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SÉNÉGAL WADE DÉFIE SALL Entretien exclusif jeuneafrique.com

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Hebdomadaire international indépendant • 54e année • no 2783 • du 11 au 17 mai 2014

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TUNISIE LE SYNDROME DE CARTHAGE

Spécial 20 pages

MAROC TOURISME : RETOUR EN VUE ! Le chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keïta

MALI

Touaregs, France, affaire Tomi, famille, gouvernance, opposants…

IBK

l’interview vérité ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE

France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs Grèce 4,50 € • Guadeloupe 4 € • Guyane 5,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Martinique 4 € • Mauritanie 1 100 MRO • Mayotte 4 € • Norvège 45 NK Pays-Bas 4 € • Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Réunion 4 € • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Sa Majesté Abdoulaye Wade

L

INTERVIEW est un genre journalistique, voire un art, difficile. L’intervieweur n’a qu’une partie des cartes en main. Beaucoup dépend en effet de l’interviewé, de sa personnalité, de sa capacité à exprimer ses idées et, surtout, de son envie de révéler ou non sa nature profonde, sans artifice ni recours à la langue de baobab ou aux méandres de circonlocutions interminables. Certains entretiens, quand votre interlocuteur joue le jeu ou ne peut s’empêcher de se dévoiler, constituent de vrais révélateurs : l’interviewé est comme nu face à vous, se livrant tout entier. Il faut être franc, ces entretiens sont très rares. Celui qu’Abdoulaye Wade a accordé à notre envoyé spécial à Dakar, Rémi Carayol, en fait partie (lire pp. 38-41).

Tout Wade y est. Le génie politique, le tribun hors pair, le visionnaire, mais aussi le bonimenteur, le fanfaron et l’irresponsable. Chez lui, les idées fusent et s’entrechoquent en permanence sous un crâne que l’on a toujours connu lisse comme un galet. Et se traduisent trop souvent en paroles un peu rapides. Sans doute aurait-il dû éviter de déclarer tout de go qu’il peut « renverser Macky Sall à tout moment » en lançant la population sur le palais. Sans doute aurait-il dû aussi épargner à nos lecteurs ses nombreux accès de fièvre narcissique, comme lorsqu’il évoque, entre autres, son « aura », « ses résultats » ou ces « millions de Sénégalais qui l’ont accueilli ». Peut-être aurait-il dû enfin se garder de dénoncer l’absence de démocratie dans son pays aujourd’hui, lui qui, hier, a si souvent essayé de s’affranchir de ses règles les plus élémentaires lorsqu’il était président. Notamment à la fin de son règne. Le pire, c’est qu’il n’a cure du qu’en-dira-t-on ou de la portée de ses propos… Wade est unique et irremplaçable. Cela tombe bien, le contraire lui serait insupportable, même à son âge, même après plus de cinquante ans de combat politique, dont douze au pouvoir. Il entend ne pas disparaître des écrans radars médiatiques et compte continuer de prodiguer ses conseils (désormais contre rémunération), peser, chez lui, au Sénégal, à la tête d’un parti qu’il a fondé et dont il est peu probable qu’il en transmette les rênes de son vivant. Dans l’un des (nombreux) recoins de son cerveau, qui ne connaît pas le repos, il rêve toujours qu’on vienne le supplier, à genoux si possible, de se rendre au chevet de pays en crise pour y rétablir la paix. La Centrafrique le titille… Ceux qui se souviennent des résultats de son initiative dans la Guinée de Moussa Dadis Camara en ont des sueurs froides. Wade, c’est Wade. On adore ou on déteste, l’indifférence étant rarement de mise. Mais qu’est-ce qu’on s’ennuierait sans lui ! l JEUNE AFRIQUE

PHOTOS DE COUVERTURES ÉDITION SÉNÉGAL : YOURI LENQUETTE POUR J.A. ÉDITION INTERNATIONALE : EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Afrique du Sud ANC for ever Robert Ménard À droite toute ! Amal Alamuddin Robe noire, robe blanche Slim Othmani « Issad Rebrab devrait être encensé » Rwanda-France Le prix de la brouille Guinée Simandou, procès dur Algérie Au travail, et vite ! Congo-RD Congo Grand frère gifle petit frère Tour du monde

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G RA N D A N G L E

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MALI

Ibrahim Boubacar Keïta « Mon honneur n’est pas à jeter aux chiens »

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Boko Haram Le Nigeria face à ses démons RD Congo Kerry, un ami qui lui veut du bien Centrafrique Un homme de convictions Sénégal Interview d’Abdoulaye Wade, ancien président

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M AG H REB & M OY EN - O RIEN T

42 47 48 50

Tunisie Ils y pensent tous les matins en se rasant Algérie 22, v’la les smartphones ! Islam Et Dieu libéra la femme Golfe Dégel dans le désert N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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SÉNÉGAL Abdoulaye Wade : « Je ne peux pas tolérer que tout ce que j’ai fait soit détruit »

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DOSSIER FINANCE

Spécial 22 pages

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CAMEROUN 20 pages

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TUNISIE Ils y pensent tous les matins en se rasant

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, AS I E

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Brésil Des couacs dans la samba Parcours Alexandra Ahouandjinou, donneuse de leçons Turquie Ahmet contre Goliath

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BRÉSIL Des couacs dans la samba

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LE PLUS DE JE U N E AFR I Q U E

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Cameroun Où sont passés les Lions ?

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ÉCON OMIE

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Tourisme Une éclaircie très localisée Les indiscrets Agriculture La banane fait une jaunisse Maghreb & Moyen-Orient Après le Printemps, enfin l’embellie Burkina Faso Investisseur touche-à-tout Télécoms Deal gagnant-gagnant Baromètre

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N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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D O SSIER F IN A N C E Stratégie Le modèle panafricain en panne ?

C U LT U RE & M ÉD IA S Cinéma Interview de Rachid Bouchareb, réalisateur franco-algérien Littérature Délit d’initiés Reportage De la plage à la piste La semaine culturelle de Jeune Afrique

VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum

JEUNE AFRIQUE


16081 collaborateurs I 3197 agences I 6,8 millions de clients Numéro 1 de la collecte d'épargne au Maroc Numéro 1 du financement de l'économie au Maroc Numéro 1 de l'investissement bancaire et des activités de marché au Maroc

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LA DÉPÊCHE D’ABIDJAN

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p Jacqueline Chamois (au centre), lors d’une conférence de presse à la Maison de l’Afrique, à Paris, le 31 mai 2012.

Côte d’Ivoire Gbagbo and friends

LE CHIFFRE

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J

acqueline Chamois, qui fut la première épouse de Laurent Gbagbo, la mère de son fils, Michel, et qui réside à Lyon, en France, a prévu d’officialiser, le 31 mai, la création d’une Association des amis de Laurent Gbagbo, dont elle sera la présidente. Objectif : « soutenir le combat » de l’ex-chef de l’État ivoirien détenu par la CPI à la prison de Scheveningen. L’association ambitionne de regrouper tous ceux – proches, amis, personnalités françaises, ivoiriennes, et au-delà – qui partagent la conviction que Gbagbo n’est pas coupable de ce dont il lui est fait grief par le bureau du procureur. l

GUINÉE UFDG : LE BRAS DE FER S’INTERNATIONALISE

La crise qui oppose le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, à son vice-président, Bah Oury, a débordé des frontières guinéennes avec l’entrée en scène, au titre de médiateurs, de l’ancien ministre sénégalais de l’Intérieur, Djibo Kâ, et de l’ex-président de l’Assemblée nationale malienne Ali Nouhoum Diallo. Dans l’entourage de Bah Oury, on doute de la volonté de Cellou Dalein Diallo de trouver une N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

issue négociée aux tensions internes, soulignant que ce dernier est à l’origine de la suspension, le 15 avril, du viceprésident du parti, actuellement en exil en France. CENTRAFRIQUE SANCTIONS À RETARDEMENT

La présidence de la Commission de l’Union africaine (UA) hésiterait-elle à avaliser le projet de sanctions individuelles déposé par la France auprès de l’ONU et visant trois personnalités centrafricaines? Les représentants russe et chinois au Conseil de

officiellement prévue pour février 2015, plus personne au sein de la communauté internationale ne se fait d’illusions : cette échéance ne sera pas respectée. La sécurisation du pays et l’organisation d’un recensement administratif, sur la base duquel seront établies les listes électorales, nécessiteront au moins huit mois de plus. « Novembre 2015 paraît un délai raisonnable », confiet-on à Paris. La présidente de la transition, Catherine SambaPanza, jouera donc les prolongations – mais pas au-delà. Elle a juré à François Hollande, qui l’a reçue à l’Élysée le 1er avril, qu’elle ne serait pas candidate à sa propre succession.

sécurité ont en effet fait savoir à leur homologue français qu’ils attendaient la décision des instances de l’UA avant de donner leur propre accord à ce texte – lequel concerne l’ex-président François Bozizé, son porte-parole Lévy Yakété et l’ex-général de la Séléka Noureddine Adam. Aux dernières nouvelles, la lettre agréant le projet serait « en cours de transmission ». CENTRAFRIQUE (2) À QUAND LA PRÉSIDENTIELLE ?

Si la tenue de l’élection présidentielle est toujours

milliards de dollars C’est le montant du manque à gagner annuel de l’Afrique subsaharienne à cause de la pêche et de l’exploitation forestière illégales, selon un rapport de l’Africa Progress Panel, un think tank présidé par le Ghanéen Kofi Annan. « Les ressources qui devraient être utilisées pour l’investissement en Afrique sont pillées par les activités des élites locales et des investisseurs étrangers », dénonce le rapport.

AFFAIRE KARIM WADE LA FIDH MET UN BÉMOL

Une mission de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) se rendra du 4 au 6 juin à Dakar pour faire part de son inquiétude quant au fonctionnement de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), chargée du dossier de Karim Wade, dont le procès doit se tenir durant le même mois. Saluant la lutte contre la corruption, la FIDH n’en estime JEUNE AFRIQUE


Politique, économie, culture & société pas moins nécessaire, pour préserver les droits de la défense, d’amender la Crei, de la remplacer par une autre instance ou de faire juger les crimes de corruption par des tribunaux ordinaires. LIBYE BELHADJ RENOUE AVEC LA FRANCE

De passage en France du 29 avril au 2 mai pour une opération séduction, Abdelhakim Belhadj a tenu une conférence et un séminaire, et a accordé un entretien en arabe à France 24. Bien que l’ancien jihadiste libyen entretienne de « très bonnes relations » avec l’ambassadeur de France à Tripoli, Antoine Sivan, Paris a refusé à plusieurs reprises de lui délivrer un visa. Mais cette fois, la sous-direction Afrique du Nord du ministère français des Affaires étrangères l’a reçu

Retrouvez en page 102 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

Procès Habré Mission délicate à N’Djamena LES JUGES D’INSTRUCTION SÉNÉGALAIS des Chambres africaines extraordinaires (CAE) chargées par l’Union africaine (UA) de juger Hissène Habré et ses complices vont se rendre de nouveau à N’Djamena, du 24 mai au 9 juin. Il s’agira de leur quatrième (et peut-être dernière) commission rogatoire internationale. Cette fois, ils seront accompagnés d’experts qui devront procéder à l’exhumation de plusieurs charniers. Ils poursuivront par ailleurs l’audition des témoins et des victimes, ainsi que l’exploitation des archives de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS). En outre, ils tenteront – tâche extrêmement délicate – de négocier avec le gouvernement tchadien le transfert de deux anciens responsables de la police politique de Habré, Saleh Younous et Mahamat Djibrine, incarcérés depuis près d’un an à N’Djamena. Selon le chronogramme officiel, la phase d’instruction aurait dû être close en ce mois de mai, mais les juges l’ont prolongée de huit mois. l

à bras ouverts. Trois réunions discrètes se sont ainsi tenues le 2 mai au Quai d’Orsay. Devenu révolutionnaire,

puis gouverneur militaire de Tripoli, avant d’être défait, malgré le soutien du Qatar, aux élections de juillet 2012

Air France Première à Libreville AIR FRANCE A DÉVOILÉ en avant-première, le 7 mai à Shanghai, sa nouvelle classe, La Première, une suite plus spacieuse, plus luxueuse et ultraéquipée élaborée par le designer français Jean-Marie Massaud et dont le lancement effectif est prévu pour septembre. Cette nouvelle offre s’inscrit dans le cadre de la stratégie de montée de gamme d’Air France face à la concurrence accrue des compagnies du Moyen-Orient, notamment Emirates ou Etihad. Prochaines étapes de la présentation officielle, segmentée par continent : NewYork en juin et Paris en septembre. En Afrique, c’est Libreville, longtemps en compétition avec Abidjan, qui accueillera finalement la cérémonie officielle de présentation, le 4 décembre prochain. l q Une offre qui s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de montée de gamme.

avec son parti Hizb al-Watan, l’ancien émir du Groupe islamiste combattant en Libye (GICL) demeure, en dépit de sa faible popularité, une figure incontournable de la scène libyenne.

LIBYE (2) CHASSE AU TRÉSOR, SUITE La course à l’identification et au rapatriement des avoirs de Mouammar Kaddafi continue d’attiser les convoitises en raison de la prime de 10 % promise par les autorités libyennes. En Afrique du Sud, où les biens du clan Kaddafi sont estimés à 1 milliard de dollars, une mystérieuse société, Poviwize, représentée par un certain Johannes Jacobus Verster, s’est dite mandatée par Tripoli « pour identifier, sécuriser et récupérer les avoirs cachés ». Sur le protocole d’accord de 30 pages daté du 8 février 2014 figurent les signatures de Verster et de trois membres du Conseil national libyen chargés de la récupération des biens. Problème : selon Tripoli, ce document serait un faux. En outre, le patron de Poviwize a déjà eu maille à partir avec la justice de son pays.

AIR FRANCE

ERRATUM

JEUNE AFRIQUE

Le poste de secrétaire général de la présidence de la République tchadienne est occupé par Houdeingar David Ngarimaden, et non par Mahamat Saleh Annadif, comme nous l’avons écrit par erreur dans un confidentiel de notre dernière livraison (J.A. no 2781-82, p. 6). Toutes nos excuses pour cette regrettable confusion.

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La semaine de Jeune Afrique

AFRIQUE DU SUD

ANC for ever Malgré un bilan mitigé, les Sud-Africains n’ont pas sanctionné le parti au pouvoir, auquel ils restent très attachés. Mais que fera Zuma de sa victoire ? PIERRE BOISSELET

L

a gifle est monumentale. Mamphela Ramphele, ex-compagne de Steve Biko, le défunt leader du Mouvement de la conscience noire et l’une des têtes d’affiche de la campagne, aura finalement recueilli moins de 0,3 % des voix. Cette ancienne femme d’affaires, dont l’itinéraire d’executive woman pourfendeuse de la corruption a séduit la presse anglosaxonne, ne figure même pas parmi les dix candidats les mieux placés. Interrogée au lendemain des élections générales du 7 mai – qui aboutiront, le 21, à l’élection du président par l’Assemblée nationale –, elle ne semblait pas certaine de poursuivre sa carrière politique. Son rêve venait de se fracasser sur une réalité sociologique. Comme à chaque fois depuis l’avènement de la démocratie, en 1994, cette élection a confirmé de manière éclatante que le pays reste profondément attaché à l’ANC. Avec plus de 62 % des voix, le parti au pouvoiradenouveauremportéunetrèslargevictoire.Ni le décès de Nelson Mandela, le 5 décembre 2013, ni les scandales de corruption – qui ont éclaboussé jusqu’au président Jacob Zuma, dont la résidence privée a été rénovée grâce à de l’argent public –, ni l’arrivée d’une nouvelle génération d’électeurs, fortement touchée par le chômage, n’ont changé la donne. Certes, le taux de participation régresse : de 77 % en 2009, il est passé à 73 %. Certes, l’ANC est en difficulté dans le Gauteng, la province, très urbaine, de Johannesburg et Pretoria, où il n’obtient « que » 53 %. Mais sur le plan national, il ne recule que de trois points par rapport à 2009 et reste au-dessus des 60 %, la barre symbolique qu’il s’était fixée. Surtout, ces élections ont montré qu’aucun parti d’opposition ne constitue une alternative crédible. Le N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Malema le trublion a réussi son pari : sa formation arrive en troisième position.

principal d’entre eux, l’Alliance démocratique (DA), a gagné six points depuis la dernière consultation, atteignant 22 %. Il remporte même 30 % des voix dans le Gauteng. Mais le parti de l’ancienne journaliste blanche Helen Zille est loin des ambitions qu’il affichait il y a quelques mois: obtenir un tiers des votes sur l’ensemble du territoire. Preuve qu’il n’est pas parvenu à gommer son image de défenseur de la minorité blanche. Ou que son programme, économiquement plus libéral que celui de l’ANC, ne séduit pas le plus grand nombre. À l’opposé, le trublion Julius Malema, ancien membre de l’ANC, a adopté un programme radical et populiste, exigeant la nationalisation des mines et la saisie des terres des grands propriétaires blancs. Son mouvement, les Combattants de la liberté économique (EFF), a réussi son pari : devenir la troisième force politique du pays (avec 6 % des voix), après seulement quelques mois d’existence. Mais EFF doit encore prouver que ce succès n’est pas éphémère, comme l’a été celui du Congrès du peuple (Cope), qui, fondé en 2008 par des dissidents de l’ANC opposés à Jacob Zuma, a recueilli plus de 7 % en 2009 et s’effondre cinq ans plus tard, avec moins de 1 %. Pour l’heure, Malema a dépassé le million de voix et réalisé quelques performances : il est ainsi arrivé JEUNE AFRIQUE


GIANLUIGI GUERCIA/AFP

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en deuxième position dans la région minière du Nord-Ouest, régulièrement paralysée par les grèves et traumatisée par les violences policières de Marikana, ou dans sa province natale du Limpopo. Dans cette dernière, la DA de Helen Zille n’obtient que 6 %. À l’opposé, dans le fief de la DA, la province du Cap (la seule qui échappe à l’ANC), plus blanche et métissée que le reste du pays, les partisans de Malema ne sont que 2 %. C’est dire à quel point ces deux partis d’opposition se situent aux antipodes l’un de l’autre et se considèrent réciproquement comme un repoussoir. CLIENTÉLISME. L’ANC, dont tout le programme repose,

depuis la fin de l’apartheid, sur un compromis entre les intérêts du grand capital et le souci d’améliorer les conditions de vie de la majorité noire, reste donc la seule force capable de rassembler au centre. Redoutable machine électorale qui compte plus de 1 million de militants, il devrait remporter les prochaines échéances nationales, en 2019. D’abord parce qu’il détient tous les leviers du pouvoir, ce qui lui permet, souvent, de s’adonner à un certain clientélisme. Ensuite parce qu’il joue sur la crainte – sans doute irrationnelle mais vivace – d’un retour de l’apartheid. Enfin, parce qu’il reste le seul à parler à cette Afrique du Sud profonde, JEUNE AFRIQUE

p Dernier meeting de l’ANC, au Soccer Stadium de Johannesburg, trois jours avant le scrutin du 7 mai.

rurale, où la loyauté à un parti et aux traditions reste forte. Dans le Limpopo et le Mpumalanga, l’ANC frôle ainsi les 80 %. Et puis Jacob Zuma aura permis à son parti de renouer avec l’électorat du Kwazulu-Natal, d’où il est originaire: naguère tentée par les nationalistes zoulous du Parti de la liberté Inkhata (IFP), cette province est l’une des rares où l’ANC progresse. Même si nombre de Sud-Africains se plaignent que leurs conditions de vie ne s’améliorent pas assez vite et que des émeutes enflamment régulièrement les townships, la majorité continue de faire confiance à l’ANC, qui a malgré tout largement étendu la couverture des services de base (logement, eau, électricité…) et instauré un système de protection sociale qui bénéficie à 16 millions de personnes. À 72 ans, Zuma va donc pouvoir conserver son éternel sourire pour cinq nouvelles années à la tête du pays. Son parti a toute la légitimité nécessaire pour le réformer. Certains syndicats pressent le chef de l’État de prendre des mesures sociales et menacent, à défaut, de créer un parti concurrent. À l’inverse, le monde des affaires, qui s’inquiète des grèves à répétition, espère qu’il favorisera les entrepreneurs afin d’attirer de nouveaux investissements. Mais changera-t-il une formule qui, malgré des échecs patents, continue d’être gagnante? l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


La semaine de J.A. Les gens

Robert Ménard À droite toute!

emprisonnés – s’est progressivement élargi à la liberté d’expression, trop fréquemment invoquée pour défendre l’indéfendable. En 2011, il publie Vive Le Pen !, un pamphlet censé dénoncer les atteintes à ce droit inaliénable. Il lui aura surtout permis de soutenir un FN qui lui en est toujours reconnaissant. J.A., qui entretenait avec lui des relations de longue date, avait alors décidé de s’éloigner d’un Robert Ménard qui n’en était déjà plus à son premier dérapage. La réaction acerbe de ce dernier, sous forme de polémique avec François Soudan, ne s’était pas fait attendre.

Élu maire de Béziers (sud de la France) en mars, l’ancien journaliste a confié les rênes de son cabinet à deux activistes d’extrême droite. Même le Front national, qui soutient l’édile, s’en étonne…

ÉQUILIBRISTE. La semaine dernière, sur

ALAIN ROBERT/APERCU/SIPA

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p À 60 ans, le fondateur de Reporters sans frontières entame une nouvelle carrière.

I

l est des gestes plus forts que les mots. Et qui en disent long. Comment Robert Ménard, l’ancien secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) élu maire de Béziers (sud de la France) avec le soutien du Front national (FN), peut-il désormais nier ses affinités avec l’extrême droite alors qu’il a nommé à la tête de son cabinet deux figures connues des milieux les plus radicaux ? Christophe Pacotte d’abord, membre du Bloc identitaire, et André-Yves Beck, un ultra, fondateur du groupuscule nationaliste Nouvelle Résistance. Qu’est-il arrivé à ce fils de pieds-noirs né à Oran il y a soixante ans pour qu’il passe du statut de héraut de la liberté de la presse à celui d’homme politique

épousant les thèses les plus nauséabondes ? Le parcours de cet étudiant en philosophie engagé dans la Ligue communiste révolutionnaire avant d’entamer une carrière de journaliste politique dans la presse régionale est déroutant. À l’époque déjà, son toupet et sa pugnacité avaient marqué les esprits de ses confrères. Mais c’est au sein de RSF que ce trublion aussi courageux qu’infatigable – accusé de régner sur l’ONG d’une main de fer – réalise ses plus gros coups. Nombreux sont les autocrates du continent africain – et d’ailleurs – qui ont eu un jour affaire à lui, et qui s’en souviennent. Son combat salutaire pour la liberté de la presse – et des journalistes

le plateau de Canal+, c’est à un numéro d’équilibriste qu’il s’est livré. Les affinités idéologiques de ses deux responsables de cabinet ? « La troisième est membre du parti socialiste », rétorque-t-il, comme si cela suffisait à rendre les autres plus respectables. Les propos islamophobes d’André-Yves Beck ? « Je les condamne », répond Ménard, tout en louant les résultats obtenus par Beck au côté de Jacques Bompard, le maire FN d’Orange, avec lequel il a collaboré dix-neuf ans. Plus fracassante encore, sa réaction face à un tweet controversé du député UMP Thierry Mariani (« L’enlèvement [de jeunes Nigérianes] par la secte Boko Haram rappelle que l’Afrique n’a pas attendu l’Occident pour pratiquer l’esclavage ») : « Le moment [choisi pour l’écrire] est absurde » mais « factuellement, c’est vrai. Le dire ne me semble pas un problème ». Il avait pourtant tenté de rassurer, prenant même ses distances avec le FN, en évitant par exemple de se rendre au meeting de Marine Le Pen organisé à Béziers le 9 mai. De quoi irriter Louis Aliot, le vice-président du parti : « Tout le monde sait que Ménard a gagné grâce au FN. Cette étiquette semble le déranger, pourtant il s’entoure de gens beaucoup plus radicaux que nous », a-t-il confié à Midi libre. Si même Aliot le dit… l MICHAEL PAURON

NOMINATIONS

ABDOULAYE BATHILY AFRIQUE CENTRALE Ancien ministre d’État à la présidence sous Macky Sall puis numéro deux de la Minusma à Bamako, il succède au Tchadien Abou Moussa à la tête de l’Onuca, le bureau régional de l’ONU pour l’Afrique centrale. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

HIROUTE GUEBRE SELLASSIE SAHEL Nommée envoyée spéciale et chef de bureau pour le Sahel du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, l’Éthiopienne était directrice de la division des affaires politiques et chef du bureau régional de Goma au sein de la Monusco. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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PIERRE DÉSIRÉ ENGO

YUI MOK/AP/SIPA

YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A. DR

Le sociologue français, directeur de recherche au CNRS et grand pourfendeur de la Françafrique, occupera la chaire d’Études africaines comparées créée au sein de l’université Mohammed-VI-Polytechnique, à Benguerir (Maroc). JEAN MAX RAKOTOMAMONJY

DR

L’ex-ministre malgache duTourisme a été élu président de l’Assemblée nationale à l’unanimité des députés présents. Soutenu par la « plateforme pour la majorité présidentielle », il remplace Christine Razanamahasoa, proche d’Andry Rajoelina. EN BAISSE

CLAUDIO DESCALZI

DR

L

e 22 avril, il a fait sa demande en mariage lors d’un dîner aux chandelles. Et, au grand dam des groupies du célibataire le plus convoité de la planète, Amal Alamuddin, sa fiancée anglo-libanaise, a dit oui. Pourtant, après avoir convolé une première fois en 1989 avec l’actrice Talia Balsam, George Clooney (53 ans) jurait encore, en décembre 2013 : « Plus jamais, je ne suis pas fait pour le mariage. » Discrète, Amal Alamuddin n’en est pas moins elle aussi une star en son domaine: le droit. Née à Beyrouth il y a trente-six ans, elle est issue d’une famille de notables druzes. Son père, aujourd’hui à la retraite, a enseigné à l’université américaine de Beyrouth ; sa mère est journaliste à Al-Hayat. Diplômée d’Oxford et de la New York University School of Law, la belle Amal, à la fois pénaliste et spécialiste du droit international, est avocate aux barreaux de New York et de Londres (depuis 2010), après sept ans passés au bureau new-yorkais de Sullivan & Cromwell. Elle travaille aujourd’hui au sein du prestigieux cabinet Doughty Street Chambers et s’occupe d’un nombre impressionnant de dosp Elle compte parmi ses siers médiatiques et de clients Julian Assange clients célèbres, comme et Abdallah Senoussi. Ioulia Timochenko, l’exPremière ministre ukrainienne, ou Julian Assange, le cofondateur de WikiLeaks, qu’elle a défendu avec succès devant la cour de Westminster dans le cadre d’une procédure d’extradition réclamée par la Suède. À la Cour pénale internationale, elle a représenté Abdallah Senoussi, l’ancien chef des renseignements de Kaddafi. Maître Alamuddin est aussi une femme d’influence : elle a été conseillère juridique du roi de Bahreïn, de Kofi Annan sur la Syrie, et membre de la commission d’enquête onusienne sur l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri. Un CV politique à faire pâlir celui de son activiste de fiancé, qui multiplie les actions humanitaires, du Tchad à Haïti, et s’implique depuis des années au Darfour. l

Incarcéré depuis 1999 pour détournement de fonds, ce Camerounais, ex-directeur de la Caisse nationale de prévoyance sociale, est libre. Il a bénéficié de la grâce présidentielle du 18 février et de la liberté provisoire dans une autre affaire. JEAN-FRANÇOIS BAYART

Le nouveau patron d’Eni est dans le viseur des enquêteurs britanniques et italiens. En cause: les conditions dans lesquelles le pétrolier italien, dont Descalzi était déjà un haut responsable, a acquis une licence offshore au Nigeria en 2011. AMINA MAELAININE

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Cette avocate anglo-libanaise va épouser l’acteur George Clooney. Elle est belle, brillante, influente… What else ?

Harcelée, la députée marocaine du PJD (au pouvoir), célèbre pour avoir critiqué le discours royal d’août 2013, accusait les services de sécurité. Mais les SMS et le piratage de son compte Facebook étaient en fait l’œuvre de son mari, jaloux. THIERRY MARIANI

MEEDDM/B.SUARD

Amal Alamuddin Robe noire, robe blanche

SurTwitter, le vice-président de l’UMP (parti de droite français) considère que le rapt de jeunes Nigérianes par Boko Haram déculpabilise l’Occident car « il rappelle que l’Afrique [ne l’a] pas attendu pour pratiquer l’esclavage ». N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


La semaine de J.A. Décryptage

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Le grandinvité

de l’économie

VINCENT FOURNIER/J.A.

Dirigeant de NCA Rouiba, la société familiale de jus de fruit créée en 1966 par son grand-père et son père, Slim Othmani, 58 ans, est également un acteur engagé du débat économique : président du think tank Care, il est aussi membre du collectif Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées).

Rebrab Slim Othmani « Issad « Je suis très fier des réalisations à l’étranger Rebrab, le patron de Cevital. On Rebrab devrait être encensé » d’Issad devrait l’encourager plutôt qu’entraver

Société civile, réformes économiques, rente pétrolière… Sur tous ces sujets sensibles, le grand patron algérien apporte son éclairage.

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a démission, le 15 mars, du Forum des chefs d’entreprises (FCE) en raison du soutien apporté par la principale association patronale algérienne au candidat Abdelaziz Bouteflika a fait grand bruit. Grand invité de l’économie de RFI et Jeune Afrique, l’homme d’affaires réputé pour son franc-parler revient sur l’élection présidentielle et les grands défis économiques qui attendent son pays.

La forte abstention « La société civile commence à prendre conscience de son rôle et de son poids. Une culture du vote et de la participation à la vie de la cité s’installe. Le taux d’abstention [environ 48 %] ne traduit pas un manquedematuritédesAlgériensmais,au contraire, indique qu’ils sont entrés dans une phase de réflexion. Il traduit aussi un malaise par rapport à cette élection, que la société envisageait autrement. »

L’économie absente des débats « Il fallait un argument plus percutant que l’économiepourfaireaccepterlequatrième mandat de Bouteflika: la stabilité. Le pouvoir use et abuse de la rente pétrolière. Les logements sont offerts, les soins de santé quasiment gratuits, les produits subventionnés. Il est utopique de croire que des réformes économiques seront envisagées puisque la population est satisfaite. »

ses efforts. J’ai l’impression qu’il est surtout jalousé par beaucoup. En Algérie, la solidarité patronale est souvent mise à mal par les patrons eux-mêmes. Rebrab devrait être encensé. »

Stratégie internationale « Le gouvernement devrait faire des acquisitions stratégiques en Europe. Il aurait dû se positionner sur les dossiers Peugeot et Alstom. Ce dernier est actif en Algérie, il monte une usine de rames de wagons. Notre pays a raté beaucoup d’occasions. »

L’arrêt des subventions ? « Un gouvernement responsable ne peut L’intégration régionale pas rompre brutalement avec cette poli« Depuis le XIXe siècle, le Maroc se comtique. Il faut continuer à développer les porte comme un pays insulaire. Il joue en hydrocarbures et poursuivre le solo. Pour cette raison, le projet soutien des prix une dizaine maghrébin restera une utopie. » d’années. Passé ce cap, ou même pendant cette période, nous La loi 51 % - 49 % pourrons amorcer l’arrêt ou le « C’est une loi mal pensée, une RETROUVEZ lissage des subventions. » aberration dans sa forme, parce l’intégralité qu’elle s’applique de manière de l’interview sur L’image des entrepreneurs indifférenciée.Ilfaudraitlalimijeuneafrique.com « L’entreprise privée a toujours ter à certains secteurs stratéété diabolisée, elle sucerait le giques. Pour freiner les sorties sang de la nation. Le chef d’entreprise est de dividendes, on pourrait demander décrit comme ventripotent, corrompu, aux investisseurs étrangers de réinvestir suspect… Mais les choses évoluent avec 33 % de leurs bénéfices localement. » l une nouvelle génération de patrons qui Propos recueillis par FRÉDÉRIC MAURY (J.A.) récusent cette image. » et FRÉDÉRIC GARAT (RFI)

Éco d’ici, éco d’ailleurs, tous les premiers samedis du mois sur RFI à 12 h 10* N 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014 O

* Heure de Paris, 10 h 10 TU JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

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rwandaise que l’organisation préfère « repousser » la remise du prix à la cérémonie de 2015, qui se tiendra en Chine. Pour le chef de l’État, la cause est entendue. Cette décision « met gravement en doute l’indépendance du forum », dénonce-t-il dans un e-mail au Wall Street Journal. « Il n’y a eu aucune pression de la France et nous confirmons l’attribution du prix à M. Kagamé, jure pourtant Atamer. Mais inviter un chef d’État étranger nécessite l’accord du pays hôte, ne serait-ce que pour assurer sa sécurité et la logistique. Vu le contexte politique, nous avons pensé que cela risquait de poser problème, et préféré proposer une autre solution. » Une frilosité qui n’a pas été du goût de Kigali. l PIERRE BOISSELET

Guinée Simandou, procès dur LA GUERRE entre les géants miniers Rio Tinto (anglo-australien) et Vale (brésilien) autour du gisement de fer guinéen du Simandou – le plus important du continent – se joue désormais sur le terrain judiciaire. Rio Tinto, qui détenait une concession sur l’ensemble du site, s’en était vu retirer la moitié en 2008 au profit de l’israélien BSGR, avec lequel Vale s’est associé dix-huit mois plus tard. Ce 17 avril, Conakry a retiré ses droits miniers à la coentreprise formée par ces derniers, en raison de soupçons de corruption. Dans la foulée, le 30 avril, Rio Tinto a lancé une action en justice à New York. Le groupe dirigé par l’Australien Sam Walsh entend obtenir un dédommagement de la part de BSGR, dirigé par le controversé Beny Steinmetz, mais aussi de Vale. Deux versions s’affrontent. Pour le minier anglo-australien, Vale aurait été « complice » de BSGR. En août 2008, sous le prétexte de former un partenariat, le groupe brésilien se serait rapproché de Rio Tinto pour obtenir des informations confidentielles sur les sites du Simandou. Vale aurait ensuite appuyé BSGR dans ses négociations pour récupérer deux des quatre licences, avant de s’associer avec lui en 2010, pour 2,5 milliards de dollars. De son côté, Vale affirme s’être assuré en 2010, « au terme d’une enquête approfondie, que les gisements de BSGR avaient été acquis légalement ». BSGR indique quant à lui que Rio Tinto a perdu ses droits sur le Simandou parce qu’il tardait à développer le projet. Le groupe, qui assure avoir respecté la loi, a annoncé préparer un recours en arbitrage contre l’annulation de ses permis par les autorités guinéennes. l CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE

« Sissi veut être élu président. Pour cela, il s’est autoproclamé maréchal ! C’est fou ce que le pouvoir peut rendre stupide et cruel. Maréchal ! Et pourquoi pas Prix Nobel de la paix ! » TAHAR BEN JELLOUN Écrivain marocain (à propos de l’homme fort de l’Égypte)

« Mon métier est moins utile que celui d’un boulanger ou d’un fermier. » STROMAE Chanteur belge d’origine rwandaise

« PS, UMP, FN : l’un de ces partis ne sera pas au second tour de la présidentielle en 2017, et cela conduira à un séisme politique. » JEAN-CHRISTOPHE CAMBADÉLIS Premier secrétaire du Parti socialiste français

« Ce qui est arrivé aux Juifs durant l’Holocauste est le crime le plus odieux que l’humanité ait connu au cours de l’ère moderne. » MAHMOUD ABBAS Président de l’Autorité palestinienne

« Les Nobel scientifiques, je veux bien. Mais il faudrait abolir celui qu’on donne aux écrivains, c’est une farce grotesque ! » PETER HANDKE Écrivain autrichien

TOBIAS HASE

L’HISTOIRE commence en mars avec un courrier de Tugrul Atamer, directeur adjointdel’écoledecommerce EM Lyon et président exécutif du World Entrepreneurship Forum (WEF), adressé au président rwandais, Paul Kagamé. Il lui annonce qu’il a été choisi pour recevoir le prix WEF du décideur politique 2014 en octobre, à Lyon. C’est alors que les relations diplomatiques entre Paris et Kigali se dégradent. Réagissant aux propos de Paul Kagamé, qui accuse la France de « participation à l’exécution du génocide » (J.A. n° 2778), Paris annule sa présence à la commémoration du 7 avril. Une semaine plus tard, Stéphanie Kergall, directrice adjointe du WEF, informe la présidence

BALTEL/SIPA

Rwanda-France Le prix de la brouille


La semaine de J.A. Décryptage

t Première réunion du Conseil des ministres, à Alger, le 7 mai.

Algérie Au travail, et vite! Une révision constitutionnelle et un redécoupage territorial : ce sont les priorités fixées par Abdelaziz Bouteflika à son nouveau gouvernement. Avec des délais serrés.

É

lu sur un fauteuil roulant, Abdelaziz Bouteflika entame son quatrième mandat sur les chapeaux de roue. Qu’on en juge. Une semaine après une harassante cérémonie de prestation de serment, il a constitué, le 5 mai, son gouvernement… avec deux surprises. Le nouvel exécutif comprend essentiellement des technocrates et peu de représentants des partis ayant animé sa campagne électorale – Front de libération nationale (FLN), Rassemblement national démocratique (RND), Rassemblement Espoir de l’Algérie (TAJ) et Mouvement populaire algérien (MPA). Autre singularité de l’équipe

Sellal III : avec sept maroquins confiés à des femmes, l’Algérie détient désormais le record arabe en termes de représentation féminine au sein de l’exécutif. COMMANDOS. Quarante-huit heures

plus tard, Bouteflika réunissait son gouvernement pour son premier Conseil des ministres. Il l’a ouvert par une annonce : « Grâce à la vigilance de l’armée et des services de sécurité, l’Algérie a déjoué une nouvelle tentative d’agression étrangère. » Une référence à la neutralisation de deux commandos d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), lourdement armés et composés essentiellement de Libyens, de

LE DESSIN DE LA SEMAINE

Maliens et de Tunisiens. Le premier a été intercepté le 3 mai à la frontière libyenne (les vingt intrus ont été capturés, et leurs armes récupérées), et le second dans la région de Tinzawaten, aux confins du Mali, le 5 mai (dix terroristes éliminés). Après cette parenthèse, Bouteflika a annoncé sa feuille de route politique. Les deux priorités? Une profonde révision de la Constitution et un redécoupage territorial, deux dossiers très sensibles. Pour le premier, Bouteflika a chargé Ahmed Ouyahia, son directeur de cabinet, de piloter les concertations avec la classe politique, les personnalités nationales et les mouvements associatifs. Quant au second, c’est Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, qui en a hérité. Dans les deux cas, il faut faire vite : la feuille de route précise que les délais se comptent en semaines plutôt qu’en mois. Fauteuil roulant ou pas, Bouteflika est désormais un homme pressé. l CHERIF OUAZANI Chappatte • Le Temps • Genève

ÉTATS-UNIS - ALLEMAGNE GRÉSILLEMENT SUR LA LIGNE

EN PLEINE CRISE UKRAINIENNE, Barack Obama semblait enfin avoir trouvé une interlocutrice privilégiée en la personne d’Angela Merkel, en visite aux États-Unis le 2 mai. Las, pour réussir à s’entendre, il reste du travail : la chancelière allemande n’est pas près d’oublier les écoutes téléphoniques de la NSA, l’agence de renseignements américaine, dont elle a été victime. Il est trop tôt pour revenir au « business as usual », a-t-elle froidement fait remarquer. Pas de doute, il faudra encore bien des discussions pour dépasser le « sujet qui fâche »… N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE

HO/AFP

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La semaine de J.A. Décryptage

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Cette semaine, à la une :

Football Composez vous-même les équipes africaines du Mondial 2014 !

JUNIOR D. KANNAH/AFP

?? ?? ??? ??? ???? ???? ?? ?? p Expulsés de Brazzaville, à leur arrivée à Kinshasa, le 29 avril.

Flashez ce code QR

Congo-RD Congo Grand frère gifle petit frère Galaxie

Dans les rues de Brazzaville, une opération antibanditisme a vite tourné à la traque aux étrangers en situation irrégulière… et en particulier aux ressortissants du pays voisin. Kinshasa riposte.

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Fusions, alliances, recomposition : comment s’y retrouver au sein de l’opposition congolaise ? Flashez ce code QR

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

VINCENT FOURNIER/J.A.

Vidéo Malek Chebel : « L’islam est une religion pro-sexe »

omment en est-on arrivé là ? Depuis le 5 avril, la tension est montée d’un cran entre Brazzaville et Kinshasa, les deux capitales les plus proches – géographiquement – au monde. En cause, l’opération « Mbata ya bakolo » – traduisez par : « la gifle des aînés ». Cette campagne au nom de baptême surprenant avait été lancée la veille par la police du Congo-Brazzaville afin de chasser des quartiers périphériques de la capitale les kuluna. De l’autre côté du fleuve, dans les rues de Kinshasa, ces bandes de délinquants armés étaient déjà traquées depuis novembre 2013 dans le cadre des opérations « Likofi » et « Likofi+ » (« coup de poing », en lingala). « Nous avons établi un lien entre cette poussée de la criminalité et l’immigration illégale », commente le colonel Monkala Tchoumou, directeur de la sécurité publique du Congo-Brazzaville. Ce petit pays aux revenus pétroliers attire en effet de nombreux « Zaïrois », comme on les appelle, non sans dédain, à Brazzaville. Ils y exercent le plus souvent des « petits métiers » (cireur de chaussures, balayeur de rue, ramasseur d’ordures, vendeur à la sauvette…), sans titre de séjour.

Résultat de l’opération : en quatre semaines, près de 70000 ressortissants de la RD Congo ont été expulsés, parfois dans des conditions inhumaines. Des « exactions » que dénonce Kinshasa, débordé par la prise en charge des « refoulés ». « Nous n’avons pas été prévenus en amont, comme le prévoit la convention tripartite [de 1999] entre l’Angola, la République du Congo et la RDC », tance Emmanuel Akwety Kipoy, ministre provincial de la Population et de la Sécurité. Dans la foulée, la RD Congo a décidé à son tour de procéder à « l’identification de tous les étrangers » sur son sol. « Entre les deux États, le climat est devenu malsain », reconnaît un proche d’André Kimbuta, gouverneur de Kinshasa. PETITES MAINS. Depuis le début de la vague d’expulsions, plusieurs contacts ont pourtant eu lieu entre Brazzaville et Kinshasa pour tenter de calmer le jeu. Sans succès. L’opération, qui concerne officiellement tous les étrangers en situation irrégulière, est appelée à s’étendre aux autres villes du Congo. Pendant ce temps-là, une pénurie de « petites mains » se fait sentir à Brazzaville… l TRÉSOR KIBANGULA JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Tour du monde

IAN LANGSDON/POOL/SIPA

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p À la reconquête des Français (ici dans un salon de coiffure, près de Paris). FRANCE

Hollande, deux ans déjà

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ix-huit pour cent : tel est, deux ans pile après son élection à la présidence, le pourcentage d’opinions favorables à François Hollande, selon un sondage TNS Sofres. C’est le pire score de l’histoire de la Ve République, mais il n’empêche : le chef de l’État rêve toujours de reconquête et entend être jugé « à la fin » de son mandat. Le 4 mai, il a annoncé dans le Journal du dimanche l’imminence d’un « retournement économique » qui ressemble fort à « l’inversion de la courbe du chômage » si souvent et si vainement promise. Deux jours plus tard, sur BFMTV-RMC, il a ressorti un vieux truc d’illusionniste. En 2012, c’était « Moi président… » répété ad nauseam. Cette fois, on a eu droit à « On va aller plus vite pour… » Est-il sûr que l’anaphore fasse mouche à chaque fois ? Surtout, pourquoi le président a-t-il accepté de répondre – fût-ce de manière véhémente – à une question sur « l’amateurisme » supposé de son gouvernement ? Pourquoi avoir donné après coup raison à ses détracteurs en admettant que son programme d’il y a deux ans n’était « pas étincelant » ? On peut sans doute imaginer stratégie de communication plus habile… l CHINE

Couteaux tirés UNE SEMAINE APRÈS un attentat meurtrier à la bombe et à l’arme blanche en gare d’Ouroumtsi, dans la province du Xinjiang, la Chine est à nouveau sous le choc. Le 6 mai, c’est en gare de Guangzhou, dans le sud du pays cette fois-ci, qu’un assaillant s’est précipité sur des voyageurs avec un couteau, faisant une demi-douzaine de blessés. Ces deux N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

drames s’inscrivent dans une série d’attaques attribuées à des séparatistes musulmans du Xinjiang. En mars, un massacre au sabre avait fait une trentaine de victimes dans la gare de Kunming. VENEZUELA

Gorille assassiné L’UN DES GARDES DU CORPS du président Nicolás Maduro, un jeune lieutenant (29 ans) de l’unité chargée de

la protection du chef de l’État, a été abattu par balle alors qu’il circulait en voiture avec son épouse. Ses agresseurs ont ouvert le feu sur lui depuis un autre véhicule. En 2013 déjà, un officier de sécurité de Jorge Arreaza, le vice-président, avait été tué. Selon des données officielles, le Venezuela a l’un des taux d’homicides par habitant les plus élevés au monde.

Le chiffre

1500 MÈTRES

SON PARACHUTE ne s’est pas ouvert lors d’un entraînement et sa chute a été vertigineuse. Sauf que, contre toute attente, la Camarde n’a pas eu le dernier mot. Non seulement le sous-officier péruvien Gamarra est vivant, mais il n’a pas une seule fracture. On ignore ce qui a bien pu servir d’amortisseur. Mais on est sûr, en revanche, qu’il s’agit d’un miracle.

ÉTATS-UNIS

Revoilà Monica LE MONICAGATE, vous vous souvenez ? En 1998, on ne parlait que de ça. Les facéties « inappropriées » auxquelles Bill Clinton se livrait dans le Bureau ovale avec une jeune stagiaire nommée Monica Lewinsky… La chasse à l’homme lancée contre lui par un procureur ultraconservateur… Son acte de contrition public (grand moment comique)… Quinze années durant, la « timbrée narcissique » (Hillary dixit) a gardé le silence, ce dont tout le monde lui était reconnaissant. Elle sort aujourd’hui de son mutisme dans Vanity Fair, confirme que la liaison était consentie et feint de regretter « l’humiliation » planétaire dont elle a été victime. Mais, franchement, qui s’en soucie ? THAÏLANDE

Exit Yingluck LE VERDICT EST TOMBÉ le 7 mai pour Yingluck Shinawatra : la Cour constitutionnelle a en effet estimé que, en plaçant un membre de sa famille à la tête de la police, la Première ministre avait enfreint la Constitution. Reconnue coupable d’abus de pouvoir, elle a été destituée de facto. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Murad Sezer • Reuters

TURQUIE

Non, nous ne partirons pas SOUS L’ÈRE DE L’AKP et du Premier ministre Erdogan, la frénésie de la construction immobilière atteint des sommets. À Istanbul notamment, les promoteurs défigurent des quartiers historiques pour construire tours et centres commerciaux à gogo. À Fikirtepe, sur la rive asiatique, une famille refuse de quitter sa maison tant qu’elle n’aura pas été correctement indemnisée. Un splendide isolement, au milieu d’un océan de corruption…

Cet échec retentissant du clan Shinawatra fait le bonheur de l’opposition, qui, depuis six mois, multipliait les manifestations pour forcer la jeune femme à quitter le pouvoir. Son objectif : réformer en profondeur le système politique en instituant un Conseil du peuple provisoire, non élu. PANAMA

Camouflet au sommet C’EST UN AFFRONT pour le chef de l’État sortant, le milliardaire Ricardo Martinelli. Le 4 mai, Juan Carlos Varela, le vice-président devenu opposant, a remporté l’élection présidentielle avec 39 % des voix face au dauphin de Martinelli, déjouant tous les pronostics. Fervent catholique et richissime producteur de rhum, Varela était entré en dissidence il y a deux ans, refusant de démissionner de son poste et imposant JEUNE AFRIQUE

ainsi une cohabitation à son ancien allié. Après avoir fondé toute sa campagne sur la lutte contre la corruption, il promet « une gouvernance humaine, socialement juste et transparente ». CORÉE DU NORD

Un rugueux numéro deux C’EST SANS DOUTE pour raisons de santé que Choe Ryong-hae, le numéro deux du régime, jusque-là à la tête du bureau politique de l’armée, a été muté au poste moins astreignant de secrétaire du Parti des travailleurs. Il a été remplacé dans ses fonctions, d’importance capitale, par Hwang Pyong-so. Ce dernier, récemment promu vicemaréchal, est un idéologue inflexible, réputé peu ouvert aux changements politiques et sociaux. Par ce jeu de chaises musicales, Kim Jong-un réaffirme clai-

rement la prééminence du Parti et renforce son contrôle sur l’armée. COLOMBIE

Vaseux communicant IL ÉTAIT L’ATOUT MAÎTRE de Juan Manuel Santos pour sa campagne en vue de la présidentielle du 25 mai. Le publicitaire vénézuélien Juan José Rendón, conseiller en communication du chef de l’État sortant, a démissionné le 5 mai après qu’un hebdomadaire colombien a publié le témoignage d’un narcotrafiquant. Ce dernier affirme avoir offert à Rendón 12 millions de dollars en 2011 afin qu’il use de son influence pour bloquer l’extradition de trafiquants de drogue vers les États-Unis. Également soupçonné d’agressions sexuelles, ce qu’il nie, le communicant a fui au Venezuela voisin. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Grand angle


Grand angle

MALI

Ibrahim Boubacar Keïta « Mon honneur n’est pas à jeter aux chiens »

Affaire Tomi, Touaregs, népotisme, corruption, avion personnel, France… Pour sa première interview accordée à J.A. depuis son élection, en août 2013, IBK n’a évité aucun sujet.

E t Au palais de Koulouba, le 3 mai 2014.

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

Interview réalisée par

FRANÇOIS SOUDAN,

à Bamako

n ce mois de mai où le mercure flirte avec les 45 °C, il arrive que l’électricité vous lâche, même quand vous êtes chef de l’État. Sur les hauteurs du palais de Koulouba, qui domine Bamako,IbrahimBoubacarKeïtasourit,àsamanièrepateline et subjonctive, de ce contretemps: « J’eusse préféré que cela ne survienne point, mais cela vous donne une idée supplémentaire de l’ampleur du chantier », dit-il, avec cette politesse cardinalice de la langue française qui, sous ces latitudes et depuis la mort de Senghor, n’appartient qu’à lui. À 69 ans, l’élu des quinze millions de Maliens s’est fixé un objectif vital : se réapproprier, tout en le reconstruisant, un État sinistré par une bonne décennie de gabegie et d’effondrement progressif, au point d’y perdre son identité, son intégrité et une part de sa légitimité. Très vite pourtant et bien qu’il ait réuni, en août 2013, 77 % des suffrages autour de son nom lors d’une élection incontestable, IBK a dû faire face aux critiques : lenteur, autosatisfaction, népotisme, voire soupçons de corruption. Après s’être longtemps recroquevillé dans sa carapace, le natif de Koutiala a décidé d’y répondre, quitte à sortir ses griffes de matou. L’entretien que vous allez lire, recueilli le 3 mai, s’est prolongé le lendemain dans sa résidence privée du quartier de Sébénikoro, en plein chantier N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Grand angle Mali d’agrandissement – plutôt modeste, au regard de ce qui se fait ailleurs. Ici, les abeilles bourdonnent sous le toit, les petits-enfants du patriarche jouent à l’ombre d’un manguier, et, sur la table du salon, au milieu d’un empilement de livres et de dossiers, traîne un exemplaire de La Chute, chef-d’œuvre noir d’Albert Camus, où le héros tente d’explorer sa propre vie, dont il ne saisit pas la vérité. IBK l’a-t-il lu pour ne pas perdre de vue le sens de la sienne ? C’est possible. L’animal politique voulait être président. Il lui reste maintenant à ressusciter le Mali. JEUNE AFRIQUE : L’état de grâce, c’est fini ? IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA : A-t-il seulement

commencé ? J’en doute. Dès mon investiture, j’ai eu à faire face aux urgences. L’Assemblée générale des Nations unies tout d’abord, suivie d’une visite d’État à Paris fin septembre, abrégée pour cause d’accès de fièvre au camp de Kati. J’ai dû revenir aussitôt à Bamako pour nettoyer ce qui restait des écuries d’Augias. Et puis la situation dans le Nord, bien sûr. Je savais que mon élection n’était qu’une simple étape sur la longue marche qui mène à la réhabilitation du Mali. Je ne m’attendais donc pas à jouir d’une période de grâce. Je suis tout sauf naïf.

Fin mars, le quotidien Le Monde a publié une enquête sur l’homme d’affaires français Michel Tomi, lequel fait l’objet d’une information judiciaire du parquet de Paris depuis juillet 2013 pour « blanchiment aggravé ». Selon les enquêteurs de police cités par ce journal, vos liens avec Tomi sont multiples et avérés. Reconnaissez-vous l’avoir fréquenté ?

Oui. Je le considère comme un frère. J’ai rencontré Michel Tomi par l’intermédiaire du défunt Omar Bongo Ondimba, dont il était très proche. C’était ici, à Bamako, en 1995. Bongo était venu nous rendre visite et Tomi l’accompagnait. J’étais alors Premier ministre. Depuis lors, Michel Tomi est resté mon ami. Mais jamais, au grand jamais, il n’a été question d’argent entre nous. Je ne suis d’ailleurs dans aucune affaire, avec qui que ce soit. La famille Tomi et la mienne se fréquentent, c’est vrai. Il m’a toujours témoigné amitié et fraternité. Tous les chefs d’État qui le connaissent m’en disent du bien, et ses activités dans le domaine des jeux n’ont, que je sache, rien d’illégal. Ce qu’il a pu faire auprès de tel ou tel homme politique en France ne me concerne pas, d’autant qu’il a, je crois, payé pour cela. Rien en tout cas ne justifie que je le renie. Je suis un homme d’honneur.

Votre ancien Premier ministre, Oumar Tatam Ly, a rendu son tablier début avril après six mois d’exercice, en diffusant une lettre de démission critique à l’égard de votre gouvernance. C’est un coup dur ?

Soyons précis. Michel Tomi a-t-il réglé la note d’hôtel de vos séjours à Paris, avant et après votre élection ?

En politique, il faut s’attendre à tout. Nous sortions des législatives et un remaniement du gouvernement s’imposait. Les vues du Premier ministre et celles du chef de l’État ne se sont pas accordées sur les choix à opérer. Or il n’y a pas deux élus, mais un seul. Il a donc fallu en tirer les conclusions. La page est tournée. Le Mali continue d’avancer.

A-t-il payé et accompagné votre déplacement privé à Marseille, pour raisons de santé, en décembre 2013 ?

Je considère Michel Tomi comme un frère. Mais jamais, au grand jamais, il n’a été question d’argent entre nous. » Le nouveau chef du gouvernement, Moussa Mara, a 39 ans et il n’est pas membre de votre parti, le Rassemblement pour le Mali. Pourquoi lui ?

Je n’ai pas eu d’états d’âme. Dès réception de la lettre de démission de M. Tatam Ly, ce choix s’est imposé comme une évidence. Je suis Moussa Mara depuis ses débuts en politique et je l’ai toujours tenu en haute estime, même quand il me combattait. Je suis ainsi fait. Le Premier ministre est un homme solide, travailleur, compétent. Je veux croire que, cette fois, mon choix sera le bon. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Faux. Je détiens les factures qui le prouvent.

Faux. Je suis allé à Marseille à mes frais, en avion privé loué. Puis de l’aéroport directement à l’hôpital Clairval, pour une infiltration. C’est la police française qui est venue m’accueillir au pied de l’avion et qui m’a escorté au retour. À moins d’imaginer que les policiers marseillais et le professeur Ange Vincentelli, qui m’a soigné, sont des hommes de Tomi, dire que j’ai été « pris en main » par ces derniers est tout simplement grotesque. Reconnaissez-vous avoir emprunté les avions d’Afrijet, la compagnie de Michel Tomi, lors de la campagne pour la présidentielle de 2013 ?

Pasemprunté.Loué.Etuniquementpourcertains vols régionaux. Où est le problème ? Détenez-vous des parts dans la salle de jeux Fortune’s Club de Bamako, propriété de M. Tomi?

Faux et ridicule. Je ne suis actionnaire d’aucune société, au Mali ou ailleurs. Pourquoi ces imputations, selon vous ?

Soyons clairs. Je crois qu’IBK dérange. Voilà un homme singulier, qui ne parle pas le français petit nègre et qui n’est pas fâché avec le subjonctif. JEUNE AFRIQUE


Ibrahim Boubacar Keïta

JACK GUEZ / AFP

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Un homme au nationalisme sourcilleux, à qui répugne tout ce qui porte atteinte à la dignité de l’Africain et qui a en horreur l’appât du gain. Oui, ce genre d’homme existe en Afrique. Certains, apparemment, ne l’ont pas encore admis. Vous semblez faire le lien entre ces accusations et certaines de vos déclarations critiquant l’action de la communauté internationale au Mali…

Je voudrais n’y voir aucun lien. J’ai de très vives amitiés à Paris, en très haut lieu, à commencer par le président Hollande, qui a comme moi un profond respect de l’éthique. Chercherait-on à les effaroucher ? C’est possible. Vos opposants ne se privent pas pour faire le procès de ce qu’ils appellent les « atteintes à la morale publique ». L’ancien ministre Tiébilé Dramé a ainsi diffusé il y a un mois un document dans lequel il revient sur le contrat de 69 milliards de francs CFA (105 millions d’euros) signé il y a six mois entre votre ministre de la Défense et la société Guo-Star, portant sur la livraison d’équipements militaires à l’armée malienne. Selon lui, il y a délit d’initié.

Là encore, je n’ai aucune gêne. Ce contrat existe bel et bien. Chacun sait que l’armée malienne est à reconstruire et je voulais que rapidement, dès le 20 janvier, jour de la fête de l’armée, nos militaires puissent défiler dans des uniformes neufs. Ce contrat, dont je ne me suis pas occupé, a été conclu JEUNE AFRIQUE

p L’homme d’affaires Michel Tomi dans le bureau du juge Courroye au palais de justice de Paris, lors de l’enquête sur le financement du parti de Charles Pasqua, en janvier 2002.

dans les règles avec la société Guo-Star, connue sur la place de Bamako, qui a obtenu la garantie des banques. Les trois fournisseurs sont français et ont eux aussi pignon sur rue. Tout cela est clair. Pourquoi avoir appelé l’homme d’affaires Sidi Mohamed Kagnassi à vos côtés en tant que conseiller spécial ?

C’est un entrepreneur malien qui a réussi, un bon spécialiste de l’ingénierie financière. Il a d’ailleurs géré cet aspect dans le contrat en question. Il peut nous être utile et de bon conseil. Je n’ai, par ailleurs, aucun lien particulier avec lui. L’acquisition d’un nouvel avion présidentiel, un Boeing 737, pour près de 30 millions d’euros (19,5 milliards de francs CFA), était-elle indispensable, alors que le précédent, acquis sous Amadou Toumani Touré, est apparemment toujours disponible ?

Disponible peut-être, mais hors d’état de voler. Ce 727 a en effet été obtenu dans des conditions d’opacité telles que nous ne disposons d’aucun document ni d’aucune facture le concernant : il semble qu’il aurait transité par la Libye. Le risque de tomber en panne sur un aéroport étranger, voire en plein vol, était réel. J’ai donc décidé de louer, puis, pour de simples raisons d’économie, d’acheter. Est-il besoin de préciser que cet aéronef est la propriété de la République du Mali, pas la mienne ? N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


Grand angle Mali Comment et auprès de qui le nouvel appareil a-t-il été acquis ?

Ce 737 appartenait à un couple de producteurs de cinéma australiens qui l’utilisait deux fois par an. Il était sur le marché de l’occasion avec 6 000 heures de vol au compteur. Les experts que nous avons envoyés pour l’examiner à Saint-Louis, aux États-Unis, nous ont certifié son bon état. L’avion aujourd’hui n’est pas un luxe pour un chef d’État, c’est une nécessité de souveraineté. Nous avons déjà eu ce débat au Mali dans les années 1960, sous Modibo Keïta. Un député proche de ce dernier s’était exclamé : « Alors, comme ça, vous voulez que le président du Mali voyage à dos de chameau ! » Quant au financement, il a été assuré à 85 % par un emprunt auprès de la Banque de développement du Mali, les 15 % restants étant directement réglés par l’État. Comme il s’agit d’un avion dit de commandement, le signataire est le ministre de la Défense.

souvent hors du pays et avec des délégations pléthoriques. Bref, que cela coûte cher au Mali. Votre réaction ?

Ce sont des histoires. Je ne bouge pas pour faire du tourisme et tous mes déplacements sont utiles. Certains d’entre eux ont d’ailleurs été effectués à bord d’un appareil de la Royal Air Maroc, mis à ma

Lorsque Karim a voulu se faire élire député, puis président de la commission de défense, j’étais contre.

Certains Maliens trouvent que vous voyagez trop

disposition par Sa Majesté Mohammed VI. Koweït, Qatar, Éthiopie, Belgique, France, Allemagne : pas un franc n’a été payé par le Mali pour ces voyages, grâce à la générosité du roi et à l’avion de la RAM. La facture des travaux de rénovation du palais présidentiel de Koulouba, partiellement endommagé

Tout Bamako en parle…

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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Karim Keïta Au nom du père

À

34 ans, ce diplômé de HEC Montréal a dû faire jouer son carnet d’adresses – il est notamment proche des présidents Denis Sassou Nguesso et Faure Gnassingbé – et quelques relais

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

traditionnels pour convaincre son président de père de le laisser entrer en politique. Député de Bamako II et président de la commission défense de l’Assemblée nationale, ce passionné de

géopolitique sait que le moindre faux pas ne lui sera pas pardonné. « On me fait un procès en filiation, dit-il, mais si j’avais choisi de faire des affaires, ce serait pire ! » l

JEUNE AFRIQUE


Ibrahim Boubacar Keïta pendant le putsch du 22 mars 2012, serait passée de 2 à 10 milliards de F CFA. Confirmez-vous ces chiffres ?

Tout Bamako en parle...

Ce sont des chiffres fantaisistes, pour la bonne raison qu’aucun contrat n’a encore été signé pour leur attribution. Les ingénieurs chinois auxquels nous nous sommes tout d’abord adressés nous ont conseillé de raser Koulouba, jugé par eux « insauvable ». Je ne saurais m’y résoudre: ce palais est un monument historique, avec une vue imprenable sur Bamako. Nous nous sommes donc tournés vers d’autres sociétés, notamment françaises, qui se disent prêtes à relever le défi. Nous attendons leurs offres, et l’équipe technique ad hoc chargée de les étudier décidera. Qui finance les travaux d’agrandissement de votre résidence privée de Sébénikoro ?

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

Cette propriété, acquise par mon père en 1960, abrite la maison familiale que j’occupe depuis des décennies et dans laquelle je continue de dormir chaque nuit depuis mon élection. Contrairement à mes prédécesseurs, je ne vis pas dans une résidence d’État. Il y a de l’espace dans la concession et j’ai donc, en 2003, entrepris d’agrandir peu à peu la surface habitable. Pas plus aujourd’hui qu’hier je n’ai pris un seul centime de l’État pour financer ces travaux. Des amis m’ont aidé, ma belle-famille libanaise, les Fadoul, aussi, et j’ai contracté des emprunts auprès de la Banque malienne de solidarité. Tout est transparent. Je n’ai rien à cacher. Y compris la piscine couverte ?

Laissez-moi rire ! Venez visiter mon chantier : il y a une piscine pour mes petits-enfants, tout ce qu’il y a de modeste et bien évidemment découverte. Vous imaginez, vous, une piscine couverte et chauffée au Mali ? J’ai beau être un Mandingue un peu lourd, je ne suis si pas stupide ! Dernier point – et pas le plus agréable : le népotisme. On vous accuse de favoriser votre famille au sein du gouvernement et d’avoir aidé votre fils Karim à devenir député puis président de la commission de défense de l’Assemblée nationale. C’est gênant…

Aucunement. Le gouvernement tout d’abord : l’un de mes neveux, Moustapha Ben Barka, gérait le département investissements à la Banque marocaine du commerce extérieur. Mon ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly l’a repéré pendant la campagne électorale de 2013 et il est venu me dire tout le bien qu’il en pensait, ajoutant qu’il souhaitait que lui soit confié le ministère de l’Industrie et de la Promotion des investissements. « Attention, lui ai-je répondu, c’est mon neveu. » Réaction de Tatam Ly : « Certes, mais vous prônez l’excellence. » J’ai donc accepté, dans l’intérêt du Mali. Autre cas, celui du ministre de la Solidarité et de la Reconstruction du Nord, Hamadou Konaté, JEUNE AFRIQUE

Moussa Mara Nouvelle star

P

remier ministre depuis le 5 avril, cet expert-comptable de 39 ans, ex-candidat à la présidentielle de 2013, a présenté trois semaines plus tard la meilleure déclaration de politique générale malienne de ces dix dernières années. Attendue au

tournant par les caciques du parti au pouvoir, cette personnalité indépendante choisie par IBK pour ses capacités de travail et de synthèse a prévu de se rendre à Kidal la frondeuse dans les jours à venir. Tout un symbole. l

qui se trouve être mon beau-frère. C’est lui qui, pendant la crise, a géré la coopération luxembourgeoise à Kidal. Auparavant, il a été pendant près de deux décennies le directeur des Affaires sociales du Mali. Je ne vois pas pourquoi nous nous serions privés de la double compétence de ce philosophe de formation. J’en viens à mon fils Karim. Lorsqu’il a voulu se faire élire député, j’ai tout fait pour l’en dissuader. C’est le chérif de Nioro qui m’a convaincu, au nom de la démocratie, de le laisser se présenter. Je n’ai pas mis un franc dans sa campagne. Il a été élu avec près de l l l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Grand angle Mali Tout Bamako en parle...

auprès des Nations unies. Les cadres de mon parti sont aussitôt montés au créneau pour exiger que ce soit l’un des leurs, en l’occurrence Sidibé, qui prenne le perchoir. Allais-je humilier mon propre parti ? Là encore, j’ai bien dû céder. Que tout cela prête à controverse et à réflexion, j’en conviens. Mais est-ce un crime ? Je ne le pense pas. Êtes-vous sous l’influence de votre famille, ou de votre belle-famille ?

Les Maliens le savent. IBK n’est sous l’influence de personne. Mon épouse, que j’ai connue sur les bancs du lycée, est d’une parfaite discrétion. Je l’eusse écoutée d’ailleurs que je n’aurais jamais été candidat à la présidentielle. Elle est la première étonnée qu’on lui prête tant d’influence.

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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Tiébilé Dramé L’opposant

A

ncien ministre, gendre d’Alpha Oumar Konaré, expert auprès de l’ONU, négociateur des accords de Ouagadougou avec la rébellion touarègue, le leader du Parti pour la renaissance nationale est devenu, à 58 ans, l’opposant le plus médiatique au régime d’IBK.

Diffusé début avril, son document « Le Mali dans l’impasse » a connu un large écho, obligeant le pouvoir à se positionner par rapport à ses accusations de malgouvernance. La visibilité de Dramé profite aussi de la discrétion du chef de l’opposition, Soumaïla Cissé. l

60 % des suffrages face au secrétaire général du parti de Soumaïla Cissé. Je dois reconnaître qu’il s’est bien battu. lll

Puis Karim a brigué – et remporté – le poste sensible de président de la commission de défense. Là aussi, vous étiez contre ?

Totalement contre. J’avais un autre candidat, un officier général de la police. On m’a rétorqué que l’armée n’aurait pas supporté qu’un policier accède à ce poste et que son candidat à elle, c’était Karim. C’est ainsi que les choses se sont passées. Même topo en ce qui concerne le président de l’Assemblée nationale, Issaka Sidibé, le beau-père de Karim. Je ne souhaitais pas qu’il occupe ce poste et j’avais là aussi un autre candidat, mon ancien directeur de campagne, Abderrahmane Niang, un expert N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Certains vont jusqu’à évoquer l’existence d’un « clan de Bourem » – la localité d’où est originaire la première dame – niché au cœur de l’appareil de l’État…

Un clan de Bourem ? Quel délire ! Je vais rapporter cela à mon épouse, cela va l’amuser. Est-ce que vous n’avez pas, au fond, un vrai problème de communication avec les Maliens ?

Vous touchez du doigt l’essentiel. Depuis le début, y compris sur les problèmes du Nord, notre communication a été lamentable. Alors que, je le répète, nous n’avons rien à cacher et que, sur le plan de l’éthique, ce serait à moi d’en remontrer à mes adversaires. Je me suis laissé calomnier, en me disant que tout ce qui est excessif est insignifiant et que j’ai le cuir épais. Mon père, qui fut premier fondé de pouvoir de la Banque du Mali et qui n’hésitait pas à enfermer ses collaborateurs jusqu’à ce qu’ils puissent justifier du moindre sou dépensé, m’a fait jurer de ne jamais convoiter les biens publics. Je suis de cet homme-là. Jureriez-vous que tous vos ministres sont honnêtes ?

Non. Mais tous savent que nul n’est à l’abri au motif qu’il m’est proche. Je n’aurai aucun état d’âme. Un audit est d’ailleurs en cours au niveau de la présidence et j’appliquerai ses conclusions de façon drastique. J’ai mon honneur. Et mon honneur n’est pas à jeter aux chiens. Le chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, a été un perdant plutôt élégant à l’issue de la présidentielle. Et depuis ?

M. Cissé a certes pris acte de ma victoire parce que la communauté internationale l’y obligeait. Mais dès le lendemain, il a convoqué une conférence de presse au cours de laquelle il est revenu sur toutes les dispositions affichées la veille. J’appelle cela une comédie, une imposture totale, dont tous les Maliens ont été témoins. À lui et à d’autres je dis : armez-vous de patience, IBK est JEUNE AFRIQUE


Ibrahim Boubacar Keïta là, si Dieu le veut, pour au minimum quatre ans et demi encore. À vouloir le déstabiliser, vous risquez de vous épuiser. IBK est imperturbable. Et il connaît mieux que vous la musique.

Pourquoi n’avez-vous pas saisi la perche qu’ils vous tendaient ?

Je le répète : je ne vous en dirai pas plus. Quatre de vos prédécesseurs à la tête de l’État sont encore en vie. Quelles sont vos relations avec chacun d’entre eux ? Moussa Traoré ?

Pourquoi ne pas avoir voulu, pu ou su ramener à vos côtés un opposant tel que Tiébilé Dramé ?

Le lundi 23 septembre 2013 au soir, après avoir raccompagné à l’aéroport le roi du Maroc, qui m’avait fait l’honneur d’assister à mon investiture, j’ai reçu au salon officiel, à leur demande, Soumaïla Cissé et Tiébilé Dramé. Après m’avoir félicité, ils m’ont demandé de repousser la date prévue pour les législatives – ce que j’ai immédiatement refusé, pour des raisons évidentes de crédibilité internationale. Tiébilé Dramé a alors pris la parole pour m’assurer de leur disponibilité commune à m’accompagner dans toute mission dont je les estimerais dignes. J’ai répondu que j’en étais fort aise et que le temps nous donnera à voir. Je n’en dirai pas plus.

Très bonnes.

À vouloir le déstabiliser, vous allez vous épuiser. IBK est imperturbable. Et il connaît mieux que vous la musique. Dioncounda Traoré ?

Excellentes. Alpha Oumar Konaré ?

J’eusse aimé que s’impose l’un ou l’autre

lll

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

Tout Bamako en parle...

Soumeylou Boubèye Maïga Sur tous les fronts

S

onghaï de Gao et ancien chef de la sécurité d’État pendant les années 1990, cet ancien journaliste formé à Dakar et à Paris est depuis huit mois l’incontournable

JEUNE AFRIQUE

ministre de la Défense d’IBK. À preuve : le Premier ministre Oumar Tatam Ly, qui avait demandé à IBK de choisir entre lui et ce baobab de 59 ans qui ne répond

qu’au chef de l’État, a dû démissionner le 5 avril. Homme d’expérience, Boubèye résume ainsi l’état de l’armée malienne : « Les bataillons formés par la mission européenne

disposent d’un fusil par homme, les troupes présentes dans le Nord d’un fusil pour deux hommes, et celles stationnées à Bamako, d’un fusil pour trois hommes. » l

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Grand angle Mali de ces qualificatifs. Hélas, je ne sais ce qui aujourd’hui nous maintient éloignés l’un de l’autre. Cela me peine.

Je ne commente pas les affaires judiciaires en instance. C’est une règle que je me suis fixée.

lll

C’est pourtant votre ministre de la Justice, Mohamed Ali Bathily, qui a initié cette démarche.

L’aviez-vous invité à votre investiture ?

Tous l’ont été. Il n’est pas venu. Sans doute était-il trop occupé pour cela.

Ce n’est pas sûr. Cette affaire était dans les tuyaux depuis un certain temps. Vous savez, certains ont prétenduque,lorsdemonrécentvoyageauSénégal, en avril, je suis allé demander la tête d’ATT à mon frère Macky Sall. C’est totalement faux.

Reste Amadou Toumani Touré, en exil à Dakar. La Cour suprême du Mali a saisi l’Assemblée nationale du chef de haute trahison à son encontre. Le mérite-t-il ? Est-ce nécessaire ? Quel est votre sentiment ?

Mais vous en avez parlé, j’imagine.

Nous avons échangé à ce sujet, à l’initiative du président Sall.

Tout Bamako en parle...

A-t-il été question d’une éventuelle extradition d’ATT ?

Non. À ma connaissance, il n’existe aucune démarche en ce sens. Il y a un mois, dans les colonnes de Jeune Afrique, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a déploré que le processus de réconciliation dans le Nord n’avançait pas assez vite, en ajoutant qu’il vous avait fait part de son impatience. Qu’en dites-vous ?

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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Modibo Keïta Le facilitateur

C

et ancien Premier ministre de 73 ans au patronyme célèbre est depuis un mois le haut représentant d’IBK pour le dialogue intermalien. Une mission d’urgence, afin de relancer un processus grippé, que ce spécialiste respecté de la question touarègue veut « le plus courte possible ». Le temps, tout de même, d’organiser et de présider ce dialogue

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

inclusif que ni lui ni le chef de l’État n’imaginent se tenir en dehors du Mali. « Je suis prêt à me rendre à Alger, Ouagadougou, Nouakchott, pour rencontrer nos frères du Nord, mais c’est à Bamako que nous nous retrouverons », explique Keïta. À surveiller : le délicat partage des tâches entre ce dernier et le ministre chargé de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed. l

Cela m’a un peu surpris. J’ai beaucoup de respect pour Jean-Yves Le Drian, autant qu’il en a pour moi. Il ne viendrait donc pas à l’idée de mon ami Jean-Yves de me parler sur un ton comminatoire. Lors de notre dernière rencontre à Bamako, en janvier, nous avons évidemment parlé des problèmes du Nord et des préalables à poser pour les résoudre sur le fond. Nous voulons donner toutes les chances de réussite au dialogue inclusif, pour l’organisation duquel j’ai nommé l’ancien Premier ministre Modibo Keïta. Nous souhaitons une paix des braves pour tous les Maliens, du Nord au Sud. Je sais que les militaires français ont un agenda un peu différent et sans doute moins de patience. Je veux qu’ils sachent que nous avons les mêmes préoccupations qu’eux et je leur demande de nous faire confiance. Notre objectif est commun: c’est la paix. L’image d’un IBK attentiste, jouant le pourrissement de la situation et agitant la carte nationaliste ne correspond en rien à la réalité. Le retour de la légalité républicaine à Kidal figurait parmi vos priorités. Sept mois après, rien ou presque n’a changé.Auriez-vous acté la mise entre parenthèses de cette partie du Mali ?

En aucun cas. Avant mon arrivée, le gouverneur de Kidal dormait sur un matelas en mousse à l’abri d’un hangar, et ses collaborateurs sur des nattes. La radio était squattée par le MNLA, qui y diffusait ses messages. Aujourd’hui, le gouverneur a regagné son siège, la radio est redevenue celle de l’ORTM, le chef d’état-major de l’armée vient de séjourner dans toutes les localités de la région jusqu’à la frontière algérienne. Où est le statu quo? Une chose JEUNE AFRIQUE


Ibrahim Boubacar Keïta

FERHAT BOUDA / VU DISTRIBUTION

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est sûre : on n’accouche pas de la paix au forceps. Je veux que la naissance du nouveau Mali se fasse sans douleur. Nous prendrons le temps qu’il faut. Vos rapports avec la Mission des Nations unies pour le Mali sont, dit-on, tendus. Vous ne supporteriez plus son chef, le Néerlandais Bert Koenders. Demandez-vous son départ ?

Non. J’aurais pu l’exiger et le déclarer persona non grata. J’ai préféré résoudre les incompréhensions entre nous par la voie du dialogue. Pour l’instant, vous n’avez pas poussé au-delà de Mopti lors de vos tournées à l’intérieur. Quand irez-vous à Tombouctou, à Gao et, bien sûr, à Kidal?

Dès que les conditions de sécurité seront réunies. En attendant, mon Premier ministre se rendra à Kidal avant la fin de mai. Vous avez récemment dénoncé ce que vous appelez la duplicité des chefs touaregs du MNLA. Pouvez-vous, dans ces conditions, parler avec ce mouvement ?

Cette duplicité est réelle. Au moment où nous parlions réconciliation et décentralisation, voilà que Bilal Ag Acherif, le secrétaire général du MNLA, se rend à Moscou à la mi-mars pour y demander des armes et des instructeurs russes, en échange d’un accès privilégié au sous-sol de la région une fois l’autonomie ou l’indépendance obtenue. JEUNE AFRIQUE

p Combattants touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), en juin 2013.

En êtes-vous sûr ?

Certain. Ces gens ont été reçus par le viceministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov. J’ai eu le compte rendu des entretiens par la partie russe elle-même, qui a eu la courtoisie de m’en informer. Considérez-vous toujours le MNLA comme un mouvement indépendantiste ?

Eux se considèrent comme tels et cette revendication était à l’ordre du jour de leur dernier congrès à Kidal. Si quelqu’un aujourd’hui ne respecte pas

La duplicité du MNLA est réelle. Si quelqu’un ne respecte pas les accords de Ouagadougou, c’est bien lui. les accords de Ouagadougou, c’est bien le MNLA. Je suis étonné d’être le seul à le dire, tout comme je suis étonné du crédit que l’on continue de lui accorder, en dépit de toutes ses malices. Pourtant, les Français veulent que vous négociiez avec le MNLA…

Il serait dommage que l’accueil fabuleux qui a été réservé par les Maliens à l’opération Serval soit remis en cause par certains, pour des intérêts qui N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


Grand angle Mali m’échappent. Je répète que la place du MNLA est dans le giron malien, pas ailleurs.

fondé la CPI. Nous respecterons nos engagements. Je l’ai dit à la procureure Fatou Bensouda, non sans ajouter que j’étais solidaire des critiques formulées en Afrique quant au fonctionnement de la Cour.

Iyad Ag Ghali et Ansar Eddine sont-ils des interlocuteurs ?

Non. Sans le moindre doute.

Quand les bailleurs de fonds vous disent : « On veut savoir ce que vous faites de chaque centime que l’on vous donne », c’est de l’ingérence ?

L’armée française vous informe-t-elle des opérations qu’elle mène dans le Nord contre les groupes jihadistes ?

J’ai un contact et un courant d’information réguliers avec le président Hollande, sur ce sujet et sur d’autres. À quand la conclusion de l’accord de défense avec la France, qui donnera un cadre juridique permanent à son intervention ?

Il s’agit d’un accord de coopération en matière de défense et de sécurité. L’intitulé est important. Nous devrions le conclure le 25 mai, à l’occasion de la prochaine visite du ministre Le Drian.

Si c’est le prix à payer pour que le Mali inspire à nouveau confiance et retrouve son crédit après tant d’années de mal-gouvernance, je l’accepte.

On me dit gaullien, pourquoi pas? J’ai la chienlit en horreur, je recherche l’ordre dans la liberté de chacun. Que pensez-vous des tentatives de modification des Constitutions initiées par certains de vos pairs soucieux de pouvoir se succéder à eux-mêmes ?

Amadou Sanogo, l’ex-capitaine putschiste de 2012 devenu général, est détenu depuis plus de quatre mois. Souhaitez-vous qu’il soit jugé rapidement ?

Chaque peuple a son histoire et son parcours, je ne juge pas ceux des autres.

Les faits qui lui sont reprochés sont suffisamment graves pour qu’il y ait procès. La justice malienne fera son travail jusqu’au bout, sans aucune entrave.

La Constitution vous donne droit à deux mandats de cinq ans. Dix ans vous suffiront ?

La Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur le massacre de militaires maliens à Aguelhok, en janvier 2012. Si elle vous demande de lui livrer tel ou tel présumé responsable, le ferez-vous ?

Donc au Mali, et contrairement à ce qui se passe ailleurs, on ne touche pas à la Constitution…

Le Mali est un État partie au statut de Rome, qui a

Ce serait très bien pour moi.

Sans désobliger qui que ce soit, la réponse est non.

q Au cours de l’entretien, dans un salon de Koulouba.

Quand on vous qualifie de nationaliste autoritaire, cela vous froisse ?

On m’a même dit gaullien, pourquoi pas? J’aime mon pays, j’ai en horreur la chienlit et je recherche l’ordre dans la liberté de chacun. Vous êtes membre de l’Internationale socialiste. C’est quoi être de gauche en Afrique ?

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Je suis plus que jamais de gauche. Je crois en certaines valeurs fondamentales : partage, solidarité, respect. Je suis sensible au sort du peuple et nul n’a jamais fait appel en vain à mon aide et à mon appui. C’est tout cela qui nous unit, nous, les sociaux-démocrates du monde. Quand François Hollande me tutoie et me rappelle le déjeuner que nous avons eu ensemble au congrès de Brest du parti socialiste en 1997, ce n’est pas un artifice. Nous sommes des camarades portés par les mêmes valeurs. Le job de président vous paraît-il plus difficile que vous ne l’imaginiez ?

J’ai 69 ans et un long chemin derrière moi. J’ai de l’expérience. J’ai du coffre. Je savais donc parfaitement à quoi m’attendre. Pourquoi voudriez-vous que je me plaigne d’être au service du Mali ? l JEUNE AFRIQUE


AFOLABI SOTUNDE/REUTERS

q Manifestation de femmes pour demander la libération des lycéennes à Abuja.

Afrique subsaharienne

BOKO HARAM

Le Nigeria face à ses démons Obscur mouvement armé à sa naissance, la secte islamiste fait à présent des ravages dans le pays et bien au-delà. Dernière action spectaculaire, l’enlèvement de plus de 270 jeunes filles, qui met le monde en émoi. JEUNE AFRIQUE

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Afrique subsaharienne Boko Haram SEIDIK ABBA

A

priori, c’est le combat du pot de fer contre le pot de terre. D’un côté, le Nigeria, première puissance économique africaine (500 milliards de dollars de PIB, soit 359 milliards d’euros). De l’autre, Boko Haram, obscur mouvement armé mêlant idéologie religieuse et crapulerie. L’attentat perpétré en avril contre la gare routière d’Abuja et les enlèvements répétés de jeunes filles ces deux derniers mois démontrent pourtant que l’État fédéral est à la peine dans sa lutte contre les quelques centaines d’extrémistes musulmans. Boko Haram peut en effet frapper partout et à tout moment sur le territoire national. Derrière ce rapport de forces, il y a un homme : Abubakar Shekau, un « lettré musulman » parlant parfaitement le haoussa, le kanuri (les deux principales langues du nord du Nigeria) et l’arabe. À la mort en 2009 de Mohamed Yusuf, le fondateur de la secte, exécuté par l’armée nigériane, il prend la direction du mouvement, dont il était déjà le chef d’état-major. Très vite, son arrivée à la tête de la secte s’accompagne d’un changement de paradigme et de stratégie. Alors que jusque-là ils ne s’en prenaient qu’aux symboles de l’État (postes de police, casernes militaires, tribunaux), les jihadistes – qui ont lu le Coran en diagonale – sont encouragés par leur nouveau guide à s’attaquer aux écoles, aux hommes d’affaires, aux intellectuels… « C’est un basculement total. Il s’agit désormais de combattre les valeurs occidentales et surtout l’école. N’oublions pas qu’en haoussa boko haram signifie que l’école est un péché », soutient Amzat Boukari-Yabara, historien, spécialiste du Nigeria. HYSTÉRIE. Pris par une sorte d’hystérie, les élé-

ments de la secte organisent des descentes dans les résidences universitaires, dans les lycées et les collèges. Selon certaines ONG, 1 500 écoles au moins ont dû fermer leurs portes dans le nord du Nigeria sous cette pression. Shekau

AFP

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p Abubakar Shekau, le leader du mouvement extrémiste, le 5 mai.

Dates clés 2002 Création de Boko Haram 2009 Décès de Mohamed Yusuf et arrivée d’Abubakar Shekau à la tête du mouvement 2011 Attentat contre le siège des Nations unies à Abuja 2013 Proclamation de l’état d’urgence dans les États du Borno, de l’Adamawa et de Yobe 2014 Enlèvement de plus de 270 lycéennes

décide également d’élargir son périmètre d’action, portant ses attaques dans le Sud. Opération la plus spectaculaire de cette phase : l’attaque meurtrière perpétrée en août 2011 contre le siège des Nations unies à Abuja. Le mouvement islamiste procède en parallèle à une série d’attentats sanglants contre des églises. L’objectif étant d’entraîner le pays dans le chaos à travers un cycle d’« attaques-représailles ». Ce processus d’élargissement de son champ d’action au Sud et au Centre s’opère en même temps que la recherche de financements plus importants et réguliers. À cette fin, Boko Haram crée « un impôt de guerre » dont doivent s’acquitter les hommes d’affaires en vue des régions concernées. « Un jour, mon oncle a reçu des appels répétés d’un numéro anonyme. Il a fini par répondre. C’étaient des éléments de Boko Haram. Ils lui ont intimé l’ordre de contribuer à “l’effort de guerre” en précisant que les fonds réclamés devaient être déposés dans un sac au marché à bétail de Maiduguri. Il n’a eu d’autre choix que de s’exécuter », raconte, la peur au ventre, Boukar Bintoumi, un habitant de la capitale de l’État du Borno, berceau du mouvement terroriste. Ces derniers mois, les extrémistes nigérians ont en outre pu compter sur le versement de

DES VOISINS INQUIETS COMPTANT PRÈS de 1 500 km de frontières terrestres communes avec le Nigeria, le Niger surveille avec une vigilance permanente les événements à sa frontière sud. Pour l’heure, le pays a réussi à étouffer dans l’œuf les tentatives d’infiltration des extrémistes de Boko N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Haram. « Depuis plus de trois ans, nous répondons à cette menace grâce à un dispositif sécuritaire adapté dans la région de Diffa [extrême est du Niger] et à des patrouilles conjointes nigéro-nigérianes. Nous appliquons le même principe que lors de la crise libyenne, précise Hassoumi

Massaoudou, le ministre de l’Intérieur.Tout individu armé qui pénétrera au Niger sera neutralisé. » En revanche, les jihadistes ont réussi à frapper fort à trois reprises dans le nord du Cameroun (en 2013 et 2014) avec les enlèvements de ressortissants occidentaux

et l’attaque sanglante, le 5 mai, du poste frontalier de Gambaru-Ngala. Autre voisin concerné, leTchad, qui, après avoir accueilli des milliers de réfugiés nigérians, demeure lui aussi sous la menace de la secte islamiste. l S.A. JEUNE AFRIQUE


Le Nigeria face à ses démons t Après l’attentat contre le siège des Nations unies à Abuja, le 26 août 2011.

contre rémunération. Pour eux, c’est un gagnepain comme un autre. » Ni le renouvellement de la stratégie du groupe ni les discours enflammés de son nouveau chef ne suffisent toutefois à expliquer la montée en puissance de la secte, passée du statut de mouvement local à sa naissance en 2002 à celui de menace nationale, sous-régionale, voire planétaire aujourd’hui. Les islamistes ont d’abord profité des tergiversations du régime du président Umaru Yar’Adua (2007-2010) et de son successeur Goodluck Jonathan, qui n’ont jamais su trancher entre négociation et répression tous azimuts. Sur le plan sécuritaire, Abuja n’a pas trouvé non plus de réponse adaptée au défi posé par Boko Haram. Là où l’on attendait des mesures antiterroristes fondées sur la collecte humaine et technique de renseignements, le gouvernement fédéral a décrété l’état d’urgence dans trois États (Borno, Yobe et Adamawa) puis dépêché la cavalerie et l’aviation après avoir créé ici et là des unités conjointes de la police et de l’armée. Résultat : les islamistes ont récupéré armes, munitions et même engins de combat à l’issue d’affrontements avec les forces fédérales de défense et de sécurité, peu motivées et désorganisées.

HENRY CHUKWUENDO/AFP

RATISSAGE. « L’armée nigériane n’est visiblement

rançons pour enrichir leur trésor de guerre. Selon plusieurs sources, une importante somme a été versée en échange de la libération en avril 2013 des Moulin-Fournier, la famille française enlevée dans le nord du Cameroun puis retenue au Nigeria pendant deux mois par des jihadistes. D’autres fonds semblent ensuite avoir été mobilisés pour obtenir la remise en liberté en décembre de la même année du père Georges Vandenbeusch, prêtre français pris lui aussi en otage à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. L’argent ainsi amassé sert à recruter de nouveaux « combattants » parmi les jeunes Nigérians, mais aussi parmi les ressortissants des États voisins, devenus des proies faciles en raison de leurs conditions de vie. « Nous avons été très surpris par la fierté avec laquelle cinq jeunes revendiquaient leur appartenance à Boko Haram, témoigne un journaliste de la BBC. Ils nous ont clairement dit qu’ils travaillaient pour la secte JEUNE AFRIQUE

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pas prête à combattre Boko Haram. Elle montre une faible capacité de renseignement et connaît des problèmes de discipline et de mobilité. On ne déploie pas une opération de ratissage pour lutter contre un mouvement tel que Boko Haram », estime le général français Dominique Trinquand, directeur des relations extérieures du Groupe Marck. La faiblesse du maillage administratif des États du Nord et du Nord-Est a par ailleurs favorisé la percée fulgurante du groupe extrémiste, qui en a profité pour occuper des villages des heures durant à plusieurs reprises sans être inquiété par les forces de défense et de sécurité, dont les casernes les plus proches se trouvent à des centaines de kilomètres. Symbole de la perte de contrôle de la situation par le pouvoir fédéral : le président Jonathan en appelle désormais à des puissances occidentales pour libérer les lycéennes enlevées mi-avril dans la ville de Chibok, au Borno. Autre signe de défiance envers l’État fédéral, les familles des jeunes filles kidnappées se sont cotisées pour lancer elles-mêmes la traque des ravisseurs. Dans un pays qui se verrait bien en leader continental et se dit fier de sa richesse nationale, la gestion du dossier Boko Haram provoque une profonde amertume. Et le pouvoir fédéral redoute qu’elle ne se transforme en sanction dans les urnes lors de la présidentielle de 2015. La rue nigériane, pour sa part, a déjà marqué sa nette désapprobation. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Afrique subsaharienne

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RD CONGO

Kerry, un ami qui lui veut du bien Venu annoncer à Kinshasa une aide de 30 millions de dollars pour des élections « crédibles », le secrétaire d’État américain s’est montré très clair : l’actuel président ne doit pas se représenter en 2016. Le message sera-t-il entendu ?

SAUL LOEB/AP/SIPA

injonction », va jusqu’à affirmer Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise. « Cela me rappelle le message transmis à Mobutu par Bill Richardson », ajoute-t-il, en référence à ce diplomate américain venu demander à l’ancien dictateur de négocier avec le rebelle Laurent-Désiré Kabila, en 1997, quelques jours avant que Mobutu soit contraint à la fuite. SURVEILLÉ. Si les propos de Kerry ont effectivement été ressentis comme une douche froide par le camp présidentiel – plusieurs responsables refusent de s’exprimer sur le sujet –, Joseph Kabila est loin d’être dans la même situation que feu Mobutu. Son parti reste dominant et il dispose encore de près de deux ans pour préparer l’échéance de 2016. Pourrait-il se p John Kerry et Joseph Kabila à Kinshasa, le 4 mai. braquer et profiter de l’irritation suscitée par les déclarations américaines pour e ton se veut ferme, mais l’agala Constitution par voie parlementaire ressouder son clan autour d’une nouvelle cement est palpable. Au lendeou référendaire, tous les moyens sont candidature ? C’est ce que craignent plumain de la visite de John Kerry bons pour maintenir l’actuel président sieurs observateurs occidentaux. à Kinshasa, le 4 mai, c’est un au pouvoir. Est-ce la raison qui a motivé Mais pour l’heure, ce n’est pas la voie Lambert Mende sur la défensive qui tient Kerry à s’arrêter à Kinshasa lors de sa qu’a suivie Kinshasa. Lambert Mende à donner, à la télévision nationale, son tournée africaine ? Comme pour lever insiste au contraire sur « l’amitié » et la interprétation des déclarations du secrétoute ambiguïté, Russ Feingold, l’en« convergence de vues » avec les Étatstaire d’État américain. « Il ne viendrait voyé spécial américain dans la région Unis. En annonçant une aide immédes Grands Lacs, qui accompagnait le certainement pas à l’idée de M. John diate de 30 millions de dollars (près de secrétaire d’État, s’est montré encore Kerry de donner des injonctions. […] Et 22 millions d’euros) pour soutenir le nous n’avons jamais pris la résolution de plus direct, estimant qu’« il ne serait pas processus électoral, Kerry a en tout cas violer la Constitution ! » assène le portesage pour l’avenir de ce pays de changer souligné qu’il se montrerait attentif. Au parole du gouvernement. la Constitution ». demeurant, le reste de la communauté Après sa rencontre avec le président internationale pourrait souJoseph Kabila, John Kerry avait pourtant tenir la position américaine. À l’issue de la visite américaine, été limpide. « Les États-Unis s’engagent « Cette Constitution doit être les adversaires de Kabila ne à soutenir les Congolais […] pour qu’ils respectée », déclarait ainsi dès cachaient pas leur satisfaction. travaillent à des décisions crédibles, dans le 6 mai, à Bruxelles, Jeanles délais et en accord avec l’actuelle Pascal Labille, ministre belge Constitution », avait-il affirmé. « L’actuelle À la fin de la visite américaine, on ne de la Coopération au développement. Constitution » en question limitant à deux cachait pas sa satisfaction parmi les adver« Si une révision de la Constitution est le nombre de mandats présidentiels, le saires de Kabila. « Kerry a été clair, assure adoptée dans les règles, je ne vois pas au processus souhaité par les Américains ne un membre influent de l’Opposition répunom de quoi un pays étranger pourra peut avoir qu’une seule issue : le départ blicaine, la coalition de Léon Kengo wa s’y opposer, commente cependant un de Kabila en 2016. Dondo, président du Sénat. Le camp acteur proche du pouvoir. Il est clair que C’est exactement le scénario que le présidentiel doit prendre conscience les Américains ont voulu jeter un pavé que son champion n’est plus un candidat dans la mare. Ils veulent voir, maintenant, camp présidentiel s’ingénie à contourvalable. Washington lui a fait une faveur quelles vont être les réactions. » l ner depuis plusieurs mois. Report en le prévenant à temps. » « C’est une PIERRE BOISSELET « technique » de l’élection, révision de

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

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CENTRAFRIQUE

Un homme de convictions Critiqué autant que célébré, l’ancien Premier ministre JeanPaul Ngoupandé s’est éteint.

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JEAN-LUC DOLMAIRE/J.A.

FAILLITE. Un accident cardio-vasculaire

l’avait obligé à se retirer de la vie politique en 2006. Il s’était alors recentré sur la recherche et l’écriture. On lui doit L’Afrique sans la France (2002) et L’Afrique face à l’islam (2003). Assumant ses opinions avec courage, l’ex-Premier ministre avait déclenché la polémique en plaidant en 2002 pour une ingérence extérieure en Afrique, en liant montée du terrorisme et corruption sur le continent, et en dénonçant la faillite des indépendances nationales. « Pour s’exprimer comme il l’a fait, Ngoupandé n’a rien compris aux problèmes de l’État en Afrique », avait répondu l’universitaire congolais Tshiyembe Mwayila. l SEIDIK ABBA

DR

«

l s’en va au moment où notre pays a plus que jamais besoin d’hommes de sa qualité, des personnalités qui peuvent apporter des repères moraux. » Martin Ziguélé, président du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, principal parti politique), traduit ainsi le sentiment général du personnel politique de son pays après le décès, le 4 mai en région parisienne (France), de l’ancien chef de gouvernement centrafricain Jean-Paul Ngoupandé, à l’âge de 65 ans. Ministre de l’Éducation nationale, ambassadeur en Côte d’Ivoire puis en France avant de devenir chef de la diplomatie, Ngoupandé a mené une brillante carrière au sein d’une classe politique nationale réputée médiocre. « C’était un patriote qui aimait la Centrafrique plus que tout, ajoute Martin Ziguélé. Lorsque j’ai été nommé Premier ministre en 2001, il est spontanément venu me voir pour me faire part de son expérience et insister sur les défis qui m’attendaient. »

DJIBOUTI DES LOCATAIRES AMÉRICAINS BIEN INSTALLÉS La rencontre entre Ismaïl Omar Guelleh et Barack Obama, le 5 mai à la Maison Blanche, fut fructueuse : les deux présidents se sont mis d’accord pour renouveler le bail de l’unique base militaire américaine en Afrique, installée à Djibouti depuis 2002. Face aux lourds investissements qu’il va devoir engager pour améliorer les capacités opérationnelles de ses forces antiterroristes dans la Corne de l’Afrique, le Pentagone devait s’assurer de la pérennité de ses installations. Le nouvel accord porte donc sur une durée de trente ans avec, à la clé, une révision du loyer annuel, en hausse de près de 60 % : il s’élèvera désormais à 63 millions de dollars (environ 45 millions d’euros), contre 38 millions jusqu’à présent. Montant qui ne pourra pas être renégocié au cours des deux prochaines décennies. Cette disposition ne dérange pas outre mesure le gouvernement djiboutien puisque le supplément de recettes pour leTrésor public représente au total, sur les vingt ans à venir, quelque 500 millions de dollars, soit un peu moins de la moitié du PIB. l

CAMEROUN MORT EN PRISON À 60 ans, Henri Engoulou, exministre délégué aux Finances chargé du Budget, est décédé le 8 mai des suites d’une fièvre typhoïde contractée à la prison de Kondengui, àYaoundé. Il y était détenu depuis 2010, poursuivi pour détournement présumé dans le cadre de l’opération Épervier. Quatre ans après, la justice n’a pas encore rendu sa décision.

TOGO L’ANCÊTRE DU VILLAGE A 600 ANS Six cents ans ! C’est l’âge estimé du baobab qui trône au milieu du village deToulong (Dapaong), à 650 km au nord de Lomé. Selon la légende, l’arbre, d’une circonférence de 13 m et présentant

une cavité de 7 m2 accessible uniquement à l’aide d’une échelle, aurait servi d’abri lors des guerres ancestrales et de magasin pour entreposer des effets personnels et du petit bétail. Il vient d’être déclaré « site touristique » par les autorités.

BURKINA FASO L’OPPOSITION COURTISE LA DIASPORA Les ex-compagnons du président Blaise Compaoré, qui ont fondé en janvier le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), envisagent désormais d’implanter des structures de leur parti dans la sous-région. Le processus de création d’organes du MPP dans les diasporas burkinabè devrait commencer dès le mois de mai par la Côte d’Ivoire, avant de se poursuivre dans les autres pays. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


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SÉNÉGAL

Abdoulaye Wade

« Je ne peux pas tolérer que tout ce que j’ai fait soit détruit » Ses relations avec son successeur, son rapport très décomplexé à l’argent, le sort de son fils… De retour à Dakar, l’ancien président se lâche. Et, manifestement, il est en pleine forme. Propos recueillis par

RÉMI CARAYOL,

Q

uand Abdoulaye Wade jurait, il y a deux ans, à l’aube de sa dernière campagne électorale, qu’il se sentait en pleine forme en dépit de son âge et qu’il était en mesure d’assumer un troisième mandat présidentiel – ce qui provoquait haussements de sourcils et ricanements de la part des observateurs étrangers –, il fallait le croire. À 87 ans, « Gorgui » (« le vieux », en wolof) n’entend plus très bien mais se porte à merveille. Il l’a prouvé le 25 avril quand, deux heures après l’atterrissage de son avion en provenance de Casablanca, à l’issue d’un exil en France de vingt-deux mois et d’une escale marocaine de trois jours qui a tenu en haleine tout le pays, il a offert aux milliers de ses partisans qui l’attendaient devant le siège du Parti démocratique sénégalais (PDS) un discours de chef de guerre de près de trente minutes. Il était minuit passé. Le lendemain, il est près de 23 heures lorsqu’il met un terme à l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique dans la demeure que lui prête son ami et ancien ministre Madické Niang et qui lui sert de domicile provisoire à Dakar. Il n’a pas encore dîné et sa garde rapprochée l’attend pour préparer le N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

envoyé spécial

programme des jours suivants, mais Wade, visiblement heureux de prouver qu’il a toute sa tête en enchaînant vieilles anecdotes et grandes théories, ne semble pas pressé d’en finir. L’ancien président du Sénégal (2000-2012) n’a rien d’un retraité. Il y a quelques mois, il a créé son propre cabinet à Dubaï, Wade International Consulting. « Ce que j’ai fait au Sénégal, je peux le faire pour n’importe quel chef d’État : monter des projets, les financer », argumente-t-il. Fort de la très haute idée qu’il se fait de lui-même, il se rêve aussi en faiseur de paix : ainsi, il se verrait bien médiateur en Centrafrique. « Si on me demande de réconcilier le peuple centrafricain dans ses différentes composantes ethniques et religieuses, je suis prêt à y aller. Mais il me faut le soutien de la France », précise-t-il. En attendant, sa priorité est à Dakar : à la libération de son fils et de ses collaborateurs, poursuivis dans le cadre de la « traque aux biens mal acquis » menée parle président, Macky Sall; à la bataille des élections locales qui approchent ; et « au retour de la démocratie », qui, selon lui, n’est plus une réalité au Sénégal.

JEUNE AFRIQUE: Pourquoi rentrer maintenant, après vingt-deux mois d’exil en France ? ABDOULAYE WADE : Il faut bien

que je rentre chez moi… Lorsque j’ai été battu par Macky Sall [en mars 2012], j’ai déclaré publiquement que j’étais prêt à l’aider, mais il ne m’a jamais répondu. Alors je suis parti en France. Immédiatement après, il a lancé une chasse aux sorcières contre tous ceux qui me sont proches. Aujourd’hui, vingt-cinq de mes collaborateurs sont interdits de sortie du Sénégal. Parmi eux, certains sont en prison. Pourquoi? Il s’est attaqué à ma femme, à mon fils… Un jour, Me Robert Bourgi a rencontré Macky Sall. Macky lui a dit : « Je sais que vous connaissez bien Wade. Dites-lui que je n’ai que du respect pour lui. » Il dit qu’il a de la considération pour moi, et après il met mon fils en prison ! Votre fils, Karim, est soupçonné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) de posséder un patrimoine estimé à 117 milliards de F CFA (178 millions d’euros)…

Foutaises! Je note qu’au début on parlait d’un patrimoine de 694 milliards de F CFA, et qu’aujourd’hui c’est descendu à 117 milliards. La commission d’instruction a donc effacé 80 % des accusations. Mais même dans les sommes que les juges retiennent aujourd’hui – des comptes en banque imaginaires, des sociétés avec lesquelles il n’a rien à voir, des maisons qui l l l JEUNE AFRIQUE


t À Dakar, le 26 avril, au domicile de son ami et ancien ministre Madické Niang.

JEUNE AFRIQUE

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YOURI LENQUETTE POUR J.A.

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Afrique subsaharienne Sénégal m’appartiennent mais qui lui reviendront lorsque sa mère et moi quitteront ce monde –, presque rien n’appartient à Karim. Avec la Crei, demain, un juge peut vous dire : « Monsieur, il paraît que vous avez acheté la tour Eiffel à Paris, démontrez-moi que ce n’est pas vrai. »

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Pourquoi ne pas l’avoir dénoncé avant ?

Parce que je ne voulais pas gêner mon successeur. Aujourd’hui, le Sénégal va mal. Vous avez vu l’accueil que j’ai reçu à mon retour? Il y avait des millions de Sénégalais. Le président Macky Sall doit décoder cette mobilisation. Moi je l’ai fait : je représente un espoir, en raison de ce que j’ai fait pour le Sénégal, et aussi du fait qu’aujourd’hui ces gens sont désespérés. J’aurais souhaité qu’il y ait un président – je ne dis pas qui ait la même aura que moi ni qu’il obtienne les mêmes résultats –, qui, au moins, gagne le cœur des Sénégalais. Doit-on comprendre que vous vous présentez en ultime recours?

Non, c’est fini, j’ai dépassé le point de non-retour. Notez que je peux renverser Macky Sall à tout moment. Il me suffit de lancer les populations sur le palais. Mais ce n’est pas mon intention. Moi, ce que je veux, c’est que Macky comprenne qu’il fait fausse route. Je ne peux pas tolérer que tout ce que j’ai fait ici soit détruit. Il n’y a plus de démocratie aujourd’hui au Sénégal. Il faut donc la ramener, mais ce n’est pas moi qui doit le faire, c’est lui. Et la première chose

à faire, c’est de libérer tous mes collaborateurs. Si Karim doit être jugé, que ce soit par la cour de la Cedeao ou en France, mais pas par la Crei, qui viole le droit à un procès équitable.

Arabie saoudite. Vous connaissez les pratiques africaines et arabes : quand on a un hôte, il faut lui offrir un cadeau. Le roi m’a donné 5 millions de dollars. Mais pour éviter toute confusion, j’ai donné cet argent à mon fils, qui l’a placé. Une partie de l’argent est allée sur un compte à New York, puis à Monaco.

Et si cela devait être le cas ?

Les jeunes disent qu’ils marcheront sur le tribunal. Mais ce n’est pas moi qui les y pousserai.

Pourquoi ne pas avoir reversé ce don à l’État du Sénégal ?

En rentrant, votre objectif est donc de faire sortir votre fils de prison…

Pour quelle raison aurais-je fait cela ? C’est à moi !

Pas seulement Karim. Tous mes collaborateurs doivent être libérés. J’ai écrit deux lettres à Macky Sall,

Je peux renverser Macky Sall à tout moment. Il me suffit de lancer les populations sur le Palais. auxquelles il n’a jamais répondu. Dans la première, je lui ai dit : « Monsieur le président, on vous raconte qu’il y a des milliards, mais il n’y a pas de milliards. Vous vous engagez dans une voie sans issue. » Dans la seconde, je suis revenu plus en détail sur ce que l’on reproche à Karim. J’y explique notamment d’où viennent les 2,5 millions d’euros qu’on a trouvés sur un compte à son nom à Monaco.

Allez le lui demander. Nous sommes très amis, mais il fait autant ou plus pour d’autres chefs d’État, sauf qu’ils ne le disent pas, eux. Je ne l’aurais pas dit s’il n’y avait eu cette affaire.

D’où viennent-ils ?

Du roi Abdallah. C’était au début de ma présidence. J’étais allé en

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réjouit à l’idée que son ancien hôte (aujourd’hui incarcéré) soit jugé à Dakar. « C’est une bonne chose, dit-il. Le procès Habré, c’est moi qui l’ai amené au Sénégal, car je ne pouvais pas accepter qu’un chef d’État africain soit jugé par des tribunaux non africains – hormis la Cour pénale internationale (CPI). La

Je vais vous expliquer. Une fois que j’ai quitté le pouvoir, au mois de mars 2012, le roi Abdallah me fait téléphoner par celui qui sert d’interprète entre nous deux, et qui me dit : « Sa Majesté veut vous donner un cadeau. » J’y suis donc allé, et le roi m’a donné 10 millions de dollars. Sur cette somme, j’ai confié 4,5 millions d’euros à mon ami entrepreneur [Aïdara Sylla] pour qu’il règle des factures. Le problème, c’est qu’en rentrant au Sénégal il n’a pas déclaré le chèque, et on l’a envoyé en prison. Mais il n’y a aucun délit. Pourquoi le roi Abdallah est-il si généreux avec vous ?

HABRÉ : « UNE BONNE CHOSE QU’IL SOIT JUGÉ » SOUPÇONNÉ D’AVOIR, durant sa présidence, freiné des quatre fers la procédure judiciaire enclenchée contre l’ancien chef de l’État tchadien Hissène Habré, réfugié au Sénégal depuis vingt-quatre ans et accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, Abdoulaye Wade se

Un autre « don » du roi Abdallah a mené l’un de vos proches, Aïdara Sylla, en prison au début de l’année dernière…

Belgique me talonnait pour le juger, et c’est pour ça que j’ai engagé le Sénégal. Après, ça a tardé car nous n’étions pas d’accord avec nos amis occidentaux, sur les questions de financement notamment. Je ne voulais pas que le Sénégal débourse un seul franc. » l R.C.

Vous êtes-vous enrichi durant les douze années de votre présidence ?

Absolument pas. Je l’ai dit à des députés français, je vous le redis: si j’ai un immeuble ou un compte en banque en France, qu’on le prenne. Tout ce que je possède, c’est un appartement de 41 m2 avenue des Ternes [dans le 17e arrondissement de Paris] et quelques terrains et biens immobiliers au Sénégal, que je possédais bien avant de faire de la politique. JEUNE AFRIQUE


Abdoulaye Wade

SEYLLOU DIALLO/AFP

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Et votre maison de Versailles?

Elleappartientàmafemme.Nous enavonsfaituneSociétécivileimmobilière (SCI) dont notre fille Syndiély possède 99 % des parts, de manière à ce qu’elle ne paie pas de droits de succession quand nous mourrons. J’ai fait la même chose avec ma maison du Point E à Dakar pour Karim [une maison que la Crei a retenue dans son patrimoine]. Aimez-vous l’argent?

Oui, je suis un libéral. Karim Wade pourrait-il être un jour le président du Sénégal?

Il a une certaine popularité. Et vous savez pourquoi? Parce qu’il a résolu le grand problème de l’énergie. Tous mes ministres ont échoué, alors un jour [en octobre 2010] j’ai appelé Karim et je lui ai dit: « Je sais que toi tu es capable de résoudre ce problème, mais je te préviens: si tu fais un faux pas, tu tombes. » Il m’a dit: « Je prends. » Et, finalement, il JEUNE AFRIQUE

p Accueilli par le roi Abdallah d’Arabie saoudite, alors qu’il était en pèlerinage à La Mecque, en janvier 2006.

n’y a plus eu de coupures d’électricité. Ce n’est pas n’importe qui qui peut faire ça. Je reformule ma question : souhaitez-vous que Karim Wade soit un jour le président du Sénégal?

Peut-être, à un moment, me suisje laissé tenter par cette idée. Mais au moment où je vous parle, je ne le souhaite pas. Maintenant, je n’irai pasjusqu’àluidiredenepass’impliquer en politique. Je ne suis pas un dictateur, même avec mes enfants. Pourrait-il vous succéder à la tête du Parti démocratique sénégalais (PDS) ?

Si les militants le décident, pourquoi pas… Regrettez-vous de vous être présenté en 2012?

Pas du tout. Vous auriez pu sortir par la grande porte.

Qu’est-ce que ça peut faire ? J’ai gagné contre Abdou Diouf, j’ai perdu contre Macky Sall, point final ! Mais vous savez, en 2012, je n’avais personne pour me remplacer, ni Karim ni personne d’autre. Conscient de mon âge, je voulais mettre en place un système pour faire élire un nouveau président dans les trois ans qui suivaient. Maintenant que vous n’avez plus d’ambition électorale, vous pouvez nous dire quel âge vous avez. Il y a un flou sur votre date de naissance…

J’ai 87 ans. Mais admettons que j’en aie 90 : et après ? Je suis en bonne santé. Mon père est mort à 101 ans, il a fait la Grande Guerre. Ma grand-mère est morte à 121 ans. Dans ma famille, on connaît la longévité. Mais je suis musulman, je sais que je peux partir à tout moment. Je sais que j’ai fait tellement de bien sur la terre que j’irai au paradis. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


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Maghreb & Moyen-Orient

TUNISIE

Ils y pensent tous les Prévue en principe avant la fin de l’année, l’élection présidentielle obsède les états-majors des partis politiques. Qui ont lancé les grandes manœuvres. Paysage avant la bataille. SAMY GHORBAL

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élection présidentielle tunisienne, qui doit être organisée au suffrage universelavantlafindel’année,est déjà danstous les esprits. Les commentateurs ont donné un nom à cette obsession : le « syndrome de Carthage ». Même dépouillée de l’essentiel de ses prérogatives au profit du Premier ministre, la fonction présidentielle continue de faire rêver. C’est même la seule question qui intéresse vraiment les états-majors des partis politiques. Une seule formation déroge à cette règle : Ennahdha, laquelle ne présentera peut-être pas de candidat, mais qui pèsera évidemment sur l’issue du scrutin. Les stratèges islamistes le savent, car ils en ont voulu ainsi à la Constituante : les élections à ne N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

p En dépit de son âge (87 ans), Béji Caïd Essebsi (à g.), de Nida Tounes, est le grand favori du scrutin. Ex-secrétaire général d’Ennahdha, Hamadi Jebali (à dr.) pourrait se présenter comme candidat indépendant.

pas perdre, ce sont les législatives, pas la présidentielle. Ils préféreraient que les deux scrutins coïncident. Car l’autre option présente pour eux plus de dangers: une séquence électorale s’ouvrant par une victoire de l’opposition à la présidentielle risquerait d’enclencher une dynamique difficile à maîtriser, galvanisant l’adversaire et démoralisant leur propre camp. Rien n’est tranché à ce jour. Mais l’heure de vérité approche, et les grandes manœuvres ont commencé. Le casting ne fait presque aucun doute. Qui sont-ils, quels sont leurs espoirs, leurs chances et leurs stratégies ? Analyse en quatre points. RECOMPOSITION. Le scénario de l’élection de la

Constituante, le 23 octobre 2011, était une anomalie. Le rapport des forces entre islamistes et modernistes s’est depuis rééquilibré. Même si le camp progressiste reste divisé, une grande formation a émergé : Nida Tounes, le parti de l’ancien Premier ministre de la transition, Béji Caïd Essebsi. Créé le 16 juin 2012, son mouvement a surfé sur le rejet d’Ennahdha et rassemble un éventail très large de sensibilités, allant des destouriens plus ou moins JEUNE AFRIQUE


PHOTOS : ONS ABID ET MOHAMED HAMMI POUR J.A.

matins en se rasant compromis avec l’ancien régime aux transfuges de la gauche syndicale et démocratique déçus par la pusillanimité de leurs dirigeants, en passant par les centristes et les modérés. Le secret de cette fragile alchimierésidedanslapersonnalitédeCaïdEssebsi, ancien ministre de Habib Bourguiba. Depuis un an, Nida Tounes fait jeu égal avec Ennahdha dans les sondages. Cette polarisation de la vie politique ne fait pas l’affaire des autres partis, dont les candidats peinent à exister. Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR), les anciens alliés séculiers d’Ennahdha, sont affaiblis, alors qu’Al-Joumhouri et Al-Massar, les principaux animateurs de l’opposition parlementaire, n’ont pas réussi à percer dans l’opinion. C’est l’extrême gauche, à travers le Front populaire de Hamma Hammami, qui incarne aujourd’hui la troisième force, avec environ 5 % des intentions de vote. Loin, très loin des 30 % à 35 % dont sont régulièrement crédités Ennahdha et Nida Tounes. Cette redistribution des cartes s’est opérée sur fond de désaffection croissante des Tunisiens pour la chose publique. L’abstention avait concerné près d’un électeur sur deux lors des élections JEUNE AFRIQUE

p Souffre-douleur des médias, raillé sur les réseaux sociaux, le président Moncef Marzouki (à g.) n’a pas abdiqué. Quant à Hamma Hammami (à dr.), porte-parole du Front populaire, il ne désespère pas de jouer les trouble-fête.

d’octobre 2011. Aujourd’hui, tout indique qu’on se dirige vers un niveau de participation compris entre 40 % et 50 %. La dynamique de la campagne permettra-t-elle d’enrayer la lame de fond de l’abstention, nettement perceptible chez les jeunes et les électeurs des régions de l’intérieur ? C’est peu probable. Lequel des deux camps, l’islamiste ou le moderniste, sera le plus pénalisé par « l’abstention différentielle »? Le dernier baromètre politique de SigmaConseil,réaliséenavril2014,suggèreuneérosion du bloc conservateur. Pour Hassen Zargouni, directeur de Sigma, le tassement des intentions de vote en faveur d’Ennahdha est conjoncturel et s’explique par sa sortie du gouvernement, qui a désorienté une fraction des militants islamistes. Le niveau des indécis et des abstentionnistes a grimpé en flèche. Il se situe maintenant aux alentours de 62 % du corps électoral ! LES DILEMMES D’ENNAHDHA. Le parti islamiste,

qui a confié les clés de l’exécutif au technocrate Mehdi Jomâa, n’a pas renoncé au pouvoir et veut le reconquérir par les urnes. Véritable machine de guerre, implanté dans toutes les régions et presque N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


Maghreb Moyen-Orient Tunisie sur les nominations des ministres de la Défense et des Affaires étrangères, et pourra demander une deuxième délibération des lois. Le chef de l’État, qui tirera son autorité de l’élection, sera davantage qu’un arbitre : presque un recours. Plus encore qu’une éventuelle cohabitation, les islamistes redoutent l’impact d’une défaite à la présidentielle sur le score de leurs listes aux législatives. Pour eux, le pire des scénarios serait que l’élection du chef de l’État précède celle de l’Assemblée. Ils plaident pour une concomitance des deux scrutins. Ennahdha,parlavoixdel’ancienPremierministre Ali Laarayedh, a fait savoir qu’elle ne désignerait pas de candidat. Le mouvement se contentera

toutes les catégories sociales, le mouvement est cependant affligé d’une faiblesse structurelle : il n’a pas de candidat crédible capable de contrer les ambitions présidentielles de Béji Caïd Essebsi. Favorable au régime parlementaire, Ennahdha était hostile à l’élection du chef de l’État au suffrage universel. En minorité à la Constituante, elle a dû s’y résoudre. Après avoir tenté d’imposer l’idée d’une présidence élue directement par le peuple mais purement honorifique, « à la portugaise », les islamistes ont fini par transiger. L’essentiel du pouvoir restera entre les mains du chef du gouvernement, mais le président disposera d’un droit de dissolution (très encadré), d’un droit de regard

!

Éternels opposants en quête d’un destin Pour eux, c’est la campagne de la dernière chance. À la peine dans les sondages, contestés dans leur propre camp, ils rêvent de créer la surprise en se hissant au second tour.

Ahmed Néjib Chebbi ! CET AVOCAT DE 69 ANS, député d’Al-Joumhouri, est l’une des grandes figures de la vie politique tunisienne. Opposant acharné aux régimes de Bourguiba et de Ben Ali, devenu ministre du Développement régional le 18 janvier 2011, il a été l’homme fort de la première transition. Il était le mieux placé pour l’emporter à la présidentielle qui devait être organisée pour remédier au vide constitutionnel créé par la révolution. Mais le mouvement Kasbah 2, qui a entraîné la chute du gouvernement de Mohamed Ghannouchi et la convocation d’une Constituante, a sonné le glas de ses ambitions présidentielles. Chef de file du camp moderniste aux élections du 23 octobre 2011, sa formation, le Parti N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

démocratique progressiste (PDP), a subi un cuisant revers en ne récoltant que 16 sièges sur 217. Ahmed Néjib Chebbi, dont l’image reste associée à cette défaite, est à la peine dans les sondages, qui le créditent, lui et son parti, de 2 % à 3 % des intentions de vote. Mais il n’entend pas abdiquer. En décembre 2013, Al-Joumhouri a officialisé sa rupture avec Nida Tounes. Chebbi, qui refusait l’idée que son parti se transforme en satellite de Nida, a opéré un recentrage, interprété par ses détracteurs comme le prélude à un deal « contre nature » avec les islamistes. En réalité, l’objectif consiste à grappiller des voix chez les progressistes allergiques à Béji Caïd Essebsi et chez les conservateurs modérés qui ne se reconnaissent plus dans Ennahdha pour créer la surprise et accéder au second tour. Alors, les

ONS ABID

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reports de voix aidant, tout redeviendra possible… l

Hechmi el-Hamdi " PERSONNAGE BAROQUE, mégalomane et démagogue, cet homme d’affaires sulfureux installé depuis une quinzaine d’années à Londres avait créé la surprise aux élections d’octobre 2011 avec ses listes d’Al-Aridha Chaabiya (« la pétition populaire »), arrivées en troisième position avec 26 sièges. Hamdi, natif du gouvernorat de Sidi Bouzid, le berceau de la révolution, avait mené campagne à

distance via sa chaîne de télévision, Al-Mustakillah, sur des thématiques populistes. Son impact dans les régions reléguées et marginalisées avait illustré la fracture béante entre la Tunisie du littoral et celle des steppes et des tribus. Qualifié de « clown » par ses adversaires, il rêve de rééditer son exploit en s’appuyant sur sa chaîne et sur le petit noyau de députés qu’il a réussi à préserver. Farouchement opposés à Ennahdha et rassemblés au sein du Tayyar al-Mahabba (le « courant de l’amour »), ces derniers campent JEUNE AFRIQUE


Ils y pensent tous les matins en se rasant d’apporter son soutien à un candidat « neutre, consensuel, ayant le soutien d’autres partis politiques œuvrant pour la liberté et la démocratie ». Laarayedh a précisé que cette personnalité « restait à trouver ». Officiellement, le mouvement ne veut pas prendre le risque de « diviser le pays » et d’y semer « les germes de la discorde », car les Tunisiens ne sont pas prêts à être gouvernés par un président et un Premier ministre tous deux issus d’Ennahdha. Plus trivialement, les islamistes savent que leur candidat serait aujourd’hui quasiment assuré de perdre au second tour, quel que soit l’adversaire. Ils ont donc intérêt à rester le plus longtemps possible dans l’ambiguïté, à garder plusieurs fers

Les islamistes gardent plusieurs fers au feu dans l’espoir de jouer les faiseurs de rois.

au feu et à jouer les faiseurs de rois. L’hypothèse d’une candidature de leur ex-secrétaire général, Hamadi Jebali, qui prend corps, ne change pas fondamentalement la donne. Jebali, s’il entre en piste, ira sans étiquette, comme « candidat indépendant soutenu par Ennahdha ». S’il échoue, l’échec sera le sien et uniquement le sien. S’il parvient à se hisser au second tour, il sera temps pour son parti d’aviser. Pour l’instant, Jebali est largement distancé dans les sondages… NIDA TOUNES À QUITTE OU DOUBLE. À l’inverse

d’Ennahdha, Nida Tounes a presque entièrement focalisé sa stratégie sur la présidentielle. En l l l

ONS ABID POUR J.A.

!

DR

"

sur une ligne islamoidentitaire intransigeante. Parviendront-ils cette fois à tirer leur épingle du jeu ? Peu probable. Il n’empêche : la possibilité offerte aux binationaux de se porter candidats à la présidentielle constitue en soi une « divine surprise » pour le citoyen britannique Hechmi el-Hamdi, qui n’a jamais fait mystère de son ambition ultime : devenir président de la Tunisie. l

Mustapha Ben Jaafar ! SECRÉTAIRE GÉNÉRAL D’ETTAKATOL, le président de la JEUNE AFRIQUE

Constituante veut capitaliser sur le vote de la Constitution. La présidence de la République, qu’il convoitait ardemment, lui avait échappé d’un cheveu en octobre 2011 : Ettakatol, avec 20 sièges, avait été devancé par le Congrès pour la République de Moncef Marzouki (29 sièges). À 73 ans, ce médecin radiologue sait que ces élections seront sans doute sa dernière chance. Opposant modéré à Ben Ali, il avait joué sans états d’âme la carte de la rupture après la révolution en refusant de participer au gouvernement de

transition. Placé en embuscade, il avait réussi à combler son retard sur Néjib Chebbi. L’accord avec les islamistes d’Ennahdha lui a permis d’arracher la présidence de la Constituante et de grappiller des maroquins ministériels, mais il lui a coûté cher politiquement. Désorientés par cette « alliance contre nature », nombre de cadres et de sympathisants d’Ettakatol ont fait défection pour rejoindre Nida Tounes. En décidant, en août 2013, au plus fort de la crise, la suspension des travaux de la Constituante, Ben Jaafar a retrouvé

une partie de son crédit. Chacun reconnaît son rôle constructif lors de la formation du gouvernement de Mehdi Jomâa. Cela suffira-t-il ? Pour l’instant, sa candidature ne prend pas dans l’opinion. Ses partisans veulent croire à une dynamique de campagne. Conciliant à la fois avec les islamistes et avec les démocrates, dont les voix seront indispensables, il risque de se retrouver une nouvelle fois en concurrence frontale pour Carthage avec son éternel rival, Néjib Chebbi… l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Maghreb Moyen-Orient Tunisie l l l dépit de son âge canonique (87 ans) et des doutes récurrents sur sa capacité à supporter la fatigue d’une campagne éreintante, son leader, Béji Caïd Essebsi, représente un formidable « produit d’appel ». C’est le favori des sondages. Il est en effet le seul à réunir les quatre qualités indispensables au succès d’une candidature : l’éloquence, le leadership, l’expérience et la stature d’homme d’État. Exécré par ses détracteurs, qui lui reprochent son passé destourien et son rôle dans la répression de la gauche estudiantine à la fin des années 1960, il est adulé par ses admirateurs, nettement plus nombreux. Les Tunisiens moins politisés lui savent gré d’avoir mené à bien la transition et d’avoir organisé les premières élections libres et démocratiques de l’histoire du pays, le 23 octobre 2011. Accéder au palais de Carthage serait l’accomplissement ultime pour ce fervent disciple de Bourguiba. « BCE » est le ciment de Nida Tounes. C’est sur son nom que s’est opéré le rassemblement des différentes sensibilités. Aucun de ses lieutenants ne possède son charisme, et l’unité du mouvement pourrait ne pas survivre à la guerre de succession anticipée. C’est la faiblesse paradoxale de Nida : ce parti, qui est aujourd’hui celui qui dispose de l’audience la plus forte, est aussi le plus intrinsèquement fragile. Il n’a pas de stratégie alternative si son leader venait à déclarer forfait. Et un bon résultat aux législatives passe obligatoirement par une performance à la présidentielle. Jusqu’à présent, BCE a réussi à déjouer les tentatives visant à le disqualifier de la course. En politicien madré, il a scellé un pacte de non-agression avec Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha. Ces deux hommes que tout oppose sont aussi des pragmatiques. Ils ont compris qu’ils auraient tout à perdre à une confrontation. Ennahdha a ainsi changé son fusil d’épaule au sujet de « l’exclusion » des anciens du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir): l’article 167 de la loi électorale, qui frappait d’inéligibilité les anciens collaborateurs du parti de Ben Ali, a été rejeté à une voix près, le 1er mai. Les islamistes ont aussi accepté d’amender l’article 73 de la Constitution de manière à supprimer toute limite d’âge pour la candidature à la présidentielle. Échange de bons procédés, BCE, de son côté, a choisi de cibler ses attaques sur le président provisoire, Moncef Marzouki, et de ménager le parti religieux, en dépit de son bilan calamiteux à la tête du gouvernement de la troïka.

Intentions de vote Sources : Sigma Conseil

(baromètre politique d’avril 2014)

Institut Emrhod

(sondage effectué en avril 2014).

Plus de la moitié des sondés déclarent ne pas savoir pour qui voter ou ne pas vouloir aller voter, d’où la faiblesse des pourcentages.

Législatives Nida et Ennahdha au coude à coude Nida Tounes 23% 17,4%

Ennahdha 17,2% 13,1%

Front populaire 1,9%

1%

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

CPR 1,8%

Présidentielle BCE et les autres Béji Caïd Essebsi 19,7% 14,1%

Hamadi Jebali 4,9%

5,2%

Hamma Hammami

MARZOUKI DOS AU MUR. Mêmesilessondagesles

créditent pour l’instant de 1 % à 5 % des intentions de vote, une demi-douzaine d’outsiders veulent jouer les trouble-fête. Tous sont d’anciens opposants à Ben Ali : Moncef Marzouki, le président sortant, Ahmed Néjib Chebbi (Al-Joumhouri), Mustapha Ben Jaafar, le président de la Constituante (Ettakatol), Hamma Hammami (Front populaire)

4,3%

1,8%

3,4%

Moncef Marzouki

4,4%

1,9%

et, dans une moindre mesure, le trublion populiste Hechmi el-Hamdi (Tayyar al-Mahabba). Tous sont conscients que l’extrême fragmentation de la scène politique leur offre une carte à jouer si Ennahdha n’investit pas de candidat. Pour eux, l’objectif consistera à se hisser au second tour ; 10 % des suffrages exprimés devraient y suffire. Les réels prétendants à une victoire finale ne sont qu’au nombre de trois. Car le « communiste » HammaHammamietle«traître»Hechmiel-Hamdi savent qu’ils n’ont aucune chance de rallier les voix d’Ennahdha. Une présence au second tour du flamboyant porte-drapeau du Front populaire signifierait donc à coup sûr une victoire de BCE. En revanche, Marzouki, Chebbi et Ben Jaafar peuvent espérer transformer le second tour de la présidentielle en référendum « anti-BCE » et l’emporter dans un mouchoir de poche. Éternels concurrents, Chebbi et Ben Jaafar rêvent d’incarner une hypothétique « troisième voie » entre Nida et Ennahdha, tout en sachant qu’ils auront besoin du soutien tacite de l’électorat conservateur pour faire barrage à BCE. Ils savent aussi que Marzouki a fini par incommoder ses alliés d’hier, les islamistes. Le président sortant est dos au mur. Il bat des records d’impopularité et fait l’objet d’un rejet massif, épidermique, dans de larges couches de la population. Souffre-douleur des médias, raillé sur les réseaux sociaux, perpétuellement affublé du sobriquet méprisant de « tartour » (l’inutile), il n’a pourtant pas abdiqué. « Ce n’est pas parce qu’il a été un mauvais président qu’il sera un mauvais candidat, prévient un de ses ex-collaborateurs. Au contraire. Il va se radicaliser, jouer la rupture, remettre à l’honneur les thématiques de sa campagne de 2011 : la prétendue fidélité à la révolution, l’exclusion du RCD. Comme les centristes et les progressistes le rejettent viscéralement, il tentera d’aller chercher ses voix ailleurs, auprès de la jeunesse en colère, auprès des islamistes qui considèrent que leur parti a fait trop de compromis avec l’ancien régime, auprès des salafistes et dans la diaspora, où il dispose d’une audience résiduelle. Et ses partisans vont continuer l’obstruction à la Constituante. » Marzouki représente une épine dans le pied des islamistes, car il peut exister une porosité entre leur électorat et celui du CPR. Il n’est plus le premier choix d’Ennahdha, mais son calcul est simple : il est persuadé qu’entre lui et Béji Caïd Essebsi les électeurs et sympathisants de la troïka préféreront toujours voter pour lui. Il sait aussi que personne ne lui fera de cadeau. Hamadi Jebali a exigé qu’il démissionne au préalable de ses fonctions dans l’hypothèse où il se porterait candidat, « pour concourir à armes égales ». Mustapha Ben Jaafar a pris les devants en faisant savoir qu’il renoncerait « par souci d’équité » à la présidence de la Constituante s’il venait à se présenter à la présidentielle. Entre les anciens partenaires de la troïka, rien ne va plus… l JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient diffusion, ont gravement terni l’image de cette « institution républicaine » et plongé ses responsables dans l’embarras. C’est que la généralisation de l’internet, l’arrivée de la téléphonie de troisième génération (3G) et la prolifération des portables high-tech permettent désormais à des militants des droits de l’homme, à des blogueurs ou à de simples citoyens de filmer des bavures, puis de les dénoncer aussitôt sur la Toile. Certains vont même jusqu’à publier sur Facebook les photos des policiers incriminés, assorties d’informations susceptibles de mettre ces derniers en danger. Bref, les forces de l’ordre sont désormais sous surveillance.

ALGÉRIE

22, v’la les smartphones! Grâce à la téléphonie troisième génération et à la généralisation de l’internet, les citoyens peuvent désormais filmer les brutalités policières. Et les dénoncer sur la Toile.

HANTISE. Rassemblements, marches,

LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES

obstructions de routes, pas un jour ne passe sans que la rue ne proteste contre le manque de logements, les pénuries d’eau, les coupures d’électricité, des élus incompétents, ou pour obtenir des emplois. Résultat : la police est quotidiennement mise à rude épreuve. En 2011, elle a ainsi procédé à quelque 11 000 interventions aux quatre coins du pays. Et la hantise de la hiérarchie sécuritaire est de voir les forces antip Lors d’une manifestation de la Coordination nationale pour le changement émeute faire usage d’armes à feu, comme démocratique, le 12 février 2011, à Alger. ce fut le cas lors du soulèvement du printemps 2001, qui a fait plus d’une e 20 avril dernier, lors d’un rastéléphone portable, avait également centaine de morts en Kabylie. Pour fait le buzz, obligeant le patron de la semblement organisé à Tiziempêcher la répétition d’un tel scénaOuzou, en Kabylie, pour célébrer Direction générale de la sûreté nationale rio, les autorités ont lancé le concept de le 34e anniversaire du Printemps (DGSN), le général Abdelghani Hamel, gestion démocratique des foules (GDF). berbère de 1980, des policiers en unià prendre des sanctions. À ces deux Persuasion, pédagogie, psychologie, forme, épaulés par des collègues en civil, documents s’ajoutent des images qui réquisitions judiciaires, non-recours aux passent violemment à tabac des maniont fait le tour du monde, montrant des armes létales, c’est ainsi que les responfestants. Certains sont roués de coups membres du mouvement d’opposition sables de la DGSN résument ce modus de poing, de gifles et de coups de pied, Barakat ! se faire durement interpeller operandi, qui fonctionne plutôt bien. d’autres sont rossés avec des matraques. « Les missions de police Un jeune homme inconscient est traîné s’exercent dans le respect Le buzz provoqué par plusieurs sur plusieurs mètres avant d’être jeté des droits de l’homme », vidéos récentes a obligé les devant un fourgon. Depuis son balcon, aime à répéter le généun riverain a filmé toute la scène avec autorités à prendre des sanctions. ral Hamel. Les chiffres son smartphone. Quelques minutes plus semblent lui donner raitard, la vidéo est postée sur les réseaux lors de rassemblements organisés à Alger son. Depuis les « émeutes du sucre et sociaux. Aussitôt relayée par les médias contre le quatrième mandat du préde l’huile » en janvier 2011, qui avaient nationaux et étrangers, elle provoque sident Abdelaziz Bouteflika. Certes, les fait trois morts parmi les manifestants émoi et consternation. animateurs de Barakat ! ont été relâchés – sans que les coupables aient à ce jour quelques heures plus tard et même autoété identifiés –, plus aucune intervention IMAGE TERNIE. Ces brutalités polirisés à tenir leurs sit-in. Certes, encore, à des forces de l’ordre n’a donné lieu à cières ont d’autant plus choqué que des Tizi-Ouzou et à Ghardaïa, des enquêtes pareille bavure. Il n’en reste pas moins incidents presque identiques s’étaient administratives ont été diligentées, et des que la hiérarchie sécuritaire doit impéradéroulés quatre mois plus tôt à Ghardaïa policiers suspendus et traduits en justice. tivement faire le ménage dans les rangs (600 km au sud d’Alger), théâtre de tenCertes, enfin, ces scènes de violences de la police et mettre à l’écart les agents sions communautaires. Dans le courant policières demeurent des cas isolés. au comportement brutal. Lesquels ne de janvier dernier, la vidéo d’une basMais ces vidéos, ainsi que les articles peuvent désormais plus sévir à l’abri tonnade, là aussi tournée à l’aide d’un et les commentaires qui ont suivi leur des regards. l FARID ALILAT

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Maghreb Moyen-Orient ISLAM

Et Dieu libéra la femme Figure de la pensée réformiste, la Marocaine Asma Lamrabet déconstruit méthodiquement les interprétations archaïques du Livre saint, notamment celles relatives au statut de la musulmane.

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lle récuse les étiquettes de « féministe islamiste » ou de « militante » que lui ont accolées les médias. « Je suis simplement une chercheuse qui se pose des questions sur le texte religieux », précise d’emblée Asma Lamrabet. « Ce n’est pas parce que je porte un foulard que je suis forcément islamiste. Et le fait que je m’intéresse à l’image de la femme dans le Coran ne veut pas dire que je suis féministe », poursuit celle qui représente actuellement le mieux l’islam réformiste au Maroc et l’effort d’interprétation (ijtihad) qu’il suppose. Directrice du Centre des études féminines en islam au sein de la Rabita Mohammadia des oulémas, une association placée sous la tutelle du roi, Lamrabet s’est fixé comme objectif d’en finir avec les préjugés nés d’une lecture littéraliste du Coran, à commencer par l’idée selon laquelle une femme qui porte le voile serait incapable d’aller aussi loin dans l’interprétation coranique des libertés individuelles. Médecin biologiste de carrière, Asma Lamrabet passe au peigne fin le texte révélé, recensant tous les versets contraignants pour les femmes et expliquant, arguments à l’appui, comment leur interprétation a été rendue caduque par le contexte moderne. Voile, héritage, mariage mixte, tutelle de l’homme sur la femme (qiwama), interdiction de la mixité dans les mosquées… Autant de certitudes héritées de lectures figées du Livre saint et qui ne résistent pas à une relecture critique et contextualisée du texte sacré à travers le prisme des droits de l’homme. Une méthodologie à laquelle Lamrabet s’est toujours tenue sans jamais manier la langue de bois.

Tutelle de l’homme Comme beaucoup de réformistes, Asma Lamrabet rappelle que le Coran a été révélé dans un contexte socioculturel donné et que toute tentative de reproduire ce contexte à l’heure actuelle relève soit N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

de la bêtise, soit de « l’instrumentalisation politique ». « Depuis la Révélation, la qiwama de l’homme sur la femme a été très claire. Le Coran parle d’une responsabilité morale et matérielle de l’homme envers sa famille et non d’une supériorité ou d’une autorité quelconques », explique-t-elle. Pour arriver à ce constat, la chercheuse s’appuie sur les six versets relatifs à la tutelle. Cité une seule fois dans le Coran, le principe de la qiwama se trouve contredit par d’autres versets qui recommandent la coresponsabilité, le partage au sein de la famille et la notion de justice entre tous les fidèles, quel que soit leur sexe. S’inspirant des travaux du réformiste égyptien Mohamed Abdou (1849-1905), Lamrabet remet en perspective la qiwama, avec son corollaire, le principe d’obéissance (tâ‘a), une pure production juridique qui a contribué à déprécier et à inférioriser les femmes. sur la femme à la question du foulard. Précision : la chercheuse n’appelle pas les musulmanes à ôter leur hijab mais à « Je le dis haut et fort. Il n’existe aucune suivre leur choix spirituel en toute séréobligation dans le Coran sur la question du voile », clame notre chercheuse. Le nité sans chercher à l’imposer aux autres au nom de la religion. Citant la polémique suscitée par le voile « Ne touche pas à mon voile, islamique en France, la réforc’est bien, mais ne touche pas miste marocaine estime que la priorité pour les femmes réside à ma liberté, c’est mieux. » dans l’émancipation et le recouvrement de leurs droits : « Ne touche pas terme de « hijab » n’y signifie d’ailleurs pas à mon voile, c’est bien, mais ne touche « voile », mais « séparation ». À l’époque du pas à ma liberté, c’est mieux. » Prophète, les femmes portaient ce qu’on appelle le khimar (foulard), par pudeur, piété ou convention sociale. Quand le Héritage Coran évoque ce dernier, il reste donc La question de l’héritage est le sujet fidèle à son contexte. « Pour moi et pour tabou par excellence. Pas même les assocertains penseurs réformistes, il s’agit d’une recommandation et non d’une obliciations féministes marocaines n’osent gation. Dans les textes religieux, quand il y l’aborder tant la porte de l’ijtihad semble fermée face à ce verset « immuable » a une prescription, sa non-observance est énonçant que la femme hérite de la moigénéralement assortie d’un châtiment. Or tié de la part de l’homme. Il convient le verset qui fait référence au khimar n’en mentionne aucun, preuve que le port de cependant de rappeler que l’héritage celui-ci n’est pas obligatoire », explique des femmes a été introduit par l’islam à une époque où elles n’avaient strictement Lamrabet, qui refuse de réduire le débat

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JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

t La chercheuse à son domicile de Rabat, en décembre 2010.

aucun droit et que cette disposition constituait en soi une révolution. Mais Lamrabet va plus loin en démontrant qu’une lecture contextualisée consacre l’égalité entre les sexes en matière d’héritage. Et de citer notamment la sourate IV, verset 32 : « Il revient aux hommes une part (nassib) dans l’héritage laissé par leurs parents ou leurs proches ; de même qu’il revient aux femmes une part (nassib) dans l’héritage laissé par leurs parents ou leurs proches. » Ce verset est la preuve que l’égalité existe bel et bien, comme l’avait d’ailleurs souligné l’exégète Ibn Kathir (1301-1373) dans Tafsîr Ibn Kathîr. Très souvent, Lamrabet invoque des interprétations anciennes et particulièrement avant-gardistes, mais qui ont été jetées aux oubliettes pour des considérations politiques.

Mariage avec un non-musulman Autre sujet tabou – mais qui ne procède, en réalité, que d’une pure tradition culturelle, le ourf –, les mariages mixtes. JEUNE AFRIQUE

Tout non-musulman souhaitant épouser une musulmane doit en effet se convertir à l’islam, alors qu’un musulman peut se marier avec une non-musulmane sans renoncer à sa religion. Justifiée alors par la filiation patrilinéaire et le souci d’éviter que les croyantes ne sortent de la communauté (la Oumma), cette inégalité vole en éclats à la lecture du verset 221 de la sourate II, prescrivant aux musulmans comme aux musulmanes d’épouser des croyants (mouminîne), ce qui inclut donc les Gens du Livre (Ahl al-Kitâb) en référence aux juifs et aux chrétiens, et interdisant aux premiers comme aux secondes de se marier avec des polythéistes (mouchrikîne). Ce qui vaut pour les hommes en la matière vaut donc aussi pour les femmes. Dans son Tafsîr al-Tahrîr wa t-Tanwîr, l’exégète tunisien Mohamed Tahar Ben Achour (1879-1973) affirme qu’il n’y a pas de texte interdisant expressément l’union conjugale entre une musulmane et un chrétien ou un juif. Si l’ensemble de la communauté des savants s’est accordé à proscrire cette union, c’est en s’appuyant

sur le consensus (ijmaa), et non sur un texte. « J’ai envoyé le résultat de mon travail sur ce thème à des oulémas de différents pays. Je n’ai jamais eu de retour. Preuve que la question dérange ! » confie Lamrabet. Courageuse, clairvoyante, un tantinet subversive, Asma Lamrabet reconnaît cependant faire preuve de frilosité par rapport à des questions d’actualité « qui [la] dépassent », comme l’homosexualité, alors que sa consœur tunisienne Olfa Youssef a osé prendre position en affirmant que le Coran ne l’a jamais interdite. « J’ai beaucoup de difficultés devant cette problématique, inabordable pour le moment dans les sociétés musulmanes. Je ne veux pas braquer le système alors que la base n’est pas encore assainie », explique Lamrabet. Au vu des réactions probantes qu’elle recueille dans ses conférences, Asma Lamrabet semble s’être tout doucement frayé un chemin dans une société longtemps maintenue dans l’ignorance et religieusement sclérosée faute d’ijtihad. Quant à la traduction de cette approche nouvelle dans la vie quotidienne, c’est une entreprise de longue haleine. Au Maroc, en matière de réforme de l’islam comme d’avancées politiques, il faut du temps au temps… l NADIA LAMLILI

Bibliographie Musulmane tout simplement éd. Tawhid France 2002 Aïcha, épouse du Prophète, ou l’Islam au féminin éd. Tawhid France, 2004 Le Coran et les femmes : une lecture de libération éd. Tawhid France, 2007 Femmes, islam, Occident : chemins vers l’universel éd. La Croisée des chemins (Maroc) et Séguier-Atlantica (France), 2011 Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ? éd. Albouraq Paris, 2012 Sorti en librairie en mars 2012, cet ouvrage a reçu le prix de la Femme arabe 2013, catégorie sciences sociales N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Maghreb Moyen-Orient GOLFE

Dégel dans le désert Sous la pression de ses voisins, irrités par son activisme, le Qatar multiplie les gestes de bonne volonté. Pas question, en revanche, de céder aux diktats saoudiens.

I

l ne fait pas encore l’objet d’un culte aussi fervent que Moussa Sadr. Mais, depuis fin mars, il offre au Qatar une autre version (sunnite) de l’imam occulté. Jusque-là habitué de la mosquée Omar Ibn al-Khattab, à Doha, le cheikh Youssef al-Qaradawi n’est plus apparu au minbar pour le traditionnel prêche du vendredi. Le 2 mai, c’était la dixième absence de suite. À 87 ans, ce théologien d’Al-Azhar, président de l’Union internationale des oulémas musulmans, est au centre d’une crise diplomatique sans précédent entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Ce dernier a offert à ce trublion un confortable asile et surtout la nationalité qatarie depuis qu’il a été banni d’Égypte par Nasser en 1961 pour son soutien aux Frères musulmans, dont il est toujours considéré comme l’un des principaux idéologues. Le 5 mars, Riyad a rappelé son ambassadeur à Doha, immédiatement imité par les Émirats arabes unis et Bahreïn. À l’époque, le nom de Qaradawi était apparu très haut dans la longue liste de griefs adressés au régime de Tamim Ibn Hamad Al Thani, le jeune (33 ans) émir du Qatar. Son éclipse prolongée s’explique peut-être par la volonté d’apaiser le puissant voisin, mais cela suffira-t-il ?

depuis la création, en 1981, du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Au sein de ce dernier, deux États ont pourtant résisté à la pression saoudienne : Oman, qui fait habituellement bande à part – le sultan Qabous a même menacé, fin 2013, de quitter le CCG si l’Arabie saoudite insistait pour accélérer le projet d’union politique entre monarchies du Conseil –, et le Koweït, qui a préféré jouer la carte de la neutralité,

proposant immédiatement ses services de médiateur entre « frères voisins ». Ces efforts ont visiblement porté leurs fruits. Et, contrairement aux rumeurs pointant des médiations algérienne ou marocaine, le linge sale a été lavé en famille. Tard dans la soirée du 16 avril, un communiqué officiel du CCG annonçait la conclusion d’un accord-cadre aux termes duquel les six pétromonarchies de la péninsule s’engagent collectivement « à ne pas porter atteinte aux intérêts, à la sécurité, à la stabilité et à la souveraineté de l’un ou l’autre des pays membres ». Les détails de ce plan n’ont certes pas été clarifiés publiquement et renvoient à l’application de l’accord de Riyad du 23 novembre 2013. Ce jour-là, en présence

MÉDIATION. Si la relation entre le poids

lourd saoudien et le petit émirat gazier a longtemps été orageuse (conflit frontalier au début des années 1990, refus de reconnaître le pouvoir du prince Hamad quand il renversa son père Khalifa Ibn Hamad Al Thani, quasi-rupture des relations diplomatiques de 2002 à 2008), la constitution d’un front anti-Doha est inédite

AFP PHOTO/SPA

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p Salman Ibn Abdelaziz Al Saoud entouré de l’émir du Koweït (à g.) et de Tamim, émir du Qatar, le 23 novembre 2013, à Riyad.

AL-JAZIRA LIGHT IL EST DIFFICILE d’imaginer un Qatar renonçant à sa diplomatie agressive, opportuniste et un tantinet impertinente. C’est ce qui a fait sa signature et lui a permis de surfer sur la vague du Printemps arabe tant vanté N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

par Al-Jazira. Faute de fermer la chaîne qui dérange ses voisins, l’émir Tamim a laissé fuiter le projet d’une chaîne complémentaire, moins marquée religieusement. Basée à Londres, la petite sœur s’appellera Alaraby

Television Network. Le projet est piloté par Azmi Bishara, un proche de l’émir connu pour son rejet des islamistes. Chrétien palestinien, il a été membre de la Knesset sous la bannière du parti arabe Balad. Il a quitté

Israël, où il a été accusé par les autorités de haute trahison et d’avoir soutenu le Hezbollah durant la guerre de l’été 2006. À Doha, il dirige le Palestinian Arab Center for Research and Policy Y.A.A. Studies. l JEUNE AFRIQUE


Coulisses

« BIZUTAGE ». Signe que la confiance

n’est pas encore revenue, la plus grande parade militaire de l’histoire de l’armée saoudienne (baptisée le « Glaive d’Abdallah » : 130 000 hommes, tanks, jets et même, pour la première fois, des missiles balistiques chinois DF-3) s’est déroulée en présence du roi de Bahreïn, du prince héritier émirati, du ministre koweïtien de la Défense et… du chef d’état-major de l’armée pakistanaise. Nulle trace, en revanche, d’un dignitaire qatari. À en croire la presse pro-saoudienne, Doha se serait pourtant engagé à expulser les Frères musulmans accueillis sur son territoire, à mettre un terme à l’activité de centres de recherche (Rand et Brookings) sur son territoire, à museler, enfin, sa chaîne Al-Jazira, principal vecteur d’influence médiatique. La réalité est certainement plus nuancée. Dès le lendemain de l’accord, des sources qataries assuraient qu’elles n’accepteraient aucun diktat. C’est là le nœud du différend avec Riyad. L’Arabie saoudite, qui a aussi été une terre d’accueil pour les Frères musulmans dès le milieu des années 1950, se sent menacée depuis les années 1990 par une contestation interne retournant contre les Saoud l’arme de la religion. Sous la direction de l’émir Hamad Ibn Khalifa et de son cousin Hamad Ibn Jassem, le Qatar est alors devenu la nouvelle Mecque des Frères. Cette stratégie est jugée hostile par les Saoudiens. De leur côté, les Qataris s’agacent de la posture de grand frère de leur gigantesque voisin. Pour la chercheuse Fatiha Dazi-Héni, les récentes poussées d’autoritarisme de Riyad s’apparentent à un « bizutage » de l’émir Tamim. Lui dont le père se targuait d’aimer les lettres françaises devrait méditer ces mots de La Fontaine : « La jeunesse se flatte et croit tout obtenir ; la vieillesse est impitoyable. » l YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE

HOMMAGE JOSETTE ALIA, TUNISIENNE DE CŒUR La maladie a mis un point final, le 1er mai, à Perpignan, à l’article le plus passionnant qu’ait écrit Josette Alia : sa vie. Cette Sarthoise née en 1929, tunisienne de cœur mais avant tout journaliste, engageait les femmes à s’imposer dans les rédactions en portant « la plume dans la plaie ». Après des études à Sciences-Po, elle décide de suivre son mari, Raouf Ben Brahem, à Tunis, où elle entame des études d’archéologie avant de rejoindre la rédaction d’Afrique Action (futur Jeune Afrique). Elle y fait ses premières armes de reporter avec un art consommé du récit. Membre du Maghreb Circus, ce groupe de journalistes occidentaux favorables aux indépendances, elle devient correspondante du Monde àTunis. Mais, en 1966, sa couverture des troubles estudiantins provoque l’ire du président Bourguiba et lui vaut une assignation à résidence. Grâce à l’intercession de Jean Daniel, elle parvient à quitter la Tunisie et intègre la rédaction du Nouvel Observateur, qu’elle  En 1960, elle rejoint la rédaction marquera d’une empreinte d’Afrique Action (futur J.A.), où elle fait ses premières armes de reporter. indélébile. l JOHN FOLEY/OPALE

de ses aînés, Abdallah d’Arabie et Sabah du Koweït, Tamim se serait engagé à ne plus s’immiscer dans les affaires internes de ses voisins. Si le document de Riyad est resté secret, diverses indiscrétions permettent d’entrevoir les contours du compromis du 16 avril. Il est certain que les trois États, ostensiblement poussés par l’intransigeance du ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al Fayçal, ont exigé que le Qatar respecte ses engagements avant tout retour des ambassadeurs rappelés.

Maghreb & Moyen-Orient

LIBYE BON COURAGE ! C’est dans la confusion la plus totale que le Congrès général national libyen (CGN, Parlement) a nommé, le 4 mai, l’homme d’affaires originaire de Misrata, Ahmed Maetig, 42 ans, Premier ministre. Un vote contesté par de nombreux députés et par le Premier ministre démissionnaire, Abdallah el-Thinni. Mais le président du CGN, Nouri Abou Sahmein, absent depuis plusieurs semaines de la scène politique, a finalement acté, avec le soutien des islamistes, la nomination de Maetig, lequel a quinze jours pour former son gouvernement.

SYRIE HOMS « PACIFIÉ » Aux termes d’un accord entre la rébellion et le régime syriens, quelque 1 200 personnes, dont une majorité d’insurgés, doivent être

évacuées de la vieille ville de Homs, considérée comme le berceau de l’insurrection. L’opération, supervisée par trois représentants de l’ONU, a débuté le 7 mai avec le départ de 120 combattants et civils pour Dar al-Kabira, fief rebelle situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Homs.

MAURITANIE MISE AU PAS Une marche organisée par d’anciens déportés négromauritaniens au Sénégal a été violemment dispersée, le 4 mai, à Nouakchott, par les forces de l’ordre. Ibrahim Ndiaye, coordinateur de la manifestation et président de l’Union des rapatriés mauritaniens, exige la mise en place d’une commission d’enquête indépendante où seront représentés les ex-déportés, pour faire la lumière sur ces incidents. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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BRÉSIL

Des couacs

dans la samba


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l aura fallu des semaines aux bâtisseurs du stade Itaquerao, à São Paulo, pour rattraper l’accident de chantier survenu en novembre 2013 : une poutre géante s’était alors effondrée à travers un mur de l’enceinte de 68000 places, tuant deux ouvriers et jetant un froid sur la préparation de la Coupe du monde de football. « Les gens qui travaillent ici disent que le stade ne sera jamais prêt à temps pour le Mondial », affirme Paulo Arminio, un vendeur de sandwichs qui, dans son van, était aux premières loges le jour du drame. Les autorités brésiliennes et la Fédération internationale de football association (Fifa), elles, se disent confiantes : le stade sera achevé avant le 12 juin, date du coup d’envoi de l’événement sportif le plus populaire de la planète. Autre ville, autre arène. À Manaus, dans le nordouest du pays, le stade de l’Amazonie ressemble à un oursin géant avec son exosquelette blanc et hightech. Le chantier a été achevé au-delà du dernier délai, fixé à décembre 2013. Si bien qu’en février dernier, Jérôme Valcke, le secrétaire général de la Fifa, a paru soulagé en voyant la pelouse fraîchement posée. « Certaines grossesses sont plus compliquées que d’autres », a-t-il dit, tentant maladroitement de justifier le retard pris dans la construction des stades. Un exercice de diplomatie qui peine à faire oublier les relations houleuses qu’entretient l’autorité mondiale du football avec le Brésil. L’année dernière, exaspéré par ces retards répétés, « Sepp » Blatter, son président, s’est même demandé si la Fifa n’avait pas pris « une mauvaise décision » en accordant le Mondial au Brésil…

t Lors des grandes manifestations contre la hausse du prix des transports publics (ici à Manaus, le 20 juin 2013).

On croyait que le pays du football se ferait une joie d’accueillir la Coupe du monde en juin. Las, depuis des mois, le cœur n’est plus à la fête. L’économie patine, la corruption galope, et les dépenses somptuaires engagées pour organiser cet événement ne font qu’ajouter à l’exaspération de la rue. JOE LEAHY

BRUNO ZANARDO/FOTOARENA/SIPA USA

SANS ACCROC. La compétition devait pourtant

être la consécration suprême pour le pays du futebol, l’occasion rêvée de célébrer les réalisations économiques de la dernière décennie, qui a vu l’avènement d’une véritable classe moyenne et a confirmé la place du Brésil parmi les nations émergentes phares aux côtés de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud – les fameux Brics. Las, pour l’instant, l’humeur n’est pas à la fête. D’aucuns craignent de nouvelles manifestations, après que des millions de personnes sont descendues dans la rue en juin 2013. Et la situation économique n’arrange pas le moral des troupes : le PIB du Brésil s’est contracté au second semestre de 2013. Le défi de Dilma Rousseff, la présidente, candidate à sa propre succession, en octobre, sous les couleurs du Parti des travailleurs (au pouvoir depuis douze ans), n’est donc pas seulement de veiller à ce que la Coupe du monde se déroule sans accroc, mais aussi de convaincre des investisseurs de plus en plus sceptiques que le Brésil peut retrouver le chemin de la croissance. Si elle y parvient, on pourra dire de ces dix dernières années qu’elles auront été « la décennie de l’Amérique latine », celle où le continent a décollé, sous la houlette du Brésil. Si elle échoue, l’Histoire ne retiendra peut-être l l l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Le dilemme de Dilma En 2010, la croissance brésilienne flirtait avec celle de la Chine. Aujourd’hui, elle fait grise mine. De quoi préoccuper la présidente, qui joue sa réélection en octobre.

C

esdernièresannées,tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Prix des matières premières au zénith, explosion des prêts des banques publiques, fièvre de consommation… En 2010, la croissance brésilienne (7,5 %) a été digne de celle de la Chine, avant de s’écrouler : 2,7 % en 2011, 0,9 % en 2012 et 2,5 % en 2013, selon le Fonds monétaire international (FMI). Si bien que Dilma Rousseff semble bien partie pour décrocher un record peu enviable, celui du mandat durant lequel la croissance moyenne a été le plus faible depuis le président Fernando Collor (1990-1992)… Parallèlement, l’intervention de l’État dans l’énergie, la finance et le pétrole a effrayé les investisseurs, tandis que l’inflation reste élevée (autour de 6 %). En février, Capital Economics, une société d’analyse macroéconomique basée à Londres, a déploré « la décennie perdue » de l’Amérique latine et critiqué le manque d’investissements du Brésil, tombés de plus de 20 % à environ 18 % du PIB entre 2008 et 2013. Le gouvernement ne prend pas ces critiques à la légère. La preuve ? En janvier 2014, Dilma Rousseff s’est rendue pour la première fois au Forum économique mondial de

Davos afin d’assurer aux grands de ce monde que son pays est ouvert au business. De son côté, la Banque centrale a augmenté les taux d’intérêt pour juguler l’inflation, tandis que le gouvernement a poursuivi la privatisation des infrastructures et promis de freiner ses dépenses afin d’éviter une dégradation de sa note par Standard & Poor’s. En vain. Le 24 mars, l’agence a abaissé d’un cran son appréciation de solvabilité du Brésil, de BBB à BBB–. ENFANT CHÉRI. Mais, parallèlement, de hauts responsables se veulent rassurants et minimisent les craintes des économistes. En 2013, la croissance brésilienne n’at-elle pas dépassé celle du Mexique, enfant chéri des marchés, dont le PIB n’a progressé que de 1,2 % ? En outre,letauxdechômageestauplus bas (5,8 %). Enfin, le Brésil a, mieux que d’autres pays, survécu à plusieurs crises économiques globales, notamment à la récente vague de défiance envers les marchés émergents. « Les salaires continuent d’augmenter, les investissements directs étrangers affluent toujours, constate João Augusto de Castro Neves, d’Eurasia Group, spécialiste de l’analyse risque. Ces signaux positifs expliquent pourquoi le gouvernement espère s’en sortir, tant bien que mal. » l J.L.

SIPANY/SIPA

q Dilma Rousseff en visite à Porto Alegre, le 19 février.

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l l l qu’un rendez-vous manqué : à l’exception du Mexique ou du Chili, la région n’aura pas profité de la manne des matières premières pour privilégier l’investissement plutôt que la consommation et introduire des réformes durables (lire ci-contre).

EXUBÉRANTE. Pour Paulo Sotero, directeur de

l’Institut du Brésil au sein du Woodrow Wilson International Center for Scholars, à Washington, « on a perdu le fil de l’Histoire ». « Les sombres perspectives économiques, combinées aux retards dans la construction et la rénovation des stades et des infrastructures de transport, n’ont pas permis aux autorités de présenter la Coupe du monde sous un jour favorable », explique-t-il. Il est vrai que rien ne s’est passé comme prévu. Quand le Brésil a décroché l’organisation de l’événement, en 2007, le président Luiz Inácio Lula da Silva venait tout juste de remporter son second mandat. L’économie surfait sur le cours des matières premières, bénéficiait d’une main-d’œuvre dynamique et de la découverte de vastes gisements de pétrole au large de Rio de Janeiro. Rien ne semblait impossible au Brésil, nation exubérante jusque dans ses promesses à la Fifa… Alors que celle-ci exigeait seulementhuitstades,Brasílias’estengagéàaccueillir la compétition dans douze villes et a évoqué de nombreuses autres infrastructures, laissant même entendre qu’un train à grande vitesse entre Rio de Janeiro et São Paulo serait prêt à temps – depuis, le projet a été mis en sommeil. « Le football est plus qu’un sport pour nous, c’est une passion nationale », avait alors déclaré Lula sur la BBC. La Fifa a mordu à l’hameçon. Malgré la mauvaise réputation du pays en matière de transports, une équipe d’inspection estimait, dans un rapport de 2007, « que les infrastructures existantes permettraient au Brésil d’accueillir la Coupe du monde 2014 dans les meilleures conditions ». Mais l’autorité mondiale du football n’a pas été la seule à pécher par excès de naïveté. Les investisseurs étrangers, eux aussi, ont cru dur comme fer à l’histoire de Lula, qui leur faisait miroiter 30 millions de nouveaux consommateurs venus grossir les rangs de la classe moyenne. Las, en juin 2013, alors que le pays accueillait la Coupe des confédérations, galop d’essai de la Fifa avant la Coupe du monde, les Brésiliens-amoureuxdu-football sont soudain devenus hostiles. Une hausse du tarif des tickets de bus et de métro a déclenché l’ire de la population, avant que celle-ci s’en prenne à l’état déplorable des infrastructures et des services publics, à la corruption des élites et aux dépenses fastueuses occasionnées par le Mondial. « Je dénonce la surfacturation des stades, qui a fait de la Coupe du monde 2014 la plus chère au monde », grognait un contestataire. « Nous voulons des hôpitaux aux normes Fifa », pouvait-on lire sur les banderoles des manifestants. La foule JEUNE AFRIQUE


EDU ANDRADE/CORDON/PRESSE SPORTS

a même hué Dilma Rousseff lors du coup d’envoi de la Coupe des confédérations. Pis, le mouvement de colère s’est mué en un cocktail explosif : usant des méthodes agressives des « Black Blocs », des gauchistes purs et durs et des anarchistes, visage masqué, s’en prennent aux immeubles du gouvernement et aux banques, symboles de l’État et du capitalisme, sans craindre d’affronter les forces de l’ordre. Certes, ces violences ont refroidi nombre de Brésiliens plus modérés, si bien que d’aucuns ne croient pas que de nouvelles manifestations auront lieu pendant la Coupe du monde. « La foule qui est descendue dans la rue en juin 2013 n’est jamais revenue et ne reviendra probablement pas », estime Carlos Eduardo Lins da Silva, conseiller spécial à la São Paulo Research Foundation. Néanmoins, le mouvement de contestation n’a pas complètement disparu. En février dernier, la police de São Paulo a arrêté 262 manifestants en un seul week-end. Et, de manière récurrente depuis plusieurs semaines, des mouvements de protestation contre la hausse des prix et la corruption agitent le pays. DESTIN. Si Rousseff reste populaire, sa chute

s’amorce. Selon un sondage d’avril, elle recueille 38 % des intentions de vote pour l’élection d’octobre, contre 16 % pour Aécio Neves, le candidat du Parti social-démocrate brésilien, et 10 % pour Eduardo Campos, du Parti socialiste. Reste qu’au Brésil le vent peut vite tourner. Personne n’avait prévu les manifestations de l’année dernière. Et si beaucoup pensent que le destin de Rousseff est lié à celui de la JEUNE AFRIQUE

p Le stade flambant neuf de Porto Alegre (alias le Gigante do Beira-Rio)… et ses abords, moins reluisants, le 14 février.

Seleção, l’équipe nationale de football, les mouvements d’humeur de la rue seront tout aussi décisifs. À Manaus, certains dénoncent le coût du stade (environ 600 millions de réales, soit 190 millions d’euros), extravagant pour une ville qui n’a pas d’équipe de football en première division et où les inégalités sont criantes. Bien que la capitale de l’Amazonas soit située au cœur du plus vaste réseau d’eau douce de la planète, seuls 27 % de ses 2 millions d’habitants sont raccordés au système d’assainissement, contre une moyenne nationale de 48 %. Les autorités rétorquent que la Coupe du monde donnera une meilleure visibilité à la ville. « Manaus deviendra bien plus connue à l’échelle mondiale », assure Artur Virgílio Neto, le maire, tandis que Luis Fernandes, vice-ministre des Sports, promet que les réseaux internet de cette région reculée seront considérablement améliorés. Ces arguments suffiront-ils à vaincre le scepticisme des administrés ? Pas sûr… « Si tous les investissements se concentrent sur le Mondial, rien ne changera une fois l’événement passé », craint Diego, un artiste de Manaus. « Nous aimons le football et le sport en général », expliquent les membres du groupe de musique Los Vânda, qui, dans leurs clips diffusés sur YouTube, apparaissent masqués à la manière des « Black Blocs » et ne mâchent pas leurs mots à l’égard des dirigeants brésiliens. « Mais le problème du Mondial, c’est qu’il répond aux intérêts économiques de la Fifa, poursuivent-ils. Pas à ceux de la société. » l avec SAMANTHA PEARSON et THALITA CARRICO © Financial Times et Jeune Afrique 2014. Tous droits réservés N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


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Brésil Des couacs dans la samba

Vite, un cache-sexe! Lors du Mondial, le pays s’apprête à accueillir 600 000 touristes. Presque tous sont mus par l’amour du foot. Mais d’autres, par des passions bien moins avouables. psychologique. « Ces enfants sont souvent issus de milieux très défavorisés. Leur niveau scolaire est très faible et, surtout, ils ont été rejetés par leurs parents. On a notamment recours à des thérapies de groupe pour tenter de leur redonner de l’estime de soi », explique Gilson Costa, le coordinateur du programme. FANTASME. Selon Ana Paula Felizardo,

fondatrice de l’ONG Resposta, ces enfants sacrifiés seraient en partie victimes d’une image négative du Brésil, que ce dernier aurait lui-même contribué à véhiculer. Les publicités officielles des années 1980 et 1990, exhibant le corps de sculpturales Brésiliennes, auraient favorisé une vision dégradante du pays et de ses habitantes. « La samba, le foot, des métisses sexy suggérant que nous autres, Brésiliennes, sommes toutes chaudes comme de la braise… C’est le fantasme que le Brésil a voulu construire. » p Parade de rue à Rio de Janeiro, en février, avant le carnaval. Une image que le pouvoir s’emploie désormais à casser, y compris par la voie mpossible d’y échapper. De Rio à étrangers pouvaient être une source législative. Depuis 2009, l’exposition et São Paulo en passant par Salvador d’argent. Maltraitée par sa mère, elle se la vente de cartes postales représentant de Bahia, sur des affiches géantes, retrouve à la rue à 10 ans et commence des femmes dénudées est interdite. Mais Kaka, la star brésilienne du footà se prostituer. « Un jour, mes copines les clichés ont la vie dure. Ainsi, Adidas ball, serine un message sans équivoque : m’ont dit : “Viens, ça va être sympa.” On a cru pouvoir doper ses ventes sur le est allées sur la plage de Ponta Negra, « L’exploitation sexuelle des enfants est marché américain en distribuant deux parce qu’il y a beaucoup de touristes. un crime. » Cette grande campagne tee-shirts au goût douteux. Le premier, de sensibilisation lancée à un mois du On les attendait, ils venaient en voiture orné du slogan « I love Brazil », était et on partait avec eux. » Pour trois euros Mondial témoigne d’un mal qui gangrène assorti d’une paire de fesses en string ; le le pays. Comme la Thaïlande, le Brésil fait second montrait une jeune aujourd’hui partie des destinations où le femme en bikini, ballon à la En 2011, selon les chiffres tourisme sexuel prend des proportions main, avec une inscription de la police fédérale, quelque alarmantes. En 2011, selon les chiffres à double sens, « Looking to de la police fédérale, 250 000 enfants se score » : « envie de marquer 250 000 enfants se prostituaient. prostituaient. Pour les associations de un but » ou, plus crûment, protection de l’enfance, l’inquiétude va « envie de conclure ». ou parfois un simple repas, Suzana vencroissant à l’approche de la Coupe du dra son corps pendant près de sept ans. La réaction des autorités brésiliennes Un passé douloureux que la jeune monde. Comment contenir ce tourisme ne s’est pas fait attendre. Eleonora femme accepte d’évoquer pour monindésirable alors que le pays s’apprête à Menicucci, la ministre de la Condition trer à d’autres qu’il n’y a pas de fatalité et recevoir 600 000 visiteurs et que 3 milféminine, a tancé un « manque de reslions de Brésiliens devraient eux aussi que l’on peut « s’en sortir ». Aujourd’hui, pect » de l’équipementier allemand. De Suzana a tourné la page et suit une forse déplacer à travers le pays ? son côté, Dilma Rousseff, la présidente, Certains lieux sont plus sensibles que mation dans l’hôtellerie, dans le cadre du a réagi sur son compte Twitter. Sans citer d’autres. Comme le Nordeste, la région la projet ViraVida (« Change de vie »). Un Adidas, elle a annoncé que le Brésil se plus pauvre, dont les plages paradisiaques programme financé par des entreprises réjouissait d’accueillir les touristes du et un climat éternellement ensoleillé privées, qui vient en aide aux prostitués monde entier mais que son pays était également prêt à lutter contre le tourisme attirent des hordes de touristes. Parfois âgés de 16 à 21 ans en leur dispensant sexuel. l pour le pire… Suzana, 17 ans, voix grave une formation professionnelle et en RAHABI KA, à Salvador de Bahia et visage émacié, a vite compris que ces entamant un travail de reconstruction RENZO GOSTOLI/ARCHIVO LATINO-REA

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

p Le krav-maga, un art martial d’origine tchécoslovaque notamment adopté par le Mossad israélien…

Alexandra Ahouandjinou Donneuse de leçons Docteur en philosophie, cette métisse franco-béninoise est aussi professeur d’autodéfense.

O

N CONNAISSAIT LE KUNG-FU, le karaté, le judo et quelques autres pratiques qu’un oxymore qualifie d’« arts martiaux ». Le krav-maga, par contre, jamais entendu parler. Hop, réflexe Wikipédia et nous voilà renseigné sur une discipline a priori peu sympathique : « Méthode d’autodéfense tchécoslovaque adoptée parTsahal et le Mossad, et par de nombreuses troupes d’élite dans le monde. » Bon, est-il finalement vraiment nécessaire d’aller à la rencontre d’Alexandra Ahouandjinou, « professeur de selfdéfense »? Le titre de son livre, Petit Kit philosophique de survie pour faire face aux agressions de la vie quotidienne, et sa seconde casquette – docteur en philosophie – rassurent. Allons-y donc, en évitant les mouvements brusques, histoire de ne pas se retrouver sur le trottoir, la tête dans le caniveau – fût-il celui du 16e arrondissement de Paris.

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Bien sûr, elle est jolie et plutôt fluette, histoire de tromper l’ennemi. La ruse est connue, ne pas baisser la garde. Commençons par ces questions anodines qui trahissent tant. L’enfance, terreau auquel l’adulte revient toujours, quoi qu’il en dise. Elle, c’est un père béninois d’origine togolaise et une mère française. Née en 1979 dans le 14e arrondissement, elle vit pendant cinq ans à Orly, dans une cité HLM. Sa mère est prospecteur placier à l’ANPE, son père travaille aux douanes. Plus tard, ce sera Choisy-le-Roi, « une banlieue moins racailleuse », jusqu’à l’âge de 17 ans. Mais les premiers souvenirs ne se soucient guère de la géographie. « Je marchais à peine et je tenais le doigt de ma mère, raconte-t-elle. C’était dans la rue, il venait de pleuvoir et il y avait un filet d’eau où se reflétait l’éclat du soleil. Je crois que c’est mon premier souvenir de beauté. » Mais il y a autre chose: « Je me souviens aussi

d’une grosse colère au cours de laquelle j’ai donné un coup de pied à ma mère. J’en ai conçu une terrible culpabilité. » E n fa n t m é t i s s e , A l e x a n d r a Ahouandjinou entend comme tant d’autres des réflexions à caractère raciste. « J’étais première de ma classe et je me demandais si j’étais rejetée parce que j’étais noire ou parce que j’étais bonne à l’école. » Plus tard, les choses seront plus claires quand des professeurs lui asséneront qu’elle a « un cocotier dans la main » ou qu’elle ferait mieux « de faire du sport plutôt que de la philosophie ». Mais passons sur la France, allons au Bénin. Ou pas, puisque de ce pays elle ne connaît que les cadeaux que lui rapportait son père, l’odeur si caractéristique des statuettes et tambourins pour touristes. « Ma mère ne voulait ni aller au Bénin ni nous y emmener parce qu’il y avait trop de demandes d’argent de la part de la famille paternelle. Aujourd’hui, si je n’y suis pas retournée, c’est aussi parce qu’elle craignait qu’on aime trop et qu’on s’éloigne. » La philosophie débarque chez elle à l’adolescence, quand sa sœur rapporte un exemplaire de L’Être et le Néant, de Jean-Paul Sartre. Un pavé peu accessible JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Au début, elle n’imagine pas en vivre et entame sa vie professionnelle dans une société de services, Accenture, puis chez Vision IT Consulting Group. Pas longtemps. « Ça m’a saoulée, dit-elle. C’était un peu trop faux-cul et j’ai du mal à être faux-cul. Et puis je voulais un peu plus de vie à côté, je commençais à déprimer. » En outre, elle s’est découvert la passion du krav-maga, qui lui convient mieux « humainement » et lui permet de voir les gens « évoluer, grandir ». « J’aime bien ce qui est lié à l’histoire juive, la notion de rebonds, ces situations extrêmes où vous trouvez quand même le souffle pour vous en sortir. » Elle est devenue prof, notamment pour le fils d’une célébrité dont elle ne doit en aucun cas dévoiler le nom… « L’idée du livre est venue de mon éditrice chez Plon. Je n’ai pas été séduite au début, puis je me suis dit que ce n’était pas idiot de faire le lien entre la pratique de l’autodéfense et la philosophie, d’essayer de rendre mon expérience transmissible. » Le résultat? Un manuel gentillet qui invite à « faire un pas de côté » face à la violence et, comme dirait Emmanuel Kant, à toujours considérer autrui comme une fin, non comme un moyen. OK, pas de provocation inutile. Et puis Alexandra Ahouandjinou ne compte pas s’arrêter là: elle travaille sur un roman de science-fiction. « J’ai besoin de la sensualité des mots. Je ne peux plus me contenter du concept asséNICOLAS MICHEL ché. » l

TURQUIE

Ahmet contre Goliath Le 2 mai, le journaliste Ahmet Sik a reçu le Prix mondial de la liberté de la presse. Un pied de nez à la politique répressive d’Erdogan.

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l voulait devenir avocat, mais, un peu par hasard, il a trouvé sa voie. Le journalisme. Un métier à risque en Turquie. « Dans les années 1990, quand le régime était dominé par les militaires, on me traitait de terroriste et, menacé par la police, j’ai dû me réfugier à Paris pendant dix mois ; aujourd’hui, sous l’AKP [islamiste], on me traite aussi de terroriste », confie Ahmet Sik. À 44 ans, ce Stambouliote natif d’Adana (sud du pays), réputé pour ses talents d’enquêteur, a reçu, le 2 mai à Paris, le Prix mondial de la liberté de la presse Unesco-Guillermo-Cano, qui distingue chaque année une personnalité « ayant apporté une contribution notable à la défense de la liberté d’expression ». Un camouflet pour la « démocratie musulmane » de l’AKP, qui figure en 154e position sur 180 pays dans le classement mondial 2013 de Reporters sans frontières et où Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre, a bloqué l’accès à Twitter et YouTube au moment où lui

MANUSCRIT. En mars 2011, lors de plu-

Photo : VINCENT FOURNIER/J.A. Petit Kit philosophique de survie pour faire face aux agressions de la vie quotidienne, Presses de la Renaissance, 138 pages, 12,50 euros JEUNE AFRIQUE

et ses proches étaient soupçonnés de corruption. « Dans un pays où les violations des droits de l’homme sont fréquentes, le journalisme sert à revendiquer ces droits et à critiquer l’action des gouvernements successifs. Mais quand on critique la violence d’État, on en devient la victime », souligne Sik. Bien qu’il ait dédié son prix à ses confrères emprisonnés et ne s’épanche jamais sur ses propres souffrances, le journaliste sait de quoi est capable un « régime qui devient de plus en plus fasciste ». En mai 2013, son visage ensanglanté avait fait la une des quotidiens après qu’il eut été molesté par la police lors du mouvement de protestation de Gezi, à Istanbul. Avant cela, en mars 2012, c’est ce même visage, fatigué mais radieux, qui était apparu sur les écrans de télévision : il venait d’être libéré après avoir passé treize mois en prison. Une peine qu’il attribue à ses enquêtes sur la confrérie de l’imam Fethullah Gülen, naguère alliée de l’AKP. Il en explorait les réseaux tentaculaires dans le monde entier, la structure et les finances opaques. Surtout, il dénonçait son entrisme, inquiétant selon lui, dans les rouages de l’État : police, armée, services secrets et justice.

VINCENT FOURNIER/J.A.

pour une fille de 13 ans, mais fascinant. « Quelque chose me parlait dans cette abstraction », dit-elle.Véritable « extraterrestre », selon ses propres termes, elle « cartonne en fac », soutient une thèse sur Heidegger en 2003 et obtient un diplôme d’ingénieur en informatique en 2004. Mens sana in corpore sano, elle pratique avec assiduité le kung-fu. Et le justifie ainsi: « Je n’ai jamais supporté l’idée d’avoir à subir une quelconque violence. J’avais une sœur très féroce envers moi, et je pense que ma détermination vient de là. »

p Arrêté en 2011, il a passé treize mois en prison.

sieurs perquisitions, la police détruisait tous les fichiers informatiques contenant son manuscrit, L’Armée de l’imam, avant même sa publication. Et le journaliste était incarcéré. Son « crime » supposé ? être membre du gang Ergenekon – une organisation soupçonnée de complot contre le gouvernement et dont il avait pourtant contribué à dévoiler l’existence ! Exclu depuis 2007 des médias à grande diffusion, Sik est parvenu à publier L’Armée de l’imam sous un autre titre, Le Livre000. Il donne aujourd’hui des cours à l’université Bilgi d’Istanbul, travaille pour le quotidien BirGün et surtout à son prochain livre, qu’il espère voir publié en anglais: le fruit de ses enquêtes sur la guerre que se livrent l’AKP et la confrérie Gülen, désormais ennemis. l JOSÉPHINE DEDET N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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LE PLUS

de Jeune Afrique

POLITIQUE En attendant un miracle…

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ÉCONOMIE Stable, désespérément stable INFRASTRUCTURES Ça avance? CULTURE Aux arts, citoyens!

CAMEROUN

Où sont passés

les Lions?

VINCENT FOURNIER/J.A.

Comme repu, le fauve camerounais semble aujourd’hui montrer patte douce. Alors qu’il devrait sortir ses griffes, au nom d’une ambition qui reste encore à concrétiser.

JEUNE AFRIQUE

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014



LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

de Jeune Afrique

CAMEROUN

Où sont passés

les Lions?

Prélude Stéphane Ballong

Yes, we Cam!

E

NFIN RENTRÉ AU PAYS, après chez les plus défavorisés, toujours aussi avoir mené ces dernières précaires. semaines un travail diplomatique de tous les instants à Il est vrai que les chantiers d’infrasGenève selon la presse camerounaise, tructures de transport et d’énergie lancés Paul Biya va pouvoir insuffler un nouveau ces dernières années, ainsi que la réorganisation en cours dans les secteurs dynamisme à son pays. C’est du moins ce que souhaitent les Camerounais, les de l’électricité et de l’eau, commencent partenaires au développement et les à changer la donne et que la situation investisseurs étrangers, qui attendent la devrait continuer à s’améliorer au fur et nominationd’unnouveaugouvernement à mesure de la réalisation de ces grands depuis les législatives de septembre 2013. travaux tant attendus. Incontestable poids lourd sous-régional, Le pays déborde d’idées et ne manque par sa population pas de talents. Aux pouvoirs publics (quelque 22 milde leur donner les moyens de réussir. lions d’habitants) mais aussi par ses multiples richesses agricoles, minières D’autant que la production pétrolière et pétrolières, le « lion » d’Afrique cenretrouve de la vigueur – une aubaine vu trale semble en effet s’être passablement la bonne tenue des cours du brut – et que assoupi. la hausse des volumes agricoles vient augmenter les exportations et doper les recettes de l’État. Mais pour relancer Ce sont d’abord les chiffres qui le disent, dans les derniers rapports publiés définitivement la machine et libérer tout le potentiel qu’on prête au pays, par les institutions internationales. Après Yaoundé devra montrer davantage de avoir vu son taux de croissance progresvolonté et d’efficacité. ser entre 2011 (4,1 %) et 2012 (4,6 %), le pays fera à peine aussi bien cette année Car le Cameroun ne manque pas qu’en 2013 : son PIB ne gonflera que de 4,8 %, contre 4,7 % l’année dernière. d’atouts. À l’image de sa jeunesse, nomUne performance nettement en dessous breuse (64 % de la population a moins de 25 ans) et dynamique, comme le des 6,7 % prévus pour l’ensemble de la Communauté économique et monédémontrent les initiatives prises par cette taire de l’Afrique centrale (Cemac), dont génération en pleine effervescence dans le Cameroun est pourtant considéré les secteurs de la mode, du numérique ou comme la locomotive. même de la santé. Le Cameroun déborde Ce sont ensuite les Camerounais euxd’idées et ne manque pas de talents. mêmes qui le confirment : la machine Aux pouvoirs publics de leur donner les ronronne et ils le ressentent au quotidien. moyens de réussir pour qu’ensemble ils Les revenus restent faibles, le chômage puissent aider leur pays à relever le défi élevé et les conditions de vie, notamment de l’émergence promise pour 2035 ! l

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POLITIQUE En attendant un miracle… p. 64 PORTRAITS Au cœur du système

p. 68

ÉCONOMIE Stable, désespérément stable p. 72 ENTREPRENEURIAT Têtes chercheuses

p. 76

TRIBUNE Florian Ngimbis, écrivain et blogueur p. 80 INFRASTRUCTURES Ça avance ? p. 83

HYDROCARBURES Vers un passage de relais p. 86 SANTÉ Régime sans sucre

p. 88

MODE Créateurs de tendances p. 90 CULTURE Aux arts, citoyens !

p. 94

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Le Plus de Jeune Afrique

POLITIQUE

En attendant Un remaniement qui se fait attendre, des ministres qui se détestent cordialement et, sans surprise, peu de résultats. À ce rythme, il sera difficile d’atteindre l’émergence en 2035.


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un miracle… GEORGES DOUGUELI

«

N

t Le 27 avril, Paul Biya s’est de nouveau rendu au Vatican pour y rencontrer le pape François (ici en octobre 2013).

REX/SIPA

ul ne connaît ni le jour ni l’heure », plaisante un ministre camerounais en citant la Bible. Avant de soupirer : « Quand on vit dans l’attente d’un remaniement sans cesse annoncé mais qui n’arrive pas, on se fait une raison. » Comme lui, l’ensemble de l’équipe gouvernementale dirigée par Philémon Yang se remet d’une grosse déprime consécutive aux élections législatives du 30 septembre 2013. Pourtant, le scrutin a été un succès pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), qui a remporté 148 des 180 sièges. Mais il a fait naître, avec la perspective d’un remaniement, des inquiétudes chez les membres du gouvernement quant à leur maintien ou non au sein de l’équipe. Pendant de longues semaines, toute l’administration, à l’arrêt, a attendu en vain la lecture à la radio du fameux décret qui fait et défait les destins. Ministres et secrétaires d’État l’ont espérée comme on attend d’un chef qu’il récompense les meilleurs et punisse les médiocres. Les partenaires au développement souhaitaient, eux, un nouveau souffle pour les « grandes réalisations » censées jalonner le septennat en cours. Peine perdue. Il va falloir s’y faire, Paul Biya ne changera pas de sitôt une façon de gouverner qui lui a permis de se maintenir trente-deux ans au pouvoir.

EFFICACITÉ. Le président camerounais préférera toujours la distance et la hauteur à la transparence et à la proximité. De lui, on croit tout savoir, tant ses biographes – qu’il ne rencontre pas – ressassent la même histoire. Ils écrivent qu’il est toujours en retrait, regardant la scène politique en surplomb ; ils assurent que Biya peut passer plusieurs années sans tenir de Conseil des ministres ni parler à ses (nombreux) proches collaborateurs. Ils rappellent que ce chef d’État singulier n’a accordé qu’une poignée d’interviews en trois décennies, que même en période électorale il n’a jamais participé à un débat contradictoire… Mais si la « méthode Biya » semble réussir au président, l’exécutif a comme un problème d’efficacité, alors que le moindre retard obère l’objectif d’atteindre le statut de pays émergent à l’horizon 2035. Le chef N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


Le Plus de J.A. Cameroun de l’État dénonce « l’immobilisme et l’inertie » à longueur de discours, sans parvenir pour l’instant à accélérer la réalisation des projets. Le Premier ministre, qui n’est au demeurant pas doté de larges attributions, n’a jamais parlé à la presse pour expliquer les coupures récurrentes d’eau et d’électricité, les retards dans les grands travaux miniers, les ratés de l’opération anticorruption Épervier ou encore la faiblesse persistante du pouvoir d’achat des ménages. Pourquoi l’évaluation des ministres, annoncée dans l’euphorie de la victoire à la dernière présidentielle, n’a-t-elle jamais eu lieu ? Quelle est la valeur ajoutée d’une équipe au sein de laquelle fermentent des haines peu propices à la cohésion? Laurent Esso, le garde des Sceaux, déteste cordialement son prédécesseur, Amadou Ali, désormais chargé des Relations avec les Assemblées. Entre Maxime Eko Eko, le patron des services secrets, et Edgard Alain Mebe Ngo’o, le ministre chargé de la Défense, l’inimitié est notoire. Arrêté puis libéré sur ordre du président de la République au bout de vingt-quatre heures de détention, Louis Bapès Bapès, ministre des Enseignements secondaires, ne compte probablement pas son collègue de la Justice parmi ses amis. Quant au conflit opposant Basile Atangana Kouna, ministre de l’Eau et de l’Énergie, et Jean William Sollo, son successeur à la tête de Camwater (l’organisme public chargé du développement des infrastructures de production et de distribution d’eau), il est connu jusque dans les couloirs de l’Agence française de développement, le partenaire censé financer les infrastructures dans ce domaine. Entre collègues, les coups se portent par journaux interposés. « La presse est à l’image du pays : bâtarde, nécessiteuse, intéressée et finalement attachée à des lobbys tribaux, économiques, politiques, etc. On ne peut rien en attendre pour l’instant, puisqu’il ne lui est demandé que d’accompagner et de se taire », se plaint Félix Cyriaque Ebole Bola, président du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC). AMBITIEUX. Pour ajouter à l’ambiance délétère,

le chef de l’État, à 81 ans, n’a adoubé aucun dauphin. Il a dynamité, en les livrant à la justice, les groupes d’ambitieux qui s’agrégeaient dans la perspective de sa succession. Ne survivent à ses côtés que des technocrates ou des hauts fonctionnaires (lire pp. 68-69) dépourvus de mandat électif et de réseau, comme Ferdinand Ngoh Ngoh, un diplomate qu’il a nommé en 2011 secrétaire général de la présidence à la surprise générale, ou les universitaires Luc Sindjoun et Narcisse Mouelle Kombi, conseillers spéciaux. Inertie à l’intérieur, menace aux frontières de la Centrafrique et du Nigeria voisins. Chassés par les violences, des milliers de Centrafricains ont trouvé refuge en territoire camerounais, provoquant ainsi N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

une extension du conflit aux zones frontalières. La crise centrafricaine a aussi un coût économique : elle perturbe fortement le trafic de camions entre Bangui et son principal débouché maritime, le port camerounais de Douala. Et dans le Grand Nord camerounais, la lutte antiterroriste lancée par les autorités nigérianes contre la secte islamiste Boko Haram prend chaque jour un peu plus d’ampleur. PROMETTEUR. Améliorer la gouvernance, lutter

Seul un jeune sur quatre arrivant sur le marché du travail trouve un emploi.

La crise centrafricaine déborde

140 000

Centrafricains étaient réfugiés au Cameroun en avril (dont 42 000 arrivés depuis janvier)

5,6 millions

d’euros par mois : c’est le manque à gagner dû aux retombées du conflit sur le commerce transfrontalier

SOURCES : HCR, BGFT

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contre la pauvreté et stabiliser la situation sécuritaire : trois défis majeurs que le pays doit relever s’il veut continuer à attirer les investisseurs. Car en dépit des problèmes récurrents, le potentiel du Cameroun reste prometteur. D’autant que la première phase des projets structurants lancés à partir de 2009 commence à se concrétiser (lire pp. 83-84). Moderne et suffisamment vaste pour satisfaire les besoins de la sous-région, le port de Kribi va démarrer ses activités dans le courant de l’année. Dans le même temps, le projet de ligne de chemin de fer en direction du Tchad pourrait accélérer grâce à un financement accordé par la Chine. En plus de réduire les délais de transport, cet axe ferroviaire devrait augmenter le volume des exportations vers les pays de l’hinterland et doper les échanges régionaux pour le plus grand profit du Cameroun, au moment même où la mécanisation de l’agriculture et le développement de la transformation commencent à porter leurs fruits. Plus de 9 milliards de F CFA (environ 14 millions d’euros) ont été investis en zone rurale, dans les filières du soja, du maïs ou de l’ananas. Reste à obtenir l’adhésion de la population, qui montre des signes d’agacement – face aux pénuries d’énergie notamment. Le chômage reste trop élevé et les mesures censées le réduire ne sont pas appliquées. L’État a bien recruté 25 000 jeunes ces deux dernières années mais, peu formés et mal rémunérés, ils sont vulnérables face à la corruption qui gangrène l’administration. Plus que jamais connectée aux réseaux sociaux, la jeunesse n’aspire qu’à étudier, travailler pour s’épanouir dans son propre pays (lire p. 80). Mais seul un jeune sur quatre arrivant sur le marché du travail trouve un emploi. Le fossé qui sépare cette tranche de la population de la classe dirigeante se creuse chaque jour un peu plus et le taux de croissance annuel scotché sous les 5 % (lire pp. 72-74) ne permet pas de réduire la pauvreté endémique des campagnes. Plus que jamais, il semble urgent d’agir. Aux abonnés absents pendant près d’un mois, Paul Biya est sorti de sa retraite genevoise, se rendant au Vatican le 27 avril pour y rencontrer le pape François – espérant peut-être trouver la lumière auprès du souverain pontife. Il faudrait rien de moins qu’un miracle pour permettre au Cameroun d’être au rendez-vous de l’émergence fixé par son président. l JEUNE AFRIQUE


1er opérateur de logistique intégrée au Cameroun Opérateur portuaire Concessionnaire du terminal à conteneurs du Port de Douala depuis 2005, Douala International Terminal (DIT), est une référence portuaire en Afrique avec des performances élevées aux standards internationaux.

Logistique sur mesure Expert des solutions logistiques multimodales pour les grands projets industriels : transport terrestre, shipping, transit, gestion du parc à bois (SEPBC), manutention conventionnelle, messagerie express et agences de voyages.

Opérateur ferroviaire Camrail, partenariat public-privé réussi au Cameroun, a inauguré le train rapide entre Douala et Yaoundé. Elle développe une politique volontariste d’amélioration de la qualité du service voyageurs et fret et investit 12 milliards de Fcfa annuellement dans la modernisation de la voie et des infrastructures. Avec 7000 collaborateurs au Cameroun, Bolloré Africa Logistics est l’un des premiers employeurs privés. Il développe une politique de développement durable ambitieuse et participe au développement économique du Cameroun. Siège social de Bolloré Africa Logistics Cameroun : Vallée Tokoto – Zone des professions maritimes BP : 4057 Douala – République du Cameroun Tél : (237) 33 50 12 12 / Fax : (237) 33 42 26 66 / email : bollore.africa-logistics.cm@bollore.com / Site web : www.bollore-africa-logistics.com


Le Plus de J.A. Cameroun PORTRAITS

Au cœur du système Ils sont des pièces maîtresses du gouvernement de Paul Biya. Sécurité, chantiers économiques : ces ministres et hauts fonctionnaires font avancer les dossiers.

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dgard Alain Mebe Ngo’o est sur la brèche. Mi-avril, le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense a envoyé de nouvelles unités dans le nord du pays. Les incursions régulières de la secte nigériane Boko Haram dans cette région, conjuguées à celles de bandes venues de République centrafricaine le long de la frontière orientale, ne laissent aucun répit à l’armée. Mebe Ngo’o n’a donc d’autre choix que de monter en première ligne sur le terrain médiatique, pour rendre compte des victoires et tenir à jour la comptabilité macabre des pertes en vies humaines. Tout en exerçant une veille permanente sur la péninsule de Bakassi, zone de tensions entre le Cameroun et le Nigeria. Cet administrateur civil de 57 ans, qui logea une partie de sa jeunesse chez le Premier ministre Paul Biya, met en musique la réforme de l’armée. Il a largement inspiré le discours présidentiel plein de promesses (harmonisation des âges

de départ à la retraite, construction de logements et accès des militaires à la propriété immobilière) lors du cinquantenaire des armées, en 2010. L’effort de recrutement – plus de 10 000 hommes et femmes en quatre ans – et d’acquisition de matériel qu’il a impulsé lui vaut une certaine reconnaissance dans les rangs. « Il ménage beaucoup les généraux, c’est très important pour le chef de l’État », indique un observateur. Mebe Ngo’o a toutefois obtenu la tête du contreamiral Jean-Pierre Nsola, qui avait croisé le fer avec lui à propos d’un achat de matériel militaire en Chine. Sa connaissance des dossiers sécuritaires tient à son parcours dans la préfectorale, mais aussi à son passage à la tête du cabinet civil de la présidence puis aux commandes de la police. Ce sécurocrate est aussi « l’exécuteur des basses œuvres », souffle l’un de ses détracteurs. En 1997, alors préfet du Mfoundi (le département de Yaoundé), il établit un cordon sanitaire autour de

JEAN PIERRE KEPSEU

Edgard Alain Mebe Ngo’o Le sécurocrate

Titus Edzoa, qui vient de démissionner du gouvernement pour se présenter à la présidentielle. Et du temps où il régnait sur la police, les arrestations spectaculaires d’ex-barons en disgrâce dans le cadre de l’opération Épervier portaient sa signature. l OMER MBADI, à Yaoundé

Martin Belinga Eboutou Le « vice-président »

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PS

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Et Martin Belinga Eboutou ne se prive pas de mettre à profit sa proximité avec le président pour imprimer sa marque. Il est notamment derrière l’avènement du ministère des Marchés publics, en décembre 2011. Beaucoup estiment que sa désapprobation a eu raison de la volonté de son patron de céder aux demandes pressantes du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en réformant les subventions sur les carburants – sujet éminemment sensible. Également chargé des rapports avec l’opposition, Martin Belinga est l’interlocuteur privilégié de John Fru Ndi. Il a notamment été E PI N à l’initiative de la rencontre entre ce dernier et le JE A président Biya en 2010, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire des armées à Bamenda, fief du Social Democratic Front (SDF, le parti de Fru Ndi). Reste que sa gestion des festivités organisées pour les cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification semble avoir laissé un O.M. goût d’inachevé à son mentor. l KE

our prendre vraiment la mesure du pouvoir exercé par le directeur du cabinet civil de la présidence, il suffit de voir les nombreuses personnalités se pressant à sa résidence. Ministres et directeurs généraux y attendent d’être reçus par celui que l’on surnomme le vice-président. Martin Belinga Eboutou a été le grand architecte de l’équipe gouvernementale actuellement en poste, et « nombre de ministres sont ses obligés », glisse un connaisseur du landerneau politique camerounais. De la même génération que Paul Biya, ce diplomate chevronné de 74 ans reste pratiquement son dernier confident. Un compagnonnage de cinquante ans qui a même résisté aux assauts de Chantal Biya, la première dame ne le portant pas dans son cœur. « Il est la mémoire publique et privée du président. Même s’il venait à quitter ses fonctions aujourd’hui, son influence sur la marche des affaires publiques resterait intacte », assure le même observateur.

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JEUNE AFRIQUE


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Franck Biya Le « fils de »

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE

Ferdinand Ngoh Ngoh L’hyperactif

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iplomate de formation, passé par les Nations unies puis par le ministère des Relations extérieures, l’actuel secrétaire général de la présidence jouit de la confiance de Paul Biya, qu’il peut joindre à tout moment, mais aussi d’une grande proximité avec la première dame, originaire comme lui de Minta (Haute-Sanaga). Ses partisans portent à son crédit la reprise en main de Camair-Co, la compagnie aérienne nationale. Mais c’est pendant les négociations pour la libération des otages français enlevés dans l’extrême nord du pays en 2013 que ce spécialiste des questions de sécurité est réellement devenu incontournable. C’est lui qui a été à la manœuvre, au détriment

de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) ou de la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), allant lui-même chercher les otages à Maroua pour les ramener à Yaoundé. Moins discret que son prédécesseur, Laurent Esso, Ngoh Ngoh agit et, surtout, le fait savoir. Ses ennemis lui reprochent son hyperactivité, le soupçonnant notamment d’avoir orchestré l’arrestation de Mohammed Iya, l’exprésident de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Avec un brin de perfidie, ils n’hésitent d’ailleurs pas à rappeler que plusieurs anciens titulaires de son prestigieux poste sont passés ensuite par la case prison. l C.J.-Y.

JEAN PIERRE KEPSEU

vant lui, peu de Camerounais savaient quel était le rôle d’un secrétaire général des services de la primature. Depuis sa prise de fonctions, en décembre 2011, LouisPaul Motaze donne un relief particulier à ce poste. Ses missions : coordonner l’action gouvernementale et préparer les arbitrages du Premier ministre, comme Jules Doret Ndongo ou LouisMarie Abogo Nkono avant lui. Mais contrairement à ses prédécesseurs, qui n’avaient jamais détenu de portefeuille, Motaze est arrivé auréolé de sa gloire d’ex-ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire. Il est à l’origine des projets structurants, dont il coordonne aujourd’hui la mise en œuvre. Connaissant parfaitement ses dossiers, il est de tous les voyages présidentiels et sait intéresser les bailleurs de fonds aux ambitions camerounaises, qu’il s’agisse du deuxième pont sur le Wouri, du port de Kribi ou des barrages de Lom Pangar et Memve’ele. L’administrateur de 55 ans fait partie du premier cercle de Paul Biya – il est l’un des rares à pouvoir le voir et lui parler quand il le veut – et passe même aux yeux de certains pour le véritable Premier ministre, éclipsant le titulaire officiel de la fonction, le discret Philémon Yang. Mais à la presse, qui ironise sur le rôle de figurant joué par ce dernier, Motaze précise, en fin diplomate, qu’il n’est qu’un technicien au service du chef du gouvernement. l

E KEP SEU

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P IE R R

Louis-Paul Motaze Le technicien

n lui prête le rôle de conseiller officieux de son père depuis la fin de leur brouille, au milieu de la décennie écoulée. Mais Franck Emmanuel Biya, 44 ans, préfère de loin le monde silencieux de l’exploitation forestière au bruyant marigot politique de Yaoundé. Contrairement à Chantal, sa belle-mère, qui a réussi à tisser un réseau d’influence, le fils aîné de Paul Biya restreint son lobbying au cercle familial. « Il lui arrive de rapporter que tel cousin ou tel oncle se sent lésé. Quelquefois, il intercède pour une personnalité du Sud, sa région d’origine, mais pas plus », observe un habitué du palais d’Etoudi. Pourtant, les sollicitations sont constantes, comme l’illustre le ballet des « visiteurs du soir » dans sa résidence du Lac, à Yaoundé. Au point que l’hypothèse de consultations officieuses pour le compte du chef de l’État n’est pas écartée, même si Franck Biya « repousse plus de 90 % des demandes d’intervention auprès de son père », selon notre source. Il est néanmoins devenu, à son corps défendant, un recours pour les barons incapables d’accéder au président. Il lui sera donc difficile d’échapper au destin politique que beaucoup imaginent pour lui. À l’approche d’un remaniement ministériel qui se fait attendre, certains lui prédisent un maroquin. Pas sûr que l’intéressé soit preneur, à moins qu’il ne force sa nature pour sortir de l’ombre. Il pourrait aussi placer ses pions au sein du gouvernement, comme le soupçonne la rumeur. l O.M.

JE A N

JEAN PIERRE KEPSEU

O


COMMUNIQUÉ

L

a société ELECTRICITY DEVELOPMENT CORPORATION (EDC) a été créée en 2006 pour gérer le patrimoine électrique du Cameroun. Elle mène à bien l’un des plus grands projets d’infrastructures du pays, le barrage de Lom Pangar. Société à capital public dont l’État du Cameroun est l’actionnaire unique, EDC est le gestionnaire du patrimoine national camerounais dans le secteur de l’électricité et le maître d’œuvre de tout projet d’infrastructures confié par l’État dans ce domaine. Depuis sa création, en 2006, EDC consacre une grande partie de son énergie et de ses compétences au Projet d’aménagement hydroélectrique de Lom Pangar.

Le plus grand barrage réservoir du Cameroun

Notre mission Développer et gérer les ouvrages de production de transport et de distribution de l’électricité, en vue d’accroître l’offre d’énergie nécessaire au développement durable du Cameroun.

Dérivation provisoire du fleuve Lom.

Le Projet Lom Pangar Le Projet Lom Pangar, dans l’est du Cameroun, est localisé sur la rivière Lom, à quelques kilomètres en aval de sa confluence avec le Pangar. Les travaux portent sur la construction d’un barrage d’une capacité de retenue de 6 milliards de m3 d’eau – le plus grand barrageréservoir jamais réalisé au Cameroun. Le projet comprend également la construction, au pied du barrage, d’une centrale hydroélectrique d’une capacité de 30 MW, et d’une ligne électrique à haute tension de transport de l’énergie pour l’électrification de la Région de l’Est, ainsi que de la mise en œuvre d’un ensemble de mesures environnementales et sociales, comprenant la réalisation de plusieurs infrastructures communautaires au bénéfice des populations.

D’une capacité de retenue de 6 milliards de m3 d’eau, le réservoir sera mis en eau en 2015.

Une ambition largement soutenue D’un coût de 238 milliards de F CFA, la construction du barrage de Lom Pangar est financée conjointement par le Gouvernement camerounais, la Banque Mondiale, l’Agence française de développement (AFD), la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque de développement des états de l’Afrique centrale (BDEAC).


Mesures sociales et environnementales Sur le site, EDC gère bien entendu des programmes visant à limiter l’impact de la réalisation du barrage sur les populations et sur l’environnement. Des indemnisations ont permis aux agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et artisans locaux de compenser les modifications sur l’habitat et les conditions de travail. Sur le plan de l’environnement, un vaste programme de sauvegarde est en cours. Il est d’autant plus important que Lom Pangar se situe au voisinage du Parc national de Deng Deng, qui héberge de grands primates en voie de disparition.

En aval du barrage de Lom Pangar, les cours d’eau forment le fleuve Sanaga, le plus important du Cameroun, dont l’embouchure se trouve non loin de Douala, la capitale économique du pays. La mise en service de barrage permettra de réguler le débit du fleuve Sanaga pour qu’il reste stable quelle que soit la pluviométrie. Lom Pangar aura donc une conséquence directe sur l’augmentation de la production d’électricité des ouvrages existants situés en aval, Song Lou et Edéa (voir la carte ci-dessous). Près de cinq millions de Camerounais vont en bénéficier, dont la vie et les activités économiques ne seront plus entravées par les délestages saisonniers.

Six fois plus d’électricité Une fois entré en service, Lom Pangar rendra possible l’aménagement de plusieurs autres grands barrages qui complèteront son impact. Après avoir achevé sa réalisation, EDC prendra d’ailleurs en en charge trois autres ouvrages de régulation des débits fluviaux : Mbakaou, Bamendjim et Mapé (voir carte). Au delà, Lom Pangar est la pierre angulaire d’un vaste programme de valorisation du potentiel hydroélectrique du Cameroun : son apport est estimé à une production de plus de 6 500 GW, soit environ six fois plus qu’aujourd’hui.

Potentiel hydroélectrique du fleuve Sanaga

Satisfecit des bailleurs de fonds La mission d’inspection menée sur le site fin avril par la Banque mondiale, l’AFD, la BEI, la BAD et la BDEAC s’est achevée par un satisfecit de ces bailleurs de fonds, qui ont apprécié le niveau de réalisation des travaux du futur barrage de Lom Pangar, qui sera mis en eau en 2015.

L’énergie à moindre coût… Bientôt !

Immeuble Hibiscus, B.P. 15111 - Yaoundé, Cameroun Tél. : 00237 22 23 19 30 www.edc-cameroon.org

Difcom - F.C. Photos : DR

Cinq millions de bénéficiaires


Le Plus de J.A. Cameroun

t Les subventions sur les produits pétroliers pèsent sur les finances publiques.

BAUDOUIN MOUANDA

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MACROÉCONOMIE

Stable, désespérément stable

bailleurs de fonds, à l’image de la Banque mondiale, le jugent également « trop sensiblepourpermettredesavancéesnotables sur les questions cruciales de la pauvreté, Croissance régulière, rebond pétrolier, inflation contenue : un tableau du chômage des jeunes ou de la dispaidyllique ? Non, soupirent les bailleurs de fonds, qui dénoncent rité constatée dans la distribution des l’écart entre la réalité et les objectifs des autorités. richesses ». Une légère amélioration a bien été constatée l’an passé dans le partage es années se suivent et se resCoulibaly,nouveléconomisteenchefpour des fruits de la croissance, mais elle n’était semblent pour l’économie camela Banque mondiale en Afrique centrale. pas suffisante pour améliorer réellement rounaise. « La croissance reste Poursuite d’un redressement macroles conditions de vie des couches les plus vigoureuse mais insuffisante pour économique entamé au lendemain de la défavorisées de la population. rehausser notablement le revenu par crise de 2009 pour les uns, stagnation des Pourtant, la conjoncture ne sera peuthabitant et surtout pour que les autofondamentaux due à l’inertie des pouvoirs être pas toujours aussi favorable. Le publics pour les autres… Le fait est que le rités réalisent leurs ambitions de faire Cameroun peut en effet surfer ces derdu Cameroun un pays émergent d’ici à nières années sur la reprise de sa 2035 », estime la Banque mondiale dans production pétrolière (lire p. 86), Pauvreté, chômage des jeunes, sa dernière note de conjoncture, publiée qui était en berne jusqu’en 2011 redistribution des richesses… en janvier. Après avoir gagné 0,07 point mais qui rebondit grâce à l’entrée en exploitation de nouveaux giseen 2013, le taux de croissance du PIB ne Les progrès sont trop maigres. ments, récemment découverts devrait progresser que de 0,12 point en Cameroun n’avance que très lentement. ou peu accessibles jusqu’ici. Après avoir 2014, pour atteindre péniblement 4,8 %, selon les derniers chiffres du Fonds moné«Pourobtenirunbondremarquable,ilfauprogressé de plus de 4 % en 2012, les taire international (FMI), « soit la moitié drait des actions remarquables de la part volumes extraits ont crû de 8 % en 2013 de ce qu’il faudrait au pays chaque année du gouvernement », sourit Souleymane (atteignant 24,4 millions de barils). Le pour répondre aux objectifs fixés par le mouvement devrait se poursuivre ces proCoulibaly. Si les économistes louent le gouvernement », confirme Souleymane contexte politique pour « sa stabilité », les chaines années, selon la Société nationale

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Où sont passés les Lions ?

35 30 25

22,5

20

25,5 4,1

BALANCE COMMERCIALE 2011

CROISSANCE (En %)

4,6

4,7

25,3

28

4,8 30,9

15

(En % du PIB) 2012

2013

– 1,6 %

– 1,8 %

5

4

– 2,3 %

10 5 0

3,3 2010

2011

2012

2013*

2014*

3

* Prévisions

INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS (En millions de $)

– 4,4 %

BALANCE DES COMPTES COURANTS

du PIB (2013)

CLIMAT DES AFFAIRES

740 538

de disposer d’une économie relativement diversifiée par rapport à ses voisins, il n’est donc pas complètement dépendant de son secteur pétrolier », observe Racine Kane, chargé du pays à la Banque africaine de développement (BAD). Les hydrocarbures ne comptent en effet que pour 8 % du PIB, contre 48 % au Nigeria voisin. Ils continuent néanmoins de peser très lourd dans les comptes de l’État, dont ils restent la première source de recettes budgétaires. La hausse des volumes extraits, conjuguée à la bonne tenue des cours du brut l’an dernier, n’a pas empêché la balance commerciale de déraper à nouveau, à – 1,8 % du PIB. En cause : la glissade des exportations de café (– 50 % en volume) et l’augmentation continue des importations, à commencer par les matériaux l l l

PIB (En milliards de $, éch. de gauche)

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GLISSADE. « Le Cameroun a la chance

Peut mieux faire

SOURCES : FMI, CNUCED, BANQUE MONDIALE

des hydrocarbures (SNH, publique), qui s’attend à traiter 57 millions de barils en 2016. Mais la production devrait ensuite repartir à la baisse.

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2009 2010 2011 2012

189

Classement «Doing Business» 2014

243

N ATIO

INFL

2,1 %

Qui peut répondre à l’intégralité de vos besoins ?

PIÈCES DÉTACHÉES - FINANCE - SECURITÉ

TRAVAUX PUBLICS - SUPPORT TECHNIQUE GESTION DE PROJET - CONTRATS DE SERVICE

MINES - EXPLOITATION FORESTIÈRE - SOLUTION ÉNERGIE

QUALITÉ - MANUTENTION INDUSTRIELLE - CARRIÈRES FORMATION TECHNIQUE - MACHINES D’OCCASION RECONDITIONNEMENT MOTEURS ET COMPOSANTS

africa.biagroup.com

)

(2013

73


Le Plus de J.A. Cameroun l l l nécessaires pour la réalisation des grands chantiers d’infrastructures en cours (lire pp. 83-84). La fin attendue de la première phase de ces projets structurants et la bonne tendance observée sur certaines exportations agricoles (comme le caoutchouc, le coton ou le cacao) devraient, à moyen terme, redresser la balance commerciale, « à condition que le Cameroun diversifie ses produits d’exportation et cherche à mieux les valoriser », insiste Souleymane Coulibaly. Dans la filière bois, la transformation locale des grumes reste insuffisante, et l’industrie dans son ensemble, pénalisée par les délestages récurrents, ne pèse pas assez lourd dans l’économie. Le Cameroun est également encouragé à prospecter vers de nouveaux marchés

pour sortir de son « eurodépendance » –lespaysmembresdel’Unioneuropéenne représentent plus de 40 % en valeur de tous ses échanges commerciaux. « Pas besoin d’aller très loin: le Nigeria et la zone Cemac [Communauté économique et monétaire

commerciaux, la situation des finances publiques se dégrade, notamment sous la pression des subventions sur les carburants, qui absorbent chaque année l’équivalent de 3 % du PIB. Si ces dernières permettent de contenir l’inflation (à 2,1 %), elles limitent les capacités Pour financer ses déficits tout d’investissement du pays, en poursuivant ses grands travaux, qui doit recourir à l’endettement pour financer ses Yaoundé doit s’endetter. déficits tout en poursuivant de l’Afrique centrale], avec des pays à sa politique de grands travaux. D’autant fort pouvoir d’achat comme le Gabon, que l’impôt est toujours aussi difficile à collecter. La mission conjointe organipeuvent devenir des sources de croissance sée par le FMI et la Banque mondiale pour l’économie camerounaise », insiste en mai devrait rappeler Yaoundé à ses le représentant de la Banque. fondamentaux. l En attendant, plombée par les déficits courants (– 4,4 % du PIB en 2013) et OLIVIER CASLIN

Un secteur privé d’espace À quelques mois de la signature d’un accord de partenariat avec l’Union européenne, les entrepreneurs s’estiment mal préparés.

L

année 2014 s’annonce décisive pour le secteur privé camerounais. Comme promis, Yaoundé devrait en effet ratifier dans les tout prochains mois un accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne. « Sur certains marchés, les entreprises locales se retrouveront alors en compétition directe avec les groupes européens », explique un négociateur camerounais rencontré à Bruxelles. « D’où l’urgence de mettre en place les réformes nécessaires au renforcement du secteur privé », s’inquiète Protais Ayangma Amang. Le président du mouvement patronal Entreprises du Cameroun (Ecam) est le premier à reconnaître que le climat des affaires s’est sérieusement réchauffé pour les entrepreneurs ces dernières années. « Mais il reste encore tant à faire! » s’inquiète-t-il. Résultat, le secteur privé n’est pas vraiment encouragé à sortir de l’informel, qui représente encore 90 % de l’activité économique. Et ce n’est pas un hasard si le Cameroun vient de perdre six places dans le classement « Doing Business » de la Banque mondiale, pour se retrouver 168e sur les 189 économies évaluées. Un N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

LIONEL PREAU/RESERVOIR PHOTO

74

u Le déficit en électricité handicape l’industrie. (ici une scierie à Ebolowa).

nouveau code prévoyant notamment des incitations fiscales généreuses pour doper les investissements a été mis en place en avril 2013, « mais le texte reste vague et la complexité des procédures peut poser des problèmes de transparence », s’inquiète la Banque mondiale dans une étude datée de janvier. Le pays a bien fait des progrès en matière d’exécution des contrats ou de règlement de l’insolvabilité, mais l’obtention des prêts continue de poser problème. BUREAUCRATIE. « L’accès limité aux

capitaux freine la création d’entreprises », confirme Protais Ayangma Amang. Le patron d’Ecam cite également parmi les entraves l’insuffisance

des approvisionnements en électricité, qui plombe la productivité, le manque de main-d’œuvre qualifiée ou l’absence de politique incitative sur des secteurs à très fort potentiel comme l’agriculture. Sans oublierlepoidsexcessifd’unebureaucratie dotée d’un certain pouvoir de nuisance, selon les bailleurs de fonds. Conscient de ces insuffisances, le gouvernement a créé en février une plateforme de rencontre avec le secteur privé. L’initiative devrait permettre de redonner confiance aux entrepreneurs, selon Protais Ayangma Amang, « à condition que les pouvoirs publics ne se contentent plus de nous écouter, mais commencent à nous entendre ». l O.C. JEUNE AFRIQUE


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Le Plus de J.A. Cameroun ENTREPRENEURIAT

Têtes chercheuses Adeptes des nouvelles technologies, ils ont fondé des sociétés qui vendent leurs services dans le monde entier. Zoom sur ces patrons qui exportent le savoir-faire camerounais.

Rebecca Enonchong 46 ans, PDG d’AppsTech

R

ien ne doit ralentir les processus d’innovation. » Son intervention lors du cinquième forum des affaires Union européenne-Afrique, organisé les 31 mars et 1er avril à Bruxelles, a valu à Rebecca Enonchong des applaudissements nourris. Elle sait de quoi elle parle. Elle a su faire preuve d’un sens certain de l’initiative pour créer dès 1999, diplôme de sciences économiques en poche, la société AppsTech, spécialisée dans les logiciels de gestion d’entreprise certifiés Oracle Corporation (le leader mondial). « Je voulais travailler pour l’Afrique, mais mes patrons successifs n’étaient pas très intéressés. Alors je me suis lancée », explique Rebecca Enonchong, aujourd’hui à la tête d’un groupe international, avec des clients dans plus de 50 pays. AppsTech compte une cinquantaine d’employés répartis entre Douala, Paris, Washington et Cleveland

(États-Unis), en attendant Abidjan et Accra – avant la fin de l’année. Éduquée aux États-Unis, où elle a débarqué à 15 ans, Rebecca Enonchong a découvert une autre réalité au Cameroun, « où tout est plus compliqué pour les entrepreneurs ». Ce qui n’a pas empêché son entreprise de décrocher les grands comptes du pays, de Camair-Co à MTN en passant par les principales banques. Bien décidée à aider la nouvelle génération à prendre la vague des nouvelles technologies, elle a également lancé deux incubateurs pour soutenir les start-up locales. Prochain objectif : diversifier sa clientèle. Après s’être exclusivement intéressé aux multinationales, AppsTech veut se tourner vers les PME, aux ÉtatsUnis comme en Afrique. « C’est mon continent, et c’est à ma génération de participer à son développement », juge Rebecca Enonchong. l OLIVIER CASLIN

DR

«

Bony Dashaco 36 ans, PDG d’Acmar Media Group

L

e comble pour un diplômé de la London School of Business and Finance? Devoir intégrer l’administration ou une entreprise publique, selon Bony Dashaco. Cet anglophone natif de Kumba (Sud-Ouest) estime avoir évité le pire en créant, en 2008,

NICOLAS EYIDI POUR J.A.

76

Acmar Media Group, une agence de conseil en communication pour les entreprises. À l’origine de son projet, un double pari. D’abord, faire de la communication médias un secteur d’activité à part entière au Cameroun, et non plus un domaine investi par les agences publicitaires en quête de revenus d’appoint. Ensuite, mettre fin à la domination ouest-africaine, notamment ivoirienne et sénégalaise, dans le secteur. Dans ses locaux de Douala, Bony Dashaco se dit satisfait. Indépendante, son agence est financée exclusivement par des capitaux camerounais. Sa stratégie pour gagner des parts de marché? La présence

sur le terrain. Acmar Media Group est la première agence d’Afrique francophone à disposer de bureaux opérationnels dans les 18 pays où elle est représentée. Elle compte quelque 300 employés, que son patron se vante de ne pas rémunérer moins de 250000 F CFA par mois (environ 380 euros), dans un pays où le salaire moyen est cinq fois inférieur. Bony Dashaco mise aussi sur les nouvelles technologies, notamment les applications ICP (Integrated Communication Planning) et GRP (Gross Rating Point), qui permettent d’évaluer le rapport du cœur de cible au média pour proposer des solutions sur mesure

et de vérifier que celles-ci sont mises en œuvre par les médias. Grâce à un service de monitoring couvrant plus de 400 chaînes de télévision et 500 stations de radio, Acmar Media Group tente d’optimiser la diffusion des messages publicitaires, et donc les budgets de ses clients. Qu’en est-il des concurrents tels que Spectrum Advertising et Havas? Le patron assure ne pas les redouter. Il s’appuie sur son réseau en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest pour répondre à la demande de ses gros clients (Diageo, Procter & Gamble, AES-Sonel, Total, L’Oréal…), qui privilégient les campagnes panafricaines. l CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


Où sont passés les Lions ?

Tony Smith 30 ans, PDG de Limitless

T

désormais une offre personnalisée leur permettant notamment de protéger leurs informations. À son actif, des contrats avec les groupes français Alstom, Orange, CIC, La Poste, L’Oréal… Pour fabriquer ses tablettes, Limitless paie des droits de 5 à 10 dollars (3,5 à 7 euros) par unité quand les brevets appartiennent à Apple ou à Samsung. Bien décidé à positionner Limitless Mind Tab comme un produit haut de gamme derrière ces deux marques, Tony Smith développe des showrooms dans la vingtaine de pays où sa société est présente. Il étoffe et diversifie aussi sa gamme de produits puisque Limitless, qui compte aujourd’hui 480 salariés (dont 300 au Nigeria), a vendu des drones à la compagnie française d’électricité EDF et à Aéroports de Paris, ainsi qu’un système de divertissement personnalisé à bord à Air France. Il s’attaque aujourd’hui à la création de produits innovants, notamment des télévisions de luxe utilisant des matières premières locales comme l’ébène, l’or, le cuir de crocodile ou la peau de serpent. l C.J.-Y.

NICOLAS EYIDI POUR J.A.

out juste trentenaire, Tony Smith a déjà pas mal roulé sa bosse. Parti du Cameroun pour étudier aux États-Unis, il a commencé sa vie professionnelle dans les années 2000 chez Boeing, avant de devenir directeur de la stratégie et du marketing global chez Microsoft, à Seattle. Aujourd’hui, il se consacre à sa propre entreprise, Limitless, spécialisée dans la conception de tablettes numériques, de portables et d’écrans plats. Lancé en 2011, son premier produit, Limitless Mind Tab, se veut le pendant africain d’un iPad ou d’une Samsung Galaxy. Présentée pour la première fois au salon Promote 2011, à Yaoundé, comme un accessoire « pensé et dessiné au Cameroun puis assemblé en Chine », cette tablette avait rencontré un succès relatif dans son pays. Son promoteur a ensuite changé de stratégie en tentant de pénétrer le marché à partir de l’Europe et des États-Unis. Des boutiques en ligne, sur Amazon et sur le site de l’entreprise, ont contribué à faire connaître le produit, et Tony Smith est parvenu à séduire des sociétés, auxquelles il propose

JEUNE AFRIQUE

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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LE PORT AUTONOME DE DOUALA ■ Présentation du Port autonome de Douala

■ Démarche qualité

Place portuaire d’intérêt sous régional, le Port autonome de Douala (PAD) assure plus de 95 % du trafic des marchandises du Cameroun. Il sert également de port d’exportation et d’importation de la Centrafrique et du Tchad, assurant 98 % et 90 % de leurs trafics, respectivement. Il offre aux opérateurs maritimes :

l’économie camerounaise et celle de la CEMAC, le Port Autonome de Douala a décidé de mettre en place une démarche qualité conformément à la norme ISO 9001 version 2008.

• • • • • • • • •

La satisfaction durable des clients et l’anticipation de leurs attentes ;

Le développement des compétences humaines à travers une plus grande intégration dans la réalisation des objectifs de l’entreprise et la formation ;

L’amélioration continue de l’efficacité des processus internes.

26 quais d’accostage sur 5,5 km de long ; Superficie 400 ha ; 7 terminaux spécialisés ; 15 entrepôts ; 65 ha de terre-pleins ; 25 km de voies ferrées ; 17 postes à quai ; 1000 ha de réserves foncières ; 20 km de routes bitumées.

Appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans

Elle repose sur les trois axes d’améliorations suivants :

Avec un trafic en hausse de 9,3 % en 2013, le Port de Douala confirme sa position de principale porte d’entrée maritime de l’Afrique centrale. ■ Activités portuaires La mission du PAD est de créer, d’entretenir, d’améliorer et d’exploiter l’ensemble des installations portuaires pour fournir aux clients un service répondant en permanence à leurs besoins et attentes. Emmanuel ETOUNDI OYONO, Directeur Général du Port Autonome de Douala.

Le Terminal à conteneurs.

■ Forte hausse du trafic Après une hausse de 11,5 % en 2012 par rapport à 2011, le trafic au Port de Douala a continué sa progression sur l’exercice 2013 (+ 9,3 %) pour dépasser la barre historique des 10 millions de tonnes traités dans l’année. >>> Trafic total (millions de tonnes)

8,6

9,6 10,3

2011

2012

>>> Trafic conteneur :

2013

+9,3% Variation 2013/2012

350 000 EVP en 2013

Sa stratégie de développement répond à une vision : Être le Pôle de référence au cœur du Golfe de Guinée. Dans ce cadre, et sous l’impulsion de son Directeur Général, Emmanuel ETOUNDI OYONO, le PAD cherche en permanence à améliorer le suivi des activités portuaires et à consolider les Partenariats Public/Privé construits avec les membres de la communauté portuaire. Les principaux projets de développement actuellement menés par le PAD visent à : • • •

approfondir et aménager le chenal d’accès, compléter le système informatique portuaire en fédérant les systèmes déjà en place, sécuriser davantage les installations portuaires et les marchandises, que ce soit dans l’enceinte du port ou ses accès maritimes et routiers.

COMMUNIQUÉ

Port de Douala, Pôle de référence au cœur du Golfe de Guinée


Le Terminal à conteneurs.

LE PORT DE DOUALA AU SERVICE DE L’ÉCONOMIE DU CAMEROUN ET DE LA SOUS-RÉGION • •

■ PARTENAIRES

Accueillir les navires et les marchandises ;

Les pouvoirs publics ;

Les bailleurs de fonds ;

Fournir une plate-forme logistique et de distribution aux entreprises ;

Les chargeurs ;

Les opérateurs de la place portuaire.

Assurer la gestion et la promotion de la place portuaire de Douala ; Promouvoir l’intégration sousrégionale.

■ PRIORITÉS •

Développer sur la place portuaire de Douala une culture de responsabilité ;

Renforcer la sécurité des biens et des personnes sur la place portuaire de Douala ;

Améliorer les performances et la compétitivité du port de Douala ;

Conforter la position de leader dans la sous-région.

LE PORT AUTONOME DE DOUALA Immeuble Simar – Bonanjo B.P. 4020 Douala – Cameroun Tél. : (+237) 342 01 33 Fax : (+237) 342 67 97 www.portdedouala-cameroun.com

Port de Douala, Pôle de référence au cœur du Golfe de Guinée

Difcom - F.C. Photos : DR

■ MISSIONS


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Le Plus de J.A. Cameroun

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

On va faire comment?

C FLORIAN NGIMBIS Écrivain et blogueur

OMMENT PARLER du Cameroun quand on est trentenaire ? Pour moi, tout a commencé en 1983. J’ignorais alors que j’étais déjà dans un film dont je n’étais ni le scénariste ni le héros, juste un figurant destiné à boucher les trous d’un casting mal effectué. Enfance heureuse. On surfe sur la vague des promesses d’un régime qui vient de succéder au « dictateur » Ahidjo. Un slogan est censé réguler la nouvelle ère : « Rigueur et moralisation ». La grande promesse, le grand rêve. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Viennent les années 1990. On nous explique qu’à cause d’une décision des « bailleurs de fonds », notre monnaie doit être dévaluée. Du jour au lendemain, nous voilà passés de la classe moyenne à celle des moins nantis. Ou comment devenir pauvre en une seule nuit. Exit les habitudes de riche, on mange une fois par jour, on va à l’hôpital quand on est à l’article de la mort, on oublie la signification des mots « assurance » ou « vacances ». À la vie se substitue la survie, rythmée par cette phrase désormais entrée dans le quotidien : « On va faire comment ? » Une phrase qui porte en elle la résignation de tout un peuple devant son rêve brisé. Il y a pourtant cette rage qui monte, lentement, doucement, aussi inéluctable que la marée. Rage de voir ces grumes quitter le pays à peine transformées. Rage de voir ce cacao acheté à vil prix partir vers des confiseries helvétiques, où il crée des emplois. Rage d’un pays dont la richesse ne parvient à ses enfants que sous forme de miettes tombées de la table du banquet.

carrière. La patrie, cette terre qu’on aime mais que beaucoup veulent quitter à tout prix, car ils pensent qu’elle ne peut rien leur donner. Mais tout n’est pas noir, hein ? Le Cameroun est une terre d’espoir. Les Camerounais ne sont pas perdus. En 2035, mes amis, nous verrons le bout du tunnel. En 2006, grâce à des serrages de ceinture, nous avons atteint ce fameux point d’achèvement de l’initiative PPTE [en faveur des pays pauvres très endettés]. Depuis, le but ultime de notre développement c’est l’« émergence ». Pas besoin de savoir ce qui se cache derrière, le mot en lui-même dit tout le bien que l’on en pense. Davantage de barrages hydroélectriques en 2035, l’anophèle femelle, vecteur du paludisme, vaincu ! Le miracle du robinet qui laisse couler

La rage monte, celle d’un pays dont la richesse ne parvient à ses enfants que sous forme de miettes.

Trente et un ans plus tard, les acquis sont là. Paix, matières premières, main-d’œuvre qualifiée, population jeune. Mais tout est vicié. À défaut de reconstruction, il faut tout repeindre. Ainsi naissent les « grandes ambitions », puis les « grandes réalisations », vision politique d’un régime « démocratique » vieux de trois décennies. Paix, travail, patrie: devise si chère à nos cœurs. La paix. Absence de guerre, oui, mais les chiffres montrent un pays dévasté par le paludisme, la mortalité infantile, les accidents de la route… Le travail, cette denrée si rare. Les taux de chômage inavouables, savamment maquillés grâce au secteur informel. Métiers précaires, sans plan de N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

un filet d’eau quand on tourne le pommeau, effectif. Oui, en 2035, les écoles cesseront d’être des dons japonais, les routes seront construites par des Camerounais et non par des Chinois. En 2035, nous aurons des salles de cinéma dans un pays qui n’en compte pour l’heure aucune. Nous aurons des rues portant les noms des héros locaux et non ceux des colons d’hier. 2035 : une date que nous autres trentenaires ne sommes pas certains de voir, puisque l’espérance de vie est inférieure à 55 ans. Non, je ne suis pas pessimiste, non je ne caricature pas les faits, je ne grossis pas non plus le trait. Je crie ma colère de devoir passer les meilleures années de ma vie dans un carcan de pauvreté quand tout me prédispose au bonheur. Être prisonnier n’est déjà pas facile, mais l’être au paradis l’est plus encore. Et je l’affirme, le Cameroun, cette Afrique en miniature, a tous les atouts pour être un jardin d’Éden tropical. Comme beaucoup d’autres, je contribue au rêve camerounais en donnant de ma sueur, de mon sang. Je m’accroche en rêvant de 2035 et de ses promesses de félicité. Sauf que dans mes cauchemars, je vois un 2035 où le concept d’émergence pourrait n’être que le nouveau nom de la pauvreté. Bon, restons optimistes. Mais on va faire comment ? l JEUNE AFRIQUE




Où sont passés les Lions ? INFRASTRUCTURES

Ça avance? Les grands projets lancés il y a cinq ans prennent enfin forme. Reportage sur les chantiers de trois ouvrages stratégiques.

À

l’heure où se matérialisent les premiers chantiers structurants lancés en 2009 par le gouvernement dans le cadre du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) et du plan Vision 2035, un enthousiasme de

bon aloi semble gagner le Cameroun. Au point que les discours officiels évoquent déjà une deuxième tranche de projets à venir. Il conviendra pourtant de s’armer de patience, le temps de réunir les financements nécessaires. Yaoundé a déjà dû débourser plus de 23 milliards de

dollars (environ 17 milliards d’euros) pour les dix-huit projets en cours dans le secteur minier, l’énergie et surtout les infrastructures. Outre les bailleurs de fonds, le gouvernement doit convaincre sa population, qui attend toujours de mesurer les retombées réelles de ces chantiers sur son quotidien. Le temps presse et il ne faudrait pas qu’au retard propre à des projets de cette envergure viennent s’ajouter des incertitudes liées à l’agenda présidentiel. Du moins si le Cameroun veut pouvoir relever le défi de l’émergence à l’horizon 2035. l OMER MBADI, à Yaoundé

FERNAND KUISSU

u Les terminaux du site de Mboro pourront accueillir des navires de 70 000 tonnes.

Kribi, pour voir plus grand

D

eux portiques à conteneurs trônent sur le quai du terminal de Mboro, à 33 km au sud de Kribi. Au pied de ces mastodontes, les techniciens camerounais et chinois de China Harbour Engineering Company (CHEC) posent et soudent les rails sur lesquels ils rouleront. Une vingtaine de mètres en arrière, cinq portiques de parc attendent d’être installés sur l’aire de stockage en cours d’aménagement. Dans le prolongement du JEUNE AFRIQUE

quai de chargement, la digue de protection de 1 355 m continue d’être remblayée, en attendant l’édification du musoir qui solidifiera l’édifice. Si la construction des bâtiments et d’une partie de la route d’accès au site de Mboro accuse un retard certain, la livraison des deux premiers terminaux du port de Kribi est toujours attendue pour juin. « Globalement, au 31 mars, 88 % des travaux de la première phase avaient été réalisés », s’enthousiasme

Patrice Melom, coordonnateur de l’unité opérationnelle du comité de pilotage du projet. D’un coût de 430 millions d’euros, financé à 85 % par China Eximbank, cette première phase comprend aussi le dragage du chenal d’accès jusqu’à un tirant d’eau de 16 m, pour accueillir des navires de 70 000 tonnes. « Le port en eau profonde a vocation à accueillir les bateaux qui ne peuvent faire escale à Douala », précise Philippe Labonne, directeur général

Afrique de Bolloré Africa Logistics (BAL). BAL a déjà annoncé sa candidature pour exploiter le futur terminal à conteneurs, mais Necotrans est également sur les rangs. Pour le terminal polyvalent, cinq entreprises sont en lice : APM Terminals, International Container Terminal Services (ICTSI), Marsa Maroc et les groupements Necotrans-KPMO et Sea-invest-CLGG. Les élus devraient être connus dans le O.M. courant de l’année. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

83


Le Plus de J.A. Cameroun

Lom Pangar, pour dompter la Sanaga

S

confirme Pius, chef d’équipe pour China International Water & Electric Corporation (CWE), chargé du chantier. À Ekok, la file d’attente s’allonge devant le bureau des douanes, où stationnent plusieurs bus venant du Bénin, ainsi que quelques camions surchargés de bidons de carburant de contrebande. « Ce poste frontière préfigure ce que devraient être les échanges entre la CEEAC [Communauté économique des États de l’Afrique centrale] et la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest], dès que la route sera achevée », relève un douanier. Les agriculteurs du coin ont déjà fait leur calcul. Ils déboursent actuellement 15 000 F CFA (23 euros) pour parcourir en une semaine les 208 km qui séparent Ekok de Bamenda, avec le risque de voir leur production pourrir en chemin. « Dorénavant le trajet se fera en trois heures et pour 2 500 F CFA seulement », sourit l’un d’eux, bien conscient de l’aubaine. l

ur le site de Lom Pangar, à 120 km au nord de Bertoua, capitale de la province de l’Est, la noria de camions est incessante. Les larges essieux des poids lourds ploient sous la charge des immenses blocs de roche transportés de la carrière à la centrale de concassage, où ils sont transformés en granulat, utilisé pour la construction du barrage qui doit entrer en service à la fin de l’année prochaine. Sur les deux berges de la rivière Lom, les digues de remblai, constituées de couches successives de pierre et de terre, s’élèvent progressivement. La digue érigée pour canaliser en partie les 6 milliards de m3 d’eau du réservoir (qui couvrira 540 km2) est, elle, presque achevée. Au creux de ce qui ressemble dorénavant à une petite vallée, le béton coule à flots. Les fondations de la future centrale hydroélectrique, d’une capacité de 30 mégawatts (MW), émergent à peine de l’eau jaunâtre de la rivière, où s’activent ouvriers et ingénieurs de China International Water & Electric Corporation (CWE, le maître d’œuvre). Selon les prévisions, cet immense ouvrage devrait garantir l’approvisionnement en électricité de toute la région pour les vingt-cinq prochaines années. En domptant une rivière qui se jette dans le fleuve Sanaga, le barrage réservoir de Lom Pangar permettra également de réguler le débit de ce dernier et d’alimenter ainsi les ouvrages installés (ou à venir) le long du principal cours d’eau du pays. À terme, avec la construction, en aval, des barrages de Nachtigal, Song Mbengue, Song Ndong et Kikot, « le bassin de la Sanaga doit pouvoir produire 6 000 MWh [dont 3 000 dépendent de l’entrée en service de Lom Pangar] », estime Théodore Nsangou, directeur général d’Electricity Development Corporation (EDC), le maître d’ouvrage du projet. Il tient à démentir la rumeur qui circulait ces derniers mois concernant une éventuelle suspension du financement de 132 millions de dollars (95 millions d’euros) accordé par la Banque mondiale à la suite de problèmes environnementaux. L’institution, qui aurait déjà provisionné plus de 50 millions de dollars, « maintient sa participation et a même préfinancé la contribution de la Banque européenne d’investissement [BEI] », insiste Nsangou. La Banque mondiale est le principal bailleur de fonds du projet, dont le coût total est évalué à 500 millions de dollars. l

O.M.

O.M.

p Le bitumage des 33 derniers kilomètres ne devrait pas être achevé avant 2015.

Bamenda-Enugu, pour développer les échanges

«

I

ls sont lents. Les travaux évoluent bien plus vite de l’autre côté [de la frontière] », juge un commerçant attablé dans un bistrot d’Ekok, à quelques encablures du Nigeria. En ce mois d’avril, le soleil cogne sur l’asphalte tout neuf à mesure qu’avancent les travaux de terrassement du tronçon de 61 km qui doit relier les localités camerounaises de Mamfé et Ekok. Le chantier est l’ultime tranche restant à réaliser sur le corridor Bamenda-Enugu (une portion de la Transafricaine LagosMombasa), mais le bitumage des 33 derniers kilomètres ne devrait pas être achevé avant février 2015. « La faute à la pluie : il pleut neuf mois sur douze dans cette région, et l’eau est le pire ennemi du bitume », prévient Gustave Akono Ovambe, ingénieur au ministère camerounais des Travaux publics. D’autres problèmes ralentissent également les progrès, comme le manque de matériaux sur place. « La latérite et le gravier concassé sont très difficiles à trouver », N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

FERNAND KUISSU

84

JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Cameroun HYDROCARBURES

Vers un passage de relais

 Au large de Limbé (ouest du pays).

RENAUD VANDERMEEREN

La hausse de la production d’or noir n’éveille qu’un optimisme prudent. En cause : le manque d’intérêt des majors. Mais du côté du gaz, les perspectives sont prometteuses.

R

Cameroon, en construction à proximité ebond temporaire ou lame de pousser l’exploration plus loin », souligne de Kribi et qui doit entrer en activité à la fond ? Les analystes restent Elias Pungong. prudents face à la hausse de En outre, la corruption et la persistance fin de la décennie. Celle-ci fournira dans la production pétrolière en 2012 d’un environnement des affaires contraiun premier temps 3,5 millions de tonnes et 2013 (voir courbe). Celle-ci rappelle en gnant enraient les efforts réalisés ces par an de gaz naturel liquéfié (GNL), destiné à un marché mondial en forte effet les chiffres en dents de scie enregisdernières années, notamment la relecture trés au milieu de la dernière décennie. du code pétrolier et la révision du code croissance, tout en produisant du gaz de Après le pic de 2003 (35,6 millions de gazier, ainsi que l’adhésion à l’Initiative pétrole liquéfié (GPL) pour l’usage local. barils), une légère reprise avait succédé pour la transparence dans les industries Le choix de privilégier l’exportation s’exà une baisse sensible, avant que le déclin extractives (ITIE), à laquelle le Cameroun plique par la faible capacité d’absorption ne s’accentue à partir de 2007, conduisant a été déclaré conforme en octobre 2013. du marché camerounais. « Les ressources au plus bas de 2011. gazières identifiées se situent autour de 135 milliards de mètres cubes, alors que L’embellie actuelle serait attribuable aux LIQUÉFACTION. Si la filière pétrolière 900 millions de dollars (environ 650 milmontre des signes d’essoufflement, celle le pays n’a besoin que de 30 milliards pour couvrir ses besoins actuels », prélions d’euros) investis ces dix dernières du gaz s’annonce bien plus prometteuse. années dans l’exploration et le dévelopCinq permis sont actuellement exploités cise Philippe Miquel. La demande locale dans le pays, dont le potentiel total pourémane des usines de Douala et pement de nouveaux gisements sur les champs du Rio del Rey et de Douala-Kribirait atteindre 570 milliards de mètres de sa périphérie, alimentées 57 Campo. Ces deux bassinss sont les seuls depuis 2012 par le champ cubes. « Le Cameroun se caractérise par une dispersion des gisements. Pour gazier de Logbabaexploités à l’heure actuelle. uelle. Ceux du Nord, 2016* Ndogpassi (banlieue exploiter au mieux la ressource, il faut de Mamfé (proche de la frontière avec le est de la capitale Nigeria) et de Bakassi (une zone récemdonc agréger la production », explique économique), ment rétrocédée par Abuja) uja) sont encore Philippe Miquel, directeur général de en friche. « En matière Un rebond pétrolier trop beau pour durer ? de production et de (en millions de barils) réserves, le Cameroun 30,1 * Prévisions exploité par reste un nain. Pourtant, 26,7 24,4 23,3 l e britanle potentiel est considé22,4 21,6 2014* nique Rodeo rable », se désole Elias 2009 2013 Development, et de Pungong, responsable des 2010 2012 2011 la centrale thermique de Kribi hydrocarbures en Afrique ique chez EY EY. (216 MW), ravitaillée à partir du site de GDF Suez LNG Cameroon. Modeste producteur, le pays tarde en Pour contourner cette difficulté, le effet à s’imposer dans la cour des grands Sanaga Sud (au large de la cité balnéaire) États pétroliers du continent. En cause, groupe français projette de construire, par le franco-britannique Perenco. Tandis une politique d’exploration timide due en partenariat avec la Société nationale que la récente découverte par EurOil, au manque d’intérêt des poids lourds des hydrocarbures (SNH, publique), filiale de la junior britannique Bowleven, du secteur, comme Total, ExxonMobil un gazoduc sous-marin de 270 km. Ce d’importantes réserves dans le champ pipeline, dont les modalités de financeou Shell, pour ses gisements. « Or ce sont d’Etindé garantit d’ores et déjà l’approces supermajors qui disposent des trois ment devraient être déterminées d’ici à visionnement de la future usine de profacteurs clés que sont l’argent, la tech2016, relierait les gisements à la future duction d’engrais de Limbé (Ouest). l OMER MBADI, à Yaoundé usine de liquéfaction de GDF Suez LNG nologie et les ressources humaines pour SOURCE : SNH

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Le Plus de J.A. Cameroun SANTÉ

Régime sans sucre Au menu chez « maman Angéline » : exercice et repas frugaux. Visite dans un centre d’encadrement pour diabétiques unique en Afrique.

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uchéesurl’undesvélosd’appartement qui encombrent la véranda d’un immeuble défraîchi du quartier de Tsinga, Marie pédale allègrement. « Ce vélo, c’est mon sauveur ! » s’exclame la septuagénaire avant de grimper sur un appareil de massage qui remodèle son corps fluet. Apparemment, le repas frugal préparé par les éducateurs de la Maison des diabétiques de Yaoundé – bouillon de haricots et pain complet, le tout arrosé de jus d’ananas – a été prestement digéré. Marie ne manque aucune séance, chaque deuxième et quatrième mercredi du mois. « Je ne serais plus en vie sans la maman », poursuit-elle en désignant Angéline Mvom, une infirmière diplômée d’État à qui l’on doit cette structure d’encadrement unique en Afrique.

À l’aide d’un vidéoprojecteur, la « maman des diabétiques » explique à une vingtaine de participants, essentiellement des femmes, comment gérer au quotidien leur hypoglycémie. Quand elle ouvre son centre, à la fin de 2009, Angéline Mvom pense à sa mère : « Elle était diabétique et voulait que je devienne médecin pour que je puisse m’occuper d’elle. » L’infirmière exerce à l’hôpital de Douala, en 1986, avant

de suivre une formation spécialisée à Strasbourg (France). À son retour au pays, elle ouvre un centre d’écoute et d’initiation à l’auto-prise en charge des diabétiques, « sur le modèle de celui que j’avais pu voir à Paris ». Financée par ses seuls patients, cette structure a reçu l’an dernier plus de 3600 personnes, malades ou bien portantes, affluant du Cameroun, mais aussi du Tchad ou du Congo. En plus de leur prodiguer ses conseils et, parfois, de l’insuline, Angéline en profite pour faire un petit check-up. « Je vérifie si les patients ont bien pris leurs médicaments, s’ils respectent leur régime… » Une initiative qui devrait s’étendre à d’autres localités du pays, « si les moyens suivent », conclut l’infirmière. l OMER MBADI, à Yaoundé  Angéline Mvom, dans sa « Maison », à Yaoundé.

HYPOGLYCÉMIE. Après les exercices physiques, les cours théoriques. Aujourd’hui: la prévention de l’amputation. « Beaucoup demaladessontsujetsàdescomplications parce qu’ils ne sont pas assez bien informés », soupire la jeune retraitée de 57 ans, qui organise des séminaires bimensuels sur le diabète et l’hypertension artérielle.

FERNAND KUISSU

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Yaoundé face au mal du siècle

de santé. La première a ouvert ses portes en 2010, et le pays en compte désormais Pouvoirs publics, société civile… Tout le pays se mobilise. douze. « Pour aller plus loin, nous avons monté, il y a deux ans, un partenariat avec Car, d’ici à quinze ans, le nombre de cas pourrait doubler. MTN Cameroon consistant notamment près Arusha (Tanzanie) en 2012, 6 % de diabétiques, soit 1 million de peren l’envoi de SMS de sensibilisation », c’est à Yaoundé que s’est tenue, sonnes. Mais ce qui fait la différence, précise le Dr Mohamed Nouho Fofana, du 25 au 28 février dernier, la c’est la mobilisation de personnalités responsable chez Sanofi des questions deuxième édition du Congrès africain emblématiques comme Angéline Mvom médicales et réglementaires en Afrique de diabétologie. Les organisateurs n’ont ou le Pr Jean-Claude Mbanya, directeur centrale. Dans ce combat, cependant, pas seulement pris en compte l’atout de l’unité d’endocrinologie à l’Hôpital l’État garde la main. « J’applaudis cette que représente le bilinguisme pour le volonté politique, mais il faut Cameroun. Ils ont aussi salué les efforts aller plus loin en instaurant 1 million de Camerounais d’un pays en pointe dans la lutte contre des consultations et des traitesont diabétiques, soit environ le diabète. Adoption d’un programme ments gratuits, et en favorisant national en 2005, subvention de l’insuun accès plus large à l’insuline 6 % de la population. line pour les enfants malades (depuis fin afin d’éviter les complications », 2010), mobilisation de la société civile… insiste le Pr Mbanya. Il y a urgence : d’ici central de Yaoundé. S’y ajoutent l’AssoLe pays tout entier s’est engagé dans ce à quinze ans, le nombre de diabétiques ciation camerounaise de lutte contre le combat. diabète (Acadia) ainsi que des initiatives devrait doubler, au Cameroun comme privées, à l’image des cliniques du diabète À l’instar de ses voisins de la sousdans le reste de l’Afrique. l créées par Sanofi au sein d’établissements FANNY REY, envoyée spéciale à Yaoundé région, le Cameroun compte environ

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JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Cameroun place d’une chaîne de production de 100 chemises made in Cameroon par jour à Yaoundé. Une vingtaine d’ateliers ont été réquisitionnés, chacun assigné à Faute d’une organisation efficace de sa filière textile, le pays une tâche spécifique (coupe, manches, cols, boutonnières…). Destinés au marché importe encore massivement ses vêtements. Pourtant, sur place, local, ces vêtements pourraient ensuite les stylistes de talent ne manquent pas. être livrés dans la sous-région. À condition issus de première qualité, plombe la filière. Les métiers de la mode d’améliorer la qualité du tissu fabriqué créateurs talentueux, émersur place par la Cotonnière industrielle apparaissent comme des voies de garage gence d’une classe moyenne pour des jeunes en échec scolaire. Et si du Cameroun (Cicam), pour faire face à la encline à la consommation : des centres de formation, ouverts par concurrence chinoise, tout en conservant les stylistes eux-mêmes, commencent le Cameroun semble avoir toutes les des coûts relativement bas. à se multiplier, attirant de plus en plus cartes en main pour faire décoller son Pour l’heure, dans le pays, l’industrie d’étudiants motivés, la qualité des prode la mode reste donc embryonnaire. industrie de la mode. Pourtant, d’après Pas seulement à cause de l’État. « Les les chiffres officiels, à peine 1 % du seggrammes pèche encore. « Avant de pouprofessionnels ont aussi ment de l’habillement et de la confection leur part de responsabiest contrôlé par des opérateurs locaux. Une chaîne de production de lité : ils sont incapables La quasi-totalité du marché demeure 100 chemises made in Cameroon la chasse gardée des importateurs de de travailler en équipe », par jour est testée à Yaoundé. vêtements neufs ou de seconde main déplore Azegue. Malgré en provenance d’Europe et de Chine. l’existence de l’Icotec et de Pour Jean-Philippe Azegue, maître voir enseigner, les formateurs doivent la Fédération camerounaise de la couture tailleur et président de l’Interprofesd’abord… se former, fait remarquer et du prêt-à-porter (Feccap), une volonté sion coton-textile-confection (Icotec) Azegue. Aujourd’hui, tous les stylistes commune de trouver des solutions peine pour les régions Centre, Sud et Est, la camerounais réunis seraient incapables en effet à émerger. Une styliste évoque les production locale à grande échelle est de satisfaire la consommation locale. Car différends entre générations, ainsi qu’un freinée par « le dialogue de sourds entre comment produire en grande quantité problème d’ego: « Même le plus dilettante l’État et les professionnels ». Quand le des produits de bonne qualité, tout en veut organiser sa propre fashion week. premier envisage de nouvelles unités de demeurant compétitif, si l’on ne dispose Or, ces défilés de mode ne sont que des production, les seconds plaident pour pas des compétences requises ? » vitrines qui doivent précéder l’acte un renforcement des outils existants. Alors que les subventions de commercial. » l Mais, plus que ce défaut de structural’État se font attendre, l’IcoCLARISSE JUOMPAN-YAKAM, tion, c’est le manque de formation qui tec expérimente la mise en envoyée spéciale MODE

Créateurs de tendances

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Martial Tapolo 37 ans, styliste

L

e lauréat 2006 du concours Jeunes Créateurs d’Afric Collection, à Douala, a fait du chemin. À l’époque, Martial Tapolo rêvait de décrocher un stage chez un grand couturier. Ses créations défilent désormais aux côtés de celles des meilleurs. Chantre du prêt-à-porter de luxe, tourné vers l’international, Tapolo recherche le tissu rare, précieux, et s’irrite de ceux qui voudraient le cantonner à la mode africaine. Pour lui, un beau vêtement africain s’inspire de la culture du continent, mais en la magnifiant. Comme pour en faire la démonstration, il associe plumes, écorces et peaux de bêtes à des tissus traditionnels, pour des créations aux coupes extravagantes et fantasques, C.J.-Y. résolument modernes. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

HERMAN ALAIN

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Communiqué

Banque des États de l’Afrique Centrale

Pilier de la coopération monétaire et socle de l’intégration économique en Afrique centrale. La BEAC est la banque centrale des six États qui constituent la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad. Établissement public international africain, la BEAC a été créée dans le cadre des accords de coopération monétaire signés à Brazzaville, au Congo, les 22 et 23 novembre 1972.

■ Garant de la politique monétaire

La BEAC émet le franc de la coopération monétaire en Afrique Centrale (FCFA), ayant cours légal et pouvoir libératoire sur le territoire de l’ensemble des six pays de l’UMAC et elle en garantit la stabilité. En outre, la BEAC est chargée de définir et de conduire la politique monétaire de l’UMAC, de conduire la politique de change, de promouvoir la stabilité financière, de détenir et de gérer les réserves officielles de change des États membres, de promouvoir et de veiller au bon fonctionnement des systèmes de paiement et de règlement.

■ Acteur

du développement et de l’intégration économique en Afrique Centrale

Partenaire fiable et engagé au service des États membres, des acteurs économiques et des populations de la CEMAC, la BEAC est également un organe engagé dans le développement et l’intégration économique en Afrique Centrale. Sans préjudice de son objectif de stabilité financière, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États membres. Elle prend aussi une part active à la promotion et au renforcement des marchés de capitaux en Afrique Centrale pour mieux appuyer le développement et l’intégraBEAC, Banque des États de l’Afrique Centrale BP 1917, Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 22 23 40 30/22 23 40 60 - Fax : (+237) 22 23 34 68

Plus de quarante ans au service de l’Afrique Centrale

>>> Définition et conduite de la politique monétaire de l’Union >>> Émission de la monnaie fiduciaire >>> Conduite de la politique de change de l’Union >>> Gestion des réserves officielles de change des États membres >>> Supervision des systèmes de paiement et de règlement >>> Promotion de la stabilité financière tion économiques dans la CEMAC. À cet effet, elle encadre et favorise les émissions de titres publics par les États membres et œuvre à la construction d’un système bancaire sain et solide. La BEAC entretient des relations bilatérales étroites avec plusieurs de ses homologues africains et participe activement au rayonnement de l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA) dont elle accueille la 38e session ordinaire des Gouverneurs en août 2014. S’appuyant sur l’esprit de solidarité et de discipline de ses États membres, la BEAC est résolument engagée à apporter son concours à l’émergence économique des États de la CEMAC au bénéfice de leurs populations.

www.beac.int


Le Plus de J.A. Cameroun

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Anna Ngann Yonn 43 ans, créatrice de la marque Kreyann’

atelier-showroom à Yaoundé après celui de Douala, affirme s’être passée de l’aide de l’État. Anna Ngann Yonn voyage régulièrement à l’étranger pour exposer ses créations. Sur le Salon 2012 du prêt-à-porter, à Paris, elle a attiré l’attention de boutiques de la capitale française, conquises par ses « pantalons vitaminés » en soieries des Indes. Elle s’est alors essayée à l’export, avant d’en réaliser la complexité. « Il reste beaucoup de chemin à parcourir, mais ce n’est pas une raison pour céder à l’amateurisme », sourit-elle. l C.J.-Y.

C. MILLERAND POUR J.A.

irer le métier de styliste vers le haut. Ce pourrait être la devise d’Anna Ngann Yonn, créatrice de Kreyann’, une marque de prêt-à-porter résolument haut de gamme. Cette diplômée de l’Esmod, l’une des plus prestigieuses écoles de mode françaises, a une stratégie bien rodée, qui consiste à recevoir au Cameroun de grands noms de la haute couture pour un événement de portée internationale, « The K-Walk ». Lancée en 2011 pour le dixième anniversaire de la marque, cette fashion week a permis de dévoiler une soixantaine de modèles résumant le parcours de la créatrice à un public trié sur le volet. Son coup de génie ? Avoir fait venir pour la deuxième édition, en 2013, l’un des créateurs parisiens les plus en vue : Stéphane Rolland, icône de l’ultra-luxe, qui habille la reine Rania de Jordanie de même que les artistes Beyoncé, Lady Gaga et Rihanna. À la tête d’une équipe de dix personnes, la Camerounaise, qui s’apprête à ouvrir un deuxième

NICOLAS EYIDI POUR J.A.

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Imane Ayissi 46 ans, mannequin, danseur et créateur de mode

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mane Ayissi le concède : c’est à la France qu’il doit sa carrière de styliste. Mannequin pour des maisons prestigieuses (Dior, Lanvin, Cartier, Boucheron…) à son arrivée N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

dans l’Hexagone, il a tout appris en observant les créateurs. Désormais, celui qui fut également danseur dessine, coupe, moule et coud. Depuis 1992, il présente des collections

thématiques, telles « Voodoo Mood » en 2009 (hommage aux rites et au savoir-faire africains), ou « New York Bambara » en 2012 (inspirée par la correspondance esthétique entre l’Art déco et l’art traditionnel du peuple Bambara du Mali). Imane Ayissi milite pour « une

mode qui véhicule les vraies valeurs de l’Afrique », par opposition à celle qui impose le pagne comme matière première du continent. Ses créations, sublimées par des tissus teints à la main comme le ndop, le raphia ou le batik, dévoilent une Afrique brute, loin des couleurs fortes et polluées de dessins auxquelles on l’associe habituellement. « Il faut annihiler chez les Africains cette attirance pour ce qui vient d’ailleurs », plaide-t-il… tout en restant ouvert à toutes les influences – il n’hésite pas à utiliser les soies laquées du sud de la Chine. Installé à Paris, il répond toujours présent aux manifestations professionnelles de son pays natal. Prochain rendezvous : le forum des métiers de la mode et du design, à Yaoundé, en juin. l C.J.-Y. JEUNE AFRIQUE


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Le Plus de J.A. Cameroun CULTURE

Aux arts, citoyens! Ils défendent les laissés-pour-compte et égratignent les puissants. Ces chanteurs et cinéastes incarnent la verve contestataire camerounaise. Quitte à prendre des risques.

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our la foule venue assister à ses obsèques, Charles Ateba Eyené était un « héros national ». Principal fait d’armes de l’universitaire au style controversé, décédé le 21 février : ses charges répétées contre le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), dont il était pourtant membre. Il les sonnait

avec audace et faconde, renouvelant le genre et apparaissant comme le leader d’opinion que les Camerounais semblent se chercher. Il est vrai que, si la formule inaugurée dans les années 1990 par le caricaturiste Paul Nyemb – qui croquait sans nuances Chantal et Paul Biya dans les colonnes de Popoli, journal satirique en

bandes dessinées dont il était le directeur de publication – s’est essoufflée, la verve contestataire n’a pas disparu pour autant. Elle a trouvé de nouveaux porte-voix, aux profils et aux tons très variés. Certains sont plasticiens, comme Joseph-Francis Sumégné, créateur de la statue La Nouvelle Liberté qui trône sur le rond-point de Déïdo, à Douala. Mais ce sont désormais les chanteurs, en particulier les rappeurs, et les cinéastes qui expriment de la manière la plus frontale leur désaccord avec le régime, critiquant en particulier l’âge du chef de l’État (qui a eu 81 ans en février) et l’absence d’alternance politique. l CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Général Valsero 38 ans, rappeur

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oix rocailleuse, verbe râpeux, phrasé étudié. Général Valsero (de son vrai nom Serval Gaston Abe) se présente comme « un homme engagé qui fait de la musique ». Avec trois albums à son actif, l’ex-animateur radio dit avoir choisi le rap politique « pour prouver que l’on peut nager à contre-courant dans une société anesthésiée ». Sa cible : le chef de l’État, auquel il reproche « d’avoir transformé le peuple en zombies en lui inoculant le virus de l’inertie ». Le titre de son dernier album, L’Appel du peuple, sorti en octobre 2012, se veut un écho du slogan de campagne de Paul Biya lors de la présidentielle de 2011 (« Le choix du peuple »). « Il est indécent de prétendre qu’une population exsangue, qui croupit dans la misère, supplie le responsable de ses malheurs de revenir au pouvoir », s’agace Valsero qui, dans son opus, a voulu donner sa vision de « ce que le peuple attend en réalité ». L’artiste milite pour une plus grande implication des jeunes dans la politique et se dit prêt à prendre des coups. Il brandit sa cinquantaine d’arrestations pour trouble à l’ordre public comme autant de trophées. Ses concerts sont régulièrement interdits, des mesures qui lui ont parfois coûté cher, faute de sponsors. Les opérateurs qui soutiennent les événements culturels « ne souhaitent pas financer [sa] révolution ». l C.J.-Y.

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AIMÉ MENOBA

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JEUNE AFRIQUE


Où sont passés les Lions ?

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Jean-Pierre Bekolo 47 ans, réalisateur

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NICKY AINA

on dernier film, Le Président, a tellement échauffé les esprits à sa sortie que l’Institut français de Yaoundé a finalement renoncé à le projeter. Sa programmation aurait pu être interprétée comme une ingérence dans les affaires intérieures du Cameroun, a expliqué l’ambassadeur de France dans un courrier adressé à Jean-Pierre Bekolo. Mais pas question pour le cinéaste de s’excuser : « Je suis choqué qu’on veuille confiner le cinéma au divertissement. Quand je produis une œuvre, je veux qu’elle soit en phase avec les préoccupations des gens. » Et si cela implique d’évoquer la succession d’un chef d’État octogénaire, Bekolo ne s’en prive pas. Son « président » est un dirigeant africain vieillissant qui, en quittant son palais, découvre les conséquences désastreuses d’un trop long règne sur le pays. « En tant que cinéaste, on a le droit de spéculer ! » s’indigne le réalisateur. « Certains de mes confrères se demandent ce qu’il adviendrait si les Martiens débarquaient. La question que je me pose est : “Et si Paul Biya partait ?” » Rien de belliqueux, en somme. l C.J.-Y.

Richard Djif 35 ans, réalisateur

JEUNE AFRIQUE

Lapiro de Mbanga 56 ans, chanteur

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l a eu un dernier geste politique au moment de tirer sa révérence : demander à être incinéré aux ÉtatsUnis, où il s’est éteint le 16 mars. Comme un geste de rupture définitive pour celui qui avait choisi, dans son pseudonyme, de s’identifier à sa ville

NICOLAS EYIDY

a première fois qu’il a dû se cacher, c’était en 2005. Richard Fouofié Djimeli, dit Djif, était alors l’un des meneurs d’une grève étudiante réclamant de meilleures conditions de formation. « À l’époque, un élève en arts du spectacle et cinéma arrivait en doctorat sans jamais avoir vu une caméra », se souvient-il. Aujourd’hui, le réalisateur vit à nouveau comme un clandestin. Fin mars-début avril 2013, il a disparu pendant dix jours. Enlevé à son domicile par des inconnus, torturé, il a ensuite été relâché dans une rue de Yaoundé. Depuis, il craint pour sa vie. D’après les reproches formulés par ses ravisseurs (qui n’ont toujours pas été retrouvés), c’est son premier film, 139… Les derniers prédateurs, une fiction qu’il venait à peine de terminer, qui l’a mis en danger. Il y montre un régime vieux de 139 ans, qui voit les membres d’une même famille se succéder au pouvoir. Le regard sombre mais l’air toujours aussi déterminé, Djif dit de son œuvre qu’elle est « [son] parti politique ». l C.J.-Y.

AKWA BETOTE

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natale, Mbanga la frondeuse. Figure même de l’artiste engagé, Lapiro de Mbanga (de son vrai nom Sandjo Lambo Pierre Roger) s’était exilé outreAtlantique en 2012 après avoir purgé une peine de trois ans de prison pour son rôle supposé dans les émeutes de février 2008 contre le projet de modification de la Constitution devant permettre au chef de l’État de briguer un nouveau mandat. L’objet du délit : « Constitution constipée », un reggae-coupé-décalé au vitriol. De Mimba wi à No make erreur, la discographie de Lapiro est faite de chansons persifleuses, où nantis et puissants en prennent pour leur grade. Ce zonard dans l’âme défendait les laisséspour-compte sur fond de makossa et de rumba, dans un pidgin (argot mêlant français, anglais et dialectes locaux) qui résonnait comme un cri de ralliement. l C.J.-Y. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


CAMEROON WATER UTILITIES CORPORATION

Conseil d’administration de la CAMWATER à l’usine de la Mefou à Yaoundé.

EAU POTABLE, PROGRÈS NOTABLES Rendu à l’an 5 de son programme d’investissements en infrastructures de production d’eau potable, initié en 2008 au bénéfice des populations et industries camerounaises, la Camwater, ces derniers mois, est résolument passée à sa vitesse de croisière. L’heure des réalisations, dans le sillage des Grandes Réalisations prônées par son Excellence Paul Biya Président de la République du Cameroun, a sonné et résonne inlassablement dans l’esprit de nos partenaires, dans nos bureaux, et plus encore sur le terrain à travers nos différents chantiers. Construction du réservoir de stockage d’eau de Nyala (Douala).

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lus que jamais, nonobstant quelques écueils survenus ici ou là, nous nous dirigeons avec détermination vers une amélioration nette de la desserte en eau potable au Cameroun. Des avancées notables sur le terrain en disent long : la station de la Mefou à Yaoundé, dont les travaux entamés sur ce peu recommandable site jusqu’alors, affiche désormais fière allure sur les hauteurs du quartier Nkolbisson. Nouvellement nantie d’infrastructures et d’équipements de pointe, pour desservir la ville de Yaoundé en eau de qualité, en quantité et surtout en toute régularité ; elle est apte à produire par jour 50 000 m3 d’eau potable. Il en faudra certainement plus pour répondre efficacement et durablement aux attentes légitimes des consommateurs de la cité capitale. La dynamique ne saurait donc s’arrêter en si bon chemin. Elle ira en s’améliorant davantage, par le renforcement et l’extension de l’usine de production d’Akomnyada, qui portera le taux de production quotidienne de cette station de 100 000 m3 à 140 000 m3 dans les prochains mois. La ville de Douala, connaît pour sa part un remue ménage urbain, conséquent à ses exigences journalières en eau potable et ce pour des raisons évidentes: forte démographie, ville industrielle, accroissement de nouveaux quartiers, etc... Les travaux y battent remarquablement leur plein: la construction de la station

COMMUNIQUÉ


Jean Williams SOLLO Directeur Général de la CAMWATER

Traversée du pont-tuyau sur le Wouri.

de production de Yato Phase II est achevée ; celle du pont tuyau va dans le même sens. La pose des canalisations dans l’espace urbain est en phase de finalisation et l’édification des réservoirs de stockage de Logbessou, Nyala, et Koumassi est en constant progrès. Les centres secondaires ne sont pas en reste, ils font tout aussi rigoureusement l’objet de constantes attentions. Ce qui se traduit fréquemment par des travaux continus de renforcement et de réhabilitation des stations de production existantes. Des extensions graduelles des réseaux d’adduction, des signatures de conventions de partenariat et bien d’autres actions concrètes visant une couverture en desserte maximale de toute l’étendue du territoire Camerounais sont en cours.

Station de traitement de Tonga.

Ainsi courant 2012-2013, nombre de villes ont vu leur approvisionnement en eau potable nettement augmenté. C’est le cas de BUEA, BOGO,DJIKEJEM-OKU, TONGA, MAROUA, MBANKOMO… D’autres chantiers sont en cours d’exécution et se déroulent de manière satisfaisante : KUMBA, NKONGSAMBA, MAMFE, LOUM, MBANGA, MANDJO, LIMBE, TOKOMBERE, NANGA EBOKO, BIKOK, MEYOMESSALA… C’est le lieu de se féliciter des efforts sans cesse renouvelés du Gouvernement Camerounais, des rapports dynamiques et fructueux avec nos Partenaires au Développement dont les constants apports facilitent grandement l’opérationnalisation de nos travaux sur le terrain. L’échéance prochaine de l’évaluation des Objectifs du Millénaire pour le Développement aura selon toute évidence de la matière dans le domaine de l’eau potable au Cameroun. Tout est donc mis à contribution, afin que tous les camerounais en zone urbaine et périurbaine puissent disposer de l’eau potable ad libitum. La disponibilité de l’eau étant un double levier social et économique pour l’atteinte du cap pour l’émergence fixé en 2035, il y a tout lieu de croire, les faits parlant d’eux-mêmes, que la Camwater occupe une place de choix dans le train à grande vitesse lancée vers cet ambitieux objectif, par le Président Paul BIYA. CAMWATER, DUC IN ALTUM !

Station de traitement d’eau de la Mefou à Yaoundé.

CAMEROON WATER UTILITIES CORPORATION

Siège social B.P. 524 Douala Tél. : + 237 33 47 96 43/ 33 43 72 69 - Fax : + 237 33 43 72 70 Site web : www.camwater.cm - Email : info@camwater.cm


Économie TOURISME

Une éclaircie

Après des années difficiles, l’activité repart… Mais pas partout. Si le Maroc a enfin passé en 2013 le cap des 10 millions de visiteurs, Marrakech concentre un tiers des nuitées. Et les projets de développement d’autres destinations tardent à se concrétiser. CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial

F

inavril,lasaisonbatsonpleinetla place Jemaa el-Fna de Marrakech ne désemplit pas. Les visiteurs sont de retour dans la Babel touristique marocaine. En semaine, dans les souks, riads ou clubs de vacances, les touristes français ne sont plus majoritaires, ce sont désormais les accents anglais et allemands qui dominent. Et le weekend,cesétrangerssontrejointspardenombreux Marocains, pour la plupart venus des quartiers aisés de Casablanca et de Rabat. Les chiffres de fréquentation des hôtels de la ville ocre sont bons. D’ordinaire peu enthousiaste, Abdellatif Abouricha, du Conseil régional du tourisme (CRT), est optimiste : « Nous espérons un taux d’occupation de 65 % en 2014, toutes catégories confondues, ce qui représenterait 16 points de plus qu’en 2013 », se félicite-t-il.

Lahcen Haddad Ministre du Tourisme

« Nous encourageons les Marocains à voyager dans le royaume » Si les étrangers représentent une large majorité des visiteurs, les autorités veulent développer la clientèle locale.

CHOC. Marrakech revient de loin. Il y a d’abord

eu la crise économique en Europe, qui a touché les principaux pays émetteurs du Maroc (notamment la France et l’Espagne). Ensuite, le Printemps arabe, qui a effrayé certains touristes. Mais aussi le choc causé par l’attentat du café Argana, sur la place Jemaa el-Fna, qui avait fait 17 morts et une vingtaine de blessés le 28 avril 2011. Résultat, depuis 2009, le taux d’occupation des hôtels de la ville n’a dépassé les 50 % qu’en 2013 (voir p. 101). « Désormais, tout cela est derrière nous », se réjouit Pierre Jochem, directeur général l l l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

98

Jeune Afrique : La diversification géographique du tourisme semble patiner. Et le développement des nouvelles stations balnéaires a pris du retard. Pourquoi ? Lahcen Haddad: Marrakech reste la fenêtre du Maroc sur le monde et Agadir la première station balnéaire du pays. Il est normal qu’elles représentent les deux tiers des nuitées. Même si nous souhaitons développer d’autres destinations, les capacités

hôtelières de ces deux villes phares sont encore appelées à croître. Concernant le tourisme balnéaire, nous avons repensé le plan Azur. Nous terminons le tour de table pour finaliser la station de Lixus, près de Tanger. Nous misons aussi sur le développement du tourisme d’affaires à Casablanca et à Tanger, où de grands projets sont en gestation pour augmenter les capacités. Mais dans la région de Fès et Meknès, au Moyen-Atlas, je reconnais que nous devons


LES INDISCRETS

Gabon, Kenya, Togo, Sénégal

AGRICULTURE

La banane fait une jaunisse

DÉCIDEURS

Lassiné Diawara Président du conseil d’administration de BAL Burkina Faso

TÉLÉCOMS

Deal gagnantgagnant

très localisée faire un effort pour mettre en avant les possibilités dans le domaine culturel. Alors que les professionnels du tourisme réclament l’augmentation du nombre de liaisons aériennes, le Maroc vient d’instaurer une taxe sur les billets d’avion. Cette mesure n’est-elle pas contre-productive ? Cette taxe, mise en place progressivement depuis le 1er avril, peu onéreuse [100 dirhams, soit moins de 9 euros, par passager en classe économique], n’empêchera pas le nombre de liaisons aériennes de croître. La fréquence des vols vers le Maroc devrait cette année augmenter de 23 % par rapport à 2013, avec une multiplication des rotations vers Marrakech (+ 20 % de vols) et Agadir (+ 38 %). Un réel progrès principalement dû à l’arrivée

de compagnies allemandes à bas coût, comme Air Berlin. Quel est le poids des touristes marocains ? Leur nombre est en progression : ils représentent 28 % des nuitées, soit 3 points de plus qu’en 2011. Grâce aux nouvelles autoroutes, les urbains de la zone de Casa-Rabat sont nombreux à se rendre à Marrakech ou dans le Nord. C’est une clientèle qui dépense souvent plus que les Européens. Nous cherchons à les encourager, en adoptant un nouveau calendrier de vacances scolaires – qui permettra d’étaler la saison –, en créant des chèques vacances, et grâce au produit Biladi [« mon pays »], qui propose des vacances à prix accessibles dans des stations balnéaires. l Propos recueillis par C.L.B.

99


Entreprises marchés de La Mamounia, le palace emblématique de Marrakech, fondé en 1925. « Le Maroc a prouvé qu’il n’était pas touché par les troubles politiques. Nos clients ne nous posent même plus de questions relatives à la sécurité », remarque-t-il. Le somptueux établissement affiche des taux d’occupation record : 72 % en avril, 68 % en mars, soit 25 points de plus qu’il y a deux ans. « Le marché américain, qui représente environ 20 % de notre clientèle, repart très fort et une nouvelle clientèle venant des pays émergents devient importante. Les Brésiliens, que l’on ne voyait presque pas il y a cinq ans, représentent déjà 5 % de nos hôtes. Et des personnalités russes ont privatisé tout ou partie de l’établissement à l’occasion d’anniversaires ou de mariages », indique Pierre Jochem, dont l’hôtel a réalisé un chiffre d’affaires de 400 millions de dirhams (35 millions d’euros) en 2013 et multiplié les opérations promotionnelles dans de nouveaux pays. lll

CINQ-ÉTOILES. Dans cette reprise qui s’amorce,

« tout le monde tire son épingle du jeu, mais ce sont les deux extrémités de la gamme hôtelière qui en profitent le plus : le luxe et les établissements non étoilés », détaille Abdellatif Abouricha. Sur le segment haut de gamme, on craignait une surcapacité. Finalement, malgré le doublement du nombre de chambres dans les cinq-étoiles et autres palaces entre 2009 et 2012, la plupart des hôtels de luxe ont trouvé une clientèle. « Deux ans après l’ouverture de notre premier Four Seasons, à Marrakech [141 chambres], nous avons atteint notre rythme de croisière en ciblant plutôt les touristes individuels en haute saison et les groupes en basse saison. Notre taux d’occupation est de 62 % au premier trimestre, et au mois d’avril il devrait atteindre 85 % », se réjouit Holger Frehde, directeur des ventes et du marketing de la chaîne canadienne au Maroc. « Nous n’avons pas cassé les prix, bien au contraire. Aujourd’hui, il faut débourser 6 000 dirhams par nuit : c’est 10 % de plus qu’au lancement de l’hôtel », fait valoir cet Allemand installé à Marrakech. Quant aux petits hôteliers, non étoilés, « en cinq ans, leur capacité s’est accrue de 3 000 lits. Les établissements familiaux situés à proximité de la place Jemaa el-Fna qui ont su créer un site internet se portent bien, observe Abdellatif Abouricha, du CRT de Marrakech. Ils accueillent beaucoup de Marocains, mais aussi des étudiants européens, dont les moyens sont limités ». Sur le plan national, Lahcen Haddad, le ministre du Tourisme (lire pp. 98-99), assure que « la tendance est bonne ! L’année dernière, le nombre de nuitées a augmenté de 9,3 %, et le taux d’occupation des hôtels du pays est passé à 43 %, soit 4 points de plus qu’en 2012, ce qui a permis de passer la barre des 10 millions de touristes ». Un objectif initialement prévu pour 2010. « À cause N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

FRANK FELL/ROBERT HARDING WORLD IMAGERY/CORBIS

100

p La place Jemaa el-Fna, haut lieu du tourisme à Marrakech, à la tombée de la nuit.

Après un chiffre d’affaires de

35

millions d’euros en 2013,

La Mamounia, palace emblématique de Marrakech, affichait en avril un taux d’occupation record de

72 %

de la crise, il y a eu un glissement dans le temps. Mais il reste possible d’atteindre le chiffre de 20 millions de touristes dans dix ans », juge le ministre. La hausse de la fréquentation encourage les investissements. En 2013, ces derniers ont atteint 19 milliards de dirhams et ont permis de créer 20 000 emplois, d’après Lahcen Haddad. Qui affiche son optimisme : « En 2014, nous nous attendons à ce que les recettes [5,5 milliards d’euros en 2013], qui avaient diminué, se redressent, car, au premier trimestre, le budget dépensé par les touristes est en hausse de 11 %. » Reste que si Marrakech – sixième meilleure destination au monde en 2014 selon les utilisateurs du site TripAdvisor – est à la fête, le secteur touristique est loin de se porter aussi bien dans l’ensemble du royaume. La diversification géographique prônée par les autorités peine à se concrétiser, en dépit des fameux plans gouvernementaux Azur, Vision 2010 et Vision 2020, qui devaient mettre en avant de nouvelles régions, notamment dans le Nord, sur la côte méditerranéenne. Après avoir misé – sans succès – sur des groupes immobiliers étrangers tels que l’espagnol Fadesa ou le fonds spécialisé américain Colony Capital, l’État a dû revoir de fond en comble son plan Azur. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

101

Marrakech redresse la tête Taux d’occupation

55 %

2006

2007

2008

52 % 47 % 50 % 46 % 46 % 2009

2010

2011

2012

2013



10,05 millions de visiteurs en 2013 venant notamment de :

Chiffres de janvier à novembre 2013, en millions de voyageurs (évolutions par rapport à la même période en 2012)

France

3,2

Espagne Royaume-Uni

0,5

(+ 11 %)

Allemagne

0,5

(+ 12 %)

CREDIT PHOTO

États-Unis

Désormais, il parie davantage sur des partenaires privés issus de l’hôtellerie, comme l’américain Kerzner International pour développer la station balnéaire de Mazagan. « Parmi les six nouvelles stations prévues initialement, seules trois – Saïdia, Mazagan et Mogador – ont démarré, et avec des ambitions plus modestes », observe Abouricha. « Saïdia ne pourra pas être un succès tant que la frontière algérienne restera fermée », souligne Abdellatif Kabbaj, du groupe Kenzi Hotels, l’un des principaux hôteliers du Maroc avec dix établissements (dont trois à Marrakech). LOW COST. Selon l’Observatoire du tourisme,

la ville ocre représente encore 33 % des nuitées hôtelières du royaume, et Agadir, qui attire des touristes moins aisés, 25 %. Mais certains des établissements balnéaires de cette station vieillissent mal, faute d’investissements dans leur entretien. Quant à Fès, « qui dispose comme Marrakech d’un patrimoine culturel admirable, l’offre hôtelière n’y est pas satisfaisante dans le haut de gamme », tranche Pierre Jochem, de La Mamounia. Plus optimiste, Holger Frehde, de Four Seasons, estime que, « tôt ou tard, les nouvelles destinations marocaines trouveront JEUNE AFRIQUE

1,9

(+ 4 %)

(+ 4 %)

0,2 (+ 13 %)

générant :

5,5 milliards d’euros de recettes 8,6 % du PIB 500 000 emplois

À lire aussi sur economie. jeuneafrique.com: Comment Abdellatif Kabbaj, PDG du groupe Kenzi, a résisté à la crise

une clientèle, en particulier Casablanca, qui a un très bon potentiel pour le tourisme d’affaires ». La chaîne prévoit d’ouvrir un établissement dans la capitale économique en 2015, puis un à Taghazout, au nord d’Agadir, en 2017. « Pour améliorer la répartition territoriale de l’activité, le gouvernement doit utiliser Marrakech comme une porte d’entrée vers les autres régions, et tout faire pour renforcer les liaisons aériennes », complète Abdellatif Kabbaj. « Si l’on veut vraiment développer le tourisme et diversifier notre offre, nous avons besoin d’au moins une compagnie low cost nationale pour ne pas subir les atermoiements d’EasyJet et de Ryanair, trop sensibles à la rentabilité de leurs lignes », estime le patron du groupe Kenzi, qui regrette encore l’échec du lancement d’Atlas Blue, filiale de Royal Air Maroc (RAM). Il observe le bénéfice tiré par ses concurrents turcs de la belle santé de Turkish Airlines, qui a multiplié les liaisons aériennes. Pas sûr qu’il soit entendu par les autorités et la RAM sur ce point. La compagnie nationale, qui vient à peine de redresser sa situation financière, privilégie le développement de son hub de Casablanca et sa desserte subsaharienne, qui concerne encore peu de touristes. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

SOURCES : CONSEIL RÉGIONAL DU TOURISME DE MARRAKECH, MINISTÈRES MAROCAIN ET FRANÇAIS DU TOURISME

68 % 66 %


Entreprises marchés

Les indiscrets

PÉTER MÁCS/FOTOLIA

TOGO GUERRE DES PATRONS La guerre fait rage au sein du Conseil national du patronat du Togo (CNPT). Albert Kossivi Nakou avait été réélu à la tête de l’organisation, mais son adversaire malheureux, Stéphane Ahlonko Bruce, a obtenu mi-avril en justice l’annulation du scrutin, après avoir fait valoir que des membres qui n’étaient pas à jour de leur cotisation auraient voté tandis que d’autres n’auraient pas pu faire entendre leur voix. En attendant de départager les deux rivaux, la justice togolaise empêche le CNPT de se réunir et a nommé trois administrateurs provisoires, menés par Essohana Dieudonné Papaly.

Gabon

KENYA CHERCHE ACQUÉREUR POUR EQUITY BANK Helios, le capital-investisseur fondé et dirigé par les Nigérians Tope Lawani (photo) et Babatunde Soyoye, peine à se défaire de sa participation dans Equity Bank, malgré les très bonnes performances de l’établissement kényan. Entré à la fin de 2007 à hauteur de 24,99 % (pour 178,7 millions de dollars, soit 121,3 millions d’euros) dans le capital de cette banque cotée à la Bourse de Nairobi, l’investisseur cherche à vendre depuis près d’un an. Il espère tripler sa mise et empocher quelque 500 millions de dollars… Mais encore faut-il trouver un acquéreur.

Bouygues pour la fibre ?

L’

État gabonais devrait dévoiler le mois prochain le vainqueur de l’appeld’offresinternationaldevant attribuer pour quinze ans la gestion du réseau national de fibre optique. Parmi les candidats en lice, Axione, filiale du groupedeBTPfrançaisBouygues,apparaît comme le probable vainqueur, même si ses principaux concurrents, le coréen

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

KT Networks, l’espagnol Fenosa et l’ukrainien Data Group, ne désespèrent pas. Liquid Telecom, en lice dans un premier temps, s’est quant à lui retiré de la course le 7 mai. En partie financée par la Banque mondiale,laconstructiondeceréseauqui comprendraplusieursaxesentreLibreville etl’intérieurdupaysdevraitcoûterenviron 100 millions d’euros. l

SÉNÉGAL-FRANCE SOCIÉTÉ GÉNÉRALE CONTRE-ATTAQUE

DR

102

Condamnée le 29 janvier par la cour d’appel de Toulouse (sud de la France) à payer 80000eurosdedommages et intérêts à l’analyste financier sénégalais Kéba Diop, Société générale a décidé de se pourvoir en cassation. Le tribunal avait considéré que, pour son service « Votre banque

ici et là-bas », lancé en 2008, Société générale avait usurpé deux éléments innovants du projet Transcompte développé par Kéba Diop et présenté

à des responsables de la banque au début de 2004. Le groupe français devrait déposer son mémoire ampliatif devant la Cour de cassation d’ici à la mijuin afin de faire casser sa condamnationpour«agissements parasitaires ». De son côté, le jeune Sénégalais, qui demandait 15 millions d’euros, se réserve le droit d’attaquer les filiales de la banque à l’étranger, quel que soit le verdict de la Cour. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

Droit de réponse Idimama Kotoudi, conseiller principal en communication à la présidence de la République du Niger

Aucun avion présidentiel n’a été financé par Areva Notre sujet sur l’exploitation de l’uranium au Niger, publié dans J.A. no 2780, a suscité cette réaction de la présidence. 68

Économie

LES INDISCRETS

Rail, automobile, finance, distribution

AGRO-INDUSTRIE

Danone exporte sa recette

BOISSONS

Un bon cru pour Castel

DÉCIDEURS

Moncef Belkhayat PDG de H&S H&S Invest Invest Holding

AFRIQUE DE L’OUEST

Envahissante, la BOAD ?

69

NIGER

L’uranium de la discorde Des mois de négociation sur des concessions minières… et toujours pas d’accord. Les pourparlers à rallonge entre Areva et Niamey placent la filière sous les feux de l’actualité. Une industrie opaque, dont l’ONG Open Society pointe les dysfonctionnements dans un rapport que J.A. révèle en exclusivité.

CHRISTOPHE LE BEC

L

a pression monte sur le gouvernement nigérien et le minier français Areva qui, depuis plusieurs mois, renégocient les contrats d’exploitation des gisements d’uranium de la région d’Arlit, à 1 200 km au nord-est de Niamey. Manifestations étudiantes prenant à partie le président Mahamadou Issoufou – ancien cadre du groupe français – début avril, rapports d’ONG dénonçant les passe-droits obtenus par la compagnie : la colère gronde au Niger. Quant à Areva, déjà sur la sellette après l’ouverture d’une enquête visant son ancienne dirigeante Anne Lauvergeon et portant sur les conditions du rachat en 2007 d’Uramin (présent en Namibie et en Centrafrique), il se serait bien passé de cette publicité. Le 7 mars, Luc Oursel, le successeur d’Anne Lauvergeon, assurait lors d’une visite à Niamey être « proche de la conclusion d’un accord ». Pourtant, un mois plus tard, les tractations se poursuivaient, alors que les concessions des filiales d’Areva au Niger, la Société des mines de l’Aïr (Somaïr) et la Compagnie minière d’Akouta (Cominak) ont expiré le 31 décembre 2013. « Tout semblait prêt pour un renouvellement en douceur, mais sous la pression de la rue, le gouvernement a repoussé l’échéance et tenté à la dernière minute de durcir ses positions pour obtenir un accord plus acceptable par la population », analyse Ibrahima Aidara, responsable du pôle Transparence économique de la branche ouest-africaine d’Open Society, l’ONG spécialisée dans les questions de gouvernance créée par le milliardaire George Soros. Niamey veut que l’entreprise se plie à la loi minière adoptée en 2006, qui réduirait les avantages fiscaux dont elle bénéficie. Ce texte prévoit notamment un taux de redevance progressif entre 5,5 % et 12 % selon les bénéfices.

EXCLUSIF

t Un employé de l’exploitation à ciel ouvert d’Arlit inspecte des roches.

PIERRE VERDY/AFP

S

uite à la publication par votre hebdomadaire d’un article intitulé « Niger : l’uranium de la discorde » (J.A. no 2780, du 20 au 26 avril 2014), qui insinue notamment que le gouvernement du Niger fait preuve de « faiblesses » dans l’attribution des permis miniers et la gestion des revenus tirés de l’exploitation de ce minerai, nous tenons à apporter les précisions suivantes : au Niger, la présidence de la République n’attribue pas de permis miniers, cette prérogative appartenant au ministère des Mines. La présidence actuelle n’a donc pas pu attribuer le permis d’Imouraren. De plus, la convention concernant ce projet minier a été signée entre Areva et le ministère des Mines du Niger le 5 janvier 2009, c’est-à-dire bien avant l’accession au pouvoir du président Mahamadou Issoufou. Vous affirmez aussi que le gouvernement du Niger a reçu d’Areva un

LÉGITIMES. Du côté de l’Hexagone, le soutien inconditionnel des autorités à Areva ne semble plus acquis. « Les demandes du Niger sont considérées par ce gouvernement – et pas par le précédent gouvernement – comme légitimes », a ainsi déclaré le 5 février Pascal Canfin, alors ministre délégué chargé du Développement, devant l’Assemblée nationale. Reste à savoir si la nouvelle équipe dirigée par Manuel Valls adoptera la même position. C’est un fait : la filière d’extraction de l’uranium au Niger fonctionne dans l’opacité. Les parties prenantes ont beau s’en défendre, faute de N O 2780 • DU 20 AU 26 AVRIL 2014

« appui financier » de 35 millions d’euros, sur lesquels il a prélevé 15 millions d’euros pour l’achat d’un « nouvel avion présidentiel ». Cet appui, certes promis pour 2012, n’a jamais été reçu par le Niger, pour des raisons que vous pourriez demander à Areva. En conséquence de quoi, il n’a pas pu servir à une telle transaction. Le jour où un nouvel avion présidentiel sera acheté par le Niger, il sera bien visible et acquis sur les fonds propres du Niger. Pour l’instant, ce n’est pas le

cas. Vous faites également état, vaguement d’ailleurs, d’« irrégularités » et d’« incohérences substantielles » dans la gestion de la redevance minière redistribuée aux collectivités. Il n’y a rien de tout cela : le gouvernement, dont les services techniques fiscaux collectent ladite redevance, reconnaît qu’il existe des arriérés de paiement auprès des collectivités. Lesquelles admettent tout autant que depuis 2013 des efforts importants sont fournis pour éponger ces arriérés. Ces efforts seront intensifiés en 2014. l Réponse : Notre article se voulait une reprise et un commentaire d’un rapport de l’ONG Open Society sur le Niger, que nous avions obtenu en exclusivité. L’acquisition d’un avion présidentiel pour 15 millions d’euros grâce à un « appui financier » d’Areva (signalé dans ce document) n’a effectivement jamais eu lieu. Nous avons publié un rectificatif avec nos excuses sur notre site internet, le 19 avril, soit avant la parution de l’article, qu’il n’était malheureusement plus possible de corriger dans J.A. pour des raisons techniques. l LA RÉDACTION

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L’ESSOR AFRICAIN BÂTIR POUR LE FUTUR

Conférence de haut niveau sur les perspectives économiques de l’Afrique République du MozambiqueFonds monétaire Format total (avec débords deinternational coupes) L = 200 x H = 95

Maputo, Mozambique 29-30 mai 2014

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103


Entreprises marchés t Dans une plantation ivoirienne. La filière emploie entre 8 000 et 10 000 personnes dans le pays.

Cavendish.Deplus,ilnecompteque trois pays exportant vers l’Europe: la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Ghana, qui y expédient chaque année près de 680000 t, soit environ 2 % de la production africaine. ARDEURS. Pour l’instant, l’arrivée ABDUL-RAHIM/GALBE.COM

104

AGRICULTURE

La banane fait une jaunisse Un champignon pathogène venu d’Asie du Sud-Est vient d’être détecté sur le continent. De quoi inquiéter les professionnels, même si on ne constate pour le moment aucune répercussion sur les prix.

T

oute la filière africaine de production et de commercialisation de la banane est inquiète. En avril, des cultivateurs mozambicains ont signalé que près de 100000 hectares de plantations avaient été décimés par un champignon foudroyant répondant au nom barbare de Fusarium oxysporum f.sp. cubense. Élégamment appelée la maladie de Panama ou la jaunisse fusarienne, cette affection, qui fait des ravages en Asie du Sud-Est depuis deux décennies, est l’une des plus destructrices pour la banane. Elle frappe les arbres et diminue la production, même si les fruits restent comestibles. Depuis sa première intrusion en Afrique, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tente de circonscrire son développement. D’après Fazil Dusunceli, phytopathologiste au sein de cette institution, l’inquiétude est d’autant plus grande que, lorsque ce champignon se propage dans le sol, il peut y survivre pendant des décennies. Les techniques et les fongicides actuellement N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

disponibles ne permettent pas de le contrôler. L’état d’urgence semble donc planer sur la banane africaine. On craint notamment d’éventuelles répercussions sur les exportations, d’autant que la variété destinée à cet usage, la Cavendish, cultivée en Afrique de l’Ouest, est également la plus vulnérable à la fusariose. Mais certains scientifiques relativisent. D’après Thierry Lescot, agronomeauCentredecoopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et spécialiste de ce fruit, « le fait que cette maladie soit arrivée en Afrique ne signifie pas qu’elle va toucher demain les pays qui approvisionnent l’Europe ». PLANTAINS. Évaluée à plus de

32 millions de tonnes en 2012, la production subsaharienne pèse un quart du total mondial (128 millions de tonnes) toutes variétés confondues – douces, plantains, à cuire. L’AfriqueduNordrécoltequantàelle à peine plus de 1,3 million de tonnes de bananes par an, essentiellement en Égypte. Mais le continent ne produit que 5 millions de tonnes de

Les principaux exportateurs du continent (en tonnes, en 2012)

Côte d’Ivoire

310 000 Cameroun

254 000 Mozambique

49 309 (chiffre 2011)

Ghana

46 000

de la maladie de Panama sur le continent n’a eu aucune conséquence commerciale : en avril, les cours sont restés stables, à 0,75 euro le kilo importé en France. Mais les inquiétudes qu’elle suscite pourraient refroidir les ardeurs de certains gouvernements jusqu’ici désireux de développer la filière. La Côte d’Ivoire, première exportatrice africaine (voir ci-contre), a ainsi dévoilé en début d’année un projet de création de plantations dans le Nord, évalué à 4,9 milliards de F CFA (7,5 millions d’euros) et qui permettrait de produire environ 21000 t supplémentaires de banane douce. La filière représente 2 % du PIB du pays et emploie entre 8000 et 10000 personnes, selon les chiffres officiels. Elle génère, conjointement avec l’ananas, un chiffre d’affaires annuel de 145 milliards de F CFA. Mais d’après les experts, le problème pour l’Afrique se pose davantage en termes alimentaires. Notamment dans les principaux pays producteurs, en tête desquels on trouve l’Ouganda et le Rwanda: les agriculteurs y dépendent de la banane à la fois pour leur alimentation et pour leurs revenus. Or si la maladie de Panama semble affecter en premier lieu les Cavendish, des études sont en cours pourdéterminerdansquellemesure elle peut toucher les autres types de bananiers. Les scientifiques, dont les chercheurs du Cirad, cherchent en outre à développer des variétés résistantes grâce à l’amélioration génétique conventionnelle. En attendant, la FAO annonce l’organisation prochaine de réunions au Kenya, en Afrique du Sud et à Trinité-et-Tobago pour élaborer des plans d’action face à cette crise. l NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE


105

MAGHREB & MOYEN-ORIENT

Après le Printemps, enfin l’embellie Trois ans après le début des révolutions et le tumulte économique qui a suivi, le FMI annonce l’amorce d’un redressement dans la région.

A

u moment où sa Les efforts de diversification directrice générale, dans des pays comme le Maroc ont contribué à stimuler l’inChristine Lagarde, effectue une tournée dustrie. Toujours selon Masood au Maghreb et au Moyen-Orient Ahmed, Rabat met en œuvre un (du 7 au 12 mai), le Fonds moné- programme de réforme macrotaire international (FMI) prévoit économique clair à moyen terme, une embellie pour les pays de avec une modification de la procette région. Selon l’institution, tection sociale et des retraites. la tourmente économique qui a « Comme le Maroc, la Jordanie et accompagné le Printemps arabe la Tunisie ont réussi à introduire à partir de 2011 touche à sa fin. des réformes de leurs systèmes L’Égypte, la Jordanie, de subventions, ce qui leur permet de le Maroc, la Tunisie et le Yémen (désormais réduire les dépenses Cette qualifiés de pays en de l’État et de mieux reprise est transition) devraient cibler l’aide sociale », ainsi voir leur croisajoute-t-il. fragile : sance économique des revers s’accélérer. Certes, JEUNES CHÔMEURS. politiques la progression sera Cependant, le risque légère cette année, à de revers politiques suffiraient +2,9%(contre2,8%en (avec des élections à la faire présidentielles qui se 2013),maiselledevrait dérailler. rapidement atteindre profilent en Égypte et en Tunisie) ou d’une 4,3 % en 2015. intensification des D e r r i è re c e t t e tensions sociales pèse encore sur reprise, la vigueur retrouvée du commerce avec l’Europe et le redressement. « Le taux de chôla baisse des prix alimentaires. mage, à 13 % – presque le double chez les jeunes! –, demeure à un L’investissement public est égaleniveau inacceptable », rappelle ment en hausse grâce aux financements des bailleurs de fonds. Masood Ahmed. D’autant que Au total, le FMI a engagé près de quelque 1,5 million de jeunes 10 milliards de dollars (environ sont arrivés sur le marché du tra7,2 milliards d’euros) pour souvail depuis 2011, ce qui pourrait tenir les programmes de réforme engendrer encore plus de preséconomique dans plusieurs pays sionsocialeetinciterlesgouvernede la zone. Entre 2010 et 2012, mentsàinverserlesréductionsdes dépenses prévues. Pour Masood la croissance a été tirée par la Ahmed,cesÉtatsn’ontd’autrechoix consommation tandis que les exportations étaient à la traîne. que de développer des marchés Mais dès cette année, les inves- du travail plus flexibles et de luttissements directs étrangers (IDE) ter contre la bureaucratie, deux et les exportations vont s’ajoudomainesoùilsseclassentau-dester à cet élan, explique Masood sousdeleurspairsdanslemonde. l Ahmed, directeur du départeSIMEON KERR, à Dubaï ment Moyen-Orient et Asie cen© Jeune Afrique et Financial Times 2014 trale au FMI. Tous droits réservés JEUNE AFRIQUE

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Côte d’Ivoire Trois banques occidentales pour piloter l’eurobond de 500 M$ Télécoms Pour Airtel, l’Afrique reste à la traîne Coopération L’Algérie apporte un appui financier de 150 M$ à la Tunisie Transport maritime CMA CGM renforce sa flotte en Afrique de l’Ouest L’infographie de la semaine

Transferts illicites : le triste record africain

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


Décideurs

AHMED OUOBA POUR J.A.

106

BURKINA FASO

Investisseur touche-à-tout

Banquier, industriel, propriétaire foncier… Lassiné Diawara multiplie les casquettes. Portrait d’un businessman dont le parcours a basculé après sa rencontre avec Vincent Bolloré.

L

a boucle ferroviaire ouestafricaine, Lassiné Diawara ne pense plus qu’à ça. « L’homme de Bolloré » – comme on le surnomme parfois – maîtrise parfaitement ce sujet hautement stratégique pour la sous-région et le groupe français. Sur les murs de son vaste bureau situé avenue Kwame-Nkrumah, dans le quartier des affaires de Ouagadougou, le businessman burkinabè, 65 ans, a d’ailleurs accroché deux photos : l’une du président Blaise Compaoré, l’autre

de Vincent Bolloré… Et un poster de train, symbole de ce qui demeure l’un des pans les plus importants de son « petit » empire, Sitarail. La société gère le chemin de fer reliant Abidjan à Ouagadougou. Avant d’atteindre, demain, Niamey puis Cotonou. Issud’unelignéedecommerçants originaires de Bobo-Dioulasso et actifs jusqu’au Mali, l’homme d’affaires est né dans une famille aisée. Au milieu des années 1980, alors qu’il travaille pour la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest

Son « petit » empire Entreprises MABUCIG BOLLORÉ AFRICA LOGISTICS (Burkina Faso) BANK OF AFRICA (Burkina Faso) SAPHYTO SCI AMILA/Immeuble T. DIAWARA SAGECI (Côte d’Ivoire) MALI PROTECTION DES CULTURES (Mali) AGRIMEX (Niger) N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Parts détenues par Diawara (en %)

Chiffre d’affaires 2013 (en millions de F CFA)

5,42 5,22 10,21 17,125 100 97 14,79 15

48 988,32 9 507 35 874,27 6 019,14 304 1 800 2 395,4 786,25

(CEAO, l’ancêtre de l’UEMOA, l’Union économique et monétaire ouest-africaine), il rencontre « son ami » Vincent Bolloré, qui lui met le pied à l’étrier. Aujourd’hui à la tête de l’une des plus grandes fortunes du pays, « il est au centre des affaires », reconnaît un proche. Le premier vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie forme un tandem avec Alizéta Ouédraogo, présidente de l’organisme et puissante opératrice économique, surnommée « belle-mère nationale » par les Burkinabè en raison de ses liens de parenté avec la famille Compaoré : elle n’est autre que la belle-mère de François, frère et très influent conseiller économique du chef de l’État. « Son indéniable connaissance du secteur informel et des commerçants qui s’y sont bâti une fortune et mon implication dans le secteur structuré de l’économie sont complémentaires », juge Lassiné Diawara. On le dit homme de réseaux JEUNE AFRIQUE


Décideurs parce qu’il a ses entrées au palais de Kosyam, fréquente le ministre des Affaires étrangères Djibrill Bassolé, MgrJean-Marie Compaoré ou le nouvel opposant Roch Marc Christian Kaboré – ancien dauphin de Blaise qui a claqué la porte du parti au pouvoir en début d’année. À cette remarque, il éclate de rire : « Tout ça est vrai ! » Et il ajoute : « Je suis un ami des bons et des mauvais jours. Je ne renie pas mes amitiés même si, parfois, nos approches politiques divergent. » Arguant de la nécessité d’entretenir des relations privilégiées avec les autorités administratives et politiques pour faire entendre le secteur privé, Lassiné Diawara inspire confiance. « Il est méthodique et tient parole », confirme le patron d’un établissement financier. Résultat : il est incontournable ou presque. Banquier, industriel, propriétaire foncier, il multiplie les casquettes. Il préside ainsi les conseils d’administration de Bank of Africa (BOA) Burkina Faso, de Mabucig – Manufacture burkinabè de cigarettes appartenant au britannique Imperial Tobacco – ou de Bolloré Africa Logistics Burkina Faso, sociétés dont il possède des parts minoritaires. Il est aussi au tour de table d’Onatel, l’opérateur téléphonique national, de Tedis Pharma, la société burkinabè de distribution de produits pharmaceutiques, de la télévision BF1… et il détient 97 % du manutentionnaire

Bio express

1949

Naissance à Bobo-Dioulasso

1974-1982

Secrétaire général de la CCIA de HauteVolta

1984

Nommé économiste à la CEAO

1986

Rencontre Vincent Bolloré

1990

Président du conseil d’administration (PCA) de la Mabucig

1997

PCA de BOA Burkina

2009

1er PCA africain de Sitarail

2014

Développe un complexe commercial et de loisirs de 4000 m2

Sageci tout en contrôlant la société d’investissement Amila.

la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat de HauteVolta] m’a donné l’habitude de JEUNES POUSSES. « Dans mes soutenir l’émergence d’une classe activités, je privilégie la participad’hommes d’affaires moderne et tion au capital, explique Lassiné informée », concède-t-il. Dans la Diawara. Même si je suis minoriplus pure tradition des businesstaire, j’essaie d’être l’actionnaire men burkinabè, qui, depuis le burkinabè de référence. » Avec un patriarche Oumarou Kanazoé, ont certain succès : ses seules parts toujours pris soin de parrainer de dans BOA Burkina, cotée à la jeunes pousses en les finançant ou Bourse régionale, sont valorisées en leur ouvrant des portes. Kader à une quinzaine de Cissé, jeune patron millions d’euros. Le du groupe Africom, Blaise patrimoine immobilier le décrit comme un Compaoré, de celui qui possède homme d’affaires hors une exploitation de pair et humble. Djibrill 300 ha dépasserait les Dans quelques mois, Bassolé, 5 milliards de F CFA Lassiné Diawara lanJean-Marie (7,6 millions d’euros). cera les travaux d’un Compaoré… « Je perçois des divigrand complexe comdendes substantiels », mercial et de loisirs de L’homme avoue-t-il. Selon une 4 000 m2 dans la capiest bien évaluation réalisée tale. Il a déjà dépensé introduit. par J.A., ses revenus 50 millions de F CFA annuels pourraient pour réaliser des études avoisiner plusieurs centaines de techniques aujourd’hui achevées. millions de F CFA, uniquement en Ce projet de 2 milliards de F CFA dividendes. Ce qui lui permet de est mené par l’un de ses fils – il dépenser chaque année 50 millions a quatre enfants –, qui a émigré de F CFA pour la communauté : aux États-Unis et veut désormais dans la réalisation d’une école et investir dans son pays. Lassiné d’un collège à Séguéré de Sarfalaye Diawara contribue également au ou d’une maternité à Kienfangué, développement du futur complexe par exemple. hôtelier de Koubri, porté par un Mais son grand objectif social, autre de ses fils. Une façon de pasc’est aider les jeunes entrepreneurs ser le relais en douceur, tout en à se lancer. « Mon passage dans restant à l’affût d’investissements une institution d’appui au secteur avisés. l privé [il a été secrétaire général de NADOUN COULIBALY, à Ouagadougou

MEHDI TAZI SAHAM ASSURANCE MAROC Ce diplômé deTélécom SudParis et de l’Insead devient PDG de la filiale marocaine. Il remplace Saâd Bendidi, qui demeure directeur général délégué de la maison mère, Saham Group. JEUNE AFRIQUE

ALAN PRICE MBIDA PCCI Le groupe de centres d’appels sénégalais a nommé ce diplômé de Centrale Paris directeur général adjoint. Chargé des directions fonctionnelles des différentes filiales, il assure aussi la direction générale de PCCI au Nigeria.

DR

DR

SAHAM

ON EN PARLE

BRETT SOSO ROLLS-ROYCE MOTOR CARS Le Sud-Africain devient directeur pour le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Amérique latine du motoriste britannique. Il exercera ses fonctions à partir de juin depuis Dubaï. Son prédécesseur, Geoffrey Briscoe, rentre en Australie. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

107


Finance TÉLÉCOMS

Deal gagnant-gagnant Racheté par Etisalat, Maroc Télécom récupère les six filiales en Afrique francophone de son nouvel actionnaire majoritaire et, à la clé, 10 millions d’abonnés. À charge pour lui de doper l’activité de ces opérateurs.

V

endu mais heureux. Alors qu’Etisalat doit officialiser très prochainement le rachat des 53 % de Maroc Télécom encore détenus par Vivendi, le groupe chérifien a annoncé le 5 mai l’acquisition de six filiales de son futur actionnaire émirati pour près de 470 millions d’euros. « Cette opération représente un tournant et une accélération dans le développement de Maroc Télécom à l’international », s’est immédiatement félicité Abdeslam Ahizoune, le président du directoire. Vue de Rabat, cette prise de contrôle ressemble à une victoire, l’opérateur historique devenant la tête de pont d’Etisalat en Afrique francophone. « L’intérêt de ces acquisitions est de réduire l’exposition de Maroc Télécom au marché marocain, où la concurrence est forte. En intégrant les nouvelles implantations, le revenu des filiales subsahariennes représentera 44 % du chiffre d’affaires global du groupe, contre 27,2 % actuellement », explique Mehdi Ammouri, analyste financier chez CFG Group. Ces dernières années, l’opérateur avait déjà tenté d’étendre sa présence sur le continent en entamant des négociations avec Millicom (connu sous la marque Tigo) et avec le malgache Telma, révèle un financier marocain. Il s’était également porté candidat à la troisième licence mobile au Cameroun, mais avait été coiffé au poteau par Viettel. PROXIMITÉ. Maroc Télécom, qui a

déjà des filiales au Gabon (Gabon Télécom), au Mali (Sotelma), en Mauritanie (Mauritel) et au Burkina Faso (Onatel), prendra grâce à cet accord le contrôle de Moov en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo, au Niger, en Centrafrique et au N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Gabon. Seul Libreville pourrait émettre des réserves et demander que l’une des deux sociétés contrôlées par l’opérateur chérifien soit cédée pour éviter que le groupe ne possède deux des quatre licences de ce petit marché. Pour Etisalat aussi, l’opération semble avantageuse. L’émirati n’a jamais su tirer la pleine mesure de ses implantations en les pilotant depuis Abou Dhabi. À l’opposé, Maroc Télécom a montré par le passé une certaine expertise dans le redressement d’opérateurs en difficulté, comme Gabon Télécom. Aujourd’hui, l’ensemble des filiales subsahariennes du groupe marocain affiche un taux de marge Ebitda (mesure de la rentabilité) de 50 %, qui, année après année, se rapproche de la performance de la maison mère (57,8 %). Cette dernière bénéficie « d’une plus grande proximité culturelle et géographique [avec les opérateurs subsahariens] que le groupe émirati. Celadevraitfaciliterlemanagement des équipes locales », confirme Mehdi Ammouri. La reprise en main s’accompagnera bien sûr de l’envoi de cadres marocains dans chaque pays et vraisemblablement du départ de quelques managers actuellement en poste. « Le modèle qui a fait ses

p Le groupe devient le plus africain du royaume : après cette acquisition, il réalisera 44 % de son chiffre d’affaires au sud du Sahara.

Les filiales Moov en chiffres (au 31.12.2013) Pays

Abonnés

Parts de marché

Rang sur le marché national

Côte d’Ivoire

4 millions

20,7 %

3e (sur 6)

Bénin

3 millions

33,1 %

2e (sur 5)

Togo

1,7 million

43,3 %

2e (sur 2)

Niger

540 000

10,4 %

3e (sur 4)

Gabon

440 000

15 %

3e (sur 4)

Centrafrique

240 000

20,9 %

3e (sur 4)

SOURCES : CFG GROUP, TELEGEOGRAPHY

108

preuves dans nos quatre premières filiales, à base de rigueur, d’innovation, d’investissements massifs dans les infrastructures et d’appui sur les compétences locales, va être dupliqué », indique à ce sujet Abdeslam Ahizoune. Mais que valent vraiment les filiales qu’Etisalat vient de céder ? « Émettre une opinion sur le montant déboursé est pour le moment impossible car les détails de l’accord, qui inclut le rachat de prêts d’actionnaires, n’ont pas été communiqués. Il est néanmoins probable que, dès qu’ils seront connus, le cours du titre Maroc Télécom [actuellement aux environs de 101 dirhams, soit 9 euros] grimpera, car avec ces acquisitions le groupe présente un potentiel de croissance plus important », explique Mehdi Ammouri. D’après les documents que Jeune Afrique a consultés, la marge Ebitda consolidée des filiales Moov était supérieure à 30 % en 2012. L’an dernier, elle aurait fortement chuté (d’environ 7 points) du fait des investissements réalisés pour améliorer les réseaux (au Bénin et en Côte d’Ivoire notamment) et acquérir une licence universelle au Bénin. Il y aurait par ailleurs de fortes disparités entre les pays (voir tableau). En queue de peloton, on trouvesanssurpriselaCentrafrique, devancée par le Gabon et par le Niger, où d’importants investissementsserontnécessairespouraméliorer et étendre le réseau. Moov perdrait encore de l’argent sur ces JEUNE AFRIQUE


Baromètre

Finance

ECOBANK

trois marchés. Toutefois, grâce au Bénin, à la Cote d’Ivoire et au Togo, le résultat net de l’ensemble des filiales en 2012 est positif, s’établissant à environ 21 millions d’euros. DIVIDENDES. « Cette situation ne nous inquiète pas particulièrement. D’ici trois à cinq ans, les équipes de Maroc Télécom devraient être capables de doubler le taux de marge Ebitda de ces sociétés pour atteindre 40 % », indique Mehdi Ammouri. La volonté du groupe chérifien de poursuivre son expansion semble donner raison à l’analyste. L’entreprise est actuellement en lice pour acheter l’opérateur historique tchadien Sotel. « Il lui reste une marge d’endettement importante – environ 7 milliards de dirhams », juge Ammouri. Pour faciliter son expansion et les investissements nécessaires au décollage de ses nouvelles filiales, Maroc Télécom pourrait aussi revoir à la baisse ses dividendes. Mais Etisalat, après avoir déboursé 4,2 milliards d’euros pour prendre le contrôle du groupe, peut-il accepter d’être moins bien traité que Vivendi ? l JULIEN CLÉMENÇOT

ECOBANK Transnational Inc. a publié début mai ses résultats financiers pour 2013 et le premier trimestre 2014. L’amélioration de 21 % de la performance opérationnelle l’année dernière, avec un bénéfice d’exploitation à 598 millions de dollars [430 millions d’euros], a été plus que compensée par la hausse importante des dépréciations d’actifs au dernier trimestre. Celles-ci sont passées de 115 millions de dollars fin septembre à 377 millions fin décembre. Nous n’étions pas préparés à une telle détérioration, le management n’ayant émis aucun avertissement. La filiale nigériane a enregistré au dernier trimestre 2013 une charge de 217 millions, contre 42 millions sur les trois trimestres précédents. Selon la direction, 165 millions sont dus à des dispositions prises

JEUNE AFRIQUE

Nothando Ndebele Analyste chez Renaissance Capital

4 % du profit avant impôts en 2013. Bien que les autres régions, hormis l’Afrique de l’Est, aient enregistré une croissance solide des bénéfices, nous croyons que les éléments positifs seront éclipsés par les problèmes au Nigeria. Les résultats sur le premier trimestre ont montré une normalisation et nous indiquent que le groupe est sur la bonne voie pour atteindre un profit avant impôts de 460 millions de dollars en 2014, contre 222 millions en 2013. » l

Cours du titre au Nigerian Stock Exchange (en nairas)

17,40

18

17.1.2014

17

16

15

Maroc Télécom répond Le groupe précise que, contrairement à ce qui a été indiqué dans l’article « Pourquoi l’Afrique n’a pas la fibre numérique », paru dans J.A. no 2781-2782 (du 27 avril au 10 mai 2014), il met à la disposition des autres opérateurs un accès à sa boucle locale cuivre.

sur des “actifs non performants hérités”. Au cours d’une conférence téléphonique, le management a fait allusion à des récupérations d’Amcon et d’autres tiers sur des créances douteuses vendues précédemment. À notre avis, cette brève explication ne clarifie rien, et, compte tenu de la taille de la dépréciation, nous nous serions attendus à des informations beaucoup plus détaillées. Notre principale préoccupation tient au fait qu’un investissement dans Ecobank repose surtout, selon nous, sur le redressement de l’activité nigériane. À ce titre, le taux de créances classées dans ce pays (8,3 %), en hausse (3,6 % fin 2012), est peu susceptible de nous réconforter. La filiale nigériane représente 42 % des actifs, mais seulement

16,39

12,81

2.1.2014

5.5.2014

14

12,70

13

7.4.2014

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

SOURCE : BLOOMBERG

ABDELHAK SENNA/REA

Une dépréciation inattendue

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

109


110

Dossier

Finance

INTERVIEW

Mohamed El Kettani PDG d’Attijariwafa Bank

AFRIQUE DU SUD

Mike Brown, directeur général de Nedbank

STRATÉGIE

Le modèle

panafricain

en panne? À la mode dans les années 2000, l’implantation continentale est jugée par certains peu rentable, trop coûteuse et inefficace… Place aux banques régionales !

E

cobank, la plus emblématique des banques panafricaines, tient les observateurs en haleine depuis début 2013. Les graves problèmes de gouvernance qu’elle traverse ont révélé l’une des grandes fragilités des établissements panafricains : les procédures qui régissent ces groupes et les garde-fous censés les protéger n’ont pas toujours suivi le rythme de leur expansion géographique. Tandis qu’Ecobank passait d’une douzaine de filiales en 2001 à 35 en 2014, le manque d’indépendance de ses mécanismes de gouvernance tels que le contrôle interne et le comité d’audit était régulièrement N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

NICOLAS TEISSERENC

dénoncé, notamment par le gendarme de la Bourse nigériane. Mais si l’on en croit une récente étude de Renaissance Capital (RenCap), une banque d’investissement spécialisée dans les marchés émergents, c’est loin d’être la seule faiblesse d’Ecobank et, par extension, de l’ensemble des groupes de ce type. Dans la plupart d’entre eux, la logique d’expansion géographique l’emporte sur l’efficacité opérationnelle, selon RenCap. Son rapport dénonce notamment une rentabilité décevante, un coefficient d’exploitation (mesure de la maîtrise des coûts) trop élevé et l’impossibilité de l l l concurrencer les grandes JEUNE AFRIQUE


CAPITAL-INVESTISSEMENT

BURKINA FASO

Si tu ne viens pas à Coris, Coris viendra à toi

AFRIQUE DE L’OUEST

La BRVM veut remplir sa bourse

111

OLIVIER POUR J.A.

L’Afrique peut-elle passer à la vitesse supérieure ?

banques internationales sur le créneau des multinationales comme autant de preuves que ce mode de développement ne fonctionne pas. Le modèle panafricain a connu ses heures de gloire au milieu des années 2000. En dehors d’Ecobank et de Bank of Africa, plusieurs établissements ont animé ce mouvement. Les groupes nigérians – parmi lesquels United Bank for Africa (UBA), Access Bank et Guaranty Trust Bank (GTBank) – ont ouvert la marche. Puis sont arrivés leurs concurrents sud-africains, en premier lieu Barclays Africa Group et Standard Bank, mais aussi Nedbank – qui s’apprête à devenir le plus important actionnaire d’Ecobank (lire JEUNE AFRIQUE

p Ecobank est passé d’une douzaine de filiales en 2001 à 35 en 2014.

pp. 120-121). Enfin, les trois principaux établissements marocains ont racheté des réseaux subsahariens existants : Attijariwafa Bank a absorbé plusieurs filiales du Crédit agricole, BMCE s’est adjugé Bank of Africa (BOA), et Banque centrale populaire (BCP) a assimilé l’ivoirien Banque Atlantique (voir infographie p. 112). Aujourd’hui, la tendance s’essouffle. Ecobank, qui finalise son implantation continentale en Angola, au Mozambique et en Éthiopie, semble faire exception. Et si le nigérian Access Bank s’est retiré de plusieurs marchés, UBA, présent dans près de vingt pays, peine à digérer son menu gargantuesque des années 2000. « Les banques N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014


Dossier Finance l l l panafricaines connaissent une indéniable crise de croissance », constate Khaled Ben Jilani, spécialiste du secteur chez AfricInvest, un capitalinvestisseur panafricain situé à Tunis.

RÉGLEMENTATIONS. La fin de cette ère expan-

sionniste a coïncidé avec la crise financière mondiale, notamment en raison du durcissement des réglementations prudentielles – au Ghana, le minimum de fonds propres exigé est en passe de doubler pour atteindre 50 millions d’euros environ; en Zambie, il a été porté à 100 millions de dollars (72 millions d’euros) et, dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), il est passé de 1 à 5 milliards de F CFA (de 1,5 à 7,6 millions d’euros) et devrait bientôt atteindre 10 milliards de F CFA, ce qui obligera les banques à maîtriser leurs dépenses de croissance externe. Au Nigeria, la Banque centrale (CBN) est allée jusqu’à interdire temporairement aux établissements nationaux de financer leurs acquisitions hors

L’expansion augmente les coûts et les risques de manière incontrôlée.

Les banques panafricaines en chiffres Nombre d’implantations Total actifs (Md€)

Rentabilité des fonds propres

Part de profits réalisée hors des frontières du pays d’origine (sauf Ecobank) BMCE - BOA (Maroc)

UBA (Nigeria) 19 11,2 8,1 % (contre 25,7 % au Nigeria) 7 % (2012) GTBANK (Nigeria)

16

9

4,685 (BOA, 2012) 19,7 (BMCE, 2012

9,4 (2012)

6,5 % (BOA, 2012) ATTIJARIWAFA BANK (Maroc) 10

33,6 % (2012) 5 % (2012)

BARCLAYS AFRICA GROUP (Afrique du Sud)

34 (2012)

8

17,6 % (2012)

57,49 (juin 2013)

23 % (hors Maroc,

11,2 % (2013)

Europe et zone offshore, résultat net part du groupe, 2012)

15 % (2013)

ECOBANK (Togo)

STANDARD BANK (Afrique du Sud)

35

20

16 (2013)

116 (2013)

6,9 % (2013)

16,6 % (hors Afrique

79 % (hors du Nigeria, 2012) N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

du Sud)

16,2 % (2012)

des frontières avec des fonds domestiques. Enfin, la valorisation des banques subsahariennes paraît trop élevée pour de nombreux investisseurs : elle équivaut à un multiple de deux fois les fonds propres, contre un multiple de un en moyenne dans d’autres zones émergentes comme l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine. Se pose donc la question essentielle du financement pour nombre de ces établissements, une expansion nécessitant des fonds propres importants. Or la plupart d’entre eux – Ecobank en tête – ne souhaitent pas perdre le contrôle au profit d’un groupe étranger. Statutairement, les bailleurs (pourvoyeurs de fonds habituels) ne peuvent pas non plus y prendre de position majoritaire. Enfin, la plupart des grandes banques internationales, soit par manque d’appétit, soit en raison d’une santé financière fragilisée par la crise, ne semblent pas prêtes à s’embarquer dans une aventure africaine. HANDICAPS. La conquête du continent peut

SOURCES : RAPPORTS ANNUELS ; RENAISSANCE CAPITAL

112

en effet s’avérer coûteuse. Deux possibilités s’offrent aux établissements désireux de croître: créer une filiale ex nihilo ou réaliser une acquisition. « Chacune de ces solutions est susceptible de condamner le modèle des banques panafricaines, explique Laureen Kouassi Olsson, directrice d’investissement chez Amethis Finance et spécialiste du secteur. L’acquisition présente des difficultés d’absorption, de qualité du portefeuille et de recapitalisation, tandis que le démarrage à partir de rien induit des lourdeurs administratives pour l’obtention de licences bancaires, nécessite la création d’un réseau d’agences coûteux, sans compter les obstacles à franchir pour construire une marque et la rendre visible sur le marché. » Des handicaps qui freinent les performances opérationnelles des filiales de banques continentales. Car plus que la gouvernance, le problème de fond du modèle panafricain est sa capacité à générer des revenus sur un grand nombre de marchés. Pour reprendre l’exemple d’Ecobank, sa réussite apparente à travers l’Afrique subsaharienne masque des disparités très importantes. Ainsi, sur les neuf premiers mois de 2013, elle a réalisé 41 % de ses revenus au Nigeria, tandis que ses opérations en Afrique de l’Est n’en représentaient que 3 % et perdaient de l’argent sur la même période. Par ailleurs, le marché nigérian ne pèse que 21 % de ses résultats avant impôt. L’expansion panafricaine va également de pair avec une augmentation incontrôlée des coûts et des risques. Ainsi, son coefficient d’exploitation se classe parmi les moins bons de son groupe de concurrents de taille comparable, notamment en raison des coûts de ses nombreuses filiales. Autre exemple, les coûts d’UBA se sont alourdis l l l JEUNE AFRIQUE


Ensemble, posons les bases d’une finance durable sur le continent africain Au cœur d’un continent porteur d’opportunités, le Groupe BMCE Bank poursuit son essor, s’appuyant sur l’extension continue du groupe BANK OF AFRICA, contribuant avec confiance au développement des affaires et du progrès social. Avec ses 11.000 collaborateurs mobilisés dans 19 pays africains, son assise financière, son positionnement de banque universelle soutenu par les synergies d’un groupe multi métiers aux ambitions internationales, et ses valeurs de tolérance et de partage, BMCE Bank et BANK OF AFRICA ouvrent la voie d’une finance durable sur le continent africain.


Dossier Finance sans qu’elle parvienne à produire des profits significatifs. En 2012, elle générait 19 % de ses revenus hors du Nigeria, mais en tirait seulement 7 % de ses bénéfices après impôt. Pour Ben Zwinkels, ancien dirigeant du FMO, l’agence de développement néerlandaise, qui a notamment participé au conseil d’administration de Bank of Africa, la priorité devrait être donnée à la consolidation de ce qui existe : « Peut-on bien diriger quand on est présent dans 25 pays ? La banque doit être rentable et durable, il ne faut pas agrandir jusqu’à chuter ! » lll

RÉGIONALISATION. « En réalité, observe Paul Derreumaux, fondateur de BOA et vétéran du secteur bancaire subsaharien (lire ci-contre), on observe un coup de frein chez les plus grands, mais une accélération chez ceux qui suivent. » La faiblesse de l’intégration continentale contredit la logique selon laquelle il faudrait par exemple être présent à la fois dans l’est et dans l’ouest de l’Afrique, dans la mesure où aucune entreprise n’est active dans ces deux zones, à part des multinationales déjà clientes de banques internationales. À l’inverse, dans un ensemble régional cohérent tel que l’UEMOA, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) ou la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), le maintien de la compétitivité passe par la régionalisation, notamment pour atteindre une taille critique. Le rachat de la ouest-africaine Banque régionale de solidarité (BRS) par le groupe Orabank s’inscrit dans cette logique. « Avec l’acquisition de BRS, nous avons pu être présents sur les plus gros marchés des zones UEMOA et Cemac et bénéficier d’une véritable intégration économique sousrégionale », soutient Ferdinand Kemoun Ngon, associé de l’investisseur ECP (Emerging Capital Partners) et numéro deux d’Orabank. D’autres challengeurs, comme le gabonais BGFI Bank, présent dans une dizaine de pays, ou le camerounais Afriland First Bank, qui vient de s’implanter en Côte d’Ivoire, intensifient la concurrence. Et depuis que la CBN a levé son interdiction, GTBank a repris le chemin des acquisitions, de même que First Bank, qui a acheté les filiales ouest-africaines du malaisien International Commercial Bank (ICB). En Afrique de l’Est, le kényan Equity Bank, déjà actif en Tanzanie, au Rwanda, au Soudan du Sud et en Ouganda, a annoncé qu’il allait probablement faire son entrée sur cinq nouveaux marchés dans les dix prochaines années. Une expansion plus ciblée, mais aussi plus lente. « Si le modèle panafricain montre certaines limites, la compétitivité des banques passe par une croissance externe, qu’elle soit domestique ou régionale. Compte tenu de la forte croissance du secteur à l’échelle du continent, ces stratégies d’expansion doivent être déployées maintenant », prévient Laureen Kouassi Olsson. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

INTERVIEW

Paul Derreumaux

Administrateur du holding Bank of Africa

« Des pionnières de l’intégration » Témoin de la vaste conquête panafricaine, le fondateur de BOA explique comment le secteur bancaire favorise le développement des sous-régions du continent.

A

prèsavoirlancéBankof Africa (BOA) en 1982, Paul Derreumaux en a fait un véritable groupe panafricain, désormais contrôlé par le marocain BMCE. Cet observateur privilégié des évolutions du secteur bancaire du continent reste administrateur du holding BOA et président des filiales malienne et française.

VINCENT FOURNIER/J.A.

114

JEUNE AFRIQUE : L’expansion des banques panafricaines connaît-elle un coup d’arrêt ? PAUL DERREUMAUX : Tout à fait,

depuis deux ans, et ce pour deux raisons. Tout d’abord il faut digérer l’énorme mouvement d’expansion auquel on a assisté entre 2005 et 2010. Ce fut notamment le cas des banques marocaines et d’Ecobank. Ensuite, cette dynamique et le respect de la réglementation exigent des fonds propres très importants. Il faut du temps pour accumuler le capital nécessaire. Au Maroc et, de manière encore plus visible, au Nigeria, les banques centrales y veillent. Quelle logique justifie une telle expansion ?

Il s’agit de construire de grands réseaux pour atteindre une taille critique et réaliser des économies d’échelle, de répondre aux besoins des grands acteurs économiques et de s’imposer sur des marchés à fort potentiel. C’est grâce à cette stratégie que le système bancaire subsaharien est devenu crédible. Il finance la croissance tout en étant l’un de ses moteurs ; il fait progresser la bancarisation et aide les entreprises à se moderniser. Les

banques suivent ainsi leurs principaux clients, qui développent tous une approche régionale. Leur essor est facilité par le fait que beaucoup d’aspects du modèle bancaire sont quasi semblables dans l’ensemble des pays subsahariens, même s’il existedesdifférencesentreleszones anglophone et francophone. N’y a-t-il pas un problème d’intégration régionale, traditionnellement faible en Afrique ?

C’est aux entreprises de prendre en main l’intégration économique, les banques sont des pionnières en la matière. Il est donc souhaitable que les groupes régionaux aillent plus loin et jettent des ponts entre plusieurs zones. Les établissements bancaires, par leur présence simultanéedansl’UEMOA[Unionéconomique et monétaire ouest-africaine] et la Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale], contribueront à transformer ces deux zones en un espace économique et financier intégré. l Propos recueillis par NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE


RAWBANK entend confirmer son leadership sur le marché bancaire de la République démocratique du Congo et déploie à cet effet une stratégie de progrès à l’horizon 2016. Thierry Taeymans Président du comité de direction RAWBANK • Avril 2014

Quatre axes de base constituent la charpente de cette stratégie et impliquent directement l’ensemble des directions et départements de la banque dans une même démarche orientée Client. ! Un axe commercial dont l’objectif principal vise l’adaptation permanente de l’offre et les canaux de distribution aux spécificités et besoins de chaque segment de la clientèle ; ! Un axe relationnel qui vise la consolidation des complémentarités de compétences et l’harmonie des relations entre les agents RAWBANK au contact de la clientèle et ceux des fonctions supports ; ! Un axe organisationnel pour renforcer les process et adopter les meilleures pratiques et méthodes de travail dans toutes les veines de l’organisation ;

Client Un seul fil conducteur guide ce plan de manière transversale : LA SATISFACTION DU CLIENT par la qualité du service, l’innovation et la créativité ainsi que la couverture optimale du réseau d’agences.

! Un axe institutionnel destiné à donner à la banque un rayonnement international et la positionner comme institution bancaire de premier choix en RDC. Dans ce contexte, la nouvelle convention signée avec Proparco et la Frankfurt School of Finance & Management complète idéalement celles préalablement conclues – et toujours en cours – avec la Société financière internationale (SFI – Groupe Banque mondiale), la Banque européenne d’investissement (BEI), l’Agence française de développement (AFD) et Proparco. Siege social 3487, Bld du 30 Juin (Gombe) • KINSHASA +243 81 98 32 000

www.rawbank.cd


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Dossier Finance INTERVIEW

Mohamed El Kettani

PDG d’Attijariwafa Bank

« L’Afrique a fait confiance à l’Afrique » Crises politiques, fermetures de banques, bouleversements réglementaires… Le dirigeant de la banque marocaine revient sur une décennie d’expansion. Et dévoile ses nouveaux objectifs.

M

ohamed El Kettani, 56 ans, est l’architecte de l’expansion africaine du groupe marocain Attijariwafa Bank, filiale du holding royal Société nationale d’investissement (SNI) et premier établissement bancaire du Maroc et du Maghreb. À sa tête depuis 2007, l’homme – qui nous reçoit dans son bureau à Casablanca – ne tarit pas d’éloges sur le chemin parcouru. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Attijariwafa Bank a engrangé en 2013 un bénéfice net de plus de 4 milliards de dirhams (351 millions d’euros) pour un produit net bancaire de 18 milliards de dirhams. Des chiffres inédits pour une banque marocaine. Mais la principale satisfaction de Kettani, c’est la montée en puissance des filiales africaines, qui contribuent désormais à près du tiers des revenus du groupe. JEUNE AFRIQUE: Attijariwafa Bank est présente dans la plupart des États d’Afrique francophone. Va-t-elle viser les pays anglophones ? MOHAMED EL KETTANI : Nous

avons démarré notre expansion africaine par les pays francophones pour des raisons de proximité culturelle. Mais nous ne couvrons pas encore toute cette zone. Au Maghreb, il nous reste l’Algérie. En ce qui concerne l’Union économique et monétaire ouestafricaine(UEMOA),nousallonsêtre N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

opérationnels au Bénin avant la fin de l’année. Et nous ne sommes présents que dans trois pays en Afrique centrale. Nous ciblons maintenant le Tchad et la Guinée équatoriale. Puis nous viserons naturellement de nouveaux espaces, anglophones et lusophones… Le Nigeria est désormais la première économie du continent. Êtes-vous candidat au rachat des trois banques publiques Enterprise Bank, Keystone Bank et Mainstreet Bank ?

Le Nigeria est un grand marché quenousnenégligeonspas.Ilreprésente 180 millions d’habitants, un chiffre qui doublera dans trente ans. On ne peut pas se permettre d’en être absent. Mais pour le moment, il n’y a rien de concret. Vous attendez un visa en Algérie. Pourquoi ce blocage ?

Notre demande traîne depuis sept ans déjà. Nous la renouvelons tous les ans, en vain. Les autorités disent traiter plusieurs demandes d’agrément, et que nous devons attendre notre tour. Votre aventure africaine a débuté en 2005. Quel est votre principal motif de satisfaction ? Qu’est-ce qui vous a surpris ?

Notre principale satisfaction, c’est la reconnaissance de nos clients. Quand on est arrivé sur ces marchés, on se demandait si on allait être adopté comme une

marque africaine… Et l’Afrique a fait confiance à l’Afrique. Pour ce qui est des surprises, c’est sans aucundoutelacrisepost-Printemps arabe en Tunisie. Au moment où le secteur bancaire tunisien a été assommé et où tous les banquiers diminuaient la voilure, Attijari a été proactif et a lancé une opération à contre-courant, Moussanada, qui visait à restructurer la dette de nos clients pour leur apporter un peu d’oxygène. C’est en période de crise que les entreprises ont besoin de nous. Nous sommes fiers d’avoir mené cette action puisque, quelques semaines plus tard, la Banque centrale tunisienne a fait de Moussanada un produit de tout le secteur. Autre surprise : la guerre civile en Côte d’Ivoire. C’est une crise dont nous avons pu tirer

C’est en période de crise que les sociétés ont besoin de nous. des enseignements. En trente ans d’expérience, je n’avais jamais eu à fermer et à rouvrir une banque. Je l’ai fait en Côte d’Ivoire, et cela nous a permis d’enrichir nos process. Ce qui fait votre succès au Maroc et en Tunisie, c’est un modèle réunissant banque, assurance, crédit à la consommation et banque d’affaires. Le marché subsaharien est-il mûr pour cette approche ?

Nousavonseffectivementdéployé ce modèle de banque universelle en Tunisie, et nous nous apprêtons à faire de même dans les autres pays du continent. Nous venons ainsi de demander une licence à la l l l JEUNE AFRIQUE


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Quelques dates

1984

Diplômé de l’École nationale supérieure de techniques avancées (Paris Tech), il intègre la Banque commerciale du Maroc (BCM)

1989-2004

Exerce différentes responsabilités dans les métiers de la banque et de la finance Dirige le programme de fusion entre BCM et Wafa Bank, qui donne naissance à Attijariwafa Bank, dont il devient le directeur général

2007

Nommé PDG d’Attijariwafa Bank JEUNE AFRIQUE

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

BRUNO LEVY/THE AFRICA CEO FORUM

2004


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Dossier Finance Cima[Conférenceinterafricaine des marchés d’assurances] pour exercer le métier de bancassureur en Afrique subsaharienne. Nous déployons aussi ce système de bancassurance au Sénégal. L’Afrique a grandementbesoindebanquesuniverselles. On évalue à 100 milliards de dollars [72,6 milliards d’euros] les investissements à réaliser dans les infrastructures sur les dix années à venir. Et le continent a besoin de toutes les expertises. Il faut du conseil, de l’arrangement de dette, de la mobilisation d’épargne. Nous étoffons nos offres pour répondre à ces besoins.

lll

Wafa Assurance semble néanmoins vivre un faux départ en Côte d’Ivoire…

L’achat de la compagnie ivoirienne Safa n’a pas été finalisé parce que toutes ses archives ont brûlé lors d’un incendie l’an dernier. Mais vu le succès que connaît notre filiale d’assurance en Tunisie, nous avons jugé opportun de démarrer nos activités ex nihilo. Au lieu de racheter des sociétés, nous allons créer des firmes dont nous maîtriserons la qualité des actifs dès le départ. Certains analystes financiers considèrent qu’être une banque panafricaine n’offre aucun avantage car l’intégration régionale est faible…

La meilleure réponse, ce sont les chiffres. L’activité africaine représente désormais 26 % de notre produit net bancaire consolidé et contribue à hauteur de 23 % à nos bénéfices. Si nous n’avions pas déployé cette stratégie sur le continent, nous n’aurions pas ce niveau de contribution. Et puis une banque comme Attijari participe à l’intégration des économies. S’il n’y avait pas ce canal bancaire pour conforter la relation de confiance entre opérateurs, jamais les entreprises gabonaisesn’auraientdialoguéavec leurs homologues ivoiriennes ou marocaines, ni les burkinabè avec les maliennes, etc. La crise traversée par Ecobank pose la question de la supervision des banques panafricaines, N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

et plus précisément du nombre de régulateurs impliqués.

Nous ne sommes pas dans le même cas qu’Ecobank [supervisé par 21 régulateurs]. Attijariwafa Bank traite avec cinq régulateurs. Trois sont répartis entre le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie, et deux en Afrique de l’Ouest. C’est donc beaucoup plus simple. Nous avons la chance d’avoir embrassé très tôt, au Maroc, les normes internationales. Au départ, la profession a été réticente quand Abdellatif Jouahri [le gouverneur de la Banque centrale, Bank Al-Maghrib] nous a demandé de nous conformer aux règles de Bâle. Mais on s’est petit à petit rendu compte que cela permettait de solidifier le secteur. Aujourd’hui, on s’apprête à appliquer Bâle III. Et nous sommes même en avance sur l’Afrique du Sud. Si l’on observe ces règles extrêmement rigoureuses, on est forcément en conformité avec la réglementation africaine. Cela étant, il faudrait que les États du continent s’orientent vers un dispositif réglementaire uniforme.

L’activité africaine représente 26 % de notre produit net bancaire. Le secteur bancaire marocain vit depuis plus de cinq ans une crise de liquidités. Bank Al-Maghrib injecte toutes les semaines 60 milliards de dirhams en moyenne dans le circuit monétaire. Comment sortir de cette situation ?

Nous ne vivons pas de crise de liquidités. Les crédits à l’économie ne représentent que 105 % des dépôts, ce qui reste très loin de ce qu’on observe dans les économies développées, qui affichent des coefficients de 180 %. Cela montre que le Maroc est à la veille d’une sophistication des outils de financement, qui vont s’étendre à la Bourse, à la dette privée… Il reste encore des poches importantes pour assurer la liquidité du système bancaire. Le coût du risque d’Attijari a augmenté de près de 50 % en

2013, comme pour la plupart des banques marocaines. Faut-il s’en inquiéter ?

Nous anticipons les risques. Dès que nous en suspectons un, nous le provisionnons. Et ce n’est pas de l’argent perdu. Cette évolution est donc très saine, au contraire, et vient prévenir des risques qui sont apparus dans certains secteurs comme la sidérurgie, les industries métalliques et métallurgiques ou encore l’immobilier résidentiel de luxe. Cette dégradation a par ailleurs été largement couverte par le niveau d’activité et de rentabilité de la banque. La SNI, votre maison mère, avait annoncé qu’elle se désengagerait d’une partie du capital d’Attijari. Est-ce toujours d’actualité ?

La SNI avait annoncé en 2010 qu’elle se désengagerait de ses filiales matures. Mais elle n’a jamais dit qu’elle céderait totalement Attijariwafa Bank, même si celleci est considérée comme mature. Elle sera toutefois disposée à en céder de 10 % à 15 %, mais il n’y a aucune urgence. Attijari a multiplié les partenariats commerciaux avec des institutions internationales comme Bank of China, Deutsche Bank… À quoi servent-ils ?

Nous avons cinq partenariats phares. Par sa présence africaine, Attijari éveille la curiosité d’un certain nombre d’opérateurs internationaux qui ne sont pas installés physiquement sur le continent, mais qui y ont des intérêts à travers leurs clients. C’est l’objet de nos alliances avec Bank of China, Qatar National Bank (QNB), Deutsche Bank, US Exim Bank et Opic. Ces institutions s’intéressent beaucoup à l’Afrique. Et font d’Attijari leur porte d’entrée. La clientèle de Bank of China doit par exemple traiter exclusivement avec Attijari. Et vice versa pour notre clientèle africaine ayant des intérêts en Chine. Idem pour Deutsche Bank ou US Exim Bank, le bras armé du gouvernement américain à l’international. l Propos recueillis par MEHDI MICHBAL, à Casablanca JEUNE AFRIQUE



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Dossier Finance AFRIQUE DU SUD

Mike Brown ou la force tranquille Critiqué lors de sa nomination parce qu’il n’est pas noir, le patron de Nedbank accumule les bons résultats. Sous sa houlette, la société a gagné 2 millions de clients.

P

our beaucoup de SudAfricains, Nedbank reste une banque de Blancs. Cette réputation, l’entreprise l’a héritée de sa longue histoire. Fondée en 1831 par des colons néerlandais, elle a conservé le nom de Bank of Good Hope jusqu’en 1971, avant d’opter pour une contraction de « Nederlandse bank ». Des origines qui lui ont souvent valu une très mauvaise publicité dans un pays où, vingt ans après la fin de l’apartheid, les relations entre les différentes communautés sont loin d’être pacifiées. En 2009, Julius Malema, alors président des jeunes du Congrès national africain (ANC), s’en était violemment pris à la banque lorsqu’elle avait retiré son soutien à l’athlète Caster Semenya, la spécialiste du 800 m. « Nous savons qui contrôle l’argent en Afrique du Sud. S’il avait été question d’une sportive avec une autre couleur de peau, elle aurait gardé son sponsor. Nedbank est déçue, car les athlètes sud-africains qui ont ramené des médailles des Jeux olympiques sont des Noirs », avait-il lancé. Un climat tendu que la nomination de Mike Brown à la tête de l’institution, en 2010, n’a pas apaisé. Le gouvernement sud-africain a critiqué à plusieurs reprises Nedbank pour ne pas avoir nommé de directeur général noir, contrairement à ses deux grandes concurrentes Standard Bank et First National Bank (FNB). L’établissement obtient pourtant de bons résultats, selon les évaluations du Black Economic Empowerment (BEE), le programme mis en place par le gouvernement pour favoriser la promotion des Noirs à des postes clés dans les entreprises. « Avec le N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Bio express

1966

Naissance à Harare, au Zimbabwe

1987

Diplômé de l’université du Kwazulu-Natal

2004

Directeur financier de Nedbank

2010

En pleine crise financière, il est nommé directeur général de Nedbank

BEE, nous pouvons faire grandir notre entreprise et jouer un rôle important dans la croissance économique de l’Afrique du Sud. Notre notation montre que notre rôle dans la transformation du pays est une stratégie pertinente », affirmait fièrement Mike Brown l’an dernier. ARTISAN. Mieux que les beaux

discours, ce sont les résultats de Nedbank qui font remonter sa cote dans les milieux d’affaires. Après la crise, « Nedbank a réussi à se remettre sur pied très vite et à redevenir attractive. Aujourd’hui, les perspectives sont très bonnes », estime Adrian Saville, analyste économique pour Cannon Asset Managers. Nommé en pleine tempête financière – dont Nedbank a eu à souffrir comme toutes les grandes banques sud-africaines (Absa, Standard Bank et FNB) –, le directeur général est le principal artisan de ce redressement. À 48 ans, ce grand

p Le directeur général, 48 ans, a convaincu par son approche centrée sur le client.

calme né en Rhodésie (actuel Zimbabwe), fan de golf et cycliste amateur, a séduit les investisseurs par son approche centrée sur le client, son réalisme à l’égard d’un environnement économique compliqué et sa stratégie internationale. « Brown s’est retroussé les manches et est resté humble. Avec lui, la stratégie de Nedbank est transparente. Sa détermination et son énergie font de lui un acteur essentiel de la bonne santé de l’institution », estime Adrian Saville. Ses principales lignes directrices : développer les banques de détail, optimiser les dépenses et rester concentré sur la volatilité des taux d’intérêt. L’an dernier, les résultats ont parlé pour lui : la compagnie a dépassé les prévisions, avec un profit en hausse de 16 %, à 8,64 milliards de rands (près de 600 millions d’euros). Depuis que Brown a pris les commandes, l’action de Nedbank s’est appréciée de 80 %. En guise de récompense, le JEUNE AFRIQUE


RUSSELL ROBERTS/FINANCIAL MAIL/GALLO IMAGES/GETTY IMAGES

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patron a obtenu une augmentation salariale de 13 %, à 32,5 millions de rands annuels. Avant d’être nommé directeur général, Brown a été directeur financier de la banque

pendant six ans. Une longévité triomphalisme. « L’environnement qui fait de lui une personnalité global demeure compliqué pour reconnue au sein de l’institution. les économies émergentes, et cela « C’est un bon banquier. Il est solide continue d’être difficile pour les particuliers sud-africains d’obteet connaît son travail en détail, nir des crédits. Les taux d’intérêt notamment la gestion des risques », vont augmenter, et les banques expliquait Mustaq Brey, membre rester exigeantes dans leurs critères du conseil d’administration de d’attribution », déclarait-il en début l’entreprise, à l’hebdomadaire économique Financial Mail en d’année. novembre 2013. Au niveau continental, Nedbank Plus qu’une vocation, la banque semble accélérer son implantation est une histoire de famille pour Mike Brown. Son père Pour se développer sur et son grand-père ont travaillé le continent, la banque chez Standard Bank. Celui va racheter 20 % qui considère que la banque « est le secteur d’activité le d’Ecobank d’ici à fin 2014. plus stimulant intellectuellement » est aussi réputé être un hors de ses bases. Déjà présente au bourreau de travail. Lesotho, au Malawi, en Namibie, au Swaziland et au Zimbabwe, elle MOZAMBIQUE. Transparence et a racheté 36 % des parts de Banco dur labeur : le credo de ce père Único au Mozambique en février. de trois enfants rassure dans un La banque veut aussi conquérir des secteur devenu ultracompétitif. territoires hors de la Communauté Depuis 2009, Nedbank siphonne de développement de l’Afrique la clientèle d’Absa, la filiale de australe (SADC), notamment en Barclays. La firme de Mike Brown Afrique de l’Est. Pour y parvenir, est passée de 4,2 à 6,4 millions de elle compte sur son alliance avec clients, notamment grâce à des la panafricaine Ecobank, déjà prétaux d’intérêt plus intéressants sur sente dans 34 pays du continent. les prêts immobiliers. Pendant la L’institution sud-africaine a décidé même période, son concurrent en de profiter d’un emprunt convera perdu plus de 2 millions (9,2 miltible accordé en 2011 pour acquérir lions aujourd’hui). 20 % des parts d’Ecobank d’ici à la Malgré ces bons résultats, le fin de l’année. l directeur général se refuse à tout PIERRE DONADIEU, à Johannesburg


INTERVIEW Amélioration de la trésorerie, de la qualité des dépôts, comme des crédits, élargissement du portefeuille clientèle, renforcement du soutien aux investissements : le groupe CBAO Attijariwafa bank a mis l’année 2013 à profit pour consolider sa dynamique de croissance. Et rappeler à ceux qui auraient pu en douter qu’il est toujours le numéro un sénégalais. Son directeur général, Abdelkrim Raghni, le démontre, chiffres à l’appui.

Abdelkrim RAGHNI

« Nous sommes une grande Institution bancaire sénégalaise et nous entendons le rester. »

COMMUNIQUÉ

Vous allez bientôt publier vos comptes 2013. Les résultats sont-ils en ligne avec vos prévisions ? Abdelkrim RAGHNI : Nous avons en effet bouclé un exercice 2013 très satisfaisant. Le Produit net bancaire a progressé de 16 %, atteignant près de 60 milliards de F CFA. Par ailleurs, nous avons contenu nos frais généraux à leur niveau de 2012, ce qui nous permet de présenter un Résultat brut d’exploitation en hausse de 48 %, à 22,4 milliards de F CFA. Enfin, la banque a consolidé son assise financière. Le Total de bilan atteint 712 milliards de F CFA à fin 2013, en progression de 11 %. Vous restez donc la plus grande banque du Sénégal. Quel est votre positionnement sur le marché ? A. R. : Notre vision de la banque s’inscrit dans le modèle de développement économique du pays, avec une stratégie de services adaptée à la clientèle des entreprises et des particuliers. Pour le citoyen, nous sommes une banque de proximité. Notre réseau couvre tout le territoire, avec 91 agences et 67 points de transfert d’argents. Il a plus que doublé depuis 2008, où nous avions 40 agences. Notre réussite repose aussi sur notre capital humain : 1 124 collaborateurs de qualité. Ils sont constamment à l’écoute des clients, à qui ils peuvent proposer des services innovants, qui les rapprochent de la banque, comme la carte KALPÉ, qui permet un accès facile, et à moindre coût, aux services bancaires, même à l’étranger, sans avoir nécessairement un compte. Comment cela se traduit-il dans les comptes de l’exercice 2013 ? A. R. : Les dépôts ont atteint 523 milliards de F CFA en 2013, en hausse de 3 %. Avec un tel montant nous sommes, !!!

Abdelkrim RAGHNI, Administrateur Directeur Général, CBAO Groupe Attijariwafa bank

ABDELKRIM RAGHNI Trois ans après ses études d’ingénieur à l’École centrale de Paris, Abdelkrim RAGHNI s’oriente en 1980 vers la banque. Il entre au Crédit du Maroc, où il progresse rapidement, occupant des responsabilités qui renforcent son expertise de tous les métiers bancaires. En 1998, il rejoint le Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH), d’abord directeur des pôles Banque et Finance, puis Directeur Général. Il dirige CBAO Attijariwafa bank depuis juillet 2008.


!!! dans ce domaine aussi, au premier rang. La hausse de 3 %

Et pour la clientèle des entreprises ? A. R. : Là, nous combinons les atouts des structures qui composent notre banque. Nous héritons de la position historique de la CBAO dans le pays, notamment auprès des entreprises, et nous la développons sans cesse. Par ailleurs, nous bénéficions des avantages liés à notre appartenance à un groupe très présent sur le continent ainsi que dans plusieurs pays d’Europe et d’Asie. Nous pouvons nous appuyer sur son expertise, sur ses mécanismes et sur son réseau. Vis-à-vis du secteur privé, nous sommes présents et actifs sur tous les segments, aussi bien les TPE et les PME que les grandes entreprises. Vous êtes également impliqué dans le financement de l’économie. Quels ont été les faits saillants en 2013 ? A. R. : La CBAO a connu une grande dynamique en 2013 et a continué à marquer sa présence au Sénégal dans le financement des infrastructures et de l’activité économique en général. Nous sommes par exemple la seule banque commerciale intervenant dans le montage financier de l’autoroute Dakar – Diamniadio. Sur un autre plan, à travers son club des investisseurs, la banque constitue une plateforme d’accueil pour faciliter l’investissement international au Sénégal. Nos missions de conseil et nos instruments de banque d’affaires et de gestion d’actifs permettent d’accompagner les investisseurs depuis la conception et le ciblage de leurs projets jusqu’à leurs financements. Dans le cadre du PSE, quelles sont les perspectives d’investissements que vous pouvez accompagner ? A. R. : Le Plan Sénégal Émergent traduit une vision ambitieuse pour amorcer un véritable décollage économique. Il est largement soutenu par la communauté internationale et sa promotion auprès des marchés pourvoyeurs de capitaux est de nature à fédérer les investisseurs sur des projets prioritaires, structurants et créateurs de valeurs et d’entraînement pour les autres secteurs. En tant que principal acteur bancaire du pays, et adossé à un groupe africain de premier plan, la CBAO est prête à s’impliquer dans sa réussite. C’est d’ailleurs notre mission : nous entendons rester une grande Institution bancaire sénégalaise, au service du citoyen, des entreprises et du développement économique. Cependant, la concurrence s’accroît sur votre marché. Comment faites-vous face ? A.R. : La stabilité politique et le potentiel social du Sénégal offrent de nombreuses opportunités de développement. Ce sont autant d’atouts qui provoquent une anticipation

AU CŒUR DE LA STRATÉGIE PANAFRICAINE Première banque sénégalaise, CBAO est aussi la plus importante filiale en Afrique de l’Ouest du leader marocain Attijariwafa bank, septième groupe bancaire du continent. C’est d’ailleurs au Sénégal qu’Attijariwafa bank avait initié son développement stratégique en Afrique de l’Ouest, d’abord en s’implantant en direct en 2006, puis en fusionnant avec la Banque Sénégalo-Tunisienne en 2007, avant de prendre le contrôle de CBAO en 2007. Un an plus tard, Attijariwafa bank reprenait cinq filiales africaines du français Crédit Agricole, devenant une multinationale panafricaine avec aujourd’hui plus de 6,4 millions de clients, 15 500 collaborateurs et de 3 000 agences sur le continent.

importante de la part des opérateurs, particulièrement les banques. D’autant plus que le taux de bancarisation est encore faible, de 15 % de la population, à comparer avec près de 60 % au Maroc. De même, le volume des crédits avoisine les 30 % du PIB, bien en dessous de ce qui se pratique dans les pays émergents. La marge de progression est par conséquent importante. En ce qui nous concerne, la concurrence a toujours du bon. Elle nous pousse à progresser encore plus. Votre maison-mère vous a confié l’ouverture d’une filiale au Burkina Faso. Où en est ce dossier, irez-vous dans d’autre pays ? A. R. : Notre Groupe souhaite confirmer sa présence dans toute la région. Nous contribuons à la réalisation de cet objectif à travers l’ouverture de succursales en Afrique de l’Ouest. Le modèle s’avère pertinent car la succursale du Burkina Faso, créée en février 2011, est déjà rentable, après avoir amorti tous ses frais d’établissement. Nous avons donc ouvert une deuxième filiale au Niger, en novembre 2013, et la troisième est en cours de lancement au Bénin. Cela nous place en position de référence en Afrique de l’Ouest et c’est un atout supplémentaire au service de nos clients sénégalais.

CBAO Groupe Attijariwafa bank 1, place de l’indépendance BP 129 Dakar – Sénégal Tél. : (+221) 33 849 97 97 Fax : (+221) 33 823 20 05 www.cbao.sn

Difcom - F.C. Photos : DR

paraît limitée mais en réalité, elle résulte d’une progression de 14 % des comptes à vue et d’une baisse de 7 % des dépôts placés. En d’autres termes, nous avons diminué la part des dépôts chers, ce qui permet des économies sur le coût des ressources et contribue à l’amélioration de nos performances. Cela traduit également un accroissement du volume de clientèle, donc notre ouverture au plus grand nombre.


Dossier Finance

FAN MILK

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CAPITAL-INVESTISSEMENT

L’Afrique peut-elle passer à la vitesse supérieure? Selon de nombreux fonds internationaux, le continent serait le marché émergent le plus intéressant au monde. Mais attention au risque de bulle spéculative…

L

Afrique confirme-t-elle son statut de nouvel éden des investisseurs en capital ? À en croire les dernières études publiées sur ce thème, la réponse est oui. De fait, la plupart des sondages d’opinion réalisés auprès des grands fonds d’investissement jugent toujours que le continent est le marché émergent le plus intéressant au monde devant les fameux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Principales raisons invoquées : la croissance économique solide se situant autour des 5 % depuis une décennie, l’urbanisation galopante des populations, ou le développement d’une classe moyenne avide de consommation. En 2013, les nouveaux capitaux investis dans les entreprises du continent ont bondi de 136 %, à 3,3 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros), d’après l’Association africaine du capital-investissement et N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

du capital-risque (Avca). Au total, les actifs sous gestion atteignent 25 milliards de dollars en Afrique. Ce montant, qui reste toutefois modeste par rapport à celui des pays développés, est encore amené à croître dans les années à venir : « La demande en capital pourrait augmenter de 8 % par an d’ici à 2018»,arécemmentindiquélecabinet de conseil américain McKinsey. « Le mouvement actuel est une très

Croissance élevée, urbanisation galopante, classe moyenne en hausse… Ses atouts sont sérieux. bonnenouvellepourlesecteurprivé et les PME africaines, qui manquent très souvent de fonds propres », estime Aziz Mebarek, cofondateur d’Africinvest-Tuninvest, qui gère plus de 750 millions de dollars d’actifs à travers le continent. Ce contexte porteur n’a évidemment

p Abraaj Group détient 51 % de l’agro-industriel Fan Milk, très actif en Afrique de l’Ouest.

pas échappé aux grands acteurs internationaux, qui multiplient les levées de fonds pour y investir. Dernier en date, le mastodonte américain Carlyle, coté à la Bourse de New York et qui gère 185 milliards de dollars d’actifs à travers le monde. En avril dernier, il a clôturé son premier fonds destiné à l’Afrique subsaharienne (Carlyle Sub-Saharan African Fund). La collecte a atteint 698 millions de dollars, soit 40 % de plus que l’objectif initial, fixé à 500 millions de dollars. BÉNÉFICES. Outre l’américain,

d’autres acteurs importants tels que le britannique Helios Investment – déjà très investi en Afrique – cherchent à y renforcer leur présence, tout comme le sud-africain Ethos ou l’émirati Abraaj. Pour sa part, Wendel – holding financier coté à la Bourse de Paris – souhaite y investir près de 700 millions de dollars dans les quatre prochaines années. Ces grands fonds cherchent à placer des sommes importantes dans les entreprises qu’ils ciblent. Ainsi, Wendel a injecté au total 475 millions de dollars dans IHS Holding, l’opérateur nigérian des tours de télécommunications. l l l JEUNE AFRIQUE



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Dossier Finance Et fin 2013, il a acquis 14 % du groupe d’assurances marocain Saham pour 100 millions d’euros. « Nous recherchons des investissements d’un montant minimum de 100 millions de dollars », explique Stéphane Bacquaert, son directeur associé chargé du développement en Afrique. Il faut dire que le niveau des retours sur investissements fait saliver. D’après l’Avca et le cabinet de conseil Ernst & Young, les sorties de fonds ont généré des bénéfices respectivement supérieurs de 20 % et 40 % dans les sous-régions d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique de l’Est par rapport à ceux réalisés en Afrique du Sud.

lll

DÉSINVESTISSEMENT. L’arrivée de grands acteurs risque-t-elle de perturber le marché, qui reste dominé par des opérations de taille moyenne ? Deux points de vue s’affrontent. « Ils vont nt contribuer à professionnaliser davantage le secteur du capital-investissement ital-investissement et renforcer son intérêt êt aux yeux des grands souscripteurs, s, notamment privés [fonds de pension, nsion, fonds de fonds, gestionnaires air de fortunes] », affirme me Aziz Mebarek. Et d’ajouter : « Cela augmente les possibilités de désinvestissement pour les fonds, une étape essentielle dans le cycle d’une opération de private equity. uity. Certains confrères, s, notamment les nouuveaux venus, montrent ent un intérêt croissant nt pour les sociétés du portefeuille que nous avons accompagnées et développées pendant plusieurs années. Celaa prolonge la présence ce d’investisseurs instituutionnels dans le capital ital de ces PME et assure en  Le britannique Actis a acquis Vlisco pour 120 millions d’euros en 2010. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

SEVERINO OU L’ANTIMODÈLE GAGNANT PIONNIER DE « l’impactinvestissement », une approche qui privilégie un résultat économique, social ou environnemental immédiat plutôt que d’importants rendements, Investisseurs & Partenaires (I&P) veut aller plus loin en aidant les jeunes pousses africaines. La société de gestion française présidée par Jean-Michel

Severino, ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), qui dispose déjà de 60 millions d’euros, souhaite lever 30 millions d’euros supplémentaires afin de soutenir, dans les dix années à venir, la création d’une dizaine de fonds de capital-risque africains. Ces derniers financeront des start-up du continent pour des

même temps la liquidité de nos fonds et de nos souscripteurs. » Même me son de cloche de la part de Jean-Marc Savi de Tové, directeur associé de Caur Cauris Management, un capital-inve capital-investisseur ouest-africain installé à Abidjan et à Lomé : « L’apparition « L’apparition paritio de grands fonds surr le continent est une aubai pour nous, car aubaine ils pourraient po investir dans des sociétés de dan notre portefeuille. » notr Mais d’autres invesMa tisseurs s’inquiètent tisse qu’une bulle ne soit en cours de formation. L’arrivée de ces fonds, L’ar combinée à la rareté com des grandes entreprises en mesure mes d’absorber de telles sommes, entraîne selon eux une surenchère en termes de valorisation. Une concurrence concur qui joue sur le prix à l’entrée, notamment dans les secteurs de la banque, des télécoms et des biensdeconsommation.Cela biensde biens de consommation. Cela risque ue également ég de poser un problème pour la sortie. En effet, effet comme l’explique Laureen ureen Kouassi-Olsson, directrice ectrice d’investissement chez Amethis Am Finance, « lorsqu’un fonds inves« tit 100 millions 100 millions de dollars dans une un société qui voit son bilan tripler en cinq ans, les perspectives d’une

montants compris entre 30000 et 300000 euros. Si la rentabilité de ses opérations n’est pas son premier argument, I&P permet aux PME dans lesquelles il investit d’améliorer leurs performances. Pour preuve, leur chiffre d’affaires a progressé de 30 % par an en moyenne ces dix dernières années. l R.B.

sortie garantissant un “cash multiple” [c’est-à-dire tripler la mise de départ] supérieur à trois sont incertaines. Sur ces tailles de ticket, le marché manquera d’acteurs qui peuvent prétendre payer 300 millions de dollars pour une seule participation pendant encore plusieurs années. » À ce titre, l’exemple de Vlisco – société hollandaise de textile réalisant 90 % de ses ventes sur le continent – est frappant et pourrait constituer l’une des plus grosses opérations de l’année. Le britannique Actis, qui a acquis cette société pour 120 millions d’euros en 2010, espère tripler sa mise. Pour l’heure, les négociations sont toujours en cours, et quelques acteurs français comme Wendel, Amethis Finance ou Eurazeo seraient sur les rangs. « Certains dossiers vont s’apparenter à des ventes aux enchères », confirme Sofiane Lahmar, associé chez Development Partners International. « La seule issue, c’est que l’engouement actuel pour l’Afrique se concrétise par l’arrivée de groupes industriels ou bancaires étrangers suffisamment armés pour dépenser plusieurs centaines de millions d’euros sur le continent, et sur le long terme », soutient Laureen Kouassi-Olsson. « Si la bulle explose, cela aura le mérite d’identifier les bons et les mauvais gérants », conclut JeanMarc Savi de Tové. l RYADH BENLAHRECH JEUNE AFRIQUE



Finance PORTRAITS

Ils distribuent les bons points Pour ces experts en calcul de solvabilité, la notation est un art qui s’applique à tous les types d’entités : entreprises, villes, pays… Et ne leur dites surtout pas qu’ils font de l’audit !

Maître ès risques

À l’américaine Stanislas Zézé

Christian Esters

PDG de Bloomfield Investment

D

«

L

a notation est un processus collégial et concerté. Elle ne repose pas sur les impressions d’un ou deux analystes », avertit d’emblée Christian Esters. À 42 ans, cet Allemand dirige les équipes de Standard & Poor’s (S&P) chargées du risque souverain pour les pays de l’ex-URSS, du Golfe et de l’Afrique. Et ce après avoir passé dix ans seulement au sein de l’agence. Il refuse pourtant de tirer la couverture à lui. Après un parcours universitaire en France et en Allemagne qui l’a vu empiler les diplômes en économie (université de Passau), en administration publique (École nationale d’administration) et en relations internationales et développement (université de Toulouse), c’est à l’enseignement de l’économie (de nouveau à l’université de Passau) qu’il se consacre pendant deux ans. Son vocabulaire oscille d’ailleurs entre le jargon technocratique, pour esquiver les questions pièges, et le discours professoral, pour « dissiper les malentendus » sur son métier.

OPINION. Lorsqu’on l’interroge sur les conséquences des rapports des agences sur les politiques économiques des États, il rappelle que « la notation est réalisée à la demande expresse des gouvernements, qui décident en dernier recours de la rendre publique ou non ». Une relation contractuelle d’autant plus nécessaire, glisse-t-il dans un français impeccable, « qu’une notation ne se fait pas seulement à partir des données publiques ». Rapports confidentiels, mémos de diplomates, rencontres avec le secteur privé lors de missions… Les sources sont multiples. « La notation n’est pas un audit, rappelle cet ancien de PricewaterhouseCoopers (PwC). C’est une opinion sur la solvabilité d’un État. Elle ne repose pas sur une estimation de 0,5 % de croissance en plus ou en moins. » À l’écouter, le plus important avec l’Afrique est moins ce qu’elle a de spécifique que ce qui la lie aux autres parties du monde. L’investisseur international peut choisir le Venezuela ou le Mozambique, le Nigeria ou l’Inde : c’est d’abord lui que les analyses de S&P doivent informer. Depuis Francfort et en quatre langues, Christian Esters y veille. l JOËL ASSOKO N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

ans les années 1990, c’est à Bloomfield Hills, une communauté ultrariche d’à peine 4 000 âmes située dans l’État du Michigan, aux États-Unis, que Stanislas Zézé, alors jeune diplômé, a trouvé l’inspiration. Le patron de Bloomfield Investment se souvient : « L’endroit m’a paru symboliser la réussite sociale. Et je me suis juré que ma première entreprise porterait ce nom. » Promesse tenue. À 45 ans, l’Ivoiro-Américain dirige depuis 2008 l’une des deux agences de notation de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Mais avant cela, il a fallu acquérir de l’expérience. Aux États-Unis, d’abord, où « Stan », après un master en administration publique décroché en 1995 à l’université du Michigan, s’engage dans une carrière d’analyste du risque. Il reste deux ans à la National Bank of Detroit avant de rejoindre à

DR

Directeur Afrique des notes souveraines chez Standard & Poor’s

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128

Washington les équipes Afrique de la Banque mondiale. En 2001 vient l’heure du retour aux sources. Il intègre la Banque africaine de développement (BAD), à Abidjan, et supervise la mise en place du système de notation des pays. Puis, en 2004, il est débauché par le pétrolier Shell pour devenir directeur du risque pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, avant de finalement fonder Bloomfield Investment. MOZART. « Cette agence, explique-t-il, répond aux besoins de transparence et de bonne gouvernance des entités privées et publiques de la région. » Bloomfield revendique notamment un rôle actif dans l’adoption d’une notation obligatoire pour toutes les sociétés cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan. L’agence peut aussi se vanter d’avoir noté la ville de Dakar, fin 2013 – une première –, et s’apprête à fair faire de même pour Abidjan et la comm commune du Plateau. Aujourd’hui, cet amateur de musique classiq classique – des bustes de Beethoven et de Mozart trônent dans so son immense bureau du Plat Plateau – dirige une douzaine de consultants permanents, un nombre permanents qu’il espère voir passer à trente d’ici à deux ans. Mais tout n’est pas encore idéal : aucun État afr africain n’a pour le moment fait confiance à Bloomfield Investmen Investment. l J.A. JEUNE AFRIQUE



Dossier Finance

HIPPOLYTE SAMA

130

p Après Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, le camion s’est rendu à Dano (Sud-Ouest).

BURKINA FASO

Si tu ne viens pas à Coris, Coris viendra à toi La deuxième banque du pays est très fière de sa dernière innovation : une agence mobile qui va de ville en ville pour permettre aux habitants d’ouvrir un compte.

U

n camion de 12 mètres de long transporte l’agence mobile de Coris Bank, inaugurée en décembre 2013. D’une surface de 47 m2, celle-ci offre toute la technologie et le personnel nécessaires pour réaliser les mêmes opérations qu’une agence classique: création de compte, transfert de fonds, retrait ou demande de crédit… D’abord testée dans la périphérie de OuagadougouetdanscelledeBoboDioulasso, les deux plus grandes villes du Burkina Faso, l’agence mobile se trouve depuis le 1er avril à Dano (Sud-Ouest), en attendant la création imminente d’une antenne fixe. « Il y a beaucoup d’affluence », assure Alassane Kaboré, directeur du réseau de Coris Bank et responsable de l’agence mobile. Le camion a bien sûr éveillé une certaine curiosité parmi les 11 000 habitants de Dano, et plus de 200 d’entre eux ont franchi le pas et profité de la présence de la deuxième banque du Burkina pour ouvrir un compte. « Cette initiative va sans doute accroître le taux de bancarisation du pays », assure Franck Tapsoba, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Qui sont ces nouveaux clients provinciaux? « Des salariés et des commerçants, pour la plupart », répondAlassaneKaboré,quiprécise que l’on trouve beaucoup d’orpailleurs et de céréaliers à Dano. Jusqu’à présent, la commune ne comptait aucune agence bancaire; les gens utilisaient les caisses populaires ou étaient contraints de se rendre dans d’autres localités. « Avant l’arrivée de l’agence mobile, nous étions obligés d’aller à Gaoua ou Bobo-Dioulasso pour retirer et déposer notre argent, explique un client. Cela comportait des risques, notamment à cause des coupeurs de route. » Sur les quelque 200 comptes créés à Dano, environ 180 sont des comptes d’épargne. « Nous ciblons avant tout les ménages»,préciseAlassaneKaboré. Prochaine destination : Pô, à environ 200 km à l’est de Dano. Proche du Ghana, cette ville est un important carrefour d’échanges commerciaux, mais, pour l’instant, seul Ecobank y possède une antenne. En outre, Pô abrite la plus grande base militaire du pays, et beaucoup de ses soldats détiennent des comptes chez Coris Bank. L’agence mobile pourrait donc s’y rendre chaque fin de mois, afin que les militaires puissent retirer leur

Plus de

550

nouveaux clients ont été séduits depuis l’inauguration du camion, en décembre 2013

paie en liquide. Et si la demande est au rendez-vous, Coris Bank pourrait envisager d’y installer une agence fixe. APPUI. Avec un total de 31 agences

dans le pays, dont quatorze à Ouagadougou, Coris Bank voit dans cette innovation le moyen de concurrencer Ecobank, qui a hérité du réseau de la Banque agricole et commerciale du Burkina, rachetée en 2008. Même si son coût d’acquisition est important – 300 millions de F CFA (environ 450 000 euros), contre 70 millions de F CFA en moyenne pour une agence classique –, l’agence mobile doit se révéler rentable sur la durée. Avec plus de 550 comptes ouverts depuis sa mise en route, le bilan de l’opération n’est pas encore définitif, mais Alassane Kaboré est formel : « Depuis le lancement de l’agence mobile, les résultats de la banque progressent. » Le camion peut aussi servir d’appui commercial ponctuel lors d’événements comme la Semaine nationale de la culture, à Bobo-Dioulasso, en avril. Si l’expérience est jugée concluante, elle pourrait être dupliquée hors du Burkina Faso et servir les ambitions expansionnistes de la banque. Avec un capital porté à 25 milliards de F CFA en septembre 2013, Coris Bank, qui est déjà implanté en Côte d’Ivoire, prévoit de s’installer au Mali et au Togo avant la fin du premier semestre. l PIERRE MARECZKO, à Ouagadougou JEUNE AFRIQUE


131

L’homme qui valait 150 millions d’euros

services qui dépassent la simple gestion de patrimoine. « Nous pouvons accompagner nos clients sur la définition de la structure de leurs affaires, les mettre en relation avec les bonnes personnes… » précise Nicolas Pyrgos.

À la tête de la société Emeraude Suisse Capital, Nicolas Pyrgos gère les portefeuilles d’une soixantaine d’institutions et d’hommes d’affaires établis sur le continent.

CONNAISSEUR. Pour dévelop-

GESTION DE FORTUNE

I

RELATIONS. Discret, il l’est aussi lorsque est soulevée la question du retour sur investissement. « Je ne veux pas faire de fausses promesses, mais, à profil de risque équivalent, les rendements sont supérieurs à ceux des mandats de gestion des banques », argue-t-il. Sa société ne détient pas l’argent, qui reste entreposé sur les comptes bancaires de ses clients, mais dispose d’un mandat pour l’investir. Des placements sur mesure, principalement dans des valeurs mobilières (actions, obligations). L’avantage, pour les hommes d’affaires, étant de pouvoir échapper à la politique commerciale de leurs

 Le gestionnaire de fortune fréquente les milieux d’affaires africains depuis quinze ans.

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banques afin de servir au mieux leurs intérêts. ESC a conclu des accords avec des établissements financiers en Suisse, en Andorre, à Dubaï ou à Monaco, et propose des

VINCENT FOURNIER/J.A.

conoclaste, Nicolas Pyrgos l’est sans doute un peu. Dans le cercle très fermé des gestionnaires de fortune, nombreux sont ceux qui préfèrent rester dans l’ombre. Le patron d’Emeraude Suisse Capital (ESC), lui, parle volontiers de son métier. À 44 ans, ce fils d’un fonctionnaire international chypriote et d’une professeure franco-suisse gère quelque 150 millions d’euros pour le compte d’une soixantaine d’institutions et d’hommes d’affaires établis sur le continent, principalement en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Des particuliers dont il tait en revanche les noms, se bornant à assurer qu’il n’y a parmi eux aucune personnalité politique.

per son entreprise, le directeur s’appuie sur un carnet d’adresses bien rempli, résultat d’une quinzaine d’années passées à fréquenter les milieux des affaires africains. Un parcours entamé en Mauritanie au début des années 2000, lorsqu’il décide de s’expatrier au service de la Société générale de surveillance, fleuron de la certification suisse. De retour à Genève après un passage au sein de l’Union bancaire privée, il rejoint UBS et fonde le département consacré à l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique centrale en 2006. Puis, en 2009, il rejoint Credit Suisse, où il prend en charge 38 des 53 États membres de l’Union africaine. « Les banques suisses ne faisaient aucun effort pour développer leur clientèle africaine, qui connaissait un véritable malaise, relate-t-il. Elles en venaient à oublier qu’elles étaient avant tout des entreprises de services ! » Convaincu qu’il y a là une place à occuper, Nicolas Pyrgos se lance à son compte en 2012. Il s’adjoint les services de Magali Vanrumbeke, rencontrée alors qu’ils travaillaient tous deux chez UBS. La clé des collaborations réussies, selon lui ? « Avoir le sens des relations humaines et être attentif. » Polyglotte, passionné de musique et amateur de bonne chère, ce banquier qui possède des passeports français, suisse et chypriote dispose, à l’évidence, de solides atouts pour réussir. l NICOLAS TEISSERENC

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« L’Afrique que nous voulons » 2013 a célébré le cinquantenaire de l'ancêtre de l'Union africaine, l'Organisation de l'unité africaine. 2013 a également vu naître l’ « Agenda 2063 » – une vision de l'Afrique dans 50 ans. En 2014, au moment où elle célèbre son 50e anniversaire, la Banque africaine de développement, lors de ses assemblées annuelles à Kigali, posera à ses pays membres une question d’importance : Comment réaliser la vision de l'Agenda 2063 : « une Afrique intégrée, centrée sur l’humain, prospère, et en paix avec elle-même » ? D'abord, par la gestion des facteurs de changement – la structure changeante des marchés mondiaux et des flux financiers, les nouvelles technologies, le changement climatique, l'urbanisation, les migrations. Deuxièmement, en mettant l'accent sur le leadership, l'intégration régionale, l'emploi, et les pays touchés par les conflits. L’objectif est ambitieux : une croissance soutenue et partagée par tous.

© AfDB 2014 - DESIGN CERD/YAL

Participez au débat à Kigali du 19 au 23 mai 2014, vous avez votre mot à dire sur la façon d'y parvenir : facebook.com/AfDBGroup @AfDB_Group – #afdbam2014

www.afdb.org • www.afdb.tv


Banque africaine de développement 50 ans au service de l’Afrique Née il y a 50 ans, la Banque africaine de développement (BAD), fidèle aux idéaux de ses pères fondateurs, est devenue la première institution de financement du développement de l’Afrique. De 250 millions de dollars à sa création, son capital atteint aujourd’hui 100 milliards de dollars. En un demi-siècle, la BAD a su mobiliser et investir plus de 100 milliards de dollars dans les secteurs clés de l’économie. Des infrastructures au capital humain, en passant par la promotion du secteur privé et l’intégration régionale. La BAD intervient dans tous les pays du continent et notamment là où on a le plus besoin d’elle: dans les Etats en situation de fragilité, auprès des segments les plus vulnérables de la population. Rien qu’au cours des deux dernières années, grâce à la BAD : • 8 millions d’Africains ont pu être raccordés aux réseaux électriques, • 34 millions d’Africains ont bénéficié d’un meilleur accès aux moyens de transport, • 14 millions d’Africains ont eu accès à des réseaux d’eau et d’assainissement améliorés ou tout neuf, • 27 millions d’Africains ont pu profiter de meilleurs services de santé. La BAD bénéficie de la meilleure notation -AAA- sur les marchés internationaux des capitaux. Elle veut pour l’Afrique, dans la prochaine décennie, non seulement une croissance forte mais une croissance partagée par tous et durable. La Banque africaine de développement n’est pas seulement une banque : Elle est l’institution du savoir sur le développement de l’Afrique. Elle est un pivot du plaidoyer en faveur de l’Afrique. Elle est une force vitale pour lever et multiplier les sources de financement. Elle est un catalyseur de la dynamique du continent. Dans une Afrique qui veut désormais gérer son destin, la BAD, la Banque de l’Afrique, est au centre de la transformation du continent.


Dossier Finance «Lescompagniesdenotrezonesont trop dépendantes des financements bancaires. Il faut donner plus de place au marché », plaide-t-il.

AFRIQUE DE L’OUEST

La BRVM veut remplir sa bourse L’institution régionale cherche toujours à intégrer de nouvelles entreprises. Ses moyens pour y arriver : des partenariats avec les chambres de commerce de la zone et une attention accrue accordée aux PME.

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

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E

p Trente des 38 sociétés cotées à Abidjan sont ivoiriennes.

n septembre, une nouvelle société entrera à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan : la filiale sénégalaise du français Total. Le pétrolier a décidé d’introduire 30 % du capital sur la place financière de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour gommer son statut de groupe étranger au pays de la Teranga.Cetteannoncevientàpoint nommé pour la BRVM, qui a connu plusieurs années sans introduction, notamment en raison des crises ivoirienne et malienne. Si la Bourse régionale profite des bonnes performances de l’économiedelazone(lacapitalisationdela BRVMaaugmentéde38%en2013), ni les sociétés locales, ni les épargnants n’ont encore pris la mesure de ce qu’elle peut leur apporter. « Nous devons communiquer davantage », explique Edoh Kossi Amenounve, le directeur général de la BRVM, qui a pris les rênes de

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

l’institution fin 2012. L’organisme était alors en pleine tempêteaprès le détournement de plus de 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros). L’année 2014 doit marquer un nouvel élan : au moins trois introductions sur le marché sont prévues en plus de celle de Total-Sénégal. Avec 30 sociétés ivoiriennes sur 38 cotées, la BRVM (née en 1998) reste fortement marquée par l’héritage de la Bourse d’Abidjan, créée en 1976. La place financière est très liée à quelques grandes valeurs. L’opérateur sénégalais Sonatel, dont la capitalisation a progressé de 1000 % depuis 1998, représente près de 40 % de la capitalisation totale de la Bourse. Ecobank, lui aussi, y occupe une place majeure. « Certains s’inquiètent du poids de ces entreprises à la BRVM, mais ce ne sont pas des valeurs spéculatives. Ce n’est donc pas problématique », tempère Edoh Kossi Amenounve. Le directeur général de la BRVM espère toutefois changer la donne.

INCITATIONS FISCALES. Afin de se rapprocher des chefs d’entreprise, Edoh Kossi Amenounve souhaite renforcer les liens de la place d’Abidjan avec les chambres de commerce et d’industrie (CCI) de la zone. Des conventions de partenariat ont été signées en Côte d’Ivoire, au Togo et au Burkina Faso avecpourobjectifd’identifier,parmi les membres des CCI, des entreprises pouvant entrer en Bourse. Parallèlement, la BRVM a signé en février un accord avec Cauris Management, une société de capital-investissement. Ces initiatives précèdent l’ouverture fin 2014 d’un compartiment réservé aux PME qui, pour le moment, est resté lettre morte faute de soutien suffisant au secteur privé. « Il faut mettre en place des incitations fiscales et des mesures d’accompagnement pour que ce ne soit pas une aventure sans lendemain. Et, dans le même temps, trouver de nouveaux investisseurs. Par exemple en favorisant l’apparition de fonds de pension », explique Edoh Kossi Amenounve. C’est ce dernier objectif qui pousse la BRVM à s’unir à Accra et à Lagos, les autres places financières de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le conseil

En 2020, la Place née de la fusion d’Accra, Abidjan et Lagos talonnera Johannesburg. d’administration de la BRVM doit se prononcer dans les prochains mois pour autoriser les courtiers des deux autres Bourses à passer des ordres d’achat à Abidjan en mandatant un intermédiaire local. Dans un second temps, un agent nigérian ou ghanéen pourra opérer seul, avant une fusion totale des trois Places prévue en 2020. À cette date, ces trois capitales pourraient constituer la seconde Bourse du continent, après Johannesburg. l JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Leader bancaire international, le Groupe BNP Paribas met l’accent sur son expertise des financements innovants. Pour Jean-François Fichaux, son Directeur Afrique, les six filiales africaines – BICIAB au Burkina Faso, BICICI en Côte d’Ivoire, BICIG au Gabon, BICIGUI en Guinée, BICIM au Mali et BICIS au Sénégal – sont des acteurs et partenaires indispensables à la réussite des montages financiers sur le continent.

Quelles sont les perspectives de développement des financements structurés en Afrique ? Jean-François Fichaux : Elles sont considérables, car les besoins sont énormes. Il y a d’abord la mise en valeur et l’exploitation des ressources énergétiques, minières, agricoles et agro-industrielles du continent. On dit que moins de 10 % de ses richesses sont actuellement exploitées. La mise en valeur de ce potentiel nécessitera de très importants investissements. À titre d’exemple, 20 à 25 milliards de dollars seront nécessaires pour développer le gisement pétrolier en Ouganda et construire le pipeline associé. À cela s’ajoutent les besoins en infrastructures nécessaires pour accompagner le développement. Ils sont estimés à 70 milliards de dollars par an pour les prochaines années. Compte tenu des sommes en jeu, des financements importants avec des durées souvent longues devront être recherchés, de plus à différents niveaux, auprès des organismes supranationaux, des banques de développement et des banques commerciales. Les grands projets nécessiteront des montages combinés entre plusieurs types d’intervenants, avec des durées et dans des devises différentes. Au sein de votre groupe, de quelle organisation relève cette activité ? J.-F. F. : Tout d’abord, il est bon de souligner que seuls les grands groupes bancaires comme le nôtre, qui ont les réseaux et les savoir-faire, sont en mesure d’arranger ces financements importants et complexes. Au sein de BNP Paribas, le pôle Corporate and Investment Banking (CIB) est chargé du suivi de ces dossiers. Il dispose d’équipes dédiées, avec des spécialistes sectoriels très expérimentés, qui peuvent apporter très tôt des conseils au sponsor du projet sur les différentes possibilités de financement, y compris l’appel à des organismes dédiés. Ensuite, elles sont en mesure de monter le financement, en devises ou en monnaie locale, en s’appuyant sur notre réseau africain de banques commerciales. Il y aura encore, le plus souvent, une phase de syndication auprès d’institutions financières locales et internationales, c’est à dire des

banques ou des compagnies d’assurance que nous connaissons bien grâce à notre présence internationale et à de fortes équipes de syndication. Nous sommes donc capables de fournir des services et solutions de financement complets sur les projets d’investissement en Afrique. Pouvez-vous citer deux exemples récents qui illustrent les aspects des financements structurés en Afrique ? J.-F. F. : Nous sommes en relation avec le groupe canadien Endeavour Mining qui détient des filiales en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali, où nous sommes aussi présents. BNP Paribas, via son pôle CIB, a tout d’abord arrangé un crédit syndiqué international de 350 millions de dollars pour ce groupe. Nous avons ensuite mis en place, avec nos filiales en Côte d’Ivoire et au Mali, un contrat de leasing de 8,7 milliards de F CFA à cinq ans pour financer du matériel pour sa filiale SEMICO, qui exploite une mine d’or au Mali. Autre exemple : au Gabon, notre filiale a monté, en qualité d’arrangeur et agent de garantie, un club deal de 20 milliards de francs CFA pour la Société Nationale Immobilière (SNI). Comments’articulel’activitédefinancements structurés avec vos filiales africaines? J.-F. F. : Nous avons, de longue date, développé une grande complémentarité entre notre réseau africain et nos équipes de spécialistes sectoriels basés à Paris, Londres ou dans les pays du Golfe. Elle nous a permis, depuis plusieurs décennies, de mettre en place de nombreux financements spécialisés en faveur de sociétés africaines, privées, publiques ou parapubliques pour des montants parfois très importants. Cela est vrai en particulier dans le domaine de l’énergie et des mines, mais également dans les télécoms et le secteur financier. Nous accompagnons également nos clients européens, asiatiques ou américains dans leurs développements africains. Récemment, nous avons par exemple joué un rôle de leader dans le financement de 300 millions de dollars en faveur de Total Gabon. L’Afrique est entrée dans la mondialisation, et le fait d’être une grande banque internationale crée un nombre important d’opportunités.

DIFCOM/FC - Photos : DR

VOTRE PARTENAIRE FINANCIER EN AFRIQUE

Jean-François Fichaux « Depuis des décennies, nous accompagnons les entreprises en Afrique »

COMMUNIQUÉ

Interview


Dossier Finance

136

t Les frais d’envoi vers le continent sont de 12 %, contre 6 % vers le reste du monde.

SVEN TORFINN/PANOS-REA

notamment par un manque de concurrence. Western Union et MoneyGram détiennent plus des deux tiers du marché des transferts vers l’Afrique. La réduction des frais présenterait pourtant un intérêt majeur pour la diaspora, mais aussi pour les banques, qui, en captant une partie de cet argent, pourraient mécaniquement octroyer davantage de crédits. Consciente de ces enjeux, l’Union africaine soutient la fondation d’un institut spécialisé dans le suivi des transferts de fonds au Kenya à l’horizon 2015. INITIATIVES. Certains pays ont

DIASPORA

Un gisement inexploité Parce que les coûts de transfert sont trop élevés, 40 % des envois d’argent passent par le secteur informel. Une manne perdue pour les institutions financières.

D

ans certains pays, les transferts internationaux peuvent représenter près du tiers du PIB. D’après la Banque mondiale, les plus importants bénéficiaires de ce système en 2011 sont le Lesotho (28,5 % du PIB), le Togo (10,7 %), le Cap-Vert (9,4 %), le Sénégal (9,3 %) et la Gambie (8,2 %). Les Africains vivant à l’étranger – 30 millions, soit environ 3 % de la population continentale –, ont envoyé au total 60 milliards de dollars (45,4 milliards d’euros) en 2012. Mais peu d’études détaillées permettent de mesurer l’ampleur du phénomène, notamment en raison des transactions effectuées en dehors du secteur bancaire. « En tenant compte des canaux informels, le véritable montant des remises à destination du continent avoisine les 100 milliards de dollars », estime Donald Terry, professeur à l’université de droit de Boston.

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Dès lors, le défi pour les banques et les gouvernements africains consiste à convaincre les émigrés de délaisser le système D au profit du réseau bancaire, ou des entreprises spécialisées dans les envois internationaux d’argent. Ce qui relève de la gageure dans les pays où le taux de bancarisation de la population reste faible. L’obstacle est d’autant plus important que les frais de transfert demeurent élevés. Selon la Banque africaine de développement (BAD), alors que les coûts moyens mondiaux d’envoi de fonds sont de l’ordre de 6 % de la somme envoyée, ceux concernant l’Afrique subsaharienne frôlent les 12 %. Ils sont encore plus importants lorsqu’il s’agit de transferts intraafricains. Pour preuve, les frais d’envoi d’argent depuis la Tanzanie vers le Kenya atteignent 20 %. Selon le think tank britannique Overseas Development Institute, cette situation s’expliquerait

également déployé des initiatives dans ce domaine. En 2012, le Ghana a créé un registre des transferts internationaux sur la base des informations transmises par les banques et les entreprises de transfert. Le projet prévoit maintenant la mise en ligne de ces données afin de permettre de comparer les prix et de les faire baisser. Les banques pourraient elles aussi tirer parti de ce contrôle des transferts aux particuliers en s’appuyant sur ces informations pour estimer si ces derniers sont

Western Union et MoneyGram détiennent deux tiers du marché. La concurrence est trop faible.

100 Md$ auraient été envoyés en Afrique en 2012

éligibles à un crédit. Ce qui les inciterait à faire davantage appel aux moyens bancaires. D’autres approches pourraient montrer la voie aux États africains. Depuis 2009, le Pakistan subventionne les coûts de transfert auprès des banques. Cette mesure a permis une croissance constante des envois (environ 10 % par an), qui ont atteint 13,9 milliards de dollars en 2013. L’initiative a toutefois un prix : en mars, le gouvernement a fait un chèque de 97 millions de dollars aux banques. l CHARLIE HAMILTON, à Tunis pour THE AFRICA REPORT JEUNE AFRIQUE


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www.bcc-bank.com COMMUNIQUÉ


Dossier Finance INTERVIEW

Miguel Azevedo

Directeur Afrique de la banque d’investissement de Citi

« De plus en plus d’acquisitions dans le secteur des biens de consommation » Dans les ressources, les banques et la production énergétique, les transactions vont se multiplier, selon le financier qui dirige sur le continent la banque d’investissement du leader américain.

I

nstallé à Londres, Miguel Azevedo dirige les activités de banque d’investissement de l’américain Citi sur le continent (hors Afrique du Sud et Égypte). Numéro un en Afrique, Citi s’est illustré en participant à certaines des plus importantes opérations réalisées ces dernières années, tant par des entreprises privées que par des États. La banque a atteint une position de leader en Afrique, notamment sur les marchés obligataires. Ainsi, les équipes du financier d’origine portugaise vont appuyer prochainement inement la Côte d’Ivoire pour la levée de 500 millions de dollars (360 millions d’euros).

les inquiète de plus en plus, alors que la pression s’accentue sur les taux de change dans plusieurs pays. Il n’y aura pas de conditions aussi favorables qu’en 2012-2013 pour les pays en développement d’ici à longtemps. Mais l’activité des États sur le marché obligataire a eu un effet d’entraînement sur les entreprises. Nous avons conseillé les émissions obligataires de nombreux groupes bancaires.Ladernière,pourlenigérian Zenith Bank, a permis de lever 500 millions de dollars à un taux de 6,25 % sur cinq ans. Nous avons aussi conseillé le marocain BMCE Bank et les nigérians First Bank et Access Bank.

JEUNE AFRIQUE : Les années 2012 et 2013 ont été marquées par de nombreuses émissions obligataires libellées en dollars. Cette tendance s’essouffle-t-elle ? MIGUEL AZEVEDO : En 2012,

Quel bilan tirezvous de l’activité des marchés actions ? La période postcrise est-elle terminée ?

la Zambie a émis sa dette à un moment idéal. Le calendrier lendrier de l’émission obligataire prévue par le Kenya est plus délicat, la période étant moins favorable. vorable. Mais la fenêtre n’est pas fermée pour autant. Si la période est moins propice, c’est – entre autres tres – en raison de la politique de la banque fédérale américaine [qui ui a favorisé la remontée des taux ux d’intérêt des bons du Trésor américain et donc amoindri l’appétit tit des financiers pour ceux des pays émergents]. Mais il faut aussi ssi tenir compte du sentimentt des investisseurs à l’égard des dynamiques africaines internes. L’augmentation tion des déficits budgétaires et commerciaux de certains États N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

prochain, mais des transactions ont été réalisées, notamment sur le marché alternatif de Londres. Nous avons ainsi accompagné Africa Oil [dont les principaux actifs sont au Kenya et en Éthiopie] pour son augmentation de capital de 450 millions de dollars. Bien que nous ayons lancé l’opération peu après l’attentat du Westgate Mall [septembre 2013], les investisseurs n’ont pas surévalué le risque, et les titressontpartisenunedemi-heure. En décembre 2013, nous avons également aidé l’homme d’affaires anglo-ougandais Ashish Thakkar et anglo-o l’ex-directeur général de Barclays l’ex-dir Bob Diamond à lever 325 millions de dollar dollars afin de créer le holding Atlas Mara Co-Nvest Ltd. Nous avons expliqué aux investisseurs que, pour obtenir des rendements très intéressants en Afrique, l’élément clé était l’exécution [les quamen lités opérationnelles].

q Le banquier travaille depuis Londres.

Vous avez conseillé Seplat avec succès. Comment avez-vous succès convaincu les investisseurs de se lancer dans le secteur pétrolier nigérian ?

Je pensais qu’ils neredémarreraient pas avant l’an

CITIGROUP

138

C’était la première fois qu’une C’ introd introduction était réalisée simultanément à Lagos et à Londres. tanémen Compte tenu de l’image du Com Nigeria et des problèmes de Ni sécurité que posent les projets séc onshore, ce n’était pas facile. onshor Nous avons montré aux invesNo tisseurs tis comment Seplat était passé de 14 000 à 60 000 barils pass par jour en moins de quatre ans. Étant nigériane, l’entreprise a su Étan composer avec la population locale com en lui offrant des perspectives et en impliquant la communauté dans impliquan le dév développement du champ. Elle JEUNE AFRIQUE


139

a aussi lancé un programme de santé, un système de formation, et créé des emplois. À tel point que les incidents ont été réduits à zéro en quatre ans. Prévoyez-vous d’introduire en Bourse d’autres pétroliers locaux?

Émissions obligataires souveraines internationales (Eurobond)

Il y aura beaucoup plus de transactions. Elles seront d’abord le fait de multinationales désireuses d’acheter sur le continent. Puis de groupes souhaitant y consolider leurs positions. Et enfin de

Entreprises conseillées 2013 2013

750

millions $

Oui, mais il faut du temps pour instaurer une gouvernance de qualitéquipermetted’accéderàd’abondantes sources de financement. Votre troisième grande activité concerne les fusions-acquisitions. L’Afrique attirera-t-elle toujours les multinationales en 2014 ?

1,5

milliard $

2013

400

millions $

2012

2013

2013

Zambie

Rwanda

Gabon

champions nationaux se régionalisant.Beaucoupdecesimplantations seront des créations ex nihilo. Mais pour profiter de la croissance, il faut se lancer dès maintenant. Comme Danone l’a montré en rachetant Fan Milk [produits glaciers et jus de

Émission obligataire Levée de fonds

300

millions $

325

millions $

Levée de fonds sur le marché alternatif de Londres

450

millions $

2014

Introduction simultanée sur les Bourses de Londres et de Lagos

500

2014

Émission obligataire

500

millions $

millions $

fruits] fin 2013. Nous verrons plus de transactions de ce type dans les biens de grande consommation, mais aussi dans les secteurs des ressources, des banques et de la production énergétique. l Propos recueillis par NICOLAS TEISSERENC


140

Dossier Finance DETTES SOUVERAINES

La bulle se dégonfle Les obligations des pays en développement trouvent toujours preneurs. Mais les investisseurs sont plus méfiants. Résultat : pour certains États, les taux d’intérêt remontent.

C

es dernières années, de nombreuxpaysendéveloppement ont profité d’un environnement favorable (forte demande et taux d’intérêt au plus bas) pour lancer leurs premiers emprunts obligataires sur le marché international. Aujourd’hui, les investisseurs se montrent plus exigeants et demandent dans certains cas des intérêts plus élevés pour compenser le risque. « Les États ont profité de crédits faciles, mais les choses sont en train de devenir un peu plus compliquées », estime Shilan Shah, économiste au sein de Capital Economics. Dorénavant, les investisseurs regardent dans le détail les perspectives économiques de chaque pays émetteur. Situations sociales tendues, instabilité politique et réputation de mauvais payeur entrent en compte. La dépendance aux achats de matières premières de la Chine constitue aussi un critère important pour déterminer le niveau des intérêts. Ces derniers mois, la deuxième puissance économique mondiale s’est davantage préoccupée de son marché intérieur, ralentissant sa consommation de minerai. Des pays comme la Zambie, dont l’économie repose sur la production de métaux, se trouvent par conséquent plus exposés au risque. Lusaka a vu son taux grimper de 5,63 % en 2012 à 8,63 % au début du mois d’avril. « Deux phénomènes se télescopent sur les marchés émergents: il y a l’envie des investisseurs de diversifier leur portefeuille d’obligations, mais aussi une plus grande attention portée aux fondamentaux N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

économiques des pays », analyse Charles Robertson, chef économiste au sein de la banque Renaissance Capital à Londres. « C’est toujours intéressant pour les États de venir sur le marché, mais on fait une distinction entre les économies attractives et celles allant au-devant de problèmes », explique Nicolas Jaquier, économiste chargé des marchés émergents au sein de Standard Life Investments. Le Ghana, qui il y a quelques années était montré en exemple pour sa classe moyenne et ses importantes réserves de pétrole, a vu le coût de ses emprunts augmenter. Les investisseurs qui comblaient ses déficits sans sourciller demandent aujourd’hui de meilleurs rendements. L’émission de 1 milliard de dollars (723 millions d’euros) réalisée l’an dernier avec un taux de 7,88 % se négocie aujourd’hui au-dessus de 9 %. SUCCÈS IMPORTANT. À l’inverse,

quand le Pakistan a proposé une obligation en dollars au mois d’avril, après sept ans d’absence sur le marché international, les investisseurs se sont montrés très intéressés. Le pays recherchait 2 milliards de dollars. La vente a été sur-souscrite

Des taux à géométrie variable

Nigeria

7%

(obligations* émises en janvier 2011)

6,63 %

(obligations* émises en juillet 2013)

Zambie

5,63 %

(obligations* émises en 2012)

8,63 %

(obligations* émises en avril 2013) * obligations à 10 ans

à 7 milliards de dollars, notamment par des donneurs d’ordre américains. « L’intérêt des investisseurs n’est pas coupé de la réalité du terrain », explique Stuart Culverhouse, économistechezExotix,unesociété spécialisée dans les marchés émergents. Cependant, le Pakistan, qui continue de recevoir l’aide du FMI, voit son taux d’intérêt augmenter depuis sa dernière émission. De 6,88 % en 2007, il est passé à 8,25 % en avril. Pour d’autres, le prix de l’argent continue de baisser. C’est le cas du Nigeria, dont le taux d’intérêt est passé de 7 % à 6,63 % entre janvier 2011 et juillet 2013. Le Sri Lanka, dont l’économie a crû de 7 % en 2013, a quant à lui pu emprunter 500 millions de dollars au taux plancher record de 5,13 %. Les banquiers estiment également que la première obligation kényane sur le marché international, attendue prochainement, devrait rencontrer un succès important. « Les investisseurs aiment entendre de nouvelles histoires », conclut Samad Sirohey, directrice du marché obligataire au sein de Citigroup. l ELAINE MOORE ET JULIEN CLÉMENÇOT ©Jeune Afrique et Financial Times Tous droits réservés JEUNE AFRIQUE


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Dossier Finance

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Mobilisons l’épargne des Africains!

L

JACQUES JONATHAN NYEMB Associé de Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP, cofondateur de l’African Business Lawyers’ Club

N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Afrique vit dans un paradoxe qui ne sociaux. À ce sujet, il est encourageant de saurait durer davantage. D’un côté, constater que le modèle de l’Ethiopia des particuliers disposant de liquidités Commodity Exchange est en train d’être duplitrès importantes; de l’autre, un secteur qué au Ghana et au Cameroun. privé et des États qui peinent à se financer. La difficulté à trouver de bons projets et la faiblesse Au-delà de la création de circuits adaptés de l’environnement institutionnel ne peuvent de captation de l’épargne, il faut également plus raisonnablement justifier une telle situainventer les instruments permettant de réintion. Mobiliser les « bas de laine » des Africains, jecter les fonds mobilisés dans l’économie réelle. Sur ce point, le rôle de l’État est fondarésidents ou non-résidents, devient une mental. Ce dernier doit, pour ouvrir la voie urgence. Un doublement de l’épargne intérieure disponible sur le continent permettrait d’aligner aux entreprises, s’imposer en tant qu’émetteur l’Afrique sur les autres régions émergentes et de référence de produits obligataires. Certains constituerait une enveloppe d’au moins 250 milÉtats comme le Nigeria (avec les diaspora liards de dollars (environ 180 milliards bonds), le Ghana ou le Cameroun ont déjà d’euros). apporté des réponses qui méritent d’être étuRéveiller ces ressources suppose avant tout diées de très près. L’utilisation de tels outils de renforcer les circuits de captation de par les gouvernements va susciter l’intérêt du l’épargne nationale. Les États africains doivent absolument instaurer un cadre leur perL’enjeu ? Faire de chaque citoyen un mettant de la mobiliser à leur investisseur à part entière contribuant profit, à travers des produits de placement fiables, à l’image au développement de son pays. du Livret A français. L’enjeu n’est rien moins que de faire de chaque Africain secteur privé, qui y verra un instrument attractif un investisseur à part entière, pour le dévepour le financement de ses activités. loppement de son pays, de sa sous-région et L’État devrait en outre s’impliquer durablemême du continent. ment dans la promotion de projets ou le développement de secteurs ou de filières spécifiques On compte déjà quelques succès. Ainsi, en en accordant sa « signature » au travers de matière de gestion collective, le lancement fonds de garantie. Dans la zone franc, de telles récent d’initiatives promues par des acteurs structures existent, comme le Fonds de garantie privés (Amethis West Africa, par exemple, est des investissements privés en Afrique de l’Ouest le premier fonds d’investissement enregistré (Fonds Gari), mais souffrent encore de la faible en Côte d’Ivoire) ou publics (au Rwanda, Agaciro qualité de leur signature, faute de ressources Development Fund a pour objet de capter financières conséquentes. Tout cela ne doit l’épargne des migrants) démontre l’existence pas faire oublier la place à laisser à l’innovation d’une vraie demande de la part des acteurs afin de faire prospérer une industrie de la haute institutionnels, des grandes fortunes et des couture financière, les projets étatiques pouvant particuliers africains en produits de placement servir de « cobayes » avant de toucher le rentables. secteur privé local. Les cadres réglementaires communautaires mis en place depuis une dizaine d’années en La question de la mobilisation de l’épargne Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ouvrent des nationaux doit figurer au cœur de l’agenda de nombreuses perspectives. En revanche, les des États africains. Le potentiel est immense places financières africaines méritent pour la et ne demande qu’à être exploré. Qui aurait plupart d’être repensées avec un double objecpu penser, il y a encore seulement quelques tif : se rapprocher de l’univers marchand (denannées, que les travaux du barrage de la rées agricoles, matières premières, etc.) et Renaissance, le plus important d’Afrique, débuteraient grâce aux seuls financements apportés miser sur les lieux de rassemblement physique, plus propices aux échanges économiques et par les Éthiopiens ? l JEUNE AFRIQUE



Dossier Finance FONDS D’INVESTISSEMENT

À l’avant-garde du commerce continental Spécialisé dans le financement des matières premières, Scipion profite de la désertion des banques pour prospérer.

I

nstallés au cœur de Londres, les bureaux de Scipion Capital pourraient ressembler à ceux de n’importe quelle « boutique ». Mais un détail retient l’attention dans l’open space. D’étonnantes photos ornent les murs : camions embourbés dans la jungle du Liberia, minerais à l’état brut en Zambie, fonderie de cuivre au Katanga… Prises lors des missions de Nicolas Clavel, le Suisse qui a créé en 2007 la société Scipion – laquelle gère un hedge fund enregistré aux îles Caïman –, elles rappellent la finalité de leur métier à la quinzaine de professionnels assis derrière leurs ordinateurs : financer des transactions commerciales à l’import ou à l’export, avec l’Afrique pour zone d’intervention exclusive – ce qui nécessite de se rendre souvent sur place pour valider les projets. Peu connue, cette activité est un rouage essentiel du commerce africain. Avec le durcissement des règles encadrant les risques financiers (accords de Bâle II), les banques internationales s’en sont pour la plupart retirées. Nicolas Clavel en a profité pour se lancer, après avoir notamment dirigé Standard Bank en RD Congo et Citibank à Dakar. Un parcours que ce quinquagénaire à la présentation impeccable met aujourd’hui à profit, car ce sont souvent d’exconfrères du secteur bancaire qui recommandent Scipion à leurs clients. Les transactions financées sont comprises entre 1,5 million et 10 millions d’euros pour des durées allant en général de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours. Il s’agit de combler le décalage entre le moment où le négociant achète la N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

matière première, par exemple du cuivre au Katanga, et le moment où il la vend, à une fonderie chinoise par exemple. Le fonds propose des taux qui tournent autour de 10 %, ce qui lui permet d’être compétitif dans la plupart des pays africains, à l’exception de quelques marchés comme la Côte d’Ivoire. COLTAN. Pour durer, Scipion s’as-

treint à la plus grande prudence. Ainsi, la société se tient informée en permanence de l’évolution des transactions bannies par l’Union européenne, les États-Unis ou l’ONU. Lindsey Clavel dirige le département conformité et vient par exemple de refuser d’accéder à une demande de financement pour des exportations de charbon de bois depuis la Somalie – un produit dont le trafic constitue l’une des principales sources de financement des milices islamistes Shebab. De même, le fonds ne finance pas les exportations de coltan depuis la

SCIPION

144

p Le quinquagénaire a constaté la percée des échanges intra-africains.

Chaque client fait l’objet d’une procédure de contrôle durant plusieurs semaines. RD Congo, alors même qu’il lui est possible de le faire au Congo. Une vigilance qu’il faut aussi appliquer aux clients: chacun fait l’objet d’une procédure de contrôle durant plusieurs semaines, et les prêts ne sont accordés qu’après validation du comité d’investissement, composé de trois membres du directoire de Scipion. Depuis Londres, la société de Nicolas Clavel occupe une position d’observateur privilégié des dynamiques de croissance du continent.

11%

Le rendement moyen du fonds géré par la société anglaise depuis 2007

Ainsi, les traditionnelles importations africaines de riz ou de diesel sont de plus en plus concurrencées par celles de ciment, de bitume et même de machines – principalement des engins de chantier. Et si les entreprises chinoises et européennes constituent des clients incontournables, le patron constate la percée du commerce intra-africain. « Cela concerne des batteries de voiture, des semences, etc., et représente une part grandissante de nos transactions », reconnaît-il. Le modèle Scipion a prouvé son efficacité. Depuis 2007, le rendement moyen est de 11 %. Preuve de son succès, la société, qui gère actuellement 87 millions d’euros, est en train d’en lever 94 millions supplémentaires. L’occasion de nouvelles expéditions pour les membres de l’équipe, qui n’attendent qu’une chose : quitter les quartiers cossus de la capitale britannique pour sentir battre le pouls de l’économie africaine. l NICOLAS TEISSERENC, envoyé spécial à Londres JEUNE AFRIQUE


AFRICAN EXPORT-IMPORT BANK BANQUE AFRICAINE D’IMPORT-EXPORT

LA BANQUE DU FINANCEMENT DU COMMERCE

DE L’AFRIQUE

5/%-/ 3% )"'&,6"' 7-2/,/1/,#- '- &%/,6"' (' +,-%-.'&'-/ (1 commerce en Afrique, Afreximbank offre les programmes suivants: ! Programme de Ligne de Crédit ! Programme de Syndication ! Programme d’achat d’effets de commerce ! !"#$"%&&' (' )"*+,-%-.'&'-/ (' 01/1"2 +314 +,-%-.,'"2 ! Programme de Financement Direct ! Programme de Financement de Projets ! Programme de prêts adossés à des actifs ! Programme d’achat de créances/ Programme d’escompte ! Programme de Risques Spéciaux ! Programme pays

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AGENCE D’HARARE Eastgate Building, 3rd Floor, Gold Bridge (North Wing), 2nd Street, Harare, Zimbabwe, P.O. Box CY 1600 Causeway, Harare, Zimbabwe Tel: +263-4-700904

W W W. A F R E X I M B A N K . C O M


Dossier Finance tout, l’île n’est-elle pas membre de laCommunautédedéveloppement de l’Afrique australe (SADC) et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) ? Port-Louis a ainsi renforcé ses liens bilatéraux en concluant avec une vingtaine d’États africains une série d’accords relatifs à la double imposition ou à la promotion et la protection des investissements étrangers. Le Gabon et le Congo seront les prochains à signer de tels accords. « L’attention est plus particulièrement portée sur les pays francophones d’Afrique de l’Ouest », relève Richard Arlove, dont la

INVESTISSEMENTS

De la suite dans les IDE

Plateforme de transit privilégiée pour les flux financiers à destination de l’Inde, Maurice compte endosser le même rôle pour l’Afrique, qui attire de plus en plus d’investissements directs étrangers.

L

«

’île Maurice est aujourd’hui dans la même position que Singapour il y a vingt ans, juste avant que ce dernier devienne le hub financier de l’Asie du Sud-Est. Nous avons l’occasion de jouer le même rôle pour l’Afrique, à nous de la saisir! » estime Antony Withers, directeur général de Mauritius Commercial Bank, numéro un du secteur bancaire. De fait, à mesure que périclitait sa filière sucrière – et alors que l’île ne dispose pas d’autres matières premières –, Maurice s’est réinventé un avenir de plateforme financière en misant sur son bilinguisme, son positionnement géographique, sa bonne gouvernance et sa fiscalité attractive. Les fonds transitant par le pays avant d’être investis à l’étranger représenteraient actuellement 60 % des avoirs du secteur bancaire mauricien, soit l’équivalent de 170 % du PIB, selon une étude de la revue britannique The Banker. Richard Arlove, directeur général d’Abax, une compagnie spécialisée

depuis 2006 dans l’accompagnement des investissements transfrontaliers, estime à 250 milliards d’euros les liquidités aujourd’hui disponibles auprès des banques mauriciennes et des différents fonds installés sur le territoire. Selon lui, le secteur financier dans son ensemble représente 10 % du PIB mauricien, loin derrière les services manufacturiers (19 %), mais au même niveau que l’immobilier et bien avant le tourisme (7 %) et le sucre (3 %). VOCATION. Le pays ne s’est pas découvert cette vocation récemment. Cela fait plus de vingt ans qu’il est utilisé comme hub privilégié pour investir en Inde. Mais ces trois dernières années, la destination de ces flux a beaucoup évolué. Maurice reste bien le premier fournisseur d’IDE vers l’Inde, mais avec une part ramenée à 16 % (contre 40 % autrefois) à la suite de la redéfinition des conventions fiscales entre les deux partenaires. Parallèlement, les flux vers l’Afrique ont augmenté: après

Le pays réfute l’étiquette de paradis fiscal que certains veulent lui mettre.

 Le secteur financier (ici Mauritius Commercial Bank) représente 10 % du PIB.

JACQUES SIERPINSKI/EPICUREANS

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N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

société compte s’implanter rapidement à Abidjan et à Accra. Car si les entreprises occidentales, notamment américaines, restent les premières à utiliser Maurice comme porte d’entrée sur le continent, elles sont désormais rejointes par leurs concurrentes asiatiques et, surtout, africaines. Investissements sud-africains, kényans, nigérians… « C’est la grande tendance de ces dernières années, observe Richard Arlove. Les flux intracontinentaux sont passés en six ans de 10 % à 25 % de nos activités. » Bien décidée à surfer sur l’intérêt grandissant des investisseurs internationaux pour l’Afrique, l’île réfute néanmoins l’étiquette de paradis fiscal que certains veulent lui mettre. « Même si elle est d’une grande souplesse, la réglementation existe, et il faut souligner la très bonne coopération des autorités en matière d’informations financières », note l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sans concurrence réelle sur le continent, l’île Maurice se voit déjà membre à part entière du club très fermé des places financières mondiales, aux côtés de Londres, Dubaï ou Singapour. L’élève rejoignant alors le maître. l OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE



Culture & médias

CINÉMA

Rachid Bouchareb « L’Amérique est une terre d’islam »

Film policier tourné en plein désert avec un casting hollywoodien, La Voie de l’ennemi, du réalisateur francoalgérien, est ambitieux. Forest Whitaker y livre un jeu puissant plein d’émotion.

R

Propos recueillis par

RENAUD DE ROCHEBRUNE

achid Bouchareb, connu surtout jusqu’à il y a quelques années comme l’auteur de « petits » films remarquables malgré des budgets limités, a rencontré le grand public en 2006 avec Indigènes et, à un bien moindre degré, en 2010 avec le fort contesté Horsla-loi. Il franchit aujourd’hui une nouvelle étape en présentant La Voie de l’ennemi, une réalisation qui ne manque pas d’ambition. Avec pour décor une région totalement désertique du NouveauMexique, il propose un casting hollywoodien : Forest Whitaker et Harvey Keitel, excusez du peu, ainsi que Brenda Blethyn et Luis Guzman. Très librement inspiré du scénario de Deux Hommes dans la ville, un polar de José Giovanni du début des années 1970 avec Alain Delon, Jean Gabin et Michel Bouquet, La Voie de l’ennemi raconte comment Garnett (Whitaker), un AfricainAméricain libéré après dix-huit ans de prison pour le meurtre d’un policier, tente de reprendre une vie normale sous la supervision d’un agent de probation compréhensif (Blethyn). Sa conversion à l’islam en prison l’aidera-t-elle sur le chemin de la rédemption ? Ce serait compter sans le désir de vengeance du très pervers shérif Bill Agati (Keitel) N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

et l’acharnement de l’ancien complice chicano du héros Terence (Guzman), qui veut lui aussi le ramener vers son passé sur le chemin de la délinquance. On peut être plus sensible aux films moins spectaculaires de l’auteur comme Little Senegal ou London River, où les personnages, moins typés, ne risquent pas de friser parfois la caricature, contrairement à Bill Agati. Et où les situations et les sentiments évoqués, même quand ils sont mélodramatiques, sont assurément plus subtils. Mais le jeu puissant et plein d’émotion de Forest Whitaker et la maestria avec laquelle Bouchareb filme le désert et met en scène la confrontation des cultures font de La Voie de l’ennemi un film souvent à la hauteur de ses moyens – un budget de 20 millions de dollars (14,5 millions d’euros) – et de ses ambitions. JEUNE AFRIQUE : La Voie de l’ennemi a été présentée en avant-première en février à Alger. Pourquoi ce choix ? RACHID BOUCHAREB : D’abord, bien sûr, parce

que l’Algérie est coproductrice du film, comme elle l’a déjà été pour plusieurs de mes précédents longs-métrages.Maisaussi parcequ’ils’agissaitpour moi, franco-algérien, d’une aventure formidable que j’ai voulu vivre avec les Algériens. Ces grands acteurs ont rarement présenté leurs films dans un tel endroit. J’ai aimé qu’ils viennent partager leur expérience avec les gens du cinéma algérien, qui étaient là dans le public. Un événement : on n’est pas dans une capitale européenne où il sort dix films par semaine. Une façon peut-être aussi de donner à Forest Whitaker, Brenda Blethyn ou Luis Guzman l’envie de revenir un jour pour tourner en Algérie. Ils ont peut-être eu une petite appréhension, mais ils étaient très contents d’être l l l

NICOLAS GUÉRIN/CONTOUR BY GETTY IMAGES

148

u En février, à Berlin.



150

Culture médias Cinéma là, de l’accueil ; ils ont adoré se balader dans la Casbah, à Bab el-Oued. Ils ont fait des rencontres qui les changent de celles qu’ils ont l’habitude de faire avec leurs fan-clubs.

Qu’est-il pour vous ?

lll

J’ai sans doute essayé de mélanger tout ça. Il y a longtemps que je voulais faire un film policier tout en traitant des thèmes qui m’intéressent et qui me font penser que je suis utile quand je tourne. Un policier, en général, cela se déroule en ville. Mais il y en a eu tellement. Alors j’ai eu envie que celui-là se passe dans la nature, celle que je connais, le désert et ses grands espaces – comme au Sahara, où la nature est il est vrai plus sauvage que celle de l’Amérique. Une histoire qui se passe à la frontière du Mexique, donc un polar noir, certes, mais en plein soleil. Avec le décor et mon envie de filmer très large, toute la terre si c’était possible, on est tout de suite dans un western aussi. La moto du personnage principal vient ajouter à cela une dimension à laquelle je tiens, car j’ai toujours envie que, comme moi, mes personnages se déplacent beaucoup.

Et la réception du film ?

Excellente. Cela les intéresse, les Algériens, un acteur africain-américain qui joue le rôle d’un homme converti à l’islam en prison et qui veut, non sans difficultés, tenter une réinsertion dans la société. Et puis les Américains ne sont pas si étrangers pour les Algériens. On se souvient du mouvement des Black Panthers, dont certaines figures s’étaient réfugiées en Algérie. Un Forest Whitaker, qui a d’ailleurs déjà interprété des rôles de personnages africains, ce n’est pas quelqu’un de si lointain. Vous vous dites franco-algérien. Depuis quelques années, vous êtes surtout en Californie ou au Nouveau-Mexique et on a l’impression que vous êtes plutôt désormais Bouchareb l’Américain.

Je ne me suis pas exilé aux États-Unis. Mais j’ai eu envie d’y retourner – il ne faut pas oublier que mon premier film, Baton Rouge, a été tourné là-bas, de même qu’ensuite Little Senegal – pour y réaliser plusieurs projets. D’abord Just Like a Woman, qui est sorti à la télévision ou au cinéma selon les pays en 2012 et 2013, un road movie avec deux femmes

La Voie de l’ennemi, de Rachid Bouchareb (sorti le 7 mai)

Western, film noir, road movie, drame social… j’ai essayé de tout mélanger. qui traversent les États-Unis de Chicago à Santa Fe. Puis ce film. Afin de satisfaire mon désir de travailler avec d’autres acteurs évoluant dans d’autres univers. C’est moi et moi seul qui ai décidé d’aller là-bas. Ce n’est pas Hollywood qui m’a attiré. L’envie de travailler avec tel ou tel acteur, c’est une motivation majeure pour vous ?

Certainement. L’essentiel, c’est le croisement entre le sujet, le lieu et un ou des personnages, donc des acteurs. Je suivais depuis longtemps le travail de Forest Whitaker et je voulais vraiment tourner avec lui en Amérique. Or je l’avais rencontré il y a quelques années et il m’avait dit qu’il avait vu et apprécié Indigènes, Hors-la-loi et Little Senegal. Aussi, quand j’ai eu l’idée de tourner une adaptation de Deux Hommes dans la ville aux États-Unis en mettant en avant les thèmes qui m’occupaient – la frontière, l’immigration, le mur avec le Mexique, l’islam africain-américain –, je lui ai parlé de ce scénario et cela s’est fait. Difficile de dire si La Voie de l’ennemi est plutôt un western kafkaïen, un film noir ou un drame social avec de longues scènes genre road movie. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Ce film, c’est une histoire de rédemption par l’islam. Mais une rédemption qui en fin de compte rate. Alors quel est le message ?

Ce qui se passe n’est pas spécifiquement en rapport avec l’islam. N’importe quelle autre religion pourrait jouer le même rôle. Mais il se trouve, comme le disait Obama après son arrivée à la Maison Blanche, que l’Amérique, notamment à travers sa communauté africaine-américaine, est une terre d’islam. En fait, j’ai surtout pensé à construire un personnage africain-américain, ce Garnett dont le destin a été bousillé par la violence et la haine dans laquelle il était plongé. Et qui, par une conversion, cherche une thérapie pour vaincre sa violence et sa haine. L’échec final n’est pas celui de l’islam, c’est un échec personnel. Vous-même, êtes-vous croyant ?

Ça dépend des jours. Et des situations. Quand vous êtes dans le désert, loin des routes et des pistes, j’en ai fait l’expérience, avec parfois les éléments qui se déchaînent, l’impression d’être perdu, on se sent tout petit, démuni, là on a envie de se dire : mais qui a créé tout ça ? Et on lève les yeux vers le ciel. On se rend compte qu’il y a quelque chose qui nous dépasse. Qu’on n’est pas seuls. Et qu’on a besoin de spiritualité, de croyance. Ce qui nous amène sans doute au-delà des religions. Le romancier algérien à succès Yasmina Khadra a collaboré avec vous pour ce film. Que vous a-t-il apporté ?

J’avais en effet besoin qu’il s’empare du sujet pour le pousser un peu plus loin. J’aime son sens des dialogues. Et, comme on le sait, il a un imaginaire très développé. Je lui ai donc montré le scénario et il m’a conduit à changer la fin ou à mieux construire certains personnages, en particulier celui de Terence, le gangster mexicain joué par Luis Guzman qui veut faire replonger Garnett. Il a ouvert de nouvelles pistes. l JEUNE AFRIQUE


Culture médias t L’écrivain camerounais, Daniel Alain Nsegbe de son vrai nom (lors du Salon du livre et de la presse de Genève).

MAURANE DI MATTEO

ses pairs ? Afin d’enquêter sur sa mort, son frère devient à son tour ewusu et remonte le temps jusqu’au XVIIIe siècle. « Ceux qui sortent dans la nuit, explique le quadragénaire, est né d’un fantasme : je ne cessais d’imaginer comment devrait se comporter un jeune Africain actuel s’il se retrouvait précipité dans le passé au milieu de ses propres ancêtres, ceux qui n’avaient pas vu l’homme blanc. Je me demandais sans cesse combien de temps il tiendrait avant d’être démasqué, et quel serait alors son sort… C’est pourquoi j’ai abordé le thème de la sorcellerie, LITTÉRATURE car c’était l’unique moyen pouvant me permettre de projeter quelqu’un de 2011, l’année durant laquelle j’ai écrit ce roman, à 1705. » Jacques Chevrier voit dans ce texte davantage qu’un roman : « C’est Décerné le 2 mai, le prix Ahmadou-Kourouma a récompensé une sorte de lettre ouverte adressée aux Ceux qui sortent dans la nuit, de Mutt-Lon. Une enquête sorciers et aux Camerounais avançant au cœur de la sorcellerie et un voyage dans le temps. que la magie pourrait être le fer de lance d’une véritable révolution scientifique es herbes magiques des le lecteur à un double voyage : au cœur si elle était mise au bénéfice du bien et Métamorphoses d’Ovide au de ce qui est habituellement dissimulé non du mal. » très populaire Harry Potter en – la sorcellerie – et dans le temps. Monteur à la télévision d’État camepassant par les sorcières des rounaise CRTV, Mutt-Lon est, dit-il, contes des frères Grimm et les Mémoires « EWUSU ». Dans son premier roman « venu à la littérature par la passion de de porc-épic d’Alain Mabanckou (prix à être publié par une maison d’édition la lecture transmise par [sa] mère, et un Renaudot 2006), la sorcellerie est une d’envergure, Mutt-Lon, besoin très tôt affirmé de source inépuisable d’inspiration pour Daniel Alain Nsegbe de partager [ses] fantasmes ». les écrivains. Allégorie des passions son vrai nom, lui le scienSa source d’inspiration? La humaines ou objet de fantasme et de tifique (il a fait des études de société rurale africaine. fascination, elle nourrit l’imaginaire et sciences naturelles à l’uniSes modèles littéraires ? se transforme en matière de prédilecversité de Yaoundé et est Voltaire, Guy des Cars et tion à qui sait manier le verbe et aime diplômé en audiovisuel et Agatha Christie. Après avoir nous entraîner dans une odyssée extraen photographie), a choisi essuyé de nombreux refus, ordinaire. Le lauréat du dixième prix d’évoquer l’existence des il a enfin eu la chance de Ahmadou-Kourouma, le Camerounais ewusu au sein de la société voir l’un de ses manuscrits, Mutt-Lon (« l’homme du terroir », en camerounaise. Ces sorciers envoyé par la poste, être bassa), ne déroge pas à la règle. Dans quittent leur corps la nuit et, accepté puis publié par « une écriture très fluide », selon Jacques invisibles, accomplissent Grasset. Quant à savoir s’il Chevrier, spécialiste de littérature afrides actes maléfiques en a eu recours à la sorcelleCeux qui sortent dans la nuit, caine et président de ce prix littéraire toute impunité. Une jeune rie pour parvenir à ses fins, de Mutt-Lon, éd. décerné chaque année lors du Salon initiée qui ne parvient pas nous nous garderons bien Grasset, 288 pages, africain du Salon du livre et de la presse à se taire et à garder le de lui poser la question. l 18,90 euros de Genève, l’écrivain camerounais invite secret est assassinée. Par SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

Délit d’initiés

© Vincent Fournier/JA

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Culture médias REPORTAGE

De la plage à la piste Installée à Salé, Shems’y est l’une des rares écoles de cirque du continent. Elle permet aux jeunes déscolarisés de réintégrer un cursus professionnalisant.

J

ournée maussade à Rabat. Un groupe d’adolescents s’est rassemblé sur la plage, au pied de la casbah des Oudayas, face à l’Atlantique. L’un d’eux enterre dans le sable une grosse balle orange – à moins qu’il ne s’agisse d’une de ces bouées utilisées par les pêcheurs pour signaler leurs filets. Puis il s’éloigne, prend de l’élan, saute sur son tremplin improvisé, rebondit et exécute un salto parfait. Torses nus, ses camarades s’y mettent aussi: sauts périlleux et vrilles plus ou moins réussis s’enchaînent les uns après les autres sous le ciel plombé. Parmi ces gymnastes en herbe se défiant à l’air libre, peut-être y a-t-il un futur artiste. Ce qui n’aurait pas été possible autrefois l’est devenu. À quelques kilomètres de là, sur l’autre rive du Bouregreg, à Salé, est née voilà cinq ans l’une des rares écoles de cirque du continent. Au départ, à la fin des années 1990, il n’y avait aucune intention de créer une école artistique dont le diplôme serait reconnu par le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Seule existait la volonté de l’Association marocaine d’aide aux enfants en situation précaire (Amesip) de permettre aux jeunes déscolarisés de réintégrer un cursus professionnalisant. En pratiquant une discipline artistique à la fois exigeante et ludique, les jeunes en marge du système pouvaient retrouver confiance en eux et envisager un avenir plus serein. Si le projet n’a rien perdu de sa dimension sociale initiale, il a depuis pris une tout autre ampleur. « La présidente de l’Amesip, Touraya Bouabid, sentait qu’elle était arrivée au bout d’un cycle quand elle a fait appel à moi, explique le directeur général de l’école nationale de cirque Shems’y, le Français Alain Laëron. Je lui ai proposé de faire du haut niveau afin d’être vraiment pertinent au niveau du Maroc et à l’international. » Venu de l’Académie Fratellini et du Centre national des arts du cirque (France), ancien directeur de l’Institut français de Fès, Laëron a impulsé la naissance de l’école en 2009, qui a accouché de ses premiers diplômés en 2012 et 2013. N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

« Les premières promotions sont essentiellement composées de jeunes arrivés chez nous via le projet social de l’Amesip, mais l’évolution vers une école d’art ouverte à tous est aujourd’hui concrète », poursuitLaëron.Acrobatespécialiséedans le tissu aérien, tout juste diplômée, Fatima Zahra Fennane confirme : « J’ai arrêté l’école à 11 ans. Un jour, un monsieur qui rendait visite aux enfants déscolarisés m’a proposé d’entrer dans cette école. Mon père n’avait pas la possibilité de payer, mais comme tout était pris en charge, il a dit oui. Bien sûr, j’avais déjà vu du cirque traditionnel à la télé, mais je n’avais jamais imaginé devenir une artiste… Au début, j’ai surtoutaimél’ambiance, le fait qu’il y ait de nombreux enfants… » PYRAMIDE. Ancien gymnaste, champion du Maroc au chevald’arçonsetauxanneaux, ZakariaBenyaminaestle coordonnateurdel’école et l’un des quatre professeurs : « Quand elle est venue au centre, on travaillait pour son insertion scolaire et elle bénéficiait des activités de cirque. C’est là qu’elle a découvert les disciplines aériennes. Elle dansait bien et elle aparticipéauxpremièresreprésentations.» Aujourd’hui, Fatima Zahra Fennane a 23 ans et est au cœur d’un des numéros phares d’Ambouctou, le spectacle inspiré d’unconteduMalienAmadouHampâtéBâ que l’école donne chaque fin de semaine sous le chapiteau Mawsim de la casbah des Gnawas Sidi Moussa, à Salé. C’est là, en effet, que l’école de cirque Shems’y s’est installée, malgré les vents et les embruns de l’Atlantique qui ont parfois causé du tort à ses installations, abattues par deux fois. Dans le grand gymnase modulable financé notamment par la

GUILLAUME MOLLÉ POUR J.A.

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fondation suisse Ascension et l’Agence de développement social (ADS), une trentaine d’élèves de 15 à 25 ans (dont 15 % de filles) en formation professionnelle personnalisée viennent ici s’entraîner qui à la roue Cyr, qui au mât chinois, qui au tissu aérien pendant au moins trois ans. « L’artiste de cirque ne peut pasêtre moyen, explique Laëron, on donne le diplôme à ceux qui sont bons. » Faute de véritable tradition circassienne au Maroc – même s’il existe une coutume ancienne d’acrobatie, la pyramide berbère, hmada mouss –, « le niveau des candidats à l’entrée n’est pas très élevé et il faut faire JEUNE AFRIQUE


Culture médias

GUILLAUME MOLLÉ POUR J.A.

t Lors des répétitions du spectacle Ambouctou, inspiré d’un conte d’Amadou Hampâté Bâ (le 7 mai).

de véritables paris pédagogiques ». Ceux qui veulent suivre l’enseignement proposé doivent d’abord passer un concours, au boutd’unesemainedeséminaire,aucours duquel seront évaluées leurs capacités tant physiques qu’artistiques. Mais une fois l’école intégrée, tout n’est pas gagné pour autant. « Le plus difficile, c’est d’intégrer une formation professionnelle, pouvoir travailler sept heures par jour, s’adapter aux règles et au programme, explique Zakaria Benyamina. Ce n’est pas comme faire des acrobaties sur la plage, c’est un autre univers qui demande de la concentration, une capacité à gérer ses émotions, à accepter les remarques. Mais s’ils passent la première année, ça va… » Durs au labeur, les enseignants? « C’est leur travail, ils sont durs avec nous quand on commence à se relâcher, reconnaît Fatima, mais c’est pour notre bien. » « Ils sont gentils par rapport au collège », tranche de son côté Saïd Mouhssine, qui a rejoint l’école en 2011, après avoir assisté au spectacle Isli d Tislit (« le fiancé et la fiancée ») à Casablanca. « C’est une expérience difficile qui implique souvent une reconstruction de la personnalité et l’apprentissagederesponsabilités,poursuit Zakaria Benyamina. On travaille plus sur la sensibilisation que sur la sanction. » JEUNE AFRIQUE

Laëron. Et de dénoncer certains obscurantismes d’une manière accessible à tous, subversive mais sans être perçue comme de la provocation. » Aujourd’hui, l’école propose chaque fin desemaineAmbouctou,undîner-spectacle (soutenu par l’Institut français de Rabat) en partenariat avec l’École des arts culinaires Shems’y, autre projet d’insertion de l’Amesip dont les locaux sont proches du chapiteau. Du 21 au 31 août, ce sera Karacena (« corsaires »), une biennale populaire qui a habitué la tranquille Salé à ses « attaques poétiques », sur les remparts, sur le fleuve, aux portes de la médina. Cette année, Le Génie des lieux permettra de poursuivre l’exploration de la cité et de susciter des questionnements sur « ses lieux de fonctionnalité et son patrimoine ». CHEVAL DE TROIE. Mais quels débouchés

dans le pays pour un artiste de cirque, demanderaient des parents inquiets comme ceux de Saïd, qui a difficilement imposé son choix ? « Nous n’avons pas Chaque étudiant est ainsi poussé à déveencore beaucoup de recul, mais la plulopper un projet personnel appelé awal part des diplômés travaillent, affirme qalam (« première parole » et aussi « preLaëron. Deux ont monté leur compagnie, mier outil d’écriture ») devant permettre, Colokolo, à Casablanca, deux ont rejoint commelesouligneLaëron,«dedévelopper la compagnie de Sylvie Guillemin, Ondes, une parole avec le corps », sous la forme à Grenoble, un autre est en résidence en de solos ou de duos. France… Ce qui est compliqué, ce sont Pour autant, l’école Shems’y (environ les habitudes culturelles. Mais le cirque 3 millions de dirhams [265 000 euros] de contemporain reste un excellent cheval budget venant du ministère, des ambasde Troie pour entrer dans la culture. » sades, de l’ADS, de l’Office chérifien des En réalité, les jeunes étudiants courent phosphates, etc.) n’est pas que discipline surtout le risque d’être débauchés avant la fin de leur cursus par des compa« L’artiste de cirque ne peut pas gnies turques ou « des camps de vacances à Marrakech ». Certains être moyen. On donne le cèdent aux sirènes de l’argent diplôme à ceux qui sont bons. » immédiat, à partir du moment où ALAIN LAËRON, directeur général ils ont engrangé quelques acquis. «Maisbeaucoupontcomprisqu’il et rigueur, puisque l’objectif est in fine fallait sortir avec un niveau professionnel, de produire des spectacles et d’aller à tempèreZakariaBenyamina.Pourl’équipe la rencontre du public. L’école Shems’y enseignante, c’est important qu’ils croient en a produit plusieurs, comme Hamse vraiment aux spécificités du projet et au (« murmures »), un spectacle urbain de long terme, car c’est un projet nouveau quarante minutes, ou Isli d Tislit, inspiré dans une société où l’artiste de cirque d’une légende marocaine et présenté plus n’est pas respecté. Ce sont eux qui vont de 50 fois dans huit villes du royaume. donner le modèle de ce statut. » Ce sont Une démarche qui n’avait rien d’anodin : eux aussi qui, à leur échelle, remodèleront « Ce Roméo et Juliette de l’Atlas nous a la société et le regard qu’elle peut porter permis d’aborder des questions sociales sur elle-même. l NICOLAS MICHEL, envoyé spécial à Rabat par l’intermédiaire du corps, explique N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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Culture médias En vue

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

PHOTOGRAPHIE

L’aube du XXIe siècle CRÉÉE JUSTE avant les attentats du 11 septembre 2001, l’agence VII doit la vie à des photojournalistes de renom : Alexandra Boulat, Gary Knight, James Nachtwey, Ron Haviv, Antonin Kratochvil, John Stanmeyer et Christopher Morris. L’association Reporters sans frontières (RSF) a choisi cette année 100 images réalisées par des photographes de l’agence pour son habituel album. L’acheter permet de financer l’ONG, bien sûr, mais permet aussi, pour une fois, un regard kaléidoscopique sur le monde à l’aube du XXIe siècle. Beau, émouvant, triste, sordide : un panaché d’émotions fortes complété par de beaux textes signés Julian Assange ou Seymour M. Hersh en faveur de la liberté de la presse. l NICOLAS MICHEL 100 photos de l’agence VII pour la liberté de la presse, Reporters sans frontières, 146 pages, 9,90 euros n n n

RON HAVIV/AGENCE VII

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DIALOGUE

MUSIQUE

Et les intellectuels dans tout ça?

Portraits de grands

Dans des dialogues captivants, quinze penseurs marocains questionnent leur rapport au pouvoir, au savoir, à l’humain.

M

ais où sont passés les intellectuels ? Pourquoi gardent-ils le silence alors que la rue bouillonne ? Driss Ksikes et Fadma Aît Mouss sont partis à leur rencontre et ont interrogé 15 penseurs marocains – et pas des moindres : l’historien Abdellah Laroui, l’homme de lettres Mohamed Chafik, la sociologue féministe Fatima Mernissi, le philosophe Ali Benmakhlouf, le politologue Mohamed Tozy… Les deux chercheurs les ont questionnés sur leur rapport au pouvoir, au savoir, à l’humain. On découvre au fil de ces dialogues captivants et fort documentés des facettes qui échappent parfois à la perception du révolutionnaire arabe

plein de fougue et ultraconnecté. Abdellah Laroui précise qu’une nation moderne n’est pas pour autant une nation moderniste, Abdelfattah Kilito revient sur la contradiction entre l’école coranique et l’école française, Ali Benmakhlouf « réexplore » le concept de « justice sociale » et Halima Ferhat explique pourquoi l’histoire du Maroc n’a pas été transmise au grand public. Des échanges passionnants car chaque penseur révèle des angles intrigants de sa personnalité et de ses écrits dans un ouvrage qui veut montrer que « nos intellectuels ne sont pas morts, mais qu’ils sont juste inaudibles dans une société médiatico-consumériste ». l NADIA LAMLILI

Le Métier d’intellectuel, dialogue avec quinze penseurs du Maroc, de Fadma Aît Mouss et Driss Ksikes, éd. En toutes lettres, 380 pages, 20 euros / 95 dirhams nnn N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

SAMUEL NJA KWA, photographe, aime les musiciens. Et tout particulièrement les musiciens africains. Il aime leur parler, il aime les photographier. Et cela donne Route du jazz, un trombinoscope amoureux préfacé par Manu Dibango. Certains portraits sont superbes, en particulier ceux en noir et blanc. D’autres sont moins réussis, notamment ceux en couleur, peu surprenants. Mais ce que l’on regrettera sans doute le plus, c’est le peu de cas fait des biographies de certains artistes. Maceo Parker, par exemple, méritait sans doute mieux qu’un « saxophoniste, chanteur, né en 1943 ». l N.M.

Route du jazz, de Samuel Nja Kwa, Éd. Duta, 172 pages, 45 euros nnn JEUNE AFRIQUE


Culture médias BIOGRAPHIE

Éternelle Alger DE LA NAISSANCE d’El-Djazaïr en l’an 950 à l’Alger des années Bouteflika en passant par la régence ottomane, la colonisation française puis l’indépendance du pays en juillet 1962, Alain Vircondelet retrace l’histoire de cette ville « blanche » dont on dit qu’elle possède l’une des plus belles baies au monde. Auteur de plusieurs livres sur cette ville où il est né et a grandi, ce biographe d’Albert Camus livre un récit empreint de nostalgie sur l’évolution humaine et architecturale de cette métropole qui comptait 30 000 habitants en 1830, contre 4 millions d’âmes aujourd’hui. l FARID ALILAT

Alger, ombres et lumières, d’Alain Vircondelet, éd. Flammarion, 230 pages, 18 euros nnn

THRILLER

Enquête en terrain miné ESPIONS français et anglais, entrepreneurs miniers sans foi ni loi et ministres africains avides, dans Radioactif, deVincentCrouzet,onne s’ennuie pas. Le lecteur suit les pérégrinations de Paris à Bangui d’Alexandre Montserrat, un colonel de la DGSE sur le déclin, et d’un homme d’affaires opportuniste et hâbleur, qui a eu les yeux plus gros que le ventre en tentant de revendre un gisement d’uranium africain à un grand groupe français. Les familiers du secteur minier et de la « Françafrique » reconnaîtront sans peine une dizaine des personnages truculents de ce récit enlevé – un brin franchouillard – qui nous tient en haleine. Car l’auteur français s’est inspiré d’une affaire réelle, celle du rachat par Areva d’Uramin, une société d’extraction d’uranium active en Centrafrique, en Namibie et en Afrique du Sud, à un prix étonnamment élevé. Un bon roman d’espionnage, à savourer pendant le week-end. l CHRISTOPHE LE BEC Radioactif, de Vincent Crouzet, éd. Belfond, 496 pages, 21,50 euros n n n JEUNE AFRIQUE

Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais

LE ROMAN DE LA MALICE

D

EPUIS LA PARUTION des Vertus immorales (Gallimard, 2009), qui narraient les aventures d’un Marocain du XVIe siècle fasciné par Marco Polo et parti à la découverte du Nouveau Monde, Kebir Mustapha Ammi est devenu incontestablement le plus grand conteur des « impostures » qui ont marqué l’histoire du Maghreb et, par ricochet, celle de ceux qui, de près ou de loin, sont entrés en contact avec cette région. Nous avions déjà célébré ici l’un de ses romans, Mardochée (Gallimard, 2011), dans lequel il laissait parler un vieux Juif au seuil de la mort narrant les dessous de l’un des derniers épisodes de la conquête coloniale française.

s’accointant avec des organisations de mercenaires. Son retour en Algérie en 1954 le catapulte en héros avec sa troupe de maquisards. L’homme connaît une ascension extraordinaire qui le propulse au sein du nouveau gouvernement. Sa vraie nature reprend le dessus, il retourne une fois de plus sa veste et se met aux côtés de la France, considérée pourtant comme l’ennemi. On le retrouvera ensuite parmi les membres de l’Organisation armée secrète (OAS) avant qu’il ne se positionne pour l’indépendance de l’Algérie !

Un génial imposteur est le roman de la malice – comme le fut L’Étrange Destin de Wangrin, d’Amadou Hampaté Bâ, dont le personnage prinDans son dernier cipal avait toujours un ro m a n , U n g é n i a l Un génial imposteur, de tour dans son sac. Avec imposteur, Kebir M. Kebir M. Ammi, Ammi présente un autre la même acuité du éd. Mercure personnage historique regard et la même éléde France, atypique, un vrai gance d’écriture que le 256 pages, chantre de la tromperie grand écrivain malien, 18 euros dénommé Shar. Le père Kebir M. Ammi nous de ce dernier fut partilivre une fiction de haute san de l’indépendance de l’Algérie facture et pleine de rebondisseet mutilé pendant le massacre de ments. La forme « tentaculaire » Sétif, lui qui avait pourtant comdu roman et les voix multiples lui battu aux côtés de la France durant donnent une singularité la Seconde Guerre mondiale. Shar, particulière. qui n’a pas connu une enfance de tout repos, aura donc grandi sous Au fond, Les Vertus immorales le signe du malheur de l’ascenet Mardochée forment désormais dance, et sa propre vie sera poncavec Un génial imposteur un triptuée d’errances, d’incarcérations tyque solide qui raconte une autre Afrique, celle dessinée par des et de rencontres douteuses. Il quittera précipitamment l’Algérie, personnages marginaux, à la lisière se retrouvera en Europe, en Asie du culot, et pourtant grandioses ou encore en Amérique latine, même dans leur immoralité ! l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

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JEUNE AFRIQUE

UN DIRECTEUR ADMINISTRATIF ET FINANCIER Rattaché à la Direction Générale, il est responsable notamment des missions afférentes aux domaines suivants : • Comptabilité et contrôle de gestion, • Trésorerie, crédit, recouvrement, relations bancaires, • Gestion des ressources humaines, Droit des Affaires et fiscalité, • Implantation et pilotage des systèmes d’information. De formation supérieure (Bac +5) en finance, comptabilité et management, le candidat doit être un comptable certifié (ACCA, DCG/DECF, DSCG/DESCF, expertise comptable), justifiant de 5 ans d’expérience professionnelle acquise à un poste similaire au Gabon et/ou en Afrique. Les dossiers de candidatures comportant un curriculum vitae détaillé et une lettre de motivation doivent être adressés par voie postale ou par e-mail au plus tard le 27 mai 2014 à : PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Rue Alfred Marche, B.P. 2164, Libreville Téléphone : 01.76.23.71 Fax : 01.76.59.53 Email : recrutement.gabon@ga.pwc.com (Référence PEM/FEO)

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres International Ouvert pour la fourniture et la pose de mobiliers et matériels de bureau à la Direction Générale de l’ASECNA à Dakar, SÉNÉGAL. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre le paiement obligatoire d’une somme non remboursable de Cent Mille (100.000) Francs CFA, soit Cent Cinquante Deux Euros Quarante Cinq Centimes (152,45 €) à partir du 12 mai 2014 au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar,Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, DakarYoff (Sénégal), à la Délégation de l’ASECNA à Paris – 75, Rue de la Boétie 75008 Paris Cedex 08 (France) ou dans les Représentations de l’ASECNA auprès des Etats membres. La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA), Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 1er juillet 2014 à 12 heures, heure locale (GMT). Aucune offre arrivée hors délai ne sera acceptée. L’ouverture des plis en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour (1er juillet 2014) à 13 heures, heure locale (GMT). Le Directeur Général N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Recrutement - Appel d’offres

APPEL À CANDIDATURE POUR LE RECRUTEMENT D’UN (1) ENVIRONNEMENTALISTE EXPERT EN GESTION DES RESSOURCES EN EAU

Fruit d’un partenariat public-privé entre l’Etat gabonais et le groupe Mauricien IBL, la société TROPICAL HOLDING ayant pour objectif la mise en opération d’entreprises de pêche, de transformation de produits de la mer et la construction d’un chantier naval, recherche :


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Annonces classées

APPEL À CANDIDATURES Dans le cadre de la valorisation des résultats de la troisième phase de son projet portant sur le Système Aquifère du Sahara Septentrional (SASS) et intitulé « Recommandations opérationnelles pour une gestion durable de la ressource en eau du SASS », l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) entend recruter un rédacteur qualifié pour l’élaboration d’un rapport de synthèse illustré. Les termes de référence et les modalités de candidature sont disponibles sur le site web de l’OSS à l’adresse suivante : www.oss-online.org/fr/aosassiii

Appel d’offres - Recrutement

Le dernier délai de réception des candidatures est fixé au 31 mai 2014 à minuit (heure Tunis).

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres International Ouvert pour la fourniture des appareils de mesure pour ses centres opérationnels de maintenance. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre le paiement obligatoire d’une somme non remboursable de Cent Mille (100.000) Francs CFA, soit Cent Cinquante Deux Euros Quarante Cinq Centimes (152,45 €) à partir du 02 mai 2014 au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar,Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, DakarYoff (Sénégal), à la Délégation de l’ASECNA à Paris – 75, Rue de la Boétie 75008 Paris Cedex 08 (France) ou dans les Représentations de l’ASECNA auprès des Etats membres. La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA), Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 17 Juin 2014 à 12 heures, heure locale (GMT). Aucune offre arrivée hors délai ne sera acceptée. L’ouverture des plis en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour (17 Juin 2014) à 13 heures, heure locale (GMT). Le Directeur Général

COMPAGNIE BÉNINOISE DE NAVIGATION MARITIME CRÉÉE PAR ORDONNANCE N° 74-50 DU 31 JUILLET 1974 REGISTRE DU COMMERCE 3018B - COTONOU TRANSPORT MARITIME - AGENCE MARITIME - TRANSIT - CAMIONNAGE - REPRÉSENTATIONS DIVERSES 01 BOITE POSTALE 2032 RB - COTONOU · TÉL. (229) 21 31 49 87-21 31 54 10 - 21 31 27 96 - 21 31 33 30 - 21 31 56 11 - 21 31 32 87 COBENAM - FAX : (229) 21 31 36 42 -21 31 09 78

AVIS DE REPORT DE DATE DE DÉPÔT DES OFFRES

AR N° 024/2014/COBEN/PRMP/DG/DOMT/S-PRMP RÉFÉRENCE : AAO N° 017/2014/COBEN/PRMP/DG/DOMT/S-PRMP DU 18/02/2014 Relatif à l’Affretement à temps d’un navire de transport mixte passagers/marchandises au profit de la CO.BE.NA.M.

1. La Personne Responsable des Marchés Publics de la Compagnie Béninoise de Navigation Maritime (CO.BE.NA.M) informe tous les soumissionnaires que, dans le cadre de l’appel d’offres relatif à l’Affrêtement à temps d’un navire de transport mixte passagers/marchandises au profit de la COBENAM, la date de dépôt des plis initialement prévue pour le mercredi 23 avril 2014 à 10 heures précises est reportée au vendredi 6 juin 2014 à 10 heures précises, heure locale. 2. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après : DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPAGNIE BENINOISE DE NAVIGATION MARITIME SITUÉE À 50M DU MARCHÉ GANHI ET EN FACE DE L’INTENDANCE MILITAIRE 01 BP 2032 COTONOU TÉL : (229) 21 31 33 30 / 21 31 56 11 / 21 31 24 86 / 21 31 09 79 ATTENTION : Secrétariat de la Personne Responsable des Marchés Publics, au plus tard le vendredi 6 juin 2014 à 10 Heures précises. Les offres seront ouvertes en présence des soumissionnaires qui le souhaitent ou de leurs représentants dûment mandatés à la salle de conférences de la COBENAM le vendredi 6 juin 2014 à 10 Heures 30 Minutes. 3. Les candidats intéressés peuvent obtenir le dossier d’appel d’offres complet auprès de la Personne Responsable des Marchés Publics de la COBENAM contre un paiement non remboursable de deux cent cinquante mille (250 000) francs CFA, tous les jours ouvrables de 8 heures 30 minutes à 12 heures et de 16 heures à 18 heures à l’adresse mentionnée ci-dessus à compter du mercredi 23 avril 2014. 4. Les soumissionnaires ayant acquis le dossier peuvent se rapprocher du secrétariat cité supra pour retirer copie du présent avis de report. Ceux ayant déjà déposé leurs offres peuvent les retirer à volonté auprès du même secrétariat La Personne Responsable des Marchés Publics Jacques Tamégnon OKOUMASSOUN

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE


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Banque des Etats de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc Decision n° 019/GR/2014

Appel d’offres international ouvert n° 07/BEAC/SG-DPSBCG/AOIO/Bien/2014 pour la fourniture et l’intégration du système d’information de planification stratégique et de gestion budgétaire de la BEAC (SYGESBEAC)

AVIS D’APPEL D’OFFRES La Banque des Etats de l’Afrique Centrale envisage d’acquérir, sur ressources propres, une solution informatique intégrée pour sa planification stratégique et la gestion de son système budgétaire.A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres international ouvert, les entreprises remplissant les conditions requises, à présenter une offre. Les soumissionnaires devront certifier que le logiciel proposé est couvert par une licence valide ou a été produit par eux. En outre, ils devront garantir à la BEAC qu’ils pourront assurer la maintenance de la solution à implémenter. Le processus se déroulera conformément aux dispositions du Code des marchés et du Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Les entreprises intéressées peuvent obtenir un complément d’information et examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse ci-dessous, entre 9 heures et 12 heures, les jours ouvrés. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général – DOAAR-CGAM, 14e étage, porte 1412 ! : 736 Avenue Monseigneur Vogt - BP 1917 Yaoundé - Cameroun " : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 poste 5431 ! : (237) 22 23 33 29 - @ : cgam.scx@beac.int Le dossier d’appel d’offres rédigé en français peut être acheté et retiré à l’adresse indiquée ci-dessus, moyennant le paiement d’un montant non remboursable de XAF 500 000 (cinq cent mille) soit EUR 762 (sept cent soixante-deux). Le paiement devra être effectué en espèces aux guichets de la BEAC ou par virement bancaire.

Les soumissions, obligatoirement accompagnées d’une garantie de soumission sous forme de garantie bancaire à première demande, conforme au modèle indiqué dans le DAO et d’un montant forfaitaire de XAF 50 000 000 (cinquante millions) ou l’équivalent dans une monnaie librement convertible, devront être déposées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le jeudi 12 juin 2014 à 12 heures précises. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15e étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt - ! : BP 1917 Yaoundé - Cameroun Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en deux (02) étapes, en présence des représentants des soumissionnaires, dûment mandatés, qui souhaitent assister à la séance d’ouverture. Les offres administratives et techniques seront ouvertes le jeudi 12 juin 2014 à 13 heures précises,aux Services Centraux de la BEAC àYaoundé. L’évaluation technique se fera en deux étapes.Une 1re étape sur dossier puis une seconde étape où les soumissionnaires ayant totalisé au minimum soixante points à l’issue de l’analyse du dossier technique, seront invités à faire une présentation de leur solution sur une durée maximale d’une heure. L’ouverture des offres financières, des soumissions ayant obtenu au minimum soixante-dix (70) points à l’issue de l’évaluation technique, se fera à une date qui sera communiquée ultérieurement aux soumissionnaires. Fait à Yaoundé, le 24 avril 2014 Le Président de la Commission ad hoc

République Démocratique du Congo - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ELECTRICITÉ - CEP-O / REGIDESO

CELLULE D’EXÉCUTION DES PROJETS DE LA RÉGIE DE DISTRIBUTION D’EAU SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N°49/PEMU/COORD/SC/2014

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN (PEMU) DON N°435-ZR du 19 janvier 2009 - AUDIT TECHNIQUE DU PROJET PEMU Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de la Banque Mondiale en diverses monnaies pour financer le Projet d’Alimentation en Eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées pour financer les services au titre du contrat suivant « Audit Technique du Projet PEMU ». Les Services prévus au titre de ce contrat comprennent les prestations de l'audit technique du Projet PEMU pour permettre au Gouvernement et aux bailleurs de fonds de se faire une opinion sur l’efficacité, l’économie, et la transparence des investissements dont la gestion est confiée à la Cellule d’Exécution des projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO).L’Audit portera sur :(i) l’exécution et la gestion des travaux ; (ii) le système d’acquisition des services de la CEP-O/REGIDESO; (iii) l’évaluation des contrats achevés et non achevés, iv) l’atteinte des objectifs, des résultats intermédiaires et de fin de projet, et v) l’environnement du projet. La CEP-O invite les Consultants « Firmes », admissibles à manifester leur intérêt en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution des Services. Les critères pour l’établissement de la liste restreinte sont :Expérience générale,expériences dans des missions comparables (documentation à l’appui.) et l’équipe de spécialistes exerçant au bureau. Il est porté à l'attention des Consultants que les dispositions du paragraphe 1.9 des « Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’IDA » janvier

JEUNE AFRIQUE

2011 (« Directives de Consultants ») relatives aux règles de la Banque mondiale en matière de conflit d'intérêts sont applicables. Les Consultants peuvent s’associer avec d’autres firmes pour renforcer leurs compétences respectives en la forme d’un groupement solidaire ou d’un accord de soustraitant. Un Consultant sera sélectionné selon la méthode « Sélection fondé sur la Qualité et le Coût ( SFQC) » telle que décrite dans les Directives de Consultants édition 2011. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires a l'adresse ci dessous et aux heures suivantes: de 09 heures à 15 heures, heure locale. Les manifestations d'intérêt écrites doivent être déposées à l'adresse ci-dessous en personne, par courrier ou par courrier électronique au plus tard le 30 mai 20 14. Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, Sise 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone Kinshasa / Ngaliema C/°Centre de Formation de la REGIDESO, B.P. 12599 Kinshasa I République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 504 76 91, (+243) 9999 20 948 E-mail : cepo@regideso.cd ou cepo@regidesordc.com Le Coordonnateur National Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Appel d’offres - Manifestation d’intérêt

Une réunion de cadrage se tiendra le mercredi 21 mai 2014 à 10h aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé - Cameroun.


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Annonces classées PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE AGENCE NATIONALE DES INFRASTRUCTURES NUMÉRIQUES ET DES FRÉQUENCES

AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT RÉSEAU NATIONAL DE FIBRE OPTIQUE (COMPOSANTE 2)

Manifestation d’intérêt

DATE DE LANCEMENT : 05/05/2014 APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT : N° 001-2014/ANINF NOM DU PROJET : EXTENSION DU RÉSEAU NATIONAL DE FIBRE OPTIQUE SOURCE DE FINANCEMENT : ÉTAT GABONAIS ET FINANCEMENT EXTÉRIEUR 1. OBJET Dans le cadre de l’extension du Réseau National de Fibre Optique dans les parties Nord, Sud, Est et Ouest du GABON, l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF) lance un appel a manifestation d’intérêt (AMI) en vue d’arrêter une liste restreinte des bureaux d’études ou des groupes d’experts aux fins de réaliser les études ci-dessous définies. 2. ALLOTISSEMENT Les prestations à réaliser sont divisées en quatre (04) lots comme il suit : • Lot 1 : Etude Technico-économique pour déterminer la faisabilité, la rentabilité et la budgétisation du Projet entre autres ; • Lot 2 : Etude de parcours en vue de la reconnaissance, le marquage et la localisation intégrale du tracé ; • Lot 3 : Etude environnementale et sociale pour évaluer l’impact du projet sur l’environnement et les populations ; • Lot 4 : Recrutement d’un consultant pour l’accompagnement dans le processus global du Projet, à savoir l’analyse des clauses de sauvegarde environnementale et sociale, l’audit des études de parcours de la fibre, la détermination de la stratégie d’appel d’offres, la rédaction du dossier d’appel d’offres, l’évaluation des offres techniques et financières. Les candidats ont la possibilité de soumissionner pour un (1), deux (2), trois (3) ou l’ensemble des quatre (4) lots. Dans le cas où ils soumissionnent pour plusieurs lots, ils devront présenter une soumission séparée pour chaque lot. 3. CONDITIONS DE PARTICIPATION La participation à la présente manifestation d’intérêt est ouverte, à égalité de conditions aux cabinets, bureaux d’études et aux groupes d’experts qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion et d’incapacité de l’article 74 du décret n° 0254/PR/MEEDD du 19 juin 2012 portant code des marchés publics. 4. CRITÈRES DE QUALIFICATION En application des dispositions des articles 71 à 73 du code des marchés publics, les soumissionnaires doivent justifier aux fins d’attribution du marché, de leurs capacités juridiques, techniques et financières. 5. MODALITÉS DE SOUMISSION Les candidats intéressés par le présent appel à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier comprenant : - une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant du bureau d’études faisant apparaitre son nom, sa qualité, son adresse, sa nationalité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que le candidat a l’intention de soumissionner à l’appel d’offres s’il est présélectionné ; - les documents arrêtant la constitution ou le statut, le lieu d’enregistrement et le domicile légal de la société. Ces documents comprenant les statuts, l’agrément de commerce ou la fiche circuit de création du bureau d’études ; - une attestation de non faillite délivrée par le tribunal compétent du lieu du siège social du bureau d’étude et datant de moins de six (6) mois ; - une attestation d’imposition prouvant que la société est à jour de ses obligations fiscales au titre de l’année 2013 (applicable aux candidats nationaux) ; - une attestation CNSS du quatrième trimestre 2013 (applicable aux candidats nationaux) ; - les références générales et spécifiques du bureau d’études dans le domaine concerné par l’appel à manifestation d’intérêt notamment les références concernant l’exécution des contrats analogues, les expériences antérieures pertinentes dans les conditions semblables (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; - une description du bureau d’études et les moyens matériels et humains qu’il compte mettre en oeuvre pour la réalisation de la mission (liste du personnel clé avec leurs fonctions respectives, cursus, ancienneté et type de contrat liant chaque agent au bureau d’études. Joindre les CV des intéressés). 6. LES CRITÈRES DE SÉLECTION Il est requis des entreprises candidates : - une aptitude certaine à réaliser les prestations dans les domaines concernés par le(s) lot(s) choisi(s) ; - une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans des prestations similaires au(x) lot(s) choisi(s) (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; - un personnel clé en adéquation avec la mission ; - une excellente maîtrise du français ; - la preuve du parfait achèvement de tous les marchés obtenus pendant les 5 dernières années. L’ANINF établira sur la base des réponses au présent appel à manifestation d’intérêt, une liste restreinte des bureaux d’études ou des groupes d’experts et reprendra ultérieurement contact avec les candidats remplissant les critères recherchés. La sélection finale se fera sur la base d’une consultation restreinte des sociétés ou entreprises présélectionnées. 7. DATE LIMITE ET LIEU DE DÉPÔT DES OFFRES Les manifestations d’intérêt, rédigées en langue française doivent être déposées au plus tard le 30/05/2014 à 11 heures (heure locale), à l’adresse ci-dessous : Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences - Service Juridique 2e étage, Immeuble de la Solde, porte 219 - BP 798 Libreville-Gabon Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires par courriel à l’adresse suivante : bng@aninf.ga Le Directeur Général des Marchés Publics Fridolin ONGUINDA

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Le Directeur Général de l’ANINF Alex Bernard BONGO ONDIMBA

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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AVIS D'APPEL À MANIFESTATION D'INTÉRÊT POUR LA SÉLECTION DE SOCIÉTÉS À AGRÉER EN QUALITÉ DE BUREAUX D'INFORMATION SUR LE CRÉDIT (BIC) À VOCATION RÉGIONALE DANS LES HUIT ÉTATS MEMBRES DE L'UNION MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UMOA)

L'intégralité du dossier d'appel à manifestation d'intérêt est téléchargeable sur le site internet de la BCEAO : http://www.bceao.int. Les offres formulées conformément au dossier d'appel à manifestation d'intérêt devront être adressées à Monsieur le Directeur des Affaires Administratives, BCEAO Siège – Avenue Abdoulaye FADIGA – BP 3108 Dakar (bureau 509 du 5e étage de la Tour) au plus tard le 30 juin 2014 à 16 heures GMT, le cachet de la poste faisant foi. 1

JEUNE AFRIQUE

Architecture mettant en œuvre un point de connexion central qui peut atteindre des terminaisons situées à la périphérie.

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Manifestation d’intérêt

La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (ci-après désignée par l'acronyme BCEAO) recherche un ou plusieurs investisseurs technologiques et stratégiques disposant d’un savoirfaire, d’une expérience et d'aptitudes avérés, afin d'établir, d'exploiter et de gérer un système de credit reporting de pointe, modulable et modulaire, pouvant être équipé à l'avenir des fonctionnalités les plus sophistiquées et tenant compte des besoins croissants des marchés financiers de l'Union Monétaire Ouest Africain (UMOA). A cet égard, la BCEAO invite les entreprises qualifiées à soumettre des propositions dans le cadre du présent appel à manifestation d'intérêt pour la sélection de sociétés à agréer en qualité de Bureaux d'Information sur le Crédit à vocation régionale (ci-après désigné par l'acronyme « BIC » ou « Credit Bureau ») dans les huit (8) Etats membres de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. L'objectif final est la sélection d'un investisseur technique et stratégique pour développer et adapter à l'environnement de l'UMOA, un système de “credit reporting” privé régional de calibre mondial pour les huit Etats membres de l'UMOA, basé sur un réseau en étoile1 (Hub & Spokes), situé dans l'un de ces Etats et servant, au moyen de la même plateforme, les industries du crédit de tous les Etats membres. Les futurs BIC auront pour mission de fournir aux utilisateurs, en se basant sur les technologies les plus avancées, des services d'information sur le crédit, notamment de façon non limitative, des services d'aide à la décision se rapportant à l'octroi de crédits, des antécédents/rapports de crédit, des services de cotation, des services d'information marketing et d'autres informations sur la détection du risque de crédit, autorisées en vertu de la Loi uniforme portant réglementation des BIC dans les Etats membres de l'UMOA. Le système de partage d'informations sur le crédit proposé par le soumissionnaire doit être en mesure de traiter aussi bien des données positives (informations sur les encours de crédits par bénéficiaire, répartition sectorielle des crédits, etc) que des informations négatives (montant des défauts de paiements, crédits radiés, nombre des défauts de paiements, rééchelonnement des crédits, etc) obtenues auprès des banques, des établissements financiers et d'entités non bancaires (institutions de microfinance, sociétés de télécommunication, détaillants, sociétés de fourniture d'électricité et d'eau, etc.). Le soumissionnaire doit disposer de compétences propres ainsi que d'une expérience avérée et solide dans l'industrie des services de “credit reporting”, notamment dans des marchés similaires à celui des pays de l'UMOA. Il devra également prouver qu'il jouit d'une crédibilité, d'une santé financière satisfaisante et d'une bonne réputation ainsi que de capacités à fournir un ensemble essentiel de savoir-faire et d'assistance. L'offre technique du soumissionnaire sera évaluée au regard : • de l'expérience spécifique dans le domaine du “credit reporting” ; • de la conformité du plan de travail aux exigences de l'appel à manifestation d'intérêt ; • des qualifications du personnel-clé pour la mission ; • de la pertinence du programme de transfert des connaissances ; • de l'engagement en faveur du projet.


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DES FINANCES BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO)

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° Avis : AMI 550/INTER-GOUV/BCECO/DG/DPM/ILvan/2014/SC - Source de financement : Interventions du Gouvernement. Services de Consultants : Recrutement d’un Prestataire de services en vue d’accompagner le Ministère des Finances de la RD Congo dans la conduite du bilan de compétences des cadres des Régies Financières. Date de publication : Vendredi 9 mai 2014 - Date de clôture : Lundi 26 mai 2014

Divers - Manifestation d’intérêt

I. Contexte général Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo se propose d’utiliser une partie de son financement d’urgence appelé « Intervention du Gouvernement » pour effectuer des paiements autorisés au titre d’un contrat relatif aux services d’un Consultant (cabinet) chargé d’accompagner le Ministère des Finances de la RD Congo dans la conduite du bilan de compétences des cadres des Régies Financières. II. Objectifs et étendue des prestations La mission confiée au prestataire est justifiée par la nécessité d’une gestion prévisionnelle des ressources humaines en vue d’anticiper les besoins du Ministère et d’assurer une mise en œuvre progressive et harmonieuse du nouveau cadre organique des régies financières. L’objectif principal est de placer au sein des régies financières, des ressources humaines compétitives et performantes véritablement profilées sur les missions essentielles dévolues au Ministère des Finances à travers la convergence entre les fonctions identifiées et les effectifs à disposition.Cela appelle une meilleure connaissance des effectifs disponibles et leurs compétences. Pour ce faire,le prestataire devra procéder à une évaluation interne des compétences des cadres recensés et appuyer la mise en route rapide d’un processus de redéploiement et recrutement de nouveaux cadres. III. Durée et lieu de la mission La durée de la mission est estimée à huit (8) semaines.Elle se déroulera à Kinshasa en deux (2) phases. IV. Profil du Consultant Le Consultant devra justifier d’une expérience avérée dans la conduite de processus de réforme du secteur public en international ou en République Démocratique du Congo. Il devra également justifier d’au moins deux missions similaires au profit d’institutions techniques et financières et faire preuve d’un minimum de dix (10) années d’expériences dans la réforme des administrations à la fois dans le secteur privé et dans le secteur public,tant dans des pays de l’OCDE que dans des pays en développement. Il devra disposer d’une expérience confirmée dans la modernisation des régies financières, méthodes et procédures de travail,gestion des ressources humaines de manière prospective. Le personnel-clé du Consultant devra au moins être composé des experts suivants : (1) Un Chef de mission ayant au moins un diplôme (BAC + 5) ou équivalent d’une universitaire reconnue. Il devra avoir au moins 10 ans d’expérience professionnelle avérée dans l’analyse des organisations ;

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(2) Un expert en gestion des ressources humaines ayant au moins un diplôme (BAC + 5) ou équivalent en sciences sociales d’une universitaire reconnue,justifiant au moins de 10 ans d’expérience professionnelle ; (3) Un juriste ayant au moins 10 ans d’expérience professionnelle avérée dans la législation sociale en RDC ; Le personnel du Consultant devra s’exprimer et écrire en français couramment et avoir au moins participé à deux missions similaires dans les 5 dernières années. V. Autres informations Un Consultant sera sélectionné en accord avec le décret n° 10/22 du 02/06/2010 portant sur le manuel de procédures de la Loi relative aux Marchés Publics en vigueur en RD Congo. Les cabinets intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous,de lundi à vendredi aux heures suivantes :de 9h00 à 16h00 (heure locale). Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier ou courriel, à l’adresse ci-dessous au plus tard le lundi 26 mai 2014 et porter clairement la mention « AMI/550/INTERV-GOUV/BCECO/DG/DPM/ILvan/ 2014 – Recrutement d’un Prestataire des services (cabinet) chargé d’accompagner le Ministère des Finances de la RD Congo dans la conduite du bilan de compétences des cadres des Régies Financières ». BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO) Pour le compte du Ministère des Finances A l’attention de Monsieur MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.i. Avenue Colonel Mondjiba, n°372 Concession UTEXAFRICA - KINSHASA / NGALIEMA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO TÉL. (243) 81 513 6729 - (243) 99 858 45 60 Email : bceco@bceco.cd avec copie à dpm@bceco.cd; bcecobceco@yahoo.fr ; dpmbceco@yahoo.fr MATONDO MBUNGU Directeur Général a.i. du BCECO

RÉPUBLIQUE DU NIGER CABINET DU PREMIER MINISTRE AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE LA POSTE AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT POUR LE RECRUTEMENT D’UN CABINET OU D’UN CONSULTANT POUR L’ÉVALUATION DU TARIF DE TERMINAISON D’APPEL (TA) DES OPÉRATEURS DE RÉSEAUX DE TÉLÉCOMMUNICATIONS AU NIGER.

Le présent avis à manifestation d’intérêt est consécutif à l’avis général de passation des marchés 2014, objet de publicité de l’ARMP paru dans « Sahel dimanche » n°1581 du 28 février 2014. L’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste (ARTP) se propose pour cette année, conformément à son plan d’actions et ses prévisions budgétaires 2014, de se faire assister par un consultant ou un cabinet aux fins d’évaluer les TA des opérateurs du Niger. Il s’agit des opérateurs : a) SONITEL S.A (opérateur historique), détenteur d’une licence d’exploitation d’un réseau fixe ; b) SahelCom S.A, détenteur d’une licence mobile GSM ; c) Celtel Niger S.A, détenteur d’une licence mobile GSM ; d) Atlantique Télécoms Niger S.A, détenteur d’une licence mobile GSM ; e) Orange Niger S.A, détenteur d’une licence globale (fixe, 2G, 3G et Internet). Profil du Cabinet ou du Consultant Le Consultant ou le Cabinet recherché devra justifier d’une : • bonne connaissance de l’économie des réseaux ; • excellente maitrise des modèles économiques notamment du modèle de Coût Moyen Incrémental de Long Terme (CMILT) ; • grande expérience pour ce genre de mission. Les livrables Les livrables doivent clairement permettre à l’ARTP d’argumenter ses décisions de fixation des TA au titre de l’année 2014. Le consultant devra élaborer et transmettre à l’Autorité de Régulation les documents suivants : • la version électronique renseignée (avec les inputs) du modèle CMILT par opérateur ; • le rapport d’analyse des données caractérisant chaque opérateur (architecture du réseau, trafic, coûts unitaires des éléments du réseau, coût du capital, Capex – Opex, etc.) ; • le rapport de l’évaluation en format papier et électronique. Le consultant ou le Cabinet pourra disposer de plus amples informations auprès de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste (ARTP) à l’adresse suivante : 64, rue des bâtisseurs, BP 13179 Niamey – Niger Tél. + 227 20 73 90 08/11, Email : salou.abdou@arm.ne ; arm@armniger.ne Les soumissionnaires doivent faire parvenir leurs offres à l’adresse ci-dessous indiquée au plus tard le jeudi 29 mai à 11 heures, heure locale. L’ouverture des plis aura lieu le même jour à 12 heures dans la salle de réunion de l’ARTP. Le Directeur Général de l’ARTP

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

163

RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE Union - Discipline - Travail

MINISTÈRE DE LA POSTE ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° S 21/2014 Conception et mise en place d’un système de contrôle automatisé des revenus et des trafics des opérateurs de télécommunications/TIC

JEUNE AFRIQUE

b) avoir une expérience d’au moins cinq (05) ans dans le management et la conduite et/ou la réalisation de projets de complexité similaire ; c) avoir un personnel qualifié notamment des experts,titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur ayant de bonnes connaissances en Télécommunications/TIC, des réseaux de télécommunications (équipements, protocoles de communications, etc.) et une expérience dans des projets similaires ou de complexité similaire. Le soumissionnaire, s’il est un Consultant, devra obligatoirement être en association avec un intégrateur de solutions télécoms ou avoir les partenariats techniques nécessaires dûment justifiés avec des constructeurs ou intégrateurs de solutions télécoms dans le cadre de cette mission. Les entreprises ou groupements intéressés doivent également fournir les informations et les preuves indiquant qu'elles ou ils sont qualifiées pour exécuter lesdites prestations notamment : - les brochures décrivant l'expérience générale ; - les références concernant l'expérience en matière d'exécution des contrats analogues (projets similaires) ; - les ressources humaines à mobiliser. 5 - CONDITIONS DE PARTICIPATION Sont admis à concourir, toutes les entreprises et tous les cabinets d'études qui ne sont pas concernés par les mesures d'exclusion prévues par le Code des Marchés Publics en République de Côte d'Ivoire. Les entreprises ou groupements intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un dossier d’information ou des compléments d’information auprès de : L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) Marcory Anoumabo, 18 BP 2203 Abidjan 18, Côte d’Ivoire Direction des Allocations de Ressources et des Contrôles (DACO) Bâtiment A, 1er étage, Porte 22 Monsieur APATA Jean Paul, Chef de projet Chef de Département Normalisation, Homologation et Allocation des Ressources, Email : apata.jeanpaul@artci.ci, Tel : +225 20 34 43 68, Fax : +225 20 34 43 75 Les manifestations d'intérêt rédigées en français doivent être déposées, au plus tard le 22 MAI 2014 à 11 H 00, heure d’Abidjan, à l'adresse mentionnée ci-dessous dans une enveloppe cachetée portant la mention : « Manifestation d'intérêt pour la conception et la mise en place d’un système de contrôle automatisé des revenus et des trafics des opérateurs de télécommunications/TIC ». Les manifestations d’intérêt doivent parvenir en cinq (05) exemplaires dont un original et en version électronique cryptée à l’adresse ci-dessous : L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) Marcory Anoumabo, 18 BP 2203 Abidjan 18, Côte d’Ivoire Direction des Allocations de Ressources et des Contrôles (DACO) Bâtiment A, 1er étage, Porte 22 Monsieur APATA Jean Paul, Chef de projet Chef de Département Normalisation, Homologation et Allocation des Ressources, Email : apata.jeanpaul@artci.ci, Tél. : +225 20 34 43 68, Fax : +225 20 34 43 75 Les candidats à l’Avis à Manifestation d’intérêt pourront du 22 Avril 2014 au 22 Mai 2014 de 9h00 à 11h30. - soit retirer le dossier d’Appel à Manifestation d’Intérêt et le dossier d’information à l’adresse ci-dessus mentionnée ; - soit demander l’envoi du dossier d’Appel à Manifestation d’Intérêt et du dossier d’information par Email à une adresse qu’il aura communiquée.

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Manifestation d’intérêt

1 - CONTEXTE ET JUSTIFICATION Les télécommunications en Côte d’Ivoire, constituent un secteur dynamique qui contribue de manière significative à la productivité de l’économie. Depuis sa libéralisation en 1995,ce secteur a connu une croissance exceptionnelle.Cette forte croissance implique d’importants enjeux dont la maîtrise du volume réel du trafic téléphonique et des revenus y afférents. En effet, le chiffre d’affaires déclaré par les opérateurs de téléphonie résulte en grande partie des revenus issus du trafic national pendant que les revenus issus du trafic international ne sont pas maitrisés. Pour l’année 2013, le chiffre d’affaires global du marché de la téléphonie fixe et mobile était de plus de 920 milliards de francs CFA pour un nombre d’abonnés mobiles supérieur à 19,3 millions et un nombre d’abonnés fixes supérieur à 272 milles. La spécificité du marché ivoirien est que 99% des abonnés mobiles sont des abonnés prépayés et les revenus qu’ils génèrent ne font pas l’objet, nécessairement, de pièces comptables pouvant être vérifiées par les services compétents (les Impôts). Ils représentent en moyenne 70% des revenus globaux des opérateurs de téléphonie mobile. Il est probable que la non maitrise de ces revenus impacte négativement l’assiette de la TVA et des autres taxes et impôts entrainant ainsi, un manque à gagner pour l’Etat. Pour pallier cette carence, l’annexe fiscale de l’année 2011, en son article 32, a institué une taxe sur les télécommunications. Cette taxe au taux de 5 % en 2014, est assise sur le chiffre d’affaires annuel hors taxe des entreprises de téléphonie installées en Côte d’Ivoire. Le produit de la taxe est partiellement affecté au financement des actions de contrôle du trafic et de lutte contre la fraude en matière de télécommunications. 2 - OBJECTIFS DE LA MISSION L’objectif principal de la mission est de concevoir et mettre en place un système de contrôle automatisé : a) des revenus des opérateurs de télécommunications (mobiles et fixes) et de la valeur des transactions liées à la « Monnaie Mobile » notamment le transfert d’argent, le paiement électronique de biens et services, etc. ; b) de l’ensemble du trafic voix, données, SMS, MMS, USSD et du volume des transactions liées à la « Monnaie Mobile » des opérateurs de télécommunications (mobiles et fixes). Les revenus concernés par le contrôle sont ceux provenant notamment : a) des communications des abonnés prépayés fixes et mobiles ; b) des communications des abonnés postpayés fixes et mobiles ; c) des transactions liées à la « Monnaie Mobile » des abonnés; d) du trafic d’interconnexion et du trafic international entrant ; e) du roaming des clients visiteurs. 3 - ACTIVITÉS À MENER Les activités suivantes devront être menées en vue d’atteindre les objectifs assignés à la mission. a) faire une étude sur l’état des lieux des infrastructures réseaux des opérateurs de télécommunications en vue de la conception du système de contrôle des revenus et des trafics ; b) fournir et installer l’ensemble des équipements et applications nécessaires au contrôle des revenus et des trafics des opérateurs de télécommunications ; c) faire les tests fonctionnels, de fiabilité, de sécurité et de robustesse du système et la recette globale de l’ensemble des installations ; d) faire la formation et apporter l’assistance nécessaire à la prise en main du système par les personnes ressources désignées. L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC invite les entreprises ou groupements intéressés à manifester leur intérêt à fournir les prestations ci-dessus décrites. 4 - PROFILS DES CONSULTANTS La présente consultation s’adresse aux entreprises spécialisées dans les télécommunications/TIC (ingénierie, intégration de solutions, etc.). Le Consultant devra satisfaire aux exigences ci-dessous : a) avoir une expertise confirmée dans les Télécommunications/TIC ;


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République de Côte d’Ivoire

BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT

Union - Discipline - Travail

AGENCE DE GESTION DES ROUTES Ministère des Infrastructures économiques

AVIS DE PRÉ-QUALIFICATION N° S 20/2014 POUR LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION DE ROUTES DANS LA RÉGION NORD-OUEST DE LA CÔTE D’IVOIRE : BOLONA-FRONTIERE MALI (40 KM) ET BOUNDIALI-ODIENNE (135 KM) PAYS : CÔTE D’IVOIRE NOM DU PROJET : CONSTRUCTION DE ROUTES BITUMÉES DANS LA RÉGION NORD-OUEST DE LA CÔTE D’IVOIRE SECTEUR : INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT MODE DE FINANCEMENT : ISTISNA’A - FINANCEMENT : N° 2IVC0027

1. Le Gouvernement de la République de Cote d’Ivoire a reçu de la Banque Islamique de Développement (BID), un prêt d’un montant de 84,46 millions d’euros, sous forme de financement Istisna’a pour le projet de construction de routes bitumées dans la région Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire (Route Bolona -Frontière Mali (40 km) et Route Boundiali – Odienné (135 km)) et entend affecter une partie du produit de ce prêt pour la réalisation des travaux ci-après en trois lots distincts : - LOT 1 : Travaux de construction de la route Bolona-Tengrela-frontière du Mali (40 km) - LOT 2.1 : Travaux de construction de la route Boundiali-Odienné : section 1 : route Boundiali-Madinani (59km) - LOT 2.2 : Travaux de construction de la route Boundiali-Odienné : section 2 : route Madinani-Odienné (76km) 2. La période prévisionnelle de réalisation des travaux s’étendra de Juin 2014 à Juin 2016.

Avis de préqualification

3. L'avis général de passation des marchés pour ce projet qui est paru sur le site Web de la Banque Islamique de Développement (BID) le 10 mars 2014. 4. L’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE) invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à réaliser les travaux. Les entreprises de travaux intéressés doivent fournir les informations spécifiques qui démontrent qu'elles sont pleinement qualifiées pour exécuter les travaux indiqués (Bilans certifiés des cinq dernières années (2009-2013), attestation de bonne exécution ou autres certificats de bonne fin de travaux similaires datant des dix(10) dernières années (2004-2013), lignes de crédits bancaires ou autres ressources financières disponibles, etc.). 5. Les exigences minimales en matière de qualification sont : - Avoir réalisé un minimum de chiffres d’affaires annuel moyen des activités de construction de trente millions (30 000 000) de Dollars Américains, soit quinze (15) milliards de FCFA au cours des cinq (5) dernières années (2009-2013). - Avoir réalisé avec succès en tant qu’entrepreneur principal, membre d’un groupement ou sous-traitant entre le 1er janvier 2004 et la date limite de dépôt des dossiers de pré-qualification au moins : i.Cinq (5) marchés chacun d’une valeur minimale de trente millions de Dollars Américains ou soit quinze (15) milliards de FCFA ; ii. Un nombre inférieur ou égal à cinq (5) marchés, d’une valeur minimale cumulée supérieure ou égale à cent cinquante (150) millions de Dollars Américains soit soixante-quinze ( 75) milliards de FCFA, en nature, volume et complexité similaires aux travaux de construction de routes neuves ou renforcement de routes revêtues. - Avoir accès à des financements tels que des avoirs liquides, lignes de crédit bancaires, autres que l’avance de démarrage éventuelle, à hauteur de vingt millions (20 000 000) de Dollars Américains, soit dix (10) milliards de FCFA. 6. Les entreprises peuvent exprimer des intérêts dans les formes de groupements, validées par un accord entre les membres du groupement qui spécifie clairement le type d’association, c'est à dire une joint-venture, des formes intermédiaires d'association ou en entreprise unique. 7. La passation des marchés de travaux sera faite conformément aux directives et conditions d’acquisition de services et biens de la Banque Islamique de Développement (BID). 8. Les entreprises intéressés et éligibles peuvent obtenir des informations supplémentaires à l'adresse ci-dessous, de 8h00-17h00 (heure GMT) 9. Les entreprises intéressées peuvent retirer le dossier de pré-qualifiaction à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de deux cent (200 000) Francs CFA. La méthode de paiement sera en espèces ou par chèque. 10. Les manifestations d'intérêt en vue de la pré-qualification doivent être déposées à l'adresse ci-dessous au plus tard le 10 juillet 2014 à 10 h 00 (heure GMT). AGENCE DE GESTION DES ROUTES (AGEROUTE) Avenue Terrassons de Fougères – Abidjan Plateau - 08 BP 2604 Abidjan 04 - Côte d’Ivoire Tél. : (00 225) 20 25 10 00 / (00 225)20 25 10 02 / (00 225) 20 25 14 82 - Fax : (00 225) 20 32 28 95 Page Web : www.ageroute.ci - Adresse électronique : Email : ageroute@ageroute.ci Copie à : bofofana@ageroute.ci et meitevafing@yahoo.fr

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE


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BURKINA FASO

PREMIER MINISTÈRE

UNITÉ- PROGRÈS- JUSTICE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

OUAGADOUGOU, LE 18 AVRIL 2014

MAÎTRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN PERSONNE RESPONSABLE DES MARCHÉS N° 2014-007/PM/SG/MOAD/PRM

COMMUNIQUÉ

Avis de pré-qualification des entreprises n° 005/PM/SG/MOAD/PRM du 17/03/2014 en vue d’un appel d’offres restreint pour l’exécution des travaux de construction des chaussées aéronautiques, lot 2 A des travaux de construction de la plateforme aéroportuaire du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin

Compte tenu de l’importance des questions sur l’éligibilité, la Personne Responsable des Marchés, Président de la Commission d’Attribution des Marchés de la Maîtrise d’ouvrage de l’Aéroport de Donsin, a l’honneur de porter à la connaissance de tous les candidats à l’avis de pré-qualification des entreprises relatif aux travaux de construction du lot 2 A du nouvel aéroport international de Donsin de ce qui suit : - l’appel d’offres du lot 2 A chaussée aéronautique de l’aéroport de Ouagadougou est ouvert et international ; - il s’adresse à toute entreprise ne figurant pas sur la liste de boycott de la ligue Arabe, de la ligue Islamique et de l’Union Africaine ; - toute entreprise ne figurant pas sur ces listes de boycott est éligible au présent appel d’offres. Tenant compte de ce fait, la date de dépôt est reportée au lundi 26 mai 2014 avant 10 heures. Le dossier peut être consulté à l’adresse électronique : moad@primature.gov.bf ou dans le site web au www.moad.bf. La Personne Responsable des Marchés Président de la Commission d'attribution de la MOAD Wendoana Pascal KIMA

AVIS GÉNÉRAL DE PASSATION DES MARCHÉS Programme de développement de la Formation Professionnelle et de l’Apprentissage dans les régions Ouest et Sud de la Tunisie pour l’emploi

Le gouvernement Tunisien a reçu de la banque islamique de développement (BID) un prêt en vue du financement du projet de développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage dans les régions ouest et sud de la Tunisie pour l’emploi. L’objectif du projet est la la promotion de la formation et de l’apprentissage en vue de développement des activités économiques et mettre à sa disposition les compétences nécessaires pour l’amélioration du marché d’emploi pour les diplômés des centres de formation. Le coût du projet s’élève à 47 millions de dollars américains soit l’équivalent de 70 millions de dinars tunisiens répartis comme suit : - 20 millions de dollars financés sur les fonds du budget de l’Etat tunisien ; - 27 millions de dollars financés par la BID. Et sera en œuvre sur une période de (04) quatre ans compter de la date du 1er décaissement. Composantes du projet : Le projet comprend les composantes suivantes : • Composante n° 1 : Les services des consultants • Composante n° 2 : Réhabilitation et création des centres de formation professionnelle • Composante n° 3 : Formation technique et pédagogique des formateurs • Composante n° 4 : Elaboration des nouveaux programmes et révision des programmes existants • Composante n° 5 : Mise en œuvre du partenariat entre les centres de formation et les entreprises • Composante n° 6 : Amélioration de la gouvernance et la gestion au niveau des centres de formation. Acquisition des biens, travaux et services : L’acquisition des biens et travaux se fera conformément aux directives de la banque en matière d’acquisition des biens et travaux. L’acquisition des services de consultants se fera conformément aux règles et procédures de la banque en matière d’utilisation des consultants. Mode d’acquisition des composantes du projet : • Acquisition des travaux : à travers des appels d’offres internationaux limitée aux pays membres. • Acquisition des biens : - Agencement et équipement de cuisine à travers des appels d’offres nationaux - Equipements de formation : à travers des appels d’offres internationaux • Formation et développement des programmes : à travers une liste restreinte des bureaux internationaux. • Ateliers et séminaires : à travers une consultation à l’échelon national. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires et devraient confirmer leur intention à l’adresse suivante : AGENCE TUNISIENNE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 21, Rue de Libye – Tunis - B.P. n° 164 CEDEX TUNIS CARTHAGE TUNIS

JEUNE AFRIQUE

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Avis de préqualification - Avis de marché

République Tunisienne Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi


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2831, avenue de la Justice Quartier Socimat dans la commune de la Gombe - RDC

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

INDICATEURS DE PERFORMANCE SNEL AU 31 DECEMBRE 2013 INDICATEUR 1. Puissance installée (MW) 2. Puissance disponible (MW) 3. Taux de disponibilité Inga 1&2 (%) 4. Production totale (GWh) 5. Production Inga (GWh) 6. Capacité de transport Inga-Kinshasa (GWh) 7. Exportations en HT (GWh) 8. Indisponibilité ligne Inga-Kinshasa (heures) 9. Indisponibilité ligne Inga-Kolwezi (heures) 10. Pertes en distribution (GWh) 11. Taux énergie non distribuée (%) 12. Taux recouvrement (%)(sans arriérés)

Indicateurs de performance

13. Taux recouvrement global (%)(avec arriérés) 14. Taux recouvrement Etat (%) 15. Taux recouvrement clients paraétatiques (%) 16. Taux recouvrement exportations (%)

2008

2009

2010

2011

2012

2.442

2.442

2.442

2.442

2. 442

2013 2.442

1.247

1.194

1.175

1.393

1. 281

1.501,74

7.246

7.641

7.409

7.189

7. 594

8.349,00

740

935,5

829,8

1.172,2

8,66

18,68

6,33

261

23

57

4.541 627,7 915

50

4.858 887

50

5.024 514

57

4.204 192

57

64,28

4 .954

5.745,60

39

56,7

3.256,3

22,33

18,63

750

1 165

50,49

51,52

51,4

51.0

56,6

48,6

0

52,31

34,2

3,8

8,07

19,71

61,6

71,4

417,22

94,0

482,05

416,89

44,0

34,9

781,09 11,39 60,1 32,4

467,1

975,70

15,56

3,75

64,7 14,9

69,4

23

10,76

915

509,60

375,37

0,34

8,47

10

78.5 26,7

25,0

626

65,6

35,6

468,9

58,6

16,0

17 .Arriérés SNEL avec clients privés ($ millions)

493,44

18. Arriérés SNEL avec Etat ($ millions)

117,16

88,27

106,03

409,97

31,07

54,83

5.837

6.323

6.697

6.805

7 389

7.587

19. Energie facturée (GWh) 20. Nombre total clients facturés 21. Nombre clients résidentiels facturés 22. Effectif SNEL 23. Ratio clients/Employé SNEL 24. Tarif Moyen ($/kWh) 25. Tarif Moyen résidentiel ($/kWh) 26. Revenus recouvrés par kWh produit ($/kWh) 27. Revenus recouvrés par kWh facturé ($/kWh) 28. Ventes totales ($ millions) 29. Revenus totaux recouvrés ($ millions) 30. Charges du personnel ($ millions) 31. Dépenses effectives maintenance Inga ($ millions) 32. Dépenses effectives maintenance transport ($ millions) 33. Clients résidentiels avec Compteur (%)

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

312,19

428.297

426.232

440.777

483.719

540. 789

6.173

7.119

7.183

7.232

7 .391

393.897

392.172

401.284

440.750

69,38

59,87

61,36

66,89

0,095

0,010

0,010

0,010

0,045 0,023 0,028

0,046 0,024 0,029

0,046 0,029 0,032

0,046 0,034

0.035

249,00

596.691

487.056

545.149

73,17

80,87

0,022

0,038

0,058 0,037

0,038

7.372

0,069 0,037

0,041

280,773

287,239

310,632

310,592

430,147

520.884

49,965

51,506

67,168

73,661

90,267

102,463

168,770

4,500 1,7

185,932

3,700 2,3

215,692

3,900 2,05 2,8

243,668

1,500

3,02 4,3

282,502 6,702

4,68 5,8

312.576 4,60

3,940 10

JEUNE AFRIQUE


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COMMENTAIRES 1. Au 31 décembre 2013, la puissance totale installée est restée constante par rapport aux années passées, soit 2.442 MW. Elle pourra s’accroître à l’issue du projet de construction de la centrale hydroélectrique de ZONGO 2. 2. La puissance disponible à la même date a été de 1.501,74 MW contre 1.281 MW en 2012, soit une augmentation de 220,74 MW résultant des travaux de : 1. la fiabilisation des groupes suivants : 2. et la réhabilitation des groupes suivants : N° 1 2 3 4 5 6

Centrales INGA 1 INGA 2 ZONGO BENDERA RUZIZI MWADINGUSHA

Groupes 2 et 3 5 4 2 2 4 et 6

N° 1 2 3

Centrales INGA 1 NSEKE TSHOPO

Groupes 2 4 1

3. La production totale de l’exercice 2013 a été de 8.349 GWh contre 7.594 GWH en 2012 soit une augmentation de 755 GWh consécutive aux travaux de fiabilisation et réhabilitation des groupes. 4. L’énergie exportée en 2013 s’est élevée à 56,7 GWh contre 39 GWh en 2012, soit un accroissement de 17,7 GWh qui s’explique par l’augmentation des exportations d’énergie électrique au CONGO BRAZZAVILLE.

6. Le taux de recouvrement global avec arriérés a baissé au 31 décembre 2013 (58,6%) par rapport à 2012 (65,6%). Cette situation est due au faible paiement des factures d’électricité au dernier trimestre 2013 par certains clients haute tension (HT), moyenne tension paraétatiques et BT résidentiels ; 7. Le taux de recouvrement des factures Etat a été de 19,71% à fin 2013 contre 8,07% en 2012.On dénote une augmentation de 11,64% consécutive à l’exécution de l’article10 du Contrat de performance Etat-SNEL du 27 février 2012. 8. Le taux de recouvrement exportation s’est chiffré à 34,9 à fin 2013 contre 44% en 2012, soit une diminution de 9,1%. 9. Les arriérés des clients privés ont baissé de 63,19 millions de dollars américains en 2013 par rapport à 2012 passant ainsi de 312,19 à 249 millions de dollars américains. 10. Le nombre total des clients facturés est passé de 540.789 en 2012 à 596.691 clients en 2013, soit une augmentation de 55.902 clients due essentiellement aux opérations d’identification et de réactivation de certains points alimentés jadis mis en instance. 11. Le tarif moyen a été de 0,069 USD/ kWh en 2013 contre 0,058 USD/kWh en 2012. Le niveau atteint en 2013 s’explique par l’application du nouveau tarif haute tension. 12. Le tarif moyen résidentiel ($/kWh), a été relevé à 0,038 en 2013 contre 0,022 en 2012 suite à l’amélioration des ventes en USD. Le tarif est toujours administré par le Gouvernement Congolais. L’application des ajustements tarifaires autorisés par le Gouvernement en 2009, a été suspendue et les tarifs préférentiels sont toujours d’application dans la catégorie « Moyenne tension vapeur » ; 13. L’effectif du personnel est passé de 7391 en 2012 à 7372 agents en 2013 soit une régression de 19 unités qui s’explique par des sorties supérieures aux entrées; 14. Les charges du personnel se sont chiffrées à 102,463 $ millions en 2013 contre 90,267 en 2012. L’accroissement observé en 2013 se justifie par le paiement des décomptes finals aux agents retraités dont le nombre en 2013 s’est avéré plus important qu’en 2012. Fait à Kinshasa, le 18 avril 2014. JEUNE AFRIQUE

N° 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Indicateurs de performance

5. Les pertes en distribution pour la même année se sont élevées à 468,9 GWh par rapport à la période précédente qui était de 626 GWh soit une diminution de 157,1 GWh justifiée par l’intensification des travaux d’assainissement des réseaux MT et BT.


Vous & nous

Le courrier des lecteurs

avoir trop de mal à se succéder de nouveau à lui-même en juin… Les Arabes seraientils condamnés au malheur perpétuel ? l

Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

ÉMILE FADEL,

KAKEL MBUMB Lubumbashi, RD Congo

Côte d’Ivoire Le prix de la réconciliation DANS UN RÉCENT entretien à votre hebdomadaire (J.A. no 2779, du 13

au 19 avril), le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan déclare: « […] À cela s’ajoute la complexité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre qui ont fait au moins 3 000 morts pendant la crise postélectorale. Nous avons donc pris le temps d’instruire le dossier de Charles Blé Goudé depuis son arrestation au Ghana, en janvier 2013, avant de décider de le transférer à La Haye. Simone Gbagbo sera pour sa part jugée en Côte d’Ivoire. […] Nul n’échappera à la justice. […] L’impunité a fait beaucoup de tort à notre pays. » Membre de différents gouvernements depuis près d’un quart de siècle, Daniel Kablan Duncan n’aurait-il pas la mémoire sélective ? Si la crise postélectorale 2010-2011 a fait « au moins 3 000 morts », qu’en est-il de celle de 20022010? Évidemment, toutes les victimes méritent que justice leur soit rendue. Évidemment, l’impunité fait du tort à notre pays, mais il faut remonter à 2002 pour la traquer.

Toute réconciliation est vouée à l’échec si on se contente d’une justice et de vérités partielles. Le peuple de Côte d’Ivoire n’ignore pas les réalités du pays, et nous devrions tous apprendre de notre histoire. l YVONNE MANAN,

MALI ANNÉE ZÉRO Spécial 22 pages

NUMÉRO DOUBLE EN VENTE DEUX SEMAINES

Hebdomadaire international indépendant • 54e année • no 2781-2782 • du 27 avril au 10 mai 2014

Dictature Malédiction arabe  PRINTEMPS ARABE , gazouilliez-vous gaiement en 2011 ? Mais il semble que les hirondelles de 2014 annoncent au contraire la permanence d’une vieille ère, celle des dictatures arabes. En Algérie, Bouteflika est réélu « dans son fauteuil » ; en Égypte, un énième général – certes défroqué – s’apprête à vendanger les fruits de son coup d’État de juillet. En Irak, le trop puissant Nouri alMaliki devrait retrouver son poste à l’issue des prochaines législatives, et Assad le boucher syrien ne devrait pas

CE NT RA FR

Afrique subs

aharienne

IQ UE

Vrais papie rs

faux diplo mates

Sous Boziz é, c’était une tradition. La à d’innombra distribution bles homm de passepor es d’affaires, sous Djoto ts de comp conse dia. Mais aujou laisance a rd’hui, les nouve illers et amis de la présid ence. Une pratiq profité lles autorités veulent faire ue perpétuée le ménage.

JOAN TILOU INE

S

d’avoir détou rné 6 millia rds ud-es t de dollars (4,4 la Franc e, milliards d’euro de juillet 2013. est sous le coup s). Il Mouk d’un manda t d’arrêt Abliazov, homm htar internationa l de la Russie faires deven e d’afRoyaume-Un ; et le i, où il avait u opposant politi trouvé refuge dans que à Nours un premier oultan Nazar baïev temps, l’a condamné , le présid à vingt-deux ent du Kazakhstan, mois de prison. Le 29 se sait traqué mai, son épouse . Autrefois patron de la Chalabaïeva, , Alma banque BTA, et sa fille avaien cet exministre de arrêtées par l’Énergie est les forces spéciat été accusé italien nes les JEUNE AFRIQUE dans la banlie ue de

DANY CHAKOUR, PDG d’Africard Limited (BVI), Beyrouth, Liban N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Islam Ne condamnez pas l’arabité SI JE COMPRENDS le ressentiment exprimé par Fawzia Zouari dans son dernier « Post-scriptum »

Abidjan, Côte d’Ivoire

Centrafrique Africard voit double Fidèle lecteur de Jeune Afrique, j’ai lu avec attention votre enquête « Vrais papiers, faux diplomates » en Centrafrique (J.A. no 2780, du 20 au 26 avril 2014). Je tiens toutefois à ajouter une précision pour plus de clarté et afin d’éviter tout amalgame. La société que je préside, Africard Limited, a cédé 100 % du capital d’Africard RCA à la société Inkript en 2011. La société Inkript s’est engagée à changer de nom, mais refuse toujours d’honorer ses engagements. N’ayant rien à voir avec Africard RCA, ma société Africard Limited continue d’œuvrer en Gambie, au Niger et en Guinée. l

Abidjan, Côte d’Ivoire

10 000 euros

Prix moyen d’un passep ort diplomatique centrafricain sur le marché noir à Paris

Rome, avant d’être transf au Kazakhstan. érées Abliazov, caché Pour Moukhtar dans de Mouans-Sarto une jolie villa Cannes, la cavale ux, non loin de mois plus tard: prendra fin deux le 31 juillet, la françaisedépl police oieles grands moyens pour interp eller le millia rdaire kazakh… et citoyen Car l’oligarque centrafricain. passeport ordina disposait d’un ire estampillé lll N O 2780 • DU 20 AU 26 AVRIL 2014

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jeuneafrique.com

TUNISIE COMMENT JOMÂA A PRIS LE POUVOIR

ALGÉRIE À QUOI RESSEMBLERA BOUTEFLIKA IV ?

FRONTIÈRES L’AFRIQUE SUR UN VOLCAN

DOSSIER CULTURE PUB

MAROC M6, CE DIPLOMATE

FRANCE SARKOZY ET JUPPÉ SONT DANS UN BATEAU…

ÉDITION GÉNÉRALE

RD Congo Drames en cascade LA RD CONGO a été ces derniers temps le théâtre de plusieurs drames humains: noyade au Kivu d’une centaine de réfugiés en provenance de l’Ouganda, déraillement d’un train au Nord-Katanga… Et pourtant, il y a eu très peu de réaction de la part du peuple ; pas le moindre élan de solidarité ne s’est manifesté. Comme si la population s’était résignée devant la multiplication des tragédies. J’en appelle donc aux autorités politiques ainsi qu’à la société civile : la vie doit redevenir un trésor précieux à respecter ; toutes les victimes de pareils drames doivent bénéficier de gestes de solidarité. l

France 6 € • Algérie 350 DA • Allemagne 8 € • Autriche 8 € • Belgique 6 € • Canada 11,90 $ CAN • DOM 8 € • Espagne 7,20 € • Éthiopie 95 birrs • Finlande 8 € • Grèce 8 € • Italie 7,20 € • Maroc 40 DH • Mauritanie 2000 MRO • Norvège 75 NK • Pays-Bas 7,20 € • Portugal cont. 7,20 € • RD Congo 11 $ US • Royaume-Uni 6 £ • Suisse 11,80 FS • Tunisie 6 DT • USA 13 $ US • Zone CFA 3200 F CFA • ISSN 1950-1285

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LES

AFRICAINS LES PLUS INFLUENTS DU MONDE

p J.A. no 2781-2782, du 27 avril au 10 mai.

(J.A. no 2781-2782, du 27 avril au 10 mai) vis-à-vis des effets pervers que certaines interprétations déviantes, parfois délirantes, de l’islam induisent dans les sociétés où il est majoritaire (ou même seulement présent), je ne peux souscrire à son regret déclaré dès la première phrase avec le fait « d ’ê t r e n é e a r a b e » . Mme Zouari aurait mieux fait de regretter d’être née musulmane, car les maux qu’elle décrit frappent aussi bien, parfois même mieux, l’Afghanistan, le Pakistan, les Philippines, la Thaïlande et même la Chine ! Dès lors, qu’est-ce que son arabité aurait à voir avec le fait qu’une religion universelle produit à un moment donné de son histoire – et elle n’en JEUNE AFRIQUE


Vous nous

Corruption Plaidoyer pour une liste additive DANS SON ÉDITO de votre denier numéro double (J.A. no 2781-2782, du 27 avril au 10 mai), François Soudan cite Nairobi, Luanda, Lagos, Kinshasa et Douala parmi les métropoles les plus gangrenées par la corruption. Connaissant la réalité du « terrain africain », aurais-je tort de plaider pour faire figurer Brazzaville et Pointe-Noire sur cette sorte « d’axe du mal du continent noir » ?

PATRICK TCHICAYAT, Sevran, France

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Afrique SOU DAN

subsah

arienne

DU SUD

Une po udrière Le Kenya, nommée l’Ougan da, l’Éth au che iopie et vet du Djouba même la plus jeun Chine : tou e État afri cain, rava s ses par gé par la

guerre civi tenaires se pre ssent le. Sans grand suc cès jusq u’ic

i.

l’Éthiopi e, le Sou dan et mêm pourraie nt subir le contreco e l’Égypte sur le plan up du conf écon lit Si Khartou omique. du pétrole m dépend de longue de son anci Nairobi enne prov date a beaucoup ince, Lamu Port parié sur Transpor Southern Sudan le projet t Corridor Ethi opia (Lapsset) notamm ent la cons , qui prév oit truc reliant le Soudan du tion d’un pipeline L’Ougand Sud à l’océ a, an Indien. du Lapsset qui pourrait aussi avoir beso in pétrole,a pour transporter vuen son prop re du Sud deve quelques anné esle portation nir son premier mar Soudan . Une don ché d’exla longue née qui, s’ajoutan proximit tà é présiden t Museven historique entre le populaire i et le Mou de au pouvoir libération du Soud vement à an (SPLM, lacélérité Djouba), explique avec sans est interven laquellel’arméeou doute permettre ue (dès le 20 déce gandaise mbr aux trou reprendre pes de Salv e) pour la ville de a Kiir de Bor. UT/RE UTERS

Soudan Traitement minimum pour le Sud J’AI APPRÉCIÉ qu’un article soit consacré à la crise du Soudan du Sud dans votre dernière édition (J.A. no 2781-28, du 27 avril au 10 mai). Bien que j’aie l’impression qu’il survole une situation complexe, sous-traitée dans votre magazine. L’apparition de ce pays, fruit d’une scission en 2011, ava i t su s c i t é u n espoir sur le continent. Cet espoir est douché, et la crise profonde qui s’est installée devrait mobiliser non pas uniquement les pays voisins et occidentaux impliqués, mais aussi les pays d’Afrique francophone et

p Dans

D

le camp

de réfugiés

NICEF/ HANDO

LINA GHALI, Le Caire, Égypte

En effet, dans ces deux capitales du Congo-Brazzaville, il n’est pas rare de rencontrer de simples agents des services douaniers, des policiers et des militaires à peine gradés, des secrétaires employées par ce qui reste de la fonction publique (celle-ci est en réalité privée), tous très loin de l’âge de la retraite, plus riches que d’honnêtes médecins dans des hôpitaux vétustes, des enseignants dans des écoles dites publiques laissées quasiment à l’abandon, des pères et des mères diplômés au comportement irréprochable et aux emplois précaires qui se dévouent chaque jour, comme ils peuvent, pour nourrir leurs familles. l

de Mingkam

an. Plus

d’un

KATE HOLT/U

a pas le monopole – des avatars certes détestables, mais qu’on ne peut cantonner au seul espace arabe ?… l

million ès le 26 déce de pers auraient fui les comonnes demain des mbre 2013, au lenbats. pour hau ments entr premiers affrontete e les part l’applicat trahison. Mais sur présiden isans du ion le t, Salv son ancien toute théo du cessez-le-feu terrain, vice-préside a Kiir, et ceux de rique. Dern dem Conseil de nt, date, la repr Riek Mac ier événeme eure PROMES paix et de har, le africaine SE. nt en sécurité les forces ise de la ville de annonçai de Kenya s’act Tandis que l’Éth l’Un de Ben ion Machar, t vouloir agir qu’un con iopie et une vive le 15 avril tiu par le breux pays ivent en coulisse pour évite flit n’em réac , Sud. Il prév brase le s, r de elle s’est acco tion des Nations a suscité Sou Égypte, Djib la zone (Rwand de nomoyait nota unies, car mpagnée d’une com a, mment la dan du coordina prêts à cont outi, etc.) contribu Burundi, mission formation teur hum , selon Toby Lanz pour enq violation ent ou sont er, anit de l’ONU, uêter s des tion sous ribuer à la force de massacr aire de la mission d’interposi-régiona Trois moi droits de l’homm sur les es le. Même de a beaucou civils com la Chin Internationas et demi plus tard e… p investi mis , le et s’y app au Soudan e, qui Pékin, « Alors que l Crisis Group (ICG 10 avril, rovi qui a bea du Sud sionne en son rapp ) notait : ucoup dans le le mois d’av ort désireuse pétrole, semble investi ril, la com était attendu pou pays, po de à peine un r miss hauts resp s’impliquer. « De urrait fou troupes travail rend ion commence onsa à la mis rnir des la dispariti se sont rend bles [chinois] sion de on des preuu plus difficile par us à Djou la saison Addis-A l’ONU. ves et le ba et à sur des base des beb ne menace pluies. » Et le Soud début de une solu a pour soutenir pétrolier s ethniques. Cap an du Sud plus de tion nég itale de l’Éta d’Unité (nor en plein s’enflam ocié [Pék revê t e, et in]a d e guerre t du mer : il est lers pour une imp entaméd pays civile. de un mill fournir des espourpa pour les rebe ortance stratégiq ), Bentiu r[Mission ion de dép ICG évoque plus troupes à ue majeure des millions la Minuss lacés et près économi lles qui cherchen de Sud] », affir Nations unies au tà que aide d’ur civils qui auront beso de six Soudan du me 98 % de l’or ment Djouba, dépasphyxier gence dans Beaucoup ICG. in d’une noir endant à plus de la les mois Pays en lam . à venir – moi bien au Sou de monde semble soit beau voul Certes, un tié de la populat dan x avant mêm pu fêter ses oir du Sud. de la forc ion. Mais le man du trois ans, signé le 23 accord de cessez-le e internat pas su surm le Soudan e d’avoir dat janvier et près iona -feu de le, du a été 1000 Sud n’a qui sept des onze de Machar politique onter ses ancienn adapté aux 0 hommes, ne sem compte déte s, commun es été autorisés nus depuis déce proches Mais si ses autaires et divisions Washing événements. Et la ble guère ethnique habitant ton d’im aux pourpar par Djouba à prenmbre ont s, s. liers dan poser des menace de quiconq s les cam qui affluent par milue sanc quatre cam lers de paix, tand dre part ps souvent des Nati is que prendrai entraverait les effor tions à arades atten ons unie t le ts daient d’êtr leurs s, sont les inadaptés en payer ou violerait personnel onusien de paix, e jugés N 2781-2 premiers le 782 • DU pour cible d’être dést prix, toute la régi à 27 AVRIL fort de ne les droits de l’ho AU 10 MAI abilisée. on risque mm pas 2014 e risque suffire à rétab L’Ougand deux facti a, le Ken lir la paix ons ya, entre par la guer rivales arrivées au pouvoir re. l NICO O

LAS MICH EL JEUNE AFRIQ UE

l’Union africaine. Les droits de l’homme sont bafoués et la guerre fait rage, en silence. l JOSEPH MOLAKO, Douala, Cameroun

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

bby@jeuneafrique.com

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed

Des blatèrements dans le Brabant

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

A

UJOURD’HUI on va parler de chameaux, ou plutôt de dromadaires. Mais bon, peu importe que la bête ait une ou deux bosses, il s’agit surtout de constater que l’esprit d’entreprise et l’opiniâtreté font des miracles. Ça commence comme ça : je découvre, au hasard d’une promenade, que c’est à Berlicum, dans le Brabant, que se trouve la plus grande ferme de camélidés d’Europe. Étonnant, non ? Que font ces bêtes placides qu’on s’attendrait à dénicher au détour d’une dune – heureuse euphonie –, au détour d’une dune donc – dung dung dong, on va demander à la contrebasse d’accompagner cette chronique –, bref, qu’on s’attendrait à rencontrer au détour d’une dune dans le désert ? Eh bien, tout part de la situation suivante, assez surréaliste : un paysan brabançon lit un rapport de la FAO… Oui, je sais, un moujik qui lit un rapport de la FAO, ça a l’air d’une blague ; mais on est aux Pays-Bas, la plupart des paysans possèdent une maîtrise en agronomie. Donc : un paysan brabançon lit dans un rapport de la FAO que le lait de chamelle contient plus de fer et trois fois plus de vitamine C que le lait de vache. En outre, il est meilleur pour les diabétiques. Notre héros – vous ai-je dit qu’il s’appelait Smits ? – décide surle-champ (c’est le cas de le dire) de se lancer dans l’élevage de chameaux. Premier problème: les lois absconses de l’Union européenne interdisent l’importation de chameaux extracommunautaires. Un autre aurait jeté l’éponge: pas Smits. S’armant d’une mappemonde, il remarque que les îles Canaries font partie de l’Europe. Hé hé… Il saute dans un avion et le voici bientôt dans ces îles fortunées à la recherche de chameaux aryens. Il en rapporte trois, un mâle et deux femelles, loue un pré à la mairie et commence à engraisser le trio. Lorsqu’il cherche à vendre les premiers litres de son or blanc, l’inspection sanitaire lui objecte que le lait de chameau n’est pas sur la liste des produits autorisés à la vente. Plus d’un aurait abandonné l’aventure. Smits fait le siège du ministère idoine jusqu’à obtenir qu’on ajoute le kameel-melk sur la liste. Puis il monte un marketing d’enfer qui persuade la foule d’acheter le produit miracle. Il le vend 6 euros le litre, soit six fois plus cher que le lait de vache, et pourtant ça marche! Il en vend aujourd’hui 300000 litres par an, il s’est acheté une ferme pour abriter son troupeau sans cesse en augmentation et il gagne suffisamment d’argent pour se permettre d’aller chaque année observer la concurrence aux Émirats et en Somalie. Comme les éleveurs de ces pays n’auraient jamais l’idée de venir dans les polders espionner Smits, il garde un avantage sur eux. Maintenant, je pose avec tristesse cette question : nous, au Maghreb, nous connaissons parfaitement le chameau ; nous l’avons pratiquement inventé ; alors, comment se fait-il que nous n’ayons pas de success-story à la Smits ? Le gars exporte son lait aux ÉtatsUnis, en Australie, partout, et nous, on n’arrive même pas à l’exporter dans la ville la plus proche. Pourquoi ? Qui pourra m’apporter la réponse aura droit à un litre de lait de chamelle, plein de fer et de vitamine C. l N O 2783 • DU 11 AU 17 MAI 2014

Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis

JEUNE AFRIQUE

Rédaction en chef : Seidik Abba (s.abba@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa et Nadia Lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux avec Olivier Caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Olivier Caslin, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Christophe Le Bec, Omer Mbadi (à Yaoundé), Mehdi Michbal (à Casablanca), Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Nicolas Teisserenc, Joan Tilouine ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Renaud de Rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com), avec Fatou Tandiang RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Emeric Thérond (premier rédacteur graphiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Christian Kasongo, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service) ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Direction : Danielle Ben Yahmed et Amir Ben Yahmed ; vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326, rue du Gros-Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), Nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier ; Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285.




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