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MAROC GOLFE CONNECTION No 2785 • du 25 au 31 ma! 2014

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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 24 MAI

Sissi: combien de voix? ’

C

EST LE MERCREDI 28 MAI – pour ainsi dire demain ! – que nous devrions avoir confirmation de l’événement et commencer à en mesurer l’importance. L’annonce viendra du Caire et concernera en premier lieu, mais pas seulement, l’Égypte, grande puissance du monde arabe, la troisième en Afrique par la population et le revenu national. Nous devrions apprendre ce jour-là que les 86 millions d’Égyptiens, plus précisément les quelque 53 millions d’entre eux qui forment le corps électoral, ont plébiscité Abdel Fattah al-Sissi, 59 ans, pour en faire le nouveau président de la République arabe d’Égypte. n

Cet ancien chef de l’armée, promu maréchal en janvier dernier, succède au général Hosni Moubarak, qui a occupé le poste pendant trente ans avant d’en être délogé en février 2011 par la rue et le « Printemps arabe ». Sissi succède plus directement à l’islamiste Mohamed Morsi, élu, lui, en 2012. Mais s’étant révélé « incompétent, arrogant et maladroit », il a été destitué le 3 juillet 2013, au bout d’un an, par… Sissi, qui, ce faisant, affirme avoir répondu à « la demande du peuple »… Moubarak et Morsi sont tous les deux en prison, sans perspective de libération. Si elle se confirme, comme tout le monde le pense, et si l’ex-maréchal Sissi – il a démissionné de l’armée pour se porter candidat – parvient à faire oublier qu’il a chassé un président élu, son accession à la magistrature suprême par une forme de plébiscite bouleversera la donne en Égypte. Ce pays, dont Sissi serait le Bonaparte, annoncera ainsi qu’il sort des tumultes de la révolution pour se stabiliser et ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. L’Égypte sera alors de retour. Dès le mois de juin, elle reprendra sa place et son rôle, ce qui affectera les équilibres internes en Afrique et dans le monde JEUNE AFRIQUE

arabe, ainsi que les relations de ces deux ensembles avec l’Occident. n

À ce stade, il me paraît nécessaire de rappeler que, si l’islamiste Mohamed Morsi a été l’élu d’un scrutin pluraliste, où il a obtenu, au second tour, un nombre de voix plus élevé que son concurrent, il n’a recueilli que 13 millions de suffrages (51,73 % des votants). La moitié des inscrits n’ayant pas voté, se sont portées sur son nom les voix d’un quart seulement du corps électoral, et moins d’un Égyptien sur six s’est prononcé en sa faveur. Il a donc été « démocratiquement élu », mais de justesse, et l’on ne peut certainement pas dire qu’il a été bien élu. À titre de comparaison, la nouvelle Constitution soumise aux Égyptiens par le gouvernement qui lui a succédé a recueilli, elle, 20 millions de voix. Combien de suffrages se porteront dès le premier tour sur Sissi ? Le chiffre sera connu, je pense, dès le mercredi 28 mai ou le jeudi 29. Le niveau auquel il se situera nous dira où en est l’Égypte et quel est l’état d’esprit de sa population. n

Menacé de mort par les islamistes et assuré d’être élu, Sissi, qui est au demeurant un homme peu loquace, n’a pas fait campagne et s’est en définitive peu exprimé. Si, malgré cela, il recueille plus de 20 millions de voix, ou, mieux encore, si se portent sur son nom deux fois plus de voix que n’en a eu Mohamed Morsi en 2012, soit la moitié du corps électoral, cela signifiera que, vaccinés, les Égyptiens ont « viré leur cuti ». Ils auront montré qu’ils sont en colère contre « les Frères musulmans », leur ont retiré leur confiance et refusent de se réconcilier avec eux. Ils ne veulent plus d’eux au pouvoir, même en tant que force politique minoritaire. Cela sera d’autant plus vrai qu’aux voix qui se seront N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Ce que je crois portées sur Sissi il faudra ajouter celles recueillies par son unique concurrent, Hamdine Sabahi : il a approuvé la destitution de Morsi et il rejette les islamistes encore plus fermement que Sissi. En moins de deux ans se seront évaporées les 13 millions de voix obtenues en 2012 par le candidat des islamistes. Dans leur grande majorité, les Égyptiens auront donc basculé dans l’anti-islamisme. n

Si l’élection de Sissi à la présidence de la République d’Égypte prend l’allure d’un plébiscite, les conséquences seront terribles pour les autres islamistes du monde arabe, voire pour l’islamisme en général. L’échec politique de l’islamisme égyptien a provoqué son rejet et a déclenché contre lui la répression; la répression l’a ramené à la violence. Avant même de postuler à la présidence, Abdel Fattah al-Sissi, qui est un musulman pratiquant et pieux, en était arrivé à une conclusion extrême : la confrérie des « Frères musulmans » doit disparaître en tant qu’association religieuse et comme formation politique ; ceux de ses membres ou sympathisants qui ont opté pour le terrorisme et la violence seront éradiqués. Un éventuel plébiscite lui donne le mandat explicite pour mettre en œuvre ce qu’il a annoncé : on le verra se placer et placer son pays au premier rang de ceux qui mènent une guerre sans merci contre

l’islamisme politique et son avatar : le terrorisme islamiste. n

Dans les tout prochains mois, l’Égypte de Sissi verra levée la mesure de suspension prise à son encontre le 5 juillet dernier par l’Union africaine; son retour au sein de cette union y consolidera le camp des anti-islamistes. Ce camp se trouvera renforcé en Tunisie comme en Libye. Et plus encore au sud du Sahara, où l’islamisme tend à se radicaliser et à verser dans la violence. Que feront des puissances comme la France et les États-Unis qui, en 2011, ont été tentées d’ériger les islamistes en partenaires et les considèrent toujours comme des interlocuteurs? Durétropédalagepourrallieràleurcausel’Égyptede Sissi, qui leur apparaîtra comme ayant fait sa révolution et corrigé ses erreurs, une avant-garde en somme dirigée par un musulman anti-islamiste. n

Mis sur la défensive, les islamistes des pays arabes garderontpoursoutiensles wahhabitesd’Arabiesaouditepourcequiestdessalafistesetlesnéo-wahhabites du Qatar pour ce qui est de la mouvance des « Frères musulmans ». Et, en Turquie, leur demeurera acquis le soutien du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan: chaque jour quipasselerendmoinsdémocrateetplusislamiste… l

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner. Louis XI u Faites de l’argent et le monde entier s’accordera pour vous appeler monsieur. Mark Twain u Le bonheur conjugal reste mal assuré tant que la femme n’a pas réussi à faire de son époux son enfant, tant qu’elle ne se comporte pas maternellement avec lui. Sigmund Freud u Rien n’est plus dangereux qu’un imbécile qui a l’apparence d’un homme intelligent. Édouard Herriot N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

u C’est en Europe qu’il y a eu le plus de guerres mondiales. Le Grand Café des brèves de comptoir

u Les hommes sont comme les poissons, c’est leur queue qui les fait changer de direction ! Noëlle Perna

u L’homme n’est point la somme de ce qu’il a, mais la totalité de ce qu’il n’a pas encore. Jean-Paul Sartre

u Quand les gros sont maigres, il y a longtemps que les maigres sont morts. Lao Tseu

u Le tact, c’est de faire sentir à vos invités qu’ils sont chez eux, alors que vous souhaiteriez qu’ils y soient vraiment. Anonyme u On ne cuit pas l’œuf tant qu’il est dans le cul de la poule. Proverbe africain

u C’est quand les accents graves tournent à l’aigu que les sourcils sont en accents circonflexes. Pierre Dac u Le fleuve le plus abondant ne peut ajouter une goutte d’eau à un vase déjà plein. Léon Tolstoï u Un général ne se rend jamais, même à l’évidence. Jean Cocteau JEUNE AFRIQUE


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Éditorial

PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITION MAROC : ANDREW PARSONS/ZUMA/REA ; MARWAN NAAMANI ; HAMAD I MOHAMMED/REUTERS ÉDITION GÉNÉRALE : VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE ÉDITION RD CONGO : ISAAC KASAMANI

Marwane Ben Yahmed

Sall, Wade et « Jeune Afrique »

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N PENSAIT QUE TOUT LES OPPOSAIT, et on se trompait. Abdoulaye Wade et Macky Sall, son successeur à la tête de l’État sénégalais, ont au moins un point commun. Si, si. Ce qui les rassemble, en cette fin du mois de mai ? Jeune Afrique, qui l’eût cru ? Tout commence le 19 mai, à la sortie de notre nº 2784. La presse sénégalaise fait ses choux gras d’un communiqué de la présidence de la République : « Le Palais dément Jeune Afrique ! ». En cause, un « Confidentiel » intitulé « Sénégal-Guinée-Bissau : Macky ne vote pas Jomav », qui révèle l’inquiétude qu’inspirait au chef de l’État la victoire annoncée à la présidentielle du 18 mai de José Mario Vaz, jugé trop proche des Angolais mais aussi de la rébellion casamançaise. Curieusement, nous n’avons jamais reçu le texte officiel, dont les médias du pays de la Teranga ont pour leur part été inondés : « De telles allégations sont fausses, mensongères et ne visent qu’à nuire aux relations d’amitié et de fraternité que le Sénégal entretient avec la République sœur de GuinéeBissau… » On peut comprendre la gêne provoquée par notre article : il y a mieux pour entamer une relation avec le nouveau chef de l’État d’un pays voisin. Mais nous sommes contraints – il en va du respect dû à nos lecteurs et de notre image – de maintenir notre information, obtenue de très bonne source et recoupée. Inutile, en revanche, de répondre aux accusations, parfaitement ridicules, concernant notre volonté supposée de nuire aux relations entre les deux pays…

Ce même jour, 19 mai, nouveau démenti. Il émane cette fois d’Abdoulaye Wade. L’objet du délit ? « Pétro-polar en eaux troubles », notre enquête consacrée à la Libye. Assane Wade, le directeur de cabinet de « Gorgui », fait parvenir aux rédactions le droit de réponse à J.A. signé de l’ex-président : « Contrairement à ce que vous avez écrit, je n’ai jamais été approché par des Libyens dont celui que vous dites se nommer Khaled Awed, encore moins avoir été escroqué d’une somme quelconque. Je n’ai pas été approché par J.A. sur cette question. Depuis la visite que j’ai effectuée à Benghazi le 9 juin 2011, je n’ai aucun rapport, de quelque nature que ce soit, avec un Libyen. » Dont acte. Deux précisions, cependant. Nous avons bel et bien tenté de recueillir la réaction de Wade, par le biais de son directeur de cabinet. Le 14 mai, celui-ci s’était engagé à nous recontacter rapidement, ce qu’il n’a jamais fait. Plus important, l’information relative à l’escroquerie dont aurait été victime l’ancien président émane, comme l’article en fait d’ailleurs mention, d’un membre de son propre entourage. Précisément: de l’un de ses conseillers juridiques, joint d’abord par téléphone, puis rencontré à Paris. Folle semaine, décidément ! Votre hebdomadaire mis en cause par Wade et son tombeur… Au moins aurons-nous œuvré, fût-ce involontairement, à leur rapprochement. l N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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BAD Une quinquagénaire épanouie

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TERRORISME L’effet domino

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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BAD Une quinquagénaire épanouie José Mario Vaz Sous l’œil de l’armée Reda Kateb Yes he Cannes Libye Haftar, un Sissi à Tripoli ? Qatar Hamad aux mains d’argent Cannes « Filmer pour ne pas mourir » Côte d’Ivoire On se détend… Tour du monde

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Stromae Africaoutai ?

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Terrorisme L’effet domino Politique Camarades de tous les pays, unissez-vous! Guinée-Bissau À ses risques et périls RD Congo La stratégie du félin JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

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MAGHREB & MOYE N - O R I E N T

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Maroc Golfe Connection Tunisie Des réfugiés très à l’aise dans leurs babouches OLP 50 ans et toutes ses dents

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, AS I E

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Interview Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international France Tenue de « Camba » Parcours Amelle Chahbi et Noom Diawara, couple mixte États-Unis Une femme disparaît Inde L’inquiétant monsieur Modi Chine/Vietnam Frères ennemis

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LE PLUS DE JEU N E A FR I Q U E

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ÉCON OMIE Cosmétiques Plein fard sur l’Afrique

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LE PLUS

de Jeune Afrique

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Les indiscrets Interview Ed Winter, PDG de Fastjet Fonction publique La Caisse marocaine des retraites dans le rouge Cameroun Fokou élargit son empire Bourse Au Nigeria, Tiger Brands échoue sur Dangote Flour Baromètre D O SSIER T EN DA N C ES La tradition a presque tout bon

C U LT U RE & M ÉD IA S Littérature Kamel Daoud, l’homme révolté Musique L’Afrique, c’est maintenant ! Arts plastiques Dakar, au cœur du monde La semaine culturelle de Jeune Afrique

VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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MALI La bataille de Kidal Massacre au gouvernorat

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

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p Combattants du MNLA à Kidal, en juillet 2013.

« On ne tire pas », disait IBK…

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ardi 20 mai. Trois jours après le début des affrontements entre l’armée malienne et les groupes rebelles à Kidal, Ibrahim Boubacar Keïta s’entretient avec Hélène Le Gal, la conseillère Afrique de François Hollande, de passage à Bamako pour une raison sans rapport avec la reprise des violences. Il lui assure qu’il n’a aucune intention de lancer une nouvelle offensive dans le fief des Touaregs. « Ne tirez pas », insiste la diplomate. « On ne tire pas », lui répond le président. Le même jour, IBK fait la même promesse aux représentants des Nations unies, ainsi qu’à Djibrill Bassolé, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, que Blaise Compaoré a dépêché d’urgence dans la capitale malienne. l

L’armée tombe dans le piège

L

offensive malheureuse de l’armée malienne pour reprendre Kidal, le 21 mai, était donc une initiative locale venant d’officiers supérieurs présents sur place – parmi lesquels le général Ag Gamou, qui a perdu son adjoint dans la bataille. Ces unités auraient agi sans en avoir reçu l’ordre de l’état-major à Bamako, et sans que Soumeylou Boubeye Maïga, le ministre de la Défense, donne d’instructions en ce sens. C’est du moins ce qu’on affirme à la présidence. Les soldats de l’armée malienne sont tombés dans le piège tendu par les groupes touaregs qui, visiblement, les attendaient. Parmi ces derniers figuraient une centaine de jihadistes reconnaissables à leurs drapeaux noirs, à leurs slogans religieux et à leurs pantalons coupés court. l

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BK « ne comprend pas » comment la France peut encore lui demander de négocier avec les chefs touaregs du MNLA, alors que ces derniers sont à ses yeux « directement responsables » du massacre par égorgement ou balle dans le cœur de huit hauts fonctionnaires (dont un préfet et trois sous-préfets) dans les locaux du gouvernorat de Kidal, le 17 mai. « Paris a-t-il négocié avec les assassins du préfet Érignac ? » demande, faussement naïf, un familier du palais de Koulouba. De son côté, le Premier ministre Moussa Mara ne décolère pas contre la Minusma et son patron, le Néerlandais Bert Koenders, responsables selon son entourage de l’improvisation désastreuse qui a entouré sa visite dans cette même localité. La Minusma aurait notamment refusé de fournir un véhicule blindé à Moussa Mara, arguant qu’elle n’avait pas reçu d’ordre en ce sens. Il est vrai que Koenders n’était pas favorable à ce déplacement, jugé par lui trop risqué – et qu’il l’avait fait savoir. l JEUNE AFRIQUE


Retrouvez en page 105 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

Politique, économie, culture & société FRANCE-MAURITANIE LE MEA CULPA DE NOËL MAMÈRE

Maroc Qui sont les grévistes de la faim français

Après avoir, en janvier 2013, qualifié Mohamed Ould Abdelaziz de « parrain de la drogue » dans l’émission 28 Minutes sur Arte, Noël Mamère joue l’apaisement. Visé depuis mars 2013 par une plainte en diffamation, le député écologiste français a présenté au président mauritanien des excuses en bonne et due forme. « Je comprends que vous attendiez de moi une démarche personnelle, écrit-il dans une lettre datée du 2 mai. En conséquence, je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses pour avoir tenu des propos publics qui ont pu porter atteinte à votre honneur et qui vous ont blessé. » En mars 2013, dans un communiqué publié sur le site de l’hebdomadaire mauritanien Le Calame, Mamère avait déjà nuancé ses propos. Et en mars 2014, dans les colonnes du même journal, il s’était dit prêt à s’excuser auprès du peuple mauritanien et de son président. La plainte en diffamation n’a pas été retirée mais, le jour de l’audience, le 13 mai, compte tenu des excuses présentées, les avocats d’Aziz se sont désistés. La procédure est désormais close.

VINGT-DEUX PRISONNIERS FRANÇAIS au Maroc ont entamé le 19 mai une grève de la faim illimitée pour demander leur transfèrement en France. Celui-ci est bloqué depuis la suspension de la coopération judiciaire entre les deux pays, à la suite de la convocation adressée par une juge française au patron du Renseignement marocain, à Neuilly, le 20 février. Détenus dans cinq établissements pénitentiaires (Salé, Casablanca, Berrechid,Tanger et Souk Larbaa), ils purgent des peines de quatre à dix ans, essentiellement pour trafic de drogue. Selon nos informations, il y aurait parmi eux six Franco-Marocains. L’appel des grévistes a été entendu puisque le palais royal a annoncé la création d’une commission spécialement chargée d’examiner leurs doléances. Mais cela n’augure en rien un assouplissement de la position marocaine, les Français n’ayant pas encore fourni la garantie qu’un incident comme celui de Neuilly ne puisse plus avoir lieu. l

LIBYE DES ARMES POUR BELHAJ

Ancien chef jihadiste reconverti en homme politique à la faveur de la guerre civile en Libye, Abdelhakim Belhaj n’a

pas l’intention de s’incliner devant l’ex-général Khalifa Haftar – lequel a entrepris de purger son pays du terrorisme islamiste. Selon plusieurs de ses proches, des avions turcs et qataris ont, les 21 et 22 mai, débarqué à l’aéroport de Maatigua, dans la banlieue est de la capitale, d’importantes quantités d’armes destinées aux milices anti-Haftar. Belhaj aurait supervisé l’opération.

France, l’homme d’affaires d’origine libanaise, qui, en juin 2013, avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire pour raisons médicales, n’a pu jusqu’ici se rendre à Paris pour y recevoir les soins appropriés. En février, Aboukhalil possédant la double nationalité franco-sénégalaise, les services de l’ambassade de France ont donc attiré l’attention des autorités sur sa situation. Sans résultat, pour l’instant.

SÉNÉGAL LA FRANCE PLAIDE POUR ABOUKHALIL

TUNISIE VINGT ANS APRÈS

Interdit de sortie du territoire sénégalais depuis plus d’un an en raison de sa complicité présumée dans l’affaire de l’enrichissement illicite de Karim Wade, Ibrahim Aboukhalil, alias Bibo Bourgi, bénéficie du soutien de l’ambassade de FranceàDakar.Souffrantd’une grave pathologie cardiaque nécessitant une opération en

Ancien ambassadeur et ancien ministre du Commerce, Tahar Sioud, l’un des architectes de l’accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne (en 1995), va reprendre du service. Il est pressenti pour le poste de coordonnateur de la Conférence internationale des amis de la Tunisie, qui doit se tenir en septembre afin de

Algérie Le Drian plaide pour Gourcuff LORS DE SA VISITE À ALGER, le 20 mai, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a plaidé auprès d’Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, la cause de son compatriote Christian Gourcuff pour le poste de sélectionneur de l’équipe de football d’Algérie. « J’ai réussi à vendre Gourcuff à Sellal », a lancé Le Drian, qui fut longtemps maire de Lorient, à un membre de sa délégation. Boutade ou deal en bonne et due forme? L’option Gourcuff, dont le contrat avec le Football Club de Lorient s’achève le mois prochain, est prise très au sérieux par les Algériens. Au mois de mars, le coach breton a visité les installations dans la banlieue d’Alger, où se préparent les Fennecs, alors que le Bosnien Vahid Halilhodzic, l’actuel sélectionneur, se trouvait sur les lieux. l JEUNE AFRIQUE

mobiliser les investisseurs étrangers et les bailleurs de fonds. Sioud, qui a aussi été banquier (BIAT), possède un carnet d’adresses fourni. Il a été en poste à Bruxelles, Amsterdam, New York et Abu Dhabi. LE CHIFFRE

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milliards de dollars

C’est le montant en 2013 des échanges commerciaux entre l’Inde et l’Afrique – soit presque trois fois plus qu’en 2006. À l’époque, le commerce bilatéral ne dépassait pas 25 milliards de dollars… Le gouvernement indien s’est fixé pour objectif de franchir d’ici à 2020 le cap des 200 milliards.

RD CONGO-FRANCE BUSINESS AS USUAL

Lors de leur rencontre le 21 mai à Paris, les présidents Hollande et Kabila n’ont pas seulement parlé de politique (lire pp. 41-43). Le premier s’est aussifait le VRPdesentreprises françaises. Le cas de Total, qui lorgne les permis pétroliers détenus par l’Israélien Dan Gertler dans le lac Albert, a été évoqué. Celui de Bolloré, intéressé par les concessions portuaires de Matadi et de Boma et le projet de port en eauprofondedeBanana,aussi. Deux autres dossiers ont également été évoqués, non pas par Hollande et Kabila mais par leurs entourages respectifs. Celui de Bivac, filiale de BureauVeritas, qui est en passe d’obtenir le marché du guichet unique à Matadi. Et celui du barrage d’Inga III. Dans ce dernier cas, ce sont les diplomates français qui rêvent de convaincre les cadors du CAC 40 de s’intéresser au projet, alors que des consortiums chinois, canado-coréen ou espagnol sont sur les rangs. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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La semaine de Jeune Afrique

BAD

Une quinquagén À l’orée de ses 50 ans, où en est la Banque africaine de développement ? Et qui succédera, l’an prochain, à son président, Donald Kaberuka ? Ces deux questions ont dominé les discussions des dernières assemblées générales, à Kigali. STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial

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lles avaient pour thème général : « Les 50 années à venir, l’Afrique que nous voulons ». Elles ont certes été marquées par le lancement de deux nouveaux fonds devant aider le continent à franchir la prochaine étape de son développement économique : Africa50, qui financera de grands projets d’infrastructures, et Africa Growing Together Fund (AGTF), intégralement alimenté par la Chine (lire encadré p. 12). Mais les dernières Assemblées générales annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), qui se sont tenues du 19 au 23 mai à Kigali, au Rwanda, et qui se voulaient JEUNE AFRIQUE


q Photo de famille, à Kigali, le 19 mai.

CYRIL NDEGEYA

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énaire épanouie résolument tournées vers l’avenir, auront surtout été l’occasion de dresser des bilans. TENTE. D’abord, un bilan de l’institution elle-

même. Créée en 1964 par une vingtaine de gouvernements africains, la BAD fêtera ses cinquante ans en septembre. L’occasion de regarder dans le rétroviseur afin de mesurer le chemin parcouru et d’évaluer ses réalisations par rapport aux objectifs que lui avaient fixés ses fondateurs : « Contribuer au développement économique et au progrès social de ses États membres, individuellement et collectivement ». La Banque a-t-elle été à la hauteur ? Ce 22 mai, sous la grande tente blanche JEUNE AFRIQUE

du village spécialement construit au cœur de la capitale rwandaise pour accueillir l’événement, Donald Kaberuka, son président, n’en doute pas une seconde. « Les Africains et leurs partenaires peuvent être fiers [de leur Banque] », assure-t-il. Les chefs d’État (le Rwandais Paul Kagamé et le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz) et les ministres qui se sont succédé à la tribune ont eux aussi soutenu, chiffres à l’appui, que l’institution remplissait pleinement sa mission. Un exemple : en 1964, la BAD avait démarré avec un capital initial de 387 millions de dollars. À la fin de l’année dernière, elle estimait le total de ses engagements depuis ses débuts à environ 110 milliards de N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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La semaine de J.A. L’événement dollars, qui ont notamment permis d’accorder plus de 4 000 prêts et subventions. En 2009, au plus fort de la crise financière internationale, la Banque, qui s’apprête à retrouver fin juin son siège à Abidjan après une délocalisation de onze ans à Tunis, est même devenue la première organisation de financement du développement en Afrique, devant les sœurs jumelles de Washington que sont le FMI et la Banque mondiale. Cette année-là, elle avait approuvé des prêts et des dons pour un montant record de 12,6 milliards de dollars. Le tout en préservant sa solidité financière. « Pendant ces mois durant lesquels les turbulences ont atteint leur paroxysme, tous nos tests de résistance, même ceux conçus pour affronter les scénarios les plus improbables, ont démontré notre capacité à faire face aux risques », a répété Donald Kaberuka. LOURDEURS. Il est vrai qu’en l’espace de cinq décennies le groupe de la Banque africaine de développement est devenu un mastodonte d’environ 4 000 salariés, comptant à son tour de table 78 États actionnaires, dont 53 africains. Une institution qui a modernisé sa gouvernance et qui jouit désormais d’une crédibilité lui permettant de mobiliser plus aisément les ressources nécessaires à sa mission. « La BAD a connu des périodes troublées, tempère l’un de ses anciens directeurs de département. Mal gérée, elle a connu de graves difficultés financières, notamment durant les années 1990 lorsque de nombreux pays ne pouvaient rembourser leurs dettes à l’institution. » Selon lui, si la situation s’est nettement améliorée depuis, elle est loin d’être idyllique. « La forte centralisation peut encore être source de certaines lourdeurs administratives. L’institution doit accélérer l’ouverture de bureaux régionaux pour gagner en efficacité », suggère-t-il. À Kigali, l’heure était également au bilan pour Donald Kaberuka, fils du pays et actuel président de la BAD. Son second mandat de cinq ans s’achève l’année prochaine et il devra passer la main lors des Assemblées annuelles de mai 2015, à Abidjan. Alors que les candidatures à sa succession viennent

MADE WITH CHINA LE FONDS D’INVESTISSEMENTS lancé le 22 mai par la Chine et la Banque africaine de développement est inédit. Entièrement financé par la Banque centrale chinoise à hauteur de 2 milliards de dollars, il sera exclusivement géré par la BAD. Jamais aucun bailleur n’avait mis une telle enveloppe à la disposition de l’institution panafricaine. Baptisé Africa Growing Together Fund (AGTF), c’est-à-dire « Fonds pour un développement harmonieux en Afrique », il servira à financer

Création

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78

États actionnaires, dont 53 africains

des projets dans différents domaines : santé, énergie, transports ou communication sur une période de dix ans et aux conditions que la BAD applique habituellement à ses membres. Quant à Africa50, créé officiellement dans la foulée de l’AGTF et doté d’un capital initial de 3 milliards de dollars, il aura pour mission d’investir dans des projets d’infrastructures (non rentables pour le secteur privé) ayant un impact réel sur le PIB des pays S.B. concernés. l

d’être ouvertes (lire encadré ci-dessous), l’ancien ministre des Finances du Rwanda (1997-2005) semblait, dans son discours, déjà dire au revoir aux participants. « Sous sa présidence, l’institution est devenue l’un des leaders dans la production de connaissances économiques (études, rapports, conseils…) et a été bien présente dans le débat sur les questions de développement en Afrique », avance le représentant d’un fonds de développement européen auprès de l’Union africaine (UA). « En mettant l’accent sur le développement des infrastructures, l’intégration économique et un soutien accru au secteur privé, la BAD a été au cours de cette dernière décennie un véritable atout pour la croissance et le développement en Afrique », ajoute-t-il en s’interrogeant déjà sur l’avenir de Kaberuka. Paul Kagamé fera-t-il appel à son expérience, comme il l’a fait avec Valentine Rugwabiza, ancienne directrice générale adjointe de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et désormais à la tête du Rwanda Development Board ? Cette histoire-là figurera dans un autre chapitre, qui reste à écrire… l

LE BAL DES PRÉTENDANTS

Q

ui succédera à Donald Kaberuka ? C’était l’un des grands sujets de discussion des Assemblées générales annuelles de la Banque africaine de développement. Jusque-là, seuls deux prétendants étaient connus : Jalloul Ayed, l’ex-ministre tunisien des Finances, et leTchadien Kordjé Bedoumra, ancien vice-président de l’institution, qui bénéficierait du soutien du président Idriss Déby Itno. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

À Kigali, de nouveaux noms ont circulé avec insistance. Comme celui d’Akinwumi Adesina, le ministre nigérian de l’Agriculture, qui était d’ailleurs présent. Si, pour l’instant, nul ne sait avec certitude quel sera le choix définitif d’Abuja, plusieurs sources diplomatiques indiquent que le président Goodluck Jonathan maintient la pression sur les actionnaires pour que le poste

revienne à un ressortissant de son pays. Parmi les autres candidats présumés : Ato Sufian Ahmed, le ministre éthiopien des Finances et du Développement économique ; Samura Kamara, ministre sierraléonais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale ; et le Malien Birama Boubacar Sidibé, actuel vice-président de la Banque S.B. islamique de développement. l JEUNE AFRIQUE


Vienne

La Ville de la Musique et des RĂŞves Ă partir de Juin 2014 www.ethiopianairlines.com


La semaine de J.A. Les gens

José Mario Vaz Sous l’œil de l’armée On craignait que sa victoire à la présidentielle bissau-guinéenne ne provoque des remous. Or un gouvernement d’union avec l’opposition est en vue, et l’état-major agrée. Pourvu que ça dure !

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

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p Le candidat du PAIGC, 57 ans, a fait campagne sur le thème de la transparence.

E

n matière électorale, la GuinéeBissau pourrait emprunter au footballeur anglais Gary Lineker cet adage : « Le football est un jeu simple: 22 hommes courent après un ballon pendant quatre-vingt-dix minutes, et, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent. » En effet, à une exception près depuis l’avènement du multipartisme, quel que soit le nombre de partis ou de candidats en lice, c’est le PAIGC qui gagne à la fin. Une fois encore, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert a dominé les élections générales. Après la victoire de la liste conduite par le président du parti, Domingos Simões Pereira (DSP), aux législatives du 13 avril (57 sièges sur 102 à l’Assemblée nationale), José Mario Vaz, « Jomav », 57 ans,

est venu parachever la victoire de l’ancien mouvement de libération en remportant l’élection présidentielle avec 61,9 % des suffrages – d’après les résultats provisoires –, contre 38,1 % pour son concurrent, Nuno Gomes Nabiam, soutenu par le Parti de la rénovation sociale (PRS, deuxième force politique du pays) et l’état-major de l’armée. CASSEROLE. Si le nouveau président

affiche un profil relativement lisse, son parcours, dans le contexte singulier de la Guinée-Bissau, recèle néanmoins quelques aspérités susceptibles de replonger, à terme, le pays dans l’impasse. D’un côté, Jomav bénéficie d’une réputation de gestionnaire rigoureux, acquise à la mairie de Bissau à partir de 2004, puis en tant que

ministre des Finances de Carlos Gomes Júnior, de 2009 à 2012. Ancien responsable de la chambre de commerce ayant fait fortune dans la vente de matériaux de construction, ce Manjak réputé raide, voire cassant, s’est présenté pendant la campagne comme un candidat « propre » ayant toujours servi les institutions avec « sérieux » et dans la « transparence ». Une réputation que l’affaire des 12 millions de dollars d’aide budgétaire angolaise, qu’il est accusé d’avoir détournés, n’aura apparemment pas entamée. Pour l’heure, il est bien délicat de savoir si cette « casserole », qui a failli lui coûter l’invalidation de sa candidature, relève d’une cabale ou d’une bombe judiciaire à retardement. D’un autre côté, son compagnonnage avec l’ex-Premier ministre Carlos Gomes Júnior, alias « Cadogo » – la bête noire des militaires depuis que son allégeance à la Communauté des pays de langue portugaise et à l’Angola a fâché les Forces armées de Guinée-Bissau et contrarié la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) –, peut susciter la défiance de l’armée. En raison de la cassure entre le PAIGC et l’armée, Jomav aura fort à faire pour concrétiser l’une de ses promesses de campagne: permettre au nouveau Premier ministre, son camarade DSP, d’aller au terme de son mandat de quatre ans, du jamais-vu à Bissau. « Ce qui a changé depuis le coup d’État de 2012, c’est que la crise institutionnelle a entraîné une implication et des pressions internationales très fortes », analyse Vincent Foucher, de l’International Crisis Group (ICG). Il est vrai que, depuis deux ans,lepays,devenuexsangue,nepeutplus se permettre d’indisposer la communauté des bailleurs de fonds. Après avoir brièvement contesté les résultats, Nabiam a reconnu sa défaite, tandis que le PAIGC annonçait qu’il allait constituer un gouvernement d’union avec le PRS. Quant au puissant chef d’état-major, Antonio Indjai, il a affirmé qu’il entendait « respecter le verdict des urnes ». À Bissau, jusqu’ici, tout va bien. l MEHDI BA, à Dakar

NOMINATIONS

DENIS GAUER LIBYE L’ambassadeur de France en Irak a été nommé envoyé spécial de la France en Libye le 22 mai. Sa mission : appuyer les efforts de l’ONU et de la communauté internationale en faveur de la stabilisation de ce pays. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

MOUSSA SINKO COULIBALY MALI À 41 ans, l’ancien ministre de l’Administration territoriale a été renommé directeur général de l’École de maintien de la paix Alioune-Blondin-Beye de Bamako, poste qu’il avait déjà occupé entre 2010 et 2012. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

Très remarqué au Festival, ce touche-à-tout du cinéma fait parler de lui : il est à l’affiche de trois films sélectionnés.

JOHN BOYEGA Ce jeune acteur britannique de 22 ans, né de parents nigérians, a décroché un rôle majeur dans Star Wars: épisode VII, que s’apprête à tourner J.J. Abrams à Abu Dhabi. La sortie du film est prévue pour septembre 2015.

SAMIR HUSSEIN/GETTY

Reda Kateb Yes he Cannes

VITAL

FOTOLIA

Le robot Vital (Validating InvestmentTool for Advancing Life Sciences) vient d’être nommé au conseil d’administration de Deep Knowledge Ventures, entreprise hongkongaise, afin d’en préserver les intérêts financiers. QUVENZHANÉ WALLIS

DR

La marque italienne Armani a choisi l’actrice américaine de 10 ans, révélée dans les films Les Bêtes du Sud sauvage, en 2012, et TwelveYears a Slave, en 2013, comme égérie de sa ligne pour enfants, Armani Junior. EN BAISSE

GERMAIN KATANGA M. KOOREN/AFP/GETTY IMAGES

L

es critiques n’avaient d’yeux que pour lui, « l’acteur à gueule ». Cinq ans après l’avoir découvert en taulard dans Un prophète, de Jacques Audiard (Grand Prix du Festival de Cannes 2009), ils ont vu Reda Kateb imposer son visage singulier sur les écrans de la Croisette. À 37 ans, ce natif d’Ivry-sur-Seine, en banlieue sud de Paris, de père algérien et de mère française, est à l’affiche de trois films – un record – sélectionnés dans différentes catégories : Lost River, le mégablockbuster de Ryan Gosling, où il incarne un chauffeur de taxi dans une ville américaine (Detroit) ravagée par la crise, présenté dans la sélection parallèle Un certain regard ; Hippocrate, en clôture de la Semaine de la critique, où il joue Abdel, un médecin étranger qui s’échine au travail le jour, à l’hôpital, et révise la nuit pour passer son concours de l’internat, et Qui vive, premier film de Marianne Tardieu, dans la sélection Acid, où Reda Kateb tient le premier rôle, celui d’un vigile, Chérif, prisonnier des codes de son quartier.

L’ex-chef de milice congolais, 36 ans, a été condamné à douze ans de prison le 23 mai par la Cour pénale internationale (CPI). Il a été jugé coupable de complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis en 2003. ALBERT MOLEKA

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Le directeur de cabinet et porte-parole de l’opposant ÉtienneTshisekedi, président de l’UDPS, en RD Congo, a été démis de ses fonctions le 21 mai à la suite d’une brouille avec l’épouse de celui-ci.

DR

Chérif et Abdel rêvent d’une intégration en douceur, mais sont rattrapés par le détermip L’acteur français multiplie les expériences et va réaliser nisme social. D’ailleurs, son premier court-métrage. « je ne me suis pas senti si loin des personnages, souligne l’acteur. Avant de vivre du cinéma, j’ai fait de la manutention, du télémarketing… Après ce film, je ne pourrai plus regarder un vigile comme avant ». Connu des téléspectateurs français pour ses rôles de truand dans les séries télévisées Engrenages et Mafioso, il explore des territoires multiples. Venu du théâtre, Reda Kateb a décroché un second rôle très remarqué dans Zero Dark Thirty. Et reste avide de nouvelles expériences. En septembre, il réalisera son premier courtmétrage : l’histoire de deux frères qui vivent en animant des anniversaires… l

AU FOND

JEAN-MARIE LE PEN

DR

SIPA

AVIDE. Volontaires,

JEUNE AFRIQUE

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Le président d’honneur du Front national, 85 ans, a encore propagé ses idées infectieuses. Le 20 mai, il a déclaré à propos de l’explosion démographique: « Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois »… N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


La semaine de J.A. Décryptage q Khalifa Haftar, lors de sa conférence de presse à Benghazi, le 17 mai.

MOHAMMED ELSHAIKY/EPA/MAXPPP

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Libye Haftar, un Sissi à Tripoli? Se rêvant un destin national, ce général se pose en rempart contre les islamistes. Et tente un pari risqué : sortir le pays du chaos, ou l’y enfoncer encore un peu plus.

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nlançant,le16mai,uneoffensive d’ampleur (au moins 80 morts) contre des brigades islamistes de Benghazi, le général Khalifa Haftar, 71 ans, s’est replacé au centre de l’équation libyenne. L’« opération Dignité » n’a pas encore remporté de bataille décisive. Sous couvert de « lutter contre le terrorisme », Haftar cherche d’abord à rassemblerunmaximumdesoutiens,sans préciser s’il vise à se défaire des jihadistes ou à éradiquer tous les islamistes. Deux jours plus tard, les milices zintanies Qaaqqaa et Sawaiq, officiellement loyales au ministère de la Défense et, surtout, proches de l’Alliance des forces nationales de Mahmoud Jibril, ont coordonné avec Haftar l’attaque contre le Congrès national général (CNG), le Parlement contrôlé par les islamistes.

Ali Zeidan, l’ancien Premier ministre, et des officiers supérieurs se sont rangés du côté de l’« opération Dignité ». « Ce sera eux ou nous », a résumé le colonel Wanis Boukhmada, commandant des Forces spéciales à Benghazi, en choisissant le camp Haftar. Même Ibrahim elJadhran, le chef de milice d’Ajdabiya (voir J.A. n° 2784 ), joint sa voix aux pro-Haftar. OPPORTUNISTE. Cette coalition hétéro-

clite ne soutient pas les ambitions politiques pudiquement affichées par Haftar, dans une interview à Asharq Al-Awsat le 20 mai : « Si le peuple fait appel à moi, je suis prêt. » En 2011, il avait interrompu un long exil en Virginie (États-Unis) pour rejoindre le soulèvement anti-Kadhafi, sans trouver un poste à la mesure de son appétit de pouvoir. Rival du général

Abdelfattah Younès, le commandant des forces rebelles assassiné le 28 juillet 2011, il n’avait pas réussi à s’imposer comme chef d’état-major. Appuyé aujourd’hui par l’Égypte et l’Arabie saoudite au nom de la lutte contre les Frères musulmans, il se rêverait un destin à la Sissi. « Cela fait des semaines que le général plaide sa cause auprès des chancelleries. Tout le monde était au courant de ce qui se tramait, et les ambassades ont réduit leur personnel », confie une source sécuritaire à Tripoli. Aux yeux de l’opinion, Haftar passe pour un opportuniste. Commandant des troupes libyennes contre le Tchad en 1987, il est fait prisonnier et passe un accord avec la CIA afin de diriger l’opposition armée à Kadhafi. Ses anciens camarades du Front national pour le salut de la Libye ne sont pas les derniers à le critiquer. Depuis l’élection du CNG, en juillet 2012, la scène politique se polarise entre nationalistes et islamistes, qui dominent, avec l’appui des élus indépendants, un gouvernement faible. Celui-ci est incapable de faire face aux assassinats ciblés dans l’Est, aux trafics dans le Sud et au pouvoir grandissant de milices liées à l’internationale jihadiste. Le chaos n’épargne pas la capitale, Tripoli. Mi-mars, Ali Zeidan, le Premier ministre libéral, a été débarqué par le CNG après des mois de bras de fer. Son successeur, le ministre de la Défense, Abdellah al-Thenni, a jeté l’éponge un mois plus tard. Désignémaispasencoreinvesti,Ahmed Mitig, le nouveau Premier ministre, s’accroche encore à son (futur) poste, malgré les appels des pro-Haftar à une démission du Parlement qui l’a élu. À la demande du président du CNG, Nouri Bousahmein, le « Bouclier central de la Libye », groupement de milices de Misrata, a investi la capitale le 22 mai. En l’absence d’un accord politique, le choc entre milices de Zintan et celles de Misrata risque d’aggraver encore ce qui ressemble déjà à une YOUSSEF AÏT AKDIM guerre civile. l

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

1ER-3 JUIN

À Doha (Qatar), 70e assemblée annuelle de l’Association internationale du transport aérien. Le IATA représente 240 compagnies, qui assurent 84 % du trafic aérien mondial. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

7-9 JUIN

8 JUIN

25e édition du festival international du livre et du film Étonnants voyageurs, à Saint-Malo. On y attend plus de 300 auteurs venus de 40 pays.Thème choisi: les pays en mouvement.

Cinquième anniversaire de la mort d’Omar Bongo Ondimba. Le chef de l’État gabonais, au pouvoir depuis 1967, s’était éteint à la clinique Quiron de Barcelone, à 73 ans. etonnants-voyageurs.com © Formad ld / Conception graphique : www.erwanlemoigne.com / Imprimeur : Média Graphic / Licences : 2-1026272, 3-1026273

JEUNE AFRIQUE



ILS ONT DIT

La semaine de J.A. Décryptage

YELENA NOAH Fille de l’ancien champion de tennis francocamerounais (qui lance en France sa ligne de bijoux)

« Platini a été un grand joueur, c’est un grand monsieur du football, mais aujourd’hui, c’est un politicien comme les autres. » ÉRIC CANTONA Ancien international français, devenu acteur (à propos du patron de l’UEFA)

« La relation entre entrepreneur et investisseur est identique à celle qui existe dans un couple : il est courant qu’ils s’opposent, voire se séparent, parce qu’ils ont des vues différentes sur la manière d’élever les enfants. » JACK MA Homme d’affaires chinois, créateur de la plateforme de commerce en ligne Alibaba

EVAN AGOSTINI/AP/SIPA

« Je suis un homme de gauche et j’ai rejoint François Hollande avec enthousiasme. Mais je n’imaginais pas qu’il était aussi dur, aussi perso, aussi distant avec son entourage. » CLAUDE SÉRILLON Conseiller à l’Élysée

«

En tant qu’Européenne, je n’ai pas peur de l’âge. Ce sont les Américains qui sont obsédés par la jeunesse. » PENÉLOPE CRUZ Actrice espagnole

MARKUS SCHREIBER/AP/SIPA

« Quand votre père est Yannick Noah, votre mère mannequin, ex-Miss Suède, et qu’en plus votre frère, Joakim, devient une star du basket, vous ressentez une certaine pression pour exister par vous-même. »

BENAROCH/SIPA

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p Le cheikh Hamad Ibn Jassem Al Thani, en avril 2013.

Qatar Hamad aux mains d’argent Même si l’émir du Qatar l’a démis de ses fonctions, l’ancien Premier ministre reste un redoutable homme d’affaires. Qui pense que tout s’achète.

J

«

enesuispaspauvre, je suis riche », reconnaissait modestement le cheikh qatari Hamad Ibn Jassem Al Thani, interviewé début mai par le journaliste américain Charlie Rose après presque un an de silence médiatique. Car si Tamim, le nouvel émir du Qatar, l’a privé, en juin 2013, de ses fonctions de Premier ministre et de ministre des Affaires étrangères, les affaires continuent bon train pour « HBJ », 54 ans, qui vient de s’offrir 6 % de la Deutsche Bank, fleuron de la finance allemande, pour 1,75 milliard d’euros, peu après avoir acquis le pétrolier Heritage Oil pour 1,14 milliard d’euros. Des opérations effectuées via deux fonds que contrôle celui qui, à la tête du Qatar Investment Authority (QIA) de 2005 à 2013, a inspiré la politique d’investissements déployée ces dernières années par l’émirat gazier. Cousin de l’ex-émir Hamad, dont il a appuyé la révolution de palais en 1995, cofondateur de l’influent groupe médiatique Al-Jazira et artisan d’une alliance très stratégique avec Washington, cet homme de toutes les affaires n’a jamais eu

de scrupules à confondre ses intérêts avec ceux de l’émirat. Et si le dernier classement annuel des fortunes du Royaume-Uni établi par le Sunday Times lui attribue une fortune de 1 milliard d’euros, celle-ci atteindrait un chiffre nettement supérieur selon plusieurs sources. Cheikh Hamad aurait ainsi touché entre 250 et 300 millions d’euros de rétrocommissions pour le seul rachat des magasins londoniens Harrods par la QIA, ou encore 200 millions d’euros pour le contrat de construction d’un pont reliant le Qatar à Bahreïn, dont la première pierre n’a jamais été posée. INTRAITABLE. Et l’on ne compte

pluslenombred’opérationsqu’il a exécutées pour le compte de son pays. Somptueuses résidences aux meilleures adresses du globe, yachts de luxe et jets privés, HBJ affiche sa panoplie dorée, mais il est avant tout un travailleur infatigable, à l’intelligence hors pair, un nabab intraitable, convaincu que tout peut s’acheter. Une assurance confinant à la morgue, qui exaspère les cercles politiques et diplomatiques où il officiait avant d’en être écarté il y a un an. l LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

Cannes « Filmer pour ne pas mourir » Le cinéma du Moyen-Orient et du Maghreb s’est démarqué cette année au Festival avec des œuvres fortes et originales.

L

e Festival de Cannes, c’est aussi, dans les diverses sélections officielles ou parallèles, un lieu de découverte ou de consécration de talents. Ainsi, beaucoup de films du Moyen-Orient et, à un moindre degré, du Maghreb, deux régions représentées dans la compétition pour la Palme d’or par un seul long-métrage (le remarquable film turc Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan), ont été particulièrement remarqués sur la Croisette. Parmi eux, un faux documentaire tunisien sur la traque d’un homme à moto, qui balafrait au rasoir les fesses de femmes arpentant les trottoirs de Tunis (Le Challat de Tunis, de Kaouther Ben Hania). Cinq films israéliens se sont également distingués, dont les très originaux Procès de Viviane Amsalem, de Ronit et Schlomi Elkabetz, et L’Institutrice, de Nadav Lapid. Mais c’est surtout Eau argentée, Syrie autoportrait, un documentaire sur la guerre en Syrie d’Ossama Mohammed, présenté dans le cadre des Séances spéciales, qui a le plus marqué la critique, et a même été qualifié par certains de chef-d’œuvre. LE DESSIN DE LA SEMAINE

PROD

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p Eau argentée, film choc du Syrien Ossama Mohammed plébiscité par la critique.

Ce n’est que juste avant laprojection que le réalisateur syrien, déjà auteur reconnu, a fait la connaissance de sa coréalisatrice, Wiam Simav Bedirxan… La genèse peu banale d’Eau argentée – qui est la traduction du prénom Simav – explique cette rencontre pour le moins tardive. Fin 2011, OssamaMohammed,enexilàParisdepuis prèsd’unanpouravoirtropcritiquéBachar al-Assad, reçoit sur Facebook un message d’une jeune Syrienne de Homs lui expliquant qu’elle a décidé de « filmer pour ne pas mourir » sa ville assiégée. « Que filmeriez-vous si vous étiez à ma place? », lui demande-t-elle. « Tout », répond le

réalisateur, qui, justement cherchait un moyen de parler de la guerre des images à laquelle se livraient les deux camps sur YouTube et qui accompagnait le soulèvement en Syrie. C’est avec les images qu’il a récupérées à travers les réseaux sociaux et les messages vidéo de cette réalisatrice amateur que Mohammed a construit ce documentaire subjectif à deux voix. Une œuvre sidérante, qui ne cache rien de l’horreur du conflit mais qui, par son âpreté même et le beau commentaire quil’accompagne,évitedeporterunregard complaisant sur la barbarie. l RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyé spécial à Cannes

Mix & remix • Le Matin Dimanche • Suisse CINÉMA VIAGRA ET MENOTTES

WELCOMETO NEW YORK, le film inspiré de l’affaire DSK, réalisé par Abel Ferrara et dans lequel le poids – très, très – lourd du cinéma français, Gérard Depardieu, interprète ledit DSK, n’a pu être présenté à Cannes. Il a dû se contenter, le 17 mai, de projections dans un cinéma de quartier et sous une tente installée pour l’occasion sur une plage. Il est vrai que le Viagra, les menottes ou autres matraques distribués lors de l’after-party juraient un peu avec l’esprit glamour de la croisette… N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

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Cette semaine, à la une :

CARTE INTERACTIVE

AGBOLA MESSMER/LE PATRIOTE

Les Africains ont payé un lourd tribut lors des deux guerres mondiales. Où les soldats morts au combat sont-ils enterrés ? p Pascal Affi N’Guessan (à g.) et Jeannot Ahoussou-Kouadio, le 22 mai.

Côte d’Ivoire On se détend… Dans la perspective de la présidentielle de 2015, le FPI et le pouvoir ont repris le dialogue pour avancer dans la dynamique de paix.

C

INFOGRAPHIE ANIMÉE

e n’est pas une volte-face, mais le fruit des discussions directes entre le pouvoir et le Front populaire ivoirien (FPI) organisées le 22 mai à Abidjan : le parti de Laurent Gbagbo s’est engagé à étudier la levée du mot d’ordre de boycott du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) 2014. Si cela ne tenait qu’aux seuls dirigeants du FPI, la consigne du boycott serait d’ailleurs déjà levée.

L’ex-rébellion centrafricaine s’est réorganisée. Retrouvez l’organigramme de la Séléka

VIDÉO Jean Claude de l’Estrac, candidat mauricien au secrétariat général de l’OIF :

VINCENT FOURNIER/J.A.

SOLUTIONS. « La démarche appropriée

« La francophonie n’est pas qu’un héritage à préserver » N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

pour un parti politique est de se référer au comité central du FPI, qui a pris la décision du mot d’ordre de boycott », a expliqué Pascal Affi N’Guessan, l’ancien Premier ministre. Le gouvernement a lui aussi fait plusieurs gestes afin de conforter la dynamique de paix, en s’engageant notamment à garantir l’immunité à tous les exilés qui rentreront par la voie officielle. Selon l’ex-Premier ministre, Me Jeannot Ahoussou-Kouadio, qui dirigeait la délégation officielle, des instructions ont été données pour le dégel des comptes bancaires des personnalités du FPI et pour la libération rapide de près de 150 prisonniers proches de l’ancien chef de

l’État. Les deux parties se sont accordées pour continuer les échanges sur d’autres points encore en suspens, comme le problème des maisons des ex-dignitaires occupées et le financement des partis, avec la volonté manifeste de « continuer l’œuvre commune de consolidation de la paix, acquise au prix de mille sacrifices, et de voir comment on peut imaginer des solutions convenables pour chacune des parties », a expliqué Ahoussou-Kouadio. Le statu quo n’était en effet plus tenable, et, à trop vouloir jouer les jusqu’au-boutistes, le parti de Gbagbo, qui avait boycotté les législatives de décembre 2011 et les locales d’avril 2013, risquait de s’autoexclure du jeu politique. Ce dont il n’a pas besoin à la veille de la présidentielle de 2015. Le FPI doit également fermer le front avec le pouvoir pour se concentrer sur la gestion de ses rivalités internes. Pour le camp présidentiel, le retour du FPI sur la scène politique est un enjeu démocratique, car il permet de montrer que la page de la crise postélectorale de 2010 est tournée. Rien ne garantit pourtant que cette nouvelle dynamique de dialogue ne connaîtra pas de nouveaux accrocs. l ISSIAKA N’GUESSAN, à Abidjan JEUNE AFRIQUE


I N V E S T I R

Table Ronde

A U

B E N I N

GOUVERNEMENT DU BENIN

TABLE RONDE DES PARTENAIRES POUR LE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT DU BENIN

PARIS, les 17, 18 et 19 juin 2014

www.tablerondebenin2014.org Représentation de la Banque mondiale 66 Avenue d’Iéna, 75116 PARIS info@tablerondebenin2014.org


La semaine de J.A. Tour du monde

APICHART WEERAWONG/AP/SIPA

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p Bangkok, 22 mai, les militaires quadrillent la ville. THAÏLANDE

Le temps des centurions

C

ontre toute évidence, l’armée thaïlandaise s’est longtemps montrée rassurante. Alors que ses soldats prenaient possession des rues de Bangkok et qu’une dizaine de chaînes de télévision accusées de « déformer l’information » étaient contraintes d’interrompre leur diffusion, elle déclarait le 20 mai que « décréter la loi martiale ce n’est pas faire un coup d’État ». Changement de ton deux jours plus tard. Chef de l’armée de terre, le général Prayuth Chan-ocha annonce la prise du pouvoir par l’armée à compter du 22 mai, à 16 h 30. Son objectif ? Faire en sorte que « la situation du pays revienne à la normale ». Ce putsch ne devrait toutefois « rien changer aux relations du royaume avec l’étranger », promet le général. C’est là le dernier rebondissement d’une crise politique émaillée de violentes manifestations qui paralyse le pays depuis sept mois et a déjà fait vingt-huit morts et plusieurs centaines de blessés. Elle a aussi conduit à la destitution par la justice de Yingluck Shinawatra, la Première ministre. La Thaïlande est une habituée des coups d’État : elle en a connu pas moins de dix-huit, réussis ou non, depuis 1932. l ESPAGNE

Clé sous la porte CRISE OBLIGE, DE NOMBREUX Espagnols sont contraints de mettre volontairement la clé sous la porte et de céder leur logement à leur banque pour payer leurs dettes. D’autres, surendettés eux aussi, sont carrément expulsés. À en croire les chiffres publiés le 19 mai par la Banque d’Espagne, près de 50 000 N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

logements ont ainsi été saisis en 2013 à la demande des banques. Soit 11,1 % de plus que l’année précédente. Au total, près de 100 000 familles auraient perdu leur logement entre 2012 et 2013. CORÉE DU NORD

Mea culpa EN CORÉE DU NORD, personne ne se risque jamais à faire état d’une

quelconque information négative. Le 18 mai, le spectacle de hauts responsables présentant de plates excuses devant les caméras de la télévision à la suite de l’effondrement d’une tour encore en construction mais déjà habitée – c’est fréquent sous ces latitudes – a donc eu quelque chose de surréaliste. Qualifiée d’« accident inimaginable », la catastrophe pourrait avoir fait plusieurs centaines de victimes. Aux yeux des Nord-Coréens, ce mea culpa sans précédent est le signe de « l’esprit profondément démocratique » de leur pays et de « la sincère humanité » de leur jeune dirigeant.

Le chiffre

3,295 milliards d’euros : la somme que Dmitri Rybolovlev, l’ex-oligarque russe aujourd’hui patron de l’AS Monaco (le club de foot), devra verser à Elena, sa désormais ex-épouse. Ainsi en a décidé un tribunal de Genève le 13 mai. L’ex-roi du potassium n’est cependant pas réduit à la mendicité : sa fortune est estimée à 9 milliards de dollars.

FRANCE

Compas dans l’œil DÉSIREUSE DE MODERNISER ses trains express régionaux (TER), la SNCF, de concert avec Réseau ferré de France (qui possède et gère l’ensemble du patrimoine ferroviaire français), avait commandé aux sociétés Alstom et Bombardier341nouvellesrames.Celles-ci ont commencé d’être livrées. Problème : elles sont trop larges de quelques centimètres pour pouvoir circuler dans toutes les gares du pays. Résultat : 1 300 quais vont devoir être remis aux normes. Coût: 50 millions d’euros. C’est ce qui s’appelle ne pas avoir le compas dans l’œil. LITTÉRATURE

Le grand silence de Philip Roth COMMENCÉEEN1959avecGoodbye Colombus, l’aventure s’est donc achevée, une trentaine de livres et cinquante et un an plus tard, avec Nemesis. On savait déjà que Philip Roth (81 ans), plus grand JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

TOBIAS SCHWARZ • Reuters

ALLEMAGNE

Grosse fatigue SOUFFRE-T-ELLE ENCORE DE LA MAUVAISE chute qu’elle a faite pendant les vacances de Noël – elle s’est fêlé le bassin sur une piste de ski en Engadine (Suisse) ? On ne sait, mais on a connu Angela Merkel, qui aura 60 ans au mois de juillet, plus fringante. Le 24 mai, lors du Salon de l’aéronautique de Berlin, elle tente de rejoindre Bernhard Gerwert, l’un des patrons d’Airbus, à la tribune. Ce n’est sans doute pas l’ascension du mont Blanc, mais il n’empêche : c’est dur.

écrivain américain depuis Faulkner et Hemingway, avait renoncé à écrire. On apprend par le biais d’une interview à la BBC qu’il s’abstiendra désormais de toute apparition publique. « Je me consacre à la grande tâche qui consiste à ne rien faire », dit-il. Récipiendaire d’innombrables prix, dans le monde entier, il est le seul auteur publié de son vivant dans la prestigieuse Library of America.

sauropodes qui vivait il y a 95 millions d’années. Quarante mètres de long, vingt mètres de haut : c’est peut-être le plus grand jamais découvert. Et ce n’est pas tout ! Car les chercheurs vont de découverte en découverte et exhument peu à peu une harde entière. Aux dernières nouvelles, il y aurait là au moins sept animaux de tous âges et de toutes tailles. ÉTATS-UNIS/CHINE

ARGENTINE

Des monstres dans la pampa IL Y A SIX ANS, un paysan de Patagonie, dans le sud de l’Argentine, trouve dans son champ un fémur dont il comprend immédiatement qu’il n’est pas celui d’un lièvre : il mesure plus de deux mètres. Depuis, les paléontologues reconstituent patiemment le monstre – il ne manque plus que la tête. Il s’agit d’un dinosaure herbivore de la famille des JEUNE AFRIQUE

Big clash AU TERME DE PLUSIEURS ANNÉES d’enquête, le FBI a rendu son verdict : cyberespionnage. Le 19 mai, la justice américaine a donc inculpé cinq membres de l’armée chinoise de vol de secrets touchant l’énergie solaire, le nucléaire et la métallurgie. Réplique immédiate de Qin Gang, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères : « farouche défenseur de la sécurité de l’internet », la Chine rejette ces allégations « fabriquées de toutes

pièces », demande aux Américains la réparation directe de leur « faute » et exige l’abandon immédiat des poursuites. BRÉSIL

Coup de chaleur au pénitencier À MOINS D’UN MOIS de l’ouverture de la Coupe du monde de football (12 juin-13 juillet), l’image du Brésil est à nouveau écornée. Le 17 mai, des détenus de la prison d’Aracaju (Nord-Est) ont pris en otage 122 personnes : des proches venus leur rendre visite et des gardiens. Ils réclamaient une amélioration de leurs conditions d’incarcération et le transfert de certains d’entre eux vers d’autres pénitenciers. Avec plus de 500 000 détenus, les 1 200 prisons brésiliennes sont en effet surpeuplées. Les responsables de l’établissement ayant accédé aux revendications des prisonniers, les otages ont été relâchés au bout de vingt-quatre heures. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Stromae

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Africaoutai ? Rwanda, racisme, tournée africaine… L’extraterrestre de Papaoutai s’exprime pour la première fois sur la part intime qui le relie au continent. Alors que ses concerts s’annoncent tous complets et que les magazines du monde entier s’intéressent à ce phénomène, le chanteur reste pourtant d’une rare humilité.

Propos recueillis par

L t À Karlsruhe, en Allemagne, le 14 mai. JEUNE AFRIQUE

FRANÇOIS SOUDAN

e producteur franco-algérien Farid Benlagha, qui a déjà fait venir à Alger des stars du show-biz comme David Guetta, Cerrone ou Diam’s, n’en revient pas. Les 7 000 places de la Coupole, la plus grande salle du pays, où Paul Van Haver, alias Stromae, se produira le 30 mai à son initiative, se sont arrachées en quelques jours. Concert sold out donc, comme le sera sans doute celui du Festival Mawazine de Rabat le 2 juin ou celui du Théâtre de Carthage, dans la banlieue de Tunis, le 11 août. Le phénomène belge, qui, après cinq ans de carrière musicale, deux albums à son compteur (Cheese, 2010, Racine carrée, 2013) et une demi-douzaine de hits installés au sommet des classements, domine sans l’avoir voulu le paysage musical européen, traverse enfin la Méditerranée. Avant de se lancer, l’an prochain, dans une méga-tournée en Afrique subsaharienne, sur les pas de son père disparu. Du Monde à The Observer, du New York Times à La Repubblica, des Izvestia à l’Asahi Shinbun, les portraits de ce géant calme, à la fois sorcier en scène, double maître ès musique et écriture, sorte d’ovni inclassable tout droit sorti du melting-pot bruxellois, se suivent et se ressemblent. Tous décrivent un personnage lunaire, à mi-chemin entre Jacques Brel et Charlie Chaplin, dont les chansons racontent avec un cocktail de mélancolie et de désillusion les plaies d’une Europe en crise. Il y est question de maltraitance et de cancer, de sexisme et de racisme, du couple et de la foi, de pédophilie et de réseaux sociaux, le tout sur un rythme propre N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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à redonner des jambes aux paralytiques. La danse des maux en quelque sorte. Mais Stromae, verlan de maestro, 29 ans, bel hybride de 1,90 mètre, est tout sauf un produit de marketing. Ce fils d’un père rwandais assassiné pendant le génocide de 1994 et d’une mère flamande mondialisée qui fit découvrir la planète à ses enfants, sac au dos et pouce levé, est un enfant du Bockstael populaire et métissé. Son art du mélange, style, couleurs, mots, musiques, vient de là. Il suit les cours d’une école de cinéma, vend des hamburgers chez Quick, tâte du rap, de l’électro, du hip-hop et de la world music, engloutit ses maigres économies dans un premier opus confidentiel au titre abscons (Juste un cerveau, un flow, un fond et un mic), avant d’exploser en 2010 avec « Alors on danse » tiré de l’album Cheese : 3,26 minutes de bonheur triste comme on porte un masque festif et un demi-million d’exemplaires vendus à travers toute l’Europe. « Son talent nous a sauté au visage », explique Pascal Nègre, le PDG d’Universal Music France. Dès lors, la déferlante Stromae ne s’arrête plus. Avec « Formidable » et « Papaoutai », accompagnés de clips épatants, l’album Racine carrée, écrit, composé et enregistré dans le grenier de la maison familiale, mêle les sons house aux inspirations afro-cubaines. Les textes sont noirs, la musique jubilatoire et le résultat commercial hors norme : plus de 2 millions de CD écoulés depuis sa sortie, en août 2013. Paul Van Haver est bien plus qu’un phénomène du moment. Celui qui a éclaboussé de son étoffe les dernières Victoires de la musique et dont les tubes se fredonnent de Dakar à Kigali, d’Alger à Kinshasa et de Montréal à Berlin est un artiste ancré dans son siècleetsesracines.Modeste,sensibleetréfléchi,aux antipodes du cliché des stars clinquantes et niaises, et qui refuse obstinément de voyager à bord de jets privés, quitte à désespérer ses producteurs. Cet entretien avec Jeune Afrique, dans lequel il exprime pour la première fois la part intime qui le relie au continent, a été recueilli le 14 mai à Karlsruhe, en Allemagne, en marge d’un concert. L’auteur de ces lignes s’attendait à être reçu dans le salon d’un palace. Stromae l’attendait, assis sur un banc, à une table de cantine. Humble comme un grand. l JEUNE AFRIQUE : Comment faut-il vous appeler ? PAUL VAN HAVER: J’ai un nom de scène, Stromae,

et un nom pour la vraie vie, Paul Van Haver. Pour cet entretien avec Jeune Afrique, que je lis parfois et dont je connais l’importance, je préfère que vous m’appeliez Paul. Les concerts que vous allez donner dans quelques jours à Alger et à Rabat sont très attendus. Mais vous l’êtes encore plus en Afrique subsaharienne, où l’on vous considère comme une star et une sorte d’enfant prodigue. Et où vos fans se désespèrent de vous voir… N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Golden boy

2 millions

de l’album Racine Carrée vendus depuis sa sortie en août 2013

150 millions

de vues de son clip « Papaoutai » sur la chaîne

5,1 millions

de fans sur sa page

950 000

followers sur Twitter

Je connais cette attente, elle me fait un peu peur. Comment vais-je vivre ce choc qui sera aussi une confrontation avec une part de moi-même ? J’ai appris à me méfier, presque instinctivement, de l’image que les médias occidentaux renvoient de l’Afrique. Mais en même temps, avec beaucoup d’humilité, je sais que j’ai encore tout à apprendre. Je me souviens d’un voyage à Abidjan, il y a un an, afin d’y rencontrer des musiciens pour mon album Racine carrée. J’ai débarqué de l’avion en pensant y trouver une carte postale avec cases et palmiers et je me suis retrouvé nez à nez avec les immeubles du Plateau, ce mini-Manhattan. Je me suis dit : Paul, tu es encore loin, sors de ta tanière. Une autre Afrique existe, qui n’est ni misérable ni pitoyable. Cette tournée, donc…

Je la prépare, bien sûr, pour 2015. J’irai à Dakar, Abidjan, Yaoundé, Kinshasa, Johannesburg. Et à Kigali. Comment ne pas aller à Kigali ? Votre tube « Papaoutai » a suscité nombre de parodies sur la Toile, dont le ravageur « Boutefoutai », visionné par des dizaines de milliers d’Algériens. Cela vous gêne ? JEUNE AFRIQUE


BADIAS/ANDIA.FR

CRÉDIT PHOTO

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Non. La satire ne me gêne pas, par définition. Et cela fait du bien à un homme politique, où qu’il se situe, d’être remis en question. Vous parlez peu de l’histoire intime et déchirante qui vous lie au Rwanda. Pourquoi ?

Par pudeur. Je tiens cela de ma mère belge, ma « madre », celle qui m’a élevé. Au commencement, il y a aussi, pourtant, un père. Rwandais. Tutsi. Architecte.

Oui. Il a rencontré ma mère au cours de ses études en Belgique : une histoire d’amour qui a mal fini, une histoire banale. Mes frères et moi sommes nés de cette union. Et puis mon père a décidé de repartir à Kigali, sans nous avoir reconnus. Je ne l’ai pas vu souvent, mais j’ai de lui des souvenirs précis, des images aussi. C’est fou ce que je lui ressemble, une vraie photocopie.

p Sold out! Les 7 000 places de la Coupole à Alger, où il se produira le 30 mai, se sont vendues en quelques jours seulement.

maman, il est mort? » Elle m’a simplement répondu « oui ». Comment ? Où ? Par qui ? Où a-t-il été inhumé ? Je ne sais pas. J’ai encore en mémoire ces soirées lourdes, pénibles, tragiques au sein des communautés rwandaises de Belgique. Des nuits entières au téléphone à tenter d’obtenir des nouvelles des êtres chers. Ce que je sais, par l’une de mes tantes rwandaises que je considère comme ma seconde maman, c’est que beaucoup de membres de ma famille paternelle ont disparu pendant le génocide.

Si vous m’aviez demandé « Êtes-vous tutsi ou hutu ? », je ne vous aurais pas répondu. C’était la question que posaient les tueurs. Qu’est-ce que le génocide, pour vous ?

Survient le génocide d’avril 1994. Vous avez 9 ans. Quand avez-vous appris l’assassinat de votre père ?

Plus tard, vers 11, 12 ans. Je ne supportais plus le mystère de son absence et j’ai décidé de crever l’abcès par une question toute simple : « Alors JEUNE AFRIQUE

Une atroce leçon d’humanité et une atroce leçon sur les dérives du communautarisme. Je vais être clair. Vous venez de préciser que mon père était tutsi. Si vous m’aviez posé la question : « Êtes-vous tutsi ou hutu ? », je ne vous aurais pas répondu et, au risque d’être impoli, j’aurais mis N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Stromae

un terme à cet entretien. C’est la question que les tueurs posaient, sur les barrages.

Dans « Humain à l’eau », qui est une chanson assez vertigineuse, votre personnage parle comme dans Tintin au Congo, bande dessinée archétypale du colonialisme belge. Pourquoi cette provocation?

Pourquoi ne pas avoir cherché à savoir ce qui était advenu de votre père ? Pourquoi n’êtesvous jamais allé au Rwanda ?

Il ne s’agit pas de cela. Le français n’est pas sa langue, c’est celle du colon, mais il la maîtrise, alors que son interlocuteur ne connaît pas un mot de la sienne. « Petit modernisé, pourquoi tu me parles mal », lui dit-il. « Moi devoir définir? Toi pas comprendre, pas parler ou plutôt réfléchir? » À la fin, c’est l’impasse: « Imbécile, tais-le. Trop risqué d’être écouté. » Il n’y a pas de dialogue possible entre les cultures quand l’une se sent supérieure à l’autre.

Je ne me sentais pas encore légitime pour ce voyage. J’ai souffert de l’absence de mon père, je n’ai pas souffert du génocide. Je sais que la transposition de l’un à l’autre, la mise en contexte, ne se fera que sur place, mais je suis infiniment moins qualifié que d’autres pour parler du génocide. Moins que le chanteur Corneille, par exemple ?

C’est évident. Corneille est un rescapé, la souffrance qu’il est en droit de revendiquer n’a rien à voir avec la mienne.

Quelles sont vos influences musicales africaines ?

Elles sont multiples. Papa Wemba, Koffi Olomidé, le Zao d’« Ancien combattant », qui est une formidable chanson antimilitariste, Salif Keïta, Cesaria Evora pour sa voix envoûtante aux effluves de rhum. J’ai écrit un texte sur elle, dans lequel je dis que tous les chemins mènent à la dignité.

Le Rwanda a commémoré le 6 avril dernier le 20e anniversaire du génocide des Tutsis. Avez-vous été invité ?

Indirectement, plus ou moins, oui. Je sais que j’y aurais été le bienvenu. Mais voilà : cette histoire-là m’est personnelle, et quand j’irai sur les traces de mon père disparu je voudrais être seul, surtout pas être médiatisé. Face à cela, je ne suis personne, je ne suis pas Stromae, juste le petit Paul à la recherche de son papa, juste un fils qui veut renouer le dialogue avec son père mort. Cela n’appartient qu’à moi. Je ne suis ni un symbole ni un portedrapeau. Si je dis tout cela, c’est aussi par respect pour le million de victimes. À combien évaluez-vous votre part d’africanité ?

Génétiquement, à 50 %. Culturellement, à 40 %. Encore une fois, c’est une affaire de pudeur. Je ne veux pas jouer à l’Africain, débarquer sur scène avec un « salut mes frères et sœurs », tomber dans les clichés du retour aux racines et du I love Africa, alors que toute mon éducation, mon « making of », je les ai reçus en Belgique, entre les quartiers nord de Bruxelles, et un pensionnat de jésuites en Ardenne. Sur le plan musical, c’est vrai, je n’ai jamais été aussi proche de l’Afrique, mais je ne suis pas plus africain que je suis européen. Je suis de nulle part. Comment vivez-vous votre métissage ?

Comme un équilibre impossible et comme une richesse incroyable. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

p Le magazine branché new-yorkais lui a récemment consacré sa une, avant sa tournée aux États-Unis programmée fin juin.

Il y a, dans vos compositions, un thème récurrent: le doute, l’indécision, le déséquilibre. « T’es hutu ou tutsi? Flamand ou wallon ? Bras ballants ou bras longs? T’es blanc ou t’es marron? », écrivez-vous dans « Bâtard ». Avec cette conclusion au scalpel : « Ni l’un ni l’autre, bâtard tu es, tu l’étais et tu le restes. » Vous vous voyez ainsi, vraiment ?

Oui, mais je me soigne. Le métissage et surtout l’absence du père y sont pour beaucoup. Le fait de ne pas avoir de référent paternel n’aide pas à faire des choix. Il faut que je dépasse ces dichotomies permanentes un peu schizophréniques, que je les accepte pour en faire une force. En définitive, j’aimerais ne jamais avoir de certitudes, être sûr d’une seule chose, c’est que je ne suis sûr de rien. Pourtant, vous contrôlez votre carrière, votre apparence, votre organisation au millimètre près…

Je suis maniaque. C’est ma manière de compenser, d’apaiser l’angoisse qui me saisit quand je dois décider. Vous savez, je ne suis pas un héros, même si on m’a collé l’étiquette de star. J’ai peur de me tromper, peur de déplaire, peur de ne pas être à la hauteur de l’image qu’on a de moi. l l l JEUNE AFRIQUE


Africaoutai ?

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Portrait

Corneille, l’autre star rwandaise

En 2001, son album Parce qu’on vient de loin s’était écoulé à plus d’un million d’exemplaires. Le chanteur dit vouloir effectuer un retour au pays des Mille Collines… Sans en préciser la date. simultanés a emporté sa famille disparue sous ses yeux à l’époque (son père était tutsi et sa mère hutue). « Je ne veux même pas le savoir », expliquait-il à Jeune Afrique en novembre 2013. Toujours est-il que Corneille prend alors le chemin de l’exil, fuyant l’avancée du Front patriotique rwandais (FPR), comme des centaines de milliers de Hutus. Il sera finalement recueilli par des amis de ses parents en Allemagne. Dès lors, Corneille tourne le dos à un pays qui lui rappelle trop la souffrance. Il s’installe à Montréal, au Canada, et, s’il continue de chanter en français, ses productions se teintent d’une forte influence R&B afro-américaine. C’est avec l’album Parce qu’on vient de loin (sorti en 2001 et vendu à plus d’un

million d’exemplaires) qu’il connaît le succès, en Europe francophone et au Québec. À l’époque, les médias se passionnent pour sa dramatique histoire familiale. Trop sans doute. « C’était devenu une accroche médiatique, analyse-t-il une décennie plus tard, et je n’étais pas équipé psychologiquement. Je pense que mon histoire m’échappait. » Si certains de ses titres ont aussi connu le succès en Afrique, Corneille, qui vit entre l’Europe et l’Amérique, ne s’y est produit qu’une seule fois, lors du concert Africa Live, au Sénégal, en 2005. Et s’il annonce dans son dernier album (Entre Nord et Sud, sorti en 2013) sa nouvelle envie de retourner à Kigali, aucune date n’est pour l’instant arrêtée. l PIERRE BOISSELET

t « C’est un rescapé, dit de lui Stromae. Sa souffrance n’a rien à voir avec la mienne. » JEUNE AFRIQUE

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BRUNO LEVY POUR J.A.

T

ous les deux chantent en français. Tous les deux ont des origines rwandaises. Tous les deux ont perdu des membres de leur famille dans la tragédie de 1994 et y font parfois référence dans leurs œuvres. Mais les similitudes entre Stromae et Corneille s’arrêtent là. Contrairement à Paul Van Haver, qui a grandi en Belgique, Cornelius Nyungura (son nom à l’état civil) a passé son adolescence au pays des Mille Collines. C’est d’ailleurs là qu’il a fait ses débuts, remportant le prix Découvertes 1993 de la télévision d’État rwandaise. Il aurait très bien pu y passer le reste de sa vie si la guerre et le génocide des Tutsis n’avaient éclaté, en 1994. Corneille ne sait d’ailleurs pas lequel de ces deux événements


Grand angle

lll

Stromae suis-je pour oser dire cela ? Je ne suis pas un messie venu redonner l’espoir. La jeunesse d’Afrique – terme extraordinairement réducteur – n’a pas besoin de mes leçons pour croire en elle, encore moins de ma pitié.

Le racisme, vous connaissez ?

Évidemment, mieux qu’un toubab comme vous, sans vous offenser. Dans le quartier populaire et mélangé où j’ai vécu mon enfance, ce n’étaient que des préjugés, atténués par la mixité communautaire. C’est plus tard, à l’internat des jésuites où les élèves venaient de milieux aisés, que cela m’a frappé de plein fouet. J’avais un copain proche, un complice qui m’a dit un jour : « Toi, je t’aime bien, c’est bizarre, parce que je déteste les Noirs. » Quand j’ai entendu cela, puis d’autres phrases de ce genre encore plus violentes, j’aurais pu réagir comme un adolescent le fait souvent : répondre à la violence par la violence. J’ai préféré réfléchir : quel malaise, quelle douleur conduit au racisme ? Commentcombattrel’ignorance?Peut-ondialoguer avec son ennemi, comme Jean-Paul II l’a fait avec Mehmet Ali Agca, qui avait tenté de l’assassiner ?

N’attendez pas de moi que je dise aux Africains : « Yes, you can. » La jeunesse n’a pas besoin de mes leçons pour croire en elle. Le paternalisme, ça vous agace ?

Je l’ai en horreur. Je déteste l’aide qui asservit et vous rend dépendant. Je ne crois pas au cliché misérabiliste qui veut que le continent soit un océan de corruption. Je sais que la mauvaise gouvernance existe, mais je ne pense pas que ce soit à l’Occident de s’en préoccuper. Il est mal placé pour cela. Vous avez votre marionnette aux Guignols de l’info et vous allez entrer au Musée Grévin en septembre. Cela vous fait quoi d’être statufié ?

Un effet bizarre. J’ai vu le projet de statue de cire, c’est le personnage du clip de « Papaoutai ». Il m’a fait un peu peur. En même temps, cela a un sens : c’est moi et ce n’est pas moi. VINCENT FOURNIER/J.A.

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Quelle est votre réponse ?

C’est oui, bien sûr. Le choix n’est pas entre combattre ou dialoguer. Il faut combattre par le dialogue. Même avec les militants du Front national ou du Vlaams Belang ?

p Lors de l’entretien, en marge d’un concert, loin des palaces et du star-system…

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?

Yékini, une superbe bande dessinée de 400 pages sur la lutte sénégalaise, avec en filigrane toute l’histoire du Sénégal contemporain. Yékini, c’est Yakhya Diop : 21 combats pour une défaite. Là-bas, c’est une légende. Et celui qui vous a le plus marqué ?

Un ouvrage sur la zététique, d’Henri Broch, un universitaire français, spécialiste de biophysique.

Ce sont des hommes et des femmes qui écoutent mes chansons, viennent parfois à mes concerts. Pourquoi les exclure, refuser de les écouter et ne pas chercher à les convaincre ?

La zététique ?

Stromae a-t-il quelque chose à dire à la jeunesse africaine ?

Le Premier ministre belge, Elio Di Rupo, a offert votre dernier album à Barack Obama, il y a un mois. L’a-t-il écouté ?

Je ne suis le père de personne, je ne suis ni un grand courageux ni un grand révolutionnaire. Mes textes portent, avec pudeur, des opinions, peut-être des messages, mais n’attendez pas de moi que je dise aux Africains : « Yes, you can. » Qui N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Oui. Le scepticisme scientifique. L’art du doute si vous voulez, l’hybridation permanente. Mon portrait en somme.

Il paraît, oui, à bord d’Air Force One. Kanye West a déjà repris un de mes titres et je serai en tournée aux États-Unis et au Canada à partir de la fin juin. J’essaierai de vérifier l’information pour vous. l JEUNE AFRIQUE



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Afrique subsaharienne

TERRORISME

L’effet

À première vue, les violences au Nord-Mali, au Nigeria ou en Centrafrique ont peu de choses en commun. Pourtant, tout est lié, et c’est en partie à Kadhafi qu’on le doit. Enquête sur cet arc de crises qui inquiète les chancelleries. SEIDIK ABBA, RÉMI CARAYOL, VINCENT DUHEM et JOAN TILOUINE

Trafics Où sont passées les armes de Kadhafi ? C’est l’héritage maudit de Kadhafi. Des milliers d’armes et de munitions qui se jouent des frontières, transitent par le Niger, le Tchad ou le Soudan pour finir entre les mains de groupes terroristes implantés au Nigeria, au Mali ou en Somalie. Et bientôt trois ans que cela dure! En mars 2013, des soldats français de l’opération Serval saisissaient encore près de Gao et dans la région de l’Adrar des Ifoghas, au Mali, des missiles sol-air à moyenne portée de type SA-7b, de fabrication soviétique. Selon les conclusions du groupe d’experts du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Libye, rendues en février, des émissaires d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), du Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et d’Al-Mourabitoune font toujours des allers-retours entre le sud de la Libye et le nord du Mali. Bien sûr, la présence des Français et des hommes de la mission onusienne au Mali (Minusma) ont compliqué la tâche des terroristes et des contrebandiers. Mais les millions de dollars générés par le trafic de drogue et les libérations d’otages ont permis l’ouverture de nouvelles « routes » à travers le Sahel. Chez


Afrique subsaharienne

les Toubous, beaucoup ont vendu au plus offrant leur parfaite connaissance de cette zone, à cheval entre la Libye, le Tchad et le Niger. N’Djamena dit ainsi avoir interpellé sur son territoire plusieurs nomades reconvertis en trafiquants d’armes en 2012 et équipés de missiles sol-air. En mars et en mai de l’année suivante, le Tchad disait encore avoir la preuve que des armes libyennes étaient acheminées jusque dans le nord du Nigeria, où opère Boko Haram. Résultat : la secte islamiste dispose aujourd’hui d’un équipement digne de celui d’une petite armée régulière, selon les autorités françaises. Et quand les trafiquants ne passent pas par le Tchad, c’est par le Niger et le lac Tchad qu’ils transitent; la zone est si sensible qu’elle est étroitement surveillée par les autorités des pays concernés avec l’appui de la France, qui vient de renforcer son dispositif en matière de renseignements au Niger, où sont également stationnés des drones américains. Enfin, même en Centrafrique, la Séléka est soupçonnée d’avoir eu entre les mains des armes provenant des stocks libyens. Mais, fabriquées en Corée ou en ex-Yougoslavie, celles-ci peuvent aussi avoirétépuiséesdanslesstocksdel’arméerégulière, puisque dans les années 1980 et 1990 Kadhafi ne se gênait pas pour approvisionner Bangui.

Mali Bamako n’en finit pas de perdre le Nord C’est le double effet Kidal. Les affrontements meurtriers qui ont opposé les troupes maliennes

Boko Haram dispose d’un équipement digne de celui d’une petite armée.

aux éléments armés des groupes rebelles à partir du 17 mai dans le fief des Touaregs et la déculottée subie par l’armée malienne, le tout sous l’œil d’un petit contingent de soldats français et d’un plus gros de Casques bleus qui n’ont jamais reçu l’ordre d’intervenir, n’ont pas seulement achevé de braquer une bonne partie des Maliens du Sud contre les irrédentistes du Nord. Ils ont également réveillé une vieille rancœur, exprimée par des manifestants devant l’ambassade de France à Bamako les jours suivants, et que l’on pourrait résumer par ce slogan: « À bas la France complice du terrorisme », ou par ces quelques mots d’un ministre malien : « Encore une fois, la France a choisi le camp des Touaregs. » À Bamako, où l’on ne fait pas comme à Paris la différence entre les groupes indépendantistes et les groupes jihadistes, voilà plus d’un an que la France est accusée de soutenir la rébellion touarègue. Quand Kidal a été libérée du joug des jihadistes fin janvier 2013, personne n’a compris pourquoi l’armée française a laissé le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) réinvestir la ville et interdit à l’armée malienne d’y pénétrer. « À l’époque, rappelle un spécialiste de la zone proche des services de renseignements français, la France avait besoin du MNLA pour traquer les terroristes et libérer les otages. » De fait, au plus fort de l’offensive, les Touaregs, rebelles ou loyalistes, servirent de guides dans la reconquête du Nord. CesliensétroitsremontentauxoriginesduMNLA, qui a vu le jour à la suite du retour au Mali de nombreux Touaregs qui se battaient depuis des années pour Mouammar Kadhafi en Libye : les services français les avaient convaincus de lâcher le « Guide » et de retourner, avec armes et bagages, d’où ils étaient venus trois décennies plus tôt. Ce soutien « a été exagéré », explique pourtant un Touareg du Niger qui suit de près la question. Aujourd’hui, il n’a plus guère de réalité, assurent plusieurs sources françaises et sahéliennes. Certes, quelques lobbyistes s’acharnent, en France, à

t Dans la région de Kidal, qui, le 21 mai, est retombée sous le joug du MNLA et de ses alliés.

PATRICK ROBERT

domino

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Afrique subsaharienne (r)établir le contact entre le MNLA et les autorités, des officines de renseignement continuent de défendre la cause touarègue, et la césure observée ces derniers mois entre les militaires français appelant le pouvoir malien à négocier avec les rebelles et les diplomates se rangeant derrière la position ferme du président Ibrahim Boubacar Keïta s’est estompée… sans pour autant s’effacer. L’armée française, qui estime avoir en grande partie anéanti les cellules jihadistes au Mali, a moins besoin des informateurs touaregs. Ses éléments basés à Kidal continuent toutefois d’être en contact quotidien avec les rebelles. « Les liens sont encore forts entre la branche militaire du MNLA et l’armée française, indique un spécialiste. Mais il s’agit surtout de recueillir du renseignement et de faire des médiations. » Quant à la diplomatie, elle ne fait plus confiance depuis longtemps aux rebelles. Voilà plusieurs mois que les représentants du MNLA en France tentent en vain de rencontrer le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Leur dernier contact date d’il y a plus d’un an. Ils ont plus de succès avec certains parlementaires et les services de renseignements, qui persistent à faire du MNLA un interlocuteur incontournable. La plupart des cadres du mouvement ne sont plus les bienvenus en France - leurs visas sont suspendus. Et quand les Français veulent leur faire passer un message, c’est par l’intermédiaire du Burkina, où ils ont pignon sur rue, qu’ils le font. Déçu par la France, dont il espérait plus, « le MNLA tend à diversifier ses contacts », explique le chercheur Emmanuel Dupuy. Depuis plusieurs semaines, Bilal Ag Acherif, le chef de la branche civile du mouvement, multiplie les entretiens, dans la sous-région et jusqu’en Russie. Idem pour Moussa Ag Acharatoumane, basé en Europe. Sur le Vieux Continent, le MNLA peut compter sur des oreilles attentives en Suisse, en Espagne ou encore en Estonie. Mais sur le terrain, là où les armes parlent, c’est la France qui a les moyens de faire la pluie et le beau temps. Le 17 mai et les jours suivants, l’armée française n’a rien fait pour mettre en déroute le MNLA et ses alliés, parmi lesquels les hommes d’Iyad Ag Ghaly. À cela, deux raisons. La première est militaire: avant ces heurts, la France ne comptait que des agents de liaison à Kidal - elle a renforcé son dispositif depuis. La seconde est politique : à Paris, on estime encore que la question touarègue est une affaire interne au Mali. Mais si le MNLA poursuit son offensive, « nous interviendrons », jure-t-on à l’Élysée.

« De tous les voisins du Nigeria, c’est le Cameroun qui nous inquiète le plus », confiait mi-mai une source élyséenne.

la présence du président camerounais Paul Biya. Ils l’ont surtout convaincu de rompre avec la politique d’indifférence de son pays envers la menace que représente Boko Haram. « De tous les voisins du Nigeria, c’est le Cameroun qui était pour nous le principalmotifd’inquiétude»,confiaitàlaveilledela rencontreunprocheduprésidentFrançoisHollande. Dans d’autres milieux français, on considère le Camerouncommelemaillonfaibledelaluttecontre Boko Haram puisqu’il ne dispose d’aucune unité opérationnelle capable de faire face à la menace. On en veut pour preuve les revers récemment infligés par la secte au Bataillon d’intervention rapide (BIR), l’unité d’élite de l’armée camerounaise. Profitant de ces insuffisances, Boko Haram a en effet installé des cellules dormantes dans plusieurs villes frontalières du Nord-Cameroun. Elle s’est appuyée sur ces relais pour procéder en 2013 à l’enlèvement de la famille Moulin-Fournier en février, puis à celui du père Georges Vandenbeusch en novembre. Boko Haram a encore joué sur l’effet de surprise pour mener, le 5 mai, une attaque spectaculaire contre le poste frontalier de Gamboru

Cameroun Comment Biya a été contraint de changer son fusil d’épaule Le 17 mai, les organisateurs du Sommet de Paris pour la paix au Nigeria n’ont pas seulement obtenu N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Cameroun sur le modèle de ce qui existe déjà avec le Niger. Pour la France, l’enjeu est d’empêcher à tout prix que Boko Haram ne déborde davantage au Cameroun, mais aussi au Bénin, au Niger et au Tchad. Paris prend très au sérieux la crainte d’une contagion sous-régionale depuis que ses services ont obtenu la preuve que des rançons payées à des groupes jihadistes maliens ont pu arriver entre les mains de Boko Haram. Cette « aide » versée au titre de la solidarité jihadiste et les sommes par ailleurs déboursées pour obtenir la libération des MoulinFournier et du père Vandenbeusch ont renforcé le trésor de guerre de Boko Haram. Qui a ainsi pu continuer de s’armer et de recruter.

Centrafrique La Séléka et Boko Haram, même combat ?

q L’attaque surprise du poste frontalier de Gamboru Ngala, le 5 mai, par des extrémistes nigérians a fait plus de 200 morts.

AFP

Ngala, faisant plus de 200 morts. Dix employés chinois d’une société de construction ont même été kidnappés lors d’une nouvelle attaque en territoire camerounais à la veille du Sommet de Paris… Un véritable affront pour Paul Biya. « Le Cameroun n’est que la victime collatérale d’une guerre qui se passe d’abord au Nigeria, plaide Issa Tchiroma, ministre camerounais de la Communication et porte-parole du gouvernement. Le brassage des populations, qui sont les mêmes de part et d’autre de la frontière, rend difficile la lutte contre Boko Haram. N’oublions pas que nous menons une guerre asymétrique contre un ennemi invisible. » Depuis leur différend autour de la presqu’île de Bakassi, Yaoundé et Abuja peinent à coopérer en matière de police et de renseignement. Même leur appartenance à la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui a pourtant inscrit la coopération sécuritaire sur son agenda, n’a pas suffi à briser la glace. Mais un pas a finalement été franchi lors du Sommet de Paris, qui a décidé de la mise en place de patrouilles mixtes entre le Nigeria et le

JEUNE AFRIQUE

Une jonction de Boko Haram, qui opère désormais au Cameroun, avec la Séléka en Centrafrique est-elle envisageable? Très tôt, la diplomatie française s’est inquiétée des liens qu’entretiendraient certains cadres de l’ancienne rébellion avec des jihadistes.MêmeinquiétudeducôtédesAméricains et des chefs d’État de la sous-région, qui « redoutent la création d’un arc jihadiste entre le nord du Mali, le Sud libyen, le Darfour, la Centrafrique et le nord du Nigeria », explique-t-on à Paris. Le cas Noureddine Adam est à cet égard particulièrement éclairant. Celui qui fut l’un des hommes forts de la Séléka et qui avait dirigé ses services de renseignement s’est d’abord réfugié au Bénin, puis a séjourné au Nigeria en février et mars de cette année. Il serait maintenant au Darfour. Autre fait intéressant: lorsqu’il était aux affaires, Noureddine Adam avait imposé au sein du Conseil national de transition (CNT) l’imam Omar Goni Boukar, figure de proue d’un islam radical en Centrafrique. Formé à Maiduguri, en plein fief de Boko Haram au Nigeria, Boukar refusait de s’exprimer en français et recevait fréquemment des prêcheurs orientaux. Aucun lien direct entre des membres de la Séléka et des combattants de Boko Haram n’a toutefois été prouvé. Sur les réseaux sociaux, Boko Haram a bien menacé en février d’intervenir en Centrafrique pour venger les musulmans. Mais, dans l’immédiat, cela paraît difficilement faisable. « Il y a un terreau, une communauté musulmane martyrisée et repliée sur elle-même, des prêches parfois extrêmes, mais pas de preuves concrètes », poursuit une source sécuritaire française. Les services de renseignements occidentaux restent toutefois sur leurs gardes. Le nord de la Centrafrique n’est pas facile d’accès, et recueillir des informations fiables prend du temps, mais fin avril, à Birao, dans le Nord-Est, plusieurs sources locales ont fait état de la présence d’un groupe d’une cinquantaine de jeunes femmes anglophones encadrées par des hommes lourdement armés – anglophones eux aussi – et par des ex-Séléka. l N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Afrique subsaharienne POLITIQUE

Camarades de tous les pays, unissez-vous!

L’union fait la force, c’est bien connu. Du coup, plusieurs partis sociaux-démocrates cherchent à se fédérer pour mieux se faire entendre. Voilà qui ressemble fort à un vœu pieux…

S

urtout, ne pas critiquer les camarades de l’Internationale socialiste (IS). S’ils songent à créer une union des gauches africaines, ce n’est pas pour remplacer leur grande sœur (ils n’en ont ni l’ambition ni les moyens), ni rompre avec elle. Ce qu’ils veulent, a expliqué à la mi-avril le Tchadien Saleh Kebzabo en marge du congrès de son parti (l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau, UNDR), reprenant un projet déjà souvent évoqué par le passé, c’est créer une faîtière des partis africains d’inspiration

sociale-démocrate. « L’idée, c’est de faire monter des problématiques africaines avec des réponses basées sur des valeurs de gauche, explique l’opposant. Mais aussi de réfléchir sur la manière de nous entraider au niveau du continent au lieu de continuer à ne compter que sur la Fondation Jean-Jaurès ou sur l’Internationale socialiste. » Et rien de tout cela n’empêche l’UNDR d’être par ailleurs en cours d’intégration à l’IS. À Moundou, Saleh Kebzabo avait réuni autour de lui Taïbou Issoufou, du Parti nigérien pour la démocratie et le

À CHACUN SA GAUCHE QUOI DE COMMUN entre le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), le Front populaire ivoirien (FPI), le Rassemblement pour le Mali (RPM) ou l’Union pour la démocratie et le progrès social (UPDS) en RD Congo? Aux affaires ou dans l’opposition, toutes ces formations se réclament de gauche. Pourtant, leur pratique du pouvoir ou les alliances qu’elles N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

nouent poussent parfois à s’interroger sur ce que signifie « être de gauche » aujourd’hui en Afrique. Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta répondait récemment à la question dans nos colonnes (voir J.A. no 2783) en expliquant que les partis de gauche africains se retrouvaient autour des valeurs de partage, de respect et de solidarité… Sauf que le Rassemblement des républicains (RDR)

d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire ou l’Alliance pour la République (APR) du Sénégalais Macky Sall, qui se déclarent libéraux, peuvent eux aussi revendiquer les mêmes valeurs… La gauche est en vérité devenue une sorte de franchise qui peut ouvrir la voie à une adhésion à l’Internationale socialiste… et parfois conduire aux portes du pouvoir. l SEIDIK ABBA

socialisme (PNDS, au pouvoir à Niamey), l’Équato-Guinéen Andres Essono Ndo, le présidentdelaConvergencepourladémocratie sociale à Malabo, et les Congolais (de Brazzaville) Pascal Tsaty Mabiala de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) et Bonaventure Mbaya, à la tête de la Convergence citoyenne. Mbaya est d’ailleurs le vice-président de l’Alliance progressiste d’Afrique centrale, créée fin 2013 à Yaoundé et qui regroupe huit pays de la sous-région. Saleh Kebzabo travaille aussi à la mise en place d’un groupe social-démocrate au Parlement panafricain. « Nous avons commencé le travail avec les francophones. Après, nous irons vers les anglophones et les lusophones », précise-t-il. DU CHEMIN À PARCOURIR. Pourquoi

réactiver maintenant le projet de gauche africaine? « Nous n’avons pas voulu imposer plus tôt notre projet, répond-il. Il fallait attendre que les camarades se l’approprient. » À moins qu’avec le retour de la gauche à l’Élysée le moment n’ait été jugé plus opportun… Ou qu’il espère trouver dans cette nouvelle structure une aide dans la perspective de la présidentielle tchadienne à laquelle il sera candidat en 2016. Il reste quoi qu’il en soit du chemin à parcourir et les promoteurs du projet se retrouveront à Brazzaville en juillet, puis à Niamey en fin d’année. l MADJASRA NACKO, à N’Djamena JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JEUNE AFRIQUE

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GUINÉE-BISSAU

À ses risques et périls Sur son passé d’enfant-soldat, Allen Yéro Embalo a tiré un trait. Devenu journaliste, il veut porter la plume dans la plaie. Pas facile dans un pays où les trafics gangrènent jusqu’au sommet de l’État.

P

our des raisons de sécurité, Allen Yéro Embalo, journaliste de 57 ans, ne se déplace qu’en taxi collectif. Sous son oreiller, une kalachnikov veille sur son sommeil. En Guinée-Bissau, où les assassinats politiques succèdent aux coups d’État et où la classe politique et l’état-major sont soupçonnés d’implication dans divers trafics, le travail ne manque pas. Les risques non plus. À la fin des années 1960, le jeune Allen, fils d’un guérillero du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du CapVert (PAIGC), mène la vie d’un enfantsoldat transbahuté de campement en campement. Dans la zone frontalière entre le Sénégal et les deux Guinées, il apprend le b.a.-ba de la vie de maquisard. Un jour, son groupe tombe nez à nez avec une patrouille sénégalaise : « Ils nous ont évacués vers Ziguinchor, JEUNE AFRIQUE

où le gouverneur nous a dit : “La place d’un enfant n’est pas dans un maquis”. » Allen y restera scolarisé jusqu’à l’indépendance, en 1973.

p Formé à Dakar, il collabore avec l’AFP et RFI.

1988, il rejoint le fondateur du premier journal indépendant de Bissau, L’Expresso Bissau. Allen Yéro Embalo y est chargé des enquêtes. Il a trouvé sa vocation. En fouinant dans les magouilles du ministère de la Pêche, il s’attire l’opprobre du régime de Nino Vieira. Après trois semaines d’incarcération, Embalo s’évade et s’enfuit au Sénégal, où il collaborera un temps avec la presse privée. « À mon retour, en 1990, j’ai été convoqué deux fois au ministère de l’Intérieur,

FORTES TÊTES. De retour au pays, il obtient une bourse pour Cuba, où il est censé bénéficier de l’enseignement offert aux jeunes des « pays progressistes ». Avec une Sous son oreiller, une kalachnikov. vingtaine de fortes têtes, Lui qui a connu le maquis sait il lance un mouvement de désobéissance qui lui que l’on n’est jamais trop prudent. vaudra un rapatriement précoce. « Dès mon retour à Bissau, on relate-t-il. Quand ils ont appris que je m’a envoyé en prison pour six mois. » À sortais d’une pépinière du PAIGC, ils m’ont fichu la paix. » En 1995, il comsa sortie, Allen gagne clandestinement mence à piger pour l’AFP, ce qui lui le Sénégal, où il décrochera une licence en lettres modernes avant de bénéficier vaudra d’être sollicité parallèlement par d’une bourse pour étudier le journalisme RFI pour devenir son correspondant au Cesti, le Centre d’études des sciences à Bissau. Son réseau de contacts lui et des techniques de l’information. En assure des entrées dans les maquis du N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


Afrique subsaharienne Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) comme auprès du chef de guerre sierra-léonais Fodé Sanko. NARCOTRAFIC. Parallèlement, Embalo

continue de fouiller sous les tapis d’un régime gangrené par le narcotrafic. Un jour, dans l’archipel des Bijagos, il assiste à un parachutage de colis par voie aérienne. « J’ai pris en photo des éléments de la Marine qui allaient les récupérer, mais des habitants m’ont probablement balancé. » Dès son retour dans la capitale, il reçoit un SMS d’un ami militaire : « Si tu es chez toi, dégage vite fait ! » Il se réfugie

chez un voisin, juste à temps pour éviter l’arrestation. Entre 2005 et 2007, les avertissements se font de plus en plus pressants ; son domicile et son véhicule essuient des

Un jour, un ami militaire le prévient par SMS : « Si tu es toi, dégage vite fait ! » tirs. Menacé, il met le cap sur Paris où il restera quatre années en exil. Après son élection, en 2009, le président Malam Bacaï Sanha tentera de le

convaincre de revenir exercer à Bissau. En 2011, Embalo se résout à prendre son billet retour. Pendant six mois, il fait profil bas. Mais cet assagissement ne dure qu’un temps. Au lendemain du coup d’État d’avril 2012, le pillage des ressources naturelles explose. Allen Yéro Embalo chez mène l’enquête sur la coupe illégale de bois, un sujet sensible qui lui vaut une nouvelle salve de menaces. « J’aurais pu m’enrichir mais ce n’est pas ce que je recherche, conclut-il. Quand un journaliste devient riche, ça pose question. » l MEHDI BA

Coulisses Malema est parvenu à se faire remarquer. Le 21 mai, lors de leur première session parlementaire, les vingt-cinq nouveaux élus des Economic Freedom Fighters (EFF) ont fait leur entrée en bleu de travail, casque de mineur ou tablier de femme de chambre… « Les travailleurs et les pauvres savent maintenant qu’ils ont des représentants au Parlement », a conclu un membre du parti.

NOOR KHAMIS/REUTERS

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CAMEROUN ATANGANA S’EN VA-T-EN GUERRE

KENYA À ARMES INÉGALES Étudiants et policiers se sont violemment affrontés, le 20 mai, sur le campus de l’université de Nairobi. Les premiers manifestaient contre la baisse annoncée de leurs bourses d’étude… Ils n’ont pas fait le poids bien longtemps.

NIGER DE L’EAU DANS LE GAZ Rien ne va plus entre Hama Amadou et ses ex-alliés de la majorité. Le 21 mai, c’est Ismaël Hama Amadou, le fils du président de l’Assemblée nationale passé à l’opposition il y a près d’un an, qui a été interpellé et emmené dans les locaux de la police à Niamey. Au moins un autre proche de Hama, Soumana N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Sanda, ancien ministre de la Santé, a été arrêté le même jour et, la veille, trois députés de son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden), avaient été convoqués par la police. Le motif de ces interpellations n’avait pas été rendu publique le 22 mai, mais, dans la nuit du 19 au 20, la façade du domicile de Mohamed Ben Omar, vice-président du Parlement

et membre de la coalition au pouvoir, a été mitraillée par trois hommes circulant à moto. L’entourage de Hama dénonce une « chasse aux sorcières ».

AFRIQUE DU SUD L’HABIT NE FAIT PAS LE MOINE Populiste? Peut-être. Mais au moins le parti de Julius

MichelThierry Atangana n’a rien oublié de ses 6000 et quelques jours de prison. Libéré en février après dix-sept ans derrière les barreaux, il n’a aucune intention de pardonner, lui qui était tombé pour détournement de fonds publics et qui a toujours crié au règlement de comptes politique. Et c’est à Paris qu’il a choisi de déposer plainte pour détention arbitraire. Ce qu’il veut? Que ses geôliers paient, au sens propre comme au figuré. Il a été entendu par la police judiciaire. JEUNE AFRIQUE


EMMANUEL BRAUN/REUTERS

t En l’état, l’article 220 de la Constitution interdit au président de se représenter.

RD CONGO

La stratégie du félin C’est LA question qui agite le Tout-Kinshasa. Joseph Kabila quittera-t-il le pouvoir en 2016 ? De Paris à Washington, on scrute le moindre signe, mais le chef de l’État ne paraît pas décidé à mettre fin au suspense. CHRISTOPHE BOISBOUVIER

JEUNE AFRIQUE

I

l est loin le temps – c’était le 9 octobre 2012, juste avant le sommet de la Francophonie à Kinshasa – où François Hollande disait : « La situation en République démocratique du Congo est tout à fait inacceptable, sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition. » Fini la période des poignées de main glaciales. Ce 21 mai, à l’Élysée, le président

français a accueilli son homologue congolais à bras ouverts. Que se sont-ils dit dans leur têteà-tête, avant la réunion élargie aux ministres et conseillers ? « Hollande a rappelé son attachement à la stabilité des institutions congolaises et à la défense des droits humains, souffle un diplomate français. Et, dans sa réponse, Kabila a éludé le sujet. » Est-ce à cause de ses intérêts économiques N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


Afrique subsaharienne RD Congo en RD Congo ? Aujourd’hui, la France fait profil bas et laisse aux États-Unis le soin de dire son fait à Joseph Kabila. DESTIN. Le 4 mai à Kinshasa, à la

sortie d’une audience au Palais de la nation, au bord du majestueux fleuve Congo, John Kerry a été direct. « Je crois que [le président Kabila] a clairement en tête le fait que les États-Unis sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté », a lancé le secrétaire d’État américain. « Nous ne voulons pas que M. Kabila change la Constitution ou fasse un troisième mandat », a ajouté Russell Feingold, l’émissaire spécial de Barack Obama pour les Grands Lacs. Pourquoi les Américainssont-ilsmoinspressants àl’égardd’autresprésidents,comme le Rwandais Paul Kagamé? « Joseph Kabila n’a pas fait un bon travail. Il faut qu’il parte, estime l’ancien sous-secrétaire d’État américain Herman Cohen. Paul Kagamé, lui, a très bien géré son économie. Pour les États-Unis, quand un président africain fait de la bonne gouvernance, il est un peu excusé pour le manque de démocratie dans son pays » (Voice of America, le 1er mai). Y a-t-il un effet Kerry à Kinshasa? Personne ne peut le nier. Depuis la capture de Patrice Lumumba par les hommes du colonel Mobutu, en décembre 1960, tous les Congolais connaissent le poids des ÉtatsUnis sur le cours de leur histoire. Et Joseph Kabila est le premier à savoir combien les Américains ont été décisifs lors de l’arrivée au

pouvoir de son père, en mai 1997. Aussi ne peut-il ignorer aujourd’hui cette mise en garde de Barak Obama. Ses partisans non plus. « Dans le camp Kabila, les jusqu’auboutistes commencent à douter, confie Franck Mwe di Malila, conseiller du président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo. Ils n’ont plus les mêmes certitudes qu’hier. Ils prennent conscience qu’il est de plus en plus difficile de changer l’article 220 de la Constitution [qui interdit de modifier le nombre et la durée des mandats du chef de l’État]. Du coup, ils cherchent d’autres stratagèmes. » Le problème est d’autant plus sérieux que la majorité présidentielle est divisée. D’un côté, Évariste Boshab, le secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) – le parti au pouvoir –, prône ouvertement une révision de la Constitution afin que Joseph Kabila puisse se représenter en 2016. De l’autre, Lambert Mendé, le porte-parole du gouvernement, assure que le chef de l’État partira en 2016. Et Olivier Kamitatu, le président de l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC) – un parti de la majorité présidentielle –, déclare : « Au Congo, comme ailleurs en Afrique, on ne divise pas un pays pour le destin d’un seul homme. » Au centre du jeu, Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale, affirme que Joseph Kabila respectera la Constitution sans dire à quelle date il partira, ce qui laisse la porte ouverte à une éventuelle prolongation de

ÉRIC FEFERBERG/AFP

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mandat. Quant à Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga, il a tweeté récemment – sans dire à qui il pensait – : « Dans la vie, il faut savoir partir »… SANS MICROS. Le 20 mars der-

nier, pour essayer de remettre de l’ordre dans ses troupes, Joseph Kabila a convoqué à son quartier général tous les députés, sénateurs et gouverneurs de son camp. Son QG, c’est une immense ferme à Kingakati, à 80 km à l’est de la capitale. C’est là qu’il s’adonne à la moto tout-terrain. Pas de micros, pas de caméras.

LE CLAN DES KATANGAIS

D

ans la galaxie Kabila, les Katangais jouent un rôle essentiel. C’est le cas de Richard Muyej Mangez. Ministre de l’Intérieur, il s’est beaucoup investi ces derniers mois dans le dialogue avec les groupes katangais hostiles au pouvoir. On cite aussi Alexandre Luba Ntambo, titulaire du portefeuille de la

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Défense ; Séraphin Ngwej, ambassadeur itinérant ; et Mwando Nsimba, premier vice-président de l’Assemblée nationale et leader de l’Union nationale des démocrates fédéralistes (Unadef), dont les avis sont très écoutés par le chef de l’État. Il faut aussi compter avec Gustave Beya Siku, avocat et directeur du cabinet

présidentiel, avec le général Dieudonné Banze, le chef de la Garde républicaine chargée de la protection de Kabila, ou encore avec Kalev Mutond, l’administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Sans oublier le député Célestin Mbuyu, président de l’Association des Luba du Katanga à Kinshasa, et Moïse

Katumbi, le gouverneur du Katanga, premier contributeur du parti présidentiel… Une liste à laquelle il convient d’ajouter Théodore Mugalu, ancien ambassadeur en Tanzanie devenu chef de la maison civile de Kabila. L’influence de ce pasteur évangélique est à la fois politique et spirituelle. l TSHITENGE LUBABU M.K. à Kinshasa JEUNE AFRIQUE


La stratégie du félin présidentielle serait-il moins grave qu’une révision de la Constitution? « Ce sera aux Congolais de juger, répond le diplomate. S’ils y trouvent leur compte avec des listes électorales fiables, on verra dans quelle mesure et dans quelle durée ce report sera acceptable. » Le président congolais sait donc qu’il peut jouer la carte du report à condition de convaincre une partie de son opposition. Pour l’opposant Martin Fayulu, coordonnateur des Forces acquises au changement (FAC), « la stratégie du pouvoir est aujourd’hui d’affaiblir l’opposition congolaise pour faire retomber la pression internationale ». SUICIDAIRE. Du côté de l’Union

Plusieurs centaines de personnes ont été invitées à se délester de leurs appareils électroniques et à s’asseoir sous une immense tente. Et le président leur a dit en substance : « Pas de débats stériles sur 2016. Nous en sommes encore loin. L’heure est au travail. » À ceux qui lui prêtent l’intention, en 2016, de laisser la présidence à l’un de ses fidèles pour mieux revenir en 2021 – comme le Russe Vladimir Poutine en 2008 –, il a répondu : « Je n’ai pas de dauphin, et je n’en connais pas. » Et sur la question des institutions, il a eu ce mot: « En 1965, quand Mobutu a fait un coup d’État, il y avait une Constitution, et ça n’a rien changé. » « En fait, sur 2016, sa décision n’est pas prise », estime l’un de ses principaux opposants, Vital Kamerhe, qui a été son directeur de campagne en 2006 et qui le connaît bien. « S’il dit “je reste”, il provoquera des réactions de colère dans la population, analyse le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC). S’il dit “je pars”, il prendra le risque d’être renversé par ses généraux. À mon avis, il ne se prononcera pas avant juin ou juillet 2016. » Du côté de JEUNE AFRIQUE

la majorité, l’un des chefs de parti pense lui aussi que l’homme ne va pas se dévoiler tout de suite : « Je crois qu’il est dans une démarche de réflexion pour rester. Mais il avance comme un chat. Il va scruter ce qui se passe ailleurs, notamment au Burkina Faso et au Burundi [où la Constitution interdit aussi à Blaise Compaoré et à Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat]. Bref, il cherche à gagner du temps. »

p Joseph Kabila et François Hollande se font face le 21 mai à Paris. Entre les deux hommes, les tensions appartiennent au passé… Le Congolais a été accueilli à bras ouverts.

Kabila avance comme un chat. Il va sans doute scruter ce qui se passe ailleurs avant de se décider. « Le président congolais se dévoile assez peu, mais j’ai l’impression que son calendrier électoral va déraper », lâche une source française. Pour reporter la présidentielle de 2016 à une date ultérieure, Joseph Kabila peut en effet invoquer le fait que le fichier électoral établi pour les élections de 2006 est aujourd’hui très dégradé et qu’il faut prendre le temps de faire un recensement général de la population. Aux yeux des Occidentaux, un report de la

pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi, le pouvoir ne peut attendre aucune concession. « Monsieur Kabila n’a pas été élu en 2011, il doit s’en aller », martèle son secrétaire général, Bruno Mavungu. Aux yeux de l’UNC de Vital Kamerhe, 2016 reste la date butoir pour le locataire du Palais de la nation. En revanche, du côté de l’Union des forces de changement (UFC) de Léon Kengo wa Dondo, Joseph Kabila peut trouver une oreille attentive. « La voie référendaire pour changer la Constitution me semble suicidaire, déclare le conseiller Franck Mwe di Malila. Mais si, après identification, le Congo se dote d’un fichier et d’une administration électorale fiables, beaucoup seront bienveillants à l’égard d’un dépassement du calendrier électoral. » Y a-t-il une vie après le pouvoir? Sans doute Joseph Kabila se poset-il la question. « S’il a le courage de partir, nous lui offrirons toutes les garanties de sécurité », affirme Bruno Mavungu, de l’UDPS. « En Afrique centrale, à part Pierre Buyoya et Goukouni Oueddeï, je ne connais pas beaucoup d’anciens présidents qui peuvent circuler librement dans leur pays, souligne Vital Kamerhe. En instaurant un statut d’ancien chef d’État, le Congo pourrait inverser la tendance. » l N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Maghreb & Moyen-Orient

Golfe Connection MAROC

Au terme de trois ans d’intenses pourparlers, Mohammed VI a réussi à obtenir des pétromonarchies arabes les fonds nécessaires à la poursuite de sa politique des grands chantiers.

NADIA LAMLILI

Jordanie à l’intégrer. Pris de court, les responsables marocains se montrent prudents. « Nous sommes abat, le 12 mai. Entouré de ses toujours disposés à coopérer avec le CCG, mais en conseillers et des membres du protégeant la relation historique que nous avons gouvernement, Mohammed VI avec la région du Maghreb », réagit le ministre est visiblement comblé. Il écoute des Affaires étrangères de l’époque, Taïeb Fassi attentivement l’administrateur du Fihri, pour lever toute équivoque sur l’engagefonds Wessal, Tarik Senhaji, qui ment de principe que le Maroc a pris vis-à-vis de détaille la répartition des 9 milliards de dirhams l’Union du Maghreb arabe (UMA). Une semaine plus tard, il s’envole pour l’Arabie saoudite et les (quelque 800 millions d’euros) alloués à la capitale Émirats porteur d’un message royal remerciant du royaume. Deux semaines plus tôt, le roi avait le CCG pour sa proposition, tout en insistant sur présidé une réunion similaire pour Casablanca, qui a récolté 6 milliards de dirhams du même le fait que le processus prendra du temps. Mais le fonds. Objectif : faire des deux villes des destiPalais a compris l’avantage qu’il pourrait tirer d’un nations touristiques et culturelles accord de coopération au moment d’envergure internationale. où l’économie du pays souffre de Une manne qui Il a fallu à Mohammed VI trois déséquilibres structurels résultant tombe à pic au vu ans d’intenses pourparlers avec de la récession des partenaires des déséquilibres les monarchies du Golfe pour européens. En 2011, en raison obtenir l’argent indispensable à de sa grande dépendance aux structurels qui la poursuite de sa politique des produits énergétiques importés, handicapent grands chantiers, d’autant que les réserves de change du Maroc l’économie du les financements nationaux faiflirtent dangereusement avec le saient défaut en cette période de seuil des quatre mois d’imporroyaume. difficultés budgétaires. Le tout en tation. Les produits énergétiques respectant presque à la lettre les contours initiaux étant subventionnés, la Caisse de compensation du fonds tracés il y a trois ans par l’ancien ministre accuse un déficit de 45 milliards de dirhams. S’y du Tourisme Yassir Zenagui, nommé par la suite ajoute, pour la première fois depuis onze ans, un conseiller royal pour exécuter le montage de ce déficit budgétaire de 5,5 % à cause des revaloriprojet hautement stratégique. sations salariales consenties par l’État pour préserver la paix sociale et compenser une mauvaise BALLET DIPLOMATIQUE. L’histoire du fonds campagne agricole. Difficile dans ces conditions Wessal commence le 10 mai 2011, au lendemain de résister à l’invitation des pays du Golfe, surtout du Printemps arabe, quand le Conseil de coolorsque la machine des inaugurations royales à coups de milliards de dirhams menace de caler… pération du Golfe (CCG), qui regroupe l’Arabie Le ballet diplomatique entre le Maroc et les pays saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le du Golfe commence immédiatement après l l l Koweït, Oman et le Qatar, invite le Maroc et la

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PDN/SIPA

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u Le souverain chérifien avec le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohamed Ibn Zayed Al Nahyane, lors d’une visite privée aux Émirats, le 30 octobre 2013.



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Maghreb Moyen-Orient Maroc l l l que les émirs eurent annoncé leur intention d’accorder un don de 5 milliards de dollars (plus de 3,6 milliards d’euros) aux nouveaux membres. En octobre 2012, le roi prend son bâton de pèlerin pour rassembler cette cagnotte vitale et propose dans la foulée à ses partenaires d’intégrer le fonds Wessal, qui, à l’origine, devait servir à recapitaliser les projets de stations touristiques connaissant des difficultés de financement. Il apporte aussi dans sa besace des entreprises en mal de cash : Maroc Telecom, que Vivendi voulait vendre et qui va échoir à l’émirati Etisalat, et la RAM, à la recherche d’un partenaire qu’elle ne réussira pas à trouver. La collecte va cependant prendre du retard, car il fallait d’abord rétablir la confiance avec le Qatar, particulièrement hostile au Maroc via son canal médiatique Al-Jazira et dont les positions sur le dossier du Sahara étaient pour le moins inamicales. L’émir du Qatar, alors Hamad Ibn Khalifa Al Thani, goûtait modérément que Rabat fût l’allié de l’ennemi saoudien. Et ne pouvait oublier que le roi Hassan II avait désapprouvé le coup d’État qu’il avait fomenté pour déposer son propre père, Khalifa Al Thani, en 1995. Le changement générationnel opéré avec l’arrivée au pouvoir de son fils, le prince Tamim, accélère le réchauffement entre Rabat et Doha. En décembre 2013, ce dernier se rend au Maroc et scelle officiellement la réconciliation. Trois mois plus tard, il débloque sa quote-part de 1,25 milliard de dollars du très important don des pays du CCG.

p Maquette de Wessal Casa-Port. Coût du projet : 6 milliards de dirhams (535 millions d’euros).

UNANIMITÉ. Durant toute cette période de tractations, l’adhésion du Maroc au CCG a été mise de côté, probablement en raison de son non-sens géographique, au profit de la coopération économique

TROPISME AFRICAIN SI LES DIRIGEANTS DU GOLFE ne cherchent pas pour le moment à « conquérir » l’Afrique subsaharienne, les Marocains, eux, sont à cet égard allés très vite en besogne. L’idée de faire du royaume la plateforme d’un commerce tripartite entre l’Europe, le Golfe et l’Afrique subsaharienne commence à faire son chemin chez les décideurs et lobbyistes marocains. « À chaque fois que les délégations marocaines rencontrent des entreprises du Golfe, la question de l’Afrique subsaharienne est systématiquement posée », précise Brahim Fassi Fihri, N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

président de l’Institut Amadeus, un think tank très au fait des arcanes de la politique étrangère du Maroc. Après la création, en 2012, d’un fonds commun entre Attijariwafa Bank et Abu Dhabi Investment, les entreprises du Golfe cherchent des débouchés dans l’agroalimentaire et les infrastructures, capitalisant sur l’expérience marocaine et la place financière internationale de Casablanca. Une grande étude est en cours chez Amadeus sur la coopération maroco-africaine, qui comprendra un volet sur ce N.L. commerce tripartite. l

et militaire. « Malgré leurs divergences, les pays du Golfe sont presque unanimes sur le Maroc », explique Saad Ibn Tafla al-Ajami, éditorialiste koweïtien et ancien ministre de l’Information. Pour eux, la monarchie chérifienne a su éviter l’écueil des révolutions arabes sans effusion de sang, représente une machine économique rentable et mène une diplomatie équilibrée et solidaire qui la met à l’abri des états d’âme des différents acteurs de la scène arabe. Tourné vers l’Europe et le Maghreb, le Maroc a toujours veillé à entretenir des relations fraternelles avec les dirigeants saoudiens et émiratis, dont Hassan II mesurait la générosité mais aussi la capacité de nuisance… Il trouvait toujours les mots pour les rassurer, n’hésitait pas à les soutenir, même à titre symbolique, pendant les grandes crises. « Avec le roi Fahd Ibn Abdelaziz, Hassan II se sentait tellement en symbiose qu’il lui proposa de laisser tomber les ambassadeurs pour avoir une relation directe », raconte un fin connaisseur des relations entre les deux royaumes. En 1979, lors de la Révolution islamique iranienne, l’ancien roi du Maroc n’avait pas mâché ses mots à l’endroit de l’imam Khomeiny, cet « hérétique qui entend mettre les diablotins dans les burnous ». De même qu’il prendra position contre Saddam Hussein au moment de l’invasion du Koweït, dépêchant un contingent de 1 500 soldats « pour protéger l’Arabie saoudite ». Aux Émirats arabes unis, le Maroc a activement participé à l’instauration du système fédéral et mis à la disposition de Zayed Ibn Sultan Al Nahyane un millier de soldats des Forces armées royales (FAR) pourassurersaprotectionpersonnelle.Entre1979et 1989,HamidouLaanigri,futurpatrondelaDirection générale de la sécurité du territoire (DGST) et de l’Inspection générale des forces auxiliaires (IGFA), était consultant sécuritaire au cabinet de l’émir. JEUNE AFRIQUE


WESSAL CAPITAL

Golfe Connection

Mohammed VI a marché sur les pas de son père, certes avec moins d’ostentation et de complicité, mais il est resté sur une politique mêlant échanges courtois et aide symbolique. Ainsi n’hésite-t-il pas, en mars 2009, à rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran, qui avait qualifié Bahreïn de « 14e province iranienne ». Son implication dans l’initiative des Amis de la Syrie contre Bachar al-Assad, dont la première réunion s’est tenue en décembre 2012 à Marrakech, ainsi que dans le dossier libyen allait démontrer une nouvelle fois aux rois du Golfe que le Maroc est un allié sur lequel ils peuvent compter.

Actionnariat du fonds Wessal Chacun des cinq fonds détient 20 % du capital pour une mise initiale de 500 millions d’euros Fonds marocain du développement touristique (sponsor de Wessal)

Public Investment Fund (Arabie saoudite)

GAGNANT-GAGNANT. « Si les monarques du

CCG partagent une chose, c’est bien le devoir de mémoire. Ils n’oublient jamais ceux qui se sont rangés de leur côté. Par contre, ceux qui les ont trahis paient lourdement leur impair », analyse Saad Ibn Tafla. L’exemple le plus éloquent fut

Al Ajial (Koweït)

Aabar Qatar (Émirats) Holding (Qatar)

le parti tunisien Ennahdha, qui, en refusant de condamner l’invasion du Koweït, en 1991, s’attira les foudres de l’Arabie saoudite. En signe de reconnaissance, les émirs veulent aider le Maroc à résoudre le problème du Sahara et estiment que la consolidation de son économie lui donnera du poids pour s’imposer au niveau international. En contrepartie, ils lui demandent de les protéger des Iraniens et de leurs alliés, les chiites Houthis du Yémen. Le partenaire marocain dispose d’un savoir-faire militaire éprouvé au Mali, capable de réanimer un corps malade comme celui du « Bouclier de la péninsule », ce commando créé par les monarchies du Golfe en 1984 pour se prémunir contre toute menace de déstabilisation, mais qui s’est montré inefficace au moment de l’invasion du Koweït par l’Irak et lors des émeutes à Bahreïn en 2011. En janvier dernier, le général de corps d’armée Abdelaziz Bennani, commandant de la région Sud du Maroc, s’est rendu à Bahreïn, puis aux Émirats pour discuter de la coopération militaire. « Grâce à ses corps d’élite, le Maroc peut aider les pays du CCG à former leurs contingents. Ces derniers comptent d’ailleurs un nombre considérable de militaires marocains, et les deux coopèrent dans des manœuvres communes », précise Matthew Hedges, de l’Institut d’analyse militaire du Moyen-Orient et du Golfe (Inegma), basé à Dubaï. En somme, les deux parties tirent profit de cet accord à leur manière, offrant un modèle gagnant-gagnant unique dans la région, même si les analystes appellent à la prudence, car les pays du Golfe sont parfois versatiles. « Ce n’est pas la première fois qu’ils annoncent des investissements aussi colossaux. Il faut attendre leurs transferts réels et voir s’ils ne comptent pas s’appuyer sur l’épargne locale », avertit le journaliste Akram Belkaïd. Au Maroc, deux opérateurs émiratis, Sama Dubai et Emaar, se sont délestés de leurs projets en raison de la crise… l

Tarik Senhaji Jeune loup expérimenté

WESSAL CAPITAL

«

JEUNE AFRIQUE

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vec Wessal Capital, le plus grand fonds de capital-investissement en Afrique, le Maroc démontre qu’il est une plateforme d’investissement régionale. » Polytechnicien, ancien directeur général à la banque Natixis de Londres, Tarik Senhaji, 42 ans, a occupé des postes de responsabilité à la Société générale, Calyon, Dresdner Bank, avec un passage à la Banque

mondiale, à Washington. Les produits dérivés, le trading, les montages financiers…, il les maîtrise parfaitement. En 2011, Yassir Zenagui, alors ministre du Tourisme, le nomme président du directoire de la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) pour accompagner Vision 2020 et, surtout, pour le préparer à être l’un des administrateurs du fonds Wessal. l N.L. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Maghreb Moyen-Orient

ONS ABID

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p Couple d’exilés libyens dans un hôtel de luxe de Djerba, en 2011. TUNISIE

Des réfugiés très à l’aise dans leurs babouches Fuyant les convulsions qui agitent leur pays, 1,2 million de Libyens se seraient installés chez leur voisin. Où ils mènent grand train.

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n 2011, 430000 Libyens s’étaient réfugiés en Tunisie pour fuir les combats qui faisaient rage dans leur pays. À la chute de Tripoli, le 22 août 2011, les Tunisiens ont cru que leurs hôtes rentreraient rapidement chez eux. Las, avec la détérioration de la situation dans l’ex-Jamahiriya, leur nombre a doublé. Ils seraient aujourd’hui, selon le porte-parole du ministère du Commerce, quelque 1,2 million. Pour ces réfugiés d’un type particulier, puisqu’ils ne revendiquent aucun statut, la Tunisie est une providence, l’unique terre d’accueil qui ne leur réclame pas de visa, contrairement à l’Égypte ou à l’Algérie. Si, en 2011, les Libyens avaient choisi de poser leurs valises à Djerba, ils ont préféré par la suite s’éloigner du Sud pour se replier sur les centres urbains. Si bien qu’à Tunis un quartier comme Ennasr est désormais surnommé Little Tripoli. Les plus nantis, eux, ont opté pour les villas cossues de Hammamet. « Durant la basse saison touristique, ils nous ont permis de maintenir le marché de la location et certains sont même tentés par l’achat de biens », assure un agent immobilier du cap Bon (Nord-Est). CRAINTES. En avril dernier, Imed el-

Kouni, secrétaire général de l’Association du rassemblement pour la Libye, a annoncé vouloir faciliter le rapatriement N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

des réfugiés, mais ces derniers ne s’en sont pas laissé conter. « C’est nos avoirs qui les intéressent. Arrivés là-bas, nous serons incarcérés sous un prétexte quelconque », redoute Hamid, riche homme d’affaires. « Pour le moment, nous ne manquons de rien. Nous menons même la belle vie dans un pays que nous avons toujours aimé. Et puis nous projetons, mon père et moi, de lancer une entreprise de lubrifiants dans le gouvernorat de Monastir », se félicite Béchir Fezzani, dont la famille a été prise sous le feu croisé des anti- et des pro-Kadhafi, à Benghazi. Contrairement à ce qu’affirmait un

reportage de la chaîne libyenne Al Madina diffusé en novembre 2013, les exilés n’en sont pas réduits à la mendicité. Seraient-ils en difficulté qu’ils n’approcheraient pour rien au monde leurs services consulaires par crainte d’être fichés ou d’être l’objet de rétorsions. « Avec l’insécurité et l’instabilité chez nous, nous nous sentons menacés, même en Tunisie. Nul n’est à l’abri d’un règlement de comptes. Mieux vaut, en ce moment, faire profil bas, quitte à ne pas fréquenter les lieux prisés par nos compatriotes et même à feindre de ne pas les reconnaître », confie Obeïd, un ancien commerçant qui en sait long sur la contrebande entre les deux pays. Dans les faits, ces craintes n’ont jamais été confirmées. Aucun Libyen n’a été l’objet d’agression, mais on constate que

LA MANNE DE LA SANTÉ AVEC DES ÉCHANGES commerciaux s’élevant à 700 millions d’euros, la Libye était en 2010 le cinquième partenaire de laTunisie, et le premier à l’échelle maghrébine, le commerce bilatéral contribuant pour plus de 50 % aux échanges à l’échelle régionale. Mais c’est au niveau du secteur de la santé qu’elle est un client incontournable. En

2010, 100 000 patients libyens ont dépensé en moyenne près de 1 500 euros pour se faire soigner en Tunisie. Quant aux 20 000 blessés qui y ont été pris en charge, ils ont permis à 70 cliniques et hôpitaux d’engranger près de 9 millions d’euros, réglés par le gouvernement de transition deTripoli. Le phénomène est

tellement important que les établissements de soins tunisiens pourront, à partir de juin 2014, facturer leurs clients en devises. Une mesure destinée à endiguer le change au noir qui ne profite pas à l’État. Mais cela n’empêchera pas les praticiens de réclamer des honoraires plus importants aux patients libyens. l F.D. JEUNE AFRIQUE


Coulisses

INFLATION. Cette situation n’est pas sans

incidence sur le train de vie de la population. « Les prix augmentent, les loyers sont inaccessibles, les Libyens installent leur famille dans des appartements meublés à 100 euros la nuit, dépensent sans compter en nourriture, font du shopping, et certains hommes sont particulièrement pénibles, notamment avec les femmes. Mais les commerces de proximité travaillent à plein régime et les familles chassent leur ennui en se promenant dans les hypermarchés; elles ont l’impression d’être à Disneyland », s’amuse un riverain d’El Manar, autre quartier résidentiel de Tunis. « Avant, ils venaient ici pour se faire soigner, maintenant ils s’installent et ne comptent pas rentrer chez eux de sitôt », confirme un pharmacien, qui s’inquiète de la déscolarisation des jeunes, lesquels ne sont acceptés que par certains établissements privés, arrivés aujourd’hui à saturation. Dans un semi-exil, puisque certains retournent régulièrement à Misrata, Tripoli ou Benghazi pour revoir leur famille, ou se renflouer, les réfugiés libyens ne se mélangent guère à la population locale. « À part quelques conversations dans les cafés, rares sont les Tunisiens qui ont des contacts avec leurs hôtes. Ils vivent en vase clos et cela rend difficile les échanges. On en sait plus sur ce qui se passe en Libye par la télévision », observe Ramzi, propriétaire d’un salon de thé à Ennasr. l FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE

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ISRAËL-PALESTINE FOUDROYÉS EN DIRECT L’image fixe de vidéosurveillance montre des hommes s’abritant sous l’auvent d’un entrepôt, à Bétunia, en Cisjordanie. La date incrustée est celle du 15 mai, le lendemain de l’anniversaire de la création de l’État d’Israël, que les Palestiniens commémorent comme celui de la Nakba (la « catastrophe »). À 13h 45, un jeune surgit sur l’image, puis s’écroule. À 14h58, même image, obscurcie par des fumées noires, même scène d’un jeune foudroyé. Pour les témoins comme pour les ONG israéliennes et palestiniennes, Mohamed Mahmoud Odeh, 16 ans, et Nadim Siam Nawara, 17 ans, ont été abattus par des soldats de Tsahal postés à 300 mètres alors qu’ils ne présentaient aucune menace. Un troisième jeune, Mohamed el-Aza, a été blessé par balle. « Je connais ces méthodes de montage d’images », a rétorqué le ministre israélien de la Défense, tandis que d’autres sources officielles évoquaient des tirs palestiniens, insistant sur le fait que les soldats n’avaient fait usage que de balles en caoutchouc. Une enquête est en cours. l

IRAK VICTOIRE EN DEMI-TEINTE Sans surprise, les législatives du 30 avril ont vu la victoire, annoncée le 19 mai, du Premier ministre sortant, Nouri al-Maliki. Ne totalisant que 92 sièges sur 328, sa formation n’est cependant pas en mesure de former seule un gouvernement, alors que les deux autres partis les plus proches, chiites comme le sien, l’accusent d’autoritarisme, et que sunnites et Kurdes contestent vigoureusement sa mainmise sur le pays. SYRIE L’ADIEU AUX ARMES ? Dénonçant la sauvagerie du régime comme l’entêtement de l’opposition « dont le peuple paie le prix », Moaz al-Khatib, ex-président de la Coalition nationale, a déclaré que seules des négociations directes et progressives pouvaient

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leur présence est moins voyante. Un changement de comportement dû aux autorités tunisiennes, qui ont mis le holà, particulièrement en matière de mœurs, en exigeant des propriétaires de locaux loués à des étrangers d’en faire la déclaration à la police. La défenestration, en 2013, de deux jeunes Tunisiennes à Ennasr lors de soirées arrosées avait mis à cran une population excédée par la présence tapageuse des Libyens. « Parler d’une présence massive est un euphémisme. C’est comme si la Tunisie avait vécu une explosion démographique de 10 %, ce qui représente un coût et perturbe l’équilibre du marché local », assure-t-on du côté du ministère du Commerce. Mais pour le secteurprivé,lesLibyenssontunevéritable machine à cash puisqu’ils règlent toutes leurs transactions en liquide et sans trop marchander, au point qu’on estime leurs dépenses globales moyennes annuelles à 1 milliard d’euros.

Maghreb & Moyen-Orient

accélérer un règlement de la crise et empêcher davantage de pertes. Une déclaration qui intervient après l’échec des pourparlers entamés à Genève en février et allant à l’encontre de l’option « vaincre ou mourir » suivie jusqu’à présent par l’opposition armée. ALGÉRIE PROMESSE ÉLECTORALE TENUE Le deuxième Conseil des ministres présidé par Abdelaziz Bouteflika depuis sa prestation de serment a adopté le 21 mai un projet de loi réduisant la durée du service militaire de dix-huit à douze mois et instaurant la prise en considération de la période du service national comme expérience professionnelle pour les jeunes en quête d’emploi. Autre décision : l’inclusion de la durée de la conscription dans le calcul des années d’activité pour la retraite future du jeune bidasse. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


Maghreb Moyen-Orient

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50 ans et

GÉRARD RANCINAN/SYGMA/CORBIS

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toutes ses dents Créée à Jérusalem le 28 mai 1964, l’Organisation de libération de la Palestine reste le cadre unitaire et la matrice des multiples sensibilités du mouvement national. Et n’a pas dit son dernier mot. YOUSSEF AÏT AKDIM

beaucoup œuvré à fragmenter la société palestinienne en petits LP : trois lettres pour groupes. L’OLP a réussi à contrer Organisation de libécette dynamique en offrant, jusqu’à ration de la Palestine. la création de l’Autorité palestiCinquante ans après nienne (AP), un cadre consensuel sa création, les trois éléments du contre la politique israélienne du fameux sigle sonnent comme le divide et impera. » rappel des défis persistants des Une bonne partie de l’opinion Palestiniens dans leur quête de internationale a découvert l’OLP l’autodétermination. « Seule repréavec la prise d’otages tragique sentante légitime du peuple palesd’athlètes israéliens lors des tinien », reconnue comme telle Jeux olympiques de Munich, en août 1972. L’opération est revenpar la communauté internationale depuis 1974, l’OLP n’a pas diquée par Septembre noir, dont le encore atteint la « libération » en nom fait référence au conflit armé dépit des promesses du processus avec le roi Hussein de Jordanie, de paix et du récent activisme de qui mena à l’expulsion des pèlerin du secrétaire Palestiniens d’Amd’État américain, man en 1971. Mais, « Je suis venu John Kerry. Ni les le 13 novembre 1974, porteur d'un miettes de territoires Arafat triomphe. Il rameau d'olivier sous administraest accueilli par une tion palestinienne standing ovation à et d'un fusil de (quelques villes de révolutionnaire. » l’Assemblée généCisjordanie), ni la rale de l’ONU, que prison à ciel ouvert YASSER ARAFAT, préside un certain de Gaza ne forment le 13 novembre 1974 à l'ONU Abdelaziz Bouteflika. l’embryon d’un État. Le chef des fedayins Pourtant, la Palestine existe. En savoure son heure de gloire au dépit du refus répété des gouverneterme d’un discours resté célèbre : ments successifs israéliens, depuis « Je suis venu porteur d’un rameau l’assassinat de Yitzhak Rabin, en d’olivier et d’un fusil de révolu1995, d’accepter les conditions tionnaire, ne laissez pas tomber d’une paix juste et durable, l’idée le rameau de ma main. » La prenationale, par-delà les retournemière session du Conseil natioments d’alliances et les violences nal palestinien, le Parlement de intestines, est vivante : l’OLP en est l’OLP, du 28 mai au 2 juin 1964, à la fois la gardienne et le porteà Jérusalem, n’aura pas laissé un parole. « La vraie prouesse de l’OLP souvenir aussi impérissable. Pas a été de faire vivre la question palesplus que le premier président de tinienne en nourrissant le sentil’organisation, Ahmed Choukairy, ment national des Palestiniens, élu par une majorité écrasante des 422 délégués. Ce dernier est analyse l’historien israélien Ilan un avocat-diplomate habitué des Pappé. Le mouvement sioniste arcanes de la Ligue arabe, mais et, plus tard, l’État d’Israël ont

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p Des fedayins quittant Beyrouth, le 21 août 1982. JEUNE AFRIQUE

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Maghreb Moyen-Orient OLP

LUTTES DE POUVOIR. Investie de la fonction de représentante de l’ensemble du peuple palestinien, l’OLP a donc toujours assumé parallèlement un autre rôle : celui de facilitateur entre différents courants, au nom du combat pour l’indépendance au-delà des divergences d’approche et des luttes de pouvoir. Le 23 avril dernier, ce sont des représentants de l’OLP (et pas seulement du Fatah) qui ont conclu avec le Hamas un énième accord de réconciliation. Le Hamas et l’OLP se sont finalement entendus sur le principe de la formation d’un gouvernement d’union dans un délai de cinq semaines. Ce cabinet formé de personnalités indépendantes et de technocrates sera placé sous l’autorité du président Mahmoud Abbas. Trois semaines plus tard, le président de l’AP rencontrait le chef du Hamas, Khaled Mechaal, à Doha, les deux hommes affichant leur volonté conjointe de faire respecter les engagements de leurs mouvements respectifs. Premier N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Repères MENAHEM KAHANA/AFP

sans réelle assise populaire. Pour beaucoup, il est l’homme du roi Hussein, et surtout de Nasser. La défaite arabe lors de la guerre des Six-Jours, en juin 1967, fait émerger une nouvelle génération. Au sein de cette avant-garde, un jeune ingénieur expatrié au Koweït sort du lot : Yasser Arafat, cofondateur, dès 1959, du Fatah (« conquête »), acronyme inversé en arabe du Mouvement de libération de la Palestine, qui dominera la scène palestinienne jusqu’aux années 2000. Après 1967, d’autres partis font leur apparition, comme le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), créé autour de Georges Habache et dont une scission donnera naissance, en 1969, au Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP), de Nayef Hawatmeh. Les pays arabes continuent d’infiltrer l’OLP; la Syrie en suscitant la Saïqa, l’Irak en soutenant le Front de libération arabe. En 1969, Arafat est élu président du comité exécutif, et réélu régulièrement jusqu’à sa mort, en 2004.

Mai 1964 Création à Jérusalem de l’OLP

Décembre 1987

Début de la première Intifada

Mai 1989 Juin 1967

Guerre des Six-Jours. Israël occupe la Cisjordanie et la bande de Gaza

Arafat déclare « caduque » la charte de l’OLP, laquelle énonçait que « la lutte armée est la seule voie pour la libération de la Palestine »

signe palpable de détente entre les frères ennemis : à Gaza, la censure des journaux édités en Cisjordanie a été levée par le Premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Si les discussions aboutissent, le nouveau gouvernement sera notamment chargé de « préparer des élections législatives et présidentielle ». Actuellement, le mandat du président Abbas, élu en 2005 à la tête de l’AP pour cinq ans, est échu. Les dernières législatives, en janvier 2006, ont été remportées par le Hamas, et la crise interpalestinienne qui a suivi s’est soldée, en juin 2007, par une

L'accord du 23 avril dernier prévoit la formation d'un gouvernement d'union nationale. séparation de fait entre, d’un côté, un gouvernement Hamas dans la bande de Gaza et, de l’autre, un État dominé par le Fatah dans quelques villes de Cisjordanie, sous contrôle de l’AP. Sortie affaiblie de ce bras de fer, l’AP est plus que jamais dépendante de l’aide internationale, une rente qui attise les rancœurs. Mahmoud Abbas agite régulièrement la menace de

VILLARD/SIPA

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Septembre 1993

Signature à Washington des accords d’Oslo sa dissolution. C’est clairement un atout dans son jeu, car il trouverait là le moyen de prouver à ses concitoyens qu’il n’est pas une marionnette d’Israël et des États-Unis. NAVIRE AMIRAL. Pour l’éditoria-

liste Daoud Kuttab, les dirigeants de son peuple ont été « trompés par les attributs extérieurs d’un État : une équipe olympique portant le drapeau du pays, un président et un Parlement, des timbres, des plaques d’immatriculation, un hymne national, des ministères, une garde présidentielle. Mais tout ça a un prix ». L’initiative intrapalestinienne, qui conduirait à terme à réhabiliter le Hamas, a immédiatement servi de prétexte à Tel-Aviv pour suspendre les discussions en cours. Le Hamas refuse en effet de reconnaître l’État d’Israël comme un préalable, mais, de son côté, l’OLP maintient que l’AP demeure l’interlocuteur unique et officiel des Israéliens. « Quand des responsables israéliens [d’extrême droite comme Naftali Bennett ou Uri Ariel] s’opposent à la reconnaissance du droit des Palestiniens à un État, personne ne s’en plaint à JEUNE AFRIQUE


50 ans et toutes ses dents

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Décembre 2009

Janvier 1996

ALFRED/SIPA

Arafat est élu président de l’AP

Le Conseil central de l’OLP prolonge les mandats de Mahmoud Abbas et du Parlement palestinien pour éviter un blocage institutionnel

Janvier 2005

Mahmoud Abbas succède à Arafat, mort en novembre 2004

Début de la seconde Intifada

Janvier 2006

Le Hamas remporte les législatives. L’aide internationale est suspendue

Juin 2007

Après des mois de combats interpalestiniens, le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza

APAIMAGES/REX/SIPA

Septembre 2000

Avril 2014

Accord de réconciliation entre l’OLP et le Hamas

STR/AFP

Netanyahou », souligne un proche collaborateur d’Abbas. Mais si l’Autorité venait à se saborder, l’OLP demeurerait le navire amiral de la lutte nationale. C’est bien là un paradoxe : de mouvement armé, taxé de terrorisme, avant de gagner une légitimité internationale, l’OLP s’est institutionnalisée jusqu’à s’effacer, en apparence, devant l’AP. Le chemin inverse est-il possible ? « Officiellement, le siège de l’OLP est toujours à Tunis. L’OLP reste légitime et centrale, elle va continuer d’exister tant que les Palestiniens n’auront pas obtenu leurs droits », estime Benoît Challand, historien et spécialiste de la Palestine à l’université de Fribourg, en Suisse. Même si leur QG de Hammam Chott a été presque rasé par un bombardement israélien en 1985, les fedayins n’ont donc pas rapatrié tous les symboles de leur lutte. Il faut dire que l’OLP est une habituée des déménagements : Amman, Beyrouth, Tunis, Gaza, Ramallah… Jusqu’à quand ? l t Yasser Arafat, le 6 août 1970 à Amman, un an avant l'expulsion de l'OLP par le roi Hussein. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Europe, Amériques, Asie

INTERVIEW

Christine Lagarde « Nous ne sommes plus La directrice générale du Fonds monétaire international évoque l’action de son organisation en Afrique. À des années-lumière des terribles politiques d’ajustement structurel des années 1990 !

D

u29au30mai,leFondsmonétaire international (FMI) organise à Maputo une conférence, Africa Rising, afin d’associer secteurs privés et pouvoirs publics à l’élaboration d’un développement soutenu qui profite en priorité aux plus pauvres. Christine Lagarde, sa directrice générale, exprime à l’intention des lecteurs de Jeune Afrique ses espoirs et ses préoccupations pour une région qu’elle a N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Propos recueillis par

ALAIN FAUJAS

visitée à trois reprises depuis sa nomination, il y a bientôt trois ans. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi avez-vous organisé la conférence de Maputo ? CHRISTINE LAGARDE : Cinq ans après la confé-

rence que le FMI avait organisée en Tanzanie, il fallait faire le point sur notre partenariat avec nos pays membres africains. Car les choses ont bien changé sur le continent : avec un taux de quelque 5 % pendant dix ans, la croissance y a été remarquable. L’Afrique subsaharienne affiche le deuxième taux de croissance mondial derrière l’Asie. Elle a réussi à réduire de 10 % la pauvreté de ses populations depuis que les Objectifs du millénaire ont été JEUNE AFRIQUE


BROOKS KRAFT/CORBIS

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le FMI de papa » institués par l’ONU. Enfin, elle a pris conscience que les réformes étaient impératives pour préserver ses ressources et en faire profiter le plus grand nombre.

part de la communauté internationale un appui technique et financier à moyen et à long terme à des pays tels que le Maroc, la Tunisie, la Libye, l’Égypte, la Jordanie et le Yémen. La majorité de ces pays a stabilisé sa situation. Certains ont retrouvé des chemins plus vertueux en matière budgétaire, le Maroc en premier lieu, mais aussi la Tunisie et la Jordanie.

Dans quelle situation financière se trouve l’Afrique subsaharienne ?

Globalement, sa dette est raisonnable. Elle s’établit en moyenne à 33,9 % de son produit intérieur brut, à l’exception de quelques cas comme l’Afrique du Sud, le Kenya, le Malawi ou Maurice. C’est bien, car cela est dû à une meilleure situation budgétaire. Et les pays du Printemps arabe ?

Nous sommes convaincus qu’il faudra de la JEUNE AFRIQUE

p Dans son bureau au siège du FMI, à Washington, en juillet 2013.

L’Afrique pâtit-elle du ralentissement des pays émergents ?

Non, nos prévisions chiffrent sa croissance hors Afrique du Sud à 6,5 % en 2014 et en 2015. Le ralentissement de la demande en matières premières des pays émergents l’a un peu affectée, mais sa demande domestique a pris le relais. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Europe, Amériques, Asie Interview Christine Lagarde Pourquoi l’Amérique et l’Europe s’intéressentelles moins à l’Afrique que les pays asiatiques ?

douloureusement des politiques d’ajustement structurel qu’il a imposées dans les années 1990…

Quand je vois le nombre de participants américainseteuropéens,etnotammentceuxquiviennent du secteur privé, à la conférence de Maputo, je ne vois pas un tel désintérêt. Mais il est vrai que les investissements et le commerce avec l’Asie, mais aussi le Brésil, ont joué un rôle essentiel pour la croissance africaine et que l’intérêt de ces pays pour ce continent ne se dément pas.

Mais on parle là du FMI de papa! Quand on analyse les dix-huit programmes, dont quatorze avec financements [pour un encours à la fin mars 2014 de 5 milliards de DTS, soit environ 7,2 milliards de dollars ou 5,2 milliards d’euros], que nous menons avec les pays africains, on ne peut pas dire que nous méritions cette mauvaise réputation. Dans l’élaboration de nos programmes, nous faisons très attention à l’existence de « filets de protection sociale » pour les populations les plus vulnérables et à la répartition de la dépense publique en faveur de l’éducation et de la santé, secteurs qui leur sont les plus nécessaires. Une étude que nous avons menée montre qu’en moyenne, dans les pays sous programme avec le FMI, les dépenses d’éducation par tête sont, cinq ans après que les gouvernements ont adopté nos programmes, en augmentation de 20 %. Et les dépenses de santé, de 40 %. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

La croissance en Afrique est forte, mais le recul de la pauvreté y est faible. Comment remédier à ce décalage ?

L’extrême pauvreté ne recule pas en Afrique parce que la productivité y est faible et que le sous-emploi prédomine. Une amélioration de la productivité du secteur primaire, qui pèse 30 % du PIB, changerait la donne. Pour cela, ce ne sont pas seulement les méthodes de production agricole qui sont à réformer, mais aussi les voies d’acheminement et la capacité énergétique. Pensez ! Pour 1 milliard d’habitants, l’Afrique subsaharienne ne produit pas plus de courant électrique que l’Espagne. Nous estimons que c’est le moment de susciter dans ces secteurs éminemment créateurs de richesse un regain des investissements grâce à une meilleure information. Parmi les réformes que préconise le FMI figure celle de la gouvernance. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

La première chose à réaliser est la transparence des informations. Au cours des trois dernières années, le Fonds a différé ses programmes d’aide dans certains pays où il n’obtenait pas les informations indispensables concernant les grands contrats de concessions minières ou énergétiques signés par ces pays. Le deuxième élément de la bonne gouvernance nous semble être le respect des institutions. Il faut par exemple qu’un mandat présidentiel n’excède pas le terme prévu par la Constitution et qu’il n’y ait pas un troisième mandat quand les textes n’en prévoient que deux. Prenez le cas du Mozambique. Son président partira au terme de son second mandat, comme le prévoit la Constitution. Mais le Parlement a décidé de lui garantir après son départ une rémunération qui paraît excessive à certains. Le débat est sur la place publique. Ce n’est pas au FMI de prendre parti dans ce débat, qu’il observe avec beaucoup d’intérêt. Nous disons seulement que le Mozambique applique l’équation qui nous semble la bonne : respect des textes, transparence des décisions, débat public sur ces décisions. Êtes-vous consciente que le FMI traîne une forte odeur de soufre en Afrique ? On s’y souvient N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Histoire d’une ascension

1er janvier 1956 Naissance à Paris

1999

Présidente du comité exécutif du cabinet d’avocats Baker & McKenzie

2 juin 2005

Ministre déléguée au Commerce extérieur (gouvernement Villepin)

19 juin 2007

Ministre des Finances, de l’Économie et de l’Emploi (gouvernement Fillon)

5 juillet 2011

Directrice générale du FMI

4 août 2011

À la demande de la Cour de justice de la République (CJR), ouverture d’une enquête à son encontre dans l’affaire Tapie contre Crédit lyonnais

4 août 2011

Le conseil d’administration du FMI lui réaffirme sa confiance

24 mai 2013

Placée sous statut de témoin assisté après son audition par la CJR

30 août 2013

Septième femme la plus influente au monde, selon le magazine américain Forbes

Mais le FMI réclame des gouvernements la fin des subventions à des produits essentiels, comme c’est le cas au Sénégal ou au Maroc. N’est-ce pas excessif ?

Premièrement, notre demande ne porte pas sur tous les produits subventionnés, mais sur les énergies fossiles que consomment les entreprises et les ménages et que les budgets nationaux ont bien du mal à financer. D’autre part, il ne s’agit pas de supprimer ces subventions, mais de les remplacer. Nous disons aux autorités: mettez-vous d’accord sur les populations qui ont vraiment besoin de ces subventions, les plus démunies, et distribuez-leur soit du cash, soit des bons d’achat pour se procurer le carburant ou les bonbonnes de gaz qui leur sont nécessaires; mais arrêtez de subventionner ceux qui roulent en 4x4 et jouissent de l’air conditionné à domicile. On vous prédit un destin à la tête de nombreuses institutions prestigieuses. Le Financial Times et The Wall Street Journal, par exemple, vous voient à la présidence de la Commission de Bruxelles. D’autres vous imaginent candidate à l’Élysée, puisque vous faites partie des personnalités préférées des Français. Vous avez même dit plaisamment que le seul poste qu’on ne vous avait pas encore proposé était celui de pape. Comment réagissez-vous à ces propositions ?

C’est très flatteur pour ma vanité, mais j’ai un job que j’entends poursuivre. Il me passionne parce qu’il s’exerce dans un univers international où je baigne depuis vingt-cinq ans. Il vous intéresse plus que le marigot politique français ?

Normal, non ? l JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/DIVERGENCE POUR LE MONDE

t Lors du lancement de la campagne européenne du PS, le 17 avril, au Cirque d’Hiver, à Paris.

FRANCE

Tenue de « Camba » Nommé premier secrétaire après le désastre des municipales, Jean-Christophe Cambadélis ne sous-estime pas l’extrême difficulté de sa tâche : redonner vie au Parti socialiste.

P

our Jean-Christophe Cambadélis, l’heure a sonné. Nommé le 15 avril, au lendemain d’un désastre électoral (quelque 160 villes de plus de 10 000 habitants perdues lors des élections municipales), le nouveau patron du Parti socialiste français (PS), qui n’a pas été élu par les militants mais adoubé par François Hollande pour un bail de dix-huit mois, n’a plus de temps à perdre. Quels que soient les résultats des élections européennes du 25 mai, « Camba » sait que sa mission ne sera pas simple. Comme le dit de manière abrupte un membre du bureau politique : « Soit le PS fait sa révolution, soit il disparaît. » Certes, le parti cumule encore tous les pouvoirs : présidence de la République, gouvernement, Assemblée nationale, Sénat, Régions… Mais c’est un grand corps malade, miné par les querelles de chapelles, les batailles d’ego et, plus grave, une totale absence de vision. « Nous sommes devenus un mouvement anhistorique », commente Pouria Amirshahi. Membre du bureau politique, le député de la 9e circonscription des Français de l’étranger (qui englobe Afrique du Nord JEUNE AFRIQUE

et Afrique de l’Ouest) est l’un des animateurs de l’aile gauche du parti. « De la même manière que les communistes ont tué la révolution, explique-t-il, les sociaux-démocrates ont tué la réforme. Par renoncement, par faiblesse. » TECHNOCRATIQUE. Cambadélis ne dit

pas autre chose lorsqu’il affirme que le PS « n’a pas pris la mesure de notre époque », qu’il « fonctionne toujours sur de vieux logiciels » et que sa sémantique « est devenue effroyablement technocratique ». Mais est-il pour autant capable de lui donner un nouveau souffle ? Si l’on

admet que rien ne vaut un bon vieux trotskiste pour remettre de l’ordre dans un parti et « faire redescendre la gauche dans le peuple », alors oui, peut-être. De son passage à l’Organisation communiste internationaliste (OCI) dans les années 1970, il lui reste un pseudo – Kostas, en référence à ses origines grecques –, le goût du combat et du mot qui fait mouche, mais aussi un sens aigu de la stratégie. Aussi redoutable aboyeur que fin tacticien (on l’appelle « l’homme des cambanaisons »), ce banlieusard de 62 ans a la réputation d’être le plus politique des socialistes de sa génération. Tout l’inverse de celui auquel il succède : le transparent Harlem Désir, que Hollande lui avait préféré en 2012. Ses détracteurs ont beau jeu de rappeler qu’en matière d’idéologie bien malin qui parviendrait à situer Cambadélis. Il est issu d’une génération pour laquelle, dit-il, « le but était tout ». Lui-même n’estil pas obnubilé par la prise du pouvoir au PS depuis quelque dix-sept ans ? Après avoir rejoint le parti, en 1986 – ce qui lui valut de passer pour un « traître » aux yeux de ses « amis » trotskistes – et fait de l’antifascisme son premier combat, il accompagna tour à tour le très orthodoxe Lionel Jospin et le très libéral Dominique Strauss-Kahn, jusqu’à sa chute, en 2011. « Avec un tel parcours, on se demande bien quelle direction il va donner au parti », persifle un élu local. Cambadélis l’a dit : il veut organiser des « états généraux des socialistes », renouer le lien avec les écologistes et les communistes et redonner la parole aux militants. Quant à savoir quel socialisme il prône, c’est une autre histoire. l RÉMI CARAYOL

ACCOINTANCES AFRICAINES DU CONTINENT AFRICAIN, JeanChristophe Cambadélis s’est longtemps désintéressé. Jusqu’à ce jour de 2008 où il a pris en charge les relations internationales au sein du Parti

socialiste. Depuis, il a largement rempli son carnet d’adresses. Ami de Laurent Gbagbo, il l’a soutenu lors de la campagne présidentielle de 2011 en se rendant à Abidjan (« en son nom propre », avait précisé le PS), avant

de s’en démarquer après le premier tour. Il est aujourd’hui proche du Sénégalais OusmaneTanor Dieng, qui a longtemps œuvré au sein de l’Internationale socialiste, et du Tunisien Moustapha R.C. Ben Jaafar. l N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

p Venus du stand-up, les deux acteurs sont à l’affiche de Amour sur place ou à emporter.

Amelle Chahbi et Noom Diawara Couple mixte Ils se sont rencontrés au Jamel Comedy Club, et depuis ils ne se quittent plus. Sur scène et derrière la caméra, en tout bien tout honneur.

C

est une jolie beurette rigolote, c’est un grand black au sourire contagieux : Amelle Chahbi et Noom Diawara incarnent le jeune couple parfait… à l’écran et au théâtre seulement. Avec Amour sur place ou à emporter, ces jeunes comiques très amis à la ville, venus tous deux du stand-up, arrivent bras dessus, bras dessous dans les hautes sphères du cinéma français à 33 ans et 35 ans.Tous deux issus d’une immigration africaine, marocaine pour Amelle et malienne pour Noom, ils sont pourtant bien français, nés à Paris, portés dès les bancs de l’école par une envie de faire rire. Ils se sont rencontrés dans les coulisses du Jamel Comedy Club, lors d’une improvisation autour d’un couple mixte: l’alchimie fut immédiate. Pourtant, rien de très original dans la

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formule. « On n’a rien inventé. La pièce de boulevard avec le mari, la femme et l’amant dans le placard, c’est classique », affirme Amelle. Alors, qu’est-ce qui les différencie? Le mélange ethnique qu’ils proposent? Dans leur comédie romantique, les différentes origines ne font selon eux qu’ajouter du piment à l’histoire. « Si la pièce était jouée par deux Blancs, elle fonctionnerait tout aussi bien! » précise Noom. Leur entourage les inspire au quotidien. « C’est dans l’air du temps, ajoute Noom. Aujourd’hui, un mariage sur quatre est celui d’un couple mixte. Mettre le doigt là-dessus est une façon d’atteindre plus de gens, un public de jeunes. » Ce qui fonctionne vraiment entre eux, c’est du côté du stand-up qu’il faut le chercher. « Notre plus-value, c’est notre côté funky, notre rythme », affirme Amelle.

Objectif: un rire toutes les cinq secondes! D’où une écriture très différente des pièces de théâtre classiques. L’histoire s’est construite de saynète en saynète, au rythme des rendez-vous au café qui compose le décor de la pièce. Puis il a fallu tester chaque vanne devant un public. Deux mois d’écriture et six mois de rodage sur scène – avec l’aide de Fabrice Éboué – plus tard, Amour sur place ou à emporter lançait ce qui allait devenir une aventure de quatre ans. Un succès surprenant. « On ne s’attendait pas à ce que cela dure tant ! On allait de date en date, pensant que chaque tournée serait la dernière », raconte Noom. Bien qu’elle ait grandi en région parisienne, la double culture est naturelle pour Amelle, qui retourne souvent au Maroc: « C’est facile, c’est pas cher, c’est comme si tu allais en banlieue parisienne finalement! » Même chose pour Noom. « Là-bas, ils ont Canal+ Horizons, tout est connecté. Le bled est en France et la France est au bled. » Pourtant, ce n’était pas gagné. La réaction des parents quand ils ont appris qu’ils voulaient faire du stand-up ? « La catastrophe ! Ils sont venus en France JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Si tout paraît simple, Amelle et Noom insistent sur leur travail. « Le Jamel Comedy Club est une mise en avant, le stand-up une motivation. Quand tu es né en France, tu peux être intégré par l’éducation. Tout le monde veut être footballeur ou humoriste, mais il ne faut pas faire croire aux jeunes qu’il n’y a que ça », souligne Amelle. La jeune femme a étudié le théâtre classique avant de se tourner vers la comédie en tant que Miss Météo sur Canal+. Et Noom, qui a fait des études de droit à Cergy avant d’intégrer l’équipe d’écriture de l’émission Burger Quiz, ajoute : « C’est pas parce que tu fais rire tes potes que tu fais rire une salle. Il faut taffer ! Tu travailles à l’école, tu acquiers une rigueur et tu te lèves à 8 heures le matin pour écrire. L’important, c’est de nourrir ton cerveau. » « Passer de la pièce au film, c’est beaucoup de concessions, poursuit Amelle. Ce n’est pas la même écriture: au théâtre on peut surjouer, au cinéma il faut être juste. Noom va voir tous les films, ce qui nous évite de reproduire des clichés. Son œil nous a permis de creuser plus profondément. » Bien qu’Amelle ait pris la casquette de réalisatrice, « parce que c’est la plus organisée », Noom a assuré la direction artistique du film. « Je demandais toujours à Noom son avis. Depuis huit ans qu’on se connaît, on se dit les choses… Enfin, quand on se téléphone, on ne se dit plus bonjour! » Maintenant que leurs carrières prennent des chemins séparés (Noom est à l’affiche de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?), le lien est plus fort que jamais. « On est au courant de tout, on se conseille. » Et l’envie de remonter sur scène ensemble est déjà là. l CLÉMENCE LEBATTEUX Photo : SANDRA ROCHA pour J.A. JEUNE AFRIQUE

ÉTATS-UNIS

Une femme disparaît Saura-t-on un jour pourquoi Jill Abramson a été brutalement débarquée de la direction de la rédaction du New York Times et remplacée par l’Africain-Américain Dean Baquet ?

L

e brutal licenciement, le 14 mai, de Jill Abramson, 60 ans, directrice de la rédaction du New York Times depuis 2011 – et première femme à occuper ce poste –, et l’annonce par Arthur Sulzberger, directeur de la publication, de son remplacement par Dean Baquet, 57 ans – et premier Africain-Américain à occuper ce poste –, n’en finit pas de faire des vagues au sein de la rédaction du quotidien. Et ailleurs. Abramson, qui était au journal depuis dix-sept ans (elle s’est fait tatouer dans le dos le T en caractère gothique du Times) n’a même pas dit au revoir à ses collègues. Pour justifier son départ, Sulzberger a invoqué le caractère arbitraire de certaines de ses décisions ainsi que les déficiences de son management. D’autres, qui déplorent son autoritarisme, estiment qu’elle aurait eu le tort de demander à Janine Gibson, du Guardian, de développer l’offre digitale du quotidien sans en informer Baquet, alors numéro deux de la rédaction (1 200 salariés, au total). D’autres encore estiment qu’elle n’aurait pas apprécié d’être moins bien payée que Bill Keller, son prédécesseur… Quoi qu’il en soit, elle n’a manifestement rien perdu de son sens de l’humour. Quelques jours après son licenciement, sa fille postait sur Twitter une photo d’elle avec des gants de boxe, prête à malmener un punching-ball! Pas sûr que l’on connaisse un jour le fin mot de l’histoire, qui survient à un

moment critique dans l’histoire du Times. Une semaine avant le renvoi d’Abramson, un rapport rédigé par le fils d’Arthur Sulzberger avait dressé un bilan alarmant de la transformation digitale du quotidien. Au bord du dépôt de bilan entre 2006 et 2010, celui-ci a pourtant brillamment redressé la barre sous la houlette d’Abramson. Au premier trimestre de cette année, ses revenus ont augmenté de 2,6 % par rapport au premier trimestre de 2013. Avec une qualité inchangée, puisque le Times a glané pas moins de huit prix Pulitzer depuis 2011. AUTODIDACTE. Reste qu’il serait dommage que la brusquerie de l’éviction d’Abramson éclipse ce petit événement queconstituelanominationd’unAfricainAméricain à la tête de la rédaction du prestigieux quotidien. Né dans une famille modeste de la Nouvelle Orléans (ses parents étaient restaurateurs), Baquet est un autodidacte qui n’a jamais achevé ses études supérieures, ce qui ne l’a pas empêché, en 1988, d’obtenir le prix Pulitzer pour un reportage sur la corruption au sein de la municipalité de Chicago. En 2006, il a été renvoyé du Los Angeles Times pour avoir refusé de réduire les effectifs de la rédaction. Après sa nomination, il s’est engagé à pratiquer un journalisme « ambitieux » censé lui procurer un « plaisir total et absolu ». Bonne chance. l JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York

FRED R. CONRAD/AP/SIPA

pour nous donner une meilleure chance et on leur dit vouloir être saltimbanques! » raconte Amelle, qui a fait des études de théâtre après le lycée. Issus d’une génération d’immigrés des milieux populaires ne rechignant pas au travail, leurs parents sont « discrets et bienveillants » : « Ils sont contents, mais ils restent à distance et nous permettent de garder les pieds sur terre. »

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u Dean Baquet et Jill Abramson, en juin 2011 à New York. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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p Narendra Modi saluant ses partisans à l’issue d’une cérémonie religieuse à Varanasi (Bénarès), le 17 mai. INDE

L’inquiétant monsieur Modi Nationaliste hindou intransigeant, le nouveau Premier ministre devrait donner du fil à retordre à la Chine et au Pakistan, ses grands rivaux régionaux. Avec l’aide des États-Unis ? Pas si sûr.

«

Q

uand les États-Unis sont allés chercher Ben Laden, ils n’ont pas fait de conférence de presse avant ! » Lancée en pleine campagne électorale, la boutade de Narendra Modi n’avait pas fait rire les Pakistanais. Mais alors, pas du tout. Chaudhry Nisar Ali Khan, le ministre de l’Intérieur, l’avait même trouvée « provocante » et de nature à « déstabiliser la région ». À l’époque, le candidat nationaliste hindou établissait un parallèle entre le chef d’Al-Qaïda et Dawood Ibrahim, un terroriste soupçonné d’être impliqué dans les attentats de 2008 à Bombay, que l’Inde soupçonne son voisin de protéger… À présent que Modi a pris les commandes de l’Inde, les interrogations se multiplient. Quelle attitude ce nationaliste pur jus va-t-il adopter ? Le pragmatisme l’emportera-t-il sur les provocations ? Auteur d’une biographie à succès du nouveau chef du gouvernement, Nilanjan Mukhopadhyay le reconnaît : « On peut effectivement redouter que, en cas d’attaque terroriste de grande ampleur, Modi ne se montre pas aussi impassible que Manmohan Singh, son prédécesseur. » Un JEUNE AFRIQUE

avis partagé par Pal Sidhu, un expert en relations internationales: « Dans un tel cas de figure, la ligne défendue par Modi sera sans doute plus proche de celle de l’ancien Premier ministre Atal Bihari Vajpayee, membreluiaussiduBharatiyaJanataParty (BJP) », estime-t-il. En décembre 2011, après une attaque contre le Parlement, ce dernier avait décrété la mobilisation de l’armée indienne. « Modi n’est pas nécessairement un va-t-en-guerre, mais il aura besoin de faire preuve de fermeté en cas d’attaque », estime notre expert. CONTENTIEUX. Cette intransigeance

devrait également prévaloir à l’égard de la Chine, même si l’ampleur des échanges commerciaux entre les deux pays constituera sans doute un facteur d’apaisement. Le contentieux frontalier dans l’Himalaya, en effet, perdure. En février, lors d’un déplacement dans l’État frontalier d’Arunachal Pradesh – que les Chinois appellent le « Tibet du Sud » –, Modi avait publiquement invité Pékin à rompre avec sa politique « expansionniste ». « Le BJP ayant toujours adopté sur la question une attitude “dure”, il y a des chances

pour que Modi fasse de même », estime l’universitaire chinois Hu Zhiyong, de l’Institute of International Relations, à Shanghai. Apportera-t-il néanmoins à cette politique de fermeté une touche personnelle ? Ce n’est pas exclu. « Il est respecté en Chine, où il a été reçu à quatre reprises avec les honneurs d’ordinaire réservés aux chefs d’État », relève Gilles Verniers, chercheur à New Delhi. Il est vrai que les Chinois investissent beaucoup au Gujarat… Un think tank proche du gouvernement chinois est allé jusqu’à le qualifier de « Nixon indien ». Ce capital de sympathie lui sera sans doute très utile pour renforcer les relations économiques entre les deux pays et redresser une balance commerciale nettement en défaveur de l’Inde (35 milliards de dollars de déficit, soit 25,54 milliards d’euros). Pour contrer la traditionnelle alliance sino-pakistanaise, Modi tentera-t-il de renforcer les liens de son pays avec les États-Unis ? Ce n’est pas assuré, même si, là encore, les considérations économiques devraient l’y inciter. « Il nourrit un vrai ressentiment à l’égard de ce pays, qui, en 2002, lui a retiré son visa après les émeutes au Gujarat [il avait été accusé d’avoir fermé les yeux sur les exactions contre les musulmans]. L’administration Obama devra faire le premier pas, car lui ne le fera pas », analyse la journaliste Varsha Nairain. De fait, une invitation à se rendre aux États-Unis lui a été adressée le 20 mai. l MATHILDE ESLIDA, à New Delhi N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

SANJAY KANOJIA/AFP

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Europe, Amériques, Asie

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CHINE/VIETNAM

Frères ennemis

MAI KY/AFP

En dépit de leur proximité géographique et culturelle, les deux pays sont au bord de la guerre. À cause d’un simple différend territorial en mer de Chine méridionale ? Pas seulement.

D

p Manifestants devant l’ambassade de Chine à Hanoï, le 11 mai.

epuis la guerre de Corée, dans les années 1950, la Chine n’a connu qu’un seul conflit armé: c’était contre le Vietnam. Une guerre marquée par deux épisodes majeurs, en 1979 et en 1988, qui aboutit à une humiliante défaite de ses troupes. Malgré leur proximité culturelle, idéologique – ils sont l’un et l’autre officiellement communistes – et géographique, les deux pays ne s’aiment pas. Certes, la Chine apporta son soutien aux troupes du NordVietnampendantlaguerrecontrelesÉtatsUnis (1955-1975), mais ce ne fut qu’une parenthèse dans une litanie de conflits. Depuis toujours, deux nationalismes et deux ambitions régionales s’opposent. L’installation en mer de Chine méridionale, en pleine zone revendiquée par les deux pays depuis trente ans, d’une plateforme pétrolière chinoise a donc été ressentie à Hanoï comme une provocation. Et comme les deux peuples ont l’un et l’autre le sang chaud, de véritables émeutes antichinoises se sont ensuivies.

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Elles ont provoqué l’évacuation forcée de près de trois mille ressortissants chinois. Quatre mille autres sont déjà sur le chemin du retour. BRANLE-BAS. Sur la frontière longue

desquels, bien sûr, le Vietnam et les Philippines. Encore une provocation, a-t-il menacé, et le canon parlera. Une rhétorique guerrière reprise à la une de tous les journaux chinois. Pourtant, et c’est peut-être le signe d’une certaine confusion à Pékin, le président Xi Jinping joue à l’inverse la carte de l’apaisement. Sur le site internet du ministère de la Défense, il a rappelé que « le peuple chinois a toujours été pacifique et n’a jamais cherché à envahir un autre pays ni à exercer sur lui une quelconque hégémonie ». La thèse est historiquement contestable: des siècles durant, le Vietnam fut le vassal de l’empire du Milieu, à qui il était tenu de payer tribut – et en était durement puni si d’aventure il omettait de le faire. Elle n’a donc nullement apaisé l’ire des Vietnamiens. CHAUD ET FROID. Dans ce drôle de jeu où l’on souffle alternativement le chaud et le froid, c’est pour l’instant le chaud qui l’emporte. La Chine n’a guère le choix: il lui faut impérativement sécuriser les routes maritimes par où transite, entre le détroit de Malacca et celui de Formose, plus de 80 % du pétrole qu’elle consomme. En cas de blocus, elle se retrouverait totalement asphyxiée. Pour elle, la porte du Sud est vitale, elle doit coûte que coûte la maintenir grande ouverte. D’autant que, quarante et un ans après les accords de Paris qui mirent fin à la guerre du Vietnam (1973), les États-Unis se retrouvent dans ce bras de fer du côté de leur ennemi d’hier, comme Hillary Clinton l’a confirmé juste avant de quitter le département d’État, en 2012. L’Histoire se laisse parfois aller à de bien curieuses facéties. Mais la Chine, de plus en plus isolée dans la région, n’a nulle envie de rire.

de 750 km, c’est le branle-bas de combat. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, l’Armée populaire de libération (APL) est mobilisée Pour Pékin, la zone comprise sur plusieurs fronts: en mer entre le détroit de Malacca de Chine orientale, face aux frégates japonaises ; dans et celui de Formose est vitale. l’archipel des Spratleys, face aux Philippines et au Vietnam ; et dans Avant de laisser parler les armes, elle le détroit de Formose, où l’armée amétente quand même, une dernière fois, de ricaine a renforcé ses positions et où les ramener à la raison son très sourcilleux Taïwanais haussent le ton pour affirmer voisin en le frappant au portefeuille et en leur autonomie. suspendant toute relation commerciale Pour la première fois, le général Fang avec lui. Mais le Vietnam, qui en a vu Fenghui, chef d’état-major de l’APL, a d’autres, n’a pour l’instant aucune intendonc tapé du poing sur la table et évoqué tion de se laisser dicter les nouvelles règles l’hypothèse d’une guerre pour mettre un du jeu. Même si la Chine est son premier terme aux différends territoriaux entre partenaire économique. l la Chine et ses voisins – au premier rang STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

SOCIAL Comment renouer le dialogue?

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ÉCONOMIE Couci-couça MARITIME De quoi le PAC est cap’ COTON Graines de succès

BÉNIN

Dernière ligne droite

UESLEI MARCELINO/REUTERS

À deux ans de la prochaine élection présidentielle, le climat se réchauffe. Entre revendications sociales et attentes du secteur privé, le président Boni Yayi a fort à faire pour maintenir son pays sur la voie de l’émergence.

JEUNE AFRIQUE

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


Vers une révolution numérique au Bénin

D

ans le secteur des Télécommunications, lʼélaboration de lʼArchitecture dʼEntreprise, des TIC et de la Poste, la vision du goula définition des Normes et Standard et la vernement du Bénin telle quʼexprimée dans conception du Data Center. Dans le cadre de le Document de Politique et de Stratégies ce projet, un programme dʼincubateur a été dudit secteur est de transformer le Bénin mis en place pour recevoir les jeunes porteurs en « Quartier numérique de lʼAfrique » en dʼidées de projet de développement dʼapplitirant avantage de la position géographique cations numériques. privilégiée du pays. Cette vision est soutenue par deux piliers (lʼe-gouvernement et lʼe-business) et cinq axes stratégiques qui M. Komi Koutche, Le Projet WARCIP- Bénin ont trait au cadre juridique et institutionnel, Ministre de la Communication et des TIC du Bénin. Le Programme régional des infrastructures au déploiement dʼinfrastructures de qualité, de communication en Afrique de lʼOuest au développement de ressources humaines qualifiées, au développement de contenus adaptés aux (WARCIP) financé par la Banque Mondiale vise à contribuer besoins du pays et à la mise en place dʼun environnement à accroître la couverture géographique des réseaux de larges bandes en vue de la réduction des coûts des services de comcompétitif. En vue dʼun début dʼopérationnalisation de cette vision, le gouvernement, avec lʼappui de la Banque munication en Afrique de lʼOuest. La composante « Bénin » Mondiale a mis en place les projets e-Bénin et WARCIP-Bénin. de ce programme, le Projet WARCIP-Bénin est financé à hauteur de 35 millions de dollars US. Ce projet vise à améliorer le dispositif actuel dʼaccès à lʼInternet dans le pays. Il finance Le Projet e-Bénin lʼatterrissement du câble sous marin ACE (Africa Coast to Avec pour objectifs la mise en place dʼun environnement Europ) au large des côtes béninoises et permet dʼintégrer le Bénin dans un réseau international de télécommunications à propice aux services TIC, la promotion des e-applications et du e-business, le projet e-Bénin (15 millions de dollars haut débit. Ceci permettra à terme de favoriser lʼatteinte dʼune connexion haut débit, de qualité et à moindre coût au Bénin. US) a entrepris une vaste opération de connaissance de

lʼexistant par des études qui identifieront à terme les actions et projets prioritaires à mettre en œuvre pour relever les grands défis du secteur des Télécommunications, des TIC et de la Poste au Bénin. Dans cette perspective, dʼimportantes études sont réalisées ou en cours de réalisation. Les plus importantes portent sur la définition de la stratégie du service universel Télécommunications, TIC et Postes, lʼélaboration des documents de création de lʼARCEP1, la définition de la stratégie haut-débit,

Mis en place sous un régime PPP (Etat 45% Privé 55 %) une structure de portage, dénommée Benin- ACE-GIE et comprenant Bénin Télécom, des opérateurs du secteur privé, des prestataires de services dʼinternet et le gouvernement va détenir, gérer et entretenir la station dʼatterrissement et la capacité du câble ACE. Cette structure est membre du consortium du câble sous-marin ACE. La construction de la station dʼatterrissement est en cours et le lancement de la commercialisation sera bientôt une réalité.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR

COORDONNÉES DU PROJET

e-Bénin & WARCIP-Bénin 01 BP 4024 ‒ Cotonou, Bénin Tél.: +229 21 30 12 53 Fax : +229 21 30 12 58 Email : secretariat@e-benin.bj 1. ARCEP : AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES ET DE LA POSTE.

Dr Olivier Capo-Chichi, Coordinateur des projets e-Bénin et WARCIP-Bénin.


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Le Plus de Jeune Afrique

de Jeune Afrique

Prélude

BÉNIN

Seidik Abba

Dernière

ligne droite

Retour en force

L

A MÉDIATION MENÉE sous la houlette d’Abdou Diouf, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), l’avait laissé entendre, avant que des proches des deux hommes ne le confirment : il y aura bien une chaleureuse poignée de main entre Thomas Boni Yayi et l’ex-magnat du coton Patrice Talon. Le dernier obstacle au parachèvement de cette réconciliation a été levé le 20 mai avec la libération des six personnes encore détenues à Cotonou dans le cadre de l’affaire de la tentative présumée d’empoisonnement du chef de l’État.

définitivement la page de ce feuilleton politico-judiciaire. Il pourra désormais mieux se concentrer sur le front social, marqué ces derniers mois par des grèves générales à répétition dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de la justice et des régies financières. On assiste certes à une accalmie dans le bras de fer entre le pouvoir et les centrales syndicales, mais la grogne pourrait repartir à tout moment, de nombreux problèmes de fond n’ayant toujours pas été réglés. Conclusion de l’affaire Talon, décrispation des relations avec les syndicats, Thomas Boni Yayi devrait engranger les retombées de cette conjoncture favorable sur le plan économique. La sérénité retrouvée permettra, entre autres, d’organiser à Paris la table ronde des

Le président-pasteur – que l’on a souvent sous-estimé en le considérant comme une sorte d’ovni – a réalisé un coup de génie poliOn assiste à une accalmie, tique en donnant à l’affaire Talon cet épilogue inattendu. mais la grogne sociale Et les dividendes vont d’abord peut repartir à tout moment. lui profiter, lui dont l’image a été sérieusement écornée par bailleurs de fonds du Bénin du 17 au cette saga judiciaire. La fin de celle-ci et, 19 juin avec davantage de chances de surtout, la perspective de voir renaître succès. le tandem Yayi-Talon alimentent déjà les conjectures sur la présidentielle de 2016. L’homme d’affaires a été le prinUn enjeu majeur dans le contexte cipal bailleur de fonds du candidat actuel, entre un environnement des Thomas Boni Yayi lors des campagnes affaires gangrené par la corruption et des électorales de 2006 et 2011. Va-t-il en faire autant en 2016 ? ressources internes faiblement mobilisées, notamment les recettes fiscales et À Cotonou, l’hypothèse est sérieusedouanières, qui ne sont pas à la hauteur ment envisagée dans certains milieux des potentialités du pays. Reste que, d’opposition et par de nombreux acteurs depuis le 14 mai au soir, le Bénin et de la société civile, bien que le président son président semblent avoir ouvert ait juré la main sur le cœur qu’il ne une nouvelle ère. Thomas Boni Yayi se représentera pas. Rien ne permet saisira-t-il cette occasion pour achever à ce jour de prouver qu’il a changé son second et dernier mandat en beauté d’avis. En tout cas, le chef de l’État ou profitera-t-il du retour du pays sur s’est ôté une épine du pied en tournant l’avant-scène pour rempiler ? l JEUNE AFRIQUE

65

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

SOCIAL Comment renouer le dialogue ? ÉCONOMIE Couci-couça

p. 66

p. 70

INTERVIEW Roland Riboux, président du Conseil des investisseurs privés p. 72 INFRASTRUCTURES Tous les chemins mènent au Bénin p. 78 TIC Au rendez-vous des surfeurs

p. 82

TRANSPARENCE Boni contre les requins p. 88 PORTRAITS Quadras entreprenants p. 90

TÉLÉVISION Le mastodonte et les moustiques

p. 98


66

Le Plus de Jeune Afrique

SOCIAL

Comment renouer

le dialogue? Depuis décembre 2013, le pays vit au rythme des sit-in et des grèves. En mars, le gouvernement a lâché du lest en matière salariale. Mais les esprits ne se sont pas tous calmés. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE


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VALENTIN SALAKO

tracts toujours à portée de main, il aime à rappeler énergiquement la chronologie – la sienne – de cette grève que son syndicat ainsi que la CSTB (le plus important syndicat du pays) maintiennent depuis près de cinq mois.

HABY NIAKATE,

I

envoyée spéciale à Cotonou

l fulmine encore et parle de « trahison ». Laurent Métognon, secrétaire général de Fesyntra-Finances, l’un des six principaux syndicats du Bénin, en veut toujours à ses collègues des autres centrales (CSABénin, Cosi-Bénin, CGTB et CSPIB) d’avoir suspendu leur participation à la grève générale de la mi-avril. « Nous restons soumis à notre base militante, qui veut que la grève continue, et n’avons pas changé de camp, contrairement aux autres, pour faire le jeu du gouvernement », explique-t-il. À la Bourse du travail de Cotonou, JEUNE AFRIQUE

p Cotonou, le 25 mars. Point de départ des manifestations : un concours présumé truqué.

INÉDIT. Tout a commencé fin décembre 2013. Pour dénoncer des « fraudes » dans l’organisation d’un concours de recrutement au ministère des Finances et réclamer « plus de libertés », les syndicats décident d’organiser une marche. Celle-ci, autorisée par la mairie de Cotonou mais interdite par la préfecture, a tout de même lieu le 27 décembre. Elle sera réprimée par la police, faisant une dizaine de blessés, selon les syndicats. Début janvier, ils appellent à la grève générale. Et seront entendus… Enseignement, santé, justice, ministère des Finances… Quasiment toutes les administrations débrayent pour ne travailler que deux jours ou trois jours de la semaine. Et si les revendications de la marche étaient relativement limitées, celles de la grève générale s’élargissent : limogeage du préfet et du commissaire de police de Cotonou, annulation du concours polémique, revalorisation du salaire des enseignants et du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), renforcement des libertés publiques, etc. « La grève a même échappé à ses initiateurs », souligne Kassa Mampo Gilbert, secrétaire général adjoint du syndicat CSTB. De semaine en semaine, le mouvement se durcit. Bien qu’infructueuses, les rencontres entre délégations gouvernementales et syndicales se succèdent. Les sit-in, meetings, « moratoires » et « motions » rythment la vie quotidienne des Béninois. « Notre pays a connu de nombreux épisodes de grève, mais celui-ci est inédit et témoigne d’un profond malaise social, explique un praticien hospitalier gréviste qui préfère garder l’anonymat. Nous nous sommes joints au mouvement, pour des questions de rémunération et parce que nous manquons de matériel pour travailler. » BRÈCHE. Le 12 mars, près de deux mois plus tard,

le président béninois Thomas Boni Yayi présente ses excuses pour la manifestation du 27 décembre. Le gouvernement accepte aussi de relever le smig de 31 000 F CFA (47 euros) à 40 000 FCFA et de payer les retenues sur salaire faites aux enseignants grévistes. Le 25 mars, les syndicats organisent une nouvelle marche pour marquer les trois mois de leur mouvement. Le lendemain, le gouvernement annule ledit concours et estime par l’intermédiaire de Martial Sounton, son ministre du Travail et de la Fonction publique, chargé du dialogue social, avoir fait « suffisamment d’efforts ». Pas assez, au goût des syndicats, qui réclament toujours la tête du préfet et du commissaire de police. « Nous sommes en plein jeu du chat et de la souris, N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


Le Plus de J.A. Bénin tempête un cadre ministériel. Dès qu’une brèche est colmatée, ils en ouvrent une autre. » TRAVAIL. De son côté, l’opposition accuse le pou-

voir de « laisser pourrir la situation ». « C’est une grève qui a tout de politique, mais qui n’est pas et ne peut pas être manipulée par des politiciens », déclare Orden Alladatin, secrétaire général du parti d’opposition Alternative citoyenne. Mais les élèves, les étudiants et leurs parents surtout, craignent une année blanche. Un spectre que finit par rompre le front syndical le 16 avril, avec la suspension de la grève par quatre centrales. Ces dernières invoquant « l’intérêt supérieur de la nation ». Un mois plus tard, les deux organisations récalcitrantes consentent à ce que leurs adhérents enseignants reprennent également le travail. « Mais nous poursuivons le mouvement

3 QUESTIONS À

dans les autres secteurs et continuerons sous différentes formes », prévient Laurent Métognon. Quelques jours plus tard, les magistrats sont sur le devant de la scène, à leur tour. De quoi inaugurer une seconde moitié de l’année 2014 aussi cauchemardesque socialement que la première? « Surtout pas! » lance Christian, trentenaire et entrepreneur, qui se plaint déjà d’avoir vu lui échapper de gros contrats « faute d’avoir pu faire authentifier à temps des documents par le tribunal, en grève depuis des semaines ». Il est difficile de prévoir les conséquences politiques de ces contestations lors des prochaines échéances électorales – législatives (2015) et municipales. Les conséquences économiques, quant à elles, n’ont pas été officiellement chiffrées. Mais elles sont déjà bien réelles. l

EMMANUEL GOLOU

Député, président du Parti social-démocrate (PSD)

« Entre les Béninois et la classe politique, la rupture est totale »

É

lu début 2012 à la présidence du Parti social-démocrate (PSD, opposition) et, en mars 2013, à celle du comité Afrique de l’Internationale socialiste (IS), Emmanuel Golou, 59 ans, siège depuis 1991 à l’Assemblée nationale, qu’il n’a quittée que de 1996 à 1998, pour prendre la tête du portefeuille de l’Énergie, des Mines et de l’Hydraulique dans le gouvernement d’Adrien Houngbédji, sous la présidence de Mathieu Kérékou. Économiste de formation, le député revient, pour Jeune Afrique, sur l’origine de la fronde sociale et des grèves perlées de la fonction publique qui ont paralysé le pays au début de l’année. JEUNE AFRIQUE : Le bras de fer entre le gouvernement et les partenaires sociaux n’est-il pas un épiphénomène, comparé à la crise de confiance qui semble s’être installée entre les Béninois et la classe politique ? EMMANUEL GOLOU: Je dirais même

qu’il y a une rupture totale. Celle-ci est apparue un peu avant l’élection présidentielle de 2006. Le peuple ne supportait plus des politiciens traditionnels et a choisi une personnalité, sans étiquette, Thomas Boni Yayi. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

VINCENT FOURNIER/J.A.

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Aujourd’hui, cette rupture semble encore plus profonde… Il est vrai que, depuis huit ans, le pays n’a pas connu de véritable paix sociale, il y a toujours une crise sur une nouvelle thématique: le coton, le port, etc. Un autre type de gouvernance aurait pu éviter cela. Y compris les grèves de début 2014 ?

Là encore, tout vient de la défiance des syndicats envers le gouvernement et les différents acteurs de la

vie politique. Car ce mouvement de contestation portait, dès le départ, sur des revendications qui ne sont pas nouvelles, comme celle de la revalorisation du salaire des enseignants. Pendant des années, nous avons repoussé ces discussions alors qu’il aurait fallu les mener pour résoudre ces questions et passer à autre chose. Le problème réside bien là. Par ailleurs, si le gouvernement veut parvenir à une bonne entente avec les travailleurs, il doit discuter et instaurer un vrai dialogue… Cette crise, elle aussi, aurait pu être évitée. Il s’agissait simplement d’une question de négociations. Entendez-vous par là que le gouvernement ne les a pas bien conduites ?

Non, pas du tout. Je dis qu’il aurait fallu engager des négociations bien avant que la grogne n’éclate. Lorsque les syndicats ont des revendications, il faut parler avec eux et leur dire clairement ce qui est réalisable et ce qui ne l’est pas. À force de faire des promesses que l’on ne peut tenir, les partenaires sociaux n’ont plus confiance et adoptent des positions jusqu’au-boutistes. l Propos recueillis à Cotonou par HABY NIAKATE JEUNE AFRIQUE


I N T E RV I E W M. Malik K. Melamu DIRECTEUR GÉNÉRAL DE MTN BÉNIN.

Nous sommes le 1er opérateur GSM à couvrir le Bénin du Nord au Sud. Deux ans après avoir déployé la 3G+ au Bénin, quel bilan faites-vous ?

M. Malik K Melamu : L’introduction de cette technologie a profondément changé les habitudes d’utilisation de l’internet au Bénin. Aujourd’hui, nous sommes le 1er opérateur GSM à couvrir le Bénin du Nord au Sud. Notre souci est de démocratiser l’outil internet en proposant à nos abonnés un accès à prix réduits notamment les téléphones et les forfaits internet à partir de 100 F CFA.

Quels retours avez-vous sur la satisfaction clients face à vos services 3G+ ? Nous pouvons affirmer que nos clients sont satisfaits. Cela découle surtout, du fait qu’ils maîtrisent de mieux en mieux les différents services proposés. La demande étant forte, nous avons créé ce que nous appelons ici « Les Dimanches du Net ». Nous donnons l’opportunité, même les dimanches, à nos abonnés, de tester et mieux connaitre les services 3G+, de configurer leur téléphone sur l’internet à petit prix. En un mois, nous avons enregistré des milliers de requêtes concernant l’internet mobile. C’est dire encore une fois que la demande est à nos portes et nous comptons aller au-delà des attentes de nos abonnés.

Avec une licence neutre de 20 ans et l’Afrique présentée comme marché télécoms en forte croissance, quelles sont les ambitions futures de MTN Bénin ? Effectivement, l’Afrique et surtout l’Afrique subsaharienne reste une région à fort potentiel en matière de croissance et d’impact de la téléphonie mobile, et MTN y est bien présente. Au Bénin, nous ambitionnons de rendre la vie de nos abonnés encore plus radieuse.

MESSAGE

- Rendre accessible internet (forfaits et terminaux) à moindre coûts pour nos abonnés - Développer l’utilisation des applications avec le concours « MTN Apps Challenge » ; le premier concours d’applications mobiles au Bénin ; un levier qui permettra aux jeunes développeurs d’applications de mettre leur génie au service de la communauté à travers des applications dans les domaines de la finance, l’éducation, la santé, l’agriculture, etc... Nous avons de très grands projets pour toutes les couches de la population béninoise (jeunes, adultes, ménages, professionnels, entreprises…) La licence neutre nous offre un champ infini de possibilités et nous comptons les exploiter entièrement pour inscrire définitivement le Benin au rang de choix dans ce village numérique que devient le monde.

Au-delà de ses activités télécoms, comment MTN Bénin compte aider le gouvernement à réaliser le rêve de faire du pays un quartier numérique de l’Afrique ? Aider le gouvernement à réaliser son rêve de faire du Bénin le quartier numérique de l’Afrique, nous le faisons déjà. MTN Benin étant une entreprise citoyenne, sa fondation a financé plusieurs projets dans le domaine de l’éducation numérique, parmi lesquels je peux citer les centres informatiques (school connectivity) dans les Universités d’Abomey-Calavi et de Parakou. Cerise sur le gâteau, jusqu’en 2015, 80 % du budget alloué à la fondation MTN Bénin sera consacré à l’éducation numérique. Notre objectif sera donc de créer des écoles numériques qui permettront d’augmenter la participation et les performances des élèves et étudiants pour le plus grand bonheur des acteurs du système éducatif béninois. ■

DIFCOM/DF - PHOTO : DR

Leader du marché béninois des télécoms avec 46 % de part de marché. MTN a introduit la 3G+ depuis 2012. Avec à sa tête M. Malik K. Melamu, l’opérateur leader nourrit de grandes ambitions pour passer définitivement le Bénin au numérique.


Le Plus de J.A. Bénin ÉCONOMIE

Couci-couça Côté face, une croissance soutenue, une inflation et une dette faibles, des finances publiques en ordre. Côté pile, un système fiscal inefficace et une corruption endémique.

A

vec une croissance annuelle qui semble durablement accrochée au-dessus de 5 % et des prix très sages, on ne peut pas dire que l’économie béninoise se porte mal. Et pourtant, elle semble frappée de langueur. La part très importante qu’y occupe le secteur informel empêche de jauger précisément l’état de santé des entreprises et l’évolution du pouvoir d’achat des familles ainsi que de comprendre les raisons pour lesquelles celles-ci n’ont pas un moral d’acier. Oui, le Bénin se développe, mais cahin-caha. Avec une croissance démographique de 3,5 % par an, il reste peu de choses à partager des 5,5 % de croissance réalisés chaque année depuis 2012. Et pour peu que la corruption et le favoritisme s’approprient une bonne part du gain restant, les plus pauvres n’obtiennent que les miettes de ces progrès modestes, et la misère ne recule pas. « Au mieux, les chiffres d’affaires des sociétés sont généralement stables, car les carnets de commandes ne sont pas bien garnis, explique Gilles Ahouanmenou, directeur du bureau Deloitte pour le Bénin. Cette tendance pourrait être inversée avec davantage d’investisseurs internationaux. Ils insuffleraient plus de dynamisme au pays. » Et il est vrai que les capitaux étrangers ne se bousculent pas pour investir dans un secteur agroalimentaire pourtant prometteur ou dans des partenariats public-privé avec

l’État. Le lancement de la fameuse boucle ferroviaire Bénin-Niger-Burkina-Côte d’Ivoire, dont tout le monde attend un surcroît d’échanges, ne doit pas faire illusion : la mauvaise qualité généralisée des infrastructures de transports et l’énergie resteront longtemps des goulots d’étranglement pénalisant une croissance par ailleurs handicapée par les finances publiques, les recettes douanières du port de Cotonou, le coton et la corruption. IMPÔTS. Les finances publiques ont valu au gouvernement les félicitations du Fonds monétaire international (FMI). Les déficits sont en baisse, et la dette est

Du mieux, mais à trop petites doses PIB (En milliards de $, en prix courants, éch. de gauche) CROISSANCE (Variation du PIB réel, en %, en prix constants, éch. de droite) 10 5,4 8

6,6

7,3

8,3

9,2

5,6

5,5

6

5

7,5

6

4 4

0

3

3,3

2 2,6 2010

2011

2012

2013*

2 2014**

* Estimations - ** Prévisions

Dette de l’État

BONS POINTS

0,97 %

Un taux d’inflation très modéré de 0,97 % en moyenne en 2013, soit nettement en dessous des 3 % du critère de convergence de l’UEMOA

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

la plus basse de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Malheureusement, le système fiscal n’est pas performant, et les impôts rentrent mal. En effet, la taille réduite du secteur formel a conduit les gouvernements successifs à alléger le fardeau fiscal de ce secteur en créant des exonérations… qui raréfient les recettes de l’État. Les finances du Bénin se trouvent dès lors

En pourcentage du PIB, en 2013*

25,6 %

Des investissements publics soutenus, qui sont passés de 17,6 % à 25,6 % du PIB de 2012 à 2013

29,8 %

Une dette de l’État raisonnable, malgré l’augmentation des investissements publics, maintenue à 29,8 % du PIB, contre une moyenne de 40 % en Afrique subsaharienne et de 40,2 % en zone UEMOA

Bénin

29,8

Mali

31,5

Burkina Faso

33,3

Niger

33,8

Côte d’Ivoire

43,2

Togo

43,3

Sénégal

45,9

Guinée-Bissau

61 JEUNE AFRIQUE

* Estimations

70


Dernière ligne droite

71

t Le train qui reliera dans deux ans Niamey à Cotonou est financé par le groupe français Bolloré.

Par ailleurs, deuxième source de richesse du pays, la production de « l’arbre à laine », le coton, monte trop lentement en puissance. La gestion par zones, qui a réussi au Burkina Faso, n’est toujours ni mise en application ni même expérimentée… C’est donc le gouvernement qui a continué de gérer le secteur cotonnier durant la campagne 2013-2014.

encore un peu plus dépendantes des recettes douanières et donc du fonctionnement du port de Cotonou, pivots de l’économie béninoise. Enjeu de la bataille qui a opposé, il y a deux ans, le président Boni Yayi et l’homme d’affaires Patrice Talon, le système portuaire avait été confié à la société SGS, associée au businessman. La désorganisation qui a suivi cette lutte a conduit à reconsidérer

cette option, à renforcer les capacités des douanes et à intensifier les contrôles après dédouanement. L’amélioration du port et de sa gouvernance semble en bonne voie. Reste que 80 % des marchandises importées sont réexportées vers le Nigeria et que cette dépendance lie dangereusement le Bénin aux soubresauts politiques et économiques qui affectent chroniquement son grand voisin.

FACTEURS DE RISQUES

5,6 %

JEUNE AFRIQUE

Une croissance molle à 5,6 % même si elle est supérieure au 4,47 % de moyenne de la zone UEMOA

159

millions

Des investissements directs étrangers en déclin ; 170 millions de dollars en 2008, 161 millions en 2011 et 159 millions en 2012 (en flux entrants)

174e

sur 189

Un mauvais climat des affaires, qui vaut au Bénin de stagner au 174e rang sur 189 pays classés dans le rapport « Doing Business » 2014 de la Banque mondiale

recule guère, et il est toujours aussi compliqué de gérer une entreprise au Bénin où la concurrence du secteur informel est redoutable. Créations bienvenues, mais à confirmer : un guichet unique pour accélérer le processus de création des entreprises et trois chambres spécialisées au sein du tribunal de Cotonou, destinées à accélérer le règlement des litiges commerciaux. La France a perdu sa place de premier fournisseur du Bénin au profit des États-Unis. Cet événement ne serait qu’anecdotique s’il ne s’expliquait par un afflux d’importations de matériel américain de forage pétrolier. Trouver des hydrocarbures dans le golfe de Guinée serait une bénédiction et, surtout, une occasion de diminuer le déficit commercial et de diversifier une économie encore embryonnaire, à condition que le gouvernement sache user de cette rente avec sagesse. Mais ne rêvons pas : les outils de recherche pétrolière sont là ; les gisements pas encore. Le gouvernement ne pourra pas éviter de réformer le port de Cotonou et la filière coton, comme l’en prient avec insistance les bailleurs de fonds. l ALAIN FAUJAS

Climat des affaires

Rang sur 189 pays classés en 2013

Burkina Faso

154

Mali

155

Togo

157

Côte d’Ivoire

167

Bénin

174

Niger

176

Sénégal

178

Guinée-Bissau

180 N 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014 O

SOURCES : FMI, AVRIL 2014 – CNUCED, JUILLET 2013 – BANQUE MONDIALE, DOING BUSINESS 2014

BOUREIMA HAMA/AFP

SECTEUR INFORMEL. La corruption ne


Le Plus de J.A. Bénin

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INTERVIEW

Roland Riboux « L’agro-industrie a le vent en poupe » Le pays devient économiquement attractif. Parmi les secteurs à gros potentiel, la construction, les transports et la filière coton, comme l’explique le président du Conseil des investisseurs privés.

Par ailleurs, en même temps que l’État cherche de nouvelles solutions pour améliorer les capacités énergétiques du pays et mettre un terme aux délestages qui perturbent la vie quotidienne, les partenaires techniques et financiers du Bénin, emmenés par l’Union européenne, ont mis à la disposition de la Société béninoise d’énergie électrique et de la Communauté électrique du Bénin un budget de 450 millionsd’eurosdanslecadred’unprogramme pluriannuel de soutien. Enfin, le tourisme reprend. Michel Abimbola, le ministre chargé de ce secteur, vient ainsi de relancer le grand projet de développement de la « route des pêches » [le chantier du premier tronçon de 13 km de longueur a débuté à la mi-février].

FIACRE VIDJINGNINOU POUR J.A.

Et dans votre secteur?

A

u cours de ses vingt ans de carrière au Crédit lyonnais, Roland Riboux, 68 ans, a enchaînélespostesenEurope, au Moyen-Orient et en Afrique, notamment au Cameroun, de 1973 à 1975, et au Nigeria, de 1991 à 1996. Cette année-là, le Français décide de rejoindre le monde de l’industrie et accepte la proposition du holding agroalimentaire TGI: il devient le PDG de la nouvelle filiale, Fludor Bénin (ex-Ecotrade), pour diriger le projet d’installation de l’huilerie du groupe à Cana, à 140 km au nord de Cotonou. L’usine entre en production en mai 2000. La même année, déterminé à développer le secteur et conscient de ses enjeux financiers et socio-économiques pour la région, Roland Riboux crée l’Association des industriels de la filière oléagineuse des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (AIFO-UEMOA). En 2002, il fonde le Conseil des investisseurs privés au Bénin (CIPB, qui réunit aujourd’hui N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

une quarantaine de grandes entreprises), dans l’objectif de contribuer à l’amélioration du climat des affaires dans son pays d’adoption. Changement des mentalités dans les administrations, meilleur fonctionnementdel’appareiljudiciaire,réforme de la fiscalité… Les axes de réflexion et les propositions ne manquent pas. JEUNE AFRIQUE: Quels sont les domaines où investir au Bénin? ROLAND RIBOUX: Le pays regorge d’op-

portunités et l’État se montre tout disposé àsoutenirlesinvestisseursintéressés.Dans le secteur de la construction, par exemple, le Libano-Sénégalais Latfallah Layousse [groupe Ciments du Sahel] a obtenu des conditions favorables pour créer sa société au Bénin, dont la cimenterie est entrée en activité fin 2013. Et, le 9 avril dernier, le Français Vincent Bolloré était à Cotonou pour le lancement de l’énorme chantier de la boucle ferroviaire qui reliera le Bénin, le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.

L’agro-industrie est certainement la branche qui présente les plus importantes opportunités d’investissements. En effet, la filièrecoton,premièrecultured’exportation du pays, est à la croisée des chemins. L’État a opté pour un mode de gouvernance de la filière par « zonage ». On attend désormais que des opérateurs privés viennent gérer ces zones [constituées autour des usines d’égrenage], afin de permettre au pays d’atteindre son véritable potentiel, à savoir une production d’au moins 500000 t de coton-graine par an [elle était inférieure à 250000 t pour la campagne 2012-2013]. Toujours dans les oléagineux, l’anacarde devrait aussi attirer de nouveaux projets d’investissement, notamment pour la création d’unités de décorticage. Fludor s’y intéresse. Depuis sa reprise en main par l’État en 2012, la filière coton semble avoir du mal à retrouver ses marques…

La production de coton-graine atteindra à peine 330000 t pour la campagne 20132014. Celle-ci a commencé tard en raison des difficultés que le comité chargé de sa gestion a rencontrées pour s’entendre avec les égreneurs, tous privés, sur le prix de l’égrenage à façon dans leurs usines. Il est temps qu’un cadre permanent soit défini, car on ne peut pas demander année après année au président de la République et au ministre de l l l JEUNE AFRIQUE


COMMUNIQUÉ

Promotion de l’emploi au Bénin

L’Anpe en avant-garde de la réduction du chômage et du sous-emploi Au Bénin, l’emploi est au centre des politiques publiques. L’Agence nationale pour l’emploi (Anpe) y travaille avec des stratégies offensives et des mesures pertinentes.

E

n décrétant 2014, année de l’emploi avec des mesures soutenues par un budget d’environ 90 milliards, le président Boni Yayi confirme que la réduction du chômage et du sous-emploi constitue l’une de ses préoccupations.

Françoise Abraoua ASSOGBA Ministre Chargé de la Microfinance, de l’Emploi des Jeunes et des Femmes

Didier Maixent DJEIGO Directeur Général Anpe

directiongenerale@anpe-bj.org

www.anpe-bj.org

Au titre des programmes, il y a le Programme d’appui à l’emploi salarié (Paes) pour faciliter la pré-insertion et l’insertion des jeunes dans l’emploi salarié dans les secteurs public et privé. 6600 bénéficiaires sont prévus au titre de 2014. Le programme d’appui à l’emploi indépendant (Paei) développe l’esprit d’entreprise et contribue à l’émergence de nouveaux entrepreneurs. Entre 2006 et 2014, environ 11 000 primo-entrepreneurs ont été accompagnés à travers des formations et des stages d’immersion. Quant au ‘‘Renforcement des capacités des demandeurs d’emploi’’ (Rcde), il assure des formations adaptées pour perfectionner et reconvertir le chercheur d’emploi.

Le Programme d’appui à l’orientation professionnelle (Paop) est composé de deux activités d’orientation professionnelle que sont le « Projet Professionnel Personnel » et le « Samedi des métiers » (SdM) qui fait le zoom sur les métiers porteurs dans les secteurs identifiés comme pôles de développement. 14 500 jeunes ont bénéficié du PAOP. Pour mieux servir ses cibles, l’Anpe est implantée dans tous les départements du pays à travers ses douze antennes et ses trois Guichet Emploi Campus. Ainsi, l’Agence s’inscrit pleinement, sous l’autorité de Françoise Assogba, Ministre en charge de l’emploi, dans la vision du Gouvernement en la matière : « à l’horizon 2025, toutes les Béninoises et tous les Béninois en âge de travailler disposent d’un emploi susceptible de leur procurer un revenu permettant de satisfaire leurs besoins vitaux et leur bien être intégral ». Pour ce faire, l’Anpe qui fête ses dix ans d’existence, renforce ses capacités d’intervention auprès de ses bénéficiaires à travers de nouvelles mesures dont un Programme de volontariat et d’insertion directe des jeunes diplômés à travers des contrats de travail dans un emploi durable et décent. ■

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L’Agence nationale pour l’emploi (Anpe), dont la mission est de « contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de la Politique nationale de l’emploi », se voit davantage interpellée, selon son directeur général Didier Maixent Djeigo. L’Anpe est, en effet, la principale porte d’entrée pour bénéficier des opportunités gouvernementales en matière d’emploi. C’est donc à juste titre qu’elle a élaboré des mesures actives que sont ses programmes pour une gestion anticipative et corrective du chômage et du sous-emploi à côté de l’intermédiation entre l’offre et la demande.

Le Partenariat décentralisé pour l’emploi (Pade), consiste, à l’échelle locale, en la décentralisation de l’offre de service de l’Anpe et donc à une meilleure implication des collectivités locales dans la promotion de l’emploi et à la mise à la disposition des 77 communes de ressources matérielles et humaines.


74

Le Plus de J.A. Bénin l’Agriculture d’arpenter les zones cotonnières pour remobiliser les producteursetlesinciteràcontinuerdecultiverdu coton. En décembre 2012, l’État avait clairement indiqué qu’il avait retenu l’option du zonage, qui a fait ses preuves en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Il serait temps que ce modèle soit, désormais, testé. lll

Investissements directs étrangers (IDE, en millions de $) 177

170

Comment améliorer l’environnement des affaires?

En 2008, grâce à une requête formulée via le Programme d’appui au secteur privé de l’Union européenne, le CIPB a obtenu la création d’un cadre de concertation sur la fiscalité avec le ministère des Finances. C’est une innovation remarquable [un tel cadre n’existe même pas en France],

159

Sur quels chantiers avez-vous observé des changements?

2012

Quels sont les principaux freins au développement du secteur privé?

Le premier est sans nul doute l’administration. Elle est dotée, comme son modèle français, d’un statut de la fonction publique qui engendre une lenteur et une cécité, voire de l’autisme, face aux réalités des entreprises et à leurs demandes légitimes. Autre problème : le Code du travail. Bien que beaucoup moins volumineux que son équivalent français, il est animé par le même esprit : l’employé est une victime et l’employeur un criminel en puissance… Ce qui aboutit très souvent à des condamnations aberrantes, qui sont finalement corrigées en appel, mais des années plus tard, alors que le mal a été fait. Il faudrait par exemple y introduire un barème des préjudices, pour notamment limiter les dommages et intérêts consécutifs à un licenciement considéré comme abusif à un nombre fixe de mois de salaires… ce qui éviterait ces situations ubuesques où certains juges accordent des indemnités équivalant à plus d’un siècle de salaire !

161

134

espérons que l’Union européenne nous appuiera à nouveau pour qu’un cadre de concertation soit instauré, afin que l’État prenne la mesure du retard de notre pays en ce domaine et y remédie.

2011 2010 2009 2008

qui permet aux entrepreneurs privés de dialoguer avec la direction des impôts sur les règles fiscales et leurs applications. Nous venons d’obtenir de Valentin Agossou, le garde des Sceaux, la création d’un cadre de concertation public-privé

Le secrétaire permanent du Conseil présidentiel pour l’investissement travaille avec acharnement à améliorer le climat des affaires, et on observe déjà quelques progrès. Par exemple en ce qui concerne la simplification des formalités pour la création d’entreprise ou l’obtention du permis de construire. L’une des autres pistes est le développement de l’e-administration dans les services en contact avec le public. Un dossier suivi par Antonin Dossou, le ministre chargé de l’évaluation des Politiques publiques et des programmes de dénationalisation. Mais il ne pourra y avoir d’avancée que si l’administration change d’état d’esprit et si le cadre de concertation sur la justice

Certains juges accordent des indemnités équivalant à plus d’un siècle de salaire, une situation ubuesque! similaire à celui du ministère de la Justice, dontnousattendonsbeaucoup.Entantque contribuables, nous insisterons pour que l’appareil judiciaire soit doté des moyens qui lui permettent de fonctionner avec efficacité et célérité. Cela passe par l’augmentation du nombre de greffiers, mais aussi du parc d’ordinateurs ou de groupes électrogènes, sans oublier la maintenance. Enfin, le CIPB vient de créer un groupe de travail sur les télécoms, autre goulot d’étranglement pour l’économie. Nous

atteint ses objectifs. Il est regrettable que l’exécutif béninois n’ait pas suivi l’initiative prise ces deux dernières années par certains pays, comme la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Togo, qui ont eu recours au programme de mise à niveau et de coaching des cadres de l’administration Agora[Accompagnementgouvernemental des réformes en Afrique] proposé par le réseau international de HEC. l

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2

Fonds National de la Microfinance

L M. Jean Comlan Panti,

Directeur général du FNM Bénin.

« Une synergie dʼactions est nécessaire pour booster les différents secteurs de lʼéconomie. »

a microfinance est aujourdʼhui perçue à travers le monde comme un outil incontournable de développement à la base et de lutte contre la pauvreté. Au nombre des priorités du Gouvernement béninois depuis 2006, un accent particulier est mis sur le développement de la microfinance pour contribuer à la réduction de la pauvreté et conduire à une croissance économique soutenue. Cʼest dans ce cadre que deux actes significatifs ont été posés par le Gouvernement pour concrétiser cette vision. Il sʼagit de : • la création du Fonds National de la Microfinance par décret n° 2006-301 du 27 juin 2006 avec pour attribution principale de promouvoir lʼinclusion financière et pour finalité lʼamélioration des conditions de vie des populations ; • la mise en œuvre du Programme de Micro Crédit aux Plus Pauvres (MCPP) qui est un paquet de trois services offerts à la cible à savoir : la formation, le microcrédit et lʼépargne. Le FNM a pour mission de « Renforcer les capacités financières et opérationnelles des SFD (Système Financier Décentralisé) afin de satisfaire de façon permanente, les besoins de services financiers et non financiers de proximité exprimés par leurs bénéficiaires que sont les personnes nʼayant pas

Schématisation du mode dʼintervention du FNM Bénin.

MESSAGE

LE FONDS NATIONAL DE LA MICROFINANCE EST CERTIFIÉ ISO 9001 : 2008 DEPUIS LE 7 AOÛT 2012. IL EST AINSI DEVENU LA « PREMIÈRE INITIATIVE PUBLIQUE DʼAPPUI À LA MICROFINANCE AU MONDE À ÊTRE CERTIFIÉE ISO 9001 : 2008 ».

accès au système financier classique ». Il opère à travers cinq axes dʼintervention que sont : 1. Refinancement et mise en place des lignes de crédit au profit des SFD intervenant en faveur des couches démunies ; 2. Sécurisation des prêts et bonification des taux dʼintérêt, tant au profit des partenaires stratégiques que des populations cibles ; 3. Appuis institutionnels et renforcement des capacités des partenaires stratégiques et des populations cibles ; 4. Développement dʼintervention dʼaccompagnement à vocation sociale et mise en place de nouveaux produits à vocation technologique ; 5. Gouvernance et gestion.

Expérience du fonds national de la microfinance en finance participative Lancée dans la finance conventionnelle depuis 2006 à travers la stratégie de « faire-faire » conformément au Document de Politique de la Microfinance au Bénin, le Fonds National de la Microfinance (FNM), dans le cadre de la mise en œuvre du partenariat noué en 2010 avec la Banque Islamique de Développement (BID), a démarré une nouvelle approche de finance dénommée « finance participative ». Cette nouvelle approche est mise en œuvre à travers le Programme Intégré dʼAppui à la Microfinance en République du Bénin (PIAMF_Ben) et fonde ses principes sur la Finance Islamique. Le programme porte sur un coût total de sept milliards sept cent quatre vingt cinq millions (7.785.000.000) de Francs CFA soit dix sept millions trois cent mille (17.300.000) US dollars avec un taux de change de 1 US $ = 450 F CFA. Ce programme comprend six composantes à savoir 1- ligne de financement ; 2- renforcement des capacités des acteurs ; 3- capacitation des plus pauvres en formation professionnelle, apprentis-

Offrir de meilleurs produits et services financiers et non financiers visant à faire des pauvres des agents économiques de plein droit et des potentiels investisseurs de lʼavenir.

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De gauche à droite : 1. Bénéficiaire du FNM arrosant son champ. 2. Le Ministre en charge de la Microfinance remettant le chèque au partenaire SIANʼSON. 3. Groupement de bénéficiaires dans la transformation des noix de palme. 4. Groupement de femmes (productrices de farine de manioc) bénéficiaires du MCPP en activité. 5. M. Jean Comlan Panti dans un champ de coton. 6. Des bénéficiaires en pleine activité de pêche.

sage et Alphabétisation/ Sensibilisation ; 4- appui à lʼunité dʼexécution du projet ; 5- audit et supervision du projet ; 6- ateliers de démarrage, de revue à mi-parcours et dʼachèvement du programme. La ligne de financement est composée de la sous-composante financement des Activités Génératrices de Revenus qui rime avec le MCPP et le financement des Micro et Très Petites Entreprises (MTPE). Le financement des Micro et Très Petites Entreprises (MTPE) est mis en œuvre selon le mode de la finance participative dont lʼapproche tranche avec celle de la Microfinance conventionnelle. La particularité est que le Système Financier Décentralisé (SFD) ne se contente pas seulement de mettre en place le crédit sans suivre lʼactivité pour laquelle ce crédit a été mis en place et à échéance, venir le recouvrer. Ici, le SFD établit avec le bénéficiaire ou le promoteur de projet, une relation dʼaffaires dans laquelle il joue le rôle dʼun vrai partenaire en prenant le risque avec ce dernier et prêt à partager le gain ou la perte générée par lʼactivité économique financée. Cʼest une approche qui permet de considérer le pauvre comme agent économique avec lequel on peut faire des affaires.

Mécanisme de fonctionnement de la finance participative par le FNM et les différents acteurs impliqués.

La finance participative est la solution aux problèmes dʼemplois des jeunes et surtout de la promotion de lʼentreprenariat des jeunes. Au regard de son expérience enrichissante dʼune part, et de la pertinence de ses interventions dans la lutte contre la pauvreté et de la promotion de lʼauto emploi, le FNM reste ouvert pour tout partenariat avec le Bénin visant à promouvoir la finance inclusive par la mise en place des mécanismes innovants au grand bonheur des populations défavorisées.

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Le personnel du FNM Bénin : une équipe jeune et dynamique pour la promotion de lʼinclusion financière au Bénin.


Le Plus de J.A. Bénin

JACQUES TORREGANO/FEDEPHOTO POUR J.A.

78

p Chantier d’élargissement de la route côtière reliant Ouidah à Lomé (ici en 2012). INFRASTRUCTURES

Tous les chemins mènent au Bénin dans le nord du pays, le président béninois a confirmé la construction d’un second aéroport dans la banlieue nord de Cotonou pour la fin de juillet. Ce projet, estimé à 360 milliards de F CFA (548 milfluidifier le trafic de la capitale éconolions d’euros), a été confié au consortium mique et donc stimuler la compétitivité du sud-africain Aerosun Aviation. Enfin, le Bénin,entantqueplateformed’échangesà port en eau profonde, promis depuis caractère sous-régional. C’est dans un but de nombreuses années par les pouvoirs similaire que, accompagné de son homopublics à la frontière avec le Nigeria, logue nigérien, Mahamadou Issoufou, n’a toujours pas été construit. Le projet et de Vincent Bolloré, PDG français du reste pourtant d’actualité selon le chef de l’État, qui a annoncé que le chantier groupe qui porte son nom, le président a débuterait en 2015. donné, le 8 avril à Cotonou, le coup d’envoi Dans le même temps, de nombreux des travaux de la future boucle ferroviaire ouest-africaine. Laquelle ralliera Lomé à ouvrages d’assainissement ont vu le jour Abidjan, en passant par Cotonou, Niamey dans la région de Cotonou. Un réseau de et Ouagadougou – une distance de plus collecteurs a été réalisé dans la métropole pour résoudre le problème récurrent des inondations En huit ans, le réseau routier dans certains quartiers. En est passé de 9 000 km à 15 700 km. mars 2014, le gouvernement a annoncé qu’un de 2 800 km. Outre la réfection de la gare pont remplacerait la digue de Fifadji, centrale de Cotonou, la partie béninoise régulièrement débordée par les flots lors comprend la réhabilitation des 448 km de de la saison des pluies. Enfin, depuis la ligne reliant la capitale économique à février, le paysage de Cotonou s’est enrichi Parakou, situé à la frontière avec le Niger. de deux tours en centre-ville destinées Selonlesautoritésbéninoises,unequaranà recevoir les administrations de quatre taine de trains de marchandises devraient ministères ainsi que leurs archives. Ces utiliser quotidiennement cette liaison au deux immeubles culminent autour du départ de Cotonou, une fois la boucle… nouveau centre de conférences multibouclée. fonctionnel, qui devrait être inauguré Par ailleurs, en plus de la construction dans les prochains mois. l en cours d’un aéroport international FIACRE VIDJINGNINOU, à Cotonou

Maillage routier entre capitales sous-régionales, boucle ferroviaire ouest-africaine, aéroport international… En matière de transports, le pays passe la démultipliée.

M

«

ême si beaucoup des projets qu’il a lancés ont accouché d’éléphants blancs, Thomas Boni Yayi a le mérite d’être le président le plus ambitieux en matière d’infrastructures que le Bénin ait connu depuis son indépendance », assure le politologue Mathieu Dossouvi. Dès son accession au pouvoir, en 2006, le président donne le ton: « Mon ambition est de faire du Bénin un pays de services. » L’effort porte particulièrement sur les transports, à commencer par le réseau routier. Estimé à 9 000 km en 2006, il couvre aujourd’hui 15 700 km, dont un peu plus de 6 000 km de chaussées bitumées, entre les routes inter-États et les nationales. Le maillage a été resserré autour des principaux corridors qui relient Cotonou aux différentes capitales sous-régionales. Deux d’entre eux montent en direction du nord, vers Niamey pour l’un, en direction de Ouagadougou et de Bamako pour le second, pendant que trois autres routes suivent un axe est-ouest pour connecter le Bénin à ses voisins togolais et nigérian. Le gouvernement a aussi considérablement amélioré la desserte de Cotonou, avec la construction d’échangeurs censés N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Bénin

80

MARITIME

De quoi le PAC est cap’ derniers mois sur les terminaux béninois. Le port a ainsi traité 7,8 millions de tonnes de marchandises en 2013, soit une hausse de 5,4 %, selon la direction portuaire, qui attend pour 2014 une nouvelle progression de 7,2 %. Ce qui permettrait au PAC de franchir la barre symbolique des 8 millions de tonnes.

Un guichet unique plébiscité par les usagers, des opérateurs privés qui y jettent l’ancre… Le Port autonome de Cotonou est en forme : les flux commerciaux devraient croître de 7,2 % en 2014.

VALENTIN SALAKO

RÉVOLUTION. L’établissement por-

p Depuis mars, les porte-conteneurs nouvelle génération de Maersk font une escale hebdomadaire à Cotonou.

L

année 2014 a démarré en trombe pour le Port autonome de Cotonou (PAC). Véritable poumon de l’économie béninoise, il représente chaque année 90 % des échanges commerciaux du pays et 60 % de son PIB. Chaque semaine depuis le mois de mars, les tout nouveaux porteconteneurs de la classe Wafmax, de la compagnie maritime danoise Maersk Line, font escale à Cotonou. D’une capacité maximale de 4500 équivalents vingt pieds (EVP, unité de mesure pour les transports en conteneur), ces navires nouvelle génération, mis en ligne entre la Chine et l’Afrique depuis 2012, sont les plus gros porte-conteneurs jamais alignéssurlacôteouest-africaine.Unmotif de fierté supplémentaire pour le PAC, déjà récompensé par la Banque mondiale pour l’installation réussie de son guichet unique en octobre 2011. Une première pour un port africain. « C’est certainement ce qui a décidé Maersk à choisir Cotonou pour ses escales », veut croire Samuel Batcho, directeur général de l’établissement public à caractère commercial. Mis en place pour simplifier les procédures et les formalités de passage N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

des marchandises, le guichet unique permet de réduire les délais et donc les coûts pour les utilisateurs du port. « Tout change ici », confirme Ousséini Kountché, importateur nigérien de véhicules d’occasion. « Il fallait cinquante-deux jours pour sortir les marchandises, dorénavant toutes les opérations peuvent se faire en cinq jours ouvrables. De plus, les vols de véhicules à l’intérieur de l’enceinte portuaire ont totalement cessé. » Les résultats ne se sont pas fait attendre, et le trafic a fortement progressé ces 22,5

21,7

21,5

16,6

Trafic portuaire

Abidjan Lomé Cotonou

en millions de tonnes/an

8,8

8

8,2

7,8

7

6,8

7,4

7,8

2010

2011

2012

2013

tuaire peut compter sur le soutien de ses opérateurs privés pour accompagner la croissance du trafic. Présent sur les quais béninois depuis 2009, Bolloré Africa Logistics (BAL) ne lésine pas sur les investissements pour aménager son terminal, équipé depuis avril 2013 de deuxportiquesdemanutention.Lecontrat de concession signé pour vingt-cinq ans prévoit l’installation de deux portiques supplémentaires, « en fonction de l’évolution des volumes de marchandises », précise la direction portuaire. BAL souhaite investir plus de 200 millions d’euros sur Cotonou. De son côté, Maersk Line, via sa filiale locale Coman SA, construit depuis juillet 2013 un terminal de 7 ha. Et réfléchit à l’opportunité de disposer de ses propres portiques, notamment pour accompagner les augmentations de trafic de conteneurs provoquées par les escales supplémentairesdesWafmax.Cequipourrait représenter près de 100000 conteneurs supplémentaires chaque année. « C’est une véritable révolution pour la manutention locale », estime Samuel Batcho, qui compte bien voir le port en profiter pour confirmer sa vocation sous-régionale, notamment en direction des pays enclavés de la région (Niger, Burkina Faso, Mali, Tchad), ainsi que pour certaines régions du Nigeria. Déjà, en 2013, le trafic avec Niamey avait doublé en volume grâce à la hausse des importations de produits alimentaires et de matériaux de construction. La direction du PAC attend avec impatience la construction de la boucle ferroviaire d’Abidjan à Cotonou, via le Burkina Faso et le Niger. « Un port sans voie ferrée avec son hinterland n’a aucune chance aujourd’hui », répète Samuel Batcho, qui espère récupérer du trafic, à commencer par les minerais liés aux développements miniers à venir au Niger. l FIACRE VIDJINGNINOU JEUNE AFRIQUE


Partenaire et interlocuteur de confiance des entreprises, des régions économiques et de l’Etat, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin a choisi de développer de nouvelles actions pour devenir le porte étendard de l’économie béninoise. Le nouveau Bureau Exécutif de la Chambre de Commerce d’Industrie du Bénin s’engage avec le gouvernement dans un dialogue et un partenariat public-privé fécond afin d’apporter aux entreprises des solutions pragmatiques pour suivre un sentier de croissance prospère et créateurs d’emplois. Ouvrir nos régions économiques à de nouveaux investisseurs et assurer le développement harmonieux de nos départements sont les grandes orientations qui guideront nos actions. La CCIB est au service de 15.000 entreprises de commerce, industrie et service pour les assister, les promouvoir, les accompagner, les représenter et développer les atouts économique du Benin.

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BENIN

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«Depuis le 25 janvier 2014, la CCI Bénin dispose d’une nouvelle équipe dirigeante. Elus pour un mandat de 5 ans, les nouveaux membres de la CCI Bénin ont choisi Jean Baptiste SATCHIVI, le PDG du Groupe CDPA International et 6 des leurs pour diriger la faîtière des entreprises au Bénin. La CCIB est au service des 15.000 entreprises de commerce d’industrie et de services pour les accompagner, les représenter et développer les atouts économiques du Bénin». ASTUS CITE Tél : +229 96 24 24 25

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-, 2&'(&##1+,0*(

M. Jean-Baptiste SATCHIVI Président de la CCIB Président du Conseil d’Administration du Groupe CDPA International

M. SOULEY M. YACOUBOU Premier Vice Président de la CCIB

Mme Awahou CODJO ALABI Deuxième Vice Présidente de la CCIB

M. Antoine HOUSSOU Troisième Vice Président de La CCIB

Administrateur de WANG Technologies

Présidente Directrice Générale de AWA FISH

Président Directeur Général de PHARMAQUICK

M. Sylvain LAWSON Secrétaire Exécutif de la CCIB

M. Athanase Ludovic MEHOBA Trésorier Général de la CCIB

Président Directeur Général de Law Trans

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01 BP 31 Recette Principale, Avenue de Gaulle (Cotonou - Rep. du Bénin Tél. : (229) 21 31 43 86/ 21 31 20 81/ 21 31 12 38 Fax : (229) 21 31 32 99 E-mail : info.ccib@ccibenin.org Site web : http://www.ccibenin.org


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Le Plus de J.A. Bénin TIC

Au rendez-vous des surfeurs Depuis deux ans, l’internet et la téléphonie mobile sont en plein essor. Les infrastructures s’améliorent, sur un marché dominé par MTN et Moov.

D

epuis 2002, le Bénin est une progression de plus de 14,5 % par connecté au câble sousrapport à 2012. Une évolution qui s’est marin de fibre optique Sat-3 répercutée sur l’amélioration du taux de et bénéficie donc d’un réseau pénétration, passé de 89,78 % fin 2012 à à haut débit. Mais les infrastructures ne 96,43 % fin 2013. De même, le nombre suivent pas. Afin d’accroître le taux de d’abonnés à l’internet a été multiplié par pénétration de l’internet et de réduire 2,5 en un an, passant de 456 800 à près de 60 % le tarif des offres des fournisde 1,13 million entre décembre 2012 et seurs d’accès, l’État a lancé de nouveaux décembre 2013. travaux d’équipement en fibre optique Ce décollage est en grande partie en juillet 2012. Grâce à un crédit de lié à l’attribution d’une licence 3G, en 35 millions de dollars (près Fin 2013, on comptait 9,6 millions de 25,3 millions d’euros) qui lui a été attribué par la d’abonnés mobile et plus de Banque mondiale, le pays va 1 million d’abonnés à l’internet. s’arrimer à un second câble sous-marin. Les travaux, en mars 2012, à MTN-Bénin (filiale du cours de réalisation dans le cadre du Programme régional d’infrastructures de sud-africain MTN), puis, en juin 2013, communication de l’Afrique de l’Ouest à Moov-Bénin (filiale du Qatari Etisalat). (Warcip), devraient s’achever en 2017. Les deux groupes se partagent désorEn attendant, les Béninois ont bien du mais la plus grosse part du marché de mal à surfer. la téléphonie et de l’internet mobile « La mascotte de l’internet au Bénin (voir infographie), au détriment des devrait être une tortue avec un frein à autres opérateurs — Glo (filiale du main. Tantôt ça marche, tantôt ça ne groupe nigérian Globacom), Bell Bénin marche pas… Pourtant, c’est sur les côtes Télécoms (BB Com) et Libercom (filiale béninoises qu’atterrit Sat-3 », explique mobile de l’opérateur historique, Bénin Bruno Ahongbonon, technicien en inforTélécoms) —, qui perdent du terrain et les suivent de très loin. matique à Cotonou. De fait, la plupart des pays ouest-africains voisins sont tributaires d’interconnexions passant par le Bénin pour accéder au haut débit. 3,5 La rupture du câble par des bateaux Parc passant au large des côtes béninoises, 12,8 d’abonnés en mai 2011, et un incendie de la boîte des 32,5 de transmission, en janvier 2012, ont 18 opérateurs d’ailleurs quasiment privé de web toute GSM la région : dans le sillage des Béninois, (En %) les internautes togolais, burkinabè, 33,2 nigériens et ivoiriens se sont retrouvés coupés du reste du monde.

COÛT. L’an dernier, les investissements

dans les réseaux de télécoms au Bénin ont atteint 151 millions d’euros (contre 118,6 millions d’euros en 2012, soit une hausse de 27,4 %), dont plus de 116,7 millions d’euros réalisés par Moov et 26,47 millions par MTN. Grâce à ce « coup de booster », les utilisateurs, entreprises comme particuliers, commencent enfin à bénéficier d’infrastructures efficaces, même si la facturation au volume adoptée par les fournisseurs reste encore difficilement accessible au plus grand nombre en raison de son

2,9 11,5

pays en termes de téléphonie mobile et d’internet se sont considérablement accrues ces deux dernières années. Selon l’analyse de l’Autorité transitoire des postes et télécommunications (ATRPT), le parc des abonnés mobile a dépassé les 9,6 millions au 31 décembre 2013, soit N 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014 O

Parts du marché de l’internet mobile (Par chiffre d’affaires des opérateurs, en %)

Moov 34,4

15,3

Glo BB Com

36

1,9 0,5

DÉCOLLAGE. Pourtant, les capacités du

MTN

Libercom

2,4 0,5

12,2

10,8

28,9

56,6

2012

31

55,3

2013

SOURCE : ATRPT, DÉCEMBRE 2013 JEUNE AFRIQUE


Dernière ligne droite

SOBEMAP

VALENTIN SALAKO POUR J.A.

Société Béninoise des Manutentions Portuaires

coût. L’abonnement à l’internet pour une puissance de 250 Mo varie en effet entre 1 500 F CFA et 2 000 F CFA (entre 2,29 euros et 3 euros) selon les opérateurs, dans un pays où plus de 35 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté (avec moins de 0,90 euro par jour).

p Le cybercafé La Piscine, dans le quartier du Cinquantenaire, à Porto-Novo.

>>> Manutention >>> Transit >>> Consignation maritime >>> Avantages et facilités offerts aux clients >>> Des infrastructures et des équipements de performance Professeur Soumanou SEIBOU TOLERA PDG de la SOBEMAP

NOUVEAU SOUFFLE. Glo n’a développé

FIACRE VIDJINGNINOU, avec CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

SOBEMAP 01 B P 35 COTONOU Tél. : (229) 21 31 41 45 Tél. : 21 31 36 09 / 21 31 39 83 Fax : (229) 21 31 53 75 E-mail : sobemap@intnet.bj www.sobemapcom

DIFCOM/FC - Photos : DR

son réseau qu’entre Cotonou, PortoNovo et la frontière avec le Nigeria. Quant à Libercom et Bell Bénin, ils sont toujours à la recherche d’investisseurs pour donner un nouveau souffle à leurs activités grippées par un manque de stratégie de développement. L’État a d’ailleurs fini par imposer à Libercom sa fusion avec Bell Bénin, avant le rachat de l’ensemble par le groupe français Orange. Au passage, ce dernier prendra en charge l’activité commerciale de Bénin Télécoms, comme ce fut le cas pour Côte d’Ivoire Télécom. Depuis 2012, l’État avait refusé l’offre de Maroc Télécom d’acquérir l’opérateur historique béninois pour un montant de 26 milliards de F CFA et décidé de mettre en veilleuse le processus de privatisation. Depuis, son taux d’endettement ayant dépassé les 7 % (contre 4,4 % en 2010), Bénin Télécoms ne vaudrait plus que 5 milliards de F CFA. l


Le Plus de J.A. Bénin

SVEN TORFINN/PANOS-REA

84

p Environ 325 000 familles dépendent de la filière coton.

COTON

Graines de succès Pour rendre ce secteur plus performant, le gouvernement est à la manœuvre. Sa stratégie : achat d’intrants, remodelage des structures de production et exigence de qualité.

L

e Bénin respire. La campagne cotonnière 2013-2014 s’annonce fructueuse. En effet, « la récolte devrait s’établir à 350 000 t de coton-graine contre moins de 230 000 t l’année dernière », précise fièrement Fatoumata Djibril, la ministre de l’Agriculture, qui se félicite du travail de terrain accompli ces derniers mois « pour mobiliser et sensibiliser les cotonculteurs, en leur expliquant que plus rien ne sera comme avant ». Le gouvernement semble vouloir poursuivre la reprise en main de la filière, entamée lors de la campagne précédente après l’affaire Talon (voir J.A. no 2784 pp. 8-10). Les bonnes performances prévues sont d’ailleurs dues en grande partie aux dispositions prises par les pouvoirs publics pour acquérir et distribuer dans des délais opportuns des intrants agricoles [graines, engrais, pesticides]. Simultanément, la mise en place des structures faîtières, réunissant producteurs, égreneurs et distributeurs, commence à porter ses fruits. « Notre bataille, cette année, consistait surtout à atteindre un niveau de qualité N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

rémunérateur pour notre fibre ; et nous sommes en passe de gagner ce pari tout en augmentant nos volumes de production », s’enthousiasme Idrissou Bako, directeur général de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra), l’organisme public chargé de la collecte et de l’égrenage du coton. Le secteur attend un bond de 30 % du tonnage de fibre récoltée alors que

le coton béninois reste correctement valorisé sur les marchés extérieurs. De quoi satisfaire les 325 000 familles qui dépendent de cette filière cruciale pour l’économie du pays. De facto, le coton représente 40 % des entrées de devises, quelque 13 % du PIB les bonnes années et près des deux tiers du tissu industriel national. Autant dire que les huileries, notamment, devraient accueillir avec soulagement cette reprise de la production, après le « raté » de la saison dernière, lorsqu’une commercialisation tardive de certains stocks de graines avait provoqué leur pourrissement.

ON SORT LES TRACTEURS BIEN DÉCIDÉ à soutenir le développement de l’agriculture dans son pays, le président Thomas Boni Yayi vient de lancer la construction d’une unité de montage de matériel agricole à Ouidah, à 40 km à l’ouest de Cotonou. Les différents modules de l’usine viennent

d’être réceptionnés d’Inde, dont le gouvernement a accordé une ligne de crédit de 15 millions de dollars (10,9 millions d’euros) au Bénin pour financer ce projet. Construits également sous licence indienne, les premiers tracteurs devraient sortir de la chaîne en juin 2014. À plus long terme,

l’usine de Ouidah devrait également produire des remorques, des charrues ainsi que des pulvérisateurs. Une seconde usine de montage similaire devrait voir le jour avant la fin de cette année dans le nord du pays à Banikoara, ville cotonnière. l F.V. JEUNE AFRIQUE


Dernière ligne droite Les triturateurs tirent d’ailleurs la langue en attendant les compensations promises par le gouvernement, mais les 150 000 t de graines prévues cette année devraient lubrifier les rouages de la machine.

Cotonniers en campagne production de coton-graine, en milliers de tonnes Burkina Faso

Mali

Côte d’Ivoire

445 415 245

480 340

255

174 174

135 2010-11

750

630

600

PRIVATISATION. De façon plus générale,

c’est l’ensemble des acteurs de la filière qui s’inquiète des hésitations de l’État, aujourd’hui seul véritable gestionnaire et décisionnaire. À commencer par le dossier brûlant du zonage, promis pourtant depuis longtemps au secteur privé. Et ce d’autant que le modèle a été retenu. Il s’agit d’appliquer au Bénin la formule qui avait tant réussi dans les années 1950 à la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT) en Afrique de l’Ouest, lors des privatisations réalisées au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Pour passer la main, le gouvernement prévoit un découpage par zone, constitué autour d’usines d’égrenage et géré par des opérateurs privés. Un document de réflexion titré « La nouvelle gouvernance

Bénin

2011-12

de la filière coton au Bénin » a également été élaboré et sert de base de travail avec les professionnels. La date d’une éventuelle privatisation est toujours maintenue pour l’année 2015. Cependant, de nombreux observateurs doutent de la réelle volonté des pouvoirs publics de mettre en place un mode de gestion

436 380 350

226 2012-13

*Estimations 2013-14*

qui les priverait de toute mainmise sur le secteur. C’est peut-être pourtant le prix à payer pour voir le coton béninois retrouver les sommets qui étaient encore les siens il y a une dizaine d’années. Le pays produisait alors plus de 400 000 t d’or blanc à chaque campagne. l FIACRE VIDJINGNINOU

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DIFCOM/FC - Photos : DR


COMMUNIQUÉ

PORT AUTONOME DE COTONOU

Madame Martine Françoise DOSSA Ministre de l’Économie Maritime et des Infrastructures Portuaires

“ RÉUSSITE COMMERCIALE, PROGRÈS INFRASTRUCTURELS ET TECHNOLOGIQUES ”

M

adame Martine Dossa, le Ministre de l’Économie Maritime et des Infrastructures Portuaires a conduit, du 07 au 13 Décembre dernier, une importante et très attendue délégation à Niamey au Niger lors de la 2ème Foire de l’intégration de l’Uemoa.

Cette ancienne cadre rompue de l’administration publique béninoise (elle a servi dans 3 ministères et récemment à la Direction des Impôts) a, en seulement 8 mois, déjà mené deux offensives commerciales vers les partenaires des pays de l’hinterland ; soit mieux que ses 3 prédécesseurs à ce poste ministériel créé en 2008. Elle est l’artisan principal de la réussite de la mission commerciale menée à Niamey. Celle-ci a permis de réchauffer les relations entre le Port de Cotonou et son 1er partenaire de la sous région : le Niger. Les questions qui fâchent et principalement les divergences liées aux tracasseries douanières et policières, sans oublier le temps devenu long du séjour des marchandises à l’intérieur du Port ont été abordées et aplanies… Fort de ces acquis, Madame le Ministre et toutes les structures exerçant sur la plate-forme portuaire sont retournées cette fois- ci au Mali, au Burkina Faso et au Niger ; une mission à laquelle ne croyaient plus les opérateurs économiques de ces pays car elle a été depuis des années, plusieurs fois annoncée et très souvent reportée. Pendant 10 jours, des messages de reconquête et de consolidation ont été passés. La pertinence des nets progrès infrastructurels et technologiques réalisés par le Port ces dernières années a donné lieu à un grand espoir car la destination « Port de Cotonou » sera de nouveau priorisée par les acteurs nationaux et internationaux de ces pays de l’Hinterland. Ce message de renouveau du Port de Cotonou, cher au Chef de l’État béninois S.E.M Boni Yayi, a été porté aux hautes autorités de ces pays comme le 1er Ministre du Niger M. Brigi Rafini qui a échangé avec Mme Martine Dossa en marge de cette mission.

DIFCOM/FC - Photos : DR

Le dynamisme, le pragmatisme, la disponibilité d’écoute et l’esprit de conciliation de cette Gestionnaire des Ressources Humaines de formation auront permis cette belle avancée du Port de Cotonou dans une zone commerciale également convoitée par les Ports rivaux de Lomé au Togo, de Téma au Ghana et d’Abidjan en Côte d’Ivoire.



88

Le Plus de J.A. Bénin directeur de publication de Nord-Sud Quotidien. « Faux, rétorque Bernardin Aligbonon, président du Cercle d’action pour l’avenir de la refondation, proche du pouvoir. Le président Yayi est victime de sa volonté de transparence. Il prend toujours les devants pour dénoncer les faits de corruption, quitte à livrer des proches. Avant, personne n’en parlait ! » Exemple : le 23 avril, Kassim Traoré, directeur général par intérim du Port de Cotonou (PAC) a été relevé de ses fonctions sur décision du Conseil des ministres. Il aurait été

TRANSPARENCE

Boni contre les requins Le régime affiche sa volonté de lutter contre les détournements de fonds et autres malversations. Mais il a fort à faire…

L

ors de son élection en mars 2006, Thomas Boni Yayi avait promis aux 9 millions de Béninois de lutter sans merci contre les malversations financières et de créer les conditions indispensables à une bonne gouvernance. En juillet 2007, l’ancien banquier avait même organisé dans les rues de Cotonou une marche verte contre la corruption. Mais sans parvenir à endiguer le fléau, le premier quinquennat s’achevant sur deux scandales retentissants. En 2009, des « dysfonctionnements » sont apparus dans la passation de marchés relatifs à l’organisation du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad) de 2008, et la qualité de certains des travaux réalisés pour accueillir l’événement a été mise en question. En 2010 éclatait l’affaire ICC Services et consorts, du nom de l’une des structures de placement qui avaient floué, à hauteur de plus de 100 milliards de F CFA (150 millions d’euros), des centaines de milliers de petits épargnants. Résultat, la lutte contre la corruption et l’impunité s’est une nouvelle fois invitée dans la campagne présidentielle, en 2011. Trois ans plus tard, où en est-on ? Six mois après sa réélection en 2011, le chef de l’État a fait adopter une loi contre la corruption et l’enrichissement illicite rendant les crimes économiques imprescriptibles. Il a cependant fallu attendre février 2013 pour qu’il nomme par décret onze des treize membres de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC), créée en 2011 dans la foulée du vote de la loi. Toujours en février 2013, l’Assemblée nationale donnait son feu vert à l’ouverture d’enquêtes judiciaires visant cinq anciens membres du gouvernement, notamment Soulé Mana Lawani, ministre de l’Économie et des Finances, pour les malversations liées au sommet de la Cen-Sad, et Armand Zinzindohoué, son collègue de l’Intérieur, mis en cause dans le scandale d’ICC Services. Depuis, les N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

personnes incarcérées dans le cadre de cette affaire ont toutes été libérées sur décision de justice, et une grande partie des petits épargnants spoliés attend toujours d’être dédommagée. Par ailleurs, plus d’un an après la nomination des membres de l’ANLC chargés de réunir les preuves dans les affaires de corruption, aucun dossier n’a Dans encore été instruit. CUILLÈRE. En décembre dernier,

le scandale ICC Services, les petits épargnants spoliés n’ont pas été dédommagés.

reprochant au pays de ne pas avoir « satisfait aux critères du Millenium Challenge Corporation [MCC] en matière de lutte contre la corruption », le conseil d’administration de ce fonds de développement américain annonçait qu’il suspendait l’éligibilité du Bénin à sa seconde phase d’investissements. « Au regard de tous les scandales, on comprend la réaction des États-Unis. Au cours du régime précédent, il y avait des détournements à la cuillère ; aujourd’hui, il y en a à la louche », déplore Raoul Hounsounou,

limogé pour avoir imposé une taxe de 5 000 F CFA sur chaque véhicule sortant du PAC, indépendamment des frais payables au guichet unique. Ce que le chef de l’État n’aurait pas du tout apprécié. Kassim Traoré assurait l’intérim de la direction du PAC depuis le départ de Joseph Ahanhanzo-Glélé, l’ex-directeur général du port, en septembre 2012 à la suite de son implication… dans un dossier de corruption. l FIACRE VIDJINGNINOU

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Le Plus de J.A. Bénin

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PORTRAITS

Quadras entreprenants

FIACRE VIDJINGNINOU POUR J.A.

Ils ont monté leur entreprise dans la finance, le marketing, la mode, la télévision ou l’informatique. Des paris audacieux, remportés avec succès.

Joseph Mahoutin Aklé Com’ un homme heureux

À

39 ans, le patron de l’agence Sudcom, spécialisée en marketing opérationnel et communication globale, n’en finit pas d’étendre sa toile. Depuis qu’il a quitté Télécel Bénin pour lancer, avec quelques amis, sa propre compagnie en 2010, l’aventure Sudcom est une successstory. L’entreprise connaît une expansion rapide. Déjà implanté au Bénin, au Togo, au Burkina Faso et au Niger, Joseph Mahoutin Aklé espère s’installer rapidement en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Mali. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Avec des clients aussi prestigieux que Nestlé, Airtel, Asky Airlines ou Unilever, les perspectives de croissance de la compagnie semblent prometteuses. Le défi porte essentiellement sur l’embauche « de jeunes Africains ambitieux prêts à adhérer à notre projet d’entreprise », insiste Joseph Aklé, considéré comme « un homme très pressé » par ses collaborateurs. Ce dernier explique le modèle choisi pour assurer le développement de son agence : « Une fois que nous avons décidé de nous positionner

sur un marché, nous identifions un jeune ayant une bonne connaissance de notre domaine d’activités. » Le jeune devient associé et cogérant de la filiale. Une équipe est alors envoyée depuis le siège pour apporter son expérience et répondre immédiatement aux requêtes des clients. « Notre ambition est de créer, à long terme, un groupe présent dans l’ensemble de la sous-région, avec des managers ayant une vision commune », conclut le directeur général. l FIACRE VIDJINGNINOU JEUNE AFRIQUE


Francis Agbado L’amour du risque

V

oilà maintenant plus de quinze ans que Francis Agbado écume le secteur bancaire et financier en Europe et en Afrique. Parti de Cotonou à l’âge de 8 ans pour vivre en France avec sa famille, c’est à Paris qu’il fait ses études d’expertcomptable et démarre, dans la foulée, sa carrière en tant qu’auditeur financier chez EY (ex-Ernst & Young). Il découvre le monde de la gestion du risque et accompagne de nombreux investisseurs internationaux dans leurs projets africains. Après un rapide passage chez le consultant Valtech, spécialisé dans le conseil aux banques françaises d’investissement, il décide de rentrer au pays en 2008. « Ici, les opportunités sont plus nombreuses, avec de réelles possibilités d’apporter de la valeur ajoutée à vos clients », estime Francis Agbado depuis son bureau de Cotonou. Du rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas vite franchi par ce Béninois de 37 ans, qui fonde sa propre structure, Fourtrust, quelques mois à peine après son retour. À la fois société de conseil financier et d’investissements focalisés uniquement sur l’Afrique, Fourtrust compte quelques noms prestigieux dans son portefeuille, comme Orabank ou Bank of Africa (BOA). L’entreprise, qui compte aujourd’hui une trentaine de salariés, conseille aussi les investisseurs étrangers qui font leurs premiers pas sur le continent. l F.V. JEUNE AFRIQUE

Mme Naomie AZARIA HONHOUI, Ministre de l’Industrie du Commerce et des PME du Bénin.

E

tion La créa prise d’entre plus e d t n devie rès facile, t p s lu p en ou c u et bea rapide . re è h c moins

n 2013, le pays du Dr Boni YAYI est classé 174e sur 189 dans le Rapport Doing Business. Ce rang n’est pas du goût de celui pour qui l’amélioration du climat des affaires est une préoccupation particulière. Le chef de l’État béninois et son gouvernement appuient sur l’accélérateur à travers le GUFE, le Guichet Unique de Formalisation des Entreprises.

• Le délai maximum de traitement qui est passé de 10 jours à 24 heures.

PUB 2/3 PAGE

Dans le souci continuel de l’amélioration du climat des affaires et en application de la décision des états membres de l’OHADA, le 30 janvier 2014, le gouvernement a pris le décret n° 2014-220 du 26 mars 2014 portant modalité de création des Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL).

Plusieurs réformes ont été opérées par le gouvernement entre 2012 et 2013, Désormais, pour la création d’une SARL avec l’appui du Secrétaire Permanent du au Bénin : Conseil Présidentiel de l’Investissement • L’intervention du notaire est facultative (SP/CPI) M. Nasser YAYI, dont les plus (au choix) ; importantes sont : • Le capital social de 1.000.000 F CFA est Format total • La mise en place d’un guichet véritablesupprimé ; l’associé unique ou les associés ment unique avec la présence physique sont libres de déterminer le montant du L = 130 x H = 280 de tous les acteurs intervenants dans la capital social de départ ; formalisation des entreprises • Des statuts types sont à disau Bénin ; Surface utileposition sur le site : • La mise en place du système www.gufebenin.org L = 120 x H = 260 intégré de gestion du GUFE • La publication des extraits (SIGGUFE), plateforme élecde RCCM n’est plus obligatronique qui facilite la création toire dans un journal d’and’entreprises et qui met en nonces légales ; elle se fait relation le GUFE et ses admigratuitement sur le site : nistrations partenaires ; www.gufebenin.org • L’exonération, par le gou• Le cout de la formalisation vernement, du paiement de la au GUFE (création et exerM.Is-Dine BOURAIMA, patente l’année de création ; cice) est de 57.000 F CFA. Directeur général du GUFE BÉNIN.

Grâce au Guichet unique de formalisation des entreprises,vous créez votre entreprise presqu’en un clic. «Tout se fait sur place et en 8 h ouvrables » affirme fièrement le DirecteurGénéral de la structure de servicepublicdédiéeau secteurprivé. ce public dédi

GUFE BENIN 01 BP 6160 - Tél. : +229 21 31 07 04 Fax : (+229) 21 31 07 51 - Cotonou, Bénin E-mail : contact@gufebenin.org

www.gufebenin.org

Antennes du GUFE : Porto-Novo, Abomey, Lokossa, Abomey-Calavi, Parakou, Natitingou, Kandi

Au Bén in créez v , otre entrep rise le temp s d’une pause c afé !

DIFCOM/DF - PHOTO : DR SAUF MENTION.

FIACRE VIDJINGNINOU POUR J.A.

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FIACRE VIDJINGNINOU POUR J.A.

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Hervé Djossou Monsieur Sagas Africa

R

éunir douze jeunes cinéastes ouestafricains en résidence à Cotonou et produire douze courts-métrages après trois mois de formation et de coaching: voilà le défi lancé par Hervé Djossou, journaliste devenu réalisateur de cinéma et patron de la maison de production Belimage Studio. Ce quadra a fait les beaux jours de La Chaîne 2 (LC2), qu’il intègre au début des années 2000 à la faveur de la fin du monopole des ondes à Cotonou. Journalisteprésentateur, il tient le 20 Heures avant de fuir vers d’autres horizons, « par lassitude », explique-t-il aujourd’hui. Une envie qui le pousse à créer Belimage

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Studio pour, assure-t-il, « fournir aux chaînes de télévision des productions nationales » et réduire ainsi leur dépendance à l’égard des productions extérieures. « L’Afrique doit créer ses propres images et se réapproprier ses canaux de diffusion »: tel est le leitmotiv du réalisateur. En 2010, il produit sa première série télévisée, Comme chez nous, qui sera diffusée sur les chaînes locales. L’intrigue s’inspire de la vie quotidienne et la série bénéficie de la présence de quelques grands noms du cinéma béninois, tels que Carole Lokossou, Gérard Hounou ou Ignace Yechenou. Le succès est immédiat auprès d’une audience

sevrée depuis longtemps de séries TV couleur locale. Il récidivera dès 2013 en produisant la saga Ministre, réalisée par Ignace Yechenou. Mais Hervé Djossou ne se contente pas de produire, il veille aussi à transmettre son art aux nouvelles générations par le biais du programme Coaching Court qu’il a monté, il y a quelques années, à l’intention des jeunes d’Afrique de l’Ouest. « Nous voulons les aider à progresser dans le cinéma en les outillant et en produisant leur premier court-métrage », explique le créateur de cette résidence, parrainée par le cinéaste burkinabè F.V. Gaston Kaboré. l JEUNE AFRIQUE


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Maxime Akplogan Programmé pour gagner e jamais lâcher prise ! Ancien karatéka, capitaine de l’équipe nationale pendant une dizaine d’années, Maxime Akplogan soutient à bout de bras et de francs CFA sa petite entreprise, MA-Info, qui, en 2012, a bien connu la crise. C’est en 2000, après des études réussies en France, que cet informaticien accompli rentre au pays, à l’âge de 23 ans, pour monter son entreprise avec deux amis. Leur objectif : faciliter la distribution d’équipements informatiques auprès du grand public béninois. L’essai est vite transformé, puisque MA-Info réalise un chiffre d’affaires de 300 millions de F CFA (458 000 euros) dès son premier exercice. Le temps d’une fusion de quelques mois avec l’un de ses principaux concurrents pour former Microland Informatique et Maxime Akplogan reprend sa liberté. Et la compagnie son nom initial, ainsi que ses dettes. Plusieurs gros contrats

FIACRE VIDJINGNINOU POUR J.A.

N

signés avec les bureaux locaux de l’OMS, de l’Union européenne ou des bureaux de coopération allemande permettent de renflouer les caisses.

Même si les difficultés surgissent à nouveau, nul doute que Maxime Akplogan trouvera la parade. l F.V.

La régulation des Postes et Télécommunications au Bénin

Un secteur en pleine réforme

PUB 1/2 PAGE

Créée par décret en 2007, l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications est une institution de droit public, dotée de personnalité juridique et d’autonomie financière. Créée pour réguler le marché des postes et des télécommunications au Bénin, l’ATRPT a en huit ans révolutionné le monde des télécoms.

• Le suivi de l’élaboration du Plan national des fréquences, Aujourd’hui, l’ATRPT est tournée • La mise en place du modèle CMILT du calcul des coûts vers des priorités relatives d’accès aux réseaux, à la qualité de service, le • La cartographie de couverture des réseaux de téléphonie développement du secteur postal, mobile GSM au Bénin, le développement de l’internet • La réduction du coût des communications téléphoniques, haut débit, le service universel • La mise en œuvre de la décision du gouvernement de (avec débords de coupes) Format total des télécommunications et des procéder à l’identification des abonnés et utilisateurs des L = 200 x H = 140 TIC au Bénin. numéros des services d’appels masqués, M. Marcellin ILOUGBADE • La construction des différents marchés télécoms et TIC Président ATRPT en passant de la téléphonie 2G en 2006 àSurface la licence techutile (déllimitée en noir) nologiquement neutre à trois réseaux depuis 2012, L = 185 x H = 130 • L’assainissement du secteur postal avec des conventions Avenue Steinmetz, Von Tél. : (229) 21 31 72 76 d’établissement et d’exploitation associées à des cahiers opposé ancien Air Gabon Tél. : (229) 21 31 72 90 des charges pour les opérateurs postaux, Immeuble Suzanne Fax : (229) 21 31 72 76 • L’installation d’un Centre de Gestion des Trafics (CGT) et LOKO - 01 BP 2034 Email : contacts@atrpt.bj d’un Centre de Contrôle et de Gestion des Fréquences Cotonou – BÉNIN www.atrpt.bj (CCGF).

DIFCOM/FC - Photos : DR

COMMUNIQUÉ

L’ATRPT EN QUELQUES POINTS :


FIACRE VIDJINGNINOU POUR J.A.

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Lolo Andoche L’empereur du prêt-à-porter a dit que mode africaine et Q uiprêt-à-porter ne faisaient pas

bon ménage ? Certainement pas Lolo Andoche, de son vrai nom Charlemagne Andoch Amoussou, styliste et créateur de la marque qui porte son nom, qui, depuis près de vingt ans, s’en est fait une spécialité. « En Afrique, chacun a son couturier, et beaucoup pensent que le prêt-à-porter est réservé à une certaine classe de la population, que c’est un luxe, expliquet-il. Mais, aujourd’hui, on constate que les gens ont de moins en moins le temps et l’envie d’aller voir le tailleur du coin, notamment parce qu’il y a un

risque que la tenue soit ratée. » C’est en 1993 que Lolo Andoche lance sa marque et son entreprise. À 23 ans, il démarre avec deux machines à coudre et deux assistants. Celui qui a quitté l’école en seconde pour se consacrer à l’apprentissage de la couture va tout apprendre sur le tas : gestion des finances et des ressources humaines, communication… Son créneau ? Les chemises pour homme, « type casual, occidental, à deux tons ou avec des mélanges de tissus », créées en grande quantité. Il habille d’abord ses amis artistes ou journalistes, puis commence à se faire un nom, notamment en

Afrique centrale. En 1999, il est invité à participer au show annuel de la célèbre marque de textile hollandaise Vlisco. L’année suivante, il est nominé aux Kora Fashion Awards. Si bien que sa clientèle croît et se diversifie. Aujourd’hui, à 44 ans, Lolo Andoche est à la tête d’une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires annuel de 150 millions de F CFA (environ 230 000 euros) et emploie 70 personnes. Ses créations, vendues en moyenne 20 000 F CFA pièce, sont distribuées dans ses trois boutiques (dont une au Togo) et dans une dizaine de points de vente du pays – des supermarchés et des hôtels. l HABY NIAKATE


COMMUNIQUÉ

La récolte du coton graine dans un champ

Créée le 4 mars 1983, la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA) est une structure sous tutelle du Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP).

T

out au long de son existence, la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA) a apporté son savoir faire et son expérience au développement du secteur agricole à travers l’approvisionnement en facteurs de production, la commercialisation et la transformation des produits agricoles ainsi que l’exportation du surplus. Mais dans la mise en œuvre de cette mission, elle a été l’objet d’importantes décisions relatives à sa restructuration. Face aux succès enregistrés par la SONAPRA, l’Etat lui confia la gestion entière de la filière coton sur laquelle elle s’est longtemps focalisée pendant plus de deux décennies.

Monsieur Idrissou BAKO Directeur Général de la SONAPRA

Des balles de coton fibre prêtes à l’exportation

SONAPRA SOCIÉTÉ NATIONALE POUR LA PROMOTION AGRICOLE 01 BP 933 Tél. : (+229) 21 33 08 20 / 08 22 Fax : (+229) 21 33 19 48 E-mail : spsonapra@yahoo.fr.

La forte implication de structures de l’Etat dont la SONAPRA au cours des deux dernières campagnes cotonnières a permis de donner un nouvel élan à la filière coton. Les différents acteurs ont été mobilisés pour l’atteinte des objectifs fixés par le Gouvernement. Les résultats obtenus sont encourageants au regard du contexte dans lequel les opérations se sont déroulées. En effet, la production est passée de 174 000 tonnes au titre de la campagne cotonnière 2011-2012 et devrait passer à plus de 300 000 tonnes au titre de la campagne 2013-2014 après avoir enregistré un niveau de 240.027 tonnes au titre de la campagne antérieure. Ces résultats ont amélioré la croissance économique du Bénin. Actuellement, elle est à pied d’œuvre pour réunir toutes les conditions pour assurer une meilleure qualité des produits finis et un bon placement des produits.

Suite aux dysfonctionnements observés au titre de la campagne 2011-2012 au sein de la filière coton ayant entraîné la suspension de l’Accord cadre AIC-Etat, la SONAPRA a été responsabilisée aux côtés des autres structures publiques pour la gestion des flux physiques. Elle est particulièrement chargée d’assurer la mise en place des intrants coton auprès des CARDER, le suivi de la commercialisation du coton graine, le suivi

Ainsi, la SONAPRA a su apporter une réponse appropriée à une crise dont les enjeux étaient devenus nationaux et mêmes internationaux. Le secret de cette prouesse se trouve dans l’expertise, le savoir faire, le dynamisme des ressources humaines et surtout la vision managériale du Directeur général qui bénéficie du soutien des autorités du Bénin au plus haut niveau. ■

Un grand producteur de coton béninois

Le transport du coton

DIFCOM/FC - Photos : DR

www.sonapra.com

Avec la cession de son outil industriel le 30 septembre 2008, la SONAPRA s’est positionnée pour être l’instrument de l’Etat pour la concrétisation de la volonté politique de développement de filières nouvelles.

de l’égrenage à façon, le classement et le placement du coton fibre et la vente des autres produits cotonniers.


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Le Plus de J.A. Bénin

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Ça bouge au « quartier latin »

L LIONEL KPENOUCHOBLI Directeur associé du cabinet Optimum Consulting

E BÉNIN TIENT SA NOTORIÉTÉ relative de sa révolution pacifique, qui a débouché sur un multipartisme intégral, d’élections jugées exemplaires au regard de l’environnement régional et d’un climat paisible ces vingt-cinq dernières années. S’il est vrai que, lassés d’être le Dahomey « enfant malade de l’Afrique », les Béninois ont sauté à pieds joints dans le projet révolutionnaire de Mathieu Kérékou, en 1972, résisté à la tentative de coup d’État de 1977 et accouché sans heurts du renouveau démocratique en 1990, la nouvelle génération, héritière du fruit de ces combats, bouillonne d’ambitions et de projets. Le « quartier latin de l’Afrique » est peuplé à plus de 65 % de jeunes de moins de 35 ans, nourris de rêves mais criblés de frustrations dans un monde globalisé dans lequel l’identité est en perdition, la culture diffuse et le consumérisme destructeur. Ascenseur social en panne, absence d’énergie électrique, infrastructures bancales, systèmes sanitaire et éducatif déficients avec des années scolaires amputées qui font dire à un ancien que « ces jeunes vont de la maternelle au master sans boucler une seule année de programme ». De Malanville à Cotonou en passant par Allada, il n’y a pas une, mais des jeunesses béninoises.Telle est la réalité. Celle de la diaspora et celle de l’intérieur. Celle des métropoles bringuebalantes et celle des villages, comme excisés de leurs forces vives. Celle de l’ingéniosité et du courage et celle de l’insouciance et de la facilité. Ce Bénin va de Bertin Nahum, as de l’ingénierie médicale, aux jeunes cybercriminels qui jonglent plus agilement avec les codes de Western Union qu’avec les modules des universités. Un Bénin au taux de chômage réel de plus de 70 % chez les jeunes, mais dans lequel des fortunes heureuses se créent par le labeur de la terre ou de l’intelligence pratique.

possibles ». Il s’agit, debout, dignes et déterminés, d’investir résolument dans la jeunesse, pour faire de l’acquis démocratique un levier pour le développement et non ce spectacle devenu si peu divertissant qu’il en finirait par menacer les principes fondamentaux du vivre-ensemble. La jeunesse béninoise exige peu, peut-être est-ce là son défaut. Elle se doit, au vu des échéances qui s’annoncent et des destins qu’elles façonneront, de prendre une part active dans la vie publique du pays, de rendre incontournables ses enjeux et de s’engager pour leur concrétisation. L’ambition, c’est le développement, la modernisation et le progrès, impulsés, mais non pas caporalisés, par un État planificateur, organisé, décentralisé, juste et souple. La vision, c’est unir les ressources matérielles, humaines et intellectuelles, mieux les gérer

De Bertin Nahum, as de l’ingénierie médicale, aux cybercriminels débordant d’imagination…

Si nous considérons que nos pères ont vaincu sur les terres de Béhanzin la fatalité d’une Afrique des conflits, c’est que l’espérance est permise pour bâtir un « Bénin des N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

et les employer au service du vrai potentiel de ce pays: plateforme logistique multimodale pour le Nigeria et l’hinterland, hub de services tertiaires (finances, commerce, tourisme, éducation) et terre d’innovation dans les énergies, l’agroalimentaire, la pharmacie, le numérique… La solution toute trouvée est d’investir massivement dans la justice politique (équilibre de la représentation), économique (lutte contre la corruption, libération des énergies) et sociale (protection de la femme, accès aux services de base), en pensant à la génération qui hissera le Bénin. Rêves d’évolution forts et possibles si nous entendons que la Suisse a conquis le monde avec ses banques, son artisanat de luxe et son chocolat ; les Pays-Bas, avec leur organisation, leur flexibilité et leur sérieux ; Singapour ou Hong Kong, par leur ingéniosité, leur sens de l’adaptation et leur capacité à servir. En Afrique, d’autres lions se lèvent déjà. La réponse est en nous : nous sommes la réponse. l JEUNE AFRIQUE


DÉFIS ET OPPORTUNITÉS DES "FAMILY BUSINESS" EN AFRIQUE l’exemple du groupe agro-alimentaire

CDPA International, au Bénin

Réaliser le développement du Groupe, assurer sa croissance dans une zone géographique à fort potentiel, contribuer au renforcement de la sécurité alimentaire de la sous-région et compter parmi les acteurs majeurs du développement du continent.

L

Tels sont les défis de Jean-Baptiste SATCHIVI et de son épouse Gilberta AGUIAR-SATCHIVI, co-fondateurs et respectivement Président et Directrice Générale de l'entreprise familiale qu'ils ont créée il y a 26 ans.

e groupe CDPA International intervient dans la distribution de produits agroalimentaires depuis 26 ans. Sa stratégie de développement a consisté à consolider les activités en amont (importation) puis à élargir progressivement sur les activités en aval (productions avicole et agricole). La mise en œuvre de cette stratégie s’est articulée autour de trois piliers qui sont la consolidation, la diversification et la modernisation. Le Groupe dispose aujourd’hui d’un centre de froid d’une capacité de 15.000 tonnes, d’un complexe d’exploitation avicole de 200.000 têtes de volaille en ponte, avec une production de 180.000 œufs par jour et une usine de fabrication d’aliments produisant 5 tonnes l'heure.

Mise en exploitation de nouveaux bâtiments de production (poulaillers) pour la filiale Agrisatch depuis février 2014

Nous entendons servir de point de convergence des grands projets de développement de la sous-région en matière avicole, et œuvrer ainsi pour un changement durable au Bénin. Nous projetons également d’exporter notre savoirfaire en matière d’aviculture dans la sous-région et dans des zones présentant des marchés à fort potentiel de croissance

Comment la "Family Business" entend-elle préserver l'intérêt de son Goupe dans un contexte de croissance ?

Le groupe CDPA International pourrait rapidement, par sa taille et son programme d’extension en cours, son leadership et son savoir-faire notamment dans le domaine pointu de l’aviculture moderne en zone tropicale, accroître sa part de marché dans la sous-région.

Ses 26 années d’expérience auprès d’une clientèle variée (Bénin, Burkina Faso, Nigéria, Niger et Togo), son engage ment à adhérer aux meilleures pratiques internationales (normes ISO 9001 & 22000), son engagement pour la sécurité alimentaire par la réduction des importations au profit de l’investissement productif, lui permettent d’être en parfaite adéquation avec un développement durable de la sous-région.

Faire du Bénin une terre de production et d’exportation de savoir-faire. Siège Social : C/516 Gbena BP 665 Tri Postal Cotonou - République du Bénin Tél : +229 21 32 61 92/21 32 61 96 Fax +229 21 32 61 97 Email : cdpa@cdpa-int.com www.cdpa-int.com


Le Plus de J.A. Bénin TÉLÉVISION

Le mastodonte et les moustiques Face au poids lourd de l’ORTB, dont elles s’emploient à grignoter des parts d’audience et de marché publicitaire, les chaînes privées jouent leur va-tout. En se spécialisant.

un tiers de fonctionnaires, et dont les investissements et les équipements sont financés par l’État –, les chaînes privées ont chacune leur créneau. LC2, orientée vers le divertissement, est presque uniquement musicale. Golfe TV se consacre à l’information en continu. Canal 3 a opté pour un modèle plus hybride – de loin le plus apprécié – mêlant actualité, magazines et divertissement. Quant à la nouvelle chaîne publique BB24, lancée en juillet 2013, elle est surtout « un complément de l’ORTB, qui permet aux acteurs économiques de s’exprimer»,selonStéphaneTodomè.Pour lui, la présence des chaînes privées est une motivation supplémentaire : « Lorsque je vois les recettes générées par l’ensemble de nos activités l’année dernière, soit 2,5 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros), qui vont de l’événementiel à la vente d’espace publicitaire en passant par le sponsoring, je dirais même que nous n’avons jamais atteint un tel dynamisme. » Et qu’importe si la chaîne nationale n’a jamais été autant critiquée, notamment pour la place qu’elle p Charbel Aïhou, présentateur du journal télévisé de Golfe TV. accorde à l’actualité gouvernementale et présidentielle… e n’est pas un scoop: en matière pays en termes d’audience », affirme par « C’est vraiment le secteur de la de télévision, l’audience est exemple Ismaël Soumanou, patron du débrouille », analyse Wilfrid Hervé Adoun, reine. Elle motive le choix des groupe de presse La Gazette du Golfe, dont journaliste, consultant médias et coauteur programmes, constitue le crifait partie Golfe TV. Un point de vue que d’une étude sur les médias béninois pour tère primordial pour les annonceurs et réfuterait sûrement Stéphane Todomè, la fondation Open Society en 2013. « Les permet de comparer le succès des difdirecteur général de l’ORTB, qui ne voit chaînes privées bénéficient de subvenférentes chaînes. Or, au sud du Sahara, pas vraiment des « concurrentes » en ces tions publiques mais insignifiantes. Elles les mesures d’audience sont rares. Plus chaînes privées : « Pour la plupart, elles parviennent malgré tout à se maintenir encore au Bénin. grâce à l’ingéniosité de leurs Les derniers chiffres, recueillis en 2009 À chacune son créneau : LC2 mise dirigeants, mais aussi à l’aide par Canal France International (CFI) et de contrats plus qu’opaques sur le divertissement, Golfe TV le spécialiste français d’études d’opinion avec certaines chapelles poliTNS Sofres, servent toujours de référence tiques », explique-t-il. sur l’information en continu… aux journalistes et responsables de proIsmaël Soumanou, dont grammes, qui les reprennent fréquemn’ont pas beaucoup de programmes. Juste la télévision, Golfe TV, est considérée ment. L’ORTB, la télévision publique, quelques émissions, sinon elles ne passent comme proche du pouvoir, parie quant arrive ainsi au premier rang des chaînes que de la musique… » à lui sur la stabilité et « une relation de lesplusregardées,avecprèsde35%depart confiance » avec les annonceurs, car d’audience.Cequiconcordeavecl’enquête DÉBROUILLE. L’ORTB – qui fut longtemps « dans un petit pays comme [le Bénin], réalisée quelques mois auparavant par la chaîne unique avant la libéralisation une fois qu’un annonceur a signé un l’institut Immar Research & Consultancy, de l’audiovisuel, en 1997, et reste la seule gros contrat avec une chaîne il n’ira pas qui évaluait par ailleurs les trois prinà disposer d’une véritable couverture en signer d’aussi importants avec les cipales chaînes privées, Canal 3 (25 %), de l’ensemble du territoire national –, autres, voire n’en conclura pas d’autres du Golfe TV (16 %) et LC2 (13 %). tient à conserver son avance historique tout ». Désireux de faire de sa chaîne une Qu’en est-il aujourd’hui? Nul ne connaît tandis que les chaînes privées tentent de sorte de « BFM de l’Afrique de l’Ouest », réellement l’état des forces en présence. lui grappiller des parts d’audience et de il a lancé la construction d’un studio, Alors, tout le monde a sa petite idée… qui marché publicitaire. « plus beau, mieux équipé », qui devrait Face au mastodonte ORTB – qui, selon l’arrange, le plus souvent. « Nous sommes être opérationnel dans trois mois. l la première chaîne d’information du son patron, emploie 700 personnes, dont HABY NIAKATE VALENTIN SALAKO POUR J.A.

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C

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JEUNE AFRIQUE


Dernière ligne droite AUDIENCE

« Actu Matin » fait carton plein Pour avoir osé l’impertinence, l’émission de Canal 3 est très vite devenue incontournable. Le pari était pourtant risqué…

A

«

ctu Matin, c’est notre label », lance fièrement André Dossa, 32 ans, rédacteur en chef à Canal 3, à Cotonou. En cette fin de matinée, c’est le calme plat sur le plateau d’Actu Matin, qui accueille chaque jour, de 7 heures à 9 heures, une équipe de journalistes et leurs invités pour débattre de l’actualité. Cette émission créée en 2007, en même temps que la chaîne, est vitedevenueunrendez-vousderéférence pour nombre de Béninois. Et si, comme dans la plupart des pays africains, les mesuresd’audiencerégulièressontquasi inexistantes, son succès reste vérifiable « parles discussionsqu’elle provoque sur les réseaux sociaux et dans l’opinion en général », explique André Dossa. Sur la forme pourtant, Actu Matin n’a rien de révolutionnaire. C’est même un format directement inspiré d’émissions françaises telles que Télématin, diffusée depuis bientôt trente ans sur la chaîne publique France 2. Citant son patron, MalickGomina–quiintervientaussidans l’émission –, le rédacteur en chef ajoute: «Onnepeutpasréinventerlaroue,ils’agit de partir de quelque chose d’existant et d’y ajouter notre touche personnelle. » Laquelleserésumesimplement:jeunesse et impertinence maîtrisée. En effet, comme leur rédacteur en chef, les journalistes d’Actu Matin ont,

pour la plupart, moins de 30 ans. « Au départ, nous n’avons pas été compris, se souvient André Dossa. On nous prenait pour des jeunes malpolis, qui donnaient leur opinion sur tout et critiquaient beaucoup. Les gens n’étaient pas forcément prêts à voir des juniors traiter l’information de cette façon, car c’était un positionnement réservé jusque-là aux aînés de la profession. » SUSPENSION. Au point de faire sortir

plusieurs fois de ses gonds le président de la République, Thomas Boni Yayi. En novembre 2012, par exemple, Actu Matin – tout comme l’émission L’Arbre à palabres, également diffusée sur Canal 3 – est suspendue d’antenne pour deux semaines par la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) pour avoir « violé le code de déontologie de la presse béninoise en son article 8, notamment l’exigence d’équilibre dans le commentaire ». S’il avoue jouir d’une certaine liberté éditoriale pour le contenu de l’émission, « en comparaison de certains confrères », le journaliste concède que celle-ci n’est pas totale. « Il ne faut pas nuire à l’image de la chaîne, et on doit veiller à ce que ses enjeux commerciaux ne soient pas mis en péril, étant donné qu’il s’agit d’une entreprise privée. » l H.N.

q Tous les jours, de 7 heures à 9 heures, un débat sur l’actualité.

FIACRE VIDJINGNINOU

+32 (0)2 646 22 22 info@magforce.be +33 (0)1 48 11 22 22 magforce@magforce.fr www.magforce.fr JEUNE AFRIQUE

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Économie

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INTERVIEW

Ed Winter

PDG de Fastjet

COSMÉTIQUES

Plein fard FINBARR O’REILLY/REUTERS

sur l’Afrique Difficultés de distribution, fixation des prix, atomisation des marchés… Pour les géants mondiaux des produits de beauté, le continent n’est pas (encore) l’eldorado annoncé.

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JEUNE AFRIQUE


FONCTION PUBLIQUE

La Caisse marocaine des retraites dans le rouge

CAMEROUN

Fokou élargit son empire

BOURSE

Au Nigeria, Tiger Brands échoue sur Dangote Flour

HABY NIAKATE

U

n marché africain estimé à 6,9 milliards d’euros en 2012 et qui devrait croître de 8 % à 10 % par an pour atteindre 10,5 milliards d’euros en 2017, cela aiguise forcément les appétits. Unilever, L’Oréal et Procter &Gamble(P&G),géantsdesbiensdeconsommation en général et des produits de beauté et de soins en particulier, affichent ouvertement leurs ambitions sur un continent vu comme la « nouvelle frontière et la dernière grande zone géographique à conquérir », selon Jean-Paul Agon, le PDG du groupe français. Ce dernier entend écouler 50 millions d’unités de plus en 2014, tandis que l’américain P&G veut quadrupler ses ventes d’ici à 2020 et que l’anglonéerlandais, déjà numéro un – et de loin –, souhaite les doubler d’ici à 2017. L’indien Godrej Consumer Products injecte plusieurs centaines de millions d’euros sur un continent qui représente déjà 11 % de ses revenus totaux. Irréalistes ? Trop ambitieux ? Pour justifier leur offensive, ces géants avancent le discours habituel : une croissance économique supérieure à 5 % pour 2014 et 2015 et une classe moyenne estimée à 300 millions de personnes. Et ne révèlent l’envers du décor que plus discrètement. En réalité, la moitié de ces personnes se situe dans le segment bas de la classe moyenne, celui qui peut basculer très facilement et rapidement dans la pauvreté. Pas forcément la cible idéale des vendeurs internationaux de produits cosmétiques. « En Afrique, le nombre de consommatrices pouvant s’offrir un produit comme ceux de L’Oréal Paris est relativement modeste. Un foyer doit gagner en moyenne 5 000 dollars (3 640 euros) par an pour s’offrir un produit L’Oréal, reconnaît Geoff Skingsley, directeur Afrique et Moyen-Orient. Une bonne partie de la population n’a pas atteint ce stade. »

MARQUES LOCALES. De surcroît, les goûts et les exigences de la clientèle sont de plus en plus sophistiqués. « Les Africaines de ma génération sont beaucoup plus compliquées et exigeantes qu’on ne le croit », constate Murielle, une Ivoirienne de 29 ans travaillant dans une ONG au Kenya. Si celle-ci ne jure que par le maquillage de la marque canadienne MAC (de l’américain Estée Lauder), le succès ne va pas de soi pour les marques occidentales. Partie intégrante de cette classe moyenne qui dépense entre 1,5 et 15 euros par jour, la Camerounaise Plamielle refuse ainsi d’acheter aveuglément les produits des grandes marques étrangères. « Je fais attention à la composition de tous les produits. Il ne faut surtout pas que les crèmes soient éclaircissantes JEUNE AFRIQUE

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Entreprises marchés par exemple, explique cette jeune responsable en ressources humaines d’une chaîne de télévision à Yaoundé dont le budget beauté mensuel s’élève à 50 000 F CFA en moyenne (76 euros). Je privilégie des marques locales et des huiles naturelles avec lesquelles il y a moins de risques. » LOT DE REVERS. Résultat, face à des acteurs locaux

comme Biopharma (lire p. 104) au Cameroun, dont les produits et les gammes de prix sont plus adaptés au marché africain, les majors internationales subissent leur lot de revers. Même Unilever, pourtant leader sur nombre de marchés, a bien du mal à imposer Motions, sa marque phare pour cheveux (afro) au Nigeria. « Il a fallu du temps à la plupart des grands acteurs du secteur pour connaître ces marchés complexes et hétérogènes, et pour réfléchir aux différentes manières de les aborder », explique Laurent Dusollier, associé au sein du cabinet de conseil Roland Berger. Il existe plus d’une trentaine de carnations pour la seule peau noire (contre sept pour la peau blanche) ; les chevelures vont du lisse au crépu ; goûts et tendances sont souvent aux antipodes d’un pays à l’autre du continent.

INTERVIEW

Marché africain des produits de beauté et des soins 10,53 personnels en milliards €

6,93

4,25 2007

2012

2017

Logiquement, les internationaux ont fini par comprendre la nécessité de s’africaniser. D’abord en AfriqueduSud,premiermarchébeautéducontinent, évalué à 2,97 milliards d’euros en 2012. Et puis, ces dernièresannées,lesmarquesontdécidédes’ancrer dans leurs pays prioritaires en ouvrant des filiales et des sites de production au Nigeria (second marché, avec 1,6 milliard d’euros), au Ghana et au Kenya. Les grands noms du domaine ont adapté leurs produits auxbesoinsspécifiquesducontinent.LacrèmeNivea Naturally Even de l’allemand Beiersdorf estompe les tâches brunes par exemple, quand celle d’Unilever, Pond’s Age-Miracle, lutte contre les rides des peaux noires, plus tardives mais plus profondes. Ils ont aussi multiplié les acquisitions. Unilever a ainsi pris possessionen 2011 de lamarque afro AlbertoCulver (Motions,JustForMe…).L’Oréal,propriétairedepuis quinze ans de l’afro-américaine Softsheen & Carson (DarkandLovely,Optimum…),s’estofferten2013le kényan Interbeauty Products. Godrej a pour sa part acquis en six ans deux entreprises en Afrique du Sud etunesociétéauNigeria.Etreprendprogressivement depuis 2011 l’ensemble des quatorze filiales subsahariennes du groupe Darling (pour 222 millions de dollars, soit 161,9 millions d’euros). lll

Geoff Skingsley

Directeur général Afrique et Moyen-Orient de L’Oréal

« Nous voulons croître deux fois plus vite que le marché » Mettant en avant l’expertise technique acquise par le groupe français, le responsable britannique dévoile les ambitions africaines du leader des produits de beauté.

L

Afrique reste la dernière zone géographique à conquérir pour le numéro un mondial de la beauté, L’Oréal. Son directeur général Afrique et Moyen-Orient, Geoff Skingsley, a reçu Jeune Afrique au siège de l’entreprise à Clichy, près de Paris, afin de présenter la stratégie du groupe sur le continent.Acquisitiondesociétéslocales, adaptation à la demande ou encore recherche scientifique, le français sembleplusquejamaisprêtàmettre les bouchées doubles. Entretien. JEUNE AFRIQUE : Au premier trimestre 2014, les ventes de L’Oréal N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

en Afrique et au Moyen-Orient ont augmenté de 14,9 %. Qu’en est-il du continent précisément ? GEOFF SKINGSLEY : En Arabie

saoudite, la croissance est supérieure à 50 %, ce qui est vraiment exceptionnel. La zone Afrique enregistre un taux de croissance à deux chiffres. Pourquoi présenter votre stratégie africaine maintenant ?

L’Oréal est présent en Afrique depuis près de cinquante ans. Nous ne partons pas de zéro, bien au contraire. Et grâce aux recherches que nous conduisons depuis plusieurs années sur les différents

types de peaux et de cheveux africains, mais aussi sur les consommateurs, nous avons acquis une expertise dont, je crois, personne d’autre ne dispose. Mais vous arrivez sur ce marché loin derrière Unilever. Comment rattraper ce retard ?

La conquête de l’Afrique ne se fera pas en un an ou deux, mais à plus long terme. Nous ambitionnons de devenir les premiers. Nous avons maintenant trois hubs commerciaux, en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya, à partir desquels les trois sousrégions peuvent être desservies, en évitant les droits de douanes parfois très élevés entre certains pays. Nous voulons renforcer nos équipes locales, nos réseaux de distribution… et poursuivre notre JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés Bataille de titans L’ORÉAL (français)

N 1 mondial de la beauté Md€ o

PROCTER & GAMBLE (américain)

Chiffre d’affaires : 23

En Afrique CA : 200

M€* Employés : 800

Unités vendues (2013) :

120 millions

Acquisition : Interbeauty Products (2013)

No 1 des produits de grande consommation

Chiffre d’affaires :

61 Md€ En Afrique

CA : NC

Pays : 41 (Afrique subs.)

GODREJ CONSUMER PRODUCTS (indien)

UNILEVER (anglo-néerlandais)

No 1 des soins en Inde Chiffre d’affaires : 871,6 M€

No 3 des produits de grande consommation Chiffre d’affaires :

51 Md€

En Afrique

En Afrique

Pays : 14

CA : 3

CA : environ 94,4

Md€

Pays : 20

Employés : 40

M€

Acquisitions : Rapidol (2006), Kinky (2008), Tura (2010), Darling (depuis 2011)

000

*estimation

politique de recherche puisqu’il s’agit de l’un de nos atouts les plus évidents. Vous disposez aussi de trois usines de production en Afrique du Sud, au Kenya et au Caire. Comptez-vous en ouvrir d’autres?

À terme, oui.

q Le Britannique a auparavant travaillé chez Procter & Gamble.

cela peut nous intéresser. Pour le moment, il est relativement bien étoffé, avec la marque capillaire Dark and Lovely par exemple, bien connue sur le continent, ou Nice and Lovely, leader des soins pour le corps en Afrique de l’Est, mais aussi Maybelline, internationale mais plus accessible.

Quelles sont les principales difficultés que rencontre votre entreprise sur le continent ?

La distribution évidemment, vu l’importance du secteur informel, des marchés, ou autres petites échoppes ou charrettes… La mauvaise approche serait d’attendre que les réseaux de distribution soient modernisés. La bonne consiste à adapter notre manière de commercialiser les produits en misant sur la connaissance du terrain d’acteurs locaux et en jouant sur la taille des produits. L’autre grande difficulté, ce sont les infrastructures – routes, ports, accès à l’énergie – pas toujours fiables.

En Afrique de l’Ouest ?

En effet. Où réalisez-vous les plus importants chiffres d’affaires aujourd’hui ?

En Afrique du Sud, où nous sommes implantés depuis cinquante ans. Nous avons également fait un bond en termes de chiffres d’affaires au Kenya. Enfin, le Nigeria est stratégiquement très important. Une partie de notre avenir va s’y jouer.

Si une marque a une offre ou un positionnement différents de ce que propose notre catalogue, JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Prévoyez-vous d’autres acquisitions ?

Quelles sont vos prévisions de croissance et de ventes en Afrique pour le prochain exercice ?

Nous disons souvent que notre raison d’être est de croître deux fois plus vite que le marché. Celui-ci augmente de 7 % par an, ce qui vous donne une idée de nos objectifs. Au niveau des ventes, nous visons les 170 millions d’unités. l Propos recueillis par HABY NIAKATE N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Entreprises marchés Godrej, comme d’autres indiens actifs sur ce créneau, a décidé de ne proposer quasiment aucun des produits qu’il vend chez lui et se consacre presque entièrement aux cheveux africains. « Ces marques permettent de toucher une nouvelle catégorie de population, dont le pouvoir d’achat est plus faible », décrypte Geoff Skingsley. « La taille de nos produits varie de 10 g à 20 l, leur prix de quelquesdizainesdecentimesd’eurosàunedizaine d’euros. Tout le monde y trouve son compte », complète Christian Nyassa, qui dirige la nouvelle filiale kényane de L’Oréal. Iltraduitainsicequidemeurel’undesplusgrands défis du secteur: développer une offre adaptée aux capacitésfinancièreslocalessansmodifierlagamme internationale. Les ventes de L’Oréal sur le continent sont dorénavant réalisées à 60 % par ces marques spécialisées ou africaines en « totale complémentarité », selon Christian Nyassa, avec les marques internationales de la maison mère (Maybelline, Mixa…). Du coup, pour Laurent Dusollier, de telles acquisitions risquent de se multiplier. Car « elles permettent non seulement de s’approprier la connaissance des équipes sur place, mais aussi et surtoutd’avoiraccèsauxréseauxdedistributiondéjà existants, qui font généralement défaut aux grandes marques internationales ». C’est là le dernier défi important auquel les spécialistes de la beauté sont confrontésenAfrique.Suruncontinentoùlessupermarchésrestentencoretrèsrares,90%ducommerce

lll

AU NIGERIA, L’ENTRÉE DE GAMME DOMINE C’EST LE MARCHÉ de toutes les attentions. Estimé à 2,2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros) par Euromonitor, le secteur nigérian des produits de beauté et des soins a connu une croissance de 9 % par an ces cinq dernières années. « Les produits d’entrée de gamme dominent, car peu d’habitants ont les moyens de payer des sommes importantes

pour ce type de produits », explique RonaldTinashe Mapiye, analyste chez Euromonitor. Sur ce marché hyperatomisé, les multinationales mènent le bal, PZ Cussons et Unilever en tête (9 % de parts de marché chacun). Mais quelques locaux émergent. Parmi eux, Soulmate Industries, entré dans le top 10 du domaine. l FRÉDÉRIC MAURY

empruntelescircuitsinformels(marchés,échoppes, ou autres charrettes…). À ce titre, les acteurs aux réseaux déjà solides, comme Unilever ou les entreprises locales, ont une longueur d’avance. Mais leurs nouveaux concurrents sont en mouvement. MAC a ouvert plusieurs grands magasins, dont un à Lagos. L’Oréal développe le marché des salons de coiffure, un important pourvoyeur d’affaires pour le groupe. Trentenaire et entrepreneuse guinéenne, Yalikha se ravitaille encore – comme beaucoup d’autres Africaines – en produits cosmétiques lors de ses voyages en Europe. Bientôt, elle n’aura sûrement plus à le faire. l

« La concurrence ne nous effraie pas » Numéro un sur le marché camerounais, Biopharma parie sur les cosmétiques ethniques pour consolider son leadership.

F

rancisNanaDjomouenest fier : « Même les Chinois nous copient déjà ! » En treize années d’existence, Biopharma,laPMEdupatroncamerounais,ainvestiplusde30milliards de F CFA (45,7 millions d’euros) pour s’imposer dans la filière cosmétique. En misant notamment sur une communication et un marketing agressifs: affiches publicitaires, sponsoring d’émissions, tombolas, présence aux expositions et manifestations sportives… ses produits sont visibles partout. Biopharma est aujourd’hui le seul des trois acteurs camerounais de la filière cosmétiques à prospérer. Victime d’un incendie il y a quelques mois, la filiale locale N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

242 M€ Le marché camerounais des cosmétiques en 2012

du groupe ivoirien Parfumerie Gandour a fermé boutique, tandis que Les grands complexes chimiques d’Afrique (LGCCA) vivotent. Sil’industrielcamerounaisreconnaît dominer le marché national et sous-régional, il se garde bien de donner des chiffres, faute de données fiables. En 2012, Ubifrance estimait le marché camerounais des cosmétiques à 242 millions d’euros, largement dominé par les importations, qui représentaient 174 millions d’euros (72 %), en provenance d’Afrique de l’Ouest (Nigeria et Côte d’Ivoire) essentiellement. Pour séduire la classe moyenne qui ne voyage pas dans les capitales internationales,Biopharmaafixéun niveau de prix juste au-dessus des 1 000 à 2 000 F CFA généralement demandés pour des produits de moyenne gamme. La PME a aussi tablé sur l’innovation. Grâce aux

travaux de son département de recherche et développement, elle est passée à la seconde phase de son évolution en lançant la ligne B Light, « des produits “latinés” qui, contrairement aux éclaircissants que nous fabriquions jusque-là, donnentdelaluminositéàlapeau», se félicite le promoteur. L’intrusion de L’Oréal et de sa filiale Carson, ou de Beiersdorf et sa marque Nivea, dans la niche de la cosmétique ethnique ? « Cette concurrence ne nous effraie pas, affirme Francis Nana. Nous avons établi une relation forte avec le client. » Biopharma poursuit d’ailleurs son chemin : des implantations industrielles sont prévues en Côte d’Ivoire, au Nigeria et en RD Congo. Active dans vingt-deux pays endehorsduCameroun,l’entreprise y réalise déjà 60 % de son chiffre d’affaires – que Francis Nana refuse de dévoiler. l OMER MBADI, à Yaoundé JEUNE AFRIQUE


Les indiscrets

Entreprises marchés

Après s’être développé à l’ouest du continent, le groupe hôtelier malien Azalaï a mis le cap sur sa partie orientale. Son patron, le discret Mossadeck Bally, a récemment acquis un terrain à Kigali (Rwanda) pour la construction d’un établissement. La construction pourrait commencer dans les prochains mois.

SIPANY/SIPA

MINES SIMANDOU : RENCONTRE AU SOMMET

TOURE BABACAR/PANAPRESS

HÔTELLERIE AZALAÏ EN AFRIQUE DE L’EST

Port La Guinée condamnée

L

a sentence est tombée le 22 mai. Le tribunaldelaCourcommunedejusticeetd’arbitrage(CCJA)del’Organisationpourl’harmonisationenAfriquedu droit des affaires (Ohada) a condamné la Guinée dans l’affaire l’opposant à Getma, trois ans après l’expulsion manu militari de la filiale du groupe Necotrans du port de Conakry. Au moment où nous mettions sous presse, le montant de la condamnation n’était pas connu de Jeune Afrique mais il se comptera en millions d’euros. Du côté de la Guinée, on entend évidemment contester la décision. « Cette ÉNERGIE BILLON ATTIRE DEUX POIDS LOURDS

Sam Walsh (photo), directeur général de Rio Tinto, Liu Caiming, directeur financier de Chinalco, et Jin-Yong Cai, vice-président de la Société financière internationale (IFC), seront à Conakry du 26 au 31 mai selon une source gouvernementale. Objet de leur visite : la signature avec les autorités guinéennes du cadre d’investissement pour leurs gisements communs de fer du mont Simandou (pour les blocs 3 et 4). Ce document doit valider la répartition des efforts financiers pour la construction des infrastructures et l’exploitation des sites. Côté guinéen, l’accord sera signé par le ministre des Mines, Kerfalla Yansané, en présence du président Alpha Condé. JEUNE AFRIQUE

Biokala, centrale de production électrique à partir de la biomasse, est sur de bons rails. Porté par la famille Billon, notamment David, ce projet ivoirien (d’un coût d’une cinquantaine de millions d’euros) a considérablement avancé ces dernières semaines en finalisant son tour de table. Outre Sifca (dont Biokala est une filiale), qui apportera troncs et feuilles de palmiers tirés de ses exploitations, EDF et Bouygues entreront également au capital de la société porteuse du projet. Le premier en tant que partenaire technique sur la partie électrique et le second

sentence est vouée à l’annulation étant donné toutes les irrégularités relevées depuis quelques mois », révèle un avocat qui pointe notamment du doigt les trois arbitres internationaux nommés dans le cadre de cette procédure. En désaccord avec la Cour sur le montant de leurs honoraires, Éric Teynier, Juan Antonio Cremades et Ibrahim Fadlallah ont en effet envoyé directement leurs « factures » aux parties… Une pratique très peu habituelle, qui suscite la plus vive controverse dans les milieux juridiques ouest-africains. l

sur la construction. Côté prêteur, Proparco et DEG sont aux premières loges. Pour un closing financier prévu dans un an environ. CONSEIL LE RETOUR D’AMADOU KANE

Ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal jusqu’en septembre 2013, le banquier Amadou Kane affirme se consacrer désormais à AK Consulting. Ce cabinet de conseil aux États et aux entreprises (notamment françaises) travaillera avec

Dominique Chesneau, ancien associé des cabinets PwC et Deloitte, et Serge Diop, banquier d’affaires ivoirien. Seule infidélité à sa nouvelle passion : la présidence (non exécutive) de la Banque nationale pour le développement économique (BNDE), dont les deux actionnaires principaux sont l’État sénégalais et le groupe Teyliom. Amadou Kane affirme avoir refusé le poste de directeur général de la BNDE. D’autres sources affirment, au contraire, qu’il rêve toujours de s’installer à ce poste convoité.

Rectificatif : dans l’article « Le spectre des déficits » (J.A. n° 2784, p. 109), nous avons indiqué en millions des recettes fiscales rwandaises qui se comptent en fait en milliards. Toutes nos excuses à nos lecteurs. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Entreprises marchés INTERVIEW

Ed Winter

PDG de Fastjet

« Un tiers de nos clients n’avaient jamais pris l’avion » Prix, remplissage, taille des appareils, mais aussi pertes financières… Patron de la low-cost africaine, l’ex-directeur exécutif d’EasyJet dresse le bilan d’une année d’activité.

L

e low-cost n’a plus de frontières. Depuis 2012, et sous l’impulsion du milliardaire et fondateur historique d’EasyJet, Stelios Haji-Ioannou, le continent (hors Afrique du Sud et Afrique du Nord) compte sa première compagnie à bas coût, Fastjet. La première année d’activité a été difficile : les revenus ont atteint 53 millions de dollars (39 millions d’euros), mais les pertes, avant impôts, ont été de 47 millions et la compagnie rencontre des difficultés en Angola et au Ghana. Malgré cela, Ed Winter a affiché sa satisfaction lors de l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique à Dar es-Salaam, berceau de l’aventure Fastjet. Ainsi, 18 millions de dollars viennent d’être levés pour acheter de nouveaux appareils, et le taux de remplissage atteint 70 %. Entretien avec un patron aguerri, ancien de la British Airways et d’EasyJet, qui a attendu la retraite pour se lancer dans le transport aérien en Afrique.

Qui dit low cost dit bas prix. Êtes-vous fidèle à cette mission ?

Nos tarifs sont entre 25 % et 50 % inférieurs à ceux des autres compagnies. Sur les six premiers mois de Fastjet, au moins 20 % de nos sièges étaient à seulement 20 dollars. Sur nos vols Dar esSalaam-Johannesburg, notre prix d’appel pour un voyage est de 100 dollars, contre 400 par exemple pour South African Airways. Pour Lusaka, c’est 75 dollars. Le modèle low cost européen, avec des avions de grande capacité, est-il possible en Afrique ?

Nous en sommes la preuve avec nos Airbus A319 de 156 places. Chez EasyJet, nous utilisions les mêmes. Tout est question de prix, et de remplissage. Vous perdez plusieurs dizaines de millions de dollars par an, et on annonce l’arrêt de vos opérations au Ghana et en Angola. N’est-ce pas le signe d’un échec ?

JEUNE AFRIQUE: Un an et demi après le lancement de vos activités en Afrique, êtes-vous satisfait ? Ed Winter: Je suis très content, et les retours des

Nous avons hérité de Fly540 au Kenya, au Ghana et en Angola. Il y a des transformations à faire pour l’adapter à notre modèle, qui fonctionne actuellement en Tanzanie. À terme, Fly540 va disparaître. Au Ghana, nous opérons toujours avec un appareil, mais l’Angola est à l’arrêt, car les avions sont en maintenance. Le Ghana a quelques problèmes d’infrastructures aéroportuaires, mais nos pertes relèvent surtout de la dévaluation de la monnaie ghanéenne [le cedi a perdu 23 % de sa valeur sur les douze derniers mois] face au dollar, qui a fait grimper nos prix.

clients sont positifs. Sur les douze derniers mois, nous avons fait voyager plus de 977 000 passagers. Fastjet a permis à plus d’un tiers d’entre eux [38 %] de prendre l’avion pour la première fois. La fréquentation de notre site internet a été multipliée par dix par rapport à mars 2013. 40 000 30 000 20 000

0 Nov. 2012

Vous avez annoncé, mi-2013, votre arrivée au Nigeria, un marché stratégique. Quand allez-vous commencer dans ce pays ?

Passagers transportés

10 000

(par Fastjet uniquement) Janv. 2013

N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Mars 2013

Mai 2013

Juil. 2013

Sept. 2013

FASTJET

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Nov. 2013

Janv. 2014

Mars 2014

Des accords de partenariat ont été passés avec la compagnie nigériane Red One Airways, mais y démarrer nécessite de longues démarches. C’est JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés un marché clé en Afrique de l’Ouest, car ce pays est riche et très peuplé. Quelle est la plus grande difficulté à laquelle vous êtes confrontés en Afrique : les coûts aéroportuaires ? Les autorisations d’opérer ?

Le point le plus délicat, ce sont les autorisations entre pays. Les processus sont très lents, car chaque pays veut protéger ses compagnies. En Europe, c’est plus simple. EasyJet y dessert 650 destinations !

977 645 passagers transportés au cours des douze derniers mois

Le low-cost est associé aux courtes distances. Pourquoi opérer, depuis octobre 2013, des vols internationaux depuis votre base tanzanienne ?

Concernant Lusaka, c’est une destination phare, car Dar es-Salaam est le port d’entrée des importations de la Zambie sur le continent. Les usagers zambiens devaient auparavant faire 28 heures de bus pour rejoindre la Tanzanie. Les deux premiers mois, les avions étaient pleins à quasiment 100 % à l’aller et à 80 % au retour. Quelles nouvelles dessertes allez-vous ouvrir ?

Sur vos activités tanzaniennes, les plus importantes, votre taux de remplissage a atteint 67 % en mars. N’est-ce pas insuffisant pour une low-cost?

Sur l’ensemble de nos activités, depuis 2012, nous sommes à plus de 70 %. Ces chiffres de mars sont ceux de la basse saison, une période très pluvieuse qui n’incite pas à se déplacer. Le low-cost en Afrique est ce qu’il était en Europe dans les années 1990, un marché en devenir. Le Nigeria est un pays à fort potentiel, et le Kenya offre de belles opportunités, avec une classe moyenne en émergence [selon la Banqueafricainededéveloppement,ellereprésente aujourd’hui 48 % de la population]. Nous comptons ouvrir un vol Nairobi-Zanzibar prochainement, pour ceux qui veulent y aller en week-end.

Fastjet prévoit d’ouvrir en 2014 et en 2015 de nouvelles bases à Nairobi, Lusaka et Johannesburg, et compte étendre ses vols au départ de Dar es-Salaam versNairobi,Mombasa(Kenya),Lilongwe(Malawi), Entebbe (Ouganda) et Harare (Zimbabwe).

70 %

de remplissage, en moyenne

47

millions de dollars de pertes

opérationnelles en 2013

Enfin, quelle est l’implication personnelle de Stelios Haji-Ioannou dans la gestion de Fastjet ?

Il a monté le business plan de la compagnie et il est actionnaire à hauteur de 11 %. EasyJet apporte-t-il une certaine assistance dans la logistique ?

Fastjet n’a aucune assistance d’EasyJet. l Propos recueillis à Dar es-Salaam par ARNAUD BEBIEN

Partenaire du Forum:

“L’AEF est un événement incontournable pour le secteur des infrastructures et de l’énergie en Afrique.”

Hilton Istanbul Bomonti Hotel & Conference Center

9

International Finance Corporation

Rencontre avec les Actionnaires, Investisseurs et Chefs de Projets rojets ro ts Ministres de l’Energie et des Finances

Partenaire national:

Partenaires Stratégiques:

50 PDG

260 Sociétés

Partenaire Financier Mondial:

Partenaire App AEF:

60 Partenaires Parfenaires Média Panafricains:

Principaux Contributeurs:

Pour plus d’informations, veuillez contacter Mimi Oyelana

E: mimi.oyelana@energynet.co.uk

www.africa-energy-forum.com

T: +44 (0)20 7384 8018

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Entreprises marchés

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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p L’organisme est victime de sa générosité excessive. FONCTION PUBLIQUE

La Caisse marocaine des retraites dans le rouge Pour la première fois de son existence, l’organisme affichera un solde déficitaire cette année. Pis, il devrait épuiser toutes ses réserves d’ici à 2021…

C

est une véritable bombe à retardement. Dans sept ans, la Caisse marocaine des retraites (CMR), organisme qui gère les pensions des fonctionnaires de l’État et des collectivités locales, sera à terre. Le compte à rebours a déjà commencé puisque le premier déficit sera constaté dès cette année. Et il sera conséquent. « Nous allons enregistrer un déficit de 200 à 300 millions de dirhams [de 17,8 à 26,7 millions d’euros] en 2014. Si rien n’est fait, nos réserves seront totalement épuisées en 2021 », alerte Mohamed El Alaoui El Abdellaoui, directeur général de la CMR. Le constat est amer. Dans sept ans donc, des milliers de retraités de la fonction publique risquent de se retrouver sans pension. Et ceux qui travaillent encore dans les services de l’État pourraient dire au revoir à leurs droits déjà acquis. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Il s’agit bien sûr d’un scénario catastrophe. « Le gouvernement a toutes les données en main. Nous avons besoin d’une décision politique aujourd’hui », déclare le patron de la CMR, un ancien gestionnaire d’actifs nommé en 2010 à la tête de la Caisse pour essayer de sauver les meubles.

Si le Maroc en est arrivé là, c’est tout simplement en raison de la générosité excessive de la Caisse. «Lerégimeoffrepourchaqueannée de cotisation une annuité de 2,5 %, soit un taux de remplacement qui peut atteindre 100 % du dernier salaire. C’est l’un des principaux facteurs d’aggravation du déséquilibre du régime », explique sans détour un récent rapport de la Cour des comptes. Pour un taux de cotisation de20%(partpatronalecomprise),le

UN « ZINZIN » DE MOINS LES DIFFICULTÉS que connaît la Caisse marocaine des retraites (CMR) dépassent le spectre réduit des fonctionnaires et des retraités du public pour s’étendre à toute l’économie du pays. En épuisant d’ici à 2021 ses 80 milliards de dirhams (7,1 milliards d’euros) de réserves actuelles, la CMR ne sera plus le gros

« zinzin » (surnom donné aux investisseurs institutionnels) que l’on connaît, actionnaire minoritaire de nombreuses sociétés cotées à Casablanca, d’Attijariwafa Bank à Lesieur Cristal. « Nous avions l’habitude de placer nos réserves sur des investissements longs, projets d’infrastructures, bons du

Trésor à long terme, fonds de private equity… Ce ne sera plus possible désormais », explique le patron de la Caisse. Ce qui privera l’État et le secteur privé d’une précieuse source de financement. La CMR a déjà commencé à revoir le profil de ses placements, réduisant la durée de son portefeuille M.M. à… sept ans. l JEUNE AFRIQUE


109

JEUNE AFRIQUE

Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Investissement La Chine va lancer un fonds multilatéral consacré à l’Afrique Télécoms Orange cède sa filiale ougandaise à Africell Bourse Au Maroc, la SNI se retire du capital de Lesieur Cristal Pêche Unimer va construire un complexe industriel en Mauritanie L’interview de la semaine

David Boucher Président de PayTop C. CHALIMBAUD/AGENCE WEBANDPICS

SOURCE : COUR DES COMPTES

régime civil peut vous servir jusqu’à ordinaires. C’est un record. L’État ne 100 % de votre salaire après seupeut plus se permettre de recruter lement trente et une années de autant qu’avant. » Une impasse. travail. À titre de comparaison, un fonctionnaire français doit travailler REMÈDE. Faute d’un nombre de quarante-quatre ans au moins pour cotisants suffisant, la seule soluatteindre ce seuil. tion possible pour sauver la caisse Mais ce n’est pas tout, la CMR est de jouer sur les paramètres du se montre encore plus généreuse régime. Faire passer l’âge du départ quand il s’agit d’évaluer le montant en retraite à 62 ou 65 ans, relever le à verser. Contrairement à la CNSS, la tauxdecotisation,abaisserleniveau Caisse nationale de sécurité sociale des prestations… Un programme qui devrait être entériné dans consacrée aux salariés du privé, qui quelques semaines. « La commiscalcule la retraite sur la base du sion nationale chargée du dossier salaire moyen des huit dernières devrait se réunir début années de travail, la juin et valider en prinCMR, elle, s’appuie uniDes quement sur le dernier cipe cette modification engagements salaire, généralement paramétrique. Laquelle en hausse plus élevé que la rémuconstitue la première nération moyenne perétape de la grande çue tout au long d’une réforme des retraites, carrière. Un avantage qui verra le regrou69,8 pement de toutes les dont ne jouissent pas 59,1 51,7 Md€ Md€ caisses du pays en deux les fonctionnaires espaMd€ gnols par exemple, dont organismes : l’un pour la pension est valorisée le public, l’autre pour le 2011 2015 2020 sur la base du salaire privé,confieledirecteur desvingt-cinqdernières général de la CMR. À Le régime civil des fonctionnaires totalise années de travail. moins que les syndicats des engagements qui ne s’y opposent. » dépassent les Ce remède, recomIMPASSE. Ce carac600 milliards de mandé par la Cour des tère trop généreux est dirhams (53,3 milliards comptes et par toutes aggravé par le chamd’euros) et qui les commissions techboulement du rapport flirteront avec les niques qui ont travaillé démographique dans 800 milliards de la fonction publique. sur le sujet, a en effet du dirhams d’ici à 2020. En 1986, douze actifs mal à passer auprès des Un chiffre qui donne le cotisaient pour payer la représentants des fonctournis, en particulier retraite d’une seule pertionnaires. « On nous si on le compare à la sonne. Aujourd’hui, on demande de travailler dette publique globale du royaume, qui ne n’en compte plus que plus, de cotiser plus et dépasse pas les trois. En 2024, le rapport de gagner moins une 580 milliards de sera totalement inversé. fois retraités. L’État a dirhams. Le régime (s’il existe failli à ses responsaencore) comptera plus bilités, et c’est à nous de retraités que d’affiliés cotisants. de payer les pots cassés. Il n’en Une tendance de fond difficile à est pas question », lance Miloudi renverser, quand on sait que toutes Moukharik, le secrétaire général les politiques publiques menées de l’Union marocaine du travail, depuis le début des années 2000 l’un des syndicats les plus importants du pays. Un argument valable, ont eu pour objectif de baisser le nombre d’employés de l’adminisque le directeur général de la CMR tration. Un point sur lequel Driss El balaie cependant d’un revers de la Azami El Idrissi, le ministre délégué main : « Les retraités ne vont pas au Budget, est catégorique : « La toucher moins. Ils touchent déjà masse salariale de l’État va dépasser deux fois plus. On ne cherche pas les 100 milliards de dirhams cette à baisser notre prestation, on veut année, soit le tiers de son budget surtout trouver le juste prix. » l MEHDI MICHBAL, à Casablanca et plus de la moitié des recettes

« Nous misons sur les nouvelles générations. »

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Décideurs CAMEROUN

Fokou élargit son empire En trente ans, le self-made-man a bâti un groupe ultra-diversifié présent jusqu’au Congo et au Gabon. Il s’attaque maintenant au minerai qui sera extrait de la frontière camerouno-congolaise.

B

ernard Fokou se serait volontiers passé de cette exposition médiatique. Depuis quelques jours, la Société de fabrication des vins du Cameroun (Sofavinc), l’une des entités du groupe Fokou, est sous le feu des critiques de l’Agence des normes et de la qualité (Anor) – avec d’autres fabricants de liqueurs. L’organisme public leur reproche de produire du whisky en sachets impropre à la consommation. Comme à son habitude, l’industriel camerounais, qui a refusé tout entretien avec J.A., fait profil bas, préférant l’ombre à une polémique autour de la qualité de ses produits. Le self-made-man aurait préféré voir les projecteurs se braquer sur

le projet qui lui tient en ce moment le plus à cœur : la construction à Kribi (au sud du pays) d’une usine de fabrication de fer à béton et d’autres produits dérivés de ce minerai. Cet investissement, d’un montant de 30 milliards de F CFA (46 millions d’euros) a été acté l’année dernière par le gouvernement et permettrait de transformer une partie du minerai. Celui-ci sera issu de l’exploitation du gisement de Mbalam-Nabeba, à cheval sur la frontière entre le Cameroun et le Congo. Ce projet viendrait consolider la présence du groupe Fokou dans la métallurgie et la sidérurgie depuis que, à la surprise générale, celui-ci a acheté, en juillet 1998, les Aciéries du Cameroun, joyau industriel du groupe camerounais.

Bio express Naissance à Bansoa 1980 Naissance des Quincailleries Fokou FERNAND KUISSU

1984 Création de l’activité BTP 1998 Achat des Aciéries du Cameroun 2004 Développement dans les gaz industriels

Ce natif de Bansoa, importante communauté du pays bamiléké, doit notamment ce coup de maître à ses succès économiques dans la première moitié des années 1980. Propriétaire de la célèbre boucherie Ben le boucher, à Yaoundé, il réussit alors à obtenir l’exclusivité de l’approvisionnement du restaurant universitaire en vivres frais, puis remporte le marché de la construction du mur d’enceinte de l’université. « C’est à ce moment qu’il entreprend de faire son marché en Asie pour exécuter les travaux et découvre qu’il peut massivement importer des matériaux de construction », lâche l’un de ses proches. Ainsi démarre d’ailleurs l’aventure des quincailleries Fokou, auxquelles son nom reste largement associé dans l’imagerie populaire. ÉNIGME. Mais le véritable coup de

pouce intervient une décennie plus tard. Avec l’aide bien involontaire du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Au milieu des années 1990, les deux institutions autorisent en effet le Cameroun, empêtré dans des difficultés de trésorerie, à titriser sa dette. Principal fournisseur de l’administration, Bernard Fokou est alors détenteur d’une énorme créance sur l’État, fruit d’une accumulation de factures non réglées durant la période la plus critique de la crise économique nationale. Il parvient à faire transformer cette dette en obligations du Trésor à coupon zéro qu’il place ensuite auprès des banques. Et récupère alors une somme très importante. « C’est à partir de cet instant que ses affaires décollent véritablement », se souvient un industriel du pays selon lequel Bernard Fokou possède actuellement le premier groupe privé à


Décideurs capitaux exclusivement camerounais. Un empire dont personne ne Des métiers très variés connaît vraiment la taille… D’ailleurs, le groupe Fokou se garde de dévoiler ses résultats et • Métallurgie et sidérurgie son tour de table demeure une • Boissons et spiritueux (Sofavinc et Emif) énigme. « Il reste le propriétaire • Transformation du bois (SCTB) exclusif de son groupe », assure• Agroalimentaire (New Foods) t-on toutefois dans son entourage. • Transit (Sotrascam) Mieux, il conserve une empreinte • Courtage (OAC) forte dans la distribution et joue à la • Gestion des déchets (Bocam) fois la carte du grossiste et celle du • Fabrication des peintures (Smalto) détaillant. Son réseau s’étend dans • Plasturgie (Sofamac) la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique de • BTP (Foberd) centrale (Cemac), à l’exception de • Et aussi : ameublement et décoration, etc. la Guinée équatoriale, et touche l’enclave angolaise du Cabinda où se trouve l’un de ses magasins. La proximité avec Pointe-Noire, Mais, à l’intérieur, on trouve aussi deuxième point d’ancrage imporune savonnerie et une unité de tant du groupe, où est implantée fabrication des boissons et spirientre autres la Société congolaise tueux. » Un modèle qu’il a reproduit de fabrication de produits alimenpresque à l’identique au Gabon, via taires (Sofapral), y est la Société gabonaise de certainement pour matériaux de construcIl garde quelque chose. tion (Sogamatec). Au un pied en sein de New Foods, son politique : CONCENTRATION. vaisseau amiral dans Derrière cette filiale l’agroalimentaire, on une police congolaise se cache d’assurance produit, en dehors une série d’activités d’une cartonnerie, du pour ses a priori éloignées les sel, de la margarine, du unes des autres, qui chocolat, de la confiaffaires. dévoile le goût du serie, du bouillon en promoteur pour la concentration. cubes, des tomates en boîte et « On y fabrique des matériaux de bientôt de la mayonnaise. construction tels que les pointes, Encarté au Rassemblement les treillis soudés, les fils d’attache, démocratique du peuple camerévèle un de ses collaborateurs. rounais RDPC, parti au pou-

voir, cet ancien adjoint au maire de Penka-Michel (où se situe Bansoa) que l’on dit proche de certaines figures éminentes du sérail, à l’instar de Joseph Owona et Édouard Akame Mfoumou, garde un pied en politique comme d’autres opérateurs économiques – une police d’assurance pour ses affaires. Son nom apparaît souvent dans la fameuse sous-commission de l’intendance et de la logistique, qui réunit les militants les plus fortunés et se charge du financement des événements d’envergure organisés par cette formation politique. RELÈVE. Pour mener sa barque, Bernard Fokou prend soin de s’entourer des siens. Sa bienveillance envers sa communauté d’origine l’a amené à recruter nombre de ressortissants bansoas qui essaiment à tous les échelons de la branche distribution. Depuis une décennie, il associe aussi ses héritiers à la gestion des affaires familiales. Sa fille Trésor dirige Sofavinc, tandis que l’un de ses fils, Anicet, vient d’intégrer le management de Fokou Distribution. Yves, l’aîné, a longtemps dirigé l’entreprise de transformation de bois, à la périphérie de la capitale. Une manière pour ce sexagénaire de préparer la relève. Mais son entourage affirme que le passage de témoin ne pointe pas encore à l’horizon. l OMER MBADI, à Yaoundé

KOREISSI TOURÉ DUPONT L’agronome diplômé de l’Istom, ex-responsable chez Mali Biocarburant, prend en charge le développement du groupe chimique dans le secteur agricole en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. JEUNE AFRIQUE

SAMIR BAIDAS MARRIOTT INTERNATIONAL Entré dans le groupe hôtelier en 2004, l’ancien consultant d’Arthur Andersen, auparavant chargé du développement du groupe hôtelier au Moyen-Orient, est nommé directeur du développement pour le Moyen-Orient et l’Afrique.

MOODY’S

DR

MARRIOTT INTERNATIONAL

ON EN PARLE

MATT ROBINSON MOODY’S Collaborateur de l’agence de notation depuis sept ans, l’ancien directeur de la recherche sur les dettes souveraines prend la direction de l’équipe chargée du suivi des émissions obligataires des États africains. N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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Un trou sans fond?

(Bénéfice/action en centimes de rands) 2013*

1 785

1 608

t DFM a été acquis en octobre 2012.

AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS

1er semestre 2014*

877,4 sans DFM

376,3 avec DFM

* L’année fiscale de Tiger Brands va d’octobre à septembre

BOURSE

Au Nigeria, Tiger Brands échoue sur Dangote Flour L’acquisition du leader de la farine devait consacrer l’offensive du géant sud-africain sur le continent. Un an et demi plus tard, c’est la bérézina.

C

ertains diraient qu’il avait tout pour plaire. Jeune, sud-africain et noir,lookdecadrefinancier, CV irréprochable… Pourtant, quelques mois au Nigeria ont mis Thabi Segoale à terre. Le 4 mars, celui que le quotidien sud-africain Business Day avait sacré « meilleur talent de Tiger Brands » deux ans plus tôt a quitté la direction de Dangote Flour Mills (DFM), filiale du groupe agroalimentaire sudafricain acquise en octobre 2012. Deux mois plus tard, Tiger Brands annonçait faire une croix sur la moitié de son investissement dans DFM, soit 849 millions de rands (environ 60 millions d’euros). Depuis la reprise de 63 % du numéro deux nigérian de la farine,

le groupe coté à Johannesburg subit déception sur déception. En novembre 2013, DFM plombait les résultats annuels du groupe avec uneperteopérationnellede389millions de rands. Six mois plus tard, les profits semestriels plongeaient de 57 % à cause de la filiale nigériane. Pendant les cinq années précédant sa nomination nigériane, Thabi Segoale avait pourtant transformé l’activité grains sudafricaine de Tiger Brands en une cash machine. Mais avec DFM, il est tombé sur un os. « Nous anticipions des pertes, mais pas de cette ampleur », concédait il y a quelques mois Peter Matlare, le directeur général du groupe. Le 21 mai, devant les analystes, il a tenté de faire diversion, rappelant

SURCAPACITÉ. À l’époque, DFM et

MALHEURS NIGÉRIANS POUR LES SUDAFRICAINS, il y a deux faces de l’histoire de l’aventure nigériane. Celle de MTN d’une part, dont les opérations dans le pays ouest-africain sont passées en première position (devant l’Afrique du Sud). Celle deTelkom N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

d’autre part et, maintenant, deTiger Brands. Voulant suivre les pas de MTN, l’opérateur télécoms public s’offre entre 2007 et 2009 la totalité du capital de Multi-Links pour environ 410 millions de dollars (300 millions d’euros).

que 75 % du chiffre d’affaires et 91 % de la marge opérationnelle étaient réalisés « à la maison ». Soulignant aussi un résultat opérationnel en hausse de 9 % sur les six derniers mois, porté par les très bons résultats à l’export. Mais la communauté financière n’a retenu que l’échec de DFM. L’acquisition du nigérian auprès du groupe Dangote n’est pas la première manœuvre de Tiger Brands en Afrique. Le sud-africain s’est déjà offert Chococam au Cameroun, Haco au Kenya, EATBI en Éthiopie et même Deli Foods, ainsi que 49 % de UAC Foods au Nigeria. Mais cette opération est de loin la plus importante.

Mauvaise technologie, problème de leadership, Telkom fait une croix sur son investissement et le cède à bon prix à Helios Towers, gestionnaire de tours qui avait déclenché une procédure judiciaire contre Multi-Links… l F.M.

ses 170 millions d’euros de revenus (en 2013) constituaient pour Tiger Brands un moyen de s’imposer sur l’un des marchés les plus prometteurs du continent. Pourtant, les signaux négatifs étaient déjà là. En 2010, les profits de DFM avaient chuté de 51 %. « L’entreprise est à court d’argent. Elle s’appuie sur sa maison mère [le groupe Dangote alors] et tire parti de sa chaîne d’approvisionnement pour masquer l’ampleur de ses problèmes », jugeaient les analystes de Thaddeus un an avant le rachat de l’entreprise. Depuis, la situation a empiré. « Le secteur nigérian de la meunerie est en très nette surcapacité, expliquent les équipes du courtier African Alliance. La capacité a augmenté de 25 % depuis 2010. » Résultat : DFM n’utilise que 30 % environ de son outil industriel et ne peut pas JEUNE AFRIQUE


Baromètre

Finance

URANIUM

répercuter auprès du consommateur la hausse des cours du blé, qui sont 60 % plus élevés aujourd’hui qu’en janvier 2010.

« Les prix resteront déprimés au moins cinq ans »

DETTE. Et ce n’est pas tout. Tiger

AU MILIEU des années 2000, l’uranium issu du démantèlement de l’arsenal militaire de l’ex-URSS, qui a approvisionné un temps l’industrie nucléaire civile, s’est tari. Les industriels du secteur ont alors investi dans des filières minières, pariant sur une demande massive d’uranium et une hausse des prix. Mais la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011, a mis un terme à cette euphorie pour le yellow cake. L’annonce consécutive à cet événement de la fin des programmes nucléaires au Japon, en Allemagne, mais aussi plus récemment en Afrique du Sud, a déprimé le marché pour longtemps. Tandis que la demande chutait, la production continuait à

progresser, passant de 41 000 tonnes en 2000 à 63 000 t en 2010, puis environ 69 000 t en 2012, ce qui a aggravé la chute des prix. Sur cette production, environ 20 % viennent d’Afrique, dont 5 000 t de Namibie – où opère Rio Tinto –, 4 500 t du Niger – où Areva est bien implanté – et 1 500 t du Malawi. Le Kazakhstan est toujours le principal producteur de la planète, avec quelque 25 000 t d’uranium extraites en 2013. Les prix resteront d’un faible niveau longtemps encore. Seule la demande de pays émergents comme la Chine, l’Iran et l’Inde, ou de pays développés telle la Finlande, qui gardent une politique nucléaire forte, permettra d’inverser la tendance, mais cela n’arrivera pas avant cinq à

Magnus Ericsson Directeur associé chez SNL Metals & Mining

dix ans. Dans un tel contexte, on comprend que les négociations entre Areva et le gouvernement nigérien sur la prolongation de droits miniers s’éternisent. Le groupe nucléaire français, cinquième producteur mondial d’uranium (le premier étant le canadien Cameco), n’a pas besoin de ce minerai de façon urgente. Il peut se permettre de jouer la montre. » l

Cours de l’uranium à New York (U308, en dollars la livre) 45

42 $

2.12.2013

40

28,15 $

35

22.5.2014

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28 $

20.5.2014

25

Mai 2013

Juill. 2013

Sept. 2013

Nov. 2013

Janv. 2014

Mars 2014

Mai 2014

SOURCE : BOURSORAMA

Brands affirme avoir mis un terme à la politique généreuse de crédits accordés auparavant par DFM. Demandant à ses clients de payer comptant. Mais la mauvaise volonté de certains a entraîné des pertes importantes. « DFM a aussi eu des problèmes liés à la qualité de ses achats, notamment celle du blé, précise Julien Véron, analyste chez Investec. Après le changement d’actionnaire, DFM a souffert de son affiliation à l’Afrique du Sud. Aliko Dangote est intervenu luimême pour rectifier le tir. » Après un an et demi de difficultés, Tiger Brands estime encore possible d’améliorer la situation. Toutefois, il étudie toutes les possibilités: une fusion avec un autre acteur ou la cession. S’il admet avoir pris une très mauvaise décision en augmentant ses prix mi-2013, DFM soutient que, depuis décembre et le réajustement des prix, les volumes sont repartis en hausse de 31 %. La filialedefabricationdesacsDangote Agro Sacks a été cédée fin 2013 pour 497 millions de rands, réduisant un peu la vertigineuse dette de DFM (environ 1,6 milliard de rands). Tiger Brands entend proposer des produits à plus forte valeur ajoutée. « Le grand pari est de lancer des boulangeries industrielles qui, comme les pâtes alimentaires, augmenteront le taux d’utilisation et donc l’absorption des coûts fixes, révèle Julien Véron. Les marges d’exploitation dégagées par leurs boulangeries en Afrique du Sud sont de l’ordre de 30 %. » Réinvestir pour relancer la machine ? Tiger Brands annonce croire toujours au Nigeria et à l’Afrique. Les marchés financiers, eux, attendent les premiers bénéfices. Quand ? « Je ne peux pas vraiment vous dire, a reconnu Noël Doyle, le nouveau patron des activités nigérianes. Il y aura des progrès significatifs en 2015, mais nous perdrons toujours de l’argent. Peut-être en 2017 ? » l FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

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VITTORIO ZUNINO CELOTTO/GETTY IMAGES

AIR FRANCE

NICOLAS FAUQUE/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

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La tradition a presque tout bon

À

notre époque chahutée, il est des traditions qui façonnent, d’autres qui ancrent et d’autres encore qui permettent de maintenir le cap. Akrame Benallal, doublement étoilé par les critiques du guide Michelin, en sait quelque chose. Son don pour la cuisine, le jeune chef répète à l’envi qu’il lui a été transmis par sa mère. Savoureux. Revenir à la tradition pour retrouver une identité. Même les plus grandes compagnies ont parfois besoin d’un retour aux sources. Ainsi, Alexandre de Juniac, le PDG du groupe Air France-KLM, inaugure une nouvelle classe affaires sur ses lignes, meilleur moyen de faire renaître l’art de vivre à la française à plus de 30 000 pieds. Un héritage « haute couture » que les compagnies moyen-orientales et asiatiques ne devraient pas pouvoir lui contester. Suivant l’exemple des « anciens », ECAir, la jeune compagnie nationale JEUNE AFRIQUE

congolaise, prend de l’ampleur et de la hauteur, en proposant elle aussi une business class digne des grands du secteur, offrant à la fois confort, services de luxe et tarifs attractifs. La mode, synonyme de rêve et de glamour… Voilà une industrie qui, en revanche, perpétue encore des traditions pour le moins contestables. En 2014, les défilés de Paris, Milan, Londres ou New York mettent encore à l’écart les beautés noires. Sur les podiums, black n’est pas encore beautiful, à l’exception de trois ou quatre mannequins de couleur par show, sorte de quota politically correct. Les créateurs craignent-ils de se voir voler la vedette par ces beautés encore trop rares sur les catwalks ? Pas vraiment. Ils ont simplement conservé leurs œillères et sont persuadés que trop d’exotisme pourrait dégrader leurs ventes. Quand on les attend précurseurs… ils continuent de regarder dans le rétroviseur. Agaçant. l JULIEN CLÉMENÇOT N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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CUISINE

Akrame Benallal Une histoire de goût

VINCENT FOURNIER/J.A.

Le jeune chef charismatique et surdoué a su imposer l’inventivité et la finesse d’une cuisine résolument moderne. En attestent ses deux étoiles au Michelin, obtenues au début de 2014.

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JEUNE AFRIQUE


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T

de produits frais qui se succèdent. « Mon médecin m’a demandé de mettre la pédale douce mais, j’avoue, j’ai du mal ! » bouillonne-t-il. Autour de lui, la petite ruche s’active en silence. Distingué « Grand de demain » par Gault&Millau en 2011, alors qu’il officie à l’hôtel parisien Konfidentiel, il ouvre la même année Akrame et décroche dans la foulée sa première étoile. Aujourd’hui, il en compte deux au guide Michelin. Mais pour espérer savourer l’un des trois menus proposés par ce prince de la gastronomie, il faut patienter en moyenne deux mois et compter sur une fourchette de 45 à 100 euros (hors boissons).

rente-trois ans, regard noir intense, brillant d’énergie. Son restaurant parisien, situé rue Lauriston, à deux pas de l’Étoile, est une adresse. Installé tout près des cuisines, Akrame Benallal dirige les opérations, assis, la faute à une méchante entorse à la cheville. Un œil sur la préparation des plats, un autre sur la salle, et le va-et-vient des livraisons

CRÉATIVITÉ

LE TALENTUEUX CUISINIER dans son restaurant de la rue Lauriston (ci-contre). Homard, chocolat blanc et feuille de navet marinée.

STÉPHANE BITEAU

(en bas).

Intuitive, inventive, la cuisine d’Akrame Benallal surprend autant qu’elle transporte : pigeon de Mesquer accompagné de tuiles au café torréfié et dattes, langoustine saisie sur un coulis de persil aéré d’ail et de gingembre confit… Une créativité culinaire que le jeune chef annote et exprime au fil de ses carnets Moleskine, gorgés de projets de recettes, assaisonnés d’une kyrielle de croquis. Chez Akrame, pas de carte, mais plutôt des propositions faites au jour le jour en fonction des produits et de l’humeur du chef. Il faut dire que l’homme a été à bonne école. Il a appris aux côtés de Ferran Adrià, pape catalan de la cuisine moléculaire, d’Alain Solivérès et de Pierre Gagnaire, son mentor qui, à ses yeux, reste LA référence. « Pour avancer, la curiosité est essentielle », souligne Akrame. Son dernier choc culinaire ? Un dîner au Cheval Blanc à Courchevel, où « le chef Yannick Alléno propose une vraie signature ! » salive Akrame. Un brin embarrassé quand on lui demande de définir son art, Akrame n’en revendique

« Ici, pas de carte, mais plutôt des propositions faites au jour le jour en fonction des produits et de l’humeur du patron. » pas moins un don. « Donnez les mêmes ingrédients à deux personnes et vous obtiendrez des résultats très différents. Ce talent, ma mère me l’a transmis. Elle excelle dans le mélange des influences française, espagnole et turque que l’on retrouve en Algérie. Mon arrière-grand-mère, qui nourrissait les pauvres du village avec trois fois rien, avait aussi cette réputation d’excellente cuisinière », raconte Akrame. Le chef revient aussi sur l’importance de la persévérance qui le caractérise. « Chez Gagnaire, je restais l’après-midi pour travailler les pâtes salées et sucrées, les glaces, les terrines. J’ai toujours été un fou de cuisine. Je connaissais tous les chefs trois-étoiles par cœur. J’avais leurs posters dans ma chambre ! » Désormais plusieurs sont devenus des amis.

REBONDIR

Son moteur ? Le plaisir. Le stress ? Akram assure ne pas le connaître. « Je n’ai pas oublié d’où je viens », raconte-t-il. Né en France, il a grandi en Algérie. À Oran, sa mère l’élève seule jusqu’à ses 14 ans à la suite du départ de son père. Un abandon qui a forgé son caractère. Tout comme la faillite de son premier restaurant à Tours en 2010. « L’établissement était mal géré. Quand j’ai repris les rênes, le passif était trop lourd pour éviter le dépôt de bilan. Mais j’ai beaucoup appris, notamment sur ma capacité à rebondir », se souvient-il. Aujourd’hui, ce boulimique de travail, grand fan de Formule 1, savoure son

succès. En plus d’Akrame, et toujours rue Lauriston, il gère un bar à fromage et un bistrot à viande. Un autre va bientôt ouvrir rive gauche. Sans compter son association avec un investisseur financier pour reproduire le concept d’Akrame à Hong Kong. À s’étendre ainsi, ne risquet-il pas d’écorner son image de chef étoilé ? « Quand vous faites bon, vous ne risquez rien. Le secret, c’est de bien savoir s’entourer », assure le jeune chef qui se réfère à l’entrepreneur britannique Richard Branson. Quant au recul sur la gestion de ses affaires, il peut compter sur le regard attentif de son épouse. « Je ne suis pas focalisé sur les questions d’argent. Plutôt que de me plaindre de payer trop d’impôts, je préfère concentrer mon énergie à l’essor de mes projets. » Les comptes? « Je les ferai dans sept ans », rétorquet-il quand on lui demande si sa réussite a fait de lui un homme riche. Pour l’heure, Akrame se concentre sur sa dernière lubie : organiser un petit voyage de quelques jours entre chefs, histoire de faire découvrir l’Algérie à ses « pères », Pierre Gagnaire et Alain Ducasse. Un premier pas avant l’ouverture d’un restaurant dans son pays natal ? « J’y réfléchis », confie-t-il dans un sourire qui en dit long. l JULIEN CLÉMENÇOT

Akrame, 19, rue Lauriston, 75016 Paris 01 40 67 11 16 www.akrame.com Menus de 45 à 100 euros hors boissons N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Ces restaurants GUIDE

qui font swinguer les papilles Une escale dans le souk de Tunis pour un couscous borzguen, à Casa pour une pièce de bœuf tendre et fondante, à Dakar pour un rôti de camembert et ses fruits secs, ou à Cape Town pour un cheese-cake au homard… J.A. vous propose quatre valeurs sûres au goût d’excellence.

À

deux pas des souks de Tunis, l’ancien siège de la corporation des tanneurs, un joyau d’architecture traditionnelle, est depuis vingt-cinq ans le temple de la gastronomie tunisienne dans lequel deux vestales, la gérante Habiba Abdelkefi et le chef, Nabiha Djait, veillent à perpétuer une cuisine locale métissée. Dans un cadre raffiné, les doulma, légumes farcis d’inspiration turque, côtoient les nwasser, pâtes d’origine andalouse, ou les spécialités régionales comme le couscous borzguen (fruits secs et agneau) du Kef ou les poissons à la sfaxienne. Sur cet autel de la gastronomie, on sacrifie très volontiers à la gourmandise, avec une carte des desserts savoureuse qui raconte de très anciennes coutumes parfumées à l’eau de fleur d’oranger ou à l’églantier. L’alliance entre saveurs et savoir d’un patrimoine souvent oublié est une recette qui marche. La maison a ouvert, dans le même esprit, deux autres espaces dédiés à la tradition gastronomique, El Diwan et Fondouk El Attarine. l

TEMPLE DE LA GASTRONOMIE et adresse mythique, dans un cadre ultra-raffiné.

NICOLAS FAUQUE/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

DAR EL JELD TUNIS

FRIDA DAHMANI

De 50 à 110 dinars (25 à 50 euros) hors boissons – 5-10, rue Dar El Jeld, Tunis Médina – (+216) 71 560 916 www.dareljeld.tourism.tn N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

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CHEZ LUKE DALEROBERTS, la virtuosité s’allie à la simplicité.

THE TEST KITCHEN CAPE TOWN

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iché au cœur d’une ancienne fabrique de biscuits située dans le quartier de Woodstock, The Test Kitchen ne ressemble en rien aux restaurants bling-bling du front de mer du Cap. La grande salle, qui compte une quinzaine de tables, est entièrement ouverte sur la cuisine. On peut même s’accouder au bar en regardant s’affairer le chef Luke Dale-Roberts et sa batterie de commis. La carte n’est pas très fournie : le choix se limite à deux menus (5 ou 9 plats) et on peut opter pour l’assortiment de vins sud-africains qui est proposé avec chaque assiette. Foie gras poché et sa meringue fumée, cheese-cake new-yorkais au homard et

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

DANIEL BOSHOFF POUR J.A.

LA FOURCHETTE DAKAR

saumon fumé ou encore langoustine du Mozambique cuite sur la table au velouté de champagne : une cuisine à la fois légère et inventive, qui profite en outre d’un service de qualité. Il n’en fallait pas moins pour que The Test Kitchen intègre la 48e position du palmarès des 50 meilleurs restaurants du monde, créé par le magazine anglais Restaurant. l

U

PIERRE DONADIEU

De 550 rands (38 euros) pour le premier menu, sans vins, à 1 250 rands (86 euros) pour le deuxième menu, avec vins 375, Albert Road, Woodstock, Cape Town, South Africa – +27 (0) 21 447 2337 Reservations@thetestkitchen.co.za www.thetestkitchen.co.za

LE ROUGET DE L’ISLE CASABLANCA

De 400 à 500 dirhams (35 à 45 euros) hors boissons – 16, rue Rouget-de-l’Isle, Villa Elise, Casablanca (+212) 5222 94740 – www.facebook.com/pages/Le-Rouget-de-Lisle/444642638944607 JEUNE AFRIQUE

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

R

acheté en 2012 par Taki Kabbaj, un jeune chef marocain qui a fait ses classes chez de grands noms de la gastronomie (Paul Bocuse, Troisgros, Potel et Chabot), Le Rouget de L’Isle est le rendez-vous des gourmets casablancais. Artistes, politiques et hommes d’affaires s’y retrouvent autour d’une cuisine française raffinée, qui n’a rien à envier aux meilleures tables parisiennes. Le ris de veau y est superbe, le marbré de foie gras et chutney de fruits secs, divin, les asperges sauce mousseline, parfaitement croquantes, la pièce de bœuf persillée, tendre et fondante, le soufflé au Grand Marnier, de haut vol. Le service y est impeccable et, cerise sur le gâteau, le cadre paisible et arty. La Villa Elise, un hôtel particulier entouré d’un magnifique jardin où l’Art déco côtoie des tableaux de peintres contemporains marocains. Un des rares endroits de la métropole où vous pouvez déjeuner ou dîner attablé à l’ombre d’un olivier. l MEHDI MICHBAL

ne salade Zanzibar aux crevettes imprégnée de saveurs thaïlandaises. Un rôti de camembert résolument français, servi entre fruits secs, confiture, toasts et salade. Et pour finir, de mini-éclairs à l’africaine aux parfums à la fois classiques (chocolat, vanille) et résolument locaux (bissap, cacahuètes), sur fond de sorbet au corossol. À La Fourchette, Amoudé Sharara affiche fièrement son créneau culinaire: les cuisines du monde. Adepte de voyages, le patron de cette table devenue incontournable à Dakar, à un jet de pierre du marché Kermel, jongle entre trois formules: cuisine latino (« La fiesta »), japonaise (« Yinyang ») et française (« Restobistro » ou « Exquises escales »). En plein centreville, avec son design de resto lounge, La Fourchette assure depuis vingt ans le rôle de découvreuse de saveurs, du ceviche (poisson cru) au pavé de thiof laqué aux cinq épices en passant par le jarret d’agneau accompagné de frites de patates douces au cumin ou le carpaccio de poulpe aux figues et agrumes. Un must. l MEHDI BA

De 20 000 à 25 000 F CFA (30 à 38 euros) hors boissons 4, rue Parent, Kermel, Dakar +(221) 33 821 88 87 (restaurant) +(221) 33 842 83 84 (traiteur) www.fourchettedakar.com N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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PHOTOS : AIR FRANCE

À LUI SEUL, LE SIÈGE COÛTE 53 000 euros. Ce nouvel aménagement, axé sur le design et le cocooning, sera présenté à la clientèle africaine début décembre à Libreville.

AIR FRANCE

Business haute couture La compagnie française met le cap sur une montée en gamme de sa flotte, avec notamment une rénovation complète de sa classe affaires. Innovation, confort et élégance seront du voyage.

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débutera par les liaisons vers les États-Unis et durera deux ans. À raison de quatre sièges par rangée, le nombre de places disponibles (2 102) baissera d’environ 9 % avec la nouvelle configuration. Une évolution qui, selon la compagnie, n’aurait pas d’incidence sur les tarifs pratiqués, déjà relativement élevés. « Réalisation, design… nos clients évolueront bientôt dans un univers haute couture », assure Alexandre de Juniac. Deux tablettes dont une rétractable, un coffre de rangement, un casque audio – vraiment – antibruit, un oreiller moelleux et une couette confortable feront de cet espace un nid douillet. Surtout, de nouvelles innovations, fruits de quatre années de travail avec l’industriel E T I H A D A I R W AY S

L

a classe, on l’a ou on ne l’a pas. Alexandre de Juniac, PDG du groupe Air France-KLM, estime qu’en la matière le pavillon tricolore navigue un cran au-dessous de ses principaux concurrents d’Asie et du Moyen-Orient. La montée en gamme de sa flotte est d’ailleurs devenue l’une de ses obsessions. « Les cabines actuelles ont une dizaine d’années et paraissent un peu datées », avouait-il, il y a quelques mois. Impardonnable pour qui veut faire du raffinement à la française son identité. Mais cette faute de goût sera bientôt de l’histoire ancienne. L’ensemble des sièges « business » des 44 Boeing 777 feront peau neuve dès le mois de juin. Volubile et enthousiaste, le grand patron ne cache plus son impatience. Le chantier

Zodiac, viendront moderniser ce cocon tout en courbes. À commencer par l’assise du fauteuil. Une fois allongée, elle offrira, pour la première fois chez Air France, un lit totalement plat de près de deux mètres de long pour

68 centimètres de large. Une bulle à laquelle les passagers pourront accéder directement depuis l’allée, sans enjamber leur voisin. Autre atout de ce salon volant, un système de divertissement dernier cri doté d’un écran tactile 16 pouces,

Une première signée Etihad Salon, salle de bains avec douche et chambre avec un lit double. La compagnie émiratie Etihad vient de frapper fort en présentant un aménagement inédit dans ses futurs A380. Une cabine VIP de 11,6 m2 pour deux personnes, personnalisable avec différentes palettes de couleurs, des tables en marqueterie, des tapis sur mesure… et un majordome personnel tout au long du vol. Si rêver est à la portée de toutes les bourses, cette prestation d’exception, elle, à un prix : 25 000 dollars (18 300 euros) l’aller simple Abou Dhabi-Londres. Les plus fortunés peuvent d’ores et déjà s’inscrire sur la liste d’attente, le premier vol étant prévu pour décembre prochain. JEUNE AFRIQUE


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ECAir prend de l’altitude La toute jeune entreprise congolaise, créée en 2011, se démarque par une offre pour les hommes d’affaires qui associe haut de gamme et prix compétitifs.

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

À

peine a-t-on posé le pied à bord du Boeing 757 au départ de Paris que le personnel d’Equatorial Congo Airlines (ECAir), la compagnie nationale congolaise, est aux petits soins. « Mbote ! » (« Bienvenue ! »), répètent à l’envi les hôtesses, tout sourires, en offrant un rafraîchissement à chaque arrivant. La sensation de confort se fait sentir au moment où l’on se cale dans l’un des seize larges sièges gris souris de la classe affaires. Le temps de maîtriser la télécommande tactile qui gère l’ensemble des fonctions du fauteuil et l’écran LCD 16 pouces qui lui fait face et l’appareil s’arrache de la piste en direction de Brazzaville. Pour un vol de nuit qui s’annonce sans soucis.

les trois liaisons hebdomadaires avec Dubaï, ouvertes en mars dernier. Après deux années de rotations, ECAir garde tout l’éclat de sa jeunesse. Sa classe affaires reprend donc les dernières tendances pour répondre aux exigences de sa clientèle. Avec tout d’abord le siège, inclinable à 180 degrés, quidevientainsiunevéritable couchette. L’espaceautour est fonctionnel, avec ses divers coffres de rangement, et suffisamment aéré pour se sentir tout à fait à l’aise. La qualité d’insonorisation apportée par le casque Phitek, remis en début de vol dans son coffret en cuir noir, donne une vraie sensation d’intimité.

RAFFINEMENT

Au moment où une douce somnolence s’installe, le steward, au service aussi stylé que son blazer bleu marine, propose un verre de champagne Ruinart. La gastronomie est également d’un

RÉFÉRENCE

ECAir a commencé ses liaisons vers la capitale française en août 2012, soit un an après avoir vu le jour, en septembre 2011, avec pour objectif de « devenir la compagnie de référence en Afrique centrale », selon les vœux de Fatima Beyina-Moussa, la directrice générale. Bien décidée à capter une part toujours plus importante du très rémunérateur marché du tourisme d’affaires lié aux secteurs minier et pétrolier, la compagnie se démarque avec une business class de grande qualité, disponible depuis Paris, ainsi que sur

grand raffinement. Sashimi et salade éclatent de fraîcheur pendant qu’embaument le cari de crevettes et le poulet à la moambé, le tout arrosé d’excellents crus en provenance du Bordelais ou des vignobles sud-africains. Il ne reste plus qu’à s’allonger, à remonter la couverture bleu cobalt presque douce et à s’enfoncer dans l’oreiller moelleux pour commencer sa nuit. Lufthansa Technik, chargé de l’aménagement des cabines, a fait du bon travail, avec l’aide de l’irlandais Airvod pour les écrans et le système de divertissement, même si ce dernier se cantonne aujourd’hui à quelques dizaines de films et d’albums musicaux. En attendant d’étoffer sa programmation,laclasseaffaires d’ECAir séduit aussi par la douceur de ses tarifs, environ 2 800 euros l’aller-retour, quand Air France s’envole à plus de 6 500 euros. l OLIVIER CASLIN

LE TRANSPORTEUR AÉRIEN offre des liaisons régulières en business class sur ses Boeing 757 de Paris à Brazzaville depuis 2012 et entre la capitale congolaise et Dubaï depuis mars 2014.

BAUDOIN MOUANDA

que l’on pilote depuis un smartphone. Au programme, plus de mille heures de contenus, soit environ 200 films, 700 albums musicaux et cent cinquante heures de TV. Testée par plusieurs clients VIP sollicités par Alexandre de Juniac, la nouvelle classe affaires représente un investissement de près de 200 millions d’euros sur les 500 destinés à la montée en gamme de la compagnie. Un effort inédit à la hauteur de l’enjeu. Sur les vols long courriers, cette clientèle aisée pèse environ 2,5 milliards d’euros, soit un tiers du chiffre d’affaires. Les nouveaux fauteuils, assemblés en France dans l’usine de Zodiac, à Issoudun, permettront en outre à Air France de réaliser quelques économies de carburant, grâce à un poids revu à la baisse d’environ 20 kg par fauteuil. Pour faire de ces vols une expérience unique, la compagnie française continuera en outre de célébrer la tradition gastronomique hexagonale. Après Joël Robuchon, Guy Martin, Michel Roth et Thibaut Ruggeri, c’est Régis Marcon, chef triplement étoilé qui apporte, depuis avril et pour six mois, sa touche personnelle. Au menu : ragoût de lentilles vertes du Puy aux crevettes, épaule d’agneau braisée aux figues, poulet fermier aux morilles noires, poulet étuvé au miel de fleurs et citron, et dos de cabillaud aux endives et citron. Du jamais vu à plus de 30 000 pieds, ajouterait le patron d’Air France. l

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DR

LE PARCOURS DE MAZAGRAN, à une heure de Casablanca : somptueux et accessible.

Le green MAROC

gagne du terrain Neuvième destination golfique dans le monde, le royaume fête cette année les 100 ans de ce sport. Focus sur un marché touristique en pleine expansion.

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pouvoir », explique un ancien ministredeHassanII.Poussant à la création de parcours, le roi lance, en 1971, le Trophée Hassan-II et invite de grands noms du golf international comme Jack Nicklaus.

CONQUÊTE

De 6 golfs en 1991 à 34 aujourd’hui, le paysage marocain est en constante évolution. Neuvième destination golfique dans le monde, le Maroc attire 100000 amateurs

chaque année et engrange 1,2 milliard de dirhams de revenus (106 millions d’euros). Pourl’Officenationalmarocain du tourisme (ONMT), cette niche représente un enjeu de taille. Le tourisme golfique croît 2,5 fois plus vite que le marché touristique global et les dépenses du golfeur sont de 50 à 100 % supérieures à celles des autres touristes. « À l’horizon 2020, le Maroc disposera de 45 parcours et nous espérons tripler le nombre de

Mazagran, le défi du bord de mer

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n mars, lors du Trophée Hassan-II à Agadir, le golf marocain a fêté ses 100 ans. C’est en effet en 1914 que fut inauguré le Royal Country Club de Tanger. Mais c’estdanslesannées1960,avec l’intérêt du roi Hassan II pour ce sport, que vont véritablementévoluerl’imageetlaplace du golf au Maroc. Véritable passionné, le roi passe des heures sur les greens et se fait déposer en hélicoptère sur le parcours de Tanger. Autre golf favori du souverain, celui de Dar es-Salaam, à Rabat, dont le parcours rouge est aujourd’hui considérécommel’undesplus beaux du monde. Combien de diplomates, de ministres ou de conseillers peuvent témoigner de réunions tenues directement sur le green? « Dans les années 1970, une partie de la bourgeoisie s’est mise au golf pourserapprocherducœurdu

touristes golfeurs », explique Rafik Zouitene, directeur général de l’ONMT. Pour conquérir sa part de ce marché, estimé à 30 milliards d’euros, le Maroc comptesursesatoutshabituels. Un climat permettant de jouer toute l’année et la proximité avec l’Europe, « la qualité technique des parcours, les tarifs très compétitifs, mais aussi la proximitédesparcoursavecles grands centres touristiques », ajoute Zouitene. Comme le rappelle Mani Benjelloun, fondateur du magazine Golf du Maroc, « le Maroc est le seul pays africain, à part l’Afrique du Sud, à avoir une vraie stratégie de tourisme golfique. Nos concurrents les plus sérieux sont la Turquie, le Portugal et l’Espagne ». La France occupe une place à part, puisque 59 % des golfeurs étrangers qui jouent au Maroc viennent de l’Hexagone. La notoriété du Maroc passe par les grandes compétitions sportives organisées dans le royaume, à l’instar du Trophée Hassan-II ou de la Coupe Lalla-Meryem. Le Trophée Hassan-II, intégré dans le circuit de l’European Tour, accueille 300 joueurs professionnels chaque année. Les clubs du royaume accompagnent l’émergence d’une élite en ouvrant des écoles de formation. « Il y a 6000 licenciés,mais,selonmoi,lenombre de passionnés ne dépasse pas les3000.Quantauxprofessionnels, une dizaine seulement sort du lot », regrette Mani Benjelloun. l LEILA SLIMANI

Signé par le champion sud-africain Gary Player, le golf de Mazagran, un par 72 inauguré fin 2009, situé à une heure de voiture au sud de Casablanca, est le plus long (6 885 mètres) et l’un des rares links (parcours de bord de mer) du Maroc. Un régal pour les grands frappeurs, même si, grâce à ses départs étagés, tous les joueurs y trouvent finalement leur compte. Attention, tout écart est vite sanctionné, car le pré-rough est parfois très limité. Le défi sera de taille les jours de forte brise, notamment lors des trois derniers trous du parcours menés face au vent. PRIX DU PARCOURS 18 TROUS : 450 DH (40 euros) pour les résidents marocains,

750 DH pour les autres – www.mazaganbeachresort.com

JEUNE AFRIQUE


L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


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BEAUTÉ

Le côté obscur

de la mode La planète fashion ne brille pas par sa modernité en matière de ressources humaines. Les nymphes qui foulent les catwalks sont encore en très grande majorité des Blanches. Et la diversité dans tout ça ?

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’une beauté et d’une intelligence exceptionnelles, Lupita Nyong’o possède une aura tout à fait singulière, à la fois lumineuse et profonde. » Françoise Lehmann, directrice générale de Lancôme, n’a pas tari d’éloges au moment de dévoiler, en avril dernier, le nom de la nouvelle égérie de la marque de cosmétiques de L’Oréal. Une jeune femme « fidèle à sa beauté africaine », a précisé la femme d’affaires. L’actrice mexicano-kényane récemment oscarisée pour son second rôle dans 12 Years a Slave rejoint ainsi Julia Roberts, Kate Winslet, Penélope Cruz et Lily Collins. Avec cette nouvelle consécration, Lupita Nyong’o, déjà ambassadrice de la marque Miu Miu (Prada), se trouve propulsée dans le cercle encore plus fermé des icônes noires, aux côtés de Grace Jones, Iman Bowie ou Naomi Campbell. Tapis rouge, unes de magazines de mode ou people comme Vogue Italia ou Vanity Fair, le succès de l’actrice met à nouveau en évidence l’absence quasi totale des top-modèles noires dans l’univers de la beauté et de la mode. Lors des défilés 2013 à New York, 83 % des mannequins N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

étaient blanches, 9 % asiatiques et seulement 6 % noires. Dans le supplément du numéro de mars dernier du magazine Vogue GrandeBretagne, la top-modèle britannique Jourdan Dunn a dénoncé le racisme ambiant. « Je trouve toujours bizarre quand les agents me disent : “Tu es la seule fille noire à défiler pour le show. Ce n’est pas fantastique ?” Pourquoi ça le serait ? » Et d’ajouter : « Je ne comprends pas pourquoi les gens applaudissent les créateurs qui ne font défiler qu’un mannequin de couleur. La mode n’intéresse pas qu’un seul type de femme. »

ÉQUITÉ

En 2013, Jourdan Dunn avait déjà publiquement protesté contre les habitudes de son secteur. « Les gens qui contrôlent l’industrie disent que si on met un visage noir en couverture d’un magazine, il ne se vendra pas. Mais il n’y a pas de réelles preuves à cela », avait-elle dénoncé. Quant à l’excuse du faible

FASHION WEEK DE MILAN. Au défilé Dolce & Gabbana, le métissage n’est pas de la partie.

nombre de mannequins de couleur parfois avancée pour justifier la situation, elle l’avait balayée d’un battement de cils. Interrogée sur ce sujet, Iman Bowie avait d’ailleurs affirmé que la situation vécue par les mannequins de couleur s’était même dégradée depuis les années 1980 avec la prise de pouvoir du commercial sur l’artistique.

Lors des défilés 2013 à New York, 83 % des mannequins étaient blanches, 9 % asiatiques et 6 % noires.

Ce constat, d’autres, comme la créatrice sénégalaise Adama Ndiaye, l’ont aussi fait. Lassée d’attendre que les créateurs se remettent en question, elle a créé en 2012 la Black Fashion Week de Paris. Un événement qui avait d’ailleurs suscité un certain émoi dans la presse française pour son caractère jugé communautaire. Cette critique, l’organisatrice n’a pas manqué de la renvoyer à ses détracteurs : « Ils feraient mieux de méditer sur le taux de participation des mannequins issus des minorités ethniques à la Fashion Week parisienne », écrivait-elle en septembre 2013 dans une tribune parue sur le site Huffington Post. JEUNE AFRIQUE


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Paris sur mesure La capitale de la mode attire toujours plus de clients africains, privilégiés, chefs d’État ou hommes d’affaires, qui ne jurent que par les plus grands maîtres tailleurs.

VITTORIO ZUNINO CELOTTO/GETTY IMAGES

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Faut-il y voir les prémices d’une prise de conscience ? L’ancienne égérie noire des années 1970, Bethann Hardison, qui milite depuis 2007 pour une plus grande diversité sur les podiums, a constaté que davantage de mannequins de couleur avaient défilé lors de la dernière Fashion Week de New York, en février dernier. Des progrès également visibles dans les campagnes de publicité des créateurs, selon Naomi Campbell. Mais toutes préviennent : l’objectif n’est pas tant d’imposer des quotas que de changer les mentalités pour obtenir davantage d’équité. l JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

MASSIMO ET LORENZO CIFONELLI. Leur griffe mêle chic latin et british.

sait-on que le Maghreb, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Sénégal sont les marchés à plus fort potentiel pour les pièces sur mesure de la marque, tandis que les pièces de prêt-à-porter sont distribuées avec succès en Algérie,auMaroc,auSénégal, en Égypte et en Côte d’Ivoire. Autre tailleur italien très prisé, Cifonelli a lui aussi conquis des hommes du continent. « Nous avons des acheteurs en Côte d’Ivoire, au Gabon, en Guinée et au Maroc, précise la maison. Le marché africain ne cesse de progresser, même s’il ne représente toujours qu’une petite partie de notre clientèle. » Parmi elle, quelques politiciens, des conseillers et de plus en plus d’hommes d’affaires. Avec des costumes de base à 5 500 euros, Cifonelli sait se montrer à la hauteur : « Nous sommes à l’entière disposition de nos clients et nousnousdéplaçonssouvent pour aller les voir sur place. » Chez les amateurs africains de beaux tissus, la maison italienne note « un retour

CIFONELLI

ous leur confiez vos secrets. Vous les laissez vous mesurer, vous jauger, vous peser. Ils connaissent par cœur vos humeurs, vos petites folies. Ils saventquevousavezduventre oulesépaulestombantes.Ces hommesdel’ombrenesontni médecins ni avocats: ce sont les tailleurs sur mesure. Pour les chefs d’État comme pour les businessmen et autres privilégiés de l’Afrique, Paris reste la capitale de la grande mesure–l’équivalent,pourles hommes, de la haute couture. C’est dans le Triangle d’or, au cœur du 8e arrondissement, entre les avenues Montaigne, George-V et des ChampsÉlysées, que les grands du continent vont se faire tailler un costume. Tous les tailleurs parisiens le confirment : la clientèle africaine prend une place de plus en plus importante. « Son goût prononcé pour le luxe, le beau et l’élégance à l’occidentale fait d’elle une cible de choix. En venant dans une maison comme la nôtre, elle recherche l’assurance d’un savoir-faire à la française », se targue la maison Smalto, fondée en 1962. Tailleur d’origine calabraise (sud de l’Italie), Francesco Smalto s’est rendu célèbre sur le continent en habillant notamment le roi du Maroc, Hassan II. Ses fils, Mohammed VI et Moulay Rachid, continuent d’apprécierlacoupeclassique de ses costumes. En tout, une trentaine de chefs d’État, rois, émirs ou présidents s’habilleraient en Smalto, ainsi que de plus en plus d’hommes d’affaires… dont l’anonymat est préservé par l’enseigne. Tout juste

vers un style assez classique, sansdemandesextravagantes – tout au plus un ajout de couleurs vives ». Les Italiens ne sont pas les seuls à se partager le marché de la grande mesure. Le tailleur sénégalais Pape N’Diaye peut s’enorgueillir d’habiller de très grands noms du monde des affaires et de la politique, en France comme en Afrique. Formé notamment par l’enseigne britannique Hackett, il fonde son atelier en 1991 dans le très chic 7e arrondissement de Paris. Porté par le succès de cette première boutique, il en ouvre une seconde sept ans plus tard, avenue George-V. S’il ne cache pas son attachement pour son continent d’origine, Pape N’Diaye, surnommé « l’Africain aux doigts d’or », préfère ne plus afficher sa proximité avec les grands du continent depuis que son nom a été évoqué dans l’enquête relative à l’affaire dite des « biens mal acquis » concernantlesfamillesBongo, Obiang et Sassou Nguesso. l LEILA SLIMANI N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Mode d’emploi Luxe et volupté Toujours élégante (créée par Louis Cartier en 1917), mais tout en transparence. En palladium serti de brillants et saphir translucide. Mouvement de haute précision. Montre Tank LC Squelette, Cartier. Prix sur demande: www.cartier.fr

Le bon son

BRIAN ACH/AFP

La marque a fait du confort d’écoute son métier. Bose surfe sur la vague des smartphones avec une gamme de casques super-légers à télécommande intégrée. Supra-Auraux SoundTrue, Bose. À partir de 180 euros

Easy chic attitude Coupe ample, matières nobles et touches discrètes de couleurs vives, telle est la tendance 2014. Qui s’en plaindra? Modèle de la collection automne du styliste newyorkais Michael Bastian. Prix non communiqué

Parcoudréstente Parfait pour emporter la garde-robe d’un week-end. En cuir d’une extrême finesse. Sac Saharan, Hugo Boss. 800 euros N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Prenons le large Le logo au joueur de polo n’est plus réservé aux minets élancés: pas moins de onze tailles désormais disponibles grâce à la gamme Big&Tall. Polo Big Pony classique, Ralph Lauren. 160 euros

Pied au plancher Quand un chausseur de luxe rencontre « le » constructeur automobile, cela fait des mocassins en édition limitée. Idéal pour se détendre, mais aussi pour conduire. Tod’s pour Ferrari. À partir de 400 euros

N’abusons pas… des bulles La prestigieuse maison Taittinger a décroché l’appellation exceptionnelle de « champagne officiel de la Coupe du monde de football ». Une première sur la planète foot, plus habituée à la bière ou aux sodas. Et un retentissement international garanti… Sauf en France, où la loi sur la publicité pour les boissons alcoolisées est sans pitié, même pour les plus grands de l'exportation ! Sur plainte de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), Taittinger se voit interdire toute communication sur l’événement dans son propre pays. Et la France se tire une nouvelle fois une balle dans le pied. JEUNE AFRIQUE


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En mode rétro Monture large couleur écaillede-tortue, style vintage, ornée de petits strass. Lunettes de soleil Brown Rockstud, Valentino. 320 euros

À l'heure du style

Plus besoin de fond de teint. DreamTone supprime les taches et corrige les irrégularités de couleur. Trois profils pigmentaires suivant votre peau. DreamTone, Lancôme. À partir de 95 euros

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STUART C. WILSON/GETTY IMAGES

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Culture & médias

LITTÉRATURE

Kamel Daoud

L’homme

révolté Chroniqueur acide de la vie politique et sociale de son pays, l’écrivain algérien poursuit l’œuvre de Camus en imaginant qui était l’Arabe tué par Meursault dans L’Étranger. Et comment sa famille a réagi face à ce drame.

JOAN TILOUINE

La victime de Meursault, invente Kamel Daoud, se prénommait Moussa. Mais « il sera l’Arabe pour on identité est un mystère que nul toujours », soupire Haroun, un vieillard esseulé n’a élucidé. Qui sait qui était cet dans un bar d’Oran, qui vous tutoie d’emblée. Arabe que Meursault a tué en 1942 Lui, c’est le seul frère de Moussa, originaire du sur une plage de l’Algérie française? quartier algérois de Bab El Oued. Leur père était Ce personnage clé du chef-d’œuvre un veilleur de nuit taiseux, leur mère toujours d’Albert Camus L’Étranger n’a ni en vie est plongée dans un deuil irrémédiable. Avec délicatesse, Haroun avertit l’universitaire nom ni prénom. Aucune famille ne lui est connue. Depuis, il demeure une ombre assassinée froicamusien, qui l’écoute doctement : « Ce n’est pas dement avec pour unique témoin un soleil de une histoire normale. » Elle est aussi absurde que plomb. C’était sans compter le le meurtre de l’Arabe, construite talent de Kamel Daoud. Ce brilà partir de faits littéraires dont « Avec Camus, lant journaliste algérien s’est plu à s’affranchit Kamel Daoud. on pense mais revisiter l’univers camusien pour on ne rêve pas. en exhumer un dossier imaginaire POÉSIE SOUFIE. Dès la première estampillé « l’Arabe de Camus » Je voulais investir ligne, son roman s’annonce audadans Meursault, contre-enquête. cieux : « Aujourd’hui M’ma est son univers Un premier roman né d’un texte encore vivante. » Une référence par l’imaginaire. » décomplexée à L’Étranger, réapque le chroniqueur du Quotidien d’Oranavaitpubliéen2010,etqu’il proprié sans rancœur ni désir de avait intitulé « Le Contre-Meursault ou l’“Arabe” vengeance. « Quand on lit Camus, on pense mais deux fois tué ». Dans ce récit, court et incisif, repris on ne rêve pas. Je voulais investir son univers par le journal français Le Monde, Kamel Daoud ose par l’imaginaire », confie-t-il en dégustant son donner un nom à celui qui « n’avait pas droit à un café dans une pièce exiguë du bureau parisien seul mot dans cette histoire ». des éditions Actes Sud. Kamel Daoud parle l l l

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VINCENT FOURNIER/J.A.

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u Le 7 mai, à Paris.



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Culture médias Littérature l l l comme il écrit, avec des phrases courtes, précises, rythmées et subtiles, adoucies par des métaphores, panachant un arabe dialectal élégant et un français châtié. Figure de proue de la scène médiatique et littéraire algérienne contemporaine, Kamel Daoud se refuse aux génuflexions devant un temple camusien sacralisé, intellectualisé ou politisé par des exégètes et autres critiques dont certains n’ont toujours pas cicatrisé les plaies béantes de la guerre d’Algérie. Pas de tabou à cet égard pour cet auteur né en 1970, huit ans après l’indépendance, qui l’admet sans gêne : « Camus fait partie de ma généalogie littéraire, mais sans plus. » Son parcours littéraire démarre dans son petit village natal de Mesra, près de Mostaganem. C’est « par accident » qu’il découvre la mythologie grecque, à l’âge de 10 ans, dans la bibliothèque décharnée de son école. De quoi s’initier aux divinités avant d’être séduit par des opuscules des Frères musulmans rapportés du Caire sous le manteau et de s’engager en Algérie dans les cellules clandestines de la confrérie. Puis, ce « mystique obsédé par le sens » rompt avec le mouvement. Et se découvre une passion pour les récits maritimes et les univers insulaires. « Les tables des bars d’Oran sont des archipels d’îles où les solitudes s’additionnent, j’en ai fait le principal lieu de mon livre », commente-t-il sans lyrisme ni cynisme. S’ensuivent des lectures passionnées des textes religieux hindous, bouddhistes, hébraïques, puis les grands poètes perses soufis qui l’inspirent tant. L’incontournable Camus se glisse dans ces interstices littéraires, là encore à travers le prisme

du sacré. « Quand les Algériens parlent de Camus, ils n’évoquent pas L’Étranger mais Le Mythe de Sisyphe. Plutôt que le meurtre de l’Arabe, ils lui reprochent d’avoir tué Dieu. Les Algériens sont tous des Meursault, de même qu’un islamiste qui assassine un otage au fin fond du Sahara », veut croire l’auteur d’une chronique intitulée « Les 36 millions de Meursault ». RISQUES. De Moussa, le frère imaginé de l’Arabe

Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud, Actes Sud, 160 pages, 19 euros

PARTENARIAT GAGNANT-GAGNANT

A

vant de paraître chez Actes Sud, le premier roman de Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, a d’abord été publié en Algérie, en novembre dernier, par les éditions Barzakh. Une démarche propre à cette maison d’édition créée en 2000 par Sofiane Hadjadj et sa compagne Selma Hellal. Objectif : inciter les talents littéraires à publier leurs œuvres d’abord en Algérie et ainsi raviver un patrimoine culturel mis à mal par le départ massif d’intellectuels pendant les années noires. Pour le moment, Barzakh collabore avec la maison d’édition arlésienne Actes Sud. Avant Kamel Daoud, il y a eu L’Envers des autres, le premier roman de

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Kaouther Adimi, en 2011. « Les maisons d’édition parisiennes n’ont pas cette vue des choses et préfèrent venir pêcher les auteurs sur place, exigent l’exclusivité, de manière unilatérale… », constate Sofiane Hadjadj. C’est ainsi que les droits des œuvres d’écrivains algériens aussi mythiques que Kateb Yacine ou Mohammed Dib sont toujours la propriété de maisons d’édition françaises. « Un système qui cause des dégâts considérables en Afrique de l’Ouest et du Nord, où l’économie du livre est très faible et dont nombre d’écrivains préfèrent publier en France », conclut le cofondateur de cette dynamique maison. l J.T.

de Camus, à Meursault, en passant par Dieu, le diable, un jihadiste, un dictateur… Daoud s’est fait une spécialité de pénétrer dans des psychologies complexes et parfois inaccessibles pour les décrypter et les mettre en scène. Un exercice journalistique risqué lorsqu’il décrit en toute liberté de sa plume alerte les agissements des personnalités de la classe politique algérienne et du président Abdelaziz Bouteflika. Chaque jour depuis douze ans, sa chronique, la plus lue en langue française en Algérie, passe au crible la vie politique et sociale complexe de son pays. Sa liberté d’expression est totale. Plus que la censure d’État et les menaces assassines d’islamistes, il dit redouter « les cercles d’affaires qui dirigent l’Algérie » et risquent d’influer sur les choix éditoriaux des journaux. « Eux seuls peuvent me tuer… financièrement », glisse-t-il. En toute discrétion, il n’est pas rare que des responsables politiques et militaires demandent à le rencontrer pour connaître cette plume mythique qui les décrit, souvent avec une précision presque intime. Il se mue alors en intrigant mais aussi parfois en confident. « Les libérateurs ont une psychologie complexe qu’il faut comprendre pour saisir qu’ils agissent parfois de bonne foi. Ils sont convaincus de faire le bien, de protéger le pays contre une invasion étrangère et contre son propre peuple », lâche-t-il avec un brin de désillusion. Avant de reprendre: « L’Algérie me déçoit tant elle ressemble à une caserne oisive. Cette nation a le génie de la créativité uniquement dans la rébellion. » Lui appelle ça « la théorie du colon manquant » et, en bon souverainiste revendiqué, se prend à rêver d’un État fort mais éclairé. Au lendemain de la réélection de Bouteflika, Kamel Daoud écrit, dans la douleur, une chronique dans laquelle « le personnage type d’une dictature narcissique qui veut aller du Palais au cimetière » bute,dèslespremièreslignesdesonautobiographie, sur sa date de naissance. « Un dictateur a le pouvoir demodifiermêmesonactedenaissancealors,dèsle début de son entreprise hagiographique, il épluche les dates des grands personnages comme l’émir Abd el-Kader, Napoléon… » Ce projet entamé, Daoud l’a laissé de côté pour le moment. La rédaction en cours de son second roman l’apaise et le stimule. Tenir ses chroniques quotidiennes le « maintient en veille ». Qu’écrira-t-il quand ce président partira ? Il rétorque tout de go : « Un seul mot : “ouf !” » l JEUNE AFRIQUE


Culture médias

Afropolitan Dreams, de Blitz the Ambassador (Yuma Records)

FRÉDÉRIC CHARMEUX/MAX PPP

et qui a donc acquis une vision globale du monde. Et l’expression “Afropolitan dreams”, qui vient bien sûr de l’expression “American dream”, renvoie à la volonté de cesAfropolitainsderevenirsurlecontinent pour contribuer à son développement. » DÉFI. Engagé sans pour autant avoir MUSIQUE

L’Afrique, c’est maintenant! Convaincu que l’avenir du continent se joue aujourd’hui, Blitz the Ambassador, rappeur ghanéen installé à New York, appelle les artistes africains à se saisir de l’industrie musicale.

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ar une fraîche soirée printanière, les spectateurs parisiens retardataires se pressent pour valider leur ticket et s’engouffrer dans la salle en sous-sol de La Maroquinerie, d’où s’échappent de sourdes vibrations. Quelques marches dévalées et deux portes battantes poussées plus tard, la météo est immédiatement plus clémente. Sur scène, le rappeur new-yorko - ghanéen Blitz the Ambassador ne s’est pas embarrassé de préliminaires pour délivrer l’incroyable énergie de son nouvel album, Afropolitan Dreams, qu’il est venu présenter au public français. Accompagné de sa solide formation de musiciens – The Embassy Ensemble –, l’artiste né en 1982 déploie une diplomatie musicale africaine-américaine qui met tout le monde d’accord sur un point : on danse ! Blitz impose son flow pendant plus d’une heure sur une bande-son d’une redoutable efficacité passant des rythmiques funky façon J.B.’s aux tempo envoûtant de l’afrobeat du maître nigérian Fela, invoquant la soukouss congolaise et, bien sûr, le highlife ghanéen, comme pour mieux montrer cette communion désormais perpétuelle entre les musiques des deux continents. Cet éclectisme musical très présent sur ce troisième album – sur lequel il a invité la Béninoise Angélique Kidjo, la GermanoNigériane Nneka ou encore Seun Kuti, fils de qui on sait – témoigne d’abord de son JEUNE AFRIQUE

amour pour la musique africaine, qui a bercé son enfance à Accra au sein d’une famille de mélomanes. « J’ai grandi avec la musique. À chaque étape importante de la vie que sont les naissances ou les mariages, des brass bands ou des DJ assuraient l’ambiance. Mon père possédait aussi une importante collection de vinyles. J’ai ainsi grandi au milieu des classiques de l’afrobeat, des lignes de guitare soukouss, du highlife ghanéen… » BRONX. MaisAfropolitanDreamsprésente

aussi et surtout un caractère autobiographique, redessinant ce mouvement de balancier, musical et personnel, entre les deux rives de l’Atlantique, commencé en 2001, lorsque Samuel Bazawule – son vrai nom – s’est envolé pour New York avec le rêve secret de percer dans le rap. « La vie d’un immigré à New York est comme la vie d’un immigré partout ailleurs dans le monde, explique-t-il. Tu essaies de ne pas oublier qui tu es, tu essaies de maintenir tes passions, ton “africanité”… J’étais constamment dans des mondes différents, passant de la communauté ghanéenne du Bronx à l’univers de mes amis rappeurs américains,quin’ontaucuneconnaissance du continent africain! » Avec cette nouvelle perception « globalisante » du monde, Blitz the Ambassador transforme le rêve américain en rêve afropolitain, d’où le titre de cet album : « L’Afropolitain, c’est un Africain qui voyage, qui vit à l’étranger

d’ambition politique, l’artiste tient un discours précis sur le chemin à parcourir pour que les artistes africains deviennent des acteurs de l’industrie musicale. Pour cet ancien étudiant en marketing, la clé du succès tient dans leur aptitude à prendre les choses en main. « On a des artistes incroyables sur le continent, mais personne ne les entend parce que nous ne possédons pas les importantes industries de promotion occidentales, constate-t-il. Maisaujourd’hui,avecinternet,nousavons unoutildecommunicationmondial.Notre plus grand défi est de pouvoir contrôler la machine publicitaire. » Alors, lorsqu’il chante avec Oxmo Puccino « Africa Is the Future », c’est pour mieux épingler la vacuité de ce slogan et l’hypocrisie de ceux qui le prononcent. « J’essaie de dire aux gens que le futur se construit aujourd’hui. “Africa Is the Future” est un oxymore en quelque sorte. C’est une manière de rappeler que nous devons prendre nos responsabilités maintenant. » l JEAN-SÉBASTIEN JOSSET

RETROUVEZ LE CLIP DE BLITZ et tous les autres titres de la sélection de la semaine

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Culture médias ARTS PLASTIQUES

Dakar, au cœur du monde Foisonnement du in, dynamisme du off, la biennale de l’art africain contemporain de la capitale sénégalaise met en lumière le foisonnement créatif du continent. À découvrir jusqu’au 8 juin.

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ansuneheure,l’expositioninterla multiplicité et la richesse des proposinationale de la 11e biennale de tions, une impression de foisonnement l’art africain contemporain de accentuée par le dynamisme du off et les Dakar – le Dak’Art – ouvrira ses nombreux événements improvisés ou portes. La rumeur court que le président organisés parallèlement à la programsénégalais Macky Sall pourrait être présent mation officielle. pour l’événement. En attendant, une nuée de techniciens s’activent et rien ne semble EXPLOSIF. Une unité dans ce fourmillement créatif ? Il suffit de déambuler prêt : un chariot élévateur déplace une quelques minutes au sein de l’exposigrosse caisse de bois, des bruits de pertion internationale pour prendre toute la ceuses et de visseuses résonnent dans les salles d’exposition, un spot a grillé là, un mesure de sa dimension politique. Haut et cartel manque ici, le sol est par endroits fort, les artistes s’unissent pour crier leur couvert de détritus… Et pourtant, quand méfiance vis-à-vis du monde contempoarrive enfin le ministre de la Culture, rain – de ses dirigeants, de ses logiques Abdoul Aziz Mbaye, suivi par quelques mercantiles. Ainsi le Franco-Marocain camérasdetélévision,lamagiesénégalaise Mehdi-Georges Lahlou expose, avec 72 a opéré, et l’exposition est prête à accueillir Vierges sous le soleil, une forêt de drapeaux toutlegratindel’artcontemporainafricain. blancs, comme autant de condamnations Seuls le photographe congolais Baudouin du nationalisme. La Camerounaise Justine Mouandaetl’artistenew-yorkaised’origine Gaga lui répond, sur un mode plus exploéthiopienne Julie Mehretu sont un peu sif, en empilant sous la forme de figures amers: leurs œuvres ne sont pas arrivées anthropomorphesdesbouteillesdebutane jusqu’au Village de la biennale, où elles où elle a inscrit en lettres majuscules « libéont été remplacées au mur par de simples ralisme » ou « mondialisation ». À l’intérieur, l’atmosphère de lutte est tout aussi photocopies… palpable. Not for Sale, inscrit le Sénégalais « Je ne crois pas du tout en une méthodologie rationnelle pour construire une Sidy Diallo dans l’une de ses œuvres auexposition de biennale », confie l’Algérien dessus de la représentation d’un cerveau… Abdelkader Damani, l’un des trois commissaires chargés, « Il faut contre-écrire et réécrire avec la Camerounaise Elise l’histoire de l’art. » Atangana et le Nigérian Smooth Ugochukwu Nzewi, ABDELKADER DAMANI, co-commissaire du Dak’Art de sélectionner une soixantaine d’artistes parmi plus de 700 dossiers. Justeàcôté,laTunisienneFatenRouissiose « Nous n’avions pas l’ambition de refaire une installation radicale (Le Fantôme de la un énième Dak’Art, poursuit-il, mais celle liberté) représentant une salle de réunion d’égaler n’importe quel événement consaoù les sièges sont des cuvettes de WC et cré à l’art contemporain dans le monde. » où les micros posés sur la table cohabitent Comme sa comparse d’origine kényane avec des rouleaux de papier toilette, le tout WangechiMutu,quiexposeunevidéoaussi peint en jaune vif. Un peu plus subtile mais saisissante (The End of Eating Everything) néanmoinssubversive,HoudaGhorbelose que ses habituels collages, Julie Mehretu avec Je t’écoute s’interroger sur la Kaaba, participe pour la première fois au Dak’Art: vue comme une œuvre d’art… « Le grand nombre d’artistes exposés dans Pour certains observateurs, le message cettebiennaled’art,quiestlaplusancienne peut paraître trop appuyé. António Pinto du continent, est très excitant, dit-elle. Je Ribeiro, commissaire d’exposition pour découvre de nombreux jeunes plasticiens la Fondation Gulbenkian, juge l’approche que je ne connaissais pas. » Et, de fait, le souvent « pamphlétaire ». La créatrice du visiteur curieux ne peut qu’être frappé par centre d’art Raw Material (Dakar), Koyo N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Kouoh, ne dit pas autre chose quand elle précise : « On ne félicitera jamais assez le Sénégal de maintenir cette biennale, quelle que soit sa qualité. Mais je crois à l’artiste qui engage plutôt qu’à l’artiste engagé. » Après quelques instants de réflexion, elle ajoute tout de même: « Le contexte dans lequel un plasticien travaille influence énormément sa production. Un artiste évoluant en Afrique est forcément sensible à son environnement, il en est le miroir. » Pour le critique d’art ivoirien Yacouba Konaté, « la dimension politique des œuvres est inévitable dans le contexte actuel ». Abdelkader Damani, lui, persiste et signe: « Actuellement, le monde est en train d’être bouleversé par des révolutions d’anonymes qui veulent produire un bien commun. Nous ne pouvons pas ignorer ce quisepassesurcecontinent.Lesbiennales représentent des moments où l’on prend des risques, et si cela ne tient pas, tant pis! » En réalité, ce qui se joueà Dakar, comme dans la plupart des (rares) manifestations consacréesàl’artcontemporainenAfrique, c’est encore et toujours cette question presque insoluble du positionnement des artistesparrapport à l’histoire de l’art – toujoursdominéeparlavisionoccidentale–et par rapport au marché de l’art – toujours dominé par les marchands occidentaux. Combatif lui aussi, Abdelkader Damani le clamesanscomplexe:«Ilfautcontre-écrire et réécrire l’histoire de l’art. » Sur ce plan, un long chemin a été parcouru par les plasticiensducontinentqui,sansrenoncer à ce qui fait leur spécificité, rejettent tout tabou et ne se ferment à aucune influence, aucun médium, aucun sujet. JEUNE AFRIQUE


PHOTOS : B. MOUANDA, E. AHOUNOU

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p En haut, de g. à dr. : capture d’écran de la vidéo The End of Eating Everything, de la Kényane Wangechi Mutu, et Indignation, de la Camerounaise Justine Gaga. Ci-contre : Le Fantôme de la liberté, de la Tunisienne Faten Rouissi. DIASPORAS. Côté marché international,

en revanche, peu d’artistes africains parviennent à s’imposer de manière solide et durable. D’où le choix, par le secrétariat général de la biennale, d’organiser des tables rondes et des débats centrés sur les métiers liés au monde de l’art. « Notre problème, en Afrique, c’est que nous avons de bons artistes, de bons commissaires, de bons penseurs, mais que nous manquons de corps intermédiaires, de médiateurs, de formations, souligne Damani. Il faut arrêter de mettre notre énergie dans des choses trop intellectuelles et créer des écoles pour enseigner qu’un tableau s’accroche avec son centre à 1,60 m de hauteur, qu’un cartel se place à 1,20 m et loin de l’œuvre… » S’agit-il pour autant de se plier à la forme du moule ? D’obéir aux règles et aux diktats établis ailleurs ? Les penseurs réunis à Dakar réfutent en tout cas l’idée JEUNE AFRIQUE

selon laquelle les artistes devraient courber l’échine face à la toute-puissance du marché mondialisé. « Il faut éviter de croire qu’en matière d’art le marché prévaudrait, souligne Yacouba Konaté. Il existe de fait un système dominant, mais il existe aussi des sous-modèles qu’il faut prendre en compte, et il faut regarder comment la production existe malgré tout et circule. En Côte d’Ivoire, l’artiste James Houra est l’un de ceux qui se vendent le mieux… et il le fait à la maison ! » Pour Julie Mehretu – dont la toile Retopistics : A Renegade Excavation s’est vendue pour plus de 4 millions de dollars (2,9 millions d’euros) en mai 2013 –, le sujet est tabou : « Je n’ai pas de commentaire à faire, je laisse le marché aux acteurs du marché. » En revanche, le philosophe Yves Michaud, auteur d’une très belle intervention intitulée « Profils de l’artiste

à l’heure d’aujourd’hui », pousse dans le même sens que Yacouba Konaté, insistant sur la pluralité des marchés : « Le marché où se font les grandes performances multimillionnaires est seulement un secteur du marché occidental, dit-il. Il y a aussi des marchés locaux, parfois des marchés populaires pour un type d’art à forte valeur identitaire. » Sur une note optimiste, il conclut : « Je pense que l’Afrique qui se développe pour de bon, ce continent où l’on prend conscience de toute l’extension de la civilisation africaine, où l’on circule et échange, doit savoir compter sur ses propres forces et son propre dynamisme pour produire cette reconnaissance, en tirant parti non seulement de ses publics africains, mais aussi de ses diasporas émigrées un peu partout dans le monde et de ses descendances forcées dans les pays qui ont profité de la traite des esclaves. » l NICOLAS MICHEL, envoyé spécial N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


Culture médias En vue

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

POLAR

L’Algérie au scalpel La plume acérée, le regard perçant, Yasmina Khadra dissèque les maux qui rongent son pays dans un roman passionnant, naviguant entre policier et thriller politique.

O

n retrouve tout Yasmina Khadra entre les lignes de son dernier roman, Qu’attendent les singes. L’écrivain talentueux et égotique dont la plume demeure toujours aussi acérée, le fin observateur de la société algérienne, l’auteur de polars, où la noirceur le dispute à la violence, et l’apprenti politicien, éphémère candidat à la dernière présidentielle. Qu’attendent les singes illustrent son grand retour à l’Algérie d’aujourd’hui, entre policier et thriller politique, donc. Une jeune étudiante, soigneusement apprêtée et maquillée, découverte morte et mutilée dans une forêt près d’Alger, une jolie, opulente et intègre commissaire en amazone des temps modernes, un baron de la presse peu scrupuleux, un

BASSO CANNARSA/OPALE

Qu’attendent les singes, deYasmina Khadra, Julliard, 360 pages, 19,50 euros nnn

tout-puissant vieillard sans foi ni loi qui dirige le pays dans l’ombre, un flic macho et corrompu et un autre, impuissant et

éternel souffre-douleur du premier… Une parabole de l’Algérie contemporaine selon Khadra : pouvoir corrompu, corrompant et cynique, veules supplétifs, peuple laminé et coupable de sa résignation, nation au bord du précipice. Le roman est passionnant. Le pamphlet sous-jacent – excessivement sombre et caricatural, comme souvent avec KhadraMoulessehoul (son vrai nom), qui en profite pour régler de manière sibylline quelques comptes –, beaucoup moins. l MARWANE BEN YAHMED

u Zohoré Lassane (auteur du personnage Cauphy Gombo, à g.) et Damien Glez.

EUROPACORP DISTRIBUTION

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RECUEIL

Dessine-moi la liberté

Caricaturistes. Fantassins de la démocratie, Bayard, 416 pages, 22,90 euros nnn

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LE CINÉASTE ROUMAIN Radu Mihaileanu est « un enfant de la dictature », de celle qui grave à jamais en vous « la peur de la barbarie et du manque de liberté ». Convaincu que l’humour est une arme efficace contre les régimes autoritaires, il a suivi 12 caricaturistes à travers le monde, parmi lesquels le Palestinien Boukhari, la Tunisienne Nadia Khiari (Willis from Tunis), l’Ivoirien Zohoré Lassane (Gbich!), l’Algérien Slim ou

encore Glez, un Français installé au Burkina et qui collabore régulièrement à Jeune Afrique. Un film présenté à Cannes, qui a donné lieu également à un ouvrage dans lequel ces dessinateurs satiriques racontent leurs débuts, leurs influences, leur quotidien, la force du croquis dans des sociétés où l’analphabétisme peut toucher 60 % de la population… Trois cents dessins accompagnent leurs SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX propos. l JEUNE AFRIQUE


Culture médias ROMAN

Et il est comment le dernier…

La vie en tôles

… MOUSSA KONATÉ

LAURENT DE SAINT PÉRIER

La Traversée du K.-O., de Mohamed alFakharany, traduction de Marianne Babut, éd. du Seuil, 216 pages, 18 euros nnn

MUSIQUE

Nouveau talent UNE NOUVELLE HISTOIRE sans frontières: Awa Ly, Française d’origine sénégalaise, émigrée en Italie, vient de sortir son second disque, auquel elle donne son nom. Un EP regroupant 4 titres, et autant de douceurs mêlant jazz, pop et folk. Accompagnée de talentueux musiciens(GregCohenàlacontrebasse,EarlHarvin à la batterie, Massimo Giangrande à la guitare…), Awa Ly chante en anglais, mais pas seulement : quelques bribes de français se glissent sur Doum Doum Doum, premier titre de cet opusconcoctéentreRome, Berlin et Paris… et décidément trop court. l MICHAEL PAURON

Awa Ly (Moimême Production/Bad#Diez)

nnn

M

oussa Konaté est mort le Moussa Konaté: aucun voyeurisme 30 novembre 2013, à sanglant, une lenteur calquée sur le Limoges, loin de ce Mali débit du Djoliba, des dialogues qui coulait dans ses veines, loin de délicieusement surannés, une cette Afrique pour laquelle il voulait langue qui évite avec soin les le meilleur. Meurtre àTombouctou exotismes faciles, mariée à une aurait pu être le tout dernier de ses volonté d’éclairer les lignes de livres: ce n’est pas le cas puisqu’il fracture traversant toutes les avait eu le temps de confier aux couches de la société malienne. éditions Métailié un autre Sans caricaturer, attentif avant tout manuscrit, L’Affaire des coupeurs à la crédibilité de ses personnages de tête, à paraître aussi en 2014. En – fussent-ils secondaires – Konaté attendant la parution de cet ultime dépeint le Nord-Mali mieux opus, c’est avec plaisir et émotion qu’aucun article de presse ne le que l’on retrouve, sur les berges du fera jamais. Qu’il s’agisse du patelin fleuve Niger, le commissaire Touré, commissaire Habib « un Songhaï au et l’inspecteur physique de Sosso, duo de choc boxeur » très de la police prompt à ménager malienne. la chèvre et le chou, Cette fois, ou de l’inénarrable l’expérience de l’un serveur surnommé et l’impulsivité de Flytox en raison de l’autre seront mises sa propension à à contribution pour gifler l’air pour y résoudre une affaire dézinguer qui menace d’invisibles d’enflammer moustiques, Tombouctou: la Meurtre à Meurtre à Tombouctou, de mort mystérieuse Tombouctou Moussa Konaté, éd. d’un jeune représente pour Métailié, 182 pages, Touareg… Lutte Konaté l’occasion 16 euros nnn entre clans rivaux, de raconter la « ville jalousie amoureuse, aux 333 saints » en complot terroriste, toutes les exécutant un à un tous les clichés hypothèses sont possibles et, avec auxquels on l’associe. Avec lui, la une science consommée de la cité mythique n’est pas drapée diplomatie, le commissaire Habib dans un linceul de poussière et s’essaye à démêler l’écheveau en figée pour l’éternité, elle palpite ménageant aussi bien les d’influences vivantes et diverses, sensibilités locales que nationales, nœud de civilisations offrant, pour voire internationales puisque son qui veut bien écouter, une partie administration lui adjoint d’office un des clés nécessaires pour policier français. comprendre le Mali contemporain. Les polars de Moussa Konaté ne Et ses problèmes actuels. l NICOLAS MICHEL ressemblent qu’aux polars de © Vincent Fournier/JA

HUSSEIN, HILAL, FARAOULA, NAÏMA, Waganat, Khalid… L’auteur, né en 1975, peint avec un réalisme cru le quotidien d’une ribambelle de jeunes déshérités des bidonvilles du Caire, qui nourrissent des rêves aussi simples qu’impossibles tout en se battant rageusement pour continuer à exister dans un monde chaotique où pauvreté et violence ordinaire se conjuguent avec misère sexuelle et affective. Seules issues, les amis, les drogues et des sourires que les pires cauchemars ne parviendront pas à effacer de leurs lèvres. Un très beau livre, magnifiquement composé et dont la traduction rend bien le style incisif et subtil. l

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

Banque des Etats de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc Décision n° 028/GR/2014 du 16 avril 2014

SÉLECTION INTERNATIONALE RESTREINTE N°10/BEAC/DGE-DIPG/SIR/CC/2014 du 21 mai 2014 pour la réalisation des études préalables à la construction de l’immeuble devant abriter le futur Centre de la BEAC à Tchibanga en République Gabonaise

AVIS DE PRÉSÉLECTION

JEUNE AFRIQUE

a) Critères éliminatoires • Dossier administratif incomplet ; • Non-conformité des pièces administratives aux prescriptions de l’avis de présélection ; • Pièces falsifiées ou fausse déclaration. b) Critères d’évaluation Les dossiers techniques seront notés sur 100 points de la manière suivante : • Présentation générale de la soumission : 10 points • Références similaires du soumissionnaire : 90 points Le soumissionnaire devra décrire ses références significatives portant sur des prestations similaires à celle demandée en indiquant clairement le client, le projet, la période d’exécution et le coût du marché. Seuls les cinq premiers candidats qui auront totalisé à l’issue de l’évaluation une note technique au moins égale à soixantequinze (75) points sur cent (100) seront retenus pour figurer sur la liste restreinte. IV - DÉPÔT ET OUVERTURE DES CANDIDATURES Les soumissions, rédigées en langue française et tirées en huit (08) exemplaires dont un original et sept copies marqués comme tels, devront être déposées sous pli fermé à l’adresse suivante, au plus tard le jeudi 26 juin 2014 à 12H00, heure locale : BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE SERVICES CENTRAUX, 736 Avenue Monseigneur Vogt BUREAU D’ORDRE - 15ème étage - Porte 15.01 ! : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN L’enveloppe extérieure devra porter uniquement la mention suivante dûment complétée par le soumissionnaire : « SÉLECTION INTERNATIONALE RESTREINTE N°10/ BEAC/DGE-DIPG/SIR/CC/2014 ; A N’OUVRIR QU’EN SÉANCE DE LA COMMISSION AD HOC ». V - OUVERTURE DES CANDIDATURES La présélection ouverte est valable dès réception d’au moins trois candidatures. Les soumissions seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires, dûment mandatés, qui souhaitent assister à la séance, le jeudi 26 juin 2014, à 13 H00, aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé. VI - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Les renseignements complémentaires peuvent être obtenus de lundi à vendredi, entre 9 heures et 12 heures, aux Services Centraux de la BEAC, 14ème étage, Porte 14.12 " : + 237/ 22 23 40 60 ; 22 23 40 30 (Poste 5412) ! : +237 /22 23 33 29 ; 22 23 33 50 adresse électronique : cgam.scx@beac.int Le Président de la Commission ad hoc,

N° 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Avis de présélection

Dans le cadre de l’exécution de son programme immobilier, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) envisage la construction d’un nouvel immeuble devant abriter son futur Centre à Tchibanga en République Gabonaise.A cet effet, elle invite, par le présent avis, les cabinets d’architectes intéressés et remplissant les conditions requises à présenter une candidature. Le processus se déroulera conformément à la procédure de sélection internationale restreinte avec une présélection ouverte définie par le Code des marchés et le Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. I. OBJET DE LA SÉLECTION Les prestations, objet de la sélection, consisteront notamment à: • réaliser les études architecturales et techniques ; • confectionner une maquette ; • assister le maître d’ouvrage pour la passation du marché pour les travaux de construction ; • diriger l’exécution des travaux ; • assister la BEAC lors des opérations de réception. II. DOSSIER DE CANDIDATURE Les candidats à la présente présélection devront fournir un dossier administratif et un dossier technique contenant les pièces ci-après : 1. Dossier administratif • une fiche signalétique conforme au modèle • l’attestation d’inscription à l’Ordre des Architectes du pays où le cabinet d’architectes est établi ; • une attestation datant de moins de trois (3) mois délivrée par les autorités judiciaires du pays d’installation, indiquant que le cabinet d’architectes n’est pas en faillite ; • les attestations datant de moins de trois (3) mois indiquant que le cabinet d’architectes est en règle vis-à-vis de l’administration fiscale et de la Caisse de sécurité sociale du pays où il est établi. 2. Dossier technique • une fiche de présentation du cabinet d’architectes ; • les copies certifiées conformes des pièces d’identité et des diplômes des architectes membres du cabinet ; • des références indiquant les études et projets similaires réalisés au cours des cinq dernières années (procès-verbal de réception, coût, description sommaire et images des projets). La sous-traitance n’est pas autorisée. Le groupement de cabinets/d’entreprises est autorisé. Cependant, les pièces administratives et techniques requises seront fournies pour chacun des membres du groupement. III - APPRÉCIATION DES CANDIDATURES La candidature sera appréciée suivant les critères ci-après :


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Annonces classées Banque des Etats de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc Décision n° 024/GR/2014 du 09/04/2014

SÉLECTION INTERNATIONALE OUVERTE N° 09/BEAC/SG-DOAAR-CGAM/SIO/CC/2014 du 14 mai 2014 pour la Gestion électronique des documents et la Numérisation de l’archivage à la BEAC.

Manifestation d’intérêt - Avis de sélection

AVIS DE SÉLECTION La Banque des Etats de l’Afrique Centrale envisage la modernisation de la gestion de ses documents et la restructuration de ses modalités d’archivage. A cet effet, elle invite, par le présent avis de sélection, les cabinets remplissant les conditions requises, à présenter une soumission. Le processus se déroulera conformément aux dispositions du Code des Marchés et du Manuel de Procédures de Gestion des Marchés de la BEAC. Les cabinets intéressés peuvent obtenir un complément d’information et consulter le dossier de sélection rédigé en français à l’adresse ci-dessous, entre 9 heures et 12 heures, les jours ouvrés. BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général – DOAAR-CGAM, 14ème étage, porte 14.12 736 Avenue Monseigneur Vogt - ! : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN " : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 poste 5412 ! : (237) 22 23 33 29 - @ : cgam.scx@beac.int Le dossier de sélection est exclusivement remis en version électronique. La participation à la présente mise en concurrence n’est conditionnée par aucun paiement. Les soumissions conformes au règlement particulier de la sélection devront être déposées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le vendredi 27 juin 2014 à 12 heures. BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt - ! : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts,en deux étapes,en présence des représentants des soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister aux séances d’ouverture. Les dossiers administratifs et techniques seront ouverts le vendredi 27 juin 2014 à 13 heures précises et les dossiers financiers le lundi 07 juillet 2014 à 13 heures aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé. Fait à Yaoundé, le 15 mai 2014 Le Président de la Commission ad hoc,

RÉPUBLIQUE DU CONGO

PROJET D’APPUI À LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE (PADE) COFINANCEMENT CONGO/BANQUE MONDIALE TÉL: [00 242] 05 513 60 43/06 668.24.31/ 05 568 87 06

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 009-MEFPPPLPADE-CPM 20l4 « Relatif au Rectutement d’un Cabinet de Consultants chargé du suivi des réformes d’Amélioration du Climat des affaires »

1. Le Gouvernement de la République du Congo à obtenu, auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA), un crédit de cofinancement dans le cadre du Projet d’Appui à la Diversification de l’Economie (PADE), qu’accompagne le groupe de la Banque Mondiale. Dans le cadre de l’exécution dudit projet, l’Unité de Coordination du Projet à l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Crédit pour financer les services relatifs au recrutement d’un « Cabinet de Consultants chargé du suivi des réformes d’Amélioration du Climat des affaires ». 2. La firme retenue aura pour mission principale d’assurer le suivi des réformes et l’appui aux parties prenantes dans l’appropriation des nouvelles dispositions, l’appui à la définition des besoins en formation et l’accompagnement des acteurs publics et privés au changement. 3. La mission durera douze (12) mois. 4. L’Unité de Coordination du PADE invite les firmes intéressées à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans les conditions semblables, etc.) 5. Sur cette base, un Cabinet d’étude sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque Mondiale « Sélection et Emploi des consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de Janvier 2011. La méthode de sélection retenue est celle Fondée sur la Qualité Technique et le Coût (SFQC). 6. Les Consultants intéressés doivent s’adresser à l’Unité de Coordination du PADE pour obtenir les informations complémentaires (TDRs notamment) relatives à cet avis au siège du projet sis 05 et 06, rue Isaac Locko, dans le secteur de Blanche Gomez ou par courrier électronique adressé à pade.pacadec@yahoo.fr les jours ouvrables de 08 h 00 à l5 h 00. 7. Les manifestations d’intérêt multipliées en trois (03) exemplaires doivent être rédigées en Français, portées la mention « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un Cabinet de consultants chargé du suivi des réformes d’Amélioration du Climat des affaires » et déposées sous pli fermé à l’adresse ci-dessus citée au plus tard le Lundi 16 juin 2014. Fait à Brazzaville le 22 mai 2014 Le Coordonnateur du PADE Joseph MBOSSA N° 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées PREMIER MINISTÈRE

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BURKINA FASO UNITÉ – PROGRÈS – JUSTICE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL MAÎTRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN FINANCEMENT : BID, OFID et BOAD

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 2014-11/PM/SG/MOAD/PRM Recrutement d’un consultant pour le contrôle et la surveillance des travaux de construction du nouvel aéroport international de Ouagadougou-Donsin : lot 2, 3 et M1 Le Gouvernement du Burkina Faso a décidé, avec le soutien de ses partenaires techniques et financiers, la construction du nouvel Aéroport International de Ouagadougou et de ses voies d’accès, dans le village de Donsin situé à 30 km au nord-ouest de la ville de Ouagadougou. Dans ce cadre, le Burkina Faso a obtenu des partenaires techniques et financiers ( BID, BADEA, FSD FKDEA, BOAD et OFID), un financement en vue de la réalisation des travaux de construction des lot 2 , 3 et M1 de la plateforme aéroportuaire de Donsin. Il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre des services intitulés : contrôle et surveillance des travaux de construction du nouvel aéroport international de Ouagadougou-Donsin : lot 2 , 3 et M1. Les prestations couvrent les travaux des lots suivants et se répartissent comme suit: - Lot 2 A : Chaussées aéronautiques, Balisage, Assainissement et réseau d’hydrants; - Lot 2 B : Clôture de l’emprise aéroportuaire et pistes de ronde; - Lot 3.1 : Voiries côté ville et espaces verts; - Lot 3.2 : Réseaux d’eau potable, eau usée, eau pluviale et de, sécurité incendie; - Lot M1 : Voiries et assainissement, réseau d’eau potable et éclairage (Base militaire).

Le Consultant (bureau ou cabinet) fournira le personnel et tous les moyens nécessaires pour garantir que toutes les exigences du Maître d’ouvrage seront respectées. Le rôle du Consultant consistera à veiller à ce que les travaux soient réalisés : (i) dans les règles de l’art, (ii) dans le délai imparti, et (iii) dans le budget alloué. Le délai d'exécution pour les travaux est estimé à trente six (36) mois, mais le consultant sera mis en place un (1) mois avant le démarrage des travaux et achèvera ses prestations un (1) mois après la fin des travaux, le délai d'exécution des prestations du consultant sera donc de trente huit (38) mois. A cet effet, la Personne Responsable des Marchés de la Maitrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin, invite les candidats éligibles aux fonds de la BID, de l’OFID et de la BOAD à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés devront fournir les informations (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des compétences nécessaires parmi le personnel, etc.). indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services. Les consultants intéressés pourront obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous. Les manifestations d’intérêt devront être rédigées en français, présentées en (04) quatre exemplaires dont un (1) original et trois (03) copies et être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 19 juin 2014 à 10 h TU au Secrétariat du Département Technique de la MOAD sis au 1090, avenue Professeur Joseph KI ZERBO, 2ème étage de l'immeuble de l'ex-premier ministère ; 03 BP 7027 OUAGADOUGOU 03 Tel: 50 32 48 16/17/18 ; Fax : 50 33 10 03 ; Courriel : moad@primature.gov.bf entre 08 heures et 12 heures UT et 15 heures et 17 heures UT. La Personne Responsable des Marchés, Président de la Commission d’attribution des marchés Wendoana Pascal KIMA JEUNE AFRIQUE

N° 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Manifestation d’intérêt

La mission du Consultant est d'assurer la totalité des tâches de surveillance ainsi que du contrôle des travaux exécutés par les entreprises adjudicataires des marchés des travaux et qui se résument en : • La préparation au bon démarrage du chantier ; • La vérification et la réception des implantations des différents ouvrages; • La coordination générale du chantier en vue d’assurer l’avancement normal et rationnel des travaux ; • L’établissement des procès-verbaux de réunions hebdomadaires de chantier ; • Le respect des plannings d’exécution fournis par l’entreprise ; • Le contrôle et certification de la mise en œuvre des matériaux ; • La gestion des choix techniques préconisés dans le sens de l’efficacité, de l’économie et du respect des délais pour le maître d’ouvrage.


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Annonces classées AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT RELATIF AU RECRUTEMENT D’UNE SOCIÉTÉ POUR L’EXPLOITATION DU GAZ MÉTHANE DU LAC KIVU N° Avis : 002/AMI.GAZ/CGPMP/MIN-HYDRO/2014 ; Source de financement : Partenariat Public Privé ; Date de publication : 23/05/2014 ; Date de clôture : 23/06/2014 ; Pays : République Démocratique du Congo N/Réf. : M-HYD/CATM/55Y/CAB/MIN/2014

1. CONTEXTE GÉNÉRAL : Le présent Avis à Manifestation d’intérêt fait suite à la publication du Plan de Passation des Marchés Publics validé par la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics et publié sur le site de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics www.armp-cd

Recrutement - Manifestation d’intérêt

Le lac Kivu est une spécificité unique au monde dont la présence simultanée de dioxyde de Carbone et de méthane ainsi que sa sursaturation en gaz dissout présentent un risque permanent d’explosion. C’est en vue de prévenir et d’éliminer ce risque que le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, agissant par l’intermédiaire du Ministère des Hydrocarbures sollicite par le présent Avis à Manifestation d’Intérêt, toute personne morale remplissant les conditions requises ou tout groupement de telles personnes (consortium) à lui soumettre des candidatures pour réaliser les travaux de l’exploitation du gaz méthane du Lac Kivu dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP). Les Sociétés ci-dessous, jadis impliquées dans le processus d’exploitation du gaz méthane du lac Kivu sont priées de confirmer leur intérêt en prenant part à la présente Manifestation : 1) ANTARES OFFSHORE I.I.C, 2) AYECA-7 OIL RDC, 3) BANTU INVESTISTMENT HOLDING, 4) BYC INVEST & CO, 5) GALTRON OIL CORPORATION HOLDING SPRL/AINSLEY INTERNATIONAL, 6) GRINA TECHNOLOGIE, 7) KAHUMIPEX, 8) KIVU LAKE ENERGY CORPORATION SPRL, 9) KIVU RUZIZI, 10) KIWA BIOTEC, 11) La Congolaise des Mines, Hydrocarbures et de Développement, 12) MOBESA INVESTMENTS, 13) PARADOX HOLDING SPRL/GUNVOR INTERNATIONAL, 14) REHOBOTH, 15) SET FOUNDATION, 16) SINO CONGO PETROLEUM, 17) Société des Hydrocarbures du Gaz du Lac Kivu, 18) Soco PROFOR SPRL et 19) VITAVA. 2. OBJECTIFS DU PARTENARIAT : • Mobilisation des fonds nécessaires au financement du projet ; • Etude sommaire et détaillée de la localisation du gaz ; • Mise en œuvre des travaux d’exploitation du gaz dans le lac Kivu ; • Gestion, utilisation et entretien des ouvrages construits dans le cadre de l’exploitation du gaz pendant une période de 15 ans renouvelable une fois pour une durée de 5 ans ; • Partage des intérêts issus de l’exploitation du gaz, remboursement des frais consentis et constitution de la provision pour abandon des sites.

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com N° 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

3. PROFIL DE LA SOCIÉTÉ : Le Candidat est tenu de fournir les informations indiquant qu’il est qualifié pour exécuter les prestations : la nature des activités du candidat (constitution et organisation du candidat ou de chaque membre du consortium, identité, statuts, registre de commerce, adresse complète du siège social et celle de la représentation locale éventuellement, organigramme, etc..), le nombre d’année d’expérience, joindre les références de l’exécution des marchés similaires, joindre la liste et le profil du personnel administratif et technique, présenter les états financiers des cinq (05) dernières années (2009 à 2013) de la société ou de chaque membre, joindre les références de projets de partenariat public privé exécutés dans le passé et tous autres documents jugés utiles. 4. MÉTHODE DE SÉLECTION : A l’issue de l’évaluation des offres, une liste restreinte des candidats présentant au mieux les aptitudes requises pour exécuter les prestations sera établie par l’Autorité Contractante, les candidats préselectionnées seront ensuite invités à présenter leurs propositions techniques et financières. La sélection finale d’un candidat se fera par la méthode de sélection fondée sur la qualité et le montant de la proposition (sélection qualité-coût). La cotation globale des candidats est sur 100 points répartit comme suit : Qualification générale : 20 points, Qualification spécifique 50 points et Qualification financière 30 points. Seuls les candidats ayant obtenu la note de 50 sur 100 points seront retenus. 5. INFORMATIONS ET RÉPONSE A L’AMI : Les Manifestations d’Intérêt rédigées en langue française, présentées en trois exemplaires (un original et trois copies), sous enveloppe fermée mentionnant le numéro et l’intitulé du projet sont adressées à Son Excellence Monsieur le Ministre des Hydrocarbures à Kinshasa/Gombe et déposées à l’adresse suivante : Secrétariat Permanent de la Cellule de Gestion des Projets et des Marchés Publics du Ministère des Hydrocarbures, sis Avenue Comité Urbain n°1 dans la Commune de la Gombe au 6ème Niveau de l’immeuble Cohydro local 0629 à Kinshasa, au plus tard le 23 juin 2014 à 11 heures précises (heure locale). L’envoi des offres par voie électronique n’est pas autorisé. Pour toute autre information : Tél.: (+243)125102176 et E-mail : secpermanenthydro@gmail.com Fait à Kinshasa, le 20 mai 2014 Crispin ATAMA TABE MOGODI

Senior Investment Officer H/F Côte d’Ivoire - CDI - Finance

Au sein d’un fond d’investissement international, vous êtes en charge de développer votre réseau sur la Côte d’Ivoire et la sous-région, identifier les sociétés dynamiques afin de leur proposer des solutions d’investissement intéressantes. Vous êtes responsable de l’analyse financière de ces sociétés et de la bonne exécution des investissements ainsi que du suivi de votre portefeuille. Diplômé(e) d’une formation supérieure en finance/comptabilité,vous avez une expérience professionnelle d’au moins 10 ans dans l’audit, fonds d’investissement ou ingénierie financière.Vous êtes un(e) excellent(e) communicant(e). Réf. : JA/JO-043157 Postulez par email : faam@fedafrica.com

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Les offres de la semaine de Michael Page Africa Le spécialiste du recrutement sur l’Afrique

Appel à candidature

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Dans le cadre du renforcement des capacités civiles de sa Direction instruction, l’Ecole de maintien de la paix Alioune blondin BEYE de Bamako lance un appel à candidature pour le recrutement d’un(e) Instructeur(trice) pour la composante civile Mission - il/elle assurera la direction des stages qui lui seront attribués - il/elle assurera des modules de formation dans ses domaines de compétence - il/elle participera à la rédaction et à la mise sur pied du programme de formation civile Profil requis - diplôme universitaire (master ou doctorat) ; - bilingue français-anglais : - expérience comme directeur(trice) de stages Acte de candidature : Peut faire acte de candidature, toute personne, de nationalité Malienne/citoyen d’un pays de la CEDEAO /ou d’un pays Africain. Pour de plus amples informations sur les documents requis, veuillez consulter le site www.empbamako.org. La date limite de dépôt de candidature est fixé au 16 juin 2014 à 12 h 00.

General Manager Réf. : QWTD 608202

Facilities Management

Country manager TRIPOLI (LIBYE) • H/F • 120K€ Réf. : QKFE 608952

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KINSHASA (RDC) • H/F • 150K€+

N° 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Mali L’avion de la discorde! SIMPLE QUESTION de bon sens : il est des circonstances qui commandent de différer l’accomplissement de certains actes. Malgré l’appui des forces françaises, desscoriesdelacrisemalienne (version loyalistes contre islamo-terroristes) persistent! Les milliards promis pour le redressement du pays, sont libérés au compte-gouttes par les bailleurs de fonds (FMI, Unioneuropéenne,États-Unis, etc.).Normal,danscecontexte, que le souhait du pouvoir malien d’acquérir un avion présidentiel pour 20 milliards de F CFA (30 millions d’euros), soit un quart du montant attendudesbailleursdefonds, suscite l’indignation. D’autant plusnormalquel’ancienavion présidentiel a bel et bien servi

à transporter sans encombre l’ex-président malien de la transition, Dioncounda Traoré, et différentes délégations. D’autant plus normal, aussi, qu’au Malawi la présidente Joyce Banda a donné l’exemple, prouvant ainsi qu’un autre choix était possible. Elle a opté pour des avions de ligne lors de ses missions, préférant vendre le jet à sa disposition pour faire face à des urgences sociales… Au Mali, le coût définitif des solutions à apporter aux urgences sociales reste encore bienplusélevéqu’auMalawi! l BA IBRAHIM, Paris,France

Démissions Résignation en RDC? J’AIÉTÉÀLAFOISTOU CHÉetamuséenlisantle post-scriptum de Tshitenge

Lubabu M.K . intitulé «Démissions»(J.A.no 2784,du 18 au 24 mai 2014). Il dénonce lespratiques(éhontéesdeson pays)avecleregardémerveillé d’unenfantetleréalismed’un peintre. Alors, son constat, au lieu de décourager, tonifie. Cet illogisme de la résignationsetraduitpresquepartout parunesortedepensée«limitante » que beaucoup de Congolais ont en commun. Elle peut s’exprimer de plusieurs manières : « Nous n’y arriverons jamais »; « Nous ne sommespasnéspourça»;«Ce paysnechangerajamais»,etc. Chers Congolais, si nous devions ne retenir qu’une seule idée, ce serait celle-ci : nous pouvons tous entreprendre et réussir ici, chez nous. Les Congolais que désigne TLMK sont les premiers

responsables de leur propre exploitation éhontée. Ses critiquesdoiventdoncnousinciter à l’action. Saint-Exupéry, dans Vol de nuit, ne dit pas autre chose lorsqu’il soutient que l’homme ne se découvre vraiment en tant qu’homme q u e l o r s q u ’ i l a f f ro n t e l’adversité. l ÉRIC LUBANGU, Lubumbashi, RD Congo

Cameroun Nager en eau trouble J’AI LU avec délectation le dernier « Plus » de J.A. sur le Cameroun, notamment l’article intitulé « Infrastructures : ça avance ? » (J.A. n°2783,du11au17mai2014). Secrétaire exécutif d’AsisiCameroun, organisation au sein de laquelle je plaide pour lacamerounisationduporten eau profonde de Kribi, il me semble difficile d’accorder du crédit à Louis-Paul Motaze, président du comité de pilotage de la réalisation du port en eau profonde de Kribi, selon qui le premier bateau commercial accostera à Kribi

Édito Ne caricaturons pas Poutine FRANÇOIS SOUDAN s’est livré à une analyse quelque peu protègent le butin de nos dirigeants dans leurs banques. tendancieuse de la perception qu’ont les dirigeants Ces Occidentaux qui nous parlent de droits de l’homme, africains du président russe Vladimir Poutine (J.A. no 2784, mais ferment les yeux sur les massacres de nos du 18 au 24 mai). Il faut lever quelques équivoques : compatriotes au nom de leurs intérêts. Ces Occidentaux qui d’abord, plus que les dirigeants, ce sont suggèrent le respect de la diversité mais les peuples africains qui vouent à Poutine nous commandent d’intégrer une grande admiration. Non seulement l’homosexualité dans nos mœurs en parce qu’il est à la tête d’un grand pays, menaçant de supprimer les aides mais aussi pour son attitude noble et financières. Ces Occidentaux qui parlent courageuse vis-à-vis des Occidentaux face d’ouverture et d’alternance mais à leurs ravages dans le monde. Ensuite, coopèrent avec des régimes où des fils nous aimons Poutine par exaspération et succèdent à leur père, où l’on modifie la rejet de la domination de l’Occident. Ces Constitution au gré des intérêts des Occidentaux qui nous parlent de dirigeants… démocratie chaque jour et, dans le même Nous sommes donc surpris de la temps, choisissent à notre place nos caricature que l’Occident essaie de projeter dirigeants et envoient à la CPI – quand ils de Vladimir Poutine dans le monde, alors ne les font pas tuer purement et que cet Occident encourage, soutient ou simplement – ceux qui ne plient pas tolère des pratiques plus ignobles en l’échine. Ces Occidentaux qui parlent de Afrique, et ce depuis des siècles. l p J.A. no 2784, du 18 au 24 mai 2014 AUGUSTIN ARMEL MINKA, Douala, Cameroun bonne gouvernance mais reçoivent et N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

JEUNE AFRIQUE


Vous nous

dès juin, donc dans quelques semaines. Aucun opérateur portuaire n’a été désigné à l’issue des multiples appels à manifestation d’intérêt et appelsd’offres.Nilesgestion-

CQJC Welcome back BBY ! Quel bonheur de lire ce message rassurant du retour du « baobab » resté beaucoup trop longtemps hors de son village! S’il en existait une, la coalition des lecteurs de Jeune Afrique vous accueillerait avec des exemplaires de votre hebdomadaire, l’Histoire finissant toujours par valider vos écrits (« Ce que je crois »). Nous croyons comme vous en une nouvelle Afrique, voilà pourquoi, avec appétit, nous continuerons à vous lire. l TOUNGARA BALLA, Abidjan, Côte d’Ivoire

p J.A. n° 2783, du 11 au 17 mai 2014

naires du terminal à conteneurs, ni ceux du service nautique (lamanage, remorquage, etc.), encore moins ceux du terminal polyvalent dudit port ne sont connus, ce quirenddoncincertainlerespect du calendrier annoncé. À mon sens, l’opacité qui entoure d’ailleurs l’ensemble du projet a pour seul but l’abandon de 90 % du marché portuaire de Kribi (Douala inclus) aux multinationales étrangères,quifontcequ’elles veulent au nez et à la barbe

C’est avec un immense bonheur que j’ai découvert dans le numéro 2784 de Jeune Afrique votre note nous informant de la très prochaine reprise de « Ce que je crois ». Je me réjouis de cette nouvelle. Lecteur passionné de cette rubrique, j’ai pensé – comme bien de personnes

desgouvernementsafricains. Un réexamen desprocédures de concession au port en eau profonde de Kribi s’impose. La mise à l’écart des entreprises camerounaises, dont certaines affichent de meilleures performances que ces multinationales sur la côte ouest-africaine, nous semble inique. l AUGUSTIN ARMEL MINKA,

d’ailleurs – que son interruption était due à des soucis de santé de son auteur. Dieu merci, il n’en est rien. J’attends donc impatiemment les prochains numéros. l SOULEYMANE DIABATE, Abidjan, Côte d’Ivoire

Trentenaire français d’origine ivoiro-guinéenne et cadre de banque à Bordeaux, je tenais juste à vous remercier pour votre rubrique « Ce que je crois » dans ce magazine dont je suis un lecteur assidu depuis mon enfance en Afrique et l’un des abonnés depuis 2007. Je vous souhaite une santé de fer et une longue vie pour pouvoir vous lire encore chaque semaine. Je vous remercie pour cette œuvre magnifique et vous souhaite beaucoup de bonheur. l MARC LAMINE TOURÉ, Bordeaux, France

Précision Dans notre article consacré au siège de l’UEMOA, nous avons évoqué ses 193 milliards de F CFA de budget. Son service de communication souhaite apporter les précisions suivantes : « Plus des deux tiers du budget, soit 78,19 %, sont réservés aux différentes interventions en faveur des États et aux dotations au Fonds d’aide à l’intégration régionale (FAIR) et au Fonds régional de développement agricole (FRDA), le solde étant destiné aux frais de fonctionnement et d’investissement de l’institution. »

Douala, Cameroun

Bienvenue à bord et bonne lecture. Retrouvez-nous sur vos compagnies aériennes préférées.

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fawzia zouari

bby@jeuneafrique.com

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed

Le fellah et l’agent d’État

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

M

AIS QU’ESTCE QUI A PRIS le gouvernement tunisien de procéder, précisément maintenant, au recensement de la population ? Envoyer des enquêteurs frapper aux portes de citoyens au bord de la crise de nerfs parce que subissant insécurité, braquages et crise économique relève de l’inconscience. Tout comme dépenser quelque 43 millions de dinars (plus de 19 millions d’euros) dans une opération d’aucune urgence pour un État en faillite… N’empêche. Le recensement a bien démarré en avril dernier avec des agents recrutés parmi de jeunes chômeurs qui ne se lassent pas de raconter leurs mésaventures. Dans les quartiers huppés de la capitale, certains bourgeois, dégoûtés par ce qu’ils appellent la « Révolution des gueux », leur claquent la porte au nez : « Je ne suis plus tunisien, circulez ! » Des militantes féministes s’étouffent d’indignation devant le frêle enquêteur qui demande : « Où est le chef de famille? – Eh bien, mon pauvre, le chef de famille, c’est moi! » Mais c’est des quartiers populaires que les missionnés rentrent souvent bredouilles. Les travailleurs qui ont peur du fisc ou qui ont des factures à honorer soupçonnent une procédure de confiscation déguisée. Les épouses au foyer se claquemurent par crainte des voleurs, des violeurs ou du mari jaloux qui n’hésite pas à tabasser l’agent de l’État (c’est arrivé) quand elles ne renvoient pas ce dernier pour raison religieuse – recevoir en tête à tête un mâle revient à inviter le diable en personne chez soi.

À la campagne, il faut s’enfoncer à pied dans les champs et enjamber les clôtures de figuiers de Barbarie au milieu de meutes de chiens. Arrivés à destination, les recenseurs essuient la colère de paysans qui les prennent pour des agents de l’ex-police de Ben Ali ou des suppôts d’Ennahdha et les criblent de pierres ou d’insultes. D’autant qu’on ne comprend pas tout de leurs 146 questions: « Est-ce que vous allez au cinéma ? – Pardon ? », « Elle est à vous la maison ? – Pourquoi ? Vous voulez me la confisquer ? » Dans les masures les plus crédules, on croit dur comme fer que ces visiteurs sont des anges tombés du ciel. On aligne alors les enfants malades, les ados au chômage et… les doléances en tout genre. Les plus pauvres pleurent en silence. Et les jeunes recenseurs se mettent à pleurer eux aussi. Avant de fouiller dans leurs poches afin de donner quelques billets pris sur le maigre forfait de 600 dinars alloués pour leur mission. Des hobereaux ayant rarement vu une femme « publique » – entendez tête dévoilée – s’approchent pour flairer la créature. Croyant que l’enquêteuse n’était là que pour vendre ses charmes, un certain Moussa lui a spontanément demandé combien valaient ses services à domicile. Mais il y a aussi ce quartier d’une ville du Sud qui a chassé une recenseuse « niqabée » et, plus au nord, ce sanguin qui a bousculé un agent femme dont le fiancé, appelé au secours, est venu laver l’affront. Il a fallu l’intervention du préfet pour calmer le jeu. Ce ne sont là que des anecdotes d’un recensement dont le seul intérêt, à mes yeux, réside dans la découverte de l’état d’esprit du Tunisien et dans l’inventaire de ses traumatismes, trois ans après la révolution. Avis aux psychologues. l N O 2785 • DU 25 AU 31 MAI 2014

Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis

JEUNE AFRIQUE

Rédaction en chef : Seidik Abba (s.abba@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa et Nadia Lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux avec Olivier Caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Olivier Caslin, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Christophe Le Bec, Omer Mbadi (à Yaoundé), Mehdi Michbal (à Casablanca), Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Nicolas Teisserenc, Joan Tilouine ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Renaud de Rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com), avec Fatou Tandiang RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Emeric Thérond (premier rédacteur graphiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Christian Kasongo, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service) ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Direction : Danielle Ben Yahmed et Amir Ben Yahmed ; vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326, rue du Gros-Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), Nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier ; Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285.


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