité sur le continent dans la capitale d’une ex-puissance coloniale plus de cinquante ans après les indépendances, c’est la notion même d’une Afrique globale conférant avec l’un des pays membres de l’Union européenne qui paraît à la fois passablement humiliante et dénuée de réalité. À bien y regarder en effet, l’Afrique de 2013 est une généralisation facile aussi inclusive et privée de sens que « le monde arabo-musulman », « la communauté internationale » et autres clichés à usage des journalistes pressés. D’abord parce que l’on sait depuis longtemps que le nord et le sud du Sahara regardent dans des directions opposées, ensuite parce que le socle commun qui soudait l’Afrique subsaharienne jusqu’au début des années 2000 (régimes autoritaires postcoloniaux et économies à dominante agricole) s’est largement effrité. Ce qui unit ces pays désormais au-delà des blocs linguistiques, ce n’est plus le panafricanisme – idéologie largement importée, puisque inspirée de penseurs américains et caribéens –, mais l’omniprésence des investissements chinois et de la téléphonie mobile. Si pour beaucoup d’Africains la notion d’un continent partagé est désormais plus émotionnelle que réelle, c’est qu’à la barrière de la langue qui sépare les Afrique francophone, anglophone et lusophone s’est ajoutée la distance de plus en plus grande entre les démocraties à croissance rapide, les États faillis, les pays pétroliers à forte teneur en corruption et les adeptes du développement dirigé à la chinoise. D’un côté, les tigres africains (Éthiopie, Kenya, Ghana, Angola, Mozambique…), de l’autre, la cohorte des nations fragiles et politiquement instables. D’un côté, ceux dont la gouvernance est fiable, l’économie en voie de diversification et les priorités axées sur l’éducation, la santé et la protection sociale ; de l’autre, les pouvoirs patrimoniaux et prédateurs. D’un côté, l’Afrique du Sud, qui se vit et se sent non sans condescendance comme une Afrique à part, et le Nigeria, dont le modèle économique se rapproche de plus en plus de celui de l’Indonésie ou de celui du Mexique ; de l’autre, tous les autres, écrasés par le poids de ces deux mastodontes. De la part d’un pays comme la France, dont l’importance politique et économique n’a cessé de régresser sur le continent depuis une dizaine d’années, prétendre parler à l’Afrique tout entière est donc à la fois ambitieux et incongru. On objectera que les chefs d’État africains, qui s’apprêtent à se rendre en nombre au sommet de l’Élysée, n’ont manifestement cure de cet anachronisme. Raison de plus pour leur hôte, François Hollande, de leur parler avec modestie. ● N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

12 LIBYE BENGHAZI OU LES MILLE ET UNE TUERIES Théâtre d’attentats quasi quotidiens, la capitale de la Cyrénaïque vit sous la loi d’Ansar al-Charia et autres milices.

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GABON TOUR DE CHAUFFE Les électeurs sont appelés aux urnes le 14 décembre pour choisir leurs conseillers municipaux. Le moment ou jamais, pour l’opposition comme pour la majorité, de confirmer un ancrage local avant la présidentielle de 2016.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Libye Benghazi ou les mille et une tueries Mary Robinson Faites l’accord, pas la guerre Sabri Lamouchi Souffre-douleur Mali Sanogo, général en déroute Bonobos Zapping au zoo Culture Islam-sur-Seine RD Congo Coup de bambou pour Bemba Angola Plus de buzz que de mal Tour du monde

28 28

G RA N D A N G L E Tunisie Ce que vaut vraiment l’armée

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

36 40 42 44

Gabon Tour de chauffe Histoire Un rêve un peu fou Nigeria L’homme qui tombe à pic Burkina Faso Les oubliés de Folembray JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

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AFRIQUE-FRANCE COMME ON SE RETROUVE ! Au sommet des 6 et 7 décembre, à Paris, il sera beaucoup question de sécurité et d’économie. L’occasion de définir entre les deux parties une relation enfin équilibrée.

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TUNISIE Ce que vaut vraiment l’armée

cial Spé a ge s 30 p

Mise à l’écart sous Ben Ali, aux premières loges pendant la révolution du 14 janvier 2011, l’institution militaire est aujourd’hui confrontée à de nouveaux enjeux. Pour elle comme pour le pays.

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IRAN L’EFFET D’UNE BOMBE L’accord signé le 24 novembre avec l’Occident pourrait changer la donne au Moyen-Orient et y faire naître des perspectives de paix.

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Bourses

LES STARS DE LA COTE Dans un classement exclusif, Jeune Afrique dresse la liste des valeurs africaines les plus performantes de ces cinq dernières années.

M AGHREB & MOY E N - O R I E N T

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Iran-Occident L’effet d’une bombe Tribune Jihadisme: à danger global, réponse commune Mauritanie Mariem Ould Daddah ou le temps retrouvé Terrorisme Abou Moussab al-Souri, le nouveau Ben Laden ?

58

EUROPE, AMÉR I Q U E S, A S I E

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États-Unis Qui craint les grands méchants Koch ? Cyberespionnage La guerre des failles a commencé Parcours Cédric Ido, caméra au poing Chine Quand flambent les « bitcoins »

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L E PLUS DE JEU N E A FR I Q U E Afrique-France Comme on se retrouve !

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ÉCON OMIE Bourses africaines Les stars de la cote Les indiscrets Interview Kadré Désiré Ouédraogo, président de la Commission de la Cedeao

JEUNE AFRIQUE

MODE, DESIGN, AUTO, VOYAGE, CONSO… 14 pages dans lesquelles l’Afrique se fait plaisir.

africaines

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Consommation Lilas en fleur Baromètre D O SSIER Tendances Paris, Casablanca, Libreville… même cabas C U LT U RE & MÉD IA S Essai Interview d’Achille Mbembe, historien et politologue camerounais Sculpture La vie rêvée des bonnes Cinéma Beauté des marges La semaine culturelle de J.A. Kiosque La revue V O U S & NO U S Le courrier des lecteurs Post-scriptum

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DEUX RECORDS MONDIAUX

Pour célébrer le 50ème anniversaire de son légendaire calibre 12P, lancé en 1960, la Manufacture de Haute Horlogerie Piaget signe deux nouveaux records dans la quête de l'extra-plat. Equipé d’une masse oscillante décentrée, le nouveau mouvement mécanique à remontage automatique 1208P s’impose comme le plus plat du marché avec seulement 2,35 mm d’épaisseur premier record. Grâce à ce nouveau calibre, la montre Piaget Altiplano présente une épaisseur de 5,25 mm seulement, ce qui fait d'elle la montre la plus plate de sa catégorie - second record.

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Sommet Afrique-France Pourquoi Kagamé n’ira pas à Paris

se fonde sur plusieurs milliers de documents émanant des archives de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), l’ex-police politique du régime, et sur plus de trois cents interviews, dont celles d’anciens agents de la DDS. Présenté comme « la plus importante étude scientifique jamais rédigée sur l’ère Habré », le rapport sera publié à N’Djamena au moment où débute la seconde commission rogatoire internationale conduite par les magistrats sénégalais des chambres africaines extraordinaires chargées de la procédure contre l’ancien président tchadien. Cette dernière se poursuivra jusqu’au 20 décembre.

A

LE CHIFFRE

CHRIS JACKSON/AFP

insi que J.A. l’avait laissé entendre, le président rwandais ne participera pas au prochain sommet de l’Élysée, les 6 et 7 décembre, et se fera représenter par Louise Mushikiwabo, sa ministre des Affaires étrangères. Paul Kagamé, qui a naturellement reçu une invitation de François Hollande, a, pour la décliner, invoqué la tenue à Kigali en même temps que le sommet parisien de la session annuelle du Dialogue national, un événement interactif rassemblant des milliers de délégués auquel le chef de l’État se fait un devoir de participer. Reste que, même à une ! Le président rwandais sera suppléé autre date, il n’est pas du tout par sa ministre des Affaires étrangères. certain que Kagamé se serait rendu à Paris. D’abord parce que le principe même d’un sommet Afrique-France lui paraît incongru. Ensuite parce qu’il n’est guère satisfait de l’état des relations franco-rwandaises, qui, après une nette amélioration sous Nicolas Sarkozy, sont à nouveau au point mort depuis l’arrivée de Hollande à l’Élysée. ●

Abdou Diouf reçoit

L

e président congolais, Joseph Kabila, profitera de sa venue à Paris à l’occasion du sommet de l’Élysée pour s’entretenir le 6 décembre avec Abdou Diouf, le secrétaire général de la Francophonie. L’entretien, qui se tiendra au siège de l’OIF, avenue Bosquet, dans le 7e arrondissement, portera notamment sur les crises africaines et le prochain sommet de l’organisation, qui devrait se tenir l’an prochain à Dakar. ●

MALI L’ALGÉRIE COMPTE SUR IYAD AG GHALI

Les services de renseignements algériens sont entrés en contact au cours du mois écoulé avec Iyad Ag Ghaly, chef du mouvement jihadiste malien Ansar Eddine, sur lequel ils souhaitent N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

s’appuyer pour obtenir la libération de trois de leurs diplomates enlevés le 5 avril 2012 à Gao par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). En juillet 2012, celui-ci avait libéré trois des sept otages qu’il détenait.

TCHAD CE RAPPORT QUI ACCABLE LE RÉGIME HABRÉ

L’imposant rapport consacré par Human Rights Watch aux abus perpétrés au Tchad sous l’ère Habré (1982-1990) devait être rendu public ce 3 décembre. Intitulé « La plaine des morts », ce travail

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banquiers de la City, à Londres, ont gagné plus de 1 million d’euros en 2012 (à titre de comparaison, ils n’ont été que 212 en Allemagne, 177 en France, 109 en Italie et 100 en Espagne). Leurs gains ont été en moyenne de 1,95 million d’euros (+ 35,7 % par rapport à 2011).

DÉFENSE LE MALI PLAIDE SA CAUSE À BRUXELLES

Lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne prévue au début de ce mois à Bruxelles en présence de Zahabi Ould Sidi Mohamed, le chef de sa diplomatie, le Mali va demander laprolongation de la mission européenne chargée de la formation de son armée (European Union Training Mission, EUTM). Les quatre bataillons actuellement en cours de formation (jusqu’en mai 2014) lui paraissent en effet insuffisants pour faire face à ses besoins. JEUNE AFRIQUE


Retrouvez notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques, en page 114.

Politique, économie, culture & société CÔTE D’IVOIRE YOUSSOUF BAKAYOKO FAIT LE FORCING

C ’e s t u n e n o u v e l l e Commission électorale indépendante qui sera chargée d’organiser la présidentielle ivoirienne de 2015, le mandat de la précédente – qui aura duré six ans – arrivant à son terme. Et déjà les luttes d’influence battent leur plein. Désireux d’être reconduit à la présidence, Youssouf Bakayoko, ancien ministre des Affaires étrangères de Laurent Gbagbo et membre duPartidémocratiquedeCôte d’Ivoire (PDCI), fait du lobbyingdanstoutelasous-région. FinnovembreàOuagadougou, il a notamment rencontré le président Blaise Compaoré, dont il espère bien obtenir le soutien. CENTRAFRIQUE LA CHASSE EST OUVERTE

La résolution onusienne qui doit être adoptée dans le courant de la semaine devrait prévoir des sanctions contre certains membres de l’exSéléka. Un comité sera chargé

CEN-SAD Le Maroc s’affaire au Sahel

Depuis la chute de Mouammar Kaddafi, le Maroc s’efforce d’améliorer ses positions au Sahel. Salaheddine Mezouar, le ministère des Affaires étrangères, a, depuis son entrée en fonction le 10 octobre, accéléré le processus de ratification du nouveau traité de la Communauté des États sahélosahariens (Cen-Sad) adopté à N’Djamena au mois de février. Un projet de loi en ce sens a déjà été déposé au Parlement. Au-delà de leurs intérêts au Sahara occidental, la Cen-Sad possède aux yeux des Marocains un avantage déterminant pour s’occuper d’affaires sahéliennes : le rival algérien n’y siège pas. ●

par le Conseil de sécurité de les identifier. L’Union africaine a déjà transmis une liste au bureau de la procureure de la Cour pénale internationale. De leur côté, les militaires français ont localisé la plupart des colonels, commandants et capitaines de l’ex-rébellion. Parmi eux, Noureddine Adam, numéro deux de la Séléka et patron du Comité extraordinaire de défense des acquis démocratiques (Cedad) – autrement dit : la

police politique – jusqu’à sa dissolution, le 27 novembre. Depuis une dizaine de jours, ce dernier se fait très discret et multiplie les déplacements à travers le pays. MOZAMBIQUE MISSION ÉCONOMIQUE FRANÇAISE

Fermée depuis des années, la mission économique de l’ambassade de France à Maputo rouvrira dans le courant de 2014. Le Mozambique, qui a enregistré un taux de

croissance de 7,5 % en 2012 et qui atteindra, sans doute, 8,5 % en 2013, est aux yeux des exportateurs français l’un des marchés africains les plus prometteurs. L’absence de mission économique devenait donc inexplicable.

BÉNIN COUP DE TALON AUX BANQUES Les filiales béninoises de la Société générale, de Bank of Africa et d’Orabank sont au bord de la faillite. À cause de Patrice Talon, qui ne leur a toujours pas remboursé les 41 milliards de F CFA (62,5 millions d’euros) qu’il leur a empruntés via diverses sociétés de son groupe (Société des huiles du Bénin, Atral, etc.). L’homme d’affaires, qui réside actuellement en France, est accusé d’être le commanditaire d’une tentative d’empoisonnement contre le président Boni Yayi. Ce dernier s’efforce d’obtenir son extradition.

Gabon-France Ça va mieux en le disant

JEUNE AFRIQUE

le plan économique, il sera question des moyens d’encourager les PME-PMI françaises à investir au Gabon, mais aussi, et surtout, de

DÉSIREY MINKOH POUR J.A.

MINISTRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, Laurent Fabius recevra Emmanuel Issoze Ngondet, son homologue gabonais, le 3 décembre à 11 heures. La demande en avait été faite il y a plusieurs mois par l’ambassade parisienne. Elle aboutira donc quelques jours avant l’arrivée d’Ali Bongo Ondimba à Paris, pour le sommet Afrique-France des 6 et 7 décembre. Si les rapports entre le chef de l’État gabonais et François Hollande (au départ plutôt méfiant vis-à-vis d’un pays jadis marqué du sceau de la Françafrique et dont les dirigeants étaient réputés proches de l’UMP de Nicolas Sarkozy) se sont nettement améliorés depuis leur entrevue du mois de juillet 2012, quelques différends subsistent, dont s’entretiendront les deux chefs de la diplomatie. Sur

! Le président Ali Bongo Ondimba.

Veolia (actionnaire à 51 % de la Société d’énergie et d’eau du Gabon) et de Total, deux entreprises actuellement en bisbille avec l’État gabonais, qui leur reproche de manquer de transparence et de ne pas respecter leurs obligations. Autre point délicat : les suites de l’affaire dite des biens mal acquis. Et notamment le fait qu’Ali Bongo Ondimba et ses proches supportent de plus en plus difficilement la surveillance dont ils sont l’objet lors de leurs séjours parisiens. Sait-on que les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) passent derrière eux dans les restaurants ou les boutiques où ils se rendent afin d’éplucher leurs factures et de s’enquérir de ce qu’ils ont acheté ? ● N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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La semaine de Jeune Afrique

! État d’urgence dans la grande ville de l’Est, où les forces spéciales ont lancé un assaut contre Ansar al-Charia le 25 novembre.

YOUSSEF AÏT AKDIM et JOAN TILOUINE

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ne vengeance lente et méthodique. Un par un, depuis la fin de septembre 2012, de hauts responsables de l’armée, de la police et du renseignement sont froidement abattus à Benghazi. Devant leur domicile, à leur retour de la mosquée ou dans leur voiture préalablement plastiquée. Certains avaient occupé des fonctions sous Kaddafi avant de rallier la révolution. Trop tard. « D’anciens prisonniers se vengent de leurs bourreaux d’antan », avance un habitant de Benghazi. À la centaine d’officiers de l’armée et de la police visés par ces attentats s’ajoutent des juges, quelques journalistes et des responsables politiques locaux. Jusque-là, aucune enquête sérieuse n’a été diligentée pour identifier les auteurs et les commanditaires de ces crimes qui rythment la vie de la capitale de l’Est. La justice a N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

feint de se saisir de ces dossiers, mais n’a prononcé aucune condamnation. Le 25 novembre, pourtant, les forces spéciales ont lancé une offensive contre Ansar al-Charia, l’un des groupes les plus virulents, laissant espérer la fin d’une ère de laxisme. Auréolées de leur participation (plus ou moins grande) à la « glorieuse révolution du 17 février 2011 », des milices lourdement armées – certaines disposent d’hélicoptères et de blindés – agissent en toute impunité. Parfois adoubées par Tripoli ou par le conseil local (sorte de municipalité), elles servent de forces de sécurité de substitution. Mais elles contribuent surtout au chaos, sans que l’on sache de qui elles prennent leurs ordres. « Elles sont les seules à pouvoir faire régner la sécurité ou l’insécurité, selon les intérêts de ceux pour qui elles travaillent, souligne Ana Gomes, une eurodéputée spécialiste des affaires libyennes. Il n’y a aucune structure étatique. Des salafistes recrutent des milices soutenues financièrement par l’Arabie saoudite et le Qatar. » JEUNE AFRIQUE


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LIBYE

Benghazi les mille et une tueries Théâtre Théâ Th éâtr éâ tre e d’ d’at d’attentats atte at tent te ntat nt atss qu quas quasi asii qu quot quotidiens otid ot idie id iens ie ns vvisant isan is antt de an dess ho homm hommes mmes mm es p politiques, olit ol itiq it ique iq ues, ue s, d des es m magistrats agis ag istr is trat tr atss et de at de haut ha hauts utss re resp responsables spon onsa sabl bles bl es d de e l’ l’ar l’armée armé ar mée mé e ou d de e la p police, olic ol ice, ic e, la la ca capitale capi pita pi tale ta le de de la Cyrénaïque Cyr yrén énaï én aïqu aï que qu e vit vit so sous us lla a lo loii d’Ansar al-Charia et autres milices. Mais la population, exaspérée, commence à se rebiffer. La plupart de leurs combattants ne sont pas des « héros de la révolution ». Au niveau national, les anciens thuwar, recensés fin 2011, devaient être désarmés, démobilisés et réinsérés: 25000 au sein de la police, autant dans l’armée. Aujourd’hui, ce chiffre a explosé. Selon le politologue Luis Martinez, les miliciens seraient entre 100 000 et 150000. Plus de 200000, estiment d’autres sources. LUCRATIVES. Beaucoup d’opportunistes ont profité de la décision du gouvernement de confier la sécurité du pays aux milices enregistrées auprès des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Payés ou plutôt achetés avec de l’argent public, ils se mettent au service de tribus, de notables locaux et de partis politiques. Dans l’espoir, pour certains, d’intégrer l’armée… En attendant, ils répondent aux sollicitations les plus lucratives. « La résolution du problème des milices est entre les mains des politiques, qui les utilisent pour asseoir leurs projets », confie un homme d’affaires de Benghazi. JEUNE AFRIQUE

Dans la capitale de la Cyrénaïque, un groupe, Ansar al-Charia, composé notamment d’anciens révolutionnaires aguerris, combat au nom de Dieu et pour une application stricte de la loi islamique. Quatre mois après sa création, il organisait à Benghazi son premier rassemblement officiel. Ce 6 juin 2012, une quinzaine de milices se sont jointes au millier de sympathisants et curieux pour apporter leur soutien à cette nouvelle formation jihadiste dirigée par Mohamed Certains de ces groupes al-Zawahi, longtemps incarcéré, sous Kaddafi, dans la sordide pridisposent de blindés son d’Abou Salim. et d’hélicoptères ! Délaissant la capitale, la formation Ansar al-Charia a pris le contrôle de quartiers entiers de Benghazi, de Syrte et de Derna, ville où elle dispose d’importants stocks d’armes et où Abou Soufian Ben Qoumou, un jihadiste passé par le camp de Guantánamo, cornaque ses troupes. À l’échelle régionale, la milice s’est rapprochée du chef N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

MOHAMMED ELSHAIKY/AFP

ou


algérien Mokhtar Belmokhtar, qui, après avoir quitté Al-Qaïda au Maghreb islamique, a réuni plusieurs mouvances armées du Sahel sous la bannière d’Al-Mourabitoune. À défaut d’ancrage local, les membres d’Ansar al-Charia ont mis en œuvre des projets d’intérêt général (programmes sociaux, leçons coraniques, distribution d’opuscules venant d’Arabie saoudite) dans cette ville volontairement délaissée par Kaddafi, qui se méfiait des aspirations autonomistes de la région. Au-delà de la caserne de Ras Obeïda – leur QG, abandonné aux pillards, qui l’ont incendié le 25 novembre –, ces islamistes radicaux s’étaient dotés d’un siège social plus présentable : une clinique, servant aussi de cache d’armes. ÉTINCELLE. Le groupe est fortement soupçonné

d’avoir fomenté la série d’assassinats qui ensanglante Benghazi, de même que, le 11 septembre 2012, l’attaque contre le consulat américain, pour laquelle sont aussi suspectés d’anciens kaddafistes. Mais les jihadistes sont bien l’ennemi numéro un du gouvernement d’Ali Zeidan. Début novembre, le Premier ministre a dépêché les forces spéciales en renfort de l’armée. « Nous sommes aux côtés du peuple, nous ne tolérerons plus qu’on porte atteinte à la sécurité », a lancé Wanis Boukhmada, le nouveau commandant des forces spéciales, devant une foule réunie pour accueillir les colonnes d’armement convoyées depuis la capitale. Quelques heures plus tard, un officier était abattu…

CAI YANG/XINHUA PRESS/CORBIS

La semaine de J.A. L’événement

! Visite d’Ali Zeidan, le Premier ministre (à g.), le 11 novembre. En treillis, Wanis Boukhmada.

BOUKHMADA SUPER-PROCONSUL LE 23 SEPTEMBRE, Wanis Boukhmada a été nommé commandant des forces spéciales avec pouvoirs élargis à Benghazi. Depuis que ses hommes sont engagés dans une lutte à mort avec les milices, l’ex! Le nouveau patron des forces spéciales. colonel ne tait plus ses critiques envers le pouvoir central. « J’appelle le gouvernement et le Congrès à prendre leurs responsabilités », a-t-il lâché le 28 novembre. En février 2011, Boukhmada avait été l’un des premiers gradés à faire défection au régime Kaddafi. Après avoir dirigé le front de Brega durant la guerre, il avait été nommé à la tête de la région militaire sud, à Sebha. Mais il n’a pas que des amis. Les islamistes radicaux se souviennent de lui comme de l’un des fers de lance de la brigade 1, qui regroupait les parachutistes et la Saïqa (« la foudre »). Sous Kaddafi, cette brigade d’élite était chargée du contre-terrorisme. Prochain homme à abattre, ou futur homme fort ? Boukhmada joue sa vie et son avenir politique. ● Y.A.A. et J.T. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Les combats du 25 novembre marquent un tournant. La version officielle veut que des militaires aient pourchassé un individu qui s’était réfugié dans les locaux d’Ansar al-Charia. Se sont ensuivis des échanges de tir, faisant au moins quatorze morts et des dizaines de blessés. Pour d’autres sources, l’armée aurait délibérément provoqué l’étincelle afin de pousser les habitants à se mobiliser comme ils l’avaient fait à Tripoli dix jours plus tôt. Les milices avaient alors ouvert le feu sur les manifestants pacifiques, tuant 46 personnes et en blessant 500 autres avant de finir par quitter la capitale. GRÈVE. À Benghazi, des habitants ont encerclé

DR

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une base d’Ansar al-Charia, dont les hommes ont été contraints d’évacuer les lieux. À 160 km de là, le QG de l’organisation à Adjabiyah a également été pris d’assaut. Des renforts jihadistes n’ont pu quitter leur base de Derna, bloquée par la foule, qui quadrillait aussi la ville. « Les civils passent à l’action contre les milices, que leurs exactions ont discréditées, souligne Saïd Haddad, maître de conférences à Saint-Cyr. C’est une période cruciale pour le gouvernement, qui a l’occasion de reprendre la situation en main et de démontrer sa capacité à résoudre les maux d’une population qui le soutient pour le moment. S’il échoue, c’est la fin. » Abdel Hafiz Ghoga, ancien numéro deux du Conseil national de transition, ne mâche pas ses mots à l’égard du Premier ministre : « Où était Zeidan ? Il a abandonné Benghazi. C’est un lâche, qui n’a même pas osé quitter les abords de l’aéroport lors de sa première visite, début novembre. » Cette fois, le 25 novembre, au lendemain de ses entretiens, à Londres, avec les chefs de la diplomatie américaine et britannique, Ali Zeidan s’est rendu en urgence à Benghazi. Mais sa visite est encore passée inaperçue. Les habitants ont répondu à l’appel à la désobéissance civile prononcé par le conseil local et observé une grève de trois jours. Mais dès le 27, à l’aube, des combats ont de nouveau éclaté. Pour Saïd Haddad, « l’organisation Ansar al-Charia est sur la défensive. Soit elle va attendre que l’orage passe, soit elle basculera dans une lutte sans merci pour le pouvoir ». ● JEUNE AFRIQUE


Genève, 17-19 mars 2014

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La semaine de J.A. Les gens ! L’ancienne présidente irlandaise ne craint pas de s’attirer les foudres de Kinshasa comme de Kigali. MARTIN ARGLES/GUARDIAN/CAMERAPRESS/GAMMA-RAPHO

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Mary Robinson Faites l’accord, pas la guerre En tournée dans la région des Grands Lacs, l’envoyée spéciale de l’ONU a appelé la RD Congo à négocier avec la rébellion du M23. Pas sûr que le gouvernement, fort de sa récente victoire militaire, l’écoute.

S

a précédente visite dans la région des Grands Lacs datait d’un peu plus de deux mois. Un laps de temps suffisant pour que Mary Robinson puisse observer de nombreux changements lors de sa nouvelle tournée, entamée le 25 novembre. La rébellion rwandophone du Mouvement du 23-Mars (M23), qui faisait l’objet de toutes les attentions il y a peu, a été repoussée manu militari hors du territoire congolais début novembre. Un épilogue guerrier que l’Irlandaise n’avait ni anticipé ni souhaité. « Clairement, Mary Robinson était contre l’utilisation de la force », assure une source congolaise au cœur du dossier. Appelant sans relâche à la négociation depuis sa nomination au poste d’envoyée spéciale du secrétaire général de l’ONU dans la région des Grands Lacs, en mars, Robinson a adopté une attitude qui tranche avec celle du chef des Casques

congolaise. Robinson a tout simplement trop cru en la parole du Rwanda et de l’Ouganda », deux pays accusés d’avoir soutenu la rébellion mais qui nient farouchement ces accusations. Pourtant, Mary Robinson peut difficilement être taxée de naïveté pro-rwandaise. À la tête de l’Irlande de 1990 à 1997, elle fut certes le premier chef d’État à se rendre dans le pays après le génocide. Mais, très vite après sa nomination au poste de haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme (19972002), alors que Kigali était aux prises avec une rébellion hutue largement constituée de génocidaires, elle s’est attiré les foudres du gouvernement rwandais pour l’avoir rendu coresponsable des atrocités en cours. AVOCATE. Tout au long de sa vie poli-

tique, Mary Robinson, 69 ans, a été animée par la volonté de défendre les droits bleus, l’Allemand Martin Kobler, dont des citoyens et des minorités. Au prix, s’il les troupes ont soutenu l’armée congole faut, de la souveraineté des États. Avant laise, y compris avec des moyens aériens. de devenir la première femme présidente Cette position avait valu à Robinson les d’une Irlande alors très conservatrice, louanges de Bertrand Bisimwa, le chef cette avocate spécialiste des libertés fonpolitique du M23, ainsi qu’une méfiance damentales avait fait condamner son tenace de l’opinion congolaise. Sans pour propre pays par la Cour européenne des autant faire d’elle une alliée du Rwanda, droits de l’homme à propos du statut des enfants nés hors mariage. En 1995, elle avait proposé En 1994, elle fut le premier de faire entrer la « sécuchef d’État à se rendre au Rwanda rité humaine » parmi les après le génocide. principes cardinaux des Nations unies, à l’égal de où sa dernière visite, le 26 novembre, est la souveraineté nationale. passée inaperçue dans la presse. Or la RD Congo, forte de sa victoire Pourquoi s’est-elle refusée à appuyer militaire, ne veut pas entendre parler d’un clairement Kinshasa ? Pour ne pas trop « accord » qui placerait l’État sur un pied exposer les Casques bleus, réticence dont d’égalité avec une rébellion. Au cours de sa les Nations unies sont coutumières ? visite, Mary Robinson a évité d’employer « Cette explication ne tient pas : le manle terme. Mais elle n’a pas cessé d’appeler dat de l’ONU était très clair et autorisait à conclure les « négociations ». ● l’emploi de la force, balaie notre source PIERRE BOISSELET

NOMINATIONS

MARCEL ONDELE COSUMAF L’ancien conseiller du président de la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale a été nommé secrétaire général de cet organisme. Il prêtera serment le 4 décembre à N’Djamena. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

RAPHAEL KUUCHI IATA Le 17 février 2014, le Ghanéen deviendra vice-président de l’Association internationale du transport aérien pour l’Afrique. Il était auparavant directeur commercial de l’Association des compagnies aériennes d’Afrique (Afraa). JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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JEAN-PIERRE NDIAYE

I

l y a ceux qui savourent leur qualification pour la Coupe du monde 2014… et il y a la Côte d’Ivoire, occupée à débattre du sort de son sélectionneur. Depuis sa nomination en mai 2012, Sabri Lamouchi (42 ans) est la cible préférée d’une partie de la presse locale et des fans, qui ne l’ont jamais accepté. Et la validation du billet pour le Brésil, le 16 novembre face au Sénégal (1-1), n’a pas calmé les plus vifs détracteurs de l’ancien milieu de terrain (d’origine tunisienne) de l’équipe de France. Alors que la campagne éliminatoire s’est conclue sans la moindre défaite (cinq victoires, trois nuls), ils lui reprochent pêle-mêle son inexpérience – il n’avait jamais entraîné d’équipe –, son salaire (il est de 60000 euros par mois, mais certains assurent qu’il atteint 200 000 euros) et la qualité du jeu proposé.

JACQUES-HENRI MONT

Il a qualifié la Côte d’Ivoire pour la Coupe du monde. Pourtant, une partie de la presse et des supporteurs réclament son départ.

Figure de J.A. dans les années 1970 et 1980, le sociologue sénégalais recevra, le 28 décembre à Dakar, le prix Rayonnement international du Sénégal de l’association Sununet aux côtés d’Omar Sy, de Pape Diouf et d’Aïssa Maïga. HAÏDARA AÏCHATA CISSÉ La seule femme en lice à la présidentielle malienne a été réélue dès le premier tour des législatives. Cette syndicaliste de 55 ans, surnommée Chato, est depuis six ans députée de Bourem, dans la région de Gao.

BERTRAND GUAY/AFP

Sabri Lamouchi Souffre-douleur

TIDJANE THIAM Le Franco-Ivoirien, directeur général de l’assureur britannique Prudential, a reçu à Paris le grand prix de l’économie 2013, décerné par le quotidien Les Échos et Radio Classique, en partenariat avec le cabinet d’avocats Freshfields Bruckhaus.

de communication massive de ceux qui souhaitent ouvertement son départ. Le jour de la qualification, une page Facebook intitulée « Virer Lamouchi maintenant » a été créée. Elle a attiré près de 20 000 internautes, sans toutefois produire les effets escomptés, puisque le technicien a été maintenu dans ses fonctions. Depuis la France, où il vit, Sabri Lamouchi reconnaît qu’il n’est pas insensible aux attaques, parfois violentes, dont il fait l’objet. « Un sélectionneur est habitué aux critiques. Mais sur le plan humain, c’est parfois difficile », explique cet ancien joueur passé par Auxerre, Monaco, Marseille (France), Parme, l’Inter Milan, Genoa (Italie) et le Qatar. Pas dupe, Lamouchi sait bien qu’Augustin Sidy Diallo, le président de la Fédération ivoirienne de football, à l’origine de sa nomination et dont les relations avec le ministère de tutelle sont plutôt fraîches, est lui aussi très contesté. Et que l’attaquer est aussi une façon d’atteindre celui qui l’a choisi… ● ALEXIS BILLEBAULT

DR

PAGE FACEBOOK. Les réseaux sociaux sont devenus l’arme

EN BAISSE

TSAHAL Pour se former, l’armée israélienne s’entraîne dans des villages palestiniens de Cisjordanie et interpelle des civils. Une pratique de plus en plus courante, selon l’association israélienneYesh Din, qui milite pour l’arrêt de ces pratiques. CHEÏBANI OULD HAMA

DR

! Le sélectionneur français des Éléphants.

Le terroriste et narcotrafiquant malien a été arrêté par l’armée française dans le nord du Mali. Condamné au Niger en mars à vingt ans de réclusion pour l’assassinat de quatre Saoudiens et d’un Américain, il s’était évadé en juin d’une prison de Niamey.

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ARMANDO FRANCA/AP/SIPA

MARIANO RAJOY

JEUNE AFRIQUE

Le chef du gouvernement espagnol refuse de retirer les barbelés à lames tranchantes réinstallés autour de l’enclave de Melilla (Maroc) tant qu’une vraie méthode de lutte contre les « mafias de l’immigration » ne sera pas trouvée. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


La semaine de J.A. Décryptage

REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA

Mali Sanogo, général en déroute

p L’ancien patron du camp de Kati.

Il se croyait intouchable. À tort : le 27 novembre, l’ex-chef des putschistes a été arrêté. Il devra répondre devant la justice de son rôle présumé dans des exactions commises par ses hommes en avril 2012.

L

exil doré que lui destinait le nouveau pouvoir, Amadou Haya Sanogo n’en voulait pas. « Pour aller où ? Ma place est ici, au Mali », répétait-il à ses proches ces dernières semaines, même après que la justice a commencé à s’intéresser à son cas. Aujourd’hui, sa place est bien à Bamako, mais derrière des barreaux, dans un endroit (vraisemblablement un camp de la gendarmerie) tenu secret. La nouvelle est tombée le 27 novembre en milieu d’après-midi, quelques heures seulement avant que Moussa Sinko Coulibaly, le ministre de l’Administration territoriale – et par ailleurs ami d’enfance de Sanogo –, ne proclame les résultats provisoires du premier tour des élections

législatives. Elle a produit, à Bamako, le même effet qu’une attaque en deux temps de jihadistes à Gao. FAUX BOND. Première détonation :

Sanogo, ancien putschiste en chef tout récemment promu au grade de général quatre étoiles (on ne fait pas mieux en ce moment dans l’armée malienne), que l’on disait intouchable il y a encore quatre mois, est inculpé de « complicité d’enlèvement de personnes ». Du moins « pour l’instant », prend soin de préciser une source judiciaire, alors que des médias ont évoqué le chef d’accusation de « meurtres et assassinats ». Seconde détonation, plus forte, quelques minutes plus tard : on apprend qu’il est écroué.

Dans la matinée, au cours d’une opération d’envergure décidée au plus haut niveau de l’État, des éléments des forces spéciales accompagnés d’un officier de la police judiciaire s’étaient déployés autour de la demeure qu’il habite depuis qu’il a été contraint de quitter le camp militaire de Kati, dans le but de l’amener devant le juge Yaya Karembé, dont la convocation pendait depuis un mois. Prétextant un statut d’ancien chef d’État qu’il n’a jamais obtenu, Sanogo lui avait fait faux bond par deux fois. Il a donc fallu employer la force. Après avoir négocié ? « Non, jure une source à la présidence. C’est la procédure administrative qui a pris du temps. Les choses ont été faites dans les règles de l’art. » ASPHYXIES. Le juge Karembé soupçonne

Sanogo d’avoir joué un rôle actif dans les exactions qui ont suivi la tentative de contre-coup d’État du 30 avril 2012 fomenté par des commandos parachutistes (les Bérets rouges) fidèles à l’ancien président Amadou Toumani Touré. Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, ont révélé depuis qu’une vingtaine de Bérets rouges avaient disparu les jours suivants – ils sont probablement morts – et que des dizaines d’autres avaient été victimes d’actes de torture : asphyxies, brûlures, viols… Ces enquêtes, fondées sur de nombreux témoignages, visaient la garde rapprochée de Sanogo et le chef de la junte lui-même. Les partisans de Sanogo dénoncent « l’incompétence du tribunal civil ». Pour eux, il relève de la cour martiale. HRW, qui loue « le courage » du juge, s’est de son côté félicité de cette inculpation. L’entourage du président Ibrahim Boubacar Keïta aussi : ces derniers jours, des voix s’étaient élevées contre l’impunité dont semblait jouir le général. À tort, de toute évidence. ● RÉMI CARAYOL

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

8

DÉCEMBRE À Khartoum, réunion des ministres de l’Eau de l’Égypte, de l’Éthiopie et du Soudan. À l’ordre du jour, leur différend sur un projet éthiopien de construction de barrage sur le Nil Bleu. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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DÉCEMBRE Le saxophoniste et chanteur camerounais Manu Dibango fête son 80e anniversaire. Prochain grand rendezvous : l’Olympia, à Paris, le 4 mars 2014.

13 VINCENT FOURNIER/J.A.

18

DÉCEMBRE Il y a dix ans, Saddam Hussein était arrêté par l’armée américaine dans une cave deTikrit, huit mois après la chute de Bagdad. Il fut exécuté le 30 décembre 2006. JEUNE AFRIQUE


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ILS ONT DIT

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La semaine de J.A. Décryptage

« Les politiques ?

Bonobos Zapping au zoo

SADAKA EDMOND/SIPA

On dirait des artistes de variété ratés. Ils veulent quatre pages dans Paris Match avec maman et passent beaucoup de temps à expliquer dans les médias ce qu’ils ne font pas finalement. » BERNARD LAVILLIERS Rockeur français

« Il y a beaucoup de choses que j’aurais pu être, sauf pape, parce que je suis protestant ! » WOLFGANG SCHÄUBLE Ministre allemand des Finances

« Les Tunisiens restent ouverts au monde, les femmes s’habillent comme elles veulent. Les mosquées sont ouvertes et les bars aussi. »

JUSQU’OÙ IRONT les bonobos? Non contents de squatter nos écrans grâce à des documentaires animaliers dont ils sont devenus les vedettes, ces charmantsprimatesvontdésormais pouvoir… les regarder. S’affaler dans leurs branches devant un blockbuster américain, pleurer en regardant des comédies romantiques ou vibrer lors d’un match de foot autour d’une bonne bière, ils en rêvent! Sibienque,lorsquedeschercheurs ont décidé d’installer des télévisions dans la cage des bonobosduzoodeStuttgart,en Allemagne, afin d’étudier leur comportement, ces derniers ne se sont pas fait prier. Ils ont même participé à la première étape de l’expérimentation, qui s’est terminée fin novembre : savoir manier une télécommande et comprendre que

les boutons situés au bas du téléviseur servent à changer de chaîne. Nos proches cousins (plus de 98 % de gènes en commun avec l’homme) auront le choix entre plusieurs séquences filmées montrant certains de leurs congénères en train de manger, de se battre ou de s’accoupler. Pour Pretty Woman ou les dernières productions de Nollywood, il faudra attendre encore un peu… Les « cobayes » seront filmés vingt-quatre heures sur vingtquatre. Le but: connaître leurs préférences télévisuelles (une étude similaire menée dans un zoo britannique avait montré qu’ils se passionnaient pour les dessinsanimés)etsavoirqui,au seindugroupe,alederniermot sur le choix du programme du soir.Enprincipe,chezlesbonobos, ce sont les femelles qui commandent! ● HABY NIAKATE

RACHED GHANNOUCHI Chef d’Ennahdha (parti islamiste, au pouvoir)

« Hafez al-Assad avait chez lui, à Damas, les œuvres complètes de François Mitterrand à côté des photos de Gina Lollobrigida, qu’il vénérait. »

PICTURE PERFECT/REX F/REX/SIPA

ROLAND DUMAS Ex-ministre français des Affaires étran étrangères

« J’ai envie de chan changer de vie, de mener un une vie sobre. Je n’ai pas envie e de mourir. Je su suis un fils de pute. put J’ai fait plei plein de trucs m moches et j’ai envi envie qu’on me pardonne pardonne. » TYSON MIKE TYS champion Ancien cha américain de boxe (qui publie son so autobiographie) autobiograp

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Culture Islam-sur-Seine C’EST UNE BELLE IDÉE, que les années à venir mettront à l’épreuve. Le 28 novembre, le nouveau bâtiment de l’Institut des cultures d’islam (ICI) a été inauguré en grande pompe à Paris, dans le très africain quartier de la Goutte-d’Or. Bertrand Delanoë, le maire de la capitale, Daniel Vaillant, celui du 18e arrondissement, et Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, se sont félicités de ce projet « inédit » visant à « valoriser les cultures d’islam dans un quartier symbolique ». Porté par son énergique directrice, Véronique Rieffel, l’ICI a réussi à se faire remarquer grâce à une programmation artistique audacieuse. Son extension marque un tournant, puisque le lieu se divisera en salle de prière, salle d’exposition et hammam. Sans doute adeptes de la méthode Coué, Delanoë et Vaillant ont répété à l’envi qu’il s’agissait d’une « solution concrète et respectueuse du principe de laïcité contenu dans la loi de 1905 » pour répondre au problème de « l’islam des caves » et des « babouches sur le trottoir».Qualifiéde«grandbienfaiteurdel’islam»parBoubakeur, le maire de Paris a souhaité que la capitale « s’assume comme une ville-monde enrichie par toutes les cultures ». Si le coût du bâtiment est de 13,5 millions d’euros, la salle de prière a été vendue pour 2,2 millions à la Société des habous et lieux saints de l’islam, une association liée à la Grande Mosquée de Paris. Quand Daniel Vaillant assure dans le quotidien Le Monde que « la coexistence [du culte et de la culture] se fera en bonne intelligence, sans provocation d’un côté ou de l’autre », il soulève une bonne question. Un art qui ne provoquerait pas serait-il encore un art ? ● NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Décryptage

RD Congo Coup de bambou pour Bemba Quatre proches du chef du Mouvement de libération du Congo ont été arrêtés. Accusés de subornation de témoins, ils ont été transférés devant la Cour pénale internationale.

À

Kinshasa, début novembre, l’opposant Fidèle Babala Wandu, du Mouvement de libération du Congo (MLC, de Jean-Pierre Bemba), se satisfaisait d’une « certaine détente » dans les relations de sonpartiaveclepouvoir.Aupoint,confiaitil à J.A., que des discussions étaient en cours pour que le gouvernement accueille son mentor sur son territoire, au cas où la Cour pénale internationale (CPI) lui accorderait une liberté provisoire (Bemba y est détenu depuis 2008 pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Centrafrique). Arrêté à son domicile dans la nuit du 23 au 24 novembre, Babala s’est retrouvé en vingt-quatre heures à La Haye. Lors d’un coup de filet coordonné par la CPI, dont les agents étaient déployés depuis plusieurs jours à Kinshasa, trois autres proches de Bemba ont été arrêtés simultanément en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Parmi eux figure Aimé Kilolo Musamba, l’avocat principal de Bemba. Interpellé à l’aéroport de Bruxelles, il ne LE DESSIN DE LA SEMAINE

PETER DEJONG/AP/SIPA

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! Fidèle Babala Wandu, devant la CPI, à La Haye, le 27 novembre.

s’est pas opposé à son transfert à La Haye, indique une source proche de la défense. Les quatre hommes, qui risquent jusqu’à cinq ans de prison, sont soupçonnés d’avoir formé un réseau pour falsifier des documents et d’avoir tenté de corrompre des témoins à charge contre Bemba. COUP DE FILET. Alors que des discussions

étaient en cours, à Kinshasa, pour la formation d’un gouvernement d’ouverture incluant des figures de l’opposition, ce coup de filet pourrait briser « l’élan de confiance créé par les concertations nationales en septembre », souligne Thomas Luhaka, secrétaire général du MLC. Le groupe parlementaire, auquel

Babala appartenait, a d’ailleurs suspendu sa participation aux travaux de l’Assemblée nationale pour protester contre les conditions de son interpellation et « l’empressement » des autorités à le transférer. Kinshasa n’a fait que « respecter ses engagements internationaux », a pour sa part estimé Wivine Mumba, la ministre de la Justice. Depuis sa cellule, Jean-Pierre Bemba, qui espère toujours pouvoir se présenter à l’élection présidentielle de 2016, va devoir remanier son équipe. Lui-même visé par les charges de subornation de témoins, il voit ses espoirs de libération rapide – son entourage évoquait la mi-2014 – se dissiper. ● PIERRE BOISSELET Chappatte • Le Temps • Suisse FRANCE DESCENTE EN FLÈCHE

DES COURBES, des courbes et encore des courbes! Il y a celle du chômage, que François Hollande avait promis d’inverser avant la fin de 2013: las, en octobre, le nombre total de demandeurs d’emploi a continué d’augmenter (+ 0,8 %). Il y a celle de la croissance du PIB, difficile à rétablir (– 0,1 % au troisième trimestre). Et enfin celle de la popularité du président: fin novembre, seuls 29 % des Français avaient de lui une « bonne opinion ». Dur, dur! N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage JEUNEAFRIQUE.COM

ESTELLE MAUSSION/AFP

ARCHIVES J.A J.A.

RÉTRO

Il y a vingt ans s’éteignait Félix Houphouët-Boigny. Retour, en archives et en photographies, sur la vie et le parcours politique du « Vieux ».

FOCUS

Le 29 novembre 2012, la Palestine

accédait au statut d’État observateur non membre auprès de l’ONU. Quel parti en a-t-elle tiré, un an plus tard ? À LIRE AUSSI Le début de la fin du sida en Afrique

?

SONDAGE

JB Mpiana le 21 décembre au Zénith de Paris Un concert sous haute tension. Avez-vous pris vos billets ?

! Une des mosquées de Viana, banlieue de la capitale.

Angola Plus de buzz que de mal

L’espace de quelques heures, on a cru que Luanda interdisait l’islam. Si l’alerte était fausse, les réticences du pouvoir à l’égard de cette religion sont, elles, bien réelles.

I

l y a quelques jours, l’Angola a provoqué la stupeur. Des médias du mondeentierontannoncéquelepays interdisait l’islam, suscitant aussitôt une avalanche de critiques. Problème: la nouvelle était fausse, et les autorités n’ont d’ailleurs pas tardé à la démentir. À l’origine de ce quiproquo, des propos maladroits de la ministre de la Culture. « Toutes les sectes figurant sur la liste publiée par le ministère de la Justice ont interdiction d’exercer leur culte et doivent fermer leurs portes », avait indiqué Rosa Cruz e Silva le 19 novembre. Or, dans cette liste de 194 organisations, on trouve certes des sectes, mais aussi des Églises évangéliques et – ce qui explique le malentendu – une organisation musulmane. Ces congrégations n’ont pas été légalisées car elles ne remplissent pas les critères exigés (par exemple, recueillir 100000 signatures de fidèles, répartis sur les deux tiers du territoire). Reste qu’en pratique aucune sanction n’a été prise contre elles. LAXISME. Ancienne colonie portugaise,

DR

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l’Angola est un pays à forte tradition catholique. Mais ces dernières années, une myriade d’Églises ont fait leur apparition. Parmi elles, de nombreuses sectes,

dont le succès en inquiète plus d’un. Alors que le gouvernement est régulièrement taxé de laxisme envers elles, la ministre a voulu prouver qu’il n’en est rien… sans mesurer le tollé que ses propos allaient provoquer. Quoi qu’il en soit, cet épisode témoigne d’un certain malaise à l’égard de l’islam. « De nombreuses personnes l’associent au terrorisme », explique Siona Casimiro, rédacteur en chef du journal catholique O Apostolado. Un préjugé contre lequel se bat David Ja, le représentant de la communauté musulmane en Angola. « Nous ne sommes pas des intégristes, nous voulons simplement pouvoir pratiquer notre religion », affirme-t-il. Selon lui, ils seraient des centaines de milliers dans le pays – migrants venus d’Afrique de l’Ouest et Angolais convertis. Des chiffres non confirmés par les autorités. Enfin, si ces dernières assurent ne pas être en guerre contre l’islam, des fermetures et des destructions de mosquées ont eu lieu ces derniers mois à Luanda, Huambo (Centre-Sud) et Moxico (Est). Raison invoquée : l’absence de permis de construire ou d’autres documents administratifs obligatoires. ● ESTELLE MAUSSION, à Luanda JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Tour du monde ! Bangkok, 28 novembre, l’armée prend position devant le ministère de la Défense.

WASON WANICHAKORN/AP/SIPA

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THAÏLANDE

Épreuve de force

C

est aux cris d’« Idiote, démissionne! » que des centaines de milliers de Thaïlandais défilent depuis le 24 novembre dans les rues de Bangkok. L’idiote en question est le Premier ministre, Yingluck Shinawatra. Paysans, étudiants ou membres de la classe moyenne, les manifestants demandent le départ définitif du pouvoir de la puissante famille Shinawatra. Thaksin, le frère aîné de Yingluck, fut Premier ministre jusqu’en 2006. Condamné pour corruption en 2008, il vit en exil, mais continue de tirer les ficelles du gouvernement. Après avoir occupé plusieurs ministères (Affaires étrangères, Agriculture et Finances), puis encerclé celui de l’Intérieur, les manifestants ont coupé l’électricité du siège de la police nationale, en plein centre de la capitale, juste au moment où Yingluck Shinawatra appelait l’opposition à renouer le dialogue. La proposition a aussitôt été rejetée par Suthep Thaugsuban, le leader de la contestation, qui a au contraire réitéré son intention de faire tomber le gouvernement avant le 5 décembre, jour de la fête nationale et de l’anniversaire du roi. ● UKRAINE

La Russie reprend la main SOUMIS À D’INTENSES pressions russes, Viktor Ianoukovitch, le président ukrainien, n’a eu d’autre choix que d’annoncer le 21 novembre le report sine die de l’accord d’association avec l’Union européenne qu’il aurait dû signer huit jours plus tard lors du sommet de Vilnius, en Lituanie. Dans les principales villes du pays, d’imposantes manifestations proeuropéennes ont eu lieu N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

(100000personnesàKievle24novembre), mais elles ne doivent pas faire illusion : dans toute la frange occidentale de l’exEmpire soviétique (Arménie, Azerbaïdjan, Moldavie, Géorgie, etc.), Moscou est en train de reprendre la main. CHINE-JAPON

Le ton monte QUAND, EN 2012, le Japon a nationalisé les îles Senkaku (Diaoyu pour les Chinois), un archipel en mer de Chine orientale revendiqué par les deux pays, il ne s’attendait sûre-

ment pas à provoquer une telle escalade des tensions. Mais depuis, les provocations se succèdent. Des deux côtés. Dernière en date : le 23 novembre, la Chine a unilatéralement annoncé la création d’une « zone d’identification de la défense aérienne » incluant les récifs administrés par le Japon. Tollé immédiat à Tokyo, Séoul, mais aussi Washington. L’administration américaine a aussitôt envoyé deux bombardiers B-52 dans la zone aérienne chinoise. Pékin a rétorqué que son armée populaire attaquerait « tout appareil ne se déclarant pas et refusant de répondre à la radio une fois entré dans la zone ».

Le mot

ANOMALIE « La vie privée pourrait bien être une anomalie » : c’est la stupéfiante déclaration de Vinton Gray Cerf, l’un des inventeurs d’internet, aujourd’hui « évangéliste en chef de l’internet » chez Google Inc., le 20 novembre, devant la Federal Trade Commission (FTC), le « gendarme » américain de la concurrence. Avec le développement des réseaux sociaux, estime Cerf, le maintien de cette « anomalie » devient « de plus en plus difficile ». On avait compris.

RELIGION

Il y a vingt-sept siècles, Bouddha… AU COURS D’UN SONGE, racontent les textes anciens, la reine Maya vit un éléphant blanc pénétrer son flanc droit. Dix mois plus tard, accrochée aux branches d’un arbre dans les jardins de Lumbini, au Népal, elle donna naissance au prince Siddharta Gautama, futur Bouddha. Entre le VIe et le IVe siècle av. J.-C., ajoutaient, évasifs, les livres d’histoire. Le mystère est aujourd’hui levé. Des fouilles entreprises sous le temple Maya Devi, à Lumbini, ont permis de mettre au jour le plus ancien sanctuaire bouddhique connu, construit autour d’un arbre. Les analyses par luminescence et au carbone 14 ont permis de dater la naissance merveilleuse et l’émergence du bouddhisme au VIe siècle av. J.-C. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Ilya Naymushin • Reuters

J.O. D’HIVER

Natalia n’est pas frileuse CHAMPIONNE DE NATATION HIVERNALE, la Russe Natalia Ousacheva n’a pas froid aux yeux. Ni ailleurs. Raison pour laquelle, sans doute, elle a été chargée, avec d’autres, de porter la flamme olympique dans les eaux glacées de l’Ienisseï, un puissant fleuve sibérien. Allumée le 6 octobre à Moscou, ladite flamme, au terme d’un périple de 123 jours et de 65 000 km à travers la Russie, arrivera à Sotchi, sur la mer Noire, le 7 février 2014. Le lendemain commenceront les XXIIe Jeux olympiques d’hiver.

VENEZUELA

Ambiance électrique LA TENSION MONTE à l’approche des municipales du 8 décembre. Tandis que Henrique Capriles, le chef de l’opposition, dénonce une tentative d’incendie de sa voiture, José Chirinos, un candidat de la coalition de droite, a été tué par balle le 26 novembre dans l’État de Zulia (Nord-Ouest). Trois jours plus tôt, l’opposition avait organisé des manifestations dans les 335 villes que compte le pays pour protester contre l’octroi au président Nicolás Maduro de pouvoirs spéciaux lui permettant de gouverner par décret pendant un an. ITALIE

Ciao, Silvio! CONDAMNÉ À UN AN de prison ferme pour fraude fiscale dans l’affaire Mediaset (du nom de son groupe audiovisuel), Silvio Berlusconi, l’ancien président du Conseil, a été déchu avec JEUNE AFRIQUE

effet immédiat de son mandat de sénateur le 27 novembre – il a été plus lourdement condamné dans diverses autres affaires, mais des appels sont en cours. Inéligible pendant six ans et abandonné par une partie de ses partisans regroupés derrière Angelino Alfano, son ex-« fils spirituel », il ne se résout pas à « entrer au couvent » et a bien l’intention d’empoisonner la vie de ses « persécuteurs ». Mais, à l’âge de 77 ans, le temps joue-t-il en sa faveur ? EXPOSITION

Dubaï l’universelle RÉUNIS EN ASSEMBLÉE GÉNÉ RALE le 27 novembre à Paris, les représentants des 167 pays membres du Bureau international des expositions (BIE) étaient appelés à désigner la ville hôte de l’Exposition universelle de 2020. Après avoir froidement éliminé São Paulo (Brésil) au premier tour de scrutin, ils ont, au second, cédé avec enthousiasme aux arguments de l’opulente cité-État de

Dubaï, perle des Émirats arabes unis. Ekaterinbourg (Russie) et Izmir (Turquie), qui certes n’avaient pas démérité, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. ALLEMAGNE

Merkel III APRÈS S’ÊTRE ACCORDÉS avec le SPD sur le principe de l’instauration en 2015 d’un salaire minimum (8,50 euros de l’heure), les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU, grands vainqueurs des élections fédérales du 22 septembre, mais dont la majorité relative ne leur permet pas de gouverner seuls, espèrent pouvoir constituer rapidement avec leurs partenaires sociaux-démocrates un gouvernement de « grande coalition ». Le 17 décembre, Angela Merkel devrait donc être reconduite à la chancellerie pour un troisième mandat de quatre ans. Mais auparavant, il faudra que les militants du SPD ratifient par référendum l’accord conclu avec les conservateurs. Or la base renâcle… N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Grand angle

TUNISIE

Ce que vaut

vraiment

l’armée

Attaque de l’ambassade américaine par les salafistes, attentat de Sousse, lutte contre les jihadistes dans le mont Chaambi… Les militaires font face à de nouvelles menaces. Si la valeur de ses hommes n’est pas remise en question, la Grande Muette est pour l’heure fragilisée par les atermoiements politiques et le manque de moyens adéquats.

LAURENT TOUCHARD,

D Par

et

CHERIF OUAZANI, envoyé spécial à Tunis

epuis la fin des révolutions arabes, un danger beaucoup plus insidieux et dont la violence meurtrière est d’une froide efficacité a fait son apparition sur le territoire tunisien. Contre le terrorisme, les forces armées nationales semblent peu formées. Lacune qui se paie au prix du sang : une trentaine de militaires et de gardes nationaux ont été tués entre 2012 et 2013… Attaque de l’ambassade américaine, traque des jihadistes retranchés dans le mont Chaambi, attentat-suicide de la plage de Sousse : autant d’événements marquant la fin d’une époque pour l’armée tunisienne. Signes du malaise qui s’invite dans les rangs, les défections (et le départ à la retraite du chef d’état-major Rachid Ammar) et les critiques adressées – à tort ou raison – à la Grande Muette. Ces dernières sont vécues comme une injustice par de nombreux officiers supérieurs. Un ancien lieutenant-colonel des transmissions témoigne : « L’armée n’a-t-elle pas fait en sorte que la guerre civile en Algérie, au cours des années 1990, ne déborde jamais sur notre territoire? Cette même armée n’a-t-elle pas géré au mieux la révolution de 2011 ? Les conséquences de la déflagration libyenne n’ont-elles pas été limitées? Des cadres de valeur sont toujours en place », conclut-il. De fait, la qualité des personnels n’est pas remise en question. Elle a – et a toujours été – convenable. Le pays dispose d’écoles nationales d’un bon niveau, et, en outre, de nombreux militaires complètent leur formation à l’étranger, dans les centres les plus réputés. À titre d’exemple, 4 600 d’entre eux sont passés par les académies et les centres d’instruction américains depuis 1956. Officiers et sous-officiers sont compétents et maîtrisent le matériel. Les appelés, qui constituent l’essentiel de l’armée de terre, sont bien encadrés. ●●●

u Académie militaire de Fondouk Jedid. Les jeunes recrues devront se former aux techniques antiterroristes.


NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM


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Grand angle Tunisie En revanche, l’armée manque de moyens matériels, et ceux dont elle dispose sont globalement inadaptés pour combattre le terrorisme. Si les chars ont leur utilité quand l’ennemi mène une guerre de type hybride, leur usage perd toute sa pertinence face à un adversaire « asymétrique », insaisissable. Les blindés légers sont plus appropriés (et plus économiques) pour mener des patrouilles. Toutefois, ils sont vulnérables face aux engins explosifs improvisés et aux armes antichars portatives. L’aviation souffre elle aussi de limitations : munitions d’une précision insuffisante, hélicoptères peu protégés face aux tirs d’armes légères, absence de drones… ●●●

RENSEIGNEMENTS. Cette situation a contraint

les décideurs politiques à augmenter de 135 millions d’euros le budget de 2014 – qui s’élevait à 542,9 millions d’euros en 2013. Une manne qui permettra de moderniser et d’acquérir des équipements en adéquation avec les missions à mener, notamment des hélicoptères. Tunis négocie ainsi l’achat de six appareils Eurocopter EC725 Caracal qui travailleront avec les forces spéciales et les commandos tunisiens. Emportant jusqu’à 28 hommes, disposant de blindage, l’appareil peut opérer de nuit. Ce sont les mêmes qu’utilise l’unité aérienne de la Direction générale de la sécurité extérieure française. Si toutefois les négociations sur le prix échouent, Tunis optera pour une douzaine d’UH-60 (transportant 11 hommes et moins performants). Ces sommes permettront aussi de financer des programmes d’entraînement réalistes et de créer 8 700 postes (militaires et soutien administratif ). L’armée devra par ailleurs axer ses efforts sur la collecte d’informations et leur traitement. Lors de son départ à la retraite, en juin 2013, Rachid Ammar, héros ou mythe de la révolution, a dressé un constat alarmant : « Nous ne disposons pas de services de renseignements dignes de ce nom, et

p En mai dernier, les militaires (ici félicités par le président Moncef Marzouki, à Kasserine) ont dû affronter des jihadistes repliés dans le mont Chaambi.

L’armée est le pilier de la révolution, elle a choisi de défendre le peuple et non le régime et s’est portée garante du processus électoral postrévolution. Le gouvernement d’Ennahdha lui en est reconnaissant. Nous avons amélioré les conditions sociales des militaires, nous avons mobilisé la diplomatie tunisienne pour obtenir l’aide de l’Algérie, de la Turquie, du Qatar et de l’UE. Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

tant que nous n’en posséderons pas, la Tunisie sera menacée de “somalisation”. » Sous le sceau de l’anonymat, un général en poste tempère les propos de son ancien boss: « Il a raison de tirer la sonnette d’alarme, mais il a sciemment exagéré le péril. » ATERMOIEMENTS. Mais les faits sont têtus. Si les

échanges dans le domaine du renseignement avec des organismes étrangers (notamment les pays voisins) se sont intensifiés, l’armée n’est dotée d’aucune structure pour le traitement et l’analyse du renseignement. Il y a bien l’Institut tunisien d’études stratégiques (Ites), cependant il n’est pas rattaché au commandement de l’armée mais à Carthage, dont le locataire est le chef suprême des armées. Cette curieuse décision a été prise, au début des années 1990, par le président déchu Zine el-Abidine Ben Ali. Il a éloigné ce centre de sa vocation pour en faire un appendice de la police politique destiné à contrecarrer les initiatives de l’opposition. La révolution n’a en rien amené le pouvoir à corriger cette aberration. Le centre est toujours sous la coupe du Palais et est dirigé par Tarek Kahlaoui, un universitaire se réclamant du parti du président Moncef Marzouki. D’une manière générale, les atermoiements politiques inquiètent l’armée tunisienne. « On ne minimise pas la menace [jihadiste], affirme le colonel-major Mokhtar Ben Nasr, mais elle demeure gérable, du moins jusqu’à présent. Le dispositif mis en place aux confins algériens et libyens a fait ses preuves et empêche toute incursion massive de terroristes ou de miliciens libyens. JEUNE AFRIQUE


Ce que vaut vraiment l’armée

Soldat, et plus encore Les militaires assurent également des missions dans le domaine civil. Ils sont bien souvent le dernier recours en cas de catastrophe.

AFP

P

En revanche, la crise politique qui s’éternise nous prive d’un exécutif légitime capable de prendre des mesures afin de restructurer notre armée et de l’adapter aux nouvelles menaces. » L’institution militaire a donc décidé de s’appuyer sur un allié de poids. Depuis la révolution, le général américain Carter Ham, patron de l’Africom, s’est rendu à quatre reprises à Tunis pour échanger avec le commandement de l’armée. Un témoin raconte que lors d’une réunion à l’état-major, le visiteur interroge : « Que peut-on faire pour vous aider dans la lutte antiterroriste ? » La réponse le surprend : « Nous n’avons besoin ni d’avions ni de chars pour mener cette bataille. Vous pouvez continuer à nous aider comme auparavant [entre 1 et 2 millions de dollars par an sous forme de pièces de rechange, de matériel non sophistiqué, mais aussi de formation d’officiers dans le domaine du renseignement, NDLR]. En revanche, si vous voulez consolider une armée qui a donné la preuve de son attachement aux valeurs de la République dans un État qui a fait le choix de la démocratie, vous pouvez nous accompagner pour élaborer un plan quinquennal de modernisation et de réorganisation adéquat pour lutter contre les nouvelles menaces. » Conscientes de leurs faiblesses, les forces armées tunisiennes se lancent ainsi sur tous les fronts : professionnalisation et modernisation, action militaire renforcée dans les villes, en milieu rural et aux frontières désertiques. Loin d’être gagnée, la bataille contre le terrorisme n’est cependant pas encore perdue. ● JEUNE AFRIQUE

our les Tunisiens, c’est une évidence : « En cas de coup dur, on peut compter sur les militaires! » Et pour cause. L’armée est largement intervenue en dehors de sa mission première (la défense du pays) pour des opérations dans le domaine civil, mettant à disposition hommes, savoir-faire et équipement. Les troupes reçoivent par exemple une formation pour agir en cas de catastrophe naturelle, comme lors des inondations spectaculaires qui ont touché la région de Jendouba (Nord-Ouest) en 2012 et en 2013. Si depuis la révolution de 2011 la Grande Muette est également sur le terrain pour assurer la protection d’institutions publiques et civiles telles que les banques, certaines de ses actions peuvent encore surprendre. Quand la main-d’œuvre vient à manquer, les troupes militaires peuvent être amenées à sécuriser la récolte des olives (contre le vol) et même à en effectuer la cueillette sur les terres appartenant à l’État, comme dans le domaine du Chaal, à Sfax. Participer au développement socio-économique de la Tunisie fait ainsi partie des prérogatives du

ministère de la Défense. La plantation de palmiers dattiers, pour la mise en valeur de 2 500 ha à Rjim Maatoug (Grand Sud), et qui a été ensuite attribuée à des habitants, en est un autre exemple. Créer un cordon vert et donner des moyens de subsistance à la population locale est aussi une manière de sécuriser les zones désertiques et d’assurer un développement équitable des régions. FIERTÉ. L’armée est aussi connue

pour le niveau des prestations qu’elle offre en matière de santé. Les hôpitaux militaires de Tunis, de Gabès, de Bizerte et de Kairouan sont parmi les rares établissements publics à être des références en matière de formation et de soins. Selon le personnel médical, « avec l’armée, on travaille dur, mais il n’y a pas de dysfonctionnements ». Ce service public reste une fierté des troupes et participe à leur bonne image auprès des Tunisiens. Des musées sont d’ailleurs consacrés à l’histoire de la Grande Muette et à son implication dans la construction de la Tunisie moderne et républicaine. ● F.D.

BOURGUIBA ET L’ARMÉE LE RAPPORT entre le pouvoir et la Grande Muette n’a jamais été simple. Les putschs militaires intervenus dans de nombreux pays africains et arabes au lendemain des indépendances alimentent les craintes de Habib Bourguiba, leader de la lutte nationale enTunisie. Cependant, il considère que la jeune armée tunisienne, fondée en 1956, est un emblème national, moderne et fédérateur qui s’intègre à sa vision républicaine, d’autant qu’elle a fait ses preuves dès 1958 lors du bombardement français de Sakiet SidiYoussef et lors de la bataille de Bizerte, en 1961. En outre, dans un contexte de crise économique et de mécontentement général, la tentative de coup d’État de 1962 fomentée par huit officiers et des civils du mouvement yousséfiste change le rapport entre Bourguiba et l’armée. Il ne la dote pas de grands moyens, continue d’en faire une institution républicaine et s’assure de ne pas lui donner de visibilité. Conséquence : l’armée tunisienne est une zone d’ombre dans le paysage des institutions. Une situation qui F.D. s’est perpétuée sous Ben Ali. ● N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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p Tout officier voulant se hisser au sommet de l’institution doit faire ses classes à l’académie militaire de Fondouk Jedid. FORMATION

Parcours balisé Grandes écoles, épreuves de terrain, fonctions dans divers services… L’accession au haut commandement est l’aboutissement d’un itinéraire long d’une vingtaine d’années.

A

ssumer le haut commandement de l’armée de terre, de l’air, ou de la marine dépend d’un parcours balisé, qui débute dès que les candidats officiers entament leur formation à l’Académie militaire de Fondouk Jedid. Les meilleurs empruntent la voie royale, qui passe par l’École supérieure de guerre (aujourd’hui ouverte à des militaires d’autres pays du continent) puis par l’Institut de défense nationale. Un enseignement pointu en matière de défense, de stratégie et de

géopolitique et qui forme une élite triée sur le volet. Les cinq premiers de chaque promotion et de chaque corps complètent leur instruction, selon une tradition établie depuis l’indépendance de la Tunisie et les accords bilatéraux, en France, au Collège interarmées de défense ou à Saint-Cyr, mais aussi aux États-Unis, principalement à West Point ou à l’Académie navale d’Annapolis. Mais ils doivent aussi faire leurs preuves sur le terrain pour gravir les échelons de la hiérarchie et assument, en conséquence, dès leur retour en Tunisie,

L’ÉNIGME RACHID AMMAR HOMME CLÉ du 14 Janvier, il aurait tenu tête à Ben Ali en refusant que l’armée tire sur le peuple lors des émeutes précédant la révolution de 2011. Au début de la crise, sa présence, indispensable dans la salle de commandement du ministère de l’Intérieur, avait permis que l’armée assure la sécurité des citoyens et de leurs biens. Héros national dès février 2011 en assurant être garant de la réussite de la révolution, il est promu chef d’état-major N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

interarmées, malgré ses désaccords avec le président Moncef Marzouki, chef suprême des forces armées. Le 24 juin 2013, il annonce, en direct à la télévision, faire prévaloir ses droits à la retraite mais, malgré un discours de trois heures, laisse le public sur sa faim quant aux motifs de son départ soudain. Depuis, il reste sur la réserve, s’est installé en Belgique et a annoncé qu’il ne prendrait pas la parole pendant les dix prochaines F.D. années. ●

des missions opérationnelles et le commandement d’unités spéciales. Le général de brigade Mohamed Salah Hamdi, chef d’état-major de l’armée de terre, le général de brigade Béchir Bédoui, chef d’état-major de l’armée de l’air, le vice-amiral Mohamed Khamassi, chef d’état-major de la marine nationale, et le général de brigade Nouri Ben Taous, directeur général de la Sécurité militaire, ont tous emprunté ce parcours de longue haleine puisqu’il faut, en moyenne, entre quinze et vingt ans de carrière pour sortir des rangs et se distinguer comme candidat potentiel à un haut commandement. Durant ce temps, ces inconnus du grand public se familiarisent avec les méthodes les plus modernes, dirigent bien souvent des centres de formation ou assument le rôle de conseiller auprès du ministère de la Défense. S’ils connaissent intimement les rouages de l’armée et se plient aux ordres, ces acteurs majeurs dans les coulisses des forces armées ont aussi une approche des relations internationales et sont familiers des réseaux régionaux et arabes lorsqu’ils occupent des postes d’attachés militaires dans des capitales arabes. Le chef d’étatmajor de l’armée de terre et le directeur général de la Sécurité militaire étaient d’ailleurs à Tripoli en 2012, celui de l’armée de l’air à Abou Dhabi, tandis que le viceamiral a participé à diverses missions, notamment aux opérations de coordination avec des pays européens pour la lutte contre l’immigration clandestine. ● FRIDA DAHMANI JEUNE AFRIQUE


Ce que vaut vraiment l’armée

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-

PORTRAITS

Le grand ménage L’été dernier, le président Moncef Marzouki a renouvelé la quasi-totalité des gradés. Présentation.

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Grand angle Tunisie

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TRIBUNE

Opinions & édiitoriaux

Une nouvelle stratégie pour la lutte antiterroriste

ONS ABID POUR J.A.

L LE COLONELMAJOR MOKHTAR BEN NASR Ex-porte-parole de la Défense nationale

A LUTTE ANTITERRORISTE est longue et coûteuse: c’est une guerre contre un ennemi insaisissable, car furtif, ayant l’avantage de choisir le moment, le lieu et la cible, disposant du temps nécessaire pour planifier et agir. La gagner requiert une stratégie déterminant les menaces, identifiant l’ennemi, mobilisant les moyens disponibles, hiérarchisant les priorités. La finalité est d’empêcher les terroristes d’attaquer les sites sensibles, les biens et les personnes, de, globalement, menacer l’État. Cela passe par la création d’un environnement inhospitalier pour cet ennemi et ceux qui le soutiennent. Cette mission se décline selon trois grands axes : combat, prévention, coordination. L’action de combat est une action urgente et prioritaire, qui doit être menée simultanément dans plusieurs domaines : sécuritaire, judiciaire, religieux, diplomatique, politique et médiatique. Notre propos concerne le volet sécuritaire. Connaître l’ennemi est une règle importante dans le combat, mais notre connaissance reste aujourd’hui incomplète malgré les efforts consentis. La pluralité de nos structures de renseignement impose une parfaite coordination de leurs actions au niveau local et un élargissement de leur coopération à l’international. Objectif : mieux comprendre les intentions et les techniques de l’ennemi. Face à cette menace globale, la méthode classique de renseignement, qui consiste en la collecte d’information sur les effectifs, les types et les volumes de l’armement de l’adversaire, a montré ses limites. Déjouer les projets d’attentat passe par l’anticipation. Cela nécessite de procéder au renouvellement des méthodes de collecte de l’information, d’orienter les moyens sur les champs du recrutement, de renforcer l’entraînement, d’infiltrer la chaîne de commandement de l’ennemi pour déterminer les modes opératoires choisis, de démanteler ses sources de financement et de contrôler sa communication. Il faut s’approprier la technologie nécessaire et les logiciels adéquats qui permettent l’analyse de ces informations. Des pays voisins (Algérie, Libye) et amis (pays de l’Otan, dont la France et les États-Unis) disposent d’une solide expérience dans les techniques de guérilla, d’écoute et de moyens sophistiqués. Il faut multiplier les échanges de renseignements

avec ces pays et renforcer nos ambassades avec un personnel qualifié. L’action de prévention doit permettre de détecter les failles dans la sécurité des sites sensibles, de former les gardiens civils de ces structures sur les techniques de guet et d’alerte, et de défense rapprochée. L’idéal serait que les sociétés de gardiennage recrutent d’avantage parmi les vétérans des forces de l’ordre et les ex-militaires, et qu’ils se dotent de matériel adéquat pour la réussite de cette mission de protection, ce qui permettrait aux forces de sécurité de se concentrer sur la traque de l’ennemi. Par ailleurs, nulle stratégie ne saurait être efficiente sans une adaptation de la législation. L’ensemble de la classe politique est tenu de prendre une position ferme à l’égard du terrorisme: responsabiliser les partis, cultiver le sens de l’intérêt national et interdire toute formation politique qui ne condamnerait pas le recours aux armes contre l’État. Pour atteindre des résultats probants, l’élaboration d’un plan directeur est une exigence de l’heure, sur la base d’une parfaite coordination entre les différents départements de l’État et les segments de la société.

Ne jamais négocier avec les terroristes tant qu’ils ne renoncent pas à la violence.

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Annihiler durablement la menace terroriste passe donc par une stratégie nationale multidimensionnelle – politique, sécuritaire, juridique, économique, sociale et culturelle. Cela passe par le renforcement des capacités de notre institution militaire et de celles de l’ensemble des forces de sécurité. C’est la priorité, car le temps joue au profit des cellules terroristes : nous devons les détruire tant qu’elles sont en phase de formation et avant qu’elles ne se consolident, établissent des fiefs imprenables ou ne s’implantent en milieu urbain. Parallèlement, il faut lutter contre tout type de trafic, de crime organisé et de contrebande qui constituent les principales sources de financement du terrorisme. Des opérations de sensibilisation doivent enfin être menées pour convaincre le peuple que ce combat n’est pas celui des institutions mais celui de tous, avec pour doctrine inaliénable : ne jamais négocier avec les terroristes tant qu’ils ne renoncent pas à la violence. ● JEUNE AFRIQUE


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Afrique subsaharienne

GABON

Tour de

chauffe u L’opposition avait conditionné sa participation au scrutin à l’adoption de la biométrie.


Afrique subsaharienne Les électeurs sont appelés aux urnes le 14 décembre pour choisir leurs conseillers municipaux. L’occasion ou jamais, pour l’opposition comme pour la majorité, de confirmer un ancrage local avant la présidentielle de 2016. ÉLISE ESTEBAN, à Libreville

ANTOINE LAWSON/REUTERS

P

endant des mois, l’opposition a Ndong, espèrent encore obtenir la réhabilitation tergiversé, dénoncé les risques du parti. Après avoir épuisé les recours devant la de fraude et menacé de bouder justice gabonaise, ils ont tenté de faire du lobbying le scrutin. Puis il lui a fallu se faire auprès de la Commission de l’Union africaine, une raison, sa principale revendià Addis-Abeba. Mais en attendant un éventuel cation depuis 2006 étant satisfaite : arbitrage de l’organisation panafricaine, ils sont pour la première fois, les Gabonais, qui éliront pieds et poings liés. Le chef de l’État a bétonné le le 14 décembre leurs conseillers municipaux dispositif légal pour neutraliser ses adversaires : et départementaux, le feront sur la base d’un une loi de 2011 interdit notamment aux fondateurs fichier biométrique. Les adversaires d’Ali Bongo d’une formation politique dissoute de former un Ondimba ont donc fait volte-face, fin août, et nouveau parti ou d’exercer des responsabilités encouragé leurs compatriotes à s’inscrire sur dans un parti existant pendant cinq ans. Dans le les listes électorales. Ne pas y aller aurait été cas présent, l’interdiction court jusqu’à 2016… une erreur. Les législatives de 2011, boycottées par l’opposition, avaient offert une écrasante RAPPORTS DE FORCE. Pour l’UN, si une seule victoire au parti présidentiel (114 députés sur 120 ville devait être conquise lors des municipales, à l’Assemblée nationale). Écornant ce serait sans doute Oyem, bastion de l’ethnie fang, son vivier à peine sa crédibilité. Affaiblis, électoral. En 2008, le PDG avait Face au tout-puissant Parti démodivisés, les réussi à rafler la mairie, traditioncratique gabonais (PDG), l’objectif adversaires au nellement acquise à l’opposition. de l’opposition est double : retrouver une légitimité et un ancrage local Cette fois, Vincent Essono Mengue, chef de l’État avant la présidentielle de 2016. La ex-ministre et ancien maire resté se cherchent tâche ne sera pas facile. « Nous populaire, bénéficie du soutien toujours un sommes obligés de nous présenter d’Eyéghé Ndong sous la bannière en indépendants. C’est un handicap. d’indépendant. Avec des chances messie. Cela nous rend moins visibles pour sérieuses de l’emporter. L’autre grand courant de l’opposition, nos électeurs, et on n’a droit à aucune aide de l’Union du peuple gabonais (UPG), de Pierre l’État », fulmine un cadre de l’Union nationale (UN), principal parti d’opposition. Officiellement Mamboundou, ne se porte pas mieux. L’UPG ne dissous depuis 2011, il présentera une quarans’est toujours pas remise de la mort de son leader, taine de listes aux locales de décembre. en 2011, et aucune figure n’a émergé depuis. Depuis deux ans, les cadres du parti sont trop BARONS. Après la présidentielle de 2009, qui a occupés à s’entredéchirer sur la question de son vu Ali Bongo Ondimba succéder à son père, l’UN héritage… Seul espoir symbolique, à portée de incarnait une alternative au pouvoir en place. main pour l’UPG : conserver la ville de Ndende Bien que fondé par d’anciens barons du régime, (Sud-Ouest), fief historique de Mamboundou, le parti avait réussi à fédérer le mécontentement où sa veuve est tête de liste. des Gabonais qui espéraient du changement À Port-Gentil, capitale économique du pays après quarante et un ans de règne sans partage. et bastion de l’opposition dirigé par une alliance L’espoir a été de courte durée. L’obstination de majorité-opposition depuis 2008, il n’y a guère son leader, l’ex-ministre de l’Intérieur André Mba que le Parti pour le développement et la solidaObame, à contester sa défaite à la présidentielle rité sociale (PDS), de Séraphin Ndaot, qui puisse a mené l’UN à sa perte. En s’autoproclamant faire obstacle au maire sortant, Bernard Aperano président début 2011, il s’est attiré les foudres de (PDG). Mais faute d’avoir su nouer des alliances, son adversaire. L’UN a été dissoute. Depuis deux les différentes formations d’opposition pourraient ans, Mba Obame a dû abandonner la politique bien faire le jeu du parti présidentiel. Car Ndaot en raison de problèmes de santé qui l’ont lourdeaffrontera, outre le candidat du PDG, les représenment handicapé. L’absence de ce fort en gueule tants de l’UPG et ceux de deux listes indépendantes. se fait aujourd’hui cruellement ressentir au parti. « Sans stratégie commune de l’opposition, le PDG, Dans la perspective de 2016, les cofondateurs très bien organisé dans les provinces, pourrait de l’UN, son président Zacharie Myboto et les exs’imposer comme arbitre », avertit le politologue Premiers ministres Casimir Oyé Mba et Jean Eyéghé gabonais Wilson-André Ndombet, avant d’ajouter, N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Afrique subsaharienne Gabon un brin moqueur : « L’opposition est toujours à la recherche d’un messie. » Face à la confusion qui règne dans les rangs adverses, le PDG compte bien conforter son hégémonie. « Nous sommes totalement confiants. Les ingrédients sont réunis pour que nous puissions gagner », affirme le secrétaire général du parti, Faustin Boukoubi. Le PDG a même décidé de faire cavalier seul dans la quasi-totalité des circonscriptions, se passant ainsi des autres partis qui composent la majorité présidentielle. En réalité, les PDGistes sont davantage préoccupés par les rapports de force internes au parti. Le renouvellement générationnel voulu par le président (et confirmé lors du congrès du PDG en avril) fait grincer des dents chez les caciques du régime. « Les élections locales sont l’occasion d’écarter la vieille garde pour mettre en avant les jeunes cadres du parti », explique le sociologue gabonais Anaclet Bissielou. En ce sens, la récente éviction du maire sortant de Libreville, Jean-François Ntoutoume Emane, figure de la vie politique gabonaise depuis près de trente ans, a fait l’effet d’une bombe. Personne ne s’attendait à voir partir cet ancien Premier ministre de 74 ans qui fut l’un des principaux idéologues du régime d’Omar Bongo Ondimba. « Jacky mille diplômes », comme le surnommaient les Gabonais, n’a pas obtenu l’investiture pour diriger la liste du 5e arrondissement de Libreville (son fief traditionnel). Se sentant visés, de nombreux caciques autre f o i s i n d éb oulonnables tentent de s’accrocher à des postes électifs. « Les tensions ont toujours régné dans notre pays à l’approche des élections, de surcroît quand il s’agit de scrutin de listes où chacun a des ambitions. Mais elles finissent toujours par retomber car les uns et les autres respectent la discipline du parti », minimise Faustin Boukoubi. Anaclet Bissielou livre une autre analyse : « Tout ce beau monde ne se bat pas pour les conseils municipaux et

départementaux : tous lorgnent en fait le Sénat, dont les représentants seront élus dans la foulée des municipales. C’est une question de vie ou de mort politique. Sans cela, il n’y aura pas de placard doré pour les accueillir comme au temps d’Omar Bongo. »

À Libreville, c’est l’un des favoris…

AMBITIONS. Parmi eux, la puissante Laure Olga

Début décembre, il était l’un des rares candidats ouvertement déclarés à la mairie de Libreville. À 67 ans, Jean Eyéghé Ndong, Premier ministre sous Omar Bongo Ondimba, a rejoint les adversaires du chef de l’État. Mais pourrait quand même avoir reçu son aval… Un joli coup, si l’information était confirmée, et qui fragiliserait plus encore l’opposition.

WILS YANICK MANIENGUI/AFP

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Gondjout, actuelle secrétaire générale de la présidence, qui atteindra l’âge du départ à la retraite (59 ans) en décembre. Elle se présente comme tête de liste dans le 3e arrondissement de Libreville et pourrait briguer la mairie de Libreville, voire la présidence du Sénat. D’autres figures PDGistes, comme l’ancien Premier ministre Paul Biyoghé Mba, actuel président du Conseil économique et social, pourraient partager des ambitions similaires. Mais prendront-ils le risque d’échouer et de se retrouver en position de faiblesse face à la jeune garde de l’entourage présidentiel ? Reste une grande inconnue : la bataille de Libreville. Eyéghé Ndong (indépendant, ex-UN), tête de liste dans le 2e arrondissement, est l’un des rares candidats déclarés à la mairie. La presse gabonaise présente déjà le dernier Premier ministre d’Omar Bongo Ondimba comme le favori. Il pourrait affronter des figures du PDG, comme Laure Olga Gondjout (3 e arrondissement) ou Alexandre Barro Chambrier (2e arrondissement). Mais les dessous de sa candidature restent flous. La présidence a indiqué qu’une rencontre avait eu lieu entre le chef de l’État et l’opposant la veille de son annonce. « Ma déclaration de candidature n’a aucun rapport avec le fait que j’aie ou non rencontré le président », proteste Eyéghé Ndong, balayant les soupçons pesant sur l’existence d’un « deal » avec le pouvoir afin de s’assurer un poste confortable. Eyéghé Ndong, maire de Libreville ? « Pourquoi pas, estime le politologue Wilson-André Ndombet. Pour le PDG, le faire revenir dans le giron du pouvoir serait une manière de fragiliser davantage l’opposition. » l

LA BIOMÉTRIE ? UNE GRANDE PREMIÈRE LA MISE EN PLACE de la biométrie est une première au Gabon. Pour inscrire l’ensemble du corps électoral gabonais sur un fichier recensant photos et empreintes digitales en août et septembre, l’État a fait appel à l’opérateur Gemalto : près de 580 000 électeurs ont été N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

officiellement enregistrés, sur une population estimée à 1,5 million de personnes. Un chiffre « bien au-delà des prévisions », s’est félicité le ministre de l’Intérieur, Jean-François Ndongou, tout en reconnaissant que le processus avait connu un « démarrage laborieux ». l É.E. JEUNE AFRIQUE



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Afrique subsaharienne HISTOIRE

Un rêve un peu fou Histoire générale de l’Afrique, c’est un ouvrage autant qu’un projet politique. Les pères fondateurs de l’OUA souhaitaient une discipline enseignée de la même manière sur tout le continent. C’était il y a cinquante ans, mais le chemin est encore long.

L

intitulé de la rencontre qui s’est tenue fin octobre à Accra est kilométrique : conférence régionale sur l’utilisation d’Histoire générale de l’Afrique dans les institutions africaines d’enseignement supérieur. Au rendez-vous, près d’une centaine d’historiens, professeurs, recteurs d’université et autres spécialistes venus des quatre coins du continent, du Brésil, des Antilles françaises et des ÉtatsUnis. Maître d’œuvre : l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), mandatée par l’Union africaine (UA). Le choix du Ghana n’est pas un fait du hasard. C’est le pays de Kwame Nkrumah, l’un de ceux qui ont cru jusqu’au bout au panafricanisme et qui ont organisé, en 1962, le premier congrès international des africanistes. À Accra, la capitale, a été construit un mémorial dédié à l’un des pères du panafricanisme, William Edward Burghardt Du Bois, né américain, mort ghanéen, ici, en 1963. Il y a aussi l’avocat d’origine trinidadienne George Padmore, ami de Nkrumah, militant panafricaniste dont on peut voir la tombe dans la cour d’une bibliothèque d’Accra qui porte son nom. Même Elmina, petite ville côtière où la conférence s’est poursuivie, est chargée d’histoire : celle de la traite négrière, bien sûr, mais aussi celle d’Amo Guinea Afer, né dans la région et qui fut le premier Africain noir à avoir soutenu

une thèse de philosophie (en latin), dans les années 1720 en Allemagne. CONNAISSANCE MUTUELLE. La confé-

rence d’Accra et d’Elmina a poursuivi plus d’un objectif, comme le souligne Ali Moussa Iye, chef de la section histoire et mémoire pour le dialogue à l’Unesco : « Il s’agit de discuter des possibilités de renforcer l’utilisation d’Histoire générale de l’Afrique dans l’enseignement et d’harmoniser cet usage dans les différentes régions du continent dans une optique d’intégration. Ensuite, réfléchir à la formation des enseignants chargés de dispenser des cours dans le primaire, les collèges et les lycées. Enfin, voir comment rendre disponibles et accessibles les volumes d’Histoire générale de l’Afrique dans les centres de documentation, les bibliothèques nationales et universitaires, non seulement sous la forme papier mais également en recourant à l’électronique. » L’idée était de tout remettre à plat L’idée de doter l’Afrique et de sortir d’une vision héritée d’une histoire commune de la colonisation. conçue par les Africains et enseignée partout remonte à 1964, juste un an après la création les choses à plat. C’est ainsi que naquit de l’Organisation de l’unité africaine le projet de rédaction d’une histoire (OUA). Les dirigeants africains, soucieux générale de l’Afrique, dont la réalisation de favoriser la connaissance mutuelle fut confiée à l’Unesco. « Ce fut un travail de leurs différents peuples et de sortir de très longue haleine dont la première d’une vision du continent héritée de la phase, celle de la planification, de la colonisation, décidèrent de remettre mise au point et de l’articulation de l’ouvrage et de ses différents volumes, a occupé une bonne partie de la décenUN LIVRE PEU CONNU ET DIFFICILE À TROUVER nie des indépendances, au tournant LE BRÉSIL est le seul des années 1960, et qui ne s’est termile président de Histoire générale de née qu’en 1999 avec la publication du pays où Histoire l’époque, Lula da Silva, l’Afrique dans leurs volume 8 », rappelle l’historien Elikia générale de l’Afrique est avait fait voter une loi bibliothèques M’Bokolo, président du comité scienutilisé comme outil rendant obligatoire cet nationales et tifique d’Histoire générale de l’Afrique. pédagogique à tous les enseignement. La universitaires. L’Unesco La vocation de ce travail accompli par niveaux. En 2003, traduction portugaise n’a plus de stock l’Unesco était de « servir de base à un compte tenu de de l’ouvrage a été disponible, les renouveau complet de l’enseignement l’existence d’une financée par Brasília. En 6800 volumes qui lui de l’histoire en Afrique ». Mais la mise importante Afrique, seuls le Ghana, restaient ayant été en valeur pédagogique du produit n’a communauté le Bénin, le Kenya, détruits à cause de pas suivi. Pis, il n’est pas suffisamment brésilienne l’Ouganda, laTanzanie coûts de stockage T.L.M.K. connu du public. d’ascendance africaine, et l’Afrique du Sud ont onéreux. l

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JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

GABRIELA BARNUEVO/AP/SIPA

important, où l’affirmation de l’identité nationale est essentielle compte tenu des expériences du passé. Là, c’est l’histoire contemporaine qui est privilégiée. Dans d’autres cas, l’accent est mis surtout sur un besoin d’approfondir la connaissance des anciens empires. Sans parler de ceux qui entretiennent des rapports conflictuels avec le passé colonial. » Prenant l’exemple du Mali, l’historien rappelle qu’il fut une époque où l’enseignement de l’histoire avait été supprimé dans les filières scientifiques. À en croire Doulaye Konaté, il y a dans les pays francophones une histoirerécit où on loue les grandes figures pour conforter le sentiment national.

p Le mémorial Kwame-Nkrumah, à Accra, où s’est tenue la conférence de l’Unesco.

Arriver à faire partager à tous les étudiants du continent une même réalité historique sera, pour le moins, un parcours du combattant pour plusieurs raisons. D’abord, sur le plan pratique, l’organisation des études n’est pas la même. Actuellement, tous les pays privilégient l’enseignementdel’histoirenationale,mais l’histoire du continent est enseignée de façon erratique. Ensuite, il n’y a pas homogénéité dans la considération accordée

à l’histoire. Dans certaines universités, l’histoire est une faculté à part entière, alors que dans d’autres c’est un département de la faculté des sciences sociales. Il en est de même de la manière dont différents pays la considèrent. Le Malien Doulaye Konaté, président de l’Association des historiens africains : « Notre rapport à l’histoire a été très influencé par la façon dont les colonisateurs ont procédé. Il y a des pays où les questions identitaires jouent un rôle

À l’écoute des médias

Pour tout connaître de l’audience et des comportements médias

TRADUCTION. L’Afrique sera-t-elle le premier continent au monde à réussir le pari de voir toute sa jeunesse partager le même savoir en matière de connaissance du passé? Les participants à la conférence d’Accra et d’Elmina y croient, tout en se demandant si les dirigeants politiques à la base de cette initiative iront jusqu’au bout de leur logique. D’autant que l’Unesco, de plus en plus démunie, attend de leur part des gestes encourageants, c’est-à-dire des moyens financiers sans lesquels rien n’est possible. Dans les couloirs du colloque, d’aucuns ont laissé entendre que le Japon serait disposé à soutenir financièrement le projet.Àlaplacedel’Unionafricaine?Pour le moment, seuls trois États ont accompli des actes concrets: l’Angola, qui a attribué quelque 800 000 dollars (589 000 euros) pour soutenir la traduction d’Histoire générale de l’Afrique en portugais ; le Burkina Faso, qui a donné environ 50 000 dollars ; la Libye, qui avait débloqué, du temps de Kaddafi, 2 millions d’euros. Mais cet argent a été réclamé par le nouveau pouvoir en place à Tripoli. l TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial

Contacts : etudes-afrique@mediametrie.fr etudes-audience@omedia-group.com Tél : +221 77 644 41 82 Tél : +33 1 47 58 94 42

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Afrique subsaharienne q En mars 2011, en campagne pour sa réélection à la tête de l’une des villes les plus peuplées d’Afrique.

AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS

NIGERIA

L’homme qui tombe à pic Babatunde Fashola, c’est l’artisan de la transformation de la ville de Lagos. Très populaire, il achèvera en 2015 son dernier mandat de gouverneur et dit n’avoir qu’une envie : quitter la politique.

B

abatunde Fashola n’est pas du genre à s’arrêter en chemin pour regarder en arrière. Surtout pas pour faire son bilan. « Il ne m’appartientpasdejugermespropresrésultats, argumente le gouverneur de Lagos. Il est encore trop tôt. Certes, nous avons fait des progrès, mais nous ne sommes pas encore arrivés là où nous le voulions. » Le vrai patron de la capitale économique du Nigeria, la ville la plus peuplée d’Afrique subsaharienne (18 millions

d’habitants), l’artisan de sa transformation, c’est pourtant lui. Aux affaires depuis 2007, il achèvera son deuxième et dernier mandat en janvier 2015 (il ne pourra pas se représenter), et sa popularité est déjà à son apogée. Du chauffeur de taxi du quartier d’Ikeja aux grands bourgeois de Victoria Island, tous sont unanimes à reconnaître « l’effet Fashola ». Jadis miné par la criminalité, les embouteillages (les fameux go slow) et le marasme économique, Lagos s’est enfin remis du

transfert du pouvoir politique à Abuja en 1991 et a repris des couleurs. « Désormais, il y a des transports en commun, il est possible de se promener en ville sans être agressé le soir, témoigne un expatrié français. Il y a même des espaces verts, y compris dans les quartiers populaires. » Figure de l’Action Congress, le principal parti d’opposition (libéral), le gouverneur – yorouba et musulman – est vu comme un représentant pragmatique des intérêts du Sud-Ouest face à l’État fédéral et face à un parti au pouvoir (le Parti démocratique populaire, PDP) miné par les divisions. TRIÉS SUR LE VOLET. Babatunde Fashola

s’est entouré d’une équipe dont les membres ont été triés sur le volet. En 2012, il s’est fait construire de nouveaux bureaux à Ikeja (dans les faits, une petite villa avec une cour et un jardin intérieur), plus fonctionnels que le somptueux palais du gouverneur sur Lagos Island, où il n’était pas à son aise. Surtout, il a choisi de s’installer à proximité du Parlement de l’État de Lagos et du siège de son administration. C’est là qu’il nous a reçu : l’énergique gouverneur qui, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, domine la plupart de ses collaborateurs, en arpente les couloirs à grandes enjambées. L’homme est ponctuel et synthétique – deux caractéristiques rares parmi les élus nigérians. « Avec lui, un oui est un oui. Il n’y a pas de demi-mesure », explique l’un de ses conseillers. Son poste, Babatunde Fashola a du mal à le comparer à celui du maire d’une autre cité africaine. « Piloter une ville comme Lagos, c’est un peu comme gérer un État, compte tenu de sa taille et des

Des projets en veux-tu en voilà EKO ATLANTIC, c’est LE projet emblématique de Lagos, le plus grand chantier immobilier en cours sur le continent, qui doit donner naissance au « Dubaï de l’Afrique » et dont Babatunde Fashola s’est fait le promoteur. Dans quelques années, des gratte-ciel construits sur 10 km2 entièrement gagnés sur l’océan s’élèveront le long de Victoria Island… En attendant, c’est un autre projet, moins grandiose mais qui a contribué à faciliter le quotidien de dizaines de milliers de personnes, qui a fait la réputation du gouverneur : celui des BUS RAPID TRANSIT, qui circulent sur des voies réservées, notamment sur les ponts aux bouchons autrefois légendaires. Ils permettent de relier les quartiers populaires, situés sur le continent, à Lagos Island, où travaillent nombre de Nigérians. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

ILLUSTRATIONS : CHRISTOPHE CHAUVIN/J.A.

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pouvoirs étendus dont disposent les 36 gouverneurs que compte le Nigeria. » Il est pourtant en contact avec les élus de Cotonou, de Freetown, de Johannesburg et du Caire, confrontés comme lui à la très forte croissance de la population des villes dont ils ont la charge (plus de 3 % par an dans le cas de Lagos). Au centre de ses préoccupations, la sécurité: « Elle est le premier droit des citoyens. À Lagos, la situation était désastreuse. Nous avons mis l’accent dès le début sur les moyens de la police et sur l’éclairage urbain. Mais cela ne suffit pas pour lutter contre la délinquance. Nous avons donc aussi cherché à favoriser la croissance économique, pour donner du travail aux gens. La réouverture de lieux comme les discothèques, les restaurants et certains commerces de proximité en soirée ou la nuit a eu, à ce titre, un effet bénéfique. » Il faut des outils précis pour recenser la population et mesurer ses besoins en termes de transport, indique-t-il encore. « Une fois qu’on a ces informations, qui peuvent prendre des années pour être recueillies, on peut planifier. Personne ne devrait être privé d’accès aux services de base que sont l’approvisionnement en eau et en électricité, le droit à la sécurité et à la santé », estime-t-il. Fashola se dit aussi hostile aux opérations de « déguerpissage », souvent pratiquées. « Il faut accompagner les citadins d’où qu’ils viennent. Pas les déplacer de force ! » REPOS. Pour financer ses projets, le gou-

verneur a pu s’appuyer sur un meilleur recouvrement de l’impôt, qui a progressé de 50 % depuis 2007. Mais en bon libéral, il parie aussi sur le secteur privé, qui courtise de nouveau la ville. « Lagos est un centre commercial et financier majeur. Nombreux sont les Nigérians qui y créent des entreprises, qui y investissent dans l’immobilier et le capital-risque, ou en Bourse. Tous y passent un jour ou l’autre », affirme-t-il. Même si certains aimeraient le voir briguer un mandat fédéral, Babatunde Fashola dit vouloir se retirer de la politique en 2015. « J’aspire au repos. J’aimerais écrire, lire et enseigner le droit. Avant d’être un homme politique, j’étais avocat. Les salles d’audience me manquent, j’y retournerai certainement. Mais, dit-il en concluant l’entretien à l’heure exacte qui avait été convenue, je ne quitterai pas Lagos, c’est ma ville. » l CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

Afrique subsaharienne

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ISSOUF SANOGO/AFP

Coulisses

p Un tiers des lignes de téléphone portable ont été désactivées.

NIGER ÇA NE PASSE PLUS… Au Niger, l’un des pays les plus menacés par l’internationale jihadiste, on ne badine pas avec la sécurité. Fin novembre, en moins de temps qu’il ne faut à un taxi collectif pour relier Niamey à Agadez, un tiers des lignes de téléphone portable ont été désactivées – soit quelque 1,7 million de numéros – faute de détenteurs attitrés. « À compter de ce jour, les cartes SIM non identifiées ne pourront plus être utilisées », ont annoncé les autorités le 26 novembre. C’est la conséquence d’un décret adopté l’année dernière dans le but de « contribuer à la sécurité des citoyens » (en fait: d’identifier ceux que l’on place sur écoute), qui exige que chaque possesseur d’un numéro soit clairement identifiable et que la vente informelle de cartes prépayées soit prohibée. Depuis des mois, les clients des quatre opérateurs téléphoniques faisaient donc la queue devant les boutiques pour présenter leurs papiers d’identité. Mais cette mesure n’a pas fait que des heureux: beaucoup disent avoir rempli les formalités sans succès. l

CAMEROUN PATIENCE, PATIENCE… Cela fait déjà tellement longtemps qu’il attend… Condamné pour détournement de fonds et détenu depuis dix-sept ans, MichelThierry Atangana devra encore patienter jusqu’au 17 décembre pour être fixé sur son sort. Les juges de la Cour suprême du Cameroun, qui étudiaient son dossier le 27 novembre, ont décidé de mettre leur décision en délibéré. Ses partisans y voient « un signal extrêmement négatif ».

AFRIQUE DU SUD CAMOUFLET Tant pis pour Jacob Zuma. Le président a beau ne pas vouloir que des photos de sa luxueuse résidence secondaire de Nkandla sortent dans la presse, et leur publication a beau être désormais

interdite sous peine de sanctions, les journaux sud-africains n’ont pas l’intention d’obtempérer. Ces clichés, expliquent-ils, ne constituent pas une menace pour la sécurité du chef de l’État; c’est le gouvernement qui ne veut pas avoir à rendre compte de l’utilisation de fonds publics.

KENYA VETO Il avait promis de ne pas museler les journalistes: le 27 novembre, Uhuru Kenyatta a bloqué un projet de loi controversé sur les médias déjà voté par les députés en octobre. Le chef de l’État a préféré demander au Parlement de revoir sa copie et a préconisé la suppression de certaines dispositions. Les médias indépendants avaient affirmé que le projet menaçait la démocratie et la liberté d’expression. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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Afrique subsaharienne

BURKINA FASO

Les oubliés Bientôt vingt ans qu’ils vivent à Ouaga. D’origine algérienne pour la plupart, ils ont été contraints à l’exil parce que soupçonnés d’accointances islamistes. Rencontre avec ces hommes dont la France ne veut pas entendre parler. RÉMI CARAYOL,

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envoyé spécial

u’a-t-il encore à voir, ce vieil homme, avec celui qu’il était il y a deux décennies et que les services de renseignements français soupçonnaient d’être un dangereux terroriste dans des « notes blanches » qui ne portaient ni date ni signature ? Ahmed Simozrag venait tout juste de célébrer son vingtième anniversaire quand son pays, l’Algérie, a gagné son indépendance. Il a 71 ans aujourd’hui, mais on lui en donnerait dix de plus. Peut-être en est-il conscient, lui qui vous accueille dans sa modeste villa du quartier du Bois-Sacré, à Ouagadougou, par cette phrase simple et cruelle : « L’exil, c’est un assassinat mais sous une autre forme. » L’exil. Et aussi l’injustice, l’opprobre, l’incompréhension… « Nous avons été accusés de terrorisme. La pire des choses! Pire que la pédophilie ! explique Soufiane Naami, le plus jeune de ses compagnons d’infortune. Et personne ne nous a donné l’occasion de nous défendre. » Mais qui s’en soucie aujourd’hui ? Qui se souvient de ceux que l’on a longtemps appelés « les expulsés de Folembray » ? Le cauchemar a débuté en novembre 1993. Opération Chrysanthème : 88 hommes et femmes soupçonnés d’appartenir N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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de Folembray à des réseaux terroristes en lien avec le Front islamique du salut (FIS) algérien sont arrêtés. Certains seront expulsés, d’autres assignés à résidence. C’est le cas de Simozrag, ancien avocat au barreau d’Alger, installé en France depuis les années 1970, marié, père de sept enfants (tous français) et assigné à résidence dans un village de Lozère, dans le sud de la France.

t Début août 1994, des dizaines de personnes sont « raflées » et détenues, en dehors de tout cadre légal, dans une caserne du nord de la France. Vingt d’entre elles seront envoyées au Burkina.

THOMAS COEX/AFP

DOSSIERS VIDES. Neuf mois plus

tard. C’est l’été. Le début de la trêve politique en France. Nouvelle rafle. Le 4 août, des dizaines de personnes sont arrêtées. Il y a là un épicier, un libraire, un gérant de pizzéria, un chercheur ou encore le recteur d’une mosquée réputé pour sa modération… La veille, cinq fonctionnaires français ont été assassinés en Algérie. À Paris, on décide que les « islamistes » que l’on vient d’appréhender n’auront pas les mêmes droits que les autres citoyens. Pendant un mois, en dehors de tout cadre légal, ils seront assignés à résidence dans un cadre très particulier : une caserne militaire d’un petit village du nord de la France, Folembray. Les services de renseignements leur reprochent d’appartenir à des réseaux de soutien au FIS ou de défendre des thèses favorables à la lutte armée en Algérie. Ce sont, dit Charles Pasqua, « des complices de terroristes et d’assassins ». Mais les avocats, qui découvrent des dossiers « vides », assignent le ministre de l’Intérieur en référé. La veille de l’audience, le dernier jour du mois d’août, 20 des 26 captifs sont expulsés en urgence. Ce n’est que lorsque leur avion fera escale aux Canaries qu’ils apprendront leur destination finale : le Burkina Faso, qui a accepté de les accueillir « à titre humanitaire ». N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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Afrique subsaharienne Burkina Faso À Ouagadougou, ils sont d’abord logés dans un hôtel, puis dans des villas construites dans le nouveau quartier du Bois-Sacré. Le Burkina leur alloue chaque mois une somme confortable (400000 F CFA, environ 600 euros). SOUDÉS.

Au début, les 19 Algériens et le seul Marocain de la bande sont soudés bien qu’ils ne se connaissent pas. Ils font leurs courses ensemble et, comme ils pensent que cet exil forcé ne durera pas, achètent le minimum. Soufiane Naami se souvient avoir dû parlementer pour savoir s’il fallait acheter un pack de six bouteilles de lait. « On se disait : “On partira bientôt, rien ne sert d’acheter autant.” » De fait, au fil des ans, beaucoup sont partis. Pas en hommes réhabilités, mais avec la complicité des autorités locales, munis d’un faux passeport. Ils ont pris la route de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, et certains ont même fini par rejoindre la France. Pour Simozrag, ils ont eu tort. « Nous sommes victimes d’une injustice qui nous a tous frappés. Nous aurions dû rester ensemble. » Aujourd’hui, ils ne sont plus que six au Burkina. Amer, Simozrag l’est plus que tous les autres. Parce que, en tant que « maître spirituel » de la troupe, il est le seul à être surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Devant sa villa, une vieille bâtisse aux murs décrépits, il y a en permanence deux militaires qui rendent compte à leur patron (le chef des services de

renseignements, le général Gilbert Diendéré) de chacun des faits et des gestes du vieil homme. « Je suis un otage administratif, dit-il. Mon seul moment de liberté, c’est le vendredi, quand je vais prier à la mosquée. » Amer, il l’est aussi parce qu’il n’a pas pu refaire sa vie. « Que voulezvous recommencer à 50 ans ? » Il passe son temps devant son ordinateur à écrire des essais sur la religion, parce que, dit-il, « quand on se trouve dans [sa] situation, on se rapproche du divin ». Quand Simozrag a été contraint de quitter la France, le plus jeune de ses enfants avait 4 ans. Son épouse ne travaillait pas. Au début, la famille a vécu sur ses économies, puis sa femme s’est mise à garder des enfants. Aujourd’hui, une de ses filles est avocate comme lui, une autre est banquière, certains sont au chômage… Aucun ne comprend pourquoi ils ont grandi sans leur père (l’un d’eux a même tenté de se suicider). « Leur maman me fait des reproches. Elle me dit : “C’est ta faute” », se lamente le septuagénaire. Sa faute : voilà vingt ans qu’il la cherche et qu’il ne la trouve pas. Le FIS ? Il dit n’avoir jamais partagé ses thèses. Est-ce parce qu’il avait combattu dans les rangs du Front de libération nationale (FLN) avant 1962 et qu’il l’avait défendu ensuite dans les prétoires ? C’est ce qu’il se borne à croire, faute d’explications. Tous, dans leur interminable exil, ont cherché à trouver la réponse à cette question : pourquoi moi ? Soufiane Naami, lui, est persuadé

p Mohamed Doumi (à g.), devenu restaurateur à Ouaga. Soufiane Naami, le plus jeune de la bande, continue de se battre pour obtenir le droit de rentrer en France.

DÉNI DE JUSTICE PLUSIEURS DES « expulsés de Folembray » qui vivent encore au Burkina ont engagé des poursuites judiciaires en France pour faire annuler leur arrêté d’expulsion. Certains y sont même parvenus. Le 11 juin 2001, la commission d’expulsion des étrangers a ainsi N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

donné un avis favorable à l’abrogation de l’arrêté concernant Soufiane Naami. Il est écrit dans sa décision que « l’administration n’apporte aucunement la preuve de ses allégations selon lesquelles la présence [de Naami] constituerait actuellement une menace grave pour

l’ordre public ». Cet arrêté a donc été abrogé le 15 mars 2007. L’État français doit en outre payer 1500 euros à l’ancien épicier au titre de ses frais judiciaires. Six ans après, il n’a jamais vu la couleur de cet argent et n’a toujours pas été autorisé à rentrer « chez R.C. lui ». l

que les Renseignements généraux, dont il affirme qu’ils l’avaient approché pour devenir l’un de leurs indics peu avant son arrestation, lui ont fait payer son refus. Soufiane, c’est le gamin de la bande, le petit protégé de « maître Simozrag ». C’est aussi le plus combatif : en France, un avocat continue d’entamer des procédures pour obtenir son retour. « En 1994, j’étais encore un enfant », dit-il. Il avait 23 ans, vivait depuis l’âge de 8 ans en France avec sa famille, était à deux doigts d’obtenir la nationalité française et venait d’ouvrir une boutique d’alimentation en banlieue parisienne. Il fréquentait la mosquée de manière assidue, et ne cache pas avoir été séduit (et l’être encore) par l’islamisme politique. Mais jamais, ditil, il n’a milité au FIS. Quand il est arrivé, il a d’abord pensé à repartir. Puis il a « décidé de ne plus vivre comme un exilé, mais comme un être normal ». Il a épousé une femme d’ici, avec laquelle il a eu deux filles, et a obtenu la nationalité burkinabè. Il s’est lancé dans le commerce avec les 5 000 dollars que lui a alloués l’État burkinabè – ce qui a mis fin au versement de son allocation mensuelle. Il a connu des hauts et des bas. Et si on lui propose, un jour, de prendre l’avion pour JEUNE AFRIQUE


PHOTOS : HIPPOLYTE SAMA POUR J.A.

Les oubliés de Folembray

Paris, il le fera avec plaisir « pour voir la famille », mais il reviendra. Malgré un humour taquin et une certaine aisance matérielle qui lui permet de louer une villa cossue dans le quartier de Ouaga 2000, c’est la rancœur qui domine toujours chez lui. « La France nous a tués, le Burkina nous a enterrés », dit-il. En 2008, il avait fait une demande de visa pour la France. Refusée. En 2012, il a remis ça. Nouveau refus. « Votre volonté de quitter le territoire […] avant l’expiration du visa n’a pas pu être établie », est-il écrit dans la réponse du consulat, dans un classeur jaune. Il y a toute son histoire là-dedans. Des articles de presse, des papiers administratifs restés sans suite (dont un qui abroge son arrêté d’expulsion au motif qu’il « ne constitue pas une menace grave pour l’ordre public ») et des photos de sa première vie, au 26, rue Georges-Clemenceau à Sartrouville. « Ici, finit-il par lâcher, ce n’est pas Ouagadougou. C’est Ouagatanamo. » Certes, matériellement, ces sixlà n’ont pas à se plaindre. « Ils ont quand même une belle somme qui leur est versée chaque mois », soutient sans rire un diplomate français qui admet ne pas se préoccuper de leur cas et reconnaît à demi-mot que si leurs demandes JEUNE AFRIQUE

p Mohamed Chellah, le Marocain du groupe, ne veut qu’une chose, « revoir [ses] enfants ». Quant à Ahmed Simozrad (au centre), il est surveillé en permanence par les militaires burkinabè.

de la révolution, vivait en France depuis six ans. Il avait une femme et une fille de 1 an. « Ils nous ont brûlés et salis gratuitement. Les gens qui sont jugés, ils passent cinq ou six ans en prison. Nous, notre peine n’a pas de fin. » Au début, Doumi a tenté de fuir. À Moscou, avec un faux passeport sud-africain – refoulé. En Côte d’Ivoire – refoulé. Au Ghana – refoulé. Plus tard, il a écrit au juge Jean-Louis Bruguière (chargé de l’antiterrorisme) pour qu’il le mette en examen – en vain. SUICIDAIRES. Mais Doumi reste

un cas à part. Pour mesurer l’enfer que représente cette situation, il faut retourner au Bois-Sacré, non loin de la villa de « maître Simozrag ». Là, dans une vieille bâtisse qui donne sur un terrain de visas sont sans cesse refusées, vague et dont l’ambiance est celle c’est la faute des services de rend’une prison dorée, survit un seignements. « Ils ont une maison, « vieillard » de 66 ans : Mohamed poursuit-il. Il y en a même un qui a Chellah, le Marocain du groupe. Il un restaurant. » C’est vrai. Un resest arrivé en France en 1969, a eu taurant parfaitement situé – à deux huit enfants (tous français), a trapas de l’ambassade de France – vaillé en Corse, à Toulon, à Avignon dans lequel Mohamed Doumi est (où il possède une maison). Puis fier de recevoir les Français. un jour, à l’aube, alors qu’il est de Doumi, c’est un monsieur, à retour de La Mecque, voilà que Ouaga. Tout le monde le connaît. des policiers viennent sonner à sa porte. Le vieil homme édenté Dans son petit bureau qui jouxte la cuisine, il y a le portrait officiel de n’a toujours pas compris ce qui Blaise Compaoré, lui est arrivé. un homme qu’il Il est, selon un Aucune décision admire. Il y a aussi certificat médical, de justice n’a dépressif et a des unchapeletdephotos le montrant aux tendances suicijamais confirmé côtés des grands daires. Son épouse les accusations a divorcé et, selon de ce pays, un drades renseigneles autres, « ça l’a peau du Burkina, détruit » (même des diplômes à son ments généraux. nom, des certificats s’il s’est remarié avec une Mauritanienne à d’honneur, une bible… Militant du Congrès pour la démocratie et le Ouagadougou). En 2005, il a envoyé progrès (CDP, au pouvoir), ambasune lettre au Premier ministre, Dominique de Villepin. « Lasse sadeur de paix : Doumi, 66 ans, est l’opposé de Simozrag. Hyperactif. d’attendre mon retour pour son mariage, une de mes filles s’est Positif. Il a la nationalité burkinabè; il est marié, a eu des jumeaux et a mariée avec une profonde trisacheté des terres. Dit : « Dieu est tesse », y écrivait-il. Aujourd’hui, il pardon. » Baptise son restaurant ne demande qu’une chose: quitter La Paix au Burkina Faso. ce pays où chaque jour qui passe Pourtant, il n’a toujours pas est une torture, et retrouver les admis ce que la France lui a infligé. siens. « Je veux régler mes proEn 1994, cet Algérien ancien miliblèmes à la banque, à La Poste, tant du FLN, fils d’un père martyr dit-il. Je veux voir mes enfants. » l N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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MESSAGE

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epuis quelques années, les grands mammifères des forêts et des savanes d’Afrique centrale sont victimes d’un nouveau type de braconnage orchestré par des groupes d’individus lourdement armés et bien organisés à la recherche de l’ivoire très prisé sur certains marchés internationaux. En 2012 par exemple, près d’un millier d’éléphants ont été massacrés dans les pays d’Afrique Centrale. Cette criminalité constitue une menace, non seulement pour la survie des éléphants, mais également pour la paix et la sécurité ainsi que pour l’économie des États. Son démantèlement requiert une coopération sous-régionale, régionale et internationale. Créée en 1983, la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) est l’une des huit Communautés Économiques Régionales

d’environnement et de gestion des ressources naturelles. Le Secrétariat Général la CEEAC bénéficie du statut de facilitateur et de coordinateur des activités sous-régionales en la matière, à travers les institutions spécialisées telles que la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) et d’autres organisations sous-régionales dont le Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale

LA LUTTE ANTI BRACONNAGE ET LE COMMERCE ILLICITE DE L’IVOIRE AU CŒUR DES ACTIVITÉS DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE (CEEAC)

© WWF-CANON / CARLOS DREWS

(CER) reconnues par l’Union Africaine. Elle a son siège à Libreville au Gabon. Son organe suprême est la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Elle regroupe dix États : Angola, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, République Centrafricaine (RCA), République Démocratique du Congo (RDC), République de Sao Tome & Principe et la République du Tchad. Son mandat est d’assurer notamment, la stabilité et la paix, l’intégration régionale, le développement économique des États et l’amélioration des conditions de vie des populations. À cet effet, les activités de la communauté sont articulées autour de trois axes stratégiques prioritaires : 1) Paix et Sécurité, 2) Infrastructures, 3) Environnement et Gestion des Ressources Naturelles. Pour développer l’axe sur la gestion de l’Environnement et des Ressources Naturelles, les Chefs d’État de la sous-région ont adopté en 2007 la Politique générale en matière

(RAPAC) et l’Organisation pour la Conservation de la Faune Sauvage d’Afrique (OCFSA). La CEEAC s’appuie également sur les Partenaires Techniques et Financiers, notamment l’Union Européenne. C’est dans ce contexte qu’est né le Programme Écosystème Fragilisé d’Afrique Centrale (ECOFAC V), financé par la Commission Européenne pour quatre ans et dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par la CEEAC. Le RAPAC en est le maître d’œuvre. L’un des volets de ce programme intégrateur est intitulé «Aires Protégées et Intégration de la population » dont l’une des composantes est la Lutte Anti Braconnage des Éléphants aussi bien des savanes que des forêts. Ceci conformément aux recommandations de la réunion d’urgence organisée à Yaoundé du 21 au 23 Mars 2013, réunion qui avait débouché sur l’adoption de la Déclaration des Ministres de la CEEAC sur la Lutte Anti Braconnage en Afrique Centrale.


Pour la gestion et le suivi de ces activités au sein du Secrétariat Général de la Communauté, la CEEAC a créé la Cellule Régionale de Lutte Anti Braconnage dont le fonctionnement va s’appuyer aussi bien sur les Unités Nationales de Lutte Anti Braconnage dans les États que sur les différents services (paix, sécurité, diplomatie, politique, environnement, économie et douane) de l’institution. Le problème de la criminalité faunique et du commerce illicite de l’ivoire étant complexe, une collaboration régionale et internationale s’impose en vue de développer des synergies et des partenariats stratégiques pour un appui technique et financier efficace aux États membres de la CEEAC et des autres CER où vivent les Éléphants d’Afrique. C’est dans cette optique que s’inscrivent les premiers contacts de la CEEAC avec l’Union Économique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA), la Banque Africaine de Développement

et efficace de cette criminalité dans les États, sont en développement. Il s’agit de la stratégie sous-régionale de Lutte Anti braconnage et du Programme de Lutte Anti braconnage en Afrique Centrale. Ces outils opérationnels devraient s’appuyer sur des plans existants, comme le Plan d‘Action sous-régional des Pays de l‘Espace COMIFAC pour le renforcement de l‘Application des Législations nationales sur la Faune sauvage 2012-2017 (PAPECALF). En attendant l’effectivité de tous ces outils, la CEEAC met en œuvre, à travers des opérateurs internationaux et nationaux de conservation, basés en Afrique Centrale, des activités dans plusieurs domaines (renforcement de capacités, communication, justice, renseignement et bio traçabilité), retenues dans le cadre des axes stratégiques du PEXULAB. De plus, des missions diplomatiques vers les pays de transit et les pays consommateurs, vont être menées par des experts de la CEEAC, ceux des États ainsi que par l’ancien footballeur international camerounais, Patrick MBOMA, Ambassadeur de Bonne Volonté de la CEEAC en matière de Lutte Anti Braconnage.

(BAD), le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), INTERPOL, l’Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC) et l’Agence Allemande de Coopération Internationale (GIZ). Au-delà des nombreux défis, politiques et sécuritaires, l’engagement de la CEEAC et de ses institutions spécialisées (COMIFAC, RAPAC et OCFSA), l’aide de ses partenaires et la détermination des États sont source d’espoir pour la survie des Éléphants d’Afrique, l’arrêt du braconnage et le démantèlement du commerce illicite des espèces menacées en général et l’ivoire en particulier. Dans cette perspective, la CEEAC est déterminée à jouer son rôle et à prendre ses responsabilités parce qu’il y a urgence. Source : ECOFAC V - CEEAC

Informations et Secrétariat de la Cellule de Lutte Anti Braconnage de la CEEAC

Tél.: +241 01 44 22 09 - E-mail : informations@lab-ceeac.org

www.lab-ceeac.org

DIFCOM/DF - PHOTOS : © SUIVANT MENTION.

© NATUREPL.COM / BRUCE DAVIDSON / WWF-CANON

© WWF-CANON / GREEN RENAISSANCE

Face à la complexité de ce problème à la fois politique, diplomatique, juridique, sécuritaire et écologique ainsi que l’absence d’outil sous-régional prenant en compte le caractère multidimensionnel du phénomène, la CEEAC a développé une vision et procède actuellement à l’élaboration d’un outil stratégique d’approche systémique appelé Système de Lutte Anti Braconnage en Afrique Centrale (SYLABAC). Celui-ci s’articule autour des piliers suivants : politique et diplomatie, sécurité et renseignement, communication, application de la loi, communication et coopération et partenariat. Sur le plan opérationnel, la CEEAC a développé le Plan d’Extrême Urgence de Lutte Anti Braconnage (PEXULAB) pour résoudre les problèmes à court terme. À ce plan sera associé le Plan d’Action de Lutte Anti Braconnage (PAULAB) en cours d’élaboration et dont la durée sera de deux ans. Deux autres outils, destinés à la gestion durable


Maghreb & Moyen-Orient

IRAN-OCCIDENT

L’effet d’une

bombe L’accord signé le 24 novembre pourrait changer la donne au Moyen-Orient et y faire naître des perspectives de paix.

LAURENT DE SAINT PÉRIER

Le suspense aura été total. Depuis qu’en 2005 la République islamique a repris ses activités de enève, hôtel Intercontinental, conversion d’uranium, chaque camp se crispait sur le 24 novembre 2013, 2 h 56 du ses positions. Tandis que l’Iran portait le nombre de matin. L’irruption du ministre ses centrifugeuses d’enrichissement de quelques français des Affaires étrangères, centaines à 19 000 aujourd’hui, la communauté le pouce levé, hors de la salle des internationale durcissait ses sanctions. En 2012, négociations siffle la fin du derby une série de mesures américaines et européennes diplomatiquedeladécennie.Danschaquecamp,on frappant les secteurs pétrolier et financier iraniens fait le V de la victoire. Sous les regards a pris le pays à la gorge. La chute du rial anxieux de l’opinion internationale, le a été aussi vertigineuse que l’inflation, En échange troisième round des discussions entre et si Téhéran peut s’enorgueillir d’être de la levée l’IranetlescinqmembresduConseilde parvenu à produire 195 kg d’uranium sécurité des Nations unies plus l’Alleenrichi à 20 % (la dernière étape avant partielle des magne (le « P5+1 ») a finalement été l’obtention d’uranium de qualité milisanctions, le bon. Tenus en haleine pendant trois taire à 85 %), près de 100 milliards de Téhéran a jours, les journalistes applaudissent ses précieux dollars restent gelés à accepté de l’événement, et les diplomates se félil’étranger.Malgrél’escaladeréciproque, citent en se donnant l’accolade. On le contact n’a jamais été rompu et les geler son s’attend presque à les voir échanger équipes de négociateurs se sont croiprogramme les maillots. En Iran, la population sées à plusieurs reprises, mais sans nucléaire. manifestesajoieetréserveraunaccueil conviction ni résultat. En février 2012, triomphal à l’équipe des négociateurs. Leon Panetta, secrétaire américain Après dix années de crise, un accord, bien qu’intéà la Défense, jetait l’effroi en déclarant que « les rimaire, a enfin été trouvé sur le dossier nucléaire Israéliens attaqueraient très vraisemblablement iranien, pacifique selon Téhéran, mais dont l’Occil’Iran en avril, mai ou juin ». dent soupçonnait qu’il dissimule des objectifs militaires. Contre une levée partielle des sanctions TOURNANT. La véritable surprise a finalement eu internationales, qui, drastiquement renforcées en lieu en juin de cette année avec l’élection à la prési2012, asphyxiaient son économie, l’Iran a accepté dence de la République du religieux modéré Hassan de geler son programme (lire p. 52). Dans un délai Rohani, alias le cheikh diplomate, contre tous les reconductible de six mois, de nouvelles discussions pronostics. Le nouvel exécutif a ranimé les quelques auront lieu pour parvenir à un accord définitif. La espoirs d’apaisement étouffés au cours des mandats partie n’est donc pas encore gagnée, mais, pour la du très conservateur et provocateur Mahmoud première fois depuis des années, l’heure semble Ahmadinejad. Après sa victoire, Rohani, qui avait à la détente. fait du redressement économique le leitmotiv de

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MARTIAL TREZZINI/AP/SIPA

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JEUNE AFRIQUE


sa campagne, a multiplié les gestes d’ouverture en direction de l’Occident, échangeant des lettres avec le président américain Barack Obama dès août et adressant des messages apaisants à la communauté internationale. En septembre, le hojatollah allait mêmejusqu’àsouhaiterun«heureuxRochHachana [le nouvel an hébreu] à tous les Juifs ». Obama, Prix Nobel de la paix, qui avait lui-même déclaré en 2009 à l’occasion du nouvel an perse: « Nous cherchons la promesse d’un nouveau départ », tenait là l’occasion d’une grande victoire diplomatique. Mais surtout, souligne Bernard Hourcade, géographe spécialiste JEUNE AFRIQUE

de l’Iran, « le retrait américain de la région, engagé en Irak fin 2011 et qui prendra effet en Afghanistan en 2014, ne pouvait se faire sans trouver d’accord avec la République islamique, qui joue un rôle crucial dans la stabilité de ces deux États: elle devait redevenir un interlocuteur ». Face à l’urgence stratégique et malgré la rupture des relations bilatérales, les diplomates américains avaient engagé des pourparlers secrets avec les Iraniens, a-t-on appris lors du dernier round des négociations. Dès mars 2013, alors qu’à Washington le président américain martelait que « toutes les

p Les négociateurs des deux parties se félicitant à l’issue du troisième round des discussions, à Genève.

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Maghreb Moyen-Orient Iran options [étaient] sur la table », son vice-secrétaire qu’ils n’y seraient plus le seul interlocuteur strad’État, William Burns, rencontrait discrètement une tégique des États-Unis. Ils réagissent comme un équipe de diplomates et d’experts iraniens à Oman. époux trompé! » Le tonitruant ministre israélien Au moins six rencontres bilatérales se sont ainsi desAffairesétrangères,AvigdorLieberman,menace de frapper la rivale, mais il s’agirait là d’un « suicide déroulées dans l’ombre, les plus proches alliés des diplomatique»,souligne,danslequotidienHaaretz, États-Unisn’enayantétéprévenusquetardivement. un expert militaire. Et le coût d’une telle opération, Ellesontpermisdefixerlesgrandeslignesdel’accord négocié dans ses moindres détails avec le P5+1 à menée seul, serait exorbitant pour l’État hébreu, Genève. Le caractère ultraconfidentiel et sensible outre les représailles qu’elle provoquerait de la de ces rencontres dévoile la véritable part du Hezbollah et du Jihad islamique, Les engagements alliés libanais et palestinien de l’Iran. dimension de l’accord trouvé. Au-delà du « plan d’action commun » Le même sentiment d’abandon est à la ducompromis,provisoire,surledossier du nucléaire iranien, c’est l’avenir d’un de six mois source de l’amertume saoudienne. La Moyen-Orient plus que jamais déchiré mascarade de Riyad refusant à la miPour le P5+1 Pour l’Iran octobre son siège au Conseil de sécurité qui était dans la balance, et l’espoir de • La moitié du stock • Garantie donnée était un message clair de mise en garde mettre fin à trente-quatre années de d’uranium à 20 % à l’Iran de pouvoir guerre froide entre l’Iran et l’Occident. adressé à Washington. La normalisation sera diluée à 5 %, vendre à ses clients « C’est historique! Si les ministres des des rapports entre l’Occident et l’Iran estl’autre moitié actuels du pétrole Affaires étrangères des six plus grandes elle de nature à renforcer le régime syrien conservée comme dans les mêmes puissances mondiales se sont déplacés, en guerre et le Hezbollah chiite libanais, stock de travail ; volumes ; ce n’est pas pour le nucléaire, souligne comme le craignent les opposants à ces • L’enrichissement de • Pas de nouvelles Hourcade.Ils’agissaitderefairedel’Iran entités ? Nombre d’analystes avancent l’uranium à plus de sanctions en rapport 5 % est suspendu avec le nucléaire ; un partenaire, un acteur normal de la qu’au contraire elle incitera l’Iran à prépendant six mois ; • Suspension politique régionale. Le nucléaire était server l’acquis difficilement arraché en • Les activités des des sanctions modérant ses alliés arabes. la porte blindée qui devait s’ouvrir pour usines de Natanz, américaines sur mener à cette normalisation, et cet L’accordtrouvéle24novembrepourrait Fordow et Arak sont l’industrie automobile accord devrait marquer un tournant à terme amener Israël à se rapprocher interrompues ; et des sanctions dans l’histoire du Moyen-Orient. » de ses voisins sunnites, pousser l’Arabie • La construction de européennes sur l’or, saoudite à envisager des relations diplonouvelles unités les métaux précieux BIBI MORTIFIÉ. Le nouvel ordre qui matiquesavecTéhéranetinciterlerégime d’enrichissement et et les exportations se profile ne réjouit pas tout le monde. syrien à faire de réelles concessions. Bref, de retraitement est de produits Si les deux camps peuvent légitimeil bouleverserait le paysage géopolitique stoppée ; pétrochimiques ; du Moyen-Orient et y ferait naître des ment clamer leur victoire, sur le banc • L’AIEA pourra • Établissement perspectives de paix durable. Mais la de touche, les vaincus se lamentent. procéder à une d’un système surveillance accrue de financement Israël, l’Arabie saoudite, l’opposition meilleure victoire n’est pas celle de l’Iran. par la transmission permettant iranienneenexiletl’oppositionsyrienne Car si l’accord est très contraignant pour d’informations le commerce à Bachar al-Assad, l’allié de Téhéran, Téhéran, qui doit se plier sans restrictions spécifiques sur l’état humanitaire. sont mortifiés à l’idée que cet ex-leader aux inspections de l’Agence internatiode la filière et par la nale de l’énergie atomique (AIEA), il lie de « l’axe du mal » redevienne un parpossibilité d’accès beaucoup moins l’autre partie. D’autant tenaire diplomatique. Le jour même, quotidien et sans qu’il reste provisoire et que les vieilles BenyaminNetanyahouqualifiel’accord préavis aux sites de défiances pourraient menacer le succès d’erreur historique, martelant que « le Natanz et Fordow. desfuturesnégociations,lesquellesseront régime le plus dangereux au monde a fait un pas significatif vers l’acquisition de l’arme la bien plus ardues que la partie qui vient plus dangereuse au monde ». Deux jours auparade se jouer. l vant, dans le Wall Street Journal, l’influent prince saoudien Al-Walid Ibn Talal laissait entendre que le royaume wahhabite pourrait se nucléariser à son tour avec le concours du Pakistan. Pour un intellectuelprochedel’oppositionsyrienne, « ce “nouveau Moyen-Orient”, c’est la recette parfaite pour une guerre de trente ans. Obama livre le Levant, très majoritairement sunnite, à une puissance chiite ». Bernard Hourcade entend dans les cris d’orfraie de Netanyahou l’expression d’une autre déception : « Il sait bien que l’accord va stabiliser la région, mais les Israéliens ont aussi compris N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Jihadisme : à danger global, réponse commune

DR

L RADHI MEDDEB Président d’Action et Développement solidaire (ADS, Tunisie)

E TERRORISME A DONC FRAPPÉ EN TUNISIE. Les attentats-suicides y ont fait leur apparition, fragilisant le processus en cours, alors que le pays se débat depuis plus de trois mois dans une grave crise politique et que les évolutions récentes laissaient espérer qu’il pouvait aborder une nouvelle phase transitoire, la troisième depuis la révolution et possiblement la dernière, vers l’adoption et la mise en place des institutions et instruments de sa Seconde République. Ce faisant, la Tunisie peut encore montrer le chemin et être ainsi le seul pays du Printemps arabe à voir sa transition démocratique connaître un dénouement pacifique au terme d’un cheminement par moments tortueux, mais où la société civile, dans ses différentes composantes, aura exprimé en permanence sa voix avec force et détermination et fait valoir les attributs de la modernité et de l’ouverture, principaux legs de trois mille ans d’histoire et, plus récemment, de l’héritage bourguibien. Mais cette dernière ligne droite est semée d’embûches, et il ne sera pas possible à laTunisie d’éviter seule tous les écueils que ferait surgir un dérapage incontrôlé. Depuis son indépendance, elle a fait le pari de ne pas dilapider ses ressources, limitées, et de ne pas se doter de forces armées ou sécuritaires déraisonnablement équipées. La clairvoyance et l’humanisme de Bourguiba lui avaient fait préférer la promotion de l’homme, la libération de la femme et la satisfaction des besoins essentiels de la population. Il a ainsi délibérément cantonné l’armée dans ses casernes, la mobilisant ponctuellement au service du développement. La phobie d’un éventuel complot a conduit Ben Ali à maintenir le cap, même si c’était pour des raisons très différentes. Depuis au moins deux ans et plus précisément depuis la chute du régime de Kaddafi, des armes circulent enTunisie, en provenance essentiellement de Libye. Elles ont deux origines bien précises. Il y a d’abord celles que les forces de l’Otan ont parachutées à destination des rebelles et qui restent aujourd’hui en libre circulation. Il y a ensuite celles, nombreuses et sophistiquées, qui étaient légalement détenues par le régime déchu et stockées dans des entrepôts de l’armée, lesquels ont été pillés pendant et après la guerre sans que personne ne s’en soit soucié.

Une fois la guerre finie, le désordre était total. Pendant plus de trente ans, le peu d’État existant a été déconstruit pierre par pierre en Libye dans une volonté affirmée d’une forte mainmise clanique sur la rente pétrolière. Le parrain mort, ses proches décimés, de multiples chefs de bande se sont proclamés caïds à la place du caïd. Dans ce désert institutionnel, il était de la plus grande imprudence de la part de l’Otan et plus généralement de l’Occident de se retirer sans se préoccuper du devenir des armes en circulation. La solution sur le champ aurait pu être celle avancée alors par Paul Wolfowitz dans le Wall Street Journal fin octobre 2011, qui proposait que l’on rachète aux prix du marché toutes les armes en circulation et que l’on enrôle dans une armée régulière, à mettre sur pied, tous les détenteurs-vendeurs de ces armes. La Libye est un pays riche, disait-il, même si, à l’époque, ses avoirs étaient encore gelés par l’Occident, en attendant que soient évalués le coût de la guerre et sa prise en charge par les Libyens. Cette solution aurait permis, à moindres frais, de pacifier la région, d’éviter la déstabilisation du NordMali hier, de la Tunisie aujourd’hui et d’autres pays demain. Cette responsabilité est globale. Elle est celle des pays de l’Otan ayant participé à la libération de la Libye. Elle est celle de l’Europe, car l’instabilité ignore les frontières, et les boat people

Les forces de l’Otan ont fait preuve d’une grande imprudence en Libye.

JEUNE AFRIQUE

risquent de céder la place à des boat arms. Il y va de la sécurité de la région tout entière, de sa stabilité et de sa souveraineté. Il y va aussi de la réussite du seul processus démocratique en cours dans les pays du Printemps arabe et de la réconciliation de la rue arabe avec les valeurs de la démocratie, la défense des droits de l’homme et la modernité. Le président français, François Hollande, organise le 6 décembre à Paris un sommet pour la paix et la sécurité en Afrique. Voilà une belle occasion d’annoncer une mobilisation forte et globale de la communauté internationale pour prendre en charge, par un financement multilatéral, et conduire, sous un commandement commun, la lutte contre le terrorisme dans la région. l N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Maghreb Moyen-Orient MAURITANIE

Mariem Ould Daddah ou le temps retrouvé Dix ans après la mort de son mari, la veuve du premier président du pays ne ménage pas ses efforts pour que l’œuvre du « père de la nation » soit reconnue et transmise aux nouvelles générations.

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urlarouteduKsar,àNouakchott, une petite dune, semblable à tant d’autres, est balayée par les vents. On y distingue encore des blocs de banco (mélange de terre et de paille) rongés par le temps. Non loin de là, devant le bâtiment de la Société mauritanienne de gaz (Somagaz), des centaines d’automobilistes roulent à vive allure sur le « goudron » sans se douter qu’ils passent à côté du cœur de la capitale. Car c’est ici que Nouakchott a vu le jour avec la construction du premier poste militaire du pays par le capitaine français Frèrejean, en 1905. Aujourd’hui, à quelques mètres de ce berceau de sable, un château d’eau est en construction. Les quelques fortifications en banco qui ont survécu à l’usure du temps sont arrachées et jetées un peu plus bas. Et avec elles un chapitre de l’histoire du pays. AMNÉSIE. La présidence de la République

a reçu récemment une requête écrite pour que ce précieux patrimoine soit préservé. Cette lettre, restée sans réponse, était signée de la main de Mariem Ould Daddah – veuve de Moktar Ould Daddah, premier président du pays –, qui continue de se battre « contre vents et marées » au nom du devoir de mémoire. « Ce patrimoine me tient à cœur, rien ne naît de rien, confie-t-elle face à la petite dune, la voixempreinted’émotion.Chaquehomme doit préserver l’héritage qu’il a reçu. » À travers la Fondation Moktar Ould Daddah, qu’elle préside, elle veut que l’œuvre du « père de la nation », mort il y a dix ans, le 15 octobre 2003, à Paris, soit reconnue et transmise aux nouvelles générations. Française d’origine et mauritanienne d’adoption, Mariem Ould Daddah fut le témoin privilégié d’« une aventure extraordinaire, celle de la construction du pays et de sa capitale. [Son] premier souvenir de Nouakchott, c’est plutôt une N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

p Dans les locaux du Parlement qui abritaient autrefois le siège du parti.

impression. Celle d’un grand isolement, mais aussi d’un grand enthousiasme ». Lorsqu’elle y est arrivée, en 1959, la République islamique de Mauritanie venait d’être proclamée. La future capitale allait émerger de presque rien, là où il n’y avait « que quelques arbustes rabougris ensevelis sous le sable fin », selon les mots du président Moktar Ould Daddah. Le bourg, qui se limitait alors à un petit fort administratif et à un ksar de 200 à 300 habitants, avait été choisi parce qu’il offrait un accès à la mer et se situait sur la piste impériale numéro un Dakar-Casablanca. Tous les services n’étaient pas encore montés de Saint-Louis – capitale administrative du Sénégal et de la Mauritanie pendant la colonisation française. « À l’époque, l’eau venait de Rosso en camions-citernes, il n’y avait à manger que de la viande très dure qui nous cassait les dents, sourit Mariem. Mais quel privilège d’assister à l’éveil d’un peuple aux côtés d’un homme déterminé à construire sa nation. Tous les deux ans, il faisait le tour du pays. Il écoutait les critiques, parfois acerbes, et les notait. Il disait aux Mauritaniens que sa vérité est faite des leurs. C’est comme ça qu’il gouvernait. » En 1978, la population a commencé à affluer dans la petite capitale, qui a rapidement atteint les 200 000 habitants. Trente-cinq ans

plus tard, elle en compte près de 1 million, ce qui en fait l’une des plus grandes agglomérations du Sahara. Au cœur de Nouakchott, à deux pas de la place dite des blocs rouges – blocs désormais disparus de l’ancien quartier administratif, qui reste hautement symbolique chez les Nouakchottois –, Mariem s’arrête devant quelques habitations. Dans l’une d’elles se situait le premier bureau de son époux. Alors vice-président du Conseil de gouvernement, il s’était installé en 1958 dans « cet espace si exigu qu’il ne pouvait accueillir que deux personnes assises et deux autres debout ». Un homme en boubou bleu sort de l’une des maisonnettes blanches. Il reconnaît « Madame la présidente » au premier coup d’œil et l’accueille chaleureusement. Il est arrivé ici avec sa famille dans les années 1980 mais ne sait plus si sa maison avait abrité le bureau du père de la nation ou le ministère de la Justice. « Comment le savoir si rien ne l’indique ? Les Mauritaniens ont besoin de repères », commente Mariem. Personne ne se rappelle non plus qu’à la place de l’actuel Parlement, situé quelques rues plus loin, se trouvait le siège du Parti du peuple mauritanien (PPM), l’ex-parti unique. Les murs, en pierre d’Atar, sont d’origine. « C’était une façon de valoriser le pays », glisse l’ex-première dame, qui avait un bureau au premier étage de l’un JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

PHOTOS : LAURENT PRIEUR POUR J.A.

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p Avec le propriétaire de la maison (en boubou bleu) où Moktar Ould Daddah avait installé son premier bureau, en 1958.

des bâtiments. Moment solennel : pour la première fois depuis trente-cinq ans, elle pénètre dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. « Des débats animés se sont tenus ici. Les responsables du parti notaient point par point les doléances des Mauritaniens venus spécialement de l’intérieur du pays, se souvient-elle. Tout a été transformé, et c’est tant mieux. » DEUX OUVRAGES. Presque rien n’a été

Désormais, outre son centre de documentation et de recherche, la fondation regroupe trois grands pôles d’activité : mémoire et prospective (célébration d’événements), solidarité citoyenne (aide à la société civile dans divers domaines, dont le sport, l’éducation et la santé) et coopération internationale. Elle a célébré les dix ans de la mort de Moktar Ould Daddah en éditant deux ouvrages, l’un consacré à sa personnalité, le second au bilan de son action poliLa fondation qu’elle préside a tique de 1961 à 1977. Hormis été reconnue d’utilité publique l’intérêt qu’elle y porte en tant que citoyenne, Mariem Ould par l’actuel chef de l’État. Daddah s’est toujours tenue à le meuble. À cet égard, l’actuel président a l’écart de la vie politique mauritanienne et le mérite d’avoir entrouvert une porte. » En se défend de toute nostalgie: « Je ne pleure novembre 2008, quelques mois après son pas sur le passé, il n’a de valeur que dans coup d’État, Mohamed Ould Abdelaziz a la mesure où il impulse l’avenir. Je suis en effet inauguré l’avenue Moktar-Ouldle messager du président Moktar, mais Daddah. En 2010, il a reconnu la fondation chacun peut tenir ce rôle. Il appartient d’utilité publique et, l’an dernier, lui a désormais à tous les Mauritaniens. » l accordé une première subvention. JUSTINE SPIEGEL, envoyée spéciale © Vincent Fournier/JA

conservé non plus de la première villa familiale, située en haut d’une pente sablonneuseentrelamosquéesaoudienne et la banque centrale. Les Ould Daddah en furent chassés après le coup d’État de juillet 1978, et, pendant leur exil (de 1978 à 2001), une autre famille y a emménagé et a tout transformé. Mariem ne reconnaît même plus la maison aux petites fenêtres et à la porte en bois dont le garage a abrité l’autre bureau de son époux. Les archives de l’époque ont tout de même été conservées. Hadya Kane, le

directeur de l’Office national des musées, a même numérisé des milliers de photos qu’il a remises à la Fondation Moktar Ould Daddah. Depuis quelques années, un bureau en bois rouge ayant appartenu à l’ancien président est aussi exposé au rezde-chaussée du musée. « On ne peut pas tirer un trait sur notre histoire, elle a un sens, et chaque citoyen mauritanien doit la connaître, répète Mariem en caressant

Chaque soir à 21h30 (20h30 heure de Dakar) et 23h (heure de Tunis) En partenariat chaque mardi avec

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Maghreb Moyen-Orient TERRORISME

Abou Moussab al-Souri, le nouveau Ben Laden? Théoricien du jihadisme global, il s’est distingué par sa critique argumentée de la stratégie de l’ex-chef d’Al-Qaïda. Et passe même, aux yeux des Américains, pour être son possible successeur.

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ersonne ne sait où il se trouve. Mais deux ans et demi après la mort d’Oussama Ben Laden, il dispose de nombreux atouts pour devenir le vrai patron du terrorisme post-Al-Qaïda. Libéré, dit-on, en décembre 2011 par Bachar al-Assad, Abou Moussab al-Souri aurait quitté la Syrie. Mais pour quelle destination ? On évoque le Yémen, repaire d’Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa). À moins qu’il ne soit resté dans son pays, nouveau ventre mou de la région. Incroyable cynisme du pouvoir de Damas qui aurait libéré à dessein un jihadiste confirmé en pleine guerre civile ? Voire. Né en 1958 dans une famille de la petite bourgeoisie alépine, Souri, de son vrai nom Mustafa Setmariam Nasar, est un routard du jihadisme global. Étudiant ingénieur en mécanique de l’université d’Alep, il rejoint en 1980 un groupe militant émanant des Frères musulmans. Avec ses camarades, il assiste, impuissant, à la répression féroce du soulèvement armé de Hama, en 1982. Souri rumine depuis les leçons de cette défaite infligée par les troupes de Rifaat al-Assad, le frère du président syrien de l’époque. Dans

ses écrits, le militant sans frontières naît à ce moment-là. Il part s’entraîner dans des camps secrets en Jordanie puis en Égypte. Ceinture noire de judo, cet homme charpenté détonne avec sa barbe et ses cheveux roux, ses yeux verts. Pratique pour se fondre dans la foule à Londres, où il a vécu au mitan des années 1990. Auparavant, Souri était en Andalousie, terre mythique des conquérants musulmans, où il est arrivé en 1985. Il épouse ElenaMoreno,uneanciennegauchistequi se convertit à l’islam et avec qui il a quatre enfants. Dans un milieu plutôt macho, Souricultivelesattentionsgalantes.Unami barbu s’en étonne. Il répond: « Nous, les

Londres, s’impose comme l’un des leaders de la diaspora islamiste et devient l’un des responsables de la revue Al-Ansar, dirigée par le Jordanien Abou Qatada. Mais déjà, Souri lorgne l’Asie centrale. Il adéjàvoyagéauPakistanetenAfghanistan dès 1987. Il aide à organiser des camps d’entraînement pour les moudjahidine lancés contre l’occupation soviétique, notamment ceux du Palestinien Abdallah Azzam, l’un des idéologues qui influencèrent Ben Laden. Véritable « architecte du jihad global », selon l’ouvrage de référence que lui a consacré le chercheur norvégien Brynjar Lia, il est un « dissident, un esprit critique, un intellectuel au sein d’un courant idéologique où l’on s’attendrait à trouver plutôt de l’obéissance ». Le livre où il expose sa doctrine, Appel à la résistance islamique mondiale, publié sur internet en décembre 2004, peut être lu comme une critique argumentée de la stratégie de Ben Laden. MANUEL DE RÉFÉRENCE. Cette bible

du jihadiste (1 600 pages) peut sembler répétitive. C’est en réalité un redoutable manuel d’endoctrinement dont se seraient inspirés des Depuis 1982, il rumine les leçons personnages aussi divers que de la répression sanglante du le Jordanien Abou Moussab soulèvement armé de Hama. al-Zarqaoui, le Français Mohamed Merah ou les frères Syriens, savons y faire. » Sur place, il entre Tsarnaev, Américains d’origine tchétchène encontactavecd’autresjeunesislamistes.Il auteurs présumés de l’attentat de Boston rencontrele«chefd’Al-QaïdaenEspagne», enavril2013,etmêmeleNorvégienAnders AbouDahdah,etuncertainTayssirAllouni, Behring Breivik. Souri expose une théorie futur journaliste à Al-Jazira. Naturalisé à rebours de celle d’Al-Qaïda, dont il préespagnol, Souri est désormais libre de disait la logique suicidaire. Dès son retour ses mouvements. En 1994, il s’installe à en Afghanistan en 1998, il s’était opposé

Bio express 1958 Naissance à Alep 1980 Abandonne ses études et rejoint les Frères musulmans 1985-1994 S’exile en Espagne, effectue de nombreux voyages en Asie centrale 1994-1998 S’impose comme l’une des figures du Londonistan

1998-2001 Retour en Afghanistan, jusqu’à la chute du régime taliban 2005 Capturé au Pakistan, puis livré à la CIA 2011 Libéré par le régime syrien

u De son vrai nom Mustafa Setmariam Nasar. DR

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

« WANTED ». Au même moment, les

États-Unis en font l’un des terroristes les plus recherchés, offrant une récompense de 5 millions de dollars (3,7 millions d’euros) pour sa capture. Réponse de Souri : « Je prie Dieu pour que l’Amérique regrette amèrement de m’avoir provoqué et poussé à la combattre par la plume et par l’épée. » Mais c’est un homme aux abois qui écrit ces lignes. En novembre 2005, la sinistre ISI – l’agence pakistanaise de renseignements – le capture à Quetta, capitale du Baloutchistan. Emprisonné à Rawalpindi, il est rapidement livré aux Américains. Souri disparaît des radars. Son nom n’apparaît pas dans les listes des prisonniers de Guantánamo. Comme d’autres « détenus de haute valeur », il est trimbalé entre les prisons noires de la CIA, comme la base secrète de Diego Garcia, perdue au milieu de l’océan Indien, avant d’être remis aux Syriens. Le retour en force de ses anciens enregistrements vidéo et audio sur les forums jihadistes laisse à penser, selon les spécialistes du terrorisme, qu’il ne va pas tarder à réapparaître. Mais d’autres pensent au contraire que, après avoir passé plus de six ans entre les mains des services secrets les plus brutaux de la planète, Souri a perdu toute crédibilité aux yeux de ses anciens compagnons. l YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE

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q Faut-il opter pour le dialecte dans l’enseignement primaire ?

F. VIELCANET/URBA IMAGES SERVER

à la stratégie du terrorisme spectaculaire. Dans un courriel au chef d’Al-Qaïda en 1999, retrouvé à Kaboul fin 2001 par des journalistes américains, il moque le goût affiché par Ben Laden pour les médias : « Notre frère a été contaminé par la maladie des écrans, des flashs, des fans et des applaudissements. » Piquant, quand on sait que Souri a monté plusieurs interviews du Saoudien, dont celle avec Peter Bergen, de CNN, en 1997. Instruite par la débâcle en Afghanistan, la stratégie de Souri s’appuie, elle, sur des individus ou de petites cellules qui pourraient se former et s’armer tout en restant indépendants. Seul moyen d’échapper à la surveillance et à la lutte antiterroriste. Pas d’organisation, pas de filière, pas de capture. « L’ennemi est fort et puissant, nous sommes faibles et pauvres. La guerre sera longue. Notre seule voie est celle d’un jihad révolutionnaire au nom d’Allah », écrit-il. Cette lutte culminant, dans ses fantasmes les plus fous, avec une guerre chimique ou des bombes à composants radioactifs sur le sol américain. « Une bombe sale pour un pays sale », s’amusait-il.

Maghreb & Moyen-Orient

MAROC DARIJA ET IDENTITÉ NATIONALE C’était un débat courtois, sans vainqueur ni vaincu. Le 27 novembre, le publicitaire Noureddine Ayouch et l’historien Abdallah Laroui étaient les invités de l’émission Moubachara Maakoum, sur 2M, consacrée à la question de l’arabe marocain (darija) dans l’enseignement. Si Laroui est sorti de son légendaire mutisme, c’est pour s’opposer aux conclusions d’un colloque organisé par la Fondation Zakoura Éducation les 4 et 5 octobre dernier. Ayouch s’est appuyé sur les travaux de ce symposium pour défendre le choix de la darija pour l’enseignement maternel et primaire. Ce à quoi Laroui a répondu par une défense de l’identité nationale. Ayouch a profité de l’émission pour nier toute intervention du Palais dans le contenu du colloque, auquel avaient assisté les conseillers royaux Fouad Ali El Himma et Omar Azziman, tout comme Rachid Belmokhtar, nommé quelques jours plus tard ministre de l’Éducation nationale. l

ÉGYPTE DÉCRET LIBERTICIDE Le 24 novembre, les autorités égyptiennes ont promulgué par décret une loi très controversée qui restreint la liberté de manifester en exigeant des autorisations préalables. Pis, elle prévoit des interventions des forces de l’ordre dites « graduées », allant de l’usage de gaz lacrymogène à des tirs de chevrotine. Le lendemain, des militants sont descendus dans la rue pour protester. La police a arrêté une soixantaine de personnes en vertu de la nouvelle loi.

GOLFE HOUDA ET ARAFAT Arafat leYéménite aime Houda la Saoudienne, qui l’aime en retour. Mais la famille de Houda a refusé l’union des deux tourtereaux, qui ont fini par fuir au pays d’Arafat. Interpellée, la jeune femme est incarcérée pour entrée illégale.

Comme ses parents, l’ambassade saoudienne exige son renvoi dans sa famille. Mais la justice yéménite décide de libérer la jeune femme pour la placer dans un foyer du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Elle devrait rapidement obtenir le statut de réfugié et épouser son soupirant.

SYRIE ANKARA ET TÉHÉRAN À L’UNISSON LaTurquie, qui soutient l’insurrection mais s’inquiète de la prolifération jihadiste à sa frontière, et l’Iran, allié du régime combattu, ont appelé d’une seule voix à un cessez-le-feu en Syrie à l’issue d’une rencontre de leurs ministres des Affaires étrangères, le 27 novembre, à Téhéran. Une déclaration qui survient deux jours après que le secrétaire général de l’ONU a annoncé la tenue d’une conférence de paix à partir du 22 janvier. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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Europe, Amériques, Asie

ÉTATS-UNIS

Qui craint les grands Dans le business, les scrupules ne les étouffent pas. En politique, ils se situent à la droite de la droite. Les frères Charles et David Koch sponsorisent tout ce que le pays compte d’ultraréactionnaires. JEAN-ÉRIC BOULIN,

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à New York

es frères Koch sont les grands méchants loups de la droite américaine. Parce qu’ils agissent cachés et refusent de parler à la presse, ces mystérieux milliardaires nourrissent les fantasmes et s’attirent les qualificatifs les moins flatteurs. Harry Belafonte, par exemple, l’activiste et chanteur africainaméricain, les a récemment comparés à des membres du Ku Klux Klan. Parce qu’ils financent sans compterles causes les plus conservatrices, Charles(78 ans) et David (73 ans) Koch sont devenus des opposants acharnés à Barack Obama. En septembre, à Baltimore, dans un discours consacré à sa loi sur l’assurance maladie, le président les a d’ailleurs publiquement mis en cause. S’il faut en croire Harry Reid, le chef des démocrates au Sénat, ils seraient même à l’origine du shutdown (« fermeture ») du gouvernement, en octobre. N’ont-ils pas soutenu financièrement les membres du Tea Party, le sénateur Ted Cruz en tête, qui demandaient l’abrogation de l’Obamacare en échange d’un accord budgétaire ? Certes, les frères Koch n’ont aucun lien officiel avec le Tea Party. Cela ne les empêche pas d’apporter leur caution aux pires de ses outrances. Ce sont eux qui ont financé le fameux spot publicitaire montrant Oncle Sam surgissant d’entre les jambes d’une femme, dans un cabinet de gynécologie… Eux encore qui, lors de l’adoption de l’Obamacare, en 2010, ont soutenu les opposants les plus radicaux, qui, lors d’une manifestation à Washington, n’ont pas hésité à comparer Obama à Hitler en brandissant des photos de cadavres dans le camp de concentration de Dachau… Mais pour les frères Koch, l’Obamacare n’est qu’une bête noire parmi d’autres. La vérité est que toute idée un peu progressiste leur est insupportable. Le gouvernement n’est pour N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

p Manifestation contre la menace d’un rachat par les frères Koch du Los Angeles Times, le 14 mai. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

méchants Koch? eux qu’un ennemi à abattre. Et le changement climatique qu’il invoque pour mettre en place une régulationenvironnementale,unmensongeéhonté. Il va de soi que leur arme principale est leur immense fortune. Charles et David possèdent la quasi-totalité de Koch Industries, un conglomérat pétrolier dont le siège est à Wichita, dans le Kansas, et dont le revenu annuel avoisine 115 milliards de dollars (84,7 milliards d’euros). C’est la seconde plus importante entreprise privée des États-Unis. Elle possède des raffineries à travers tout le pays et près de 5000 km de pipelines. À l’instigation de Charles et de David, qui ont réussi à évincer leurs deux autres frères (lire encadré page suivante), Koch Industries, autrefois simple compagnie pétrolière, s’est diversifiée. Pour ne prendre que deux exemples, elle est aujourd’hui propriétaire d’une célèbre marque de papier-toilette et d’une non moins célèbre marque de tissu en élasthanne (Lycra). Comme l’a dit un jour David, « Koch Industries est la plus grande entreprise dont vous n’avez jamais entendu parler ». Mais ses 70000 employés ont intérêt à ne point trop s’éloigner de la ligne politique de leurs patrons. En 2010,Charles,ledirecteurincontestédu groupe,leur aadresséunelettredanslaquelleilcomparaitObama à Hugo Chávez, le défunt autocrate vénézuélien…

RINGO CHIU/ZUMA PRESS/CORBIS

LIBERTARIENS. Selon le magazine Forbes, les deux

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frères figurent au quatrième rang des hommes les plus riches des États-Unis, avec une fortune estimée à 35 milliards de dollars (chacun). Depuis quarante ans, ils s’en servent pour tenter d’influer sur le débat public. Dès 1974, Charles fonde le Cato Institute (en français : l’Institut Caton), un think tank libertarien qui milite pour le développement de l’économie de marché et la limitation du rôle de l’État. En 1979, David brigue la vice-présidence des États-Unis au nom du Parti libertarien (en comparaison duquel Ronald Reagan pouvait apparaître comme un gauchiste) mais est battu à plate couture. Aujourd’hui, les deux frères financent une myriade de lobbies et de think tanks ultraconservateurs à travers laquelle il est parfois difficile de se retrouver. Une journaliste du New Yorker a un jour parlé à ce propos de « Kochtopus », jeu de mot associant Koch et octopus (« pieuvre », en anglais). Leur vaisseau amiral est Americans for Prosperity, un super-PAC (pour Political Action Committee) qui, en 2012, a dépensé 122 millions de dollars pour faire battre le président Obama et les candidats démocrates. Freedom Partners, un autre groupe de pression lié aux frères Koch, l l l N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Europe, Amériques, Asie États-Unis

MCT/ZUMA/REA

CARLO ALLEGRI/AP PHOTO

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a quant à lui dépensé 236 millions de dollars pour financer le Tea Party. Malgré le cuisant échec qu’a représenté en 2012 la défaite de Mitt Romney, leur poulain, les frères Koch ont promis d’accroître leurs efforts pour les élections de la mi-mandat, en 2014, et la présidentielle de 2016. Americans for Prosperity se montre aussi très actif au niveau local. En janvier dernier, dans le Nebraska, le groupe a combattu avec succès l’augmentation d’une taxe sur les boissons. Et en Iowa, État stratégiqueoùsetiendralapremièreprimairerépublicaine en 2016, il a préparé le terrain en soutenant des candidats aux municipales dans une série de petites villes. Parallèlement, les frères s’intéressent de près aux médias. En mai, ils se sont positionnés en vue du rachat de huit journaux régionaux, parmi lesquels le Los Angeles Times, quatrième quotidien du pays, pour la bagatelle de 623 millions de dollars. Dans la perspective des prochaines élections, certaines de ces publications ayant leur siège dans des États clés comme la Floride… lll

p David, viceprésident exécutif de Koch Industries (à g.), et son frère Charles, indiscutable patron du groupe.

MERCI STALINE ! CAPITALISTES jusqu’au bout des ongles, les frères Koch doivent paradoxalement leur fortune à… Joseph Staline. Dans les années 1930, Fred Koch, leur ingénieur de père, contribua à la mise en place du secteur pétrolier soviétique. Choqué par les purges staliniennes, il rentra aux États-Unis et adhéra à plusieurs organisations ultraréactionnaires comme la John Birch Society. À ses yeux, « les hommes de couleur [étaient] une pièce essentielle dans le plan des communistes pour conquérir l’Amérique ». N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Il meurt en 1967 et ses quatre fils héritent de Koch Industries. En 1983, Charles et David parviennent à évincer Freddie et William, leurs deux autres frères, au terme d’une longue et pénible procédure judiciaire. En 1990, lors des funérailles de leur mère, Charles et David n’adresseront pas la parole à Freddie et William. Le premier est devenu collectionneur d’art, le second se consacre à la course nautique. En 1992, il a dépensé 65 millions de dollars (47,9 millions d’euros) pour remporter la Coupe de l’America. On est un Koch ou on J.-É.B. ne l’est pas. l

Mais, bien sûr, plus encore que l’idéologie, c’est la défense de leurs intérêts qui fait courir les frères Koch. Business first! S’ils réfutent l’idée même d’un réchauffement climatique, c’est d’abord pour faire oublier que, selon l’université du Massachusetts, Koch Industries est l’un des dix plus grands pollueurs des États-Unis. Dans les années 1990, accusé par le ministère de la Justice d’avoir déversé d’énormes quantités de pétrole dans les rivières et les lacs américains, le groupe avait payé une amende record de 35 millions de dollars en échange de l’arrêt des poursuites… CANCÉRIGÈNE. Une anecdote dit tout. David Koch,

qui a survécu à un cancer de la prostate, est l’un des plus gros donateurs de la lutte contre le cancer. Il s’est pourtant battu bec et ongles pour empêcher que les autorités ne classent le formaldéhyde, un agent chimique utilisé comme désinfectant, parmi les produits cancérigènes, malgré l’abondance des preuves scientifiques plaidant en ce sens. La raison en est simple : Koch Industries est l’un des principaux producteurs de formaldéhyde ! Pourtant, la société américaine ne semble pas prête à accepter la greffe ultraconservatrice dont rêvent les frères Koch. Devant le tollé, notamment au sein de la rédaction du Los Angeles Times, ces derniers ont été contraints de renoncer à acquérir les journaux qu’ils convoitaient. Sur le plan électoral, ils ont essuyé un revers cuisant avec la réélection d’Obama. Et, malgré de graves difficultés dans sa mise en œuvre, l’Obamacare existe bel et bien. Quant au Parti républicain, il est de plus en plus tenté de prendre ses distances avec eux. Ses responsables ont compris que leur stratégie ultraconservatrice mène le parti dans le mur. Même Karl Rove, l’ancien conseiller de George W. Bush, a fait savoir qu’American Crossroads, le puissant super-PAC qu’il dirige, financerait des candidats modérés lors des élections de 2014. Contre les candidats du Tea Party et les terribles frères Koch. l JEUNE AFRIQUE


Š Centre de Presse de Monaco


Europe, Amériques, Asie CYBERESPIONNAGE

La guerre des failles a commencé Une poignée de sociétés américaines, chinoises et françaises s’attachent à dénicher des défaillances dans les logiciels grand public. Elles les revendent ensuite, à prix d’or, à des États « amis ».

RYAN NARAINE

62

A

depuis une dizaine d’années, en pleine expansion. Aux trois armes traditionnelles – terre, air et mer –, il convient donc désormais d’en ajouter une quatrième: le cyber. Avec son allure débonnaire et son visage jovial, l’Américain Adriel Desautels (37 ans) ne ressemble pas du tout à un marchand d’armes, fussent-elles numériques. Jeune hacker à la fin des années 1990, il crée sa propre entreprise, qu’il baptise Netragard. Depuis, il achète des faillesinformatiquesqu’ilrevendàdiverses institutions, toutes américaines. « Ce que je vends n’est en soi pas dangereux. Mais entre les mains d’un État belliqueux, ça peut devenir une arme redoutable. Et je ne veux pas qu’on puisse s’en servir pour attaquer les États-Unis », explique-t-il. Prix moyen desdites armes ? « 5000 dollars en 2010, 72 000 en 2012, plusieurs centaines de milliers aujourd’hui. »

p Chaouki Bekrar (au centre), patron de Vupen, et son équipe de hackers. « ZERO DAY ». En apparence, celles-

u cours de l’été 2010, la centrale nucléaire iranienne de Natanz subit une attaque sans précédent. La vitesse de rotation des centrifugeuses est modifiée, ce qui provoque des explosions et un dérèglement des systèmes de contrôle. On découvrira par la suite que c’est un redoutable ver informatique, Stuxnet, mis au point conjointement par les États-Unis et Israël qui est à l’origine de cette cyberattaque. À en croire Barack Obama, celle-ci a retardé d’au moins dix-huit mois le programme nucléaire de la République islamique. L’analyse ultérieure d’échantillons de ce ver a permis de découvrir qu’il intégrait plusieurs

failles du logiciel Windows jusqu’ici inconnues. Dans le jargon des spécialistes, les failles dans certains logiciels grand public sont appelées zero day. Une poignée d’entreprises de sécurité informatique dirigées par de très discrets hackers se sont fait une spécialité de les dénicher puis de les revendre à prix d’or à des agences de renseignements, parfois par le biais d’intermédiaires pour mieux brouiller les pistes. « The Grugq », un Sud-Africain établi à Bangkok, est l’un de ces intermédiaires grassement rémunérés : son train de vie est, à l’évidence, fastueux. Ce marché de l’armement technologique d’État est atypique, opaque, mais,

ci n’ont rien pour inspirer la terreur puisqu’elles se présentent sous la forme d’unfichierinformatiquedequelqueskilooctets – moins qu’un MP3 – le plus souvent écrit en binaire, donc composé d’une succession variable de 0 et de 1. Mais elles exploitent dans les logiciels des failles dont même les fabricants ignorent l’existence ! « Un bon zero day est plus rare et plus cher qu’un diamant », estime un connaisseur. Son prix ? Autour de 200 000 dollars. En réalité, sa valeur est fonction de la complexitéet de larareté de la faille, du nombre des utilisateurs du logiciel « troué » et des caractéristiques stratégiques de la cible. « C’est la loi de l’offre et de la demande. Si un hacker découvre une perle qu’il

VERS DES CYBERATTENTATS ?

D

’un point de vue éthique et sécuritaire, les géants de l’informatique devraient acheter immédiatement l’ensemble des failles découvertes par les hackers. Mais c’est compliqué, parce que le marché est contrôlé par les États », estime le hacker Adriel Desautels. De fait, ils s’en abstiennent le plus souvent. Négligence ou N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

volonté délibérée ? Selon une source bien informée, les grandes firmes américaines, une fois informées de l’existence d’une faille zero day, en informent en priorité la NSA et « s’engagent à ne pas la rectifier pendant quarante-huit heures ». Microsoft tente pourtant de rattraper son retard en la matière. Au cours de

l’été dernier, l’entreprise a proposé aux hackers de leur acheter des zero days en échange d’une « récompense » pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars. Proposition que le spécialiste français Hervé Schauer balaie d’un revers de main : « De la poudre aux yeux, il est possible de vendre un zero day beaucoup plus cher. »

Pour le moment, les États sont les uniques clients de l’industrie de l’armement numérique. Mais peut-on exclure que des « cyberarmes » tombent entre les mains de mafias ou d’organisations terroristes ? Verra-t-on un jour des attentats cybernétiques ou des cyberguerres J.T. asymétriques ? l JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

CHRISTOPHER WISE/REDUX-REA

consacrée à une méthode de détection des failles. Régulièrement, ses concurrents américains le soupçonnent de traiter avec des États autoritaires. Il arrive que les échanges soient vifs, mais Bekrar assure respecter les embargos imposés par Bruxelles et Washington. Ses clients sont selon lui « tous des États membres de l’Otan et leurs partenaires ». A-t-il d’ailleurs le choix? Ses activités sont strictement encadrées par les services français. Et ses ventes soumises pour approbation à la commission interministérielle pour les exportations de matériels de guerre.

p Surnommé The Grugq, ce Sud-Africain établi à Bangkok (ici en mars 2012) sert d’intermédiaire – grassement rémunéré – entre vendeurs et acheteurs.

est le seul à posséder, cela peut dépasser le million de dollars. Il y aura toujours un État pour l’acheter. » Selon l’agence Reuters, l’État américain est le plus gros acheteur. Aucune estimation officielle du montant de ce marché « gris » n’a encore été rendue publique, mais, selon plusieurs experts, il oscillerait entre 500 millions et plus de 1 milliard de dollars. Mais le coût des destructions que les failles sont susceptibles de provoquer est évidemment très supérieur : plusieurs dizaines de milliards de dollars. Français d’origine algérienne, Chaouki Bekrar est un leader mondial du secteur. L’insolence et le style agressif de cet exhacker sulfureux ont contribué à forger sa légende.Danslepetitmondetrèsfermédu cyberespionnage, il est, au choix, admiré ou redouté, parfois les deux à la fois. Mais il s’en moque et poursuit son job : découvrir des failles et les revendre aux services JEUNE AFRIQUE

ABONNEMENT. Dans les conférences internationales comme Defcon, à Las Vegas, hackers et militaires sont amenés à se croiser, à échanger des informations et, parfois,àconcluredesaffaires.L’andernier, le général Keith Alexander, directeur de la NSA, a lancé un appel à un rapprochement général. Dans l’intérêt, bien sûr, de la défense nationale. Selon le Washington Post, la NSA conçoit elle-même la plupart des failles et des « exploits » qu’elle utilise dans ses cyberattaques. Mais elle dispose parallèlement d’un budget de 25 millions de dollars pour ses « achats additionnels secrets ». Ancien directeur de la NSA, Kenneth Minihan a rejoint récemment la très discrète société Endgame, qui propose à ses clients un abonnement annuel: 2,5 millions de dollars en échange de vingt-cinq failles zero day. « Endgame est proche des agences américaines, commente un spécialiste anglo-saxon, de la même manière queCoseinc(Singapour)l’estdeschinoises et Vupen des françaises. Le secteur est si sensible et les services secrets si vigilants qu’elles n’ont pas le choix. La préférence nationale s’applique tout naturellement. »

secrets. Les géants du web, Google en tête, le courtisent, mais il n’hésite pas à les narguer sur Twitter : « Chères entreprises privées qui nous contactent […], peu nous importe qui vous êtes, nous ne parlons qu’avec les gouvernements. » Vupen, la société qu’il a créée en 2004 avec son épouse, a « En soi, ce que je vends n’est pas son siège à Montpellier, dans dangereux. Entre les mains d’un le sud de la France, mais elle État, c’est une arme redoutable. » vient d’ouvrir un bureau dans le Maryland, aux États-Unis, non loin du siège de la (trop) célèbre Pour tous ces États, les failles constiNational Security Agency (NSA), qu’elle tuent un enjeu stratégique, parce qu’elles compte parmi ses clients. Ses équipes se facilitent notamment l’infiltration des composent de « pointures » de l’informasystèmes informatiques étrangers dans le tique et des mathématiques appliquées, cadre de la guerre économique. Et parce qui travaillent à automatiser la détection qu’elles permettent parfois de déclencher des failles. Parmi elles, Sofia Bekrar, la des offensives cybernétiques de grande propre sœur du hacker, qui a récemment ampleur. La course à l’armement numérejoint Vupen après avoir soutenu à l’unirique d’État est bel et bien lancée. l versité de Grenoble une thèse de doctorat JOAN TILOUINE N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Cédric Ido Caméra au poing Ce Burkinabè de 33 ans vient de réaliser son deuxième court-métrage. Alors que son frère Jacky a joué pour Lelouch et Tarantino, lui se rêve en réalisateur.

C

est dans un troquet de SaintDenis (banlieue parisienne), « à domicile », que le rendezvous avec Cédric Ido a été fixé. Ce jour-là, la salle no 1 du cinéma Gaumont Parnasse était pleine à craquer: 300 personnes, des gens de « toutes les couleurs », et pas seulement des amis, venus découvrir en avant-première le nouveau court-métrage de Cédric Ido, Twaaga, « une pépite » qu’il a tournée au Burkina Faso et dont on reparlera par la suite. Après une demi-heure d ’ a tt e n t e , C é d r i c a rr i v e e n f i n. « Normalement, je suis à l’heure », s’excuse-t-il. Sourire aux lèvres, visage apaisé, le voici qui s’installe dans ce bar branché de la ville où il est né et où il réside depuis peu, lui qui a grandi à quelques kilomètres d’ici, à Stains. Cédric porte une belle veste bleue de costard et un jean clair. Il a insisté pour que la rencontre ait lieu de ce côté-ci du périph: « Je sais, normalement, les interviews se font à Paris, mais je suis très attaché à ma banlieue. Je peux même dire que je suis d’abord banlieusard avant d’être français ou burkinabè. » Il commande un café crème et nous raconte sa vie. Pour lui, elle commence à 3 ans, quand ses parents, tous les deux originaires du Burkina Faso, quittent Stains pour Ouagadougou. Nous sommes en 1983. « Peu de temps après notre arrivée, Thomas Sankara lance la révolution. Nous sommes restés au pays cinq ans avant de revenir à Stains. »Tiens donc, cela nous fait penser à Twaaga, cette fiction de trente minutes qui n’en est pas vraiment une, donc, joliment filmée et qui se passe à Ouagadougou en 1987… Sankara est toujours à la tête du pays. Manu, le héros, a 8 ans. Fan de BD, comme Cédric, il réalise qu’il existe dans la vraie vie des pouvoirs qui peuvent rivaliser avec ceux des super-héros, alors

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

p « Je faisais le minimum à l’école, mais ça ne me dérangeait pas d’apprendre des pièces par cœur », déclare l’ancien acteur.

il va se croire invincible. « Ça faisait très longtemps que j’avais envie de tourner Twaaga. Je connaissais Sankara, mais je ne savais pas ce que c’était la révolution. Je voulais raconter la grande Histoire dans la petite. Le discours de Sankara était universel, basé sur les droits de l’homme, contre l’hégémonie occidentale. Il voulait que le peuple se libère. J’ai un profond respect pour cet homme. Le cinéma m’a permis d’exprimer ma rage par l’art, même si au départ j’étais plutôt attiré par la BD. » Le conseiller d’orientation de son collège pensait que la BD, ce n’était pas pour lui, et l’invitait à faire « du dessin industriel ». « Heureusement qu’un prof

d’art plastique m’a redonné confiance en me disant que je pouvais faire les choses tout seul. Grâce à lui, j’ai continué à dessiner. » Autre passion: le théâtre. « Au collège, on a monté plusieurs pièces. Je faisais le minimum à l’école, mais ça ne me dérangeait pas d’apprendre des pièces par cœur. » Au lycée d’Aubervilliers, Fabrice Melquiot, comédien confirmé, donne des cours. « Un super prof, on avait de la chance de l’avoir. À la fin de l’année, on a présenté une pièce au théâtre de la ville. Il y avait du beau monde, et parmi eux, une directrice de casting venue voir une fille, mais c’est sur moi qu’elle a flashé. » Elle le présente à un agent. Cédric Ido a 18 ans. Il décroche JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie quelques rôles, mais pas assez pour s’acheter une villa à Saint-Tropez ! Après le bac, il s’inscrit à la fac à ParisVIII, à Saint-Denis, pour une licence d’anglais, mais chaque fois qu’il a du temps, il s’incruste dans les cours de cinéma. « Les profs me laissaient y assister. J’apprenais à analyser les films, à parfaite ma culture cinématographique. Ça m’a permis de découvrir plein de réalisateurs. » Et l’a convaincu de partir pour les États-Unis, « la Mecque du cinéma », dans le cadre d’un échange universitaire. « J’ai atterri à NewYork dans une fac artistique, c’était d’un autre niveau. Je devais rester un an, mais j’ai réussi à les convaincre de me garder une année de plus. » Retour à Stains en 2008, au « bercail ». Les projets se multiplient. « Depuis tout petit, avec mon frère Jacky [qui a joué dans Inglourious Basterds, de QuentinTarantino, et Ces amours-là, de Claude Lelouch], on s’amuse à réaliser des films. On en a présenté beaucoup au café culturel de Saint-Denis. Au début, je faisais l’acteur. Tout naturellement, je suis passé derrière la caméra. » Et il a eu raison : en 2011, son premier courtmétrage, HasakiYa Suda, une histoire de samouraïs noirs qui luttent pour leur survie, fait un carton. Sélectionné dans une dizaine de festivals, il sera primé au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, le plus coté des festivals panafricain, où Ido croise Kisha Cameron-Dingle, une productrice américaine. « Elle était là pour choisir cinq réalisateurs africains et, comme elle avait aimé Hasaki Ya Suda, elle m’a demandé d’écrire un court.» Pressé par le temps, Cédric accouche de Twaaga en deux mois. L’Américaine adore et l’aide à trouver les financements. Les festivals vont s’arracher Twaaga. Qu’y a-t-il après deux courts? « Ben, deux longs! Je suis en pleine écriture: un sur les rabatteurs des salons de coiffure qui sévissent à la station de métro parisienne Château-d’Eau et l’autre sur le Ghana colonial. » À ce rythme-là, on ne serait pas étonné de le retrouver bientôt à Cannes. l

CHINE

Quand flambent les « bitcoins » Conséquence directe de la fièvre spéculatrice qui a saisi les internautes locaux, la valeur de la plus populaire des monnaies virtuelles a été multipliée par cinquante en un an.

L

e « bitcoin » a beau être une monnaie virtuelle, il « pèse » plus de 6 milliards d’euros. Cette monnaie électronique créée en 2009 a vu sa valeur multipliée par cinquante en un an. Et par deux depuis le début de novembre. Un bitcoin vaut aujourd’hui plus de 500 dollars. Une folie lorsque l’on sait que la plus populaire des monnaies virtuelles n’est gérée par aucun État ni aucune Banque centrale. Et que sa valeur repose uniquement sur la spéculation. Sur l’internet chinois, on s’arrache le bitcoin. « Quarante pour cent de nos clients VIP sont des femmes », explique l’un des responsables de huobi.com, l’un des sites spécialisés les plus populaires. En Chine, qui dit very important person dit forcément très gros portefeuille. Il est vraisemblable de penser que ces traders détiennent au total l’équivalent de 10 millions de yuans. Soit 1,2 million d’euros. Selon Genesis Block, un centre de recherche sur les monnaies digitales, c’est la passion des Chinois pour les jeux de hasard et la spéculation qui est directement à l’origine de cette flambée. Fin octobre, le volume quotidien des échanges dépassait 100 000 bitcoins, soit

la moitié du marché mondial. Comment l’expliquer ? À en croire Zhang Bo, l’un des principaux traders, le bitcoin est un placement très lucratif. « En Chine, il est difficile d’acheter des devises étrangères et de placer son argent à l’extérieur du pays. Les liquidités sont très importantes et c’est pourquoi les Chinois aiment miser sur le bitcoin, dont la valeur ne cesse de grimper. » RISQUE. D’autant que cette monnaie n’est

plus seulement virtuelle. Désormais, il est possible d’acheter en bitcoins sur des dizaines de milliers de sites internet. Les transactions sont acceptées par Mt.Gox (Japon), BTC ou Okcoin China. Il faut dire que le bitcoin est né à Hong Kong, où est enregistrée Global Bond Limited (GBL), la plus grande plateforme d’échanges. Mais il y a des risques. Le FBI vient ainsi d’ouvrir la chasse au bitcoin, parfois utilisé sur internet pour acheter en toute discrétion de la drogue ou des armes. Le mois dernier, il n’a pas hésité à bloquer le site de GBL, ruinant au passage plus de 500 personnes et bloquant l’équivalent de 3 millions d’euros. l SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin

NADIR DENDOUNE Photo : CAMILLE MILLERAND pour J.A. JEUNE AFRIQUE

p Le phénomène bitcoin vu par Chappatte. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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DIPLOMATIE Dans la tête de François Hollande

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OPINION Achille Mbembe, historien camerounais STRATÉGIE Ces patrons qui redécouvrent le continent INTERVIEW La Françafrique et ce qu’il en reste

AFRIQUE-FRANCE

Au sommet des 6 et 7 décembre, à Paris, il sera beaucoup question de sécurité et d’économie. L’occasion de définir entre les deux parties une relation enfin équilibrée.

JEUNE AFRIQUE

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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DIPLOMATIE Dans la tête de François Hollande OPINION Achille Mbembe, historien camerounais STRATÉGIE Ces patrons qui redécouvrent le continent INTERVIEW La Françafrique et ce qu’il en reste

Prélude

Marwane Ben Yahmed

AFRIQUE-FRANCE

Comme on se retrouve!

Rendez-vous en terre inconnue

E

N MOINS DE VINGT ANS, les Mais pas seulement. Car Paris lorgne Africains auront à peu près tout – depuis Sarkozy, soyons honnête – cette connu. Les tentatives de réformes autre Afrique, l’anglophone et la lusophone, post-discours de La Baule mais véritable découverte pour une France aussi le désintérêt (la France n’a plus les jusqu’ici habituée à arpenter uniquement moyens de ses ambitions) de la fin des son pré carré. Aggiornamento tardif mais années Mitterrand ; la faconde et le paterpeut-être salutaire de la diplomatie frannalisme d’un Jacques Chirac qui confondait çaise, comme en témoigne la visite réussie souvent terrain de prédilection et terrain de Hollande en Afrique du Sud en octobre de jeu, tandis que son Premier ministre de dernier. cohabitation, Lionel Jospin, considérait le continent comme un océan de perdiUne réorientation qui permet de s’intétion peu fréquentable ; puis le butineur resser enfin à cette partie du continent, et donneur de leçons Sarkozy, trop pressé dynamique, plus industrialisée, qui a toupour nouer une autre relation jours d’innombrables besoins à que celle illustrée par ses assauts satisfaire et attend encore une À quand à la hussarde et ses fréquentaFrance décriée ailleurs pour un (vrai) tions douteuses, conseillers de l’y aider. Et qui pourrait, aussi, l’ombre ou visiteurs du soir, qui mettre fin à la dépendance récisommet n’aimaient rien tant que parler proque de la France et de ses Afriqueen son nom… Et enfin François anciennes colonies, de plus en Afrique ? Hollande le néophyte. plus séduites par les concurrents européens, américains, asiaAvant son périple de Kinshasa, les 12 et tiques ou moyen-orientaux, mais toujours 13 octobre 2012, le chef de l’État français a enferrées dans une relation ambiguë avec lui-même confié à quelques intellectuels Paris. Au bout de ce chemin, pour tout le du continent triés sur le volet qu’en dehors monde, un équilibre forcément plus fécond. de la Somalie des années 1970, où il a effectué un court stage pour l’ENA, des Tout cela ne rimera cependant pas à plages de sable blanc de la Sierra Leone grand-chose si les Africains ne se perdes années 1980, où il exposa sa peau suadent pas que leurs anciens et leurs d’albâtre aux ardents rayons du soleil, et nouveaux amis n’ont, la plupart du temps, de quelques escapades non moins touque leurs propres intérêts à défendre. Que ristiques au Sénégal, l’Afrique était pour leur potentiel, dont on parle tant depuis lui une terre inconnue. Seule l’Algérie quelques années, ne signifie pas pour faisait exception, parce que ses parents autant que les fruits passeront la promesse – sa mère était pro-indépendance et son des fleurs. Que leur indépendance politique père soutenait l’Algérie française – ont ne s’est pas encore complètement traduite nourri ses premiers émois politiques de sur le plan économique. Que passer de leurs débats contradictoires et qu’il y fit l’aide internationale aux investissements de nombreux voyages, dont un long stage, étrangers n’est pas suffisant. Bref, qu’il toujours pour l’ENA. leur reste un long chemin à parcourir pour parler d’égal à égal avec les puissances de L’Afrique est finalement devenue la ce monde, anciennes ou nouvelles, et ne grande affaire de son mandat. C’est dans pas tout attendre des autres, quels qu’ils les sables et les cailloux de l’Azawad qu’une soient. Peut-être faudrait-il envisager un partie de l’avenir franco-africain se joue. (vrai) sommet Afrique-Afrique… l JEUNE AFRIQUE

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

DIPLOMATIE Hollande et l’Afrique, mode d’emploi

p. 70

OPINION « Ce qui doit changer », par Achille Mbembe p. 78 ÉVÉNEMENT Un sommet hors des sentiers battus

p. 80

INTERVIEW Pierre Moscovici, ministre français de l’Économie et des Finances p. 82

ÉCONOMIE Où en est l’entreprise tricolore en Afrique ? STRATÉGIE Ces patrons qui redécouvrent le continent DIASPORA Tunis in Paris

p. 84

p. 90

p. 100

INTERVIEW Jean-Pierre Bat, historien La Françafrique et ce qu’il en reste p. 102


Le Plus de Jeune Afrique

DIPLOMATIE

Hollande et l’Afrique, mode d’emploi Le sommet qui, les 6 et 7 décembre, réunira à Paris les chefs d’État du continent a pour thème la paix et la sécurité. L’occasion pour la France, qui a perdu de son influence, et ses interlocuteurs africains d’élaborer une nouvelle relation ?

FRANÇOIS SOUDAN

C

e sont les deux derniers chefs d’État africains à avoir été reçus à l’Élysée, en novembre, et ils en sont tous deux conquis. Le Togolais Faure Gnassingbé et le Guinéen Alpha Condé, à l’instar de la plupart de leurs pairs d’Afrique subsaharienne, estiment que François Hollande sort à son avantage de la comparaison avec son prédécesseur: les entretiens sont plus longs – de quarante à cinquante minutes en moyenne, au lieu des vingt minutes montre en main accordées par Nicolas Sarkozy – et le président français, qui écoute plus qu’il ne parle, s’abstient de donner des leçons. Cette différence de style, appréciée de ses interlocuteurs, n’est évidemment pas la seule. La « cellule africaine » de l’Élysée a disparu et les fameux réseaux aussi. Certes, dans le grand bureau avec vue sur jardinet du no 2 de la rue du même nom, Hélène Le Gal et son adjoint, Thomas Mélonio (lire p. 75), continuent de maintenir la tradition d’une adresse un peu à part. Les deux conseillers Afrique du président, s’ils reçoivent beaucoup – avec une prédilection décomplexée pour les acteurs de la société civile, les ONG et les opposants –, voyagent très peu sur le continent et ne parlent jamais au téléphone avec les chefs d’État, contrairement à une habitude « françafricaine » ancrée chez leurs prédécesseurs. Pas question d’empiéter sur le territoire des N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

diplomates du Quai d’Orsay, lesquels, profitant du peu d’appétence africaine de Laurent Fabius, ont repris sur les dossiers continentaux une emprise qu’ils avaient perdue depuis des lustres. À une nuance près: beaucoup sont désormais des « swahilisants », qui ont fait leurs classes en Afrique de l’Est ou en Afrique australe. Leur ministre de tutelle ayant décidé que la diplomatie économique devait être une priorité (lire pp. 84-86), ils ont une forte tendance à orienter leur activité en direction des pays anglophones ou lusophones émergents – Afrique du Sud, Nigeria, Kenya, Ghana, Éthiopie, Angola, Mozambique –, au détriment d’un ex-pré carré francophone qui ne représente que 19 % du PIB de l’Afrique subsaharienne. DÉSINVOLTURE. Ce qui reste de relations per-

sonnalisées avec les chefs d’État revient donc à François Hollande. À cet égard, le président français a incontestablement évolué. Pendant sept mois, jusqu’au déclenchement de l’opération Serval au Mali, le 11 janvier 2013, il se tient à distance d’une Afrique qu’il connaît mal, où il n’a ni amis ni intérêts et dont il se méfie, quitte à faire preuve, comme lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa, en octobre 2012, d’une froideur frisant la désinvolture. Sa brusque transformation en général en chef sur le front de la lutte contre le terrorisme, ses déplacements à Bamako et à Tombouctou où il a l’impression de marquer l’Histoire, l’ouvrent sans transition aux réalités du continent. l l l JEUNE AFRIQUE

PHOTOS : PATRICK KOVARIK/AFP ; OLIVIER THOMAS/DIVERGENCE-IMAGES ; GERARD ROUSSEL/PANORAMIC ; LIONEL PREAU/RESERVOIR PHOTO

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q Le président guinéen, Alpha Condé, a été reçu à l’Élysée le 21 novembre.

q Avec Mahamadou Issoufou (Niger), le 10 mai.

q Il a été précédé par Faure Gnassingbé (Togo), le 15 novembre.

q Et Ali Bongo Ondimba (Gabon), le 5 juillet 2012.


Le Plus de J.A. Afrique-France l l l Physiquement, il découvre des sensations inconnues, tout comme il prend langue avec des alliés plus complexes qu’il ne le croyait et qui n’étaient pas a priori sa tasse de thé : Idriss Déby Itno, Blaise Compaoré, Alassane Ouattara, Faure Gnassingbé… En tête à tête ou au téléphone, HollandeconsultevolontiersMahamadouIssoufou, Goodluck Jonathan ou Mohamed Abdelaziz. Résultat : les exigences de bonne gouvernance s’effacent peu à peu devant la nécessité d’inclure le maximum de pays dans une vaste coalition antijihadiste, d’autant que les États-Unis, leaders en ce domaine ailleurs dans le monde, ont en quelque sorte sous-traité ce rôle à la France dans

À l’hydre des réseaux s’est substitué le maquis des centres de décision autonomes.

toute la zone sahélienne. Les prises d’otages au Cameroun et le chaos centrafricain ont par ailleurs remis dans la course, aux yeux de l’Élysée, le rôle indispensable d’un Paul Biya ou d’un Denis Sassou Nguesso, un peu vite relégués au rang d’espèces en voie de disparition. Idem pour le Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, le maintien de la base française sur les rives du golfe d’Aden étant plus que jamais considéré comme stratégique. TROPISME. Le vent de realpolitik africaine qui souffle désormais sur l’Élysée socialiste, au détriment des préoccupations droit-de-l’hommistes du début du quinquennat, n’est donc pas dû à des

François-langue-de-soie Passé colonial, Printemps arabes… Au Maghreb, le chef de l’État français tient un discours d’apaisement. Et à géométrie variable.

A

lger en décembre 2012, Rabat en avril dernier, Tunis en juillet… Entamée huit mois après son élection, la tournée maghrébine de François Hollande visait à remettre un peu d’ordre – et d’harmonie – dans les relations de la France avec ses anciennes conquêtes nord-africaines. Quand le texte, entre-temps abrogé, sur le « rôle positif » du colonialisme voulu par ses prédécesseurs Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy avait outré Alger, le président français a, devant les deux assemblées parlementaires du pays (celui qu’il connaît le mieux en Afrique, pour des raisons personnelles), reconnu « les souffrances que le système colonial a infligées au peuple algérien ». Un geste par ailleurs tactique, au moment où se préparait l’opération Serval dans le nord du Mali.

PHILIPPE WOJAZER/AFP

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p Le 20 décembre 2012, à Alger, le président français a reconnu « les souffrances que le système colonial a infligées au peuple algérien ».

OPTIMISME. Si à Tunis, qui a « montré l’exemple », le président français a volontiers affiché son optimiste sur les révolutions arabes (« Vous portez un espoir qui va bien au-delà du peuple tunisien »), il a semblé plus partagé à Rabat, parlant de ces Selon son habitude, il pèse chaque Printemps « prometteurs mais aussi chaotiques ». mot et use de subtiles nuances. Tandis qu’à Alger il déclaDevant les élus tunisiens, autre mea rait diplomatiquement que « chaque culpa de Hollande, qui a évoqué les pays doit trouver sa voie ». Du royaume du Maroc à la Tunisie révolutionnaire « blessures » d’une relation bilatérale à « refonder ». Il est vrai que l’ex-ministre en passant par l’Algérie à fleur de peau, François Hollande doit peser ses mots des Affaires étrangères, Michèle AlliotMarie, avait proposé de mettre le savoiret user de subtiles nuances. faire policier français au service de Ben Ali Alors que l’Union du Maghreb arabe pendant les émeutes de décembre 2010… (UMA) est encore aux abonnés absents, N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

la France pourrait chercher un interlocuteur régional à travers l’Union pour la Méditerranée (UPM), lancée en 2008 mais encore loin d’être opérationnelle. Le rapport Vauzelle sur « la Méditerranée des projets », remis en octobre 2013, recommande de dynamiser l’espace franco-maghrébin en s’adressant plus particulièrement à la jeunesse de ces pays, qui a fait les révolutions. Après avoir tourné la page des mauvais souvenirs et des longues rancœurs, la relance du projet de Sarkozy pour la Méditerranée, revu à la sauce Hollande, pourrait être, paradoxalement, l’occasion d’en écrire de nouvelles, plus apaisées. l LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve !

ILLUSION. Si François Hollande a prononcé quelques beaux discours « africains » depuis son arrivée au pouvoir, lesquels tranchent assurément avec les leçons de Nicolas Sarkozy, la ligne politique censée les relier au quotidien demeure donc à tracer. Ce qui est en jeu, en effet, pour la France, ce n’est pas d’habiller de mots le processus continu de retrait et de désinvestissement de l’Afrique entamé depuis la dévaluation du franc CFA, il y a presque vingt ans, mais bien d’en inverser la courbe. Face à des interlocuteurs africains désormais portés par leurs taux de croissance à se montrer de plus en plus rugueux et exigeants, prompts, aussi, à faire jouer la concurrence et les rapports de forces, Paris a perdu de ses attraits et de son influence. L’illusion d’un sommet, si fréquenté soit-il, ne doit pas faire oublier cette douloureuse réalité. l JEUNE AFRIQUE

L’UMP EN TOURNÉE

L

e peu d’appétence des socialistes pour les fameux réseaux françafricains et la nostalgie de certains chefs d’État du continent pour cette époque récente où les relations personnalisées tenaient lieu de sésame politique ont ouvert un boulevard aux ténors de l’Union pour un mouvement populaire (UMP). Qu’ils vendent leurs conseils, représentent des sociétés privées, participent à des conférences rémunérées ou promeuvent leur propre destin national, ils sont nombreux à arpenter l’ex-pré carré francophone. Alors que l’ancien Premier ministre, François Fillon, s’est envolé le 27 novembre pour le Sénégal puis la Côte d’Ivoire (avec l’ex-secrétaire d’État au Commerce extérieur, Pierre Lellouche), son rival Jean-François Copé a depuis longtemps pris les devants. Intervenant appointé à Brazzaville fin juillet, le président de l’UMP multiplie les rencontres avec les chefs d’État africains de passage à Paris. Une activité à laquelle se livre également, avec la ténacité qu’on lui connaît, la députée européenne Rachida Dati, aperçue elle aussi au Congo ainsi que dans les suites des hôtels parisiens où leurs excellences de passage donnent leurs audiences. Justice, éducation,

lutte anti-terroriste: l’expertise proposée par Dati à ses interlocuteurs est multicarte. Déléguée générale aux élections de l’UMP – bien que battue aux législatives de 2012 – et trésorière de l’association des Amis de Nicolas Sarkozy, Nadine Morano a passé une petite semaine à Abidjan fin septembre, invitée par un réseau international d’ONG féminines, mais aussi pour le compte d’une société française de sécurité. Quelques semaines plus tôt, le député maire de Nice, Christian Estrosi, l’avait précédée sur les rives de la lagune Ébrié, tout comme l’ancien sherpa de l’Élysée Jean-David Levitte. Quant à Claude Guéant, l’ex-secrétaire général de l’Élysée, ses activités de consultant l’ont conduit à Malabo, à Bangui ou encore à Libreville. Autant de destinations fréquentées depuis longtemps par ces ex-chiraquiens reconvertis dans le privé que sont Michel Roussin (lire son interview p. 89), Pierre-AndréWiltzer et, plus récemment, Jean-Marc Simon. On n’attend plus que Nicolas Sarkozy lui-même. Pour l’instant, l’ancien président – qui a déjeuné en août avec son ami Alassane Ouattara dans un restaurant niçois – limite ses escapades africaines au FRANÇOIS SOUDAN Maroc. l

ALAIN GUIZARD

considérations commerciales ou à l’obligation de protéger des « amis de la France », mais à des motifs essentiellement sécuritaires. Le rôle et l’influence de l’armée, qui a la haute main sur le traitement de la crise malienne (et demain centrafricaine), sont ainsi essentiels auprès de François Hollande, soit directement via son chef d’état-major particulier, le général Benoît Puga (lire p. 76), soit indirectement via le ministère de la Défense, que dirige le très proche Jean-Yves Le Drian. Cela induit un évident tropisme dans l’approche des dossiers, comme le traduit l’intitulé du prochain sommet de Paris « sur la paix et la sécurité en Afrique », mais ne fixe pas pour autant une politique africaine globale dont on attend toujours la définition et l’identification autour d’une ou de deux personnalités capables, en dehors du président, de l’articuler clairement. Les « consommateurs » africains sont en effet un peu privés de mode d’emploi : à quelle porte frapper dans la mesure où à l’hydre des réseaux s’est substitué le maquis des centres de décision autonomes ? Au ministère des Affaires étrangères, où l’on délaisse les vieilles relations sans en faire exister de nouvelles, la perte d’expertise sur l’Afrique francophone est frappante. La ministre déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui, donne l’impression de jouer les « bons flics » – avec des moyens plus que limités – auprès de chefs d’État que son collègue du Développement, Pascal Canfin, et la garde des Sceaux, Christiane Taubira, s’emploient à agacer – si ce n’est à fragiliser – en ne cachant guère la sympathie que leur inspirent les procédures en cours sur les « biens mal acquis ». Sans compter Bercy, où Pierre Moscovici joue sa partition (lire son interview pp. 82-83), l’Intérieur, où Manuel Valls s’est découvert une urgence africaine, et même la présidence de l’Assemblée nationale, où Claude Bartolone, sous couvert de sa bonne ville de Noisy-le-Sec, dépêche parfois de discrets émissaires en Afrique centrale.

p Rachida Dati, à Tripoli, en juillet 2012. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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"AFRIQUE, TERRE D’INITIATIVES ET D’INTÉGRATIONS" RENCONTRE ANNUELLE 2013 HEC EXECUTIVE CLUBS AFRIQUE Paris, les 4,5,6 & 7 décembre 2013

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Afrique-France Comme on se retrouve ! PORTRAITS

Foccart au placard L’Élysée comme les ministères de l’Intérieur et de la Défense abritent des conseillers spécialistes du continent. Mais fini le temps des éminences grises et des cabinets de l’ombre. Du moins en théorie…

Thomas Mélonio Conseiller Afrique adjoint à la présidence de la République

C

DR

e t re nt e na i re e s t l’un des symboles du rajeunissement de la politique africaine de François Hollande. Il présente un profil à la fois plus technique et plus politique qu’Hélène Le Gal, dont il est l’adjoint. Économiste, diplômé de l’École des hautes études commerciales (HEC) et de Sciences-Po, Thomas Mélonio était, jusqu’à sa nomination, chargé d’étude à l’Agence française de développement (AFD). Et en 2006, il a succédé à Guy Labertit comme responsable Afrique d u Pa r t i

Hélène Le Gal Conseillère Afrique à la présidence de la République

socialiste, mouvement qu’il représente au sein du comité Afrique de l’Internationale socialiste. Il est aussi l’auteur d’un essai, Quelle politique africaine pour la France en 2012 ?, un plaidoyer pour une rénovation des relations franco-africaines publié en vue de l’élection présidentielle. « La coopération traditionnelle doit laisser place à des formes de partenariats plus modernes et plus lisibles », écrivait-il. Il entrera ensuite dans l’équipe de campagne du candidat Hollande comme chargé des politiques de développement. l H.N.

lle est la première femme à occuper ce poste. À 46 ans, elle est aussi plus jeune que ses prédécesseurs. Beaucoup ont donc été surpris, en mai 2012, lorsque François Hollande a nommé Hélène Le Gal « Madame Afrique » (elle préfère le titre de « conseillère ») au sein de la cellule diplomatique de l’Élysée, dirigée par Paul Jean-Ortiz. Un poste longtemps occupé par des personnages présumés sulfureux, dont le plus célèbre fut Jacques Foccart (de 1958 à 1974), figure de proue de la Françafrique. Un poste, aussi, que cette diplomate de carrière, discrète et placide, a reçu pour mission de rafraîchir. C’est en Afrique qu’elle a débuté, comme deuxième secrétaire de l’ambassade de France à Ouagadougou (1988-1990), avant d’être promue conseillère technique du ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie (2000-2002) dans le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, puis sous-directrice Afrique centrale et orientale au Quai d’Orsay (2005-2009). Hélène Le Gal aurait pu devenir ambassadrice, fin 2011, à Kigali, si une mésentente entre Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, et les autorités rwandaises n’avait fait capoter sa nomination. Six mois et une élection présidentielle plus tard, elle entrait à l’Élysée. l HABY NIAKATE

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CMI MARSEILLE

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Benoît Puga Chef d’état-major particulier du président de la République

CHRISTOPHE PETIT TESSON/MAXPPP

vec le « démantèlement » de la cellule Afrique de l’Élysée, l’armée a pris du galon. D’abord chef d’état-major particulier de Nicolas Sarkozy, le général Benoît Puga a été maintenu dans ses fonctions par François Hollande. Cet ancien de la Légion étrangère, âgé de 60 ans, jouit d’une excellente réputation, qu’il doit à une très riche expérience du terrain, à un sens aigu de la stratégie et à son entregent. Ex-directeur du renseignement militaire, il a été en première ligne lors de la guerre en Libye. Il l’est resté au Mali, contre les jihadistes du Sahel, et en Centrafrique, où la France renforce son contingent.

CHRISTOPHE MORIN/IP3

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Cédric Lewandowski Directeur de cabinet du ministre de la Défense

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l est fin connaisseur des questions de défense, et c’est un civil « militaro-compatible ». Deux atouts qui ont convaincu Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, de le placer à la tête de son cabinet. Énarque passé par Sciences-Po, Cédric Lewandowski, 44 ans, est réputé bosseur et peu bavard. Surtout, il dispose de solides réseaux. D’abord dans les milieux parlementaires, qu’il a fréquentés comme collaborateur du sénateur socialiste Alain Richard (1995-1997) ; ensuite dans les cénacles militaires, pour avoir suivi son mentor quand celui-ci était ministre de la Défense (1997-2000) ; enfin, dans le monde des affaires et la haute fonction

publique, puisqu’il a été le bras droit de François Roussely, président d’EDF de 1998 à 2004. Dès son retour à l’hôtel de Brienne, Cédric Lewandowski a habilement manœuvré pour rééquilibrer les pouvoirs entre son ministre et l’état-major, qui, depuis un décret de 2009, détient l’essentiel de l’autorité sur l’armée. Si sa stratégie réussit bien à Jean-Yves Le Drian, l’un des ministres les plus en vue du gouvernement, elle n’en irrite pas moins les superétoilés qu’il côtoie tous les jours. Ces derniers vivent toujours difficilement la primauté du civil sur le militaire. l SEIDIK ABBA

Ibrahima Diawadoh N’Jim Chargé de mission affaires réservées et diversité au ministère de l’Intérieur

Très influent, il a l’oreille du président, mais aussi sa confiance et son estime. Et ce en dépit de divergences idéologiques dont les deux hommes font abstraction. Père de onze enfants, ce catholique traditionaliste a grandi dans le culte de l’armée, que son père servait comme lieutenant-colonel. Lycéen rebelle – chez les jésuites à Paris –, il s’est discipliné à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Puis a fait ses classes au Zaïre, avant de servir, entre autres, au Gabon, en Centrafrique, à Djibouti et au Tchad. l

ien ne prédestinait Ibrahima Diawadoh N’Jim, né il y a près de soixante ans à Kiffa, au milieu du désert mauritanien, à se retrouver sous les lambris de la République française. Et pourtant, il est aujourd’hui l’un des proches conseillers de Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, dont il est un ami de longue date. À son arrivée en France, à la fin des années 1980, Ibrahima Diawadoh N’Jim s’installe à Évry, en banlieue parisienne. Professeur d’arabe dans le secondaire, le jeune homme, sensible aux idéaux de gauche, milite à la section locale du Parti socialiste. En 2001, il anime la campagne qui mènera Valls à la tête de la mairie. Les deux hommes ne se quitteront plus. Ce musulman, chargé des dossiers liés à l’intégration, à la diversité et au culte, fait preuve d’un tempérament calme et réfléchi, apprécié du patron de la Place Beauvau et de ses collègues. l

JOAN TILOUINE

BENJAMIN ROGER

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NOSSANT/APERCU/SIPA

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OPINION

Ce qui doit changer Par

ACHILLE MBEMBE*

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epuis la deuxième moitié du XXe siècle, chaque nouveau dirigeant français s’est cru obligé d’en appeler à une refonte des relations avec l’Afrique. Ce fut le cas du général de Gaulle le 30 janvier 1944, à Brazzaville. Alors que la guerre n’était pas terminée, il invitait la France à « établir sur des bases nouvelles les conditions de la mise en valeur de notre Afrique » et, dans la relation entre la métropole et l’empire, à « choisir noblement, libéralement, la route des temps nouveaux ». Lors d’une allocution devant le Parlement sud-africain réuni au Cap en février 2008, Nicolas Sarkozy ne dérogea point à la règle: « L’ancien modèle de relations entre la France et l’Afrique n’est plus compris par les nouvelles générations d’Africains, comme d’ailleurs par l’opinion publique française », déclarait-il alors, avant d’appeler à de nouveaux rapports fondés non plus sur l’inégalité, l’exploitation et le ressentiment, mais sur le respect et la reconnaissance des intérêts mutuels. À Dakar, en octobre 2012, François Hollande y allait de sa propre voix : « Le temps de la Françafrique est révolu »… « Il y a la France et il y a l’Afrique », deux entités distinctes dont les rapports devraient être désormais fondés sur « le respect, la clarté et la solidarité ». Nonobstant ces appels, la substance des rapports francoafricains n’aura changé qu’à la marge. Les trois piliers qui en constituent la matrice depuis 1820, à savoir le racisme culturel, le paternalisme et le mercantilisme, n’auront cessé de faire l’objet d’un recyclage quasi permanent. Les choses auraient pourtant pu se passer autrement, notamment au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Grâce en partie au concours massif des soldats africains, la France, bien que défaite, évite le désastre. Le général de Gaulle est si conscient de la contribution décisive de l’Afrique à la chute du nazisme qu’il ne qualifie pas seulement ce conflit de « guerre africaine » ; à ses yeux, ce combat aura forgé, entre la métropole et l’empire, « un lien définitif ». La « dette de sang » contractée à la faveur de l’effort de guerre et sur les champs de bataille laisse entrevoir la possibilité qu’aux rapports de sujétion pure et simple se substituent des rapports de fraternité. L’abolition du travail forcé et du code de l’indigénat, puis la naissance des partis politiques et des organisations syndicales dans les pays coloniaux changent en effet la donne. La plupart des grandes mobilisations africaines des années 1950 ne visent pas l’indépendance en tant que telle. Elles ont pour objet la jouissance pleine et entière du statut de citoyen – avec ses droits et ses devoirs – au sein d’une large Union française regroupant la France métropolitaine et toutes ses dépendances. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

En octroyant finalement l’indépendance à ses anciennes possessions, en 1960, la France montre qu’elle n’est pas prête à faire de tous ses anciens sujets africains des citoyens à part entière d’une communauté politique rénovée, multiraciale et multinationale, où la frontière entre métropole et empire serait institutionnellement abolie. Paradoxe historique, la décolonisation à la française se résume cependant ainsi : « Ni indépendance réelle et effective, ni inclusion au sein de la nation française ». La « Françafrique » est la traduction en actes de ce paradoxe. On en parle souvent comme si elle ne consistait qu’en quelques intermédiaires, émissaires et officines opérant dans l’ombre. Mais qu’est-elle sinon un modèle de contrôle et de domination sans responsabilité ? Vaste système d’immunités fondé sur l’assimilation réciproque et la corruption mutuelle des élites

Il faut en finir avec le racisme culturel, le paternalisme et le mercantilisme. françaises et africaines, elle sera régie par toutes sortes d’arrangements privés et de passe-droits et huilée par des pratiques illégales, voire criminelles. Pour sa survie, ce système dépendra de la permanence de formes de pouvoir tyrannique en Afrique et d’une patrimonialisation de la politique africaine de la France soustraite à tout contrôle démocratique et parlementaire. Grâce à ce système, les potentats africains jouiront d’une large autonomie vis-à-vis de leurs peuples, devant lesquels ils ne seront guère comptables. Des accords secrets et inégaux feront des satrapes africains des vassaux au sein d’une vaste toile informelle affixée à l’État français. Au centre de cette toile trônera le chef de l’État français. Il sera relayé par ses courtisans, ses émissaires, une panoplie d’officines dans lesquelles se mêleront affairisme, renseignement policier et militaire, toutes sortes de faveurs, et où, de temps à autre, l’on décidera de quelques assassinats ciblés. Pour jouir de la protection assurée par le suzerain, les potentats africains se déchargeront en retour d’aspects cruciaux de la souveraineté de leurs États sur les plans militaire, monétaire et idéologique. Pour certains, ce cycle historique, désormais privé des ressources de sa reproduction sur la longue durée, arrive à sa fin. Pour d’autres, la pieuvre est loin d’être morte. Toujours est-il que, hors de France, l’Afrique est de plus en plus considérée comme l’un des lieux majeurs où se joue l’avenir du monde. Le continent est en passe de devenir le centre de gravité d’un cycle nouveau de migrations planétaires. Les Chinois s’installent au cœur de ses grandes métropoles et jusque dans ses bourgades les plus reculées, tandis que des JEUNE AFRIQUE


NICOLAS MARQUES / KR IMAGES PRESSE

Comme on se retrouve !

colonies commerçantes africaines s’établissent dans plusieurs mégalopoles d’Asie. Des milliers de Portugais migrent en Angola et au Mozambique. Dubaï, Hong Kong, Istanbul, Bombay, São Paulo et Shanghai prennent le relais des grandes destinations euro-atlantiques. Des dizaines de milliers d’étudiants s’en vont en Chine chaque année, tandis que le Brésil, l’Inde et la Turquie frappent à la porte. Une extraordinaire vernacularisation des formes et des styles est en cours, transformant les grandes villes africaines en capitales mondiales d’une imagination à la fois baroque, créole et métisse. Petit à petit, l’on va vers une plus grande transnationalisation de la société, de la vie intellectuelle, culturelle et artistique. Des projets d’infrastructures de grande envergure (autoroutes et chemins de fer régionaux, ports et aéroports internationaux), susceptibles de tisser des réseaux de communication qui transcendent les frontières nationales sont mis en œuvre. Les nouvelles élites gouvernantes ont compris qu’il faut à tout prix désenclaver si l’on veut donner sa chance à cette Afrique-monde en gestation. Car la politique du futur africain sera, de prime abord, une politique de la déclosion et de la circulation. Tel étant le cas, la sorte d’agenda africain qu’esquisse François Hollande depuis son allocution dakaroise est raisonnable, encore que très modeste au regard des enjeux d’aujourd’hui et de demain. La volonté de rétablissement des rapports d’État à État représente certes un progrès. Encore faut-il qu’elle s’accompagne d’une redéfinition des termes de la présence JEUNE AFRIQUE

militaire française en Afrique et des modalités de la souveraineté monétaire des pays de la zone franc. L’intervention française au Mali a été saluée par beaucoup. Le grand danger qui menace cependant l’ensemble du continent, c’est le vide hégémonique. C’est la mollesse des institutions africaines dans un contexte d’affaiblissement des formes nationales de la souveraineté, d’intensification de l’économie d’extraction, d’émergence d’une classe de sans-travail, de multiplication des guerres de prédation qui mêlent acteurs internes et externes, de déterritorialisation des ensembles hérités de la colonisation et d’émergence de nouvelles formes de luttes pour la survie. Le grand danger, c’est également l’absence d’un noyau d’États-phares ou d’États-locomotives qui, de concert, travailleraient pour juguler les tendances au morcellement et à la balkanisation, pour accroître nos marges d’autodétermination, pour négocier avantageusement avec le reste du monde. Car en plus des formes religieuses de la violence, d’autres dangers pointent : la montée du mercantilisme chinois en Afrique ; le regain de l’interventionnisme occidental dans les conflits régionaux ou nationaux ; la recrudescence du militarisme américain et la transformation progressive de régions entières du continent en champs potentiels d’intervention ou en bases militaires pour les forces américaines ; la nouvelle course pour le contrôle des ressources du sol et du sous-sol africain. Les risques d’une « afghanistanisation » de pans entiers du continent sont donc réels et ne se limitent point, loin s’en faut, au Sahara. Sur tous ces fronts, la France peut apporter une contribution positive si elle travaille avec les Africains et non malgré eux. Par ailleurs, si, comme l’affirment les franges éclairées de son élite, la France et l’Afrique disposent effectivement d’une histoire commune et d’une langue en partage, il est étonnant que la question d’une politique culturelle visant justement à faire fructifier cet « en-commun » ne soit guère perçue comme un enjeu stratégique. Pour le reste, confrontée à une crise profonde qui n’est pas seulement économique puisqu’elle affecte jusqu’aux ressources imaginaires de son identité, la France dispose-t-elle des moyens matériels d’une véritable politique du monde?Taraudée par le rêve funeste d’une « communauté sans étrangers », la société

Pour certains, la pieuvre de la Françafrique est loin d’être morte. française n’est-elle pas en train de se fourvoyer dans les marécages du racisme et de la provincialisation ? Pendant trop longtemps, la France a vécu sur une idée obsolète de l’Afrique et est passée à côté des énormes transformations dont cette région du monde a fait l’expérience au cours du dernier quart du XXe siècle notamment. Sortir du triple piège du racisme culturel, du paternalisme et du mercantilisme exigera plus qu’un catalogue de bonnes intentions. l * L’historien camerounais enseigne l’histoire et les sciences politiques à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg. Lire son interview pp. 142-144. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Le Plus de J.A. Afrique-France

LIRE AUSSI L’actualité et les coulisses du sommet, sur www.jeuneafrique.com

ÉVÉNEMENT

Hors des sentiers battus Signe que les temps changent, Paris a fait en sorte de ne pas s’enfermer dans un tête-à-tête avec ses anciennes colonies. Les organisations régionales et les pays anglophones auront aussi leur mot à dire.

PIUS UTOMI EKPEI/AFP

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p L’Éthiopien Hailemariam Desalegn, président en exercice de l’Union africaine (à dr.), et le Nigérian Goodluck Jonathan

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omment célébrer des retrouvailles entre l’Afrique et la France sans tomber dans la Françafrique ? Les organisateurs du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, qui se tient les 6 et 7 décembre à Paris, ont retourné cette question dans tous les sens. Ils ont finalement trouvé la parade : emprunter des éléments aux traditionnelles rencontres Afrique-France telles qu’elles se pratiquent depuis 1973, mais en tenant compte du nouveau contexte pour en enrichir et en modifier le contenu. Sur ce plan, l’innovation majeure du sommet porte sur le leadership reconnu à l’Unionafricaine(UA)etauxcommunautés économiquesrégionalesenmatièredepaix et de sécurité sur le continent. L’approche a du sens. Elle permet en effet d’envisager une future stratégie continentale sur la sécuritéàpartirdesenseignementstirésde la Mission de l’UA en Somalie (Amisom), de la Mission conjointe des Nations unies et de l’UA au Darfour (Minuad), de l’action de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) au Mali et de la gestion de la crise centrafricaine par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac). « Nous ne cherchons pas à inventer la roue. Nous voulons

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bâtir à partir de ce qui existe déjà, assure un diplomate impliqué dans l’organisation du sommet. Prenez l’architecture africaine de paix et de sécurité de l’UA, elle est la preuve que quelque chose bouge sur le continent. »

Compaoré,MahamadouIssoufou,Moncef Marzouki…), mais ses vedettes devraient être le Nigérian Goodluck Jonathan et l’Éthiopien Hailemariam Desalegn, président en exercice de l’UA. Le reste de l’ordre du jour obéit aussi à ce désir de ne pas s’enfermer dans la Françafrique. D’où l’option d’axer les discussions sur des questions transversales: les effet du changement climatique, la lutte contre la drogue, la piraterie maritime – avec la volonté de s’appuyer sur les résultats du sommet conjoint CeeacCedeao sur la sûreté et la sécurité en mer organisé en juin à Yaoundé. Les quelque 40 chefs d’État et de gouvernement devraient par ailleurs se pencher sur les moyens de redynamiser le partenariat économique franco-africain, en s’attardant notamment sur la valorisation des talents, la libre circulation des hommes d’affaires et la sécurité juridique des investissements. Là non plus, la France ne peut ignorer l’arrivée en force de nouveaux acteurs tels que la Chine, l’Inde et le Brésil. L’évolution des rapports entre la France et l’Afrique n’est donc plus un choix, mais une nécessité. l

HUIS CLOS. À Paris, on souhaite profiter de

cette dynamique pour aider les Africains à réaliser leur projet de se doter d’une capacité de réaction rapide. Le financement de cette force, dont la création a été décidée en mai lors du sommet de l’UA, à Addis-Abeba, son équipement, sa logistiqueetlaformationdesespersonnels seront abordés à huis clos le 6 décembre dans l’après-midi. Selon une source française, le pays hôte envisage de procéder à d’importantes annonces sur le plan de l’aide à la formation et de l’équipement. Pour les autorités françaises, l’enjeu est double: doter l’Afrique des moyens d’assurer sa sécurité, mais aussi ne plus avoir à intervenir directement, comme en janvier au Mali et demain en Centrafrique. Cette approche des organisateurs associant le neuf et le vieux permet également à la France de sortir du tête-à-tête souvent critiqué avec ses anciennes colonies. Les francophones seront certes présents en force au sommet (Mohammed VI, Blaise

SEIDIK ABBA

En marge du 26e

sommet

! 4 décembre Rencontres économiqu es organisées par le minis à Bercy, tère des Finances et Medef Int ernational ! 5 décembre Forum Afrique-100 inn ovati organisé par le ministèr ons, e chargé du Développement et l’AFD. Réunion sur la lutte co ntre le braconnage (organis ée le ministère de l’Enviro par nnement et Nicolas Hulot) au musé e de la Marine ! 6 décembre Réception et rencontr e des premières dames au musée du Quai Branly, sous la présidence de Valérie Trierweiler JEUNE AFRIQUE


1er réseau de logistique intégrée sur le continent africain 1er opérateur de partenariat public-privé portuaire en Afrique 25 000 collaborateurs

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Le Plus de J.A. Afrique-France INTERVIEW

Pierre Moscovici « Mon objectif: doubler les flux commerciaux entre la France et l’Afrique » Le ministre français de l’Économie et des Finances veut redynamiser les échanges avec le continent. Ce qui suppose des partenariats mutuellement bénéfiques, et davantage de transparence.

L

es temps sont difficiles pour Pierre Moscovici. Publiquement – et « injustement », selon lui – mis en cause en début d’année dans le cadre de l’affaire Cahuzac (du nom de son ancien ministre du Budget, accusé de fraude fiscale), confronté à une situation sociale critique, le ministre français de l’Économie et des Finances semble aujourd’hui déstabilisé par Jean-Marc Ayrault, le chef du gouvernement, sur la question de la réforme fiscale. Du coup, pour cet ancien proche de Dominique Strauss-Kahn, le front africain semblerait presque un havre de paix… À 56 ans, celui qui confie que « la politique s’accommode mal de l’inactivité » veut que la France reprenne l’initiative dans une Afrique en pleine croissance. Certes, lui-même concède « mal la connaître », mais ses équipes l’assurent : jamais un ministre français de l’Économie ne s’est autant intéressé à cette partie du monde. À quelques jours du grand événement organisé par son ministère pour redynamiser les relations économiques entre la France et le continent, il a reçu Jeune Afrique dans son bureau de Bercy. JEUNE AFRIQUE : François Hollande organise son premier sommet AfriqueFrance. Qu’en attendez-vous ? PIERRE MOSCOVICI : C’est un événe-

ment politique majeur, qui fera date et qui arrive à un moment où les relations entre l’Afrique et la France ont atteint une qualité exceptionnelle. La France a montré son engagement envers le continent, et François Hollande a fait preuve d’un courage particulier en intervenant au Mali pour défendre le principe de la liberté des peuples. L’un des enjeux majeurs de ce sommet sera de prolonger cette dimension sécuritaire. La France et l’Afrique ont un destin commun. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Une fois n’est pas coutume, des dirigeants anglophones seront conviés. L’Élysée veut-il éviter de s’enfermer dans un dialogue avec le pré carré francophone ?

Ce n’est pas un sommet comme il a pu en exister, avec un aspect nostalgique et passéiste. Il est ouvert à toute l’Afrique, et son ordre du jour, qui va des questions climatiques aux questions économiques, est bien fourni. Nous devons parler avec l’ensemble du continent. La France n’a pas de positions exclusives figées pour l’éternité. Nous avons des concurrents. Il faut être dynamiques et offensifs. Le volet économique occupera une place importante…

Il y a une prise de conscience de l’énorme potentiel économique de l’Afrique. C’est un continent certes hétérogène, mais il converge avec les Brics [Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud], et un nombre croissant de pays

Je n’ai pas l’intention de m’apesantir sur le bilan ou de remettre en cause le passé. Il faut se tourner vers l’avenir et abandonner une logique de stock pour adopter une logique de flux. J’ai donc demandé à cinq personnalités liées à l’Afrique – le diplomate Hubert Védrine, le financier Lionel Zinsou, l’économiste Hakim el-Karoui, l’ancien patron de l’AFD [Agence française de développement] Jean-Michel Severino et l’assureur Tidjane Thiam – de me remettre le 4 décembre un rapport qui s’appuie sur un principe fort: la croissance de l’Afrique et celle de la France sont indissociablement liées ; l’agenda économique des responsables africains, c’est le nôtre. De mes discussions avec les auteurs du rapport, il ressort que nous disposons d’atouts indéniables : les Africains représenteront 85 % des francophones dans le monde en 2050 ; l’Afrique est une terre de croissance pour la France, ce qui pourrait représenter, pour elle, un enjeu de plus de 200 000 emplois. Mais nous devons repartir de l’avant, car nos parts de marché en Afrique subsaharienne se sont effritées ces dix dernières années.

Nous devons reprendre l’initiative, car nos parts de marché se sont effritées. africains sont désormais émergents, avec une classe moyenne en expansion. Le travail de Bercy consiste à favoriser le développement d’un véritable partenariat mutuellement bénéfique, avec une répartition de la chaîne de valeur ajoutée sur nos territoires respectifs dans le cadre de ce qu’on appelle la colocalisation. Il nous faut être très ambitieux, c’est pourquoi je propose que nous fixions l’objectif d’un doublement des flux commerciaux entre le continent et la France, pour atteindre 120 milliards d’euros d’ici à cinq ans. La France ne prend-elle pas un peu tard le train de la croissance africaine ?

Avez-vous le sentiment que le discours sur l’Afrique évolue ? On a parfois l’impression que faire des affaires sur le continent est perçu de façon négative…

Il faut changer ce regard. C’est tout le sens de l’événement que nous organisons le 4 décembre avec Medef International à Bercy. Il y aura plus de 500 entreprises françaises et africaines, ainsi que des chefs d’État. Que pensez-vous de la politique des visas, notamment à l’égard des décideurs et des futures élites ?

Il faut favoriser la promotion des jeunes talents entrepreneuriaux, à la fois français et africains, et accroître les échanges dans JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve !

VINCENT FOURNIER/J.A.

83

p Le patron de Bercy, dans son bureau, à Paris, le 21 novembre.

ce domaine. Nous ferons des propositions en ce sens lors du sommet. Concernant les visas, il faut dissocier la question des flux migratoires de celle touchant aux mouvements des élites africaines. Ces dernières doivent voir dans la France une terre accueillante. De nombreux progrès ont été accomplis dans ce domaine, qui est du ressort de mes collègues Laurent Fabius [Affaires étrangères] et Manuel Valls [Intérieur]. En mars, les directives données aux consulats pour délivrer des visas aux hommes d’affaires ont été largement améliorées.

services économiques doivent travailler ensemble. Il n’y a plus de ministre de l’Afrique, et les différents ministères concernés s’occupent de plus en plus eux-mêmes, directement, du continent. Nous avons stabilisé les effectifs des services économiques, et Ubifrance [l’agence française pour le développement international des entreprises] a ouvert plusieurs bureaux en Afrique.

La France dispose-t-elle de moyens financiers suffisants, notamment face à ses nouveaux concurrents ?

Le déliement de l’aide permet également à nos entreprises de bénéficier de l’aide accordée par d’autres pays… Notre approche diffère de celle de la Chine en ce qu’elle est plus désintéressée et que nous prenons davantage en compte des objectifs de développement. Ce qui ne veut pas dire que nos entreprises ne bénéficient pas de l’aide française.

Les flux financiers sont fondamentaux. Il y a les flux publics qu’il faut maintenir, mais pour stimuler les flux privés, il faut aussi réduire l’évaluation du coût du risque pays en Afrique, qui alourdit le coût des investissements. La perte d’influence de la France en Afrique n’est-elle pas également due à la multiplication et à la mauvaise coordination des organes de coopération ?

La diplomatie économique est forcément une coproduction entre plusieurs ministères. Les ambassades et les JEUNE AFRIQUE

Trouvez-vous normal que des entreprises chinoises, dont le pays pratique l’aide liée, réalisent des projets financés par l’aide publique française ?

assemblées générales de la Banque mondiale, j’ai signé une facilité financière dans le domaine des industries extractives afin d’éviter la captation de cette rente, et de lutter contre l’opacité et la corruption. Selon l’ONG Oxfam, le Niger n’a touché que 459 millions d’euros sur les 3,5 milliards tirés par Areva de l’extraction de l’uranium de ce pays. Pourquoi la transparence et l’équité ne s’appliquentelles pas dans ce cas précis ?

Fort heureusement, les chiffres dont je dispose sont beaucoup plus favorables que cela pour le Niger. De manière générale, nous jouons notre rôle d’actionnaire en plaidant en faveur de la transparence. La France a une ambition africaine. Qu’en est-il de l’Europe ?

Est-il possible de rénover nos relations, de les rendre respectueuses de la bonne gouvernance, sur un continent stratégique pour l’approvisionnement de la France en ressources naturelles ?

L’Europe et les Européens sont présents en Afrique. Il y a une politique sécuritaire commune, mais pas de politique économique. Nous sommes des partenaires mais aussi des concurrents en Afrique. J’appelle mes collègues européens et africains à conclure enfin les négociations des accords de partenariats économiques. l

Il faut tendre vers la transparence et la bonne gouvernance. Lors des dernières

JULIEN CLÉMENÇOT et FRÉDÉRIC MAURY

Propos recueillis par

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


Le Plus de J.A. Afrique-France ÉCONOMIE

Contrées à explorer Chahutées par la concurrence mondiale, les firmes hexagonales tentent de résister en s’ouvrant à l’Afrique anglophone et lusophone. Leurs nouvelles cibles : le Nigeria, l’Angola, l’Égypte…

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

E

n cette fin 2013, les bonnes nouvelles pour les entreprises françaises sont souvent arrivées d’Afrique. À commencer par ce « contrat du siècle » signé par Alstom en Afrique du Sud, dans le sillage de la visite de François Hollande, avec l’opérateur ferroviaire public Prasa : 3,8 milliards d’euros pour la fourniture, entre 2015 et 2025, de 600 trains de banlieue (soit 3 600 voitures). Au même moment, GDF Suez annonçait la construction d’une centrale thermique pour 1,5 milliard d’euros. En septembre, c’était le Mozambique qui, en passant commande de 24 chalutiers et de six patrouilleurs pour quelque 200 millions d’euros, assurait aux chantiers navals de Cherbourg deux années de travail. Quelques mois plus tôt, le groupe Eiffage annonçait réaliser les terre-pleins du port de Lomé pour 26 millions d’euros, et Thales, spécialiste de l’électronique de défense, signait trois contrats évalués à plusieurs centaines de millions d’euros en Afrique du Sud et en Égypte. Cette avalanche de gros contrats est-elle le signe d’un nouvel essor des échanges entre la France et le continent? S’agissant des exportations françaises, N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

la progression est indiscutable. Entre 2004 et 2012, alors qu’elles augmentaient de 28 % au total, celles en direction de l’Afrique bondissaient de 55 %, ce qui en fait la deuxième zone la plus dynamique après l’Asie (+ 109 %). Mais cette progression reste marginale, puisque, avec 44,3 milliards d’euros exportés vers le continent, cette région

ne représente toujours que 11 % des ventes des entreprises françaises à l’international. C’est peu. Et la liste des huit principaux pays destinataires – qui comptent pour environ trois quarts des exports à destination du continent – ne bouge pas : on retrouve l’Algérie (au 14e rang mondial), largement en tête devant le Maroc, la Tunisie, l’Afrique du

LA BALANCE COMMERCIALE A BASCULÉ

(Échanges de la France avec l’Afrique, en milliards d’euros)

2011 Export

2012 Import

44

41,7

sol

d

+2,3e

Export

Import

44,3

46

SOURCE : MINISTÈRE DU COMMERCE EXTÉRIEUR

84

sol

d

-1,7e JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve !

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

t Orange (à g.) est présent dans 18 pays africains (ici au Sénégal). Veolia Transdev (à dr.) exploite le tramway de Rabat-Salé, au Maroc.

Sud, l’Égypte, le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. EFFORT. Ces chiffres sont malheureu-

sement trompeurs sur un continent qui connaît de forts taux de croissance. En réalité, la France y perd des parts de marché. En Algérie, le nombre de ses PME présentes a chuté de 40 % entre 2005 et

2011, à en croire le ministère français du Commerce extérieur. Globalement, selon une étude de mai 2012 de la Direction générale des douanes intitulée « Les positions françaises en Afrique menacées », la France a vu ses parts de marché sur le continent s’effondrer de 16,2 % à 8,9 % entre 2000 et 2010, essentiellement au bénéfice de la Chine (qui passe sur

la même période de 3,4 % à 12,5 %) et, dans une moindre mesure, des autres grands émergents (Inde, Russie, Brésil). « Les Français avaient des quasi-monopoles, ce n’était pas tenable. Compte tenu des taux de croissance de cette zone, il est tout à fait normal que nos parts de marché diminuent. L’essentiel est que le chiffre d’affaires progresse », tempère Alexandre Vilgrain, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian) et PDG du groupe agro-industriel Somdiaa. Face à la concurrence, « les entreprises françaises ont dû faire un effort tarifaire, notamment dans le BTP », assure-t-on au Club d’entreprises Bordeaux Afrique (CBSOA). Et si certains secteurs d’exportation de moyenne technologie, comme le matériel électrique ou informatique, souffrent, d’autres tirent leur épingle du jeu – énergie, télécoms, agro-industrie –, voire se découvrent des débouchés africains – comme la sécurité numérique avec Gemalto ou la ville durable avec Lafarge, Schneider Electric, Aegys… Forte de ces domaines d’expertise, la France a désormais pour ambition de sortir de sa zone d’influence traditionnelle et de capter une part de la croissance des grands pays anglophones et lusophones que sont l’Afrique du Sud, l’Angola, le Nigeria, la Tanzanie ou le Kenya. Le plus récent des cinq bureaux africains de l l l

LEURS EXCELLENCES À LA MANŒUVRE

À

trop vouloir promouvoir les aspects politiques et culturels – plutôt que jouer les VRP du patronat –, la diplomatie française aurait-elle pénalisé ses exportateurs ? C’est l’avis de Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, qui a promu la « diplomatie économique » dès son arrivée au Quai d’Orsay en 2012. Objectif : mettre le réseau hexagonal au service des entreprises pour les aider à décrocher des contrats à l’étranger. Parmi JEUNE AFRIQUE

les six pays jugés prioritaires et qui ont suscité la nomination de représentants spéciaux, l’Algérie, avec l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Mais partout, ce sont les ambassadeurs eux-mêmes qui sont priés de mettre la main à la pâte. « La France a l’un des plus beaux réseaux d’ambassadeurs en Afrique, se félicite Philippe Gautier, directeur général adjoint de Medef International. Seulement, nous avons

longtemps été très naïfs dans notre diplomatie. Nous le sommes moins. Les objectifs des ambassades sont beaucoup plus économiques qu’avant, même si nous n’irons jamais jusqu’à y nommer des chefs d’entreprise, comme le font parfois les Chinois ou les Américains. » Les patrons semblent satisfaits de ces nouvelles orientations. « Les ambassadeurs délèguent moins ces dossiers à leurs conseillers économiques »,

se réjouit Jean-Marc Brault de Bournonville, président de la commission Afrique et océan Indien du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF). Alexandre Vilgrain, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), nuance : « Le discours est très bien, mais on peut se demander s’il n’y a pas parfois un manque de concertation avec le ministère de l’Économie. » l S.D. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

85


86

Le Plus de J.A. Afrique-France l l l l’Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance) a d’ailleurs ouvert à Nairobi en septembre. « Ces nouveaux marchés peuvent même attirer des PME expérimentées », s’enthousiasme le CBSOA, qui a déjà accompagné une quarantaine d’entreprises au Ghana, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Éthiopie et en Angola et qui ajoutera l’an prochain quatre ou cinq pays à cette liste. De l’avis de tous les acteurs impliqués dans les relations commerciales entre la France et l’Afrique, les firmes hexagonales font preuve d’un regain

d’intérêt pour le continent. L’avenir de l’entreprise française en Afrique est donc probablement plus radieux que la situation actuelle, pour le moins mitigée. Il n’est pas anodin de voir certaines grandes entreprises comme JCDecaux ou Dassault Systèmes affirmer des ambitions africaines. MAILLAGE. « Il y a dix ans, il était difficile

de recruter pour l’Afrique. Aujourd’hui, on trouve des gens très compétents que cela intéresse », assure Alexandre Vilgrain, qui estime que le maillage aérien du continent, grâce à des compagnies

comme Royal Air Maroc, Air France ou Emirates, facilite les échanges. « Il devient également beaucoup plus facile de se financer, grâce à des acteurs panafricains comme Ecobank ou Attijariwafa Bank, qui pratiquent des taux intéressants », relève pour sa part Guillem Batlle, chargé de mission Afrique subsaharienne et océan Indien à Medef International. L’organisme patronal accompagne aujourd’hui 5 000 entreprises françaises en Afrique. Un nombre encore faible ? Peut-être, mais c’est cinq fois plus qu’il y a dix ans ! l SÉBASTIEN DUMOULIN

Champions toutes catégories (ou presque) Quels sont les secteurs où la France réussit le mieux ? Et quelles sont les entreprises qui comptent – ou qui montent ? les ports d’Abidjan et de Conakry) que de la coopération…

ÉNERGIE

Areva, EDF, Total, GDF Suez… Les grands noms français sont tous très actifs en A f r i q u e, a c c o mp ag n é s de plus petites structures comme Vergnet qui, cette année en Éthiopie, a fourni les 84 éoliennes de la ferme d’Ashegoda – la plus grande d’Afrique.

EAU ET ASSAINISSEMENT

Veolia, Degremont (filiale de GDF Suez) et des PME comme le rouennais Concert’eau ou le nordiste Aloès sont les porte-drapeaux du savoir-faire français en matière de construction et de gestion des services liés à l’assainissement et à l’eau potable.

TRANSPORTS

Si Air France lutte pour conserver ses parts de marché dansun secteur aérien de plus en plus concurrentiel, l’expertise française dans le transport ferroviaire bénéficie à plein à Alstom (tramway de Sétif, en Algérie), à Bolloré (ligne Conakry-Kagbélen, en Guinée), à la RATP (métro d’Alger et tramway de Casablanca) et à la SNCF (qui doit construire au Maroc le premier tronçon de ligne à grande vitesse africaine).

AGROALIMENTAIRE

Les poids lourds sont nombreux, du brasseur Castel à l’huilier Sofiprotéol (propriétaire de Lesieur) en passant par le sucrier Somdiaa, le producteur de coton Geocoton ou le laitier Danone, qui vient de racheter la moitié de Fan Milk, premier fabricant et distributeur de produits laitiers glacés et de jus de fruits en Afrique de l’Ouest.

PORTS

CMA CGM, troisième armateur mondial, Necotrans et Bolloré comptent parmi les acteurs incontournables du secteur, même s’ils sont plus familiers des contentieux (sur N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

réelle assise. Présent dans 18 pays du continent, il compte se lancer très bientôt en Afrique du Sud. Eutelsat et Canal+ sont très bien placés eux aussi.

TÉLÉCOMS

Sur un marché africain qui est aujourd’hui le plus dynamique au monde, Orange dispose d’une

NUMÉRIQUE

Pendant que Morpho (filialedugroupeSafran) équipe la Mauritanie en documents d’identité électroniques, le franconéerlandais Gemalto réalise les registres d’état civil biométriques du Gabon et du Burkina Faso, entre autres, mais aussi les passeports marocains et bientôt les cartes d’identité sud-africaines.

SANTÉ

Outre le leader mondial Sanofi, présent dans dix pays africains et qui a annoncé investir 70 millions d’euros dans une usine en Algérie, la France compte de nombreuses sociétés bien établies dans la distribution de produits médicaux, comme Eurapharma (groupe CFAO, passé sous contrôle japonais), la PME toulousaine Tridem Pharma (qui réalise 100 % de son activité dans 21 pays africains) ou la bordelaise MédEx. l S.D. JEUNE AFRIQUE


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Afrique-France Comme on se retrouve ! CONFIDENCES DE MICHEL ROUSSIN Conseiller du président d’EDF

« Nous avons intérêt à être dégourdis »

JEUNE AFRIQUE : Comment les entreprises françaises abordent-elles le marché africain ? MICHEL ROUSSIN : Elles savent qu’il

n’y a plus de marché captif, que ce n’est pas parce qu’elles sont françaises qu’elles obtiendront un marché. J’ai accompagné en Côte d’Ivoire 78 de nos chefs d’entreprise intéressés par la reconstruction du pays menée par le président Alassane Ouattara, dont les anciennes responsabilités au FMI [Fonds monétaire international] disent son attachement au développement du secteur privé. Lorsque nous avons pris l’avion de retour, un grand calicot déployé dans l’aérogare souhaitait la bienvenue à 43 patrons… turcs. Nous avons intérêt à être dégourdis !

VINCENT FOURNIER/J.A.

Pour l’ancien ministre français de la Coopération, les relations d’affaires sont désormais « sans complexe ».

p L’ex-président du comité Afrique de Medef International, 74 ans, souligne la nécessité d’améliorer le climat des affaires.

mondiale prône aujourd’hui le mieuxdisant. Les Africains veulent, eux aussi, de la qualité. Rappelons tout de même que nous, Français, avons mis fin aux vieilles pratiques de corruption, alors que les Chinois continuent de distribuer de l’argent via leurs ambassades.

Qu’en est-il de la concurrence chinoise ?

Quels sont les obstacles à l’implantation des firmes françaises ?

Fini le temps où les termes du marché étaient : « Je te construis un stade et je m’approprie tes phosphates » ou

Le climat des affaires reste problématique. Mais nos entreprises ne se gênent plus pour demander aux auto-

On ne pratique plus la langue de bois et on a cessé de parler des « amis de toujours ». bien « Je t’offre une université et tu me laisses profiter de ton pétrole ». Certes, la concurrence avec les entreprises chinoises est encore faussée, parce que celles-ci bénéficient des facilités de crédit de la China Exim Bank. Mais les choses changent. Au plus haut niveau des États, on sait que les routes construites par les Chinois présentent des fragilités, et on veut qu’Eiffage, Vinci ou Colas soumissionnent aux appels d’offres et apportent leur savoir-faire. Le moinsdisant ne marche plus, et la Banque JEUNE AFRIQUE

rités d’un pays pourquoi elles ont subi cinq contrôles fiscaux d’affilée, par exemple. Les relations entre acteurs économiques français et africains sont devenues sans complexe. On ne pratique plus la langue de bois et on a cessé de parler des « amis de toujours ». Le classement des pays où il fait bon investir, présenté chaque année par le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, est pris en compte par les États, qui font des efforts incontestables pour simplifier la vie des investisseurs, notamment en créant

des guichets administratifs uniques à leur intention. Depuis 1996, j’ai dû accompagner un bon millier d’entreprises en Afrique, et je constate une évolution positive. Quels conseils donneriez-vous aux PME désireuses de s’implanter au sud du Sahara ?

De ne pas y aller seules, car elles risquent de tomber sur des partenaires peu recommandables. Pour leur éviter ces mésaventures, le Medef International organise des missions en Afrique en fonction des souhaits formulés par les chefs d’entreprise, qu’ils veuillent ouvrir un pressing ou un restaurant. Avec le concours des services publics locaux ou français, il prépare des rencontres avec les ministres compétents et les chefs d’entreprise du cru. Les relations sont plus fluides et plus rationnelles avec les autorités africaines, parce qu’elles sont maintenant fondées sur les intérêts réciproques. Quant à nos ambassades, on y trouve des gens conscients de l’importance de l’économie et qui ne sont plus allergiques ni à l’entreprise privée ni au profit. l Propos recueillis par ALAIN FAUJAS N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Le Plus de J.A. Afrique-France

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BUSINESS

Ces patrons qui misent sur l’Afrique En Europe et dans les grands pays émergents, la croissance est en panne. Ces dirigeants de multinationales et de PME performantes mettent donc le cap sur le continent.

SÉBASTIEN DUMOULIN

Hubert Sagnières PDG d’Essilor

L

DENIS ALLARD/REA

e patron du numéro un mondial des verres correcteurs a l’Afrique en ligne de mire… et y multiplie les rachats pour accroître ses positions. Au Maroc, après une première prise de participation dans L’N Optic en 2011, Essilor a acquis VST Lab et Optiben en 2012. La même année, en Tunisie, le groupe a pris le contrôle du laboratoire Sivo, numéro un du marché, également présent en Algérie, au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Togo et au Cameroun. Toujours en 2012, Essilor s’est implanté en Afrique de l’Est, en rachetant le laboratoire Optic Kenya. l

Franck Riboud PDG de Danone

E GÉRARD UFERAS/LA COMPANY

mblématique patron du géant Danone, Franck Riboud a su hisser son groupe parmi les leaders mondiaux du secteur agroalimentaire en l’ouvrant à l’Asie et à l’Amérique du Sud dès la fin des années 1990. Aujourd’hui, alors que la croissance ralentit dans les grands pays émergents, il voit l’avenir en Afrique, qu’il qualifie de « nouvelle frontière », et avance ses pions. Déjà présent en

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Afrique du Sud, Danone s’est emparé de Centrale laitière au Maroc en juin 2012 puis s’est offert en octobre dernier 49 % de Fan Milk, premier fabricant et distributeur de produits laitiers et de jus en Afrique de l’Ouest, dont il doit progressivement prendre le contrôle. Objectif : obtenir dans la région le même succès avec ses yaourts qu’avec ses produits de nutrition infantile. l JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve !

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Pascal Drouhaud

Directeur adjoint d’Alstom pour l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine

C’

ÉRIC DUDAN

est son excellente connaissance d’un autre continent émergent, l’Amérique du Sud, qui, en 1995, avait valu à Pascal Drouhaud d’être recruté par le Rassemblement pour la République (RPR, le parti de Jacques Chirac) comme chargé de mission aux Affaires étrangères. À ce poste qu’il a occupé pendant sept ans avant de devenir directeur des relations internationales de l’UMP, ce proche de l’ex-patron du Quai d’Orsay Alain Juppé a tissé un solide réseau africain. « J’ai rencontré Alassane Ouattara dès 1998. Nous pouvons nous parler en toute confiance », explique-t-il.

En 2007, Drouhaud est approché par Alstom, fleuron industriel de la production électrique et du transport, pour développer ses marchés en Amérique latine et en Afrique. Le groupe est déjà très présent sur le continent : au Maghreb, avec les tramways marocains et algériens notamment, ainsi qu’au Nigeria, dans les centrales hydroélectriques, et en Afrique du Sud, où 80 % de la production électrique repose sur ses turbines. Âgé de 48 ans, Pascal Drouhaud mise entre autres sur le train urbain ferré d’Abidjan et les tramways de Douala et de Yaoundé pour continuer d’étendre sa toile. l

Georges Plassat PDG de Carrefour la tête du numéro deux mondial de la distribution, Georges Plassat est déjà considéré comme celui qui a spectaculairement redressé le groupe depuis qu’il en a pris les rênes, en avril 2012. Ce dirigeant à poigne de 64 ans a retiré l’enseigne de nombreux pays où elle n’était pas leader : Indonésie, Colombie, Malaisie, Singapour, Grèce et Turquie. L’Afrique, en revanche, fait l’objet d’un traitement de faveur. Présent en Tunisie, au Maroc et en Égypte, Carrefour travaille à un retour prochain en Algérie, d’où il s’était retiré il y a quatre ans. Pour Plassat, l’Afrique est un marché si prometteur qu’il vient – en cette période de restriction budgétaire – de confirmer l’implantation du groupe au sud du Sahara en signant le 29 mai un accord avec CFAO pour ouvrir des hypermarchés dans huit pays : Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana, Nigeria, RD Congo et Sénégal. Première inauguration prévue à Abidjan, en 2015. l

PASCAL SITTLER/REA

À


Le Plus de J.A. Afrique-France

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Jean-Yves Tolot Vice-président Afrique de Thales

Geoff Skingsley Directeur Afrique et Moyen-Orient de L’Oréal

P

our ce Britannique diplômé d’Oxford qui a gravi tous les échelons de L’Oréal depuis son arrivée en 1986, le défi est de taille. Lui qui a lancé le groupe de cosmétiques en Inde en 1994 doit aujourd’hui renouveler l’exploit à la tête de la direction générale Afrique et Moyen-Orient, créée il y a deux ans. En retard sur Unilever et Procter & Gamble, ses deux grands concurrents, L’Oréal veut mettre les bouchées doubles sur le continent. Présent depuis cinquante ans en Afrique du Sud, il s’est implanté au Kenya et au Nigeria il y a un an et a acquis en avril la division santé et beauté du kényan Interconsumer Products, spécialisée dans le soin du cheveu et dont l’usine constituera un premier centre de production pour L’Oréal en Afrique de l’Est. l

Jean-François Fourt PDG d’Osead e serial entrepreneur passé par la Silicon Valley considère l’Afrique comme un terrain propice à l’investissement. Spécialiste de l’énergie, il a créé en 2001 son propre fonds, Truffle Capital, et n’a donc pas eu de problèmes de financement lorsque, en 2006, il a lancé sa propre junior minière, Osead, et racheté une mine de plomb argentifère au Maroc. Développant des technologies d’extraction innovantes, la société a depuis étendu ses activités d’exploration à l’Algérie (uranium) et à la Côte d’Ivoire (or) puis à la Mauritanie, où il a obtenu en 2008 huit permis uranium sur plus de 10000 km2. Au Niger enfin, il s’est vu attribuer l’an dernier deux permis or et a lancé un projet d’usine de retraitement. l

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

DR

C

ur les bancs de l’École nationale d’administration (ENA), le patron Afrique de Thales (aéronautique, défense et sécurité) avait pour camarades Dominique de Villepin, Ségolène Royal et François Hollande. Trente-trois ans plus tard, Jean-Yves Tolot n’a pas coupé les ponts avec l’actuel président français, qu’il a accompagné dans ses récents déplacements en Afrique. Thales emploie quelque 800 personnes au Maroc, en Algérie, en Égypte, en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigeria, en Libye et au Cameroun. Après avoir été successivement vice-président du groupe pour l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Asie centrale, Tolot a pris la tête de ses activités africaines il y a deux ans et s’emploie à les redynamiser. En plus de sa participation à plusieurs programmes spatiaux (Arabsat, Nilesat, Eutelsat et RascomStar), Thales est présent dans le contrôle aérien (ses systèmes équipent 28 pays africains et gèrent 70 % du trafic sur le continent) et a trouvé un nouveau relais de croissance dans l’équipement en titres d’identité sécurisés : permis de conduire en Afrique du Sud, cartes d’identité au Kenya, au Cameroun ou au Maroc. Le groupe compte également se développer en Afrique à travers de nouvelles applications dans le secteur de la sécurité, au service des États, des entreprises ou des collectivités. l

ABACA PRESS/THALES

DR

S

JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve !

Fabrice et Raphaël Walewski Gérants de Touax

DR

À

la tête de l’entreprise familiale fondée en 1855, les frères Walewski ont pris pied en Afrique en 2012 en rachetant Sacmi, le numéro un marocain des constructions modulaires. Cette activité, l’une des quatre que l’entreprise exerce, avec le fret maritime, fluvial et ferroviaire, a représenté en 2012 le tiers de ses 358 millions d’euros de revenus. Touax, qui souffre de la morosité de la conjoncture européenne, souhaite réaliser 15 % de son chiffre d’affaires en Afrique d’ici à deux ou trois ans (il est de 5 % aujourd’hui). l

Le patrimoine de Vlisco est véritablement unique. Depuis 1846, Vlisco créé des tissus exclusifs qui ont marqué de leur empreinte la mode d’Afrique centrale et de l’Ouest. Reflet du grand savoirfaire hollandais, ces textiles étaient initialement connus sous le nom de Hollandais. À ce jour, Vlisco est toujours la seule marque à produire d’authentiques wax hollandais. Sonna France est le distributeur officiel de Vlisco en France. france@sonna.com - tél : 0143112161

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Le Plus de J.A. Afrique-France AIDE PUBLIQUE

Tout nouveau tout beau Le gouvernement veut mettre l’innovation au cœur de sa politique de développement. Le 5 décembre, 100 projets africains seront présentés à Paris.

CCI DE LYON

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p Forum de l’international à la CCI de Lyon, en avril. COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Lyon part en chasse Dans plusieurs régions françaises, les chambres de commerce et d’industrie ont décidé d’aider leurs entreprises à prospecter les marchés africains. Exemple en Rhône-Alpes.

L

e 11 décembre, une poignée d’entrepreneurs se réuniront à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Lyon. À l’ordre du jour: un « roadshow Afrique » au cours duquel leur seront présentées les possibilités d’affaires en Côte d’Ivoire, à Madagascar, à Maurice, en Afrique du Sud et en Angola. Quelques jours plus tôt, la même CCI a prévu une rencontre entre le consul général d’Algérie à Lyon et quelques patrons de la région RhôneAlpes. « À chaque opération Afrique, l’intérêt des entrepreneurs croît, surtout depuis le début de la crise, qui a réveillé les PME-PMI », souligne Nabila Gara, chargée de la zone Afrique à la CCI de Lyon. Dans le même temps, à plus de 4600 km de là, à Douala, six entreprises rhônalpines enchaînent les rencontres d’affaires,coordonnéesparlaCCIenpartenariat avec l’Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance), qui a récemment ouvert un bureau de représentation dans la capitale économique du Cameroun. L’accompagnement des entreprises rhônalpines en Afrique s’articule autour d’un dispositif bien rôdé : les onze CCI locales, fédérées au sein de CCI International Rhône-Alpes, s’appuient sur Entreprise Rhône-Alpes N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

international (une structure créée par le conseil régional), Ubifrance (qui dispose de bureaux dans 18 pays africains), la Banque publique d’investissement (BPI France) et des cabinets de conseil privés, sans oublier le réseau des représentations diplomatiques implantées dans la région. VISEUR. Des mécanismes similaires ont

vu le jour à Bordeaux, Rouen ou Paris. Et les chefs d’entreprise apprécient. « Le duo CCI-Ubifrance nous aide beaucoup, c’est grâce à eux et à l’aide financière de la région que nous pouvons prospecter de nouveaux marchés », constate Patrick Vadon, un patron lyonnais, dont la PME, TechSign, fabrique des systèmes de marquage destinés à l’industrie. Dans son viseur, le Maroc et l’Algérie. Il se rendra à Oran, en mars 2014, pour le salon Pollutec consacré aux écotechnologies, à l’énergie et au développement durable. « J’ai signé deux contrats au Gabon grâce à ce même salon lors de sa tenue en France », précise-t-il. TechSign est aussi très présent au Cameroun, où il compte parmi ses clients des administrations et des grandes entreprises. L’Afrique représente désormais 4 % de son chiffre d’affaires (700 000 euros en 2013), et Patrick Vadon entend bien y doubler son activité d’ici à 2015. l JOAN TILOUINE

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ascal Canfin, le ministre délégué au Développement, a tenu à remercier, le 18 octobre, les innovateurs africains dans une vidéo postée sur internet. Trois jours plus tôt s’était clos l’appel à candidatures pour le « Forum Afrique – 100 innovations au service du développement durable », dont les projets doivent être présentés le 5 décembre en marge du sommet Afrique-France. Inspirée des initiatives du département d’État américain, tel le concours Apps4Africa lancé en 2010, cette opération de diplomatie économique a suscité un réel engouement puisque près de 850 dossiers ont été déposés en quelques semaines, émanant de presque tous les pays du continent et couvrant tous les domaines : agriculture, santé, accès à l’information… Sur les 100 projets sélectionnés, 25 seront retenus par un comité composé notamment de l’économiste francoaméricaine Esther Duflo, de Jean-Michel Severino, ex-directeur général de l’Agence française de développement (AFD), et de Malamine Koné, PDG de l’équipementier sportif Airness. DIALOGUE. « Nous nous sommes appuyés

sur les réseaux diplomatiques, les ONG, l’AFD et les entreprises locales pour repérer les meilleurs projets, explique Gilles Kleitz, conseiller de Pascal Canfin. Ce forum doit aussi permettre d’engager le dialogue avec les bailleurs de fonds, afin de mieux financer l’innovation par le biais de notre aide publique. » Parallèlement, Pascal Canfin a chargé Emmanuel Faber, directeur général délégué de Danone, et Jay Naidoo, ancien ministre de Nelson Mandela et président de l’ONG Global Alliance for Improved Nutrition (Gain), de rédiger un rapport sur l’innovation et le développement. l J.T. JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Afrique-France

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TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Lettre ouverte d’une étudiante africaine à François Hollande

DR

MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,

RÈNE MBOUKOULOLO Ingénieure diplômée de l’Ensiame de Valenciennes. Étudiante à l’Institut supérieur Arcade formation de Caen

Les étudiants étrangers représentent un réel atout pour la croissance des pays qui les accueillent, et, chaque année, les pays développés cherchent à en attirer le plus possible. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les différentes études récemment publiées sur le sujet. Ainsi, la France compte aujourd’hui quelque 289 000 étudiants étrangers, soit un étudiant sur huit. Parmi eux, près de la moitié sont africains. Tout comme eux, j’ai choisi la France pour mes études. Je les ai débutées à l’UFR des sciences de Versailles, dans les Yvelines, où l’accueil a été globalement satisfaisant. La formation que j’y ai suivie aussi. Les frais universitaires étaient abordables, les programmes bien construits et les enseignants pour la plupart compétents. Je n’ai pas eu de mal à m’intégrer et j’ai eu la chance de rencontrer des personnes venues d’horizons divers. C’est d’ailleurs l’un des avantages majeurs de la vie étudiante en France. Elle permet de s’ouvrir au monde.

Excédée, je demande à un agent administratif combien de personnes sont admises chaque jour. Réponse: « Cela varie. » Il m’a fallu revenir à trois reprises, et de plus en plus tôt, pour obtenir le précieux sésame. Cette « aventure préfectorale », monsieur le président, a été pour moi une véritable claque. Fille d’anciens universitaires parisiens et congolais, j’ai toujours eu un lien très particulier avec la France. Les valeurs de la République m’ont été transmises à la fois par mes parents et par l’enseignement que j’ai suivi au cours de ma scolarité, qui s’est déroulée entre la France et le Congo. Pour moi, la France était avant tout le pays des Lumières, des droits de

Laissez-moi vous raconter, au nom des élèves étrangers, le cauchemar des démarches administratives.

J’ai aussi découvert une autre facette, moins glorieuse, de la vie des étudiants étrangers en France. Celle-ci se résume en un mot: débrouille. Les petits boulots, les recherches d’appartement, les démarches administratives… et les renouvellements de titre de séjour, aux aurores. Laissez-moi vous raconter cette simple anecdote, typique, banale, presque caricaturale si elle n’était pas si réelle, que des milliers d’étudiants africains en France ont dû vivre au moins une fois. Il y a environ cinq ans, j’ai dû faire renouveler mon titre de séjour et me suis rendue, un après-midi, à la préfecture de Versailles. On m’a d’abord dit que les dépôts de dossier se faisaient uniquement le matin. Le lendemain, à 6 heures tapantes, me voilà donc une nouvelle fois à la préfecture, sachant qu’elle n’ouvre qu’à 8 h 45. Nous sommes déjà une vingtaine, de tous âges, de tous profils (travailleurs, étudiants, réfugiés). C’est parti pour deux heures et quarante-cinq minutes d’attente, dans le froid. Mon tour arrive enfin… et il n’y a plus de tickets. « Il faut revenir demain », me dit-on. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

l’homme, où personne, simple citoyen ou simple étranger, n’a à passer une nuit devant les portes d’une administration dans l’espoir d’y être reçu. Il est vrai que, depuis, la situation s’est améliorée. Certains étudiants étrangers ont dorénavant la possibilité de passer par leurs universités pour effectuer leurs démarches administratives. Mais pour beaucoup d’entre eux, celles-ci restent un cauchemar. J’ai obtenu cette année un master 2 d’ingénieur en qualité, hygiène, sécurité et environnement, qui est reconnu sur le plan international. Je continue à me former et ne sais pas encore où je vais m’établir professionnellement. Pour une double raison. Tout d’abord parce qu’aujourd’hui, même si j’aime la France et que j’y suis autant attachée qu’à mon pays d’origine, je me considère avant tout comme une citoyenne du monde, qui ira là où l’emploi la mènera. Mais aussi parce que, même si j’ai été formée dans ce pays, j’ai l’impression qu’en France le marché du travail me restera fermé. Les préjugés sur les Africains et sur l’Afrique perdurent et, dès leurs premières recherches de stage ou d’emploi, les étudiants d’origine africaine voient les occasions se présenter sans pouvoir les saisir, faute d’avoir le « bon papier », faute d’avoir la bonne origine. l JEUNE AFRIQUE


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Le Plus de J.A. Afrique-France t Le lycée Jean-Mermoz de Dakar a été inauguré en 2010.

NICOLAS THIBAUT/AFP

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ÉDUCATION

« Soft power » tricolore Pour son rayonnement culturel, Paris peut compter sur un large réseau d’établissements scolaires à l’étranger. Les lycées français sauront-ils rivaliser avec les cursus anglo-saxons ?

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uel est le point commun entre l’Égyptien Boutros BoutrosGhali, le Franco-Libanais Carlos Ghosn, les enfants du Français d’origine camerounaise Yannick Noah et ceux du Malien Salif Keita ? Tous sont passés par l’un des 488 établissements scolaires français disséminés à travers le monde. Ces derniers accueillent aujourd’hui 320 000 élèves (dont 16,6 % de lycéens). Parmi eux, environ 110 000 sont scolarisés en Afrique, dans 171 établissements. L’un des fleurons sur le continent est le lycée Jean-Mermoz de Dakar. Inauguré en 2010 sur l’avenue Cheikh-Anta-Diop après deux ans de travaux qui ont coûté 21 millions d’euros, il s’étend sur 17000 m2 et dispose d’une bibliothèque, d’une piscine, d’un stade, d’un amphithéâtre. Équipé d’ordinateurs dans toutes les classes, il accueille 2 450 lycéens de 40 nationalités – sur près de 7 000 élèves (dont la moitié de Français) inscrits dans treize établissements à programme scolaire français au Sénégal. Et il brille par son taux de réussite au baccalauréat : 95 % de reçus. Qualité de l’enseignement, ouverture à l’international grâce à la priorité accordée aux langues et à son caractère multiculturel : c’est ce qui séduit les parents, prêts à payer des frais de scolarité allant de 3 500 à 5 000 euros. Un tel confort peut paraître N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

choquant dans un pays où l’enseignement est en crise. Mais les responsables de Jean-Mermoz assument, arguant que les lycées français se doivent d’être des modèles en Afrique subsaharienne et qu’ils sont là pour répondre aux besoins d’une population ciblée : les enfants des ressortissants français et ceux des élites, les futurs décideurs. S’il est indéniable que les nationaux formés dans ces lycées font partie des classes sociales privilégiées, ces établissements mettent un point d’honneur à ne pas vivre en vase clos et à participer à l’amélioration des conditions d’enseignement dans leur pays d’accueil: opérations de solidarité ou L’Afrique compte 171 établissements à programme français, dont : 37

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13

Madagascar Maroc Sénégal

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Gabon Tunisie Égypte

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Côte d’Ivoire

missions d’expertise et d’appui auprès des lycées publics locaux, accueil et formation de professeurs nationaux, etc. Ainsi, à Johannesburg, les professeurs du lycée français dispensent des formations à leurs collègues sud-africains enseignant dans des quartiers difficiles. Les élèves des townships sont par ailleurs régulièrement accueillis, le temps d’un projet, dans les classes de l’établissement français. INFLUENCE. En toute logique, la majorité

des élèves des lycées français poursuivent leurs études dans l’Hexagone. Selon l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (Aefe), chargée du suivi et de l’animation de ces établissements, 54 % des 14 000 lycéens du réseau ayant obtenu leur bac en 2013 se sont inscrits dans des universités et grandes écoles en France, troisième destination mondiale pour l’accueil d’étudiants étrangers, selon le classement 2013 de l’Unesco. L’Aefe se pose ainsi en promoteur de l’enseignement supérieur français. Ce qui n’est pas une mince affaire, compte tenu de l’influence grandissante des cursus anglosaxons en Europe, en Asie mais aussi en Afrique, notamment au Cameroun. Il s’agit de faire rayonner la France au travers de différentes actions, dans le cadre du programme Diplomatie culturelle et d’influence lancé par Paris en 2011. Et parce que les établissements d’enseignement français comptent parmi les principaux vecteurs de ce soft power tricolore, ils sont largement subventionnés. En 2012, le budget de l’Aefe s’élevait à 1,16 milliard d’euros (contre 931 millions d’euros en 2009), environ la moitié de cette somme provenant de dotations de l’État. Tributaires de la situation politique des pays d’accueil, les lycées français connaissent néanmoins des fortunes diverses. Ils peuvent voir leurs effectifs chuter, ou subir des fermetures-réouvertures démotivantes. Ainsi, après avoir souffert d’une scolarité chaotique en raison de quatre années d’arrêt pendant la crise ivoirienne, le lycée Blaise-Pascal d’Abidjan se reconstruit peu à peu une identité. Avec 6 000 élèves dans dix établissements partenaires de l’Aefe, la Côte d’Ivoire dispose à nouveau de l’un des réseaux les plus denses du continent. l CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve !

HEC tête de classe La grande école de commerce parisienne veut devenir leader dans les formations d’excellence pour les cadres africains.

L

e 1er mars 2013, 160 dirigeants de la fonction publique gabonaise étaient réunis à Libreville sous l’égide de Raymond Ndong Sima, le Premier ministre, pour recevoir le certificat du programme Émergence. Cette formation d’une durée de trois ans, assurée par l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC) et élaborée avec le concours des autorités gabonaises, fait partie du programme Agora (Accompagnement gouvernemental des réformes en Afrique), que le groupe HEC a déjà mis en œuvre en Côte d’Ivoire et au Togo, qu’il vient de lancer au Congo et compte engager au Mali, au Sénégal, au Cameroun, au Bénin et au Burkina Faso. L’objectif ? Introduire au sein des administrations la culture du management et de la performance.

Les grandes écoles françaises sont nombreuses à voir l’Afrique comme un nouveau marché. Par exemple, les formations continues de la Kedge Business School, à Bordeaux, ont essaimé à Dakar, et celles de l’université Paris-Dauphine à

DISCUSSIONS. Autre facette du déve-

loppement de HEC en Afrique : le groupe déploie un réseau de HEC Executive Clubs, qui se fixent pour but de réunir plusieurs fois par an responsables économiques Responsables économiques et et chefs d’entreprise d’un chefs d’entreprise se retrouvent même pays autour de proau sein des HEC Executive Clubs. fesseurs de la filiale HEC Executive Education, afin Tunis. Mais le groupe HEC, numéro un de discuter de l’évolution des pratiques français des écoles de commerce et de managériales. Trois de ces clubs sont management, est pour l’instant le seul à déjà actifs – en Côte d’Ivoire, au Burkina mener des opérations d’une telle enverFaso et au Gabon – et regroupent plus de gure. L’établissement a même décroché 100 dirigeants. D’autres sont en cours de la première place du classement monstructuration au Bénin, au Cameroun, au dial 2013 du Financial Times pour ses Congo, au Mali, au Sénégal et au Togo. l programmes de formation continue à SÉBASTIEN DUMOULIN

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destination des manageurs et des dirigeants. Une reconnaissance sur laquelle le groupe HEC compte bien s’appuyer pour devenir, d’ici à cinq ans, le leader dans les formations d’excellence pour les cadres des secteurs public et privé en Afrique.

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Le Plus de J.A. Afrique-France

PIERRE VERDY/AFP

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p Manifestation dans la capitale française, le 8 février, après l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd. DIASPORA

Tunis in Paris ADTF, ATDF, ATF… Dur de s’y retrouver parmi la myriade d’associations tunisiennes en France. Depuis la révolution, celles-ci tentent, tant bien que mal, de s’affranchir des pressions partisanes.

Â

gée de 27 ans, la FrancoTunisienne Nadia Tarhouni se définit volontiers comme une « nana de gauche », qui a voté pour les écologistes de Tunisie Verte et « discute avec des gens de tous les partis s’ils jouent le jeu de la démocratie ». Elle a grandi en Tunisie et vit à Paris, où elle milite au sein de l’association Uni*T, créée peu après le 14 janvier 2011, date de la fuite de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali vers l’Arabie saoudite. Comme dans une start-up, la trentaine demembresactifsd’Uni*T,toutessensibilités politiques confondues, se sont rassemblés pour « apporter un nouveau souffle »

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à la turbulente vie politico-associative tunisienne en France. « Nous voulons dépassionner le débat, nous affranchir de la bipolarisation, dialoguer avec tout le monde », précise Nadia Tarhouni.

créées pour soutenir leurs compatriotes de l’autre côté de la Méditerranée. « En même temps qu’il y a eu une éclosion de partis et de mouvements politiques en Tunisie, il y a eu une euphorie associative en France », s’amusent C’est le nombre NOSTALGIE. La révolules pionniers. Éphémères de ressortissants tunisiens tion de 2011 a libéré la pour certaines, très souvent en France en 2012, parole non seulement politisées, ces structures selon l’Office des sont venues étoffer un tissu en Tunisie mais aussi en Tunisiens déjà très dense d’associaFrance, où vivent environ à l’étranger tions désormais affranchies 669 000 ressortissants tunide la pression de la dictature et siens.Aucoursdesdeuxdernières années sont apparues une myriade d’assoqui souhaitent accompagner le processus ciations « citoyennes » ou humanitaires, démocratique. Nombre d’entre elles ont

669000

JEUNE AFRIQUE


Comme on se retrouve ! tu leurs divergences pour se retrouver à Paris, le 8 février, après l’assassinat du leader de gauche Chokri Belaïd. BARBE. « Les cellules liées au RCD

[Rassemblement constitutionnel démocratique, ancien parti au pouvoir] ont disparu de la scène militante française, bien que nous remarquions la présence d’anciens partisans nostalgiques dans des réunions, mais leur nombre est insignifiant », constate Mohsen Kocht, 66 ans, trésorier de l’Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF). Et d’ajouter : « L’évolution des associations est à l’image de la politique tunisienne : l’engouement pour Ennahdha [parti islamiste, au pouvoir] va certainement s’essouffler en France, où beaucoup sont déçus, y compris parmi les religieux. » Karim Azouz, le représentant d’Ennahdha dans l’Hexagone, occupe désormais la fonction de consul général de Tunisie à Paris, et les associations de militants islamistes se sont restructurées, même si rares sont celles qui, comme le Mouvement des

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jeunes Tunisiens ou Tunisiens des deux rives, sont proches d’Ennahdha. À en croire Mohsen Zemni, président de l’Association des Tunisiens de France (ATDF), jadis pro-Ben Ali, la plupart des associations créées après la révolution incarnent « des dérives partisanes reconnaissables à la longueur de la barbe »

(ATF), présidée par Mohamed Lakhdar Ellala, également membre du bureau politique à Paris d’Ettajdid (centre gauche). Dans un message qu’elle avait adressé pour l’occasion aux congressistes, l’exsecrétaire générale de l’ATF, Nadia Chaabane, désormais élue du Pôle démocratique moderniste (PDM) à l’Assemblée nationale constituante, appelait à la « vigilance » autant qu’à « On nous a accusés de rouler la « recomposition de la scène pour Ben Ali. Or nous ne traitons politico-associative tunisienne ni de politique ni de religion. » en France ». Sur cet échiquier, HANEN KTITA, présidente de l’Atuge les tensions sont parfois vives, et les piques assassines sont de leurs militants. De son côté, Taoufik fréquentes. « On nous a souvent accusés Karbia, de l’Association du lien interculde rouler pour Ben Ali, or nous ne traiturel, familial et social (Alifs), à Bordeaux, tons ni de politique ni de religion, nous s’inquiète : « Sous Ben Ali, nous avions nous concentrons sur les aspects éconobeaucoup d’interdits ; maintenant, nous miques », souligne Hanen Ktita, présidente avons beaucoup de péchés », lâche-t-il, de l’Association des Tunisiens des grandes soulignant « la recrudescence de certaines écoles (Atuge), créée il y a vingt-trois ans associations domiciliées dans les moset dont aiment à se revendiquer certains quées ». Il s’est rendu à Paris le 9 novembre ministres. « En France, conclut-elle, il est pour participer au congrès général de difficile d’échapper à la pression politique l’Association des Tunisiens en France venue de Tunis. » l JOAN TILOUINE

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Le Plus de J.A. Afrique-France INTERVIEW

Jean-Pierre Bat « La France n’agit plus en solo » Jadis, Paris intervenait comme bon lui semblait. Aujourd’hui, il cherche à maintenir une certaine influence. L’historien revient sur un demi-siècle de Françafrique… et sur ce qu’il en reste.

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ersonnage central de la décolonisation et architecte de la Françafrique, Jacques Foccart (1913-1997) continue d’être l’objet de tous les fantasmes. L’historien Jean-Pierre Bat, qui a publié fin 2012 Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique, de 1959 à nos jours, revient sur la méthode de gestion indirecte que le secrétaire général aux Affaires africaines et malgaches avait mise en place à l’égard des anciennes colonies de la France et qui, jusqu’à très récemment, a servi de modèle à ses successeurs, bon gré mal gré. JEUNE AFRIQUE : Disséquer le « syndrome Foccart », n’est-ce pas assimiler ce personnage à une maladie, celle de la Françafrique ? JEAN-PIERRE BAT : Non. Si Foccart a

dominé l’histoire postcoloniale, si son fantôme a hanté les relations franco-africaines, il n’était ni l’homme de l’ombre ni le barbouze que l’on a bien voulu présenter. C’était un grand commis de l’État, mais, pour lui, l’État c’était de Gaulle. C’était un représentant de la génération forgée dans la Résistance, avec la culture politique qui lui est liée et un goût personnel prononcé pour le renseignement et l’action. Après les guerres coloniales, la puissance française devait prendre pour assise les anciennes colonies africaines. Foccart est chargé de cette mission à travers la décolonisation. D’où le terme de « syndrome », identifié à travers un ensemble de symptômes qui se sont perpétués au fil des différents âges de la cellule africaine de l’Élysée. Quels étaient les objectifs du système Foccart ?

Il visait avant tout à créer une communauté franco-africaine partageant un ensembled’intérêtscommuns–politiques, économiques, culturels – et régie par des obligations entre le « grand frère » français et les « Républiques sœurs ». Son principe était celui du pré carré. Les dirigeants qui N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

acceptaient de jouer le jeu de la France, toutenbénéficiantd’unsystèmedecoopération et d’aide au développement, avaient la promesse d’être protégés, notamment à travers les accords secrets de défense, des ingérences étrangères, de toute agression intérieure ou de tout coup qui leur serait porté dans le cadre de la guerre froide – tant de la part du bloc communiste que des Anglo-saxons. De Gaulle restait le stratège, Foccart était le tacticien. Et après de Gaulle ?

Georges Pompidou a pensé liquider le service de Foccart dès 1969, mais l’a finalement conservé. En 1974, Valéry Giscard d’Estaing [VGE] se sépare de Foccart. Il garde cependant son bras droit, René Journiac, comme conseiller Afrique, car il a besoin d’un circuit court avec les Palais africains. À partir de cette date, on ajoutera l’épithète « africain » à tous les chefs d’État français : dès Giscard, les affaires africaines permettent de s’attaquer au président en personne, comme en témoigne entre 1979 et 1981 l’affaire des diamants. Avant, Foccart jouait le rôle de fusible.

du Frolinat [Front de Libération nationale du Tchad] appuyées par la Libye de Kaddafi. La France lance les avions Jaguar pour détruire les colonnes du Polisario qui descendent sur la Mauritanie. Quant au célèbremercenaireBobDenard,découvert lors des crises du Congo-Kinshasa dans les années 1960 par le colonel Maurice Robert, chef du secteur Afrique du SDECE, et Jean Mauricheau-Beaupré, un émissaire de Foccart, il passe du statut de « chien de guerre » à celui d’expert sous-traitant des services – aux Comores, au Bénin, etc. Quels chefs d’État ont appuyé VGE ?

Félix Houphouët-Boigny, Hassan II ou Omar Bongo Ondimba, devenu grand médiateurdescrisesducontinentauvirage des années 1980, rejoints notamment par legénéralEyadémaetlemaréchalMobutu. Dèsledébutdesonmandat,Giscardaaussi tenté de s’adjoindre l’appui de Bokassa, qui a vu là l’opportunité de se hisser au niveau de ses « grands frères »… L’histoire s’est soldée par un double échec : le scandale ducouronnementdeBokassa,soutenupar la France, en 1977, et son renversement, par la France également, en 1979. Comment François Mitterrand, farouche opposant au système gaulliste, a-t-il pu se laisser gagner par le syndrome ?

Affaire Elf, Angolagate… La fin des années Mitterrand annonce le grand déballage. On connaît moins le rôle qu’a joué VGE dans les crises africaines…

Les premières images qui viennent à l’esprit sont celles de la Légion étrangère sautant sur Kolwezi en 1978. À la faveur de la « guerre fraîche » de la fin des années 1970 en Afrique, Giscard va brandir l’intervention française comme un glaive anticommuniste. En Angola, nouveau théâtre de l’affrontement Est-Ouest, il soutient Jonas Savimbi, via le SDECE [Service de documentation extérieure et de contreespionnage], contre Agostinho Neto, allié du bloc de l’Est. Au Tchad, le « gendarme de l’Afrique » intervient contre les armées

Tous les présidents français arrivant au pouvoir ont cherché à maîtriser le millefeuille institutionnel et interpersonnel des affaires africaines. Et tous ont promis de le réformer. Mais l’Afrique reste le cœur du domaine réservé du chef de l’État, l’expression de la puissance présidentielle. Dans un premier temps, l’enjeu pour Mitterrand était d’adapter ses ambitions politiques à la stratégie gaulliste dont il héritait. Mais, malgré les alternances françaises, les « chefs d’État amis de la France » restent pragmatiquement les piliers du système. Mitterrand confie la cellule africaine de l’Élysée à Guy Penne puis JEUNE AFRIQUE


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Comme on se retrouve !

p Jean-Pierre Bat est chercheur au Centre d’études des mondes africains (Cemaf), à Paris.

à son fils, Jean-Christophe Mitterrand. Ils fréquenteront Foccart et ses hommes tout en s’en méfiant – notamment sous la cohabitation de 1986-1988. En 1992, Bruno Delaye incarne un troisième âge de la politique mitterrandienne, qui essaiera de réformer le système après le sommet de La Baule – dans un contexte aussi délicat que violent, lié à la fin de la guerre froide. Entre le discours de La Baule, prononcé en juin 1990 lors du 16e sommet AfriqueFrance, et la perpétuation du système, n’est-on pas en plein paradoxe ?

Le discours de Mitterrand à La Baule vient juste après la solution imaginée par le président béninois, Mathieu Kérékou, qui convoque une Conférence nationale afin d’ouvrir la voie au multipartisme. Mitterrandcomprendl’évolutiondutemps avec la chute des dictateurs d’Europe de l’Est et accompagne ces transitions souveraines de 1990 à 1994. Cela répond aussi à un souci pratique. L’Europe entre en crise et l’Afrique est frappée par les plans d’ajustement structurel. La France n’a JEUNE AFRIQUE

plus les moyens de sa coopération et doit éviter que tout l’édifice ne s’effondre, en composant avec les institutions de Bretton Woods. Ce qui peut expliquer en partie la dévaluation du franc CFA en 1994. L’affairisme a-t-il été plus marqué sous Mitterrand ?

Ce n’est pas si simple. Disons qu’il a été en tout cas plus visible. La fin de son mandat ouvre la voie au grand déballage des « années fric » et des « affaires » : les révélations de la Françafrique, les publications de l’association Survie, les procès Denard, le génocide rwandais de 1994… Avec l’affaire Elf et l’Angolagate, jusqu’aux années 2000, l’ambiance est à la médiatisation. Quand la France commence-t-elle à se désengager ?

Cela se joue entre ce qu’on a appelé la doctrine Balladur et le « ni ni » jospinien [« ni indifférence ni ingérence »]. Durant cette période, le Quai d’Orsay essaie de reprendre la main sur la coopération,

elle-même de plus en plus assujettie à Bercy, dont dépend l’Agence française de développement [AFD], bras financier de l’État en Afrique. On ne liquide pas la cellule Afrique, mais on entame la « normalisation », c’est-à-dire la reprise en main de la cellule par des diplomates. À droite, Alain Juppé et Dominique de Villepin engagent cette réforme de la coopération qui se poursuit avec Lionel Jospin, lequel ferme notamment les camps militaires de Bangui et Bouar, en Centrafrique, en 1998. Chirac arrive au pouvoir en 1995. Pourquoi embarque-t-il Foccart pour son premier voyage sur le continent ?

Il souhaite faire une dernière faveur au « Vieux », rappelé comme son représentant personnel auprès des présidents africains, tout en sachant que son influence s’amenuise. C’est un geste de continuité gaulliste pour ses pairs africains. En coulisses pourtant, la querelle entre les Anciens – les « Foccartiens » – et les Modernes – les normalisateurs – atteint son apogée. En réalité, depuis N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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Le Plus de J.A. Afrique-France 1988, Chirac utilise la mairie de Paris et différentes personnalités pour se préparer à la présidence. Une fois élu, il ne prône pas de rupture formelle mais, sur tous les dossiers, cherche à opérer une synthèse, avec plus ou moins d’équilibre, entre l’héritage de Foccart et les nouvelles voies de la politique française réformée. La cohabitation Chirac-Jospin a été marquée par le « ni ni » du chef de gouvernement socialiste. Peut-on parler d’inertie?

Non. Mais chaque institution – Défense, Quai d’Orsay, Coopération – cherche à imprimer sa propre conception de la politique africaine. Jospin, lui, prétend arrêter la politique des « amis de la France », avec en ligne de mire l’enjeu des transitions démocratiques comme gage de la réforme, à l’heure où la géopolitique de l’Afrique se redessine: conflits des Grands Lacs, émergence de nouveaux acteurs économiques et politiques, etc. La France ne cesse pas pour autant d’être un acteur militaire de premier ordre. Entre 2000 et 2002, en pleine cohabitation, la gestion du dossier ivoirien reflète parfaitement les paradoxes des politiques françaises. En 2007, Nicolas Sarkozy annonce la fin de la Françafrique. Ça ne va pas durer longtemps…

Le repentir sur la Françafrique semble avant tout l’expression d’un changement générationnel plus qu’une révision politique organique. En marge de la cellule africaine « normalisée », on s’aperçoit rapidement de la puissance du secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, qui s’initie aux affaires africaines, et du rôle de certains missi dominici, tel Robert Bourgi, qui se présente comme le filleul de Foccart. Dans le contexte post-11-Septembre, la France renoue avec son rôle de puissance en Afrique, puisque c’est là que s’exprime sa spécificité dans la sécurité mondiale. Si la politique française répond à la gestion des crises qui secouent l’ancien pré carré – succession d’Omar Bongo Ondimba, crises de transition en Côte d’Ivoire et en Guinée ou, plus récemment, guerre au Mali et crise en Centrafrique –, c’est avant tout dans la lutte contre Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique] que son action s’inscrit en profondeur, de Sarkozy à Hollande, comme en témoigne l’opération Serval au Mali, en janvier 2013. La France y intervient en première ligne et affiche clairement son expertise militaire N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

sur la zone sahélo-saharienne à l’heure de la doctrine Obama. Ces interventions n’ont-elles pas été mal perçues par certains chefs d’État ?

Si, mais les engagements français donnent désormais lieu à un débat politique plus critique et plus ouvert. De même, plusieurs chefs d’État s’interrogent sur les ressorts de la justice internationale à l’heure des processus nationaux de justice transitionnelle. Depuis le second semestre 2013, on voit ainsi naître à Dakar

économique des États de l’Afrique de l’Ouest] et la Ceeac [Communauté économique des États de l’Afrique centrale] devaient dessiner un schéma politique et militaire de sortie de crise aussi bien au Mali qu’en Centrafrique. Paris a aussi appris à se coordonner avec l’Union européenne et avec les États-Unis – en particulier avec la réintégration du commandement intégré de l’Otan –, comme l’ont prouvé les télégrammes WikiLeaks. Des conceptions qui n’existaient pas dans l’esprit ni à l’époque de Foccart.

Désormais, l’action de Paris s’inscrit avant tout dans la lutte contre Aqmi. un ressort inédit : la chambre africaine Quels sont aujourd’hui les principaux extraordinaire, qui instruit le dossier relais d’influence en Afrique ? de Hissène Habré, l’ancien président Les liens interpersonnels sur lesquels tchadien. Sont enfin remis en question misait Foccart restent plus que jamais les plans d’ajustement structurel, dont d’actualité, même s’ils évoluent dans les effets se sont fait sentir dans la fragileur forme, évolution générationnelle lisation des institutions publiques, par oblige. Ainsi, l’Internationale socialiste exemple au Mali. à laquelle appartiennent plusieurs préD’autre part, des dirigeants comme sidents francophones apparaît en 2013 Dioncounda Traoré au comme un acteur important Mali ou François Bozizé en et souvent sous-estimé des Centrafrique ont récemment relations franco-africaines. appelé la France au secours, Les chefs d’État francophones qui partagent une comme d’autres avant eux. certaine idée de la géopoInitialement au nom des accords secrets de défense, litique post-11-Septembre mais plus seulement. Le en constituent toujours devoir d’ingérence fut un une clé de voûte : Idriss Déby Itno s’est ainsi affiché tempsbrandiparParis,lanoucomme l’allié essentiel de veauté réside surtout dans le la France au Mali, ainsi que fait que, désormais, le devoir d’ingérence français essaie de dans la sécurisation militaire s’accorder avec des cautions de la Centrafrique. Signe Le Syndrome internationales, notamment qu’en Afrique de l’Ouest Foccart. avec des mandats onusiens et en Afrique centrale, le La politique française en – Libye, Côte d’Ivoire, débat symptôme de la « famille Afrique, de 1959 en cours depuis fin novembre francophone » chère à à nos jours, sur la Centrafrique. La France Houphouët-Boigny existe de Jean-Pierre Bat, s’attache également à compotoujours – mais redimenFolio, 848 pages, ser de plus en plus avec des sionnée –, malgré certains 14 euros alliés et partenaires africains. heurts, notamment entre Tout ceci participe in fine Paris et certaines capitales à la logique rénovée du pré carré. Si la d’Afrique centrale. France sollicitait déjà ses partenaires Enfin, phénomène nouveau et imporafricains dans les années 1960-1970, la tant depuis les révélations des années 1990-2000 sur la Françafrique, l’opinion différence réside dans la révision des moyens français et la fin du dialogue bilapublique franco-africaine gagne de plus téral: Paris entend rester influent dans ses en plus de poids dans ce débat, longtemps positions mais moins solitaire, car il n’en considéré comme un « bois sacré » de la a plus les moyens. Les instances régioVe République réservé à quelques initiés. l nales comme la Cedeao [Communauté Propos recueillis par PASCAL AIRAULT JEUNE AFRIQUE


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106

Économie Bourses

africaines

Les stars


LES INDISCRETS

Algérie, Guinée…

CONSOMMATION

Lilas en fleur

INTERVIEW

Kadré Désiré Ouédraogo

Président de la Commission de la Cedeao

de la cote

Dans un classement exclusif, Jeune Afrique dresse la liste des valeurs africaines les plus performantes de ces cinq dernières années. De quoi attirer les investisseurs. Problème : s’ils sont intéressés, ils n’en sont pas moins (trop) prudents.

Classement réalisé avec

SÉBASTIEN DUMOULIN

our les investisseurs, l’Afrique est le continent de tous les superlatifs. Le plus risqué aujourd’hui encore, mais le plus rémunérateur et, surtout, le plus prometteur. « De 2000 à 2010, six des [15] économies affichant la croissance la plus rapide au monde étaient africaines », s’enthousiasme Mark Mobius, président exécutif du Templeton Emerging Markets Group – l’un des investisseurs les plus reconnus sur les marchés émergents – dans la lettre interne de son fonds. L’Afrique, espace à conquérir par excellence, fait étinceler les yeux d’un nombre croissant d’investisseurs depuis quelques mois. En toute logique, ses places financières devraient être de véritables aimants à capitaux. C’est pourtant loin d’être le cas. Dans leur ensemble, la vingtaine de Bourses africaines actives forme un acteur de la taille de la Bourse suisse ou australienne – près de trois fois plus petit que Londres et plus de dix fois plus petit que le New York Stock Exchange. « Même si les occasions d’investir sontnombreuses,ilexistedesproblèmesd’accèsaux marchés », avance Mark Mobius, qui juge quelques pays seulement – le Nigeria, le Kenya, l’Égypte et le Ghana – capables de tirer leur épingle du jeu. Pour ce gestionnaire d’actifs de classe mondiale, l’un des grands problèmes est qu’« en dehors de l’Afrique du Sud, les marchés actions sont relativement petits et que de nombreux actifs clés restent entre les mains de l’État et d’actionnaires privés, et ne sont généralement pas cotés en Bourse ». De fait, les places africaines sont loin de présenter un visage homogène. Le poids du Johannesburg Stock

t Zimbabwe Stock Exchange, Harare.

PHILIMON BULAWAYO/REUTERS

P

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

107


108

Entreprises marchés

Bourses

africaines classement

Exchange (JSE) est ainsi écrasant. Avec près de 400compagniescotéessur1500environàl’échelle continentale, l’Afrique du Sud s’impose comme le leader incontestable. Ses 1 000 milliards de dollars (756,5 milliards d’euros) de capitalisation fin 2012 représentent 65 % de la capitalisation totaleducontinentselonl’AssociationdesBourses africaines (Asea). Mais les autres acteurs non plus ne sont pas sur un pied d’égalité : outre le JSE, seules trois Places ont pour l’instant été admises au sein de la World Federation of Exchanges (WFE) : Maurice, l’Égypte et le Maroc.

compare la composition du PIB et de la Bourse dans différents pays. S’ils correspondent plutôt bien en Afrique du Sud, en Égypte, la Bourse – deuxième en nombre de compagnies – surreprésente les acteurs financiers, qui rapportent moins de 10 % du PIB mais comptent pour près de 30 % de la Place. L’exemple du Nigeria est encore plus frappant. La décorrélation entre la part réelle des différents secteurs dans l’économie et leur importance en Bourse est quasiment complète puisque celui de l’énergie, qui contribue à hauteur de 40 % au PIB national, est presque totalement absent du Nigerian Stock Exchange. INSUFFISANCES. Ce décalage entre l’intérêt des De larges pans des économies n’ont pas investisseurs et la relative faiblesse des Bourses est recours à la Bourse pour se financer, ce qui rend essentiellement lié aux insuffisances de ces derla taille des institutions problématique in fine. Le nières. « Dans l’idéal, les investisseurs en actions nombre d’introductions est très faible et, souvent, cotées recherchent des marchés les Places sont dominées par avec une forte liquidité, de nomquelques valeurs phares – au Au Nigeria, breuses entreprises cotées et de Nigeria, par exemple, le groupe le groupe hautes normes de gouvernance. Dangote pèse à lui seul un tiers Or, sur beaucoup de places afride la Bourse de Lagos. À la fois Dangote pèse caines, l’ensemble de ces critères à lui seul un tiers cause et conséquence de ces n’est pas réuni », regrette Rory Ord, faiblesses structurelles, l’insufde la Place fisance des échanges ralentit le qui dirige RisCura Fundamentals, développement des marchés acteur de conseil en investissede Lagos. boursiers : dans la plupart, les ment sud-africain, dans son raptransactions quotidiennes ne s’élèvent qu’à port « Bright Africa » publié cette année. À l’en quelques millions d’euros… croire, même pour ceux qui souhaitent miser sur lacroissancedeséconomiesafricaines,lesBourses Motivées par l’intérêt qu’elles suscitent désorne sont pas forcément la panacée, car elles sont mais à travers le monde, ces Bourses ont toutefois loin d’être une image fidèle des économies. Les entamé un grand mouvement de modernisation. La plupart d’entre elles ont adopté un système banques et les opérateurs télécoms sont ainsi très présents parmi les grandes valeurs cotées de passage d’ordres électronique. Le Zimbabwe, du continent, tandis que l’agro-industrie, si l’on qui fonctionne encore à la criée, compte émettre excepte les brasseurs, est largement absente, en prochainement des actions de son opérateur de dépit de son poids économique fondamental en marché et lever ainsi les fonds nécessaires à ce Afrique. « Ces marchés sont relativement jeunes, virage technologique. Ailleurs, c’est le Nigeria, affichent des volumes d’échanges assez bas et qui vise officiellement les 1000 milliards de dolpeu de valeurs cotées », explique le rapport, qui lars de capitalisation dans dix ans (contre l l l

336 PERDANTS LES BOURSES AFRICAINES ont beau, dans leur ensemble, avoir affiché des performances très satisfaisantes ces cinq dernières années, 336 valeurs (sur les 829 de la liste établie par notre partenaire African Alliance) ont enregistré des évolutions négatives durant cette même période. Parmi elles, on compte de nombreuses valeurs zimbabwéennes, mais pas seulement. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Ecobank, le groupe panafricain en plein développement, a ainsi enregistré une contreperformance annuelle de – 11,22 % en moyenne depuis octobre 2008. Sept autres valeurs cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ont également été dans le rouge, tout comme 32 titres enregistrés à Casablanca – qui vient de traverser quelques très difficiles années en termes

de liquidités et de performances boursières – et 13 valeurs tunisiennes… Parmi elles, les deux principales capitalisations maghrébines : Maroc Télécom et Poulina. Preuve qu’en Afrique comme ailleurs, le stock-picking (la sélection des valeurs selon leur potentiel intrinsèque et non selon leur lieu de cotation) reste fondamental. l FRÉDÉRIC MAURY

90,8 % : la hausse sur un an de la plus profitable des filiales du groupe de produits laitiers

En un an, le cours du leader pharmaceutique africain fondé et dirigé par Stephen Saad a progressé de 76,9 % 50 millions d’euros : le montant que Nestlé compte investir lors de chacune des dix prochaines années dans le plus stratégique des pays africains Peu connu, le spécialiste des logiciels de vidéo a multiplié par deux ses revenus et par trois ses bénéfices en cinq ans Star de Casablanca jusqu’à fin 2012, la filiale de Managem spécialisée dans l’argent n’a vu son cours progresser que de 6 % en 2013

Pesant 40 milliards de dollars (29,5 milliards d’euros), le numéro un de la télévision payante a dépassé cette année MTN en termes de capitalisation

Portée par l’envolée des cours du caoutchouc, la filiale de Sifca et Michelin a été la plus généreuse des valeurs ivoiriennes en termes de dividendes 38,76 % : la progression annuelle totale de la société minière, qui présente le niveau de dividendes le plus élevé de la Place marocaine 91,3 millions d’euros: le montant versé en trois ans sous forme de dividendes par le numéro deux de l’hévéa à Abidjan JEUNE AFRIQUE


Les stars de la cote

109

Les 10 stars de la cote Rang

Nom

Bourse

Secteur

Performance annuelle totale

1

Pinnacle Technology

Afrique du Sud

Technologies

58,7

2

Fan Milk

Ghana

Consommation

52,54

3

Aspen Pharmacare

Afrique du Sud

Pharmacie

52,4

4

Woolworths Holdings

Afrique du Sud

Distribution

51,16

5

SMI

Mines

50,35

6

Mr Price Group

Distribution

50,09

Maroc Afrique du Sud Tanzanie

7

Swissport

Hôtellerie

47,03

8

ENL Land

Maurice

Agro-industrie

45,23

9

Nestlé Nigeria

Nigeria

Consommation

44,5

Pétrole

43,49

10

Total Petroleum

Ghana

La performance annuelle totale inclut la progression annuelle du cours de Bourse et le versement de dividendes. Sur les cinq dernières années, 41 % des entreprises de notre liste ont dégagé une performance totale positive.

Les 10 stars des cours Rang

Nom

Bourse

Secteur

Augmentation annuelle du cours (en %, sur 5 ans)

1

Pinnacle Technology

Afrique du Sud

Technologies

56,57

Afrique du Sud

2

Aspen Pharmacare

Pharmacie

52,4

3

Fan Milk

Ghana

Consommation

51,63

4

SMI

Maroc

Mines

47,51

5

Woolworths Holdings

Afrique du Sud

Distribution

46,21

6

Mr Price Group

Afrique du Sud

Distribution

45,81

7

ENL Land

Maurice

Agro-industrie

43,64

8

Nestlé Nigeria

Nigeria

Consommation

42,4

9

Naspers

Afrique du Sud

Informatique

42,11

10

Metrofile Holdings

Afrique du Sud

Consommation

41,2

Ce tableau présente les dix meilleures progressions annuelles des cours de Bourse (hors dividendes). Un cours qui progresse sur cinq ans n’augmente pas forcément sur un an : 24 % des valeurs de notre liste qui ont évolué positivement sur cinq ans ont vu leur cours baisser depuis un an.

Nom

Bourse

Secteur

« Dividend yield » (5 ans)

1

Seed Co

Zimbabwe

Agrobusiness

37,78

2

Naeem Holding

3

Nedbank

4

SAPH

Égypte

Banque

24,2

Swaziland

Banque

18,89

Agro-industrie

17,33

BRVM

5

Sinai Cement

Égypte

6

Rowad Tourism Co.

Égypte

7

Minière Touissit

8

Smart Products Nigeria

9

Swissport

10

SOGB

Maroc Nigeria Tanzanie BRVM

Construction

15,7

Tourisme

15,27

Mines

13,81

Consommation

13,7

Hôtellerie

13,65

Agro-industrie

13,49

Le dividend yield est le rapport entre la part des bénéfices versée aux actionnaires et le cours du titre. Sur les cinq dernières années, 61 % des entreprises cotées de notre liste ont versé des dividendes. JEUNE AFRIQUE

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

SOURCE : AFRICAN ALLIANCE

Les 10 stars des dividendes Rang


Entreprises marchés

110

Bourses

africaines

70 milliards actuellement), qui a récemment adoptélaplateformedetradingX-StreamduNasdaq pour accélérer les vitesses d’exécution. Au Nigeria toujours – mais aussi au Maroc –, les régulateurs ont également entrepris de faire respecter les règles normatives, notamment la diffusion par les entreprises cotées de leurs informations financières, sous peine de sanctions – une mesure cruciale pour la crédibilité des institutions boursières. lll

DÉCALAGE. Pour que le nombre de sociétés cotées

augmente, plusieurs Places ont créé des compartiments consacrés aux PME, avec des règles de fonctionnement plus souples et des coûts plus bas. Le Kenya a ainsi ouvert en 2013 sa Bourse aux PME. Sur ce nouveau segment, il est possible de n’ouvrir que 15 % de son capital à un minimum de 25 investisseurs (contre 100 sur le segment alternatif et 1 000 sur le segment principal), sans même avoir besoin d’enregistrer des profits. La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) y travaille également. Enfin, les projets de rapprochement en cours – entre la BRVM, Accra et Lagos notamment – pourraient contribuer non seulement à établir des espaces d’investissement suffisamment larges pour intéresser les grands fonds, mais également à gommer le décalage persistant entre le dynamisme boursier de l’Afrique francophone et celui de la zone anglophone.

Ces efforts commencent à payer. Les performances des Bourses africaines sont plutôt convaincantes ces dernières années. L’indice de la BRVM est en hausse de 42 % sur deux ans, le Case 30 égyptien de 39 %, l’indice kényan de 84 % et le nigérian de 80 %… Seuls le Maroc et la Tunisie marquent le pas. Les classements exclusifs réalisés par African Alliance pour J.A., à partir de 829 valeurs cotées sur le continent (soit environ la moitié de sa capitalisation) et présentés page 109, confirme en partie cette bonne santé. Plus d’une centaine de valeurs ont Depuis 2008, plus d’une ainsi affiché une performance centaine de valeurs ont cumulée (augmentation du réalisé une performance cours de Bourse et moyenne des dividendes, cette part des de plus de 20 % par an ! bénéfices versée directement aux actionnaires) supérieure à 20 % par an depuis novembre 2008 ! Environ 30 % de l’échantillon a dépassé les 10 % de performance annuelle… Sur un continent qui raffole des dividendes, les épargnants ont également été gâtés. Plus de 150 entreprises cotées ont versé chaque année depuis cinq ans plus que l’équivalent de 5 % de leur cours de Bourse à leurs actionnaires. La performance est donc là. L’intérêt des investisseurs aussi. Reste à transformer l’essai en favorisant le développement de véritables marchés financiers africains. l

relations investisseurs

La nounou des actionnaires

KEVIN LEIGHTON/L&G

DEPUIS JUILLET, il est l’un des hommes d’Ecobank en première ligne face à la déstabilisation du groupe bancaire panafricain. James Etherington (photo), pourtant, n’est pas connu du grand public. À propos des articles à charge parus dernièrement dans le prestigieux quotidien britannique FinancialTimes, le responsable des relations investisseurs concède juste qu’ils « ont rendu le travail plus intensif encore ». Un euphémisme pour un homme qui voyage presque deux semaines par mois. « Nous avons compris qu’il nous fallait nous engager davantage auprès des dix ou vingt principaux actionnaires du groupe qui n’ont pas de place au conseil d’administration mais qui se sont régulièrement adressés à nous pendant cette période pour comprendre ce qui se passait », raconte le Britannique, ancien banquier d’affaires. Avec Ato Arku, son collègue installé au Togo tandis que N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

lui-même est basé à Londres, James Etherington exerce un métier encore bien rare sur le continent : entretenir le dialogue avec les actionnaires de la banque cotée depuis 2006 sur les Bourses d’Accra, de Lagos et d’Abidjan. Soit, depuis le rachat d’Oceanic Bank au Nigeria, l’équivalent de 600 000 interlocuteurs. « Le département a été créé en 2006 par Ato, qui s’était aperçu qu’Ecobank n’en disposait pas, tout comme la plupart des sociétés cotées en Afrique à l’époque, explique-t-il. Notre rôle est de communiquer de manière claire et cohérente avec les actionnaires et, du coup, de maximiser la valeur du cours de Bourse. Avoir un département relations investisseurs efficace est un bon moyen de se différencier. » Sur les trois derniers mois, James et Ato ont organisé une cinquantaine de rencontres avec des investisseurs à Londres, Dubaï ou au Cap. Une journée spécialement consacrée aux analystes et épargnants a été organisée en début d’année – une première. Et la recette fonctionne : en un an, le cours de Bourse du groupe a bondi de 45 % à Abidjan et de 63 % à Accra ! l FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE


Les stars de la cote INTERVIEW

111

Edoh Kossi Amenounve

Directeur général de la BRVM

« Les régulateurs doivent respecter les meilleures pratiques internationales » Les dispositifs de surveillance des marchés sont essentiels pour établir la confiance. Explications du patron de la Bourse basée à Abidjan.

Depuis son démarrage en 1998, la BRVM n’a pas connu de délits ayant conduit à l’ouverture d’enquêtes et à des sanctions. Certes, le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers [CREPMF], notre régulateur, ne s’est doté que récemment [en octobre 2012] d’un logiciel de surveillance automatisé du marché. Il lui permet de suivre le déroulement des séances de cotation et de repérer les anomalies. Nous avons également, en interne, un dispositif de surveillance du marché qui lui permet de détecter les évolutions anormales des prix et des volumes lors des séances, et, le cas échéant, de demander des justifications aux intermédiaires boursiers. Certaines entreprises cotées manipulent leurs chiffres clés. D’autres ne les publient que partiellement, voire pas du tout. De quels moyens disposent les régulateurs pour lutter contre ces pratiques ?

De façon générale, ils ne disposent pas des outils nécessaires pour détecter les manipulations de données, en particulier dans JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

JEUNE AFRIQUE : Peu développées pour la plupart, les Bourses africaines connaissent de nombreux problèmes de gouvernance: délits d’initiés, manipulation des cours des actions… Qu’en est-il à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ? EDOH KOSSI AMENOUNVE :

p Le Togolais dirigeait auparavant le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers.

les états financiers des entreprises. Ils se fient donc aux commissaires aux comptes [CAC] des sociétés cotées, qui ont une obligation légale en matière de certification de ces derniers.Auniveaudenotremarché financier régional, les CAC désignés par les sociétés cotées doivent être approuvés par le régulateur. Et ils sonttenusd’êtreinscritsàl’ordredes experts-comptables et comptables agréés de leur pays, de disposer de moyens techniques suffisants pour assurer leur mission, et de s’engager à agir selon les normes de leur profession. Mais qu’en est-il de la publication des données financières ?

Ces dernières années, nous avons enregistré de très bonnes avancées à la BRVM. Au titre de l’année 2013 par exemple, 34 des 37 sociétés cotées ont publié leurs états financiers annuels, soit un taux de 92 %. Au niveau des publications semestrielles, 33 ont diffusé leurs états certifiés par des CAC, soit un

taux de 89 %. Il reste encore à faire un effort sur les états trimestriels. En 2013, le taux de publication des états du premier trimestre a été de 38 %, contre 28 % en 2012. Une réglementation stricte est-elle compatible avec des politiques incitatives visant à attirer les sociétés à la cote ? Pourquoi ?

Le régulateur doit-il se soucier de business ? Pour les marchés en développement, surtout s’ils sont africains, il s’agit d’un dilemme. Choisir entre une réglementation assouplie favorisant l’entrée et l’investissementenBourseetuneréglementation stricte perçue comme décourageante est délicat. Les régulateurs et les Bourses doivent rechercher un juste équilibre en permanence. Mais ils ne peuvent en aucun cas sacrifier leur mission de protection des épargnants sur l’autel du développement, car la confiance perdue dans les marchés est difficile à retrouver. l Propos recueillis par STÉPHANE BALLONG N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


Entreprises marchés

Bourses

africaines

Attention à la bulle! Sur le continent, les investisseurs internationaux s’intéressent tous aux mêmes titres. Ce qui gonfle parfois leur valeur de manière artificielle… ur certaines Places afriLe problème reste toutefois caines, les analystes ne cantonné à quelques valeurs. cachent pas leur anxiété. « Le brasseur Solibra commence La profusion de capitaux à être surévalué pour notre maren recherche d’investissements à ché, même si la moyenne dans l’industrie est autour de 24 fois le fort rendement se heurte – pour bénéfice, quand Solibra est à 15 les entreprises cotées en Bourse environ. Pour les autres valeurs au moins – à la faiblesse de l’offre. L’argent se concentrant sur de la BRVM [Bourse régionale des quelques valeurs, le risque est valeurs mobilières], les cours sont grand que celles-ci soient surévabien valorisés, la plupart contiluées – un mécanisme bien connu nuent à présenter du potentiel, de bulle financière vouée au mieux avec la poursuite de la croissance à dégonfler, au pire à éclater. ivoirienne », estime ainsi Hermann L’Afrique du Sud exceptée, le Boua, responsable de la recherche continent offre aux investisseurs pour le courtier Hudson & Cie. un millier de titres sur lesquels Pourquoi les brasseurs sont-ils miser. « Mais les investisseurs particulièrement inquiétants pour internationaux recherchent des les analystes ? Simplement parce valeurs liquides, avec 500 000 dolque les investisseurs, très attentifs lars (370 000 euros) au minimum aux discours sur le décollage de la échangés par jour, et un bon hisconsommation sur un continent torique de performances. Ce qui jeune et dynamique, s’intéressent limite fortement les bien plus aux entrechamps d’investisprises de biens de Dans l’œil sement. Il n’y a pas consommation qu’à du cyclone : plus de vingt entrecelles des secteurs les brasseurs prises dans ce cas bancaire, énergéen Afrique », estime tique ou cimentier. Nigerian Andy Gboka, anaBreweries lyste pour la banque L I Q U I D I T É . En et Guinness d’investissement outre, seules cerExotix LLP. Les capitaines Places Nigeria. comme le Nigeria taux se dirigent donc ou la Tanzanie sont concernées. massivement vers ces titres, sans que les fondamentaux (les chiffres L’Afrique du Sud, elle, est préservée clés des entreprises) ne suivent par son exceptionnelle liquidité. toujours. Les Bourses plus petites n’attirent À en croire l’analyste, la bulle pas encore l’attention des grands financière est déjà une réalité pour investisseurs et peuvent même, les brasseurs Nigerian Breweries au contraire, être sous-valorisées. et Guinness Nigeria, dont les « Lors de l’annonce des résultats, multiples de valorisation (ratio un effet de rattrapage réel s’opère cours/bénéfices) ont atteint une très souvent sur les multiples de moyenne de 30 en 2013, contre 25 valorisation. Ainsi, Safaricom au en 2012 et 16 entre 2007 et 2011. Kenya a annoncé au 30 septembre « Si l’on regarde les fondamentaux, une progression de 45 % de son cela n’a pas de sens. Les résultats résultat net, et Ecobank une hausse baissent depuis deux ans et l’avenir de 40 % de son résultat net par n’est pas si positif. Mais la valeur action », fait valoir Marc Kamgaing, boursière continue de progresser », le gérant du fonds Fcom Africa. l s’alarme Andy Gboka. SÉBASTIEN DUMOULIN

S

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Transport Les compagnies aériennes africaines se révoltent à Mombasa Burkina Paul Giniès quitte la direction de 2iE Eurobond Le marocain BMCE lève 300 millions de dollars ASSURANCES Wendel injecte 100 millions d’euros dans Saham

L’interview de la semaine

Youssef Imghi Directeur général de Tanger Med Engineering

« Tanger a une expertise qu’il veut partager avec les ports africains » DR

112

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LE MONDE EN FRANÇAIS L’actualité internationale décryptée par le monde francophone 7j/7 à 18h* Sur TV5MONDE France-Belgique-Suisse, 19h30 sur TV5MONDE Maghreb Orient (heure de Beyrouth) et 17h sur TV5MONDE Afrique (heure de Dakar).

Photos © Christophe Guibbaud

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tv5monde.com/64minutes


Les indiscrets

Communication Hopscotch

Africa mise sur le digital

C

réé juridiquement il y a un peu plus d’un an, Hopscotch Système Africa cherche désormais la lumière. Le 4 décembre, la filiale du troisième plus grand groupe français de communication publiera son premier baromètre digital africain. Basée sur une méthodologie déjà testée en Europe par sa division spécialisée Hopscotch Digital, l’étude s’est intéressée à la présence de 50 grandes marques d’Afrique francophone sur internet et les réseaux sociaux. Avec quelques observationschocs : seules 16 % de ces entreprises (principalement des compagnies aériennes et des opérateurs télécoms) sont vraiment visibles sur le Net ; plus d’une sur trois n’a aucune activité sur Facebook ou Twitter ; un quart de celles ALGÉRIE BOUSSAAD FAIT LE PLEIN DE VITAMINES

Après avoir fondé avec succès la Laiterie Djurdjura, intégralement cédée à Danone en 2006, l’homme d’affaires algérien Boussaad Batouche veut désormais s’imposer dans la transformation des fruits frais via la Société STPA, qu’il détient à 100 %. Il s’apprête ainsi à inaugurer, en février 2014, une usine dans la zone d’activité de Taharacht (à 250 km à l’est d’Alger). Cet investissement de N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

ayant un compte Twitter n’ont jamais tweeté en 2013… Ce baromètre sera diffusé à l’occasion de la conférence économique du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique. Un jour particulier puisque Hopscotch assurera aussi pour le Medef et Bercy la gestion d’une page internet consacréeàcetévénement.Pilotédirectement par Benoît Désveaux (photo), l’un des grands patrons du groupe, et monté par François Hurstel, Hopscotch Africa renforce ses équipes (18 personnes) : Salima Haddour, qui a longtemps dirigé l’Office national marocain du tourisme en France, a rejoint l’agence il y a quelques mois. C’est notamment elle qui travaille à l’ouverture d’un deuxième bureau, à Casablanca. l

10 millions d’euros devrait permettre de produire 8 000 tonnes de fruits surgelés, nappage, jus concentré, confiture…) par an, dont une partie sera destinée à l’exportation, notamment en France. SIDÉRURGIE BENYOUNÈS DÉMENT LE DÉPART DES QATARIS

Amara Benyounès, le ministre algérien du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement, est

MINES UNE JUNIOR IVOIRIENNE SE RAPPROCHE DE LA GUINÉE Jean Likané Yagui, fondateur et directeur général de la junior minière ivoirienne Transland Resources, prépare une implantation en Guinée dès 2014. Il a récemment séjourné à Conakry avec le président de sa société, l’homme d’affaires ivoirien Digbeu Kipré.Tous deux ont été reçus le 19 novembre par le président Alpha Condé. Les deux émissaires de Transland Resources négocient l’obtention de permis d’exploration d’or.

TOTAL UN NOUVEAU PATRON POUR L’AFRIQUE Le Français Jacques Marraud des Grottes, directeur Afrique de Total pour l’explorationproduction depuis 2008, est sur le départ. Il devrait laisser son siège à Olivier Cleret de Langavant (photo), actuellement à la tête de la direction stratégie, croissance, recherche et développement de la branche exploration et production du groupe. Il avait entre autres dirigé cette activité en Angola.

formel : « Le projet de construction d’un complexe sidérurgique entre le groupe public Sider et Qatar Steel à Bellara [à 500 km d’Alger], qui est sous ma supervision, est toujours en discussion. Le pacte d’actionnaires doit être finalisé et signé dans les prochaines semaines. » Il balaie ainsi la rumeur qui a circulé ces derniers jours sur internet selon laquelle les Qataris envisageraient de se retirer de cet investissement de près de 3 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros).

STÉPHAN GLADIEU/TOTAL

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tion

NOUVE FORMULLE LE


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Décideurs INTERVIEW

Kadré Désiré Ouédraogo

Président de la Commission de la Cedeao

« L’ouverture du marché, oui, mais pas à tous les produits » L’ancien diplomate burkinabè a œuvré à la mise en place d’un tarif extérieur commun en Afrique de l’Ouest. Reste à renforcer le commerce au sein de la zone.

À

bientôt 60 ans, l’exPremier ministre du Burkina Faso, à la tête de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) depuis près d’un an et demi, est devenu le chantre de l’intégration régionale. Son leitmotiv : accélérer la construction d’un marché régional fort et stable (d’environ 300 millions d’habitants) tout en restant actif sur le front de la gestion des crises sociopolitiques. Également ancien représentant du Burkina Faso auprès de l’Union européenne (UE), il est, pour le compte des quinze États membres de la Cedeao, l’un des négociateurs en chef des accords de partenariat économique (APE) avec Bruxelles. Des accords qui devront régir le commerce entre les deux zones. Affable et très loquace lorsqu’il s’agit de l’économie de la sous-région, ce diplômé de HEC Paris a répondu aux questions de Jeune Afrique.

parvenir à un consensus – pour la première fois depuis une dizaine d’années – autour d’un tarif extérieur commun (TEC) qui doit faire de notre zone de libre-échange une véritable union douanière.

JEUNE AFRIQUE: Pour la première fois depuis longtemps, les chefs d’État de la Cedeao ont tenu, le 25 octobre à Dakar, un sommet exclusivement économique. Quelle était l’urgence de la situation ? KADRÉ DÉSIRÉ OUÉDRAOGO :

Pourquoi le TEC était-il indispensable ?

Pour faire face à l’évolution du monde et à ses défis, le moyen le plus sûr est d’accélérer notre processus d’intégration régionale. Cette volonté de lever les dernières barrières a amené les chefs d’État à organiser une session extraordinaire pour discuter de questions essentiellement économiques. En amont, des experts et des ministres ont travaillé d’arrache-pied pour N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Que devient le TEC de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA), qui regroupe les huit pays ayant le franc CFA en commun ?

L’UEMOA avait déjà son TEC en effet. Au départ, il s’agissait simplement de l’étendre à l’ensemble des pays de la Cedeao. Mais certains ont estimé qu’il ne protégeait pas suffisamment leur industrie manufacturière. Nous avons alors calculé qu’en passant de quatre bandes tarifaires à cinq, avec un taux de droit de douane maximal de 35 % (contre 20 % pour l’UEMOA), les marchésdelacommunautéseraient suffisamment protégés. À partir de janvier 2015, il n’y aura qu’un seul TEC en Afrique de l’Ouest.

GENÈVE, 17-19 MARS

Le développement des échanges intra-africains figure parmi les thèmes majeurs du

AFRICACEOFORUM 2014

theafricaceoforum.com

C’est une étape importante dans l’édification de notre marché. Ce dispositif constituera le socle sur lequel nous relancerons les négociations commerciales avec l’UE dans le cadre des APE. [Au point mortdepuisquelquesannées,ceuxci sont censés remplacer l’accord de Cotonou, qui régit depuis 2000 le commerce entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), NDLR]. Le Ghana et la Côte d’Ivoire, deux de vos États membres, ont signé des APE intérimaires avec

Bruxelles pour préserver leur accès aux marchés du Vieux Continent. Cela ne fragilise-t-il pas la zone ?

Si ces accords venaient à être ratifiés sans que nous ayons trouvé une réponse régionale globale, cela signifierait qu’il existe des politiques commerciales et des systèmes tarifaires différents au sein de la sousrégion. Ce qui n’est pas concevable dans un marché régional unique. Avec l’UE, nous sommes convenus que, dès qu’un accord régional serait conclu, ceux de ces deux pays seraient caducs. Vous vous dites favorable à l’ouverture du marché régional, mais pas pour tous les produits. Pourquoi ?

Certains sont jugés sensibles, parcequ’ilsnouspermettentd’assurernotreautosuffisancealimentaire, parce qu’ils contribuent à protéger certaines de nos industries essentielles, ou parce qu’ils participent à la préservation de l’emploi. On ne peut pas ouvrir notre marché à des concurrents étrangers qui, eux, sont fortement subventionnés. Pour tous les autres produits, le degré de libéralisation tiendra compte de

Un CV bien rempli Depuis février 2012 Président de la Commission de la Cedeao 2001-2011 Ambassadeur du Burkina Faso dans plusieurs pays européens, dont la Belgique et la GrandeBretagne ; représentant permanent auprès de l’Union européenne 1996-2000 Premier ministre du Burkina Faso 1993 -1996 Vice-gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar JEUNE AFRIQUE


Décideurs ON EN PARLE

À Dakar, les chefs d’État de la zone vous ont demandé, ainsi qu’à votre homologue de l’UEMOA, de reprendre les discussions sur les APE avec l’UE. Quel sera votre fil conducteur ?

Notre priorité est d’établir un marché régional et d’y promouvoir lecommerceinterne.Noussommes pour des APE promoteurs de développement favorisant l’intégration de nos États, accroissant leurs capacités d’ajustement, améliorant leur compétitivité, construisant un marché régional pour tirer bénéfice du commerce international. Comment renforcer la compétitivité des économies de la sousrégion ?

SAHAM

SAAD BENDIDI SAHAM Cinq ans après son départ de la présidence de l’Omnium nord-africain, ce centralien devient directeur général délégué du holding du groupe marocain. Il assurera l’intérim de Moulay Hafid Elalamy, devenu ministre.

Vous arrivez à mi-chemin de votre mandat unique de quatre ans ; comment voyez-vous l’avenir de l’institution ?

Nous gagnons en efficacité. Un cabinet international mène actuellement un audit pour revoir la structure de la Cedeao et améliorer le fonctionnement des ressources humaines, de la gestion financière, de l’informatisation, etc. Toutes les procédures seront réorganisées. Aujourd’hui, nous avons déjà réussi à engager la quasi-totalité des 600 millions d’euros que nous a octroyés l’UE au titre du 10e FED [Fonds européen de développement]. Seuls 5 % de cette somme étaient utilisés jusqu’à présent. l

ELISABETH MEDOU BADANG ORANGE CAMEROUN Retour au bercail pour cette Camerounaise, qui prend la direction générale de la filiale locale du groupe français de télécommunications. Ancien cadre de Proparco, elle dirigeait jusque-là Orange Botswana.

Propos recueillis à Dakar par STÉPHANE BALLONG

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

BNP

Le soutien au secteur énergétique dans les États membres mais aussi l’interconnexion des

réseaux électriques sont devenus nos priorités. Nous avons lancé la construction d’autoroutes destinées à faciliter le trafic dans la sous-région. Cinq de nos membres soutiennent ainsi un projet d’autoroute entre Abidjan et Lagos censée fluidifier le trafic côtier et relier les principaux ports de la sous-région.

DR

leur importance dans notre tissu économique régional. Nous avons étudié tous les secteurs et sommes maintenant capables d’analyser notre propre intérêt offensif et notre capacité à préserver notre production locale.

JEUNE AFRIQUE

SOPHIE JAVARY BNP PARIBAS CIB Nommée responsable adjointe du Corporate Finance, elle prend aussi la direction de cette activité pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique. Elle intègre par ailleurs le comité exécutif de BNP Paribas CIB. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Finance CONSOMMATION

Lilas en fleur Le leader tunisien des produits d’hygiène prépare une ambitieuse introduction en Bourse et compte sur sa croissance à deux chiffres pour séduire.

L

opération, si elle obtient le visa du Conseil du marché financier, sera la plus importante de l’année à la Bourse de Tunis. La Société d’articles hygiéniques (SAH) propriétaire de Lilas, la marque de produits d’hygiène pour femmes et bébés, va en effet introduire sur le marché tunisien l’équivalent de 132,5 millions de dinars (58 millions d’euros). Malgré le caractère ambitieux d’une telle opération, Mourad Ben Chaabane, directeur général de Mac SA, l’intermédiaire chargé de la mener à bien, est confiant. Des fonds étrangers seraient très intéressés par une entrée au capital de SAH. « Avec les produits de consommation, ils ne prennent pas de risque, et ce, quelle que soit la situation du pays. L’opération va faire revenir les investissements étrangers à la Bourse de Tunis », avance-t-il. Bassem Neifer, analyste financier pour le cabinet indépendant AlphaMena, est plus circonspect. « L’enjeu, c’est le placement auprès des institutionnels : ces derniers croient-ils encore à la Bourse ? » s’interroge-t-il, alors que plus de 90 % des actions sont réservées à ce type d’investisseurs. Toutefois,

« la petite multinationale africaine » a prouvé à tous le succès de son modèleéconomiquedepuissacréation, en 1995. À l’époque, le producteur de serviettes hygiéniques, doté d’un capital de 235000 dinars, démarre avec presque rien – ses fondateurs, Jalila Mezni et Mounir el-Jaiez, ne possèdent qu’une seule machine –, mais s’attaque à gros : la multinationale suédoise SCA (Peaudouce, Nana, Lotus…) pèse très lourd sur le marché tunisien. En quelques années, le pari est réussi, et Lilas se diversifie en se lançant dans les couches. « Nous avonstoujoursmisésurl’innovation et la qualité, explique Mezni, qui a quitté un poste d’analyste dans une banque pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Nous avons aussi parié sur le prix : fabriquées localement, les protections pour adultes contre les fuites urinaires par exemple sont moitié moins chères que les produits importés. » TABOU. Le marketing est également

un axe clé. Ex-footballeur, Mounir el-Jaiez a usé de sa renommée pour convaincre les distributeurs. « Nous avons voulu toucher le grand public très vite. La première publicité télévisée sur les serviettes hygiéniques a été censurée, c’était jugé tabou.

HICHEM

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p L’usine de production de Medjez el-Bab, à 60 km de Tunis.

Répartition du chiffre d’affaires 2012

30,95 %

à l’export

69,05 % en Tunisie

Bénéfices consolidés (en millions d’euros)

7,1

7,5 4

2010 2011 2012

Alors nous avons plaidé notre cause devant le ministre de l’Information. Ce qui l’a surtout convaincu, c’est qu’on investissait dans une zone [Medjezel-Bab,à60kmdeTunis]où il n’y avait rien. Nous avons repensé le spot et la concurrence s’est mise à faire du marketing par la suite. » Avec un chiffre d’affaires qui devrait dépasser les 200 millions de dinars en 2013, Lilas est désormais leader sur le marché de l’hygiène bébé et féminine ainsi que sur celui du papier-toilette. Ces deux dernières années, la croissance s’est maintenue à 17 % par an malgré une situation économique difficile. Il compte en outre renforcer l’intégration de la production en amont et sécuriser l’approvisionnement : sa filiale Azur s’est lancée dans la fabrication de papier il y a quelques mois. Ces dernières années, la société a également connu une belle montée en puissance en installant des filiales en Algérie, puis en Libye, et en renforçant ses exportations vers

Le grandinvité de l’économie SAMEDI 7 DÉCEMBRE, sur RFI à 12 h 10* dans Éco d’ici, Éco d’ailleurs, Meriem Bensalah Chaqroun, Présidente de la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc), décrypte les grands enjeux de l’économie africaine. Retrouvez l’essentiel de cet entretien dans Jeune Afrique en kiosque le 8 décembre. Retrouvez les moments forts de cette interview

sur www.jeuneafrique.com et sur www.rfi.fr

*heure de Paris, 11 h 10 TU


Baromètre

GAMME. Avec l’entrée du capital-

investisseur panafricain Emerging Capital Partners (ECP) au tour de table en 2008, l’organisation et la gouvernance ont été revues : la société publie des indicateurs mensuels, un bilan trimestriel et un budget annuel. « Ce n’est pas un fonds qui cherche seulement à faire des bénéfices. Il s’intéresse réellement aux structures de l’entreprise, à l’environnement, aux ressources humaines… », se félicite la PDG, qui compte 2 200 employés. « Sous la direction de Jalila Mezni, SAH est parvenu à plus que doubler ses performances. Avec le soutien d’ECP, il a augmenté sa capacité de production, apporté de nouveaux produits sur des marchés extérieurs et construit une marque forte. Tout cela a été rendu possible par les efforts de ses employés pour améliorer les systèmes, la gouvernance et la gamme de produits », se réjouit de son côté Nayel Georges Vidal, directeur du bureau de Tunis d’ECP. Avec l’entrée en Bourse, c’est une nouvelle page qui se tourne. ECP cédera en effet ses parts (49 % du capital) dans le cadre de cette opération. Mais pas de rupture stratégique en vue, SAH entend maintenir le cap suivi depuis plusieurs années : « Nous allons poursuivre les exportations et développer les capacités de production des filiales », explique Mezni. « Nous croyons fermement que SAH continuera à créer de la valeur pour ses futurs actionnaires », complète Nayel Georges Vidal. En 2012, la société a généré un peu plus de 15 millions de dinars de bénéfices. Les investisseurs espèrent sans doute qu’elle gardera la cadence. l

CAFÉ

« La demande viendra des marchés émergents » LA CRISE PROLONGÉE des prix du café s’est accélérée ces dernières semaines. Début novembre, le prix de l’arabica a atteint son niveau le plus bas en sept ans (1,02 dollar la livre, le 6 novembre à New York), alors que les marchés anticipaient une nouvelle récolte record au Brésil. Les prix pourraient descendre en dessous de 1 dollar la livre. Avec d’importants arrivages vietnamiens, le robusta ne s’est guère mieux porté. Cependant, on observe les signes d’un retournement structurel avec la montée en puissance des consommateurs émergents. Désormais, la demande de café viendra non pas des marchés traditionnels que sont l’Europe et l’Amérique du Nord – où la consommation atteint ses limites –, mais de

ceux où une nouvelle classe moyenne développe un goût pour le café. Il y a cinq ans, l’Amérique latine s’est distinguée comme une région clé, dépassant les ÉtatsUnis et le Canada pour devenir le deuxième consommateur mondial. Elle représente aujourd’hui 20 % de la consommation totale. Le MoyenOrient et l’Asie connaissent également une augmentation spectaculaire de la demande. L’impact de ces tendances sur l’Afrique sera mitigé. La Côte d’Ivoire et l’Ouganda devraient bénéficier d’une hausse de la demande pour les fèves de robusta, notamment en Afrique du Nord et en Europe du Sud, tandis que l’Éthiopie – le plus grand producteur d’arabica

Edward George Directeur de la recherche sur les matières premières agricoles d’Ecobank

du continent – pourrait avoir du mal à trouver un marché pour ses exportations. En fin de compte, l’effondrement des prix du café pourrait entraîner le développement de marques africaines haut de gamme, vendues plus cher sur les marchés internationaux. Depuis quelques années par exemple, une troisième variété de café, le liberica, originaire du Liberia et cultivé en Asie du Sud-Est, commence à apparaître. » l

Cours de l’arabica à New York (en cents de dollars la livre) 160

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150

18.1.2013

140 130 120

108,05 26.11.2013

110

102,45 100 27 nov. 2012

6.11.2013

25 février 2013

24 mai 2013

22 août 2013

20 nov. 2013

SOURCE : LES ÉCHOS

l’Afrique subsaharienne. Présente dans dix-sept pays de la région, la marque joue les premiers rôles en Mauritanie, au Congo et au Gabon. Également implantée au Maroc, SAH a misé dès le début sur les ventes à l’étranger. Elles représentaient 31 % environ du chiffre d’affaires fin 2012. Et si les contrefaçons sont légion, c’est aussi parce que la marque est réputée, selon SAH.

Finance

STÉPHANIE WENGER, à Tunis JEUNE AFRIQUE

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


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Paris, Casablanca, Libreville… même cabas

C

’est un privilège qui aura bientôt disparu. À Paris, Londres ou New York, ils sont quelques dizaines de milliers d’Africains, de passage pour leurs affaires, à se laisser séduire par les dernières tendances bien avant qu’elles ne débarquent sur le continent. Mode, design, cuisine, automobile, gadgets high-tech… tout un art de vivre dont ils ont la primeur. De retour au pays, ils en deviennent même les ambassadeurs. Attention, mesdames et messieurs les initiés, vous faites partie d’une espèce en voie de démocratisation. Dix ans de croissance ont changé la donne. L’Afrique est à la mode et, en premier lieu, dans le secteur des biens de consommation. Du géant des cosmétiques L’Oréal en passant par les enseignes de prêt-àporter Zara ou Ermenegildo Zegna, jusqu’au spécialiste de l’e-commerce Rocket Internet,

JEUNE AFRIQUE

on ne compte plus les multinationales qui s’y précipitent pour profiter de l’émergence des classes moyennes supérieures. En ligne de mire, des réussites comme celle du pionnier Vlisco. C’est en misant sur le haut de gamme que la marque hollandaise, créatrice du véritable wax, a pu relancer ses ventes et obtient aujourd’hui ses meilleurs résultats. L’appétit pour la mode est tel que partout, de Casablanca à Libreville, fleurissent des fashion weeks sur le modèle de leurs grandes sœurs occidentales. Même le luxe trouve sa place sur le continent. Ferrari ne vient-il pas d’ouvrir sa première concession au Maroc ? Bénéficiant de cet élan, ce sont désormais les savoir-faire africains – des meilleurs vins de la région du Cap aux designers comme le Sénégalais Bibi Seck – qui participent aux tendances du village global. Pour les accros du shopping, pas de doute, le changement c’est JULIEN CLÉMENÇOT maintenant. l N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

ÉRIC MARTIN/LE FIGARO MAGAZINE

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DR

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

TENDANCES


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MAROC

Les feux du glamour Preuve de l’engouement grandissant des Marocains pour le marché du luxe, Casablanca accueille, pour la troisième année consécutive, un événement consacré à des créateurs venus du monde entier. Les retombées économiques s’annoncent déjà prometteuses…

L

e 12 octobre, troisième édition du Casa Fashion Show au Sofitel Tour blanche de Casablanca. Dans le hall, une foule élégante se presse. Femmes d’affaires, épouses de riches industriels, médecins, artistes, créatrices, le public a répondu présent et semble rodé à l’exercice du photocall, sous les flashs de la presse nationale et internationale. Elles portent des

N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

robes signées des plus grands couturiers. Les hommes, eux, ont des allures de dandys parisiens. On ne saurait compter le nombre de sacs Chanel ou de paires de Louboutin qui se bousculent dans les salons, où une fontaine de champagne et un arbre couvert de petits fours attendent les invités. Ici, tout n’est que luxe, brillant et glamour. Sur le podium, des mannequins venus du monde entier

présentent les dernières collections des grandes marques internationales. Les spectatrices se pâment devant les robes Emilio Pucci, les manteaux Armani, les tailleurs Dolce & Gabbana, qu’elles pourront se procurer, dès le lendemain, dans l’une des nombreuses boutiques qui ont ouvert leurs portes dans la ville. Car c’est là une des révolutions du marché de la mode au Maroc : les « fashionistas »

n’ont plus besoin d’attendre un voyage à Paris ou à Londres pour s’approvisionner en vêtements.

PRESTIGE

L’ouvertureduMorrocoMall à Casablanca, qui a accueilli plus de 5 millions de visiteurs durant les six premiers mois de l’année 2013, l’arrivée des Galeries Lafayette mais aussi de marques comme Louis Vuitton, Bulgari ou Yves Saint JEUNE AFRIQUE


TENDANCES une pièce unique brodée de pierreries Swarovski. Ensuite, une nouvelle génération de créateurs a émergé ces dernières années. À l’instar de Fadila El Gadi, d’Amine Bendriouich ou de Saïd Mahrouf, ils s’inspirent de la tradition nationale comme de la mode étrangère pour créer des pièces modernes, originales et « prêtes à être portées ». Encensés par la presse, mis en avant par des événements comme Festimode, (un défilé consacré aux créateurs nationaux), ils se font peu à peu une place dans le pays.

Encore artisanale, la création marocaine n’a pas fait de jonction avec l’industrie du textile.

JEUNE AFRIQUE

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

en Afrique. Titre tourné vers le monde de la tendance, il accompagne la vague consumériste qui s’est emparée des Marocaines. Pour Myriam, une AU CASA Casablancaise qui FASHION travaille dans cet uniSHOW, le vers, « on assiste à une 12 octobre. véritable démocratisation de la mode en général. Autrefois, elle était réservée à une petite élite, qui voyageait et qui s’y connaissait. Aujourd’hui, les classes moyennes et les nouveaux riches consomment, même si cela reste occasionnel. Et puis les gens sont mieux informés. Ils connaissent les marques grâce à internet, aux magazines, à la télévision. Ce n’est plus une affaire d’initiés. Désormais, plus personne ne craint de pousser la porte d’une boutique branchée. » Reste que seule la frange la plus aisée de la société peut se permettre d’acheter du prêt-à-porter hau t d e ga m m e, dont les prix sont plus élevés qu’en Occident, notamLaurent prouvent qu’il y a dans ment à cause des le pays une clientèle pour les droits de douane. produits de luxe. Selon Kenza Cheddadi, ORIGINAL organisatrice du Casa Fashion La tendance évolue Show, « il était important de aussi dans le domaine créer un événement consacré de la création marocaine. aux marques de prestige, en D’abord, le traditionnel marpleine croissance dans le pays. ché du caftan, tenue prisée On y célèbre une femme maropour les événements familiaux caine, citoyenne du monde, comme les mariages ou les ouverte aux autres cultures fêtes religieuses, est florissant. tout en restant attachée à ses La bourgeoisie casablancaise traditions. Après New York, n’hésite pas à débourser Londres, Paris, Milan, il fallait jusqu’à 15 000 euros pour que Casablanca, plateforme économique en Afrique, disposedesaproprefashionweek, pourleplusgrandbonheurdes victimes de la mode ! » Aujourd’hui, les magazines profitent de cet intérêt nouveau. L’Officiel, publié par les prestigieuses éditions Jalou, a d’ailleurs choisi le Maroc pour sa première déclinaison

« Mes clientes sont pour moitié étrangères – européennes, arabesetafricainesdepuispeu, notamment congolaises –, et pour moitié marocaines. Le pourcentage de ces dernières a augmenté depuis que j’ai pu ouvrir une boutique à Rabat », explique la créatrice Fadila El Gadi. Elle regrette néanmoins que la création marocaine soit encore très limitée. « Les conditions ne sont pas encore réunies pour qu’un véritable marché national de la mode se développe. Toute la chaîne n’y est que faiblement représentée: peu de photographes, de critiques, de maquilleuses, d’accessoiristes, pas de cadre législatif ou fiscal, pas de formation » explique-t-elle. Encoreartisanale,cettecréation n’a finalement pas fait de véritable jonction avec l’industrie nationale du textile. Et il est très difficile d’estimer son chiffre d’affaires. L’éventail des prix est large: allant de 1500 à 50000 dirhams (de 1330 à 4450 euros) pour des pièces uniques. Dans la rue, notammentdanslesgrandes villes, on voit émerger un nouveau style, fait de mélange entre « fast fashion » comme Zara, H&M ou le marocain Marwa, et de pièces uniques dégotées dans les souks, les friperies ou chez les créateurs indépendants. Popularisée par les blogueurs et par des magazines comme Illy, ce phénomène gagne touteslescouchesdelasociété. Le créateur Amine Bendriouich est l’emblème de cette nouvelle contreculture, de cette mode qui s’inspire de la rue et aspire à y retourner. Sa marque, Amine Bendriouich, Couture & Bullshit (ABCB), incarne un esprit créatif et joyeux, celuilà même qui a gagné tous les Marocains, afin qu’ils affirment ce qu’ils sont à travers ce qu’ils portent. l LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale à Casablanca N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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TENDANCES onneselimiteplusàlabièreou au whisky », explique Matome Mbatha, manageur marketing Afrique et Amériques de Wines of South Africa (WOSA), l’organisme de promotion des vins d’Afrique du Sud.

AFRIQUE DU SUD

Le vin en poupe Avec une production qui le place à la huitième place mondiale, le pays voit son secteur viticole de plus en plus valorisé et reconnu à l’étranger. De quoi espérer rivaliser un jour avec les grands crus français.

NECTAR

À Abidjan, Karim Rajan, directeur de La Cave de l’Œnophile, confirme la tendance. Il y a six mois, lui aussi s’est mis à référencer des crus sudafricains. « Ils s’améliorent en qualité, explique-t-il. Et dans uncontexted’augmentationdu prix des nectars de moyenne gammeeuropéensetsud-américains, les consommateurs y voient une alternative. » Dans la capitale économique ivoirienne, des boutiques spécialisées ont même fait leur apparition. « Auparavant, le principal problème était le transport. Le volume de vin consommén’étaitpas assez important pour PROPRIÉTÉ DE que cela soit rentable. CONSTANTIA, Résultat: il y avait peu dans la notamment à d’appellations propoprovince Walmart, le géant sées », ajoute Karim du Capde la distribution, Rajan. Pour lui, la difOccidental. qui propose ficulté se situe désordésormais du mais ailleurs: chez les vin sud-africain. restaurateurs,notammentdans L’Afrique aussi y trempe les grands hôtels, qui ne proles lèvres, surtout l’Angola, posent presque exclusivement le Nigeria et le Kenya. « Sur quedesvinsfrançaisouitaliens le continent, le mode de et qui peinent à changer leurs vie change. Chez ceux qui habitudes… l accèdent à la classe moyenne, HABY NIAKATE ÉMILIE CHAIX/AFP

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l y a des signes qui ne trompent pas. Si la France a, en novembre, déroulé le tapis rouge aux vins sud-africains, lors de la 83e Foire internationale et gastronomique de Dijon, l’une des plus importantes du pays, c’est que ces derniers ont le vent en poupe. Vingt-cinq domaines parmi les meilleurs de la nation Arc-en-Ciel y ont présenté une centaine de crus. L’Afrique du Sud est loin d’être débutante en la matière puisqu’elle produit et exporte du vin depuis plus de trois siècles, mais son secteur viticole ne s’est jamais mieux porté. Environ 100000 hectares deterres,situésprincipalement dans la province du Cap-Occidental, y sont consacrés. Lepaysestaujourd’hui le 8e producteur mondial, avec 10,5 millions d’hectolitres (Mhl) N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

pressés en 2012 et 10,9 Mhl prévus cette année. Une production qui prend de plus en plus le chemin de l’étranger : 417 millions de litres exportés en 2012. La destination première reste l’Europe, mais les exportations ont bondi ces dernières années, direction la Russie, l’Australie, la Chine, où la consommation de vin explose, et les États-Unis, grâce

Grandes occasions ou petits plaisirs Une sélection de La Cave de l’Œnophile, à Abidjan

KLEIN CONSTANTIA

ANWILKA STELLENBOSCH

BOSCHENDAL SHIRAZ

Cette propriété historique fait partie du cru mythique de Constantia. Napoléon Ier s’en faisait servir à sa table. Le domaine est connu pour son vin moelleux, qui est un véritable nectar.

Créée en 1997 par des œnologues de prestige, dont Hubert de Boüard (Château Angélus, à Saint-Émilion), cette jeune propriété offre un vin rouge séducteur et fruité qui fait déjà partie des meilleurs du pays.

Typique de l’Afrique du Sud avec son côté épicé mais aussi beaucoup de rondeur et d’arômes. Un régal avec une belle pièce de viande. Boschendal est devenu l’un des producteurs sud-africains les plus réputés.

TALL HORSE CHARDONNAY

Pour un bon verre de blanc à l’apéritif, le chardonnay sud-africain est parfait car suave et fruité. Celui de la maison Tall Horse est très frais et ne coûte qu’environ 5 euros la bouteille. JEUNE AFRIQUE


Š2013 Harry Winston, Inc. harrywinston.com

MIDNIGHT BIG DATE by HARRY WINSTON

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TENDANCES EN 2012, environ 25 millions de mètres de tissus imprimés sont sortis de cette usine.

PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A.

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REPORTAGE

Waxmania

Depuis plus d’un siècle, le créateur néerlandais Vlisco habille les femmes africaines. C’est au cœur de ses ateliers de fabrication, installés dans le sud des Pays-Bas, que sont conçus les tissus les plus prisés du continent.

H

elmond, une ville ordinaire, dans le sud des Pays-Bas. Sesimmeublesen brique rouge, son canal et, en cemoisdenovembre,sonfroid anesthésiant… C’est là que le groupe Vlisco, le fabricant des célèbres wax néerlandais, adulés par des générations de femmes africaines, est installé depuis sa création en 1846. Aujourd’hui, le groupe possède quatre marques, Vlisco, Woodin, Uniwax et GTP, emploie 2800 personnes (dont 2000 en Afrique), pour une clientèle qui se situe à 95 % sur le continent (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, RD Congo et Nigeria). Vlisco, qui produit les tissus haut de

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gamme, en est la vitrine. C’est aussi la seule dont le siège est situé aux Pays-Bas. À Helmond, impossible de ne pas voir la société, qui trône en plein centre-ville. À l’extérieur,pasdeglamour,c'est plutôt le règne du béton armé. Pourtant, une fois passée l’entrée, c’est un tout autre monde. Dans la plupart des bureaux, des tableaux aux motifs flamboyants sur des murs blancs éclatants, et dans les couloirs des mannequins portant des tenues africaines. Un étage est consacré à la création. À sa tête, Roger Gerards, un quinquagénaire à l'allure de dandy. Teintes de tissu, système matriarcal des ethnies du Togo… L'ancien

étudiant en mode et en anthropologiepasseavecaisanced’un sujet à l’autre. Il voyage sur le continent au moins une fois par mois, mais aussi en Europe et aux États-Unis. « Mon inspiration est aussi africaine que globale.Leplusimportant,c’est de capter les tendances et d’en lancer », explique-t-il.

PASSIONNEL

Le designer puise aussi ses idées dans les archives de la société, où sont stockés les 300 000 tissus déjà créés. Il y a les incontournables: « L’œil de ma rivale », « Mon mari capable », « Si tu sors, je sors »… mais aussi des plus récents comme « Le sac de Michelle Obama ». Aucun de ces noms

n’a été donné par Vlisco, mais par les vendeurs du continent pour accrocher les clients. Gerards dirige une équipe de 17 designers venant du monde entier, de France, du Mexique, d’Italie, des Pays-Bas et collabore avec des stylistes africains. « Les gens pensent qu’un produit utilisé par les Africains devrait forcément être réalisé par des Africains, je ne suis pas d’accord. Chez nous, c’est le dialogue entre les cultures qui crée cette relation passionnelle entre nos tissus et les clients », affirme-t-il. L’équipe est déjà à pied d’œuvre pour la collection de novembre 2014. Les dessins, soigneusementrangés,relèvent presquedusecret-défense. l l l JEUNE AFRIQUE


www.dior.com


TENDANCES

« Impossible de les photographier », nous répète-t-on. Certainsserontfacilesàvendre, « car leurs motifs sont petits, facilement manipulables par les couturiers », d’autres mettront plus de temps à convaincre. Il y a ceux qui plairont dans les pays à forte populationmusulmane«oùonaime les tissus à graphisme simple et le blanc », contrairement au Bénin, par exemple, où les couleurs vives et les motifs d’objets sont appréciés. « Il faut travailler longtemps à l’avance, lll

Teintés, séchés, minutieusement vérifiés à l'œil nu, les tissus sont vendus et expédiés par bateau.

précise le Néerlandais, car le processus de fabrication et d’expédition prend du temps. » Pour comprendre, il suffit de pénétrer dans l’usine de Vlisco, un véritable labyrinthe, animé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La technique ancestrale du batik, affinée et personnalisée, est appliquée à grande échelle. « Notre marque de fabrique, c’est une impression identique de la cire des deux côtés des toiles de coton, puis la superposition de couches de couleurs, une

par une, à différents endroits d’une même toile », explique Gerards. Certains modèles nécessitent près d’une trentaine d’étapes. Teintés, séchés, minutieusementvérifiés àl’œil nu, les tissus sont découpés en pièce de 6 yards (environ 5,5 m, la longueur nécessaire pour une tenue complète) et vendus entre 40 et 100 euros, voire 2 000 euros lorsqu'ils sont incrustés de cristaux. Transportés par bateau, ils débarqueront six semaines plus tard sur les côtes africaines.

David Tlale, créateur en or LA MARQUE NÉERLANDAISE a confié ses tissus à cette étoile montante de la mode.

PAUL SHIAKALLIS POUR J.A.

RESPECT

Rien de tel que les meilleurs créateurs africains pour asseoir sa notoriété. En Afrique du Sud, Vlisco a confié ses wax à David Tlale, l’étoile montante de la mode. « Le paradis est venu à moi », lâche ce couturier de 38 ans dans un éclat de rire aussi fort que les coups de gueule qui, quelques instants plus tôt, rythmaient l’installation des vitrines de sa boutique au cœur des Michelangelo Towers de Johannesburg. Le vert dense des robes et le fuchsia des fourreaux tranchent avec les tons bruns des lieux. Des tissus aux motifs dorés qui rappellent l’univers du créateur. « C’est justement pour cette opulence que nous avons choisi de travailler avec David », explique Hannelize Robinson, la représentante de Vlisco en Afrique du Sud. À voir le regard gourmand des passantes, elle n’a qu’à se féliciter de son choix. Le styliste multiprimé dans son pays ne compte pas en rester là. « Ma visite aux Pays-Bas en juillet a été une vraie révélation qui va influer pour longtemps sur mon travail », assure David, qui prend le temps de chahuter un peu une cliente boudinée dans son bustier. « Ces tissus sont tellement incomparables qu’ils méritent le respect », reprend-il, un brin impatienté. l OLIVIER CASLIN N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

En 2012, 27 millions de yards de tissus imprimés sont sortis de cette usine. Une production en hausse depuis quatre ans, tout comme celle du groupe, qui est passée de 52 millions de yards en 2009 à 65,7 millions en 2012 pour un chiffre d’affaires de 267 millions d’euros. Vlisco n'a pas toujours eu une santé aussi florissante. À partir de l’année 2000, face à la concurrence chinoise, la société a vu ses ventes s’effondrer. En 2006, elle s’est fixé un objectif pour rebondir : devenir une marque haut de gamme. Changement de logo, lancement de collections thématiques, organisation

de défilés, de concours de créateurs et, surtout, ouvertures de flagships (magasins phares) dans plusieurs capitales africaines. Lorsque le groupe est racheté en 2010 par le capital-investisseur britannique Actis, pour 118 millions d’euros, tout s’accélère. Campagnes de publicité ultrasoignées, spots à la télévision, affiches XXL… Du coup, le monde du luxe lui ouvre ses portes et de célèbres créateurs, tels Jean Paul Gaultier ou Dries Van Noten, lui empruntent des étoffes. Profitant de la Fashion Week de Milan, Vlisco a lancé cette année une collection d’accessoires, avec des sacs (de 690 à 1390 euros), des portefeuilles (490 euros en moyenne) et des foulards (de 190 à 490 euros). Son ambition est désormais de capter la jeune génération d’Africainesaupouvoir d’achat plus élevé et d’étendre son marché à des pays comme l’Afrique du Sud ou l e Kenya. Et si, comme la romancière sénégalaise Ken Bugul l'écrivait en 2010, les Africaines continuent à penser que « le rêve de toute femme est d’avoir son wax hollandais », car « c’est un signe de respect et de pouvoir », la marque n’a pas vraiment de souci à se faire. l HABY NIAKATE,

VLISCO

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envoyée spéciale à Helmond JEUNE AFRIQUE



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TENDANCES AUTOMOBILE

Appels de phares Joindre le style à l’agréable : telle est la devise des constructeurs pour 2014. L’écrin change peu, et la volonté reste la même : proposer des modèles toujours plus polyvalents, efficaces et dynamiques. Contact. XAVIER CHIMITS

Porsche Macan

Dandy de grands chemins

Peugeot 308

Longueur : 4,25 m Coffre : 398 l Écran tactile 9,7’’ dès le deuxième niveau de finition À partir de 17 800 € en essence (82 ch) À partir de 21 250 € en diesel (92 ch)

Changement de direction Longueur : 4,68 m Reprend la plateforme de l’Audi Q5 Boîte robotisée et transmission 4x4 de série À partir de 60 000 € en essence (V6, 340 ch) À partir de 60 000 € en diesel (V6, 258 ch)

Porsche continue de diversifier son offre. Après le 4x4 Cayenne (2003) et la berline de luxe Panamera (2009), le Macan prendra la route en avril prochain. Alors que le Cayenne (4,85 m, 65 000 euros en V6 diesel) rivalise avec les BMW X5 et Mercedes Classe M, le Macan se pose un étage plus bas, face aux BMW X3 et Audi Q5. Comme toutes les Porsche, la route est son terrain de jeu favori. Mais transmission intégrale de série et garde au sol de 20 cm lui permettent d’affronter pistes et chemins. Surtout si l’on a pris soin d’entourer sa belle carrosserie de protections (option à 1 550 euros) et d’ajouter à sa dot la suspension pneumatique (3 500 euros), qui la fait grimper 4 cm plus haut. Comme le Cayenne, le Macan se prête à un usage familial : trois places au rang arrière, coffre de 500 l. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

De la précédente 308 elle ne conserve que le nom. Adieu toit haut et vocation familiale qui caractérisaient les berlines compactes Peugeot. La nouvelle 308 est plus trapue que son aînée. Sa version break renforce ce message en renonçant à offrir 7 places. Par le gabarit et la qualité intérieure, elle se rapproche des deux références de la classe compacte, l’Audi A3 et la Volkswagen Golf. Avant de les devancer sur la route: car, sur ce chapitre, elle est la meilleure élève du segment.

Longueur : 4,70 m Un intérieur aux courbes latines Versions cabriolet et coupé en 2015 À partir de 30 000 € (201 ch)

Mercedes Classe C

Cure de jouvence La Mercedes classe C, version 2014, offre une ligne au style plus affûté, à l’instar des nouveaux modèles de la marque. Flancs doublement pincés, ailes galbées et calandre en V sont au programme. Cette évolution s’accompagne d’un gabarit plus imposant (4,70 m). La berline affiche pourtant 70 kilos de moins. Côté motorisation, Mercedes a confié son entrée de gamme diesel au moteur Renault 1,6 Dci, moins cher, plus léger et plus sobre. Au-dessus, le constructeur reconduira son moteur 2,2 litres, dont la puissance pourra atteindre 231 ch pour le modèle hybride. JEUNE AFRIQUE


TENDANCES

Nissan Qashqai L’héritier

Le premier Qashqai a changé le paysage automobile en 2007. Pourtant, le pari était osé : un tout-chemin compact exclusivement routier (garde au sol de 16 cm). Le public a pleinement adhéré, attiré par les formes viriles et les doux tarifs de ce faux 4x4 : 2 millions d’unités vendues. Le Qashqai 2 s’inscrit dans le sillon tracé par son aîné : il a à peine grandi (4,37 m, + 4 cm) pour donner de l’aisance à ses passagers à l’arrière, a gardé un toit mi-bas (1,60 m) et a musclé sa face avant pour ressembler davantage à un 4x4. Ce qu’il n’est pas, sauf avec la transmission intégrale (2 200 € de plus). Il est Longueur : 4,37 m Version longue 7 places à l’été 2014 souverain sur route : sous le nom X-Trail confort, bon coffre Écran tactile 7’’ connecté à Internet À partir de 21 490 € en essence (115 ch) (430 l), sièges offrant À partir de 23 990 € en diesel (110 ch) un excellent maintien.

BMW Série 3 GT Opération confort

Longueur : 4,82 m Coffre de 520 l Transmission intégrale en option (2 400 €) À partir de 39 900 € en essence (184 ch) À partir de 36 700 € en diesel (143 ch)

BMW dispose sans doute d’études prouvant qu’en vieillissant son public a envie de davantage d’espace et de confort. D’où l’opération Gran Turismo lancée en 2009 avec la Série 5 GT. Le principe ? Un empattement allongé, un coffre plus vaste et une hauteur plus importante. C’est donc au tour de la Série 3 de proposer une déclinaison GT. D’habitude étroitement logés, les passagers arrière ont le sentiment de voyager en classe business : dossier inclinable, belle garde au toit. Le conducteur perd au change, car il ne retrouve pas la vivacité de la svelte Série 3 : la 3 GT pèse 155 kg de plus. La rançon du confort et d’un équipement douillet : banquette fractionnable, hayon motorisé. Originalité : le coffre s’ouvre d’un mouvement de pied sous le bouclier (option à 650 €). JEUNE AFRIQUE


TENDANCES

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DESIGN

African touch Bois, métal, feutrine, acier… Tous les matériaux sont bons pour les créateurs du continent. Résultat : des œuvres originales et innovantes, qui inspirent les grandes marques occidentales en quête de renouveau.

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ormés dans une tradition artisanale et/ou diplômés d’écoles européennes prestigieuses, les designers du continent mixent les références culturelles et croisent leurs expériences. Résultat : des créations originales qui recourent aussi bien à la récup qu’aux matériaux nobles et qui séduisent un public de plus en plus large, notamment les grandes marques occidentales, qui font dorénavant appel aux talents africains pour renouveler leurs collections. Au-delà de l’esthétique, le design, c’est de l’innovation. Là encore, les acteurs du continent ont des idées à revendre même si les structures locales ne permettent que très rarement de les réaliser sur place. Le prochain défi à relever est sans conteste celui de parvenir à un design industriel made in Africa. ■ SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

Entre deux chaises Touche-à-tout talentueux, Kossi Aguessy marie les perspectives et fusionne les expériences. Ce TogoloBrésilien de 36 ans a grandi à New York et a été formé au prestigieux Central Saint Martins College of Art and

Design (où sont passés avant lui John Galliano, Alexander McQueen, Stella McCartney…). Un parcours qui lui a permis d'associer diverses références culturelles dans ses créations originales et qui l’a conduit à réinventer

les standards africains. Ainsi a-t-il proposé un masque aux formes et aux couleurs pop et au matériau (porcelaine) bousculant les codes. Lors du prochain Salon international du meuble de Milan, en avril 2014, il proposera dans la même veine une chaise de gardien totalement relookée et avec une assise confortable pour une marque mondialement connue pour ses tabourets Tam Tam. En 2012, sollicité par le CentreGeorges-Pompidou,ila pu organiser au Bénin, avec le soutiendelaFondationZinsou et du centre Songhaï de PortoNovo, un Fab Lab (laboratoire de fabrication) où, « grâce au numérique, explique l’ancien collaborateur de Philippe Starck, [il a] optimisé les techniques artisanales pour avoir un rendu irréprochable ». Il a ainsi créé des pièces qui

ont intégré les collections du Centre Pompidou, à l’instar du fauteuil Jord « designed in Benin, produced in France ». Inspiré d’une technique traditionnelle béninoise, ce siège est composé de tranches de chêne découpées au laser et assemblées les unes aux autres. La finition est le fruit du travail de la maison Rinck, spécialisée dans l’ébénisterie d’art. Aujourd’hui, Kossi Aguessy souhaite développer sa propre marque avec des produits recourant aux énergies renouvelables et utiles au développement du continent. « On pourrait imaginer qu’une lampe fonctionnant à l’énergie solaire serve également de relais pour la téléphonie mobile dans des zones reculées », s’enthousiasmet-il. Un projet qu’il espère concrétiser fin 2014. ■

KOSSI AGUESSY

KOSSI AGUESSY

FAUTEUIL JORD en chêne ( à g.), et les sièges Sam Chair, en feutrine et en acier.

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JEUNE AFRIQUE


TENDANCES À l'orientale

PHOTOS : HICHAM LAHLOU DESIGNER

LA FIAT 500 FIG, pensée par Hicham Lahlou, qui a composé un damier à partir de feuilles de figuier.

Les Marocains ne le savent sans doute pas mais nombre d’entre eux achètent régulièrement du Hicham Lahlou! C’est à lui que l’on doit le nouveau visage de la bouteille en verre de l’eau de source Aïn Soltane. À Rabat, Casablanca et Agadir, le mobilier urbain – notamment les Abribus – porte également sa signature. À 40 ans, Hicham Lahlou aime repenser l’art de vivre traditionnel oriental. Il a ainsi rajeuni le narguilé et dépoussiéré la théière dans laquelle on prépare le fameux thé à la menthe. Mais il a également conçu une multitude d’objets pour les grandes marques occidentales: une montre Lip, un couteau Laguiole, une cheminée Brisach, une baignoire Aquamass, classée parmi les 1000 objets cultes du magazine américain Architectural Digest en 2010… Fiat, qui aime produire des éditions limitées de sa citadine – la fameuse 500 –, a proposé à Hicham Lahlou de relooker la Topolino. Il a composé un damier à partir de la feuille de figuier, « arbre de la Méditerranée mais aussi d’Afrique ». Avant d’être présentée à Milan en 2014, la Fiat 500 FIG a été dévoilée en avant-première en octobre dernier à Rabat, à l’occasion de l’exposition « Play Design ». ■

JEUNE AFRIQUE

chaises longues et de fauteuils d’extérieur réalisés à partir d’une technique de tressage à la main de fils en plastique utilisés traditionnellement pour les filets de pêche. Les compositions de Birsel+Seck sont souvent ajourées pour un rendu aérien, très fin, à l’image des créations – tapis, rideaux, napperons, nappes en feutre – qu’Ayse Birsel a proposées pour la marque allemande Filzfelt. Une légèreté que l’on retrouve dans leur dôme en marbre, présenté à Milan en 2012 dans le cadre de la collectionThusSpoketheMarble, initiée par l’association turque des exportateurs de marbre. ■

BOB O’CONNOR/FILZFELT

Qu’il s’agisse d’ustensiles de cuisine ou de tabourets, pour Bibi Seck le design ne doit pas être seulement beau. Il doit se faire également pratique : « Le rôle le plus important du design est de trouver des solutions intelligentes à des problèmes concrets », expliquait à Jeune Afrique en 2010 le SénégaloMartiniquais, installé à New York. Premier Prix d’horlogerie de Genève avec la montre Mikrograph F1 pour Heuer, Award de la voiture de l’année avec la Renault Scenic II SUV et la Trafic Cargo, l’ancien designer automobile aime les défis. Il inscrit sa démarche dans une perspective écoresponsable. À partir de déchets urbains recyclés à Dakar, il a conçu Taboo, une ligne à la fois sobre et colorée de tabourets et de tables basses qui accueillaient en 2011 les consommateurs de la cafétéria du Museum of Modern Art de New York. Associé à la Turque Ayse Birsel, il a réalisé pour la marque italienne Moroso M’Afrique, une collection tout en courbes vives de

BIRSEL+SECK

Beau et bio à la fois

DÔME EN MARBRE BLANC Birsel+Seck, ajouré à l'image des compositions en feutre d'Ayse Birsel pour la marque allemande Filzfelt (ci-contre).

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TENDANCES High teck Sobre et majestueux. Avec une assise basse (comme souvent dans le mobilier traditionnel africain) et un dossier élancé. Composé de bois et de métal, le fauteuil Sie, qui a obtenu le grand prix du design à la Biennale d’art africain contemporain de Dakar en 1996, est sans doute l’une des plus belles œuvres de Vincent Niamien. Il l’a conçue comme un hommage à ses parents. Sie signifie « géniteur » en baoulé. Né en 1956 à N’Gattadolikro, un petit village de Côte d’Ivoire, d’un père sculpteur de masques et d’une mère potière qui travaillait également l’or, Vincent Niamien conçoit ses pièces comme des œuvres d’art et les réalise habituellement en série limitée avec des artisans locaux (ferronniers, teinturiers, peintres…). Ses créations, réinterprétant l’esthétique traditionnelle dans des formes épurées très contemporaines, sont souvent façonnées à partir de bois et de métal, ses deux matériaux de prédilection, à l’image de son tabouret pliant Bolécan, réalisé en teck et en acier inoxydable. ■

ARCHIVES MUSÉE DAPPER ET DOMINIQUE COHAS

FAUTEUIL SIE, composé de bois et de métal, du créateur Vincent Niamien.

Toqué du cocotier

COMMODE MORTIER de Jean Servais Somian.

ARCHIVES MUSÉE DAPPER ET HUGHES DUBOIS

SIÈGE EMPILABLE ACCOLADE et lampe, de Balthazar Faye.

Esprit d'équipe Balthazar Faye n’a pas de limites. Chez lui, tout peut faire sens et s’incorporer dans une création. C’est la matière qui le guide. Contreplaqué, résine, fer forgé, bronze, grillage à poule… se retrouvent dans ses meubles. Mais ce Sénégalo-Allemand installé à Paris se passionne également pour les matériaux innovants et les techniques numériques. Son sublime siège Accolade, aux formes épurées invitant à la sérénité, réalisé à partir de corde et de contreplaqué moulé à froid sous vide lui a valu le prix de l’Innovation singulière lors de la première Biennale internationale de

ARCHIVES MUSÉE DAPPER ET DOMINIQUE COHAS

PHILIPPE LOUZON

Il en a fait son matériau de prédilection, le travaille avec respect et cherche à en éprouver les limites. Jean Servais Somian a une fascination pour le bois de cocotier. Enfant, il aimait traîner dans l’atelier de son oncle menuisier. Formé en Côte d’Ivoire et en Suisse, il allie les savoirfaire africains à l’ébénisterie occidentale. « Ma technique consiste à travailler le bois avec des outils adaptés, que je fais fabriquer par des forgerons locaux. Les teintes sont faites à base de fruits sauvages ou de graines », explique-t-il au webmagazine Afrikadaa. À 42 ans, le lauréat 2013 du prix Archibat, décerné lors du premier Salon du design à Abidjan, AbidjaNow, signe dans son atelier de Grand-Bassam des meubles sobres, se démarquant par la pureté de leur ligne, rehaussés parfois de couleurs vives. ■

design de Saint-Étienne, en 1998. Préoccupé par le sort précaire des artisans africains, avec qui il travaille souvent, ce diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris pense ses œuvres comme des réalisations collectives. Il invite les

différents corps de métier à travailler ensemble. Ses meubles sont parfois multifonctionnels, à l’image de ses bouts de canapé, tabourets, porterevues, bien souvent dépourvus de toute ornementation, revêtant alors une sobriété efficace. ■ JEUNE AFRIQUE


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TENDANCES MARRAKECH

Vie de palace Réputée pour ses hôtels légendaires à l’architecture tout droit sortie d’un conte des Mille et Une Nuits, la ville compte un nombre impressionnant d’établissements de luxe et n’en finit pas de fasciner les Européens. Nouvel objectif : attirer les touristes des pays émergents.

B

ien sûr il y a la ville, sa médina, les 300 jours d’ensoleillement, les jardins somptueux. Mais ce qui fait de Marrakech une destination de luxe, ce sont avant tout les hommes qui s’y installent et qui l’inventent au quotidien », explique Jawad Kadiri, entrepreneur réputé dans la Ville ocre. En cinquante ans, Marrakech est devenu l’une des grandes destinations mondiales haut de gamme. Première cité touristique du pays, elle est aussi un must pour le gotha mondain, une halte obligée pour les jetsetteurs du monde entier, surtout lorsque l’hiver s’abat sur le continent européen. Dotée d’une hôtellerie de luxe, la ville abrite quelques établissements légendaires. Parmi eux, l’Es Saadi, fondé dans les années 1950 par Jean Bauchet, ancien propriétaire du Moulin-Rouge et du Casino de Paris. Visionnaire, l’entrepreneur français crée dans le quartier de l’Hivernage un établissement pour accueillir les Européens en quête de chaleur, de luxe et de repos. Aujourd’hui, son épouse Henriette et sa fille Élisabeth continuent de gérer ce bijou qui comprend un parc fleuri de huit hectares, 135 chambres, 1 palais à l’architecture orientale de 92 suites, 10 sublimes villas avec piscine, 5 restaurants, et 1 spa Dior de 3 000 m 2. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

En 2007, l’architecte Aziz Lamghari a supervisé des travaux d’envergure qui ont permis de rehausser encore l’ambiance « mille et une nuits » qui règne dans ce lieu mythique.

RÊVER

Autre palace légendaire, La Mamounia, ouvert en 1923 et qui, lui aussi, a bénéficié d’un lifting complet en 2009 sous la houlette de Jacques Garcia. Classé par le Condé Nast Traveller et le Travel and Leisure comme l’un des meilleurs hôtels du monde, La Mamounia fait partie de l’histoire de Marrakech et a accueilli les plus grands noms du cinéma et de la politique. Récent mais s’inscrivant totalement dans cette tradition patrimoniale, le Royal Mansour est un hôtel hors norme, qui fait rêver et fantasmer tant ses portes sont difficiles à franchir. Ce palace, ouvert en 2010, a été souhaité par le roi pour accueillir des hôtes de marque. Vitrine de l’artisanat et du savoir-faire national, cet hôtel-médina accueille ses clients dans des riads privés pour pas moins de 1 500 euros la nuit. Malgré la crise et le Printemps arabe

RAPHAËL GAILLARDE/LE FIGARO MAGAZINE

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qui ont entraîné une baisse de fréquentation dans le reste du Maghreb, les grands noms de l’hôtellerie continuent d’investir dans la ville. Et on peut difficilement soupçonner la famille Oetker, propriétaire par ailleurs du Bristol à Paris ou du Cap Eden Roc à Antibes, ou les dirigeants de la marque Ritz-Carlton – dont le complexe hôtelier devrait ouvrir en 2016 – d’investir à la légère. Les enseignes les plus prestigieuses sont présentes à Marrakech : le

Les grands noms de l’hôtellerie continuent d’y investir. Ritz-Carlton devrait y ouvrir un complexe hôtelier en 2016.

Four Seasons, le Mandarin Oriental, le Sofitel. Quant au Salman, il a été sacré meilleur hôtel d’Afrique en 2013. Si certains considèrent que la ville a les yeux plus gros que le ventre, d’autres, comme Hamid Bentahar, vice-président des opérations Sofitel en Afrique, veulent croire qu’il s’agit au contraire d’un cercle vertueux. « Ces nouvelles implantations renforcent l’identité luxueuse de Marrakech et la font connaître. Elles ne saturent pas l’offre, elles lui donnent de l’ampleur et de la crédibilité. Cela permet notamment de rayonner au-delà de l’Europe et de conquérir une nouvelle clientèle. » Un constat que confirme le Conseil régional du tourisme (CRT). « Outre les marchés traditionnels, nous JEUNE AFRIQUE


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ÉRIC MARTIN/LE FIGARO MAGAZINE

JACKIE CARADONIO

TENDANCES

LE ROYAL MANSOUR (ci-dessus), le Namaskar (en haut à droite) et La Mamounia : un trio gagnant.

ciblons les marchés émergents tels que le Brésil, la Russie et la Pologne, qui sont devenus les plus importants clients de palaces. » Le CRT entend également attirer les Asiatiques et les Africains fortunés. Mais les palaces ne suffisent pas à créer un tourisme de luxe. « Ce type de tourisme suppose qu’il y ait aussi des infrastructures de qualité, des animations culturelles et festives de haut niveau », souligne Jawad Kadiri. En dix ans, le Festival international du film de Marrakech, qui JEUNE AFRIQUE

accueille cette année dans son jury Martin Scorsese et Marion Cotillard, a gagné ses lettres de noblesse. Quant à Jamel Debbouze, il a réussi à amener à son Festival du rire tout le gratin des humoristes et du cinéma français.

SUCCÈS

« Le carnet de réservations des palaces marrakchis est tout à fait satisfaisant, explique le responsable d’un hôtel de luxe. En termes de tarifs, Marrakech est l’une des destinations qui a le moins

perdu si l’on compare à Miami ou à Bali par exemple. » Durant les neuf premiers mois de 2013, le taux d’occupation des établissements a atteint 53 %, soit une hausse de 15 % par rapport à 2012. Les arrivées ont augmenté de 21 %, et les nuitées, toutes nationalités confondues, de 17 %, avec un taux d’occupation moyen de 53 %, contre 44 % en 2012. Les raisons de cette embellie ? Pour le CRT, la conjoncture internationale a été favorable notamment au regard des difficultés rencontrées par des

destinations concurrentes comme la Tunisie. Mais c’est surtout la diversification et l’enrichissement de l’offre qui ont joué. L’arrivée des grandes enseignes internationales, le lancement de nouveaux produits et concepts, d’un nouveau Palais des congrès et de parcours de golf ont revalorisé la destination. Autre facteur expliquant le succès de Marrakech, l’hyperactivité des professionnels du tourisme. Ici, le luxe a encore un bel avenir devant lui. ● LEÏLA SLIMANI N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


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TENDANCES Hors du temps Fils de lin, cousu main, pour ce Derby demi-chasse, grand classique de l’historique maison J.M. Weston. Française, comme son nom ne le dit pas. 575 euros.

Masculin et sensuel Après l’eau de toilette et la Cologne, la troisième version de Dior Homme est une eau de parfum sophistiquée et raffinée. Dior Homme Intense, édition limitée. À partir de 60 euros.

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N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Amateurs avertis Préférez la précision. Coupe franche jusqu’au diamètre 56 (Ring Gauge), fermeture sécurisée quand vous ne l’utilisez pas. Pur high-tech. Coupecigare, double-lame Nicaragua de Davidoff, 225 euros.

Chaud devant Écharpe ou foulard? En laine de toute façon. À porter façon cravate ou, mieux, enroulé autour du cou. Look de dandy chic assuré. Burberry, à partir de 250 euros.

Faire la différence Cuir frappé, boucle métal en palladium en G entremêlés, largeur 3 cm. De multiples coloris disponibles sur www.gucci.com et pas chez les copieurs! À partir de 195 euros.

Bleu de travail? Ensemble Calvin Klein, collection printemps-été 2014. Costume 2 pièces, coupe ajustée, 100 % laine, 785 euros.

Régal de brut Champagne d’exception et tout en nuances: après dix ans de soins attentifs, voici le millésime 2002 Palmes d’Or de Nicolas Feuillatte. Flacon élégant et coffret exclusif: 105 euros. Existe en rosé (120 euros). JEUNE AFRIQUE


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TENDANCES Dentelle romantique Intérieur cuir pour le confort, habillage en résille et satin pour le plaisir des yeux, talon de 10 cm pour des escarpins délicats et très habillés. Oscar de la Renta, 630 euros.

La bague au doigt Vous choisissez la pierre et la gamme de couleur, et le joaillier Poiray produit une composition unique à votre goût. Série de bagues Cabaret, exclusivité fin 2013, sur www.poiray.com et place Vendôme, à Paris.

Essentielsaccessoires Hymne à l’amour « L » pour Lolita, « Lem » comme Lempicka… Plus qu’un jeu de mots, l’alliance de senteurs précieuses et d’un flacon qui donne envie de le posséder. Parfum Elle l’aime, à partir de 50 euros.

Foulard vintage Hermès reprend un thème sportif qui lui est cher pour ce carré évoquant le golf. Soie vintage et bords rayés. Carré sportif 70 cm, 450 euros, anneau à carré en permabrass, 140 euros. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

RALPH LAUREN

L’œil du maître Visionnaire, éclectique et créateur insatiable, il est la star des couturiers, le grand maître de Chanel… Et vous pouvez l’avoir à l’œil! Lunettes de soleil Italia Independant de Karl Lagerfeld, 195 euros.

Voyage à Venise Dans les cinémas, ce mois-ci, le nouveau spot publicitaire de Louis Vuitton résonne avec la musique de David Bowie et de son titre I’d Rather Be High, qu’il interprète au clavecin, entouré de personnages baroques dans un bal à Venise. Enivrée par l’ambiance, une jeune femme – le mannequin Arizona Muse – se laisse emporter… pour se retrouver seule lorsque la musique s’interrompt. Reste une partition, glissée dans son sac, en souvenir de ce moment magique… Jamais le maître de la pop n’avait associé son image à une marque. Témoin du repositionnement de Louis Vuitton du haut de gamme vers le luxe, ce spot d’une minute trente s’inscrit dans sa campagne de communication « Invitation au voyage », dont Arizona Muse est le fil conducteur. Ce second opus a été vu plus de 13 millions de fois sur YouTube à sa sortie, début novembre. Il aurait déclenché un rebond des ventes des articles présentés, dont le célèbre sac à main Vivienne (ci-dessous).

Urban chic Robe en laine moderne, silhouette cintrée, bordure en cuir souple sur l’encolure et les manches. Blue Label, de Ralph Lauren, 475 euros. JEUNE AFRIQUE



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Culture & médias

u L’historien, à Paris (France), en octobre 2013.


Culture médias

ESSAI

Achille Mbembe « Les sociétés contemporaines rêvent d’apartheid »

Avec son nouvel ouvrage, Critique de la raison nègre, le politologue camerounais entend lutter pour l’avènement d’un monde au-delà des races. Un long chemin reste à parcourir. Propos recueillis par

SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

J

VINCENT FOURNIER/J.A.

«

e voulais tout simplement être un homme parmi d’autres hommes… être homme, rien qu’homme », écrivait Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs (voir J.A. no 2759). La couleur de sa peau fut constamment opposée à ce désir si vital d’égalité et de fraternité. L’on était en 1952. L’Afrique subissait le joug colonial. L’Afrique du Sud mettait en place l’un des plus abjects systèmes de ségrégation raciale, laquelle était alors d’actualité aux États-Unis. Depuis, Mandela a mis en œuvre la construction d’une nation arc-en-ciel. Malcolm X, les Black Panthers, Martin Luther King… ont animé le combat pour les droits civils des Africains-Américains, et Barack Obama a été élu à la magistrature suprême. Au regard de ces avancées, le temps où le psychiatre martiniquais faisait ce rêve d’égalité pourrait paraître loin. Pourtant, en 2008, les commentateurs du monde entier ont largement glosé sur l’élection du premier président noir du monde occidental. Un président noir… né d’une mère blanche et d’un père kényan. Une telle grille de lecture s’enracine dans les pratiques ségrégationnistes américaines selon lesquelles une seule goutte de sang noir faisait de vous un être méprisable. Et montre, si besoin était, que l’idéologie racialiste est toujours présente dans

notre manière d’appréhender le monde… Raison pour laquelle le politologue camerounais Achille Mbembe a entrepris de démontrer à quel point notre monde actuel s’articule autour du racisme. « La critique de la modernité demeurera inachevée tant que nous n’aurons pas compris que son avènement coïncide avec l’apparition du principe de race et la lente transformation de ce principe en matrice privilégiée des techniques de domination, hier comme aujourd’hui », écrit-il dans son dernier ouvrage, Critique de la raison nègre, clin d’œil à Critique de la raison pure, de Kant, traité philosophique sur les limites de la rationalité rédigé à l’heure où l’Europe se construisait sur la traite négrière. VENIN. La force de la démonstration d’Achille

Mbembe est de repenser l’origine du concept de « nègre », cet « homme-marchandise, homme-métal, homme-monnaie », et d’inscrire l’esclavage et la colonisation au cœur de l’histoire européenne. Ces deux entreprises ne se sont pas seulement déroulées « outre-mer ». Elles ont eu des répercussions sur la métropole notamment – par le biais des manuels scolaires, de la presse ou des événements populaires qu’ont été les zoos humains –, en forgeant les mentalités et en instillant dans les esprits le venin du racisme. Lequel prend une forme nouvelle depuis le 11 Septembre en s’appuyant non plus seulement sur la race, cette « opération de l’imaginaire », mais également sur la religion et la culture. « La transformation de l’Europe en “forteresse” et les législations antiétrangers dont s’est doté le Vieux Continent en ce début de siècle plongent leurs racines dans une idéologie de la sélection entre différentes espèces humaines que l’on s’efforce tant bien que mal de masquer », constate le professeur d’histoire à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg, et à l’université Duke, en Caroline du Nord. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Culture médias Littérature Comment en douter quand la garde des Sceaux française, Christiane Taubira, fait l’objet d’une infâme campagne raciste (voir J.A. no 2757) ? Avec cet ouvrage, Achille Mbembe entend « lutter pour l’avènement d’un monde-au-delà-des-races » et, paraphrasantFanon,posecettequestionessentielle: « Comment appartenir de plein droit à ce monde qui nous est commun ? »

de garanties juridiques fondamentales qui permettaient d’assurer notre sécurité et notre liberté ont fait l’objet d’une abrogation, soit explicite soit indirecte. Le Patriot Act est l’exemple accompli de cette abrogation des libertés. L’exception est devenue la norme. Il est devenu normal d’arrêter des personnes que l’on soupçonne d’être des ennemis, de les enfermer sans procès, de les torturer pour prétendument extraire des renseignements, de les exécuter de façon extrajudiciaire, et d’assigner l’ensemble de la population mondiale à une surveillance électronique sans contrepoids légal. La conséquence de cela est une rebalkanisation de notre monde sur fond de deux formes obscures du désir qui taraude les sociétés contemporaines: celui d’apartheid (les gens ne veulent vivre qu’entre eux) et le rêve, assez funeste à mon sens, d’une communauté sans étrangers.

JEUNE AFRIQUE : Votre dernier ouvrage s’intitule Critique de la raison nègre. Qu’entendez-vous par « raison nègre » ? ACHILLE MBEMBE : Ce que l’on appelle le Nègre

est une invention du capitalisme à l’époque où ce système économique et cette forme d’exploitation de la nature et des êtres humains se mettent en place sur les pourtours de l’Atlantique, au XVe siècle. Dans ce contexte, le Nègre est le nom d’une humanité dont on pense qu’elle n’en est pas une ou, si elle en est une, ce ne peut être que sur le mode de la chose, de l’objet ou de la marchandise. La « raison nègre » renvoie à l’ensemble des discours qui disent qui est cet homme-objet, homme-marchandise et homme-chose, comment le traiter, le gouverner, dans quelles conditions le mettre au travail et au profit de qui. Puis la « raison nègre » désigne la reprise de ce discours par ceux qui en ont été affublés (Africains, Antillais, Africains-Américains, Afro-Caribéens) et qui, tout en l’endossant et en le retournant contre son fabricant, cherchent à réaffirmer leur humanité pleine et entière.

Critique de la raison nègre, d’Achille Mbembe, La Découverte, 272 pages, 21 euros

La négritude et le panafricanisme n’ont pas renoncé à la race. Ont-ils eu tort ?

Ce que l’on appelle le Nègre est une invention du capitalisme au XVe siècle. Non, pas nécessairement. Ils n’y ont pas renoncé, j’imagine, parce que le racisme est toujours avec nous. Parce que face à la violence du racisme il fallait constituer une communauté de lutte. Le danger, comme on le sait, c’est de réintroduire dans une lutte qui cherche à transcender la race des catégories qui, au fond, ne conduisent qu’à la répétition du même ou de l’envers du même. Et donc, le risque avec une certaine forme de négritude et une certaine forme de panafricanisme c’est de donner lieu à des révolutions à l’envers, incapables de mettre fin à la répétition. Il se développe aujourd’hui, dites-vous, un « racisme sans race », qui mobilise la religion et la culture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Pouvez-vous préciser ?

Au lendemain du 11 Septembre, notre monde est entré dans un moment assez particulier qu’il faudrait appeler l’état d’exception: un certain nombre N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Le président français, François Hollande, a évoqué l’idée de supprimer le mot « race » de la Constitution française pour lutter contre le racisme. Qu’en pensez-vous ?

Mais c’est quand même incroyable! Cela suppose que s’il y a un problème il suffit d’éliminer le mot. Donc si tous les pays africains suppriment le mot « pauvreté », celle-ci va disparaître ? Il y a quelque chose de spécieux dans ce type de raisonnement. Je crois que le président ferait mieux de réfléchir davantage aux formes renouvelées du racisme en France et à la manière dont il pourrait être mieux combattu. Deux ministres européennes, noires, l’une en Italie et l’autre en France, se font régulièrement bassement attaquer à cause de leur couleur de peau. La classe politique réagit-elle à la hauteur de ces attaques ?

Elles sont victimes du type de racisme dont parlait Fanon: primal et idiot, pour lequel le Nègre est d’abord un animal. Mais elles ne sont pas les seules. Aux États-Unis, Barack Obama est soumis à la même fureur et à la même violence. Notre monde est en train d’entrer dans un cycle tout à fait funeste qui, s’il n’est pas interrompu, risque d’ouvrir sur des possibles totalement inédits. Il faut réveiller les forces d’ouverture et d’avenir. Que pensez-vous de ceux qui dénoncent la montée d’un racisme anti-Blancs ?

[Rires.] Il ne faut pas rigoler. Je ne veux absolument pas dire que les non-Blancs ne sont pas capables d’attitudes racistes. Mais le racisme tel qu’il s’est développé dans le monde moderne implique l’existence de mécanismes institutionnels coercitifs d’assignation à une identité. Dans le rapport des forces à l’échelle du monde en ce moment, je suis désolé, le monde africain en particulier ne dispose pas des moyens et des ressources susceptibles de stigmatiser les gens d’origine européenne. ● JEUNE AFRIQUE


JEUNE AFRIQUE, 50 ans Une histoire de l’Afrique

Fondé en octobre 1960 par Béchir Ben Yahmed (aujourd’hui encore à la tête du Groupe qui édite l’hebdomadaire), Jeune Afrique a vécu et accompagné les indépendances africaines au nord comme au sud du Sahara. À en feuilleter la collection (plus de 2 500 numéros), c’est toute l’histoire de l’Afrique contemporaine qui se déroule. Ouvrage dirigé par Jean-Louis Gouraud et Dominique Mataillet. Avec la collaboration de Lakhdar Brahimi, Jean Daniel, Abdou Diouf, Amin Maalouf et François Soudan, ainsi que des journalistes de Jeune Afrique.

aux Éditions de La Martinière

288 PAGES - FORMAT : 21 X 28 - PRIX FRANCE : 39,90 € TTC CONTACT : 50ans@jeuneafrique.com



Culture médias SCULPTURE

La vie rêvée des bonnes À travers son alter ego de résine – une domestique surnommée Sophie –, Mary Sibande dénonce les discriminations qui perdurent en Afrique du Sud.

S

a mère a travaillé comme domestique. Tout comme sa grand-mère et son arrièregrand-mère. Mary Sibande, elle, n’obéit aux ordres de personne. Mieux : l’artiste sud-africaine de 31 ans dénonce les discriminations dont sont victimes les siens dans un pays « où tous les domestiques sont restés noirs malgré la fin de l’apartheid ». Son message est porté par un alter ego de résine, sculpture voluptueuse à taille humaine – et à son image – qu’elle a surnommée Sophie et déclinée dans diverses situations. Des moulages de chaque partie de son propre corps, collés bout à bout, lui permettent de réaliser ces reproductions fidèles d’elle-même. Habillé d’une longue robe victorienne, d’une coiffe et d’un tablier blanc, le mannequin est affublé des accessoires traditionnels du petit personnel des grandes maisons. Dans des installations où des marées de tissus occupent parfois des salles entières, Sophie la bonne se tricote un costume de Superman, s’extirpe d’une toile d’araignée, prend le large sur un cheval fourbu… « Ce personnage vit un basculement, précise Mary Sibande. Il est toujours serviteur, mais déjà maître de son destin. »

JEUNE AFRIQUE

POURPRE. Depuis, la domestique rêveuse

de Mary a fait le tour du globe: de la prestigieuse Biennale de Venise aux musées américains, et aujourd’hui en France, à la Biennale de Lyon et au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (Mac/ Val), près de Paris. Ici, Sophie a presque disparu au profit d’amas de tissus qui sortent de ses entrailles. L’artiste cherche à sonder le passé de son personnage, le chaos intérieur de l’Afrique du Sud, à travers ces angoissants boyaux cousus de couleur pourpre. Pourquoi cette teinte ? Elle renvoie à un épisode douloureux du pays : une marche de protestation des Noirs, au Cap, en 1989, durant laquelle les forces de police avaient aspergé les manifestants d’un spray de couleur pourpre afin de pouvoir les pourchasser plus facilement. Mais c’est aussi la couleur du haut clergé catholique… Encore une fois, Mary Sibande abolit les frontières entre dominants et dominés. « Je ne sais pas si je peux avoir un impact sur la société réelle, mais une fille noire de ma génération ne peut faire autrement que de parler des problèmes de discrimination, explique-t-elle, un rien pessimiste. Depuis l’apartheid, peu de choses ont changé. Je pense qu’il faudra encore vingt ans pour faire évoluer les consciences. » ● p Installation intitulée The Reign mettant en selle le double JOHN HODGKISS/MAC VAL

COUTURE. Les œuvres de l’artiste sont parfois provocantes, souvent teintées d’humour (noir), jouant sur le contraste entre le statut de la bonne et ses rêves démesurés. Mais elles ne sont jamais blessantes. « Je ne veux pas critiquer le fait d’être domestique. Beaucoup de femmes noires qui n’ont pas eu la chance d’étudier sont encore obligées de se mettre au service d’un patron. » Tel n’est pas le cas de Mary Sibande, qui a pu poursuivre

ses études. Surtout grâce à la ténacité de sa mère, bourreau de travail qui, après un divorce, subvient seule aux besoins de la famille. La jeune Mary pense étudier la couture, mais tarde à s’inscrire et doit se « replier » sur la section beaux-arts de l’université de Johannesburg. « Une chance, estime-t-elle aujourd’hui. Je continue de créer des vêtements pour mes mannequins, mais je ne m’adresse pas à quelques clients, je peux atteindre le monde entier. » À l’université, elle explore d’abord le personnage de Sophie en peinture, avant de découvrir le travail de Juan Muñoz à l’Alliance française de Johannesburg. Les sculptures grandeur

nature de l’artiste espagnol la bouleversent ; c’est le déclic. Petit à petit, elle crée des versions en trois dimensions de plus en plus abouties de Sophie. La jeune diplômée est rapidement remarquée par la galerie Momo, une institution en Afrique du Sud, qui lui propose de réaliser des expositions. Mais c’est en 2010 qu’elle fait sensation. Sur proposition de son galeriste, elle tend des bâches sur des immeubles de Johannesburg: des photos gigantesques de son travail sculpté. Sa critique des stéréotypes fait mouche, et l’on voit dansson personnage un emblème de la reconstruction inachevée de l’Afrique du Sud postapartheid.

de l’artiste, réalisé avec des moulages de son corps.

LÉO PAJON N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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LES FILMS DE L’ATALANTE

Culture médias

CINÉMA

p Les acteurs Sonia Okacha et Younès Bouab dans le film Zéro, grand succès en 2013 dans les salles marocaines avec 220 000 spectateurs.

Beauté des marges Avec un « thriller social », le réalisateur marocain Nour-Eddine Lakhmari nous plonge de nouveau dans les bas-fonds de Casablanca.

I

l est à Paris, entre deux avions. Aprèsdemain, il repartira vers Casablanca, où il vit, puis à Marrakech, où il présidera un des jurys du Festival international du film. Il revient de Hambourg, dans le nord de l’Allemagne, et de Cork, en Irlande, où il a été invité à présenter son dernier long-métrage, Zéro. Et surtout d’Alger, où il a découvert pour la première fois, il y a quelques jours, le pays voisin. Une découverte enthousiasmante pour le réalisateur marocain Nour-Eddine Lakhmari, qui ne s’attendait pas à être si bien accueilli. Il en parle, comme de tout, avec passion, les mots se bousculant pour dire à quel point il a trouvé les Algériens chaleureux : « C’est le même peuple ! Et à Alger, avec cette architecture, on se croirait à Tanger ou à Casablanca. On ne peut pas se sentir étranger. » Un sentiment apparemment réciproque, car les Algériens, qui ont apprécié Zéro, lui ont dit : « Mais tu ne parles pas du Maroc, frère, tu parles de l’Algérie dans ce film ! » Zéro, en effet, évoque des sujets comme la société patriarcale, la corruption, les brutalités policières, la pauvreté et les petites arnaques qui ne concernent pas

JEUNE AFRIQUE

le seul Maroc. Polar non conventionnel, ce « thriller social » se déroule en grande partie de nuit dans un Casablanca ultraviolent, hanté par des marginaux. Comme l’antihéros du film, Amine Bertale, petit flic combinard porté sur l’alcool, harcelé à la maison par son père handicapé et au travail par son supérieur hiérarchique, un commissaire sadique et corrompu qui l’a relégué derrière un bureau pour recevoir une à une les dépositions des plaignants. Jusqu’au jour où, ayant trouvé une cause à défendre (une jeunefemmedisparuesemble avoir été forcée de se prostituer) et peut-être l’amour de sa vie, Bertale se rebiffe…

où il poursuivait des études de pharmacie, pour Oslo, où, se débrouillant pour vivre en faisant tous les métiers, il a pu échapper à la profession « sérieuse » que voulaient pour lui ses parents illettrés. Quelques courts-métrages remarqués plus tard, il a été sélectionné dans un festival à Tanger et, sans renier son nouveau pays, a retraversé la Méditerranée dans l’autre sens. Pour redécouvrir son pays natal, le langage de la rue – cette langue des pauvres qu’on appelle la darija – et ces marges de la société qui disent la vérité d’une nation, car il est possible de « voir beaucoup de beauté et de poésie dans la laideur ». NORVÈGE. Le film, comme Aujourd’hui, Lakhmari est Casanegra (2008), du même fier de faire partie de cette Zéro, de Nour-Eddine auteur, a battu les records génération de nouveaux Lakhmari d’entrées au Maroc, où, avec réalisateurs du royaume qui, (sortie à paris 220 000 spectateurs, il est de Nabil et Hicham Ayouch le 4 décembre) d’ores et déjà le plus grand à Laïla Marrakchi et Leila succès de 2013. Une réussite Kilani, soutenus par le Centre qui ne chagrine pas un cinéaste dont cinématographique marocain, portent l’objectif est de concilier rencontre avec haut les couleurs du cinéma national. Et le public et recherche d’un style affirmé. il compte bien continuer sur sa lancée, Originaire d’une famille modeste de après avoir achevé le troisième volet de Safi, ville portuaire de la côte atlantique, sa trilogie casablancaise : un film intitulé Nour-Eddine Lakhmari s’est formé au pour l’instant « Burnout » qui se déroulera cinéma dans le royaume… de Norvège. cette fois en partie de jour, baigné par la C’est en effet par amour pour une jeune belle lumière de la ville. Promis ! ● Norvégienne qu’en 1986 il a quitté Paris, RENAUD DE ROCHEBRUNE N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013


Culture médias En vue

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

MÉLANIE CLEARY-PATHÉ FILMS

■ ■ ■ Décevant

CINÉMA

Le cap de l’ultraviolence

quand il apparaît que derrière les apparences d’une « simple » affaire de meurtre L’acteur américain Forest Whitaker incarne un détective s’en cache une autre de plus grande envergure – l’apparizoulou plein de rage contenue dans une enquête aux tion d’une nouvelle drogue allures de poursuite infernale… aux effets ravageurs. L’intérêt et la réussite du omme tous ces longs-métrages L’action–parfoisàlalimite thriller résident non seulequi ont eu le privilège d’être du supportable – se passe mentdanssonscénariobien présentés en avant-première en Afrique du Sud, dans la ficelé mais aussi et surtout lors de la clôture du Festival villeduCap,oùdeuxpoliciers dans l’interprétation de Zulu, de Jérôme de Cannes, Zulu fait partie des films traquent le meurtrier d’une deux monstres sacrés de Salle (sortie à Paris le plutôt bien faits, bien joués et destinés adolescente. Mais les deux Hollywood qui sont là à la 4 décembre) ■■■ au grand public. Ce qui situe le mérite, flics, Ali et Brian, sont l’un hauteur de leur réputation. réel, et les limites – son originalité stynoir, l’autre blanc, dans un Forest Whitaker interprète listique ne saute pas aux yeux – de ce paysencorehantéparlefantômemaisaussi undétectivezouloupeuexpansifettoujours polar survitaminé et très violent dont par les séquelles bien réelles du temps de plein de rage contenue. Quant à Orlando le scénario est tiré du roman noir épol’apartheid. Cette enquête aux allures de Bloom, il incarne peut-être avec d’autant nyme de Caryl Férey par Jérôme Salle, le poursuite infernale va changer la vie de plusdeconvictionetàcontre-emploilebad réalisateur français de deux adaptations ses deux principaux protagonistes, l’un, copblancquivaverssarédemptionqueson très honorables de la bande dessinée face au passé, porté au pardon, l’autre non. pèrefutunjournalistesud-africainmilitant Largo Winch. D’autant qu’elle prend une autre ampleur antiapartheid. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

C

Le mensuel anglophone de référence sur l’Afrique SIERRA LEONE trial History put on in elections

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REPORT

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POLITIC

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DRC Grand ambitions on the Congo River

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SOUTH AFRICA Zuma’s struggle votes in Eastern to win Cape

ZIMBABWE Mugabe and Tsvangirai in “do or die” election

NIGERIA The new power tycoons

AFRICAN UNION win marks Dlamini-Zuma shift power and policy

the africa report

NIGERIA 10 characte sure to meetrs you’re

SOUTH AFRICA ANC boss Mantashe plans Zuma’s victoryy

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NIGERIA: banks Eye kept on bad MAURITIUS: tax haven? More than a

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JEUNE AFRIQUE

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monthly • n° 53 • august-september

N°43 • AUGUST-SEPTEMB

• N° 44 • OCTOBER

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THE AFRICA

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SEPTEMBER

PAULO NOVAIS/EPA/MAXP

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In an exclusive interview, World t Bank Presiden says Jim Yong Kim learnt the Bank has from its mistakes

4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia 600 naira Denmark 60 4.90 € • Nigeria 6.95 CAN$ • 50 DH • Netherlands • Tanzania 6,500 shillings 4.90 € • Canada EDITION 4.90 € • Belgium $LD 300 • Morocco € • Switzerland 9.90 FS INTERNATIONAL 4.90 Kwanza • Austria Kenya 350 shillings • Liberia F CFA • Angola 600 (tax incl.) • Spain • CFA Countries 3,500 €• Africa 30 rand Algeria 550 DA GH¢ • Italy 4.90 US$ 4 € • Ghana 5 LE 9,000 • South • Zimbabwe Germany 4.90 € • Sierra Leone States US$ 6.95 • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT

AFRIQUE GROUPE JEUNE

! Afin de toujours mieux répondre aux attentes de ses lecteurs, le leader de la presse panafricaine anglophone est désormais mensuel.


Culture médias

Et il est comment le dernier…

COMÉDIE

Une affaire de famille

… Janis Otsiemi

FRÉDÉRIC, UN FRANÇAIS  DE SOUCHE  qui travaille dans l’audiovisuel, et Saliha, dont le père et la mère sont d’origine algérienne et plutôt conservateurs, s’aiment et vivent ensemble très librement depuis trois ans. Tout se passe bien… jusqu’au jour où le premier, phobique du mariage depuis la séparation de ses géniteurs, a la très mauvaise idée de vouloir à tout prix rencontrer les parents de la seconde pour que leur union cesse d’être clandestine. La suite est hélas entendue. Le scénario cliché sur fond de combat antiraciste ne surprend guère. Si les gags sont souvent drôles, ils sont toujours attendus. L’énergie des acteurs et le rythme du film font cependant de cette comédie sans grande ambition une distraction très supportable. ● R.R. Harissa, mon amour, de Frédéric Dantec (sortie à Paris le 4 décembre) ■ ■ ■

DICTIONNAIRE

Somptueuse métisse LA LANGUE FRANÇAISE est sans aucun doute l’une des plus belles métisses au monde. Chacun pense savoir ce que l’arabe a apporté au français au cours de siècles, d’« almanach » à « divan » en passant par Le Voyage des mots, « caravansérail » et illustré par Lassaâd « salamalec ». Mais Metoui, GuyTrédaniel l’amoureux du langage Éditeur, 446 pages, 29,90 euros ■ ■ ■ qu’est Alain Rey est allé plus loin avec Le Voyage des mots, révélant les origines lointaines et exotiques de nombre d’entre eux. Avec son habituelle érudition, il nous raconte en effet les immigrations, les exils, les escales, les errances et les déambulations de ces enjôleurs venus de l’Orient arabe et persan jusqu’aux frimas de la France. C’est ainsi que la jupe, la gazelle, la chemise, la guitare, la sarbacane, la mascarade et bien d’autres révèlent les secrets de leur histoire. ● NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE

F

ranchement, on aime beaucoup Janis Otsiemi. D’abord parce qu’il écrit des polars et que ce n’est pas si fréquent sur le continent. Ensuite parce qu’il ne rêve pas d’avoir sa chaise réservée dans un troquet de Saint-Germain-desPrés. Enfin parce qu’il sait truffer sa prose d’expressions 100 % gabonaises, avec un humour toujours bien ajusté. Exemple parmi d’autres : « Un an plus tôt, sa femme Jacqueline l’avait pincé à la sortie d’un motel avec Marilyne dans ses bras. Elle s’était réfugiée chez ses parents pendant plusieurs mois. Pour qu’elle revienne au foyer, Boukinda avait dû s’endetter pour l’épouser à la coutume comme l’avaient exigé ses bokilo », ce dernier terme désignant ses beaux-parents. Mais on aime aussi Janis Otsiemi pour sa façon de traiter la question politique, mi-figue mi-raisin, l’air de pas trop y toucher mais les mains dans le cambouis quand même. Comme ceci notamment : « Pourtant quelques années plus tôt, le président gabonais avait tenté de faire adopter une Constitution monarchique et de faire de son fils l’héritier. Il avait chargé celui-ci d’en informer le Premier ministre français Jacques Chirac. Devant le refus des autorités françaises, ce projet de Constitution avait été abandonné. Mais pour beaucoup dans le sérail, les velléités présidentielles de Baby Zeus dataient de cette époque. »

African Tabloid, malgré son titre prétentieux chipé à l’immense James Ellroy (American Tabloid), ne décevra donc pas les amateurs du genre. Ils retrouveront l’ambiance des bas-fonds de Libreville, ses flics violents, véreux et ambitieux, ses querelles entre services, ses magouilles politiciennes, ses journalistes fouineurs, ses prostituées, ses seconds bureaux, ses

African Tabloid, de Janis Otsiemi, Jigal, 208 pages, 16,80 euros ■■■

seconds couteaux et, bien évidemment, ses crimes crapuleux. Reste l’intrigue… Si Otsiemi est doué pour restituer l’atmosphère de sa ville et pour faire vivre moult personnages gouailleurs, il ne cherche ni à construire un suspense haletant ni à bâtir un récit original. Les rebondissements sont cousus de fil blanc et les révélations plutôt attendues. Si bien qu’au bout du compte son français exotique perd une partie de sa saveur, comme une recette trop souvent utilisée. ● N.M. N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

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Culture médias KIOSQUE

LA REVUE

Sissi imperator

ÉGYPTE

larevue.info larevue.info

SISSI IMPERATOR

Le numéro 38 du mensuel La revue est en vente dans les kiosques depuis le 29 novembre.

E

ncensé par ses compatriotes pour avoir sauvé l’Égypte des Frères musulmans, le général Sissi est d’abord apparu comme un pragmatique raisonnable. Pour ses partisans, soit la grande majorité des Égyptiens en cette fin 2013, ce personnage quasi inconnu il y a à peine deux ans est un peu la réincarnation de Nasser. L’ivresse du pouvoir va-t-elle le gagner? À quoi ressemblerait l’État palestinien après les neuf mois de négociations prévus ? Le chercheur israélien Yonatan Mendel a établi une carte de cet hypothétique État en charpie, démilitarisé, sans frontières souveraines, sans espace aérien propre, entouré d’une zone de sécurité et d’un mur… La vie quotidienne des Nord-Coréens est en train de changer. À Pyongyang mais aussi dans le reste du pays, sur les trottoirs, les vêtements de couleurs vives ont remplacé les tenues strictes marron.Talons hauts, minijupes et téléphones portables ont fait leur apparition. Une évolution voulue mais strictement contrôlée par le régime, nous explique Juliette Morillot. Avec un budget délirant de 200 milliards de dollars, le Qatar veut profiter de « sa » Coupe du monde de football pour se muer en destination touristique majeure. Mais entre scandales et problème climatique, le projet paraît déjà fragilisé.

MAOMANIA

DANS LE VILLAGE DU GRAND méro TIMONIER nu double

LLarevue arevue revu

MENSUEL no 28 N o 38

DÉCEMBRE 2012 DÉCEMBRE 2013 JANVIER 2013 JANVIER 2014

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L E M OMENSUEL NDE COM M E V O U S N EDE L’ LANGUE AV E Z JA MAIS LU PREMIER INTERNATIONAL FRANÇAISE

Le grand Marrakech match À l’heure du Festival international du film de Marrakech, la ville ocre se dévoile entre tradition et modernité

u La revue no 38, décembre 2013janvier 2014, 148 pages, 4,90 euros (3 000 F CFA dans la zone CFA).

autrement

La Chine et les États-Unis renouvellent au même moment leur dirigeant

Fleuron de l’architecture hispano-mauresque, la Koutoubia domine la ville de ses 77 mètres.

ÉDITION FRANCE, ESPAgNE, BELgIqUE, MAROC, SÉNÉgAL

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La Chine va célébrer le 26 décembre les cent vingt ans de la naissance de Mao Zedong, décédé en 1976. Mais que reste-t-il aujourd’hui du Grand Timonier dans l’esprit des Chinois ? Découverte de Shaoshan, village natal de Mao, dans la province centrale du Hunan, où s’est rendu notre envoyé spécial Duncan Brown. Le nom de Marrakech est synonyme de douceur de vivre, luxe et farniente. Mais que sait-on de cette oasis créée au XIe siècle au pied des monts neigeux du Haut-Atlas? Première destination pour les tournages de longs-métrages, l’ancienne cité impériale accueille depuis treize ans le Festival international du film. Retour sur la riche histoire de la ville, qui est en train de devenir une place forte du cinéma mondial. ● JIHÂD GILLON

À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO

118 IMAGES DU JAPON

Le sourire accueillant d’un éleveur d’Aïn el-Hadjar (wilaya, « préfecture », de Saïda).

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POLITIQUE

POLITIQUE IRAN

Conservateur sans être un fanatique religieux, Qassem Suleimani est un très proche du Guide suprême Ali Khamenei, qui l’a toujours soutenu et protégé.

L’homme des missions secrètes

Chef des forces spéciales iraniennes, Qassem Suleimani est sur tous les fronts depuis plus de trente ans. Portrait d’un homme aussi discret que puissant. Par Olivier Marbot

«S

ULEIMANI EST plus malin, plus rapide et a plus de ressources que n’importe qui dans la région», assure un diplomate américain en poste en Irak. « Je n’ai encore rencontré aucun parti politique chiite en Irak qui ne soit pas financé par Suleimani », ajoute un officiel irakien. C’est l’homme le plus puissant du pays, ça ne se discute même pas. » « C’est lui qui conduit la guerre d’Assad en Syrie, martèle encore un homme du renseignement américain, avant de conclure : Suleimani est l’agent le plus influent de tout le MoyenOrient, et personne n’a jamais entendu parler de lui ! » Bien que souvent anonymes, les très nombreux témoignages recueillis par le reporter de guerre Dexter Filkins, lauréat du prix Pulitzer en 2009, sont édifiants. Le long portrait qu’il a consacré, dans le New Yorker, à Qassem Suleimani, 56 ans, chef des forces spéciales des Gardiens de la révolution, en Iran, est avant tout celui d’un soldat. Issu d’une famille très modeste vivant dans l’est de l’Iran, il a très tôt

LA REVUE N° 38 - DÉCEMBRE 2013-JANVIER 2014

Voyage dans

LES DENTS DU SUCCÈS Nous connaissons les appareils dentaires de nos ados. Aujourd’hui, l’orthodontie a fait d’énormes progrès. Outre-Atlantique, on se refait désormais le sourire à tout âge et à tout prix. 90

SCIENCE & SANTÉ

SCIENCE & SANTÉ

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LES DENTS DU SUCCÈS

ORTHODONTIE

Les dents du succès

Une vie de combattant

Quand l’Irak attaque, en 1980, le jeune homme est envoyé au front pour une mission de quinze jours. Il y restera jusqu’à la fin du conflit, en 1988. Sa spécialité : les missions de renseignements derrière les lignes irakiennes, dont il revient souvent avec une chèvre volée à l’ennemi. Il y gagne un surnom – le « voleur de chèvres » – et suscite l’admiration de tous, y compris dans les rangs adverses. « À l’époque, se souvient Reuel Marc Gerecht, qui était en poste à Istanbul pour la CIA, quand vous croisiez des combattants en permission, ils se rangeaient dans deux catégories. Des gars brisés, les yeux dans le vague, que les combats avaient totalement détruits. Et puis d’autres qui semblaient en pleine forme et qui n’attendaient qu’une

!!!

LA REVUE N° 38 - DÉCEMBRE 2013-JANVIER 2014

L ’ALGÉRIE PROFONDE

Ce ne sont que des scènes de la vie quotidienne, mais ces photos sont exceptionnelles. Il y a longtemps que nul ne s’était aventuré dans cette Algérie en proie, depuis plus de vingt ans, au terrorisme. Pascal Barrier l’a fait.

quitté son village pour la ville voisine de Kerman, où il partage son temps entre un emploi au service des eaux et la salle de musculation. Il a 22 ans lorsque éclate la révolution de 1979 et, partageant l’enthousiasme de ses compatriotes, il rejoint les Gardiens de la révolution.

L’HOMME DES MISSIONS SECRÈTES RÈT « Suleimani est l’agent le plus influent de tout le Moyen-Orient, et personne n’a jamais entendu parler de lui ! » martèle un N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

homme du renseignement américain. Chef des forces spéciales iraniennes, Suleimani est sur tous les fronts depuis trente ans. Portrait.

PORTFOLIO

UN VAISSEAU FANTÔME Un vaisseau fantôme au XXIe siècle ! L’histoire de l’Arctic Sea paraît abracadabrantesque. Elle est pourtant vraie et implique les Russes, les Israéliens et les Iraniens sur fond de trafic d’armes et de marché de dupes.

© AY-COLLECTION/SIPA

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Nous connaissons les appareils dentaires de nos ados. Aujourd’hui l’orthodontie a fait d’énormes progrès. Outre-Atlantique, on se refait désormais le sourire à tout âge et à tout prix. Par Juliette Morillot

À

QUOI reconnaît-on un millionnaire ? ou tout du moins une personne très riche ? Réponse : à ses dents. Cela ressemble à une blague de potache, mais aux États-Unis ce n’en est pas une. De l’autre côté de l’Atlantique, on ne plaisante pas avec son sourire. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les sourires éclatants des actrices hollywoodiennes. Non que Juliette Binoche ou Marion Cotillard n’arborent pas de jolis sourires mais… comment dire ? « Des sourires à la Laetitia Casta ou à la Vanessa Paradis sont tout simplement inimaginables aux ÉtatsUnis ! » tranche le Dr Evens, propriétaire d’un cabinet dentaire très couru de la banlieue chic de Boston. « Avoir de belles dents parfaitement alignées donne de la jeunesse au visage et le dynamise. Aucune actrice ne peut imaginer faire carrière avec une vilaine dentition ou même une dentition “ordinaire”. e”. À partir d’un certain standing anding social, se faire refaire les dents est st un must. Quel que soit l’âge. La plupart de mes clients ont entre 30 et 40 ans. » Et pas de doute possible : avec le temps, les dents de Madonna sont

devenues plus petites, plus blanches, elles se sont ornées de bagues et même aujourd’hui de brillants façon Swarovski. Il ne faut pas croire que les hommes échapperaient à cette mode de la dentition parfaite : les sourires du rappeur 50 Cent et des acteurs Morgan Freemann et Tom Cruise sont devenus au fil des ans dignes de publicités pour un dentifrice. Et les nouvelles dents à 50 000 euros de l’ex-star du PSG, Ronaldinho, ont fait la une des journaux. Après tout, rien de bien étonnant : à travers le monde et les civilisations, le sourire a toujours été lié au statut, que ce soit le sourire limé des Indiens d’Amazonie, noirci dans les îles de la

C’est à l’âge adulte que Céline Dion, comme de nombreuses personnalités du showbiz, s’est fait refaire son sourire.

LA REVUE N° 38 - DÉCEMBRE 2013-JANVIER 2014

Sonde ou orné de pierres en Asie du Sud-Est. Aujourd’hui encore, une vilaine dentition, une dent cassée – pis, absente – peut ruiner le meilleur CV du monde et trahir l’ancien taulard ou le chômeur de longue durée.

L’art du sourire à l’américaine La salle d’attente du Dr Evens ne désemplit pas. Ici, on pose des appareils (ces bagues de métal affreuses que nous pensions réservées aux adolescents boutonneux) à tout âge. On lime, on blanchit, on place des implants, des couronnes… Et tout est prévu pour le confort du client, même un choix de vidéos personnalisées à regarder pendant les soins sur des lunettes spéciales. Bref, de quoi oublier le coût exorbitant de toutes ces séances. « Je dépense au bas mot une quinzaine de milliers de dollars par an pour mes dents », explique Tasha, scénariste qui partage son temps entre Boston et Los Angeles. À 54 ans, Tasha, qui a refusé les « bagues invisibles » à la dernière mode et larmoie tous les soirs car « les bains blanchissants sont douloureux », arbore depuis dix mois de splendides bagues argentées. « C’est aussi important pour mon standing que ma maison

à cap Cod, mon abonnement aux concerts de Stockbridge (dans les monts Berkshire) ou mes conférences à la MacDowell Colony (colonie d’artistes dans le New Hampshire)… »

M

ÊME S’ILS ont été un peu oubliés par les autorités algériennes lorsqu’elles ont célébré, une année durant (juillet 2012 à juin 2013), le 50 e anniversaire de l’indépendance, les véritables héros – et martyrs – de la révolution algérienne, ce sont les paysans : les fellahs. Non seulement la paysannerie a fourni l’essentiel des contingents de combattants de la guerre de libération nationale, mais elle a continué, LA REVUE N° 38 - DÉCEMBRE 2013-JANVIER 2014

une fois l’indépendance acquise, à endurer d’incessants tourments. Ballotté entre réformes politiques incohérentes et contradictoires, le monde rural algérien a tout connu : nationalisation des terres puis restitution ; collectivisation puis privatisation ; socialisme étriqué puis libéralisme débridé. Ce n’est pas encore tout. Dévasté une première fois par la guerre d’indépendance, il l’a été à nouveau par une guerre, peut-être plus terrible encore,

!!!

Mohammed Attabi, maître sellier, dans son atelier du haras de Chaouchaoua (wilaya de Tiaret). LA REVUE N°35 - SEPTEMBRE 2013

PORTFOLIO : L’ALGÉRIE PROFONDE Le photographe Pascal Barrier s’est aventuré dans l’Algérie de l’intérieur, en proie depuis plus de vingt ans au terrorisme. Il en a rapporté d’exceptionnelles scènes de la vie quotidienne.

Hollande a du travail

Quand on regarde Tasha, qui sourit « à l’américaine » toutes dents dehors, on reste dubitatif : les quenottes sont immaculées, parfaitement alignées, mais où est donc le problème ? Le Dr Evens intervient : « Ici, aux États-Unis, nos standards sont différents. Dans nos cours à la fac, nous apprenons que lorsque les lèvres sont aurepos, c’est-à-dire la bouche à peine entrouverte,ondoitencoreapercevoir quelques millimètres d’ivoire. Chez

Dents de travers, manquantes... Tom Cruise a changé de sourire en 2000. À gauche, avec son appareil dentaire.

vous en France, il est admis que les lèvres recouvrent toute la surface de la dent. Beaucoup de mes clients se font donc tirer les dents vers le bas. » Mais alors, et votre président et son épouse ? « Michelle, Barack

et leurs filles Malia et Sasha ont bien sûr, comme tout le monde, dû travailler leur sourire. Votre président François Hollande devrait sans doute en faire autant… » À bon entendeur, salut ! ■

Tentations raciales

C’

est en 1728, sous le règne de Louis XV, qu’un dentiste français, Pierre Fauchard, explique pour la première fois comment redresser les dents mal placées. Il utilise alors des ligatures (du fil commun, de la soie, du boyau comme pour les cordes de violon) et de petites plaques en or ou en argent. Mais il n’est pas le premier : sept siècles plus tôt, Abulcasis, (Abu al-Qasim, 9401013), médecin à Cordoue, traitait déjà les dents par limage, extraction et application de force sur la mâchoire. Peu à peu au cours des siècles, la science des « redresseurs de dents » se développe, se codifie. C’est le dentiste américain Edward H. Angle (1855-1930) qui lui donne ses lettres de noblesse, à la fin du XIXe siècle. Il fonde, en 1887 à Saint Louis, dans le Missouri, la première école américaine d’orthodontie. L’orthodontie va alors progresser rapidement mais aussi se laisser embarquer dans des recherches politiquement orientées. La position des dents est en effet liée à la structure générale du visage : un traitement d’orthodontie peut aujourd’hui corriger durablement les mentons fuyants façon

Édouard Balladur ou les dents de travers, hier encore jugées inéluctables. Sous le IIIe Reich, l’orthodontie et ses normes servent à démontrer la supériorité de la race aryenne. En Afrique, explique le docteur Khayat, spécialiste en orthopédie dento-faciale à Casablanca, les médecins vont appliquer la méthode céphalométrique (mesure du crâne et de la face servant de base à l’orthodontie) aux individus hutus et tutsis, et prouver ainsi la supériorité des uns sur les autres. L’orthodontie se transforme en une science faite de constructions géométriques, de normes et de valeurs arbitraires. L’idéal est alors l’homme blanc. «Quand on regarde des photos des années 1950 ou 1960, explique le Dr Evens, dentiste dans la banlieue de Boston, on voit bien que toute une génération d’AfroAméricains plutôt aisés, pouvant donc se permettre des soins d’orthodontie, ont des profils et des sourires similaires. À cette époque, les dentistes suivaient un seul et même modèle. Aujourd’hui, l’orthodontie raciale et ethnique a fait du chemin ! » ■ J.M.

LA REVUE N° 38 - DÉCEMBRE 2013-JANVIER 2014

LE PRINTEMPS INDIEN Ironie de l’histoire : le salut de Land Rover et de Jaguar, anciens joyaux de l’empire britannique, est venu d’Inde. Parce que Ratan Tata savait ce que le public attendait de ces deux marques… JEUNE AFRIQUE


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République Démocratique du Congo - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ELECTRICITÉ - CEP-O / REGIDESO

CELLULE D’ÉXECUTION DES PROJETS DE LA RÉGIE DE DISTRIBUTION D’EAU

Avis d’appel d’offres International

Projet d’alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU) - Don N° H 435-ZR Appel d’Offres International (AOI) N°12/CEP-PEMU/COORD/AOI/F/2013

Appel d’offres

Acquisition des tuyaux, robinetteries, compteurs et outillage et matériel d’intervention au réseau d’eau potable à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB le 17 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association internationale de développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché de founiture des tuyaux et pièces de raccords, des vannes et ventouses et appareils de régulation, outillage et matériel d’intervention et des compteurs et accessoires pour le réseau d’eau potable à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi répartis en quatre lots distincts de la manière suivante: Lot 1 : Acquisition de tuyaux et pièces de raccord ; Lot 2 : Acquisition de vannes, ventouses et appareils de régulation ; Lot 3 : Acquisition d’outillage et matériel pour l’intervention au réseau ; Lot 4 : Acquisition des compteurs et accessoires pour la sectorisation et les gros consommateurs. Chacun des quatre lots constitue un marché distinct et le soumissionnaire peut soumissionner pour un lot de son choix, deux, trois ou quatre lots. Il est invité de proposer des rabais en cas d’attribution à lui de deux lots. Pour chacun des lots, seules les offres portant sur la totalité des équipements demandés pour ce lot seront évaluées. 3. La Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO), sollicite des offres fermées de la part des soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour la founiture des tuyaux et pièces de raccords, des vannes, ventouses et appareils de régulation, outillage et matériel d’intervention et des compteurs et accessoires pour le réseau d’eau potable à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi. 4. La passation du Marché sera conduite par appel d’offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA version 2011 », et ouvert à tous les soumissionnaires des pays éligibles tels que définis dans les Directives. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO) à l’adresse indiquée cidessous pendant les jours et heures ouvrables: de 8h30 à 16h 00 (heure locale). 6. Les exigences en matière de qualifications sont : Chiffre d’affaires moyen annuel durant les trois dernières années équivalent à deux fois la valeur du marché envisagé, bilans certifiés des trois dernières années par cabinet comptable ou commissaire au compte, réalisation d’au moins deux marchés de même nature et de valeur équivalente durant les trois dernières années (docu-

N° 2760 • DU 1ER AU 7 DECEMBRE 2013

mentation à l’appui), preuve écrite que les fournitures qu’il propose remplissent les conditions d’utilisation (catalogues et certificats ISO des différentes fournitures) conformément aux spécifications techniques indiquées dans la section VI. 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 250 USD ou équivalent en francs congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou encore par versement ou par virement bancaire au compte n° « 80 9433 020 123 USD», intitulé « Ministère des Finances V/C PEMU-DAO », avec la mention « Acquisition des tuyaux et pièces de raccords, des vannes et ventouses et appareils de régulation, outillage et matériel d’intervention et des compteurs et accessoires pour le réseau d’eau potable à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi » auprès d’ECOBANK/Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptées. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 15 JANVIER 2014 à 11 h 00, heure locale. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. 9. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes le 15 JANVIER 2014 à 11h 30’, heure locale, dans la salle de réunions de la CEP-O à l’adresse mentionnée cidessous en présence de représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant égal à : Lot 1 : 28000 USD ou l’équivalent en Francs congolais ; Lot 2 : 18000 USD ou l’équivalent en Francs congolais ; Lot 3 : 9000 USD ou l’équivalent en Francs congolais ; Lot 4 : 7000 USD ou l’équivalent en Francs congolais. Le taux de conversion de référence est celui décrit à l’IS. 34.1 10. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est: A l’attention de Mr Jean-Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA, Coordonnateur National Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, Sise 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone A Kinshasa / Ngaliema C/° Centre de Formation de la REGIDESO, B.P. 12599 Kinshasa I République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 50 47 6 91, (+243) 99 99 20 948 E-mail : cepo@regideso.cd ou cepo@regidesordc.com Jean -Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA

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PwC – RDC appel à déclarations d’intérêt de consultants PwC (Royaume Uni) est à la recherche de personnes de qualité pour nous aider à entreprendre un grand éventail de programmes de développement en République démocratique du Congo. Plus précisément, nous sollicitons des déclarations d'intérêt de personnes prêtes à rejoindre notre équipe en tant que consultants (à court et à long terme) dans les domaines suivants : • Réforme du secteur de la sécurité ; • Développement du secteur privé au bénéfice des pauvres (y compris l’accès au crédit, la réforme foncière et l’OHADA) ; • Stabilisation et de consolidation de la paix ; • Eau, assainissement et hygiène ; • Education ; • Analyse de l’économie politique ; • Promotion de la bonne gouvernance et réforme des institutions publiques. Nous invitons les candidats intéressés qui ont les compétences requises à envoyer un court email d’introduction et un court CV (limite 2 pages) à l’adresse suivante: recrutement.rdc@uk.pwc.com. Seuls les candidats présélectionnés seront contactés. Les candidats doivent être d’une intégrité professionnelle la plus haute et de partager les valeurs et les objectifs de PwC. La sensibilité au contexte et la capacité à développer de solides relations de travail avec les partenaires nationaux et nos clients sont des qualités essentielles. A propos de PwC PwC aide les entreprises et les particuliers à créer de la valeur. Nous sommes un réseau présent dans 158 pays, avec 169 000 personnes qui s'engagent pour la qualité des missions en audit, conseil, juridique et fiscal. Pour de plus amples renseignements veuillez visiter www.pwc.com.

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!"#$%&'( $&)"#*')$%& '&+ ,%%-"*')$%& '*" .$)'( /%* 0/*$,'12 +"."(%-3"&)4 0/*$,'12 35()$-(" 23'(( ,%5&)*$"2 '&+ ",%&%3$"2 '*" benefitting from economies of scale in infrastructure and markets; a better business environment; more attraction for investment; greater weight in international negotiations, and some progress in peace and security though challenges remain. In recognition of these benefits, Africa has established several Regional Economic Communities, multiple regional technical bodies and launched )6" 7"8 9'*)&"*26$- /%* 0/*$,'12 :"."(%-3"&) (NEPAD) to promote regional integration and cooperation. As a keen supporter of the regional approach The World Bank Group seeks continuously to deepen and expand its support to these initiatives.

The World Bank is looking for Sr. Country Officer with a Post-graduate degree (Masters or PhD) in a relevant field discipline (Economics, Business Studies, Political Science, International Law, Finance, International Relations, or similar field) and a minimum of 8 years progressively substantive operational experience, combined with a good knowledge of World Bank strategic directions. Fluency in both English and French is essential for this position. Experience of the bank policies and procedures would be an advantage. Duties and Accountabilities The SCO will report to the Country Director of the Country Management Unit (CMU), AFCC1, that oversees Cameroon, Gabon, CAR and Equatorial Guinea. He/She will be expected to support the programs of the 04 countries of the CMU by providing operational support/guidance and quality assurance on crosscutting dimensions to task teams and CMU management. He/She will also help the CMU management team tracking overall project implementation performance and facilitate resolution of portfolio problems. The position will be based in Yaounde Country office where the Country Director is also based. Electronic Applications ForSelectionCriteria the full position description, complete selection criteria and required competencies, qualified candidates are requested to submit an on-line application at www.worldbank.org/careers. Click on >Current job openings > job# 132533. The World Bank is committed to achieving diversity of gender, nationality, culture and educational background. Individuals with disabilities are equally encouraged to apply. The deadline for on-line applications is December 31, 2013. Applications filed on paper shall not be considered. Only short listed applicants shall be contacted. The first priority of this task is to provide proactive and effective support to the West Africa CCD in coordinating the implementation of the existing complex multi-country programs and portfolio. The successful candidate will support the CCD in identifying opportunities for increasing the poverty impacts of the ongoing regional integration program and projects and possible innovations that would assure efficiency, cost effectiveness and speed of delivery. The Snr Operations Officer will also support the CCD to coordinate closely with other West Africa Country Directors, Country Management Unit (CMUs) and Sector Management Unit (SMUs) staff and with development partners as well as RECs (ECOWAS and UEMOA) and other regional institutions, think tanks and civil society. :The Snr. Operations Officer will report to the West Africa Coordinating CD and work closely with the Regional Integration department staff based in Washington and the West Africa CDs.

A. Program Development : (i) Assist West Africa CCD to work closely with, TTLs, West Africa CMUs and SMUs staff, CDs, governments and development partners to identify transformative regional integration opportunities, approaches and instrument. (ii)Assist the CCD in coordinating the West Africa Implementation Action Plan of the West Africa Regional Integration Assistance Strategy.(iii)Prepare briefs for the CCD on a variety of issues related to the regional context and program in the sub region and assist with coordination of analytical work related to regional integration, including those related to implementation issues and policy dialogue.

B. Coordination of Portfolio Management and Implementation Support. (i) Support CCD in overall coordination among CDs, CMU and SMU staff and project teams to ensure effective implementation of regional integration programs and timely production of deliverables.(ii) Represent CCD in reviews of Project Concept notes (PCDs) Project Appraisal Documents (PADS. Initiating Memorandums (IMs), project supervision reports, and other reports including economic sector work for consistency with the Regional Integration Strategy and CASs.(iii)Assist CCD in identifying cross-cutting portfolio issues and work closely with CMUs and coordinating CDs, sector leaders and AFTOS in addressing them.

:The Snr Operations Officer requires excellent oral and written communication skills; the ability to respond to shifting work priorities and deliver high quality work on time and ability and capacity to negotiate and resolve differences of opinion/conflicts constructively. Candidates need to be self-motivated and possess superior interpersonal skills involving teamwork and collaboration with development partners with professionals of other disciplines and other departments. In addition, the following criteria need to be met: ( I ) ;'2)"*12 degree in economics, public policy, business administration, engineering, or other discipline applicable to the duties and responsibilities of the position; (Il) Minimum 8 years of relevant experience in one or more professional disciplines ideally related to infrastructure sectors, natural resource management, donor coordination; ( III ) Knowledge of the donor architecture, frameworks and priorities for supporting regional integration in West Africa; ( IV ) Experience in setting up portfolio monitoring systems, quality assurance systems, and/or monitoring and evaluation systems. Knowledge and/or experience in the application of results-based approaches at project, program, and national/regional levels; For the FULL job description and selection criteria for this vacancy, qualified candidates are requested to visit and submit an electronic application at the World Bank careers website:www.worldbank.org/careers. Once on the site, Click on > Current Job Openings > Job Family >Operational Services>Job type >Professional & Technical> Location >Abuja, Nigeria> Job number >131134. The World Bank Group is committed to achieving diversity in terms of gender, nationality, culture and educational background. Individuals with disabilities are equally encouraged to apply. Only shortlisted candidates will be contacted. Closing date is May 26, 2013.

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Recrutement

Snr. Operations Officer (Regional SENIOR COUNTRY OFFICER (SCO)Integration)


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Annonces classées Ecobank is the leading pan-African bank with operations in 34 countries across Africa and internationally. Our dual objective is to build a world-class pan-African bank and to contribute to the economic and financial integration and development of the African continent. We are currently looking for a:

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Formation

COURS INTENSIFS D’ANGLAIS


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION

PROJET D’APPUI INSTITUTIONNEL POUR L’AMÉLIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES ET LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE (PACADEC).

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT (SERVICES DE CONSULTANTS) Secteur : Gouvernance économique et Réformes financières Référence de l’accord de financement : 2100155019170 N° d’Identification du Projet : P-CG-KFO-001 Marché : Recrutement d’un Cabinet pour l’élaboration d’un plan prioritaire du cadastre pour Brazzaville et Pointe-Noire et l’établissement des sections cadastrales de Pointe-Noire, en République du Congo.

Divers - Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu un don du Fond africain de développement, en différentes monnaies pour financer le coût du projet d’Appui Institutionnel pour l’Amélioration du Climat des Affaires et la Diversification de l’Economie Congolaise « PACADEC ». Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce don sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché de « l’élaboration d’un plan prioritaire du cadastre pour Brazzaville et Pointe-Noire et l’établissement des sections et la conservation cadastrales de Pointe-Noire, en République du Congo». 2. Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : - la reconnaissance sur le terrain des limites des villes, des arrondissements et des sections ; - l’étude des réseaux géodésiques à Brazzaville et Pointe-Noire (Triangulation, polygonation et nivellement) ; - le choix, la fabrication et la pose de bornes géodésiques et balises ; - la confection des fiches de repérage des bornes et des balises ; - la détermination des différentes côtes péri-métriques ainsi que les différentes contenances des parcelles ; - la mise au point des différents plans de section ; - la reprographie des différents plans de sections. 3. L’Unité de Coordination du projet invite les Cabinets à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les cabinets intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les dites prestations. 4. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement, édition de septembre 2010, qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un Cabinet n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 5. Les Cabinets intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l'adresse mentionnée cidessous aux heures d’ouverture de bureaux suivantes : 08 heures 00 à 16 heures 00 (heure locale). 6. Les expressions d'intérêt doivent être déposées à l'adresse mentionnée ci-dessous au plus tard, le vendredi 20 décembre 2013 à 14 heures 00 (heure locale) et porter expressément la mention : « recrutement d’un Cabinet pour l’élaboration d’un plan prioritaire du cadastre pour Brazzaville et Pointe-Noire et l’établissement des sections cadastrales de Pointe-Noire, en République du Congo « PROJET PACADEC ». UCP/PACADEC À l'attention : Madame la Coordonnatrice des Projets PADE-PACADEC rue, Locko Isaac N°05 et 06 secteur Blanche Gomez Brazzaville-Congo Tél : (242) 06 686 87 44 /05 532 63 59 ; e-mail : pade.pacadec@yahoo.fr Le Coordonnateur Bertille Chantal MAPOUATA

APPEL A MANIFESTATION D’INTÉRÊT RECRUTEMENT DE CABINET POUR ACCOMPAGNER LA MISE EN ŒUVRE DE LA STRATÉGIE DE COMMUNICATION RÉGIONALE DU PPAAO/WAAPP CLÔTURE DE L’APPEL : 10 DÉCEMBRE 2013

Le Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF/WECARD) a été mandaté par la CEDEAO pour assurer la coordination régionale du Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO/WAAPP) qui est mis en œuvre dans 13 des 15 pays d’Afrique de l’Ouest. Le Directeur Exécutif du CORAF/WECARD invite les Cabinets internationaux spécialisés en communication à manifester leur intérêt pour soutenir le CORAF/WECARD dans la mise en œuvre de la stratégie de communication régionale du PPAAO/WAAPP. Les consultants ou Cabinets intéressés par cet avis doivent fournir un avis à manifestation d’intérêt qui présente : (i) les activités principales et l’année d’existence du Cabinet ; (ii) les références concernant l’exécution et l’expérience de contrats analogues, et les preuves de leur connaissance du CORAF/WECARD ; (iii) les qualifications générales et le nombre de personnel essentiel permanent. Pour plus d’informations que vous trouverez dans les termes de référence de la mission, visitez www.coraf.org Les manifestations d’intérêt doivent être soumises par e-mail à l’adresse proposals@coraf.org ou adressées au Directeur Exécutif du CORAF/WECARD, 7 Avenue Bourguiba, Dakar (Sénégal) le 10 décembre 2013 à 17h00 GMT au plus tard.

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Cemac Laissez passer ! LES RÉFRACTAIRES à l’immigration et à l’intégrationsesoucientvisiblement peu d’économie. Citons le cas de l’île Maurice, des Émirats arabes unis et du Qatar, peu peuplés, qui ont des économies plus dynamiques parce que la libre circulation des biens et des personnes y est facilitée. On ne peut plus vivre en autarcie dans un monde qui bouge. Il est inadmissible qu’à cause du pétrole l e l o i nt a i n Te x a n s o i t exempté de visa pendant que le Fang de Souanké, au

Congo-Brazzaville, doit se soumettre à de multiples tracasseries pour aller rencontrer son frère fang de Mbalam, au Cameroun. Cela est valable pour d’autres ethnies disséminées dans plusieurs États. Le Gabon et la Guinée équatoriale doivent entrer dans la modernité. Soumettre les résidents de pays membres d’une même communauté, en l’occurrence la Cemac, à d’interminables tracasseries de visa parce qu’on est réfractaire à l’immigration est une absurdité. La fameuse caution de rapatriement encaissée au Gabon lors de la délivrance

de la première carte de séjour n’est jamais restituée. C’est une arnaque allègrement entretenue. ●

! J.A. no 2758, du 17 au 23 novembre 2013.

JEAN-MARIE AKPWABOT, Abidjan, Côte d’Ivoire

Pouvoir Ad vitam æternam… LE GRAND ANGLE « Élections. Partira? partira pas ? » (J.A. no 2758) est très intéressant pour le lecteur sensible à la politique et même au droit. Il ouvre un vaste débat sur la conception que l’on se fait du pouvoir et de son exercice en Afrique. Et

ce débat pourrait s’étendre à d’autres continents où le système démocratique est agonisant. Mes félicitations donc à J.A. pour avoir mis ces questions au grand jour et en avoir déblayé les contours. Peutêtre, après avoir sondé les intentions Blaise Compaoré, J.A. s’intéressera-t-il à d’autres personnalités désireuses de « toucher » à la Constitution pour solliciter un énième mandat ? ● LOUIS MUPENDA-WATU,

Salaire de Jack Lang: l’IMA répond Les informations contenues dans l’article paru dans Jeune Afrique relatives à la rémunération de Jack Lang [voir J.A. no 2758, le Confidentiel « Jack Lang n’est pas gratuit »] sont erronées. Les précisions suivantes doivent être apportées. Contrairement à ce qui est écrit, Dominique Baudis percevait bien une rémunération, et ce jusqu’à son élection au Parlement européen, en septembre 2009. Cette rémunération était supérieure à celle qui est versée à l’heure actuelle à Jack Lang, laquelle est comparable à celle des présidents de la plupart des institutions culturelles nationales. La rémunération de Jack Lang a été fixée en toute transparence et votée par le conseil d’administration de l’IMA. En rupture avec certains de ses prédécesseurs, Jack Lang a par ailleurs réduit dès son arrivée le budget de la présidence de moitié et a imposé des efforts d’économies sur l’ensemble des frais de missions et de réception. À la différence d’autres présidents, il ne bénéficie d’aucun véhicule de fonction et effectue ses trajets en taxi ou en transports en commun. En dépit des déplacements dans le monde arabe qu’il effectue dans le cadre de ses fonctions et conformément aux missions de l’IMA, ses frais de transport aérien sont à N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

Paris, France

sa demande inférieurs en moyenne de 70 % à ceux de ses prédécesseurs. Jack Lang s’est enfin engagé dans une politique de maîtrise des dépenses de l’IMA, de développement de ses ressources et d’amélioration de sa situation financière. Les dépenses de fonctionnement de l’IMA ont été diminuées. Ces efforts ont été salués par le conseil d’administration de l’IMA. ● DAVID BRUCKERT, secrétaire général de l’Institut du monde arabe

Réponse : L’objet de notre article était de souligner le fait que Jack Lang est revenu sur un principe acté : celui de la non-rémunération du président de l’institut compte tenu de la situation financière de ce dernier. Point que vous ne semblez pas contester. Vous avez en revanche entièrement raison de préciser que Dominique Baudis était rémunéré, en tant que président du conseil d’administration, jusqu’en 2009. L’était-il entre 2009 et 2011, période au cours de laquelle il occupait la fonction de président du Haut Conseil ? Enfin, et vous omettez de le mentionner dans votre mise au point, nous confirmons bien que Bruno Levallois, lui, n’avait ni salaire ni véhicule de fonction. Pour le reste, nous sommes heureux d’apprendre que l’IMA est désormais bien géré… ● MARWANE BEN YAHMED

Prostitution Interdire ou pas ? LEGOUVERNEMENTfrançais s’apprête à faire voter une loi pénalisant les clients desprostituées.Letexteprévoit une amende de 1 500 euros. Je crois pourtant me rappeler que la gauche, en particulier les socialistes, aujourd’hui au pouvoir, ont toujours, entre la morale et la liberté, choisi la liberté, d’où leur positionnement sur l’avortement et, récemment, sur le droit au mariage pour les couples homosexuels. Mais voilà qu’ils veulent pénalis er les relations sexuelles entre adultes consentants ! Que font-ils de la liberté des citoyens et des citoyennes? Certes, ils croient bien faire, mais se rendent-ils compte qu’ils portent préjudice aux libertés de nombre d’hommes et de femmes ! Feraient-ils cela pour la bonne moralité ? Pourquoi le point JEUNE AFRIQUE


Vous nous

de vue des prostituées n’est-il pas mieux connu? Ce genre de réglementation n’aura-t-il pas pour conséquence de pousser à davantage de clandestinité, donc de dangers, de maladies et d’agressions sexuelles ? Évidemment, pour les femmes qui travaillent sous la contrainte de criminels, justice doit être rendue. Mais pour les autres, si le gouvernement veut les aider, il devrait d’abord leur donner les moyens de se sortir de cette situation. On nous cite la Suède en exemple, mais nous sommes bel et bien des Français ! Comme le dit le proverbe repris par Élisabeth Badinter, « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». ● GALÉRY GOURRET HOUSSEIN,

Football Peut mieux faire NOUS AVONS LU l’article « Les Africains débarquent à l’Est » d’Alexis Billebault dans J.A. n° 2755-2756. Un texte très intéressant qui témoigne de l’attraction grandissante des championnats d’Europe de l’Est pour les joueurs africains. Il mérite néanmoins quelques précisions concernant les clubs d’Europe de l’Est disputant la Ligue des champions 2013-2014 : Shakhtar Donetsk (Ukraine), CSKA Moscou (Russie), Zénith Saint-Pétersbourg (Russie), Viktoria Plzen (République tchèque) et Steaua Bucarest (Roumanie). Si on analyse les effectifs de ces clubs, on se rend compte que les joueurs africains y sont rares. ! J.A. no 2755-2756, Shakhtar Donetsk : aucun Africain sur 24 joueurs ; CSKA du 27 octobre Moscou : 2 Africains (1 Ivoirien et 1 Nigérian) sur 23 joueurs ; au 9 novembre 2013. Zénith Saint-Pétersbourg : aucun Africain sur 25 joueurs ; Viktoria Plzen : aucun Africain sur 23 joueurs ; Steaua Bucarest : 1 Africain (1 Cap-Verdien) sur 22 joueurs. Les joueurs sud-américains sont, eux, mieux représentés : 9 Brésiliens et 1 Argentin au Shakhtar Donetsk ; 2 Brésiliens et 1 Chilien au CSKA Moscou ; 1 Brésilien au Steaua Bucarest ; 1 Argentin et 1 Brésilien au Zénith Saint-Pétersbourg. S’il est vrai que les joueurs africains que vous citez sont en nombre important, ils ne sont toutefois pas majoritaires dans les cinq clubs disputant la Ligue des champions de la saison en cours. ● MICHEL PAUTOT, avocat au barreau de Marseille, Légisport

Biarritz, France

TANDEM DAKAR-PARIS 2013

TANDEM

DAKAR-PARIS 2013

MARS > DÉC. 13 ARTS VISUELS / CINÉMA / CIRQUE / CULTURES NUMÉRIQUES / CULTURES URBAINES / DANSE / DÉBATS D’IDÉES / MODE / MUSIQUE / THÉÂTRE / www.tandem-dakarparis.com !"#"$%&'( )($ *++*"'($ ,%'*#-&'($ !"#"$%&'( )( .* /0.%0'( (% )( .* /1!!0#"/*%"1#

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (54e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Mille milliards de Turcs

L

E PREMIER MINISTRE TURC, Recep Tayyip Erdogan, ne cesse depuis quelques mois d’appeler les femmes de son pays à « faire au moins trois enfants pour soutenir la nation ». Parfois, c’est le chiffre quatre qu’il prononce, surtout quand il est en Anatolie. Peut-être va-t-il au-delà en privé, quand les caméras dorment : « six », « huit », voilà des chiffres qu’il n’est sans doute pas désagréable de prononcer quand on a bu trop de raki, ou plutôt de café turc. Trois, quatre, huit : de toute façon, ces chiffres sont excessifs. Toute personne bien informée sait qu’une moyenne de 2,1 enfants par femme (ce qu’on appelle un « indice synthétique de fécondité » égal à 2,1) est le vrai chiffre magique : au-delà, la population du pays augmente inexorablement. Si les Turques prennent au mot leur Premier ministre, la croissance démographique de leur pays continuera à l’infini. C’est ce que souhaite apparemment Erdogan. Cent millions de Turcs dans dix ans ? Bravo. Deux cents millions pour fêter le retour de la comète ? Son pouls s’accélère. Mille milliards de Turcs ? C’est l’extase. Hasard du calendrier : le sommet de Varsovie consacré au réchauffement climatique se tenait au moment même où Erdogan voyait des bébés partout. Les experts de l’écologie ont admis depuis belle lurette que le principal problème de la Terre, c’est l’homme. La planète bleue peut « supporter » au maximum huit cents millions d’hommes. Nous sommes sept milliards. Faites le compte : la planète se meurt de notre prolifération, qui est plus dangereuse que celle de l’atome. Et que propose Erdogan ? Plus d’enfants ! Félicitations, il a tout compris. Quand, dans vingt ans, des guerres de dépeuplement déchireront le Proche-Orient, comme celles qui ont dévasté l’Europe en 1914-1918 et la région des Grands Lacs naguère, il faudra se souvenir d’Erdogan et des chefs d’État qui lui ressemblent – car ils sont légion, hélas, ceux qui mobilisent des utérus qui ne leur appartiennent pas pour produire plus de sujets ou d’administrés. Pour leur plus grande gloire. Et après eux, le déluge. Littéralement. Erdogan jouit d’une réputation flatteuse d’homme d’État. Admirez la Turquie, nous dit-on : elle ne connaît pas la crise économique, elle étend son influence sur l’Asie et le ProcheOrient, elle a résolu son problème militaire après un bras de fer entre l’armée et Erdogan, et elle fait figure de démocratie dans un monde musulman où c’est une denrée rare. Quel homme ! Et quelle belle moustache !

Tu parles… Les récentes déclarations du Premier ministre turc montrent qu’il est aussi myope que la plupart de ses homologues. Elles prouvent aussi que le concept d’homme d’État doit être entièrement revu. Désormais, le vrai homme d’État sera celui qui dépassera les intérêts égoïstes et à courte vue de son pays (sans même parler des siens) pour ne penser qu’à une seule chose : sauver la Terre. Saurons-nous reconnaître ces vrais héros et, surtout, voter pour eux ? C’est une autre paire de manches… ●

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N O 2760 • DU 1 ER AU 7 DÉCEMBRE 2013

JEUNE AFRIQUE

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