MAROC LE SALAFISTE DE SA MAJESTÉ Mohamed Fizazi parle
Hebdomadaire international indépendant • 54e année • no 2778 • du 6 au 12 avril 2014
FRANCE LE DRIAN : « IBK doit négocier »
RWANDA
ALGÉRIE DRÔLE DE CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE
jeuneafrique.com
DOSSIER AGRICULTURE 12 pages
Spécial 20e commémoration
Sortir du génocide Avec une interview exclusive du président Paul Kagamé
ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE
France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs Grèce 4,50 € • Guadeloupe 4 € • Guyane 5,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Martinique 4 € • Mauritanie 1 100 MRO • Mayotte 4 € • Norvège 45 NK Pays-Bas 4 € • Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Réunion 4 € • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
Éditorial
Marwane Ben Yahmed
3
PHOTOS DE COUVERTURE : AFRIQUE MAGHREB & MOYEN-ORIENT : AZZOUZ BOUKALLOUCH INTERNATIONAL : BRENDAN BANNON/POLARIS/STARFACE
Cool, raout…
B
RUXELLES, DÉBUT AVRIL. Embouteillages monstres dans une ville quadrillée par la police. Défilé de luxueuses berlines noires aux vitres teintées. Les ténors africains ont rendez-vous avec leurs homologues européens pour un énième sommet entre continents ou nations. Après France-Afrique, Chine-Afrique, Japon-Afrique, Monde arabe-Afrique, voici donc, chez nos amis belges, Europe-Afrique, en attendant, en août prochain, États-UnisAfrique… À quoi servent ces raouts ? « À pas grand-chose, d’après un chef d’État subsaharien, si ce n’est à rencontrer certains interlocuteurs utiles d’un point de vue bilatéral, en marge du sommet lui-même… » Voire à prendre le frais dans la suite cossue d’un grand hôtel, loin des turpitudes politiciennes locales, et à faire le plein de chocolats.
Car, en dehors de déclarations d’intention que Jacques II de Chabannes, seigneur de La Palice, n’aurait pas reniées, pas beaucoup de résultats à se mettre sous la dent à l’issue de ce sommet. Jugez-en par vous-mêmes à propos de l’épineuse (et dramatique) question de l’immigration clandestine – l’immigration légale et le « pillage » des cerveaux africains méritant sans doute moins d’attention. Dans un plan d’« action » élaboré pour la période 2014-2017, les dirigeants africains et européens « s’engagent à lutter contre l’immigration illégale et à protéger la vie des migrants ». Bigre ! Comment ? Mystère. Ils promettent également de « consolider les efforts de lutte contre la traite des êtres humains », de « renforcer le lien entre le développement et les migrations ». Il était temps… Objectif proclamé urbi et orbi par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, visiblement très satisfait de cette « véritable avancée » et de cette « déclaration très importante » : « Éviter des tragédies comme celle de Lampedusa », quand, le 3 octobre 2013, plus de 300 migrants originaires pour la plupart de la Corne de l’Afrique périrent en mer après le naufrage de leur embarcation. Et dire qu’à l’époque, les Européens détournaient le regard pendant que les dirigeants africains donnaient l’impression de se débarrasser de concitoyens comme on jette ses poubelles chez le voisin. Nous voilà rassurés. Autre grand moment d’émotion, cette révélation, véritable éclair de sagacité à faire pâlir d’envie Sherlock Holmes, de Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’Union africaine : « Si nous nous concentrons sur la formation de nos populations, investissons sur elles, elles n’auront pas à venir via Lampedusa, elles viendront en avion et seront bien accueillies. » On rêve… Le ballet de limousines peut reprendre et la police bruxelloise enfin retourner à son traintrain quotidien. Quant aux dirigeants des deux continents, sans doute retrouvent-ils leurs pénates avec le sentiment du devoir accompli. Au moins ont-ils mis des mots sur les maux ! (lire aussi pp. 7-10) l JEUNE AFRIQUE
6
Confidentiel L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
8
SOMMET UE-AFRIQUE
16 17 18
Sommet UE-Afrique L’important, c’est de participer Jonathan Pollard Sa vie est un thriller Yamina Benguigui Clap de fin Carlos Lopes Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique Ebola C’est grave, docteur ? Hommes-femmes Le choc des égaux Tour du monde
20
G RA N D A N G L E
8 12 13 14
20
RWANDA Renaître à Kigali
35
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
35
France-Afrique Interview de Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense 57 bis, rue d’Auteuil Yoshifumi Okamura, représentant personnel du Premier ministre japonais pour l’Afrique RD Congo À quoi joue Kengo ?
39
40
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
4
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
35
FRANCE-AFRIQUE Entretien avec Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense
42
M AG H REB & M OY EN - O RIEN T
42 46 48 50
Algérie Ubu en campagne Israël-Palestine Abbas contre Abbas Arabie saoudite Éternelle vieillesse Maroc Interview de Mohamed Fizazi
56
EU RO PE, A M ÉRIQ U ES, A SIE
56 59 60 62
France Manuel Valls, un Catalan dans l’arène Venezuela L’autocrate et la pasionaria Football Ombres sur la Coupe du monde
63
Parcours Jamel Gafsi, numéro 8 Turquie Trompe-l’œil
64
ÉC O N O M IE
64 68 69
Ciment Tous grisés par l’or gris En kiosque Changer pour durer
EXCLUSIF
72
MAROC Mohamed Fizazi, le salafiste du roi, parle
74 75
Les indiscrets Interview Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique Transfert d’argent Elle transforme les dollars en francs CFA Afrique de l’Ouest Fonds Gari cherche oiseau rare Baromètre
76
D O SSIER AG RIC U LT U RE
76
Élevage Révolution de palais
98
C U LT U RE & M ÉD IA S
98 101
Littérature In Koli Jean Bofane, le Satyricongolais
70
50
76
DOSSIER AGRICULTURE
Spécial 12 pages
102 104
112 112 114
Adieu Bilal Berreni alias Zoo Project, street artist La semaine culturelle de Jeune Afrique Télévision Pouet pouet et sauce escargot
V O U S & NO U S Le courrier des lecteurs
Post-scriptum
98
LITTÉRATURE In Koli Jean Bofane, le Satyricongolais
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
UN CONFORT RÉVOLUTIONNAIRE Nouveau siège Business : découvrez le confort d’un lit spacieux parfaitement horizontal et un service d’exception.
AIRFRANCE.COM Mise en place progressive à compter de juin 2014 sur une partie de la flotte long-courrier Boeing 777.
6
AFRIQUE-EUROPE n marge du sommet Union européenne-Afrique, François Hollande, le président français, a multiplié les entretiens bilatéraux, ce qui lui a permis de faire la connaissance de trois chefs d’État africains: Hery Rajaonarimampianina, Uhuru Kenyatta et Hassan Cheikh Mohamoud (Somalie). Le Malgache l’a assuré que le nouveau gouvernement serait formé au plus vite et lui a demandé d’appuyer sa demande de levée totale des sanctions européennes. Le Kényan, qui redoute que son pays ne perde son accès préférentiel au marché européen en cas d’échec des négociations sur les accords de partenariat économique (APE), lui a suggéré de faire preuve de
davantage de souplesse dans le calendrier. Hollande s’est également entretenu avec John Dramani Mahama, le président ghanéen, qui a
récemment pris la tête de la Cedeao et se déclare confiant quant au bon déroulement des élections en Guinée-Bissau, le 13 avril. l
ALAIN JOCARD/AFP
E
Conciliabules à Bruxelles
p Hery Rajaonarimampianina et François Hollande, le 2 avril, à Bruxelles.
Un visiteur nommé Guéant
P
armi les nombreux visiteurs du soir qui se sont bousculés dans les hôtels bruxellois où étaient logés les chefs d’État : Claude Guéant. L’ancien secrétaire général de l’Élysée, redevenu avocat et qui donne désormais dans le lobbying et le conseil aux entreprises minières, a été aperçu le 1er avril s’engouffrant dans l’ascenseur du Méridien. Lequel hébergeait, entre autres, les présidents Biya et Condé. Sachant que Guéant n’a jamais été la tasse de thé du Guinéen, il reste une hypothèse… l
LE CHIFFRE
50 MILLIARDS Président du Groupe des personnalités de haut niveau (GPHN) contre les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, Thabo Mbeki, l’ancien président sud-africain, estime entre 50 milliards et 60 milliards de dollars les sommes qui, chaque année, quittent illégalement le continent. C’est presque autant que les transferts vers l’Afrique des migrants établis hors d’Afrique (64 milliards en 2013).
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
ALGÉRIE BEDJAOUI « MENACÉ » ?
Les magistrats du parquet de Milan enquêtant sur les actes de corruption auxquels la conclusion de contrats entre la compagnie pétrolière italienne Saipem, filiale du groupe Eni, et le groupe public algérien Sonatrach pourrait avoir donné lieu ont fait une drôle de découverte : 23 millions de dollars virés sur un compte en Suisse appartenant à l’homme d’affaires francoalgérien Farid Bedjaoui, qui a servi de facilitateur entre les deux parties. Les juges italiens se sont donc rendus à Genève pour tenter d’établir si ce transfert effectué à partir d’une banque de Hong
Kong était destiné à Bedjaoui lui-même ou à d’éventuels intermédiaires. Selon nos informations, ils s’apprêtent à poursuivre leur enquête au Liban, où l’homme d’affaires possédait des biens et des sociétés. Aujourd’hui en cavale pour échapper aux mandats d’arrêt émis à son encontre en Algérie et en Italie, Bedjaoui affirme se sentir « menacé » et envisage de rompre le silence pour livrer sa version des faits. MAROC-FRANCE SOLUTION EN VUE ?
Après le nouvel incident bilatéral dont a été victime cette fois le ministre marocain des Affaires étrangères à l’aéroport
Roissy-Charles-de-Gaulle, le 26 mars, et la brouille qui s’est ensuivie, les deux pays s’efforcent de mettre au point une nouvelle convention judiciaire censée mettre leur relation « à l’abri de toute instrumentalisation de la justice », selonunesourcediplomatique marocaine. Une commission composée de directeurs centraux du ministère français des Affaires étrangères s’est rendue la semaine dernière à Rabat afin de négocier « un cadre juridique respectueux et équilibré qui définira les règles du jeu ». Le Maroc demande-t-il un traitement de faveur? « Pas du tout, cette convention sera en parfaite adéquation avec le droit international. » JEUNE AFRIQUE
Politique, économie, culture & société
Retrouvez en page 69 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques
Samba-Panza sur la route
C
’est à bord d’un avion de la présidence gabonaise que Catherine SambaPanza, la présidente de la transition centrafricaine, a rejoint Bruxelles après sa rencontre avec François Hollande, le 1er avril à Paris. Le lendemain, à l’hôtel Radisson, elle a d’abord reçu pour un petit déjeuner de travail Ahmad Allam-Mi, le secrétaire général de la Ceeac, et Pierre Moussa, président de la Cemac. Elle s’est ensuite entretenue avec Idriss Déby Itno (Tchad), Denis Sassou Nguesso (CongoBrazza) et Ali Bongo Ondimba (Gabon), ainsi qu’avec Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, et, pour le dîner, avec la Bulgare Kristalina Georgieva, commissaire européenne à l’aide humanitaire. Le 3 avril, dans la soirée, Samba-Panza a regagné Paris. Le lendemain, elle a participé au forum pour le leadership des femmes dans la vie publique organisé par l’OCDE, puis a été reçue par Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, qui lui aurait notamment fait part de ses doutes quant à la composition de son gouvernement. La présidente de la transition a regagné Bangui le 5 avril à bord du même avion gabonais. l
Le coup de Grace
L
e refus des autorités belges d’accorder un visa à Grace Mugabe, l’épouse du président zimbabwéen, qui compte parmi les huit personnalités de son pays interdites de voyage au sein de l’UE (y compris pour les conférences internationales, ce qui n’est pas le cas de son chef d’État de mari), n’a pas seulement entraîné la défection de ce dernier, pourtant invité au sommet UE-Afrique. Quatre autres présidents d’Afrique australe : Jacob Zuma (Afrique
du Sud), José Eduardo dos Santos (Angola), Armando Guebuza (Mozambique) et Hifikepunye Pohamba (Namibie) ont fait savoir que ce mauvais procédé était l’un des motifs de leur absence. Et c’est le Zambien Michael Sata, présent, lui, à Bruxelles, qui s’est chargé en leur nom de dénoncer, avec une grande vigueur, les « ingérences » des « néocolonialistes européens », devant une Angela Merkel complètement ébahie. l
CAMILLE MILLERAND/DIVERGENCE
LIBYE Retour à haut risque pour Ali Zeidan LONDRES, PARIS, DÜSSELDORF… Ali Zeidan, l’ancien Premier ministre libyen (ici, le 1er avril à Paris), multiplie les déplacements pour rencontrer des responsables étrangers « amis de la Libye ». Et ne cache pas son intention de rentrer dans son pays « dans quelques semaines ». Il a déposé un recours auprès de la cour d’appel deTripoli pour faire annuler le vote de défiance du Congrès général national (CGN, Parlement), le 11 mars. L’affaire serait en cours d’instruction. « Le CGN étant contrôlé par des islamistes radicaux, mon limogeage est illég illégal, explique-t-il. Les autres ministres ont d’ailleur d’ailleurs été maintenus dans leurs fonctions. » Son éventuel retour en Libye est évidemment très risqué, mais Zeidan affirme ne pas avoir peur. « La Libye est devenue une plateforme d’Al-Qaïda. Je ne la laisserai pas entre les mains des islamistes. » l JEUNE AFRIQUE
CENTRAFRIQUE QUI EST VISÉ PAR LES SANCTIONS ONUSIENNES ?
Iln’yapasune,maisdeuxlistes de responsables centrafricains exposés à des sanctions onusiennes. La première compte quatre ou cinq noms (dont ceux de François Bozizé, de Jean-Francis, son fils, et de NourredineAdam,l’ex-numéro deux de la Séléka) à l’encontre desquels de solides dossiers ont été constitués. Fruit du recoupement d’informations collectées par la France, les États-Unis et l’Union européenne, ce document a été présenté au Conseil de sécurité des Nations unies. Paris espère qu’il sera amendé d’ici à quinze jours, pour le vote
d’une nouvelle résolution sur la Centrafrique. La communauté internationale travaille parallèlementàl’établissement d’une liste complémentaire, plus large.
FRANCE LE DRIAN, TIRAILLEUR DE CHOC Trois chefs d’État d’Afrique subsaharienne – Denis Sassou Nguesso (Congo), Idriss Déby Itno (Tchad) et Mahamadou Issoufou (Niger) – sont montés au front pour s’inquiéter du maintien de Jean-Yves Le Drian au ministère français de la Défense. « Ils se sont manifestés auprès de lui, par téléphone et via des intermédiaires ; ils voulaient être rassurés », confie un proche de ce dernier. Le Drian, qui a été confirmé à son poste dès le 1er avril au matin après un entretien avec Manuel Valls, le nouveau Premier ministre, a donc pu les tranquilliser. Et mesurer au passage sa cote de popularité dans les palais présidentiels (lire aussi pp. 35-38).
SÉNÉGAL KARIM ET LA « DÉTENTION ARBITRAIRE »
Incarcéré dans le cadre d’une enquête sur son patrimoine diligentée par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Karim Wade saisit le Groupe de travail sur la détention arbitraire, un organisme dépendant du HautCommissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Selon l’un de ses proches, il s’agit « d’internationaliser » son combat à l’approche du premier anniversaire de son incarcération, le 17 avril 2013, et d’alerter l’opinion sur son statut d’« otage politique ». Une plainte contre l’État sénégalais adoncétédéposéepar sesavocats au siège de l’organisme, à Genève, le 1er avril. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
7
8
La semaine de Jeune Afrique
SOMMET UE-AFRIQUE
L’important, c’est de Accords de partenariat économique, compétence de la CPI, droits des homosexuels… Africains et Européens ne sont pas d’accord sur tout, loin s’en faut. Mais ils se sont parlé avec franchise. Et ça, c’est déjà beaucoup. GEORGES DOUGUELI,
L
envoyé spécial à Bruxelles
es Bruxellois croyaient connaître le prix à payer pour vivre dans la capitale de l’Union européenne. Ils s’étaient habitués à voir s’agglutiner des groupes de délégués badgés dans les transports en commun, des cortèges passer toutes sirènes hurlantes, des kilomètres de bouchons… Mais, depuis quelques semaines, la coupe est pleine: après les visites successives de l’Américain Barack Obama et du Chinois Xi Jinping, ce fut au tour du sommet Union européenne-Afrique, les 2 et 3 avril, de paralyser la ville. Un sommet dont Herman Van Rompuy, le président du Conseil N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
européen, reconnaît lui-même qu’il est le plus imposant que Bruxelles ait jamais accueilli. Jugez-en : 92 délégations étrangères, dont une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement. Parmi les absents, le Polisario et la RASD, que le Maroc et ses alliés subsahariens sont parvenus à exclure. Pour la délégation marocaine, conduite par Salaheddine Mezouar, le ministre des Affaires étrangères, il était hors de question de déroger au cadre du partenariat UE-Afrique fixé en 2000, selon lequel seuls les membres de l’ONU bénéficient d’un carton d’invitation. Privée de visa, la première dame du Zimbabwe n’a pu être du voyage ? Qu’à cela ne tienne, par solidarité conjugale, Robert Mugabe a boycotté le sommet. L’Ougandais Yoweri Museveni a, lui, préféré éviter de subir les remontrances des Européens après l’adoption dans son pays d’une loi jugée homophobe. Dans le quartier « européen » bunkérisé, on a bien sûr eu droit aux séances solennelles et à leur cortège de discours lénifiants. Et pourtant, quelque chose a changé… Le continent est JEUNE AFRIQUE
9
redevenu attractif, et ses dirigeants comptent bien profiter de cette embellie. « Ces vingt dernières années, l’Europe allait chercher des relais de croissance en Europe de l’Est puis en Asie », rappelle un diplomate burkinabè. Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre ivoirien, confirme : « En 1996, les pays de l’UE représentaient 55 % des échanges extérieurs de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, ils n’en représentent plus que 4 %, même si les montants ont augmenté [ils sont passés de 3 à 4,3 milliards d’euros] ». INTÉGRATION RÉGIONALE. Pour rattraper ce
retard, une stratégie conjointe pour la période 2014-2017 a été élaborée lors de ce sommet. Ses grands axes ? Paix, sécurité, bonne gouvernance, droits de l’homme, développement et croissance durables… Plusieurs annonces ont été faites, dont certaines portent sur la création ou le renouvellement de mécanismes de financements. Ainsi, l’octroi de 844 millions d’euros sur les sept prochaines années, destinés à l l l JEUNE AFRIQUE
AFP PHOTO/GEORGES GOBET
participer DEUX CONTINENTS, DEUX PARTENAIRES « IL FAUT DÉFINITIVEMENT briser la glace entre l’Afrique et l’Europe. » Cette formule, utilisée lors de sa présentation par Charles M. Mbire, le président de l’opérateur de télécommunications MTN en Ouganda, résume à elle seule l’objectif du cinquième Forum des affaires UE-Afrique, organisé les 31 mars et 1er avril à Bruxelles. Dans cette optique, les secteurs privés des deux continents « sont appelés à jouer un rôle de premier plan », a rappelé Nkosazana DlaminiZuma. « Il faut pour cela changer la perception du risque en Afrique », a insisté la présidente de la Commission
de l’Union africaine lors de son discours d’ouverture, devant plus de 500 responsables économiques des deux continents. Ce que se sont évertués à faire les pays africains auprès des investisseurs européens présents. Une véritable opération séduction, destinée à stimuler l’injection de capitaux étrangers dans l’économie africaine tout en renforçant les échanges commerciaux, au moment même où l’accord de partenariat économique (APE) négocié en février entre l’UE et la Cedeao vient d’être remis en question par le Nigeria. l OLIVIER CASLIN, envoyé spécial N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
La semaine de J.A. L’événement soutenir l’intégration régionale, de 30 milliards d’euros d’investissements – avec le concours de fonds privés –, principalement dévolus aux infrastructures, et de 30 autres milliards censés stimuler le secteur agricole dans plus de trente pays africains. Les Européens reviennent cependant sur la pointe des pieds, tant les obstacles sont nombreux. Ils souhaitaient conclure les accords de partenariat économique (APE) lors de ce sommet. Il n’en a rien été. Douze ans après l’ouverture des négociations ouvrant la voie au libre-échange entre l’UE et l’Afrique, et bien que Bruxelles ait concédé une période transitoire de vingt ans pour protéger le quart des produits agricoles, aucun accord n’a été signé. Au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Nigeria, qui « pèse » 65 % de l’économie de la zone, bloque le processus. Abuja exige des garanties afin de protéger son agriculture de la concurrence des produits importés. Avec les autres communautés (Afrique de l’Est, Afrique centrale, Afrique australe), les discussions n’ont pas non plus abouti. L’Afrique du Sud de Jacob Zuma, grand absent du sommet, s’oppose résolument à ces accords. lll
GEERT VANDEN WIJNGAERT/AP/SIPA
10
p Catherine SambaPanza, Herman Van Rompuy et Ban Ki-moon, à Bruxelles, le 2 avril.
LOGICIEL. Pour Robert Dussey, le ministre togolais
des Affaires étrangères, « il faut changer de mentalité ». « Que les Européens nous respectent, et que les Africains tiennent leurs engagements », résume-t-il.Pourconstruireunnouveaupartenariat, mieux vaudrait donc changer de logiciel… Dans les couloirs, des délégués africains se sont montrés intransigeants sur les habituels points de crispation.
Le réchauffement climatique, par exemple. « Que ceux qui polluent la planète prennent leurs responsabilités », s’insurge un diplomate burkinabè. Autre source de tensions : la protection des minorités, notamment sexuelles. « Nos Parlements n’accepteront pas de voter des lois qui sont contraires à nos réalités », prévient Charles Koffi Diby, le ministre ivoirien des Affaires étrangères. Résultat, la question ultrasensible des droits des homosexuels n’a pas été évoquée dans la déclaration finale. Le paragraphe portant sur la lutte contre l’impunité a lui aussi été âprement discuté. Les Africains, qui contestent le fonctionnement de la Cour pénale internationale, veulent redéfinir le principe de compétence universelle. Ce dialogue aura lieu « dans les instances convenues entre les deux parties » – lesquelles restent manifestement à définir. l
Pourquoi IDI a craqué Exaspérés d’être accusés de partialité en faveur des musulmans, les Tchadiens ont décidé de retirer leur contingent de la Misca.
L
e sommet UE-Afrique n’aura finalement pas permis d’accroître la présence militaire étrangère en Centrafrique. Quarante-huit heures après l’officialisation du lancement de la mission européenne, qui doit déployer 800 soldats à Bangui d’ici à la fin du mois de mai pour une durée de six mois, coup de théâtre : le Tchad décide de retirer progressivement son contingent (entre 800 et 950 hommes) de la Misca, la force africaine. L’annonce de N’Djamena s’est faite dans la confusion. Il est environ midi, le 3 avril, quand la délégation tchadienne annonce une conférence de presse imminente de Moussa Faki Mahamat, le ministre des Affaires étrangères. L’intéressé déboule un peu plus d’une heure plus tard, cherche N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
désespérément une salle disponible, s’agace du manque de réactivité des organisateurs, puis annonce la décision de son pays avant que sa délégation ne distribue un communiqué en explicitant les raisons. AGUERRIS. Ce choix, le président Idriss Déby Itno l’avait annoncé la veille à la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, peu de temps avant la réunion consacrée à la RCA. Pour le Tchad, les déclarations de Thomas Théophile Tchimangoa, le ministre centrafricain de la Défense, ont été l’accusation de trop. « Si un pays voisin ou ami veut jeter le discrédit, le désordre, que les institutions internationales prennent leurs responsabilités », avait lancé le ministre après que,
le 29 mars, des soldats tchadiens, pris dans une embuscade à Bangui, ont riposté violemment, tuant une trentaine de civils. Si l’on ne connaît pas encore les modalités de ce retrait progressif, il ne sera pas sans conséquences. Même si le travail de la force tchadienne, aujourd’hui déployée dans plusieurs villes du Nord comme Kaga-Bandoro ou Ndélé, est controversé, la Misca perd l’un de ses contingents les plus aguerris. Surtout, cette décision devrait affecter des relations bilatérales déjà altérées. À l’évidence, N’Djamena manifeste là sa défiance envers les autorités centrafricaines. Et s’interroge ouvertementsurlaproximitédecertainsmembres du gouvernement avec ceux qui, parmi les officiers de l’armée centrafricaine, fraternisent avec les anti-balaka, voire les encadrent. l VINCENT DUHEM, envoyé spécial à Bruxelles JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Les gens
Jonathan Pollard Sa vie est un thriller
portement « mythomane et excentrique ». Quand le FBI l’interroge pour la première fois, en novembre 1985, Pollard comprend qu’il est traqué. Il tente alors de fuir avec Anne, son épouse. Au volant de son véhiCondamné en 1987 à la réclusion à perpétuité pour espionnage au cule, il force les grilles de l’ambassade d’Israël à Washington en réclamant l’asile profit d’Israël, ce juif américain se retrouve malgré lui au cœur d’un politique. Les gardes le refoulent. Des marchandage visant à raviver le processus de paix au Proche-Orient. agents fédéraux surgissent de leur planque de Galveston (Texas) se procure des n le dit gravement malade. et le braquent. La scène est digne d’un centaines de documents secrets sur les Le 5 mars, il aurait été une film d’action. Lors de son procès, il est nouvelle fois hospitalisé activités du renseignement américain inculpé pour « transfert d’informations d’urgence dans le centre dans le monde arabe. classifiées, sans intention de nuire aux médical de la prison fédérale de Butner, États-Unis ». Il plaide coupable. Cette affaire aura altéré les relations en Caroline du Nord. Incarcéré depuis EXCENTRIQUE. Se sentant investi d’une 1985, Jonathan Pollard, 59 ans, pourrait mission pour Israël, il offre naïvement israélo-américaines. Car, bien qu’aucun néanmoins finir ses jours en homme ses services au Mossad qui, dans un rapport ne l’atteste formellement, l’espion libre, en Israël, le pays pour lequel il a tout premier temps, cache son existence aurait fourni à Tel-Aviv les codes d’accès sacrifié. Comme un symbole, son retour au gouvernement. Ses recherches, et de cryptage des écoutes de la National sans aucun lien avec ses fonctions, en Terre promise interviendrait avant les Security Agency (NSA) dans le monde. finissent par alerter ses supérieurs hiéfêtes de Pessah (la Pâque), le 14 avril. Selon certaines sources, un manuel de Pour offrir un énième sursis à un prorarchiques. Ils relèvent chez lui un comdécryptage a même été livré à l’URSS ; cessus de paix israélo-palestinien en échange, 1 million de juifs moribond et, du même coup, soviétiques auraient été autoéviter un affront diplomatique, risés à émigrer vers Israël. l’administration américaine dit Jonathan Pollard a toujours étudier la possibilité de libérer assumé sa condamnation, sans cet espion juif, condamné en exprimer la moindre rancœur à 1987 à la réclusion à perpétuité l’égard de l’État hébreu. Ce derpour faits de haute trahison nier a pourtant attendu 1995 envers les États-Unis. S’il se pour lui octroyer sa nationalité concrétisait, « l’accord Pollard » et trois ans de plus pour lui permettrait aux négociations de reconnaître la qualité d’agent israélien. se prolonger jusqu’en 2015. En Du fond de sa cellule, ce contrepartie, Israël élargirait 400 barbu au crâne dégarni est détenus palestiniens, et s’engagedevenu une icône du camp rait à suspendre la construction de logements dans les colonies nationaliste. Les gouvernejuives de Cisjordanie. Reste à ments israéliens successifs ont longtemps demandé sa attendre l’avis de l’intéressé qui, grâce. Sans succès. Car, dans selon Uri Ariel, le très nationales milieux du renseigneliste ministre du Logement, ment américain, on compare refuse d’être échangé contre les dommages causés par des « terroristes ». cet espion peu banal à ceux Voici vingt-neuf ans que le d’Edward Snowden. Lorsqu’il « cas Pollard » empoisonne les relations bilatérales. En 1984, était à la tête de la CIA, George alors qu’il travaille pour la marine Tenet avait même menacé de américaine comme analyste démissionner si on le libérait. l p L’icône des nationalistes israéliens refuse, dit-on, d’être échangé contre des « terroristes » palestiniens. du risque terroriste, ce natif MAXIME PEREZ, à Jérusalem
O
JOE KLAMAR
12
NOMINATIONS
FATIM-ZAHRA AMMOR MILANO 2015 Cette ingénieure, diplômée de l’École nationale supérieure de techniques avancées de Paris, sera la commissaire générale du Maroc à l’exposition universelle de 2015, qui devrait attirer 20 millions de visiteurs à Milan en six mois. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
VINCENT KOMPANY SOS VILLAGES D’ENFANTS Capitaine de l’équipe de Manchester City et de la sélection belge, ce footballeur d’origine congolaise, âgé de 27 ans, a été nommé ambassadeur international de l’ONG œuvrant pour la protection de l’enfance. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
13
LUPITA NYONG’O
L
e coup est rude pour Yamina Benguigui. En une journée, le 2 avril, celle qui était encore ministre française déléguée à la Francophonie a perdu son portefeuille lors du remaniement gouvernemental (lire pp. 56-58) et appris l’ouverture d’une enquête préliminaire du parquet de Paris pour « omission d’une partie substantielle ou évaluation mensongère » de son patrimoine. Déjà, le 31 mars, alors qu’elle avait été élue la veille au Conseil de Paris à l’issue des élections municipales, la nouvelle maire, Anne Hidalgo, lui avait demandé de démissionner. Autant dire que l’espoir d’obtenir l’un des secrétariats d’État qui doivent encore être attribués est très mince.
ARTHUR MOLA/AP/SIPA
Soupçonnée d’avoir menti sur son patrimoine, l’ex-ministre française de la Francophonie a fait les frais du remaniement gouvernemental.
Après Julia Roberts, Kate Winslet ou Penélope Cruz, cette actrice kényane de 31 ans, sacrée meilleur second rôle féminin aux Oscars 2014 pour 12 Years a Slave, vient d’être nommée égérie de la marque de cosmétiques Lancôme. AZZÉDINE TAÏBI Cet ancien éducateur de 49 ans représentant l’union de la gauche a été élu maire de Stains (banlieue parisienne), le 30 mars. Il devient le premier communiste d’origine maghrébine (algérienne) à diriger une ville de plus de 30000 habitants en France.
DRAGAN LEKIC/LIBRE ARBITRE
Yamina Benguigui Clap de fin
AMINA BOUZGUENDA-ZEGHAL Titulaire d’un doctorat en mathématiques appliquées à la finance, cette enseignante tunisienne a été nommée directrice générale de l’université Paris-Dauphine Tunis.
de Paris. Ce qu’elle refuse… JEUNE AFRIQUE
PIERRE BOISSELET
DR
EN BAISSE
BENEDIKT VON LOEBELL-WEF
LOUIS BAPÈS BAPÈS Le ministre camerounais des Enseignements secondaires a passé la nuit du 31 mars au 1er avril à la prison centrale de Yaoundé, après avoir été entendu par leTribunal criminel spécial dans le cadre de l’opération anticorruption Épervier. ZHOU YONGKANG
NEWSCOM/SIPA
soupçonnée de n’avoir pas dit toute la vérité dans la déclaration de patrimoine que doivent remplir les membres du gouvernement. Elle aurait dissimulé ses actions dans une société belge, G2 (qui détient notamment les droits de ses films), cédées en janvier au prix de 430 000 euros. Ses explications n’ont pas convaincu la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui a saisi la justice. Si les faits étaient avérés, Benguigui, 59 ans, risquerait jusqu’à trois ans de prison, 45 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité. Mais cette proche de Valérie Trierweiler, l’ancienne compagne du président François Hollande, a décidé de se battre. Elle dément toutes les accusations, refuse de quitter le Conseil de Paris et a recruté M e Éric Dupond-Moretti (qui défend, entre autres, l’État gabonais dans l’affaire dite des biens mal acquis et l’ancien détenu francocamerounais Michel Thierry Atangana). Dans un courrier, l ’a v o c a t a c c u s e Hidalgo de participer à un « lynchage ». « Il n’y a eu aucun enrichissement personnel », dit-il. Selon lui, sa cliente « a agi en toute bonne foi », au vu et au su de l’administration p La réalisatrice a été priée fiscale. l de démissionner du Conseil
J-PIERRE KEPSEU/PANAPRESS/MAXPPP
VINCENT FOURNIER/J.A.
« LYNCHAGE ». La réalisatrice d’origine algérienne est
L’ex-patron de la police politique chinoise, 71 ans, est au cœur d’un scandale de corruption impliquant 300 personnes. Le total des avoirs saisis (comptes bancaires, obligations, biens immobiliers) dans ce dossier atteindrait 10,5 milliards d’euros. JOHN RWANGOMBWA Le gouverneur de la Banque centrale du Rwanda a reconnu que l’institution qu’il dirige s’était fait dérober 66000 euros. Les fraudeurs auraient agi en janvier et février, profitant de l’obsolescence du système informatique. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
La semaine de J.A. Décryptage
14
Le grandinvité
de l’économie
BRUNO LEVY POUR J.A.
Nommé en septembre 2012 à la tête de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, Carlos Lopes a rejoint l’ONU en 1988. Cet économiste spécialisé dans le développement et la planification a publié une vingtaine de livres et enseigné dans de nombreuses universités, notamment au Brésil.
Carlos Lopes « L’Europe ne tient pas compte de l’avenir de l’Afrique » Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, l’économiste bissau-guinéen s’oppose aux accords de partenariat en cours de signature avec l’Union européenne.
D
e retour de Bruxelles où il participait au quatrième sommet Union européenne-Afrique (lire pp. 8-10), Carlos Lopes était l’invité du rendez-vous mensuel de RFI et Jeune Afrique. Chantre de l’industrialisation à partir des matières premières locales, cet économiste bissau-guinéen inscrit de nombreux sujets en tête des priorités de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), organisme qu’il qualifie de « boîte à idées du continent », qui emploie 1 400 fonctionnaires et publie une centaine de rapports par an. L’intégration régionale « Il faut confronter les dirigeants politiques aux faits. Nous allons donc lancer, en 2015, un indice de l’intégration afin de montrer qui sont les premiers et les derniers en matière de coopération régionale. Les chiffres utilisés jusqu’à présent
ne concernent que le commerce, c’est insuffisant. Des transactions sophistiquées, comme les services financiers ou le roaming [appels téléphoniques transfrontaliers], n’apparaissent pas dans les statistiques commerciales. »
africain ne sont pas protégées. Ces accords ne tiennent pas compte de ce que sera l’Afrique dans vingt ans : un continent industrialisé. Enfin, les APE doivent être cohérents entre les différentes sousrégions pour ne pas empêcher le développement d’un marché africain intégré. »
Un sommet sur la Centrafrique ? « C’est vrai que la crise centrafricaine a États, engagez-vous ! été le principal objet de débat du sommet « L’industrie est en recul en Afrique, de Bruxelles. Cela n’est pas anodin et se mais nous sommes actuellement à un répète souvent dès qu’il y a un sujet chaud, tournant, avec un engagement nouveau y compris lors des sommets de l’Union des États du continent. Des pays comme africaine. Mais en coulisses, il y a aussi l’Éthiopie et le Rwanda, par exemple, eu des négociations assez serrées sur les ont des taux de croissance supérieurs accords de partenariat éconoà la moyenne africaine, alors mique [APE] et, plus largement, qu’ils n’ont pas beaucoup de sur les questions commerciales, ressources naturelles. C’est une les migrations, le changement affaire de volonté politique: ces climatique et les objectifs de pays se sont dotés de dispositifs RETROUVEZ développement post-2015. » de décision et d’institutions l’intégralité de l’interview sur cohérentes qui leur permettent jeuneafrique.com La question des APE d’avancer. » « Ce n’est pas un hasard si on négocie depuis douze ans. L’APE annoncé Les oubliés de la croissance avec la Cedeao [Communauté écono« Les petits pays ne s’en sortiront pas mique des États de l’Afrique de l’Ouest] sans intégration régionale. C’est l’idée de pose plusieurs problèmes. Il y aura une locomotive : l’Afrique a besoin de pôles aide de l’Union européenne de 6,5 milde croissance, de grands pays, de grandes liards d’euros [pour la période 2015-2020], villes, reliés aux plus petits par des infrasce qui est inférieur aux montants actueltructures performantes. » l lement reçus… Ensuite, les productions Propos recueillis par FRÉDÉRIC MAURY (J.A.) qui compteront pour le développement et FRÉDÉRIC GARAT (RFI)
Éco d’ici, éco d’ailleurs, tous les premiers samedis du mois sur RFI à 12 h 10* N 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014 O
* heure de Paris, 10 h 10 TU JEUNE AFRIQUE
L
a mort d’Awa Fadiga a ému toute la Côte d’Ivoire. Le 23 mars, ce mannequin avait été agressé à l’arme blanche par un chauffeur de taxi. Emmenée aux urgences du centre hospitalier de Cocody, elle avait succombé à ses blessures deux jours plus tard, faute d’avoir été prise en charge par le personnel de l’établissement – et d’avoir payé les frais médicaux, selon ses proches –, ce que l’hôpital dément. Depuis, cette frêle jeune femme de 23 ans est devenue une icône de la lutte contre la maltraitance des patients. Trop tôt interrompue, la vie d’Awa Fadiga n’aura pas été un long fleuve tranquille. Née en 1991 à Touba, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, elle arrive très jeune à Abidjan, où elle fréquente l’école primaire Roland-Cissé, dans le quartier d’Adjamé. Orpheline et élève peu brillante, elle est élevée par sa tante, qui se charge de compléter son éducation en l’introduisant auprès de maîtres couturiers, qui, pendant trois ans, lui apprennent les rudiments du métier. La mode, déjà…
ETOILE D’AFRIQUE
DÉCLIC. Parallèlement,
la belle Awa, dénuée de diplôme mais pas de détermination, participe à des concours de miss interquartiers… qu’elle remporte systématiquement. C’est en 2006 que vient le déclic. Elle s’inscrit à Océane Agence, à Abidjan, pour y suivre une formation en mannequinat. Trois ans plus tard, elle est recrutée comme p La jeune femme de 23 ans hôtesse d’accueil par une a été agressée à l’arme blanche agence événementielle. par un chauffeur de taxi. Puis, après une expérience de vendeuse dans un magasin de mode à Adjamé au lendemain de la crise postélectorale de 2010 – pour avoir un emploi à plein temps –, elle intègre l’agence de mannequinat Étoile d’Afrique. La consécration pour ce top-modèle de 1,70 m et 55 kg ? Pas forcément. Si Awa Fadiga enchaîne castings et tournages de publicités pour des sociétés d’assurances ou des opérateurs de téléphonie, la jeune femme, qui fait partie d’un club de soutien au président Alassane Ouattara, a d’autres projets. Elle avait récemment ouvert une boutique de lingerie – qui n’a pas eu le temps de prospérer – et rêvait de cinéma. En 2013, elle avait achevé une formation de comédienne. Hélas, le film a brusquement pris fin, le 25 mars, à 7 heures du matin. l
« Les Femen m’ont aidée en Tunisie, mais certaines choses me déplaisent chez elles. Je ne cautionne pas leurs actions dans les églises ou les mosquées. Et je trouve bizarre qu’il n’y ait pas [parmi elles] de filles noires, ou bien des grosses. Je n’aime pas l’idée de ce casting. » AMINA SBOUI Féministe tunisienne
« Avec le président, j’aurai des relations normales. » SÉGOLÈNE ROYAL Ministre française de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie
« À 53 ans, je suis devenu un homme plus patient, plus conscient des injustices dans le monde. Mais je suis probablement moins malin et surtout incapable de travailler 48 heures sans m’arrêter. » BILL GATES Philanthrope américain
« Le malheur des Algériens vient d’une gouvernance autiste et de la corruption pratiquée comme un sacerdoce. » YASMINA KHADRA Écrivain algérien
« L’Europe est une puissance en voie de déclassement. Les Africains feraient mieux de regarder ailleurs s’ils veulent tracer pour euxmêmes de nouveaux chemins. » ACHILLE MBEMBE Historien et philosophe camerounais
ISSIAKA N’GUESSAN, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
VINCENT FOURNIER/J.A.
Qui était Awa Fadiga, ce mannequin tragiquement décédé à l’hôpital de Cocody ? Retour sur une trajectoire brusquement brisée.
15
VINCENT FOURNIER/J.A.
Côte d’Ivoire Étoile filante
FETHI BELAID/AFP PHOTO
ILS ONT DIT
La semaine de J.A. Décryptage
Ebola C’est grave, docteur? Une épidémie « sans précédent » pour MSF, limitée pour l’OMS… Et, pour Conakry, un tapage médiatique qui nuit à son image.
C
p Campagne de prévention, le 31 mars, dans la capitale guinéenne.
graves encore. C’est très gênant et, surtout, nous nous demandons quel est l’intérêt », déclare un proche conseiller du président Alpha Condé. PEUPLÉE. Mais MSF campe sur ses
positions. Contacté par J.A., le Dr Bart Janssens, directeur des opérations, explique : « Il n’y a pas que le nombre de cas qui compte. Ce qui donne une dimension particulière à cet épisode, c’est sa complexité. Le virus a été détecté sur plusieurs sites, dont Conakry, une ville densément peuplée, et dans au moins un deuxième pays, le Liberia. »
LE DESSIN DE LA SEMAINE
L’enjeu est de taille pour la Guinée. Car au-delà du bilan humain, il faut aussi gérer les dégâts en termes d’image. Le 29 mars, le Sénégal a fermé ses frontières avec la Guinée. L’Arabie saoudite a suspendu l’octroi de visas aux pèlerins originaires des pays touchés. Dans la foulée, le Maroc et la France ont annoncé le renforcement des contrôles sanitaires dans leurs aéroports. Et le bilan économique risque aussi de s’alourdir. Alors que les commerces tournent au ralenti dans le sud du pays, certaines compagnies minières pensent déjà à rapatrier une partie de leurs équipes. l HABY NIAKATE Turner • The Irish Times • Irlande CLIMAT ÇA VA CHAUFFER
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
LE GROUPE intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) tire le signal d’alarme ! Dans leur dernier rapport, les experts de l’ONU confirment, sur plus de 2 500 pages, l’impact négatif du réchauffement climatique « sur tous les continents et dans les océans, notamment dans les pays du Sud ». Un constat très pessimiste qui n’a pourtant provoqué aucune réaction des grands responsables politiques de la planète. Peut-être ont-ils préféré croire à un poisson d’avril… JEUNE AFRIQUE
YOUSSOUF BAH/AP/SIPA
’
est un petit couac qui a failli passer inaperçu. Le 31 mars, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) publie un communiquédepressealarmantsurl’évolution de l’épidémie d’Ebola en Guinée, qu’elle qualifie de « sans précédent ». Des termes et un ton qui n’ont visiblement pas plu à tout le monde… Le lendemain, Gregory Hartl, porteparole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), relativise : « C’est encore relativement restreint. Les plus grandes épidémies représentent plus de 400 cas », alors que 137 cas suspects et 86 décès ont pour l’heure été recensés en Guinée. Sur Twitter, il interpelle l’association : « @MSF, n’exagérez pas. L’Ebola peut avoir un taux de mortalité de 90 % mais dans ce cas précis il est de moins de 67 %. » Du côté des autorités guinéennes, l’influence de certaines ONG sur le traitement médiatique de la crise commence à agacer… « Le gouvernement communique dans une totale transparence et en collaboration avec les partenaires internationaux. Et pourtant, nous avons l’impression que certains font dans la surenchère, alors que d’autres pays ont, dans le passé, connu des épidémies plus
THE NEW YORK TIMES SYNDICATE
16
17
Hommes-femmes Le choc des égaux
Cette semaine, à la une :
Galaxie
Scolarisation, divorce, héritage… Les discriminations entre les sexes ont tendance à régresser. Sinon dans les faits, du moins dans les mentalités, selon une enquête d’Afrobaromètre.
C
’
est bien connu, il y a souvent à la police. La palme de la discrimination loin du discours aux actes. revient aux chefs et autres leaders tradiMais peut-être davantage tionnels, qui, pour 41 % des personnes interrogées, font preuve d’iniquité, notamencore lorsqu’il est quesment en Côte d’Ivoire (selon 60 % des tion de lutte contre les discriminations sondés), au Maroc (59 %) et au Mali (57 %). à l’encontre des femmes. L’organisme Afrobaromètre, qui coordonne une série de sondages dans 34 pays du continent, a ÉTUDIANTES. En Afrique de l’Ouest, le publié le 27 mars une enquête sur le sujet, taux de scolarisation des femmes est de réalisée auprès de 50 000 personnes. 10 % inférieur à celui des hommes. Pour Certes, globalement les Africains les études supérieures, c’est l’Afrique du – hommes et femmes, tous pays confonNord qui est à la traîne, avec un écart de dus – se disent à 72 % favorables à l’éga7 % en défaveur des étudiantes. lité entre les sexes. Un chiffre en progression de 5 % par rapEmployeurs, policiers, juges, port à une précédente enquête chefs traditionnels ont encore effectuée dans 15 pays en 2002. Mais à y regarder de plus près beaucoup de progrès à faire… la réalité est moins reluisante en Afrique du Nord, où seuls 50 % des Motif d’espoir peut-être, la réduction sondés se disent prêts à accepter que des inégalités hommes-femmes est, à en des femmes accèdent à des fonctions croire 59 % des sondés, un objectif que dirigeantes, contre 69 % en Afrique de leurs gouvernements prennent plutôt l’Ouest et 74 % en Afrique de l’Est. Sur bien en compte. Un taux de satisfaction certains sujets, comme le divorce ou qui atteint 88 % à Maurice, champion du l’héritage, les mentalités nord-africaines continent des politiques antidiscriminarestent très conservatrices (graphique). toires, et 81 % au Liberia, présidé par Ellen Dans leur vie quotidienne, les Africaines Johnson Sirleaf. L’Égypte et le Nigeria sont se heurtent toujours à de nombreuses quant à eux en queue de peloton : 65 % de discriminations. Ainsi, 40 % des sondés leurs ressortissants interrogés estiment estiment que les femmes sont traitées de qu’ils n’encouragent pas suffisamment manière inéquitable par leurs employeurs, la promotion des femmes et leur accès 33 % affirmant qu’elles sont également à l’autonomie. l lésées dans leurs droits face à la justice ou CHRISTOPHE LE BEC
Groupes islamistes armés, rebelles touaregs, milices d’autodéfense : au NordMali, qui est qui ?
Flashez ce code QR pour découvrir ce who’s who
Application
Une entreprise mauricienne a créé des émojis africains. À vos téléphones !
Carte interactive
Ebola
quarante années d’épidémies sur le continent
Une égalité loin de faire l’unanimité dans le nord de l’Afrique* La part de l’héritage pour une femme ne devrait pas être égale à celle d’un homme 43%
40%
*Sondage réalisé en 2013 dans 5 pays (Algérie, Égypte, Maroc, Soudan et Tunisie). JEUNE AFRIQUE
BSIP
Femmes et hommes ne devraient pas avoir les mêmes droits dans la prise d’une décision de divorce
74%
SOURCE : AFROBAROMÈTRE
Une femme ne peut pas devenir Premier ministre ou présidente d’un pays musulman
Flashez ce code QR
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
La semaine de J.A. Tour du monde CHILI
Double peine
ANJUM NAVEED/AP/SIPA
18
p Partisans de l’ancien président manifestant devant le tribunal d’Islamabad. PAKISTAN
Peine de mort pour Musharraf?
P
ourquoi diable Pervez Musharraf (70 ans) s’est-il jeté dans la gueule du loup ? Renonçant à son exil doré à Londres et à Dubaï, l’ancien président destitué en 2008 a pris le risque insensé de rentrer au Pakistan en mars 2013 et d’annoncer son intention de participer aux élections générales du mois de mai suivant afin de « sauver » son pays de la crise économique et du terrorisme islamiste. Las, la justice s’est empressée d’invalider sa candidature et de l’assigner à résidence. En novembre, le Premier ministre, Nawaz Sharif, son ennemi juré, a même constitué un tribunal spécial chargé de le juger. Pour haute trahison. Plusieurs fois reporté en raison du mauvais état de santé de l’accusé (qui souffre de sérieux problèmes cardiaques), le procès s’est ouvert le 31 mars à Islamabad. La juge Tahira Safdar a confirmé le chef d’inculpation. Il est reproché à Musharraf d’avoir, en 2007, décrété l’état d’urgence, suspendu la Constitution et limogé des juges. Il risque la peine de mort. On ne sait comment les militaires vont réagir à l’éventuelle condamnation de celui qui fut leur chef.
CORÉES
Le langage des obus TOUS LES ANS, c’est la même chose. De février à avril, les troupes américaines et sud-coréennes procèdent à des exercices conjoints et, aussitôt, la tension monte. Après diverses provocations et le tir d’une salve de missiles à courte portée, la Corée du N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Nord a, le 31 mars, lancé cinq cents obus sur l’île sud-coréenne de Baengnyeong, en mer Jaune. Séoul a répliqué par trois cents obus. L’échange n’a, pour l’instant, pas fait de victimes. En 2010, le bombardement nord-coréen de l’île de Yeonpyeong, dans la même zone limitrophe disputée par les deux pays, avait fait quatre victimes et une vingtaine de blessés.
LE CHILI A ÉTÉ FRAPPÉ, le 1er avril, par un séisme de magnitude 8,2, puis par un début de tsunami. Quelque 975 000 personnes vivant sur la côte pacifique (4 000 km au total) ont dû être évacuées. On recense officiellement six morts dans les villes d’Iquique et d’Alto Hospicio (Nord). Les sinistrés commençaient à rentrer chez eux quand, vingtquatre heures plus tard, une réplique de magnitude 7,6 s’est produite. Venue évaluer les dégâts dans la ville d’Arica, la présidente, Michelle Bachelet, a été précipitamment évacuée.
Le chiffre
7 MILLIONS … ET MÊME UN PEU plus : le nombre d’Américains ayant souscrit une assurance maladie dans le cadre de l’Obamacare, la réforme du système de santé imposée – avec quelles difficultés ! – par le président américain. Ils avaient jusqu’au 31 mars pour le faire. UKRAINE-RUSSIE
Gaz de combat LES NÉGOCIATIONS SUR les livraisons de gaz russe à l’Ukraine se sont ouvertes le 3 avril sous de détestables auspices. Le jour même, Dmitri Medvedev a fait savoir que le rabais de 100 dollars (73 euros) par mètre cube consenti en 2010 au voisin du Sud en échange de la prolongation du bail de la flotte russe mouillant à Sébastopol était abrogé. Et que l’Ukraine paierait désormais son gaz au prix fort : 485 dollars les 1 000 m3. Il est vrai que, depuis, Sébastopol et la Crimée ont été annexés et que le bail n’a de facto plus de raison d’être. « L’énergie ne doit pas être utilisée comme une arme », s’est étranglé John Kerry, le secrétaire d’État américain. Cause toujours ! JAPON
Feu vert pour les ventes d’armes LE 1 ER AVRIL, LE JAPON a levé l’interdiction que, pour des raisons morales, il s’imposait à lui-même depuis JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Jesus Blasco de Avellaneda • Reuters
ESPAGNE-MAROC
Drôle de jeu à Melilla DES MIGRANTS SUBSAHARIENS tentent de franchir clandestinement la clôture interdisant l’accès de l’enclave espagnole de Melilla, sur la côte marocaine, le 3 avril. Ils sont repérés par la Guardia Civil et rebroussent chemin. Le moins rapide est alpagué par un policier qui, perché sur une échelle, tente de le ramener à terre pour l’arrêter. Ses compagnons s’efforcent au contraire de le hisser pour lui permettre de s’échapper.
cinquante ans d’exporter des armes et du matériel militaire. En levant cet autoembargo, le gouvernement de Shinzo Abe contrevient à la Constitution d’inspiration pacifiste imposée en 1947 par le vainqueur américain. Il est vrai que, depuis, la donne a radicalement changé. Face à la montée en puissance de la Chine, Abe souhaite intégrer son pays dans un système de défense collectif aux côtés… de ces mêmes Américains. CANAL DE PANAMÁ
Combien ça coûte? SUSPENDUS EN DÉBUT d’année en raison de problèmes financiers, les travaux d’élargissement du canal de Panamá n’avancent qu’à 60 % de leur rythme normal, a annoncé le 2 avril Jorge Quijano, l’administrateur de l’ouvrage. Le retard accumulé a un prix : 300 millions de dollars (218 millions d’euros) par an. L’inauguration est prévue en janvier 2016. La lenteur des JEUNE AFRIQUE
travaux nourrit les critiques de l’opposition panaméenne, dont le leader, Juan Carlos Navarro, jure qu’il fera du canal sa priorité s’il est élu à la présidence, le 4 mai.
en faveur de l’Asie, les États-Unis discutent actuellement avec les Philippines d’un renforcement de leur coopération militaire. BRÉSIL
PHILIPPINES
Plainte contre la Chine LES PHILIPPINES ONT, le 31 mars, déposé auprès du tribunal arbitral des Nations unies une plainte contre la Chine. En cause : les îles Spratly, en mer de Chine méridionale, une zone riche en poissons et en hydrocarbures. La veille, un bateau philippin avait tenté de forcer un barrage de patrouilleurs chinois interdisant le ravitaillement d’un îlot. Pour la Chine, aucun doute : les Philippines violent la « ligne en neuf traits », qui, depuis 1947, délimite leur territoire maritime. Dans le cadre du rééquilibrage de leur politique étrangère
L’agence qui soufflait le froid L’AGENCE DE NOTATION financière Standard and Poor’s, dont le siège est à Washington, a abaissé d’un cran la note de solvabilité du Brésil (de BBB à BBB–), le 24 mars, en regrettant la faiblesse de sa croissance économique (7,5 % en 2010, 2,3 % de 2011 à 2013) et le « dérapage » de son budget. « Le Brésil va bien et ira mieux encore à l’avenir », a répliqué la présidente Dilma Rousseff, qui a insisté sur les bons résultats obtenus dans la lutte contre l’inflation. En dix ans, celle-ci n’a jamais dépassé le seuil fixé par le gouvernement (6,5 %). N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
19
20
Grand angle
q Au mémorial du génocide, dans la capitale rwandaise, des centaines de photos de victimes sont exposées.
Renaître
VINGT ANS APRÈS…
à Kigali
6 avril 1994-6 avril 2014: alors que la communauté internationale peine encore à examiner ses propres responsabilités dans le génocide des Tutsis, les Rwandais s’efforcent de transcender les passions meurtrières pour bâtir une nouvelle nation. Avec comme unique mot d’ordre: plus jamais ça.
le pardon des organisateurs et des concepteurs du projet raciste d’extermination qui mena au génocide. Mais le dépassement des passions du passé est une obligation si le Rwanda veut se reconstruire. Cette renaissance, évidente pour tous ceux qui connaissent ce pays, se fait certes au forceps, de façon autoritaire, et sans doute faudra-t-il évoluer, ou plutôt laisser évoluer les dirigeants de Kigali, lesquels répètent à qui veut l’entendre que ceux-là mêmes qui se refusèrent à intervenir pour faire cesser le génocide n’ont aucun droit de s’ingérer dans leur gouvernance, encore moins de les juger. L’heure est venue aussi pour les puissances politiques ou morales d’examiner enfin leurs propres responsabilités dans les causes et le déroulement du génocide rwandais. Le Vatican, bien sûr, dont on attend toujours le mea culpa, la Belgique, les ÉtatsUnis, l’ONU, mais surtout la France. Si la justice de l’Hexagone commence à peine à jouer son rôle, il reste à ceux qui étaient aux affaires à l’époque, entre 1990 et 1994, à regarder en face cette page d’Histoire, si tragique fut-elle. Ce vingtième anniversaire leur en donnera-t-il l’occasion ? Quand on sait que ce travail d’autocritique mémorielle reste encore à faire, en France, pour la période coloniale et les guerres de décolonisation, on peut FRANÇOIS SOUDAN hélas en douter… l
JOHN GREEN/AP
G
énocide. Néologisme forgé il y a soixante-dix ans sur les cendres de la Shoah par Raphaël Lemkin, juriste polonais réfugié aux États-Unis, à partir de deux mots : le grec genos (genre, espèce) et le latin caedere (tuer, massacrer). Être tué pour ce que l’on est du fait de sa naissance, dans le cadre d’un plan concerté d’extermination. Si la solution finale fut arménienne, juive, herero, assyrienne, elle fut aussi rwandaise. Vingt ans après, le dernier des génocides de l’Histoire contemporaine continue de hanter le pays des Mille Collines et des mille fosses communes. Comment en serait-il autrement? Le massacre des Tutsis du Rwanda fut le plus rapide et le plus dense de tous les génocides : un million de morts en cent jours, soit dix mille par jour, sept par minute. Le seul, aussi, à être populaire puisque 60 % de la population rwandaise de 1994, manipulée par une machine politique extrémiste, y a participé. Le seul, enfin, à être consanguin puisqu’il déchira deux communautés, hutue et tutsie, en réalité deux catégories sociales que la colonisation avait érigées en ethnies rivales, mais qui partagent la même langue, la même culture et les mêmes patronymes. Vingt ans après, l’heure est venue des retrouvailles du peuple rwandais. En aucun cas elles ne sauraient se fonder sur l’oubli ou
22
Grand angle Vingt ans après…
ENTRETIEN
Paul Kagamé
Du génocide à la « rwandité »
Démocratie, justice, France, Afrique du Sud, RD Congo, présidentielle de 2017… Le chef de l’État répond sans ambages à toutes les questions, même les plus polémiques.
J
Propos recueillis à Kigali par
«
FRANÇOIS SOUDAN
e ne vois pas comment ils auraient pu faire plus de progrès en vingt ans », souffle, admiratif, le Français Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, en visite fin mars à Kigali. Il est vrai que sur le plan du développement économique et humain, le Rwanda collectionne les places de choix dans tous les palmarès de bonne gouvernance. En 2015, ce pays de 12 millions d’habitants sera ainsi l’un des très rares en Afrique à avoir atteint la quasi-totalité des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) définis par les Nations unies. Quand on sait qu’il y a deux décennies le Rwanda était un vaste charnier à ciel ouvert et un pays économiquement exsangue, dont le tissu social avait fini par se dissoudre dans un tsunami de haines, la performance est en soi stupéfiante. Paul Kagamé, 56 ans, est le principal artisan de ce miracle. Mais cet homme de fer qui, après avoir gagné la guerre, a reconstruit le Rwanda est aussi, parce qu’il gouverne seul et sans partage, la cible unique et le seul dépositaire des critiques, parfois des anathèmes, que lancent tous ceux qui ne trouvent pas leur compte dans cette refondation. Opposants en exil, anciens compagnons devenus dissidents, « experts » inconsolables de la perte définitive d’un pion tardif sur l’échiquier de ce qui fut la Françafrique, mais aussi, plus récemment, voisins africains irrités par l’arrogance supposée de ce petit pays qui parle comme un grand et bailleurs de fonds contraints par le politiquement
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
correct de restreindre leur aide budgétaire (même si cette dernière est, pour une large part, aussitôt reconvertie en aide sectorielle) : la liste de ceux que Kagamé dérange est longue, quitte à diaboliser le chef de l’État rwandais et à le dépeindre en Machiavel des Grands Lacs. Cet entretien, au cours duquel Paul Kagamé s’exprime, comme à son habitude, sans aucun détour, a été recueilli le 27 mars à Urugwiro Village. Ce complexe aujourd’hui entièrement rénové, hautement sécurisé et ultraconnecté, au cœur de Kigali, abritait il y a vingt ans d’autres bureaux présidentiels : ceux de Juvénal Habyarimana. Jusqu’à un certain 6 avril 1994. JEUNE AFRIQUE : Vingt ans après le génocide, pensez-vous que le monde extérieur a enfin pris la mesure de ce qui s’est passé ici ? PAUL KAGAMÉ : Non, hélas. L’image qui prédo-
mine à l’extérieur est celle d’un génocide tombé du ciel, sans causes ni conséquences, et dont les responsabilités sont multiples, confuses et diluées. Une sorte d’épiphénomène. Cette incompréhension ne tient-elle pas au fait que ce génocide fut un génocide de proximité, unique dans l’Histoire contemporaine ?
Sans doute. Notre expérience est différente de celle des autres et cette spécificité a généré de notre part des réponses elles aussi spécifiques, parfois complexes à expliquer. Il ne faut pas oublier – même s’il s’agit encore aujourd’hui d’un sujet tabou – le rôle clé, dans les racines historiques mais aussi dans le déroulement du génocide, de ces mêmes puissances occidentales qui, aujourd’hui, JEUNE AFRIQUE
Renaître à Kigali définissent seules les règles de la bonne gouvernance et les normes de la démocratie. Elles aimeraient que le Rwanda soit un pays ordinaire, comme si rien ne s’était passé, ce qui présenterait l’avantage de faire oublier leurs propres responsabilités, mais c’est impossible. Prenez le cas de la France. Vingt ans après, le seul reproche admissible à ses yeux est celui de ne pas en avoir fait assez pour sauver des vies pendant le génocide. C’est un fait, mais cela masque l’essentiel : le rôle direct de la Belgique et de la France dans la préparation politique du génocide et la participation de cette dernière à son exécution même. Complicité ou participation ?
Les deux ! Interrogez les rescapés du massacre de Bisesero en juin 1994 et ils vous diront ce que les soldats français de l’opération Turquoise y ont fait. Complices certes, à Bisesero comme dans toute la zone dite « humanitaire sûre », mais aussi acteurs. L’autre difficulté de compréhension tient au fait que vous êtes un chef d’État très différent des autres. En avez-vous conscience ?
Je n’en sais rien. Si différence il y a, cela tient à mon expérience et à l’histoire très particulière de mon pays. Même si, en termes de développement et de gouvernance, nos défis sont ceux que rencontrent tous les Africains.
VINCENT FOURNIER/J.A.
Si vos réussites en matières économique et sociale sont unanimement saluées, il n’en va pas de même de la démocratie au Rwanda. Nombre d’observateurs estiment qu’il ne s’agit que d’une vitrine à l’usage des bailleurs de fonds et qu’une opposition est tolérée tant qu’elle ne menace pas la suprématie du Front patriotique rwandais (FPR). Que répondez-vous ?
JEUNE AFRIQUE
De quelle démocratie parlez-vous ? Si j’en crois ce que nous disent les Occidentaux, la démocratie concerne et implique le peuple: son expression, ses sentiments, son choix. Mais quand ici, au Rwanda, la population exprime librement son choix et son orientation, les mêmes rétorquent: non, vous vous trompez, ce que vous décidez n’est pas bon pour vous. Tant que nous ne nous coulons pas dans le modèle de démocratie qu’ils ont défini pour nous, nous sommes dans l’erreur. Cette attitude porte un nom: l’intolérance, le refus de la différence. Quand je vois qu’ailleurs en Afrique leur conception de la démocratie s’accommode parfaitement de la corruption, du tribalisme, du népotisme, voire du chaos, pourvu que les apparences soient préservées, je me dis que décidément, nous n’avons pas la même vision des choses. Pensez-vous une seconde que les réussites économiques et sociales que vous évoquez auraient pu être accomplies sans la participation des Rwandais et contre leur volonté? La dignité, l’unité, le droit d’entreprendre, N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
23
24
Grand angle Vingt ans après... d’être éduqué et soigné, l’intégrité sont autant de valeurs démocratiques. Nul n’est mieux placé que nous pour savoir ce que nous voulons et quels sont les moyens d’y parvenir. Il faudra bien que le monde extérieur s’y habitue, car nous n’allons pas changer. Votre mandat s’achèvera en 2017 et la Constitution vous interdit de vous représenter. Vous situezvous dans cette perspective ?
J’ai toujours dit que je respecterai la Constitution. Mais j’ajoute qu’une Constitution n’est rien d’autre que l’expression de la volonté du peuple à un moment et dans un contexte donné. Partout dans le monde, dans les vieilles démocraties comme dans les plus récentes, les lois fondamentales bougent, s’adaptent et s’amendent sans cesse dans l’intérêt des populations concernées. En sera-t-il de même au Rwanda ? C’est vraisemblable, je ne connais pas un seul pays où la Constitution soit immuable. À propos de la limitation des mandats présidentiels, par exemple ?
Sur ce point, sur un autre, je l’ignore. Ce n’est pas de moi qu’il s’agit et je ne suis pas le rédacteur de la Constitution. Pourquoi cette obsession autour de ma personne ? Ce que vous devez retenir est simple: je respecte et je respecterai la Constitution. Le reste ne me concerne pas.
Je ne conseille à personne de se mêler de nos affaires. Ce que je dis vaut pour l’Afrique du Sud, pour la Tanzanie ou pour la France.
sûre : in fine, si des propositions en ce sens me sont faites par les citoyens de ce pays, j’aurai à me déterminer. Je ferai alors connaître mon choix en fonction des circonstances et de toute une série de paramètres. Ce moment viendra quand je l’aurai personnellement décidé. Difficile de vous imaginer en retraité de 60 ans, assis dans votre ranch du lac Muhazi à surveiller vos vaches…
Et pourquoi pas ? Je m’imagine très bien ainsi. Depuis l’assassinat de Patrick Karegeya et l’attaque contre la villa de Kayumba Nyamwasa, deux opposants rwandais exilés en Afrique du Sud, vos relations avec Pretoria sont exécrables. Vous avez rencontré Jacob Zuma à Luanda le 25 mars. Que vous êtes-vous dit ?
Comment expliquez-vous que pas un seul Rwandais ne pense que vous allez quitter le pouvoir en 2017 ?
S’ils pensent cela, est-ce parce qu’ils estiment que je veux m’accrocher au pouvoir, ou est-ce l’expression d’un souhait de leur part ? Vous devriez leur poser la question… Une chose est
Nous n’avons pas parlé que de ce problème, mais nous l’avons, cela va de soi, abordé. Mon opinion
Le génocide en 10 dates 1er octobre 1990 La rébellion tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) lance une offensive militaire contre le Rwanda depuis l’Ouganda
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
4 août 1993 Un accord de paix et de partage du pouvoir est signé à Arusha (Tanzanie) entre le régime hutu extrémiste du président Habyarimana, l’opposition intérieure (Hutus modérés) et le FPR
6 avril 1994 L’avion du président Habyarimana est abattu par un missile alors qu’il s’apprête à atterrir à Kigali. Le pays bascule dans le génocide
7 avril 1994 Les principaux responsables de l’opposition au régime Habyarimana sont assassinés par l’armée rwandaise, ainsi que dix Casques bleus belges de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar)
9 avril 1994 Un gouvernement intérimaire exclusivement composé d’extrémistes hutus prête serment. Il va étendre le génocide des Tutsis à l’ensemble du pays JEUNE AFRIQUE
Renaître à Kigali gouvernement d’Afrique du Sud se rendra compte qu’il a beaucoup plus intérêt à nous écouter qu’à couvrir les agissements d’un groupe de délinquants. Des diplomates ont été expulsés de part et d’autre. Vont-ils revenir à leurs postes ?
Nous sommes en train de les remplacer. Vos rapports avec l’Afrique du Sud étaient excellents pendant les années Mandela et Mbeki. Ils se sont dégradés depuis l’arrivée de Jacob Zuma. Est-ce parce que ce dernier semble avoir fait le choix d’une alliance stratégique avec la RD Congo ?
KOPANO TLAPE/AFP
Je ne peux pas répondre à sa place. Une chose est sûre : je ne conseille à personne de se mêler de nos affaires intérieures. Ce que je dis vaut pour l’Afrique du Sud, mais aussi pour la Tanzanie, la France, la Belgique, les médias et les ONG qui prennent un malin plaisir à souffler sur les braises.
est claire: obtenir l’asile dans un État implique une obligation de réserve et l’interdiction d’y mener des activités subversives contre son pays d’origine. Ce n’est donc pas le droit d’asile en tant que tel que je remets en question, mais la latitude, voire les complicités à haut niveau, dont disposent ces auto-exilés en Afrique du Sud pour déstabiliser le Rwanda et prôner le terrorisme. Cela, nous le répétons depuis longtemps.
p Avec le président sud-africain, Jacob Zuma (à g.), lors d’un sommet des chefs d’État sur la région des Grands Lacs, à Luanda, le 14 janvier 2014.
Évidemment. Dossiers à l’appui. Ces gens ont été poursuivis et condamnés au Rwanda.
À tort. Encore faudrait-il que les Sud-Africains ne donnent pas l’impression fâcheuse d’être, eux, partiaux. Je veux croire qu’avec le temps le
JEUNE AFRIQUE
21 avril 1994 Par sa résolution 912, le Conseil de sécurité de l’ONU réduit les effectifs de la Minuar de 2 500 à 270 hommes. Quelques jours plus tôt, la Belgique a décidé de retirer tous ses Casques bleus du Rwanda
Il est vrai que vous n’y êtes pas allé de main morte…
Karegeya, Nyamwasa mais aussi l’ancien procureur général Gerald Gahima et votre ex-chef de cabinet Théogène Rudasingwa furent très proches de vous avant de devenir vos adversaires résolus. Cela vous inquiète, ces gens qui vous quittent avec leurs secrets ?
Mais Pretoria estime que votre justice n’offre pas toutes les garanties d’impartialité…
9-14 avril 1994
Aucune. Il n’y a rien, aucun élément, qui relie ces faits à l’État rwandais. Les autorités sud-africaines ont parlé de preuves: où sont-elles? La seule chose qu’elles nous reprochent réellement, ce sont mes propres déclarations à ce sujet.
Cela vous étonne ? Je dis toujours ce que je pense. Pourquoi voudrait-on que nous pleurions le sort d’un homme qui a commandité des attentats meurtriers à la grenade ? Et peu m’importe si cela excite les journalistes.
Aviez-vous demandé aux autorités sud-africaines l’extradition de Karegeya et Nyamwasa ?
Des militaires belges, français et italiens procèdent à l’évacuation de l’ensemble des ressortissants étrangers présents dans le pays
Quelle est votre part de responsabilité dans l’assassinat de Karegeya et l’attentat contre Kayumba ?
Quels secrets ? Des secrets compromettants pour eux peut-être ? Ces personnes ont exercé l l l
11-12 mai 1994 Le hautcommissaire des Nations Unies aux droits de l’homme effectue une mission à Kigali. Il prononce le mot « génocide »
22 juin 1994 Sur proposition de la France, la résolution 929 du Conseil de sécurité de l’ONU autorise une intervention armée humanitaire au Rwanda pour une durée de deux mois afin de protéger les civils et d’assurer la distribution de l’aide humanitaire (opération Turquoise)
17 juillet 1994 Après avoir pris le contrôle de Kigali et de Butare le 4 juillet, le FPR s’empare de Ruhengeri et de Gisenyi (Nord) et déclare la fin de la guerre N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
25
26
Grand angle Vingt ans après... l l l des responsabilités militaires, sécuritaires, judiciaires ou politiques au sein du FPR, sous mon commandement. Parler d’elles en termes de proximité personnelle avec moi n’a donc pas de sens. Quant à leurs secrets, vous les avez entendus, ces gens ont depuis longtemps dit tout ce qu’ils avaient à dire, et hormis des stupidités, il n’y a rien. Ce que je remarque, c’est que tant qu’ils étaient en activité ici, jamais, à aucun moment, ils n’ont exprimé le moindre désaccord avec moi. Leur opposition est apparue le jour où ils ont été relevés de leurs fonctions, pour des motifs qui n’avaient rien de politique.
L’ex-général Nyamwasa souhaite être entendu par le juge français Trévidic à propos de l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana. Il prétend détenir des preuves de la culpabilité du FPR.
Quelles preuves ? Celles de sa propre participation à l’attentat ? S’il est celui qui a abattu l’avion, très bien. Qu’on l’arrête et qu’on le juge. Le président tanzanien, Jakaya Kikwete, votre voisin à l’est, a suscité votre courroux en recommandant l’instauration de négociations entre vous et vos opposants, y compris les Forces démocratiques de libération du Rwanda [FDLR, milices hutues]. Vous n’admettez pas les conseils?
Ce que je n’admets pas, c’est l’ingérence. Il n’est pas acceptable que Jakaya Kikwete et des membres de son gouvernement s’associent de quelque façon que ce soit avec des génocidaires. Il n’y a aucune raison pour cela. Or, ils le font, et depuis assez longtemps. C’est une politique à l’égard du Rwanda qui prend d’autres formes négatives, par exemple l’expulsion massive de milliers de Rwandais vivant en Tanzanie depuis des décennies et même de citoyens tanzaniens confondus avec des Rwandais et que nous sommes obligés de leur renvoyer. Pourquoi agir de la sorte, alors que nous faisons partie de la même communauté d’Afrique de l’Est ? Pourquoi ne pas discuter des problèmes avant de prendre des mesures aussi brutales ? J’ai entendu l’autre jour le ministre tanzanien des Affaires étrangères justifier leur complicité avec les FDLR en expliquant que son pays avait une longue tradition d’accueil des combattants de la liberté. C’est à la fois ridicule et tragique. De quoi se mêle-t-il ? Le Rwanda n’est pas son affaire. En RD Congo, les forces de l’ONU et le gouvernement de Kinshasa ont promis d’en finir avec les FDLR après avoir neutralisé la rébellion du M23. Y croyez-vous ?
Non. Mais je ne demanderais pas mieux que de me voir démontrer que j’ai tort. La Monusco s’appuie sur une brigade spéciale d’intervention constituée de troupes sud-africaines, N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
p Miliciens hutus des FDLR non loin de Pinga, dans le Nord-Kivu (est de la RD Congo).
tanzaniennes et malawites. Son rôle a été décisif contre le M23. Ne pourrait-il pas l’être aussi contre les FDLR ?
J’ai surtout l’impression que cette brigade a été créée pour défendre les FDLR. La considérez-vous comme une menace pour le Rwanda ?
Cela découle de ce que je viens de vous dire. Le numéro deux des FDLR a récemment déclaré que son mouvement souhaitait déposer les armes. Faut-il le prendre au sérieux ?
Je n’en sais rien. Si c’est exact, tant mieux. Parmi ces miliciens, les chefs sont pour la plupart des génocidaires avérés, mais le gros de la troupe est constitué de jeunes qui n’ont pas connu le génocide ou n’y ont pas participé. Ne faut-il pas faire la différence entre les uns et les autres ?
Qu’il y ait une différence, cela va de soi. Mais qu’est-ce que cela change ? Pour tous, la solution est la même : le retour organisé au Rwanda, à travers un processus de réinsertion qui fonctionne JEUNE AFRIQUE
Renaître à Kigali
Sur la bonne voie 1993
2013
PIB par habitant (en $)
724 245
Inflation (en %)
14,9
5,7
Population (en millions)
LIONEL HEALING/AFP
11
La réintégration, donc. Mais sans négociation préalable.
Négocier quoi ? L’innocence ou la culpabilité de tel ou tel ? La justice ? Il n’y a rien à négocier. L’ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu, en exil en Belgique, demande l’ouverture d’un dialogue national sur l’avenir du Rwanda. Que lui répondez-vous ?
Pourquoi demande-t-il cela depuis l’étranger ? Il a été candidat à la présidentielle de 2003, il a perdu, il est allé s’installer en Belgique sans que nul ne l’y oblige et il voudrait qu’on négocie avec lui par téléconférence ? Ce n’est pas sérieux. Lui souhaite rentrer. Mais votre ambassade lui a, dit-il, refusé le renouvellement de son passeport rwandais.
Qu’il vienne à Kigali avec son passeport belge, où est le problème ? Il s’adressera ensuite aux services compétents. JEUNE AFRIQUE
C’est très simple. Le but de cette campagne est de mettre l’accent sur ce qui nous unit, la « rwandité », et de faire disparaître ce qui nous divise et qui a causé le génocide : le communautarisme. Tout en respectant, bien sûr, notre diversité. Dans ce cadre et dans cet objectif, celles et ceux qui, par commission ou par omission, ont des choses à se reprocher par rapport au génocide trouvent là l’occasion d’exprimer leurs regrets et leur attachement au nouveau Rwanda. Nous ne forçons évidemment personne à faire cette démarche, qui s’effectue sur une base purement volontaire et individuelle. Le fait qu’à l’extérieur des groupes exploitent cette campagne dans le sens que vous dites n’a rien de surprenant. L’ethnicisme étant leur fonds de commerce, il faut bien qu’ils le défendent. Si l’on en croit les statistiques officielles, 772 cas d’apologie du génocide ont été portés devant la justice au Rwanda en 2012 et 2013, soit 25 % de plus que lors des deux années précédentes. N’est-ce pas préoccupant ?
7,6
Non. Car cela signifie que nous ne cachons rien. Nous n’améliorerons pas la réalité des choses en la masquant. On n’efface pas une telle idéologie en vingt ans. C’est un combat de tous les jours.
Espérance de vie (en années)
63
depuis quinze ans et par lequel sont déjà passés près de dix mille d’entre eux.
Vous avez lancé il y a six mois une campagne intitulée Ndi Umunyarwanda (« Je suis rwandais »), interprétée par votre opposition comme un moyen de culpabiliser, voire d’humilier, la communauté hutue. De quoi s’agit-il ?
27 Taux d’inscription à l’école primaire (%)
82 1999
99 2013 SOURCES : FMI, BANQUE MONDIALE
Pensez-vous qu’un jour il n’y aura plus dans ce pays ni Tutsis, ni Hutus, ni Twas, mais seulement des Rwandais ?
Encore une fois, je l’ignore. Mais ce que je redis, c’est que la « rwandité » que nous prônons n’est pas la négation des diversités. On peut se revendiquer Tutsi, Hutu ou Twa, mais à condition que ce ne soit pas au détriment des autres. C’est tout et c’est clair. Votre position très critique à l’encontre de la Cour pénale internationale [CPI] a-t-elle évolué ?
Hélas non. Et chaque jour, chaque année me donne raison. Rien n’a changé dans le fonctionnement de cette Cour, dont le rôle se résume à ne poursuivre que des Africains. Pourtant, la procureure est une Africaine, Fatou Bensouda…
Cela n’a aucune importance. Beaucoup d’Africains servent des intérêts qui ne sont pas les leurs. Ce n’est pas une affaire de couleur de peau. Pourquoi, alors, avez-vous facilité la livraison à la CPI de l’ex-général congolais Bosco Ntaganda ?
Nous n’avons rien facilité, encore moins organisé. Ntaganda s’est livré volontairement à l l l N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
27
Grand angle Vingt ans après...
KENZO TRIBOUILLARD/AFP
28
l’ambassade des États-Unis à Kigali afin de se rendre devant la Cour. Nous n’avons rien à voir, ni avec lui ni avec son cas. Notre rôle s’est limité à autoriser son départ du territoire rwandais. lll
Pascal Simbikangwa vient d’être condamné à Paris à vingt-cinq ans de prison pour génocide. Peut-on dire que la France n’est plus un refuge pour les génocidaires rwandais présumés ?
Nous verrons ce qu’il adviendra de cette condamnation en appel. Pour le reste, je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une évolution particulièrement positive. Pour un criminel condamné après vingt ans, combien la justice française en a-t-elle escamoté ? Nous ne sommes pas dupes de ce petit jeu. On nous présente cette sentence comme un geste, presque comme une faveur de la France à l’égard du Rwanda, alors que c’est le rôle de la France dans le génocide qu’il conviendrait d’examiner. Où en sont vos relations avec les États-Unis ? Depuis le départ de Hillary Clinton et le changement de poste de Susan Rice, il semble que vous ayez perdu vos deux principaux soutiens à Washington. Résultat : le département d’État n’hésite plus à vous critiquer.
Il n’y a pas, à ma connaissance, de problème réel entre nous. Ce sont des avions américains qui ont transporté nos troupes en Centrafrique et notre coopération sur bien des plans est toujours N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
p Le couple Alain et Dafroza Gauthier à la sortie du tribunal, le 14 mars 2014 à Paris, après le verdict condamnant le Rwandais Pascal Simbikangwa contre lequel ils avaient déposé une plainte pour complicité de génocide.
aussi bonne. Les quelques déclarations auxquelles vous faites allusion ne sont que des réponses formulées lors d’interviews. Ce ne sont pas des communiqués officiels. Vos collaborateurs et les médias rwandais pointent volontiers ce qu’ils considèrent comme un manque d’objectivité du ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, à l’égard du Rwanda. Partagez-vous ce jugement ?
Je pense qu’il a commis pas mal d’erreurs, en s’associant notamment aux manœuvres antirwandaises menées à partir de la Tanzanie. J’estime que sa position manque d’équilibre, pour des raisons subjectives que je ne connais pas. Depuis quelques mois, la part de l’aide extérieure dans votre budget baisse lentement mais sûrement. Or, elle est cruciale puisqu’elle représente encore 38 % des ressources publiques. Êtes-vous prêt à faire face à ce déclin ?
C’est un phénomène qu’il faut appréhender dans sa globalité. Cette décrue ne nous inquiète pas pour deux raisons : d’abord parce qu’elle s’accompagne d’une hausse de nos ressources propres et des investissements privés, ensuite parce qu’il existe toute une variété de financements alternatifs auxquels nous pouvons faire appel pour boucler notre budget. Notre objectif n’a pas changé : devenir en 2020 un pays autosuffisant à revenu intermédiaire. l JEUNE AFRIQUE
Renaître à Kigali
TRIBUNE
DR
Opinions & éditoriaux
JEAN-PAUL KIMONYO Politologue
Déjà, en 1963, à Gikongoro… «
Q
UI EST GÉNOCIDE ? » C’est par cette formule un peu étrange que le président Grégoire Kayibanda ponctue, en mars 1964, l’un des plus importants discours de l’histoire du Rwanda. De toute évidence, il a du mal à manipuler ce vocable qu’il vient de faire apparaître dans le paysage politique du pays et qui lui est alors asséné par des consciences mondiales comme les philosophes Jean-Paul Sartre ou Bertrand Russell, et même repris par Radio Vatican. Prononcé deux mois après les premiers actes de génocide de l’histoire rwandaise, ce discours rationalise les motivations de ces massacres. Il place la gouvernance du pays sous un halo explicitement génocidaire et instaure cette atmosphère de terreur larvée si caractéristique de la vie quotidienne d’une partie des Rwandais durant plus de trente ans. Les massacres les plus importants commencèrent le 23 décembre 1963 dans la préfecture de Gikongoro, foyer d’une grande concentration de population tutsie réfractaire au régime révolutionnaire, avant de s’étendre à d’autres régions. La population hutue, armée de machettes et de lances, se mit à tuer de
Après être passés par le camp de déplacés tutsis de Nyamata, où ils avaient vu leur nombre gonfler jusqu’à un millier d’hommes, ils s’étaient ensuite dirigés vers Kigali. Mais ils avaient été stoppés à une vingtaine de kilomètres de la capitale par des unités de la garde nationale, bien armées et commandées par des officiers belges. Les guérilleros avaient subi de lourdes pertes et ceux qui avaient survécu retournèrent au Burundi. Il est aujourd’hui avéré, grâce à des sources belges, que les dirigeants belges et rwandais de la sûreté nationale étaient au courant du lieu et du moment de l’attaque, et que les Inyenzi avaient été attirés dans un traquenard. Le président Kayibanda se servit de cette attaque pour imposer la terreur sur l’ensemble desTutsis et éliminer physiquement l’opposition politique. Il dépêcha des ministres dans les dix préfectures du pays afin de superviser les opérations « d’autodéfense » de la population. Par son discours, trois mois plus tard, le chef de l’État tient à expliciter la leçon : « À supposer par l’impossible que vous veniez à prendre Kigali d’assaut, comment mesurezvous le chaos dont vous serez les premières victimes ? Vous le dites entre vous : ce serait la fin totale et précipitée de la race tutsi[e]. Qui est génocide ? »* Cette allocution radiodiffusée marque le tournant idéologique explicitement génocidaire du régime républicain. Par cette déclaration publique, le président prend en otage la communauté tutsie, dont la survie physique dépend désormais de sa totale soumission.
L’explication officielle des tueries ? Une réaction de fureur populaire après une attaque de guérilleros tutsis. façon systématique lesTutsis de la région, femmes et enfants compris. Les estimations les plus basses font état d’une dizaine de milliers de morts pour la seule préfecture de Gikongoro ; d’autres avancent le chiffre de 25 000 à 35 000 sur l’ensemble du pays. Le gouvernement Parmehutu expliqua ces massacres comme une réaction de fureur populaire – oui, déjà – consécutive à l’attaque menée par des guérilleros tutsis en exil appelés Inyenzi. Deux jours avant le déclenchement des violences, le 21 décembre 1963, 200 à 300 Inyenzi venus du Burundi et se réclamant de l’Union nationale rwandaise (Unar, parti nationaliste), armés de quelques fusils, de lances et de flèches, avaient assailli le camp Gako, dans le Bugesera (région située à une cinquantaine de kilomètres de Kigali).
JEUNE AFRIQUE
Dans les années précédant le génocide de 1994, le discours de mars 1964 fut souvent cité par les extrémistes avec un mélange de respect et de regret, notamment dans les médias dits de la haine. Mais les élèves ont fini par surpasser le maître en créant le mot qui lui manquait, la seule contribution rwandaise au langage universel : génocidaire. l * Message du président Grégoire Kayibanda aux réfugiés rwandais, publié dans Rwanda Carrefour d’Afrique n° 31, mars 1964.
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
29
Grand angle Vingt ans après...
« Viens voir »
VINCENT FOURNIER/J.A.
30
p Le 11 septembre 2011 à Aubervilliers, lors d’une rencontre entre la diaspora rwandaise et Paul Kagamé, en visite officielle en France.
à tout moment ou de se rendre au pays régulièrement », explique Gérard Ntwari, à l’époque ambassadeur en Belgique. Après une réunion d’information, Alphonse surmonte ses appréhensions et embarque pour Kigali. Là-bas, il constate d’autres réfugiés, donnant du pays une tout autre image. « Certains y retournaient que le gouvernement a mis les petits plats en cachette. Ils ne voulaient pas que ça dans les grands, organisant des rencontres se sache dans les milieux rwandais de avec divers élus et personnalités. « Sur Belgique », témoigne le quadragénaire. place, la peur [des exilés] se dissipait lorsqu’ils constataient qu’ils étaient libres APPRÉHENSIONS. En 2011, par le de sillonner le pays et qu’ils étaient bien bouche-à-oreille, Alphonse entend parler accueillis. Un certain nombre d’entre d’un programme relayé par l’ambassade eux ont par la suite manifesté l’envie d’y du Rwanda à Bruxelles. Intitulé Ngwino retourner », assure l’ambassadeur Ntwari, affecté depuis à Dakar, où il a continué Urebe (« Viens voir »), celui-ci s’adresse aux Rwandais de la diaspora qui ont de promouvoir l’initiative Ngwino Urebe. Alphonse est de ceuxlà : « J’étais parti pour trois « Si vous n’avez pas participé semaines, mais je suis finaau génocide, vous n’avez aucune lement resté quatre mois. Depuis 2011, j’ai fait six raison d’avoir peur. » séjours et il m’est arrivé d’y coupé les ponts avec le pays depuis 1994. rester jusqu’à huit mois d’affilée. J’ai Il leur propose de revenir faire un séjour même créé une entreprise à Kigali tout en au pays. Billet d’avion, hébergement, respoursuivant mes activités en Belgique. » tauration, transports sur place…, pendant Depuis, il s’efforce de transmettre sa deux semaines, tout est pris en charge vision à certains réfugiés installés dans par les autorités. « L’ambition du goule royaume et demeurés méfiants envers vernement était d’assurer aux Rwandais le « nouveau Rwanda ». de l’extérieur qu’ils étaient considérés Comme l’équipe de l’association comme des Rwandais à part entière et Jambo, qui édite depuis Bruxelles le qu’ils étaient libres de revenir s’installer site Jambonews, très critique envers les
L’objectif de Kigali : renouer avec les exilés qui ont fui le pays en 1994. La méthode : les inviter pour de courts séjours. Un programme qui ne convainc pas tout le monde.
S
onpériple ressembleàceluidetant d’autres réfugiés hutus qui avaient pris la route de l’exil en juin 1994, fuyantl’offensivedel’Arméepatriotique rwandaise (branche armée du Front patriotique rwandais, FPR, aujourd’hui au pouvoir) contre les forces génocidaires. « J’ai suivi tout le monde jusqu’à Goma », raconte Alphonse Hagengimana, 22 ans à l’époque. Après deux mois dans l’est de la RD Congo, il gagne Kinshasa, puis transite successivement par le Gabon, le Congo, la Centrafrique et la Côte d’Ivoire. En 1999, il pose ses valises en Belgique, où il vit depuis. Là-bas, immergé dans une communauté rwandaise très politisée, qui compte nombre de nostalgiques du régime Habyarimana imprégnés de l’idéologie anti-Tutsis et anti-FPR, Alphonse n’est pas franchement incité à renouer avec son pays. « Les réfugiés rwandais en Belgique étaient les otages de ces gens, qui nous disaient que si un Hutu retournait au Rwanda, il serait assassiné », expliquet-il. Cette peur a longtemps habité le cœur d’Alphonse, malgré les récits qu’il lui arrivait d’entendre de la bouche N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
SUIVEZ LES COMMÉMORATIONS avec notre envoyé spécial sur jeuneafrique.com
ZÈLE. Les initiatives des autorités pour
désamorcer le potentiel de nuisance de leurs détracteurs en exil se heurtent parfois à l’incompréhension de certains Rwandais, en particulier chez les rescapés. Car parmi les bénéficiaires de la politique d’intégration pratiquée par Kigali figurent des responsables de l’ancien régime, des officiers qui poursuivirent la lutte dans les forêts de RD Congo sous la bannière des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) – comme le général Paul Rwarakabije, aujourd’hui à la tête de l’administration pénitentiaire – ou d’ex-notables réputés, durant les années noires qui ont précédé le génocide, pour leur zèle anti-Tutsis – comme Séraphine Mukantabana, devenue ministre des Réfugiés. Et les enfants de génocidaires de premier plan peuvent aujourd’hui travailler au sein des services de l’État sans être taxés d’infamie. « Même si je trouve courageux de la part du gouvernement rwandais de réintégrer les enfants ou les proches des extrémistes, je fais partie de ceux qui sont excédés en voyant des gens avec un lourd passé participer, parfois hypocritement, à la reconstruction du pays », s’indigne une rescapée. Pris en étau entre des contempteurs en exil qui lui reprochent de stigmatiser sans discernement les Hutus et une frange de citoyens qui jugent qu’il est encore trop tôt pour donner quitus aux responsables de l’extermination de leurs familles, le gouvernement rwandais n’a pas fini, vingt ans après, de solder l’héritage empoisonné du génocide. l
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Après Simbikangwa, qui ?
L AP/SIPA
autorités de Kigali. Pour Jambonews, les bénéficiaires du programme Ngwino Urebe offriraient des témoignages « automatisés », avant tout destinés à faire l’éloge du régime. Lequel chercherait par là à « exhiber des trophées ». « Ce sont des gens de ma génération, ils sont plutôt ouverts d’esprit, précise Alphonse à propos de ces exilés qui décrivent le Rwanda comme une prison à ciel ouvert. J’essaie de leur expliquer que lorsqu’on a quitté le pays à l’âge de 10 ans, on n’a rien à craindre et qu’il ne faut pas se laisser prendre en otage par ceux qui ont des choses à se reprocher. » Gérard Ntwari confirme : « La justice est susceptible de demander des comptes aux Rwandais de l’étranger qui ont participé au génocide. Mais les autres n’ont aucune raison d’avoir peur. »
Renaître à Kigali
PATRICK BAUDOUIN Président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)
E PROCÈS de Pascal Simbikangwa, qui s’est déroulé du 4 février au 14 mars 2014 devant la cour d’assises de Paris et s’est soldé par la condamnation de l’accusé à vingt-cinq années de réclusion criminelle pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité, a constitué une remarquable avancée de la justice française, allant dans le sens d’une progression des procédures à l’encontre d’accusés de génocide se trouvant dans l’Hexagone, en suspens depuis de nombreuses années. Cependant, ce procès a également mis en lumière, a contrario, le retard considérable pris par les autorités françaises sur ces dossiers. Manque de moyens des juges, interférences politiques, rupture diplomatique entre Paris et Kigali: nombreux ont été les obstacles dressés sur le chemin des victimes rwandaises et des ONG qui avaient saisi la justice française. La création d’un pôle spécialisé dans les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre au sein du tribunal de grande instance de Paris, en janvier 2012, a sans nul doute constitué un tournant majeur. Elle a permis de faire en sorte que des magistrats spécialisés dans ce type de dossiers relatifs à des crimes internationaux commis à l’étranger se consacrent exclusivement à ces affaires. Deux autres dossiers qui concernent le génocide des Tutsis au Rwanda sont aujourd’hui en cours devant les juridictions françaises, qui doivent y consacrer la même attention afin de les mener à terme. Le premier concerne des plaintes déposées en 2004 et 2005 par des victimes rwandaises concernant des allégations de viols et d’autres crimes, ainsi que de complicité de génocide, portées à l’encontre des militaires français présents au Rwanda dans le cadre de l’opérationTurquoise. Le second dossier, plus récent, concerne une plainte déposée en juin 2013 par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie à l’encontre de Paul Barril pour complicité de génocide, pour avoir notamment signé le 28 mai 1994 et partiellement exécuté un contrat d’assistance de fourniture d’armes et de munitions, de formation et d’encadrement, avec le gouvernement intermédiaire rwandais, au plus fort du génocide. Ces deux procédures viennent utilement compléter le panorama des affaires en cours devant la justice française concernant le génocide desTutsis au Rwanda. Elles sont importantes car elles peuvent contribuer, directement ou indirectement, à éclairer davantage le rôle de la France pendant cette période. À l’heure où nous commémorons les vingt ans du génocide, il est essentiel que la lutte contre l’impunité pour les crimes commis en 1994 puisse enfin progresser en France. l
MEHDI BA JEUNE AFRIQUE
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
31
PHOTOS : SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
32
pu En patrouille dans le quartier PK12, où vivent quelques-uns des derniers musulmans de la ville.
À Bangui, le passé résonne Les violences intercommunautaires dans la capitale centrafricaine réveillent de douloureux souvenirs chez les soldats rwandais de la Misca. Qui tentent d’utiliser leur expérience pour apaiser les tensions.
«
J
e dis merci aux Rwandais qui nous défendent contre les antibalaka. Ils sont très disciplinés, organisés, et ils respectent nos valeurs africaines. » Dans la cour d’une maison du quartier PK12, où se sont rassemblés quelques-uns des derniers musulmans de Bangui, Ibrahim Alawad n’a pas de mots assez forts pour exprimer sa gratitude envers le contingent rwandais de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca). Ce sont ses soldats qui ont la responsabilité du quartier, comme de la moitié de la capitale centrafricaine. Silencieux, les officiers rwandais l’écoutent, avec un sourire un peu gêné. Les compliments ne peuvent, bien sûr, que les réjouir. Mais ils ne voudraient pas donner l’impression qu’ils prennent parti pour cette communauté, alors que la majorité des habitants de la ville sont chrétiens et, pour beaucoup, désormais hostiles aux musulmans, ne fussent-ils N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
ces soldats qui, pour la plupart, ont vécu les événements de 1994. Nombre d’entre eux, en particulier parmi les officiers, viennent des rangs de l’Armée patriotique rwandaise (APR, branche armée du Front patriotique rwandais), cette rébellion issue de la minorité tutsie qui a combattu les forces génocidaires jusqu’à prendre le pouvoir, le 4 juillet 1994. C’est par exemple le cas du commandant du contingent, le lieutenant-colonel Jean-Paul Karangwa, et de certains de ses adjoints, comme le major Jean-Bosco Muhizi. En juin 1994, ce dernier était un simple rebelle de l’APR se battant depuis trois ans contre les Forces armées rwandaises (FAR, hutues), régulièrement
plus que quelques centaines. Or les miliciens chrétiens anti-balaka, prompts à voir tous ceux qui leur résistent comme des ennemis, considèrent les Rwandais comme des « musulmans » – à tort, évidemment. Les opérations de ces derniers se déroulent donc souvent dans un climat très tendu. Les soldats rwandais doivent régulièrement faire usage de leur arme pour tenir la foule à distance et subissent parfois des jets « Nous parlons de ce qu’a connu de grenade. Depuis le début notre pays et de la réconciliation », des opérations, en janvier, dix d’entre eux ont déjà été explique un officier. blessés, pour la plupart dans ce type d’attaque. soutenues par l’armée française. Lui et Et puis il y a l’histoire de leur pays, ses compagnons d’armes étaient sur le qui résonne avec une force particulière point de faire tomber le régime génocidaire quand Paris a déclenché l’opération sur les rives de l’Oubangui. Vingt ans « militaro-humanitaire » Turquoise, qui après le génocide des Tutsis, la vue de a pris le contrôle du sud-ouest du pays miliciens armés de machettes dressant et leur a barré la route. « Nous avons dû des barricades et traquant les membres d’un groupe minoritaire ne peut que faire attendre le départ des Français pendant remonter de douloureux souvenirs chez longtemps avant de pouvoir prendre le JEUNE AFRIQUE
En mission sur le continent Nombre de soldats rwandais intégrés dans les missions de l’ONU et de l’UA
Misca
Minuad
Minuss
Centrafrique
Darfour
Soudan du Sud
850
p Au camp Socati, principale base rwandaise à Bangui.
contrôle de tout le territoire. Nous avions reçu l’ordre de ne pas les combattre », se souvient Muhizi, sans animosité. BILINGUES. Il y a donc quelque chose
d’assez extraordinaire à voir les soldats rwandais prendre la défense de l’armée française à Bangui. Comme cet officier qui répond, près de la mosquée centrale, à un jeune musulman tendant les photos de ses proches massacrés et accusant les Français de l’opération Sangaris d’avoir laissé faire. « Il faut essayer de comprendre : ce ne sont pas les Français qui tuent. On ne peut malheureusement pas protéger tout le monde », expliquet-il calmement. JEUNE AFRIQUE
Le rapprochement qui a mené les deux armées à collaborer sur le terrain pour la première fois en vingt ans s’est amorcé en juin 2013, avec la nomination duRwandaisJean-BoscoKazuraàlatêtede la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma). Depuis, ce dernier coordonne à Bamako son action avec la force française Serval. En Centrafrique, afin de faciliter la communication avec les Français et les autres armées francophones de la Misca, des officiers bilingues ont été sélectionnés pour commander le bataillon d’infanterie mécanisé de 850 hommes, qui dispose notamment de plusieurs blindés
3 200
1 000
légers. Le très courtois et diplomate chef de contingent, Jean-Paul Karangwa, se réunit presque quotidiennement avec ses homologues et avec le commandant de la force, le général camerounais Martin Tumenta Chomu. « Nous n’avons pas de problème de communication avec eux, assure-t-on à Paris, où la première préoccupation est de trouver des alliés fiables pour partager le fardeau centrafricain. Les relations entre les deux armées sont très bonnes. Les Rwandais sont très professionnels et font partie des bons contingents de la Misca. » Le discours officiel est le même du côté rwandais. Mais en privé, certains officiers font part de frustrations sur l l l N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
SOURCES : RÉSEAU D’EXPERTISE ET DE FORMATION FRANCOPHONE POUR LES OPÉRATIONS DE PAIX (FÉVRIER 2014), UNION AFRICAINE
33
34
Grand angle Vingt ans après…
LE RWANDAIS DE BOZIZÉ OUTRE SA MISSION de sécurisation de Bangui, le contingent rwandais de la Misca renoue avec les réfugiés arrivés à la fin des années 1990, après le génocide. Plusieurs milliers d’entre eux sont encore présents en Centrafrique. Certains viennent parfois rendre visite aux militaires du camp
Socati, principale base rwandaise à Bangui. Deux familles ont même été rapatriées à Kigali depuis le début de l’opération. Mais la situation actuelle du plus illustre Rwandais de Centrafrique, Fabien Singaye, est toujours inconnue. Gendre du présumé financier du génocide de 1994, Félicien Kabuga, Singaye fut
la gestion de l’opération. Il y a eu par exemple, mi-février, ce convoi escorté par les Rwandais depuis la frontière camerounaise (comme ils le font une fois par semaine depuis, en alternance avec les Burundais) et repris en main par la force Sangaris avant son entrée dans la capitale. « Nous avons eu l’impression que les Français s’attribuaient le crédit d’une opération que nous avions menée, se souvient un officier rwandais. Nous étions vraimentremontés.Maisnousn’avonsrien osé dire à cause de l’histoire trop sensible entre nos deux pays. Depuis, nous avons
lll
le conseiller financier de l’ancien président centrafricain François Bozizé. Les militaires rwandais sont d’ailleurs convaincus qu’il continue de jouer un rôle dans le pays, avec quelques ex-militaires hutus des Forces armées rwandaises, pour armer et organiser les milices anti-balaka. l P.B.
décidé d’avoir un dialogue plus franc avec eux. C’est beaucoup mieux ainsi. » Officiellement, Sangaris n’est là que pour « appuyer » les troupes africaines de la Misca. Et la coordination avec des Français parfois réticents à faire courir des risques à leurs hommes est souvent lourde. Lorsque des habitants du quartier Miskine (placé sous le contrôle du contingent rwandais) ont érigé des barricades sur l’une des artères de Bangui, il a ainsi fallu attendre plus de deux jours avant qu’une opération conjointe entre Sangaris et la Misca soit déclenchée pour les enlever…
Français et Rwandais ont également des analyses quelque peu différentes concernant les Forces armées centrafricaines (Faca). Pour les premiers, il est hors de question de réarmer ces soldats exclusivement chrétiens et peu disciplinés. Au contraire, certains officiers rwandais estiment qu’il faut accélérer leur réintégration. « De toute façon, ce sont eux qui devront, à terme, assurer la sécurité de leur pays. Bien sûr, il ne faut pas leur faire une confiance aveugle. Mais nous pourrions commencer par tester certaines unités pour voir comment elles se comportent », plaide l’un d’eux. Ces soldats qui ont intégré dans leurs rangs d’anciens membres des FAR, leurs adversaires d’hier, voient sans nul doute dans leur armée un modèle à suivre pour la Centrafrique. « Pendant nos patrouilles de sensibilisation, nous parlons aux habitants de ce qu’a connu le Rwanda et de la réconciliation, explique le lieutenantcolonel Karangwa dans le mess des officiers du camp Socati, principale base rwandaise. Si aujourd’hui des ex-FAR se battent avec nous, pourquoi cela ne pourrait-il pas arriver ici ? » Derrière lui, des militaires du génie s’activent pour terminer la construction de bâtiments en dur avant la saison des pluies. Ces hommes, arrivés il y a trois mois, savent qu’ils sont là pour un an. Au moins. l PIERRE BOISSELET, envoyé spécial à Bangui
p Le bataillon d’infanterie mécanisé de 850 hommes dispose notamment de plusieurs blindés légers. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
BRUNO LEVY POUR J.A.
35
FRANCE-AFRIQUE
p Dans son bureau, lors de l’entretien avec J.A., le 3 avril.
Jean-Yves Le Drian
« IBK doit négocier, Samba-Panza aussi »
Mali, Centrafrique, Libye… Le ministre français de la Défense, reconduit à son poste le 2 avril, est sur tous les fronts africains. Entretien avec un Breton sans états d’âme. Propos recueillis par
Q
FRANÇOIS SOUDAN
et
RÉMI CARAYOL
uand ils ont appris l’imminence d’un remaniement gouvernemental, certains, de l’autre côté de la Méditerranée, se sont inquiétés de voir Jean-Yves Le Drian quitter l’Hôtel de Brienne et de perdre ainsi leur principal interlocuteur en France. Depuis le déclenchement des opérations Serval au Mali et Sangaris en Centrafrique, le ministre de la Défense joue en effet un rôle majeur sur le continent. Mais ce Breton de 66 ans, proche de François Hollande, JEUNE AFRIQUE
a été maintenu à la tête des armées. Il a accordé sa première interview de ministre « reconduit » à J.A. JEUNE AFRIQUE: Vous venez de renouveler votre contrat au ministère de la Défense. Est-ce dû au fait que les deux guerres que vous avez engagées avec François Hollande au Mali et en Centrafrique sont les seuls sujets qui font consensus en France? JEAN-YVES LE DRIAN : Je ne sais pas si c’est la
raison pour laquelle le président m’a renouvelé sa confiance. Ce que je sais, c’est qu’être à la tête de ce ministère est passionnant. C’est un grand honneur que d’être chargé d’assurer la sécurité N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
36
Afrique subsaharienne Interview extérieure de la France et d’aider à la mise en œuvre de ses responsabilités internationales. Si François Hollande a voulu que je poursuive cette mission, c’est qu’il a dû trouver que je la menais conformément à ce qu’il souhaitait. On dit que vous avez fortement poussé à la nomination de Manuel Valls à Matignon. C’est exact ?
J’ai beaucoup de considération pour Jean-Marc Ayrault. Il a mené son action avec beaucoup d’abnégation. Mais à un moment donné, dans un quinquennat, il faut ouvrir une nouvelle étape. Et je pense, étant donné la gravité de la situation, que le moment était venu et que Manuel Valls était le bon choix. Voilà quatre mois que vous avez lancé l’opération Sangaris en Centrafrique. C’est un papillon éphémère qui dure…
J’ai toujours dit : « Cela ira de six à douze mois. » Vous partez sur une opération à la Serval, une opération coup de poing, et vous pensez que le problème va se résoudre de lui-même…
Oui, mais on découvre l’ampleur des haines interreligieuses, probablement sous-estimées et qui justifient d’autant plus notre intervention et son urgence. N’avez-vous pas sous-estimé les risques que comportait cette intervention ?
Il faut savoir que l’on revient de très loin en Centrafrique. Les exactions, les règlements de comptes, les massacres, les assassinats avaient commencé depuis longtemps. En septembre 2013, c’est la France qui a interpellé la communauté internationale sur la gravité de la situation par la voix du président de la République. On se tuait dans l’anonymat. Il fallait une intervention. En lançant Sangaris, nous avons pu non pas mettre fin à toutes les violences, mais empêcher des massacres de masse. C’est une première réalité. Deuxième réalité : il fallait aider à la mise en place d’un processus politique. C’était impossible avec Michel Djotodia. Les Séléka n’étaient pas dans une démarche de paix. L’intervention de la France a aussi permis cela. Aujourd’hui, il y a un gouvernement de transition qui doit engager un processus politique. Troisièmement, notre présence a permis de faire en sorte que la route qui mène au Cameroun soit à nouveau accessible et fluide. C’est important pour l’aide humanitaire. Mais il y a encore beaucoup de travail. Il est vrai qu’à Bangui tout n’est pas sécurisé. Il est vrai aussi qu’un certain nombre de musulmans, par peur, partent vers l’est et vers le nord, qu’ils fuient des groupes de bandits qui mettent à feu et à sang une partie du territoire. Et il est vrai que nous avions sans doute sous-estimé l’ampleur des haines qui existent. Mais nous n’étions pas les seuls ! N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Des haines qui s’exprimaient depuis des mois…
Oui. Nous n’avons pas suffisamment apprécié l’ampleur de ces haines. J’entends les critiques. Mais nous sommes dans un pays qui a besoin de retrouver une sérénité qu’il n’a pas connue depuis de nombreuses années. Et on voudrait qu’en moins de quatre mois la paix revienne… N’était-ce pas une erreur d’appréciation de désarmer en priorité les miliciens de la Séléka sans avoir la capacité de protéger les populations musulmanes ?
En Centrafrique, nous avons sousestimé l’ampleur des haines interreligieuses. Mais nous n’étions pas les seuls. Je pense que l’objectif du désarmement systématique de l’ensemble des acteurs est déterminant. Mais il est vrai que nous avions sous-estimé la capacité de nuisance des anti-balaka, qui sont pour la plupart des groupes de bandits. Le risque de partition de la Centrafrique est-il réel?
C’est une menace, et nous ferons tout pour l’empêcher. Que se passe-il dans le Nord-Est, où la Séléka règne en maître ?
Nos forces et celles de la Misca [Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine] commencent à progresser vers l’est. Je JEUNE AFRIQUE
Jean-Yves Le Drian Nous disons aux uns et aux autres ce que nous pensons du comportement de l’intéressé. Craignez-vous des infiltrations de Boko Haram en Centrafrique ?
Si on n’y fait pas attention, à terme, oui. Le Tchad vient d’annoncer le retrait de ses troupes de la Misca. Quelle est votre réaction ?
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
Il n’y aura pas de solution politique ni sécuritaire en Centrafrique sans le plein engagement du Tchad. Nous savons pouvoir compter sur la totale détermination du président Déby à trouver, sous quelque forme que ce soit, les moyens de contribuer au relèvement de ce pays.
suis déterminé à ce que ça aille jusqu’au bout. Nous avons pour cela besoin d’une OMP [opération de maintien de la paix, sous mandat des Nations unies], qui comprendra 11000 hommes. En même temps, il faut ouvrir le processus politique. Et ça, c’est la responsabilité de Mme Catherine SambaPanza. Elle doit faire un geste, et cela doit se faire en bonne intelligence avec les chefs d’État voisins, qui n’ont aucun intérêt à ce qu’il y ait une partition de la Centrafrique. Je n’ai pas à m’immiscer dans la politique d’un gouvernement, quel qu’il soit, mais je dis qu’il y a des initiatives à prendre pour mener à la réconciliation et à la paix civile. Pourquoi demandez-vous des sanctions contre l’ex-président François Bozizé et ses fils ?
Parce qu’ils animent sans aucune pudeur, de manière directe ou indirecte, une partie des réseaux anti-balaka. François Bozizé serait en Ouganda. Êtes-vous intervenu auprès des autorités de ce pays ?
p Des militaires français mènent une opération de désarmement des miliciens anti-balaka dans le quartier combattant de Bangui, le 26 mars.
Le contingent tchadien faisait-il partie du problème ou de la solution ?
Le problème qui peut se poser, c’est qu’il y a une histoire entre le Tchad et la Centrafrique. Une histoire à la fois sociologique et économique, et un peu politique. C’est une réalité dont il faut tenir compte. Il y a eu aussi à un moment donné la préoccupation des autorités tchadiennes de protéger les populations tchadiennes ou originaires du Tchad. C’était compréhensible. C’est vous qui avez demandé la tête de Djotodia auprès d’Idriss Déby Itno, de Denis Sassou Nguesso et d’Ali Bongo Ondimba ?
Non. Ce sont eux qui ont œuvré. Mais vous étiez dans les trois capitales juste avant son limogeage !
Oui, et j’ai constaté que ce que je pensais de Djotodia était aussi ce que pensaient les trois présidents que j’ai vus à ce moment-là. Nous avons partagé le même diagnostic sur le pouvoir Séléka. Vous ne craignez pas l’enlisement ?
Non. Je ne suis pas dans cette perspective. Je suis dans la détermination. Au Mali, l’un des objectifs de l’opération Serval était de frapper au cœur les groupes terroristes. Ils l’ont été, mais ils sont de retour, semble-t-il…
La guerre de libération du Mali a été menée à
lll
OBJECTIF BSS C’est désormais la priorité de l’armée française: la bande sahélo-saharienne (BSS, dans le jargon militaire). Pour lutter contre le terrorisme dans la zone, l’état-major a élaboré une nouvelle organisation à l’échelle régionale. Au cœur de ce dispositif qui comptera 3000 hommes, N’Djamena fera office de QG. Il y avait auparavant 950 hommes auTchad dans le cadre JEUNE AFRIQUE
de l’opération Épervier; ils seront bientôt 1200. Les autres pôles principaux se trouveront à Gao, où sera stationné le gros du contingent de 1000 hommes destiné à rester au Mali (ils sont actuellement 1400), à Ouagadougou, où stationnent les forces spéciales, et à Niamey, épicentre du renseignement et port d’attache des drones. Des bases
avancées « susceptibles d’être activées à tout moment » sont ou seront implantées àTessalit, à l’extrême nord du Mali, à Madama, à la frontière nigéro-libyenne, à Zouar et à Abéché, dans le nord duTchad – mais pas en Mauritanie, affirme-t-on au ministère. C’est Abidjan, où l’on trouve encore 450 soldats français, qui R.C. abritera la base logistique. l N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
37
Afrique subsaharienne Interview Sur ce sujet, il y a une radicalisation de l’opinion à Bamako.
Oui. Cet élément est à prendre en compte. Le sud-ouest de la Libye vous préoccupe-t-il ?
BRUNO LEVY POUR J.A.
38
De plus en plus, oui. C’est un nid de vipères. C’est le lieu où les jihadistes reviennent s’approvisionner en armes, recruter, se ressourcer… Il y a danger! Et les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui pour trouver des solutions. La seule réponse possible, pour l’instant, est une collaboration forte avec les États voisins pour assurer la sécurité des frontières, car il n’y a pas d’État en Libye.
p À Paris, le 3 avril.
bien.Aujourd’hui,noussommesdansuneautre phase. Nous menons des opérations de contre-terrorisme. Notre objectif est d’empêcher les groupes jihadistes de se reconstituer. Nous faisons du contreterrorisme à partir de Gao, mais aussi de Niamey et de N’Djamena. Et grâce aux nouveaux outils dont nous disposons, comme les drones basés à Niamey, nous avons une visibilité considérable.
Une opération militaire franco-américaine est-elle envisageable ?
Sont-ils armés ?
Aujourd’hui, la France compte près de 8000 soldats sur le continent africain: c’est le déploiement militaire le plus important depuis la guerre d’Algérie. Paradoxal, pour un gouvernement de gauche ?
lll
Nous n’avons pas de drones armés. Si l’on doit frapper, on engage des avions de chasse ou des hélicoptères de combat. En quatre mois, nous avons ainsi neutralisé une quarantaine de jihadistes dans le nord du Mali, y compris Omar Ould Hamaha, qui était le beau-père de Mokhtar Belmokhtar. Savez-vous où se cache Belmokhtar ?
Nous suivons un certain nombre de terroristes. Je ne vous en dirai pas plus. Considérez-vous Iyad Ag Ghaly comme un terroriste ?
C’est à lui de dire comment il se considère luimême. Ses derniers actes de bravoure, en janvier 2013, portent une signature précise. Le fait que, selon certaines informations, il se trouverait dans le Sud algérien pose-t-il un problème?
Je n’ai pas de réponse à cette question. Que pensent les Algériens du poste avancé que vous avez installé à Tessalit ?
C’est à l’Algérie qu’il faut le demander. Depuis le début de l’opération Serval, notre coopération s’est révélée utile, particulièrement pour ravitailler nos troupes. Où en est le processus de réconciliation nationale au Mali ?
Je trouve qu’il n’avance pas assez vite, je le dis très clairement. Je pense que l’heure est venue. Le processus de réconciliation est impérieusement nécessaire pour garantir l’intégrité du Mali, la paix et le développement. Je l’ai déjà dit à Ibrahim Boubacar Keïta, à Bamako, en janvier dernier. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
La Libye est un pays souverain. Ce qu’il faut faire, c’est aider les Libyens à sécuriser leurs propres frontières. Mais pour cela, il faut avoir des forces de l’ordre, une douane, une gendarmerie… Nous sommes prêts à former des policiers, mais il n’y a pas de volontaires.
Pensez-vous réellement qu’un gouvernement socialiste ne devrait pas défendre la sécurité de la France et agir au nom des Nations unies ? Il se trouve qu’il y a des risques sécuritaires graves. La France fait son devoir, en application du droit international.
Au Mali, la réconciliation n’avance pas assez vite. Je le dis clairement: l’heure est venue. Cette situation ne fait-elle pas de vous le « ministre de l’Afrique » ?
Je suis le ministre de la Défense et je me passionne pour l’Afrique et ses enjeux de sécurité. Il se trouve qu’il y a eu, en 2013, deux crises sur le continent. La France était au rendez-vous. Y a-t-il une Françafrique militaire ?
Absolument pas. Appliquer les résolutions des Nations unies et faire respecter le droit international, cela n’a rien à voir avec la Françafrique. Vous êtes proches de chefs d’État que le Parti socialiste, il y a peu encore, jugeait peu fréquentables. Vous n’avez pas d’états d’âme ?
Au nom de quoi aurais-je des états d’âme quand je fais respecter le droit international ? Qu’on me le dise ! l JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne YOSHIFUMI OKAMURA NOUS A RENDU VISITE AU 57 BIS, RUE D’AUTEUIL Représentant personnel du Premier ministre japonais pour l’Afrique
« C’est maintenant qu’il faut y aller! » De passage à Paris, l’ancien ambassadeur du Japon en Côte d’Ivoire évoque l’avancée des relations nippo-africaines.
VINCENT FOURNIER/J.A.
C
ETTE VISITE de Yoshifumi Okamura, directeur général pour les Affaires africaines au sein du ministère japonais des Affaires étrangères, a été l’occasion de faire le point sur la récente – et historique – tournée africaine du Premier ministre japonais, Shinzo Abbe, puis de revenir sur les engagements pris lors de la 5e Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (Ticad V), qui s’est tenue en juin 2013. « Grâce à cet événement, notamment, l’Afrique est aujourd’hui à la mode au Japon, lance-t-il d’emblée. Et je répète à qui veut l’entendre que c’est maintenant qu’il faut y aller! » Homme d’expérience, souriant, le diplomate, qui s’exprime dans un français parfait, connaît bien le continent.
« Au sein du corps diplomatique, nous pensions que cette crise n’allait pas durer longtemps. Nous étions comme tous les Ivoiriens, bloqués chez nous. Nous avons attendu, un jour, puis deux, puis trois… confie-t-il. Et, petit à petit, cette si jolie ville d’Abidjan s’est transformée en un Beyrouth des années
Les leaders africains ont changé : ils sont tournés vers l’avenir. Après avoir travaillé en Algérie au début de sa carrière, il devient ambassadeur du Japon en France (2002-2005), puis en Côte d’Ivoire entre 2008 et 2011. Là, il est propulsé en première ligne de la crise postélectorale d’avril 2011. Sa résidence, presque mitoyenne de celle de l’ex-président, est attaquée par des « mercenaires ». Il faut l’intervention de la force française Licorne, appuyée par des hélicoptères, pour exfiltrer l’ambassadeur nippon et ses collaborateurs. Les images de cette spectaculaire opération feront alors la une des médias du monde entier. Et il se souvient de ces événements dans les moindres détails. Il se rappelle aussi ses dernières conversations avec Laurent Gbagbo, qu’il dit avoir « tenté de raisonner, pour qu’il puisse sortir de cet épisode par le haut ». JEUNE AFRIQUE
1980. De mon fauteuil, je voyais les événements, la bataille, les soldats, les mercenaires… » Mais l’ancien ambassadeur préfère tourner cette page et entend désormais se consacrer à l’avenir des relations entre l’Afrique et le Japon. Présent aux côtés de Shinzo Abe, en janvier, lors de ses différentes visites officielles en Côte d’Ivoire, au Mozambique et en Éthiopie, Yoshifumi Okamura assure que celui-ci a été « très impressionné par le sens des responsabilités des leaders africains, qui ont tous tenu à parler en priorité d’avenir, de potentiel de développement et de la croissance plutôt que de programmes d’assistance humanitaire… » Même effet d’agréable surprise chez la plupart des dirigeants d’entreprise qui faisaient partie de la
délégation et qui n’avaient jamais mis les pieds en Afrique. Un continent à l’encontre duquel ils nourrissaient de nombreux préjugés: « Ils ont vu qu’il y avait des grands hôtels, des buildings modernes, et même des voitures japonaises, plaisante-t-il. Ils ont compris que l’Afrique avait changé. » Sur place, plusieurs accords d’affaires ont d’ailleurs été signés. Lors du Ticad V, l’archipel a promis 24 milliards d’euros d’aide publique et d’investissements privés pour soutenir la croissance africaine sur cinq ans, dans les domaines des infrastructures, des ressources humaines, de l’agriculture, de la santé, de l’éducation, de la paix et de la stabilité. Pour le moment, les critères de sélection des projets restent encore flous, même si les autorités japonaises chercheront à concilier soutien aux pays jouissant d’une stabilité et d’une bonne gouvernance et besoins du pays, notamment en ressources naturelles et en énergie. « Les Japonais n’arrivent pas en Afrique pour exploiter les ressources, faire du profit et s’en aller, précise cependant le diplomate. Ils viennent aussi pour partager leur savoir-faire dans de nombreux domaines et mettre en place de réels partenariats gagnant-gagnant. C’est cela la mentalité japonaise. » l CLARISSE JUOMPAN-YAKAM et HABY NIAKATE N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
39
Afrique subsaharienne contre cette proposition. D’abord parce qu’ils veulent mettre la main sur les gouvernorats de province dans leurs fiefs respectifs (l’Équateur pour Jean-Pierre Bemba, toujours détenu à La Haye par la Cour pénale internationale ; le KasaïOccidental pour Étienne Tshisekedi, le Sud-Kivu pour Vital Kamerhe). Or les adversaires de Kabila redoutent que le suffrage indirect permette au pouvoir de « corrompre » plus facilement un certain nombre de grands électeurs à leur détriment. Ensuite parce que les opposants craignent que cette révision n’ouvre la boîte de Pandore. Samy Badibanga, le président du groupe parlementaire UDPS et alliés, y voit par exemple « la première étape d’une stratégie qui conduira à adopter une nouvelle Constitution pour permettre au président de se représenter. » « Il veut se faire élire au suffrage indirect par le Parlement », ajoute-t-il.
RD CONGO
À quoi joue Kengo? En évoquant une possible révision de la Constitution, le président du Sénat a jeté le trouble. A priori, il est exclu de toucher à la limitation du nombre de mandats présidentiels. Mais déjà l’opposition s’inquiète.
MYRIAM ASMANI / MONUC
40
C
p Lors d’une cérémonie à la Cour suprême en juin 2008.
’
estunpavédanslamarepolitique congolaise qu’a lancé, le 24 mars, le président du Sénat. En détaillant le calendrier de la session parlementaire qui venait de s’ouvrir, Léon Kengo wa Dondo a indiqué que des points non inscrits à l’ordre du jour, dont une révision de la Constitution, allaient être examinés. Dans le contexte actuel à Kinshasa, cette sortie a fait l’effet d’une bombe. Le président, Joseph Kabila, est en effet à deux ans de la fin de son dernier mandat. Selon la Constitution, il ne peut plus se représenter, mais une grande partie de l’opposition le soupçonne de chercher un stratagème pour se maintenir au pouvoir. SENSIBLE. Depuis cette annonce, Léon
Kengo wa Dondo, qui avait reçu début mars Jeune Afrique à son domicile de Kinshasa, est aux abonnés absents. La question est devenue, semble-t-il, trop sensible. « Rien n’est décidé à ce jour, tient seulement à préciser Franck Mwe di Malila, l’un de ses proches. Une N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
RÉGRESSION. L’ancien président de
l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, devenu un opposant très en vue, partage cette analyse. « Cette réforme serait, estime-t-il, une régression. Et je vous garantis que s’il y a modification on touchera à d’autres articles. » Il est vrai que la précédente révision constitutionnelle, en janvier 2011, qui ne devait initialement porter que sur un article relatif au découpage du territoire, avait abouti à l’adoption d’un scrutin présidentiel à un seul tour très favorable à Joseph Kabila. Et puis l’identité de Léon Kengo wa Dondo a donné crédibilité au projet de révision. À 78 ans, ce vieux routier de la politique, trois fois Premier ministre sous Mobutu et aujourd’hui deuxième
révision constitutionnelle est possible. Mais elle ne pourra, de toute façon, pas porter sur le nombre (limité à deux) ou la durée des mandats présidentiels, qui ne peuvent pas être modifiés, en vertu de l’article 220. » Si l’on s’en tient à l’annonce du 24 mars, la révision porterait sur le mode de scrutin pour l’élection des députés provinciaux, qui passerait au suffrage indirect. L’idée avait déjà été avancée en janvier par le préÀ mi-chemin entre le pouvoir sident de la Commission élecet l’opposition, il parle torale nationale indépendante (Ceni), Apollinaire Malumalu, avec tout le monde. puis le 21 mars par la majorité présidentielle, réunie dans la ferme du personnage de l’État, est en effet revenu président à Kingakati, près de Kinshasa. au cœur du pouvoir. Il s’entretient réguSes partisans se défendent cependant lièrement avec le président Joseph Kabila de toute manipulation, puisque cette et c’est de lui que sont venues plusieurs option, en allégeant le calendrier annonces d’importance. Kengo avait électoral, diminuerait les risques d’un ainsi déclaré qu’un gouvernement report de la présidentielle de 2016, d’union nationale pourrait être constitué et du coup la possibilité pour Joseph à l’issue des concertations organisées par Kabila en octobre 2013. Ce coup poliKabila de jouer les prolongations. Pas de quoi néanmoins rassurer les princitique avait rameuté une grande partie paux opposants, qui sont vent debout de l’opposition (Kamerhe et Tshisekedi JEUNE AFRIQUE
exceptés) et permis le relatif succès de ces concertations. Depuis, Kengo, qui se bat sur deux fronts, a rassemblé ses alliés sous le nom « d’opposition républicaine » et tente de négocier leur entrée au gouvernement. « Le président est impressionné par sa connaissance du monde politique congolais, assure un diplomate en poste à Kinshasa. Il a de l’influence. » Son positionnement, à mi-chemin entre le pouvoir et l’opposition, lui permet en effet de parler avec tout le monde, et surtout de convaincre, comme l’a démontré son élection inattendue à la tête du Sénat, en 2007, face au candidat de Kabila, Léonard She Okitundu. Début mars, dans sa résidence kinoise, il revenait sur cet épisode avec jubilation. « J’avais reçu chaque sénateur deux, trois, quatre fois. Sous Mobutu, j’avais été procureur général, professeur, ambassadeur, et bien sûr trois fois Premier ministre. Je connaissais déjà presque tous les sénateurs ! » Grâce à de multiples services rendus tout au long de sa très longue carrière, Kengo a su se créer un réseau d’hommes politiques qui lui sont redevables, ce qui fait toujours sa force. « Lorsque vous aidez quelqu’un dans l’adversité, cela crée chez lui un souvenir impérissable », ajoutait cet homme raide et courtois.
Afrique subsaharienne
41
ALBERT GONZALEZ FARRAN/AP/SIPA
Coulisses
SOUDAN DU SUD RIEK MACHAR PERSISTE ET SIGNE L’ancien vice-président du Soudan du Sud, Riek Machar, a menacé le 1er avril de s’emparer de Djouba, la capitale du pays, si les négociations intersoudanaises en cours à Addis-Abeba s’achevaient sur un nouvel échec. Menées sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) enAfrique orientale, les discussions achoppent sur le partage du pouvoir et le sort des personnalités détenues depuis décembre 2013 pour « tentative de coup d’État ». Des concessions mutuelles ont toutefois permis des avancées sur le respect du cessez-le-feu conclu le 23 janvier, mais jamais totalement respecté, et sur le retrait de l’armée ougandaise du nouvel État. De retour de la zone de conflit, la directrice du Programme alimentaire mondial, Ertharin Cousin, et le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, ont estimé que la persistance de la crise pourrait coûter la vie à des millions de personnes dans les prochains mois. l
FUTUR. Mais que peut-il encore espérer,
pour lui-même ? La prochaine élection présidentielle ne semble pas être son objectif. Cette épreuve lui réussit en effet beaucoup moins que les cénacles de Kinshasa. En 2011, il avait obtenu moins de 5 % des voix selon les chiffres officiels. « J’ai été surpris et déçu, confiet-il. Cela ne reflète pas la réalité des urnes. » Il fait preuve par ailleurs d’une lucidité, rare dans le monde politique, sur le poids des années qui « amènent chacune son lot de problèmes ». Le Kengo d’aujourd’hui est à l’évidence moins fringant que le Premier ministre qu’il fut dans les années 1980, et il lui arrive de chercher un mot pendant de longues secondes. Mais il lui reste suffisamment d’intelligence politique pour un ultime coup d’éclat. Pourquoi ne pas, par exemple, redevenir une dernière fois Premier ministre ? Le symbole serait fort et, début mars, il confiait que cette éventualité l’intéressait, à la condition d’avoir les mains libres. l PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
BURKINA FASO SANKARA, 27 JOURS DE RÉFLEXION Le tribunal de Ouagadougou a annoncé le 2 avril qu’il ne ferait connaître que dans vingt-sept jours sa décision relative à la demande de la famille deThomas Sankara d’exhumer le corps de l’ancien président afin de l’identifier formellement. Le 5 mars, la justice burkinabè avait déjà reporté cette décision. Les Nations unies exhortent depuis 2006 le régime de Blaise Compaoré d’exaucer ce vœu de la famille de l’ancien chef de l’État, assassiné le 15 octobre 1987.
NIGERIA ÉLUS FRONDEURS Un groupe de 37 parlementaires nigérians a décidé le 1er avril de ne pas respecter la décision de la Cour
fédérale d’Abuja de révoquer leur mandat pour avoir fait défection du Parti démocratique du peuple (PDP, pouvoir) afin de rejoindre le Congrès progressiste (APC, opposition). Leur argument: la justice n’a pas à se mêler des affaires internes au Parlement. Les élus frondeurs entendent désormais contester la décision devant une juridiction supérieure.
GAMBIE DE L’ANGLAIS À L’ARABE C’est la toute dernière surprise créée par le présidentYahya Jammeh: il a décidé fin mars de remplacer l’anglais par l’arabe comme langue officielle du pays. Réputé très imprévisible, le chef de l’État, qui avait déjà retiré la Gambie du Commonwealth en octobre 2013, espère ainsi obtenir davantage d’aide des pays du Golfe. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Maghreb & Moyen-Orient
Ubu en campagne ALGÉRIE
Noms d’oiseau, anathèmes, lynchage médiatique… À quelques jours du scrutin présidentiel, les partisans des six candidats ne font pas dans la dentelle. Consternant.
U
(Alger). Quant à Abdelaziz Bouteflika, il est le seul à incarner l’Ouest (Tlemcen). Grand absent: le Sud. Mais il s’agit d’une absence structurelle.
ne semaine avant sa clôture, le 14 avril, la campagne électorale pour le scrutin présidentiel n’a JOUÉ D’AVANCE. Une grande partie de l’opienregistré aucune dérive signifinion publique, les partis qui comptent, les médias cative. Pas d’incidents ni d’affronet les chancelleries sont d’accord sur un point : tements entre partisans des six l’élection est jouée d’avance. Pour eux, Bouteflika, candidats en lice. Mais elle n’en a pas moins donné président-candidat, remportera le scrutin dès le lieu à quelques séquences verbales où l’hystérie premier tour. Et ce malgré son âge, 77 ans, et un le dispute au ridicule. état de santé précaire dû aux lourdes séquelles Dans le langage imagé du Journal télévisé, les d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Se faire candidats sont évoqués sous le terme de forsane élire sur un fauteuil roulant ? « Et alors ? s’insurge (« cavaliers »). Une manière d’assimiler la course à un de ses partisans, Franklin Roosevelt n’a-t-il pas El-Mouradia… à une fantasia. Tous les prétendants brigué avec succès un quatrième mandat alors qu’il sont, il est vrai, issus du mouvement nationaétait paralytique ? » Sans doute, mais Roosevelt liste, sous différentes déclinaisons. Du nationalavait animé sa campagne. Ce qui n’est pas le cas du favori des pronostics pour le ouvriérisme de la trotskiste Louisa scrutin du 17 avril. Incapable Hanoune, secrétaire générale du Échaudés par de se déplacer ou de discourir, Parti des travailleurs (PT), au la décennie noire national-populisme de Moussa Bouteflika fait campagne par proet les convulsions curation via Abdelmalek Sellal, Touati, patron du Front national algérien (FNA), en passant par ex-Premier ministre et directeur du Printemps le nationalisme nostalgique d’Ali de sa campagne, comme lors des arabe, beaucoup Fawzi Rebaïne, leader d’Ahd 54 présidentielles de 2004 et de 2009. préfèrent («serment54»),oulenationalisme Deux improbables attelages se boy-scout du benjamin des cansontinvitésdanslapartie:Barakat! le statu quo. didats, Abdelaziz Belaïd, 50 ans, (« ça suffit ! »), un mouvement de président d’une nouvelle formation, Djabhat elcontestation plus bruyant que massif, et les parMoustakbal (« front de l’avenir »). Hormis Louisa tisans du boycott. Si Barakat ! peine à mobiliser Hanoune, tous ont fait leurs armes au Front de la rue, c’est que ses partisans se trouvent essenlibération nationale (FLN, ancien parti unique et tiellement sur les réseaux sociaux. Échaudés par la décennie noire (les années 1990, marquées première force politique). La répartition régionale est assez équilibrée. Avec par les massacres commis par les groupes islatrois représentants – Hanoune (Jijel), Ali Benflis et mistes) et les convulsions du Printemps arabe, les Belaïd (Batna, en pays chaoui) –, l’Est se taille la Algériens, dont une majorité aspire au changement, préfèrent le statu quo à l’anarchie. Barakat ! se part du lion. Deux candidats sont originaires du résume ainsi aujourd’hui à quatre nombres : l l l Centre : Touati (Médéa, dans le Titteri) et Rebaïne N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
SAMIR SID
CHERIF OUAZANI
q Meeting des tenants du boycott, le 21 mars à Alger.
LOUIZA AMMI
42
p Supporteurs d’Abdelaziz Bouteflika, le 27 mars, à Tlemcen, sa ville natale.
Maghreb Moyen-Orient Algérie TSB. Invoquer l’âge avancé ou la maladie d’un
LOUIZA AMMI
44
50 manifestants, 150 journalistes, 600 policiers et 2000 badauds. Ses premières manifestations ont provoqué quelques interpellations. Puis, au fil du temps, les forces de l’ordre ont mis en œuvre ce que le général Abdelghani Hamel, directeur général de la sûreté nationale, appelle pudiquement « la gestion démocratique des foules ». Autres intrus : les boycotteurs. Toutes les élections présidentielles pluralistes algériennes ont donné lieu à un « front du refus », mais celui de 2014 est celui qui ratisse le plus large : des laïcs du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) aux Frères musulmans du Mouvement de la société pour la paix (MSP) en passant par le salafiste Abdallah Djaballah ou encore par le libéral Ahmed Benbitour, éphémère Premier ministre de Bouteflika. Animé par une vingtaine de partis, ce front a obtenu des pouvoirs publics l’autorisation de tenir, le 21 mars, un meeting dans une salle omnisports de la capitale. Avec une assistance de quelque 5 000 personnes, ce rassemblement a remporté un franc succès. À ceci près qu’il a été phagocyté par des militants du Front islamique du salut (FIS), dissous en 1992 et considéré comme le premier responsable de la décennie noire, qui ont entonné un slogan de sinistre mémoire : « Aleyha nahya, wa aleyha namout » (« Pour elle – sous entendu la charia – je vivrai, pour elle je mourrai »). Pris en otage par les ouailles d’Ali Benhadj, le front du refus se fait depuis plus discret. lll
p Louisa Hanoune, candidate du Parti des travailleurs (trotskiste), le 27 mars, à Blida.
concurrent est mal perçu par le pays profond. Difficile donc pour les rivaux de Bouteflika d’en faire un argument électoral. S’attaquer à son bilan est également hasardeux, celui-ci étant globalement positif. C’est ce qui explique que le discours développé confine parfois au ridicule. Louisa Hanoune a ainsi pour tête de Turc non pas Bouteflika mais Ali Benflis, « coupable » de remettre en question la règle dite des 51 %-49 %, selon laquelle toute entreprise de droit algérien doit être détenue majoritairement par des capitaux nationaux. La quasi-totalité des titres de la presse indépendante a sombré dans un TSB (tout sauf Bouteflika) primaire, comme l’illustre le lynchage médiatique subi par les artistes qui ont participé, contre un cachet,àunclipdecampagneenfaveurduprésident sortant. Surpris par l’ampleur des protestations sur les réseaux sociaux, Mohamed Bounoughaz, animateur d’un talk-show populaire sur une chaîne de télévision privée, a dû faire amende honorable: « Si j’avais su, je n’aurais pas participé à ce clip. Je m’engage à verser l’intégralité de mon cachet [1 000 euros] à des associations caritatives. » Dans le camp Bouteflika, ce n’est guère mieux : langage ordurier et insultes fleurissent. Sellal affirme que, « par leurs agissements, ces gens-là [les opposants au quatrième mandat] veulent la faillite de l’État. Nous leur réserverons cent fois ce que nous avons fait aux terroristes de Tiguentourine ». Mais la palme revient à Amara Benyounès, ministre de l’Industrie : « Que Dieu maudisse le géniteur de celui qui ne nous aime pas ! » Une campagne électorale est certes une guerre de programmesdonnantlieuàundébatcontradictoire. Mais celle de la présidentielle du 17 avril a tourné à la bataille de chiffonniers. C’est même parfois fatwa contre fatwa. À une certaine presse qui les traite de cheyyatine (adeptes de la brosse à reluire), les partisans d’un quatrième mandat répondent que les journalistes sont des chayatine (« démons »). Bouteflika est comparé à Kim Jong-un, Ali Benflis est présenté comme le valet des multinationales, Sellal hérite du statut de bouffon du suzerain et Louisa Hanoune est qualifiée d’indécrottable hystérique, sous le regard médusé d’une opinion qui ne sait trop s’il faut en rire ou en pleurer. Seule conséquence de ce spectacle pathétique: une promesse d’abstention record. Vivement le 14 avril ! l
Ils ont osé le dire… MOUSSA TOUATI « J’accorderai aux familles une allocation mensuelle de 10 000 dinars [92 euros] par enfant à charge. » N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
ABDELAZIZ BELAÏD « Parité pour parité, que les jeunes filles accomplissent leur service militaire. »
LOUISA HANOUNE « Nous n’avons pas besoin d’observateurs internationaux. Les élections sont une affaire algérienne. »
ABDELMALEK SELLAL « Bouteflika s’engage à faire de son prochain mandat celui de l’accès de la jeunesse aux postes de responsabilité. » JEUNE AFRIQUE
Croissance, dynamisme, concurrence, nouveaux marchés
Pour tout savoir sur les champions africains
Plus de 160 pages d’enquêtes, de reportages, d’analyses et d’interviews pour comprendre la stratégie et les enjeux des grandes entreprises africaines. Hors-série no 37 « Spécial Entreprises 2014 »
EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX *
*disponible également sur www.laboutiquejeuneafrique.com
Pour accéder à l’édition numérique, téléchargez l’application Zinio sur l’App Store.
Maghreb Moyen-Orient par la situation kafkaïenne dans laquelle se trouve son peuple. Il y a deux ans, le simple bon sens l’avait conduit à une évidence : la nécessité d’un État binational. « C’est une voie beaucoup plus facile et pacifique », affirme-t-il. Son plaidoyer sonne comme un désaveu pour son père, néanmoins compréhensif à l’égard de son benjamin. « C’est parce qu’il est désespéré, il ne voit aucun signe qui laisse entrevoir la solution de deux États, car rien ne change sur le terrain », confiait le raïs palestinien à son retour de la Maison Blanche, mi-mars, où il fut pressé de refaire allégeance au processus de paix.
ISRAËL-PALESTINE
Abbas contre Abbas Au moment où le processus de paix entre dans une phase critique, le fils du président palestinien recommande à son père d’opter pour la création d’un État binational.
INGÉRENCE. Tarek l’apolitique, réputé
RINA CASTELNUOVO/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
46
E
p Tarek Abbas à son domicile, le 18 mars, à Ramallah, en Cisjordanie.
t si la vieille formule « deux États pour deux peuples » avait fait son temps ? Force est de constater que, vingt ans après les accords d’Oslo, les Palestiniens n’ont toujours pas goûté aux joies de l’indépendance. Cette équation visiblement insoluble continue pourtant d’être religieusement rabâchée à Tel-Aviv, Ramallah et dans toutes les chancelleries occidentales. Mais l’effet Pygmalion ne s’est pas produit. Bien au contraire, elle se heurte à un paradigme jugé utopique: un État pour deux peuples. L’idée, traditionnellement véhiculée dans les milieux d’extrême gauche, n’avait guère, jusqu’ici, suscité l’adhésion des leaders d’opinion, israéliens ou palestiniens. Elle vient pourtant de bénéficier d’un relais inespéré en la personne de Tarek Abbas, 48 ans, le plus jeune des trois fils du président palestinien. « Si vous ne me donnez pas l’indépendance, donnez-moi des droits civiques, clame-t-il dans une N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
interview au New York Times. Je ne veux rien lancer, je ne veux haïr personne, je ne veux tirer sur personne, je veux être dans la légalité et être protégé par la loi. » À première vue, le message semble tourné vers Israël, dont les responsables actuels réclament obstinément la reconnaissance du caractère juif de leur État, faisant fi des critiques sur la situation
« Si vous ne me donnez pas l’indépendance, donnez-moi des droits civiques ! » d’apartheid qu’engendrerait un maintien de l’occupation – la Cisjordanie est régie par l’administration militaire israélienne. « Je crois qu’ils disposent d’une trentaine de génies, qui se rencontrent tous les matins avec pour seul objectif: comment va-t-on compliquer la vie des Palestiniens aujourd’hui ? » raille Tarek Abbas, lassé
pour ses talents d’homme d’affaires qui l’ont rendu millionnaire, n’est pas un adepte de la Pax americana. « Mon père, où est ton État ? » lui rappelle-t-il souvent, tout en se gardant de toute ingérence. « Je donne mon opinion, mais je n’ai pas à lui dire ce qu’il doit faire. Qui suis-je après tout ? » Mais le respect ne l’empêche pas de s’exprimer avec franchise. Se faisant l’écho de nombre de ses concitoyens, Tarek considère que son père doit abandonner les négociations avec Israël pour se tourner une fois de plus vers les institutions internationales afin d’obtenir la reconnaissance de la Palestine. Il assume également l’idée que l’Autorité de Ramallah doit être dissoute. Une façon d’exercer une « pression tactique » sur l’État hébreu, qui, le cas échéant, serait contraint d’assumer de pleines responsabilités en Cisjordanie. Le plaidoyer de Tarek Abbas montre d’abord que la paix peut venir de la société civile, à l’image de l’initiative de Genève, élaborée en 2003 par des représentants israéliens et palestiniens de tous bords. Mais il marque aussi une rupture générationnelle avec la vieille garde palestinienne. Un sondage publié en décembre dernier par le Centre palestinien d’études et de recherches révélait qu’un tiers des habitants des territoires occupés nourrissent un intérêt pour la création d’un seul et unique État, de la Méditerranée au Jourdain. Cette tendance serait particulièrement marquée chez les moins de 45 ans, tandis que 65 % des plus de 50 ans croient toujours à la solution de deux États. l MAXIME PEREZ, à Jérusalem JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient ARABIE SAOUDITE
Éternelle vieillesse En élevant son demi-frère au rang de vice-prince héritier, le roi Abdallah sécurise la succession. Pendant que la génération suivante trépigne d’impatience. Et prend de l’âge.
L
e 27 mars, à la veille d’une visite très attendue du président américain Barack Obama, Moqrin Ibn Abdelaziz a été nommé viceprince héritier par son demi-frère le roi Abdallah, 89 ans. Et le décret royal de préciser que Moqrin accéderait au pouvoir « en cas de vacance simultanée des postes de prince héritier et de roi ». D’après Asharq al-Awsat, le quotidien londonien propriété de Fayçal Ibn Salman, fils de l’actuel ministre de la Défense et prince héritier, cette annonce vise à « mettre le pays à l’abri des situations désagréables » qui « pourraient survenir dans un contexte régional instable ». L’éditorial du journal, généralement considéré comme un porte-parole officieux de la famille royale, souligne « l’importance de trancher rapidement la question de la succession afin de prévenir les incertitudes ». Autre média propouvoir, Al-Arabiya, la chaîne d’information panarabe contrôlée via le holding MBC (famille Hariri), a donné, peut-être involontairement, des indices sur le scénario des événements futurs: le site web de la
FAYEZ NURELDINE/REUTERS
48
p Moqrin Ibn Abdelaziz fut notamment chef des renseignements de 2005 à 2012.
chaîne avait visiblement prévu d’annoncer une autre nouvelle que la nomination de Moqrin. Des copies d’écran qui ont circulé sur Twitter montrent que l’adresse URL de l’article paru le 27 mars en fin d’après-midi comportait une mention directe d’une abdication d’Abdallah. Ce dernier est apparu le surlendemain au côté d’Obama. Équipé d’un appareil respiratoire, dont le tube est visible sur la photo prise par Pete Souza, le photographe officiel de la Maison Blanche, il est notablement affaibli.
Généalogie des Saoud Abdelaziz Ibn Saoud (1902-1953)
Saoud Ibn Abdelaziz
Khaled Ibn Abdelaziz
Abdallah Ibn Abdelaziz
Salman Ibn Abdelaziz
Moqrin Ibn Abdelaziz
(1953-1964)
(1975-1982)
(2005-)
1er dans l’ordre de succession
2e dans l’ordre de succession
Fayçal Ibn Abdelaziz
Fahd Ibn Abdelaziz
(1964-1975)
(1982-2005)
Sultan Ibn Abdelaziz
Nayef Ibn Abdelaziz
Talal Ibn Abdelaziz
Saoud Khaled Mohamed Miteb Khaled Bandar Mohamed Saoud Mohamed AlWalid Ibn Ibn Ibn Ibn Ibn Ibn Ibn Ibn Ibn Ibn Fayçal Fayçal Fahd Abdallah Sultan Sultan Salman Nayef Nayef Talal N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Dans un système politique où les informations sont rares, à commencer par les dates de naissance des puissants, on a tout de même appris de source officielle que la nomination de Moqrin avait été approuvée par « plus des trois quarts » des trente-quatre membres du Conseil d’allégeance. Cet organe mis en place par l’actuel roi est chargé de régler les questions de succession et de nominations aux plus hautes fonctions. La simple mention d’une majorité fait sourire certains commentateurs, qui raillent le poids désormais connu de l’« opposition » : un quart de l’establishment. Le Conseil de l’allégeance rassemble les trente-quatre branches des fils du roi Abdelaziz (décédé en 1953). Les petits-fils, prenant la relève de leurs défunts pères, y sont de plus en plus nombreux. Mécaniquement, le saut de génération devrait se faire, mais pas trop vite, puisque Moqrin apparaît comme un prince héritier, et un futur roi, de transition. Âgé d’environ 70 ans, Moqrin est un personnage central dans le dispositif du roi Abdallah, qui l’avait nommé, il y a un an, vice-Premier ministre. Pilote de chassediplôméde Cranwell, auRoyaumeUni, il a été successivement gouverneur de Haïl, puis de Médine, et directeur général des renseignements de 2005 à 2012. Il n’appartient pas à la branche des Soudaïri, la faction la plus influente des descendants du roi Abdelaziz et de son épouse Hassa Bint Soudaïri. JEUNE AFRIQUE
Coulisses
DUEL DE PETITS-FILS. Le match devrait
se jouer entre Miteb Ibn Abdallah et Mohamed Ibn Nayef. Miteb est le fils aîné de l’actuel roi, il dirige la Garde nationale et a été élevé au rang de ministre. Dans un système reposant sur la primogéniture, il aurait été le successeur évident. Son concurrent le plus sérieux reste son cousin Mohamed Ibn Nayef : ministre de l’Intérieur, il a poursuivi avec succès la politique antiterroriste, survivant à une tentative d’assassinat à la bombe en 2009. Le problème de ces petits-fils d’Abdelaziz est qu’ils sont souvent déjà grands-pères. Même si le pouvoir leur échoit, les problèmes d’âge et de santé se poseront à nouveau très rapidement. l YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE
49
t Cette tête de Gorgone a été retrouvée dans l’une des villas de Sakhr el-Materi.
DR
Pour Moqrin, cette promotion n’aurait pas été possible sans l’acquiescement de l’actuel prince héritier, Salman. À 80 ans, ce dernier a une santé chancelante. Il est souvent absent pour des raisons médicales et passe de longues périodes de convalescence à l’étranger, notamment au Maroc. Alors qu’Abdallah, roi depuis 2005, a déjà usé deux princes héritiers – Sultan est décédé en 2011 et Nayef l’année suivante –, beaucoup pensent que Salman risque bien de ne jamais monter sur le trône. La faute à la biologie certainement, mais aussi à un curieux mode de succession. À Riyad, le pouvoir se transmet de frère en frère parmi les fils du roi Abdelaziz. Jusqu’à extinction de cette lignée, le pouvoir ne se rajeunit plus. D’où les appels répétés à passer la main à la génération suivante ; les petitsfils d’Abdelaziz trépignent depuis une vingtaine d’années et la longue agonie du roi Fahd, qui a régné de 1982 à 2005. Le fils de ce dernier, Mohamed Ibn Fahd, a été gouverneur de la province orientale, celle où se concentrent les gisements de pétrole et la minorité chiite. Il a cédé ce poste en 2013 pour n’avoir pas su contrôler des émeutes locales. On le crédite d’un grand appétit en matière d’affaires et de commissions diverses. Autre prince en vue, Bandar Ibn Sultan est actuellement très discret. Il récupère d’une opération à l’épaule. Chargé du dossier syrien – il soutiendrait plusieurs groupes rebelles armés –, c’est l’un des hommes les plus appréciés des États-Unis, où il a été ambassadeur. Son surnom: Bandar Bush, pour sa proximité avec les deux anciens présidents américains. Son handicap: sa mère est une servante yéménite.
Maghreb & Moyen-Orient
TUNISIE IL FAUT RENDRE À ALGER CE QUI ÉTAIT À CÉSAR Elle était la pièce maîtresse de l’exposition « Patrimoine spolié, patrimoine récupéré » organisée en 2013 au Musée de Carthage. Cette splendide tête de Gorgone en marbre blanc de près de 1 mètre de haut doit être solennellement restituée à l’État algérien par laTunisie le 7 avril, après trois années de bisbilles diplomatiques. Disparu en 1996 du site romain d’Hippone (Annaba), où il ornait à l’époque antique une fontaine monumentale, le masque de 320 kg a été retrouvé en 2011 dans l’une des villas de Sakhr el-Materi, gendre du président déchu Ben Ali. La demeure recelait nombre d’autres œuvres, stèles, chapiteaux, sculptures, dont une statue de femme drapée coupée en son milieu et évidée pour en faire un lavabo. L’ex-clan au pouvoir est accusé d’avoir organisé un vaste trafic de pièces archéologiques, dont certaines auraient été dérobées jusque dans les réserves de musées nationaux. l
LIBAN SYROPHOBIE Traditionnellement employés comme domestiques, ouvriers ou travailleurs agricoles, les Syriens sont depuis longtemps méprisés au Liban, mais la guerre qui a poussé 1 million d’entre eux à se réfugier au pays du Cèdre a exacerbé la syrophobie ambiante. Indignés, des Libanais ont lancé une campagne de « soutien aux Syriens victimes de racisme » dont la page Facebook rencontre un franc succès, totalisant en deux semaines près de 11 000 « likes ». IRAN DÉCÈS DU GRAND RABBIN Figure du judaïsme oriental, Youssef Hamadani Cohen, grand rabbin d’Iran depuis 1994, est mort le 29 mars. En bons termes avec les autorités, il avait été, en
2003, le premier chef religieux de la communauté juive à recevoir la visite d’un président de la République, Mohammad Khatami, depuis la révolution de 1979. « Il n’a pas souffert du peuple iranien, qui le respectait », a indiqué son neveu, établi en Israël. L’Iran est, avec laTurquie, le pays musulman où résident le plus grand nombre de juifs : 8 756 en 2011. ÉGYPTE LE CAIRE SOUS LES BOMBES Le 2 avril, la capitale égyptienne a été secouée par trois attentats, dont l’un a tué un général de la police et blessé un autre général, deux colonels et un lieutenantcolonel. Une quatrième bombe a été désamorcée dans une voiture garée près de l’université. L’attaque a été revendiquée par Ajnad Misr, un groupe jihadiste inconnu jusqu’en janvier. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
50
Maghreb Moyen-Orient
ENTRETIEN EXCLUSIF
MAROC
Mohamed Fizazi
« Je n’ai pas retourné ma veste, je la porte désormais à l’endroit » Condamnée à trente ans de prison après les attentats de 2003, cette figure haute en couleur du salafisme local a bénéficié d’une grâce royale au bout de huit ans. Propos recueillis à Tanger par
V
HAMID BARRADA
endredi28mars,Tanger, mosquée Tariq Ibn Ziyad. Mohammed VI a choisi d’y accomplir ses dévotions. Un choix peu banal. C’est ici qu’officie le cheikh Mohamed Fizazi, 65 ans, l’une des figures du salafisme. Condamné à trente ans deprisonaprèslesattentats de 2003, il a bénéficié d’une grâce au bout de huit ans. La cérémonie rituelle est retransmise en direct à la télé. Un événement majeur, à l’aune de l’itinéraire du cheikh ainsi adoubé. Il se trouve que quelques semaines auparavant, j’ai pu rencontrer le cheikh en marge d’un débat sur la chaîne 2M. Le thème en était le takfîr (« excommunication ») et le statut de la femme. Fizazi était la vedette de l’émission. Il réservait ses flèches aux « laïcs » et ne manquait pas une occasion d’invoquer l’autorité du roi, Commandeur des croyants. Son credo est aussi simple que redoutable : vive le roi, à bas les modernistes ! À coup sûr, l’homme vaut le détour. Aucune réticence à la proposition d’interview. Rendez-vous est rapidement pris. Week-end salafiste à Tanger exactement un mois avant la visite royale. D’abord le prêche du vendredi. RAS. L’interview était prévue ensuite dans un hôtel. Je l’ai attendu en vain au salon pendant que lui attendait dehors. « Je ne peux pas entrer, on sert ici de l’alcool! Allons ailleurs. » Un complexe touristique N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
déserté hors saison. Il finit par trouver deux chaises et on s’installe dans l’immense salle des mariages désaffectée. Il me montre une porte, c’est la chambre nuptiale. À l’heure dite, il va y faire sa prière avec un compère. Larandonnéedanssavoiturepermet de mesurer sa popularité. Tout le monde le connaît et il connaît chacun. Il a un faible pour les uniformes à qui il réserve salamalecs et bénédictions. Une autre séance a eu lieu le dimanche, cette fois dans un endroit plus confortable. Le cheikh fait preuve d’une rare disponibilité et d’un talent certain de communicant. Coquetterie ou ruse de guerre, il récuse le label de salafiste. En l’écoutant, on découvre ce pande l’islam marocain qui pros-
Je m’en tiens à des critères politiques : le Fizazi d’avant les attentats du 16 mai 2003 et le Fizazi d’après sa libération, en 2011.
Si vous voulez. Fizazi I soutenait publiquement Ben Laden.
Non, il soutenait le jihad en Afghanistan contre les Soviétiques. Il parlait du « cheikh Ben Laden, que Dieu le garde ». Et personne n’a oublié vos passages inspirés sur Al-Jazira en 1998. Et c’est sur cette antenne, évoquant Farag Foda, l’intellectuel égyptien assassiné par les islamistes en juin 1992, que vous avez dit ceci: « Que Dieu bénisse ceux qui l’ont tué ! »
C’est vrai. Et je le regrette.
J’ai toujours été hostile au terrorisme, mais résolument favorable au jihad défensif. père à l’ombre de la monarchie, demeure assurément sous surveillance, mais n’en a pas moins son propre agenda, lequel n’a rien à voir avec la modernité. JEUNE AFRIQUE: Peut-on dire qu’il y a deux Fizazi ? MOHAMED FIZAZI : Pourquoi
deux seulement ? Il y en a de multiples : le Fizazi de la maison n’est pas le Fizazi de la mosquée.
Vous accusiez les oulémas marocains d’être inféodés à l’Arabie saoudite.
Je regrette toutes ces attaques. Youssef al-Qaradawi, le président du Conseil mondial des oulémas, en prenait pour son grade.
Il était ma cible préférée. Je lui reprochais son laxisme doctrinal. Avec lui, tout devenait licite [halal]. Je n’avais pas pour autant le droit JEUNE AFRIQUE
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
51
de m’attaquer à sa personne. J’ai eu l’occasion de le rencontrer l’année dernière au Caire et je lui ai demandé pardon. Tous les partis islamistes étaient vilipendés…
Ils étaient à mes yeux des hérétiques. Je ne supportais pas leur conversion à la démocratie. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
En vérité, ce sont les démocrates qui ont changé. Au temps de Hassan II, la démocratie était factice, les élections étaient truquées.Aujourd’hui,souslenouveau règne, la situation est différente, la vie politique se déroule dans une certaine transparence et le jeu démocratique correspond plus ou moins à la réalité. La concurrence entre les acteurs politiques existe ou peut exister. À preuve, le Parti de la justice et du développement [PJD] a remporté les élections et dirige le gouvernement. JEUNE AFRIQUE
A-t-on tout dit sur Fizazi I ?
Pas que j’étais déjà hostile au terrorisme,meprononçantrésolument pour le jihad défensif. En ce sens que le jihad est légitime quand il est décidé et mené par l’État.
p Le cheikh à son domicile, le 2 avril, à Tanger.
j’étais loin, très loin d’imaginer… On peut pourtant aisément supposer que des esprits faibles ou exaltés pussent être influencés par vos idées.
Que pensez-vous du 11 Septembre?
Mais je n’avais aucun lien avec Casablanca !
C’est un acte terroriste en contradiction avec les enseignements divins et que rien ne saurait justifier.
Vous savez bien qu’il y a eu des manipulateurs…
Parlons des attentats du 16 mai 2003 au Maroc [45 morts, dont les kamikazes, et une centaine de blessés]. Votre jugement ?
C’est une catastrophe à tous points de vue, et c’est d’abord en tant que victime que j’en parle. J’ai été arrêté le 28 mai. On estimait que mes idées avaient inspiré les kamikazes.
Mais moi je ne les connais pas. Sans doute parce qu’ils étaient en rapport avec les kamikazes qui sont morts. Vous aviez tout de même une certaine responsabilité morale…
Non dans la mesure où il n’y a aucune relation entre l’Afghanistan et le Maroc.
Quelles idées exactement ?
Que pensez-vous de la riposte de l’État ?
Mon insistance sur le jihad en Afghanistan était considérée commeunappelaujihadengénéral et singulièrement au Maroc. Ce que
Il s’est montré très fort malgré les bavures que le roi a reconnues en 2005 dans El País. Bavures dont je suis bien placé pour témoigner. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Maghreb Moyen-Orient Maroc Comment s’est déroulé votre procès ?
Le juge a énoncé le chef d’accusation, où il m’est reproché en substance d’avoir théorisé l’action des terroristes. Ma réponse de bon sens : si c’était vrai, je l’aurais fait à Tanger dans les cours que je donne tous les jours. D’autant qu’à Tanger les éventuelles cibles d’opérations terroristes ne manquent pas ! Devant le tribunal, j’ai lancé un défi : si on trouve le moindre lien entre les kamikazes et moi, qu’on me coupe la tête! Et puis j’ai adressé quatre lettres à Sa Majesté pour clamer mon innocence en répétant le même argument. Avez-vous subi des sévices lors de votre détention ?
Nullement. J’ai toujours été traité avec respect. Ce qui n’empêche pas que, pendant les six premiers mois, j’étais, comme les autres détenus, privé de tout : ni visites, ni « couffin », ni même un Coran ! Comment a été assurée votre défense ?
Par un seul avocat, Me Ibrahimi, dont ma famille a payé les honoraires en contractant un emprunt [60 000 dirhams, soit environ 5 300 euros]. Qu’en est-il de la vie en prison ?
Au départ, nous étions soumis à l’isolement, puis nous avons été répartis par trois ou quatre détenus par cellule. Début 2004, nous avons connu une amélioration sensible de notre condition. Je lisais beaucoup. J’écrivais des poèmes. Comment a été montée la grève de la faim ?
Grâce à l’organisation que nous avons créée ouvertement en prison. La grève a démarré à Kenitra, en avril 2005, avant d’être suivie partout : Salé, Casa, Tanger, Oujda, Meknès, etc. Au total, elle a mobilisé 1200 prisonniers. Le mouvement a duré presque un mois. Nous nous abstenions de manger, mais aussi de boire. L’un des grévistes, qui était malade, a succombé. La grève a pris une tournure tragique; 25 grévistes étaient dans le coma. En guise N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
de nourriture, nos familles nous envoyaient dans les couffins… des linceuls. En tant que chef du mouvement, j’ai adressé une lettre au ministre de la Justice pour l’inviter à prendre ses responsabilités, et des pourparlers ont été engagés. Solutions retenues: appel, révision du jugement ou grâce. Les libérations devaient être échelonnées à partir de mai 2005, intervenir par étapes et à l’occasion de fêtes. En contrepartie, nous avons décidé de suspendre la grève. Jusqu’à la première occasion d’élargissement promise pour quelques semaines après. Le pouvoir a respecté son engagement : 34 détenus libérés. En attendant, nous avons eu droit à un traitement privilégié : visites familiales prolongées [une demijournée], sport, chaînes satellitaires, etc. Et puis il y a eu l’attentat contre un cybercafé à Casablanca, en 2007, qui a tout remis en question. Plus exactement, les libérations ont été interrompues, mais les privilèges ont été maintenus, en particulier pour les cheikhs. Je n’hésite pas à dire que, entre 2005 et 2011, j’ai vécu… dans un hôtel 5 étoiles. À ceci près que je n’ai pas déboursé un sou ! Dans une interview mémorable, vous refusiez la grâce.
C’est une affaire de principe : les innocents ne demandent pas la grâce.
AZZOUZ BOUKALLOUCH
52
Le pouvoir a fait preuve d’anticipation et pris des mesures préventives. Et il a réussi à assécher les sources potentielles du terrorisme. Son action s’est accompagnée de nombreuses bavures et injustices. Venons-en à votre libération.
Elle a eu lieu le 14 avril 2011. J’ai bénéficié d’une grâce royale en dehors de toute occasion avec 91 détenus.
La démocratie est une donnée politique dont il faut s’efforcer de tirer les bienfaits. C’était ce que vous disiez en 2005. Par la suite, vous avez nuancé votre position.
El Mostafa Ramid, actuel ministre de la Justice et des Libertés, a-t-il joué un rôle ?
J’ai en effet déclaré en 2010 que la grâce pouvait être un moyen de corriger une erreur judiciaire. Et c’est en ce sens que nous avons demandé la grâce royale.
Il s’agit d’une décision souveraine du roi. Et c’est pourquoi je ne remercie personne hormis Sa Majesté.
Qui a soufflé cette « fatwa » ?
Le procureur du roi. Comment jugez-vous le traitement par le Maroc du terrorisme islamiste ?
Toujours est-il qu’après votre libération vous n’étiez plus le même homme. Au point qu’on peut désormais parler de Fizazi II.
À vrai dire, le changement a commencé en prison. Non pas parce que je n’étais plus terroriste JEUNE AFRIQUE
Mohamed Fizazi Oui, le PJD, Al-Nahda wal Fadila [Renaissance et Vertu, un petit parti islamiste]. Mais je n’ai pas franchi le pas, pour rester en bons termes avec tout le monde. Vous vous distinguez par une position double : soutien total à la monarchie et guerre totale à ce que vous appelez les « laïcs »…
Le mot guerre n’est pas approprié, car je n’éprouve pas d’inimitié envers les laïcs. J’ai seulement avec eux des divergences intellectuelles, idéologiques et, partant, politiques. En dehors de notre attachement communàlapatrieetàlapaixcivile, nous ne sommes d’accord sur rien. Et nous n’arrêtons pas de débattre dans le respect mutuel. L’ennui avec votre principal contradicteur, l’intellectuel Ahmed Aassid, c’est qu’il connaît parfaitement les choses de l’islam…
– je ne l’ai jamais été –, mais parce que j’ai pris la résolution d’engager le débat avec mes contradicteurs, islamistes ou non. Ma position à l’égard de l’État s’est également totalement modifiée. Désormais, je considère que cet État-là est le mien. Si l’on doit lutter contre l’injustice et la corruption, c’est de l’intérieur de l’État qu’il faut le faire. Avec le pouvoir et non contre lui. Enfin, je ne rejette plus la démocratie. Je la tiens pour une donnée politique dont il faut s’efforcer de tirer les bienfaits. Aussi ai-je voté au référendum constitutionnel et aux législatives. C’est la première fois que je le faisais.
Vous considérez le roi « comme le premier révolté contre l’injustice »…
Vous êtes devenu un monarchiste « à donf », comme disent les jeunes : « Le califat n’est pas la seule forme de pouvoir selon la charia. »
J’ai envisagé début 2012 de fonder un parti. Et puis je me suis rendu compte que les conditions n’étaient pas encore réunies. Je fais allusion au climat politique extrêmement tendu avec échanges d’insultes et d’accusations. En créant un parti, je risquais d’ajouter à la confusion ambiante. Pour le moment, je préfère me consacrer à la da‘wa [« prédication »].
En effet, le Commandeur des croyants est pour nous le calife. La notion d’Amir al-Mouminine date, comme vous le savez, d’Omar Ibn al-Khattab, désigné comme le calife du calife Abou Bakr. Et pour éviter l’enchaînement sans fin [calife du calife du calife…], on a opté pour Amir al-Mouminine. JEUNE AFRIQUE
Je l’ai dit lorsque le roi a anticipé sur une éventuelle révolution dans son discours historique du 9 mars 2011etpiégéducoupleMouvement du 20-Février. Ne craignez-vous pas qu’on vous traite d’opportuniste ?
J’ai répondu une fois pour toutes à ce genre d’accusation en affirmant que je n’ai pas retourné ma veste mais que je la porte désormais à l’endroit ! Pourquoi ne pas faire de la politique ouvertement ?
Avez-vous été approché par des partis ?
p Avec le roi Mohammed VI le 28 mars, à la mosquée Tariq Ibn Ziyad, à Tanger.
C’est au contraire un analphabète ! Je dirais que l’islam n’est pas sa spécialité, pour rester poli. Mais pourquoi la religion seraitelle du ressort des seuls « spécialistes » ?
Nous parlons des sciences de l’islam qui se proposent de comprendre les textes religieux, et ce sont ces sciences qui requièrent l’intervention des spécialistes. Au sujet de l’initiative de Driss Lachgar, le leader des socialistes, proposant d’ouvrir le débat sur la polygamie et l’inégalité dans l’héritage entre femmes et hommes, vous aviez une position ambiguë. Vous n’étiez pas au fond contre le takfîr [« excommunication »] du leader socialiste par un cheikh salafiste mais contre la forme dans laquelle il a été prononcé.
Je suis contre le takfîr prononcé par des individus. Le takfîr est du ressortdesinstitutionscompétentes et, en fin de compte, du Conseil suprême des oulémas présidé par le Commandeur des croyants. Vous procédez régulièrement dans vos débats avec les modernistes à une sorte de takfîr de fait de votre contradicteur… N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
53
Maghreb Moyen-Orient Maroc Ce n’est pas exact. Je considère mes contradicteurs comme des musulmans ignares.
Indiscutable. Le Coran est très clair là-dessus.
des nuances : l’homme est tenu de se rendre à la mosquée, pas la femme. La femme jouit de privilèges comme la rupture du jeûne pendant les périodes menstruelles. La complémentarité ne signifie pas que la femme a un statut inférieur à celui de l’homme.
Je n’ai pas dit autre chose.
Le musulman ignorant n’est pas kâfir [« mécréant »].
On doit donc s’empresser de l’appliquer dans tous les pays musulmans sans exception ?
Ce n’est pas à moi de le dire. C’est l’affaire des autorités compétentes.
Mais vous l’excluez du débat.
C’est parfaitement vrai, car en bonne logique, le premier devoir de l’ignorant est d’apprendre !
Mais c’est quand même l’homme qui épouse quatre femmes !
Pourquoi dites-vous que vous n’êtes pas salafiste ?
Ce n’est pas par hasard. Supposons que la femme épouse deux hommes et qu’elle tombe
Vous êtes un défenseur fervent de la polygamie.
Parce qu’elle est légitime à tous égards : selon la charia, le droit et la coutume.
Le terme est devenu synonyme de terroriste.
Mes trois épouses ne me font pas la guerre. Et c’est déjà beaucoup.
La Moudawana [code de la famille] la limite et la réglemente en en faisant une exception exigeant le consentement préalable de l’épouse.
enceinte. Qui est le père ? Cette seule donnée évidente clôt toute discussion sur la polyandrie. De plus, n’oubliez pas qu’aujourd’hui les femmes sont plus nombreuses que les hommes.
Mais notre livret de famille prévoit toujours quatre pages pour les épouses et des pages sans limite pour les enfants.
Parlons maintenant de Mohamed Fizazi, l’homme.
L’Arabie saoudite doit être à vos yeux un modèle…
Vous vous trompez : c’est un antimodèle ! Exemple d’aberration : cette interdiction faite aux femmes de conduire une voiture. Aucun rapport avec la charia.
Dans le Coran, le verset cité pour justifier la polygamie évoque « une, deux, trois, quatre femmes », mais aussi clairement des esclaves… Pourquoi vous arrêter en chemin?
La citation est exacte. Il y a beaucoup à dire sur cette question, mais ce n’est pas le moment…
Et la « police des mœurs » qui oblige les gens à prier à l’heure dite ?
Ça se discute.
L’inégalité dans l’héritage édictée par le Coran serait justifiée par le statut dépendant de la femme, qui est à la charge de l’homme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui dès lors que les femmes travaillent et gagnent leur vie.
Et couper la main du voleur ?
q « Je me suis marié à l’âge de 22 ans avec la fille du cheikh Mohamed Jbari, laquelle avait 15 ans et m’a donné dix enfants. »
Je suis né en 1950 dans la tribu des Mernissa, entre Taounate, dans la région de Fès, et Taza. Mon père, lauréat de la Qaraouiyine, était capitaine des Forces armées royales [FAR] et y prêchait avec le titre de morchid [équivalent d’aumônier]. Il avait édifié sur ses propres deniers la mosquée Abou Bakr Esseddik, à Fès. C’est auprès de lui que j’ai entamé mon apprentissage des sciences de la charia. On dit que vous avez eu une adolescence dissolue…
Je me tenais à l’écart de la religion. J’étais passionné de cinéma et de musique arabe. Mes idoles : Oum
Mais ce n’est pas nécessairement un progrès ! L’homme doit conserver sa place naturelle primordiale. Autrement, nous n’avons plus affaire à une société musulmane. Que devient le principe universel d’égalité entre l’homme et la femme ?
Il faut parler de complémentarité plutôt que d’égalité. Ce qui n’empêche pas l’égalité entre les sexes dans certains domaines, comme la foi ou les obligations rituelles – lesquelles comportent d’ailleurs N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
D.R.
54
JEUNE AFRIQUE
Mohamed Fizazi La quatrième, c’est pour quand ?
Rien n’est prévu faute de moyens.
D.R.
Pouvons-nous parler de vos revenus ?
Kalsoum,Abdelwahab,Abdelhalim, Sabah Fakhri, Asmahane, Fairouz… Les Marocains aussi : Abdelhadi Belkhayat, Abdelwahab Doukkali, Mohamed Hayyani. J’aimais chanter, composer des poèmes. J’étais passionné également de dessin, de peinture. J’exécutais des portraits, des paysages…
très différente. Lui, il était venu me voir à l’hôpital et prenait régulièrement de mes nouvelles. J’en ai été extrêmement touché, puis métamorphosé. Après ma guérison, je me suis éloigné de mes amis avant de me consacrer à l’étude de l’islam.
Des étés inoubliables, sur la plage de Martil, dans le Nord…
La pêche. Une véritable addiction. Deux ou trois fois par semaine, j’éprouve le besoin d’aller à la mer, parfois jusqu’après minuit.
J’habitais chez ma tante et c’était la fête pendant deux mois. Les filles ?
Comme tous les jeunes. Avec un avantage sur les autres : outre une belle allure, le goût des chansons et de l’humour à tous crins. Je me suis marié à l’âge de 22 ans avec la fille du cheikh Mohamed Jbari, laquelle avait 15 ans et m’a donné dix enfants. Comment s’est opéré le changement de personnalité ?
En 1976, à 26 ans. J’avais attrapé la typhoïde et dû être hospitalisé pendant deux semaines. Un fait curieux m’avait profondément ébranlé : aucun de mes innombrables amis – sans doute des laïcs ! – ne s’était soucié de mon sort et ne m’avait rendu visite. Et, bizarrement, un fqih,imamdanslamosquéedemon père qui ne ratait pas une occasion de me sermonner et que je détestais cordialement, avait eu une attitude JEUNE AFRIQUE
Que reste-t-il de votre période « laïque », comme vous dites ?
Quand a eu lieu votre deuxième mariage ?
En 1998, avec une collègue, prof de français, âgée de 38 ans. Nous avons eu deux enfants qui ont aujourd’hui 14 et 11 ans. C’est en 2012, après ma sortie de prison, que j’ai contracté mon troisième mariage avec une Palestinienne de 34 ans. Je l’ai rencontrée au Caire. Journalistedeformation,elletravaillait comme réalisatrice à la télévision. Elle m’a donné une fille et nous attendons ces jours-ci un heureux événement [depuis, une fille est née et a reçu le prénom Amina]. Au total, ma famille se compose de 3 épouses et de 14 enfants (dont 2 garçons). Et j’ai 9 petits-enfants. Un détail : comment avez-vous obtenu l’accord de la première épouse prévu par la Moudawana?
Secret de fabrication !
p « La pêche est une véritable addiction. Je m’y adonne deux ou trois fois par semaine. »
Mes émoluments attribués par le ministère des Affaires religieuses au titre d’imam, ajoutés à ma retraite d’enseignant, ne dépassent pas 3 000 dirhams. Heureusement, il y a le commerce. On ne le sait peut-être pas, mais j’ai été un marchand d’huile d’olive prospère. Je me suis également adonné à la spéculation foncière. Et deux de mes épouses gagnent leurs vies ou plutôt notre vie. Enfin, mon père est riche et m’aide à l’occasion. J’ajoute que quatre de mes filles sont mariées et vivent en Europe : deux à Bruxelles, une à Barcelone et une à Hambourg. Ma famille est, Dieu merci, unie et solidaire. Vos trois épouses vivent-elles dans la même maison ?
Chacune a son appartement, et dans des quartiers différents. Il faut diviser pour régner ! Elles s’entendent bien ?
En tout cas, elles ne me font pas la guerre. Et c’est beaucoup. Elles n’ont pas, j’imagine, le même comportement à votre égard ?
C’est vrai. Quand je sors, la Palestinienne me souhaite de revenir, grâce à Dieu, en pleine forme. Et les Marocaines me demandent de ne pas oublier de descendre la poubelle ! Qui s’occupe des enfants ?
Je mets la main à la pâte. Le Prophète aimait beaucoup les femmes…
Vous connaissez le hadith : « Il m’a été donné d’aimer ici-bas trois choses; le parfum, les femmes et la prière. » Je corrige votre propos : le Prophète n’aimait pas les femmes mais ses femmes. Nuance. À vous entendre, l’islam est une religion d’homme.
Comme le dit le Coran, l’islam est une religion pour l’humanité. l N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
55
56
Europe, Amériques, Asie
FRANCE
Manuel Valls un Catalan dans l’arène
Europe, Amériques, Asie
La déroute socialiste aux municipales a convaincu François Hollande de nommer d’urgence un nouveau Premier ministre. Avec pour mission de redonner le moral aux électeurs avant la fin du quinquennat. Pas vraiment une partie de plaisir ! ALAIN FAUJAS
et des Finances, ou Bernard Poignant, conseiller à l’Élysée. u journal de 20 heures sur Paris a certes élu la socialiste Anne Hidalgo, TF1, ce 2 avril, sa raideur mais cette victoire ne saurait occulter la « vague est un peu plus prononcée bleue » de l’UMP, qui a pris le contrôle de la que d’habitude. Menton majorité des municipalités d’importance. Ni faire volontaire, sourire à peine oublier la forte poussée de la droite extrême : le esquissé… La froideur de Front national double ses scores antérieurs et Manuel Valls s’explique, bien sûr, par la foncadministrera à l’avenir une douzaine de cités. tion de Premier ministre de la France que le À persister dans sa feinte indifférence, le chef président de la République lui a confiée deux de l’État s’exposait à de nouveaux désastres. La jours auparavant. En finir avec le « trop d’inécolère gronde dans l’aile gauche du PS, qui n’a galités, trop de pauvreté, trop de souffrance » toujours pas digéré le virage social-libéral pris en dont sont victimes les Français ? La tâche ne janvier ni le « pacte de responsabilité » consistant s’annonce pas comme une partie de plaisir. à abaisser de 30 milliards d’euros les charges des Oubliées les petites phrases provocatrices entreprises afin de restaurer leur compétitivité pour la gauche. Les 35 heures à « réaménaet de les inciter à embaucher et à investir. ger », l’âge de la retraite à repousser et le mot Pis, les sondages annoncent une nouvelle socialisme à remiser au placard ? « C’est de la bérézina, dans un mois et demi, lors des élections préhistoire ! » jure-t-il. L’image qu’il entend européennes : le PS y arriverait en troisième renvoyer aux Français est celle du chef d’une position, derrière l’UMP et le FN. Ces sinistres équipe « de combat » qui a reçu mission de présages en vue de la présidentielle et des légisconcilier l’inconciliable : soutenir latives de 2017 imposaient de ne les entreprises « pour créer de plus attendre une hypothétique La précédente l’emploi et de la croissance » ; et reprise économique capable de équipe était baisser les impôts des ménages faire enfin reculer le chômage. tout en respectant l’engagement La réponse du président a été usée. Mais pris au niveau européen de ramede remplacer une équipe Ayrault qu’est-ce ner les déficits dans les clous. usée jusqu’à la corde par une que celle-ci Pour qu’à la fin du quinquennat autre, plus « compacte ». Le proa de nouveau ? présidentiel les Français soient blème est qu’on voit mal ce que moins déprimés qu’aujourd’hui. le gouvernement Valls a de nouSi François Hollande s’est résigné à faire appel veau. Sur les seize ministres (ministres délégués à son ministre de l’Intérieur, qui n’appartient et secrétaires d’État seront nommés ultérieurepas au premier cercle de ses intimes, c’est qu’il ment) qu’il compte, deux seulement ne faisaient y a péril en la demeure. La déculottée reçue pas partie du précédent : François Rebsamen, par la gauche aux élections municipales des ministre du Travail, et Ségolène Royal, ministre 23 et 30 mars appelait une réaction énergique. de l’Écologie et ex-compagne du chef de l’État. Ledit gouvernement n’est pas si « vallsien » PRÉSAGES. Ce scrutin local s’est en effet transque cela. Le Premier ministre a certes obtenu la formé en joute nationale, sur fond de rejet promotion de deux de ses soutiens : le bouillant populaire sans précédent du président de la Arnaud Montebourg à l’Économie et le très à République et de son gouvernement, où les gauche Benoît Hamon à l’Éducation nationale. couacs avaient fâcheusement tendance à se mulMais il a dû renoncer à nommer l’un de ses tiplier. Le Parti socialiste et ses alliés de gauche proches à l’Intérieur. L’omniprésence des poids ont perdu 155 villes de plus de 10 000 habitants lourds « hollandais » verrouille le dispositif au qu’ils détenaient depuis fort longtemps pour bénéfice du président. certaines – 1912, par exemple, pour Limoges ! La vraie nouveauté est que, à l’exception Et plusieurs « barons » ont mordu la poussière, d’une ministre radicale de gauche – Sylvia tels Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie Pinel, au Logement –, tous les ministres sont
t Passation de pouvoirs, le 2 avril, au ministère de l’Intérieur. Manuel Valls accueille son successeur, avant de rejoindre Matignon.
PHILIPPE STERC / RESERVOIR PHOTO
A
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
57
Europe, Amériques, Asie France socialistes. Les Verts ont refusé les postes proposés par Valls, qui tenait pourtant à leur présence afin de « gauchir » son image, et ont estimé par la voix de Cécile Duflot, leur chef de file, que « les idées portées par le nouveau Premier ministre depuis plusieurs années […] ne constituent pas la réponse adéquate aux problèmes des Françaises et des Français ». Ils se limiteront donc à un soutien à géométrie variable à ce gouvernement trop peu à gauche à leur goût. Leur mot d’ordre sera « ni défiance automatique ni confiance absolue ». RUPTURE. Même s’il affirme s’inscrire « dans la
continuité » de Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls va devoir marquer une rupture. Elle consistera à forcer ses ministres à « jouer de façon collective » et à aller vite pour concilier « croissance et justice ». L’attelage Hollande le temporisateur/Valls l’homme pressé tiendra-t-il ? Sur le fond, l’un et l’autre sont des sociaux-démocrates convaincus que la loi du marché est incontournable et que la lutte contre les déficits est une priorité. Mais le président ne peut oublier que son Premier ministre fut son concurrent lors de la primaire de 2011 et qu’il ne cache pas son désir de briguer un jour l’Élysée… Les obstacles qui se dressent devant le couple exécutif sont d’importance. Destiné à équilibrer le « pacte de responsabilité » en faveur des entreprises,
un « pacte de solidarité » devrait se traduire par des baisses d’impôts en faveur des particuliers, qui, inévitablement, amputeront les recettes de l’État et compliqueront la réduction des déficits. La phrase tarabiscotée prononcée par Hollande, le 31 mars – « Le gouvernement aura à convaincre l’Europe que cette contribution à la compétitivité et à la croissance doit être prise en compte dans le respect de nos engagements » – assortie d’une confirmation de son intention de comprimer les dépenses publiques de 50 milliards d’euros laisse songeur. Traduction : Hollande le temporisateur « Bruxelles devrait et Valls l’homme pressé : nous donner un peu combien de temps ce curieux plus de temps pour respecter notre engaattelage tiendra-t-il ? gement de réduire notre déficit à 3 % de notre produit intérieur brut afin de préserver la croissance. » En somme, il s’agit d’une version light de la ligne antiaustérité inaugurée par Matteo Renzi, le nouveau président du Conseil italien. Lorsque, avant la fin de ce mois, il présentera son programme « de stabilité et de réformes », Manuel Valls, Européen convaincu parce que né espagnol, aura fort à faire pour convaincre Bruxelles de donner un troisième coup de canif au plan de retour à l’orthodoxie. Il n’est même pas excessif de parler de gageure. l
LES AFRICAINS DE MATIGNON ans ses nouvelles fonctions, Manuel Valls pourra compter sur deux collaborateurs originaires du continent.
• Le premier se nomme Ibrahima Diawadoh N’Jim. Valls et lui se sont rencontrés à Évry, en 2001. Plus qu’un homme de confiance, ce discret Franco-Mauritanien – et musulman pieux – est un ami intime: il fut son témoin de mariage. Au cours des deux années qu’il a passées Place Beauvau, il était chargé des « affaires réservées », mais conseillait aussi le ministre sur tous les dossiers liés à l’intégration, à la diversité et au culte. « Je vais conserver les mêmes attributions », nous confiet-il, à peine installé dans son nouveau bureau à Matignon. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Disposant d’un important carnet d’adresses ouestafricain – il se rend régulièrement en Mauritanie et au Sénégal –, N’Jim devrait également s’occuper des connexions africaines du Premier ministre. Celui-ci est « très attaché au continent » et souhaite « une intensification de la coopération », glisse son conseiller.
• Même si les relations
internationales ne devraient pas être sa préoccupation principale, Valls pourra aussi s’appuyer sur l’expertise d’un autre de ses proches: Zaki Laïdi. Marocain d’origine, ce politologue est directeur de recherche au centre d’études européennes de Sciences-Po Paris et auteur de plusieurs ouvrages sur l’Europe. Pour
MEIGNEUX/SIPA
D
NOSSANT/APERCU/SIPA
58
p Ibrahima Diawadoh N’Jim (à gauche) est d’origine mauritanienne et Zaki Laïdi d’origine marocaine.
soutenir l’action de Valls, il a récemment publié des tribunes dans divers médias, du Journal du dimanche au Nouvel Observateur. Membre du conseil national du PS et théoricien de la
« modernisation de la gauche », il sera candidat aux élections européennes du 25 mai et figurera en troisième position sur la liste socialiste dans la région BENJAMIN ROGER Sud-Est. l JEUNE AFRIQUE
p La députée María Corina Machado interdite d’entrée à l’Assemblée, le 1er avril. VENEZUELA
L’autocrate et la pasionaria
indépendante très largement élue en 2010. Une sacrée battante. En 2011, elle avait lancéàl’adresseduprésidentHugoChávez (1999-2013) un slogan resté fameux : Après deux mois de manifestations souvent violentes, « Exproprier, c’est voler! » Le 21 mars, elle la répression se durcit. Face à Nicolas Maduro se dresse une très s’est rendue à Washington pour participer charismatique contestatrice. Son nom ? María Corina Machado. – en tant que représentante du Panamá – à une réunion de l’Organisation des États ept semaines après le début de aux pourparlers. Maduro n’a cependant américains (OEA). L’Assemblée nationale manifestations antigouvernepas caché le scepticisme que lui inspire en a profité pour l’accuser de trahison et mentales qui ont déjà provoqué cette initiative : « Ils sont allés chercher pour la destituer. Rentrée au Venezuela le lamortdetrente-neufpersonnes, le chancelier du Vatican, le pauvre, ils 26mars,ellen’apaspuentrerauParlement une issue à la crise est-elle en train de se vont lui faire perdre son temps. Ils veulent le 1er avril et a annoncé qu’elle déposerait dessiner?Rienn’estmoinssûr.Leprésident absolument un témoin ? Eh bien, qu’il un recours en justice pour la restitution de Nicolas Maduro a certes accepté d’ouvrir vienne! » a-t-il lancé lors d’une allocution son mandat de députée. Désormais privée le dialogue et de cesser ses attaques verretransmise par tous les médias du pays. de son immunité, elle risque néanmoins bales et physiques contre les leaders de Maispourl’opposition,leprincipalobstacle d’être arrêtée à tout moment, comme l’en la contestation. « Je vais bien les traiter estmoinslegouvernementquesespropres a menacée Diosdado Cabello, président pour qu’ils viennent me voir au palais de divisions: certains de ses leaders sont de de l’Assemblée et numéro deux du régime. Miraflores », dit-il. Il a aussi accepté que droite, d’autres de gauche. « Elle a gagné un vrai leadership, estime des observateurs de l’Union des nations l’analyste politique María Teresa Romero. sud-américaines (Unasur) se rendent au RADICAL. Il y a d’abord Henrique Capriles, Le gouvernement multiplie les violations Venezuela pour superviser la médiation. le candidat malheureux à la présidentielle de la Constitution, mais la destitution de Léthargique depuis des mois faute d’être d’avril 2013, qui se refuse à enfreindre la Machado est encore plus grave. » parvenue à élire un nouveau secrétaire Constitution et prône le dialogue. Mais Une semaine plus tôt, les maires de San général, l’organisation s’est brusquement l’émergence dans les manifestations de Cristóbal et de San Diego, deux bastions réveillée et a dépêché à Caracas, quarantede la contestation, avaient huitheuresdurant,sesdouzeministresdes été arrêtés et condamnés en En 2011, elle lance à l’adresse de Affaires étrangères. Ces derniers ont tour urgence à, respectivement, un Chávez un slogan resté fameux : à tour reçu des opposants, des étudiants an et dix mois de prison. Des protestataires, des représentants de partis élections municipales sont en « Exproprier, c’est voler ! » proches du pouvoir et de l’épiscopat, et préparation. « Nous avons déjà nouvelles figures plus radicales a changé noscandidats»,aplastronnéMaduro.Trois des associations de défense des droits de l’homme.Coalitiondespartisd’opposition, le visage de la MUD. Leader de Voluntad généraux de l’armée de l’air accusés de la Table de l’union démocratique (MUD, popular, Leopoldo López est partisan des préparer un coup d’État ont par ailleurs été grandes démonstrations de rue, fussentplacés en détention. Hétéroclite, divisée en espagnol) a accueilli favorablement la proposition du père Federico Lombardi, elles violentes. Arrêté le 18 février, il est sur les moyens d’agir et durement répriporte-parole du Vatican, que Mgr Pietro toujours en prison. Mais la vraie vedette mée, l’opposition n’a au fond qu’un seul dénominateur commun: son rejet absolu Parolin, le secrétaire d’État (et ancien de la contestation, c’est l’ingénieure María Corina Machado (46 ans), députée du chavisme. l MARIE VILLACÈQUE nonce apostolique à Caracas), participe
S
JEUNE AFRIQUE
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
MIGUEL GUTIERREZ/EFE/SIPA
59
60
Europe, Amériques, Asie FOOTBALL
Ombres sur la Coupe du monde Pour obtenir l’organisation de la compétition en 2018 et en 2022, la Russie et le Qatar ont-ils soudoyé des membres du comité exécutif de la Fifa ? Certains l’affirment et réclament des sanctions exemplaires. Ont-ils la moindre chance d’être entendus ?
A
vec le Trinidadien Jack Warner (71 ans), le présent ressemble souvent au passé. L’ancien vice-président de la Fédération internationale de football association (Fifa) a, le 17 mars, de nouveau été mis en cause par le Daily Telegraph, le quotidien britannique qui l’accuse d’avoir indûment touché une somme de 1,68 million d’euros : 860000 euros pour lui, 538000 euros pour l’un de ses fils et 287 000 euros pour un employé de sa compagnie. Coïncidence? Ces versements ont eu lieu peu de temps après l’attribution au Qatar, le 2 décembre 2010, de la Coupe du monde 2022… Les faits rapportés par le Daily Telegraph n’ont pas surpris ceux qui suivent de près les affaires de la Fifa : l’âpreté au gain de Warner est de notoriété publique. « Il est ouvert aux magouilles », confirme Jean François
Tanda, un journaliste suisse d’origine angolaise travaillant désormais à Blick, un quotidien de langue allemande dont le siège est à Zurich. L’argent a été versé par Kemco Group, la société qatarie, dont le propriétaire n’est autre que Mohamed Ibn Hammam, autre ancien vice-président de la Fifa. « Il s’agit peut-être de business entre les deux hommes, via leurs sociétés respectives, commente Tanda. C’est en tout cas ce qu’ils affirment. Et, de fait, rien ne dit qu’il y a un lien avec le foot et l’attribution de la Coupe du monde au Qatar. » D’autant que, selon plusieurs observateurs, Warner aurait donné sa voix non à l’émirat, mais aux États-Unis. Mais on ne prête qu’aux riches… Car ce n’est certes pas la première fois que Warner est soupçonné d’avoir vendu son vote lors du scrutin du 2 décembre 2010.
LA RUSSIE PRIVÉE DE DESSERT ?
A
près l’annexion de la Crimée et les bruits de bottes à la frontière avec l’Ukraine, des voix, certes isolées, commencent à s’élever pour réclamer l’exclusion de la Russie de la prochaine Coupe du monde au Brésil (12 juin-13 juillet). C’est le cas de deux sénateurs américains, Mark Kirk et Dan Coats, du Parti républicain, qui ont demandé à la Fifa de se réunir d’urgence pour en décider – ils souhaitent également que l’organisation de la Coupe du monde 2018 soit retirée au pays de Vladimir Poutine. Ils s’appuient sur l’article 3 N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
de la charte de la Fifa, qui prévoit que « toute discrimination à l’encontre d’un pays, d’un individu ou d’un groupe de personnes pour des raisons d’ethnie, de sexe, de langue, de religion, de politique ou pour toute autre raison est expressément interdite, sous peine de suspension ou d’exclusion ». Rappelons qu’en 1992, en pleine guerre des Balkans, la Yougoslavie fut exclue de l’Euro suédois et des qualifications pour la Coupe du monde 1994 aux États-Unis. Dans l’hypothèse,
improbable, où l’équipe russe serait priée par la Fifa de rester à Moscou, elle serait suppléée par celle d’Israël – en fonction du classement de celle-ci dans la poule de qualification. Au Mondial, la Russie figure dans le groupe H avec la Belgique, la Corée du Sud et l’Algérie. Or cette dernière n’entretenant pas de relations diplomatiques avec l’État hébreu, elle pourrait refuser de disputer le match. Et la Fifa se retrouverait avec un sacré sac de nœuds sur les bras ! l A.B.
DÉMISSION. Il est vrai qu’il est loin
d’être le seul. À l’époque, France Football et la presse chypriote avaient par exemple évoqué le cas d’un autre membre du comité exécutif de la Fifa, un certain Marios Lefkaritis. Et révélé que le Qatar avait obtenu une concession de 51 000 m2 près de Nicosie et une autorisation de bâtir un hôtel grand luxe à Larnaca sur un terrain de 7 ha appartenant à la famille dudit Lefkaritis. De même, certains se sont étonnés que la compagnie Qatar Airways ait ouvert une ligne vers Buenos Aires (Argentine) et une autre vers São Paulo (Brésil), alors que des soupçons de corruption pesaient, et pèsent toujours, sur l’Argentin Julio Grondona et le Brésilien Ricardo Teixeira. Ce dernier a d’ailleurs démissionné de la Fifa en mars 2012. Cette même compagnie aérienne a également ouvert une liaison entre Doha et Phuket, la célèbre station balnéaire thaïlandaise, alors que Worawi Makudi, le représentant de ce pays au comité exécutif, aurait voté pour le Qatar. Même chose pour les villes de Tokyo, Ankara et Barcelone… Il ne fait guère de doute que le Qatar a cherché à influencer certains votes. Reste à savoir s’il l’a fait en respectant les règles de la Fifa. C’est justement la raison pour laquelle l’Américain Michael J. Garcia, président de la chambre d’instruction de la commission d’éthique de la fédération internationale, a décidé d’enquêter dans les pays candidats à l’organisation des Coupes du monde 2018 (Russie, Angleterre, Portugal/ Espagne et Belgique/Pays-Bas) et 2022 (Qatar, Australie, États-Unis, Corée du Sud et Japon). Car il faut se souvenir que lors du vote de décembre 2010 (les deux compétitions ont, contrairement à l’usage, été attribuées le même jour) les rapports techniques n’étaient pas favorables aux deux pays finalement choisis : la Russie et le Qatar. Garcia, qui fut naguère procureur fédéral de New York, dispose de moyens financiers considérables pour mener son enquête. Il devrait rendre son rapport à la fin de l’année. « Il va avoir du mal à faire parler certaines personnes que rien n’oblige à témoigner, estime Tanda. Les documents sensibles sont à l’abri dans JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie t Le Trinidadien Jack Warner, ancien vice-président de la Fifa, en juin 2011 à Port of Spain.
Au-delà des soupçons pesant sur certains membres du comité exécutif, le rôle joué par les gouvernements des pays dont ils sont originaires pose parfois question. Le cas de Michel Platini, président de l’UEFA et statutairement vice-président de la Fifa, fait notamment débat. Nicolas Sarkozy, qui était encore chef de l’État en 2010 et n’a jamais caché sa proximité avec le Qatar, a-t-il fait pression sur l’ancien capitaine des Bleus pour qu’il accorde sa voix à ce pays plutôt qu’aux États-Unis ? Pure supputation, bien sûr, mais les mauvaises langues remarquent que Laurent, le fils de Platini, a ultérieurement été nommé directeur général de l’équipementier Burrda Sport, qui appartient à Qatar Sports Investments (QSI), le fonds souverain propriétaire notamment du Paris Saint-Germain.
SHIRLEY BAHADUR/AP/SIPA
ILLIMITÉ. « Les stades au Qatar qui accueilleront la Coupe du monde 2022 ont été dessinés par des architectes allemands, et le métro de Doha est construit avec l’aide de la Deutsche Bahn, première entreprise ferroviaire d’Allemagne », rappelle Tanda. Comment croire que les autorités de ce pays puissent ne pas y regarder à deux fois avant de se rallier à l’idée d’une sanction ? En 2010, quand la Coupe du monde a été attribuée, le monde entier était en pleine crise financière. Et de nombreux gouvernements ont vu d’un bon œil le fait que soit choisi un pays disposant de moyens apparemment illimités. Quoi qu’il en soit, un pays, au moins, n’est pas mécontent que l’attention soit ainsi polarisée sur le Qatar : c’est bien sûr une telle décision, explique-t-il. Or la Russie, organisatrice de la compétition Joseph Blatter, son président, mesure planétaire en 2018. Pourtant, Michael parfaitement les conséquences d’un tel choix. Les Qataris ont déjà dépensé J. Garcia s’intéresse aussi à son cas. En des sommes importantes pour la Angleterre, éliminée au premier tour en 2010, la presse multiplie les révélations sur des actes De curieux mouvements de fonds de corruption présumés entre des sociétés appartenant impliquant des membres du comité exécutif. La à d’anciens dirigeants. Russie a été désignée dès construction de stades. Si l’organisale deuxième tour, cas extrêmement rare. « Un expert zurichois du blanchiment tion du Mondial leur était retirée, ils intenteraient à coup sûr des procès à d’argent me disait récemment qu’en Russie beaucoup de choses s’achètent », la Fifa. L’hypothèse fait trembler cette ajoute Tanda. l dernière, même si sa santé financière ALEXIS BILLEBAULT est resplendissante. »
des cabinets d’avocats ou des sociétés fiduciaires qui ne sont aucunement soumis à la juridiction de la Fifa. » Si malgré tout Garcia parvenait à prouver certains cas de corruption, est-il envisageable qu’un nouveau vote ait lieu ? Certains pays, notamment l’Australie et les États-Unis, n’ont toujours pas digéré le verdict de 2010. On peut donc imaginer qu’ils fassent pression sur la Fifa pour que tout soit remis à plat. Peuvent-ils avoir gain de cause ? Contrairement à certains de ses confrères suisses, Tanda, même s’il n’écarte pas complètement cette hypothèse, se montre circonspect. « Seule la Fifa est habilitée à prendre JEUNE AFRIQUE
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
61
62
PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
p « Dans les sociétés américaines, ce qui compte ce n’est ni l’uniforme ni l’école que vous avez faite, mais les résultats. »
Jamel Gafsi Numéro 8 Ce Tunisien formé en Allemagne et en France dirige le Centre d’ingénierie de Microsoft, à Issy-les-Moulineaux.
C
OOL. L’adjectif colle à l’image que Jamel Gafsi s’applique à donner de lui. Difficile de croire au premier abord que ce quadragénaire détendu, affable, en jean et sans cravate, est depuis 2010 à la tête du Centre d’ingénierie de Microsoft d’Issyles-Moulineaux, en banlieue parisienne. Et qu’il dirige 300 ingénieurs répartis entre la France et les États-Unis. Mais au sein de la firmedeRedmond,l’inverseeût été étonnant. Steve Ballmer, l’ancien PDG du groupe aux 130000 salariés, n’avait-il pas habitué ses ouailles à le voir finir toutes ses présentations publiques en transe, à moitié débraillé? « Dans les sociétés américaines, ce qui compte ce n’est pas l’uniforme, ni l’école que vous avez faite. Ce sont les résultats, et cela me convient sans doute mieux. En huitans,j’aiétépromusixfois.Passûrque j’aurais eu le même parcours en tant que Tunisien dans un groupe français », analyse Jamel Gafsi, dont la filiale pèse
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
300 millions de dollars (218 millions d’euros). Ce docteur en télécommunications supervise une partie de l’offensive de Microsoft dans le domaine des contenus en ligne face à ses rivaux, Amazon ou iTunes. Au travers de la plateforme Xbox Music,seséquipesgèrentparexempleun catalogue de plus de 40 millions de morceaux de musique accessibles depuis un ordinateur, une console ou un smartphone. « Un patron humble, donnant l’exemple, mélange de cultures anglosaxonne et méditerranéenne », juge l’exministre tunisien de la Formation professionnelle et de l’Emploi Saïd Aïdi, qui, jusqu’en 2010, était directeur général de l’éditeur de logiciel HRAccess. Si Jamel Gafsi reconnaît que le groupe de Bill Gates a sans doute, « vu de l’extérieur », raté la révolution du mobile, il est persuadé que Microsoft fera bientôt mentir les Cassandre. « Notre stratégie, qui consiste à bâtir un environnement où
l’utilisateur garde ses repères, qu’il utilise une tablette ou une télévision connectée, va s’avérer payante », prédit-il. Des paris, le natif deTeboulba, un gros portdepêcheausuddeMonastir,al’habitude d’en prendre. En 2005, c’est sans hésitation qu’il a abandonné la direction delastart-upqu’ilavaitcofondéeàNicesix ansplustôt.Sasociété,spécialiséedansla diffusion de contenus audiovisuels sur le Net, employait pourtant 85 ingénieurs et réalisaitunchiffred’affairesconfortablede plus de 6 millions d’euros. « J’avais tenté de la vendre à Hewlett-Packard, mais les autresactionnairesn’ontpastrouvél’offre assez alléchante. J’ai décidé d’être officier sur un navire amiral plutôt que capitaine d’une coque de noix », assume Jamel Gafsi qui, en arrivant en 2006 chez Microsoft, prend la direction d’une petite équipe de cinq personnes en Europe. Le goût des challenges, Jamel Gafsi l’a pour ainsi dire toujours eu. Enfant, celui que l’on surnommait « numéro 8 » parce qu’il est l’avant-dernier d’une fratrie de neuf, a été marqué par le parcours de son père,«l’undespremiersjuristesformésen Tunisie,devenugreffierdutribunaldepremière instance de Sfax », et de son frère aîné, aujourd’hui directeur financier de la Banque tuniso-koweïtienne. « Faire des JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
« Toutes ces expériences m’ont forgé. Enfant, j’ai appris à écouter. Quandvousêtesnuméro8,vousn’avez pas forcément voix au chapitre. En créantmasociété,j’aiapprisàmanager et,enintégrantMicrosoft,jesuisdevenu un leader, capable d’inspirer », assène sans frémir celui qui aspire maintenant à partager ses acquis. EnTunisie? « Je restebiensûrtrèsattachéàmonpays.Je n’ai pas oublié que je suis parti grâce à unebourse.Maisl’heureestaujourd’hui àlapolitiqueavecdesdébatsquinesont pas à la hauteur des enjeux », déplore-til,refusanttouteétiquette.Peut-êtrea-t-il été échaudé par son expérience auprès de SaïdAïdi, lorsqu’il a planché après la révolutionsurunprojetdedigitalisation dupaysrestédansunplacard.Maisilen faudrait plus pour le démoraliser. « La Tunisieauneformidablecarteàjoueren se tournant vers l’Afrique », jure-t-il. Et si ce n’est lui, ses enfants concrétiseront peut-être ses espoirs. Tous trois apprennent l’arabe et vont régulièrement dans leur pays d’origine cultiver JULIEN CLÉMENÇOT leurs racines. l
TURQUIE
Trompe-l’œil Malgré les affaires de corruption présumée, l’AKP a remporté les élections municipales. Mais moins nettement que les législatives de 2011. Et au prix de nombreuses fraudes.
L
e mouvement contestataire de Gezi… Les scandales de corruption et la diffusion d’écoutes téléphoniques liées à ces affaires… L’adoption de mesures liberticides comme le blocage de Twitter et de YouTube… La crainte de voir Recep Tayyip Erdogan glisser de plus en plus vers l’autoritarisme… Rien n’y a fait. Sans surprise, lors des municipales du 30 mars, l’AKP a conservé son statut de premier parti et a remporté son huitième scrutin d’affilée depuis 2002, avec 43,3 % des voix (à l’heure où nous mettionssouspresse).Mieuxqu’auxmunicipales de 2009 (38,8 %), mais six points de moins que lors des législatives de 2011, où la formation islamo-conservatrice avait culminé à 49,8 %. À ceci près que, cette fois, le scrutin est entaché de fraudes. Dans quarante villes, des coupures d’électricité ont perturbé les opérations de dépouillement. À Ankara, où il n’y avait lors du recomptage du 3 avril que 32 000 voix d’écart en faveur de l’AKP, elles étaient dues à l’intrusion d’un chat dans un générateur, a affirmé sans rire le ministre de l’Énergie. Malgré les deux mille recours déposés devant le Haut Conseil électoral, le succès de l’AKP est réel. Fort de sa réussite économique, il conserve une base solide – la nouvelle bourgeoisie anatolienne, pieuse et affairiste – et bénéficie de l’incapacité de l’opposition à se renouveler. Ainsi, le CHP
(centre gauche) stagne à 25,6 %, tandis que progressent deux partis antagonistes : le MHP (ultranationaliste d’extrême droite), avec 17,6 %, et le BDP-HDP (prokurde), 6,6 % à l’échelle nationale, mais grand vainqueur dans le Sud-Est. « Le Premier ministre a réussi avec brio à faire passer les accusations de corruption pour un complot contre son gouvernement, explique Emre Erdogan, sociologue à l’université Bilgi d’Istanbul. Selon un sondage sortie des urnes, 95 % des électeurs de l’AKP ont indiqué que ces accusations n’avaient eu aucune influence sur leur vote. » Dire qu’elles n’ont pas eu d’impact serait inexact: les déçus se sont à l’évidence reportés sur le MHP, qui gagne deux millions de voix par rapport à 2011. TURBULENCE. Conscient de ce début
d’érosion, Erdogan saura-t-il avec le même brio se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible? Nul ne sait encore s’il va se présenter à la présidentielle du mois d’août ou s’il va opter pour le statu quo en restant Premier ministre. Mais, à le voir parader le soir de sa victoire au côté de ses proches (dont Bilal, son fils, et deux de ses anciens ministres mis en cause dans des affaires de corruption) et à l’entendre menacer ses opposants, on comprend que des mois de turbulence attendent une Turquie plus divisée que jamais. l JOSÉPHINE DEDET
q Recep Tayyip et Emine Erdogan après l’annonce des résultats à Ankara, le 31 mars.
DEPO PHOTOS/SIPA
études était une tradition familiale, impossible d’y déroger », reconnaît-il. Son bac scientifique en poche, le jeune homme a choisi de poursuivre son cursus en Allemagne. « Je voulais comprendre comment un pays anéanti à la findelaSecondeGuerremondialeavait pu redevenir l’une des premières puissances économiques européennes », explique-t-il. Arrivé à Karlsruhe, Jamel Gafsi a consacré six mois à apprendre l’allemand. « Cela a structuré ma pensée. Le verbe étant placé en bout de phrase, il faut attendre la fin pour réagir », se souvient celui qui a aussi été marqué par la rigueur germanique. «Uneminutederetardetlechauffeurde bus s’excuse. Cela changeait de la Tunisie, où personne ne s’arrête au feu rouge»,exagère-t-il.Sixansplustard,il décrochait le titre d’ingénieur principal spécialisé en télécoms et en informatique.Àl’invitationdel’undesesprofesseurs, il a ensuite rejoint le centre de recherche Eurecom à Nice pour y effectuer une thèse de sciences en anglais. « C’était encore un défi à relever », se souvient-il. En deux ans, il bouclait son doctorat et devenait enseignant chercheur, avant que la fièvre de l’entrepreneuriat ne le saisisse.
Photo : ISABELLE LÉVY-LEHMANN pour J.A. JEUNE AFRIQUE
63
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
64
Économie CIMENT
Tous grisés par La multiplication des usines en Afrique subsaharienne a porté ses fruits. En 2013, la région a, pour la première fois, produit plus de ciment qu’elle n’en a consommé. Principal acteur de cette révolution : le nigérian Dangote. CHRISTOPHE LE BEC
D
angote Cement est dans une forme olympique. L’entreprise nigériane, qui présentait ses résultats annuels le 26 mars à Londres, a réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 1,72 milliard d’euros(+29%surunan)etunbénéficede900millions d’euros (+ 39 %). Un score de poids lourd pour celui qui, en quelques années, a damé le pion aux rois «étrangers»ducimentsubsaharien: le français Lafarge, l’allemand HeidelbergCement et le suisse Holcim n’ont cessé de céder des parts de marché
à ce concurrent agressif. Avec 14,7 millions de tonnes écoulées en 2013 (soit 16 % des ventes au sudduSahara),Dangoteseplacedésormaisdevant Lafarge (15 %) et HeidelbergCement (environ 7 %), selon la Société financière internationale (IFC). EUPHORIE. Dans son sillage, toute une flopée de
producteurs africains, du sud-africain Pretoria Portland Cement (PPC) au marocain Ciments de l’Afrique (lire encadré p. 67), bousculent les grands cimentiers européens. Alors que l’Afrique subsaharienne ne produisait que 48,6 millions de tonnes de ciment en 2010, ce chiffre avoisinait les 98 millions en 2013 (hors Afrique du Sud). « Pour la première fois, la région a produit plus de ciment qu’elle n’en consomme, avec un excédent que nous estimons à 5 millions de tonnes », indique Edward George, analyste chez Ecobank. Le Sénégal et le Togo, qui disposent de bonnes réserves calcaires, sont déjà exportateurs.
INTERVIEW
DÉCIDEURS
Ministre marocain de l’Industrie
Vice-présidente Afrique de Western Union
Moulay Hafid Elalamy
AFRIQUE DE L’OUEST
Aïda Diarra
Fonds Gari cherche oiseau rare
65
l’or gris « Demain, ce sera le tour de l’Éthiopie et du Nigeria », avance Edward George. Derrière l’euphorie d’investissements des dernières années, l’assurance de trouver un marché en forte croissance ainsi qu’un bon niveau de rentabilité. À condition de s’installer assez tôt – prime au premier entrant oblige – et au plus près des grandes villes, compte tenu des coûts de transport élevés. « Après une croissance moyenne de 9,6 % par an depuis 2006, le marché subsaharien devrait augmenter en moyenne de 8,2 % par an jusqu’à 2016 », souligne Michel Folliet, responsable du département matériaux de construction à l’IFC. Si la consommation au sud du Sahara a bondi de 70 % depuis 2010, à 92 millions de tonnes en 2013, la moyenne par habitant (101 kg) y reste toujours nettement inférieure à la moyenne mondiale (550 kg), voire à celle du Maroc (380 kg). Dans la foulée, les prix ont baissé. « En Afrique de l’Ouest, région où il y a eu le plus de projets, le prix moyen de la tonne de ciment est de 100 à
150 dollars [de 73 à 109 euros], contre 280 dollars enRDCongo,paysensous-capacité.EnÉthiopie, où Dangote et PPC viennent de s’implanter, il fallait débourser 250 dollars la tonne il y a cinq ans, à cause des coûts de transport et des frais de douane sur le ciment importé via le port de Djibouti. Aujourd’hui, les prix sont descendus à environ 90 dollars la tonne! » se félicite Michel Folliet. Une évolution des prix bénéfique pour le consommateur comme pour le secteur de la construction. EMBÛCHES. Au jeu de la rentabilité, Dangote
Cement gagne haut la main. Sept fois et demie plus rentable que Lafarge à l’échelle mondiale, le groupe affiche une marge opérationnelle de 59,5 %. Un approvisionnement optimal en électricité et en gaz – avec l’aide de l’État – lui permet de faire tourner ses cimenteries à coûts réduits. Le groupe nigérian a par ailleurs mis en place un réseau de distribution efficace auprès de ses grands clients, avec l’acquisition de flottes l l l
ARONA/AHOUNOU
q La cimenterie sénégalaise de Dangote Cement, près de Thiès, est en phase de test.
AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS
66
de camions installées à la sortie des usines. Enfin, le protectionnisme en vigueur au Nigeria entrave les importations, limitant la concurrence et le risque d’une éventuelle guerre des prix. L’aventure africaine de Dangote a bien connu quelques embûches : des problèmes juridiques (notamment fonciers) et politiques ont entraîné d’importants retards de démarrage au Sénégal et au Cameroun, ainsi que des atermoiements sur des projets au Gabon et en Guinée, qui seront probablement abandonnés. Mais sa santé financière rassure sur sa capacité à mettre en œuvre son programme d’extensions. « Au Nigeria, nous prévoyons d’augmenter notre capacité annuelle de 9 millions lll
p Dans son pays, le groupe d’Aliko Dangote s’est doté de trois nouvelles lignes de production à Obajana (photo) et à Ibese.
BROYEURS. Longtemps contraints par de lourds
Quand les capacités dépassent la demande
162
(en Afrique subsaharienne, en millions de tonnes) Consommation
Afrique australe Afrique de l’Est Afrique de l’Ouest et centrale
Top 5 des cimentiers au sud du Sahara Moins de
375 000
SOURCES : IFC ET CIMENTIERS
tonnes
CIMENTS DE L’AFRIQUE • Broyeurs au Ghana, au Burkina Faso, au Gabon et au Mali N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
109
*prévisions
Capacités de production
72
29
25 13
22 15
32
21
30
35
48
44
2009
2010
27
2013
Ventes en millions de tonnes, 2013
44
115
41
33
92
68
6,2
de tonnes au second semestre 2014, grâce à trois nouvelleslignesdeproductiondansnoscimenteries d’Ibese et d’Obajana, explique Edwin Devakumar, directeur général de Dangote Cement. La capacité de nos autres usines africaines augmentera de 3 millions de tonnes d’ici à 2015, avec l’ouverture au second semestre 2014 de cimenteries au Sénégal, en Éthiopie et en Afrique du Sud, ainsi que d’un broyeur de clinker [mélange de calcaire et de silice] au Cameroun. » L’entreprise nigériane transforme par ailleurs ses anciens terminaux d’importation en plateformes d’exportation à destination de l’Afrique.
27
77
55
2016*
Projets
endettements,Lafarge(10milliardsd’eurosdedettes fin 2013) et HeidelbergCement ont décidé de réagir, « même s’ils ont raté le coche dans des pays importants, notamment en Éthiopie », observe Michel Folliet. D’ici à quelques années, les deux groupes européens devraient ajouter environ 18 millions de tonnes de capacité sur le marché. « Avec l’implantation d’une usine de clinker au Togo, nous serons en mesure d’approvisionner une série de quatre broyeursenAfriquedel’Ouest,auparavantalimentés par nos usines turques », se réjouit Jean-Marc Junon, patron du groupe allemand pour la région Afrique.
14
14,7
6,2
PRETORIA PORTLAND CEMENT • Cimenteries en Éthiopie et en RD Congo
HEIDELBERG CEMENT • Usine de clinker au Togo • Broyeurs au Burkina Faso et au Ghana • Cimenterie en Tanzanie
LAFARGE • Extensions de cimenteries au Nigeria, en Tanzanie et en Zambie
DANGOTE CEMENT • Cimenteries au Sénégal, en Éthiopie et en Afrique du Sud • Broyeur au Cameroun JEUNE AFRIQUE
LIRE AUSSI L’interview de Jean-Marc Junon, patron Afrique de HeidelbergCement
Lancés dans une course aux capacités, les cimentiers peuvent-ils rester aussi rentables ? Pour eux, après l’approvisionnement en électricité, la logistique nationale ou régionale est devenue le facteur clé. « En RD Congo, la hausse de la capacité et la baisse des prix n’entraîneront pas nécessairement une croissance des ventes. Pour progresser, il faut réussir à approvisionner l’ensemble du territoire, donc optimiser la distribution », illustre Jean-Marc Junon, dont le groupe dispose de deux cimenteries dans le pays, l’une dans le Bas-Congo, l’autre dans le Kivu. « En Afrique de l’Ouest comme en Afrique centrale, il faudrait que le ciment circule sans entrave entre les pays en surcapacité et ceux qui sont déficitaires », fait valoir Boubacar Camara, président de la Sococim (filiale du français Vicat au Sénégal), qui dit avoir du mal à écouler son ciment au Mali et au Niger. Un peu partout, la bataille fait rage. Et tous les arguments sont bons pour freiner les ardeurs des concurrents. « Si certains producteurs du Nigeria veulent exporter, il faudrait en retour que le marché nigérian soit ouvert à la concurrence », plaide Jean-Marc Junon, de HeidelbergCement, dont la base togolaise n’est qu’à quelques encablures de Lagos. En Côte d’Ivoire, les deux cimentiers actifs se sont élevés pour les mêmes raisons contre les projets d’importation de Dangote dans le pays. À Dakar, enfin, une procédure juridique a été lancée par la Sococim contre l’État au sujet des avantages accordés au groupe nigérian pour l’installation de son usine… « Nous pensons que le ciment est le prochain or africain », lâchait il y a quelques semaines Elias Masilela, patron du fonds de pension sud-africain Public Investment Corporation (PIC), qui a investi dans Dangote Cement. Visiblement, il n’est pas le seul à avoir compris le potentiel de « l’or gris ». l
ANAS SEFRIOUI CONJUGUE CIMENT ET IMMOBILIER DÉVELOPPANT UN MODÈLE stratégique bien à lui, Anas Sefrioui a opté pour une intégration verticale très poussée. Le patron marocain avance en effet deux pions en même temps dans les pays (francophones pour la plupart) où il opère : les cimenteries avec Ciments de l’Afrique et la promotion immobilière avec Addoha. « Il s’installe dans des pays où il y a peu de calcaire et il JEUNE AFRIQUE
y implante, à proximité des côtes, des broyeurs de taille modeste [de 500 000 à 1 million de tonnes] approvisionnés par du clinker venu par bateau de ses usines marocaines, dont il amortit ainsi les coûts. Et il achète une partie du ciment produit pour ses propres projets immobiliers », résume Michel Folliet, de la Société financière internationale (IFC). l C.L.B.
Entreprises marchés
Lafarge touche à tout Leader en Algérie, le groupe français se place en aval de la production avec sa propre chaîne de distribution, et en amont avec un laboratoire de développement.
S
eptembre 2013, à Alger. une autre de ses innovations : un Au sein du tout nouveau laboratoire de développement magasin Batistore, les de la construction. Inauguré en équipes de Lafarge, leader en novembre 2013 par Bruno Lafont, Algérie avec près de la moitié le PDG de la multinationale, ce de la production nationale (esticentre est le quatrième du genre mée à 21 millions de tonnes de dans le monde, après trois autres ciment par an), sont chez elles. en France, en Chine et en Inde. Le cimentier français est le « Avec ce laboratoire, Lafarge propriétaire de cette chaîne de Algérie devient un producteur magasins spécialisée dans la d’informations stratégiques sur vente de matériaux de construcle ciment et la construction, tion : du ciment, du béton et du notamment dans le domaine des plâtre Lafarge, bien entendu, normes », décrypte le journaliste mais pas seulement. économique Abdelkader Zahar. Pour le cimentier, présent dans le pays depuis 2002 mais INCONTOURNABLE. Sur 2300 m2 en position de force depuis le se côtoient un laboratoire spérachat d’opérations d’Orascom cialisé dans le ciment, le béton Cement en 2008, l’ouverture de et les granulats ; un autre dévolu ce magasin n’a rien d’anecdoaux systèmes constructifs ; un tique. D’ici à 2016, 25 points de pôle scientifique et académique ; vente de ce type devraient fleurir et un pôle de prescription. sur le territoire national à travers Objectif : créer les produits les un réseau de franmieux adaptés aux marchés locaux . chises. « Batistore D’ici à 2016, « Lafarge Algérie va permettre à 25 magasins est en train de passer Lafarge de toucher Batistore une clientèle plus du statut de simple spécialisée, comme producteur à celui doivent les architectes, les d’acteur touche-àouvrir leurs bureaux d’études, tout qui va devenir portes. les PME de construcincontournable dans tion, etc. », souligne le secteur », juge un Mohamed Nadjib Oudjit, professpécialiste. seur de génie civil et spécialiste Financièrement, le pays le lui du béton. rend bien : en 2013, Lafarge y Batistore n’est pas la première a connu une croissance de ses initiative de Lafarge dans le ventes de 8,9 % (pour un total domaine de la distribution, enjeu d’environ 600 millions d’euros), clé dans un secteur d’activité contre 0,8 % au Maroc voisin et où il est préférable d’éviter les une chute de 7,8 % en Égypte. longues durées de transport : Mais le groupe français devra le leader mondial du ciment a régler les conflits salariaux qui créé en 2012 un réseau similaire minent sa filiale algérienne. au Maroc, baptisé Mawadis, qui Début mars, seize travailleurs compte plus de 60 enseignes à de la cimenterie d’Oggaz ont travers le pays. entamé une grève de la faim En Algérie, où Lafarge compte pour demander leur réintégra2 600 collaborateurs, deux tion. Une situation que Lafarge cimenteries et 22 centres de semble pour l’instant très mal production de béton, le groupe gérer… l français a lancé l’année dernière CHLOÉ RONDELEUX, à Alger N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
67
68
Entreprises marchés EN KIOSQUE
Changer pour durer La quinzième édition de notre classement des 500 premières entreprises du continent est disponible à partir du 7 avril. Au cœur de ce hors-série, la question de la pérennité des groupes africains.
L
ce secteur, alors que le taux de pénétration du téléphone mobile a atteint 71 % en moyenne fin 2013 et que les revenus par utilisateur sur le segment voix se réduisent d’année en année. « Nous ne nous voyons pas comme une compagnie téléphonique, mais comme une entreprise de convergence numérique », souligne ainsi Arthur Bastings, patron Afrique de Millicom dans un entretien à Jeune Afrique : « Les opérateurs de téléphonie mobile sont les fournisseurs d’accès à internet privilégiés en Afrique, et ils ont une lé connaissance fine du consommaconn teur africain. Nous prenons donc teu très au sérieux tous les aspects du tr numérique et voulons participer à cette industrie. »
e palmarès des 500 preEn 2012, plusieurs d’entre eux mières entreprises afriont connu quelques embûches. caines sort en kiosque. Un grand nombre de filiales de Principal enseignement l’indien Bharti Airtel ont ainsi de ce classement exclusif, réalisé continué de perdre de l’argent, pour la quinzième fois par Jeune tandis que Maroc Télécom, leader Afrique sur la base des résultats historique du secteur en termes de bénéfices, a vu pour la prefinanciers de l’année 2012 : après une année 2011 difficile, marmière fois ses revenus baisser. EN VENTE quée par les crises ivoirienne, Notre hors-série consacre pluchez votre marchand égyptienne et tunisienne, les plus sieurs pages au renouveau de de journaux grandes entreprises du continent ont repris leur marche en avant – mais moins rapidement que SAGA. Ce paysage capitalistique SA prévu. Alors qu’en 2010 le rebond africain en pleine effervescence, d’après la crise financière intercapable de se renouveler, Jeune nationale avait été très net, avec Afrique y consacre d’autres pages une hausse de 17,7 % des revenus en revenant sur la singulière saga cumulés des 500, il aura été limité du géant ivoirien de l’agro-indusen 2012 à un plus modeste 6,1 %. trie Sifca, qui fête cette année ses Pas de quoi s’inquiéter, certes, 50 ans. Leader du cacao, il s’est pour les fleurons du continent ; transformé en quelques années mais ce chiffre est le résultat de en numéro un africain de l’huile difficultés croissantes dans plude palme et du caoutchouc et ne sieurs secteurs phares du paysage touche plus une seule cabosse. économique africain. Ainsi, les Ce fleuron, créé dans les années entreprises pétrolières, qui réa1960, a dû survivre à une lisent 23,7 % du chiffre d’affaires brutale libéralisation TÉLÉCOMS total des 500, ont été confrontées de la filière cacao, à La révolution en 2012 à une stagnation du prix une interminable crise ne sera pas téléphonée du baril, après des années de politico-économique très forte hausse ; ce qui a foret à deux crises de suctement limité la progrescession : l’une au niveau sion de leurs revenus. actionnarial, après le décès de Même schéma pour Pierre Billon, et l’autre au niveau Le PALMARÈS les grands groupes managérial, après l’assassinat des 500 premières miniers face à d’Yves Lambelin. entreprises africaines la stabilité des Parmi de nombreux articles et les classements cours de l’or, du et classements exclusifs, cette MANAGEURS commentés par secteurs Ils bâtissent et par régions zinc ou du fer… question de la transmission des l’Afrique En Afrique, l’émergrandes entreprises africaines gence de nouveaux est d’ailleurs l’autre grand thème ET AUSSI… secteurs d’activité – la disabordé par notre hors-série. Jeune • CAMEROUN: Adolphe Moudiki, tribution moderne ou les biens de Afrique ouvre en effet les portes or noir et carte blanche consommation, par exemple – est du groupe diversifié Holmarcom, encore trop récente pour modifier l’un des tout premiers du Maroc, • SÉNÉGAL: Fleurons à fleur de peau durablement le classement des qui, bien avant les autres, a dû • CÔTE D’IVOIRE: Sifca, une aventure ivoirienne 500, dont les équilibres sectoriels franchir le difficile cap du chan• MAGHREB: OPA sur l’Europe n’ont guère bougé en 2012. gement de génération de ses ins• Et nos rubriques « L’opération de l’année » tances dirigeantes. l Plus préoccupante est l’évoet « Nouveaux entrants » FRÉDÉRIC MAURY lution des géants des télécoms. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
Les indiscrets
Togo Qui veut de la BPEC ?
MAROC NAISSANCE D’UN POIDS LOURD
DR
L’Office national des chemins de fer (ONCF) s’apprête à un rapprochement capitalistique avec la Société nationale des transports et de la logistique (SNTL), numéro un du transit de marchandises au Maroc avec une surface de stockage et d’entreposage de 250 000 m2. Cette opération stratégique créerait un acteur de référence en Afrique : près de 4,5 milliardsdedirhams(400millions d’euros) de chiffre d’affaires et 56 millions de
JEUNE AFRIQUE
tonnes de marchandises transportées par an. Si la nature exacte du deal n’est pas encore déterminée, le ministère du Transport confirme que des négociations sont en cours. « Cela peut prendre la forme d’un rapprochement capitalistique, d’uneabsorptionoud’une fusion pour regrouper toutes les activités de transport et de logistique dans une seule entité. Toutes les options restent ouvertes », explique Mohamed Najib Boulif (photo), ministre délégué chargé du Transport et de la Logistique.
DR
du manque d’expertise financière de l’acquéreur. Les deux capital-investisseurs doivent donc trouver un nouvel acheteur pour le premier établissement togolais en nombre de comptes (près de 240 000), dont l’État détient près de 15 % du capital. La tâche s’annonce difficile : les pertes, causées par une mauvaise gestion, se sont accumulées, et les fonds propres à fin 2012 étaient négatifs de près de 1,8 milliard de F CFA (environ 2,7 millions d’euros). l
AIR FRANCE BYE BYE LIBERIA Bien qu’en expansion sur la plupart de ses destinations ouest-africaines, notamment en Côte d’Ivoire, Air France a décidé de fermer sa liaison Paris-Monrovia. La capitale libérienne était desservie depuis deux ans par la compagnie française, mais la ligne n’a jamais été rentable. La direction Afrique du groupe Air France-KLM était à Monrovia le 3 avril pour annoncer sa décision aux autorités. Les vols s’arrêteront le 18 juin. À la même date, le transporteur prévoit d’augmenter de deux à trois vols par semaine sa desserte de Freetown, la capitale sierra-léonaise.
SÉNÉGAL COUP DOUBLE POUR YÉRIM SOW
DR
A
fricinvest et Cauris Management, les deux principaux actionnaires de la Banque populaire pour l’épargne et le crédit (BPEC) avec 40 % du capital, cherchent à se défaire de leurs parts. La revente à Investment Cofip, une émanation du groupe espagnol Pefaco (spécialisé dans les jeux et la loterie), a échoué, la commission bancaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ayant refusé d’agréer la vente en raison
Mangalis accélère à Dakar. La filiale hôtelière de Teyliom, le groupe de Yérim Sow, construit un nouvel hôtel de 89 chambres dans le quartier des Almadies. Cet établissement sera le premier à revêtir la nouvelle marque du groupe, Yaas, active sur le créneau économique. Et sur l’île de Gorée, Mangalis a décroché la gestion de l’ancien palais du gouverneur, un splendide bâtiment public qui sera d’abord rénové par la Fondation Teyliom. Ce futur petit hôtel de luxe abritera 35 chambres.
ORANGE TÉLÉCOMS, ETC. Malgré le départ prochain d’Élie Girard, vice-président chargé de la stratégie d’Orange, le développement de la marque Horizons se poursuit. Plusieurs villes africaines, dont Le Cap, sont en lice pour tester en septembre ou octobre le concept de boutiques Orange dans des pays où le groupe français ne possède pas de licence. L’objectif est d’annoncer l’ouverture de franchises fin 2014. Ouagadougou, Cotonou, Libreville, Brazzaville, Alger et Accra font figure de cibles. Par ailleurs, Orange va implanter d’ici à la fin mai une plateforme logistique en Afrique du Sud pour accompagner le développement de son activité de vente en ligne en Afrique australe. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
69
Entreprises marchés
70
INTERVIEW
Moulay Hafid Elalamy
Ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique
Profil • 54 ans • Fondateur du groupe Saham en 1995
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
• Président de la CGEM de 2006 à 2009 • Nommé ministre en octobre 2013
« Le Maroc doit être généreux avec ses forces productives » Six mois après son entrée au gouvernement, l’homme d’affaires vient de dévoiler sa nouvelle stratégie industrielle. Objectif : favoriser l’emploi, la valeur ajoutée et l’export.
L
e 2 avril, Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie depuis octobre 2013, a présenté devant le roi sa stratégie sectorielle 2014-2020. Conçue en interne, elle se veut volontariste et crédible, n’en déplaise aux sceptiques. Car « on ne peut pas vouloir être champion du monde et préférer la sieste au travail », dixit « MHE », qui nous a reçu dans sa villa d’Anfa, à Casablanca. JEUNE AFRIQUE: Quel bilan faitesvous du travail de vos prédécesseurs ? MOULAY HAFID ELALAMY :
Depuis quelques années, le Maroc a décidé de prendre en main sa destinée économique. Avant, on concevait des plans quinquennaux qu’on reconduisait bon an mal an. La première rupture est advenue il y a dix ans, avec le premier plan Émergence. Nous avions alors un peu rêvé, pensant en termes de N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
« métiers mondiaux », ce qui était décalé par rapport à la marche des choses. Puis les plans se sont affinés. Les résultats sont notables dans l’aéronautique, l’automobile et l’offshoring, devenus des secteurs porteurs. Aujourd’hui, Bombardier estaccompagnéparplusde100entités productrices de pièces d’avion; Renault peut compter sur plus de 200 entreprises qui fournissent des équipements; et 70000 personnes travaillent dans l’offshoring, un secteur qui n’existait pas en 2009. Comment faire décoller vraiment l’industrie ?
Il faut confirmer le Maroc comme destination industrielle et pérenniser les implantations. Par ailleurs, je veux faire passer l’industrie à l’étape supérieure en créant des « écosystèmes » performants. Dans l’automobile, par exemple, si vous constituez un groupement d’intérêt économique, vous démultipliez la
création de valeur ajoutée et même d’emplois. Vous devenez plus solide faceàvotreacheteuretmoinsfragile face aux variations de prix. C’est un modèlequiafaitsespreuvesailleurs et que nous devons reprendre. Les opérateurs industriels se plaignent régulièrement de problèmes fonciers. Que comptezvous faire ?
Les parcs industriels intégrés sont trop distants des bassins d’emploi, et le prix du foncier est trop élevé. Il nous faut des terrains proches des centres urbains, ce qui permettra de réduire de 20 % les frais de transport qui grèvent les charges des entreprises. Ensuite, nous sommes en train d’instaurer un accès locatif aux zones industrielles, avec un guichet unique pour toutes les démarches, sur le modèle de Tanger Free Zone. Y a-t-il de nouveaux secteurs sur lesquels vous voulez miser ?
Non, il ne s’agit pas de parier sur de nouveaux secteurs, mais de renforcer ceux qui existent. La dernière stratégie a déjà intégré la pharmacie, la chimie et la JEUNE AFRIQUE
71
Votre plan prévoit de multiplier par sept les emplois industriels et de faire passer la part de l’industrie dans le PIB de 14 % à 23 % en six ans. Est-ce réaliste ?
Ai-je l’habitude de promettre des choses que je ne réaliserai pas? La tendance est à la baisse…
LePIB industrielestpasséde15% à 14 %. Nous avons insuffisamment accompagné les industries dites traditionnelles. Pour réussir, il faut être entreprenant et travailler sur la formation, le regroupement des opérateurs, les nouvelles zones industrielles et logistiques, la structuration de projets spécifiques… D’après la Banque mondiale, la Chineseracontraintedesous-traiter 85 millions d’emplois dans les dix prochaines années. J’en veux 1 %: 850000 emplois. On peut refuser d’y croire, mais je vous donne rendezvous dans dix ans. La Malaisie et la Turquie l’ont fait, le Maroc doit trouver les moyens d’en faire autant. Comment allez-vous financer le Fonds de développement industriel ?
Il s’agit de 20 milliards de dirhams [1,78milliardd’euros]prélevéssurle budget de l’État, au rythme de 3 milliards par an. Ce fonds fonctionnera comme un fonds de subventions pourlesentreprisesindustriellesqui créent de la valeur et de l’emploi. Le Maroc doit être généreux avec ses forces productives. Par contre, l’État ne peut pas aider la rente. Telle est la culture que nous voulons inculquer. Vous ne faites aucune référence à la fiscalité comme levier de JEUNE AFRIQUE
développement industriel ou de réorientation des flux d’investissement vers l’industrie. Pourquoi?
C’est un choix assumé : il faut avoir une fiscalité raisonnable. Quand j’étais patron de la CGEM [Confédération générale des entreprises du Maroc], j’ai obtenu une baisse des impôts pour les entreprises, mais nous devons être responsables. Faire de l’industrie, ce n’est pas faire de l’offshore. C’est investir dans un tissu national, avec des besoins sociaux, de la sécurité, de l’infrastructure. La décennie précédente a vu l’émergence de secteurs qui ont détourné le capital: la Bourse et l’immobilier. Aujourd’hui, pour créer de la richesse, les patrons reviennent à l’industrie. On ne peut plus choisir la facilité.
Retrouvez sur
economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :
Maroc Le mégaprojet « Casablanca-Port » reçoit le soutien des États du Golfe
Votre plan a été présenté quelques jours après un rapport de la CGEM sur l’industrie. Il n’y a visiblement pas eu de coordination…
Afrique australe Atlas Mara va acquérir le réseau bancaire BancABC
Le patronat joue son rôle en préparant sa stratégie, mais celle-ci n’a pas été partagée avec le ministère. On ne pouvait pas attendre. Disons qu’il y a eu une mauvaise synchronisation…
Mauritanie Glencore Xstrata aurait conclu un contrat de 725 M€ avec la Snim Côte d’Ivoire Le sud-africain PIC investit 22 M€ dans le fonds de Phoenix Capital Management
Comment avez-vous travaillé ?
J’ai trouvé au ministère de quoi nourrir vingt ans d’études. Nous avons des diagnostics dans tous les sens, mais certains se contredisent…Etjepeuxvousdirequecela a coûté cher! Ma première décision en tant que ministre a été de faire revenir la réflexion au sein même du ministère.
L’infographie de la semaine Retrouvez sur notre site les résultats des 18 filiales (hors Nigeria) de United Bank for Africa en 2013. Résultat net par pays, en millions d’euros :
La dépendance vis-à-vis des cabinets de conseil en stratégie, c’est donc fini ?
Nous avons beaucoup de matière grise en interne. Cette stratégie a été pensée et produite par des experts marocains, au Maroc et à l’étranger, quiontacceptédetravaillerdefaçon bénévole. Cette stratégie n’a pas coûté un seul dirham au Maroc. l Propos recueillis à Casablanca par
Ghana Burkina Cameroun
+ 32 + 8,6 + 7,6
(…)
SOURCE : UBA
parachimie. L’accompagnement de tous les métiers industriels se fera en fonction de leur contribution à trois critères: l’emploi, la création de valeur ajoutée et l’export. Nous ne pouvons pas abandonner le textile, créateur d’emplois. C’est un secteur porteur qui regagne en compétitivité. Il y a de la délocalisation depuis la Chine vers le Maroc.
– 2,3 –3 – 13,2
Kenya Tanzanie Bénin
YOUSSEF AÏT AKDIM N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Décideurs TRANSFERT D’ARGENT
Elle transforme les dollars en francs CFA La Malienne Aïda Diarra est vice-présidente Afrique de Western Union. Son défi : innover pour préserver le leadership du groupe américain dans les flux d’argent à destination du continent.
U
ne femme, qui plus est encore jeune, nommée patronne pour l’Afrique d’un acteur majeur de la finance? L’événement est assez rare pour être souligné. L’heureuse élue s’appelle Aïda Diarra, 44 ans. Viceprésidente de l’américain Western Union depuis 2006, elle vient de prendre les rênes du géant mondial du transfert d’argent à l’échelle de tout le continent. Née à Dakar d’un père malien professeur à l’université d’Abidjan et d’une mère nigérienne diplomate à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, cette dame à la voix douce et au rire communicatif est issue d’une lignée de femmes de caractère. « Ma grand-mèreétaituneavant-gardiste et ma mère a toujours surpris son entourage par son audace, se rappelle-t-elle. En ce qui me concerne, il était évident que je devais réussir mes études pour ouvrir mes perspectives d’avenir. » Dans sa jeunesse, Aïda Diarra parcourt l’Afrique, du Sénégal à la Côte d’Ivoire et jusqu’en Éthiopie, où elle va au lycée. Puis direction la France, où elle décroche un diplôme de finance et d’économie à l’American Business School de Paris, avant de gagner les ÉtatsUnis pour obtenir un MBA de gestion et affaires internationales à l’université de Hartford, dans le Connecticut.
lui permet de reprendre contact avec l’Afrique, où elle fournit des sociétés de télécommunications. L’expérience dure cinq ans, jusqu’à ce qu’elle rompe avec son associé, précisémentparcequ’ellesouhaitait privilégier le développement panafricain de leur entreprise. « Nous étions d’accord pour ne pas être d’accord », sourit-elle aujourd’hui.
1969 Naissance à Dakar 1992 Diplômée de l’université de Hartford (États-Unis) 1999 Directrice marketing adjointe de Western Union 2004 Directrice marketing pour l’Afrique, basée à Casablanca 2006
DIASPORA. À 25 ans, elle choi-
sit l’entrepreneuriat et reste aux États-Unis pour monter, avec un associé, malien lui aussi, Electro Ink Jet, une société d’import-export de matériel de télécoms. Alors que le boom de la téléphonie mobile commence à peine, cette activité N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Aïda Diarra rejoint alors Western Union. En 1999, le numéro un mondial du transfert de fonds, basé dans le Colorado, lui offre une carrière qui satisfait à la fois son esprit d’entreprise et son envie de travailler avec le continent. En tant que directrice marketing adjointe, elle est chargée du développement des flux en direction de l’Afrique, quatre ans après les premiers développements de Western Union dans la région – au Ghana, précisément. En pratique, elle identifie les communautés africaines dispersées à travers le territoire américain: Éthiopiens de Washington, Maliens de Cincinnati, Cap-Verdiens de Boston, Nigérians de Caroline du Nord… Ce métier lui permet d’offrir un service qu’elle juge indispensable à une diaspora dont elle fait
Son parcours
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
72
Vice-présidente pour l’Afrique de l’Ouest, puis pour la Cedeao (2009), et enfin pour l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique du Nord (2011) 2014 Vice-présidente régionale Afrique
JEUNE AFRIQUE
Décideurs
JEUNE AFRIQUE
NASPERS
ON EN PARLE
BOB VAN DIJK NASPERS Ce Néerlandais, ancien de McKinsey et d’eBay qui pilotait jusqu’à présent la branche commerce électronique de Naspers, succède à Koos Bekker, en poste depuis dix-sept ans, en tant que DG du conglomérat sud-africain.
DR
« Je suis persuadée que nous avons joué un rôle très important pour permettre aux plus pauvres d’accéder aux services financiers grâce à nos 27 000 points de vente. Et si nos partenaires bancaires ont pu étendre leurs réseaux d’agences, c’est en partie grâce aux flux générés par les transferts des migrants. » L’autre défi, pour Western Union, est technologique. Ces dernières PROMOTION. Devenue entreannées, de nouveaux prestataires temps directrice marketing pour innovants sont arrivés sur le marché l’Afrique, Aïda Diarra rejoint les avec le désir de grignoter des parts équipes de Casablanca en 2004. du gâteau des transferts de fonds « Mon choix en a surpris plus d’un, en direction de l’Afrique, estimé se souvient-elle. Normalement, on à 46,5 milliards d’euros en 2013. part de l’Afrique pour rejoindre les Mais Aïda Diarra n’entend pas États-Unis, pas l’inverse ! » À partir s’en laisser conter : « Nous devons développer des solude là, elle gravit rapitions permettant de dement les échelons Cette dame à pour finir par prendre cibler des personnes la voix douce qu’on n’arrive pas à la direction des activités de Western Union atteindre aujourd’hui. et au rire sur tout le continent communicatif Nous avons déjà noué des partenariats avec africain, début 2014. est issue Sous sa responsabides banques locales lité, une soixantaine et des sociétés de d’une lignée de personnes réparporte-monnaie élecde femmes tronique. » Parmi tiesdanstroisbureaux de caractère. (Casablanca, Lagos ces partenaires, les et Johannesburg) et opérateurs MTN en un chiffre d’affaires de plusieurs Ouganda, Safaricom au Kenya, centaines de millions d’euros (en Telma à Madagascar ou encore les 2013, les revenus cumulés Afrique services de transactions électroet Moyen-Orient ont atteint 640 milniques Virtual Terminal Network lions d’euros). et eTranzact au Nigeria. Dernière corde à son arc, l’accroissement Pas certain que cette promotion soit un cadeau. Pour faire face aux des transferts en liquide direcdéfis qui l’attendent, Aïda Diarra tement sur un compte bancaire. devra à la fois faire preuve de diploDans ce domaine, un accord avec Ecobank vient d’être appliqué au matie et d’une grande habileté de gestionnaire. Dans ce domaine, son Nigeria et sera bientôt décliné dans admiration pour l’intraitable Jack les 34 filiales du groupe bancaire panafricain. Welch,l’ex-patronemblématiquede General Electric – « un leader hors Même si elle affirme que sa famille « reste [sa] priorité », une pair », selon elle –, pourrait se révéchose est sûre : Aïda Diarra ne se lerutile.Elledevrad’abordrépondre voit pas quitter Western Union aux critiques adressées aux deux de sitôt. « Les perspectives sur le géants du transfert d’argent, continent sont phénoménales », Western Union et MoneyGram, accusés de profiter de leur situation s’enthousiasme-t-elle. Et d’évoquer de duopole pour pratiquer des tarifs le développement d’une solution élevés: la Banque mondiale évalue à destination des PME, Western leur commission moyenne à 13 % Union Business Solutions, qui permettra aux sociétés de faire des des flux en direction de l’Afrique, transactions transfrontalières. Pour contre 7,1 % pour l’Asie du Sud. Aïda Diarra préfère axer le débat leplusgrandbénéficeducommerce sur la qualité du service rendu et sur régional. l laquestion de l’inclusion financière. NICOLAS TEISSERENC
MOKHTAR TAZI MAROC NUMERIC CLUSTER Consultant au sein du cabinet Amadeus depuis 2006, ce diplômé de l’Institut national polytechnique de Grenoble (et bientôt de l’École des ponts ParisTech) a été nommé DG de l’organisme semi-public Maroc Numeric Cluster.
OLIVIER POUR J.A.
elle-même partie. « Quand on est un Africain à l’étranger, on comprend l’importance d’accompagner sa famille, souligne-t-elle. Quand quelqu’un nous dit qu’il a pu envoyer sa fille à l’école ou faire soigner sa mère à l’hôpital grâce à nos services, on se dit que même établi aux États-Unis, on peut avoir un impact sur place. »
ABDOULAYE BINATE HAY GROUP Basé à Abidjan, cet ancien DRH de l’ivoirien Sifca (2009-2013), diplômé en psychologie, représente désormais l’américain Hay Group, spécialiste des ressources humaines, en Afrique de l’Ouest francophone. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
73
74
AFRIQUE DE L’OUEST
Fonds Gari cherche oiseau rare Cette structure de garantie des crédits doit faire face au départ de ses actionnaires historiques, qui cèdent 80,56 % du capital. Avis aux repreneurs potentiels : les amateurs sont priés de s’abstenir.
À
20 ans, le Fonds de garantie des investissements en Afrique de l’Ouest (Fonds Gari) coupe le cordon ombilical. L’Agence française de développement (AFD), son équivalent allemand DEG, le Secrétariat d’État à l’économie de la Suisse (Seco) et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont décidé de céder leurs parts dans ce qui constitue l’une des très rares success-stories de l’histoire africaine des structures accordant des garanties dans le cadre d’opérations de prêt. Depuis le 23 février, ce sont donc 80,56 % du capital du Fonds Gari qui cherchent preneur. Le candidat idéal ? Un « partenaire stratégique » possédant « au moins 30 milliards de F CFA [plus de 45 millions d’euros] de fonds propres consolidés, des compétences opérationnelles pour assurer le développement » ainsi qu’une « vision stratégique à long terme similaire à celle des actionnaires cédants », selon l’appel à N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
manifestation d’intérêt publié par le fonds. Bref, un oiseau tellement rare qu’au moment où nous mettions sous presse seuls trois prétendants sérieux s’étaient manifestés, selon une source proche du dossier. La semaine du 7 avril, ces candidats pourront accéder à tous les détails financiers et opérationnels de la structure, dont les bureaux sont sis à Lomé, dans l’immeuble de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), le seul des actionnaires institutionnels à conserver ses parts (12 %). AILES. « Il était prévu dès l’origine
quelesquatreactionnairesétrangers se retireraient une fois que le fonds aurait fait ses preuves », explique Philippe Collignon, directeur de l’AFD au Togo et administrateur du Fonds Gari : « Depuis 2011, nous réfléchissions sérieusement à ce processus de cession. L’objectif est d’africaniser un fonds qui a atteint l’âge adulte et de voir comment il peut voler de ses propres ailes. » A
Les bailleurs qui se retirent… • AFD (France) • DEG (Allemagne) • Seco (Suisse) • BEI (Union européenne)
… et celui qui reste • BOAD (UEMOA)
priori, le fonds part sur de bonnes bases:réputébiengéré,notamment grâce à la vigilance des bailleurs, il n’a cessé d’accroître ses interventions au fil des ans. Les garanties accordées sont passées de moins de 5 milliards de F CFA au début des années 2000 à 13,7 milliards en 2008, « pour atteindre 37 milliards en 2013, précise Tombodo Ywassa, responsable du contrôle interne. Et les encours totaux ont atteint 85 milliards en fin d’année. » Autre point positif pour une structure censée travailler sur les quinze pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) : la montée en force sur la zone anglophone – même si les pays francophones, Côte d’Ivoire en tête, recèlent trois quartsdesencours.LeGhanareprésenteenviron15%duportefeuille,le double d’il y a dix ans. Et sur les six employés de la structure, un chargé d’affaires se consacre totalement à la zone anglophone. Autre nouveauté : depuis deux ans, le Fonds Gariproposeauxbanquesdegarantir l’ensemble d’un portefeuille de prêts, alors qu’il n’accordait jusqu’à présent que des garanties ligne de crédit par ligne de crédit. JEUNE AFRIQUE
Baromètre
GRAIN. Les candidats les plus
sérieux devraient donc être des bailleurs de fonds, conscients du rôle économique et social fondamental d’une structure comme le Fonds Gari. Créé par la Banque africaine de développement (BAD), l’African Guarantee Fund (AGF) a fait acte de candidature et aurait le profil idéal… à un détail près: « L’AGF est bien plus jeune que le Fonds Gari, qui a beaucoup plus d’expérience du métier », lâche un connaisseur. Les cédants, eux, veillent au grain : pas question qu’une des rares structures africaines facilitant l’octroi de crédits aux PME soit dépecée ou déviée de sa mission d’origine. À Lomé, on espère en tout cas que le nouvel actionnaire de référence saura relancer la machine, en injectant de l’argent et en favorisant l’innovation en termes de produits. « Il nous faut des moyens pour développer l’activité, insiste Tombodo Ywassa. Vingt-cinq milliards de F CFA de fonds propres, c’est trop peu pour intervenir dans un pays comme le Nigeria. Tous les projets qu’on nous y propose sont bien supérieurs à nos capacités. » Le marché est là, les compétences aussi. Reste à trouver le « partenaire » dont le Fonds Gari a besoin. Réponse au plus tard en juin. l
MAROC
« Casablanca bascule dans le rouge » LE MARCHÉ MAROCAIN n’est plus aussi résistant que par le passé. Sur les 72 sociétés ayant publié leurs résultats pour 2013, 44 ont affiché des revenus en hausse, mais les 28 autres ont suffi pour faire basculer l’ensemble de la cote dans le rouge. En 2013, le chiffre d’affaires consolidé de l’ensemble de la place a fait du quasi-surplace (– 0,5 %), a 244,4 milliards de dirhams (21,5 milliards d’euros), contre une hausse de 3,8 % en 2012. Premier responsable : la Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage (Samir), dont les revenus consolidés se sont contractés de 10,6 %, à 49,2 milliards de dirhams. Le poids de cette entreprise dans le chiffre d’affaires de la cote lui donne un
rôle important dans les variations d’une année sur l’autre : en l’excluant, le chiffre d’affaires cumulé aurait d’ailleurs augmenté de 2,3 %. Mais la Samir n’est toutefois pas la seule société à avoir vu ses revenus reculer : ceux de Maroc Télécom, un autre géant, ont baissé de 4,3 %, à 28,6 milliards de dirhams. À l’inverse, l’analyse de l’évolution des revenus des sociétés cotées fait ressortir l’excellente performance des établissements de crédit, dont le produit net bancaire (PNB) bondit de 7,5 %, a 49,5 milliards de dirhams. Le PNB de Banque populaire s’est accru de 14,6 % (13,2 milliards), quand celui de BMCE prenait 9,7 % (9,9 milliards). Les banques sont également
Nasreddine Lazrak Analyste senior chez Upline Group
les principales contributrices aux bénéfices de la cote (34 % des profits), suivies par les télécoms et le secteur du BTP et des matériaux de construction, avec des contributions respectives de 22 % et 11 %. Mais dans l’ensemble, en 2013, le résultat net part du groupe cumulé de la cote s’inscrit lui aussi dans le rouge, avec une contraction de 6,7 %, à 25,7 milliards de dirhams. » l
Les banques, championnes des profits Répartition par secteurs du résultat net part du groupe des sociétés cotées à Casablanca (en %)
Distribution 2 %
Autres 8%
Assurances 4 %
Banques 34 %
Agro-industrie 4 % Mines 5% Immobilier 10 %
BTP et matériaux de construction 11%
Télécoms 22%
SOURCE : UPLINE GROUP
Le Fonds Gari étant un cas unique ou presque en Afrique et le financement des PME étant à la mode, les candidatures devraient affluer pour reprendre les parts en vente. Selon nos informations, la valorisation tournerait autour de 25 millions d’euros. Le dossier a été présenté à de nombreux investisseurs par les conseils de l’opération, mais, interrogés par Jeune Afrique, trois financiers ont confié y avoir à peine jeté un œil. « Ce métier relève davantage d’un actionnariat institutionnel que d’un fonds d’investissement purement privé », estime l’un d’eux. Un consortium de banques pourrait être intéressé, voire des assureurs, qui pourraient y voir un complément d’activité ou un placement. Mais avec des commissions de 1 % à 1,5 % par an, ce n’est pas aussi rentable.
Finance
FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
75
76
Dossier
Agriculture
INTERVIEW
Daniel Chéron Directeur général de Limagrain
ÉLEVAGE
Révolution de Plus de viande, plus de produits laitiers : avec l’amélioration du niveau de vie, la demande d’aliments d’origine animale devrait tripler sur le continent d’ici à 2050. Une occasion unique de structurer et de moderniser le secteur. NICOLAS TEISSERENC
L
’
Afrique est à l’aube d’une révolution en matière d’élevage. Jusqu’à présent simple spectatrice, elle n’échappera pas à la tendance déjà observée en Amérique latine et en Asie : la croissance du revenu par habitant, le dynamisme démographique et l’urbanisation vont entraîner une hausse considérable de la consommation de produits alimentaires d’origine animale. Selon les projections de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2050, les marchés de la viande et du lait sur le continent auront plus que doublé pour atteindre respectivement 34,8 et 82,6 millions de tonnes. « De plus en plus d’Africains s’apprêtent à rejoindre la classe moyenne. Leurs aspirations diététiques évoluent, et les familles cherchent à introduire davantage de protéines animales dans leur régime quotidien », analyse Colin Watson, expert des questions agricoles chez l’investisseur sud-africain Phatisa, qui gère notamment le fonds spécialisé African Agriculture Fund (AAF). Toujours selon la FAO, le marché des aliments d’origine animale sur le continent, estimé à 51 milliards de dollars (environ 35 milliards d’euros) en 2005-2007, devrait presque tripler d’ici à 2050. L’institution est formelle: les producteurs locaux éprouveront toujours plus de difficultés à suivre le rythme.Ainsi,surlamêmepériode,lesimportations de viande devraient plus que quintupler, passant de 0,9 à près de 5 millions de tonnes, quand celles de lait devraient quasiment doubler, jusqu’à 10,2 millions de tonnes. À force de recourir massivement aux importations, l’Afrique risque de manquer une importante occasion de développement. « Produire N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
p Troupeau de bovins dans la région d'Arusha, en Tanzanie. JEUNE AFRIQUE
CÔTE D’IVOIRE
Rebond dans le coton
ÉQUIPEMENT
Mahindra creuse son sillon
INTRANTS
Un petit coup de pousse !
palais
PÊCHE
Safi à marée basse
localement la nourriture en ayant recours aux meilleures pratiques internationales, avec de grandes exploitations et des méthodes intensives : voilà la marche à suivre », défend plutôt Colin Watson. Dans ce domaine, presque tout reste à faire. Le Maroc a pris de l’avance dans la production de lait, la source de protéines animales la plus abordable. Centrale laitière, filiale du français Danone, réalise ainsi un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros et compte 120 000 éleveurs partenaires. La filière locale de la viande rouge demeure quant à elle peu développée. La faute, selon Hammou Ouhelli, président de la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (Fiviar), à des abattoirs vétustes, « toujours sous la coupe des collectivités locales ». Mais cela pourrait changer, veut-il croire: « L’État a l’intention de libéraliser la filière, ce qui permettra la mise en place d’abattoirs modernes. » Omar Iraqi, directeur des achats chez Koutoubia, l’un des principaux acteurs de l’élevage dans le royaume, est plus pessimiste : « La filière bovine a peu de chances de se développer en raison du prix élevé des aliments [pour le bétail] et du manque d’eau. » Pour lui, « la chance du Maroc, c’est la viande blanche » (lire pp. 76-78). L’Algérie accuse encore plus de retard que son voisin. Ziane Fayçal, consultant indépendant spécialiste de l’agroalimentaire, est catégorique : « Il n’existe pratiquement pas de filière de transformation de la viande, si bien que le bœuf est presque exclusivement importé du Brésil et de l’Inde. »
ALAMY
TÊTES. Au sud du Sahara, où la marge de progres-
JEUNE AFRIQUE
sion est encore plus importante, certains acteurs montrent la voie. Ainsi, le zambien Zambeef, fort de 40 millions de dollars investis par la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale) depuis 2010, a misé avec succès sur une intégration verticale, de la production d’aliments pour son bétail à partir de ses propres cultures jusqu’à la distribution. En plus d’approvisionner le marché national en engraissant chaque année 24 000 bovins, le groupe exporte dans la région et possède même une filiale au Nigeria. En 2013, son chiffre d’affaires a atteint 300 millions de dollars, pour une marge brute de 100 millions. En Afrique francophone, plusieurs entreprises sont également sur les rangs, bien qu’à des stades peu avancés. Siat Gabon, filiale locale du belge Siat, a mis sur pied un ranch de 100 000 hectares et vise un cheptel de 20 000 têtes à l’horizon 2017. En RD Congo, les familles belges Damseaux et Forrest possèdent respectivement 55000 et 35000 têtes de bétail à travers leurs sociétés Orgaman et Grelka. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
77
Dossier Agriculture En Côte d’Ivoire, Exat, jusqu’alors spécialisé dans la culture de l’hévéa, tente lui aussi de se lancer dans l’élevage tandis que deux unités de transformation de lait frais, Ivolait et Normandia, affichent une capacité de traitement de 1 100 litres par jour.
Production Productionde deviande viande
(enmillions millionsde detonnes, tonnes,moyenne moyenne2010-2012, 2010-2012,valeurs valeurs2012 2012estimées) estimées) (en 2,9 2,9
0,3 0,3
2,9 2,9
0,9 0,9
Inde
Inde
CARCASSES. Alors que la révolution qui s’amorce
ne devrait pas épargner les éleveurs traditionnels, que ce soit en Afrique du Nord, au Sahel ou dans les plaines d’Afrique centrale, une question interpelle les observateurs : comment réussir à concilier les deux types d’élevage en jeu, la forme traditionnelle, dite extensive, qui emploie beaucoup de maind’œuvre, et la forme intensive, plus à même de soutenir la concurrence internationale ? Le Maroc tente, non sans mal, d’avancer sur la voie intensive tout en préservant les 1,5 million de personnes qui vivent de l’élevage. Le pays a notamment mis en place des barrières tarifaires très élevées (200 %) sur l’importation de carcasses. Dans l’économie des pays du Sahel, l’élevage traditionnel joue un rôle central, avec une contribution au PIB agricole estimée à 40 % environ. Le secteur est déjà en danger à cause des conditions climatiques de plus en plus rigoureuses et de la pression démographique. Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il devient urgent de rationaliser la production… faute de quoi toute une classe d’éleveurs nomades sera sacrifiée. L’Afrique centrale est, elle aussi, soumise à de fortes pressions. « Il se vend de plus en plus de zébus brésiliens au Congo. Produire de la viande au Brésil coûte deux fois moins cher. Personne ne peut lutter contre cela », estime Philippe Lecomte, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Pour Cheikh Ly, de l’Institut international de recherche sur l’élevage, et Simplice Nouala, du Bureau interafricain des ressources animales, les politiques doivent désormais favoriser un modèle à deux vitesses : « Encourager l’élevage intensif permettrait d’augmenter la production animale et la productivité des agriculteurs, ce qui devrait
Algérie
Algérie
Égypte
Égypte
0,1
0,1
0,7
0,7 0,9
Af. du Sud
0,9
nc
0,3
nc
0,3
nc
0,8
nc
0,8
0,3
0,3
1,5
1,5
0,2
0,2
0,1
0,1 0,2
0,2
Af. du Sud SOURCE : MEAT ATLAS
78
Bœuf
Bœuf
En 2013, le chiffre d’affaires du zambien Zambeef a atteint
300
millions de dollars, pour une marge brute de 100 millions de dollars
Porc
Porc
Volaille
Volaille
Mouton et chèvre
Mouton et chèvre
générer des retombées en termes d’emploi et de consommation.Etsoutenirl’élevageextensifaiderait les plus pauvres à tirer pleinement parti de leur bétail. » Pour cela, une seule solution : trouver des mécanismes de financement et structurer les filières, de l’élevage à la distribution en passant par la transformation (abattage) et l’instauration d’une chaîne du froid. Pour répondre à la fois aux intérêts des éleveurs traditionnels et aux exigences de sécurité alimentaire, les décideurs africains pourraient s’inspirer de l’exemple de la Laiterie du Berger. Soutenue par Danone Communities (incubateur et fonds d’investissement social du géant mondial des produits laitiers), cette société a été fondée par le Franco-Sénégalais Bagoré Bathily en 2005. À l’origine, un constat: 90 % du lait consommé au Sénégal est importé sous forme de poudre, alors que 30 % de la population vit de l’élevage. Aujourd’hui, la sociétécollecteprèsde2500litresdelaitchaquejour auprès de 800 éleveurs: un commerce qui bénéficie à plus de 10000 personnes, selon l’entrepreneur. l
L’aviculture sort de sa coquille Le secteur est en plein essor. Et pour cause : les œufs et la viande de volaille sont riches en protéines… et bon marché.
D
ans le combat pour l’autosuffisance en protéines animales, l’aviculture est sans doute la meilleure arme de l’Afrique. « Un pouletestproduitenquarantejours, alors qu’un bœuf nécessite vingt
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
mois d’élevage intensif », explique Philippe Lecomte, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Résultat : le secteur, prometteur, attire de nombreuses
sociétés spécialisées. Mais aussi le fonds d’investissement African Agriculture Fund (AAF), fort de 243 millions de dollars (177 millions d’euros). Il a notamment investi dans la firme zambienne Goldenlay (à hauteur de 24 millions de dollars), l’une des principales sociétés avicoles au sud du Sahara, ainsi que dans l’entreprise camerounaise West End Farms. « L’aviculture l l l JEUNE AFRIQUE
MALTE JAEGER/LAIF-REA
Dossier Agriculture
p Dans une ferme avicole au Mali.
commerciale couvre deux secteurs distincts: les poulets, pour la viande, et les poules pondeuses, pourlaproductiond’œufs.Laviande blancheestl’unedessourcesdeprotéines les moins chères, tandis que les œufs constituent une nourriture à la fois riche et très bon marché, qui bénéficie en outre d’une bonne durée de conservation », explique ColinWatson,spécialistedel’agriculture chez l’investisseur sud-africain Phatisa, gestionnaire du fonds AAF.
Principaux importateurs de volaille du continent
lll
ENTRAÎNEMENT. Autreavantagede
la filière : elle stimule d’autres productionsagricoles.«Dansbeaucoup de pays, les politiques l’ont favorisée pour son effet d’entraînement sur la production de céréales. C’est le cas en Afrique australe notamment », constate Philippe Lecomte.
(en milliers de tonnes, en 2012) 400 350 300
Angola
RD Congo
Bénin
Ghana
Congo
Afrique du Sud
250 200 150 100 50 0
Total des importations africaines : 1,3 million de tonnes
SOURCE : MEAT ATLAS
80
Du nord au sud du continent, les filières se mettent en place avec plus ou moins de réussite. En Côte d’Ivoire, la Société ivoirienne de productions animales (Sipra), qui détient 60 % du marché, a lancé en 2012 un plan d’investissement de 22 millions d’euros pour augmenter sa production, sur fond d’explosion de la consommation d’œufs et de volaille. Le Maroc compte plusieurs producteurs de premier plan, parmi lesquels Zalagh, qui a reçu le soutien de la Société financière internationale (IFC, groupe Banque mondiale), ou encore Koutoubia, numéro un de l’élevage de dindes. Dans le royaume, le secteur a produit 510 000 tonnes de viande et 4,3 milliards d’œufs de consommation en 2012 selon la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (Fisa). Il couvre la totalité des besoins en viande de volaille, soit 52 % de la consommation totale de viande. SOJA. Malgré ces succès, le développement de l’aviculture risque de rencontrer plusieurs obstacles, notamment le prix élevé des aliments pour animaux (maïs, soja), qui représente plus de 60 % du coût de production des volailles. Un écueil que Poulina, l’un des plus importantsconglomératsdeTunisie qui s’est développé grâce à l’aviculture, évite à sa façon : il dispose aujourd’hui de quatre usines d’alimentation animale, d’une capacité totale de 450 000 tonnes par an. « À cela s’ajoutent la forte concurrence des importations de poulets congelés, ainsi que le coût et le manque de fiabilité de l’alimentation électrique », énumère Colin Watson. À travers AAF, il essaie d’aplanir une autre difficulté de taille : le manque de capitaux disponibles pour investir dans ces projets. l N.T.
SIGMA
SOCIÉTÉ IVOIRIENNE DE GESTION DE MATIÈRES AGRONOMIQUES
AFRICA COIR
1
5
1. Application du produit 2. Germination des spores 3. Exploration des racines 4. Colonisation des racines
5. Développement du réseau d’hyphes = . Meilleure absorption des éléments nutritifs et de l’eau . Augmentation des rendements . Accroissement de la survie des végétaux
2
4
3
Dossier Agriculture INTERVIEW
Daniel Chéron
Directeur général du groupe Limagrain
« Évitons les excès constatés en Argentine ou au Brésil »
35 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, soit plus de 85 % de nos revenus africains. Mais depuis un an, vous vous développez aussi sur le marché des semences de grandes cultures…
Le semencier français vient de prendre une participation dans le numéro un africain, Seed Co. Son patron affiche ses ambitions et partage sa vision du développement agricole du continent.
Q
uatrième semencier mondial, Limagrain a réalisé 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Établi sous forme de coopérative, le groupe français est notamment actif dans le domaine des semences potagères et dans celles de grandes cultures (maïs, blé, etc.) via la société cotée Vilmorin, dont il contrôle 72,5 % du capital. Pour conforter son leadership, Limagrain s’est implanté dans les principales zones émergentes, comme le Brésil, l’Asie ou, très récemment, l’Afrique. Daniel Chéron, son directeur général, décrypte la stratégie du semencier français et livre son opinion sur le potentiel du continent. JEUNE AFRIQUE : Comment jugezvous le potentiel agricole africain? DANIEL CHÉRON : Très impor-
tant. Les surfaces cultivées sont évaluées à 200 millions d’hectares, soit deux fois plus qu’en Europe. Le continent représente un peu plus de 16 % des terres arables mondiales. Et les experts estiment que ces surfaces pourraient être doublées. Par ailleurs, les rendements restent faibles. Celui du maïs est de 2 tonnes par hectare aujourd’hui, contre 9 t en France. L’Afrique pourrait assez facilement doubler sa capacité. Cela suppose bien sûr d’importants investissements en infrastructures, notamment pour développer l’irrigation. Mais pour un continent dont la population atteindra 1,5 milliard d’habitants en 2030 et qui veut devenir autosuffisant sur le plan alimentaire, cela paraît incontournable. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Limagrain a décidé d’être présent dans toutes les zones à fort potentiel agricole, que ce soit au Brésil, en Argentine, en Ukraine, en Russie, en Chine ou dans le SudEst asiatique. Dans le domaine des grandes cultures, seule l’Afrique faisait exception.
Combien pèse le marché des semences sur le continent ?
En 2012, il représentait 1 milliard de dollars [756,5 millions d’euros environ], dont 40 % pour les semences de maïs. Les principaux marchés sont l’Afrique du Sud (400 millions de dollars), l’Égypte et le Maroc (140 millions chacun), et le Nigeria (120 millions). Que représente l’Afrique dans la stratégie de Limagrain ?
La recherche de lignées adaptées peut faire progresser les rendements.
Ces dix dernières années, notre approche était centrée sur le développement des semences potagères, principalement en Afrique du Nord (au Maroc, en Égypte et en Algérie) et en Afrique du Sud. Dans la région d’Agadir, nous assistons à un développement important des cultures maraîchères sous serre, destinées à la consommation locale mais aussi aux marchés européens. L’activité des semences potagères a représenté environ
Afrique du Sud Zimbabwe Zambie Kenya Ouganda Malawi Mozambique SOURCE : SEED CO.
82
Une marge de progression pour les semences améliorées
Tanzanie Éthiopie
(Taux d’utilisation, en %)
Angola 0
20
40
60
80
100
Nous avons acheté en janvier 2013 Link Seed, une acquisition modeste [la société affiche 10 millions d’euros de chiffre d’affaires], mais qui nous a permis de nous implanter en Afrique du Sud avec comme objectif principal le marché des semences de maïs. Cette culture représente 35 millions d’hectares sur le continent, soit une surface presque équivalente à celle exploitée en Amérique du Nord. Et, très récemment, nous avons décidé d’aller un peu plus loin en prenant une participation de l’ordre de 20 % dans le semencier Seed Co., leader africain. Cette société cotée installée au Zimbabwe réalise plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires. Elle est présente dans une dizaine de pays, de l’Afrique du Sud à la Tanzanie, et cherchait un partenaire pour poursuivre sa croissance, notamment dans la recherche. Nous lui apportons des ressources financières et technologiques pour rester compétitive face à des groupes comme Monsanto, Syngenta ou Pioneer. JEUNE AFRIQUE
83
cela renforce nos ressources génétiques de semences avec des variétés proches de celles utilisées en Inde et au Brésil.
Votre groupe pèse 2 milliards d’euros. Pourquoi avoir pris une participation minoritaire ?
Entrer au capital de Seed Co., c’est un moyen de comprendre le continent. Nous construisons une stratégie à long terme. Notre idée est d’accompagner cette société pour qu’elle développe des produits adaptés à la demande et aux enjeux. Si l’occasion d’augmenter notre participation se présente, nous y réfléchirons, mais nous ne sommes pas pressés. L’accord passé avec les actionnaires de l’entreprise impose que Limagrain ne contrôle pas plus de 30 % du capital dans un premier temps.
Votre avenir sur le continent passe donc dorénavant en priorité par les semences de grandes cultures ?
Non, pas uniquement. Notre approche est double. Dans ce domaine, les pays anglophones iront plus vite que les francophones. Mais pour les semences potagères, ce sera peutêtre différent. Nous sommes très attentifs au cas du Sénégal par exemple. D’ailleurs, si une occasion se présente, nous la saisirons.
Le continent peut être difficile pour les investisseurs, comment abordez-vous ce nouveau défi ?
Dans nos métiers, il est très difficile de partir de zéro, eu égard à l’importance des ressources génétiques. Quand le groupe décide d’aller en Afrique, cela implique des acquisitions. Chaque année, nous mobilisons une centaine de millions d’euros environ pour poursuivre notre croissance externe au niveau mondial. LIMAGRAIN
Notre statut de coopérative nous met à l’abri d’une pression à très court terme, et nous avons la conviction que l’Afrique est une terre d’avenir. S’installer au Brésil a constitué un défi plus important peutêtre, car nos concurrents y étaient présents depuis un certain temps. Alors que sur le continent, rien n’a véritablement démarré, en dehors de l’Afrique du Sud. Le premier semencier africain nous ouvre son capital, c’est une belle opportunité. Par ailleurs,
Votre développement s’appuie-t-il forcément sur des acquisitions ?
Quelle est la qualité des semences africaines ?
Pour beaucoup d’espèces, les agriculteurs utilisent encore des semences peu élaborées. Seule l’Afrique du Sud cultive
des maïs à 100 % hybrides [issus de parents différents]. Dans certains pays, elles sont employées sur moins de 10 % des surfaces cultivées seulement. Le travail de recherche de lignées adaptées va entraîner des gains de rendement significatifs. Limagrain milite aussi pour l’adoption des organismes génétiquement modifiés (OGM)…
C’est exact. Cette technologie peut faire face à un certain nombre d’enjeux, notamment en Afrique : en matière de besoins hydriques, par exemple. Encore une fois, c’est une stratégie à long terme. Sur le continent, seuls le Burkina Faso, l’Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, l’Égypte et le Soudan misent sur les OGM. Pour les autres, une grande incertitude demeure. Limagrain n’a pas encore entamé de programme de recherche (via Link Seed), mais le fera à terme. De plus en plus de groupes créent de très grandes exploitations. Faut-il, selon vous, respecter un équilibre entre les agricultures industrielles et paysannes sur le continent ?
La consolidation du secteur est inévitable. Mais il faut espérer que l’agriculture africaine restera aux mains des paysans et ne connaîtra pas les excès constatés en Argentine ou au Brésil, où certaines exploitations dépassent 10 000 ha, voire 20 000 ha. Si c’était le cas, je ne sais pas comment le continent pourrait gérer l’exode rural massif qui en découlerait. l Propos recueillis par JULIEN CLÉMENÇOT
Dossier Agriculture q Les rendements ont progressé. Ils représentent désormais entre 900 kg et 1,1 tonne par hectare, contre 644 kg en 2007.
NABIL ZORKOT POUR LES ÉDITIONS DU JAGUAR
84
CÔTE D’IVOIRE
Rebond dans le coton Utilisation de nouvelles semences, formation des cultivateurs, réorganisation des coopératives : la filière tente de sortir du marasme. Avec un certain succès.
A
vec un objectif de production fixé à plus de 360 000 tonnes pour la campagne 2013-2014, la Côte d’Ivoire semble décidée à miser à nouveau sur la filière cotonnière. Pour y parvenir, l’État a créé en octobre 2013 un Conseil du coton et de l’anacarde, sur le modèle de l’organe chargé du café et du cacao. Cette décision sonne le retour des pouvoirs publics dans la gestion d’une filière auparavant pilotée par Intercoton, l’association interprofessionnelle réunissant producteurs et égreneurs. Une évolution bienvenue après des années de crise. Les impayés de La Compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI) de Sidi Mohamed Kagnassi, qui a fait faillite en 2008, auprès des producteurs avaient atteint 2 milliards de F CFA (environ 3 millions d’euros), et les retards de paiementcumulésdelaCompagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT) et d’Ivoire Coton (groupe IPS) culminaient à 1,6 milliard de F CFA. Au total, les dettes des entreprises de la filière avaient dépassé 7 milliards de F CFA. L’or blanc avait perdu de son éclat, faisant chuter le nombre N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
de producteurs de 69 000 en 2000 à 42 000 en 2009. Le chiffre serait aujourd’hui remonté à 115 000. C’est l’Union européenne (UE) qui, en apportant 4 milliards de F CFA en 2008, a évité l’effondrement du secteur. « Elle a joué un rôle décisif et a permis à beaucoup de petits producteurs de renouer avec la culture du coton », confirme Raphaël Manan Ouattara, l’un des leaders paysans de la filière. L’UE a investi plus de 2 milliards de F CFA dans le projet de culture attelée (ayant recours à des animaux de trait), financé la formation des producteurs et des responsables de coopératives, la réhabilitation de leurs sièges et de leur équipement informatique. Enfin, elle a lancé un processus de regroupement des coopératives du secteur afin de limiter leur éparpillement.
À 350 000 tonnes, la récolte se rapproche de celles du Burkina et du Mali voisins.
Production nationale (en milliers de tonnes)
350
VARIÉTÉS. Tous ces efforts ont
eu un effet positif sur la production, qui est passée de plus de 185 000 tonnes en 2010 à 350 000 t en 2013, se rapprochant de celles du Burkina (500 000 t) et du Mali (480 000 t) voisins. Cette progression tient également à l’introduction de semences fournies par le
Centre national de recherche agronomique. De nouvelles variétés qui ont permis d’augmenter les rendements : entre 900 kg et 1,1 t par hectare lors de la dernière campagne, contre 644 kg en 2007. Cette embellie s’est traduite par la montée en puissance de la Compagnie ivoirienne de coton (COIC) et de la Société d’exploitation cotonnière (Seco, filiale du singapourien Olam), créées sur les cendres de l’ex-LCCI. Cependant, la production reste insuffisante pour faire fonctionner à plein régime les usines d’égrenage, dont la capacité approche les 600 000 t. Pour Raphaël Ouattara, gérant de la coopérative CEAK, les prix payés aux producteurs doivent encore grimper pour rendre la filière attrayante. « Le prix bord champ devrait atteindre 300 F CFA par kilo, mais il est de 250 F CFA pour le coton de premier choix. Intercoton privilégie toujours les industriels », estime-t-il. Bamba Adama, de l’Union des coopératives agricoles Bafimé Côte d’Ivoire, juge également qu’il faut revoir le mécanisme de subven-
185 2010
2013
tion, désormais géré par le Conseil du coton et de l’anacarde. Leur attribution est sujette à caution : les producteurs les plus en pointe pour la défense de leurs intérêts face au président d’Intercoton, Tuo Lacina, soupçonné de faire le jeu des industriels, auraient vu leurs aides disparaître. Enfin, le projet de zoning, qui consiste pour l’État à lier des producteurs d’une zone géographique donnée à une seule société cotonnière, constitue un autre point de discorde. Échaudés par la faillite de LCCI, les récoltants ne veulent plus dépendre d’un unique acheteur. Des dossiers chauds que l’État devra gérer avec tact s’il ne veut pas entraver le redécollage de la filière. l ISSIAKA NGUESSAN, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
Dossier Agriculture PORTRAITS
Hommes de cultures Ils produisent de l’arachide, des olives ou du coton. Leur point commun : ils promeuvent les savoir-faire locaux. Et leur recette fonctionne.
«
I
ci, au Sénégal, l’arachide n’est pas juste une activité agricole: c’est ce qui a construit notre économie », assène Sidy Ba, secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (CCPA). Lorsqu’il intègre, en 1976, la Société de développement et de vulgarisation agricole (Sodeva, un organisme public chargé d’encadrer les paysans du bassin arachidier), Sidy Ba n’a que 21 ans et l’arachide est l’un des fleurons de l’économie nationale. Mais bientôt, les programmes d’ajustement structurel viennent gripper la machine. « C’est là que les ennuis ont commencé, se souvient-il. L’État s’est désengagé sur toute la ligne. » Et les cultivateurs se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. « Quand la Sodeva a fermé, en 1998, j’ai décidé de les aider à
appliquer les pratiques que je préconisais en tant que conseiller agricole. » Le fils de paysans de la vallée du fleuve Sénégal gravit rapidement les échelons. Son groupement intervillageois rejoint le CCPA, qui devient à son tour membre du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR). Sidy Ba organise ensuite l’intégration du CNCR dans le Comité national interprofessionnel de l’arachide (CNIA). « Il donne tout pour défendre les intérêts des paysans, en particulier des producteurs d’arachide, quitte à se créer des inimitiés », déclare Al Hassan Cissé, responsable de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest pour Oxfam. Dans le collimateur de Sidy Ba : l’État, d’abord, qui
DR
Sidy Ba, secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (Sénégal)
est allé jusqu’à « brader à vil prix », sous la présidence d’Abdoulaye Wade, les unités de transformation. Mais aussi les huiliers, à qui il reproche de ne pas s’engager aux côtés des producteurs
pour reconstruire la filière, tout en pratiquant des prix d’achat « inéquitables ». Pour le secrétaire général, « l’arachide, c’est bien plus que de l’huile ». l MEHDI BA, à Dakar
Slim Fendri, producteur d’huile d’olive extra vierge, domaine Fendri (Tunisie)
À
47 ans, Slim Fendri est l’un des pionniers de la production d’huile d’olive extra vierge biologique, dont il exporte en moyenne 100 tonnes par an, essentiellement vers la France. « Aujourd’hui le bio s’est démocratisé ; nous en sommes à l’étape suivante, celle de la valorisation par la production d’une huile de très haute qualité. » Les professionnels ne s’y sont pas trompés : dans son édition 2014, le guide Flos Olei, qui fait autorité, référence l’huile extra vierge du domaine Fendri parmi les meilleures au monde. L’oléifacteur n’en reste pas moins modeste : « C’est Haj Hassen, mon grand-père, et Sadok, mon père, qui m’ont tout appris ; je leur dois tout. » N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
DR
86
Si, depuis 2010, il collectionne les récompenses internationales, Slim Fendri considère que sa vraie victoire est d’avoir démontré que la variété
chemlali, la plus répandue dans la région de Sfax, n’était pas quelconque et qu’elle pouvait donner une huile de qualité, voire d’excellence. Mais il a dû lutter pour faire évoluer les mentalités, et le travail n’est pas fini. « Ici, l’huile est considérée comme un produit banal, alors qu’il est noble ailleurs ; on met le prix pour une bouteille de vin, mais pas pour l’huile de table », regrette celui qui veille sur quelques milliers d’oliviers. Pour accompagner cette démarche, il s’apprête, avec d’autres producteurs de Meknassy, à créer une Indication d’origine contrôlée (IOC), une première dans le pays. l FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE
87
Kini Yetan Leandre,
L
orsqu’il vient à Ouagadougou, Kini Yetan Leandre se fond dans le paysage. L’homme ne cherche pas à attirer l’attention. Dans la boucle du Mouhoun (région de Dédougou), il symbolise pourtant la réussite de la cotonculture burkinabè, une filière qui représente plus de 30 % du PIB et 60 % des recettes d’exportation du pays. Avec près de 80 hectares de champs, Kini récolte environ 74 tonnes de coton, ce qui lui a rapporté l’année dernière un bénéfice d’environ 20 millions de F CFA (environ 30 000 euros). Sa réussite – il est le plus grand producteur
de la zone – l’a imposé à la présidence de l’Union provinciale des producteurs de coton des Balé, même si certains de ses 8 000 pairs ne le trouvent pas toujours assez ardent dans la défense de leurs intérêts. En 2011, jugeant trop bas les prix d’achat de leur récolte par la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex), les agriculteurs avaient obtenu leur relèvement de 28 F CFA, jusqu’à 273 F CFA le kilo. Las, le tarif est depuis retombé à 235 F CFA, la Sofitex le réajustant sur les cours mondiaux du coton. Pour Kini Yetan Leandre, au-delà du prix, les sujets d’inquiétude ne manquent pas. À commencer par
HIPPOLYTE SAMA
producteur de coton de la boucle du Mouhoun (Burkina Faso)
l’évolution du climat, avec des pluies qui se font de plus en plus rares et se concentrent sur deux à trois mois, ou le coût toujours très élevé des engrais. Des obstacles que l’utilisation de semences OGM parvient en grande partie à lever, estime toutefois le producteur, « à condition de soulager les sols en alternant la culture du coton avec celle d’autres
MAGNUM
espèces comme le maïs, le sésame ou l’arachide ». « Les gens veulent faire du coton parce que c’est rentable, mais il y a des règles importantes à connaître », souligne-t-il du haut de ses trente années d’expérience. Pour prodiguer la bonne parole, Kini fera cette année encore la tournée des villages de la région. l PIERRE MARECZKO
LA PUISSANCE PAR CASE IH
Puissance et innovation sont depuis toujours les vraies “signatures de marque” du Magnum. Doté d‘un moteur fiable et puissant, d’une transmission Powershift à toute épreuve et de la cabine la plus spacieuse et confortable du marché, le Magnum continue encore d’élever le niveau de votre productivité. Bénéficiez d‘un large choix parmis les 5 modèles proposés allant de 235 à 340 ch. CASE IH. POUR CEUX QUI EXIGENT PLUS.
LE NEC PLUS ULTRA DU CONFORT. Grâce à l’aménagement très ergonomique et à l’excellente visibilité sur les équipements avant et arrière, vous ne vous sentirez pas fourbu après avoir travaillé de longues heures dans votre Magnum.
Les outils AFS™ de Case IH comprennent tout ce qu’il faut pour obtenir en permanence une précision allant jusqu’à 2,5 cm, réduire les chevauchements et les coûts des moyens de production et optimiser votre potentiel de récolte.
Avec le gestionnaire automatique de productivité (APM : Automatic Productivity Management), vous pouvez vous concentrer sur la qualité de votre travail pendant que votre Magnum optimise automatiquement la puissance du moteur à fournir tout en assurant le maximum d‘économie de carburant.
Dossier Agriculture ÉQUIPEMENT
Mahindra creuse son sillon Le constructeur indien connaît une forte croissance sur le continent, tirée par ses ventes de tracteurs.
L
«
e fait que nous organisions notre conférence annuelle ici, au Cap, montre bien l’importance que nous accordons au continent », déclarait Anand Mahindra en décembre 2013. Le président du puissant conglomérat indien s’adressait, entre autres, aux 500 manageurs de Mahindra accourus du monde entier jusqu’en Afrique du Sud. « Nous encourageons les responsables des différentes activités du groupe à évaluer les opportunités qui existent ici. La région a un énorme potentiel économique. » Présent dans plus de quarante pays sur la planète, le poids lourd indien (16,2 milliards de dollars, soit 11,8 milliards d’euros, de chiffre d’affaires en 2013) s’est déployé au cours des huit dernières années dans une vingtaine de pays africains, dans des domaines aussi variés que l’automobile, l’aéronautique et… l’agriculture. Numéro un mondial depuis 2008 en nombre de tracteurs vendus (plus de 214 000 par an), Mahindra possède aujourd’hui des usines d’assemblage au Tchad, au Mali, au Ghana et au Nigeria (qui ont vendu 450 tracteurs en 2013), et envisage d’en ouvrir prochainement une en Algérie. « Nous sommes la seule compagnie indienne dans ce domaine et l’un des rares producteurs de tracteurs au monde à avoir mis en place des chaînes de montage en Afrique », explique à J.A. Sanjay N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
NOAH SEELAM/AFP
88
Jadhav, responsable des affaires internationales pour l’équipement agricole au sein du conglomérat. « Pour cette activité, les investissements ont été réalisés par nos distributeurs ou par les gouvernements [des pays où Mahindra est implanté], ajoute Jadhav. Nous avons apporté notre pierre à l’édifice en partageant notre technologie et nos conseils, ce qui a permis
p Dans une usine du groupe, à Zaheerabad, dans l’État de l’Andhra Pradesh.
Tchad, Mali, Ghana, Nigeria : le conglomérat possède plusieurs chaînes d’assemblage en Afrique. d’améliorer les compétences locales, la croissance agricole et bien sûr de créer de l’emploi. » En huit ans, Mahindra a créé plus de 1000 emplois locaux via son réseau d’importateurs, de distributeurs et d’opérations de manutention. MOTEURS. Bien évidemment,
le groupe indien y trouve aussi son compte. Au cours de l’année fiscale 2012-2013, il a enregistré une croissance d’environ 20 % de son activité africaine. Et si pour l’heure le continent n’absorbe qu’environ le quart de ses exportations totales de tracteurs, soit un peu plus de 3 000 véhicules,
Mahindra veut rapidement doubler ce chiffre. Pour y parvenir, il compte sur le lancement de nouveaux produits, ainsi que sur l’élargissement de son réseau de distribution, notamment au Maroc, en Afrique du Sud, au Soudan, au Kenya et au Bénin. CONSEILS. En Afrique comme
ailleurs, augmenter la production de tracteurs n’est cependant pas le seul but du groupe. « Nous nous intéressons également à l’enrichissement de toute la chaîne agricole. Nous testons par exemple les sols via l’utilisation de pesticides, la micro-irrigation et la mécanisation », insiste le responsable des activités agricoles. L’objectif ? Fournir des solutions et des conseils aux agriculteurs pour les aider à accroître leurs rendements en ayant recours à de bonnes pratiques. À cette fin, l’entreprise a créé en Inde l’initiative Mahindra Samriddhi, qui vise à diffuser, au travers de 163 centres présents dans 15 États du pays, des technologies agricoles innovantes. Un modèle qui n’existe pas encore en Afrique, mais que le groupe indien pourrait bientôt exporter… l MATHILDE ESLIDA, à New Delhi JEUNE AFRIQUE
90
Dossier Agriculture
INTRANTS
Un petit coup de pousse! Trop cher, mal distribué, l’engrais n’est pas entré dans les habitudes des cultivateurs du continent. Mais les industriels du monde entier, en quête de débouchés, comptent bien y remédier.
L
«
’Afrique, c’est 15 % de la population mondiale, 16 % des terres arables de la planète et un peu plus de 3 % de sa consommation d’engrais », rappelle Joël Joffre, consultant et directeur d’AGRinputS, cabinet spécialisé danslesecteurdesintrantsagricoles et des cultures tropicales. Alors qu’un Africain sur quatre est encore menacé de malnutrition et que le nombre d’habitants du continent doit passer de 1,1 milliard aujourd’hui à 2,5 milliards à l’horizon 2050, cette sous-utilisation chronique d’engrais a de quoi inquiéter. D’autant qu’on constate peu d’améliorations, ces dernières années, concernant des handicaps pourtant identifiés depuis longtemps. « Le manque d’infrastructures de transport et de distribution, les difficultés à trouver des sources de financement pour les producteurs ou le coût élevé N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
des barrières douanières sur un marché très fragmenté sont autant d’éléments qui limitent l’accès physique aux intrants en même temps qu’ils en gonflent le prix », explique Rob Groot, responsable régional de l’International Fertilizer Development Center (IFDC).
« L’agriculture extensive n’est plus une solution. Il faut arrêter de défricher les forêts. » JOËL JOFFRE, directeur du cabinet AGRinputS
Mais la situation semble être sur le point d’évoluer. Alors que l’économie est presque à l’arrêt dans les pays développés et que les premiers signes de ralentissement se font sentirenAsie,lacroissanceafricaine devrait rester supérieure à 5,5 %, au moins pour les dix prochaines années, selon les prévisions. Une situation qui commence à intéresser très fortement un secteur
p L’Asie utilise 210 kg de fertilisants par hectare, quand l’Afrique subsaharienne se contente de 8 kg.
privé en manque de débouchés commerciaux. « Nous voyons de plus en plus de fabricants venir pour tenter de comprendre les besoins du continent », confirme Patrick Heffer, directeur de l’International Fertilizer Industry Association (IFA), qui représente l’industrie des engrais. Signe des temps, la 5e conférence Argus FMB Africa Fertilizer, qui s’est tenue fin février à Marrakech, a attiré un nombre record de participants, avec pour la première fois la présence de producteurs chinois ou du géant canadien Potash Corp. L’arrivée de grands groupes sur le continent pourrait progressivement changer la donne, notamment en Afrique subsaharienne. EXPORT. La première évolution visible devrait être le lancement d’engrais adaptés aux sols du continent, alors que pour l’heure les industriels se contentent le plus souvent de produits mis au point pour d’autres régions du monde. Cette « africanisation » des fertilisants a pris corps en février lorsque Mustapha Terrab, le PDG JEUNE AFRIQUE
du marocain OCP, numéro un encore, les trois quarts des besoins mondial des engrais phosphatés, alimentaires de l’Afrique sont satisa annoncé l’ouverture prochaine faits grâce aux importations. dans le royaume d’une usine dont la production (1 million de tonnes AMENDER. « L’agriculture extensive par an) sera entièrement destinée n’est plus une solution. Il faut arrêter à l’export vers le reste du continent. de défricher les forêts et d’exploiter Un investissement de 600 millions ces terrains jusqu’à l’appauvrissede dollars (plus de 435 millions ment des sols, comme on le fait d’euros). pour la culture du cacao. Sinon « OCP est aujourd’hui le seul à l’Afrique risque de devenir une avoir développé une stratégie aussi savane improductive », résume Joël claire vers l’Afrique », constate Joffre. Seule solution efficace à court Patrick Heffer. D’autres pourraient terme, pour les experts: généraliser bien lui emboîter le pas, mais le la consommation d’engrais sur le secteur privé ne sera continent. « Quand l’Asie pas en mesure de lancer utilise aujourd’hui 210 kg L’Afrique seul la révolution verte d’engrais par hectare, dont l’Afrique a besoin. l’Afrique subsaharienne Actuellement, 40 % des se contente de 8 kg », a achats d’engrais sur le rappelé à Marrakech Rob continent sont subvenGroot, pour qui l’Afrique des terres tionnés par les États. « Il orientale fait office de arables de la faut regrouper tous les bon élève. « Le Kenya est planète intervenants de la filière l’actuel champion africain autour d’une table, à comavec 32 kg à l’hectare, mais mencer par les banques et l’Inde, elle, atteint 178 kg les pouvoirs publics, sans et le Brésil 142 kg », précise qui rien ne sera possible », encore le responsable de de la l’IFDC, qui ne choisit pas reconnaît le responsable consommation ces deux États par hasard. de l’IFA. mondiale Car malgré l’apparition Ils sont en effet considéd’engrais d’une concurrence sur le rés par les experts comme marchédesengrais,lesprix les deux exemples les plus ne devraient pas connaître de forte pertinents à suivre et à combiner baisse. Ils sont beaucoup plus élepour l’Afrique, « l’Inde parce qu’elle vés en Afrique que dans le reste du présente une structure paysanne monde: entre 20 % et 300 % de plus assez similaire, reposant sur des en fonction des volumes livrés, du exploitations de petite taille, le lieu de destination et de la densité Brésil de par la nature de ses sols, des réseaux de distribution propre assez pauvre à l’origine », explique à chaque pays. « Les prix baisseront Patrick Heffer. Alors comment les lorsque les infrastructures de transagriculteurs brésiliens ont-ils réussi port et de stockage auront été mises le tour de force de faire des Cerrados à niveau », insiste Patrick Heffer. une région de production intensive de soja ? En y déversant pendant Si les volumes consommés ont des années du phosphate et de la régulièrement progressé sur le potasse pour amender (améliorer continent ces dernières décennies, la productivité et la fertilité) leurs cette évolution est moins liée à une terres. « Une pratique aujourd’hui intensification de l’usage des fertilisants qu’à l’extension des terres inconnue en Afrique, en dehors cultivées. Selon l’IFDC, la superficie de quelques grandes plantations de celles-ci a plus que doublé en tournées vers les cultures de rente », Afrique entre 1961 et 2011, alors constate Joël Joffre. Pis: les experts constatent que, dans la plupart des qu’elle a augmenté de moins de 25 % en Asie. Dans le même temps, pays d’Afrique subsaharienne, les les rendements asiatiques à l’hecterres cultivées, loin d’être de plus tare ont progressé en moyenne de en plus riches, montrent des signes 190 %, contre moins de 70 % au sud d’épuisement. l du Sahara. Résultat : aujourd’hui OLIVIER CASLIN
16 %
Le partenaire de vos projets agricoles en Afrique et au Moyen-Orient
3%
JEUNE AFRIQUE
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Votre contact local sur www.ics-agri.com Tél Siège +33 5 46 35 28 28 contact@ics-agri.com
Nestlé s’engage pour le développement rural en Afrique du Centre et de l’Ouest
N
estlé s’est très tôt engagée en Afrique et !"#"$%&' (&#)& *+,#' -.#/,' 0&)1.&2' ),2 -' %.#1&#'#13 4') *"%'##&') *+'#/(/'5'#1 '1 ,#' 6&)&.# *' %2.&))(#%' ),2 -' -.#/ 1'25' -,& .#1 7'25&) *' !81&2 ,# ),%%9) : 12(6'2) -( %.#)12,%1&.# *' 7-,)&',2) ,)&#'); %'#12') *' *&)12&!,1&.# '1 -+&#)1(--(1&.# *' ),%%,2)(-')3
<# 2"7.#*(#1 (,= !').&#) #,12&1&.##'-) '1 *' *"6'-.77'5'#1 *') 7.7,-(1&.#) *, %.#1&#'#1; -+'#12'72&)' 12(6(&--' (6'% -') %.55,#(,1") -.%(-') '1 1.,1') -') 7(21&') 72'#(#1') *(#) -( %0(>#' *' 6(-',2) *' -( 7-(#1(1&.# ?,)@,+(, %.#).55(1',2 1.,1 '# '=7-.2(#1 -+&57(%1 "%.#.5&@,' '1 ).%&(- *' )') (%1&6&1") ),2 -') 5.A'#) *' ),!)&)1(#%' *') %.55,#(,1")3
M. Kais Marzouki, Directeur de la Région Afrique du Centre et de l’Ouest « Nestlé maintient une perspective de développement économique à long terme tout en créant de la Valeur Partagée dans les domaines de la Nutrition, de l’Eau et du Développement Rural»
B.#*" '# C,&))' '# DEFF; -+'#12'72&)' ')1 72")'#1' '# GH2&@,' *, I'#12' '1 *' -+J,')1 *'7,&) -') (##"') DKLM3 N( *&6&)&.# @,& /92' %'11' 2"/&.# ( "1" %2""' '# OMML '1 ),7'26&)' -') .7"2(1&.#) *(#) OO 7(A)3 <--' /92' )'71 ,)&#') '1 '57-.&' '#6&2.# L PMM 7'2).##')3 Q')1-" '# GH2&@,' *, I'#12' '1 *' -+J,')1 ')1 (,?.,2*+0,& ,#' '#12'72&)' &#1"/2"' @,& 7'25'1 -' 7(21(/' *+'=7'21&)' '#12' )') *&HH"2'#1') '#1&1") 1.,1 '# 2')7'%1(#1 -( *&6'2)&1" *') 72(1&@,') %,-1,2'--')3
Le développement rural est un pilier de « la Création de Valeur Partagée »
R2&#%&7' H.#*(5'#1(- *' -+'#12'72&)'; -( I2"(1&.# *' S(-',2 R(21(/"' ')1 -( 5(#&92' *.#1 Q')1-" %.#*,&1 )') (HH(&2')3 R.,2 /(2(#1&2 ,# ),%%9) *,2(!-' *' )') (%1&6&1"); '--' *.&1 %2"'2 *' -( 6(-',2 #.# )',-'5'#1 7.,2 )') (%1&.##(&2') 5(&) "/(-'5'#1 7.,2 -') %.55,#(,1") .T '--' .792'3 Q')1-" ( &*'#1&$" 12.&) *.5(&#') *(#) -')@,'-) '--' 7',1 -' 5&',= )'26&2 : -( H.&) -( ).%&"1" '1 )') (%1&.##(&2') U -' 4"6'-.77'5'#1 V,2(-; -( Q,12&1&.# '1 -+<(,3 G$# *+()),2'2 ,# (772.6&)&.##'5'#1 *,2(!-' 7.,2 )') ,)&#') '# 5(1&92') 72'5&92') *' @,(-&1" '1 2')7'%1(#1 -') #.25') *' )"%,2&1" (-&5'#1(&2') '1 *' @,(-&1"; Q')1-" )+'#/(/' : *"6'-.77'2 *') 72(1&@,') '1 )A)195') (/2&%.-') *,2(!-'); @,& %.#12&!,'#1 : -+'H$%(%&1" *+,#' 72.*,%1&.# ),2 -' -.#/ 1'25' : 12(6'2) *') 2'6'#,) 6&(!-') 7.,2 -') (/2&%,-1',2) '1 ,# 12(#)H'21 *' %.##(&))(#%') (/2&%.-')3 N( )12(1"/&' *' *"6'-.77'5'#1 2,2(- *' -+'#12'72&)' ')1 (="' ),2 -+(5"-&.2(1&.# *') 2'#*'5'#1) '1 *') )A)195') *' 72.*,%1&.# (/2&%.-') 2')7'%1,',= *' -+'#6&2.##'5'#1; *, )1(1,1 ).%&.W"%.#.5&@,' *') 7-(#1',2) '1 *') %.55,#(,1") 2,2(-')3
Publi-Information
Q')1-" ).,1&'#1 "/(-'5'#1 -+(77-&%(1&.# *' #.,6'--') 1'%0#.-./&') '1 -') 72./29) *(#) -+(/2.#.5&'; (A(#1 *') 'HH'1) 7.)&1&H) ),2 -( )"%,2&1" (-&5'#1(&2'; -+'#6&2.##'5'#1; -') 72(1&@,') (/2&%.-') '1 -( 72.*,%1&.# *(#) -' !,1 *+(5"-&.2'2 -') 5.A'#) *' ),!)&)1(#%' *') (/2&%,-1',2) '1 *') %.55,#(,1") 2,2(-')3 <# GH2&@,' *, I'#12' '1 *' -+J,')1; Q')1-" ( 7.,2 .!?'%1&H *+(%%2.>12' -( 72.7.21&.# *') 5(1&92') 72'5&92') (%0'1"') -.%(-'5'#13 G$# *' 2'-'6'2 -') *"$) -&") : -( @,(-&1" *') /2(&#) '1 %"2"(-'); -+'#12'72&)' ( &#&1&" -' R2.?'1 *+G5"-&.2(1&.# *' -( X,(-&1" *') Y2(&#)3 Z Q')1-" (5"-&.2' -+(%%9) (,= 5(2%0") '1 %.#12&!,' : -+(,/5'#1(1&.# *') 2'6'#,) *+'#6&2.# LM MMM (/2&%,-1',2) (, Y0(#( '1 (, Q&/"2&( [3
Q')1-" %.--(!.2' (6'% LM MMM (/2&%,-1',2) (, Y0(#( '1 (, Q&/'2&( 7.,2 )+(772.6&)&.##'2
Un engagement sur le long terme
^ 8%+(!) &$.'(.%'( -'% 2%*+2%#(.E% /% /)E%!"22%&%'( )#"'"&.,-% D !"'> (%*&% ("-( %' #*)$'( /% !$ _$!%-* I$*($>)% /$'+ !% /"&$.'% /% !$ 8-(*.(."'C /% !@7$- %( /- 6)E%!"22%&%'( :-*$!C %A2!.,-% 9= `$.+ 9$*\"-a.C 6.*%#(%-* /% !$ :)>."' <0*.,-% /- ;%'(*% %( /% !@4-%+(= ;%+ /%*'.L*%+ $'')%+C '"-+ $E"'+ .'E%+(. 2!-+.%-*+ #%'($.'%+ /% &.!!."'+ /% /"!!$*+ $?' /% #"'+"!./%* '"+ "2)*$(."'+ /$'+ #%((% :)>."'= ;%+ .'E%+(.++%&%'(+ E"'( '"' +%-!%&%'( +-22"*(%* !% /)E%!"22%&%'( /% '"+ $#(.E.()+ &$.+ $-++. 1)')?#.%* $-A #"&&-'$-()+= b
8%+(!) 2%*&%( D 2!-+ /% MGG GGG 2%*+"''%+ /@$E".* $##L+ D !@%$- 2"($1!% %' ;O(% /@PE".*%=
!"#$!%&%'( %' #)*)$!%+ ,-. +"'( -(.!.+)%+ /$'+ !$ 0$1*.#$(."' /%+ 2*"/-.(+ 345678 94:8 %( ;7:75<;= 5%+ $>*.#-!(%-*+ 1)')?#.%'( /@-'% 0"*&$(."' !%-* 2%*&%(($'( /% *)/-.*% !% ($-A /% &B#"("A.'%+ /$'+ !%+ #)*)$!%+C 0*-.(+ +%#+ %( '".A $?' /@$&)!."*%* !$ ,-$!.() /%+ >*$.'+ ,-@.!+ 0"-*'.++%'( D 8%+(!) %( D /@$-(*%+ #!.%'(+= ;%!$ !%-* 2%*&%( /@%'>%'/*%* /%+ *%E%'-+ E.$1!%+= 7' FGGHC !$ +"#.)() $ !$'#) !% 8%+(!) ;"#"$ I!$' JI!$' ;$#$" /% 8%+(!)KC -'% .'.(.$(.E% ,-. E.+% D +"-(%'.* !%+ #$#$"#-!(%-*+ %' E-% /% 2*"/-.*% /% &%.!!%-*%+ 0LE%+= 6@.#. FGFGC 8%+(!) +@%'>$>% D /.+(*.1-%* MF &.!!."'+ /% 2!$'(+ /% #$#$" D N$-( *%'/%&%'( $-A #$#$"#-!(%-*+ $?' /% #"'(*.1-%* D *%'"-E%!%* !%+ 2!$'($(."'+ E.%.!!.++$'(%+ %' ;O(% /@PE".*%= 5%+ 2!$'(%-*+ +"'( 0"*&)+ D /% &%.!!%-*%+ 2*$(.,-%+ $>*.#"!%+ 2"-* $->&%'(%* !$ ,-$!.() %( !%+ *%'/%&%'(+ /%+ 0LE%+ /% #$#$" %( $&)!."*%* !$ *%'($1.!.() /%+ %A2!".($(."'+= 5$ !-((% #"'(*% !% (*$E$.! /%+ %'0$'(+ %+( -'% $-(*% 2*."*.() /% #%((% .'.(.$(.E% >!"1$!%= 8%+(!) B #"'(*.1-% %' 0$E"*.+$'( !@$##L+ D !@)/-#$(."' 2"-* !%+ %'0$'(+= 5$ #"&2$>'.% +@%+( %'>$>)% D #"'+(*-.*% QG )#"!%+ /@.#. D FGMR %' ;O(% /@PE".*% %( D $&)!."*%* !%+ #"'/.(."'+ /% E.% /%+ #"&&-'$-()+ /$'+ !%+,-%!!%+ %!!% "2L*%= 8%+(!) $++-*% !@$##L+ D !@%$- 2"($1!% %( $-A .'+($!!$(."'+ +$'.($.*%+ D 2!-+ /% MGG GGG 2%*+"''%+ /$'+ !%+ #"&&-'$-()+ 2*"/-.+$'( /- #$#$" %' ;O(% /@PE".*%= 5@.'.(.$(.E% )&$'% /@-' 2$*(%'$*.$( %'(*% 8%+(!) %( !$ S)/)*$(."' P'(%*'$(."'$!% /%+ +"#.)()+ /% !$ ;*".A :"->% %( /- ;*".++$'( :"->%=
8%+(!) $ )>$!%&%'( .'.(.) !% I!$' 87T;<SU $(*$E%*+ /-,-%! %!!% E$ #)/%* FV &.!!."'+ /% 2!$'(+ /% #$0) D N$-( *%'/%&%'( $-A #$0).#-!(%-*+ +-* -'% 2)*."/% /% MF $'+ %( $.'+. #"'(*.1-%* D !$ *%!$'#% /- +%#(%-* /- #$0) ,-. $ +"-00%*( //)+.'()*W( /%+ $>*.#-!(%-*+ $- 2*"?( /@$-(*%+ #-!(-*%+C (%!!% !@N)E)$#-!(-*%= 7' ;O(% /@PE".*%C 8%+(!) $#NL(% !"#$!%&%'( !$ ("($!.() /%+ >*$.'+ /% #$0) -(.!.+)+ /$'+ +"' -+.'% D <1./X$'= 7' "-(*%C 8%+(!) %+( %'>$>)% /$'+ !@)/-#$(."' '-(*.(."''%!!%= Y' 2*">*$&&% >!"1$! E.+$'( D )/-,-%* !%+ %'0$'(+ 2"-* /% &%.!!%-*%+ N$1.(-/%+ $!.&%'($.*%+ $ )() !$'#) $- 3N$'$C $- 8.>%*.$ %( $- ;$&%*"-' %( 2!-+ /% FZ GGG %'0$'(+ %' 1)')?#.%'(= ;% 2*">*$&&%C ,-. +% /)*"-!% %' 2$*(%'$*.$( $E%# !%+ 9.'.+(L*%+ /% !$ T$'() %( /% !@U/-#$(."' /$'+ !%-*+ 2$B+ *%+2%#(.0+C 2%*&%( D 8%+(!) /% 2*%'/*% 2$*( $-A %00"*(+ E.+$'( D #"&1$((*% !%+ *.+,-%+ !.)+ D !$ &$!'-(*.(."'C !$ +"-+[$!.&%'($(."' %( !@"1)+.() #N%\ !%+ %'0$'(+ %' ]>% +#"!$.*%=
7' FGGHC 8%+(!) $ .'$->-*) +"' ;%'(*% /% :%#N%*#N% %( /% 6)E%!"22%&%'( 2"-* !@<0*.,-% 1$+) D <1./X$'C %' ;O(% /@PE".*%= 3*]#% D +"' %A2%*(.+%C 8%+(!) /)E%!"22% /%+ .'>*)/.%'(+ D 1$+% /% &$(.L*%+ 2*%&.L*%+ $>*.#"!%+ !"#$!%+= 7' #"&1.'$'( 1."+#.%'#% %( (%#N'"!">.%C !% 3*"-2% /)E%!"22% /%+ +"!-(."'+ .''"E$'(%+ 2"-* $&)!."*%* !%+ 1)')?#%+ '-(*.(."''%!+ /%+ /%'*)%+ $0*.#$.'%+ /% 1$+% #"&&% !% &$c+C !% &.! %( !% &$'."#= 8%+(!) E$ #"'(.'-%* /% *%'0"*#%* +"' $#(.E.() %' <0*.,-% /- ;%'(*% %( /% !@4-%+( ("-( %' "00*$'( D +%+ #"'+"&&$(%-*+ /%+ 2*"/-.(+ D 0"*(% E$!%-* '-(*.(."''%!!% d Good Food d2"-* -'% &%.!!%-*% ,-$!.() /% E.% d Good Life=
e <1./X$'C !%+ +#.%'(.?,-%+ /- ;%'(*% /% :%#N%*#N% %( /% 6)E%!"22%&%'( /% 8%+(!) #"'(*.1-%'( D !@$&)!."*$(."' /%+ &$(.L*%+ 2*%&.L*%+ !"#$!%+
Dossier Agriculture
AFP
94
p Les femmes constituent l’essentiel de la maind’œuvre des conserveries.
PÊCHE
Safi à marée basse Autrefois sacré capitale mondiale de la sardine, le port marocain fait face à une diminution des prises. Comment sauvegarder son industrie de transformation ? Les entrepreneurs étudient toutes les pistes.
E
n cette journée ensoleillée de février, il n’y a bien que les mouettes pour donner un semblant de vie au port de Safi. Solidement amarrés, les bateaux ne sont pas sortis. « Il n’y a pas beaucoup de sardines en ce moment. La température de l’eau est trop froide », explique Hassan Saadouni, secrétaire adjoint de la Fédération marocaine des armateurs de la pêche côtière et président de l’Association des commerçants de poissons industriels. Malgré ce calme apparent, le port du littoral atlantique, sacré capitale mondiale de la sardine dans les années 1960, reste l’un des plus importants du royaume. Près de 130 navires y sont immatriculés, dont 80 sardiniers. Hassan Saadouni se plante fièrement devant l’un d’eux. C’est le bateau de son frère, équipé d’un moteur espagnol et d’un filet flambant neuf venu tout droit de Corée du Sud, qui permet de pêcher jusqu’à
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
50 m de profondeur. Les armateurs – au nombre de 45, principalement répartis entre deux fédérations – investissent dans la modernisation de leurs embarcations, remplaçant progressivement leurs navires en bois vétustes. Depuis 2008, un programme national baptisé Ibhar les y aide en subventionnant la construction de bateaux neufs à hauteur de 22 %. Une manne pour le chantier naval de Safi, qui jouxte le port. Actuellement, une dizaine de navires y sont en construction ; ils partiront en mer d’ici à quelques mois. La ville reste tournée vers l’océan, comme ses 550 000 habitants, dont 40 000 sont recensés comme marins. Mais aussi vers l’étranger : ses conserveries, qui emploient 10 000 personnes, travaillent presque exclusivement pour l’exportation. « Le Maroc est un marché où la concurrence est vive et axée sur les prix », explique Medhi Dhaloomal, secrétaire général de l’Union nationale des
industries de la conserve de poisson (Unicop) et directeur général de la conserverie Midav, qui réalise 95 % de son chiffre d’affaires à l’international, dont la moitié via des marques de distributeurs. Sur son bureau sont d’ailleurs fièrement disposées des boîtes aux couleurs de Carrefour et de Dia. Comme lui, les industriels soulignent l’importance du savoir-faire local en matière de transformation, transmis de génération en génération par les femmes – qui constituent l’essentiel de la maind’œuvre. Mais ils doivent faire face à un problème de taille : la diminution des prises. Les statistiques de l’Office national des pêches sont
Près de 70 % des poissons traités localement viennent désormais du sud, de Dakhla ou de Laayoune. à cet égard sans équivoque. En janvier, 20 000 tonnes de poisson ont été débarquées à Laayoune, contre seulement 1 700 t à Safi. Pas de quoi faire tourner à plein régime les 18 conserveries de la région, dont les capacités de production s’élèvent à 280 000 t par an. l l l JEUNE AFRIQUE
Dossier Agriculture lll Résultat : « Près de 70 % des poissons traités à Safi proviennent désormais des ports du Sud [comme Dakhla ou Laayoune, où les eaux, plus chaudes, sont plus poissonneuses] », confirme Mehdi Dhaloomal, de Midav.
Safi. En 2012, il s’est même renforcé en acquérant la totalité de l’entreprise locale Consernor. À la clé : deux unités de transformation de sardines et de maquereaux. « La sécurisation de l’approvisionnement et la maîtrise de la qualité sur l’ensemble de la chaîne constituent notre priorité », assure Mohammed Khzami. Dans ce but, Unimer s’est doté depuis 2011 de sa propre flotte: deux navires équipés d’un système de refroidissement du poisson (RSW), capables de pêcher toute l’année, y compris par mauvais temps, et de ramener de gros volumes. Ces bateaux, qui opèrent dans l’Atlantique Sud, entre Boujdour et Lagouira, fournissent 50 % de la ressource transformée dans les usines du groupe.
PÉNURIE. Mohammed Khzami, directeur des sites d’Unimer à Safi, n’est pas près d’oublier les années 2010 et 2011, où une grave pénurie de poisson avait forcé les conserveries de la ville à rester à l’arrêt pendant plusieurs mois. Acteur majeur dans le domaine des conserves de sardines et d’anchois (avec un chiffre d’affaires de 300 millionsd’eurosen2012),legroupecoté à la Bourse de Casablanca possède quatre unités de transformation à
En plus de ses deux navires RSW, Unimer a investi dans une unité de surgélation à Agadir et pourrait faire de même à Dakhla et à Safi. « Le projet est à l’étude », confirme Mohammed Edderkaoui, directeur marketing et commercial du groupe. Une piste que son concurrent Midav qui, en 2010 et 2011, a dû se résoudre à transformer du poisson congelé pour éviter le chômage technique, n’exclut pas de suivre. « Prendre des parts dans une unité de surgélation pourrait constituer une solution, admet son directeur général. À nous de nous adapter pour que l’activité de pêche et de transformation de poisson puisse continuer à faire rayonner Safi. » l MARIE CADOUX, à Safi
Dakhla, perle méconnue La ville est devenue le principal centre ostréicole du Maroc. Mais les volumes restent modestes, et les débouchés limités.
A
u mois de février, Rachid Kandy, dirigeant de la sociétéostréicoleCultimer, a exporté 3 000 huîtres vers Hong Kong. Un coup d’essai pour ce passionné et un long voyage de plus de 11 000 km pour ces mollusques depuis Dakhla, dans le sud du pays, où se concentre désormais leur élevage. Au Maroc, la filière ostréicole est ancienne, puisque ses débuts remontent aux années 1950 dans la lagune de Oualidia, située à 175 km au sud de Casablanca. Mais depuis 2007, la qualité des eaux s’y est progressivement dégradée. Résultat: la filière locale est tombée en désuétude et Dakhla a pris le relais. Rachid Kandy fut l’un des pionniers de cette émergence lorsqu’il y installa, en 2002, ses premières tables d’élevage. Aujourd’hui, la filière ostréicole marocaine reste cependant modeste, avec une production de 300 tonnes, pour un chiffre d’affaires estimé à 900000 euros et l’emploi de 200 personnes. « Nous sommes bien loin de l’objectif affiché par le plan N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
gouvernemental Halieutis qui, d’ici à dix ans, voudrait porter la filière à 200 000 t », souligne le dirigeant de Cultimer, qui pointe l’absence d’aide des pouvoirs publics.
CULTIMER
96
p Huit producteurs d’huîtres exploitent une zone de 63 hectares.
RAPIDE. ÀDakhla,huitproducteurs
exploitent une zone de 63 hectares. Aux côtés de Cultimer, le groupe Azura a pris position, à travers sa filiale Ostréiculture Dakhla, comme les entreprises TAT et Seacom. Mais la filière souffre d’un manque de perspectives, le secteur national de la restauration constituant son principal débouché. Pourtant,lorsqu’ils’estlancédans cette activité, Rachid Kandy nourrissait un tout autre objectif, celui Une filière peu développée
900000 € de chiffre d’affaires
200
personnes employées
(chiffres 2011)
300
tonnes de production
de vendre aux ostréiculteurs français des huîtres en demi-élevage, prégrossies dans les eaux marocaines pour qu’elles achèvent leur croissance en France. « À Dakhla, l’environnement est propice au développement rapide des huîtres, élevées en un an contre trois en moyenne en France. Une croissance accélérée dont pourraient profiter les ostréiculteurs français », estime-t-il. Las, ce projet n’a toujours pas abouti, alors que les huîtres de Dakhla ont obtenu l’agrément zoosanitaire des autorités marocaines dès 2010. « Cette situation est d’autant plus incompréhensible que les ostréiculteurs français ont recours à des huîtres en demi-élevage importées : elles viennent d’Irlande », soupire Rachid Kandy. l MARIE CADOUX JEUNE AFRIQUE
98
Culture & médias
LITTÉRATURE
In Koli Jean Bofane Présent au festival Étonnants Voyageurs de Rabat, l’auteur de Mathématiques congolaises a évoqué son nouveau livre, Congo Inc. Un maelström d’humour et d’horreur(s) à l’image d’un pays démesuré.
NICOLAS MICHEL,
S
envoyé spécial
a voix est grave et son accent définitivement belge. Mais parfois, le Congo s’y signale avec cette vigueur propre aux rejets défiant les ravages de la tronçonneuse. La forêt, d’ailleurs, est au cœur du nouveau roman d’In Koli Jean Bofane, Congo Inc., sous-titré Le testament de Bismarck. Pas n’importe quelle forêt, celle que l’on viole sans vergogne pour extraire ce qu’elle enserre entre ses racines centenaires. Mais le Pygmée Isookanga, « mondialiste qui aspire à devenir mondialisateur », n’en a cure : il n’aime ni se « farcir les cercopithèques » des bois ni aller glaner sous les frondaisons des chenilles pour le vieil oncle Lomama. Ce qu’Isookanga aime, c’est le capitalisme sauvage et débridé version jeu de stratégie sur internet, Raging Trade. « Dans cet univers virtuel, Isookanga incarnait Congo Bololo. Il convoitait tout: minerais, pétrole, eau, terres, tout était bon à prendre. C’était un N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
LIONEL LECOQ
Culture médias raider, Isookanga, un vorace. […] Pour atteindre lance dans des études de communication et de [ses] objectifs, il préconisait la guerre et tous publicité, à Paris. Il a 20 ans. ses corollaires : bombardements intensifs, netEnfin, voilà pour la version officielle. Parce qu’en toyage ethnique, déplacement de population, réalité il laisse de côté « quelques années à faire esclavage… » Ses ennemis virtuels portent des de drôles de choses », une « vie tumultueuse, le noms tout à fait suggestifs comme Skulls and calibre à la main ». Peur de la discrimination à Bones Mining Fields, Goldberg & Gils Atomic l’embauche? Esprit particulièrement romanesque? Project, Mass Graves Petroleum, Blood and Oil, À demi-mot, peut-être pour ne pas donner le Uranium et Sécurité, Hiroshima Naga… De cette mauvais exemple, In Koli Jean Bofane avoue un passage par la case « incarcération », sous un litanie grinçante transpire tout l’humour de Jean faux nom, quelque part en Europe. « Pour sortir Bofane, venu à l’écriture sur le tard par la grâce d’un livre pour enfants (mais pas que), Pourquoi des conneries, j’ai quitté cet espace », déclare-t-il le lion n’est plus le roi des animaux (Gallimard). ensuite, évacuant le sujet. La destination choisie est L’homme naît au bord du fleuve, à Mbandaka, évidente : Kinshasa. « J’ai travaillé tout de suite, je Équateur, « latitude zéro, à midi », en 1954. Ses me suis marié et j’ai eu mes trois premiers enfants. » parents sont tous deux Congolais, mais bientôt sa mère quitte son père pour convoler avec un NINJAS. Il œuvre dans la publicité, mais aussi colon belge. « C’est un peu pour ça que sur toutes dans l’édition, avec une machine ramenée de ces histoires entre Blancs et Noirs j’ai, moi, une Belgique. Les Publications de l’Exocet – le nom autre vision », confie l’auteur de Mathématiques du poisson volant, mais aussi celui d’un missile congolaises (Actes Sud). Enfant, de fabrication française – font dans la bande dessinée et la satire poliil habite la plantation de café Quelques de son beau-père où « le tique. « Nos fanzines se vendaient années « à summum du goût, c’était comme des petits pains, jusqu’à ce faire de drôles que je publie Dernier Sandruma na le Nescafé » et où il voit Kinshasa, qui relate les pillages de ses premiers films d’horde choses, 1991. Les militaires se mirent alors reur, projetés en 16 mm le calibre à arrêter les vendeurs, se souvient à la maison. « You are à la main ». In Koli Jean Bofane. Mais aucun next », phrase prononcée d’entre eux ne m’a dénoncé. » Déjà, par un gosse dans l’un de ces longs-métrages, le poursuivra longil écrit, notamment des scénarios, mais sans oser temps, jusqu’à lui inspirer un personnage s’aventurer au-delà – comme impressionné par d’enfant sorcier, cinéphile à sa manière, le caractère sacré de la littérature découverte, à dans Congo Inc. 10 ans, avec Nana, d’Émile Zola (« Je croyais que c’était un auteur congolais »). ALLERS-RETOURS. L’horreur, comme Au début des années 1990, la situation politique dirait le Kurtz de Joseph Conrad, comcommence à se détériorer, et Jean Bofane envoie ses enfants en Belgique pendant les pillages de mence assez tôt pour Jean Bofane. « En 1991, la Légion étrangère leur faisant passer le 1960, nous avons tout perdu et manqué fleuve jusqu’à Brazzaville. Il tient le coup deux être tués », raconte-t-il. La fuite précipitée ans et prend les armes – un fusil d’assaut léger pour la Belgique ne sera que le premier d’une série d’allers-retours entre l’ancienne M1 – afin de défendre son quartier lors du pillage métropole et l’ancienne propriété personde Kinshasa, en janvier 1993, avec un bataillon de Ninjas ne disposant que d’un FAL belge. « On nelle du roi Léopold II. Dans le gris belge, Jean se doit tous de défier ce qui est plus fort que soi, Bofane souffre pour son petit frère, « qui ne s’y dit-il. Je n’aime pas jouer le rôle de fétu de paille. faisait pas » et pour son beau-père, devenu simple employé, qui l’élève comme son fils : « Le Congo Tant que le destin a les yeux tournés, j’en profite ! » lui restait dans la peau. Il en parlait tous les jours. Rester au pays n’était plus, alors, une solution. Il ne s’est jamais adapté à la Belgique. C’était un De retour en Belgique auprès des siens, sans papiers – il n’a pas, alors, la nationalité belge –, homme de rêves, parti avec rien dans les poches et qui avait fait tous les boulots. » Passionné d’art, In Koli Jean Bofane vit de petits boulots : ouvrier l’ancien planteur emmène tous les dimanches ses du bâtiment, videur de boîte de nuit, avant de trois enfants dans les musées, les expositions, les travailler dans le monde associatif. Mais en 1994, lieux d’histoire. « C’était parfois un peu chiant, l’horreur se manifeste de nouveau et ce n’est pas mais quand tu tombes sur un Brueghel, wouah ! » un film. « Le génocide rwandais m’a interpellé, se souvient l’écrivain de la famille – sa sœur est notamment parce que tous les commentaires devenue peintre, son frère musicien. étaient faits par des africanistes non africains, Malgré les retours ratés au Congo et les nourappelle-t-il. Face à toutes les inepties que l’on veaux départs en Belgique, Jean Bofane reste le racontait, il fallait que je prenne la parole. » Son premier conte pour enfants, en 1996, lui vaut un premier de sa classe en français et, en 1974, se N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
99
Culture médias beau succès d’estime et ouvre la porte à l’écriture d’un roman « pour adultes », Mathématiques congolaises, qui paraît en 2008. Il s’agit pour lui de « rendre sa dignité au peuple congolais » en dénonçant « les systèmes qui pèsent sur les hommes ». « J’essaie toujours de résister aux systèmes », affirme-t-il. FOLIE. Comme l’homme qui la porte, l’écriture d’In Koli Jean Bofane est une savante mixture d’érudition politique, d’ironie cruelle et de plaisir du (bon) mot. Ainsi, sans jamais verser dans le compte rendu historique, son roman Congo Inc. brasse avec verve toutes les thématiques qui racontent, à travers quelques personnages bien sentis, le réel du pays: l’exploitation du sous-sol, les viols à répétition, la folie de Kinshasa, l’inventivité des shégués (enfants des rues), les exactions des pays voisins, les intérêts des grandes puissances, la vie sexuelle des « expats », les compromissions des ONG et des agences internationales, etc. Il arrive que le rire devienne jaune et cède la place aux haut-le-cœur. En particulier quand intervient le commandant Kiro Bizimungu, dit Kobra Zulu, maître d’œuvre de l’exploitation sanglante de l’est
Congo Inc. Le testament de Bismarck, d’In Koli Jean Bofane, Actes Sud, 304 pages, 22 euros, à paraître le 16 avril
du pays où les habitants, qui ne peuvent « ni se terrer ni disparaître », doivent être épouvantés « de telle sorte qu’ils finissent par quitter la terre de leur plein gré ». La méthode, décrite ad nauseam, est la suivante : « Simple, mais délicate à appliquer, elle s’intitulait la “règle de la soustraction posément accélérée” et consistait à débiter un homme en morceaux de façon à ce qu’avant qu’il ne se vide de son sang il puisse assister, conscient, au démembrement de son propre corps, son appareil génital dans la bouche. » Comme dans le jeu vidéo Raging Trade, les coupables originels sont désignés: pétrole, terres rares, colombite-tantalite, diamants, cassitérite, cobalt ou encore uranium – Jean Bofane ne se privant pas de rappeler que la mine de Shinkolobwe, dans le Katanga, a fourni celui nécessaire à la fabrication de la bombe de Hiroshima. Dans ce maelström d’images percutantes où Éros côtoie Thanatos, où la pulsion de vie combat les menaces de mort, un enfant sorti d’un film d’horreur répète inlassablement « Yo waa nnex! » (You are next, « Tu es le prochain »). In Koli Jean Bofane nous avertit, et le Congo a trouvé une voix aux dimensions de sa démesure. l
q L’une des premières installations de L’Union minière du Haut Katanga, construite en 1911, à Lubumbashi.
GWENN DUBOURTHOUMIEU
100
N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Culture médias ADIEU
BILAL BERRENI ALIAS ZOO PROJECT Street artist
HTTP://ZOO-PROJECT.COM
q Dans le camp de Choucha (Tunisie), à la frontière libyenne.
En toute liberté L’artiste franco-algérien qui avait rendu hommage aux martyrs de la révolution tunisienne a été retrouvé mort.
«
L
A RUE A TUÉ L’ARTISTE DE RUE », soupire Amor Ghedamsi, secrétaire général du Syndicat des métiers des arts plastiques tunisien, repensant à Bilal Berreni, alias Zoo Project, rencontré dans le hasard du bouillonnement postrévolutionnaire. Le jeune street artist de 23 ans, qui avait notamment rendu hommage aux morts de 2011, a fini sa course à la morgue de Detroit (Michigan), fauché par une balle dans la tête. « C’était un aventurier du macadam, un introverti, inconscient de la violence des villes et épris de liberté. Il se taisait, observait, s’effaçait pour absorber tout ce qui l’entourait », se souvient Halim, un riverain de la rue Zarkoun, àTunis, où Bilal avait été hébergé quelque temps par une famille. Celui qui porte le prénom du premier affranchi de l’islam a si bien cultivé son anonymat qu’il a fallu neuf mois à la police américaine pour faire le lien entre le corps sans papiers retrouvé en juillet 2013 dans un squat et l’artiste qui redoutait
JEUNE AFRIQUE
toute médiatisation. « C’est simple : je fuis les gens qui creusent pour en savoir plus sur moi. Je n’ai jamais fait de peintures pour avoir mon nom sur la toile », avait-il écrit au magazine alternatif Article 11. Ce diplômé en graphisme et communication qui a fréquenté l’École Boulle, prestigieux établissement parisien d’arts appliqués, a souffert de l’exclusion : « Zoo Project est parti des pigeons. Ils sont là, tout le monde les rejette. Un peu comme pour moi qui peignais sur les murs. On me disait : “Va peindre ailleurs !” C’est une dure leçon : quand tu fais vraiment ce que tu veux, tu restes seul », expliquait en 2011 au quotidien français Le Monde celui qui était admiratif du travail d’Ernest Pignon-Ernest, locomotive de l’art urbain. S’il refusait de s’exposer, il persistait à transcrire le chaos qu’il traversait. Avec 600 euros en poche, ce FrancoAlgérien avait déboulé à Tunis en mars 2011 pour « voir une révolution,
car l’art n’est pas en dehors de la vie ». D’une discussion avec le frère d’une victime des émeutes surgit l’idée d’immortaliser les martyrs tunisiens, en installant, dans les lieux publics, leurs effigies, grandeur nature, brossées dans le deuil du noir et blanc. Mais l’escadron de papier qui veillait sur une agora naissante n’a pas suffi à protéger l’artiste de la curiosité des médias et des sollicitations. Comme à l’accoutumée, il a fui. Attiré par « la détresse de ceux qui ne sont plus considérés ni traités comme des humains, parqués dans des non-lieux », c’est avec ses nouveaux amis du camp de réfugiés de Choucha, à la frontière libyenne, qu’il créa la même année au cœur du désert une improbable armada où de grandes voiles, portant l’effigie de ces clandestins – la plupart subsahariens –, signifiaient à la fois l’errance et la liberté. Depuis, le vent de sable a tout emporté, mais Bilal, qui aimait tant brouiller les pistes, laisse une quarantaine de pages écrites lors d’une brève incarcération en Ohio, un documentaire réalisé en Russie et un pan de mur, à Tunis, du côté de la rue du Diwan. « Les oublier serait les tuer une seconde fois », disaitil des martyrs. l FRIDA DAHMANI, à Tunis N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
101
Culture médias En vue DOCUMENTAIRE
Le cœur à la danse NÉ À JAFFA EN 1944, d’une mère palestinienne et d’un père irlandais, Pierre Dulaine a dû quitter son pays avec sa famille lors de la création de l’État d’Israël en 1948. Pour s’installer, après un séjour à Amman, en Angleterre puis aux États-Unis. Il deviendra à de multiples reprises champion du monde de danse de salon et retourne pour la première fois en 2011 sur sa terre natale, sous l’œil d’une caméra, pour y réaliser son rêve de toujours : faire danser ensemble des enfants israéliens et palestiniens avec l’appui de leurs enseignants juifs et arabes. Il se dit certain qu’ainsi il permettra aux uns et aux autres, obligés de se déplacer en ne faisant qu’un, de mieux se respecter. L’entreprise, quelque peu édifiante, filmée sans la moindre originalité, était vouée bien sûr, après quelques péripéties, au succès. Et ne peut que susciter la sympathie. Mais que prouve-t-elle ? l RENAUD DE ROCHEBRUNE
Dancing in Jaffa, de Hila Medalia (sorti à Paris le 2 avril) nnn N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
n n n Décevant
n n n Pourquoi pas
n n n Réussi
n n n Excellent
THÉSAURUS
Olobaka lingala?* Premier du genre, un dictionnaire trilingue français-lingala-sango vient de voir le jour.
N
ouveau jalon dans la promotion des langues nationales en Afrique, un dictionnaire trilingue françaislingala-sango vient d’être publié par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Premier du genre, l’ouvrage de 15 000 mots avec annexes grammaticales ambitionne de devenir une « référence » qui pourrait même « servir aux premières approches scientifiques », selon son coordinateur, Ngalasso Mwatha Musanji, professeur de sociolinguistique et de linguistique africaine à l’université de Bordeaux. Ce dictionnaire s’inscrit dans la volonté de nombreux États africains de promouvoir les langues nationales dans l’éducation en Afrique. Il est vrai que sur le continent de nombreux élèves sont soumis à une double difficulté : en plus d’acquérir de nouvelles connaissances, ils doivent apprendre celles-ci en français, langue de scolarisation pas toujours parlée au sein des familles. l CAROLINE CHAUVET *Parlez-vous lingala ?
Dictionnaire françaislingala-sango, coordonné par Ngalasso Mwatha Musanji, disponible sur commande auprès d’ElanAfrique, gratuitement et dans la limite des stocks disponibles. À terme, il sera téléchargeable sur le site www.elan-afrique.net n n n
ESSAI
Chronique d’un naufrage annoncé En fin connaisseur d’un pays auquel il est resté attaché, Thierry Perret, ancien correspondant de RFI en Afrique de l’Ouest, décrypte avec minutie les mécanismes qui ont plongé le Mali dans le chaos, depuis le règne de Soundiata Keïta jusqu’au déclenchement de l’opération Serval. Son analyse est un réquisitoire tout à la
fois sévère et bienveillant, auquel personne n’échappe (pas plus les élites maliennes que les institutions de Bretton Woods ou l’ancien colonisateur français) et dans lequel il rappelle un certain nombre de vérités. Dont celle-ci : « À trop lester le Sud de prestige historique, on voit bien où penche la balance. » l RÉMI CARAYOL
Mali, une crise au Sahel, deThierry Perret, Karthala, 238 pages, 18 euros
nnn
MUSIQUE
Mix énergique UN JOYEUX BORDEL. C’est ainsi que le musicien Bibi Tanga aime décrire son cinquième opus, intitulé Now. Ce mordu de scène livre un albumsoloénergiqueoùsemêlentsesinfluences pop, rock et jazzy et les rythmes africains traditionnels, du ndombolo congolais au montenguéné de son pays, la Centrafrique. Dans ses textes en sango ou en anglais, le bassiste n’oublie jamais sa patrie, toujours présente en filigrane. Chanteur engagé, Bibi Tanga raconte le continent africain à travers ses souvenirs d’enfance et dénonce les dégâts des armes et de la division, comme dans son titre phare, « Ngombe », vibrant appel à la paix. l EMELINE WUILBERCQ
VINCENT FOURNIER/J.A.
102
Now, de BibiTanga (JazzVillage – Harmonia Mundi) n n n JEUNE AFRIQUE
Culture médias
Et il est comment le dernier…
AUTOBIOGRAPHIE
Doris, adolescente difficile DORIS LESSING, Prix Nobel de littérature, est décédée en novembre 2013. Mais une courte autobiographie qu’elle avait écrite au milieu des années 1980 vient seulement d’être traduite en français. Avec son éternel regard acéré, elle dresse le portrait de son père, rêveur amputé par la Grande Guerre et perdu dans le veld de la Rhodésie du Sud. Et celui de sa mère, femme ambitieuse et autoritaire, qui ne voulait pas d’une fille et n’aura décidément « jamais rien compris ». La
… Florent Couao-Zotti
jeune Doris s’en sortira par le mépris de ses géniteurs, en les fuyant dès son plus jeune âge. Au crépuscule de sa vie, elle admettra néanmoins être « horrifiée de la façon dont [elle] les a traités » et finira par reconnaître : « Ce fut ma mère qui m’ouvrit au monde de la littérature, qui allait me permettre de lui échapper. » Son Afrique est toujours violente et le regard qu’elle porte sur sa vie – et sur celle des autres – cynique et drôle. l ÉLISE COLETTE
Filles impertinentes, de Doris Lessing, traduit de l’anglais par Philippe Giraudon, Flammarion, 142 pages, 14 euros nnn
CINÉMA
Western kurde BARAN, UN COMBATTANT KURDE plein d’idéaux, donc peu commode, se retrouve exilé alors même que la chute de Saddam Hussein permet le succès des siens. Sa nouvelle fonction, une mission quasi impossible : faire régner l’ordre dans un village perdu dans les montagnes, au carrefour de l’Irak, de l’Iran et de la Turquie, lieu de tous les trafics. Sa seule alliée dans son combat face au caïd local : une autre exilée, l’institutrice, insoumise et donc persécutée, dont il tombe bien sûr amoureux. Réalisé à la manière d’un western, un film qui parle de démocratie, de liberté d’expression, d’émancipation féminine sans jamais trop se prendre au R.R. sérieux. l My Sweet Pepper Land, de Hiner Saleem (sortie à Paris le 9 avril) JEUNE AFRIQUE
nnn
L
e nouvel opus de Florent Couao-Zotti est présenté comme un polar par les éditions Jigal. Il est vrai que l’on y trouve certaines caractéristiques : un langage cru à la sauce béninoise (un glossaire vient d’ailleurs clore l’ouvrage à l’attention des toubabs), pléthore de dialogues et de rebondissements (quoique l’intrigue ne soit pas très sophistiquée), des armes, des bastonnades, des policiers véreux… Mais La Traque de la musaraigne est avant tout une histoire d’amour – un amour improbable – qui a pour théâtre les bas-fonds de l’Afrique de l’Ouest, les quartiers chauds et les geôles de Cotonou, les bordels de Porto-Novo, les impasses d’Accra… On y croise des putes et des maquerelles, un truand ghanéen (Jésus Light), un faussaire béninois qui fait de la contrebande depuis le Nigeria et même quelques fondamentalistes venus de là où Boko Haram fait la loi. Et puis il y a ce yovo (ce « Blanc ») et cette plantureuse Ghanéenne. Lui: Stéphane Néguirec, un Breton rêveur qui, un jour, « laissa tout tomber et se dota de nouvelles ailes », répondant à « ses instincts d’homme sans attache ». Direction « un morceau d’Afrique, quelque part dans la moiteur insouciante d’une ville de bord de mer ». Cotonou. Elle: Déborah Palmer; ou Pamela, c’est selon. Une sacrée belle femme qui a arnaqué son homme (le fameux Jésus Light) parce qu’il la battait, a fui avec le butin d’un braquage ayant mal tourné, et s’est mis en tête de trouver
un yovo, de le marier et de partir loin. Fuir, elle aussi. Pour cela, elle a l’argent, qu’elle cache dans une peluche, « des seins pleins, d’une insolence charnue », l’intelligence et, désormais, l’homme – ce crédule de Néguirec, qui n’a rien demandé à personne. Mais elle n’a pas de chance. Déjà poursuivie par ses démons ghanéens, elle choisit le mauvais cheval : voilà plusieurs semaines
La Traque de la musaraigne, de Florent Couao-Zotti, éd. Jigal, 216 pages, 17 euros nnn
que Néguirec attise les convoitises, à Porto-Novo, de l’« homme des chapelets », Aladji Brahim, qui entend bien faire fortune en le vendant comme otage à Boko Haram. S’ensuit une coursepoursuite à multiples pistes. Haletante, certes. Mais pas captivante. On a beau monter sur des zem (taxi-moto), emprunter des von (rues dans les quartiers populaires) et croiser le zangbéto (l’esprit vaudou chargé de veiller sur le sommeil), il y a comme un goût de plat réchauffé au four à micro-ondes lorsque vient le moment de refermer RÉMI CARAYOL ce livre. l N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
103
Culture médias t Lors de la finale qui a opposé le 29 mars l’équipe de l’université d’Abidjan (en bleu) à celle de Séguéla.
ANANIAS LEKI DAGO
104
TÉLÉVISION
Pouet pouet et sauce escargot Pendant près de quatre mois, l’une des plus célèbres émissions françaises, Intervilles, a posé ses valises à Abidjan. Un programme diffusé par la RTI, qui vient de le vendre à TV5 Monde.
S
eules les vachettes n’avaient pas fait le déplacement. Pendant près de quatre mois, l’une des plus célèbres émissions de télévision françaises, Intervilles, a posé ses valises à Abidjan. Après le Maroc et l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire est le troisième pays africain (en plus d’une vingtaine d’autres à travers le monde) à entrer dans l’arène et à décliner, à sa sauce, ce programme cinquantenaire, aussi adulé que décrié. Pour les non-initiés, tout d’abord, quelques précisions s’imposent. Intervilles, qu’est-ce que c’est? Un tournoi qui repose sur l’affrontement de plusieurs communes, à raison de deux par émission, lors d’une série d’épreuves à la fois loufoques et physiques. C’est aussi un univers, avec décors gonflables, marionnettes géantes, toboggans, bruitages aux pouet pouet incessants, et une mascotte… la fameuse vachette, dont la spécialité est de « dégommer » les candidats. En Côte d’Ivoire, tout a commencé il y a neuf mois : Ahmadou Bakayoko, le directeur général de la Radio Télévision ivoirienne (RTI), est à la recherche d’un divertissement qui, comme certains programmes diffusés sur la chaîne publique, N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
éléments plus proches du vécu et de la culture des Ivoiriens ». Exit les références à la gastronomie française, place à « la tarte aux fruits de la passion » et à la sauce escargot. Entre les différentes épreuves, l’animation est assurée par un DJ et par des pom-pom girls dansant du coupé-décalé. Et pour qui oublierait quelques secondes que tout cela se déroule en Côte d’Ivoire, les animateurs, Mariam Coulibaly et Yves Aymard, servent de piqûres de rappel. « Mon ami, si tu ne peux pas, faut laisser! » entend-on ainsi lorsqu’un candidat passe un peu trop de temps sur un tapis roulant, afin d’éviter l’inéluctable (dans son cas, du moins…) chute dans la piscine. Au total, onze émissions – mettant en compétition seize communes d’Abidjan et de l’intérieur du pays – ont été tournées puis diffusées, dès janvier, tous les samedis à 21 heures. « Même si nous n’avons pas encore les analyses d’audience, nous pouvons dire que l’émission a été un succès, notamment parce qu’elle a été très commentée sur les réseaux sociaux », ajoute le producteur Yves Launoy.
pourrait aider, à son niveau, « à la paix et à la réconciliation ». Il rencontre Yves VACHETTES. Après cette première saison, Launoy, producteur de l’émission en qui a vu s’imposer en finale – seule renFrance avec la société Mistral Production contre diffusée en direct –, le 29 mars, la depuis 1998. En novembre 2013, après ville de Séguéla (Nord-Ouest), les producquatre mois de développement, un teurs ivoiriens et français sont déjà prêts contrat de coproduction est signé entre à rempiler. « Et les vachettes, qui pour des les deux parties. Un mois plus tard, cinq raisons logistiques et de délais n’ont pu membres du staff français débarquent être mobilisées cette fois-ci, feront certainement partie de l’aventure », confie en terre d’Éburnie, avec trois conteneurs Yves Launoy. En attendant, la chaîne comportant 85 tonnes de matériel, dont 500 costumes et deux piscines. La RTI, elle, mobi« L’un des budgets les plus lise près de 150 personnes, élevés de l’histoire de la Radio allant des agents de sécurité Télévision ivoirienne. » au directeur artistique, en passant par les techniciens. AHMADOU BAKAYOKO, D.G. « Nous avons également fait appel aux compétences internes, explique francophone internationale TV5 Monde Ahmadou Bakayoko. Nos équipes ont (reçue par 12 millions de foyers dans effectué un réel travail de mise en œuvre 48 pays africains) a annoncé fin mars et d’appropriation du format. » Et même si son intention d’acheter le programme le producteur ivoirien refuse de dévoiler le ivoirien et de le diffuser dès juillet probudget consacré à cette énorme machine, chain. Une réussite pour la RTI, qui lui il concède qu’il s’agit de « l’un des plus permettra, selon Ahmadou Bakayoko, élevés de l’histoire de la RTI ». « de développer le volet exportation de Dans la version ivoirienne, si certaines contenus de son activité et de se lancer, épreuves ont été reprises à l’identique, grâce au savoir-faire acquis, dans des comme « le mur des champions », d’autres projets encore plus ambitieux. » l ont été adaptées, « en intégrant des HABY NIAKATE JEUNE AFRIQUE
QUI EST LE MIEUX PLACÉ POUR VOUS PARLER DE L’ACTUALITÉ POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE AFRICAINE ?
ONNEZ-VOUS AB À
135 €*
L’actualité revisitée de la semaine et des sujets exclusifs Des interviews sans compromis Focus pays au travers d’enquêtes et d’analyses Les stratégies d’investissement des entreprises et des mises en perspectives L’Afrique vue au travers de sa richesse culturelle
au lieu de 196 €
02 38 90 89 53
abonnement-ja@jeuneafrique.com
AMIX Service abonnements Jeune Afrique 326, rue du Gros Moulin - B.P. 10320 - 45200 Amilly - France
OUI,
JE M’ABONNE À JEUNE AFRIQUE POUR 1 AN Comme Un Soleil - Crédit photo : swillklitch - Fotolia.com
Je souhaite recevoir une facture acquitée
PUB JA 12 13
52 nos dont 4 doubles + 3 hors-séries
* Offre valable jusqu’au 31/05/2014 31/03/2014 en France métropolitaine. Pour les autres pays, frais de port en complément : Europe, Maghreb, CFA : 24 €, USA/Canada : 74 €, Reste du monde : 94 €. Jeune Afrique est une publication du groupe Jeune Afrique, S.C.A. au capital de 15 000 000 € 57 bis rue d’Auteuil - 75016 Paris - France SIRET 784 683 484 00025. Conformément à la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant en écrivant à Jeune Afrique, service abonnements.
(Top finance 200, Top 500 entreprises, L’État de l’Afrique)
J’INDIQUE MES COORDONNÉES Nom
............................................
Prénom
......................................
Société
.............................................................................................
Adresse
............................................................................................
..........................................................................................................
Code postal
Je coche l’abonnement de mon choix
Pays
France métropolitaine
135 €
Europe / Maghreb / CFA
159 €
USA / Canada
209 €
Reste du monde
229 €
Ville
...................................................
.................................................
Tél.
........................................
................................................................................................
JE JOINS MON RÈGLEMENT PAR Chèque à l’ordre de SIJIFA Carte bancaire
Visa
Mastercard
Amex
N° Date de validité Notez les 3 derniers chiffres figurant au dos de votre carte Virement bancaire : CIC Paris EST Taitbout GCE, 11 bis Bd Haussmann 75009 Paris - IBAN FR76 3006 6106 6000 0100 4680 237 Date et signature obligatoires :
FRIQUE
soit 30 % de remise Abonnement 1 an 52 nos dont 4 doubles 3 hors-séries
www.laboutiquejeuneafriquecom
BULLETIN D’ABONNEMENT
J
A NE EU
Chaque semaine, plongez au cœur de l’actualité de tout un continent.
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
w w w. s a i 2 0 0 0 . o r g COURS INTENSIFS D’ANGLAIS
Les offres de la semaine de Michael Page Africa Le spécialiste du recrutement sur l’Afrique
École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management ® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft ® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922
Secteur Minier
Chief Executive Officer GABON • H/F • 180K€ Réf.: QIRO 608134 Exploration Pétrolière
External Affairs Manager MAROC • H/F • 90K€ Réf.: QKMI 608289 Retrouvez les détails de ces postes et postulez en ligne sur www.michaelpageafrica.com
SKYPE Studentclub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
Recrutement - Formation
info@sai2000.org
N° 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Investing in rural people
L’Organisation internationale de la Francophonie regroupe 57 Etats et gouvernements membres et 20 observateurs répartis sur les cinq continents, rassemblés autour du partage d'une langue commune : le français. Elle œuvre au service de la paix, de la coopération, de la solidarité et du développement durable.
L’Organisation recrute : Un(e) représentant(e) permanent(e) auprès des Nations Unies, New York Un(e) directeur(trice) de la Francophonie numérique, Paris Une attention particulière sera apportée aux candidatures féminines ainsi qu’aux candidatures émanant des ressortissants d’États et de gouvernements membres non représentés ou sous-représentés au sein de l’Organisation. Pour voir le descriptif des postes et déposer sa candidature, veuillez consulter la page recrutement de l’Organisation : http://www.francophonie.org/-Recrutements-37-.html
The International Fund for Agricultural Development (IFAD) is an international financial institution and a specialized United Nations agency dedicated to eradicating rural poverty and hunger. It does so by financing programmes and projects that increase agricultural productivity and raise rural incomes, and by advocating at the local, national and international level for policies that enable poor rural people to overcome poverty. IFAD is looking for professionals with strategic vision, a solid team orientation, proven capacity to generate results, and a deep understanding of and commitment to development. Director of the Independent Office of Evaluation, D2 IFAD is seeking an experienced and recognized professional as Director of Evaluation. A strategic leader who will be responsible for the successful implementation of the Fund’s evaluation policy and for the effective management of IFAD’s Independent Office of Evaluation, and who will contribute to the improvement of the performance of the IFAD’s operations and policy. IFAD offers a competitive remuneration and benefits package that includes tax-free salary, dependency allowance, education grant up to university level, medical and group life insurance, home leave and pension plan. IFAD is committed to achieving diversity and is seeking a balanced workforce from its Member States. Women are particularly encouraged to apply. For detailed information, visit our website www.ifad.org/job Please send your application through the IFAD online system by 20 April 2014
Recrutement
Industrie Pharmaceutique installée en Afrique de l’Ouest recherche Pharmaciens-industriels ayant au minimum 5 ans d’expériences pratiques. Ecrire au journal : Jeune Afrique 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris sous référence : ACFL/2775 qui transmettra avec CV, Photo, lettre manuscrite et Prétentions. Les dossiers peuvent également être transmis par mail à l’adresse « mas_services47@yahoo.fr ». JEUNE AFRIQUE
N° 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
108
Annonces classées RÉPUBLIQUE DU MALI MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE ET L’HYDRAULIQUE
Avis d’appel d’offres (AAO)
Appel d’offres
Date : 1er avril 2014 - Crédit N° : 5317-ML - AAO N° : 003/2014/DAMG/ATD 1. La République du Mali a reçu un crédit de l’Association Internationale pour le Développement pour financer le Projet d’alimentation en eau potable de la ville de Bamako et a l’intention d’utiliser une partie de ce crédit pour effectuer des paiements éligibles au titre du Marché de travaux de construction des canalisations de transfert des eaux traitées. 2. La Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable (SOMAPEP SA) sollicite des offres sous pli fermé de la part de soumissionnaires éligibles pour exécuter les Travaux de construction des canalisations de transfert des eaux traitées. Les travaux de construction des canalisations de transfert des eaux traitées s’inscrivent dans le projet plus global de la Tranche 1 du Projet Kabala destinée à renforcer le système de production et de distribution d’eau potable de l’Agglomération de Bamako (République du Mali). Les principaux ouvrages à réaliser dans le cadre du présent DAO sont les suivants : - fourniture et pose d’une conduite en fonte à graphite sphéroïdal (GS) DN1’400 mm de longueur 607 mètres linéaires - fourniture et pose d’une conduite en fonte à graphite sphéroïdal (GS) et de DN1’200 mm, d’une longueur de 4’821 mètres linéaires et deux tronçons de diamètre DN900mm de longueur respective 21 ml et 65 ml ; - fourniture et pose de conduites en fonte à graphite sphéroïdal (GS), de sections variant de DN1’200mm jusqu’a DN900, d’une longueur totale de 7’658 mètres linéaires - construction de deux chambres de répartition de débits et d’une chambre de piquage - une chambre de répartition des débits sur le site de Badalabougou pour la répartition des débits entre les réservoirs existants B3 et B4 - divers équipements et petits ouvrages (équipements points bas et points hauts, regards, passages particuliers, équipements de piquages). Les travaux seront réalisés en lot unique. 3. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres auprès de la Société Malienne de Patrimoine de l'Eau Potable, (SOMAPEP SA) ; personne de contact : M. Cissoko : bandia.cissoko@somapep.ml à SOMAPEP SA, Bamako, Quartier Magnambougou Faso Kanu, Tél. +(223) 20 22 00 26 BP - 1528 FAX +(223) 20 22 02 00 de 7H30 à 16H (Heure de Bamako). 4. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir le Dossier d’Appel d’Offres complet en Français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessus contre un paiement non remboursable de 100 000 FCFA ou 152,5 Euros. La méthode de paiement sera par espèce ou chèque certifié ou par virement automatique à la Banque de Développement du Mali (BDM-SA), Code Banque : ML016 ; Code Guichet : 01002 ; Domiciliation : N° 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
BAMAKO ; N°compte : 026001286386-15 ; RIB : 15 ; Code SWIFT : BDMAMLBA. Le Dossier d’Appel d’Offres sera retiré à la SOMAPEP à l’adresse indiquée ci-dessus. 5. Les Instructions aux Soumissionnaires et les Cahiers des Clauses Administratives et Générales sont ceux du Dossier Type d’Appel d’Offres pour Travaux – Droit Civil. 6. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessus au plus tard le 30 mai 2014 à 10H (Heure de Bamako). Les offres doivent comprendre une garantie de l’offre, pour un montant de 225 '000 '000 (deux cent vingt cinq millions) de FCFA ou le montant équivalent en euros ou en dollars. 7. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui le souhaitent, dans la salle de réunion située au premier étage de l’Annexe de la SOMAPEP SA, Bamako, Quartier Magnambougou Faso Kanu, Tél. +(223) 20 22 00 26 BP - 1528 FAX +(223) 20 22 02 00 le 30 mai 2014 à 10H (heure de Bamako). 8. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives : passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services de consultants) par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l‘AID », et ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives. 9. Les exigences en matière de qualifications sont : - Une Garantie de soumission d’un montant équivalent de 225 '000 '000 (deux cent vingt-cinq millions) de FCFA ou son équivalent en monnaie librement convertible est requise ; - Participation à titre d’entrepreneur principal, de membre d’un groupement, d’ensemblier, ou de sous-traitant dans (i) un marché d’un montant minimum de trente millions (30'000’000) US $ ; - Le Soumissionnaire doit démontrer qu’il dispose d’avoirs liquides ou a accès à des actifs non grevés ou des lignes de crédit, etc. autres que l’avance de démarrage éventuelle, à des montants suffisants pour subvenir aux besoins de trésorerie nécessaires à l’exécution des travaux objet du présent Appel d’Offres à hauteur de l’équivalent de neuf millions cinq cent mille (9'500’000) US$ et nets de ses autres engagements ; - Avoir un chiffre d’affaires annuel moyen d’au moins cinquante six millions (56'000'000) US$, calculé de la manière suivante : le total des paiements mandatés reçus pour les marchés en cours et/ou achevés au cours des cinq (5) dernières années divisé par 5 ; Une marge de préférence ne sera pas octroyée aux soumissionnaires éligibles. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. Le Président Directeur Général Adama Tiémoko DIARRA Chevalier de l’Ordre National
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
109
République Démocratique du Congo - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ELECTRICITÉ - CEP-O / REGIDESO
CELLULE D’ÉXECUTION DES PROJETS DE LA RÉGIE DE DISTRIBUTION D’EAU
Avis d’appel d’offres International Projet d’Alimentation en eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) REGIDESO - Don N° H 435-ZR
AAOI N°014/CEP-PEMU/COORD/AOI/SI/2014
ACQUISITION ET MISE EN ŒUVRE D’UN PROGICIEL INTÉGRÉ DE GESTION FINANCIÈRE, GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET GESTION DES APPROVISIONNEMENTS ET DE LA LOGISTIQUE DE LA REGIDESO
Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National JEUNE AFRIQUE
N° 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Appel d’offres
1. Cet avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB le 17 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché suivant : Lot unique : Acquisition et mise en œuvre d’un Progiciel Intégré de gestion financière, gestion des ressources humaines et gestion des approvisionnements et de la logistique de la REGIDESO. 3. La Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, invite, par le présent Avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour : 1re prestation : a. Elaboration d’une architecture technique SI (progiciel intégré de gestion financière, gestion des ressources humaines et gestion des approvisionnements et de la logistique). b. Conception et réalisation d’un outil « gestion financière, gestion des ressources humaines et gestion des approvisionnements et de la logistique ». c. Transfert de compétences vers les équipes de la REGIDESO. 2e prestation : Maintenance corrective et évolutive de la solution. 3e prestation : Acquisition et Mise en place de l’infrastructure technique. 4. La passation du Marché sera conduite par appel d’offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives 2011: Passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres les services de consultants) financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA », et ouvert à tous les soumissionnaires des pays éligibles tels que définis dans les dites Directives. 5. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’informations auprès de la Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO) à l’adresse indiquée ci-dessous pendant les jours et heures ouvrables : de 8h30mn à 16h (heures locales). 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 500 USD ou équivalent en francs congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou encore par versement ou par virement bancaire au compte n° « 0010533100831102 USD », intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « Acquisition et mise en œuvre d’un progiciel intégré de gestion financière, gestion des ressources humaines et gestion des approvisionnements et de la logistique de la REGIDESO ». 7. Les offres devront être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 02/06/2014 à 11 heures locales. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en séance publique le 02/06/2014 à 11h 30’, heure locale dans la salle de réunions de la CEP-O à l’adresse mentionnée ci-dessous en présence de représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant égal à 40.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais ou encore l’équivalent de toute autre devise librement convertible sur le commerce international. Le taux de conversion de référence est le taux de la Banque Centrale du Congo du vingt et unième jour avant la date de remise des offres. 8. On appelle l’attention des Soumissionnaires éventuels sur le fait : i) qu’il leur sera demandé, dans le cadre de leur soumission, de certifier que tous les logiciels sont couverts par une licence valide ou ont été produits par eux ; ii) une démonstration de la solution proposée peut être demandée, iii) que les infractions seront considérées comme des cas de fraude donnant lieu, entre autres sanctions, à l’exclusion du Soumissionnaire concerné de toute participation future à des marchés financés par la Banque Mondiale. 9. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : A l’attention de Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA, Coordonnateur National Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, Sise 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone - 10. Kinshasa / Ngaliema C/° Centre de Formation de la REGIDESO, 11. B.P. 12599 Kinshasa I République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 50 47 6 91, (+243) 99 99 20 948 - E-mail : cepo@regideso.cd
110
Annonces classées INVITATION FOR BIDS
Procurement Number: 20/MED/14 Supply and Delivery of Drugs and other medical consumables for the AUC Medical Center under framework Contract
Programme de Guinée
RECRUTEMENT D’UN CABINET D’AUDIT INTERNATIONAL
The African Union Commission has reserved some funds towards the procurement of the above mentioned services.
1. Catholic Relief Services-USCCB Programme de Guinée (CRSGuinée) est le Principal Récipiendaire du projet de lutte contre le paludisme « Mise à échelle des interventions de lutte contre le paludisme dans les zones hyper et holo-endémiques de la Guinée », série 10 du Fonds Mondial. Une partie de ce financement sera utilisée pour effectuer des payements au titre de l’organisation d’un audit externe de l’exercice 2013. 2. A cet effet, CRS-Guinée recrute un cabinet d’audit international pour l’audit comptable et financier de son unité de gestion du projet, de ses 3 sous récipiendaires et 5 sous - sous récipiendaires en Guinée. 3. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir les termes de référence complets en envoyant un courrier électronique à l’adresse suivante : crs_gn@global.crs.org au plus tard le 14 avril 2014. 4. La date limite de soumission des offres au bureau de CRS – Guinée est fixée au 25 avril 2014 à 16h00, heure de Conakry. Godlove Ntaw, Représentant Résident.
The African Union Commission now invites bids from interested bidders for the Supply and Delivery of Drugs and other Medical consumables for the AUC Medical Center under framework contract. The items are categorized in different lots LOT 1. Drugs LOT 2. Consumables for Dental Unit LOT 3. Consumables for Radiology Unit LOT 4. Consumables for Laboratory Unit Bidders can bid for LOT/LOTS of their preference More details on the above requirements are provided in the bid document. Interested firms can collect the bid documents from the African Union website: http://www.au.int/en/bids The closing date for the submission of bids shall be 16th MAY 2014. For further inquiries please use Tel: +251-11-5517700, Ext 4305. E-mail Tender@africa-union.org
Appel d’offres
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres International pour l’acquisition et l’installation des équipements de la Centrale Electrique du Centre Régionale de la Navigation Aérienne (CRNA) de Dakar. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre le paiement obligatoire d’une somme non remboursable de Deux Cent Mille (200 000) FCFA, soit Trois Cent Quatre Euros Quatre Vingt Dix Centimes (304,90 €) à partir du 7 avril 2014 au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar, BP 8163 Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal), à la Délégation de l’ASECNA à Paris – 75, Rue de la Boétie 75008 Paris Cedex 08 (France). La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) à Dakar, BP 8163, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 05 juin 2014 à 12 heures, heure locale (GMT). Aucune offre arrivée hors délai ne sera acceptée. L’ouverture des offres en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour (05 juin 2014) à 13 heures, heure locale (GMT) à la salle de réunion du Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar. Le Directeur Général N° 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
111
RÉPUBLIQUE DU CONGO
PROJET D’APPUI À LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE (PADE)
Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com
Cofinancement Congo/Banque Mondiale -Tél. : [00 242] 05 513 60 43/06 668.24.31/ 05 568 87 06 AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 004-MEFPPPI-PADE-CPM 2014 « Relatif au Recrutement d’un Cabinet de Consultants international chargé de l’étude sur la compétitivité du port autonome de Pointe Noire »
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu, auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA), un crédit de cofinancement dans le cadre du Projet d’Appui à la Diversification de l’Economie (PADE), qu’accompagne le groupe de la Banque Mondiale. Dans le cadre de l’exécution dudit projet, l’Unité de Coordination du Projet a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Crédit pour financer les services relatifs au recrutement d’un « Cabinet de Consultants international chargé de l’étude sur la compétitivité du port autonome de Pointe Noire. 2. L’objectif de la mission est de réaliser une étude sur la compétitivité du port relativement aux corridors de son hinterland. L’étude examinera notamment les aspects économiques, sociaux et technologiques susceptibles d’impulser le potentiel du Port Autonome de Pointe Noire (PAPN) et celui des opérateurs exerçant dans les différents corridors que sont : • Corridor Pointe Noire/Brazzaville/Kinshasa (en RDC) ; • Corridor Pointe Noire/Brazzaville/Bangui (en RCA) ; • Corridor Pointe Noire/Brazzaville/Ouesso au sud-ouest du Cameroun ; • Corridor Pointe Noire/Cabinda (en Angola)/ Boma et Matadi (en RDC). 3. La mission durera six (06) mois. 4. L’Unité de Coordination du PADE invite les firmes intéressées à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations vérifiables et pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans les conditions semblables etc.) 5. Sur cette base, un Bureau d’étude sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque Mondiale « Sélection et Emploi des consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de Janvier 2011. La méthode de sélection retenue est celle fondée sur la Qualité et le Coût (SFQC). 6. Les Consultants intéressés doivent s’adresser à l’Unité de Coordination du PADE pour obtenir les informations complémentaires (TDRs notamment) relatives à cet avis au siège du projet sis 05 et 06, rue Isaac Locko, dans le secteur de Blanche Gomez ou par courrier électronique adressé à pade.pacadec@yahoo.fr les jours ouvrables de 08 h00 à 15h00. 7. Les manifestations d’intérêt multipliées en trois (03) exemplaires doivent être rédigées en Français, portées la mention « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un Cabinet de Consultants international chargé de l’étude sur la compétitivité du port autonome de Pointe Noire » et déposées sous pli fermé à l’adresse ci-dessus citée au plus tard le jeudi 24 avril 2014. Fait à Brazzaville le 28 mars 2014 Le Coordonnateur du PADE Joseph MBOSSA
Fabrication & Commercialisation de Groupes Electrogènes toutes puissances Études & réalisations Assistance technique Pièces de rechange Maintenance
BP N°1 - 37190 Vallères - France www.lepron-sa.com - 33(0)2 47 45 45 50 JEUNE AFRIQUE
N° 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
Manifestation d’intérêt - Divers
21, place Charlemagne - 08130 ATTIGNY Tél./Fax : + 33 (0)3 24 30 17 23 Port. : +33 (0)6 35 26 80 56 e-mail : commercial@batysilo.net www.batysilo.net
Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Limitation des mandats (1) Le renouvellement des élites est nécessaire JE ME PERMETS d’être en désaccord avec l’éditorial de François Soudan sur « La liberté d’élire… et de réélire » (J.A. no 2777, du 30 mars au 5 avril). Bien sûr, le désir d’être réélu n’a rien de condamnable. Mais pour quoi faire et, surtout, pour qui ? Les exemples occidentaux que vous citez sont
d’ailleurs éclairants. Vous mettez en parallèle des États de droit, où existent des contre-pouvoirs efficaces, et des despotismes africains (ou des satrapies d’Asie centrale). Qui peut accuser vos exemplesoccidentauxd’avoir confisqué le pouvoir et l’économie au service d’une famille, d’un clan et de dociles serviteurs ? D’avoir truqué les élections ? Soyons sérieux, la marche vers la démocratie, à laquelle
tous les Africains aspirent, passe par le renouvellement des élites et des gouvernants. Certains dirigeants africains (vous les connaissez et ils sont hélas peu nombreux) ont eu l’honneur et l’humilité de se retirer du pouvoir. C’est ainsi et seulement ainsi que l’État de droit progressera. Que certains méritent de rester, certes, mais uniquement pour le bien de leur peuple. l PATRICE CHEVY, Garches, France
Adieu à… Faouzi Mahjoub C’EST UNE IMMENSE PERTE pour son épouse, Christiane, sa complice depuis plus de quarante ans, pour sa famille, ses amis et tous les amoureux du ballon rond. Notre confrère et ami Faouzi Mahjoub s’est éteint à Paris le 31 mars. Il était âgé de 72 ans. Journaliste et écrivain tunisien, il était considéré comme la mémoire et l’un des plus ardents défenseurs du football africain. Un sujet qu’il avait abondamment traité dans les colonnes de Jeune Afrique pendant plus de quatre décennies, de 1966 à 2009. Défenseur du « beau jeu », cet homme de gauche opposé aux dérives du sportbusiness a été un des piliers du magazine Miroir du football, édité entre 1960 et 1979 par le groupe Miroir Sprint. Il a signé plusieurs ouvrages marquants, dont une encyclopédie du football africain, parue en 1978, et réalisé, en 2008, pour le compte de la Fifa, une série de cinq DVD consacrée à cinquante années de football africain. Nostalgique de l’époque où la Coupe d’Afrique des nations était synonyme d’esprit offensif, de style chatoyant et de créativité, il pouvait avoir la dent dure contre les « sorciers blancs » et l’emprise excessive que ces entraîneurs européens pouvaient exercer sur le jeu des sélections, obligeant les joueurs à tourner le dos à leurs qualités naturelles. N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
u Le journaliste tunisien, spécialiste du football africain, nous a quittés le 31 mars. Faouzi Mahjoub était un admirateur inconditionnel de l’équipe algérienne du FLN (celle de Rachid Mekhloufi), du virtuose malien de Saint-Étienne, Salif Keïta, ou encore du « grand » Cameroun des années 1980. C’était aussi un homme d’action, qui a exercé d’importantes responsabilités au sein de la Confédération africaine de football (CAF). « Il pensait pouvoir changer les choses de l’intérieur, se souvient son ami Mourad Zeghidi, journaliste au service des sports de Canal +. Il a été une voix libre qui a toujours dénoncé sans faiblir les dérives de la CAF. » Il en a payé le prix, se brouillant avec son ancien patron, le Camerounais Issa Hayatou, dont il avait été jadis très proche. Apprenant son hospitalisation, Hayatou, qui ne lui parlait plus depuis des années, s’est rendu à son chevet à Paris. l SAMY GHORBAL
Limitation des mandats (2) Parlementaire, mon cher Watson FRANÇOIS SOUDAN a eu raison d’exprimer, dans son éditorial, les arguments défavorables à une limitation des mandats. Je me permets cependant d’apporter une précision. Helmut Kohl, Felipe González et Margaret Thatcher n’ont pas exactement été « réélus », puisque l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni ont tous des régimes qui sont essentiellement parlementaires. Ce sont les partis qui ont été réélus. Les individus ont été élus en tant que simples membres du Parlement, mais sont devenus Premiers ministres parce que leur parti était majoritaire. D’ailleurs, Margaret Thatcher a été larguée à mimandat, sans état d’âme, par les conservateurs lorsque ceux-ci ont estimé qu’elle dérapait dans sa gestion et hypothéquait les chances du parti d’être réélu. l PETER ROBERTSON, Riom, France
DR
112
Réponse : Cet éditorial ne visait pas à défendre une position hostile à la limitation des mandats présidentiels, J.A. ayant déjà et à plusieurs reprises indiqué qu’il était favorable à cette limitation. Mais à présenter, pour l’objectivité du débat, les arguments de « l’autre camp ». En ce qui concerne les dirigeants européens cités, vous avez raison sur la forme, même s’il va de soi que les électeurs qui ont voté et revoté pour leurs partis respectifs savaient fort bien qu’ils reconduisaient ipso facto ces personnalités à la tête des gouvernements. C’était même là la principale motivation de leur choix. l FRANÇOIS SOUDAN JEUNE AFRIQUE
Vous nous
RD Congo L’oublié du « Plus » sur Lubumbashi AU TERME du voyage que vous avez fait à Lubumbashi (J.A. no 2775, du 16 au 22 mars), je m’interdis
p Le Plus de J.A. no 2775, du 16 au 22 mars 2014.
toutjugementquantauxmotivations qui vous ont poussé à nous présenter « les gens d’ici»avecqui«çabouge».Ce que je trouve plus ennuyeux, c’estquevousparlezdeMoïse Katumbi, de Jean-Oscar Sanguza puis, d’un bond, des artistes, des scientifiques, des businessmen… tout en oubliant l’homme le plus écouté du Katanga : Antoine G a b r i e l Ky u n g u w a Kumwanza, président de l’assemblée provinciale. Sous le règne de Mobutu, Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza avait osé et réussi à rebaptiser la grand-place de la Poste du nom du plus grand des Katangais, Moïse Tshombe. Celui que nous appelons affectueusement « Baba » est réellement lepère
du Katanga ; il est vissé au Katanga. Son combat politique pour le triomphe de la justice sociale pourrait se résumer ainsi:«Kudiatalalakwabana biya»,commedisentleshéros balubakat. Comprendre : « Mangez tranquillement en partageant ». C’est ce que fait
113
Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza : élu dernièrementauxélectionslégislatives nationales, il a préféré céder son poste à son suppléant. Pour continuer de jouer son rôle de « sentinelle » du Katanga. l ERIC LUBANGU, Lubumbashi, RD Congo
Mise au point L’Onusida et Djibouti À la suite de l’interview du président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh parue dans J.A. no 2776, le cabinet du directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé, nous fait savoir que cette organisation n’a aucun rapport avec le Conseil national de lutte contre le sida de Djibouti, instance nationale qui a fait l’objet d’une enquête pour malversations. L’intervention de l’Onusida dans cette affaire s’est limitée à « appuyer le gouvernement de Djibouti pour trouver une solution aux problèmes susmentionnés ». l
S CI ER TR A N SX ÉN ER G IE A U A T TÉT M CO N O FÉ FÉ COTT G RA IN CA TI O N SU CR E CR E G RA IN CA AZ VOTRE EC G SU & N SP O IN LE TI Z O A EC TR G Q U E PÉ TR O LE & & G A Z IN SP A IN LO G IS TI G IS TI Q U E PÉ G SU P Q U E PÉ TR O LE G SU PP LY CH LY CH A IN LO PARTENAIRE IN TAG E TR A D IN D PP R A H A IN LO G IS TI U SU TR G CO E IN G E D M A TA TI R TR U RI SP O R T E A N G CO M A E T TA M TR R R EN AFRIQUE TR A N SP O G IE ACI ER O R T M A RI TI RI TI M E CO U ER ER SP CI ÉN N A A X ON U IE TR A G ÉT ER ER ACI AUX ÉN SPÉCIALISÉ IN CA FÉ COTT COTT O N M AUX ÉN ER G IE TA COTT O N M ÉT G RA IN CA FÉ N SU CR E G RA IN FÉ E O Z TI CA CR A G EC IN SU & N SP RA O IN G LE GA Z U E PÉ TR O Z IN SP EC TI EN O N SU CR E PÉ TR O LE & LY U ECOMMERCE PP L Q IN LO G IS TI Q TR O LE & G A SU TI A PÉ G IS CH E G IN U D LO LY Q A TI IN PP TR IS A N LO G U R TAG E PP LY CH A D IN G SU H A IN CO TR INTERNATIONAL T SU R E E G O G M IN TI D SP TA N A RI R A A U TR M TR GE A N SP O R T G IE ACI ER M A RI TI M E CO TR T ER R ER TI M E CO U R TA O ÉN N CI X S SP O A U N A TT IE A E G ER TR O N M ÉT CA FÉ CO X ÉN ER ÉN ER G IE ACI IN CA FÉ COTT SP EC TI O N SU CR E G RA IN TT O N M ÉT AU RA CO IN G Z FÉ E A G CA CR & IN SU RA EC TI O N PÉ TR O LE O LE & G A Z IN O N SU CR E G & G A Z IN SP LO G IS TI Q U E PP LY I TI Q U E PÉ TR E PÉ TR O LE IN LO G IS PP LY CH A IN A QU RECRUTEMENT,SÉLECTION E TR A D IN G SU R SU TIIQ G CH ST G TA IN LY R O G IS D U PP A CO TR SU E E G O G M IN TI D SP TA N A RI R A A U TR GE ACI ER TR SP O R T M A RI TI M E CO TI M E CO U R TA ON ACI ER TR A N N SP O R T MTALENTS AUX ÉN ER G IE TT IE A G ÉT TR CO M ER FÉ ER DE VOS MEILLEURS N ÉN O CI CA X A U TT N ER G IE CA FÉ CO O N M ÉT A CR E G RA IN X ÉN IN TT SU RA CO N IN G O Z FÉ TI E A G CA EC CR & S E G RA IN EC TI O N SU PÉ TR O LE & G A Z IN SP O N SU CRET L & G A Z IN SP LO G IS TI Q U E CONSTRUCTION U E PÉ TR O LE PP Q LE IN SU O TI A G IS TR CH G IN PÉ D LO LY A E QU U R TAG E TR PP LY CH A IN A D IN G SU PP CO TR SU R E E G H A IN LO G IS TI O G M IN TI D SP TA N A RI R A A U E TR RT M ER TR TAGVOS A RI TI M E CO ÉQUIPES ER TR A N SP O TI M E CO U RDE ÉN ER G IE ACI N A N SP O R T M TR É ER G IE ACI O N M ÉT AUX CA FÉ COTT O X ÉN U TT IN A CO RA ÉT G M FÉ N ER G IE ACI ER E N CA O CR X ÉN IN TT SU RA CO N IN G O Z FÉ TI E A G CA EC CR RA IN TI O N SU TR O LE & G A Z IN SP O N SU CR E G G A Z IN SP EC PÉ TR O LE & G IS TI Q U E PÉ PP L PÉ TR O LE & LO G IS TI Q U E LY CH A IN LO A D IN G SU P E U IN PP TR A Q E SU TI G CH G IS G TA IN LY R D U PP A CO TR SU FORMATION MÉTIERS ORGANISATION E E G H A IN LO OR G M IN TI D SP TA N A RI R G E TR OR T MA CI ER TR A TI M E CO U TI M E CO U R TA CI ER TR A N SP X ÉN ER G IE A SP O R T M A RI ON A U N A TT IE A G ÉT TR CO M ER FÉ ER N ÉN O CI CA IE A FÉ COTT E G RA IN DE VOS CAÉVÈNEMENTS O N M ÉT AUX CR IN UX ÉN ER GET TT DÉVELOPPEMENT SU RA CO N G O Z FÉ TI E A G CA EC RA IN O LE & TI O N SU CR G A Z IN SP O N SU CR E G TI Q U E PÉ TR TIIO G A Z IN SP EC E PÉ TR O LE & PP L CH A IN LO G IS G IS TI Q U PÉ TR O LE & D IN G SU P LO LY A E U IN PP TR COMMERCIAUX ET A Q E SU TI G CH G IS G TA IN LY R DES PERFORMANCES D U PP A CO TR SU E E G H A IN LO G M IN TI D SP TA TR A N G E TR A R T M A RI M E CO U R ER G IE ACI ER M E CO U R TA ER TR A N SP O TIIM O R T M A RI TI ACI FÉ COT N M ÉT AUX ÉN DE VOS CONFÉRENCES ÉN ER G IE O CI ER TR A N SP CA X A U TT IN A IE CO G RA ÉT G ER M FÉ E N ÉN UX S CR FÉ COTT O TI O N SU E G RA IN CA CA EC CR & GA IN SP SU IN LE N RA O Z O G A TI E TR Pour une étude ou un besoin contactez notre équipe G TR O LE & TI O N SU CR IS TI Q U E PÉ G A Z IN SP EC PÉ G & E LO U Q LE IN SU O TI A IS TR CH G IN E PÉ SU PP LY G E TR A D G CH A IN LO N LO G IS TI Q U G E TR A D IN G M E CO U R TA IN G SU PP LY TI D SP TA N A RI R A A U TR O M TR E CO T G E R ER M O TA CI E CO U R TR A N SP R T M A RI TI TI M contact@ampersandworld.ch ÉN ER G IE A M ÉT AUX É ER G IE ACI ER FÉ CO ER TR A N SP O N ÉN O CI CA X A U TT IN A IE CO G RA ÉT G ER M FÉ E TT O N SU CR AUX ÉN NS G RA IN CA FÉ CO GENEVA – SINGAPORE – DUBAI – JOHANNESBURG O LE & G A Z IN SP EC TI O Penda COULIBALY G RA IN CA TI O N SU CR E TR O LE & G A TI O N SU CR E IIS TI Q U E PÉ TR G A Z IN SP EC PÉ G & E LO U Q LE IN O TI A ampersand-world.com IS TR CH G Founder & CEO O PÉ LO LY IN G E D U IN PP A A Q SU TR TI CH E G IS N LO G SU PP LY E TR A D IN CO U R TAG G E TR A D IN G E CO U R TAG T M A RI TI M E M R TA R O TI U RI SP A N CO M A E T M TR R TI SP O N ER G IE ACI ER ACI ER TR A N AUX ÉN AUX ÉN ER G IE COTT O N M ÉT FÉ CA IN RA G U CR E
+41 22 737 14 44
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
114
Post-scriptum Fawzia Zouari
Le souverain, l’Afrique et le monde
E
NFIN UN MAGHRÉBIN qui revendique son africanité et qui prend la peine de sillonner le continent ! À l’instar de son compatriote et grand voyageur Ibn Battuta, qui, au XIVe siècle, parcourut les routes du monde de Sumatra à Tombouctou, le roi du Maroc a achevé en mars un long périple subsaharien. Au Mali, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Et pas pour faire du tourisme… Dans sa délégation, près de 200 personnes, des ingénieurs, des techniciens, des entrepreneurs, des médecins. Au Mali, Mohammed VI a proposé, entre autres, de former des imams à la prestigieuse mosquée des Karaouine, à Fès. À Libreville, il a signé une trentaine d’accords bilatéraux. À Conakry, on a parlé santé, développement durable, bourses d’études. Pourtant, peu de journaux arabes et occidentaux se sont étendus sur la prouesse marocaine. Et pour cause. Mohammed VI montre en miroir ce que les Arabes et les Européens ne font pas : les voisins maghrébins, d’abord, empêtrés dans des luttes internes et des visions à la petite semaine ; les émirs du Golfe, plus occupés à gagner les consciences africaines au wahhabisme qu’à fournir du bien-être ; les Français, toujours aux prises avec leurs vieux démons de la « Françafrique » ; l’Europe enfin, préoccupée par la question de l’immigration clandestine et de plus en plus tentée de se barricader. Voyez donc : le royaume chérifien offre des cartes de séjour en masse là où les Européens les distribuent au compte-gouttes ; les pays du Nord se ruent aux urnes contre l’immigration et pour la « préférence nationale » quand le Maroc régularise 25 000 Subsahariens d’un coup. Le roi du Maroc a compris que le développement de son pays passe par la prise en compte de l’Afrique subsaharienne et l’augmentation des échanges avec elle. En homme revenu du mirage occidental, il sait qu’il n’y a plus grand-chose à attendre de l’Europe. En tout cas, qu’il faut sortir d’un têteà-tête peut-être stérile.
Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis bby@jeuneafrique.com
Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Seidik Abba (s.abba@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa et Nadia Lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux avec Olivier Caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Olivier Caslin, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Christophe Le Bec, Omer Mbadi (à Yaoundé), Mehdi Michbal (à Casablanca), Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Nicolas Teisserenc Joan Tilouine, Tshitenge Lubabu M.K. ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Renaud de Rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Emeric Thérond (premier rédacteur graphiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Christian Kasongo, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service) ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Direction : Danielle Ben Yahmed et Amir Ben Yahmed ; vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326 rue du Gros Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), Nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES
Qu’importe donc l’avis des éternels sceptiques, pour qui le souverain « s’agite » surtout pour faire avancer le dossier du Sahara occidental. Moi, je dis, c’est bien que ce Roi soit dans l’exploration de tous les territoires parfois oubliés par son père. Sans discours ni fracas, qui plus est. Et si, pour d’autres, le Maroc n’est qu’une « maîtresse », comme le disent les Français, non seulement elle est la plus intelligente du harem arabe mais elle peut s’offrir le luxe de changer d’amant à sa guise, en vertu du proverbe oriental : « Varier les montures repose son cavalier » ! l N O 2778 • DU 6 AU 12 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier ; Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285.
> Corporate and Investment Banking
NOS PORTES S’OUVRENT DEPUIS ABIDJAN, SUR L’AFRIQUE DE L’OUEST Le Bureau de Représentation de Standard Bank en Côte d’Ivoire est opérationnel depuis Février 2014 Notre réseau en Afrique et notre connaissance approfondie des différents pays où nous sommes, sont les avantages qui poussent les clients à franchir notre porte quand ils cherchent à se développer sur le continent. Avec l’ouverture du nouveau Bureau de Représentation, nos clients ont maintenant sur place un partenaire solide avec la bonne expertise quand ils pensent faire des affaires en Côte d’Ivoire et dans l’ensemble de l’Union Monétaire et Economique de l’Afrique de Ouest
Ils l’appellent l’Afrique. Nous l’appelons notre demeure… www.standardbank.com/cib
Avançons Ensemble Prestataire de services financiers agréé et fournisseur de crédit enregistré (NCRCP15). The Standard Bank of South Africa Limited (Reg. No. 1962/000738/06). SBSA 3110 – 2/14 Avançons ensemble est une marque déposée de The Standard Bank of South Africa Limited.
Exerçant également sous le nom de Stanbic Bank