CÔTE D’IVOIRE présidentielle 2015: c’est parti! jeuneafrique.com
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Hebdomadaire international indépendant • 54e !""#$ • "° 2798 • %u 24 !u 30 août 2014
TUNISIE armée : le grand malaise
SARKOZY-KADHAFI la piste malienne
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L’AFRIQUE EN QUARANTAINE f&o"'(è&$) *$&+#$), ,(!()o") !#&($""$) -ou.#$), *u('$ %$) $x.!'&(#), ("v$)'())$+$"') b,oqu#)… l$) -o")#qu$"-$) %$ ,’#.(%#+($ !**$-'$"' %#)o&+!() 'ou' ,$ -o"'("$"'. Enquête sur une psychose.
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Éditorial François Soudan
Catherine et les boas
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N NE RÈGNE SUR RIEN À BANGUI, mais on se bat pour ce rien avec une férocité digne d’un roman de Kourouma. S’il en était autrement, Mme Samba-Panza aurait depuis longtemps démissionné pour retourner à son métier, nettement moins exposé, d’assureur. Car voici une présidente par intérim à qui ses pairs, parrains et bailleurs de fonds font chaque jour sentir qu’elle n’est là que pour le décor et qu’elle ferait mieux de se préoccuper de la couleur de ses pagnes que de ce qui ne la concerne pas. Comme, par exemple, de gouverner. À peine adoubée, la voici exclue d’une réunion cruciale consacrée à son propre pays, lors du sommet de l’Union africaine à Malabo. Motif: c’est déjà bien qu’on la perfuse à coups de milliards, il ne manquerait plus qu’elle se mêle de la composition du sérum. Nouvelle couleuvre un mois plus tard. Organisé par le Congolais Denis Sassou Nguesso, omniprésent président du Comité de suivi de la crise centrafricaine, le Forum de Brazzaville débouche fin juillet sur un accord de cessez-le-feu, mais aussi, en sourdine, sur une injonction : la régente Catherine est priée de se débarrasser au plus vite de son Premier ministre et de son gouvernement. Elle obtempère – d’autant que, dans le fond, ce Nzapayeké ne lui inspirait plus confiance. Le problème est que, la couleuvre à peine digérée, se présente un boa – de tout autre calibre, comme chacun sait. En l’espèce, on explique à Mme Samba-Panza, chef de l’État (ou de ce qu’il en reste), que sa signature est attendue, le plus tôt étant le mieux, au bas du décret de nomination du nouveau Premier ministre qu’on a choisi pour elle et pour le bien des Centrafricains: ce sera Karim Meckassoua, personnalité compétente mais indocile, ou rien. Le « on », ce sont à la fois les chefs d’État de la région, le groupe des proconsuls internationaux chargés d’exercer la tutelle locale et bien sûr la France. Laurent Fabius décroche même son téléphone, comme hier Jacques Foccart, pour que la dame comprenne bien ce qu’on attend d’elle.
Catherine Samba-Panza a beau être originaire d’une province où l’on consomme volontiers les boas, cette fois, ça coince. On peut être le produit d’une erreur de casting et avoir sa dignité, être une piètre politique et se rebiffer. Le 10 août, après avoir donné à ses interlocuteurs l’impression qu’elle se rangeait à leur choix, elle désigne à la tête de son futur gouvernement l’un de ses très proches, l’économiste Mahamat Kamoun, quasi inconnu hors de son voisinage. Stupeur. Fabius est vexé, Sassou Nguesso carrément furieux. Sans en avertir la dame, le président congolais envoie aussitôt un avion à Bangui récupérer une partie des leaders politiques centrafricains. Objectif: faire passer à la récalcitrante le message de revenir sur sa décision. Dans une lettre qu’il lui fait parvenir, DSN est explicite: vous ne pouvez pas garder Kamoun, trop clivant. Même conseil de la part de l’Angolais Dos Santos, auprès de qui Samba-Panza est allée quérir un soutien. Mais là où d’autres, conscients du rapport des forces, auraient fini par rendre les armes, la présidente par intérim s’accroche. Le 22 août, un brin exaltée, elle annonce le maintien de son Premier ministre et la formation de son nouveau gouvernement. Déclaration d’indépendance d’une femme humiliée ? Un peu. Combat dérisoire, surtout. Car pendant ce temps, ce pays oublié de Dieu continue de creuser sa tombe, indifférent à ce théâtre d’ego. Le cessez-le-feu y est violé presque chaque jour, y compris dans la capitale. Et dans le Nord, des chefs rebelles de l’ex-Séléka, réarmés, évoquent de plus en plus ouvertement une sécession à laquelle ils ont déjà trouvé un nom, repris de celui d’un ancien sultanat: le Dar el-Kouti. Qui sauvera la Centrafrique? l JEUNE AFRIQUE
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PHOTOS DE COUVERTURES ÉDITION GABON : DESIREY MINKOH ÉDITION MAGHREB ET MOYEN-ORIENT : NICOLAS FAUQUÉ ÉDITION INTERNATIONALE : IMAGO/PANORAMIC
Vous retrouverez le « Ce que je crois » hebdomadaire de Béchir Ben Yahmed dans J.A. no 2803 daté du 28 septembre
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Confidentiel
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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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France-Libye Sarkozy et la piste malienne Mohamed Deif « Chat aux neuf vies » Grace Mugabe Après le shopping, les meetings Sénégal Colère sur le campus Trafic Bring back our elephants Gaza Schabas, juge et partisan ? Classes moyennes Le continent leur appartient
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G RA N D A N G L E
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CÔTE D’IVOIRE Les lièvres et la tortue
Alors que la présidentielle de 2015 se dessine, les leaders politiques sont dans les starting-blocks. Même Ouattara ? 26
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
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Ebola L’Afrique en quarantaine Mali Oumar Mariko, la forte tête RD Congo À la casse, les vieilles caisses ! Coulisses
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M AG H REB & M OY EN - O RIEN T
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Armée tunisienne La grande désillusion Algérie Interview d’Amara Benyounes, ministre du Commerce N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
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EBOLA L’Afrique en quarantaine
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Irak Le califat de toutes les horreurs Coulisses
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EU RO PE, A M ÉRIQ U ES, A SIE
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Turquie Erdogan, du Coran au sérail États-Unis Ville noire, pouvoir blanc Cambodge Deux de jugés, combien d’oubliés? Parcours Antoinette Nana Djimou Ida, le style et les jambes Inde De la syrah au pays de Shiva Coulisses
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L E PL U S D E J EU N E A F RIQ U E
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L’autre Gabon
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ÉC O N O M IE
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Secteur minier Frank Timis, l’empereur contesté Les indiscrets Maroc Les maraîchers disent « merci Poutine » Interview Wale Tinubu, PDG de Oando Afrique du Sud Tshabalala, le banquier qui venait de Soweto Développement L’Afrique part à la pêche aux « islamodollars » Baromètre
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L’AUTRE GABON
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SECTEUR MINIER Frank Timis, l’empereur contesté
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C U LT U RE & M ÉD IA S Street art Djerba sous les bombes Musique Amazone panafricaine Littérature Un long chemin vers la liberté La semaine culturelle de Jeune Afrique
VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
STREET ART Djerba sous les bombes
N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
JEUNE AFRIQUE
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ALAIN JOCARD/AFP
RD CONGO 2 KABILA CHERCHE ALLIÉS
p Paul Biya et son épouse Chantal salués par le président français François Hollande lors de la commémoration du débarquement en Provence, le 15 août.
Cameroun Biya veut en finir avec Boko Haram
L
ors de son entretien avec François Hollande et son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en marge de la commémoration du débarquement en Provence, le 15 août, le président camerounais n’a parlé que d’une chose ou presque : la menace que fait peser Boko Haram sur le nord de son pays. « L’attaque contre le domicile du vice-Premier ministre Amadou Ali l’a traumatisé, confie un témoin des discussions. Biya nous a dit que cette fois il était décidé à mettre le paquet pour balayer Boko Haram du Cameroun. Certes, il avait déjà pris cet engagement fin juin lors du minisommet de l’Élysée, mais il a dû auparavant restructurer son état-major dans la région. » Paul Biya a également évoqué le dossier centrafricain avec ses interlocuteurs français, entre autres pour se renseigner sur le pedigree du nouveau Premier ministre, Mahamat Kamoun, dont il n’avait jamais entendu parler. l
RD CONGO PALUKU INQUIET
Réchappé d’une tentative d’assassinat le 10 août, Magloire Paluku, directeur de Radio Kivu 1 et correspondant de RFI swahili à Goma, se sent abandonné. « Ni le gouverneur du Nord-Kivu, ni le maire, ni N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
même le chef de quartier ne s’occupent de moi, confie l’intéressé. Le ministre [de la Communication] Lambert Mende a écrit au chef du gouvernement Matata Ponyo pour qu’il demande à son homologue de l’Intérieur de me
fournir une protection. Mais toutes ces personnes sont trop loin et très occupées… » Paluku a recruté un policier pour surveiller son domicile de nuit. Et verse une petite enveloppe à certains supérieurs de ce gardien improvisé.
Les concertations nationales de septembre et octobre 2013 n’auraient-elles servi à rien ? C’est bien possible. D’abord parce que le remaniement ministériel sur lequel elles devaient déboucher n’a toujours pas eu lieu. Ensuite parce que, contrairement à ce qui avait été annoncé, le président Joseph Kabila envisage désormais de s’allier à des personnalités qui n’y ont pas pris part. Selon un de ses conseillers, il a chargé Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale et chef de la majorité présidentielle, de négocier avec plusieurs personnalités qui avaient boycotté les concertations. Il est question de leur proposer des ministères, voire de créer à leur intention un poste de vice-président de la République. « Il n’est donc pas exclu de voir Vital Kamerhe ou Martin Fayulu participer au prochain gouvernement, poursuit notre source. Depuis que Kabila est rentré de Washington [où il a pris part au sommet Afrique - États-Unis début août], de discrets contacts ont été pris. Mais cela ne sera pas sans contrepartie. » TUNISIE ENNAHDHA LORGNE LE SOCIÉTAL
Les islamistes tunisiens n’ont jamais caché leur objectif : obtenir une majorité confortable aux législatives du 26 octobre pour pouvoir peser au sein du Parlement. Selon des sources proches de son bureau exécutif, Ennahdha, qui participera au gouvernement désigné par la nouvelle Assemblée élue, ne briguera pas de ministères de souveraineté mais des portefeuilles pouvant contribuer à asseoir des changements sociétaux : Éducation, Culture, Santé, Sport et Affaires religieuses. JEUNE AFRIQUE
Retrouvez en page 94 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques
Politique, économie, culture & société LIBYE GHATOUS REKIDNAPPÉ
Mali Alger oui, Ouaga non
Ex-directeur de cabinet de l’ancien Premier ministre Ali Zeidan,MohamedAliGhatous, déjà kidnappé en avril 2013, a étéenlevéle19aoûtàl’aéroport de Misrata, sa ville d’origine, dont les milices locales, qui ont rejoint le camp islamiste, sont en train d’en découdre, à Tripoli, avec celles de Zintan, ralliées à Khalifa Haftar. Une délégation de Misratis a été dépêchée à Paris pour redorer l’image de la ville et pour qu’ils expliquent leur combat à des officiels français. Sur le terrain, des techniciens soudanais ont été signalés sur la base de Joufra (centre du pays) pour réparer des avions en vue d’une attaque aérienne de Misrata.
CONFIANT DANS LES RÉSULTATS des pourparlers d’Alger – lesquels devraient reprendre le 1er septembre – entre son gouvernement et les groupes touaregs du Nord, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) ne veut pas entendre parler d’un éventuel retour de la médiation burkinabè. Soutenu en cela par la France (qui souhaite également que Blaise Compaoré se tienne à l’écart), IBK soupçonne son voisin de vouloir réintroduire dans le jeu le chef d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghaly, qu’il considère désormais comme un terroriste ayant fait allégeance à Al-Qaïda. Reste que rien n’est simple dans cette affaire, puisque le même Ag Ghaly, sur lequel Français et Maliens cherchent à mettre la main, est toujours réfugié… en Algérie, non loin de la frontière malienne, sous la surveillance et/ou la protection des services spéciaux de ce pays. l
LE CHIFFRE
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millions de dollars C’est le coût journalier de l’opération israélienne Bordure protectrice à Gaza, dont la facture totale s’élève déjà à plus de 2,5 milliards de dollars, grevant lourdement le budget de l’État.
CÔTE D’IVOIRE UN VRP NOMMÉ OUATTARA
Pour Alassane Ouattara, qui savourait fin août ses derniers jours de vacances à Mougins, dans le sud de la France, la rentrée s’annonce chargée. Avant la fin de l’année, le chef de l’État ivoirien se rendra en Corée du Sud et en Turquie, deux visites dont les dates n’ont pas encore été arrêtées mais qui seront à forte tonalité économique. Depuis que Ouattara est arrivé au pouvoir, la coopération sud-coréenne s’est montrée très active, finançant plusieurs études sur d’importants chantiers JEUNE AFRIQUE
d’infrastructures. Nombre d’entreprises sud-coréennes, dont Hyundai et Dongsan Engineering, ont pignon sur rue à Abidjan. Le président ivoirien se rendra en outre en Turquie, où il doit rencontrer son homologue, Recep Tayyip Erdogan, ainsi que le nouveau Premier ministre. Ces dernières années, les entreprises turques sont elles aussi montées en puissance en Côte d’Ivoire, à l’image du conglomérat Limak Group of Companies, qui a remporté le marché de la construction de 3 000 logements sociaux.
CENTRAFRIQUE BATAILLE DU PK5 : LE VRAI BILAN Dans la nuit du 19 au 20 août, Bangui a connu ses plus violents affrontements depuis l’arrivée de la force Sangaris, en décembre 2013. Ils se sont produits dans le quartier PK5, refuge de la petite communauté musulmane encore présente dans la capitale centrafricaine, et ont opposé des insurgés à la force européenne Eufor, épaulée par les soldats
français de Sangaris (qui ont engagé leurs hélicoptères), lesquels menaient une opération de désarmement. Selon une source au sein de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca, chargée de sécuriser la capitale), le bilan des affrontements est beaucoup plus lourd que les cinq morts évoqués le lendemain dans une dépêche de l’AFP citant une source hospitalière. « Il y a eu plus d’une dizaine de morts, mais la plupart ont été enterrés directement sur place, sans passer par l’hôpital, affirme-t-elle. Nous n’avons pas compris la réaction d’Eufor et de l’armée française, qui ont lancé une opération de désarmement sans nous consulter. » L’armée française, qui compte trois blessés, dont deux graves, « ne confirme ni n’infirme » ce nouveau chiffre. Plusieurs manifestations hostiles à sa présence ont été organisées par les habitants du PK5 les jours suivants.
Maroc-France Brèche humanitaire SELON UN RESPONSABLE du ministère marocain de la Justice, le royaume chérifien s’apprête à transférer en France des détenus français. Ce transfert sera annoncé dans les jours qui viennent et ne concernera que « les cas humanitaires ». À l’heure où nous mettions sous presse, leur nombre n’avait pas encore été arrêté. Par ailleurs, vingt-deux détenus français ont entamé une grève de la faim en mai pour obtenir leur transfert en France malgré la suspension de toute coopération judiciaire entre les deux
pays, poussant Rabat à annoncer la création d’une commission qui planchera sur leur demande à titre exceptionnel. La coopération judiciaire entre Paris et Rabat est suspendue depuis que des policiers français équipés de gilets pare-balles ont fait irruption dans la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris en février pour notifier au patron des renseignements marocain, Abdellatif Hammouchi, soupçonné de complicité de torture, sa convocation par la justice. l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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La semaine de Jeune Afrique
FRANCE-LIBYE
Sarkozy et la piste
malienne
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Comme l’a révélé J.A. en exclusivité sur son site, les juges qui enquêtent sur le financement de la campagne de l’ex-président français en 2007 ont adressé une demande d’entraide judiciaire à Bamako. Objectif : vérifier si le Mali a servi de plaque tournante à des versements occultes prodigués par Kadhafi. JEUNE AFRIQUE
L’événement resté fidèle au « Guide » jusqu’à la fin. Au point que l’on soupçonne Bamako d’être devenu, sous la supervision de Cheick Amadou Bany Kanté, conseiller spécial d’ATT chargé des « affaires libyennes », l’une des plaques tournantes financières de Kadhafi en Afrique – et le lieu d’où auraient pu transiter des financements occultes destinés à Sarkozy.
ANTONIO COTRIM/POOL/AFP
Qui sont les « balances » ?
DOROTHÉE THIÉNOT
L
et
JOAN TILOUINE
a guerre de 2011 en Libye fut la guerre de Nicolas Sarkozy. Trois ans plus tard, le spectre de Mouammar Kadhafi continue de le hanter. À la suite d’une plainte contre X ouverte en avril 2013 pour « corruption, blanchiment, trafic d’influence et abus de biens sociaux », la justice française tente en effet de reconstituer les liens que l’ancien chef de l’État français avait tissés avec le régime de Tripoli. Et d’exhumer des preuves d’un financement présumé de sa campagne présidentielle de 2007. Comme l’a révélé en exclusivité J.A. sur son site, les juges français ont adressé, ce 15 août, une demande d’entraide judiciaire au Mali, qui était l’un des terrains de jeu préférés de Kadhafi et le premier bénéficiaire de ses investissements. L’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT) est JEUNE AFRIQUE
p Le « Guide » libyen et le chef de l’État français, lors d’un sommet UE-UA, à Lisbonne, fin 2007.
Le 16 mars 2011, un mois après le début de la révolution à Benghazi, Seif el-Islam Kadhafi, second fils du « Guide », déclare avoir financé la campagne du chef de l’État français et menace d’en apporter la preuve. L’affaire est lancée, les langues se délient. Réfugié à Tunis, où il est vite incarcéré pour entrée illégale sur le territoire, Baghdadi Mahmoudi, l’ex-chef du gouvernement libyen, évoque le sujet dès octobre 2011 devant la cour d’appel de la capitale tunisienne. En avril 2012, le site Mediapart publie une note interne des services de l’ex-Jamahiriya dans laquelle il est question de verser 50 millions d’euros à Sarkozy, via le Libyan African Investment Portfolio (LAP). Datée du 10 décembre 2006, elle est signée de la main de Moussa Koussa – à l’époque chef des services spéciaux libyens. « Lorsqu’il a découvert ce document, Béchir Salah a immédiatement estimé que c’était un faux », se souvient le consultant français Michel Scarbonchi, qui se trouve alors en Corse avec l’ex-directeur de cabinet du « Guide » et ex-patron du LAP. Même constat du côté de Moussa Koussa : « Un faux grossier. » L’un des avocats tunisiens de Mahmoudi confirme pourtant ce montant, versé « à travers la valise de financement africain ». De son côté, l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, émissaire de Sarkozy et de Claude Guéant auprès des Libyens de 2005 à 2009, juge la note « crédible ». Cet intermédiaire en armement promet même de livrer des éléments de preuve, toujours attendus par la justice. Plus tard, en février 2014, Mediapart publie cinq pages « censurées » du livre de Mohamed el-Megaryef, premier chef de l’État libyen après la chute de Kadhafi, où sont évoqués les fameux 50 millions d’euros. Mais, le 11 février, Megaryef nie devant des proches être l’auteur de ces lignes.
Qui est dans le secret ?
En trois ans, aucune preuve irréfutable n’a été produite. Seuls quelques hommes pourraient témoigner. Depuis Johannesburg, où il a été exfiltré avec l’aide des services français, Béchir Salah maintient ne pas être impliqué dans ce dossier. Francophone cultivé, ami de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy, qu’il a rencontré à plusieurs reprises, ainsi que de Claude Guéant, il connaît pourtant bien les arcanes des relations bilatérales. Mais à l’en croire, cette opération, si N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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La semaine de J.A. L’événement elle a eu lieu, aurait été dirigée à huis clos par Seif el-Islam et ses proches. Le fils préféré du « Guide » est toujours emprisonné à Zintan. Ses geôliers, des chefs de milice dont certains sont proches des services français, connaissent bien la valeur de leur prisonnier et des secrets qu’il pourrait détenir. Très lié à la CIA et au MI6 britannique, Moussa Koussa a pu profiter de leur logistique pour rejoindre Londres avant même la chute du « Guide ». L’ex-chef des services spéciaux de Kadhafi, qui s’est ensuite installé à Doha, au Qatar, reste muet sur cette affaire. Pourtant, il était l’un des hommes clés des relations entre la Libye et la France. Autre « boîte noire » du régime : Abdallah Senoussi. Ancien patron des services de renseignements militaires, il croupit à la prison d’ElHadba, à Tripoli. Proche de Takieddine et en contact avec la DGSE, il pourrait, selon sa fille Anoud, qui a plaidé à l’Élysée en décembre 2013 son transfèrement à la Cour pénale internationale, aider les juges à débusquer des preuves.
Dans les années 2000, le régime d’ATT était le principal bénéficiaire de l’aide libyenne.
Qui sont les accusés ?
perquisitions, d’écoutes et de procédures d’enquête à l’encontre de l’ex-président et de ses proches (dont Guéant et Hortefeux), mais aussi de JeanFrançois Copé, l’ancien ministre du Budget. La justice française, qui concentre ses recherches sur les années 2005-2006, élargit ses investigations au Mali, partenaire privilégié du « Guide » et de son fidèle Béchir Salah.
« Grotesques. » C’est ainsi que l’ex-président français qualifie les soupçons dont il fait l’objet. Mais l’enquête se poursuit. Depuis le 3 septembre 2013, ses téléphones sont placés sur écoute et, avec eux, ceux de ses anciens ministres, Claude Guéant et Brice Hortefeux. L’enregistrement d’une conversation entre l’ex-chef de l’État et son avocat, Me Thierry Herzog, a conduit à l’ouverture d’une autre information judiciaire pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction. Hortefeux a-t-il joué le rôle d’émissaire de Nicolas Sarkozy lors d’une rencontre, en octobre 2006, avec Senoussi, Salah et Takieddine, comme l’indique la note de Mediapart ? Après avoir épluché ses agendas, les enquêteurs ont conclu qu’il ne s’était pas rendu en Libye ce mois-là. S’ensuivront tout de même une série de
Pourquoi le Mali ?
À Bamako, personne n’a oublié la générosité du « Guide » – ni l’identité de celui qui l’a fait tomber. Nicolas Sarkozy y est aussi impopulaire que le chef libyen est regretté. Le Mali n’est certes pas le seul pays où Kadhafi a investi. Mais, dans les années 2000, il en était le premier bénéficiaire. Le « Guide » trouvait « plus de liberté, plus d’amitiés » au Mali que partout
BANY KANTÉ, CÔTÉ PILE ET CÔTÉ INTERFACE
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x-directeur général d’Air Mali, vice-président du PDES (le parti d’Amadou ToumaniTouré), conseiller spécial chargé des affaires libyennes, Cheick Amadou Bany Kanté était un rouage essentiel des relations financières entre la Libye et le Mali. Il affirme ne pas avoir joué le rôle de « porteur de valises » entre les deux pays, mais plutôt celui de cabinet de Kadhafi, Bany d’« interface ». Proche de Kanté était aussi le Béchir Salah, l’ancien directeur représentant du Libyan African N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
L’ex-conseiller d’ATT, chargé des affaires libyennes.
DR
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Investment Portfolio (LAP) – fonds souverain par le biais duquel aurait pu transiter, selon diverses sources, l’argent destiné à la campagne de Sarkozy. C’est l’homme d’affaires français Jacques Dupuydauby, patron du groupe portuaire Progosa, rival de Vincent Bolloré et très anti-Sarkozy, qui a glissé son nom au jugeTournaire lors
d’une audition en 2013. Il aurait, assure-t-il, été le témoin d’une discussion entre « Bany » et Béchir Salah, en 2009, au cours de laquelle a été évoqué le financement de la campagne de 2007. Aujourd’hui, Bany Kanté dément, et jure ne pas connaître Dupuydauby. Ce dernier maintient le contraire, affirmant avoir rencontré le Malien à de multiples reprises à cette époque et en détenir D.T. les preuves. l JEUNE AFRIQUE
MAHMUD TURKIA/AFP
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ailleurs, se souvient Soumaïla Cissé, ministre du Budget sous Alpha Oumar Konaré. Ce dernier avait noué avec Kadhafi des relations qu’ATT a, avec l’aide de Cheick Amadou Bany Kanté, son « conseiller spécial » chargé des affaires libyennes, largement développées: Kadhafi aura investi environ 250 milliards de F CFA (380 millions d’euros) au Mali entre 2002 et 2011. Holding public, la Libyan African Investment Company (Laico) est alors omniprésente. Elle achète ou construit trois grands hôtels à Bamako. Bâtit la cité administrative (qui abrite tous les ministères) pour 60 milliards de F CFA. Se lance dans l’agriculture : les 100 000 hectares du projet
p Seif el-Islam Kadhafi et le président Amadou Toumani Touré, à Bamako, en septembre 2009.
Malibya, aux environs de Ségou, doivent nourrir toute la sous-région. Kadhafi est prêt à y investir 500 millions de dollars (377 millions d’euros) – depuis sa chute, le projet est au point mort. Enfin, le « Guide » subventionne massivement l’armée malienne : avions, formation – notamment celle des bataillons parachutistes chers à ATT. Pour toutes ces largesses, le président malien a bien dû avaler quelques couleuvres. Si ATT se rend un nombre incalculable de fois à Tripoli, où il est souvent convoqué, Kadhafi est comme chez lui au Mali. Le Nord est son fief. En avril 2006, quelques mois avant les accords d’Alger signés entre le gouvernement malien et les rebelles touaregs, le « Guide » débarque à Bamako. Avec ATT, ils doivent partir ensemble à Tombouctou. Le Libyen le devance, préférant faire seul son entrée dans la ville, où ses portraits géants ornent les grands axes. Il y dirige la prière du Maouloud, la veille de la célébration, au nez et à la barbe des imams locaux, éberlués. Une prière organisée sur mesure, en présence des présidents sénégalais, nigérien, mauritanien et sierra-léonais. Dans cette ville, où il possède une maison, Kadhafi rêve d’un Sahara unifié. « Il se sentait bien plus à l’aise avec les Touaregs qu’avec les Arabes. Pour lui, c’étaient des Berbères », se souvient un diplomate. Faiseur de rois, il a d’ailleurs, par le biais de l’ambassade, amplement arrosé les chefs coutumiers du Nord-Mali. En février 2006, il fait ouvrir un consulat libyen à Kidal. Une sorte d’OPA sur le nord du Mali, à laquelle ATT, qui ne peut rien refuser à celui dont il est devenu le client, se serait plié de guerre lasse – mais à laquelle l’Algérie oppose un « niet » catégorique : le consulat de Kidal aura fait long feu. À la chute de Kadhafi, ATT laisse passer les rebelles libyens. On connaît la suite. l
La semaine de J.A. Les gens
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Lire aussi l’interview de Hael Al Fahoum, ambassadeur palestinien en France
Mohamed Deif «Chat aux neuf vies»
WISSAM NASSAR/THE NEW YORK TIMES
AFP
En échappant au missile israélien qui le visait à Gaza, le chef militaire du Hamas a encore justifié son surnom. Sa famille a eu moins de chance.
insaisissable, d’une extrême discrétion médiatique, et dont le dernier portrait remonte aux années 1980. Et c’est d’ailleurs pour ses changements constants de résidence que Mohammed Diab Ibrahim al-Masri, de son vrai nom, est devenu Deif, « l’hôte ». Mais pour les Israéliens, il est surtout « le fils de la mort », responsable d’attentats-suicides contre des civils, d’assassinats de soldats ou de tirs de roquettes depuis Gaza. Né en 1965 à Khan Younès, il dirige le syndicat islamique de l’université de Gaza où il étudie la biologie avant de rejoindre le Hamas lors de la première Intifada (1987-1993). Capturé par Israël en 1989, il intègre à sa libération un an et demi plus tard les brigades al-Qassam, où il seconde Yahya Ayache, l’un de ses chefs. Quand ce dernier est tué en 1995 par l’explosion de son portable piégé par les services israéliens, Deif est promu « ingénieur des brigades ». Il aurait alors participé à la conception des roquettes Qassam, les premiers engins palestiniens tirés sur Israël. INTRANSIGEANT. Arrêté puis relâché à
B
p Lors des funérailles de son fils, tué le 19 août.
araka ? Sixième sens? Paranoïa salutaire ? Sorti de sa cache pour rejoindre sa famille à la faveur d’une énième trêve entre Israël et le Hamas, Mohamed Deif aurait une fois de plus échappé au missile israélien qui le ciblait, le 19 août. Chef des brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du parti palestinien, il était en tête de la liste israélienne des dirigeants gazaouis à exécuter pour punir le Hamas de ne pas accepter un cessez-le-feu sans conditions. Le 21 août, Mohamed Abou Shamalah, Raed Attar et Mohamed Barhoum, trois hauts responsables du Hamas, étaient éliminés lors d’un raid aérien de l’armée israélienne. Quant à Deif, malgré les certificats de décès délivrés par des responsables sécuritaires israéliens au média
américain Fox News, il serait parvenu à échapper aux cinq bombes antibunkers qui ont emporté sa femme et deux de ses enfants. « L’occupant paiera pour ses crimes et les habitants des zones proches de Gaza ne rentreront pas chez eux tant que Deif ne l’aura pas décidé », a déclaré le porte-parole du Hamas, laissant clairement entendre que le chef de guerre était encore de ce monde. Les représailles ne se sont pas fait attendre : les militants gazaouis ont fait pleuvoir un déluge de roquettes sur Israël, et les négociations pour un cessez-le-feu ont été interrompues au Caire. INSAISISSABLE. À cinq reprises déjà, l’État hébreu avait cherché à éliminer Deif – sans succès. Il y a gagné le surnom de « chat aux neuf vies ». Un félin
plusieurs reprises dans les années 1990 par l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat, en conflit avec le Hamas, il joue un rôle de premier plan durant la seconde Intifada, qui éclate en 2000, avant de se hisser au sein des instances dirigeantes des brigades, aux côtés d’Ahmad Jaabari. À la mort de ce dernier, en 2012, lors de l’opération Pilier de défense, Deif prend les commandes et devient l’ennemi numéro un d’Israël. À la fin de juillet cette année, dans un message envoyé à l’occasion de l’opération Bordure protectrice, il prévient que le Hamas n’acceptera aucune trêve tant qu’Israël maintiendra le blocus de Gaza. Cette intransigeance lui a-t-elle valu l’attaque du 19 août ? Nul ne le sait. Mais si « le chat » en a réchappé, les assassinats de sa femme et de ses enfants n’ont en revanche pu qu’attiser sa haine. l LAURENT DE SAINT PÉRIER
NOMINATIONS
AHMET DAVUTOGLU TURQUIE Nouveau chef de gouvernement, le ministre des Affaires étrangères succède à RecepTayyip Erdogan, élu président le 10 août. À 55 ans, il prend aussi la tête du Parti pour la justice et le développement (AKP), au pouvoir. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
BERNADINO LEÓN ONU Le diplomate espagnol vient d’être nommé représentant spécial et chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul). Il remplacera le LibanaisTarek Mitri à partir du 1er septembre. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE 13
MARYAM MIRZAKHANI
STRINGER/XINHUA PRESS/CORBIS
PALAIS. Mais c’est surtout son goût du luxe qui révolte, dans ce pays ruiné. « Disgrâce », comme elle est parfois surnommée, s’est fait construire de nombreux palais. Connue pour ses dispendieuses virées shopping, elle a racheté p Âgée de 49 ans, elle a eu plusieurs entreprises trois enfants avec le président. nationales. Elle est en outre peu expérimentée en politique, et les membres les plus pointilleux de la Zanu-PF rappellent (sous couvert d’anonymat) que quinze années d’adhésion au parti sont requises pour accéder à la fonction qu’elle brigue. Une condition qu’elle ne remplit pas. Dans une enquête, l’hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian a affirmé que Grace pourrait en réalité servir à contrecarrer les ambitions de la vice-présidente Joice Mujuru, considérée comme une prétendante très sérieuse au poste de chef de l’État. La première dame ne lui accorderait d’ailleurs aucune confiance pour protéger son empire financier le jour où Robert Mugabe partira. l PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
SIPANY/SIPA MOHAMED OULD ELHADJ/AFP
En Mauritanie, le ministre de l’Équipement et desTransports du gouvernement sortant a été nommé Premier ministre par le président Mohamed Ould Abdel Aziz, investi pour un second mandat. Il succède à Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. FLORENT IBENGE
AFP
Sans entraîneur depuis le départ du Français Claude Leroy il y a un an, les Léopards de RD Congo ont un nouveau sélectionneur. Le Congolais occupait jusque-là le poste d’adjoint et mène également l’AS Vita Club de Kinshasa. EN BAISSE
JAYCEE CHAN
VINCENT YU/AP/SIPA
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a nouvelle fait grand bruit à Harare : à 49 ans, Grace Mugabe, la première dame, se lance dans l’arène politique. Et de quelle manière ! Le 15 août, elle a été désignée comme candidate au poste de secrétaire générale de la Ligue des femmes de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, la formation présidentielle) à l’unanimité des dix sections provinciales du parti. Lors du congrès de laZanu-PFde décembre, Grace Mugabe – qui n’aura pas de concurrente – devrait être élue dans un fauteuil. Ce qui lui ouvrirait les portes du bureau politique, le cœur du pouvoir. Il n’en fallait pas plus pour que certains y voient une mise sur orbite calculée en prévision de la succession de son mari, Robert Mugabe, 90 ans. Ce serait faire abstraction de son impopularité. Les plus conservateurs n’ont jamais digéré l’humiliation subie par Sally Mugabe, première épouse du président et « mère » du Zimbabwe indépendant. Avant même le décès de celle-ci, en 1992, Robert Mugabe avait fait deux enfants à Grace, alors secrétaire à la présidence.
Pour la première fois, une femme a reçu la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel de mathématiques. Professeure à Stanford, en Californie, cette chercheuse iranienne de 37 ans a notamment étudié la symétrie des surfaces incurvées. YAHYA OULD HADEMINE
L’acteur hong-kongais a été arrêté à Pékin pour usage de stupéfiants. Il encourt trois ans de prison. Une affaire gênante pour son père, la superstar Jackie Chan, nommé en 2009 par la Chine ambassadeur d’une campagne contre… la drogue ! MARCEL DESAILLY
GABRIEL BOUYS/AFP
La première dame du Zimbabwe fait son entrée en politique. Et dans la course à la succession de son chef d’État de mari, par la même occasion.
Le fisc français suspecte l’ex-capitaine de l’équipe nationale de football, d’origine ghanéenne, d’avoir caché des fonds en Suisse. Berne a accepté de collaborer avec Paris à la recherche d’éventuels avoirs auprès de la banque UBS. AMINA SBOUI
AP/SIPA
Grace Mugabe Après le shopping, les meetings
À la suite d’une rixe avec un couple dont la femme portait le voile, l’ex-Femen tunisienne a été placée en garde à vue à Paris. En juillet, elle avait affirmé avoir été agressée par cinq « islamistes » – version mise en doute par la police. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
La semaine de J.A. Décryptage
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Datavisualisation
AZOUTHIAM/EAHOUNOU
Accidents, détournements, attentats à la bombe… La carte interactive des catastrophes aériennes en Afrique depuis 1935
Blog défense
Libye : les deux vies de Khalifa Haftar, condottiere des sables ANJA NIEDRINGHAUS/AP/SIPA
p Manifestation des élèves de Cheikh-Anta-Diop, le 21 août, quelques jours après le décès du jeune Bassirou Faye.
VINCENT FOURNIER/J.A.
Henri Djombo, ministre de l’Économie forestière du Congo : « Il nous faut une stratégie régionale pour lutter contre le braconnage »
Le palmarès des meilleurs sites internet des présidents africains
La tension qui régnait depuis des mois à l’université de Dakar est montée d’un cran, le 14 août, avec la mort d’un étudiant lors d’une intervention musclée des forces de l’ordre.
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Vidéo
Classement
Sénégal Colère sur le campus assirou a été tué d’une balle dans la tête alors qu’il tentait de fuir l’assaut de la police sur le campus de l’université CheikhAnta-Diop (Ucad), à Dakar, en ébullition depuis plusieurs mois en raison du retard de paiement des bourses universitaires. Le 14 août, Bassirou Faye, 21 ans, était dans sa chambre de la cité U tandis qu’au dehors une nouvelle vague de contestation opposait des étudiants en colère aux forces de l’ordre. L’étudiant en sciences a quitté sa chambre en catastrophe quand les groupements mobiles d’intervention ont brutalement donné l’assaut, passant de pavillon en pavillon pour en déloger les occupants et saccageant les chambres et le matériel des étudiants. À peine était-il dehors qu’il était abattu d’une balle en pleine tête par un policier. L’opération a fait également plusieurs dizaines de blessés et vingt-sept étudiants ont été placés en garde à vue.
DÉRAPAGE. En mai déjà, des affrontements entre les étudiants de l’Ucad et les forces de l’ordre avaient dégénéré. « Depuis le 21 novembre dernier, le recteur a autorisé la présence de la police de manière permanente dans l’université. Nous réclamons le retour des policiers N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
dans leur caserne », rappelle Seydi Ababacar Ndiaye, le secrétaire général national du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) – majoritaire chez les enseignants. Face à l’incapacité des autorités à régulariser le versement des bourses universitaires depuis la rentrée 2013, le risque de dérapage était donc prévisible. Mais dans un établissement public en crise depuis de longues années (sureffectifs, réductions budgétaires, augmentation des droits d’inscription, grèves à répétition, réforme contestée…), l’affaire des bourses n’est que le dernier contentieux en date avec l’État. Au lendemain de ce drame, le collectif des étudiants et le SAES ont décrété une grève illimitée, réclamant comme préalable à toute discussion avec les pouvoirs publics la démission des ministres de l’Enseignement supérieur et de l’Intérieur. Rentré précipitamment de France, le président Macky Sall a appelé à l’apaisement tout en dénonçant « les forces tapies dans l’ombre » qui auraient attisé les braises de la révolte. Une allusion transparente à ses opposants du Parti démocratique sénégalais et de Rewmi, qui se sont empressés de recevoir les leaders étudiants et de relayer leurs doléances. l MEHDI BA, à Dakar JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Décryptage
Trafic Bring back our elephants Malgré les arrestations, le braconnage menace l’espèce. En Asie et au Moyen-Orient, l’ivoire vaut de l’or. Du Darfour au Congo, il finance les groupes armés.
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maginatifs, mais démasqués. Le 20 août, la douane vietnamienne a saisi dans un container provenant du Nigeria plus d’une tonne de défenses d’éléphants coupées en morceaux, cachées sous des paquets de cacahuètes. La douane française avait, elle, saisi six défenses dans un colis voyageant entre le Mozambique et le Laos le 12 août. Elles étaient peintes et dissimulées dans les pieds de deux tabourets en bois sculpté. TROMPEUR. En Afrique de l’Ouest aussi,
saisies, arrestations et condamnations se multiplient. Le 14 août, le Bénin a pour la première fois placé en garde à vue des trafiquants, deux Guinéens et un Ivoirien. Trois mois plus tôt, deux autres hommes avaient été condamnés à Dakar à un mois de prison ferme et à 500000 F CFA (environ 760 euros) d’amende. En janvier, la police togolaise avait saisi quatre tonnes d’ivoire et arrêté un Vietnamien et deux Togolais. LE DESSIN DE LA SEMAINE
Plus de 100 000 éléphants tués illégalement
42 000
24 000
entre 2010 et 2012 sur le continent
Afrique de l’Est Afrique centrale
10 millions
Début du XXe siècle
Nombre d’individus estimé par les ONG
41 000
1,2 million 1980
500 000 2014
Afrique australe
Des résultats en partie trompeurs, car malgré l’interdiction de ce commerce en 1989, le braconnage perdure, stimulé par la demande au Moyen-Orient et en Asie. Sur ce marché, le prix du kilo d’ivoire a triplé entre 2010 et 2014, passant de 750 à plus de 2 000 dollars selon l’ONG Save the Elephants. Une étude publiée dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) ce 22 juillet révèle que 100000 éléphants africains ont été tués entre 2010 et 2012. Le continent pourrait voir disparaître ces mammifères d’ici à cent ans. Région la plus touchée, l’Afrique centrale aurait perdu 60 % de
ses éléphants en dix ans. Au cours de cette même période, 11000 pachydermes ont par exemple été tués dans le parc Minkébé, au Gabon. Mais à qui profite réellement le crime? « L’ivoire pourrait financer l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), les Shebab de Somalie et les janjawid du Darfour. Des forces gouvernementales du Congo, d’Ouganda et du Soudan du Sud ont également été impliquées dans le braconnage », affirmait le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) dans un rapport fin 2013. l EMMANUEL DE SOLÈRE STINTZY
Chappatte • États-Unis • International New York Times ÉTATS-UNIS - IRAK BUSH LE BARBOUILLEUR
FIN 2011, BARACK OBAMA se réjouissait d’avoir mené à bien le retrait des forces américaines d’un Irak devenu « souverain et stable ». Mais le 8 août il a ordonné de nouvelles frappes sur ce pays pour contrer « la barbarie » des jihadistes, ressuscitant la guerre lancée par George W. Bush (qui s’est découvert une vocation d’artiste peintre depuis son départ de la Maison Blanche) et ses faucons, Dick Cheney et Donald Rumsfeld. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
JEUNE AFRIQUE
SOURCES : AFP/CITÉS
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ILS ONT DIT
DANY LAFERRIÈRE Écrivain canadien d’origine haïtienne, membre de l’Académie française
« Marine Le Pen est la Jeanne d’Arc du XXIe siècle, je souhaite qu’elle sauve la France. » BRIGITTE BARDOT Ancienne actrice française
« Mon champagne préféré ? Le Dom Pérignon brut. Mais il m’arrive deux fois par mois d’avoir envie d’une bière, même si elle fait grossir et vous cloue au sol. Je suis belge, tout de même ! » AMÉLIE NOTHOMB Romancière belge
Classes moyennes Le continent leur appartient
JEUNE AFRIQUE
d’ici à 2023, et représenter 22 millions de personnes. Et même 40 millions si l’on y ajoute les classes moyennes « basses » – entre 5 500 et 8 500 dollars de revenus par an. Si ces prévisions se confirmaient, la croissance serait bien plus forte que depuis ces quinze dernières années. Et cet essor doperait de nombreux secteursdel’économie,notamment ceux de l’automobile, des assurances et de la santé. Ces chiffres sont loin de ceux publiés en 2011 par la Banque africaine de développement, qui avait annoncé que 300 millions de ménages africainsfaisaientdésormaispartie de la classe moyenne. Mais elle avait évalué leur revenu entre 2 et 20 dollars par jour seulement… l MICHAEL PAURON
« L’État d’Israël se comporte
PHOTOPQR/OUEST FRANCE/AUBINAUD SEBASTIEN
JIRI BULLER/AP/SIPA
LE 11 AOÛT, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a nommé le professeur canadien William Schabas à la tête de la Commission d’enquête sur les violations du droit international commises durant l’opération militaire israélienne Bordure protectrice, qui a déjà fait plus de 2 000 morts à Gaza. Comme son prédécesseur, le Sud-Africain Richard Goldstone, auteur du rapport sur l’offensive Plomb durci de 2008, il cristallise les rancœurs d’un État hébreu qui supporte mal les critiques de la communauté internationale. Le profil de Schabas dérange à Tel-Aviv. L’ambassadeur israélien à l’ONU, Ron Prosor, a donné le ton: « Former une commission d’enquête dirigée par Schabas, c’est comme inviter l’État islamique enIraketauLevantàorganiserlasemainedelatolérancereligieuse à l’ONU. » Ce spécialiste du droit international est en effet accusé de parti pris anti-israélien. En octobre 2012, lors d’une séance du tribunal Russel sur la Palestine, il avait notamment exprimé son désir de voir le Premier ministre Benyamin Netanyahou jugé par la Cour pénale internationale (CPI). Mais à 63 ans, l’homme n’est pas un néophyte. Il a été membre de la Commission Vérité et Réconciliation sur la Sierra Leone, a enseigné dans de nombreuses universités, y compris au Rwanda, et écrit des ouvrages de référence sur la CPI et le génocide. Deux autres juristes ont été nommés pour compléter son équipe : le Sénégalais Doudou Diène, ex-rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, et la Libano-Britannique Amal Alamuddin, fiancée de l’acteur américain George Clooney, qui a finalement décliné l’offre. l YOUSSEF AÏT AKDIM
BRUNO LEVY/DIVERGENCE-IMAGES
« Un écrivain balaie tout sur son passage. Il est dévoré par une passion aussi dévastatrice que le pouvoir. Dans ce métier, si cela en est un, le caractère est plus important que le talent. »
Gaza Schabas, juge et partisan ?
OBJET de toutes les attentions depuis quelques années, les classes moyennes africaines confirment leur percée. C’est du moins ce qu’il ressort d’une étude de la sud-africaine Standard Bank publiée le 19août.Intitulée«Comprendre la classe moyenne africaine », elle a été réalisée dans les onze pays les plus performants d’Afrique subsaharienne (Angola, Éthiopie, Ghana, Kenya, Mozambique, Nigeria, Soudan du Sud, Soudan, Tanzanie, Ouganda et Zambie), qui représentent environ la moitié du PIB et de la population du continent. Selon cette étude, le nombre des ménages aux revenus annuels compris entre 8 500 dollars (6 400 euros) et 42 000 dollars devrait tripler
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comme s’il n’y avait pas de lendemain. Son peuple ne vivra pas dans la paix et la sécurité auxquelles il aspire et a droit tant que ses dirigeants perpétueront les méthodes qui alimentent le conflit [avec les Palestiniens]. » MGR DESMOND TUTU Prix Nobel de la paix 1984
«
En Afrique, l’inconnu provoque la curiosité. En Europe, la peur. » JEAN-DAMASCÈNE HABARUREMA Marathonien franco-rwandais
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Grand angle
CÔTE D’IVOIRE
Les lièvres et la tortue N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
JEUNE AFRIQUE
Grand angle Alors que la présidentielle de 2015 se dessine, les grands leaders politiques s’apprêtent à se lancer dans la course. Alassane Ouattara, déjà candidat, préfère, lui, rester en retrait. HABY NIAKATE,
p De g. à dr. : Charles Konan Banny (PDCIRDA), Pascal Affi N’Guessan (FPI), Alassane Dramane Ouattara (RDR) et Kouadio Konan Bertin (PDCI-RDA). JEUNE AFRIQUE
STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP ; BRUNO LEVY POUR J.A. ; DR/J.A. ; SIA KAMBOU/AFP ; ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
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envoyée spéciale
a présidentielle approche à grands pas en Côte d’Ivoire. Dans un peu plus d’un an, en octobre 2015, les électeurs seront appelés aux urnes afin d’élire leur président. Dans un pays encore traumatisé par la longue crise postélectorale de 2010-2011, qui a entraîné la mort de 3 000 personnes et l’envoi devant la Cour pénale internationale (CPI) de l’ex-président Laurent Gbagbo, dire que cette échéance est attendue avec quelque inquiétude serait un doux euphémisme. Les politiques sont déjà dans les starting-blocks et prêts à en découdre lors d’une campagne qui s’annonce mouvementée. Seul le chef de l’État, Alassane Dramane Ouattara (ADO), élu en 2010, s’est pour l’instant déclaré candidat. Quant aux deux grands partis ivoiriens qui structurent, avec le Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), la vie politique nationale depuis près de vingt ans – le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) d’Henri Konan Bédié, allié du pouvoir, et le Front populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’Guessan, principal parti d’opposition –, bien malin celui qui prédira s’ils présenteront ou non un candidat. Une chose est sûre, les appétits s’aiguisent dans les deux formations. État des lieux de ces guérillas intestines dont les enjeux sont bien plus importants qu’il n’y paraît.
Malaise au PDCI
Le 19 juillet, dans un maquis réputé du sud d’Abidjan. Kouadio Konan Bertin, dit KKB, député de Port-Bouët, débriefe avec une partie de son équipe – et non sans une certaine satisfaction – l’épisode politico-médiatique qu’il vient une nouvelle fois de provoquer. Deux jours plus tôt, le président français, François Hollande, entamait sa première visite officielle en Côte d’Ivoire et KKB, membre du PDCI, allié du RDR, en profitait pour organiser une conférence de presse afin de lui souhaiter akwaba (« bienvenue ») et de réaffirmer que sa formation présenterait bien son propre candidat à la présidentielle de 2015. « Tout parti est créé pour conquérir et exercer le pouvoir d’État. L’accompagnement n’est pas la règle », a-t-il déclaré. Autrement dit, hors de question de participer au scrutin sous la bannière du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, qui rassemble PDCI et RDR) avec ADO pour seul candidat. Une l l l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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SIA KAMBOU/AFP
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stratégie qui a permis à ce dernier d’être élu au second tour en 2010, et qu’il souhaite cette fois appliquer dès le premier tour. Le « soldat perdu » KKB – comme l’avait qualifié Henri Konan Bédié, l’inamovible président du PDCI – est-il le seul à défendre cette position au sein de son parti ? Pas si sûr… Car si le 12e congrès, en octobre 2013, a ressemblé à un plébiscite pour Konan Bédié, réélu avec 93 % des votes, il a aussi laissé entendre des voix dissonantes, notamment chez les jeunes. Depuis le début de l’année, différents mouvements (plus ou moins importants) du parti expriment farouchement leur opposition à une candidature unique du RHDP et mettent la pression sur Konan Bédié. Le 16 août, une conférence de presse organisée par « la coalition des militants du PDCI-RDA pour la sauvegarde des résolutions du 12e congrès » annonçait également qu’il allait remettre la formation « en ordre de bataille ». Il y a donc malaise au sein du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, où les caciques se font de plus en plus discrets. Même le très critique Alphonse Djédjé Mady, ancien secrétaire général du PDCI et candidat malheureux contre Konan Bédié en 2013, avance désormais « un droit de réserve ». « Le dernier congrès a émis une résolution exigeant que le PDCI présente un candidat en 2015, tient à rappeler Kramo Kouassi, député PDCI de Bocanda (Centre). Une position très claire pour la majorité des militants. À moins de revenir sur nos propres textes? » Ou que Konan Bédié, qui souffle le lll
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p Trop âgé pour se présenter, Henri Konan Bédié reste le faiseur de rois du PDCI-RDA.
chaud et le froid depuis plusieurs mois, ne le décide, tout simplement… « Personne ne sait quelle sera sa position. Le “Sphinx” restera énigmatique le temps nécessaire, déclare un baron du parti, amusé. S’il est sûr de ses liens avec ADO, qui semblent très solides, il sait aussi que son électorat sera divisé s’il choisit d’effacer le PDCI en 2015. » Pour d’autres, l’ancien chef de l’État, qui rencontre régulièrement
ADO SUR LA VOIE ROYALE PRÉSENTER ou non un candidat à la présidentielle… Si la question secoue le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) et le Front populaire ivoirien (FPI), elle n’est évidemment pas à l’ordre du jour au sein du Rassemblement des républicains (RDR), le parti présidentiel. Alassane Dramane Ouattara (ADO) a annoncé il y a plus d’un an qu’il souhaitait prendre sa propre succession et il a tenu à rassurer, le 6 août: « Le président des Ivoiriens est en pleine forme. Je suis prêt pour un deuxième mandat, si les Ivoiriens le veulent bien. » Pour y parvenir, sa stratégie est double. D’abord, veiller à entretenir lui-même l’alliance de
son parti avec le PDCI au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Puis, face au FPI, lâcher peu à peu du lest en libérant des prisonniers pro-Gbagbo ou en appelant au retour des exilés, par exemple… Sur le terrain, l’heure est à la mobilisation. « Depuis près d’un an, nous montrons aux militants et aux Ivoiriens que le bilan de la présidence d’ADO est largement positif », explique Joël N’Guessan, porte-parole du RDR. Visites de chantiers, explication des actions du gouvernement, création de groupes de soutien… La H.N. campagne est lancée. l JEUNE AFRIQUE
Les lièvres et la tortue l’actuel président mais reçoit également Pascal Affi N’Guessan, le patron du FPI, ne fait que gagner du temps afin d’obtenir le maximum d’« ajustements » de la part du pouvoir. « Cette alliance est probablement la seule manière de permettre au plus grand nombre, au PDCI comme au RDR, de rester aux affaires. Tous s’en souviendront lorsque la question de la candidature unique devra être tranchée. Je suis sûr que la sagesse prévaudra… », ironise le même baron. Alors, que négocie exactement Konan Bédié ? Si, depuis plusieurs mois, beaucoup pensaient à un poste de vice-président de la République (qui reviendrait donc à un membre du PDCI), ils sont aujourd’hui plus réservés. D’abord parce que, à un an de l’élection, cela ajouterait un nouveau débat à ceux existant déjà, mais aussi parce que cette fonction poserait un problème de taille: Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, perdrait son statut de dauphin constitutionnel au profit du nouveau vice-président. Un scénario qui fait grincer des dents dans l’entourage de l’intéressé tout en faisant naître des sourires chez les observateurs de longue date de la vie politique ivoirienne : « ADO a-t-il le moindre intérêt à créer ce poste? s’interroge l’un d’eux. En politique comme au football, on ne fait pas la passe à l’adversaire. Dans le cas présent, ADO a plutôt intérêt à donner le ballon à ses “petits”, soit Guillaume Soro ou Hamed Bakayoko, son ministre de l’Intérieur. » Selon les tenants d’une candidature PDCI, qui attendent avec impatience la convention nationale prévue en octobre pour faire entendre leur voix, tout cela n’a guère d’importance. Si le parti décidait de désigner un candidat, les intéressés pourraient être nombreux, étant donné que Konan Bédié, 81 ans en 2015, est théoriquement inéligible. Entre autres: Charles Konan Banny, 71 ans, ancien Premier ministre et président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), dont le mandat prendra fin en septembre ; KKB, bien sûr, mais aussi « une pléthore d’autres cadres prêts à sortir du bois au moment opportun », selon Kramo Kouassi. De là à dire que ces derniers auront le charisme et les soutiens nécessaires pour rassembler le parti et son électorat, il y a un pas que peu osent encore franchir.
Rien ne va plus au FPI
Au sein du Front populaire ivoirien, les jours passent et se ressemblent surtout par leur agitation. Depuis qu’il a décidé début juillet de remanier son secrétariat général, Pascal Affi N’Guessan, le président du principal parti d’opposition, a provoqué une crise interne qui fait chaque jour les choux gras de la presse. D’un côté, il y a les tenants d’une ligne dite pragmatique, représentée par Affi N’Guessan lui-même. « Rajeunissement », « redynamisation », réintégration progressive dans le jeu politique ivoirien… l l l JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
« Certains n’ont pas tiré de leçons du passé » Selon Christian Bouquet, spécialiste français de la Côte d’Ivoire et auteur du Désespoir de Kourouma, des symptômes inquiétants pour la démocratie subsistent. JEUNEAFRIQUE:Laprochaineélection présidentielle ivoirienne est prévue en octobre 2015. Les conditions d’unscrutinapaisésont-elles réunies ? CHRISTIANBOUQUET: Il faut l’espérer. Lors de son entretien télévisé, le 6 août, il émanait du président Alassane Ouattara une sorte de force tranquille. Il a eu des mots rassurants sur plusieurs points. Cependant, les préparatifs de cette élection montrent encore quelques symptômes inquiétants pour la démocratie. Lesquels ? Le temps nécessaire pour mettre en place la Commission électorale indépendante [CEI], par exemple, est particulièrement significatif. Tous les partis politiques demandaient une CEI indépendante – tout en voulant absolument la noyauter. De telle sorte qu’on se concentre davantage sur « qui » délivre les résultats que sur les résultats eux-mêmes. Beaucoup ont oublié qu’en principe, dans une démocratie mature, il n’y a pas besoin de CEI. La démocratie ivoirienne n’est donc pas encore assez « mature » ? Une partie de la classe politique ivoirienne, toutes tendances confondues, ne l’est pas, démocratiquement parlant… Certains veulent encore que l’on compte les gens selon leur appartenance ethnique, ou n’ont toujours pas compris que l’éligibilité à la présidence de la République d’un
homme ne se résumait plus, de fait, au seul article 35 de la Constitution [relatif aux conditions d’éligibilité] dans la mesure où celui-là a fait ses preuves en tant que Premier ministre puis chef de l’État. D’autres contestent encore les résultats de 2010… Et ne semblent toujours pas avoir tiré de leçons du passé. DR
Quelles sont les autres sources d’inquiétude quant au bon déroulement de ce scrutin ? Le problème de la liste électorale n’est pas encore réglé. En avril 2013, 5,7 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes pour les élections municipales et régionales. Tous les analystes pensent qu’il en manquait entre 3 et 4 millions. Les résultats du grand recensement en cours – le dernier a eu lieu il y a seize ans – et la délivrance des cartes nationales d’identité, qui a repris en août – après quatre années d’interruption –, seront déterminants pour établir cette liste, même si personne n’ose vraiment le dire. Une question majeure reste donc en suspens : combien d’Ivoiriens pourront voter en 2015? D’autre part, la participation ou non aux élections du FPI [Front populaire ivoirien] est un point crucial. Pascal Affi N’Guessan vat-il réussir à se démarquer de la figure du père malgré l’opposition interne et présenter sa candidature, ou même celle d’un autre membre du parti ? La Côte d’Ivoire a besoin d’une élection qui voie se confronter les grands partis du pays. l Propos recueillis par HABY NIAKATE N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Grand angle Côte d’Ivoire
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L’OMBRE DE GBAGBO LAURENT GBAGBO sera bien jugé à la Cour pénale internationale (CPI). C’est officiel depuis le 12 juin, date à laquelle les juges ont confirmé les quatre charges de crimes contre l’humanité pesant contre l’ancien président ivoirien. Oui, mais quand ? Le 22 août, la Cour assurait qu’un agenda du procès serait bientôt disponible et que celui-ci débuterait prochainement… Soit au moment même où la Côte d’Ivoire entrera en période électorale et alors que le processus de réconciliation nationale piétine toujours. « Jusqu’à présent, les dernières
décisions de la CPI – le transfèrement de Laurent Gbagbo fin 2011, l’émission d’un mandat d’arrêt contre son épouse Simone Gbagbo en 2012 et le transfèrement de Charles Blé Goudé cette année – n’ont pas provoqué tant de soubresauts que cela dans le pays, estime un politologue. Pas sûr en revanche qu’un grand procès comme celui-ci, dans un contexte si particulier, soit sans conséquences, notamment sur les comportements au sein du FPI [Front populaire ivoirien, le parti de Laurent Gbagbo]. » l HABY NIAKATE
SIA KAMBOU/AFP
q Après l’annonce officielle du procès de l’ancien président, le 12 juin.
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l l l Selon eux, il est temps d’aller de l’avant. De l’autre, il y a les « ultras », portés entre autres par Laurent Akoun et Alphonse Douati. S’estimant floués dans la nouvelle équipe, ils ont décidé de boycotter les réunions du parti et d’exprimer haut et fort leur mécontentement. L’ex-première dame, Simone Gbagbo, en résidence surveillée à Odienné (Nord), a quant à elle démissionné, reprochant aux instances dirigeantes de ne l’avoir même pas consultée. Pour ces ultras, la libération du fondateur, Laurent Gbagbo, en attente de jugement à la Cour pénale internationale, doit rester la priorité du FPI et le préalable à toute normalisation de sa relation avec le pouvoir. Trèsvite,ungroupedemédiationaétéfondépour mettre fin à la crise. Le 12 août, celui-ci, emmené par Philippe-Henri Dacoury-Tabley, ancien gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et proche de Laurent Gbagbo, annonce qu’un compromis a été trouvé. Tous les caciques écartés ou rétrogradés par le dernier remaniement sont réintégrés au secrétariat général, s’ajoutant aux récents promus. Simone Gbagbo, elle, retrouve ses fonctions de deuxième vice-présidente du parti. « Même si les avis étaient très tranchés au départ, nous avons réussi à préserver l’unité et la cohésion du parti », témoigne un militant. Pourtant, beaucoup y voient une victoire des ultras… « Pas du tout ! C’est le FPI qui a gagné », répond Laurent Akoun, qui, après s’être fait débarquer de son poste de secrétaire général, est désormais l’un des innombrables vice-présidents du parti. Il ajoute, un brin revanchard : « Nous en sommes venus à la conclusion qu’il ne fallait écarter aucune des deux lignes. Les pragmatiques ne nous gênent pas, ils sont minoritaires. » Mais au-delà des questions de postes, tous s’accordent à dire qu’il est temps de définir une stratégie pour 2015. En commençant par décider s’il faut ou non présenter un candidat. Sur ce point aussi, les militants sont divisés. Les ultras s’y opposent catégoriquement : pas question de participer à une élection qui, en voyant s’affronter les principaux groupes politiques du pays, risquerait de légitimer une réélection d’ADO. Les pragmatiques, eux, sont de moins en moins hostiles à l’idée d’une candidature qui devrait légitimement être portée par leur leader Affi N’Guessan, à la tête du parti depuis treize ans. À condition que plusieurs problèmes soient résolus : le retour de tous les exilés, le dégel des comptes de militants encore bloqués, la restitution de tous les domiciles saisis ou encore la mise en place d’une Commission électorale indépendante (CEI, lire p. 21) équilibrée… Et dire que certains pensaient cette question réglée avec la désignation d’un représentant du FPI, Alain Dogou, le 9 août… « Cette personne ne représente qu’une tendance du parti, déclare Alain Akoun. Il faudra donc évidemment en reparler. » l
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SIA KAMBOU/AFP
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p Membres de la Cour constitutionnelle et de la CEI après la prestation de serment de ces derniers, le 11 août, à Abidjan.
Arrière-cuisine et dépendances Opposition, pouvoir, société civile… Tous veulent en être, mais peu trouvent à leur goût la composition de la Commission électorale indépendante.
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ul n’a oublié la scène. Retransmise en direct à la télévision, la proclamation des résultats provisoires par la Commission électorale indépendante (CEI) avait été empêchée physiquement par Damana Adia Pickass, le représentant du camp de Laurent Gbagbo. Puis c’est dans des conditions tendues que le diplomate Youssouf Bakayoko, alors président de la commission, avait fini par annoncer la victoire d’Alassane Ouattara en décembre 2010. Près de quatre ans plus tard, c’est son lointain neveu Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, qui a conduit pendant cinq mois les négociations avec l’opposition pour parvenir à un consensus sur la composition de la CEI, dans la perspective de l’élection présidentielle d’octobre 2015. Les tractations pour la répartition des postes ont été âpres et l’accord paraît encore fragile. Le 11 août, jour où les dix-sept commissaires ont prêté serment devant le Conseil constitutionnel, était donc JEUNE AFRIQUE
très attendu. Quatre d’entre eux sont membres de l’Administration. Les autres sont issus, dans des proportions identiques, des rangs des partis au pouvoir, de l’opposition et de la société civile. Le dernier, Sourou Koné, représente le président Alassane Ouattara auprès de la commission.
Mais au sein de l’opposition, on dénonce un « déséquilibre » – neuf membres sur dix-sept représentent le pouvoir – et on se dit méfiant à l’égard du « rôle d’arbitre » dévolu aux membres de la société civile. « Personne ne peut être parfaitement neutre, mais nous devons tous être impartiaux, souligne Marguerite Yoli Bi Koné, chargée de l’information à DÉSÉQUILIBRE. Dès l’adoption de la la CEI en 2010 et devenue l’un des quatre réforme de la CEI à l’Assemblée natiocommissaires issus de la société civile. nale, en mai, les critiques ont fusé, y Nous allons pleinement jouer notre parcompris du côté du Parti démocratique tition et assumer s’il le faut notre rôle de de Côte d’Ivoire (PDCI), allié du poutampon, garant de la neutralité. » voir. Kouadio Konan Bertin, député de « Les élections ne se gagnent pas à Port-Bouët, a fustigé le « caractère non la CEI mais dans les urnes », tempère Hamed Bakayoko. Ce à quoi Gervais Coulibaly, l’un des Les tractations ont été âpres. Il a commissaires issus de l’oppofallu cinq mois pour parvenir à un sition, répond: « Les élections ne se gagnent pas à la CEI, accord, et il paraît encore fragile. mais la CEI peut faire perdre indépendant » de la CEI et vitupéré le des élections. » L’ancien porte-parole de pouvoir. Laurent Gbagbo entend bien faire valoir « C’est la meilleure commission que la les exigences de l’opposition, déterminée Côte d’Ivoire ait eue, avec une représentaà obtenir la présidence du futur bureau tivité telle que le consensus a été atteint, exécutif de la CEI. Sa composition, en estime au contraire Sourou Koné. Il faut cours de négociation, doit être annonsaluer la présence et le rôle important cée d’ici à la fin du mois. « Ce serait un des quatre représentants de la société message fort en direction des militants, civile, dont deux sont religieux. On sort qui ont besoin de faire confiance à cette d’une crise tellement grave que les cominstitution pour éviter qu’un scénario du missaires doivent faire valoir leur sens type de celui de 2010 ne se reproduise. » l de l’État et du devoir national. » JOAN TILOUINE N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
L’ e m p r e i n t e d e vot r e s u cc è s
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Afrique subsaharienne
Afrique subsaharienne
EBOLA
L’Afrique en quarantaine Alors que l’épidémie continue de se propager, l’inquiétude s’est transformée en véritable psychose. Tout le continent pourrait bien en faire les frais.
PIERRE BOISSELET
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n vieux renard de la politique, Macky Sall avait flairé le risque. Le 5 août, lors du sommet Afrique -États-Unis à Washington, le président sénégalais avait profité de sa présence à la tribune, juste avant Barack Obama, pour s’exprimer ainsi : « Ebola n’est pas une maladie africaine. La solidarité mondiale doit venir en soutien aux pays touchés ! » Macky Sall tentait sans doute d’éviter que tout un continent soit stigmatisé et fasse les frais de la peur – certes légitime – suscitée par le virus. Il faut croire qu’il n’a pas été entendu : mi-août, l’équipe américaine de basket-ball a annulé un déplacement très attendu au Sénégal, où aucun cas d’Ebola n’a pourtant été diagnostiqué. Le problème, c’est que la maladie a démontré sa capacité à voyager par avion (entre le Liberia et le Nigeria) et que les autorités britanniques ont violemment tiré la sonnette d’alarme. « Ebola est une menace très grave » pour le royaume, avait déclaré, fin juillet, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Philip Hammond.
CARL DE SOUZA/AFP
PARTIR AU PLUS VITE. Depuis, l’inquiétude s’est La tenue de protection est obligatoire pour le personnel médical. Ici, au centre MSF de Kailahun (Sierra Leone), le 14 août.
transformée en panique, avec son cortège de décisions parfois irrationnelles. Par exemple, une délégation d’hommes d’affaires brésiliens a annulé un voyage à Windhoek, la capitale de la Namibie, qui se trouve pourtant à près de 5000 kilomètres du malade le plus proche. La compagnie d’assurances
thaïlandaise One Thaï est allée jusqu’à annuler le voyage de 1 500 de ses collaborateurs… en Afrique du Sud ! Quant à la compagnie sud-coréenne Korean Air, elle a suspendu tous ses vols vers le Kenya, également épargné pour l’instant. Plus logiquement, Berlin a demandé à tous ses ressortissants présents en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone – les pays les plus touchés – de partir au plus vite. British Airways et Emirates Airlines ont déjà cessé de desservir Conakry, Monrovia et Freetown. Air France, qui a fermé sa liaison vers le Liberia mi-juin (« pour des raisons économiques non liées à Ebola », affirme Franck Legré, son directeur pour l’Afrique), continue de voler vers Conakry et Freetown. Mais plusieurs membres d’équipage refusent désormais de travailler sur ces lignes et font circuler une pétition pour réclamer leur fermeture. Même certaines ONG s’y mettent: les Américains de Samaritan’s Purse et des Peace Corps ont décidé de rapatrier leurs volontaires. Mais pas Médecins sans frontières : « Nous restons en première ligne contre la maladie, affirme son directeur des opérations, Brice de le Vingne. Nous avons plus d’une centaine d’expatriés et près d’un millier de locaux qui luttent contre Ebola, et ce chiffre est en augmentation. » Les Occidentaux ne sont pas les seuls à prendre des décisions dans l’urgence : la Guinée équatoriale a suspendu ses liaisons aériennes avec neuf pays du continent ; la Zambie a interdit son territoire aux voyageurs en provenance des quatre pays touchés (dont le Nigeria, qui comptait, le 21 août, cinq décès dus à la fièvre hémorragique). Gagnée par la psychose, l’Afrique du Sud a à son tour annoncé qu’elle interdisait l’entrée de son territoire aux ressortissants de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone. Le Tchad a fermé sa frontière avec le Nigeria. Même chose pour le Cameroun qui l’a fait sans même en informer Abuja, selon un diplomate occidental dans la région, sacrifiant N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Afrique subsaharienne au passage les relations commerciales avec son plus important partenaire. Au sein des zones touchées, des régions entières ont été mises en quarantaine par les autorités de Monrovia et de Freetown… Rien ne dit pourtant que la mesure est efficace. « Nous sommes très réservés sur ces mises en quarantaine, explique Brice de le Vingne. En plus, elles empêchent parfois le retour des corps, et même des personnes guéries, dans leur village. Ceci augmente la défiance des familles, qui risquent de ne plus nous confier leurs malades. » Pris au piège, les habitants peuvent être tentés de s’échapper et donc d’aggraver la contagion – surtout si la nourriture vient à manquer. Ce phénomène ne risque-t-il pas particulièrement de se produire dans les régions voisines de la frontière du Liberia qu’Abidjan a fermée, alors qu’elles s’approvisionnaient beaucoup en Côte d’Ivoire ? À Monrovia, où des émeutes ont éclaté dans le quartier pauvre de West Point, placé en quarantaine, l’inflation est déjà à la hausse. La crise tombe particulièrement mal pour Conakry, à un an de la présidentielle. Peut-être Alpha Condé avait-il d’ailleurs cette préoccupation en tête lorsqu’il s’est empressé d’annoncer, en mai, que l’épidémie était « maîtrisée »… « L’Histoire lui a donné tort, rappelle le chercheur français Sylvain Baize, responsable du Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales. Mais j’avais la même impression que lui à ce moment-là. Le redémarrage de l’épidémie s’est joué à un ou deux cas qui nous avaient échappé. » OSTRACISME. Avant qu’Ebola ne s’en mêle, les
trois pays les plus touchés, qui sont aussi parmi les plus fragiles de la sous-région, misaient sur une relance du secteur minier pour rattraper leur retard économique. Elle est aujourd’hui compromise, car dépendante d’expatriés inquiets des progrès de l’épidémie. ArcelorMittal, qui exploite le minerai de fer au Liberia, a déjà annoncé le gel d’un projet d’expansion de sa production à la suite du départ de ses cotraitants. Rio Tinto, qui développe le gisement de fer de Simandou, en Guinée, a annulé les voyages « non essentiels » de ses collaborateurs, même si la société affirme que les travaux se poursuivent. « Les ministères et les ONG déconseillent tous les voyages non impératifs, explique un géologue de retour de Guinée. Ces recommandations pèsent sur les grands groupes, très stricts en matière de sécurité. D’autant qu’on ne peut plus leur garantir des évacuations sanitaires rapides de leurs collaborateurs: des vols ont été suspendus, et les malades fiévreux ne sont pas autorisés à embarquer. » La Banque mondiale affirme ainsi que la Guinée perdra un point de croissance cette année et a abaissé ses prévisions de 4,5 % à 3,5 %. « Le Liberia et la Sierra Leone pourraient perdre entre 1,5 et 2 points de croissance, explique un diplomate européen en poste en Afrique de l’Ouest. Si la N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
À LA RECHERCHE DU « PATIENT ZÉRO »
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usque-là, le village de Meliandou, en pleine Guinée forestière, avait peu de raisons de devenir célèbre. Ce bourg agricole de six cents habitants est semblable à des dizaines d’autres. Mais c’est là qu’a fini par arriver une équipe de chercheurs partis en quête des origines de la première épidémie d’Ebola d’Afrique de l’Ouest. Leur étude, publiée dans le New England Journal of Medicine, évoque le cas d’un nourrisson de 2 ans, décédé le 6 décembre 2013. Il est la première victime connue du virus, le « patient zéro ». Sa mère (enceinte), sa sœur et sa grand-mère, sont toutes décédées peu après. Mais en réalité, il est peu probable que l’enfant ait été directement infecté par un singe ou une chauve-souris (les principaux réservoirs du virus dans la région) : « Nous sommes remontés jusqu’à lui, mais il n’a pas le profil du premier humain infecté, reconnaît Sylvain Baize, coauteur de l’étude. Ce sont plutôt des chasseurs ou des femmes ayant préparé de la viande de brousse. D’autres membres de la famille ont pu être
touchés avant, même s’ils sont morts après. » Cela rend plausible le récit de MoussaTouré, le président de la Commission de sensibilisation de Guéckédou : « C’est une femme malade, venue d’une région voisine pour voir un guérisseur, qui a amené Ebola à Meliandou. La famille du nourrisson l’avait accueillie pour la nuit. » Une sage-femme qui s’est occupée de la mère aurait ensuite répandu le virus dans les communes voisines. Car si Meliandou est peu peuplé, sa proximité avec Guéckédou (300 000 habitants), à une quinzaine de kilomètres, et avec la frontière du Liberia, a facilité la diffusion. Dernier enseignement lourd de conséquences : le virus n’a pas été importé d’Afrique centrale. La souche « est présente dans la faune de Guinée depuis au moins une décennie, affirme Sylvain Baize. Nous avons désormais la certitude que la maladie resurgira tôt ou tard en Afrique de l’Ouest. La précaution à prendre est de limiter les contacts entre la population et la viande de P.B. brousse ». l JEUNE AFRIQUE
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Des mesures radicales Sénégal GuinéeBissau 12/08
21/08
21/08 Guinée
Tchad
Nigeria
04/06 09/08 Côte Sierra d’Ivoire Leone 11/06 Liberia 28/07
18/08 Cameroun
Pays touchés par l’épidémie Dates de fermeture de la frontière
04/06
LUC GNAGO/REUTERS
t À Abidjan, les autorités sensibilisent la population au risque de contamination.
production minière devait s’arrêter complètement, il faudrait même s’attendre à une croissance nulle au Liberia. » Pour l’instant, le Nigeria reste un cas à part. Le nombre de malades y est beaucoup plus faible et aucun dirigeant économique ou politique occidental n’a intérêt à se désengager brutalement de la première économie du continent. D’ailleurs, Abuja n’a pas hésité à se faire menaçant pour éviter l’ostracisme. « Interdire de voyage les pays
Retrouvez notre carte interactive sur les épidémies d’Ebola en Afrique depuis 1976 sur jeuneafrique.com
touchés aura des conséquences sur les relations entre États à l’avenir », a averti son ambassadeur à l’Union africaine. À Lagos, les écoles américaine et française doivent rouvrir dans les prochains jours, et l’ambassade de France fait son possible pour rassurer les expatriés qui hésitent à revenir de vacances. « C’est un pays stratégique avec lequel nous sommes très prudents, explique un conseiller économique européen en poste à Abuja. Il entraîne avec lui toute la sous-région. Nous veillons à ne surtout pas dramatiser la situation. » Un doute subsiste pourtant sur la capacité d’Abuja – épaulé par le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies – à endiguer l’épidémie. Incapable de mettre un terme à l’insurrection des islamistes de Boko Haram, dans le Nord, le Nigeria n’a pas démontré sa capacité à contrôler son territoire. La Banque mondiale s’inquiète aussi d’un probable impact d’Ebola sur le tourisme. Ce virus et les peurs qu’il a réussi jusqu’ici à véhiculer risquent de mettre en péril la récente vague d’afro-optimisme, obtenue de haute lutte par le continent. l
ZMapp, remède miracle? Tout juste arrivé au Liberia, ce cocktail d’anticorps non homologué donne des premiers résultats encourageants.
A
ttendu comme le messie ou presque, le ZMapp a débarqué le 13 août au Liberia. Six jours plus tard, le ministre de l’Information, Lewis Brown, annonçait que l’état des trois médecins contaminés par Ebola (deux Libériens et un Nigérian) qui reçoivent ce cocktail d’anticorps s’améliorait « de façon remarquable ». Le 12 août, l’OMS avait donné son feu vert à l’utilisation de ces traitements expérimentaux non homologués. Plutôt un feu orange, selon Nyka Alexander, porte-parole de l’OMS au Centre de coordination régional de Conakry : « Nos experts recommandent le consentement et le suivi transparent des patients. Une JEUNE AFRIQUE
400 km
autre réunion est prévue en septembre pour déterminer qui aurait accès à ces traitements s’ils étaient davantage disponibles. » Le gouvernement canadien a annoncé un don à l’OMS de 800 à 1 000 doses de VSV-EBOV, un vaccin expérimental mis au point par l’Agence de santé publique du Canada. Quant à Mapp Biopharmaceutical, le fabricant américain du ZMapp, il a indiqué avoir envoyé gratuitement la totalité de ses doses disponibles en Afrique de l’Ouest. Ce cocktail d’anticorps avait déjà été testé aux ÉtatsUnis sur deux humanitaires de retour du Liberia. Ces derniers sont encore en vie, mais un prêtre espagnol évacué lui
aussi du Liberia, est décédé après avoir eu droit à ce « remède »… La Sierra Leone, elle, a été privée du ZMapp. Ce qui fait polémique dans ce pays qui vient d’enterrer le Dr Modupeh Cole, 56 ans. Deux semaines auparavant, le 29 juillet, le Dr Sheik Umar Khan, 39 ans, « héros national » de la lutte contre l’épidémie, avait lui aussi succombé sans avoir pu bénéficier du traitement, ses médecins estimant qu’il était déjà trop gravement atteint. Aujourd’hui, les spécialistes pensent qu’il faudra plusieurs mois avant qu’un médicament ou un vaccin sûr et approuvé soit disponible… En attendant, l’OMS rappelle que les malades ont quatre chances de survivre sur dix s’ils vont dans les centres de traitement et seulement une sur dix s’ils restent à la maison. Avec le risque, en plus, de contaminer leurs proches… l EMMANUEL DE SOLÈRE STINTZY N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Afrique subsaharienne MALI
Oumar Mariko, la forte tête Réputé pour son franc-parler, il est à la fois médecin, militant révolutionnaire et proputschiste. Portrait de l’enfant terrible de la classe politique locale.
«
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n reconnaît une vache à sa couleur, mais la couleur de l’homme se trouve dans son ventre. » Il aime bien le citer, ce proverbe bambara, Oumar Mariko. Il y en a un, français celui-là, qui dit : « Il n’y a pas de fumée sans feu. » Il lui va bien aussi. Mariko, éternel opposant jusqu’à l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), en 2013, est à lui seul une chronique acide du Mali de ces trois dernières décennies, un exceptionnel instigateur de coups fourrés, mais aussi une très utile boîte à rumeurs. Des mois, des années même que son nom est placé au cœur des intrigues les plus folles. Le flot ne s’arrête jamais. En juin dernier, on lui prête la paternité d’une tentative d’assassinat du président, que son parti (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance, Sadi) soutient pourtant. L’histoire est à dormir debout : des sousofficiers se seraient mis en tête d’attaquer la demeure d’IBK. Dans le lot des « comploteurs », il y a le sergent-chef Amara Sylla, un des gardes du corps de Mariko, qui, le jour J, lui a emprunté sa voiture… « Je n’ai rien à voir avec tout ça », clame le député.
Le même mois, c’est à l’Assemblée nationale qu’on évoque son nom. Les députés s’interrogent : faut-il lever son immunité ? Impliqué dans une affaire de violences à l’endroit de deux étudiants le 30 avril 2012 (le jour du contre-coup d’État des Bérets rouges), Mariko est inculpé pour « complicité de coups et blessures volontaires ». Selon une source judiciaire, « il n’y a rien dans ce dossier ». En août, il fait encore la une. Depuis plusieurs mois, la France refuse de lui accorder un visa. « Sur les 147 députés, je suis le seul dans ce cas », dénonce-til. Paris lui fait comprendre que c’est à cause de ses ennuis judiciaires. Mais un diplomate l’admet: « On ne va pas donner un visa à un homme qui passe son temps à critiquer la France. » PATRIOTISME. C’est peu de dire que
Mariko critique la France. Avec son langage cru et sa voix forte, il la broie. Quand l’intervention militaire se dessine début 2013 pour contrer l’offensive jihadiste, il fait tout pour s’y opposer. Après la débâcle de l’armée malienne à Kidal, le 21 mai dernier, ce sont ses partisans qui
MISSION SECRÈTE À NIAFUNKÉ JUIN 2012. De retour d’Iran, Oumar Mariko reçoit un appel d’un ami proche d’Iyad Ag Ghaly : « On veut faire la paix. Il faut que tu nous aides ! » Un mois plus tard, Mariko obtient de Sanogo un ordre de mission pour entamer les négociations avec Ansar Eddine. « Je voulais qu’ils s’entendent, pour éviter une intervention étrangère », explique-til. Premier round en juillet 2012, à Niafunké, à la « frontière » entre N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
le Nord occupé et le Sud. Accompagné d’un ami touareg,Yehia Ag Ibrahim, et de deux militaires, Mariko rencontre le colonel Mbarek Ag Akli, un officier de l’armée passé à l’ennemi, dans une ambiance bon enfant. Deuxième round le 12 septembre 2012, toujours à Niafunké. Muni d’un nouvel ordre de mission, mais accompagné cette fois par des proches de Sanogo, il retrouve Mbarek.
Certains ont voulu voir dans ces missions secrètes une conspiration entre la junte et Ansar Eddine. De la synthèse de cette rencontre qui a été transmise aux services de renseignement (et dont Jeune Afrique a obtenu copie), il ne ressort pas grandchose, si ce n’est une volonté évidente des deux parties de dialoguer pour, selon les termes employés par le colonel Mbarek, « trouver une solution R.C. au problème ». l
scandent : « À bas la France complice du terrorisme ! » L’anciennemétropole,ill’aeuenhorreur dès son enfance passée dans la région de Sikasso, au sud-est de Bamako. Son père, un vétérinaire, avait fait six mois de prison sous la colonisation pour avoir giflé un colon. Au lycée, il se tourne vers les œuvres marxistes et s’intéresse à l’histoire de son peuple. « Il ne s’agit pas de tout magnifier, dit-il. Il y a des valeurs négatives. Mais les Africains ont une histoire et doivent en être fiers. » Comme sa compatriote, la célèbre altermondialiste Aminata Traoré, avec laquelle il chemine depuis des années, Mariko adule Sékou Touré (qu’il a rencontré en 1981, souvenir exquis), s’abreuve des discours de Modibo Keïta et honnit tout ce quipeuts’apparenteràdunéocolonialisme. Mais Mariko ne fait pas que parler, il met les mains dans le cambouis. Les débats de salon, il ne connaît pas. « Je ne suis pas un intellectuel », avoue-t-il. À 15 ans, il participe à ses premières grèves. À 21 (nous sommes en 1980), il les organise. À 22, il crée son premier parti dans la clandestinité. À 27, il goûte aux geôles de Moussa Traoré. À 31, il est de ceux qui font tomber le despote. L’Association des étudiants du Mali, qu’il a fondée, est le fer de lance de la contestation en 1991. JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne t Le charismatique leader du Sadi acclamé par des partisans, à Bamako, le 31 mars 2012.
fuir avant de se faire tuer », affirme notre source de renseignements, qui assure que « des écoutes téléphoniques le prouvent ». Mariko nie en bloc. Le putsch? Il n’était pas au courant. Plusieurs leaders de l’exjunte le confirment. Il avait bien senti le vent tourner dans l’armée, « depuis qu’on envoyait [les soldats] à la boucherie ». Il appelait même de ses vœux un renversement d’ATT. Mais il n’a pas fomenté le coup. « Il n’avait aucun ascendant sur nous. Il nous servait de caution vis-à-vis du peuple », souffle un ancien compagnon d’armes de Sanogo. Jamais, jure Mariko, il n’a incité les soldats de Tessalit à fuir. « J’étais en contact avec eux. Ils se plaignaient de n’avoir ni vivres ni armes. Ce sont eux qui m’appelaient. » En revanche, il reconnaît avoir contacté Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine. « Je lui ai dit de foutre la paix aux femmes et aux enfants [des militaires]. » ISSOUF SANOGO/AFP
TRUBLION. Iyad et Mariko, c’est une vieille histoire, qui remonte à 1991. Le premier mène la rébellion touarègue. Le second œuvre pour la paix dans le Nord. Les premières rencontres sont empreintes de méfiance. Puis les deux Sanogo, Mariko le voit toujours, même hommes apprennent à se connaître. « Les en prison. Il continue à dire que le renverTouaregs apprécient Mariko parce qu’il sement d’Amadou Toumani Touré (ATT) n’est pas comme les autres politiciens. en mars 2012 était nécessaire. A-t-il joué On peut lui faire confiance », explique un rôle ? Les services disent que oui. « Il un ami du trublion qui a participé à pluétait en contact direct avec les militaires », sieurs rébellions. affirme un haut responsable du renseiEn janvier 2013, quand Iyad lance gnement de l’époque. L’adjudant-chef son offensive sur Konna avec les autres Seyba Diarra, l’un des cerveaux de la groupes jihadistes du Nord (ce qui projunte, aujourd’hui en prison, est un très voquera le déclenchement de l’opération bon ami. Le colonel Youssouf Traoré, Serval), Mariko organise des manifestaautre figure des putschistes certainement tions réclamant la démission du président par intérim, Dioncounda Traoré. La coïncidence est d’autant plus Exceptionnel instigateur troublante qu’il multiplie les de coups fourrés, il est aussi échanges téléphoniques avec les hommes d’Ansar Eddine. Les serune très utile boîte à rumeurs. vices français affirment en avoir assassiné en septembre 2013, aussi. Quant la preuve. A-t-il voulu profiter du chaos à Sanogo, Mariko l’avait rencontré à pluau Nord pour permettre à Sanogo de sieurs reprises avant le coup d’État, mais revenir sur le devant de la scène, comme il affirme n’avoir jamais eu de relation le pensent un certain nombre d’observaforte avec lui. teurs ? Encore une fois, il nie. « Les gens Dans l’entourage d’ATT, on va plus loin: d’Ansar Eddine m’appelaient pour me Mariko serait derrière la manifestation prévenir qu’Iyad, avec qui ils n’étaient des femmes des militaires de Kati, qui a pas d’accord, préparait quelque chose. mis le feu aux poudres quelques semaines J’ai transmis l’information aux services avant le putsch. Il aurait aussi joué un de renseignement et aux Algériens », se rôle dans le désastre du Nord. « Après défend Mariko, qui assure n’avoir « rien le massacre d’Aguelhok, en janvier 2012, à cacher ». l RÉMI CARAYOL, envoyé spécial il prévenait les soldats pour leur dire de
« On ne voulait pas faire la révolution, se souvient-il. C’est le pouvoir qui nous a poussés vers l’opposition. » C’est à cette époque que Mariko devient populaire dans les casernes. Les jeunes sous-officiers – ceux-là mêmes qui feront tomber Traoré – apprécient son patriotisme. Depuis, quand il visite un camp, c’est vers lui que vont les soldats. « L’armée est constituée des couches pauvres, celles qu’il défend au quotidien », rappelle un adversairepolitique.Sonquotidien,depuis vingt ans, c’est son ONG, Médecins de l’espoir, qui soigne les pauvres, son réseau de radios, Kayira, qui donne la parole à tous, et son parti, Sadi. Le pouvoir ? Il n’y a jamais vraiment goûté. L’argent ? Il s’en désintéresse, affirment ses proches. FOULE. Quand il arrive à notre premier rendez-vous, au siège de Radio Kayira, un bâtiment délabré, c’est à bord d’une petite japonaise déglinguée. Ce jour-là, la radio sert de lieu de réunion au Mouvement populaire du 22 mars (MP22), que Mariko et d’autres ont créé en 2012 pour soutenir le putsch des sous-officiers de Kati. Quand il entre, la foule se lève. « C’est le seul qui ose dire la vérité », dit un jeune arrivé au guidon d’un deux-roues orné du portrait d’Amadou Haya Sanogo. JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne
DENIS ALLARD/REA
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p Les guimbardes délabrées à Kinshasa, une espèce en voie de disparition ? RD CONGO
À la casse, les vieilles caisses! Lassées des nombreux accidents causés par des véhicules vétustes et polluants, les autorités réagissent. Elles appliquent enfin un décret interdisant l’importation des automobiles de plus de 10 ans.
E
n RD Congo, les « cercueils ambulants », aussi surnommés « esprits de mort », vivent peut-être leurs dernières heures. Le décret d’Augustin Matata Ponyo, le Premier ministre, interdisant l’importation de véhicules de plus de 10 ans est enfin appliqué. Signé le 2 octobre 2012, celui-ci n’avait jusqu’ici pas été mis en œuvre. « Pourquoi dépenserions-nous autant d’argent à réhabiliter des routes à Kinshasa pour y faire rouler de vieilles voitures ? Ces dernières semaines, l’état du parc automobile s’améliore progressivement », se félicite le ministre de l’Économie, Jean-Paul Nemoyato, cosignataire de ce décret. Au Bas-Congo, province voisine de Kinshasa, qui abrite tous les ports maritimes de RD Congo et où débarquent les « occasions Europe », les opposants au décret affirment que bon nombre d’importateurs dédouanent désormais à Pointe-Noire (au Congo voisin). Ceux-ci remettraient ensuite 1 000 dollars (750 euros) par véhicule aux douaniers pour entrer, ni vu ni connu, en RD Congo avec une nouvelle plaque d’immatriculation. Les contrôles semblent toutefois avoir été renforcés depuis la fin de 2013, même si à ce jour seulement une vingtaine de véhicules ont été saisis et attendent d’être réexportés ou détruits. Les acheteurs N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
locaux, comme Pierre Mvika Nsimba, se disent étranglés financièrement: « Avant, nous ne déboursions que 2000 à 3000 dollars pour le dédouanement. Aujourd’hui, pour les véhicules plus récents, qui sont aussimoinsnombreux,celacoûtepresque le double ! » Papa Bihani, président de la société civile de Boma, confirme : « Pour les gens, acheter un véhicule neuf est un luxe ! Ils font donc rouler leurs vieilles voitures quelques années de plus. » PÉTITION. Député national du parti prési-
dentiel, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), Muller Luthelo Nyudi a même lancé contre ce décret une pétition qui a déjà rassemblé
6000 signatures. Il la remettra au Premier ministre en septembre, lors de la rentrée parlementaire: « Les ports du Bas-Congo tournent au ralenti. Plusieurs sociétés n’arrivent plus à payer leurs employés. On voit même apparaître dans la région des kuluna [délinquants] comme à Kinshasa. Nous lancerons des grèves jusqu’à l’abrogation du décret. » Des mesures compensatoires comme la baisse des droits de douane pour les véhicules récents sont envisagées, mais le ministre de l’Économie le promet : « Le gouvernement ne reviendra pas sur sa décision. » Pas de marche arrière, donc, pour les « cercueils ambulants ». l EMMANUEL DE SOLÈRE STINTZY
L’AFRIQUE TANTÔT AVANCE, TANTÔT RECULE AU GABON, depuis fin 2013, les voitures importées de plus de 3 ans ne sont plus les bienvenues. En 2011, le Cameroun, lui, a plafonné la limite d’âge à 7 ans et mis en place un abattement de 30 % sur la valeur imposable en douane lors de l’importation de tels véhicules. Corruption, trafic
de fausses cartes grises et de plaques d’immatriculation : le durcissement de la réglementation n’a pas empêché l’introduction de très vieilles voitures. Face à ce phénomène, certains pays ont choisi de lâcher du lest. Comme le Sénégal, qui, en 2012, a fait passer la limite d’ancienneté
de 5 à 8 ans. Au Nigeria, la « rallonge » a été portée à 10 ans en 2010, mais le pays envisage dès 2015 de taxer les véhicules importés à 300 % et d’encourager la production locale pour promouvoir le marché du neuf. Le Mali a également fixé la limite d’âge E.S.S. à 10 ans. l JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Afrique subsaharienne
Nigeria Des mutins, pas des lapins
AFRIQUE DU SUD OUPS, LA BOULETTE !
Tout commence le 19 août, quand des soldats reçoivent l’ordre de quitter leur base de Maiduguri pour se diriger vers la zone de Gwoza, tout près de la frontière camerounaise. Les islamistes s’en sont emparés deux semaines plus tôt et les militaires doivent en reprendre le contrôle. Mais les troufions refusent de monter au front. Combien sont-ils exactement à désobéir? Entre cinquante et soixante-dix, selon les sources. Au micro de l’AFP, l’un des mutins se justifie: « Nous avons juré de ne pas bouger d’un pouce jusqu’à ce que nos supérieurs nous fournissent les armes nécessaires pour affronter et déloger Boko Haram, qui a de bien meilleures armes que nous. » Un autre renchérit: « Boko Haram nous descend comme des lapins. Ça suffit! » La hiérarchie militaire a réagi en promettant de très lourdes sanctions et en jurant que les armes mises à disposition des militaires étaient suffisamment puissantes. Sauf que plusieurs experts militaires, et même de hauts responsables politiques nigérians, à l’instar de Kashim Shettima, gouverneur de l’État de Borno, ont affirmé que le groupe Boko Haram était mieux équipé que l’armée. l
Il y a quelques semaines, Rita du Plessis, 83 ans, souffrant d’une infection des voies respiratoires, est admise à l’hôpital privé Mediclinic de Kimberley, dans le centre du pays. Pourtant, elle sera opérée du cœur : à la suite d’une erreur sur l’identité du malade, le chirurgien entreprend de lui faire un drainage péricardique, raconte le quotidien Beeld. Le 20 août, l’hôpital a reconnu son erreur et affirmé que la patiente avait bien supporté l’intervention. Dans un geste d’une grande bonté, Mediclinic a même promis que l’inutile opération ne lui serait pas facturée…
QUENTIN LEBOUCHER/AFP
Soldats nigérians à Maiduguri, dans l’État de Borno.
SÉNÉGAL COUP DUR POUR KARIM WADE
Nouveau revers pour Karim Wade. La Cour suprême a déclaré irrecevable, le 19 août, la requête de ses avocats qui demandaient que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) soit déclarée incompétente pour juger leur client. L’ancien ministre et fils de l’exprésident Abdoulaye Wade est jugé depuis le 31 juillet pour enrichissement illicite présumé. Pas découragés, ses défenseurs ont réclamé, le 21 août, « la nullité » de l’enquête préliminaire menée avant le procès. JEUNE AFRIQUE
Kenya Police des basses œuvres Human Rights Watch (HRW) dénonce de « terribles » violations des droits de l’homme au Kenya, commises « sous le nez » du gouvernement, des chancelleries occidentales et de l’ONU. L’ONG affirme être en possession de preuves de nombreux cas d’exécutions sommaires, de disparitions forcées et d’actes de torture perpétrés à l’encontre de suspects de terrorisme. Les coupables ? Les membres de l’unité antiterroriste de la police kényane
(Atpu), créée en 2003 et largement financée par Londres et Washington. « Des suspects ont été abattus dans des lieux publics, enlevés alors qu’ils circulaient à bord de leur voiture ou même en pleine salle d’audience. Certains ont été violemment battus, placés à l’isolement, interdits de tout contact avec leur famille ou avec un avocat », écrit HRW, qui déplore le silence des bailleurs de fonds et la culture de l’impunité qui règne au Kenya.
ANGOLA HOME SWEET HOME
Ce sont les derniers réfugiés angolais qui vivent encore en RD Congo : poussés à l’exil dans un pays ravagé par la violence, ils sont arrivés en 1962. Des vagues de rapatriement ont eu lieu au cours des dix dernières années (76 000 personnes ont déjà traversé la frontière en sens inverse), mais ils sont encore 29 000 à être restés sur leur terre d’accueil. Un accord tripartite signé fin juillet entre Luanda, Kinshasa et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a permis de relancer les opérations de retours volontaires. Le 19 août, un premier convoi de 500 personnes a quitté la capitale congolaise. Dix-huit mille réfugiés ont, eux, décidé de rester. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Maghreb & Moyen-Orient
ARMÉE TUNISIENNE
La grande désillusion Incapable de venir à bout des maquis jihadistes, minée par des querelles au sommet, gangrenée par la politique, la grande muette a beaucoup perdu de sa superbe. Enquête exclusive sur une institution en désordre de bataille.
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JEUNE AFRIQUE
L
a scène a fait le tour du monde: des passants, par dizaines, accrochant des bouquets de fleurs à la tourelle des chars de l’armée stationnés à l’entrée de l’avenue Bourguiba, au centre de Tunis, en témoignage de reconnaissance pour son rôle pendant la révolution. C’était le 15 janvier 2011. Il y a une éternité. Le général Rachid Ammar passait pour un héros, pour l’homme providentiel. Il était celui qui avait dit « non » à Ben Ali et refusé de tirer sur le peuple. On apprendra par la suite que la légende avait été fabriquée de toutes pièces par un obscur blogueur. Mais qu’importe! L’institution militaire était adulée, portée aux nues. Aujourd’hui, le mythe a laissé place à une autre vision: celle des corps meurtris de soldats, égorgés ou déchiquetés par des mines sur les chemins escarpés du jebel Chaambi. Depuis dix-huit mois, le pays a basculé dans la guerre contre le terrorisme, et la région de Kasserine vit désormais au rythme des bombardements d’artillerie et de la danse macabre JEUNE AFRIQUE
FETHI BELAID/AFP
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SAMY GHORBAL, envoyé spécial
des ambulances. Les assauts répétés de la katiba Oqba Ibn Nafaa, affiliée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ont porté un coup terrible au prestige de l’armée et mis à nu sa vulnérabilité. L’attaque du 17 juillet, qui visait un camp militaire à Henchir Talla, a provoqué la mort de 15 soldats et en a blessé 23 autres. C’est le plus lourd bilan jamais enregistré depuis la guerre de Bizerte contre la France, en juillet 1961.
Sous-dimensionnée et mal équipée
p Funérailles de Walid Ben Abdallah, l’un des soldats assassinés lors de l’attaque du 17 juillet à Henchir Talla, dans le gouvernorat de Kasserine.
Le mont Chaambi, frontalier avec l’Algérie, culmine à 1500 mètres d’altitude. Aucune comparaison possible avec Tora Bora, les crêtes enneigées de l’Afghanistan et des zones tribales pakistanaises. C’est un massif boisé d’une centaine de kilomètres carrés, accidenté mais qui n’a rien d’inaccessible. Comment, dans ces conditions, expliquer les revers successifs infligés aux militaires tunisiens et leur apparente incapacité à reprendre le contrôle du sanctuaire terroriste ? Les adeptes de la théorie N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Maghreb Moyen-Orient Armée tunisienne du complot ont une réponse toute faite : l’appareil sécuritaire est gangrené. Ennahdha et ses alliés de la troïka ont eu le temps de placer leurs hommes, d’infiltrer l’État : les jihadistes sont renseignés sur les déplacements des militaires et peuvent exploiter les failles du dispositif. Mais la réalité est plus nuancée. Les gouvernements islamistes ont tardé à agir et laissé l’hydre terroriste prospérer pendant des mois. Chacun se souvient encore des déclarations d’Ali Laarayedh, le ministre de l’Intérieur, assurant benoîtement, à l’automne 2012, que le Chaambi était sûr et que ses seuls occupants étaient « des sportifs s’exerçant à faire fondre leur cholestérol ». Aveuglement politique? Certainement. Complicités ponctuelles ? Localement, peut-être. Mais impossible de parler de stratégie délibérée. L’autre explication, « fonctionnelle », sans être entièrement satisfaisante, a le mérite de cadrer le débat. Forte de 35 000 hommes seulement – dont 27 000, en comptant les personnels de santé, pour l’armée de terre –, l’armée tunisienne est souséquipée et sous-dimensionnée. Ses matériels sont vieillissants. Ses soldats ne disposaient pas de gilets pare-balles – 30 000 ont été commandés et un peu moins de la moitié ont été livrés depuis mai 2014. Les moyens héliportés, indispensables aux actions commandos, font cruellement défaut. L’armée ne possède toujours pas d’hélicoptères de combat modernes, équipés de systèmes de vision nocturne, de caméras thermiques. Et, de surcroît, en 2011 et en 2012, les militaires ont été amenés à assurer des missions auxquelles son format ne la destinait pas : maintenir l’ordre public en ville après la révolution, gérer l’afflux désordonné de millions de réfugiés fuyant la désintégration de la Libye, prévenir l’extension du conflit aux frontières, garantir la sécurité des élections… et la tenue des épreuves du baccalauréat ! C’est à ce moment que les chefs jihadistes, libérés après l’amnistie générale de février 2011, ont pu, grâce à la contrebande, se constituer un arsenal et un trésor de guerre. Enfin, la stratégie initialement retenue après les premières escarmouches, en 2013 – l’encerclement du Chaambi pour limiter les pertes humaines –, s’est révélée contre-productive : elle n’a pas empêché les soldats en patrouille de sauter sur les mines et a permis aux terroristes de gagner un sanctuaire.
Convaincu de l’imminence d’un putsch, le président décide de renouveler tout l’étatmajor.
q De g. à dr., le général Rachid Ammar, le chef de l’État Moncef Marzouki et le colonel-major Mohamed Salah Hamdi.
Caïd Essebsi (mars-décembre 2011), se dégradent. Un vieux contentieux oppose les deux hommes. Zebidi était ministre de la Santé publique en 2001 lorsque le dissident Marzouki a été relevé de ses fonctions de chef de service de médecine communautaire sous un prétexte fallacieux (« abandon de poste »). Cette fois le différend porte sur la prolongation de l’état d’urgence. Zebidi et Rachid Ammar plaident en vain pour sa levée, car il épuise les militaires et les empêche de se concentrer sur leurs missions essentielles : la surveillance des frontières et la lutte contre le terrorisme. Marzouki passe outre. En mars 2013, éreinté par cette guerre d’usure, Zebidi jette l’éponge et annonce qu’il ne souhaite pas être reconduit dans ses fonctions. Il est remplacé par Rachid Sabbagh, un magistrat honnête mais transparent. Ammar, isolé, fait à son tour l’objet de critiques pour son incurie et l’absence de résultats militaires tangibles face aux terroristes. Les flèches les plus acérées émanent de
Tiraillements politiques et théorie du complot Mais il y a plus inquiétant. L’union sacrée, entre responsables politiques et chefs militaires, qui avait prévalu après la révolution a cédé la place à la méfiance. Le président provisoire, Moncef Marzouki, s’est-il réellement laissé convaincre par ses conseillers que l’armée, incarnation de « l’État profond », tramait un complot? Toujours est-il que, dès juillet 2012, ses relations avec le ministre de la Défense, Abdelkrim Zebidi, seul « survivant » du gouvernement de transition formé autour de Béji N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
HICHEM
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JEUNE AFRIQUE
REUTERS
La grande désillusion
Mohamed Abbou, l’ancien secrétaire général du Congrès pour la République (CPR), la formation du président Marzouki, qui est constitutionnellement chef des armées. C’en est trop pour le sourcilleux général, qui s’invite, le 24 juin, sur un plateau de télévision pour faire valoir ses droits à la retraite. Il est remplacé, le 9 juillet, à la tête de l’armée de terre par un colonel-major, Mohamed Salah Hamdi, exattaché militaire à Tripoli. Fin du premier round. Le second commence dans un climat de tension et de paranoïa exacerbé par le meurtre, le 25 juillet, du député Mohamed Brahmi et par les événements du Caire. Et si, avec la bénédiction d’Alger, les militaires tunisiens, traumatisés par l’assassinat effroyable de huit soldats, égorgés et mutilés au Chaambi, s’avisaient d’imiter le maréchal égyptien Abdel Fattah al-Sissi? Convaincu de l’imminence d’un coup d’État, Marzouki décide de faire le ménage et renouvelle le reste de l’état-major début août. Le colonel Nouri Ben Taous, un visiteur régulier du palais de Carthage, est nommé au poste stratégique de directeur général de la sûreté militaire (la DGSM). L’institution est maintenant « sous contrôle ». Mais, dans les casernes, le moral est au plus bas et la colère gronde. Le malaise éclate au grand jour le 18 octobre, lorsque les trois présidents (Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaafar, président de la Constituante, et Ali Laarayedh, le Premier ministre) sont accueillis aux cris de « dégage » par les membres des forces de l’ordre en uniforme alors qu’ils veulent assister aux obsèques de deux membres de la Garde nationale, tués la veille à Goubellat. Ils sont chassés de la caserne d’El-Aouina. L’humiliation est sans précédent.
Henchir Talla, un fiasco évitable ? Le dernier chapitre, qui n’est pas refermé, débute fin décembre 2013, après la désignation de Mehdi Jomâa au poste de Premier ministre. Jomâa, un JEUNE AFRIQUE
p Militaires en opération, non loin du mont Chaambi, le 2 août.
Le nerf de la guerre Budget défense 2014 :
1,538
milliard de dinars* (+ 23 % par rapport à 2013), soit 6 % environ du budget de l’État Montant des salaires :
971
millions de dinars, soit deux tiers du budget défense Enveloppe affectée aux investissements :
398
millions de dinars, contre
202
millions en 2013, soit pratiquement un doublement * 1 dinar vaut environ 0,43 euro
technocrate indépendant, engage un bras de fer feutré avec Marzouki. Le président exigeait de pouvoir choisir « son » ministre de la Défense (il avait avancé le nom d’Ahmed Adhoum, un magistrat). Jomâa refuse et impose Ghazi Jeribi, un juriste qui a présidé le tribunal administratif. Après quelques mois de répit, les tiraillements reprennent de plus belle, mais ils opposent cette fois le ministère de la Défense à la présidence. Jeribi veut procéder aux réajustements nécessaires et reprendre le contrôle de la DGSM. Fin mai, il remercie le général Nouri Ben Taous et six de ses subordonnés, au grand dam du locataire du palais de Carthage. Ces changements brutaux ont-ils déstabilisé le renseignement militaire ? Sont-ils indirectement à l’origine de la tragédie de Henchir Talla ? C’est ce que suggèrent nombre de pages Facebook proches du CPR. Elles s’appuient sur les graves révélations faites à la télévision, le 18 juillet, par un syndicaliste policier, Sahbi Jouini. Une note datée du 10 juillet – soit une semaine avant l’attaque jihadiste – aurait fait état de l’imminence d’une opération d’envergure. Le document, émanant des services de renseignements tunisiens, aurait décrit très précisément le scénario et le lieu de l’attaque, sa date présumée (le 17 de ramadan), le nombre des assaillants et les armes utilisées. Par complicité ou par négligence, cette note n’aurait pas été répercutée par la DGSM à l’état-major et aux unités sur le terrain. Qu’en est-il réellement ? D’après nos informations, c’est faux. La note, qui existe mais que Sahbi Jouini n’a pas eue entre les mains, évoquait la forte probabilité d’une attaque, mais ne mentionnait pas l’armée comme une cible potentielle. Transmise fortuitement à la DGSM, elle a bel et bien été répercutée. Il n’y a donc pas eu dysfonctionnement.
Fautes de commandement et mentalité archaïque Le 30 juillet, nouveau rebondissement : le ministère de la Défense annonce la démission du chef d’état-major de l’armée de terre, le général Mohamed Salah Hamdi. A-t-on voulu lui faire porter le chapeau? Fallait-il, encore une fois, changer de chef dans la tourmente et sous la pression des événements? Hamdi est-il la victime collatérale du conflit larvé entre la présidence de la République et le gouvernement ? Comme nous l’ont confirmé plusieurs interlocuteurs, le chef de l’armée de terre a bien été « démissionné » par Jeribi. Une source très au fait de ces questions confie: « Le courant ne passait pas entre le général Hamdi et le ministre de la Défense, mais ce n’est pas la raison principale de son limogeage. Hamdi n’était pas l’homme de la situation. Il était de la vieille école et ses méthodes étaient archaïques. Il manquait de clairvoyance, d’audace et de poigne. Il y a eu du laisser-aller sous son commandement. Les circonstances de l’attaque de Henchir Talla sont accablantes. Le N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Maghreb Moyen-Orient Armée tunisienne bivouac était très mal protégé, alors que les unités étaient théoriquement en alerte rouge. Les secours ont mis presque une demi-journée à évacuer les victimes, ce qui est aberrant. » Les fautes reprochées au général démissionnaire ne se limitent pas au fiasco du 17 juillet. L’armée de terre a reçu livraison, en avril, de véhicules de transport américains et turcs (des blindés de type Kirpi, qui ont fait leurs preuves contre les rebelles kurdes du PKK). Des matériels disposant d’un blindage renforcé, capable de résister à l’onde de choc provoquée par l’explosion à leur passage des Improvised Explosives Devices (IED), les mines artisanales utilisées par les jihadistes du Chaambi, responsables de la mort de plusieurs dizaines de soldats au cours des deux dernières années. Mais au lieu d’être immédiatement déployés sur le théâtre des opérations, à Kasserine, ces véhicules dernier cri ont été aperçus en parade, fin juin, au cours d’une cérémonie à l’académie de Fondouk Jedid… Conçue et formatée pour résister quelques jours à une agression étrangère, à un combat de type conventionnel, l’armée doit désormais s’adapter à une guerre asymétrique, à un ennemi invisible et imprévisible. Elle le peut, à condition de revoir sa doctrine, de varier les tactiques, de doter les
Au lieu d’être déployés sur le terrain, des blindés fraîchement acquis paradent dans une académie.
unités combattantes d’une véritable autonomie. En un mot : encourager la prise d’initiatives sur le terrain au lieu de la brider. C’est le défi qui incombe maintenant au nouveau chef d’état-major des forces terrestres, Ismaïl Fathalli, nommé le 12 août en remplacement du général Hamdi. La situation est grave mais n’est pas désespérée, et la guerre n’est pas perdue. L’adversaire a été affaibli et sa logistique, désorganisée. La nouvelle stratégie opérationnelle de reconquête du Chaambi, mise en place le 11 avril, a permis de déloger les jihadistes de leur sanctuaire montagneux et les a forcés à s’éparpiller en plusieurs groupes, qui ont migré vers le jebel Sammama et le jebel Salloum. Le Chaambi reste un point de passage mais n’abrite plus de camp permanent. En ville, les cellules dormantes d’Ansar el-Charia, harcelées en permanence par la police, ne parviennent plus à mettre à exécution leurs projets d’attentat. Les flux financiers s’assèchent, obligeant les terroristes à improviser des hold-up, comme récemment dans une agence bancaire à Mégrine. Enfin, les nouveaux équipements commencent à arriver. La vente de 12 hélicoptères de combat polyvalents Black Hawk à l’armée de l’air vient d’être officiellement confirmée, le 15 août, par Jacob Walles, l’ambassadeur des États-Unis. l
QUI SONT LES TERRORISTES ?
L
es jihadistes de Chaambi et les partisans d’Ansar el-Charia, l’organisation terroriste d’Abou Iyadh, responsable des assassinats des opposants Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, appartiennent à une seule et même mouvance, celle de l’islam radical tunisien. Et même s’ils ont multiplié les coups d’éclat en s’attaquant à ce qu’ils qualifient de « forces du taghout » (l’État tyrannique et impie), ils sont aujourd’hui affaiblis. Les chefs d’Ansar el-Charia, en fuite, ont trouvé refuge dans la Libye voisine. Nombre de leurs lieutenants ont été arrêtés ou abattus au cours des derniers mois, à l’instar de Kamel Gadhghadi, tué à Raoued début février par les Tigres noirs de la brigade antiterrorisme (BAT). Les coups de filet policiers ont permis de faire avorter la plupart des projets terroristes. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Les groupes armés sont regroupés sous la bannière de la katiba d’Oqba Ibn Nafaa. Leur émir, un Algérien désigné par Aqmi, s’appelle Lokman Abou Sakhr (Khaled Chaïeb de son vrai nom). C’est un jihadiste aguerri qui aurait participé à l’égorgement de huit soldats au Chaambi, le 27 juillet 2013. « Ses combattants seraient actuellement entre 70 et 100, explique l’un des responsables de la lutte antiterroriste. Ils opèrent par groupes autonomes de 15 à 20 hommes, très mobiles. Tous les chefs sont algériens et se comportent en seigneurs. LesTunisiens, souvent originaires de la région, sont leurs valets. Ce sont des pions. » Leur armement (roquettes RPG, kalachnikovs, mines artisanales) est pour l’essentiel entré sur le territoire après la désintégration de la Libye. Les jihadistes sévissent dans trois
Jebel Sammama Jebel Chaambi
ALGÉRIE
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Kasserine
Jebel Selloum
10 km
gouvernorats – Kasserine, Le Kef et Jendouba –, où ils tentent de faire la jonction avec l’Algérie. « La difficulté tient au fait qu’ils se régénèrent en permanence, en s’appuyant sur les cellules dormantes d’Ansar el-Charia, poursuit notre source. Ils se savent maintenant vulnérables en ville et font jouer leurs complicités locales pour se ravitailler en nourriture ou en puces téléphoniques. Beaucoup d’habitants de la région les
aident, par vénalité, car ils paient bien, et parfois en euros… » Les jihadistes tunisiens partis combattre en Syrie représentent la menace potentielle la plus préoccupante; sur les 8800 candidats au départ, 5000 sont parvenus à destination. Environ 400 sont déjà rentrés enTunisie. Une jonction avec les maquis existants aurait des conséquences S.GHO. catastrophiques. l JEUNE AFRIQUE
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Maghreb Moyen-Orient ALGÉRIE
Amara Benyounes « Bouteflika, la Constitution et nous » Leader de la troisième force politique du pays, le ministre du Commerce revient sur le processus de révision du texte fondamental. Et détaille les amendements proposés par son mouvement.
S
ecrétairegénéralduMouvement populaire algérien (MPA, membre de la majorité présidentielle), Amara Benyounes, 56 ans, revendique pour son parti le statut de troisième force politique du pays, au vu des résultats des dernières élections en date : les locales et régionales d’octobre 2012. Avec 91 maires et 1 600 élus locaux répartis dans 42 wilayas (sur 48), le MPA est aujourd’hui bien implanté sur le plan national. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’actuel ministre du Commerce passe en revue les faits saillants de l’actualité politique algérienne, dominée par la remise, le 31 août, au président de la République d’un rapport élaboré par son directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia. L’ancien Premier ministre a été chargé de piloter une large concertation avec la classe politique, des personnalités et des compétences nationales, ainsi qu’avec de nombreuses organisations de la société civile autour d’une nouvelle Constitution. Sur les 150 partenaires conviés, 134 ont répondu à l’appel et émis des propositions qui seront consignées dans le rapport Ouyahia. JEUNE AFRIQUE : Une partie de l’opposition a boycotté la concertation autour de la révision de la Constitution. Celle-ci sera-t-elle aussi consensuelle que promis ? AMARA BENYOUNES: Il faut sans doute
mieux expliquer la démarche du président de la République. Le processus de révision de la Constitution a été entamé en mai 2011. Il y a eu une première phase durant laquelle des consultations ont été menées par le président du Conseil de la nation (Sénat), Abdelkader Bensalah, et par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Le fruit de ce processus a été confié à une commission de juristes qui a préparé et soumis au chef de l’État une première mouture. Abdelaziz Bouteflika a estimé que les choses avaient évolué depuis. De nouveaux partis ont vu le N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
jour, les élections législatives et locales de 2012 ont changé la donne politique. Il a estimé nécessaire d’ouvrir une nouvelle concertation. On ne peut lui faire le reproche d’essayer d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre. La partie de l’opposition que vous évoquez ne s’est pas déterminée en fonction du contenu de la proposition soumise au débat, mais par rapport à la personne d’Abdelaziz Bouteflika, dont elle conteste la légitimité pour faire avancer l’idée d’une transition. L’argument est irrecevable, car nous sommes au lendemain d’une élection présidentielle qu’Abdelaziz Bouteflika a remportée avec plus de 7 millions de voix de plus que le premier de ses cinq rivaux. Le refus de certains de participer à la concertation relève plus du dogmatique que du politique. En revendiquant la dissolution de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement), votre parti, le MPA, ne remet-il pas en question la légitimité des institutions ?
Pas du tout. C’est une question de bon sens. Si la nouvelle Constitution est porteuse d’une nouvelle organisation des
l’Assemblée pour avoir plus d’élus. Même si notre parti disposait de 80 % de la représentation nationale, nous aurions eu la même attitude : mettre en conformité les institutions élues avec la nouvelle Constitution et la nouvelle configuration territoriale. Revenons à la concertation. Comment s’est déroulée votre rencontre avec Ahmed Ouyahia ?
Nos propositions d’amendement avaient été rendues publiques avant notre entrevue avec Ahmed Ouyahia. En compagnie de quelques membres de notre bureau national, je lui ai remis un document de vingt pages. La séance de travail a duré deux heures. Pourquoi l’échange a-t-il duré si longtemps ?
Ahmed Ouyahia n’a pas de projet constitutionnel à vendre clés en main. Il a donc surtout écouté. Ses interventions se sont limitées à des demandes d’éclaircissement sur des points précis de notre document. En quoi les propositions du MPA consistent-elles ?
Nous avons insisté sur quelques points essentiels : la préservation du caractère républicain et démocratique de l’État ; la constitutionnalisation des libertés fon-
Il faut inscrire les libertés fondamentales dans le marbre de la loi. pouvoirs, et si le nouveau découpage territorial, qui prévoit la création d’une quinzaine de wilayas (préfectures) et d’une centaine de nouvelles communes, est mis en œuvre, il est tout à fait logique d’organiser des élections générales. Un nouveau texte fondamental suppose une Assemblée adaptée à ses nouvelles prérogatives. Quant aux entités régionales et locales créées, elles ont le droit, au même titre que celles qui existaient préalablement, d’avoir leurs instances élues. Nous n’avons pas réclamé une dissolution de
damentales, individuelles et collectives ; la nécessité du maintien du Conseil de la nation, chambre haute du Parlement, dont certains exigent la disparition du paysage institutionnel ; l’instauration d’un régime semi-présidentiel, avec un Premier ministre chef du gouvernement, responsable devant le Parlement, et l’officialisation du tamazight [la langue berbère]. S’agissant de ce dernier point, je me réjouis qu’il fasse aujourd’hui consensus au sein de l’ensemble de la classe politique, y compris de la majorité présidentielle. JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
LOUIZA AMMI POUR J.A.
41
p Le secrétaire général du MPA prône entre autres l’égalité hommes-femmes et l’officialisation du tamazight. L’officialisation du tamazight signifie que le droit sera dit dans cette langue. L’Algérie, pays qui ne dispose pas d’une académie berbère, y est-elle prête ?
Faut-il attendre qu’une langue dispose de tous les moyens pour qu’elle devienne officielle? Je suis de ceux qui pensent que c’est en devenant officiel que le tamazight aura tous les moyens. Je partage le point de vue de ce linguiste français qui, répondant à la question « quelle est la différence entre une langue et un dialecte ? », déclare que la langue est un dialecte avec une armée et une police. La différence est donc plus politique que scientifique. Dernier point sur lequel le MPA insiste: la constitutionnalisation de l’égalité hommes-femmes. Même si une parfaite parité est aujourd’hui un objectif lointain, nous sommes pour l’inscription dans le marbre de la loi de cette dynamique égalitaire. À l’occasion de cette concertation, la question de la réhabilitation du Front islamique du salut (FIS) est revenue avec insistance dans le débat. Qu’en pensez-vous ?
La charte pour la réconciliation nationale, adoptée par référendum, a valeur de loi. Elle dispose deux points essentiels qui ne doivent pas être occultés par le débat politique. Le premier est qu’elle reconnaît JEUNE AFRIQUE
explicitement le rôle et la responsabilité du FIS dans la tragédie nationale [insurrection armée et terrorisme durant les années 1990]. Le second est l’interdiction faite à tous les dirigeants du FIS d’exercer quelque fonction politique que ce soit. Au nom du président Bouteflika, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le directeur de cabinet du chef de l’État, Ahmed Ouyahia, l’ont clairement affirmé: le retour du FIS n’est pas à l’ordre du jour. Les propos de votre collègue des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, concernant la réouverture de lieux de culte judaïques et chrétiens fermés pour des raisons sécuritaires ont soulevé une vive polémique. Le Front de la Sahwa salafiste, présenté comme un FIS bis, a mis à profit cette controverse pour manifester…
Le parti que vous évoquez n’a aucune existence légale. J’ai moi-même été sa cible lors d’un appel à manifester contre la politique de mon département. La manifestation a rassemblé une vingtaine de personnes. Les déclarations de Mohamed Aïssa sont conformes à la Constitution de ce pays. Il est ministre des Affaires religieuses et non des Affaires islamiques. La loi respecte la liberté de conscience et de culte. Nous demandons, à juste titre, que les droits des communautés musulmanes
soient respectés dans les pays où elles résident. Pourquoi devrions-nous dénier ces droits aux juifs et aux chrétiens qui vivent parmi nous ? Votre action à la tête du département du Commerce ne suscite pas uniquement la colère des salafistes. La gauche, incarnée par le Parti des travailleurs [PT, de Louisa Hanoune] et par la principale centrale syndicale, s’en est prise avec véhémence à votre politique, notamment au sujet de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC)…
Il n’y a rien de véhément. C’est un débat normal dans une société pluraliste. L’Algérie est l’un des plus anciens négociateurs avec l’OMC. Ce processus a débuté en 1987. L’OMC regroupe 160 pays et sert de cadre à 97 % des échanges mondiaux. Les mises à niveau de notre économie seraient dérisoires si nous demeurions en marge. Certains de nos partenaires politiques, sociaux ou universitaires jugent la démarche suicidaire. C’est leur droit. En revanche, ils n’ont pas de leçons de patriotisme à nous donner. Nous sommes dans un débat économique et non dans un débat éthique qui tiendrait pour acquis que le président de la République et son gouvernement s’apprêteraient à brader les intérêts économiques du pays. l Propos recueillis à Alger par CHERIF OUAZANI N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Maghreb Moyen-Orient IRAK
Le califat de toutes les horreurs Égorgements, crucifixions, mutilations, esclavage, pillages, persécutions en tous genres… Dans les zones qu’ils contrôlent, les jihadistes de l’État islamique imposent leur loi à la pointe du cimeterre.
REX/REX/SIPA
42
p Vidéo de l’exécution du journaliste américain James Foley, diffusée le 19 août.
«
M
ême Gengis Khan n’a pas fait ça », se désolait, le 20 juillet, Louis Sako, patriarche des chrétiens chaldéens d’Irak, en évoquant la barbarie déployée par les militants de l’État islamique (EI) dans leur conquête du Nord irakien. Pillages et destructions, soldats chiites égorgés par centaines, « mécréants » enterrés vivants, tribus entières passées par les armes, femmes réduites en esclavage, excisions et circoncisions forcées, crucifixions, lapidations, mutilations… Les jihadistes de l’autoproclamé calife Ibrahim ne reculent devant aucune horreur pour imposer leur loi. Leur sinistre réputation précède leurs avancées, poussant à la fuite des dizaines de milliers de civils dont les récits propagent l’effroi dans toute la région. Pour l’Occident, la nouvelle terreur islamiste a pris le visage cagoulé du bourreau qui, sur une vidéo diffusée le 19 août, égorge le journaliste américain James Foley en annonçant un bain de sang aux concitoyens de Barack Obama. « Un cancer » à éradiquer du Moyen-Orient, déclarait le lendemain le président des États-Unis, alors que ses forces aériennes multipliaient les frappes contre les positions de l’EI. Métastase d’Al-Qaïda, l’EI a même été désavoué par cette dernière. Forgés dans la lutte contre l’envahisseur américain en Irak, trempés dans le sang de la rébellion syrienne, vivifiés par la politique N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
antisunnite du régime de Bagdad, ces jihadistes ultras se sont emparés, depuis 2012, du tiers des territoires syrien et irakien, proclamant un califat le 29 juin dernier après la conquête éclair de Mossoul, deuxième ville d’Irak. Depuis Raqqa, sa base syrienne, l’EI contrôle aujourd’hui un domaine plus vaste que la Jordanie et dont les 6 millions d’habitants sont soumis à l’application la plus rigoriste de la loi islamique. Premières victimes, les communautés religieuses non sunnites, les chrétiens, mais surtout les chiites, jugés hérétiques, et les yazidis, adeptes d’un culte antéislamique dénoncés comme adorateurs de Satan. Début juin, dans la foulée de la prise de Mossoul et de
les familles chrétiennes se réveillent en découvrant, peinte sur les façades de leurs maisons, la lettre « N » pour « nazaréens ». Le lendemain, les nouvelles autorités annoncent par haut-parleur que les « nazaréens » n’ont le choix qu’entre la conversion, le versement de la jizya (taxe par tête) ou la fuite. « Et si vous ne respectez aucune de ces conditions, entre vous et nous, il n’y aura que le sabre. » Les quelquescentainesdechrétiensquiétaient restés dans la ville prennent le chemin de l’exode. Les rares biens qu’ils peuvent emporter leur sont arrachés aux checkpoints jihadistes. Églises et monastères sont pillés, désacralisés et transformés en mosquées ou en « centres culturels ». « Les islamistes de l’EI ne tolèrent aucune autre religion que le sunnisme rigoriste qu’ils professent, et si les chrétiens ont eu le choix entre la conversion, la fuite ou le tombeau, les yazidis sont eux systématiquement exécutés ou enlevés », note Tirana Hassan, chercheuse à la cellule urgence de Human Rights Watch (HRW) qui suit le dossier irakien. ORDRE MORAL. Le 3 août, quand les
jihadistes s’emparent de la province de Sindjar, le foyer historique des yazidis, des dizaines de milliers d’entre eux se réfugient danslesmontagnes,sanseauninourriture. Quelques jours plus tard, le gouvernement de Bagdad affirme avoir découvert une fosse commune où reposent les corps de cinq cents yaziPremières victimes : les chrétiens, dis. Certains auraient été mais aussi les chiites et les yazidis, enterrés vivants. Les médias occidentaux évoquent un systématiquement éliminés. génocide, et l’émotion interTikrit, les jihadistes se glorifiaient d’avoir nationale finit par justifier les premières massacré 1 700 soldats chiites dans cette frappes américaines contre l’EI. dernière ville. Dans les régions conquises, L’objectif des adeptes du calife Ibrahim: nettoyer leur territoire de toutes les popuen Irak comme précédemment en Syrie, lations non sunnites pour bâtir un état les lieux de culte chiites sont rasés, comme islamiquement pur. Propagée par leurs d’ailleurs des édifices sunnites, tombeaux macabres productions audiovisuelles et anciennes mosquées vénérés, mais comme par les témoignages des rescadénoncés comme lieux d’idolâtrie par pés, la terreur reste leur arme privilégiée, les extrémistes. décourageant toute velléité de résistance En juillet, lacommunauté chrétienne est à son tour mise en joue en Irak après avoir et persuadant les non-sunnites que la fuite pourtant reçu des garanties de « protecsera le seul salut. Des récits effroyables tion ». À Mossoul, au matin du 15 juillet, circulent comme l’évocation, le 14 août, JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient par un père de famille réfugié à Paris, de la vente sur la place publique de Mossoul de 700 femmes yazidies au prix moyen de 150 dollars, « au vu et au su de la communauté internationale ». « Nous n’avons aucune confirmation de tels agissements, mais nous savons que beaucoup de gens ont été enlevés, et leur sort nous préoccupe beaucoup », tempère la chercheuse de HRW. À l’intérieur du territoire qu’il contrôle, l’EI déploie aussi une violence extrême pour asseoir son pouvoir. Début août, plus de 700 membres d’une tribu de l’Est syrien sont exécutés pour s’être rebellés. Avant même la proclamation du califat, les conquérants diffusaient dans le nord de l’Irak une charte en seize articles qui laissait peu de doute sur leurs méthodes, interdisant bien sûr l’alcool et le tabac, les jeux de hasards, les tenues « indécentes » ouencorel’apparitionenpublicdefemmes non accompagnées, et promettant à ceux qui s’opposeraient à leur loi « l’exécution, la crucifixion, l’amputation des bras ou/ et des jambes, ou l’exil ». De la région d’Alep, en Syrie, aux portes de Bagdad, l’ordre moral imposé par les jihadistes est un totalitarisme visant à contrôlerl’espacepublicetlesconsciences.
En juillet, un journaliste local employé par le média américain Vice News a pu avoir le dangereux privilège de filmer le quotidien de membres de l’EI à Raqqa.
nombre de sunnites exaspérés par la politique prochiite de Nouri al-Maliki, maître de Bagdad jusqu’au 14 août. Dans les villes du califat, des brigades de répression du vice et de promotion de la SÉDUCTION. C’est dans cette ville, la vertu patrouillent pour tancer les femmes première tombée entre leurs mains, que mal voilées, comme pour contrôler les les extrémistes ont pu mettre au point prix des denrées auparavant soumis à leurs méthodes de gestion du pouvoir. la spéculation. Les services publics sont Impressionnants défilés militaires, têtes assurés par d’ex-fonctionnaires qui ont dûment fait repentance et prêté allégeance aux nouRévoltés par l’iniquité du pouvoir velles autorités. Les impôts central, nombre de sunnites prélevés, mais aussi le butin colossal récolté dans les les accueillent… en libérateurs. villes conquises, le trafic de de soldats vaincus fichées sur les grilles produits pétroliers et les rançons fourd’un jardin public, assassin crucifié sur la nissent à l’entité totalitaro-terroriste de grande place: le reportage laisse entrevoir quoi financer son fonctionnement. Et son la coercition exercée sur les populations organisation en ministères et gouvernorats locales, mais aussi le travail de séduction relativement autonomes lui permet de entrepris par les militants de l’EI. Car ceuxs’adapter ingénieusement aux réalités ci n’ont pas été accueillis par tous avec le des terrains et des conflits. Armée, lois, même effroi. À Raqqa, les habitants ont administration, l’EI paraît combiner les un temps été soulagés par l’instauration caractéristiques d’un véritable État. Mais de l’ordre jihadiste après avoir été souil demeure une organisation terroriste et, mis à l’anarchie des groupes insurgés. selon le grand mufti d’Arabie saoudite, À Mossoul, les combattants d’Allah ont « l’ennemi numéro un de l’islam ». l même été accueillis en libérateurs par LAURENT DE SAINT PÉRIER
Un État dans deux États
TURQUIE Azaz
Marga
Al-Hasakah
Alep
Tal Kayf Quraqosh Erbil Mossoul Makhmour
Wana Sinjar
Kirkouk
ÉE
Deir ez-Zor
AN MER M ÉDIT ERR
Raqqa
Zoumar
Homs
LIBAN
SYRIE
Tikrit Samarra
Abou Kamal
BAGDAD
DAMAS
Ramadi Fallouja
IRAK
JORDANIE ARABIE SAOUDITE Zones contrôlées par l’État islamique
JEUNE AFRIQUE
Kurdes irakiens Kurdes syriens Rebelles syriens
Kerbala
Nadjaf
IRAN Tigre
Euph rate Bassora KOWEÏT GOL FE PERSI QUE 200 km N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Coulisses
Maghreb & Moyen-Orient ÉGYPTE - ÉTATS-UNIS SISSI FAIT LA LEÇON À OBAMA
AMMAR AWAD/REUTERS
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Israël-Palestine Ils ne sont pas à la noce En postant leur faire-part de mariage sur Facebook, Mohamed Mansour, 26 ans, et Moral Malka, 24 ans, n’imaginaient pas qu’ils déclencheraient les passions en Israël. Sauf qu’en pleine guerre à Gaza ce couple issu des quartiers populaires de Jaffa, au sud de Tel-Aviv, a été rattrapé malgré lui par le conflit. À défaut d’être saluée comme un heureux symbole, l’union d’un musulman avec une juive convertie aura servi de prétexte à un véritable déchaînement de haine… et d’amour. Le soir de leur union, une centaine de militants d’extrême droite se sont invités à l’extérieur de la salle de réception, tentant par tous les moyens de perturber les festivités. La plupart répondaient à l’appel de l’organisation Lehava (« la flamme »), qui milite contre « l’assimilation des Juifs et les mariages mixtes ». Face à eux, une poignée d’Israéliens, supporteurs des jeunes mariés, ont tenté d’étouffer les hurlements racistes. Pour éviter la foire d’empoigne, des renforts de police sont venus prêter main-forte à la quinzaine d’agents de sécurité mobilisés par la famille du couple. Une aubaine pour la télévision israélienne, qui ne s’est pas privée de diffuser en direct ce Roméo et Juliette très moyen-oriental. l IRAN MOLLAHS ET CONCUBINS
Le 15 août, le site conservateur iranien Atef publiait un article annonçant que, « dans les prochaines années, 70 % des enfants nés en Iran pourraient être des bâtards ». La raison ? Le nombre de plus en plus important de couples non mariés, « ni selon la religion ni selon la tradition », un péché synonyme d’adultère, d’après la religion musulmane. Dot, cérémonie, le billet d’Atef invoque des raisons économiques pour expliquer le désintérêt pour le sacrement conjugal. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Yémen Au bord du chaos Des dizaines de milliers de manifestants ont envahi, le 18 août, les rues de Sanaa, la capitale du Yémen, pour protester contre les fortes hausses du prix du carburant et réclamer la démission du gouvernement. Ils répondaient à l’appel des rebelles Houthi,
des chiites du Nord en lutte depuis 2004 contre le pouvoir. Le mouvement a annoncé une intensification de la mobilisation, alors que le pays, miné par l’insurrection qaïdiste et l’indépendantisme sudiste, peine à effectuer sa transition politique.
Par la voix de son ministère des Affaires étrangères, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a fait part au gouvernement américain de son inquiétude face à « l’escalade des manifestations de Ferguson » et aux « réactions qu’elle suscite », après la mort d’un Africain-Américain abattu par un policier dans cette ville du Missouri. Washington n’a pas goûté la plaisanterie, alors que les manifestations sont de facto interdites en Égypte, où l’on vient de commémorer le massacre de la place Rabia-alAdaouia, au Caire, où plus de 600 partisans des Frères musulmans avaient été tués par les forces de sécurité le 14 août 2013.
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Abou Abdallah al-Iraki était son nom de guerre, et cet Irakien était chargé par l’État islamique (EI) de préparer des attentatssuicides dans la région. « Il a été tué par une bombe placée par le Hezbollah au bord de la route et qui a explosé au passage de son véhicule », a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ONG basée à Londres. L’attentat a eu lieu dans le Qalamoun, en grande partie « nettoyé » de ses insurgés syriens et de ses greffons jihadistes grâce à l’intervention du Hezbollah. Via sa chaîne de télévision, le parti chiite a affirmé la responsabilité de l’Irakien dans les nombreux attentats dont il est la cible depuis 2013 au Liban. JEUNE AFRIQUE
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Europe, Amériques, Asie
TURQUIE
Erdogan, du Coran au sérail Pour l’enfant du quartier populaire de Kasimpasa, c’est la consécration. Élu président le 10 août, le Premier ministre sortant compte renforcer encore son emprise sur le pays. Objectif : modifier la Constitution et s’arroger tous les pouvoirs.
JOSÉPHINE DEDET,
I
envoyée spéciale
et affairiste en pleine expansion, Erdogan a su tirer les enseignements du passé. Première leçon : face à une armée gardienne de la laïcité, l’islam politique trop voyant et bruyant n’avait aucune chance de s’imposer. « L’imam Beckenbauer » (comme on le surnommait, en référence à sa ferveur et à son passé de footballeur semi-professionnel) n’a jamais oublié comment son mentor, le Premier ministre Necmettin Erbakan, accusé d’infiltrer ses hommes dans les rouages de l’État, fut forcé à démissionner en 1997 lors d’un coup d’État dit « postmoderne ». Deuxième leçon, un an plus tard : Erdogan, alors maire d’Istanbul, voit sa propre ascension politique entravée par une peine de prison pour avoir cité, lors d’un meeting, quelques strophes d’un poète ultranationaliste: « Nos minarets seront nos baïonnettes, nos mosquées nos casernes, nos croyants nos soldats… »
l était Premier ministre depuis 2003. Ce 28 août, dix-huit jours après sa victoire dès le premier tour de scrutin (51,7 %) au suffrage universel direct – une première dans l’histoire du pays –, il sera officiellement président. L’aboutissement d’un rêve pour ce fils d’un garde-côte de Rize (mer Noire) qui a grandi dans le quartier populaire de Kasimpasa, à RÉFORMATEUR. Àlasuitedecesamèresexpériences, Istanbul, auprès de garçons des rues dont il a gardé Erdogan se proclame « démocrate musulman », le parler et les manières rudes. À 60 ans, Recep prône l’adhésion à l’Union européenne, courtise des Tayyip Erdogan se fixe pour objectif de rester au lobbies juifs américains… et, en 2002, mène l’AKP à pouvoir jusqu’en 2023, date du la victoire. À l’époque, le camp centenaire de la République laïque l’accuse d’attendre son Son rêve ? Supplanter heurepourimposersonmodèle instaurée par Mustafa Kemal Atatürk – qu’il Atatürk, ce « père des Turcs » de société et le renvoie dans les qu’il déteste pour son impiété cordes lorsqu’il tente d’autoridéteste et admire tout en l’admirant pour sa ser le port du foulard dans les à la fois – dans la poigne,etqu’ilaspireàsupplanuniversités (il parviendra à ses mémoire collective. ter dans la mémoire collective. fins plus tard). Sa victoire, la neuvième En Occident et auprès de consécutive pour l’AKP, il la doit à son talent de nombre de politiciens turcs de centre droit ou tribun et à son pragmatisme. Car en fondant ce parti d’intellectuels ex-« maos », Erdogan passe pour en 2001 et en élargissant sa base islamiste pour le un réformateur. « Il était alors courageux, ouvert transformer en un mouvement attrape-tout adossé d’esprit, pas sournois », soupire Bülent Kenes, à une bourgeoisie anatolienne pieuse, conservatrice rédacteur en chef de Today’s Zaman, à qui l l l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
XINHUA NEWS AGENCY/EYEVINE/BUREAU233
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p Le 8 août, à Ankara. Pendant la campagne, ses affiches étaient omniprésentes.
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Europe, Amériques, Asie Turquie le futur président intente aujourd’hui deux procès en diffamation – son journal appartient à la confrérie de l’imam Fethullah Gülen, ex-allié d’Erdogan devenu son pire ennemi. « Son gouvernement, pourtant conservateur, a entrepris des réformes, certes incomplètes, qu’aurait dû mener un gouvernement socialdémocrate. Il a pris en main le problème kurde : depuis deux ans, le processus de paix progresse. Et la question du génocide arménien fait l’objet de débats. Il y a vingt ans, le seul fait d’en parler pouvait mener en prison », explique Roni Margulies, journaliste et poète réputé, d’obédience trotskiste. « Erdogan a transformé l’AKP en parti postislamiste et a été, jusqu’au référendum de 2010, très influencé par le discours libéral », renchérit Sahin Alpay, professeur de sciences politiques à l’université Bahçesehir (Istanbul), qui déplore qu’il soit « devenu une personne tout à fait différente ». Ah, ce tournant de 2010… C’est à ce moment que, pour ses plus récents contempteurs, l’« Erdogan Ier » en qui ils avaient placé leur confiance s’est mué en un « Erdogan II » autoritaire et cupide, à qui le succès serait monté à la tête après une série de victoires. D’abord sur les militaires, qui complotaient contre lui et qu’au fil de procès retentissants et avec l’aide des gulénistes il a écartés du champ politique; ensuite sur les magistrats kémalistes qui, en 2008, ont tenté de dissoudre l’AKP pour « activités antilaïques »; enfin sur une opposition hétéroclite et usée qu’Erdogan, porté par les performances économiques du pays, n’a pas eu de peine à battre aux élections, allant jusqu’à améliorer ses scores (de 34 % aux législatives de 2002 à près de 50 % à celles de 2011).
lll
VIRULENT. Mais depuis deux ans, le tableau s’obs-
curcit. La croissance s’essouffle, l’inflation croît. Surtout, désormais débarrassé de la plupart des contre-pouvoirs, Erdogan s’en prend avec virulence àtousceuxquinepensentpascommelui,n’hésitant pas à stigmatiser des catégories de population et à les opposer entre elles. Une stratégie qui lui réussit dans les urnes. « Le pays est coupé en deux, cette
AP
La surprise Demirtas Arrivé troisième (9,7 %) de la présidentielle derrière Erdogan (51,7 %) et Ekmeleddin Ihsanoglu (38,4 %), Selahattin Demirtas, avocat de 41 ans candidat du HDP (prokurde), est en passe de devenir une figure de proue de l’opposition. Son programme de gauche, ouvert à tous les « opprimés » (ouvriers, femmes, minorités…), a séduit bien au-delà du vote kurde. Il a quasiment doublé ses voix par rapport aux municipales de mars.
ET LA SANTÉ ? DEPUIS L’ANNONCE de ses deux opérations (2011 et 2012), au cours desquelles on lui a retiré des polypes de l’intestin, RecepTayyip Erdogan a vu sa santé faire l’objet de spéculations. Selon ses détracteurs, il souffre d’un cancer du côlon, et l’administration de remèdes puissants affecte son état mental. Ses dérapages verbaux N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
et son agressivité seraient dus à un « trouble de la personnalité narcissique », qui se caractérise par une certaine mégalomanie, un comportement hautain, un besoin excessif d’être admiré et un manque d’empathie. Alors qu’il a fait montre d’une vitalité intacte durant sa campagne, d’autres pensent qu’il a simplement succombé… J.D. à l’ivresse du pouvoir. l
/S
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A
bipolarisation totale est organisée par le régime, qui joue sur les tensions pour en tirer des bénéfices », résume Hayko Bagdat, analyste politique au quotidien Taraf. De fait, en soudant ses partisans et en accusant tous les autres de traîtrise, Erdogan a résisté à trois crises majeures: le mouvement de contestation de Gezi, en mai-juin 2013 ; un énorme scandale de corruption qui, depuis décembre 2013, l’éclabousse ainsi que son entourage ; et, en mai dernier, le drame de la mine de Soma (301 morts), où il est apparu que la collusion de l’AKP avec le monde des affaires se faisait au détriment des normes élémentaires de sécurité. À Gezi, Erdogan a répondu par une violente répression ; à Soma, par le mépris; au scandale de corruption, par une chasse aux sorcières qui a abouti à la révocation ou à la mutation d’environ 20000 policiers, magistrats et autres fonctionnaires, accusés d’appartenir à la confrérie Gülen et d’avoir comploté contre lui, notamment en le plaçant sur écoute et en diffusant ses conversations sur internet. PRAGMATIQUE. Dérive autoritaire du régime, mise
au pas de la presse et de la justice, immixtion dans la vie privée de ses concitoyens (sommés de faire au moins trois enfants, de ne pas boire d’alcool ou, pour les femmes, d’accepter la première demande en mariage qui se présente), travaux pharaoniques où se mêlent folie des grandeurs et défiguration des sites, sacrifiés sur l’autel du profit… Rien ne semble l’arrêter. « Il veut concentrer tous les pouvoirs, souligne Sahin Alpay. D’abord pour échapper aux poursuites judiciaires ; ensuite pour continuer de contrôler l’AKP et le gouvernement. Il veut changer le régime parlementaire en régime présidentiel, ce qui ferait de lui le Poutine de ce pays. Et, pour cela, changer la Constitution. » Alors qu’il a nommé, le 21 août, un Premier ministre à sa botte (Ahmet Davutoglu, jusque-là ministre des Affaires étrangères), écartant Abdullah Gül, le président sortant, au discours plus libéral et au charisme plus marqué, Erdogan a les yeux rivés sur les législatives de juin 2015. Pour modifier la Constitution, il lui faut une majorité des deux tiers (367 députés, pari impossible) ou bien obtenir 330 députés et organiser un référendum. La santé de l’économie, l’issue de sa lutte contre Fethullah Gülen, qui ne le met pas à l’abri de révélationsembarrassantes,l’aboutissementduprocessus de paix qu’il a entamé avec les Kurdes, l’éclosion toujours possible d’un nouveau mouvement de contestation, l’instabilité du Moyen-Orient et ses conséquences pour la Turquie et, enfin, la lente mais perceptible érosion du vote AKP lors des tout derniers scrutins constituent autant de risques qu’il ne peut négliger. Reste à savoir ce qui, chez lui, l’emportera, entre son pragmatisme habituel et le péché d’arrogance qui le guette. l JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
ÉTATS-UNIS
Ville noire, pouvoir blanc Des émeutes de Watts en 1965 à celles de Ferguson, le cercle vicieux se perpétue : bavure, colère, répression, le tout sur fond d’inégalités. Rien n’aurait donc changé dans l’Amérique d’Obama ?
L
e rêve d’une Amérique postraciale, que semblait annoncer l’élection de Barack Obama il y a six ans, s’est fracassé le 9 août à Ferguson, dans le Missouri, avec la mort de Michael Brown, 18 ans, énième adolescent noir tué par un policier blanc. Les violentes manifestations qui ont suivi, culminant le 18 août avec de véritables scènes de guérilla urbaine, ont rappelé les émeutes qui ont traumatisé le pays par le passé : Watts en 1965, Detroit en 1967, Los Angeles en 1992… À chaque fois, le même cercle vicieux : la police tue ou brutalise un jeune Noir, provoquant la colère de la communauté, ressentiment auquel les forces de l’ordre répondent de manière disproportionnée. C’est exactement ce qui s’est passé à Ferguson, avec comme facteur aggravant la stratégie erratique des autorités. La divulgation d’une vidéo montrant l’adolescent volant des cigarillos peu avant sa mort, faisant croire – à tort – que l’auteur des tirs, Darren Wilson, l’avait arrêté pour ce motif, a mis de l’huile sur le feu. De même que la réponse policière, très confuse. Couvre-feu instauré puis abrogé, usage excessif de la force par une police militarisée, envoi de la JEUNE AFRIQUE
racial, contre 37 % des Blancs. Ils sont en outre 76 % à avoir peu ou pas confiance dans l’impartialité de l’enquête, contre 33 % des Blancs. En diligentant une enquête du FBI à Ferguson et en y dépêchant Eric Holder, son ministre de la Justice, Obama a rapidement pris la mesure des événements. C’est ce que pense William Jones, professeur d’histoire à l’université du Wisconsin, qui salue la prudence du chef de l’État face à ces incidents à forte dimension raciale. Selon lui, confronté à une frange conservatrice et blanche qui lui est profondément hostile, Obama n’a d’autre choix que d’agir en modérateur. Le 18 août, il a ainsi condamné tant les pillages commis à Ferguson que les méthodes musclées de la police. Et juré de s’attaquer aux causes qui font qu’aux États-Unis « les jeunes hommes de couleur ont plus de chances de finir en prison que d’aller à l’université ». CHÔMAGE. Car les tensions de Ferguson
trouvent leurs racines dans des inégalités toujours aussi criantes. Le taux de chômage des Noirs reste, à 12 %, le double de celui des Blancs, alors que quatre enfants noirs sur dix grandissent dans la garde nationale par le gouverneur du pauvreté. Rien n’aurait donc changé dans Missouri… Les résultats de l’autopsie l’Amérique d’Obama? Son administration montrant que Brown a été touché de a pourtant déjà fait beaucoup. Sous la six balles, lesquelles n’auraient pas été houlette de Holder, elle s’est par exemple tirées à bout portant, n’ont rien arrangé : attaquée à l’incarcération en masse des ils contredisent la version de la police, Africains-Américains. Libération de priqui prétend que l’adolescent a attaqué sonniers, fin des peines automatiques le policier… pour les délits mineurs impliquant des Ce drame a en tout cas révélé la gravité stupéfiants: la population carcérale, comdes tensions raciales à Ferguson. Cette posée à 40 % de Noirs, baisse chaque petite ville de 21 000 habitants dont les année depuis 2009. deux tiers sont noirs est dirigée par un Obama a également lancé un promaire blanc, et le conseil municipal ne gramme doté de 200 millions de dolcompte qu’un seul élu de couleur. Plus lars (150 millions d’euros), appelé grave, sur les 53 policiers de la ville, seuls My Brother’s Keeper (« le gardien de mon frère »), afin d’aider les jeunes de la commuMichael Brown, 18 ans, a rejoint nauté. Pour Williams Jones, la liste des adolescents noirs le président devrait avant abattus par un policier blanc. tout insister sur les effets égalitaires de ses mesures trois sont Africains-Américains. Autre phares, en particulier la loi sur l’assudonnée éloquente : en 2013, 93 % des rance santé, qui profite à de nombreux personnes arrêtées à Ferguson étaient des Africains-Américains. « Mais cela ne Noirs… La résonance nationale de cette ferait qu’enflammer les conservateurs affaire en dit également long sur l’état des qui pensent qu’Obama aide les Noirs relations interraciales dans tout le pays. aux dépens des Blancs », tempère l’uniSelon le Pew Research Center, 80 % des versitaire. L’Amérique postraciale est Noirs américains pensent que le drame encore loin… l de Ferguson témoigne d’un contentieux JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Europe, Amériques, Asie CAMBODGE
Deux de jugés, combien d’oubliés? Après la condamnation à la prison à vie d’anciens hauts dirigeants khmers rouges, les victimes restent sur leur faim. Car trente ans après les faits, beaucoup de crimes demeurent impunis.
L
’
un reste assis, le corps affaibli et le regard dissimulé derrière d’énormes lunettes noires. L’autre se dresse et fixe le juge du tribunal de Phnom Penh. Mais aucun des deux accusés ne réagit à la lecture du jugement. Le 7 août, Nuon Chea, 88 ans, idéologue du régime khmer rouge, et Khieu Samphan, 83 ans, chef de l’État du Kampuchéa démocratique de 1976 à 1979, ont été condamnés à une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour « crimes contre l’humanité, extermination, persécution politique et autre actes inhumains ». Depuis novembre 2011, ces deux plus hauts dignitaires encore vivants du bref mais meurtrier régime khmer rouge sont poursuivis pour leur responsabilité dans cette dictature d’inspiration maoïste qui a conduit à la mort d’environ 2 millions de Cambodgiens, soit près de 20 % de la population, entre avril 1975 et janvier 1979. Applaudissements, larmes… À l’extérieur de la salle d’audience, des dizaines de victimes ou de proches de victimes venus de tout le pays ont laissé éclater leur joie. « Il a fallu du temps pour en arriver là, mais justice a enfin été rendue », affirme l’analyste politique Lao Mong Hay, 70 ans, en caressant sa longue barbe blanche. Lui a eu la chance d’être au Royaume-Uni à l’époque, contrairement à ses deux frères tués par les Khmers rouges. Il poursuit : « Plus important encore, les professeurs vont pouvoir enseigner cette histoire à l’école. »
Et quelle histoire ! Pour le Cambodge, le cauchemar commence le 17 avril 1975, avec la prise de la capitale par les hommes du Parti communiste du Kampuchéa (PCK), le mouvement politique et militaire des Khmers rouges. C’est durant leurs études en France que les futurs dirigeants du PCK ont découvert le marxisme et se sontrapprochésduParticommunistefrançais, avant de s’en retourner au Cambodge lors de l’indépendance du pays, en 1953. En ces temps de guerre froide, les communistes cambodgiens, marginalisés et persécutés, prennent le maquis et conduisent le pays vers la guerre civile, avec l’aide des Nord-Vietnamiens, au nom de la lutte anticapitaliste. Les difficultés de vie des Cambodgiens, accrues par la politiqueduprésidentLonNol(1972-1975) et les bombardements américains dans le pays, poussent des milliers de paysans dans les rangs des rebelles. PURIFICATION. À la chute de Phnom
Penh, la totalité des habitants est expulsée de la capitale; ceux qui refusent sont exécutés. Des centaines de milliers meurent sur les routes, de faim et de maladie. Commence alors l’application du programme du PCK. Les classes sociales et les traditions sont abolies, la propriété privée est interdite, la monnaie est supprimée, la « purification de la société » passe par l’élimination ou l’envoi en camp de travail d’anciens membres du gouvernement, d’intellectuels et d’expatriés de retour au pays.
L’idéologie du PCK veut que la population soit entièrement dévouée à l’activité paysanne et au service de la révolution. La vie privée n’existe pas, les purges internes sont systématiques. Des centres de détention et de rééducation sont ouverts dans tout le pays, dont la prison de Tuol Sleng, à Phnom Penh, tristement célèbre sous le nom de S-21. En janvier 1979, finalement, la dictature est renversée par l’ancien allié vietnamien, poussant les Khmers rouges à se réfugier dans la jungle et à reprendre le maquis. Le monde découvre alors avec horreur la réalité sanglante de la politique du PCK, auparavant soutenue par une bonne partie de l’intelligentsia occidentale antiaméricaine. Mais ce n’est que trente plus tard que la justice s’est mise en branle, avec l’ouverture, en janvier 2009, des chambres extraordinaires au sein des tribunaux
Une justice à retardement 17 avril 1975
7 janvier 1979
15 avril 1998
6 juin 2003
3 février 2012
7 août 2014
Entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh. L’application de l’idéologie du PCK fera près de 2 millions de morts.
Les troupes vietnamiennes libèrent Phnom Penh. Les Khmers rouges reprennent le maquis.
Décès de Pol Pot à 69 ans (âge incertain). L’ancien leader des Khmers rouges était en résidence surveillée depuis 1997.
Signature d’un accord entre l’ONU et le gouvernement cambodgien pour la mise en place d’un tribunal international.
Douch, patron de la prison S-21, est condamné en appel à la perpétuité pour crimes contre l’humanité.
Nuon Chea et Khieu Samphan sont condamnés en première instance à la prison à vie pour crimes contre l’humanité.
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JEUNE AFRIQUE
MARTYN AIM/SIPA
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p Portraits de Khieu Samphan (à g.) et de Nuon Chea affichés dans une salle de la tristement célèbre prison S-21, où le régime a torturé à tour de bras.
cambodgiens, appellation donnée à ce tribunal spécial parrainé par les Nations unies, essentiellement financé par la communautéinternationalemaisjugeantselon ledroitcambodgien.Lapremièrecondamnation définitive a eu lieu en février 2012. Elle concernait Kang Kek Ieu, l’ex-patron de la prison de Tuol Sleng, plus connu sous le nom de « Douch ». Comme ses deux supérieurs, il a écopé d’une peine de prison à perpétuité pour avoir converti cette ancienne école en centre de torture dans lequel plus de 12000 personnes ont laissé la vie. Laprincipalecritiquelancéeàl’encontre du tribunal reste la lenteur de la procédure, les responsables poursuivis étant au seuil de la mort. L’ex-ministre des Affaires étrangères Ieng Sary est décédé en mars 2013 à 87 ans, avant son jugement. Son épouse, Ieng Thirith, a été libérée en 2012 pour cause de démence. Quant à Pol Pot, Premier ministre du Kampuchéa démocratique et chef historique des Khmers rouges, il a rendu l’âme en avril 1998. Autres griefs : l’ingérence du gouvernement cambodgien, certains de ses membres, dont le Premier ministre Hun Sen, étant accusés d’avoir appuyé JEUNE AFRIQUE
l’idéologie khmère rouge ; le fait que la responsabilité de certains pays occidentaux ne soit pas abordée par les chambres extraordinaires ; et, surtout, le choix des personnes poursuivies, limité aux principaux dignitaires du régime, alors que de nombreuses victimes côtoient encore aujourd’hui leurs bourreaux d’hier.
allons demander un nouveau panel de juges car les juges actuels ne sont pas indépendants. » Les avocats de Khieu Samphan ont adopté la même ligne de défense, pointant du doigt les irrégularités du tribunal et les ingérences politiques nationales et étrangères. « Ce procès a été celui d’un régime, pas celui d’un homme, assure Me Anta Guissé. Il y a une volonté INGÉRENCES. Si bien que, malgré leur de condamner mon client pour ce en quoi soulagement à la suite du jugement du il a cru et non pour ce qu’il a fait. Nous 7août,beaucoupdevictimesexprimentun allons faire appel, mais il y a peu d’espoir sentiment de frustration, soulignant que d’y trouver la justice. » les milliers d’exécutants de bas niveau sont L’affaire n’est donc pas close, et ce autant d’auteurs de crimes de guerre qui d’autant moins que le procès de Nuon Chea et de Khieu Samphan a étédécoupéendeuxpartiesafin Les milliers d’exécutants de bas d’obtenir une condamnation niveau sont autant de bourreaux rapide compte tenu de leur âge très avancé. Le jugement du qui ne seront pas inquiétés. 7août,quiportesurl’évacuation ne seront pas jugés. Me Pich Ang, avocat forcéedes2millionsd’habitantsdePhnom des parties civiles, préfère retenir le côté Penh vers les campagnes lors de la prise de positif de cette décision de justice : « Il la capitale par les Khmers rouges, en 1975, s’agit d’une journée historique attendue ainsi que sur la déportation de province en depuis des années. Ce jugement vise indiprovince d’environ 300000 Cambodgiens viduellement les responsables des crimes jusqu’en 1977, causant des morts par cenperpétrés. Nous nous réjouissons de la taines de milliers, n’est que le premier reconnaissance judiciaire des souffrances volet de leur procès. Le second, débuté des victimes. » le 30 juillet, concerne les accusations de Du côté de la défense de Nuon Chea, génocide envers la minorité musulmane l’avocat international Victor Koppe a cham et la communauté vietnamienne. l annoncé qu’il comptait faire appel. « Nous SIDY YANSANÉ, à Phnom Penh N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
p Lors de l’épreuve de saut en longueur, le 15 août à Zurich (Suisse).
Antoinette Nana Djimou Ida Le style et les jambes La Franco-Camerounaise a conservé son titre de championne d’Europe d’heptathlon. Et prépare avec autant de concentration son avenir dans le stylisme.
«
T
U PARLES AUSSIVITE QUE TU COURS ! » lance une sportive à Antoinette, à la cafétéria de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), niché dans le bois de Vincennes, qui jouxte Paris. Moulée dans un survêtement rose et noir, calligraphie chinoise tatouée à la cheville, l’heptathlonienne fait le récit de sa carrière en avalant une double ration de fruits, entre deux entraînements. Saut en hauteur ce matin, javelot cet après-midi. Antoinette se prépare alors à défendre, les 14 et 15 août, son titre de championne d’Europe au cours des sept épreuves combinées de l’heptathlon. Il y a quelques mois, Antoinette a quitté celui qui l’entraînait depuis sept ans pour travailler avec quatre spécialistes différents. En France, « ça ne se fait pas trop », mais elle veut considérer chaque
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discipline comme si c’était la seule. « C’est risqué si la coordination entre les coachs n’est pas bonne, mais ils sont compétents », estime son tout premier entraîneur Christophe Letellier. En mars 2001, c’est une timide jeune fille de 15 ans qui s’est présentée à lui au club de Montreuil, à l’est de Paris. Antoinette courait d’abord pour le plaisir. « Je ne pensais pas devenir Marie-José Pérec! Pendant trois ans, je me suis juste amusée. » Letellier, qui a travaillé avec elle entre 2001 et 2003, confirme. « Elle était insouciante, et c’était aussi sa force: elle ne se rendait pas compte! Sa rigueur est montée en puissance au fil du temps. Aujourd’hui c’est une battante, une vraie compétitrice. » Antoinette reconnaît avoir changé plusieurs fois de mentalité. Premier déclic en 2004, aux championnats du monde juniors, où elle décroche
la quatrième place. « J’ai pris goût à la compétition, mais c’était toujours un jeu », se souvient-elle. Sélection sur le fil en 2008 pour les Jeux olympiques (JO) de Pékin. Élimination rapide. « J’étais là en touriste. Je me suis dit que c’était la dernière fois que je concourais pour rien! » Première médaille – de bronze – en 2009 aux championnats d’Europe. « Je l’oublie toujours, celle-là! » s’amuse celle qui raconte son parcours avec des éclats de rire que récoltent joyeusement ses copines alentour, car quandAntoinette se marre, elle se couche littéralement sur la banquette.Tout premier titre de championne d’Europe à Bercy en 2011, en pentathlon (cinq disciplines seulement, en salle). « Avant la dernière épreuve, je suis allée pleurer dehors. Ensuite, je tremblais sur la piste… C’est le public qui m’a portée ! Au dernier virage du 800 mètres, j’étais prête à mourir! Mais après je me suis dit: “Ah. C’est ça, une médaille d’or? Je n’ai rien ressenti du tout.” » Déçue de sa cinquième place aux JO de Londres, elle gagne pourtant de nouveaux titres européens en 2012 et 2013. « Mais l’Europe ne me suffit plus, je veux le Mondial et les JO! » À l’Insep, on l’appelle Nana. Sur son site internet, c’estAndi, ses quatre initiales dans un ordre un peu curieux. Antoinette JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie Ida porte le nom de son père (Nana) et celui de sa mère (Djimou), Bamilékés du Cameroun. Autour de son cou, un collier doré forme Choonana, le surnom que les enfants lui donnent lors des compétitions… Choonana est née à Douala et a grandi dans les quartiers de Bépanda et de Ndogbong. En 1999, elle rejoint son père en France, directeur d’une société de gardiennage, et est orientée vers l’athlétisme par sa prof de sport au collège. Aujourd’hui, en France, les athlètes de haut niveau sont encouragés à poursuivre des études en parallèle. En 2006, l’heptathlonienne passe un baccalauréat sciences et technologies tertiaires, puis, en 2009, un DUT techniques de commercialisation. « J’aurais sûrement arrêté les études si je n’avais pas été interne à l’Insep. Avec des horaires aménagés, on peut avoir un double projet. » Depuis 2012, c’est dans une école de stylisme, Formamod, qu’elle est inscrite. « En Afrique », comme elle dit toujours, elle fabriquait des habits en papier à ses poupées. Mais, fin 2012, elle a mis sur pied dans le stade de l’Insep un vrai défilé d’une dizaine de créations à base de tissus camerounais. « Je change toujours de style, donc je ne sais pas comment seront mes futurs vêtements. J’aime bien ce couturier qui fait des robes asymétriques », dit-elle en cherchant le nom sur son smartphone, du bout de ses doigts que prolongent des ongles roses à pois blancs. Elle a créé ses modèles elle-même en prenant comme cobaye sa mère, qui vit au Gabon, venue en France pour la première fois en 2014. « La collection que je dois faire pour l’école, expliquet-elle, ce sera dans deux ans, après Rio. » Les JO de 2016. « C’est l’objectif d’Antoinette, affirme Christophe Letellier. Après, à 31 ans, elle sera au maximum de sa maturité, mais je ne sais pas où en seront son physique et, surtout, sa motivation. » Déjà blessée plusieurs fois en voulant dépasser ses limites, Antoinette est aujourd’hui réaliste. « L’athlétisme, ça ne dure pas trente ans… » l CONSTANCE DESLOIRE Photo : MATT DUNHAM/AP/SIPA JEUNE AFRIQUE
INDE
De la syrah au pays de Shiva Alors que la consommation nationale de vin est en pleine croissance, plusieurs producteurs locaux commencent à se faire un nom. Parmi eux, Sula Vineyards, qui s’apprête à exporter… en France.
«
Q
uel serait selon vous le des journées ensoleillées et une moindre vin le plus approprié au exposition à la mousson. poulet tikka masala ? Un Ce microclimat a permis la naissance cabernet syrah ? Un saud’une vingtaine de cépages différents. vignon blanc ? » Verre à la main, œil Entre autres, le sauvignon blanc, le merbrillant et verbe enjoué, Anirudh, jeune lot, la syrah, le chenin blanc et le viognier. apprenti sommelier qui a fait ses classes « Le sauvignon blanc est sans doute celui à Bordeaux, en France, a vite appris à qui correspond le plus au goût naturel captiver son auditoire : des compatriotes des Indiens », souligne Rajeev Samant, indiens curieux de s’initier au vin. ajoutant qu’« il est plus facile ici de faire Jeunes couples en voyage de noces, du blanc que du rouge ». familles venues de Bombay, à trois heures de route, retraités, mais aussi ÉCRÉMAGE. Parmi les vignobles les étrangers : les touristes accourent touplus connus, Sula Vineyards reste la jours plus nombreux au vignoble de marque la plus populaire, devant York Sula, à Nashik, principale destination Winery et Château d’Ori. « Nous détenons œnologique du pays. Le domaine a aujourd’hui 70 % de part de marché en accueilli 180 000 visiteurs l’an dernier, Inde », souligne la responsable du marcontre 5 000 à peine en 2005, année des keting, très fière des derniers partenapremières dégustations. riats noués par le groupe: « Les Indiens « En Inde, les compagnies Le microclimat découvrent le social n’autorisent pas l’alcool de l’État du drink, le côté select à bord des avions. Mais, Maharashtra et raffiné du vin, soudepuis peu, Air India a permis la ligne Rajeev Samant, propose un syrah de Sula le fondateur de Sula Vineyards. » naissance d’une Vineyards. Et pas seuL’entreprise a su tirer soixantaine lement la classe la plus partidusérieuxécrémage de vignobles et aisée : notre gamme de qu’a connu le secteur dès prix, très large, débute 2009, avec notamment la d’une vingtaine à 200 roupies [environ disparition du numéro de cépages. 2,50 euros] la bouteille. » un de l’époque, Château Certes, pour l’heure, le Indage. Autour de 2006, sous-continent n’accorde qu’une place « l’industrie indienne produisait nettetrès marginale au vin. Seul 0,01 litre ment plus de bouteilles que le marché par personne est consommé chaque n’était capable d’en absorber », se rappelle année, contre une quarantaine de litres Jagdish Holkar, président de l’autorité de en France. Une bricole dans un pays régulation du secteur viticole. Ce qui a où le whisky et la vodka sont difficiles contribué à la faillite d’un grand nombre à détrôner. Mais le marché progresse de producteurs. rapidement. De l’ordre de 15 % par an Aujourd’hui, Sula Vineyards produit ces dernières années. environ 650 000 caisses de vin par an… À lui seul, l’État du Maharashtra et commence à exporter. Encore peu, (Ouest), dans lequel se trouve Nashik, seulement 5 % de sa production, « en raiconcentre l’essentiel des vignobles son du dynamisme du marché indien ». Mais déjà dans une vingtaine de pays : indiens. Dans cette contrée parsemée le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne, de collines et de lacs que d’aucuns surles États-Unis… Et la France ? C’est une nomment parfois, un peu rapidement, affaire de quelques semaines, assurel’Indian Napa Valley – en référence t-on au domaine. l à la Californie –, une soixantaine de MATHILDE ESLIDA, à Nashik vignobles ont émergé, encouragés par N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Coulisses
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Europe, Amériques, Asie
LEE JIN-MAN/AP/SIPA
ÉCOLOGIE LE MONDE NE SUFFIT PAS
p Lors de la Journée de la jeunesse asiatique, le 17 août, au château de Haemi.
Corée du Sud Cathos contents C’était la première fois depuis 1999 qu’un pape se rendait en Corée du Sud. L’événement était donc très attendu par les 5 millions de catholiques que compte le pays. Avec plus de 100 000 baptêmes célébrés chaque année, d’adultes essentiellement, le catholicisme (10 % de la population, contre 20 % pour le protestantisme) est en essor constant au pays du Matin clair. La façon dont la péninsule a été évangélisée est unique dans l’histoire de la chrétienté : en effet, ce sont les Coréens eux-mêmes qui allèrent au début du XVIIIe siècle s’instruire auprès des jésuites de Pékin, avant qu’un lettré,Yi Seung-hun, s’y fasse baptiser en 1784 et retourne dans son pays, déclenchant un vaste processus de christianisation – mais aussi de violentes persécutions. En conclusion d’un séjour de quatre jours, et après avoir béatifié 124 martyrs, c’est au peuple des deux Corées que le pape François s’est adressé, le 18 août, rappelant qu’ils formaient « une seule famille » et qu’il était temps de dépasser plus de soixante ans de divisions. l
1€
C’est le prix auquel une vingtaine de maisons sont mises en vente par le village italien de Gangi, à 120 km au sud-est de Palerme, en Sicile, afin de lutter contre le déclin démographique et économique. Abandonnées dans les années 1920 par leurs propriétaires ayant émigré pour fuir la pauvreté qui sévissait dans l’île, ces habitations ont néanmoins besoin d’un peu plus que d’une nouvelle couche de peinture. D’ailleurs, les acquéreurs doivent s’engager, en laissant une garantie de 5000 euros, à les rénover dans un délai de trois ans, pour un coût estimé à 20000 euros. Ce qui reste abordable.
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Brésil Marina contre Dilma Après la mort dans un crash aérien, le 13 août, d’Eduardo Campos, candidat à la présidentielle d’octobre, le Parti socialiste brésilien s’est trouvé un nouveau champion. Ou plutôt une championne, puisque c’est l’écologiste Marina Silva, 56 ans, qui a été désignée à
l’unanimité par la direction du parti, le 20 août. Cette ancienne ministre de l’Environnement de l’ex-président Lula représente une sérieuse menace pour la réélection de Dilma Rousseff. En cas de second tour entre les deux candidates, un récent sondage donne Silva gagnante…
Entre le 1er janvier et le 19 août, la population mondiale a consommé l’intégralité des ressources annuelles que la Terre peut produire sans que leur renouvellement soit compromis, a calculé l’ONG Global Footprint Network. Autrement dit, nous vivons désormais à crédit « écologique », et ce pour plus de quatre mois. C’est d’autant plus inquiétant que ce « jour du dépassement » survient, année après année, de plus en plus tôt : le 21 octobre en 1993, le 22 septembre en 2003, le 20 août en 2013… Selon l’ONG, il faudrait une planète et demie pour subvenir aux besoins actuels de l’humanité.
FRANCE BRAQUAGE PRINCIER
Pour ses vacances en France, il avait élu domicile, avec toute sa suite, au prestigieux hôtel George-V, à Paris. Au moment de plier bagage, le 17 août, le prince saoudien Abdul Aziz Ibn Fahd ne se doutait pas de ce qui l’attendait sur la route de l’aéroport. Une demidouzaine d’hommes ont attaqué la voiture de tête du convoi de douze véhicules et se sont emparés de 670 000 euros en petites coupures. La France a assuré à Riyad que l’enquête serait menée de façon rapide et discrète. Peu de chances cependant qu’elle aboutisse avant la visite officielle à Paris de Salmane Ibn Abdelaziz Al Saoud, numéro deux du régime saoudien, le 1er septembre. JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA Bonnes œuvres et grandes manœuvres
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OGOOUÉ-MARITIME Port-Gentil s’aménage gentiment WOLEU-NTEM Le Nord n’a plus la gueule de bois HAUT-OGOOUÉ Franceville blues
L’autre Gabon
À deux ans de la présidentielle, où en est le pays? Qu’attendent les Gabonais? État des lieux, et d’esprit, en province. Loin des sentiers battus de Libreville.
DAVID IGNASZEWSKI
Ados dans les rues d’Ovan (Ogooué-Ivindo).
JEUNE AFRIQUE
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Fiers de nos racines africaines Prêts pour notre avenir commun
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L’autre Gabon
Prélude Georges DOUGUELI
Retour sur le terrain électoral
Ç
a leur reprend. À Libreville, les poliLa politique a donc repris ses droits. Elle tiques sont de nouveau saisis par va dévorer l’agenda de cette fin de septennat, la fièvre qui les gagne toujours à reléguantlesprogrammesgouvernementaux l’approche d’une échéance présiau second plan. La faute à Jean Ping, dont dentielle. À deux ans de la joute pour le le ralliement à l’opposition, annoncé en Graal, la température est montée d’un cran. février, a fait démarrer en trombe – et avant Opposition et majorité fourbissent déjà leurs l’heure – cettecurieuse campagne électorale. phrasesassassinesets’invectiventparmédias L’ancien président de la Commission de l’UA interposés. Ainsi, à Jean Ping assurant sur le aréveilléuneoppositiontombéeensommeil plateau de France 24 que « le pays va dans depuisladisparitiondePierreMamboundou le mur », qu’il est dirigé par « un autocrate » et les ennuis de santé d’André Mba Obame, entouré « d’un groupe de gens pratiquement les deux principaux rivaux du président. apatrides»,lechefdel’Étatrépondlui-même La faute, aussi, à la majorité, qui n’a pas su dans son adresse à la nation du 16 août, profiter de cette léthargie pour faire aboutir veille de la fête nationale, en qualifiant ses tous ses programmes. Le Palais avait pourpropos de « discours de haine, de division tant une belle marge de manœuvre. Depuis et de xénophobie », qui n’ont « jamais fait que l’opposition a boycotté les législatives partie de [la] pratique politique » gabonaise de décembre 2011, le Parti démocratique et ne sont « ni acceptables ni pardonnables ». gabonais dispose d’une confortable majorité Côté précampagne, Ali Bongo Ondimba a obtenu le Le ralliement de Ping à l’opposition ralliement de plusieurs oppoa fait démarrer en trombe, et avant sants à son pacte social. Il a aussi relancé sa majorité prél’heure, une curieuse précampagne. sidentielle pour l’émergence, dontlesoutienserautileaujourduvote.Pour de 114 députés sur 120. Les recettes de l’État leur part, ses détracteurs ont formé le Front ont sensiblement augmenté et la croissance de l’opposition pour l’alternance (Fopa) et s’estbientenue(5,5%en2012,5,9%en2013). préparent des tournées provinciales. Malgré ces bons indicateurs, nombre de L’opposition reprenant des couleurs, le projets ont subi des retards, et la pauvreté pouvoir se devait d’y répondre, notamment a gagné du terrain. Au point que le Gabon sur le terrain social. Paysans, filles mères, a perdu six places dans le classement 2014 chômeurs… Les personnes fragilisées et du Pnud en matière d’indice de déveloples « Gabonais économiquement faibles » pement humain, passant au 112e rang. Par concentrentlesattentions.Enpremièreligne, ailleurs, la réforme de l’Administration est la première dame. Sylvia Bongo Ondimba trop lente. Le niveau de corruption est si a effectué mi-mai une nouvelle tournée élevé qu’il limite les capacités de l’État à « Gabon profond », sillonnant l’arrière-pays à redistribuer les fruits de la croissance. Et le larencontredeceuxdontlesplaintes,remises gouvernement communique à contretemps. auxautoritéslocales,sesontperduesdansles Les rumeurs alarmistes qui prétendaient méandres de l’administration librevilloise. que les caisses du trésor étaient vides ont Mais le nouveau pacte social n’a évidemété trop mollement démenties, par exemple, ment pas encore pu porter ses fruits. Il n’a en dépit de leur caractère dévastateur sur eu le temps d’apaiser ni la souffrance des la confiance… uns ni les récriminations des autres. Les La course au Palais du bord de mer est réseaux sociaux gabonais, particulièrement donc repartie. Désormais, le chef de l’État actifs, bruissent de propos frondeurs, preuve va devoir garder un œil sur ses concurrents que toutes les blessures de la douloureuse tout en accélérant le rythme de ses chantiers, transition de 2009 ne sont pas cicatrisées. notamment ceux du nouveau pacte social. l JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA Bonnes œuvres et grandes manœuvres p. 58 INTERVIEW Jean Fidèle Otandault, directeur général du contrôle des ressources et charges publiques p. 64 SANTÉ Un système encore fébrile
p. 66
OGOOUÉ-MARITIME Port-Gentil s’aménage gentiment… p. 70 L’or noir enfin à bonne école p. 72 Gros trafic à l’horizon p. 75 WOLEU-NTEM Septentrion désenchanté p. 77 Le Nord n’a plus la gueule de bois p. 78 Minkébé, dernière frontière sauvage
p. 81
HAUT-OGOOUÉ Franceville blues
p. 84
Diversification : De quoi se donner une mine verte p. 86 Questions à Jean Rémy Ossibadjouo, directeur du CHR Amissa-Bongo p. 86
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Le Plus de Jeune Afrique
DÉVELOPPEMENT
Bonnes œuvres
et grandes manœuvres Après une première moitié de septennat centrée sur la croissance et les grands projets, Ali Bongo Ondimba lance un important programme social. Un plan qui mobilise plus de 380 millions d’euros supplémentaires d’ici à 2016, année de la prochaine présidentielle…
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JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon ne perçoivent que 20 % du total des aides directes et indirectes accordées par l’État aux Gabonais – représentant la coquette somme de 250 milliards à 300 milliards de F CFA chaque année. Comment expliquer que, dans un pays riche en pétrole, en bois, en minerais, et qui ne compte que 1,6 million d’habitants, un tiers de la population vive dans la précarité ? Le contraste est d’autant plus frappant que le revenu par habitant au Gabon est l’un des plus élevés de la région : selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), il était en effet à plus de 12 300 dollars (plus de 9 320 euros) en 2013, contre 3 295 au Congo, 1 271 au Cameroun et 1 218 au Tchad. Pourtant, au pays d’Ali Bongo Ondimba, l’espérance de vie n’est que de 63 ans, le taux de chômage des jeunes y est de 30 %, et 60 % des 48 départements sont « en décrochage » en matière de minima sociaux et d’accès aux infrastructures de base.
DAVID IGNASZEWSKI
ARSENAL. « Nos mentalités doivent évoluer. Elles
ÉLISE ESTEBAN,
D
à Libreville
epuis le début de l’année, on ne parle plus que de lui au Gabon : le Pacte social. Après cinq années focalisées sur la croissance et la diversification de l’économie, il doit incarner un changement de cap. Santé, famille, emploi, pouvoir d’achat: telles sont les nouvelles priorités affichées par le président Ali Bongo Ondimba et son gouvernement. En toile de fond, un rapport accablant, commandé par le chef de l’État lui-même et remis en décembre par le cabinet de conseil américain McKinsey. L’étude révèle notamment que 30 % des foyers gabonais (95000 ménages) vivent avec moins de 80 000 F CFA (environ 120 euros) par mois et JEUNE AFRIQUE
À la sortie des cours, à Koulamoutou (Ogooué-Lolo). Les jeunes sont l’une des priorités du Pacte social.
semblent avoir été colonisées par l’argent facile, l’appât du gain, la volonté de s’enrichir vite et sur le dos du contribuable », reconnaissait le chef de l’État à l’issue des Assises sociales organisées les 25 et 26 avril, à Libreville, pour lancer le nouveau projet de société. Une « stratégie d’investissement humain », par laquelle Ali Bongo Ondimba s’est engagé à réformer le système social au profit des populations les plus vulnérables. Aux grands maux, les grands remèdes. Ce même 26 avril, le chef de l’État annonçait un budget supplémentaire de 250 milliards de F CFA sur trois ans pour financer la politique sociale. Renforcement des aides sociales aux plus fragiles (filles mères, veuves, personnes âgées, etc.), développement d’« activités génératrices de revenus » dans la pêche et l’agriculture, mise en place d’un fonds de microcrédit, amélioration du service public de l’emploi… Un impressionnant arsenal juridique, réglementaire et budgétaire a été déployé pour organiser ces mesures (lire p. 61), dont les plus urgentes se concrétisent depuis le mois de juin avec, à la manœuvre, le Premier ministre, Daniel Ona Ondo (lire p. 62), comme la prise en charge totale du patient aux urgences les premières vingtquatre heures lorsque le diagnostic vital est engagé. S’ils sont inédits, les engagements du chef de l’État reposent sur un diagnostic qui l’est moins. Car l’équipe de McKinsey s’est notamment appuyée sur l’enquête gabonaise pour l’évaluation et le suivi de la pauvreté (Egep), menée en 2005 avec l’appui de la Banque mondiale. Cette étude recensait déjà « 33 % d’individus pauvres » au sein de la population. « Le fait que le gouvernement se rende compte que la lutte contre la pauvreté est importante est un point positif », estime Zouera Youssoufou, la directrice pays de la Banque mondiale. « Mais de nombreux filets de protection sociale existent déjà, qui sont intégrés dans le budget de l’État, l l l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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60
Le Plus de J.A. CAMEROUN Océan Atlantique
Bitam
GUINÉE ÉQUAT.
Parc national de Minkébé
Oyem
CONGO
WOLEU-NTEM OGOOUÉ-IVINDO
Libreville
ESTUAIRE
Ogooué-Ivindo
MOYENOGOOUÉ OGOOUÉ-LOLO
Port-Gentil Lambaréné
Mouila
PROVINCES
OGOOUÉMARITIME
HAUTOGOOUÉ
Koulamoutou
Moanda
Franceville
NGOUNIÉ Tchibanga
Zone regroupant 55 % des foyers économiquement NYANGA faibles (FEF), soit 6 départements essentiellement urbains (Woleu, Libreville, Komo-Mondah, Ogooué-et-des-Lacs, Bendjé et Mpassa)
CONGO
100 km
l l l souligne-t-elle. La question qui se pose est celle de l’exécution de ces mesures… »
COÛT DE LA VIE. Les Gabonais, qui se sont vu promettre un « Gabon émergent » à l’horizon 2020, s’interrogent également sur les priorités d’Ali Bongo Ondimba depuis le début de son mandat. « Il se soucie plus de donner une image bling-bling du Gabon à l’étranger que du développement réel du pays », estime Hervé, un commerçant de la capitale. « Les conditions de vie n’ont pas changé. Depuis 2009, le président a été incapable de construire les 5000 logements par an qu’il avait promis, et 60 % des habitants de Libreville n’ont toujours pas accès à l’eau et à l’électricité! » relève quant à lui Georges Mpaga, porte-parole du mouvement associatif Ça suffit comme ça ! Dans son discours à la nation, le 16 août, le président Ali Bongo Ondimba, leur a répondu. « J’entends l’impatience de ceux qui ont l’impression que les choses n’avancent pas suffisamment
95 000 foyers,
30 %
soit de la population, vivent avec moins de
80 000
F CFA (122 euros) par mois. Un revenu 7 fois inférieur à la moyenne nationale
vite », a-t-il déclaré. « Pour autant […] cette lecture pessimiste, voire démagogique, ne rend pas compte de la réalité du Gabon que nous sommes en train de bâtir. » Et de donner en exemple quelques-unes des réformes engagées et des infrastructures réalisées ces cinq dernières années (« plus de routes et de ponts que durant les vingt années antérieures »), avant de conclure que l’émergence, c’était ne laisser aucun Gabonais au bord de la route. « C’est la raison pour laquelle, a rappelé Ali Bongo Ondimba, je vous ai proposé, après avoir réalisé un diagnostic sans précédent et sans complaisance sur l’état de la pauvreté dans notre pays, d’ajuster notre stratégie d’investissement humain à la réalité. » Comme le souligne l’étude de McKinsey, 55 % des foyers économiquement faibles (FEF) vivent danssixdépartementsessentiellementurbains(voir carte), où le coût de la vie et la difficulté d’accès au logement se font durement sentir. La construction de nouveaux quartiers et les chantiers d’infrastructures n’ont réellement commencé à prendre corps
RÉORGANISATION SUR LE FONDS
D
oté d’un budget de 5 milliards de F CFA (7,62 millions d’euros) pour la seule année 2014, le Fonds national d’aide sociale (Fnas), créé en 2012, devient l’une des pierres angulaires du Pacte social. « Jusqu’à présent, les filets de protection sociaux étaient gérés par le ministère de la Famille et des Affaires sociales. Les ressources transitaient par cinq directions générales différentes, chargées de les distribuer aux
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« personnes cibles », et on ne savait pas toujours où allait l’argent », expliqueYvon Ndjoye, le directeur général du Fnas. Fonctionnant de manière autonome sur les plans administratif et financier, « le Fonds doit être géré comme une entreprise privée », poursuit-il. Le Fnas devra notamment piloter les « activités génératrices de revenus », en finançant de petits projets entrepreneuriaux dans les secteurs clés (agriculture, pêche,
élevage, artisanat, tourisme, etc.). « Nous recevons déjà 50 demandes d’aide sociale et de financement de projet par jour », assureYvon Ndjoye, qui espère commencer à mettre en œuvre les premières mesures issues du Pacte social en septembre. Les candidats retenus disposeront d’une enveloppe allant de 100000 à 5 millions de F CFA pour démarrer leur projet (business plan, achat E.E. de matériel, etc.). l JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon
p Discours de clôture d’Ali Bongo Ondimba aux Assises sociales du Gabon, le 26 avril.
que fin 2012-début 2013. C’est notamment le cas du nouveau quartier d’Angondjé, dans le nord de Libreville. Par ailleurs, plusieurs grands projets ont créé polémique ces derniers mois. En particulier ceux lancés l’an dernier pour moderniser le centreville et le bord de mer de la capitale. DIVERSION. Nombreux sont ceux, au sein de la
société civile et de l’opposition politique, qui voient dans ce tournant social du septennat le début des grandes manœuvres pour booster la popularité du chef de l’État à deux ans de l’échéance électorale. « Le gouvernement fait de la diversion avant la présidentielle de 2016 », estime Georges Mpaga. D’autant que depuis quelques mois une partie de l’opposition, privée de véritable leadership depuis des années, tente de se rassembler autour du transfuge Jean Ping, ancien président de la Commission de l’Union africaine et ex-beau-frère d’Ali Bongo Ondimba, pour faire front uni face au Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir depuis quarante-six ans. Pacte social à l’appui, le chef de l’État a contreattaqué début juin en invitant une vingtaine de partis d’opposition au Palais du bord de mer pour les convier à rejoindre son camp. Si la plupart de ces formations ne pèsent pas bien lourd sur l’échiquier politique gabonais, Ali Bongo Ondimba peut tout de même désormais compter sur le soutien de Séraphin Ndaot, du Parti pour le développement et la solidarité nationale (PDS), une figure de l’opposition à Port-Gentil. Le compte à rebours est lancé, et le président en exercice dispose de peu de temps – deux ans, tout juste – pour concrétiser sa stratégie d’investissement humain et faire œuvre sociale. l JEUNE AFRIQUE
DAVID IGNASZEWSKI
Un pacte en trois actes À l’issue des Assises sociales, qui se sont tenues à Libreville les 25 et 26 avril, le chef de l’État a annoncé les mesures concrètes qu’il avait décidé d’engager pour mener sa politique sociale. Elles s’articulent autour de trois axes prioritaires – la santé, la politique familiale et l’emploi – et bénéficieront d’un financement de 250 milliards de F CFA (381 millions d’euros) sur trois ans qui vient s’ajouter aux aides de l’État déjà existantes. L’objectif est notamment de doubler les revenus des foyers économiquement faibles (FEF), via des aides directes.
Santé • Prise en charge à 100 % – des patients atteints d’un cancer, – des familles en grande précarité, après enquête sociale (contre 80 % depuis 2008), – des frais médicaux dans le service des urgences les premières vingt-quatre heures si le diagnostic vital du patient est engagé, pour tous les Gabonais, qu’ils soient assurés ou non. • Remboursement de tous les génériques à hauteur d’au moins 80 %. • Prise en charge à 80 % des travailleurs du secteur privé par la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) depuis le 1er juin 2014 (ceux du public l’étaient déjà depuis 2011). • Gratuité du certificat de résidence exigé par la CNAMGS pour se faire immatriculer (pour ceux qui ne l’ont pas encore). Les Gabonais économiquement faibles (GEF) n’ont pas à payer de cotisation pour s’y affilier.
Famille • Augmentation des allocations familiales, qui sont passées de 4 000 à 5 000 F CFA par enfant et par mois depuis le mois de juin 2014 pour les FEF.
• Une batterie de mesures est à l’étude, notamment pour évaluer les coûts. Les aides sociales visant les catégories les plus vulnérables (veuves, orphelins, familles monoparentales, personnes âgées, etc.) prendront différentes formes et pourront être cumulées : allocations familiales, gratuité d’un certain nombre de biens et services (vaccins, consultations médicales, etc.), revenus solidaires ou encore accès à une formation professionnelle qualifiante pour permettre, par exemple, à une mère célibataire d’acquérir une certaine autonomie financière. Reste à voir dans quelle mesure un tel dispositif est applicable, dans un pays où, déjà, la formation professionnelle est quasi inexistante pour les jeunes.
Emploi • Restructuration de l’Office national de l’emploi (ONE) : réalisation d’une cartographie du chômage, redéploiement des structures d’accueil, augmentation substantielle des ressources du Fonds d’insertion et de réinsertion. • Instauration d’un contrat d’apprentissage-jeunesse obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. • Les GEF peuvent demander un accompagnement de l’État pour créer une activité : dans un premier temps, pour établir un business plan et, ensuite, pour obtenir un appui financier, à condition d’être regroupés en coopérative ou en association. Un soutien valable dans les secteurs prioritaires de l’agriculture, la pêche, l’élevage, l’artisanat et dans les services, où le gouvernement veut soutenir la création d’« activités génératrices de revenus ». Objectif : générer 10 000 projets d’autonomisation dans les cinq années à venir. l E.E. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Le Plus de J.A. L’autre Gabon
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POLITIQUE
Ona Ondo, Monsieur Loyal Le troisième Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba doit mettre en œuvre le nouveau contrat social et regagner sa province d’origine, le Woleu-Ntem, à la cause présidentielle.
P
rudence. C’est le maître mot de Daniel Ona Ondo depuis qu’il a été nommé Premier ministre, le 24 janvier. Troisième chef du gouvernement du septennat d’Ali Bongo Ondimba, il sait qu’à l’approche de la présidentielle, prévue en 2016, aucun faux pas ne lui sera pardonné. Ni par le chef de l’État, qui attend de lui l’accélération des programmes gouvernementaux, ni par les caciques du Parti démocratique gabonais(PDGaupouvoir),dontlaplupart se verraient bien à sa place et l’attendent au tournant. Ces derniers, qui n’ont jamais fait de la solidarité partisane une vertu cardinale, lui imputeront immanquablement tout éventuel retard ou ratage susceptible de donner du grain à moudre aux détracteurs du PDG. Mais le Premier ministre reste impassible. « C’est un homme bien sur le plan humain, intellectuellement au niveau, et que rien n’émeut en politique », dit de lui un opposant, qui fut proche de Daniel Ona Ondo avant que leurs chemins se séparent, en 2009. À 69 ans, l’ancien doyen de la faculté des sciences économiques de l’Université Omar-Bongo (UOB) de Libreville a en effet le cuir tanné par la violence des grèves estudiantines et par les joutes politiques.
du gouvernement, puisque ce dernier doit cohabiter avec des agences qui ne répondent que de la présidence. Reste la question de la loyauté du Premier ministre à l’égard du président, quiseposepourtouttitulairedelafonction et plus encore à l’approche d’échéances électorales. Pour commencer, Daniel Ona Ondo n’est pas Paul Biyoghe Mba. Premier chef de gouvernement nommé par Ali Bongo Ondimba, ce politicien madré, que les proches du président soupçonnaient de rouler pour lui-même, avait maillé l’administration d’un réseau de fidèles. CommeRaymondNdongSima,sonprédécesseur,DanielOnaOndoaenrevanche
Pourtant, ceux qui le connaissent assurent qu’il n’aime pas les situations conflictuelles. Il a donc le profil qu’il fallait pour mettre un peu de souplesse dans les relations parfois orageuses que son prédécesseuràlaprimature,RaymondNdongSima, a entretenues avec le Palais présidentiel du bord de mer. Des tensions dues à « une erreur de Il a mis de la souplesse dans les casting », pour reprendre les relations avec le Palais, parfois termes du chef de l’État. « À la primature, le président a orageuses sous son prédécesseur. besoin d’un homme flexible, à la manière du roseau et non d’un baola particularité d’être natif d’Oyem, la bab », confirme un conseiller du Palais. grande ville du Nord, du Woleu-Ntem (lire Daniel Ona Ondo peut-il jouer ce rôle ? p. 77), réputé frondeur. La province a d’ailleurs massivement voté pour André Mba CONTORSIONS. Depuis son perchoir de Obame, le grand opposant, à la dernière premier vice-président de l’Assemblée présidentielle. Et, à la suite des élections nationale, auquel il a accédé en 2007, il a locales de décembre, l’opposant Alfred pu observer les contorsions de Raymond Memine-Me-Zue a été élu, le 19 janvier Ndong Sima, dont l’autorité fut tant de fois dernier, à la tête du conseil départemental défiée par des ministres ayant leurs entrées du Ntem… À la faveur du basculement à la présidence. Il a également eu tout le inattendu de six conseillers du PDG. Dans loisir de décrypter le fonctionnement de son cahier des charges, Ona Ondo, député l’exécutif sous Ali Bongo Ondimba : un du canton de Nyé, s’est vu confier ladifficile système conçu pour éviter les pesanteurs mission de remobiliser le PDG dans cette administratives et favoriser l’efficacité, province du pays où le parti présidentiel engendrant du même coup une cersemble avoir perdu la boussole. l GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial taine dose de centralisme, au détriment
JAMES FRANCK AFFOLABY
Daniel Ona Ondo a pris la tête du gouvernement en janvier.
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JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. INTERVIEW
Jean Fidèle Otandault « Certains doutaient de notre volonté de faire le ménage » Ses pouvoirs d’investigation ont porté leurs fruits. Le directeur général du contrôle des ressources publiques a mis le doigt sur les failles et les incohérences du système financier. Et il promet du changement.
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xpert comptable et commissaire aux comptes, Jean Fidèle Otandault le dit lui-même : il n’est pas fonctionnaire. En revanche, ce natif de Port-Gentil est l’un des piliers de la réforme des régies financières au Gabon. Celle-ci a été lancée en 2010, avec le vote de la loi organique relatives aux finances publiques, qui introduit une petite révolution dans la méthode d’élaboration du budget. Ainsi, en janvier, le pays passera d’une présentation du budget par moyen à celle d’un budget par objectif de programme. Depuis qu’il a répondu à l’appel d’Ali Bongo Ondimba, en janvier 2011, pour une consultation qui a abouti, en mai 2012, à sa nomination en tant que directeur général du contrôle des ressources et des charges publiques (DGCRCP), Jean Fidèle Otandault ne plaît pas à tout le monde. Et pour cause. La nouvelle autorité qu’il dirige reprend les attributions de l’ancienne direction du contrôle financier, dissoute, mais dispose de pouvoirs élargis en matière d’investigation… De quoi gêner certains indélicats. Entre le début de 2013 et jusqu’au deuxième trimestre de 2014, la DGCRCP a effectué un audit des finances publiques qui a mis au jour des surfacturations, des dettes douteuses et toute une économie de prédation des deniers de l’État. Le commissaire aux comptes est aussi la cible de l’opposition, qui lui reproche pêle-mêle, ainsi qu’à l’exécutif, un assainissement en trompe-l’œil et des manœuvres électoralistes, visant à embarrasser d’anciens barons du régime passés dans l’opposition. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi l’audit des finances publiques n’a-t-il pas été lancé il y a quatre ans, au tout début du septennat ? N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
JEAN FIDÈLE OTANDAULT : Parce qu’il fait partie d’une vaste réforme. Il est le résultat d’un processus qui a commencé en 2010 par le vote de la loi organique instaurant la budgétisation par objectif de programme. En 2012, la DGCRCP a été créée, et, entre-temps, nous avons modifié le code des marchés publics. Ce qui, logiquement, nous a conduits à engager une réforme des services du Trésor et, donc, à en faire un audit. Cette réforme concerne les grands acteurs de la chaîne de dépenses : le budget, la DGCRCP et la direction générale des services du Trésor, parmi lesquels la comptabilité publique. Cette dernière est en cours de réorganisation, et c’est dans ce cadre que nous
Pour effectuer votre mission, vous avez bloqué les paiements dus par le Trésor, ce qui a pénalisé les fournisseurs de l’État. Certains ont alors affirmé que les caisses étaient vides… Pourquoi ne pas leur avoir expliqué plus clairement ce qu’impliquait l’audit ?
Justement, nous avons rencontré le patronat, les syndicats des PME et les autres opérateurs économiques pour leur présenter la situation. Nous avons expliqué que l’audit servirait à identifier les raisons des retards. Concrètement, à comprendre pourquoi, lorsqu’un gestionnaire demande au Trésor de payer sa facture, cela ne se fait pas dans des délais raisonnables. Je leur ai dit que, cette année, nous allions travailler à cela. Ils étaient donc au courant… Il faut que les gens fassent preuve de bonne foi. Nous sommes une direction générale technique, qui n’a pas vocation à communiquer avec la presse. Nous le
Des projets étaient inscrits dans la loi de finances sans aucune étude préalable. avons lancé la mission d’audit pour faire l’inventaire des engagements de l’État. Comment avez-vous procédé ?
Cet audit s’est articulé en deux volets. Le premier, lancé au début de 2013, portait sur les fêtes tournantes [célébration du jour de l’indépendance, organisée chaque année dans une ville différente] des dix dernières années, c’est-à-dire la période 2002-2012. Nous avons présenté le rapport aux autorités, et une partie a été transmise aux instances judiciaires, qui vont engager des procédures à l’encontre des personnes soupçonnées de malversations. Le second volet de l’audit, déclenché à la fin de 2013, concernait directement les instances du Trésor public. À la fin du mois d’avril, nous avons remis le rapport aux autorités.
faisons de manière exceptionnelle. En l’occurrence, nous l’avons fait. Ceux qui disent le contraire et colportent des rumeurs sont ceux qui doutaient de notre volonté de faire le ménage. Plus généralement, comment les opérateurs économiques ont-ils réagi ?
Avant que nous ne commencions l’audit, en décembre 2013, ils nous ont clairement fait sentir la nécessité d’engager une réforme pour réduire les délais d’attente des paiements. Les fournisseurs de l’État ont toujours reproché au Trésor les lenteurs administratives, la longueur des procédures… Et nous avons conscience que les retards de paiement engendrent des coûts financiers pour les entreprises. Nous les avons entendus et nous nous sommes engagés, à partir de 2014, à raccourcir les délais JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon t Le commissaire aux comptes, le 1er août, à la rédaction de Jeune Afrique.
VINCENT FOURNIER/J.A.
qu’ils risquent de perdre le reliquat qu’ils n’auraient pas utilisé… S’ensuit donc un emballement en matière d’engagements financiers, pendant lequel on foule au pied les règles. Prenons l’exemple d’un administrateur qui dispose d’un reste de crédit de 30 millions de F CFA [45 735 euros] et décide de l’utiliser avant la clôture de l’exercice en cours pour financer la construction d’une salle de classe. Il va signer à la va-vite une convention avec une entreprise et ordonner le paiement avant même que les travaux n’aient débuté dans l’école. Même si cette salle de classe est effectivement construite plus tard, toujours est-il que, au moment du paiement, le chantier n’a pas été livré… Et cela ne doit plus avoir cours. Ce qui me permet d’embrayer sur une troisième faille du système, plus générale. Si les pouvoirs publics passent une convention avec un opérateur économique et qu’ensuite, à la lumière des études de faisabilité par exemple, le projet est abandonné, comment revenir en arrière si l’on a déjà donné l’ordre au comptable public de payer ?… Cette façon de procéder, elle aussi, doit être corrigée.
de traitement des dossiers, pour qu’ils passent d’environ un mois à une dizaine de jours. En ce qui concerne les délais de paiement, nous souhaitons parvenir à régler les factures à trente jours pour les dépenses de fonctionnement et à soixante jours pour les dépenses d’investissement. Quelles principales failles avez-vous relevées dans le système financier ?
Je n’en relèverais que quelques-unes. La première venait de la conception même de notre budget. Pendant des années, nous avons inscrit dans notre loi de finances des idées de projet qui, parfois, ne reposaient sur aucune étude préalable. Par conséquent, dans nos prévisions, nous alignions des dépenses qui JEUNE AFRIQUE
correspondaient à des recettes dont le montant nous était totalement inconnu. La plupart du temps, ces projets coûtaient bien plus cher que prévu sur le terrain. C’est la raison pour laquelle, à partir de 2015, nous allons tout changer pour inscrire au budget des volets de programme précis, et non plus des idées de projet. Le Gabon sera le deuxième pays en Afrique centrale, après le Cameroun, à mettre ce système en place. Il existe également une autre faiblesse, liée en grande partie à la précédente, puisqu’elle découle de la façon dont nous élaborons le budget. À l’approche de la clôture de l’année budgétaire, la plupart des gestionnaires se battent pour consommer l’intégralité des lignes de crédit qui leur ont été allouées, sachant
Vous dites que, désormais, l’État ne paiera « que la bonne dépense ». Vos détracteurs ironisent en disant que vous n’avez payé « que celle des amis du pouvoir »…
Et je leur réponds que ce n’est pas le cas. J’ai reçu plus de 400 opérateurs économiques, et, de son côté, le Trésor nous a fait parvenir toutes les dettes qu’il avait dans son portefeuille. Il en est ressorti qu’il devait directement aux entreprises un montant global d’environ 135 milliards de F CFA. La DGCRCP a alors travaillé en pleine conformité avec l’éthique et la loi. Nous avons mis en place un comité de travail. Pendant plus de deux mois, ses membres se sont réparti les missions sur le terrain pour tout vérifier. Ensuite, nous avons reçu les opérateurs et, lorsqu’il y avait des flous ou des doutes, nous les avons confrontés à nos enquêteurs. Nous avons eu une démarche transparente. Ce sera désormais la règle. l Propos recueillis par GEORGES DOUGUELI N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Un système encore fébrile
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L’État a investi massivement dans les hôpitaux et les centres de santé sur tout le territoire. Reste à trouver les médecins qualifiés et le personnel soignant pour les faire tourner.
Gros effort budgétaire
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ervice de psychopathologie » : dans le modeste centre de santé de Bitam, l’écriteau ne manque pas d’attirer l’attention. Non que la ville la plus au nord du Gabon soit exempte de personnes atteintes de troubles psychologiques, de maladies ou de handicaps mentaux. Personne ne peut en effet ignorer leur existence, puisqu’ici comme dans les autres bourgs et villages du pays certains d’entre eux déambulent dans les rues ou sur les chemins, livrés à eux-mêmes, au mépris de la proverbiale solidarité communautaire. Une triste réalité qui pourrait expliquer que le centre de santé leur consacre un service hospitalier. Sauf qu’au pays de l’iboga (plante hallucinogène), le terme de « psychopathologie » est quasiment un gros mot. Dans l’imaginaire de la plupart des Gabonais,
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Maternité de Koulamoutou, (Ogooué-Lolo).
Le financement du Plan national de développement sanitaire (PNDS) est évalué à 497 milliards de F CFA (près de 760 millions d’euros) sur cinq ans, dont 313 milliards en investissement et 184 milliards en fonctionnement
ceux qui sont atteints de troubles mentaux ne sont pas « malades ». Tout est de leur faute. Ils ont forcément violé un interdit. Plutôt que de les conduire à l’hôpital, le premier réflexe est d’exposer leur cas à un guérisseur ou à un exorciste dans un temple évangélique. L’unité a pourtant ouvert en février dans ces bâtiments construits avant l’indépendance. Ses deux pièces aux fenêtres grandes ouvertes sur la canicule équatoriale bénéficient d’un aménagement sommaire. Deux lits d’hospitalisation classique et un bureau occupent la pièce principale. « Nous recevons deux à trois patients par semaine en ambulatoire », explique Laurette Nguéma, technicienne de santé en psychiatrie, formée
au CHU de Fann, à Dakar, au Sénégal. Faute de spécialiste disponible, elle a été propulsée chef du service il y a six mois. Car Bitam, 13 000 habitants, ne compte aucun psychiatre. Pis, il n’y en a que deux en activité dans le pays. Le troisième, Michel Mboussou, est le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) et n’exerce donc plus. En outre, le Gabon ne compte que onze techniciens de santé psychiatrique comme Laurette Nguéma, dont dix travaillent à Libreville.
CRITIQUE. Que les hôpitaux soient neufs ou vétustes, le déficit en médecins et en personnel médical ainsi que leur répartition déséquilibrée sur le JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon
CHOUCHOUTÉS. À ce casse-tête s’est
greffé un malentendu qui a freiné l’ouverture des bénéfices de l’assurance maladie au plus grand nombre, alors qu’elle est pleinement opérationnelle depuis 2009. En effet, invitée par les pouvoirs publics à s’immatriculer à la CNAMGS, la population hésite… Certains politiciens locaux lui ont fait croire que cette formalité, évidemment indispensable pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge, masquait en fait un embrigadement politique. Malgré ces aléas, depuis la création de la CNAMGS, en août 2007, et l’application graduelle du nouveau régime obligatoire d’assurance maladie, le système est une réussite. Il permet désormais à la plupart des Gabonais de réduire considérablement leurs dépenses de santé. Dans ce cadre, la mère et l’enfant sont particulièrement chouchoutés. En effet, les assurées possédant une carte CNAMGS et ayant déclaré leur grossesse bénéficient d’une prise en charge à 100 % des soins liés à leur état, à l’accouchement ainsi qu’au suivi du nouveau-né et de la mère trente jours après la naissance. Plus largement, le régime concerne les personnes « économiquement faibles » (depuis fin 2008) et les fonctionnaires (depuis 2011). Il a également été élargi aux salariés du privé en 2013. Un patient immatriculé paie 600 F CFA de frais de consultation, tandis que ceux qui ne sont pas assurés doivent débourser 3 000 F CFA. l GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
Libreville en pleine forme Déjà bien dotée en services de pointe, la capitale ouvre de nouvelles unités et concentre les compétences.
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offre de santé s’améliore peut désormais prendre en charge des de façon remarquable à patients dont l’état nécessitait auparaLibreville. Restauré en 2012, vant une évacuation à l’étranger. Ses l’hôpital général de la ville compte tarifs sont alignés sur ceux de la foncdésormais deux services d’urgences tion publique, et l’hôpital entretient (adultes et pédiatrie), cinq nouveaux des relations privilégiées avec la Caisse blocsopératoires,maisaussidessallesde nationale d’assurance maladie et de réveil, de stérilisation et de soins intengarantie sociale (CNAMGS). sifs. Le gouvernement poursuit la mise en œuvre du schéma directeur hospitaULTRAPERFORMANT. Enfin, inaugurée en 2000 grâce au soutien de l’exlier de la capitale, dont une grande partie porte sur le réaménagement complet du première dame, Édith-Lucie Bongo Centre hospitalier de Libreville (CHL) en Ondimba, la polyclinique El-Rapha Centre hospitalier universitaire (CHU). reste le plus grand établissement Le site principal, en centre-ville, est conventionné par les caisses de sécurité désormais spécialisé en chirurgie, tandis que d’autres pôles spécialisés du CHU ont été constitués en périphérie. Un grand service d’oncologie s’organise dans le nord de la capitale, dans le nouveau quartier d’Angondjé, où les pavillons de l’Institut de cancérologie ont été livrés l’an dernier. Owendo, en banlieue sud, accueille les services de traumatologie et d’orthopédie. Quant à l’hôpital Jeanne-Ébori, rétrocédé par la Caisse nationale de sécurité sociale au ministère de la Santé en 2012 (comme celui d’Owendo), il a été détruit l’an dernier. À sa place se dresseront les nouveaux bâtiments du pôle de santé maternelle et infantile du CHU, dont les travaux, dirigés par l’entre Nouveau bloc opératoire du CHU, prise autrichienne Vamed dans le quartier d’Angondjé. Engineering(spécialistedu secteur), devraient s’acheververslafinde2015ouledébutde2016. sociale. Elle bénéficie de l’assistance La qualité de l’offre hospitalière s’était technique de médecins militaires marodéjà enrichie à Libreville avec l’ouvercains et dispose également d’un plateau ture, fin 2005, de l’hôpital d’instruction ultraperformant, tant en matière de des armées Omar-Bongo-Ondimba, laboratoires que d’imagerie médicale équipé avec l’aide de la coopération (scanner, IRM, colonne de cœlioscofrançaise. Doté d’un plateau technique pie). La radiologie est le service le plus de pointe, notamment en matière de fréquenté de l’établissement, avec plus chirurgie orthopédique, l’établissement de 4 000 consultations par an. l G.D. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
DAVID IGNASZEWSKI
territoire national affectent lourdement l’offre de santé. Et les moyens colossaux déployés par l’État n’y font rien. Ainsi, le manque d’effectifs est tout aussi critique dans le Haut-Ogooué, à Franceville (lire pp. 86-87), qu’à Bitam. La troisième ville du pays est ainsi dotée d’un centre hospitalier régional de pointe, qui a coûté 9 milliards de F CFA (plus de 13,7 millions d’euros), mais son service d’ORL n’a jamais ouvert faute de spécialiste. Un peu plus à l’est, en plein cœur du Haut-Ogooué, le centre médical de Ngouoni, également ultramoderne, attend lui aussi ses praticiens. Sur 40 salariés, il ne dispose que de 21 soignants diplômés, dont un seul médecin, généraliste. La maternité, elle, fonctionne sans sage-femme, et les patientes sont prises en charge par du personnel formé sur place.
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RENAUD VANDERMEEREN
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p Routes, quartiers résidentiels, zone portuaire… La deuxième ville du pays s’équipe.
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DÉSENCLAVEMENT
Port-Gentil s’aménage gentiment… Isolée sur l’île Mandji, la capitale économique n’est accessible que par bateau ou par avion. Il était temps que le chantier des 100 km de route qui la relieront à la RN1, vers Libreville, soit lancé.
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ouvelle route, aménagement d’un aéroport international, modernisation du port… Le désenclavement est devenu une priorité pour la deuxième ville et capitale économique du pays, qui a bien du mal à diversifier ses activités, presque exclusivement liées à l’industrie pétrolière. Isolée sur la petite île Mandji, à l’embouchure du fleuve Ogooué, à 140 km au sud-ouest de Libreville, Port-Gentil, alias POG, n’est, encore aujourd’hui, accessible que par avion ou par bateau. Principale porte d’entrée de la ville, le modeste aéroport va changer de stature (et de statut) d’ici à la fin de l’année pour accueillir des vols internationaux, moyencourriers et long-courriers. La piste a été rallongée de 700 m et réhabilitée pour répondre aux normes internationales, et le chantier du nouveau terminal sera livré fin 2015. Ces aménagements représentent un investissement global d’environ 88 millions d’euros, soit le double de ce qui avait été annoncé initialement, selon une source proche du dossier. « Cela va N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
rapprocher Port-Gentil de l’Europe et des De la sortie sud de la ville partira la pays du Golfe, en évitant aux voyageurs première voie terrestre permettant de une correspondance à Libreville », justifie relier Port-Gentil au reste du pays. Au PatrickOzies,consultantpourTotalGabon. bord de l’actuelle piste en terre cabosLa compagnie pétrolière finance les trasée, des dizaines de petites boutiques vaux à travers un mécanisme original: les sont marquées à la peinture rouge. Elles Provisionspour investissements diversifiés laisseront bientôt place aux engins de terrassement. (PID), sorte de fonds de développement, où la compagnie verse une partie des impôts sur les bénéfices qu’elle doit à l’État. TITANESQUE. Ce sera « le chantier révoluL’aéroport pourra désormais recetionnaire pour la ville », assure le gouvervoir 1 million de voyageurs par an, neurdelaprovincedel’Ogooué-Maritime, contre 300 000 aujourd’hui. Martin Boguikouma. D’ici à « L’ouverture à l’international cinq ans, une route bitumée va faire considérablement de 93 km rejoindra la petite POG augmenter le flux de passaville d’Omboué, au sud. Elle est l’acronyme gers à Port-Gentil », estime devra ensuite être prolongée utilisé couramment Patrick Ozies. La ville prévoit vers l’est sur l’axe Mandjipar les Gabonais aussi une croissance du traYombi pour enfin relier pour désigner fic,avecledéveloppementde la route nationale 1, qui la ville remonte jusqu’à Libreville. lazoneéconomiquespéciale Maintes fois envisagé (ZES)dePort-Gentilcrééeen 2011, censée attirer de noudepuis l’indépendance du veaux investisseurs et créer des emplois. pays, en 1960, le projet a toujours été Une usine d’engrais doit notamment y repoussé en raison de la difficulté des travaux dans cette zone marécageuse. Pour être construite (lire p. 78). JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon le mettre à exécution, le gouvernement gabonais a obtenu un prêt de 64,8 milliards de F CFA (98,8 millions d’euros) de l’État chinois. Le chantier, confié à la China Road and Bridge Corporation (CRBC), s’annonce titanesque. Pour franchir certaines rivières et lagunes, l’entreprise a notamment prévu de construire deux ponts, de 5 km et 7 km. BAISSE DES PRIX. Le désenclavement
de la ville par la route est un enjeu crucial pour l’activité commerciale et agricole de la région. Tout le monde devrait en profiter : les forestiers, qui affrètent quotidiennement des barges pour transporter leurs grumes vers les usines de transformation de POG, mais aussi les commerçants, qui font le va-et-vient depuis les terres fertiles de l’intérieur, à bord de pirogues chargées de bananes plantains et de manioc. « Les commerçants ne seront plus à vingt-quatre heures de navigation, mais à deux heures de route des marchés de Port-Gentil. Les prix vont baisser », affirme le gouverneur Boguikouma. Et il y a urgence, car le coût des denrées de base a flambé ces dernières années danslacapitaleéconomique.Lepaquetde manioc y coûte jusqu’à 10000 F CFA. Une petite fortune pour le makaya (Gabonais lambda), qui n’a pas les moyens de s’offrir les produits importés par avion pour les cadres locaux et les expatriés du secteur pétrolier. Selon l’étude sur la précarité remise par McKinsey en février au chef de l’État, le département de la Bendje (Port-Gentil) fait d’ailleurs partie des 6 départements (sur 48) où l’on recense le plus grand nombre de « foyers économiquement faibles » (FEF). « Vous savez ce qu’on dit : Port-Gentil a nourri le Gabon, mais le Gabon n’a pas nourri Port-Gentil », souligne d’un air résigné Maman Brigitte en étendant son linge, dans le quartier Balise 2, l’un des nombreux bidonvilles de POG. C’est l’un des paradoxes de la capitale économique. Si elle concentre l’essentiel des richesses du pays grâce à l’activité pétrolière, elle n’emploie que 7 % de la main-d’œuvre nationale, selon l’Enquête gabonaise de suivi et d’éducation de la pauvreté (Egep) de 2005. Et la majorité des 150 000 Port-Gentillais (la population a doublé en vingt ans) continue de s’entasser dans des cases précaires de tôle et de bois. l
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… et reste les pieds dans l’eau Entre marécages et pluies diluviennes, la ville est régulièrement paralysée par les inondations. À quand un réseau d’évacuation ?
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ur la presqu’île de Port-Gentil, littoral oblige, on a les pieds dans l’eau. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur : par beau temps, quelques minutes de voiture suffisent pour profiter du plaisir de la baignade et des longues plages de sable blanc du Cap Lopez. Le revers de la médaille : en pleine saison des pluies, il n’y a pas besoin de sortir de chez soi pour se mouiller. Les averses diluviennes propres à cette région d’Afrique équatoriale se chargent de transformer les rues en torrents. Et posent d’énormes problèmes puisqu’il n’y a pas de système d’évacuation des eaux pluviales. Effet conjugué du déluge et des marées, les inondations paralysent donc régulièrement la capitale économique. ASSAINISSEMENT. Difficile, alors, de
croire que l’on se trouve à Port-Gentil, « ville de l’or noir », qui produit les troisquarts des richesses du pays. Maisons, écoles, bâtiments administratifs, en cas de fortes pluies, « toute la ville a les pieds dansl’eau,mêmelegouverneur!»reconnaît ce dernier, Martin Boguikouma, avec humour. Un grand chantier d’assainissement est en projet depuis des années. Le chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, s’était engagé à le relancer en mars 2010. Mais les travaux n’ont toujours pas
commencé. « Des promesses, toujours des promesses ! » s’emporte Samba, un chauffeur de taxi, exaspéré d’attendre, comme beaucoup d’autres Port-Gentillais. « À chaque nouvelle pluie, la maison est inondée. On s’est retrouvés à plusieurs reprises sans abri, dehors, avec les enfants. Et l’État ne nous aide pas », renchérit Georgina, une voisine. Les conséquences des grandes intempéries sont pires encore dans les quartiers précaires aux constructions anarchiques, faites de bois et de tôles, dont les murs ne résistent pas longtemps à l’humidité. Un réseau de 20 km de canaux de drainage des eaux pluviales va enfin être aménagé dans la ville pour désengorger les rues en cas de précipitations. « Ce n’est plus qu’une question de semaines avant que les travaux commencent », affirme-t-on à l’Agence française de développement (AFD), qui finance le projet via un prêt de 55 millions d’euros à l’État gabonais. Cet investissement comprend la réalisation d’une station de traitement des déchets des fosses septiques (jusqu’à présent dispersés dans la nature sans traitement) et la construction de mille toilettes sèches dans les quartiers dits sous-intégrés. Il est cofinancé par l’AFD, Total Gabon et l’association Toilettes du monde. l E.E.
q Rues port-gentillaises version cours d’eau (ici en avril 2013).
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ÉLISE ESTEBAN, envoyée spéciale JEUNE AFRIQUE
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FORMATION
L’or noir enfin à bonne école À Port-Gentil, les hydrocarbures abondent, mais pas les compétences locales. Une carence que devrait combler l’Institut du pétrole et du gaz, qui accueille sa première promotion d’étudiants en master.
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JOEL TATOU POUR J.A.
u Gabon, si les ressources pétrolières ne manquent pas, trouver les compétences locales dans la filière est souvent un casse-tête. Quatrième producteur de pétrole au sud du Sahara, le pays ne disposait jusqu’à il y a trois ans d’aucun cursus de formation dans le domaine des hydrocarbures. Une carence qui a poussé les autorités à se saisir de la question et à créer, en mars 2010, l’Institut du pétrole et du gaz (IPG) de Port-Gentil. Sa mission : délivrer aux Gabonais un enseignement supérieur technique de qualité dans tous les métiers de l’industrie pétrolière. Il s’adresse aux jeunes en formation initiale et aux salariés en formation continue. Financée par Total Gabon, la construction de l’institut, engagée en juin 2012, s’est achevée en novembre 2013. Désormais, l’établissement fonctionne grâce à un partenariat public-privé entre l’État et les principales majors pétrolières actives dans le pays, dont Total, Addax Petroleum, ENI, Perenco et Shell. Jusqu’à la livraison des bâtiments de l’institut, l’an dernier, l’offre de formation se limitait au certificat d’opérateur de production, ouvert aux bacheliers. Selon le directeur général de l’IPG, Marc-Antoine Igondjo, un ancien de chez Total, le taux d’insertion est proche de 100 %: la soixantaine de techniciens issus de l’institut ont presque tous trouvé du travail au sein des majors de la place. L’établissement a par ailleurs assuré une quinzaine de sessions de formation continue par an, destinées aux salariés des sociétés pétrolières ou
de l’administration des hydrocarbures. Avec les nouveaux locaux, janvier 2014 a vuarriverlapremièrepromotiondumaster en petroleum engineering (MPE, master en génie pétrolier), ouvert sur concours à une quinzaine d’étudiants de formation bac+5 ou titulaires d’un diplôme d’ingénieur. « Nous avons besoin de jeunes Gabonais qualifiés. Dans les métiers d’exécution, les trois quarts des salariés sont des nationaux, mais ils sont très peu nombreux dans les professions d’encadrement, qui
main ou les yeux rivés sur leur ordinateur, ses camarades passent leur pause de midi en salle de classe, où l’ambiance est studieuse. « Les cours sont chargés, mais on apprendtout,deladécouverteduréservoir jusqu’à la production, s’enthousiasme un autre étudiant, Rodel Obili. Cela devient de plus en plus concret. On travaille sur des machines, on fait beaucoup de simulation… » Pendant un an et demi, la promotion alternera cours théoriques et cours pratiques. Les six derniers mois seront consacrés à un Sur la soixantaine d’opérateurs stage en entreprise. de production formés en trois ans, Les élèves-ingénieurs le presque tous ont trouvé du travail. savent, ils n’ont pas droit à l’erreur : pour chacun d’entre eux, la formation coûte envinécessitent des formations pointues », ron 150 000 euros, intégralement pris en explique Marc-Antoine Igondjo. La faible présence de cadres locaux charge par le partenariat public-privé. Les dans l’industrie pétrolière est un débat cours sont assurés par des spécialistes interminable au Gabon, les opérateurs des grands organismes de formation du étant régulièrement accusés d’employer secteur, comme l’IFP Training, de l’Insune quantité abusive de main-d’œuvre titut français du pétrole. À terme, l’État étrangère. espère faire de l’IPG un « pôle d’excellence » dans la sous-région, ouvert aux Gabonais, mais aussi aux étudiants et IMMERSION. L’Organisation nationale cadres du golfe de Guinée. l des employés du pétrole (Onep), principal syndicat des salariés de la filière, en a fait ÉLISE ESTEBAN son cheval de bataille, avec des grèves à répétition, qui, chaque année, paralysent l’activité pétrolière. Jessica, 24 ans, la benjamine du master, est rentrée au Gabon après quatre années de fac de chimie en France. « Je voulais travailler dans mon pays. Cette formation, c’était la garantie d’une réelle possibilité d’embauche », explique-t-elle. Stylo à la
p L’établissement est financé par un partenariat public-privé. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Le Plus de J.A.
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ENTREPRENEURIAT
Dans l’ombre des géants Rares sont les nationaux à avoir créé leur société dans la filière pétrolière. Ghislain Moundounga a sauté le pas. Il y a six ans, il a créé GM Energy. Et ça marche.
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our Ghislain Moundounga, les affaires marchent bien. À bientôt 40 ans, il fait partie des rares Gabonais à diriger une entreprise de la filière pétrolière dans le pays. Et depuis sa création, en 2008, sa société, GM Energy, est de plus en plus courtisée par les majors du secteur. La raison de ce succès ? Avant de lancer son projet, l’ingénieur a su identifier une niche particulièrement porteuse. En effet, sa PME sous-traite pour les opérateurs internationaux, avant la mise en exploitation des puits, une étape complexe et cruciale de la phase de forage : le traitement des fluides (eau, sel, boues) et la filtration des saumures (impuretés). Avec une vingtaine de puits forés chaque mois au Gabon, ce type de savoirfaire extrêmement pointu et technique est précieux. « La demande est très forte », confirme Ghislain Moundounga, qui insiste pour que les Gabonais qualifiés se lancent eux aussi dans la sous-traitance pétrolière: « C’est dans leur intérêt et dans celui des compagnies. »
passe ensuite huit années sur des puits de forage entre le Gabon, le Congo, la Guinée équatoriale et la Côte d’Ivoire, avant de rejoindre la branche explorationproductiond’hydrocarburespourl’Afrique centrale d’IHS Energy. Il est d’ailleurs toujours expert-consultant pour cette société américaine d’études et de conseil.
PAS DE CADRE. En 2008, âgé de 34 ans et doté d’un solide CV, il a finalement décidé de se mettre à son compte. « Au départ, je me suis battu seul pour décrocher des « Au départ, je me suis battu seul. contrats. C’était difficile, J’ai parfois dû bluffer auprès des principalement parce qu’il n’y avait pas de cadre opérateurs pour les convaincre. » légal ni d’encouragement de la part du gouvernement. J’ai donc l’entrée des nationaux sur ce marché, au dû parfois bluffer auprès des opérateurs premier rang desquels le déficit abyssal pour les convaincre », explique Ghislain de formation et donc de compétences Moundounga. dans le secteur, ainsi que le souligne une Bien que le pays produise du pétrole étude réalisée en 2013 par le ministère du depuis les années 1960, les Gabonais Pétrole.Autreproblèmerégulièrementmis restent largement absents de ce secteur en avant par les entrepreneurs locaux: les stratégique, qui contribue pourtant à difficultés d’accès au financement pour plus de 60 % des recettes de l’État. Il a le démarrage de leurs activités. l ÉLISE ESTEBAN fallu attendre 2011 pour que soit créée la
FIERTÉ. En six ans, GM Energy, basé à
Port-Gentil,estdéjàintervenusurunequarantaine de sites, décrochant des contrats avec des opérateurs tels que Vaalco, Perenco, StreamOil, ou encore Maurel and Prom. L’entreprise compte désormais vingt employés, « un personnel 100 % gabonais », précise Ghislain Moundounga, non sans fierté. Sa PME a aussi développé ses activités à l’étranger et ouvert des bureaux à Pointe-Noire (Congo), à Douala (Cameroun), à N’Djamena (Tchad), à Casablanca (Maroc) et à Alger. Après des études d’ingénieur en mathématiques à l’université de Metz (est de la France), puis à l’University Technical College (UTC) du Nottinghamshire (Royaume-Uni), en fluides de forage, le jeune Gabonais commence sa carrière au Texas, à Houston (États-Unis), auprès de Schlumberger, numéro un mondial des services pétroliers. Au sein du groupe, il N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
première compagnie pétrolière nationale, Gabon Oil Company. Et, comme le soulignait récemment le ministre du Pétrole et des Hydrocarbures, Étienne Ngoubou, moins de 20 % des PME gabonaises sont actives aujourd’hui dans la sous-traitance pétrolière. Ghislain Moundounga estime même que cette part est encore plus faible. « Nous ne sommes pas plus de 5 % à 7 % à travailler dans la véritable sous-traitance de l’industrie pétrolière. Ce qui signifie signer des contrats directement avec les opérateurs et intervenir entre la phase d’exploration et la phase de commercialisation. » Or c’est là que s’effectue 80 % du chiffre d’affaires de la filière… « Pour le moment, poursuit-il, les Gabonais sont surtout présents avec des entreprises intervenant plus bas dans la chaîne de sous-traitance, sur des activités qui rapportent peu de valeur ajoutée. » En effet, denombreuxobstaclesempêchentencore
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BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
L’autre Gabon
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PÔLE LITTORAL
Gros trafic à l’horizon Quai minéralier, terminal à conteneurs, chantier naval… Le port se modernise. Et entraîne dans son sillage d’autres projets industriels.
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as d’être uniquement reconnu pour ses activités parapétrolières, et alors que le trafic de ses infrastructures portuaires connaît un regain d’activité (+15 % en 2013, avec 386 232 tonnes de marchandises traitées), Port-Gentil multiplie les projets maritimes. En 2012, le Port-Môle, spécialisé dans le trafic de passagers, avait déjà fait l’objet d’un plan de rénovation lancé et financé, pour un montant de 2,5 millions d’euros, par l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag). C’est au tour du port commercial – « la vitrine de Port-Gentil », selon Rigobert Ikambouayat Ndeka, le directeur général de l’Oprag – de se mettre à niveau pour accroître son trafic. Le tout selon une vision sous-régionale et
« intermodale », c’est-à-dire intégrant les modes de transport complémentaires qui vont bientôt relier Port-Gentil, par la route et par le rail, au reste du pays et à ses voisins de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). TERRES RARES. Deux projets sont plus
particulièrement avancés, à commencer par la modernisation de la capitainerie, enfin équipée d’outils de gestion de trafic de dernière génération. Le quai existant doit quant à lui être allongé de 100 m, avec un tirant d’eau porté à 12 m de profondeur, pour recevoir les tonnages de vracs solides et conventionnels, notamment ceux du gisement de Maboumine, près de Lambaréné, qui
envisage d’exporter ses terres rares via Port-Gentil. Dans le même temps, la direction du port peaufine son projet de terminal à conteneurs, dont le traitement a enregistré une croissance de près de 40 % à la fin de 2013. « Le trafic reste modeste, mais nous disposons des meilleures conditions maritimes pour attirer les compagnies », explique Rigobert Ikambouayat Ndeka, qui espère réceptionner son quai spécialisé « pour la mi-2015 ». Toujours sur le site du port commercial, l’ancien parc à bois va être complètement réaménagé afin d’accueillir le futur chantier naval développé par le mauricien Ireland Blyth Limited (IBL), dans le cadre du partenariat publicprivé (PPP) signé avec le gouvernement gabonais (lire encadré). FERTILISANTS. L’Oprag compte également s’appuyer sur l’aménagement de la Zone économique spéciale (ZES) de Port-Gentil, ainsi que sur la construction d’une usine d’engrais intégrant la réalisation d’une jetée (lire p. 78), un projet signé dans le cadre d’un PPP entre l’État et le groupe singapourien Olam. Les travaux d’aménagement sont en cours et ceux de l’unité de production de fertilisants devraient démarrer mi-2015, pour une livraison en 2017. Aux abords de ce nouveau site industriel, l’Oprag envisage la mise en place d’un véritable complexe portuaire, avec un nouveau terminal pétrolier et un grand port minéralier, qui permettra d’exporter le minerai de fer extrait du gisement de Belinga lorsqu’il entrera en phase d’exploitation. l OLIVIER CASLIN
POG RETROUVE LA PÊCHE
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lus question que les 14000 tonnes de thon pêchées chaque année dans les 213000 km² de la Zone économique exclusive (ZEE) du Gabon échappent au pays et soient transformées ailleurs. Dans le cadre de la diversification de l’économie, le gouvernement a décidé en 2012 de reprendre en main le secteur de la pêche hauturière. Objectif? Développer une véritable filière de transformation, dont
JEUNE AFRIQUE
le pôle principal sera basé à Port-Gentil. Via le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), début 2013, le gouvernement a signé un accord avec le conglomérat mauricien Ireland Blyth Limited (IBL), qui, depuis quinze ans, a développé une plateforme de produits de la mer ultraperformante à Port-Louis. Ce partenariat s’est concrétisé par la création deTropical Holding (15 millions d’euros
de capital, 60 % pour IBL et 40 % pour le FGIS) et par la remise en état d’une partie de l’usine de Gabon Seafood, à Libreville. L’unité ne traite encore par jour que quelques centaines de kilos de poissons pêchés localement, « mais sa capacité doit vite augmenter pour approvisionner, dans un premier temps, le marché gabonais », souligne Jean-Luc Wilain, directeur des opérations chez IBL. Outre les
futures extensions de l’usine (dont une conserverie), le projet porte sur la création d’une filière halieutique complète, de la pêche à la commercialisation des produits valorisés, localement et à l’export, en passant par le développement d’un chantier naval pour servir la flottille de pêche. Initialement estimé à 25 millions d’euros, l’investissement pourrait à terme atteindre O.C. les 100 millions. l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Communiqué
Banque des États de l’Afrique Centrale
Pilier de la coopération monétaire et socle de l’intégration économique en Afrique centrale. La BEAC est la banque centrale des six États qui constituent la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad. Établissement public international africain, la BEAC a été créée dans le cadre des accords de coopération monétaire signés à Brazzaville, au Congo, les 22 et 23 novembre 1972.
■ Garant de la politique monétaire
La BEAC émet le franc de la coopération monétaire en Afrique Centrale (FCFA), ayant cours légal et pouvoir libératoire sur le territoire de l’ensemble des six pays de l’UMAC et elle en garantit la stabilité. En outre, la BEAC est chargée de définir et de conduire la politique monétaire de l’UMAC, de conduire la politique de change, de promouvoir la stabilité financière, de détenir et de gérer les réserves officielles de change des États membres, de promouvoir et de veiller au bon fonctionnement des systèmes de paiement et de règlement.
■ Acteur
du développement et de l’intégration économique en Afrique Centrale
Partenaire fiable et engagé au service des États membres, des acteurs économiques et des populations de la CEMAC, la BEAC est également un organe engagé dans le développement et l’intégration économique en Afrique Centrale. Sans préjudice de son objectif de stabilité financière, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États membres. Elle prend aussi une part active à la promotion et au renforcement des marchés de capitaux en Afrique Centrale pour mieux appuyer le développement et l’intégraBEAC, Banque des États de l’Afrique Centrale BP 1917, Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 22 23 40 30/22 23 40 60 - Fax : (+237) 22 23 34 68
Plus de quarante ans au service de l’Afrique Centrale
>>> Définition et conduite de la politique monétaire de l’Union >>> Émission de la monnaie fiduciaire >>> Conduite de la politique de change de l’Union >>> Gestion des réserves officielles de change des États membres >>> Supervision des systèmes de paiement et de règlement >>> Promotion de la stabilité financière tion économiques dans la CEMAC. À cet effet, elle encadre et favorise les émissions de titres publics par les États membres et œuvre à la construction d’un système bancaire sain et solide. La BEAC entretient des relations bilatérales étroites avec plusieurs de ses homologues africains et participe activement au rayonnement de l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA) dont elle accueille la 38e session ordinaire des Gouverneurs en août 2014. S’appuyant sur l’esprit de solidarité et de discipline de ses États membres, la BEAC est résolument engagée à apporter son concours à l’émergence économique des États de la CEMAC au bénéfice de leurs populations.
www.beac.int
L’autre Gabon
BAUDOUIN MOUANDA
t Oyem, la capitale provinciale.
WOLEU-NTEM
URBAIN ET HUMAIN
Septentrion désenchanté Chômage, sida, exode rural… La province a perdu de son panache. Elle reprend peu à peu des couleurs grâce à la relance des activités économiques et à la mise à niveau des infrastructures.
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e Woleu-Ntem n’en fait qu’à sa tête. Le parti au pouvoir est le premier à en faire les frais. Lors de la présidentielle de 2009, il a massivement voté pour l’opposant André Mba Obame. Et aux locales de novembre 2013, en dépit d’opérations séduction, le Parti démocratique gabonais (PDG) n’est pas parvenu à s’assurer de majorité durable dans la plus vaste province du Gabon. Même les ténors de l’opposition ne dorment que d’un œil. Ici, personne n’est en terrain conquis. Mais le PDG ne désespère pas d’inverser la tendance. Le premier effort, certes symbolique, est intervenu avec la nomination comme Premier ministre de Raymond Ndong Sima, en février 2012, auquel a succédé Daniel Ona Ondo (lire p. 62) en janvier. Ces deux natifs d’Oyem, la capitale provinciale, sont l’illustration de la rupture avec la tradition, qui attribuait invariablement la primature à un Fang de l’Estuaire. Des efforts ont également été consentis pour doter la province d’infrastructures routières et sanitaires, dont elle avait cruellement besoin (lire pp. 70-71). Pourtant, le Woleu-Ntem est loin d’être la plus pauvre des neuf provinces du JEUNE AFRIQUE
pays. Son amertume tient surtout à ce qu’elle est tombée de très haut, son déclin économique entraînant la désagrégation du tissu social. DÉCOURAGÉS. S’il demeure toujours la
plus agricole des provinces, le WoleuNtem a perdu son lustre d’antan. Qui se souvient que, dans les années 1970, on y produisait 5 500 tonnes de cacao par an ? Dans l’euphorie de la prospérité pétrolière, l’État s’est détourné des cultures de rente. Les programmes gouvernementaux ont investi massivement dans le développement des villes,
délaissant les pistes rurales permettant d’évacuer la production agricole vers les marchés. À la fin des années 1980, la production cacaoyère de la province est tombée à 1 600 t/an. L’effondrement des cours du cacao a achevé de décourager les planteurs. « Signe des temps, les séchoirs à cacao, si caractéristiques des villages du Woleu-Ntem, sont devenus des séchoirs à linge », observait Roland Pourtier dans Le Gabon. État et développement (L’Harmattan, 1989). CULTURES. L’exode vers les bourgs et les
villes fut tel que, selon un responsable agricole local, « la population rurale du WoleuNtem a diminué d’un cinquième depuis 1975 ». Les jeunes ont rejoint les quartiers défavorisés des villes. Notamment à Oyem, où le chômage et le sous-emploi sont élevés, mais aussi plus au nord, à Bitam, où les besoins d’investissements dans les services de base, en particulier sanitaires, sont énormes. Avec 7,2 % de ses 157 000 habitants atteints du sida, le Woleu-Ntem présente le taux de séroprévalence le plus élevé du pays. Pour bénéficier de soins appropriés, les habitants sont souvent obligés de se rendre au Cameroun ou en Guinée équatoriale. Malgré tout, la province reprend des couleurs grâce à la relance des cultures vivrières et au commerce avec ses voisins de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). La route entre Libreville et la frontière avec le Cameroun est enfin entièrement goudronnée. Un réseau routier intégré relie les villes d’Oyem, Bitam, Minvoul, Mitzic et Medouneu à la cité camerounaise de Kyé-Ossi, ainsi qu’à Mongomo et Ebibeyin, en Guinée équatoriale. l GEORGES DOUGUELI
HISTOIRE : AU CŒUR DU MONOPOLY COLONIAL TERRITOIRETAMPON entre les possessions allemandes et françaises d’Afrique centrale, le WoleuNtem fut à l’origine de querelles entre les deux puissances colonisatrices. Érigé en circonscription par la France en 1909, il fut
cédé à l’Allemagne en 1911 et intégré au protectorat allemand du Cameroun. Mais la Première Guerre mondiale est venue rebattre les cartes géopolitiques. Après la défaite de l’armée allemande entre Oyem et Mitzic, en 1914, ce
territoire de quelque 38 000 km² a été conquis par les troupes françaises du général Joseph Aymérich. Il sera ensuite réintégré dans l’AfriqueÉquatoriale française (AEF) en 1916, après le départ des Allemands G.D. du Cameroun. l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Le Plus de J.A. L’autre Gabon WOLEU-NTEM
SYLVICULTURE
Le Nord n’a plus la gueule de bois Les massifs forestiers sont enfin débarrassés des sociétés peu scrupuleuses qui ne respectaient ni la législation ni l’environnement. La filière repart sur des bases saines, et de plus en plus industrielles.
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eurs noms sont connus des tribunaux correctionnels gabonais. Soliga, KIBG, SZBG, KIBG… Autant d’entreprises chinoises coupables de s’être livrées à l’exploitation illégale de la forêt dans le Woleu-Ntem. En 2013, la scierie Soliga, basée à Mitzic, a même été fermée à titre conservatoire par le ministère de la Forêt, après que les agents publics eurent constaté qu’elle
détenait et transformait du bois d’origine douteuse. Quant au patron de la société SZBG, Zhang Wanli, il a été arrêté le 14 juin 2013 par les agents des Eaux et Forêts basés à Ndjolé, avec l’aide de l’ONG Conservation Justice. « Ces sociétés sont connues pour ne respecter en rien la législation, saccageant ainsi les forêts gabonaises », se plaignent les représentants de l’ONG.
OLAM, L’AMI D’ASIE
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a présence du groupe singapourien est tout un symbole au Gabon. Elle représente le tropisme asiatique des nouvelles élites gabonaises. Olam a démarré ses activités dans le pays en 1999 et n’a cessé de les développer. En janvier dernier, le groupe a annoncé qu’il allait céder une partie de ses actifs forestiers dans le pays à un consortium chinois (une transaction d’un montant de 18 millions de dollars, soit 13,4 millions d’euros, qui devrait être finalisée au quatrième trimestre de cette année), afin de se concentrer sur les quatre projets agro-industriels qu’il conduit en partenariat avec l’État: les plantations de palmiers à huile et d’hévéa, l’usine d’engrais de Port-Gentil (lire p. 75) et la Zone économique spéciale (ZES) de Nkok, la première du pays, aménagée à l’intention des industriels du bois. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Ce dernier terrain de 1126 hectares conquis sur la forêt, à 30 km à l’est de Libreville, est desservi par voies routière, ferroviaire (Transgabonais) et fluviale. Entre autres avantages proposés aux entreprises, une exemption de l’impôt sur le revenu pendant dix ans, suivie d’une remise de 10 % pendant cinq ans, une exemption totale de taxe à l’importation sur les matériaux et de taxe à l’exportation sur les produits manufacturés, etc. Mais quatre ans après son lancement, la ZES tarde à atteindre les objectifs escomptés. CLONES. Concernant
l’huile de palme, une surface de terres arables de 50000 ha a été retenue par l’entreprise à l’issue de douze mois d’études agronomiques, ainsi que d’impact social et environnemental. Démarrées en 2011, ces plantations commenceront à produire à partir de 2015,
avec en prévision de nombreux emplois pour les régions concernées. Le groupe asiatique pourrait même devenir le premier employeur gabonais. En attendant, les sites concernés enregistrent quelques mouvements d’humeur des ouvriers. Olam s’est également lancé dans l’hévéaculture à Bitam, dans la province du Woleu-Ntem. Le projet porte sur une surface de 28000 ha pour un investissement de 183 millions de dollars, avec une participation de 20 % de l’État gabonais. Les travaux actuellement en cours portent sur le défrichage (par un sous-traitant francogabonais) et sur la production d’hévéas nains à partir de clones importés de Côte d’Ivoire. Avec Olam, l’État a pris le risque de l’entrepreneuriat. Les deux partenaires ont l’obligation de réussir. l G.D.
La région de Mitzic abrite l’un des massifs forestiers les plus exploités de la province. Parmi ceux qui y prélèvent les essences commercialisables, on recense des entreprises industrielles européennes (notamment françaises et italiennes) et, depuis une dizaine d’années, asiatiques (malaises, singapouriennes, chinoises…), ainsi que des exploitants nationaux disposant tous d’une autorisation de coupe. Il y a aussi quelques scieurs clandestins et, dans leur sillage, des sociétés peu scrupuleuses qui tentent de contourner la législation, en amont comme en aval de la filière. HORS QUOTAS. Avec la province voisine
de l’Ogooué-Ivindo, le Woleu-Ntem est particulièrement visé par ces sociétés, principalement chinoises, qui exploitent illégalement sa forêt. Depuis leur arrivée dans le pays, au milieu des années 1990, leur poids est considérable. Elles se sont spécialisées dans le rachat d’autres entreprises étrangères ou de sociétés à capitaux gabonais, et dans la reprise de permis de coupe. On les retrouve aussi dans des activités de fermage. Dans la plupart des cas, en effet, les unités d’exploitation, réservées aux Gabonais par le code forestier de décembre 2001, sont sous-traitées à des sociétés étrangères. En signant ces contrats de fermage, les détenteurs de permis perçoivent d’importants loyers et peuvent s’assurer une rente sans avoir à investir dans leurs concessions. Leproblèmeestqu’ungrandnombrede petits exploitants asiatiques ont violé les lois en vigueur, alors que le code forestier prescrit la gestion durable des forêts à travers leur aménagement, l’industrialisation de la filière et la prise en compte des intérêts des communautés vivant des produits de la forêt. Les contrevenants se sont livrés à des coupes hors zone et hors quotas, à l’usage de marteaux (interdit), à l’exploitation d’arbres inférieurs au diamètre minimum d’exploitation (DME) requis… Pour ne rien arranger, ces entreprises participaient très faiblement au développement JEUNE AFRIQUE
p Chantier de déboisement mené par un opérateur malaisien près d’Oyem.
économique et social de la province, puisqu’elles exportaient la majorité de leur bois en grumes et utilisaient principalement de la main-d’œuvre et du matériel chinois. Pour stopper le massacre, aussi bien dans la province que dans le reste du pays, le gouvernement a adopté le 2 mai 2013 un Plan d’action national de lutte contre l’exploitation forestière illégale (Panefi) destiné à améliorer l’application de la loi. Mis en œuvre par la direction générale des Forêts, ce plan a pour objectif de traquer
toutes les sociétés peu respectueuses du code forestier, mais aussi d’accentuer la surveillanceetdesystématiserlessanctions à l’égard de nuisances d’un autre genre: cellesdesagentsvéreuxdel’administration, qui acceptent des pots-de-vin pour assurer l’impunité aux exploitants convaincus de fraude. Ce tour de vis du gouvernement devrait pouvoir réduire la part des trafiquants et favoriser le secteur formel. Le gouvernement gabonais a également demandé à reprendre les négociations interrompues avec l’Union
européenne sur le processus Forest Law Enforcement, Governance and Trade (FLEGT, Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux), qui conditionne l’ouverture de son marché aux produits des pays qui auront amélioré l’application des lois forestières et de la bonne gouvernance. Entreautresexigences,Bruxellesdemande aux producteurs plus de transparence, notamment dans l’attribution des concessions forestières. l GEORGES DOUGUELI
SVEN TORFINN/PANOS-REA
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L’autre Gabon
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p Les 8 000 km2 de forêt vierge du parc s’étendent jusqu’aux frontières avec le Cameroun et le Congo.
WOLEU-NTEM
BIODIVERSITÉ
Dernière frontière sauvage Le parc national de Minkébé est l’un des rares à être inhabité. Afin de préserver ses richesses, les brigades de la jungle ne doivent jamais baisser la garde.
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hélicoptère vole si bas qu’il en frôle presque la cime des arbres.Majestueuxetfiers,ceuxci semblent sourds au vacarme de l’appareil. Indifférents aussi à l’émerveillement des occupants de l’engin, grisés par le magnifique coucher de soleil sur la canopée, enivrés par l’infini océan vert du parc de Minkébé. Depuis l’habitacle de l’appareil, on aperçoit les ombres furtives de singes allant d’une liane à l’autre. Çà et là, des clairières marécageuses ou les méandres d’un cours d’eau donnent au manteau vert l’aspect d’une toile tailladée par une main peu habile. Pourtant, de là-haut, nulle trace d’empreinte humaine. Pas de feux de brousse, cette pratique de l’agriculture itinérante sur brûlis, particulièrement dommageable pour la biodiversité. Pas de chantiers d’exploitation forestière non plus. Les coupes ont lieu ailleurs. Ici, les arbres (dont certains, bicentenaires, culminent jusqu’à 50 m de haut) sont protégés par le statut de parc national. Et celui de Minkébé est totalement inhabité depuis le départ des Fangs, l’ethnie qui peuple le WoleuNtem. Après des années de guerres tribales entre clans rivaux, ils ont déserté la jungle pour les villages, pendant la colonisation. JEUNE AFRIQUE
Les chasseurs-tueurs professionnels venus de l’extérieur du Gabon, les braconniers massacrant des troupeaux entiers de pachydermes pour prélever leurs précieuses défenses, ne s’inquiètent pas de la survie de l’espèce. Acheté 40 euros, le kilo d’ivoire est revendu 120 euros par les trafiquants, avant d’être négocié jusqu’à 3 000 euros sur les marchés asiatiques. Malgré l’interdit mondial, la hausse de la demande d’ivoire se poursuit et les prix continuent de flamber… Entre 50 et 100 éléphants sont tués chaque jour, selon les estimations faites par les autorités du parc en 2011.
Dans cette forêt vierge de 8 000 km2, nichée dansle nord-est du Gabon, à cheval entre les provinces du Woleu-Ntem et de l’Ogooué-Ivindo, palpite le cœur du bassin du Congo. C’est le deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie. BANDES ORGANISÉES. Ces dernières Seul regret en survolant Minkébé au années, Minkébé a également enregiscrépuscule, il est rare de pouvoir distintré une augmentation considérable de guer les troupeaux de pachydermes. C’est l’activité humaine autour de l’une de ses pourtant l’heure où ils viennent étanaires protégées. Celle-ci a la particularité cher leur soif au bord des marais et des de receler un gisement d’or alluvionnaire rivières avant d’aller affronter les périls de qui a déclenché l’afflux d’aventuriers en lanuit.Leparcetsapériphérieabritentune tout genre… Résultat, d’un petit camp population d’éléphants de forêt estimée de 300 mineurs artisanaux on est vite à 30 000 individus. Un patrimoine inespassé à plus de 5 000 mineurs, bracontimable. Incapables de vivre niers, trafiquants d’armes et horsdelajungleprimaire,bien de drogue installés – sans droit Sanctuaire plus difficiles à observer et à ni permis, évidemment – dans protéger que leurs cousins des un campement sauvage. vert savanes, ils sont placés sous la Face à ces bandes organiLa forêt tropicale haute surveillance des « brisées lourdement armées, les couvre 220 000 km2, gades de la jungle » mises en éco-gardes sont impuissants. soit 82 % du territoire gabonais. Plus place par l’Agence nationale L’État n’a donc pas eu d’autre de 400 essences des parcs nationaux (ANPN). choix, l’année dernière, que d’arbres y sont Car les éléphants de de faire intervenir une unité répertoriées. Minkébéviventsouslamenace de parachutistes pour bouter Grâce aux 13 parcs d’un danger qui peut surgir à orpailleurs et trafiquants hors nationaux, 11 % tout moment, de jour comme du parc. Les intrus partis, la du territoire sont de nuit. Leurs dangereux prénature a repris ses droits. l « sanctuarisés » dateursn’ontpasd’étatsd’âme. GEORGES DOUGUELI N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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BGD Futur siège social de la BGD.
L’EXPÉRIENCE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT
Lutte contre la pauvreté et l’exclusion bancaire, financement des particuliers, des entreprises et des collectivités locales : la Banque gabonaise de développement (BGD) inscrit pleinement son action dans la stratégie nationale du Gabon émergent.
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epuis sa création le 8 juin 1960, la Banque gabonaise de développement (BGD) n’a jamais failli à ses missions de financement du développement économique et de lutte contre la pauvreté. Forte de plus d’un demi-siècle d’existence, elle met aujourd’hui son expérience et ses compétences au service de la stratégie du « Gabon émergent », lancée par le Président de la République Ali Bongo Ondimba. UNE BANQUE UNIQUE EN SON GENRE L’une des plus anciennes institutions financières du Gabon et la seule dont la vocation soit avant tout sociale, la BGD n’en est pas moins une banque au sens moderne du terme. Elle respecte la réglementation internationale et finance ses ressources sur ses fonds propres, les dépôts de la clientèle ainsi que les lignes de refinancement qu’elle négocie auprès des institutions financières locales et internationales. La forte progression de son activité, la qualité de son portefeuille et de ses performances lui permettent de jouer un rôle de plus en plus important dans le financement de projets des particuliers, notamment dans l’immobilier, et dans l’appui aux entreprises de toutes tailles. PRÉSENTE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE Pour mener à bien ses missions auprès des entreprises, des collectivités locales et des particuliers, la BGD s’appuie sur sa présence effective dans l’ensemble du pays grâce à
Padouk Okala Libreville
DIFCOM/FC - PHOTOS : DR
Wengué Mouila
un réseau de bureaux et d’agences qui couvrent les neuf provinces du Gabon, y compris celles qui sont délaissées par les autres banques. La BGD est, bien sûr, fortement présente à Libreville, qui concentre une grande partie de l’activité économique du pays. Ce véritable maillage du territoire permet à la BGD de remplir pleinement l’une de ses missions fondamentales – garantir à l’ensemble de la population l’accès à des services bancaires modernes – et d’être l’un des partenaires les plus actifs de l’État dans sa politique d’accès au logement et de lutte contre l’exclusion bancaire. MODERNE ET À VOCATION SOCIALE Ouverte à tous, avec des produits adaptés aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités locales, la Banque gabonaise de développement joue à plein ses missions en faveur de la lutte contre la pauvreté. De plus en plus présente aux côtés des entreprises de toutes tailles, elle participe pleinement au financement du développement économique du Gabon. Les PME sont l’objet d’une attention particulière de la part de la BGD. C’est pourquoi en 2013, la banque de développement a mis en place de nouveaux outils, comme BGD Avance+, qui facilite la gestion de trésorerie des PME. Le site web SMEToolkit, lancé en partenariat avec la Banque mondiale, est de son côté un véritable assistant électronique de l’entrepreneur, pour la gestion au quotidien, comme pour renforcer ses capacités managériales. ■
Ebène Franceville
Moabi Lambaréné
Kévazingo Port-Gentil
COMMUNIQUÉ
3 questions à
Roger Owono Mba Administrateur Directeur Général de la BGD
« Nous avons octroyé 15 milliards de Fcfa aux PME en trois ans » Dans la lignée de sa contribution au Gabon Émergent, BGD est connue pour son soutien aux PME. Comment les chiffres confirment-ils cette inclination ? Roger Owono Mba :Le développement d’un entrepreneuriat local fait effectivement partie des axes stratégiques prioritaires du plan stratégique Gabon Emergent (PSGE). Dans ce cadre, la BGD, l’un des plus importants instruments financiers de l’État, joue un rôle de premier plan dans le financement et l’accompagnement des PME. Concernant la partie « financement » de notre dispositif intégré, nous avons octroyé au cours des trois dernières années plus de 15 milliards de Fcfa à des PME. Quant au volet « conseil et assistance » de notre mission, plus de 200 PME bénéficient actuellement de l’accompagnement de nos collaborateurs dans la mise en place et la gestion de leurs activités. La vocation sociale de la BGD s’exprime-t-elle aussi à travers le microcrédit ? Roger Owono Mba :En réalité, l’implantation de notre établissement bancaire sur tout le territoire national nous amène à contribuer au développement du taux de bancarisation et à faire du microcrédit depuis de longues années, puisque nous octroyons des crédits à une tranche de la population souvent rejetée des circuits bancaires habituels. Nous affinons néanmoins notre analyse du fonctionnement de la catégorie d’agents économiques concernés par le microcrédit - commerçants, artisans, coopératives agricoles ou encore vendeurs à l’étal sur les marchés - en nous inspirant également d’expériences étrangères, pour mettre en place une organisation qui leur soit adaptée. Nous allons lancer incessamment un nouveau produit avec une procédure d’instruction de dossier très simplifiée et qui devrait répondre à ces besoins spécifiques. Notre démarche de banque de l’État est en phase avec l’autre document stratégique du développement du pays : le Pacte social. Vous déployez des efforts en direction du logement et de l’habitat social. De quelle manière ? Roger Owono Mba : Le logement et l’habitat social ont toujours fait partie des missions, en tant que banque de développement, de la BGD. Celles-ci concernent aussi bien l’aménagement ou la construction de logements socio-économiques que le financement des promoteurs et acquéreurs de logements. Cela explique en partie le fait que notre établissement soit le deuxième actionnaire de la Société nationale immobilière (SNI), bras armé de l’État en matière de logements sociaux. Nous sommes en train de finaliser la livraison de 150 logements économiques construits au nord de Libreville, une zone en plein boom démographique. Ce projet a été financé par la BGD, qui a également mis en place des crédits en faveur des acquéreurs. ■
Bilinga Oyem
Ozigo Tchibanga
Douka Koulamoutou
La Banque de tous les Gabonais
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Grandes Entreprises PME / PMI Particuliers Administrations Collectivités Locales Coopératives
Au cœur du développement
BP 5 – rue Alfred Marche, Libreville, Gabon Tél. : (241) 01 76 24 29 Fax : (241) 01 74 26 99
www.bgd-gabon.com gabon.smetoolkit.org
Ovenkol Lalala Libreville
Le Plus de J.A.
Dans les années 1970 et 1980, la ville a connu un développement fulgurant.
DESIREY MINKOH
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HAUT-OGOOUÉ
L’EST NOUVEAU
Franceville blues Dans le fief de l’ancien président Omar Bongo Ondimba, les demeures laissées à l’abandon illustrent le changement d’ère. Les cartes du pouvoir sont aujourd’hui redistribuées.
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n ne peut pas la rater. Sur la droite de la R16, à la sortie de Franceville, la majestueuse résidence s’impose, au milieu du paysage de savane. « Ce château a été construit par un ancien ambassadeur qui n’a plus d’argent pour l’entretenir », ironise notre chauffeur, qui se plaît visiblement à s’improviser guide touristique des résidences abandonnées dans le Haut-Ogooué. Les propriétaires de ces belles demeures ont été ministres, directeurs généraux, ambassadeurs… Dans une autre vie. Celle des années de prospérité pétrolière et du temps d’Omar Bongo Ondimba (OBO), l’ex-président, né à une trentaine de kilomètres de Franceville, à Lewaï, devenue Bongoville en 1972. Alors qu’ils étaient aux affaires, qu’ils travaillaient et vivaient à Libreville, ils ont fait construire de vastes demeures N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
dépenses », pointe notre guide en arrivant à Ngouoni. S’ensuit alors un curieux tour de la bourgade. Près du centre-ville s’étend le vaste domaine d’un ancien aide de camp d’Omar Bongo Ondimba. Ici aussi, les murs sont plus que défraîchis. Plus loin, nous voilà devant la résidence d’un autre général et ancien ministre, qui, lui, est parvenu à se maintenir à l’Assemblée nationale. Et ça se voit : la demeure est bien mieux entretenue.
dans leur province d’origine. « C’était l’affichage de la réussite, explique un FOLIE ARCHITECTURALE. À Bongoville, enseignant de l’Université Omar-Bongo Akiéni, Lekoni, Okondja, c’est comme (UOB) de Libreville. Feu le président ça. Il y a ceux dont les étoiles ont pâli, Bongo n’y voyait aucun inconet ceux, plus jeunes, qui ont vénient. Il fermait les yeux profité du renouvellement sur les excès et ne voulait y de l’élite au pouvoir pour se La province voir qu’une volonté de doter faire une place au soleil. Des compte 228 500 Franceville et la province d’un dizaines d’amis d’OBO sont habitants, dont 105 000 visage moderne. » restés sur le carreau lorsque le à Franceville, Sauf que, mis sur la touche Palais du bord de mer a changé sa capitale, par Ali Bongo Ondimba à de locataire. Et dans le Hautet 40 000 à partir de 2009, les barons de Ogooué, on sait désormais à Moanda la province ont perdu de leurs quel point la fin de leurs pricapacités financières et ont dû vilèges est douloureusement réduire leur train de vie. On ne ressentie. D’autant que dans compte plus les demeures aux façades cette province, très avantageusement décrépites, aux murs lézardés et aux pourvue en hauts fonctionnaires, on jardins colonisés par l’herbe folle. « Là, avait vécu pendant quarante et un ans c’est celle d’un ancien commandant de la dans un sentiment d’éternelle abonGarde républicaine qui vient de décéder. dance, à l’instar du débit du fleuve Ses enfants ne peuvent pas faire face aux Ogooué qui jamais ne tarit. JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon Omar Bongo Ondimba était resté attaché à Franceville, où il a été inhumé le 18 juin 2009. C’est grâce à lui que le petit poste de transbordement et de transit fondé en 1880 par Pierre Savorgnan de Brazza a bénéficié d’un développement fulgurant. Érigée en commune en 1972, dotée d’un aéroport international en 1973, pourvue en infrastructures (des routes, des hôpitaux, une université, une école polytechnique, un parcours de golf, etc.), Franceville est devenue la grande ville de l’est en même temps que le fief politique du président. « Son successeur n’a pas voulu du costume de chef batéké traditionaliste et paternaliste. Il préfère celui d’une élite mondialisée », explique un observateur politique. La folie architecturale des barons du Haut-Ogooué s’est nourrie de la mansuétude de leur ami « Omar » à l’égard des gestionnaires de toute évidence indélicats. C’est lui qui avait donné à ses protégés le goût des résidences somptueuses. Même si lui les aimait plus simple, étendues, à l’horizontale, entourées de grands espaces verdis de pelouses et de plantes. Certains partagent ce goût des grands espaces, à l’instar d’Henri Claude Oyima, le patron de BGFI Bank, dont le domaine familial de Ngouoni couvre plusieurs hectares et comprend plusieurs villas sans luxe tape-à-l’œil. Rien à voir avec les délires grandiloquents aux confins de la mégalomanie qui ont guidé les architectes de ces grosses résidences secondaires faites pour être vues de loin dans ce paysage de collines et de savanes… HUMILIATIONS. Bien évidemment, les
privilégiés d’hier ne sont pas contents de leur mise à l’écart. Certains la vivent même comme une injustice, eux qui se sont ralliés à « Ali » en 2009, lorsqu’à la suite du décès du « doyen » d’anciens membres du parti au pouvoir ont décidé de se porter candidat contre son fils. Ce dernier a fait le plein des voix dans la province. « Pendant toutes ces années, chacun d’entre eux, se considérant
UN MAUSOLÉE POUR OBO Des ouvriers s’affairent sur le chantier. Du monument sortant de terre s’esquissent déjà quelques formes rappelant l’architecture turque et persane. Construit non loin de l’actuelle sépulture d’Omar Bongo Ondimba (OBO), le mausolée est une initiative familiale qui a reçu l’appui de l’État. Le 28 mars, un appel à contribution a été lancé par la Fondation Omar-Bongo-Ondimba, invitant les bonnes volontés à se
manifester pour financer les travaux, confiés à une société turque. De son côté, l’État a prévu une dotation budgétaire de 1,04 milliard de F CFA (près de 1,6 million d’euros) dans la loi de finances rectificative de 2013. En attendant la fin des travaux, la sépulture provisoire de l’ancien chef de l’État est déjà un lieu de pèlerinage. Après son élection à la présidence du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta est venu s’incliner devant
comme un soutien indispensable du pouvoir, attendait d’être payé en retour. Ils doivent comprendre que l’époque a changé », poursuit notre observateur. Entre distance et hauteur, la méthode plaît, à bien des égards, mais heurte certaines sensibilités.
la tombe du doyen, le 24 août 2013. Décidément chargée de symboles, Franceville a donc deux figures tutélaires: son fondateur, Pierre Savorgnan de Brazza, et son bâtisseur, OBO. Une statue rend déjà hommage au défunt chef de l’État (qui a été érigée de son vivant), et une stèle dédiée à Savorgnan de Brazza a été inaugurée en 2006 sur la place de l’Indépendance par… Omar Bongo G.D. Ondimba. l
Abeké, l’ex-patron de la Caisse nationale de la sécurité sociale, Antoine Yalanzèle, ou encore l’ancien ambassadeur du Gabon en France, Jean-Marie Adzé. D’autres, à l’instar de l’ancien grand argentier Paul Toungui, gardent le silence, laissant ainsi libre court à toutes sortes de supputations. Les opposants se sont engouffrés dans la On a vécu ici pendant plus de brèche pour tenter d’infiltrer quarante ans dans un sentiment cette citadelle réputée imprenable. Mi-juin, l’ancien préd’éternelle abondance. sident de la Commission de La vox populi n’est pas insensible à ces l’Union africaine Jean Ping et plusieurs « humiliations » subies par les « grands dirigeants de l’Union nationale, dont Jean frères ». On prête même au président Eyeghe Ndong, ont ainsi tenu à Franceville le machiavélique dessein de vouloir un meeting dans la résidence d’Albert décapiter la nomenklatura locale pour Yangari, l’ancien patron de L’Union, le affaiblir de potentiels rivaux. Et ceux quotidien national, un natif de la capitale qui ont perdu leur position de pouvoir, provinciale devenu lui aussi l’un des plus même s’ils sont loin de représenter une virulents critiques du pouvoir. Pour qui réelle menace politique, n’en pensent pas votera la troisième ville du Gabon (par sa moins. Comme l’ancien gouverneur de population) lors de la présidentielle de la Banque des États de l’Afrique centrale 2016 ? Poser la question est le signe d’un changement d’époque. l (Beac), Philibert Andzembé, l’ancien directeur général de la Comilog, Marcel GEORGES DOUGUELI
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Le Plus de J.A. HAUT-OGOOUÉ
DIVERSIFICATION
De quoi se donner une mine verte Manganèse à Moanda, uranium à Mounana, sucrerie à Ouellé, café à Kayié… L’économie de la province repose sur les produits de sa terre. Aujourd’hui, ils gagnent en valeur ajoutée et lui profitent plus.
L
’
économie du Haut-Ogooué doit beaucoup à ses abondantes ressources minières. Deuxième producteur de manganèse à haute teneur, la Comilog (Compagnie minière de l’Ogooué), filiale du groupe français Eramet, représente 15 % du marché mondial. Générant plus de 3000 emplois directs et indirects, elle est aussi le deuxième employeur du pays et un véritable pilier pour la ville de Moanda (42000 habitants). SonpoidsestrenforcéparlaSociétéd’exploitation du Transgabonais (Setrag, sa filiale à 84 %), qui gère depuis 2005 les 670 km de voieferréereliantFrancevilleauportminéralier d’Owendo, en banlieue de Libreville. Mais ces activités ne vont pas sans quelques désagréments. « Plusieurs milliers de tonnes de fines de manganèse ont été déchargées dans la rivière Moulili sur plusieurs kilomètres, remplissant complètement son lit », constate un rapport de l’ONG gabonaise Brainforest, chargée par la Comilog de faire l’état des lieux des dégâts causés par cinquante-deux années d’exploitation d’une mine de manganèse à Moanda, l’une des principales villes minières de la province.
QUESTIONS À
Faceàlapressiondesdéfenseursdel’environnement, la filiale n’avait plus d’autre choix que de prendre ses responsabilités. En 2010, elle a donc lancé un programme de réhabilitation destiné à limiter l’impact de ses activités sur l’environnement. Côté uranium, c’est un autre groupe français, la Compagnie des mines d’uranium de Franceville (Comuf, filiale du CEA puis d’Areva), qui, de 1960 à 1999, a exploité les mines souterraines et les gisements à ciel ouvert situés aux abords de la capitale provinciale, ainsi qu’à Boyindzi,
et quatre permis de recherche minière de 2 000 km2 chacun lui ont été octroyés. Encouragé par les premiers résultats, en 2008, le groupe a créé Areva Gabon, sa filiale à 100 %, dont le siège est à Franceville. HAUT DE GAMME. Dès le milieu des
années 1970, l’État a voulu réduire la dépendance de la province aux industries extractives et diversifier ses activités. D’importants projets agro-industriels se sont développés, parmi lesquels celui de la Sucrerie africaine du Avec le barrage de Grand-Poubara, Gabon(SucafGabon),baséeà Ouellé, non loin de Moanda et les industriels peuvent faire de Franceville. Filiale depuis 2010 du groupe français tourner de nouvelles usines. Somdiaa, Sucaf Gabon est Oklo (54 % de la production), Okélobondo une affaire qui tourne. La société, qui et Mikouloungou. représente 500 emplois directs et 600 indiLa baisse des cours du minerai a rects, exploite 4400 hectares de plantation, contraint la Comuf à cesser son exploiqui produisent environ 280000 tonnes de tation en juin 1999, après épuisement canne à sucre et 26 500 t de sucre par an. des derniers gisements rentables. Mais le Créées dans le même élan, d’autres groupe français n’a pas quitté la province unités agroalimentaires n’ont pas connu pour longtemps. Fin 2006, le ministère la même fortune, comme la Société gabogabonais des Mines a autorisé Areva à naise d’élevage (Sogadel) et la Société reprendre des activités de prospection, industrielle d’agriculture et d’élevage de
JEAN RÉMY OSSIBADJOUO
Directeur général du CHR Amissa-Bongo de Franceville
« Un paradis pour jeunes médecins » Pôle sanitaire de référence, le centre hospitalier régional est moderne et bien coté. Mais souffre d’un manque de praticiens.
I
NAUGURÉ EN MAI 2003, le Centre hospitalier régional (CHR) AmissaBongo de Franceville a nécessité un investissement de 9 milliards de F CFA (13,7 millions d’euros). Établissement sanitaire de référence dans la province, le CHR emploie plus de 350 agents, dont 16 spécialistes et près de
N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
120 infirmiers. En 2013, ils o n t e ff e c t u é p l u s d e 23 60 0 consultations, 1 020 interventions chirurgicales et 2 940 accouchements, dont plus de 350 césariennes. JEUNE AFRIQUE : Avez-vous identifié des problèmes de santé spécifiques ?
JEAN RÉMY OSSIBADJOUO:
Le profil épidémiologique de la province montre que les avortements atteignent un niveau inquiétant : près de 470 par an! D’autant que la plupart concernent des jeunes femmes entre 15 et 30 ans, la tranche d’âge où l’on enregistre le plus fort taux de séroprévalence.
DR
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Quelles sont les priorités en matière de santé maternelle et infantile ? JEUNE AFRIQUE
L’autre Gabon
Les enfants, les mères célibataires et jeunes filles mères sont les principales catégories vulnérables identifiées par les programmes du gouvernement, que nous appliquons, comme celui visant à éviter la transmission du VIH de la mère à l’enfant, ou le plan élargi de vaccination.
enregistrons le double mais, faute de spécialistes, nous ne disposons que d’une unité, dirigée par notre seul pédiatre, assisté de l’unique puéricultrice dont nous disposons… Cette unité de néonatalogie dotée de cinq incubateurs est la seule existante pour les onze départements de la province.
Et concernant la maternité?
Selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé, un hôpital pratiquant plus de 1500 accouchements doit avoir un service de néonatalogie. Nous en JEUNE AFRIQUE
Comment inciter les médecins à venir exercer au CHR?
Pour motiver les praticiens, nous leur présentons notre qualité de vie et le bon cadre de travail… C’est un
p Sur le site de la Comilog (près de Moanda), deuxième producteur mondial de manganèse.
paradis pour les jeunes médecins : les bureaux sont spacieux, propres, climatisés, et, à l’arrière de l’hôpital, nous avons construit des logements de bonne facture pour le personnel, où l’eau et l’électricité sont offertes. Sur le plan financier, pour ch a q u e a c t e m é d i c a l encaissé, l’hôpital prélève 55 % de la somme perçue. Le médecin qui a assuré la prestation reçoit 45 % de la somme restante, et la différence est répartie entre les autres personnels du CHR, y compris le jardinier.
Combien coûtent les consultations ?
Leurs montants sont harmonisés par la CNAMGS [Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale, lire p. 61 et pp. 66-67]. Lorsqu’il consulte un généraliste, le patient paie 7000 F CFA, et pour un spécialiste, 10 000 F CFA. Dans les deux cas, la CNAMGS prend en charge 80 % de la facture, le reste est dû par le patient. Et s’il ne peut pas payer, nous le soignons quand même. l Propos recueillis par G.D. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
PASCAL MAITRE/ERAMET/INTERLINKS
Boumango (Siaeb). Fragilisées par une augmentation des coûts de production, elles ont été inscrites sur la liste des privatisations. Faute de repreneurs, le gouvernement s’est résolu à les mettre en liquidation, mais a mis en vente leurs actifs afin de maintenir les activités d’élevage dans le pays. Aujourd’hui, l’État soutient la relance de la culture du café haut de gamme dans la province, où les sols sont réputés pour leur qualité. Il appuie par ailleurs la création de coopératives agricoles, qui encouragent l’esprit d’entreprise et contribuent à revivifier des villages saignés par l’exode rural. La coopérative agricole de Kayié, Kabaga-Bayi (Coopak), près de Bongoville, a ainsi permis de repeupler un village qui ne comptait plus que 4 foyers. Aujourd’hui, 100 familles s’y sont établies, soit plus de 650 hommes et femmes, qui cultivent le manioc, principale culture de ce projet. Plus de 1 000 ha de manioc ont déjà été plantés, ainsi que 2 ha d’ananas et 10 ha d’agrumes. Et la coopérative vient de « tester » le cacao et le café, respectivement sur des superficies de 2 ha et 4 ha. Enfin, l’activité industrielle de la province devrait s’accélérer dans les mois à venir grâce à la mise en service du barrage de Grand-Poubara. D’ores et déjà, 4 turbines de la centrale (160 MW) sont opérationnelles et 2 lignes à haute tension ont été construites, notamment vers Moanda, où 2 nouvelles usines, l’une de manganèse métal et l’autre de silicomanganèse, entreront en activité très GEORGES DOUGUELI prochainement. l
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40 ans de progrès passés, 40 ans de défis à venir
OPRAG OFFICE DES PORTS ET RADES DU GABON
! Célébration
du 40e anniversaire de l’OPRAG. Ici l’inauguration de la nouvelle capitainerie du port d’Owendo par Brigitte Anguillet Mba, ministre de la Prévoyance sociale et de la Solidarité nationale, représentant le président de la République et en présence de Paulette Mengue M’Owono, ministre des Transports et de Rigobert Ikoumbouyat, Directeur général de l’OPRAG.
" Vue sur le port d’Owendo.
COMMUNIQUÉ
L’
Office des ports et rades du Gabon (OPRAG) voit passer chaque année 90% des échanges commerciaux du Gabon. Cela le met au centre de l’activité économique du pays et de ses stratégies de développement. Établissement public à caractère industriel et commercial, il a été créé le 30 mars 1974 par le président Omar Bongo Ondimba pour gérer les infrastructures portuaires du Gabon. Au moment où il fête ses quarante ans d’existence, sous le patronage du président Ali Bongo Ondimba, l’OPRAG enregistre des résultats impressionnants. Il doit aussi faire face à des défis qu’il s’attache à relever avec efficacité.
Le « Plan stratégique Gabon émergent » pour feuille de route
L’économie gabonaise en croissance, les performances des ports aussi
Afin de renforcer les prérogatives de l’OPRAG, une nécessité au regard des nouveaux défis imposés par le commerce international, la loi 022/2011, relative au développement des activités maritimes et portuaires, lui octroie un champ plus large d’actions et de compétences. Ses nouvelles missions concernent la modernisation des infrastructures portuaires et l’optimisation de leur utilisation. C’est aussi le respect de la libre concurrence, par la fixation des activités et du nombre de concessions à accorder, ainsi que le respect des cahiers des charges. Dans le cadre réglementaire, l’OPRAG est en train de mettre en place un Guichet unique portuaire. Son but : faciliter les procédures et veiller à l’accélération de la sortie des marchandises du port, tout en réduisant le coût de passage.
Depuis 2010, l’économie du Gabon enregistre une hausse soutenue de sa croissance et de ses échanges. Cela se traduit par une augmentation de 27 % des escales de navires dans les ports gabonais, ainsi que par une hausse du tonnage des exports (+30 %), des imports (+66 %) et du volume des conteneurs (+70 %). Sur la même période, l’OPRAG est pourtant parvenu à réduire le temps d’attente au port d’Owendo de 7,3 à 4,8 jours (-35 %), et de 7,8 à 4,2 jours (-45 %) pour les porte-conteneurs. S’il a pu remplir sa mission avec efficacité, c’est grâce aux progrès techniques et réglementaires réalisés et à ceux qu’il s’attache à mettre en œuvre.
La vision déclinée dans le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) et le Schéma directeur national des infrastructures (SDNI) oriente aujourd’hui l’évolution des ports gabonais. C’est dans sa lignée que l’OPRAG a conçu un plan d’action autour de trois domaines d’actions prioritaires.
Plus de concurrence et de meilleures performances
Une modernisation infrastructurelle tous azimuts Le troisième axe de développement prioritaire de l’OPRAG concerne le développement et la modernisation des infrastructures et équipements portuaires, matérialisation sectorielle du Schéma directeur national des infrastructures (SDNI). Dans ce cadre : • le terminal à conteneur d’Owendo, inauguré en novembre 2009, a amélioré ses performances grâce à de nouveaux équipements et à l’agrandissement de sa superficie de 3,2 ha (+ 45,7 %) ; • la mise en place de trois grues mobiles au port d’Owendo a permis une amélioration de la productivité de plus de 75 %, synonyme pour les opérateurs de 23 milliards de FCFA d’économies ; • l’ouverture de nouvelles lignes et l’établissement de lignes directes avec l’utilisation de navires non gréés a permis de réduire le coût du fret ; • l’insuffisance des aires et magasins de stockage a été atténuée par la viabilisation de 24,56 ha dont 4,7 ha couverts ; • 2X400m de linéaire quai sont en train d’êtres construits à Owendo et la réhabilitation du quai du port môle de Port-Gentil est en cours ; • des travaux sont engagés pour la construction d’un 4e quai à Owendo.
La nouvelle capitainerie de l’OPRAG, à Owendo, a été inaugurée le 12 avril dernier. Parmi les plus modernes et les mieux équipées d’Afrique centrale et de l’ouest, elle vient combler plusieurs manques dans le domaine de la surveillance du plan d’eau. Construite et équipée (AIS, VTS, cameras et caméra infrarouge, marégraphe) pendant deux ans pour un coût de 1,381 milliards de FCFA, elle dispose de tout le dispositif technique de surveillance de la sécurité, de la sûreté et de la navigation.
OPRAG OFFICE DES PORTS ET RADES DU GABON
SIÈGE SOCIAL : Owendo B.P. 1051 Libreville, Gabon
Tél. : + 241 70 00 48 - www.ports-gabon.com
Rigobert Ikoumbouyat, Directeur général de l’OPRAG
Des recommandations ont été faites à l’OPRAG, suite à la conférence organisée en avril dernier pour les 40 ans de l’institution, et intitulée « Modernité Portuaire et croissance africaine, quelles contributions pour lutter contre la pauvreté ? » Comment sont-elles prises en compte ? Nous avons créé des commissions au sein desquelles nous avons associé les opérateurs économiques portuaires et l’administration maritime, afin de mettre en œuvre chacune des six recommandations issues de la conférence. Je rappelle qu’elles concernent le renforcement du rôle de l’autorité portuaire, la modernisation de ses infrastructures et l’amélioration des performances logistiques.
Toutes ces recommandations serontelles suivies ? Elles le seront.Nous faisons appel à des cabinets conseil spécialisés pour cela.Un cabinet allemand nous accompagne par exemple sur la redéfinition du schéma directeur de chaque port. Mais nous travaillons particulièrement sur la redéfinition de la tarification du containeur, de son arrivée au port à sa gestion et à sa livraison vers l’importateur, un sujet sur lequel nous sommes conseillés par un cabinet singapourien. Cettequestionaétéparticulièrement soulevée par le président Ali Bongo Ondimba lors de son intervention à la conférence… Le président et le gouvernement nous encouragent à juste titre à réduire les coûts du transport pour
rendre l’économie plus compétitive et ainsi réduire la pauvreté. Si nous ne rencontrons pas trop d’obstacles, nous pensons pouvoir rendre public la nouvelle grille tarifaire au premier trimestre 2015. Je dois préciser que l’objectif n’est pas de pénaliser les opérateurs. L’OPRAG, en arbitre, se doit de protéger les consommateurs, tout en tenant te nt compte pt de la l po politique litiqu gouvernementale et des besoins des opérateurs.
“
Réduire le coût du transport pour réduire la pauvreté
„ DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
3 QUESTIONS À
Une nouvelle capitainerie pour l’OPRAG
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Économie
MAROC
Les maraîchers disent « merci Poutine »
SECTEUR MINIER
Frank Timis, l’empereur contesté Il a fait ses premières armes dans les gisements d’or de sa Roumanie natale avant de débarquer, il y a dix ans, en Afrique de l’Ouest. Son appétit pour les richesses du sous-sol semble insatiable. Mais ses méthodes ne plaisent pas à tout le monde. Y compris dans l’une de ses entreprises… CHRISTOPHE LE BEC
S
a dernière acquisition ? Quatre permis d’exploration dans l’uranium en juin 2014 au Niger. Un pays et une filière minière de plus pour Frank Timis, surnommé The Gusher – un terme qui désigne un geyser ou un puits de pétrole jaillissant –, en référence à sa rapidité légendaire à saisir les occasions qui se présentent. Âgé de 51 ans, cet homme d’affaires hâbleur et charismatique est en train de bâtir un empire N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
et
BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan
dans le secteur extractif en Afrique de l’Ouest, une région qu’il considère comme le nouvel eldorado minier. Le tycoon a commencé dans le fer et le diamant en Sierra Leone après la fin de la guerre civile, avant de s’intéresser au sous-sol de la Guinée, du Burkina Faso puis de la Côte d’Ivoire. « Le potentiel régional est comparable à celui du Nord-Ouest australien que j’ai connu dans les années 1970, à mes débuts », pariait, lors d’une interview à Jeune Afrique en janvier 2011, celui qui cumule les nationalités JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Wale Tinubu
Sim Tshabalala DG de Standard Bank
FINANCE
L’Afrique part à la pêche aux « islamodollars »
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VICKI COUCHMAN/CAMERAPRESS/GAMMA
PDG de Oando
DÉCIDEURS
roumaine et australienne. Et ce pari commence à porter ses fruits : sa mine de fer sierra-léonaise de Tonkolili a déjà démarré en 2012 ; celle de manganèse de Tambao (100 millions de tonnes de réserves estimées) au Burkina commencera sa production en décembre. Quant à la phase développement de son – modeste – gisement de fer du mont Klahoyo, dans l’ouest montagneux de la Côte d’Ivoire, elle débutera en 2015 ; et celle de son bloc pétrolier offshore CI-509, en 2016 (voir carte p. 93). JEUNE AFRIQUE
p Pour le self-mademan australoroumain, l’Afrique de l’Ouest est l’eldorado minier du XXIe siècle.
C’est depuis le siège londonien de son groupe, non loin du palais de Buckingham, que l’AustraloRoumain dirige ses affaires. Mais il cherche à faire d’Abidjan le cœur de son dispositif. Poids lourd économique et logistique dans la sous-région, la Côte d’Ivoire est un passage obligé pour l’exportation des minerais et des hydrocarbures qui seront tirés de ses gisements de l’hinterland ouest-africain. Grâce à ses deux avions privés, des Bombardier Challenger 604, il se rend régulièrement dans la capitale ivoirienne où il a promis aux autorités des N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Entreprises marchés investissements faramineux de plus de 5 milliards de dollars (3,73 milliards d’euros). Il en aurait les moyens : l’homme a su, jusqu’à présent, garder la confiance des grandes banques anglo-saxonnes comme JP Morgan, bien qu’il ait été condamné à 600000 livres sterling (750000 euros) d’amende en 2006 par la Financial Service Authority (FSA) pour déclarations mensongères – trop optimistes – à propos d’un projet pétrolier en Grèce. Sa filiale ivoirienne est installée au troisième étage de l’immeuble Teylium, dans le quartier du Plateau, le cœur des affaires abidjanaises. Et l’on voit régulièrement Frank Timis, mais aussi l’Anglais Guy Blakeney, son directeur du développement, et Alexander Fairbairn, son directeur opérationnel, dans les restaurants huppés de la capitale économique ouest-africaine. MAUVAISE PASSE. Alors que tout semblait bien
engagé sur le continent, l’homme d’affaires est entré dans une mauvaise passe ces dernières semaines. Mi-août à Londres, le conseil d’administration d’African Minerals, l’un de ses trois groupes actifs sur le continent, remettait en question son statut de PDG en raison d’une transaction opaque (lire encadré p. 93). Et pendant ce temps en Afrique de l’Ouest, c’est sa manière de faire des affaires qui fait l’objet de vives critiques. Frank Timis a toujours su s’attirer les bonnes grâces des hommes politiques en place, souvent avec l’appui de sociétés publiques et de personnalités bien placées. Une méthode qui a fait ses preuves en Afrique anglophone avant d’être appliquée côté francophone. En Sierra Leone, c’est par l’intermédiaire de Lord Anthony St John, connu au Royaume-Uni pour ses interventions dans les questions africaines, qu’il rencontre Ahmad Tejan Kabbah, le chef de l’État de l’époque, et l’un de ses proches, Gibril Bangoura, devenu depuis directeur général d’African Petroleum. Au Liberia, il a notamment rencontré à plusieurs reprises Robert Alvin Sirleaf, fils de la présidente libérienne et ancien patron de la compagnie pétrolière nationale Nocal. Au Sénégal, c’est avec Aliou Sall, le frère du président Macky Sall, qu’il fait des affaires, les deux hommes étant associés au sein de Petro Tim. À chaque fois, Timis, qui sait se montrer chaleureux, n’hésite pas à convoyer ministres et officiels à bord de l’un de ses jets privés, ainsi qu’on l’a vu faire au Burkina Faso au moment de la conclusion de la concession de Tambao, en 2013. En Côte d’Ivoire, la même approche a été appliquée. Après l’élection d’Alassane Ouattara à la présidence, en 2011, il a d’abord eu recours à Mamadi Diané, conseiller diplomatique très influent à la présidence et fondateur d’Amex International, une société de conseil en lobbying basée à Washington. Parsonintermédiaire,FrankTimisadébauchéFanta Diéné Kaba, l’ex-directrice générale de l’agence de communication Havas en Côte d’Ivoire. Il en a fait N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Les trois piliers d’un empire africain Pan African Minerals
• Société non cotée • Propriété exclusive de Frank Timis • Possède une filiale au Burkina Faso (gisement de Tambao, manganèse), une autre en Côte d’Ivoire et une troisième en Guinée African Minerals
• Cotée sur le marché alternatif à Londres (AIM) • Détenue à 13 % par l’homme d’affaires • Présente en Sierra Leone (gisements de Tonkolili, fer et diamants)
African Petroleum
• Coté à la bourse australienne ASX et à Oslo (Oslo Axess) • Détenue à 40 % par l’Australo-Roumain • Détient les concessions sur huit blocs pétroliers offshore au Liberia, en Sierra Leone, au Sénégal et en Côte d’Ivoire (deux blocs dans chacun de ces pays), deux autres étant en contentieux avec l’État gambien
la directrice générale de Pan African Minerals Côte d’Ivoire, actionnaire de toutes les filiales de Timis dans le pays. L’homme d’affaires a aussi bénéficié du soutien du ministre Adama Toungara, au moment où ce dernier cumulait les portefeuilles des Mines et de l’Énergie. African Petroleum a ainsi obtenu coup sur coup, fin 2011 et mi-2012, ses deux blocs pétroliers CI-509 et CI-513 au large de San Pedro, puis son permis minier du mont Klahoyo. Mais, sur les rives de la lagune Ébrié, la méthode Timis passe mal. Les patrons des secteurs logistique et extractif craignent d’être écartés des dossiers où il a des intérêts. Le groupe belge Sea Invest, concessionnaire du terminal minéralier du port d’Abidjan, en a fait l’expérience. « Alors que nous lui proposions une coopération commerciale, Frank Timis souhaitait prendre des parts dans notre capital. Et ses soutiens politiques nous ont mis une grosse pression », indique une source au sein de Sea Invest. Pour y échapper, la société a fait appel à Peter Huyghebaert, l’ambassadeur du royaume de Belgique en Côte d’Ivoire. Celui-ci a dû monter au créneau auprès du gouvernement, sollicitant même l’arbitrage du président Alassane Ouattara,quiafinalementdécidéquel’entrepreneur australo-roumain gérerait un terminal minéralier à part à Abidjan. VOIE FERRÉE. Sitarail, la filiale commune du groupe
Bolloré Africa Logistics (BAL) et des États ivoirien et burkinabè, est aussi dans le viseur de Frank Timis. Ce dernier avait réussi début 2014 à convaincre les deux exécutifs de lui confier le projet de réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya, actuellement géré par Sitarail, de même que son extension jusqu’à la mine de Tambao. Objectif de Timis : sécuriser l’acheminement de son minerai de manganèse jusqu’au port d’Abidjan. Pour la réalisation de ces infrastructures, Timis compte, comme il l’a fait en Sierra Leone, sur ses alliés chinois, et en particulier sur China Railways Group (CRG), qui avait construit la voie ferrée pour sa mine de Tonkolili en échange d’une partie de la production de fer. Un principe qui pourrait être appliqué pour le manganèse de Tambao ou le fer du mont Klahoyo… Mais Vincent Bolloré en personne a débarqué fin avril 2014 à Abidjan pour obtenir que la réhabilitation et la gestion de la voie ferrée Abidjan-Kaya lui restent acquises. « Timis n’a toujours pas renoncé au projet de chemin de fer. Désormais, il s’appuie sur le gouvernement burkinabè pour nous contraindre à lui faire une place », confie cependant un haut cadre de BAL à Abidjan. À Ouagadougou, Timis peut en effet se prévaloir de sérieux soutiens, à commencer par François Compaoré, conseiller économique à la présidence et frère cadet du président Blaise Compaoré, et par le Premier ministre, Luc-Adolphe Tiao. Le « Gusher » a plus d’un tour dans son sac pour parvenir à ses fins. l JEUNE AFRIQUE
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NIGER
Licences d’exploration d’uranium d’Ouricha 1 et 2, Tegmert 1 et 2 dans la région d’Agadès Pan African Minerals
Le « Gusher » place ses pions
Obtention en juin 2014
Arlit
BURKINA FASO
SÉNÉGAL
Projet minier et ferroviaire de manganèse Pan African Minerals
Rufisque Offshore Profond et Offshore Sud Profond 90 % African Petroleum
Tambao
SIERRA LEONE
GAMBIE
Kaya
Mine et voie ferrée 75 % African Petroleum
Blocs A1 et A4 60 % African Petroleum
CÔTE D’IVOIRE
En contentieux avec l’État, mars 2014
OCÉAN AT L A N T I Q U E
Projet minier et voie ferrée
Exploitation prévue après 2016
Tonkolili
Pan African Minerals
FREETOWN
Voie ferrée Kaya-Abidjan, gérée par Bolloré Africa Logistics, convoitée par Pan African Minerals
CÔTE D’IVOIRE
Terminal minéralier d’Abidjan Pan African Minerals
Mont Klahoyo
SIERRA LEONE
SOURCE : AFRICAN MINERALS, AFRICAN PETROLEUM, JEUNE AFRIQUE
Agadès
En exploitation à partir de décembre 2014
Blocs SL-03 et SL-044 100 % African Petroleum
San Pedro
Abidjan
LIBERIA
Gisements
Blocs LB-08 et LB-09 100 % African Petroleum
Fer
en exploitation
CÔTE D’IVOIRE
200 km
CÔTE D’IVOIRE
Projet de terminal minéralier de San Pedro Pan African Minerals
Uranium
Exploitation prévue après 2016
Pétrole
en exploration
Terminal portuaire
Voie ferrée existante en projet
Blocs CI-513 et CI-509 90 % African Petroleum
Manganèse
existant
en projet
Parts – Sociétés de F. Timis – Autres sociétés
SOUPÇONS DE MALVERSATIONS CHEZ AFRICAN MINERALS
L
e conseil d’administration d’African Minerals, qui s’est réuni mi-août en l’absence du fondateur du groupe, pourrait mettre un terme au mandat de ce dernier comme tout-puissant président. Selon Roger Liddell, directeur non exécutif du groupe, FrankTimis aurait autorisé un versement suspect de 50 millions de dollars au profit de Global Iron Ore (GIO), une société chypriote dont il détiendrait 25 % des parts. Cette transaction correspondrait à une indemnité versée à la suite de la résiliation d’un JEUNE AFRIQUE
contrat de logistique avec GIO, finalement attribué au groupe chinois Shandong Iron & Steel. Cette opération fait l’objet d’une investigation interne. Selon le quotidien britannique TheTimes, le fondateur et directeur général de GIO n’est autre qu’Eden Dervan, un ancien des forces spéciales britanniques (SAS) qui a été condamné pour possession illégale de matériel militaire en 2008 dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent. Et un des actionnaires de GIO serait Dermot Coughlan, un ancien directeur non exécutif
d’African Minerals qui a démissionné en juillet dernier. Les représentants de Frank Timis assurent qu’il ne détient pas de parts dans GIO et nient tout enrichissement personnel. Mais l’affaire met African Minerals dans l’embarras. Les fonds d’investissement BlackRock et FranklinTempleton auraient réduit leurs participations de plus de 10 % chacun à moins de 5 % aujourd’hui, entraînant une chute de 33 % du titre en une semaine à Londres. Le conseil d’administration d’African Minerals souhaiterait que FrankTimis
lâche à moyen terme les rênes au profit d’une gouvernance plus orthodoxe et transparente, à l’image de ce qui s’est passé au sein d’African Petroleum, où Frank Timis n’a plus de fonction opérationnelle depuis C.L.B. octobre 2013. l
POUR EN SAVOIR PLUS SUR CETTE AFFAIRE
N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Entreprises marchés
Les indiscrets
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rendez-vous à Dubaï !
VINCENT FOURNIER/J.A.
À
Ouagadougou (Burkina Faso), au siège de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’heure est aux derniers préparatifs avant le lancement de l’initiative « Investir dans l’UEMOA ». Avec l’appui du cabinet britannique Global Finance & Capital Limited (GFCL), Cheikh Hadjibou Soumaré (photo), président de la commission de l’institution régionale, organise une conférence internationale des investisseurs le 9 septembre au Madinat Jumeirah Hôtel de Dubaï, aux Émirats arabes unis. Objectif de cette rencontre à laquelle sont attendus les chefs d’État et de gouvernement des huit pays membres de l’Union: lever des fonds pour financer 17 projets intégrateurs dont les coûts sont estimés à 10 759 milliards de F CFA (plus de 15 milliards d’euros). Sur ce montant, 4 160 milliards de F CFA
seront consacrés à la réhabilitation et à la construction de 4 500 km de lignes ferroviaires, et 2 600 milliards de F CFA au prolongement de l’autoroute AbidjanYamoussoukro jusqu’à Ouagadougou. l
NOTATION LE PLATEAU DEVANCE ABIDJAN
VICAT
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CIMENT VICAT AFFRONTERA DAKAR À WASHINGTON
Nouveau rebondissement dans l’affaire qui oppose Vicat et l’État sénégalais. Le cimentier français accuse Dakar d’avoir fermé les yeux sur des manquements du groupe DangoteCement à la législation sénégalaise, entraînant une distorsion de concurrence. L’État sénégalais contestant la N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
compétence de la Cour commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan (CCJA) pour juger le dossier, le cimentier, défendu par le cabinet Jeantet, a finalement préféré déposer sa plainte à Washington auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), qui l’a jugée recevable mi-août 2014.
Le Plateau est devenu la deuxième collectivité locale d’Afrique de l’Ouest francophone, après la ville de Dakar, à se faire évaluer par une agence de notation. Dans une étude qu’elle s’apprête à publier, l’agence Bloomfield Investment a attribué la note BBB-/A2 aux levées de fonds en F CFA du quartier des affaires de la ville d’Abidjan. Ces notes de crédit devraient permettre à la commune de se financer par l’emprunt à des taux avantageux auprès des banques, mais aussi via des obligations sur le marché de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Avant la fin de cette année, ce sera au tour du district d’Abidjan d’être noté par la même agence.
CAPITALINVESTISSEMENT CENT MILLIONS DE DOLLARS POUR EUROMENA La société financière Capital Trust, immatriculée à Londres et spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, avance lentement mais sûrement dans la levée de son dernier fonds Euromena III. Le premier tour de table, qui doit se clore prochainement, a déjà permis à la société, dont l’activité d’investissement en fonds propres est dirigée par le Franco-Libanais Romen Mathieu, de réunir une centaine de millions de dollars. Parmi les bailleurs : la Société financière internationale, Proparco, l’allemand DEG et la Banque européenne d’investisserment. Une deuxième tranche doit permettre d’atteindre un total de 200 millions de dollars. Principale nouveauté de ce fonds : 30 % de ces sommes seront investies en Afrique subsaharienne.
BANQUE BNP RÉORGANISE SON PÔLE AFRIQUE Le groupe bancaire français vient de réorganiser son état-major sur le continent. Philippe Tartelin, directeur Afrique pour la partie banque de détail, dirigera une équipe d’une quarantaine de personnes basée à Paris. Elle aura la charge des activités des dix filiales du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) et de l’Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Comores, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Mali et Sénégal). Les ressources humaines pour l’Afrique seront aussi gérées au sein de ce nouveau département dans lequel Jean-François Fichaux reste responsable des filiales subsahariennes. JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés MAROC
Les maraîchers disent « merci Poutine » Depuis que Moscou a décrété un embargo sur les importations en provenance de l’Union européenne, les agriculteurs marocains s’organisent pour profiter de ce marché estimé à 11 milliards d’euros.
L
’
embargo imposé le 7 août par Moscou sur les importations alimentaires en provenance de l’Union européenne et des ÉtatsUnis est tombé comme un cadeau du ciel pour les exploitants agricoles du royaume chérifien. Champions régionaux de la production de primeurs, les Marocains voient en cette sanction russe une chance de booster leurs exportations et de compenser les pertes accusées sur le marché du Vieux Continent. En mai, l’Union européenne avait en effet annoncé de manière unilatérale une révision des conditions d’entrée des produits agricoles marocains. Une décision qui avait fortement affecté les opérateurs du secteur. Pour beaucoup d’entre eux, l’embargo russe sonne aujourd’hui comme une revanche. « Le hasard fait parfois bien les choses. La décision de l’Union européenne allait causer beaucoup de dégâts. On estimait à 50 000 les pertes d’emploi qui allaient en découler. Avec cette fenêtre ouverte par la Russie, l’optimisme est de retour », note Omar Mounir,grandexploitantagricolede larégionduSoussetporte-parolede la Fédération interprofessionnelle des fruits et légumes (FIFL).
lequel nous disposons de beaucoup d’atouts », détaille Hassan Sentissi, président de l’Association marocaine des exportateurs, l’Asmex. Les Russes connaissent bien les produits made in Morocco. En 2013, ils ont absorbé plus de 15 % des exportations agricoles marocaines. Pour les agrumes, Moscou est déjà le premier client du royaume (55 % de ses exportations). « Nos clémentines sont présentes sur les tables de tous les Russes. Nous allons tout faire pour augmenter ces parts, maintenant que la concurrence européenne est écartée », insiste un grand producteur d’agrumes de la région de Berkane. Des premiers contacts avec les importateurs ont déjà été établis. « Nous avons reçu récemment un important acheteur russe qui
voulait tout acheter : tomates, poivrons,courgettes,melons…Ils’intéressait également à nos produits de la mer, comme les sardines, certaines variétés de poissons nobles, mais aussi les coquillages », confie un exportateur.
En 2013, la Russie absorbait déjà plus de 15 % des exportations agricoles du royaume.
Les Russes raffolent des clémentines, telles celles conditionnées dans la région d’Agadir.
immense. Les exportations alimentaires européennes vers la Russie ont représenté l’année dernière un chiffre d’affaires de 11 milliards d’euros. Les Marocains ne peuvent pas espérer se substituer seuls à l’Europe, mais ils entendent bien profiter à plein de l’aubaine. « L’embargo concerne de nombreux produits comme la viande, la volaille, le porc, le fromage, l’huile d’olive,lesfruits,leslégumes…Nous n’avons pas les capacités pour combler tous ces besoins. Nous allons concentrer notre offensive sur les fruits et légumes, un secteur dans JEUNE AFRIQUE
ZAÏA HAMDI
AUBAINE. Le marché est en effet
C o m b i e n l e s Ma ro c a i n s espèrent-ils gagner dans cette offensive ? Les opérateurs préfèrent ne pas avancer de chiffres. « Nous sommes encore en période de production. Les choses sont plutôt calmes aujourd’hui. Nous aurons plus de visibilité dès les mois d’octobre et de novembre », signale Omar Mounir. En attendant, les opérateurs se sont mis en ordre de bataille. Leur stratégie sera dévoilée en marge de la commission mixte marocorusse qui se tiendra à Rabat du 15 au 17 septembre. Un « petit sommet » (programmé depuis deux ans déjà) qui réunira responsables politiques et hommes d’affaires des deux pays et qui sera suivi en octobre par une visite du roi Mohammed VI à Moscou. « Nous allons profiter de ces rencontres pour présenter notre offre globale. L’objectif est de tripler nos échanges dans le domaine agricole. Mais ce sera aussi l’occasion pour faire connaître d’autres produits marocains, comme le textile, le cuir ou le tourisme. Un embargo d’un an, c’est bien pour doper les affaires des exploitants agricoles. Mais si nous nous implantons sur le marché russe, c’est pour y rester », signale Hassan Sentissi, qui est également président de la commission mixte maroco-russe. Merci qui ? l MEHDI MICHBAL, à Casablanca N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Entreprises marchés INTERVIEW
Wale Tinubu
PDG de Oando
« Nous acceptons de prendre davantage de risques » En reprenant les actifs du pétrolier américain ConocoPhillips au Nigeria, le distributeur de carburants devient le plus important producteur local. Son patron évoque les nouvelles perspectives qui s’ouvrent pour le groupe.
C
ela a pris presque un an, mais c’est fait : Oando a finalisé début août la reprise des actifs du groupe américain ConocoPhillips pour 1,6 milliard de dollars. Une opération qui permet à la junior pétrolière nigériane d’atteindre une production de 60000 barils par jour (b/j), contre 10000 b/j auparavant. Coté à Lagos et à Johannesburg, le groupe dirigé par Wale Tinubu et présent au Ghana, au Bénin et au Togo, compte atteindre rapidement
les 100 000 b/j. Rencontre avec son patron. JEUNE AFRIQUE : Vous avez finalement pris le contrôle des actifs de ConocoPhillips au Nigeria. Pourquoi cela a-t-il pris tant de temps ? WALE TINUBU : Le processus a
commencé en septembre 2013. Il s’agissait d’absorber une des plus importantes sociétés du secteur et dont les actifs sont bien supérieurs aux nôtres. Pour y parvenir, nous avons levé les fonds en
effectuant des tours de table successifs : trois fois avec l’ouverture du capital par tranches de 350, 200 et 250 millions de dollars (262, 150 et 187 millions d’euros), et trois fois en ayant recours à l’endettement avec des emprunts de 450, 250 et 100 millions de dollars. Soit en tout 1,6 milliard de dollars. Nous avons été confrontés à quelques délais réglementaires – inévitables – et il nous a fallu six mois de plus que prévu pour obtenir l’autorisation du régulateur. Mais qu’est-ce que six mois quand ces puits s’apprêtent à produire pendant cent ans ? Cela valait la peine d’attendre ! Le secteur bancaire local vous a suivi dans cette aventure…
Parmi ceux qui nous ont soutenus dans cette opération, on compte entre autres FBN, FCMB, Diamond Bank, Ecobank. Les
Un grand bond en avant Chiffre d’affaires
3 milliards d’euros en 2012 ; plus de 4 milliards d’euros aujourd’hui
Production
10 000 b/j à l’origine ; entre 50 000 et 60 000 b/j postacquisition
Réserves
300 millions de barils équivalent pétrole, dont 213 millions grâce à l’acquisition de ConocoPhillips
AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS
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JEUNE AFRIQUE
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banques nigérianes ont apporté près de 50 % du financement total et elles étaient prêtes à en financer l’intégralité si les groupes étrangers avaient reculé devant le risque. Le marché réalise maintenant que l’exploitation des actifs pétroliers n’est pas réservée aux entreprises étrangères. Les acteurs locaux ont affirmé leur foi dans notre compagnie, car nous remboursons nos dettes et versons des dividendes à des institutions partout dans le monde, à des banques asiatiques, européennes et américaines. Pouvez-vous replacer cette opération dans le contexte de l’industrie nationale ?
Elle nous propulse au rang de principal producteur local de pétrole et de gaz. Nous disposons aussi des plus importantes réserves, et de loin. En outre, avec la compagnie nationale NNPC, nous sommes la première société locale à être un réel partenaire au sein de coentreprises avec des majors telles qu’Exxon, Total, Chevron, Shell ou ENI. Quelles perspectives cette opération vous ouvre-t-elle ?
Tout d’abord, elle nous donne accès à des infrastructures capables de traiter 350000 b/j. Pour l’instant, nous produisons 60 000 b/j. Il y a donc une grande capacité disponible que nous devons utiliser. Pour cela, nous allons augmenter notre production. Deuxièmement, nous possédons notre propre oléoduc et notrepropreterminald’exportation. Nous n’avons donc pas à payer de frais de manutention à des majors. Troisièmement, nous avons des gisements non encore exploités qui pourront être reliés au système de production. Enfin, nous reprenons une centrale électrique au gaz déjà opérationnelle. Votre compatriote Kola Karim, le patron de Shoreline Energy, dit au sujet des acteurs locaux : « Nous ne sommes pas des étrangers, et JEUNE AFRIQUE
ça change tout… » Partagez-vous cet avis ?
Je ne crois pas que cela soit aussi simple. Certes, plus les actifs sont fragmentés, sous le contrôle d’intérêts locaux, mieux c’est. De plus en plus de communautés locales sont impliquées dans la gestion de ces actifs et elles en bénéficient. Mais il faut éviter une situation où une trèsimportantesurfaceestcontrôlée par un seul producteur. Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents nigérians ?
Toutd’abord,noussommesbeaucoup plus importants. Nous pesons 5 milliards de dollars. Ensuite, nous contrôlons de vastes réserves. Nous sommes cotés, nous avons des actionnaires internationaux et locaux. Mais nos concurrents, comme Splat, par exemple, sont de plus en plus actifs. Cela crée une saine émulation. Par rapport à celles des majors, nos perspectives sont différentes.Implantéesailleursdans le monde, ces sociétés arbitrent les stratégies d’investissement à un niveau global. En tant que producteurs locaux, notre horizon est plus limité,etnousacceptonsdeprendre davantage de risques. Êtes-vous à l’affût d’autres opportunités ?
Tant qu’il y aura des gisements prouvésetviables,nousconsidérons que, au prix auquel nous voyons ces actifs, notre politique doit être d’en acquérir autant que possible ces deux prochaines années. Nous avons le sentiment que la majeure partie des transferts de valeur a lieu en ce moment. Et, très bientôt, la fenêtre se refermera pour les quarante prochaines années. Nous recommencerons donc à lever des fonds pour des acquisitions. Mais nous avons atteint notre objectif de réserve et atteindrons nos objectifs de production. À présent, nous allons nous concentrer sur l’opérationnel. l
Retrouvez sur
economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :
Innovation SAP va investir 500 millions de dollars en Afrique d’ici à 2020 Exportations Forte poussée du secteur automobile marocain au premier semestre Aérien Air France participera au lancement de Congo Airways Afrique du Sud Moody’s baisse d’un cran la note des quatre principales banques L’interview de la semaine
Stanislas Zézé
PDG de l’agence de notation Bloomfield Investment
« La notation de la Côte d’Ivoire a rassuré les entreprises locales »
Propos recueillis par NICHOLAS NORBROOK N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Décideurs AFRIQUE DU SUD
Tshabalala, le banquier qui venait de Soweto Premier Noir à la tête de la plus importante banque africaine, ce juriste de formation pilote le recentrage de Standard Bank sur le continent.
L
orsqu’on lui demande comment s’est déroulée sa première année à la tête de Standard Bank, Sim Tshabalala évoque immédiatement la situation financière de l’établissement, parle d’atteindre 15 à 18 % de rentabilité des capitaux propres d’ici à 2016 – contre 14 % aujourd’hui. Ce n’est que si on le questionne explicitement sur son sentiment personnel que le jargon disparaît. Il évoque alors sincèrement le stress qu’implique son nouveau poste. « Il faut un certain temps pour s’y faire », reconnaît-il. Dans un sourire, il s’empresse d’ajouter que son rôle est « fantastique », parfaitement conscient de la responsabilité que représente la gestion de la première banque d’Afrique, vieille de cent cinquante-deux ans et riche de quelque 166 milliards de dollars (124 milliards d’euros) d’actifs. « On se sent comme un intendant posé sur les épaules des grands hommes qui ont occupé le poste avant vous. La pression est énorme. J’ai l’obligation de développer cet établissement et de le laisser dans une forme encore meilleure que celle dans laquelle je l’ai trouvé. » Lorsque Sim Tshabalala est nommé en mars 2013, il devient le premier directeur général noir de Standard, et le deuxième parmi les quatre premières banquesd’Afrique du Sud, après Sizwe Nxasana, PDG de First Rand. Mais il n’est pas seul en poste. En effet, pour remplacer le Sud-Africain Jacko Maree, qui avait imprimé sa marque à la tête de la banque pendant plus de treize ans, Standard, détenu à 20 % par le chinois ICBC, a décidé de nommer deux dirigeants au lieu d’un. Sim Tshabalala partage donc N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
MARIELLA FURRER/COSMOS
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Vingt ans pour grimper au sommet de la finance
1991
Juriste chez Bowman Gilfillan, cabinet d’avocats à Johannesburg
1994
Débuts dans la finance chez Real Africa Durolink
2000
Embauché à la Standard Bank en tant que directeur des financements structurés
2001
Devient chef des opérations
africaines de la banque hors de l’Afrique du Sud
2008
Nommé directeur général des opérations sud-africaines du groupe
le poste avec Ben Kruger. Les deux hommesontunelongueexpérience au sein de la banque : le premier dirigeaitlesopérationsdugroupeen AfriqueduSud,tandisquelesecond pilotait la banque de financement et d’investissement. HAUTES SPHÈRES. Sim Tshabalala
a rejoint Standard Bank en 2000. C’était vingt ans après la première élection démocratique marquant la fin de l’apartheid, mais la couleur
2009
Devient directeur général délégué du groupe
2013
Nommé directeur général en collaboration avec Ben Kruger
de la peau restait une question sensible dans une économie encore dominée par la minorité blanche. Ce n’est pas un sujetque cet homme affable de 46 ans à l’air juvénile cherche à éviter. De sa voix mesurée et calme, il reconnaît que les « hautes sphères » de Standard Bank « reflètent l’histoire de l’apartheid ». En d’autres termes : la plupart des cadres supérieurs de la banque sont blancs. « C’est une réalité complexe, poursuit-il. Cela fait partie de notre JEUNE AFRIQUE
Décideurs
JEUNE AFRIQUE
DR
ON EN PARLE
ÉRIC LARRAYADIEU POUR J.A.
VICTOR BANNERMAN-CHEDID TRACE TV La chaîne française consacrée à la musique et au sport a nommé cet ancien cadre d’Airtel Zambie au poste de directeur des opérations. Il sera chargé de la coordination des services opérationnels du groupe sur l’ensemble du continent.
VALENTINE RUGWABIZA RWANDA L’ancienne directrice générale de l’agence Rwanda Development Board (RDB) et ex-directrice générale adjointe de l’Organisation mondiale du commerce est désormais ministre pour la Communauté d’Afrique de l’Est. Francis Gatare lui succède au RDB.
DR
en droit, devenant ainsi le prehistoire. Cette situation reflète la mier de sa famille à obtenir un répartition des connaissances, des compétences et des talents. » diplôme universitaire. Plus tard, il Leproblèmedépasselabanqueet obtient une maîtrise à l’université concerne toute l’Afrique du Sud: les Notre Dame, dans l’Indiana, aux Blancs représentent environ 11 % de États-Unis. Après quelques années la population active, mais trustent passées au sein d’un cabinet d’avotoujours 63 % des postes de direccats sud-africain, Sim Tshabalala tion, 20 % seulement étant occupés décide qu’il n’est pas fait pour cette par des Noirs, selon la Commission carrière. Son pays est en pleine du gouvernement pour l’équité en mutation et, en 1994, il entre dans le matière d’emploi. monde de la finance en rejoignant La lenteur de cette évolution Real Africa Durolink, une société s’explique en partie par le caractère de services financiers. Six ans plus très discriminatoire tard, il est recruté par Standard Bank pour du système éducatif « À l’école, diriger ses activités hérité du temps de j’étais comme de financements l’apartheid. Mais le structurés. secteur privé est aussi un outsider : Résolument optiparfois accusé de traîun Noir parmi mistes quant à l’avener les pieds. « Les les enfants nir de l’Afrique du choses ne bougent Sud et de l’Afrique pas assez vite, reconblancs. » en général, les deux naît Sim Tshabalala. directeurs ont maintenant la Mais je ne pense pas qu’il existe responsabilité de parachever le un accélérateur unique sur lequel recentrage de la banque sur son il suffirait d’appuyer. Il faut que les continent d’origine, en pleine universités forment des personnes compétentes aussi bien en sciences expansion économique. « Tous les qu’en lettres. C’est un processus grands indicateurs de changement et de développement sont passés global. » au vert », affirme Tshabalala. Les deux dirigeants se sont OBSTACLES. L’histoire de Sim Tshabalala est exemplaire, et reprépartagé les responsabilités : les directeurs des opérations intersentative des obstacles qu’il faut nationales relèvent de Ben Kruger surmonter quand on est un jeune NoirtalentueuxenAfriqueduSud.Il tandis que Sim Tshabalala supera grandi à Soweto, le township tenvise le travail des responsables des taculaire de Johannesburg où son unités africaines. Et tous deux trapère tenait une boutique de poulets vaillent en étroite collaboration. frits. Ses parents ont épargné pour Au nouveau siège de la banque, pouvoir l’envoyer, lui, l’aîné de leurs à Rosebank, une banlieue de trois enfants, dans une école cathoJohannesburg, ils sont assis l’un lique dans la banlieue blanche où en face de l’autre, et s’entendent il était l’un des rares élèves noirs. visiblement à merveille. « Nous À l’époque, face aux manifestaavons les mêmes valeurs et le tions et aux mouvements de promême bagage culturel, même si testation, le régime s’accrochait au lui est afrikaner et moi, zoulou », pouvoir par la répression. En rependit Tshabalala. sant à ces années, Sim Tshabalala Bien qu’il fréquente l’élite écoconfie: « J’ai passé une grande partie nomique et politique du pays, de ma vie avec le sentiment d’être le banquier, dont les parents un étranger, un outsider. À l’école, vivent toujours à Soweto, n’a pas j’étais un Noir parmi les enfants oublié ses origines. Lorsqu’on lui blancs. Et à Soweto, j’étais aussi demande s’il se sent toujours un considéré comme un étranger étranger, il répond en riant : « Je suis un outsider de l’intérieur ! » l parce que j’allais à l’école dans les banlieues. » ANDREW ENGLAND Il poursuit ses études à l’univer© Financial Times et Jeune Afrique sité Rhodes, dont il sort diplômé Tous droits réservés
SANI YAYA BTCI Le directeur de l’audit du groupe Ecobank est nommé administrateur général de la Banque togolaise pourle commerce et l’industrie (BTCI). Sa mission : assainir les comptes de cet établissement avant une possible privatisation. N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Finance
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t Pour attirer l’argent des Émirats, les pays africains se mettent à la finance islamique.
KARIM SAHIB/AFP
Institution, basé à Washington, le recours au sukuk convient bien au financement des projets d’infrastructures: ces derniers requièrent quelesfluxfinancierssoientgénérés à partir d’actifs – routes à péages, revenus immobiliers par exemple. « Mais la première fois que l’on procède à ce type d’émission, il faut s’attendre à de longs délais », prévient-il, se référant au besoin de créerdenouveauxdocumentsetdes véhicules de titrisation spécifiques pour acquérir ces actifs. DÉVELOPPEMENT
L’Afrique part à la pêche aux « islamodollars »
POIDS LOURDS. Les pays d’Afrique
Au Maghreb comme au sud du Sahara, les produits financiers compatibles avec la charia se multiplient. Autant de vecteurs qui permettent aux pays du Golfe d’investir dans les infrastructures.
L
es pays africains rivalisent pour attirer les capitaux du Moyen-Orient. Après le Sénégal, qui a émis, avec succès, une obligation chariacompatible de 100 milliards de F CFA (152,5 millions d’euros) en juillet, l’Afrique du Sud s’apprête à lui emboîter le pas pour un montant d’environ 750 millions de dollars (560 millions d’euros). Avant la fin decetteannée,d’autrespayscomme la Tunisie, l’Égypte ou la Mauritanie sontégalementattendussurcemarché financier (voir tableau). Et les États ne sont pas les seuls à recourir à ce type de financement: la filiale sud-africaine du groupe bahreïni Al Baraka Banking Group a elle aussi annoncé récemment son intention d’émettre un emprunt sukuk (compatibleaveclespréceptesdel’islam). Selon Adnan Halawi, un expert travaillant pour Zawya, le portail d’informations de Reuters spécialisé en finance islamique, « les économies des États membres du Conseil de coopération du Golfe [qui regroupe six pays, dont les Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweït] sont très solides en ce N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
moment et elles veulent investir. L’Afrique est une terre d’opportunités pour ces nations. » L’intérêtdeséconomiesafricaines pour les produits financiers islamiques croît d’autant qu’ils apparaissent avantageux. « Ils sont adossés à des actifs tangibles, pour éviter de payer des intérêts, interdits par l’islam ; l’investisseur partage davantage les risques », explique Adnan Halawi. Dans le cas de l’acquisition d’une maison, une banque islamique l’achète pour le compte de son client après avoir contracté avec celui-ci un accord selon lequel il rachètera plus tard le bien à un prix un peu plus élevé. Selon Amadou Sy, chercheur au sein du think tank Brookings
Quatre emprunts d’État « halal » en perspective
Monnaie d’émission
Montants (million de $)
Égypte
Dollars
2 000
Afrique du Sud
Dollars
750
Tunisie
Dinars
435
Mauritanie
Dollars
300
du Nord ont été lents à développer des cadres réglementaires régissant ce typedefinance.Maisilssemblent rattraper ce retard. L’an dernier, la Tunisie et l’Égypte ont adopté des lois visant à encourager l’essor de la banque islamique. En juin 2013, l’Assemblée nationale marocaine autorisait les banques – locales et étrangères–àouvrirdessuccursales « charia-compatibles ». Ainsi, après Attijariwafa Bank, qui a lancé en 2010 sa filiale Dar Assafaa, BCP et BMCE Bank, les deux autres poids lourds du pays, lui ont emboîté le pas cette année en lançant leurs propres structures « halal ». MêmetendanceausudduSahara où le groupe britannique Standard Chartered a lancé en mars sa première offre charia-compatible au Kenya. Et Barclays Africa Group, qui a déjà ouvert des guichets de banque islamique en Afrique du Sud, au Kenya et en Tanzanie, s’apprête à proposer des services similaires au Mozambique et en Zambie. « Les autorités régulatrices en Afrique cherchent à encourager le développement de la finance islamique », affirme Kariuki Ngari, à la tête de la banque de détail Afrique de Standard Chartered. « D’ici à la fin de la décennie, ce secteur pourrait représenter jusqu’à 10 % des actifs bancaires dans cinq ou six pays d’Afrique subsaharienne », prédit-il. l LOUISE REDVERS, à Dubaï (The Africa Report) JEUNE AFRIQUE
Baromètre
Finance
ECOBANK
« Bonnes perspectives en 2014 » La stagnation du titre est aussi liée au manque de visibilité sur la dilution de l’actionnariat actuel: NedBank a décidé de convertir sa créance de 285 millions de dollars (215 millions d’euros) en actions, ce qui correspond à 12,6 % du capital. Le dénouement de cette opération pourrait aussi relancer l’intérêt des investisseurs pour le titre. En effet, Ecobank devrait afficher dans les années à venir une croissance à
Hermann Boua Directeur de la recherche chez Hudson & Cie
deux chiffres pour les prêts, les dépôts, mais aussi pour le produit net bancaire et le résultat net. Avec un ratio prix sur actif net de 0,86, le titre se négocie bien au-dessous de la moyenne du secteur, qui est de 1,88. » l
Évolution du cours d’Ecobank 60 Prix en F CFA 50
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07/03/2014
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20/08/2014
06/05/2014 30
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SOURCE : BRVM
Les résultats du premier semestre annoncés par le groupe bancaire panafricain confirment les bonnes perspectives pour 2014. Le produit net bancaire a progressé de 14 % et le résultat net de 15 % par rapport aux six premiers mois de 2013. Mais ces bons chiffres n’ont pas encore eu d’effet à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan. Le cours de l’action est resté stable, autour de 50 F CFA (7,6 centimes d’euro). Après la forte baisse des performances de l’an dernier, en raison d’un assainissement de l’actif (une importante provision concernant le Nigeria), les investisseurs ne réagiront qu’en début d’année prochaine, quand les résultats annuels définitifs seront publiés.
Communiqué
La société Sage, un des principaux éditeurs mondiaux de logiciels de gestion professionnels, porte à votre connaissance le résultat des actions en justice qu’elle a menées ces derniers mois contre des sociétés pirates. !"# $%&&'("# ") *+),-.)# ")/%0 '&"+$"# #1,234"+) 5 620#*"0-# &*22*"-# $1"0-%# ") $"# 6"*+"# $" 6-*#%+ %+) ,('2"&"+) ,), *+7*(,"#8 9'(" -'66"22" :0" 2"# 2%(*;*"2# #%+) 6-%),(,# 6'- 2" <-%*) $1=0)"0-8 >%6*"-? $*#)-*@0"-? ),2,;A'-("- %0 4"+$-" $"# 2%(*;*"2# #'+# 21'0)%-*#')*%+ $" 21,$*)"0- ;%+#)*)0"+) $"# ';)"# $" ;%+)-"B'C%+ 6'##*@2"# $" 6"*+"# $" 6-*#%+ ") $1'&"+$"#8
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Plusieurs contrefacteurs (pirates) ont été condamnés par décisions de justice pour avoir reproduit et/ou utilisé illégalement la marque Sage ou ses logiciels.
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Culture & médias
STREET ART
Djerba sous les La fine fleur des graffeurs du monde entier s’est retrouvée en Tunisie, dans l’île aux sables d’or. Ils ont transformé un paisible bourg agricole en un lieu où l’imagination et la création se sont donné rendez-vous, sous l’œil curieux des habitants. Reportage.
S
woon, Julien « Seth » Malland, Liliwenn, BomK… Pour les profanes, ces noms peuvent sembler des pseudos pour jeux en ligne, mais ce sont ceux de graffeurs parmi les plus expressifs du Cap à Brooklyn. Cet été, ils se sont tous croisés en Tunisie, à Djerba, où ils ont posé bombes et pinceaux pour la plus grande et la plus décalée des
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FRIDA DAHMANI, envoyée spéciale
expériences: transformer Erriadh en un incroyable musée à ciel ouvert. Depuis début juillet, ce paisible bourg agricole et commercial du centre de l’île aux sables d’or est sorti de sa quiétude en cédant ses murs et ses espaces publics à l’expérience la plus graphique du moment, « Djerbahood ». Une initiative que l’on doit à Mehdi Ben Cheikh, promoteur du projet et fondateur de la galerie Itinerrance, à Paris (lire encadré p. 104), qui réalise JEUNE AFRIQUE
Culture médias rencontre avec la culture locale a métissé mon travail », reconnaît le Mexicain Saner, qui s’inspire de Boussaadia, personnage du folklore tunisien, pour peindre un masque aux résonances aztèques et africaines. Afin que le projet s’intègre pleinement dans le paysage urbain et soit accepté par la population, les organisateurs ont pris le temps d’en discuter avec les villageois. Au départ, beaucoup étaient sceptiques. Certains craignaient que les lettres dessinées par des calligraphes comme Shoof ne soient pas de l’arabe mais représentent des signes cabalistiques. Mais l’œuvre du Tunisien DaBro a convaincu les plus réticents. « Cette expérience est singulière, c’est une chose nouvelle, une forme d’image que l’on ne connaissait pas, mais finalement elle est positive. Ce n’est pas parce que nous sommes des villageois que nous sommes hermétiques à ce qui est différent. Bien au contraire ! Le beau fait du bien », assure Habib, producteur de fruits et légumes qu’il vend au marché, espace ouvert investi par « Djerbahood », tandis que son voisin rappelle que dans les années 1960 des fresques sur céramique décoraient les halles aux poissons. « Ils ont tout compris », jubile l’Espagnol Malakkai, qui du haut de son échelle suscite la curiosité.
bombes là une formidable opération d’art urbain. Touche après touche, 150 artistes de 30 nationalités différentes ont métamorphosé ce village traditionnel façonné de blanc et de bleu. Au fil des jours, les habitants un peu éberlués ont vu surgir au détour des rues des fresques colorées et impressionnantes, comme l’immense procession de cavaliers réalisée par l’Argentin Jaz, la pieuvre géante du Belge Roa ou le caméléon mystique du Mexicain Curiot. « Les artistes ne sont pas intervenus in situ au hasard. Nous leur avons envoyé des images du village, et ils nous ont transmis leurs projets », explique Mehdi Ben Cheikh. « À partir des photos reçues, j’avais plusieurs projets en tête, mais la JEUNE AFRIQUE
p Œuvre de l’artiste mexicain Curiot, réalisée à Erriadh.
NICOLAS FAUQUÉ
FESTIF. Dès l’annonce du projet, les artistes ont
répondu présent. « Ils se connaissent tous, s’observent à travers le Net, se croisent sur les festivals, mais, à Djerba, ils ont vécu quelque chose d’unique. Ils logeaient ensemble dans des appartements, dormant à même le sol. Tout s’est mis en place naturellement dans une ambiance festive », remarque le promoteur du projet, qui a coûté près de 120 000 euros, dont la moitié a été prise en charge par le ministère tunisien du Tourisme. Pour le Sud-Africain Faith47, « Djerbahood » a été l’une des rares occasions où les plus prestigieux artistes de rue ont vraiment pu se rencontrer, échanger et « s’éclater ensemble ». Mais le volet logistique pour réunir des artistes du monde entier n’a pas été le plus difficile pour l’équipe de « Djerbahood ». Elle a d’abord veillé à la scénographie en créant des ambiances différentes à travers trois espaces clés : le centre d’Erriadh, le marché et les vieux abattoirs abandonnés, à la périphérie, où les artistes s’expriment sans contrainte. Le passage d’un pôle à l’autre est graduel, sans rupture, tandis que certains graffeurs, comme Roa, font du hors-piste en intervenant sur les pans de murs délabrés de houch – habitat traditionnel djerbien – abandonnés dans les campagnes environnantes. « Pour nous qui opérons dans l’éphémère, travailler dans de telles conditions est tout simplement fabuleux. On a toutes les superficies voulues pour nous exprimer. C’est d’autant plus fantastique que nos œuvres ne seront pas démolies comme cela a été le cas pour l l l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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Découvrez les plus belles réalisations du projet « Djerbahood »
Culture médias Street art
NICOLAS FAUQUÉ
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"Paris 13" ou dans le Bronx », précise l’Italien Orticanoodles, tandis que le Portugais Mario Belem s’étonne de retrouver à Djerba des camaïeux de bleus semblables à ceux de son pays natal, si bien qu’il a recouvert des pans de murs et des arches de représentations d’azulejos. En quelques semaines, les bâtiments ont été habillés de calligraphies et d’innombrables portraits de femmes, mais surtout d’un univers animalier surprenant, à la fois mythologique et surréaliste. Une expérience osée pour une île plutôt traditionaliste. lll
p Un univers animalier à la fois mythologique et surréaliste égaie les rues de Djerba (ici l’œuvre du Belge Roa).
BRÈCHE. Avec plus de 90 œuvres achevées, Erriadh
est devenu une galerie à ciel ouvert très courue, aussi bien par les Tunisiens que par les touristes : « Jusqu’à présent, on ne voyait presque personne : les touristes qui allaient visiter la Ghriba [la plus ancienne synagogue au monde, située dans le sud
de la commune] ne passaient pas par le village », souligne la propriétaire d’une maison d’hôtes. Désormais le village est l’attraction principale de l’île. « Le but était de créer un événement culturel permanent qui développe des activités annexes. Le street art n’est pas issu d’écoles, il vient d’en bas, il est le plus démocratique qui soit puisque partagé par tous. La révolution tunisienne a ouvert une brèche où s’engouffre la liberté d’expression. Maintenant, on entreprend, on ose. Il est presque plus facile d’opérer ici qu’en France, où il n’est pas aisé d’exploiter l’espace urbain », explique Mehdi Ben Cheikh. Les premiers à être ravis sont les jeunes, qui ont suivi de près cette métamorphose et s’improvisent avec fierté, mais pour quelques sous, guides d’une exposition quasi pérenne. À moins qu’elles ne soient arrachées ou détruites, les fresques sont traitées pour résister au soleil et aux intempéries pendant une quinzaine d’années. l
ITINÉRANCE D’UN ENFANT GÂTÉ
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vec des parents enseignants aux Beaux-Arts àTunis, Mehdi Ben Cheikh, binational de 40 ans qui a vécu en France comme enTunisie, est tombé dans le chaudron artistique dès l’enfance. Promoteur, depuis 2004, de la galerie Itinerrance, dans le N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
13e arrondissement de Paris, et ancien professeur d’arts plastiques pris de passion pour le street art, il assure que « le choix de l’art urbain, qui réinterroge la raison d’être de la pratique artistique, était une évidence. Comme tous les grands courants, il subit beaucoup
de refus, de mépris. C’est ce qui m’interpellait le plus, sans doute un effet générationnel ». Et de poursuivre : « Autrefois l’Occident donnait l’impulsion, et le reste du monde faisait du mimétisme. Aujourd’hui, avec l’art de la rue, toutes les scènes sont en
connexion, s’expriment en instantané et en simultané. » En 2013, ce même diplômé de la Sorbonne avait fait courir le Tout-Paris pour admirer l’intervention d’artistes sur 16 murs monumentaux de la « Tour Paris 13 » avant F.D. sa destruction. l JEUNE AFRIQUE
Culture médias grandes formations du pays, le redoutable Kebendo Jazz. La jeune fille a grandi au son de ces orchestres locaux exégètes de la politique d’authenticité culturelle de Sékou Touré, mais aussi du bruit et de la Avec son troisième album, Sia Tolno revêt sa tenue fureur des conflits qui animent cette région de combat et dénonce sur un afrobeat endiablé le machisme frontalière de la Sierra Leone (où elle a ambiant et les maux qui gangrènent le continent. passé une partie de son enfance) et du Liberia,aucoursd’unedizained’annéesde e cherchez pas à mettre la Tolno prend le machiste Fela à contre-pied guerres, de trafics et de massacres en tous Guinéenne Sia Tolno dans et prône un féminisme panafricain. Elle genres. Des événements qui marqueront une case, elle déjouera tous fait pourtant ici appel à Tony toute une génération dont vos pronostics ! Après avoir Allen, batteur légendaire, chef elle fait partie. Bien peu ont visité les musiques mandingues et la soul, d’orchestre de l’Africa 70 et pu exorciser ces démons du créateur patenté de l’afropassé. Elle le reconnaît sans elle s’attaque avec son troisième album, beat. Et elle réussit le tour de ambages : « La vérité n’est African Woman, à l’afrobeat, une incursion force de livrer un album fort pas dans la guerre, on ouvre rare pour une chanteuse africaine. Elle convaincant. « L’afrobeat est les portes de lieux obscurs, livre ici une ode aux femmes africaines, une musique d’expression c’est comme une maladie, bien éloignée de ce que pouvait chanter des colères qui est la haul’esprit se rétrécit. Comment Fela Anikulapo Kuti en 1972 sur le tube teur de ce que je veux dire », faire si l’on ne sait pas si l’on panafricain “Lady”. Il y fustigeait en effet African Woman, commente-t-elle sobrement sera encore vivant à la fin de les effets néfastes de l’occidentalisation sur de SiaTolno (Lusafrica) par rapport à cette nouvelle la journée ? La guerre a brisé les Africaines. Il pensait que le féminisme direction musicale. mes rêves ! » alors en vigueur allait irrémédiablement les corrompre. « African woman, no go D’ethnie kissie, Sia Tolno est originaire agree… », entonnait-il vigoureusement en de Guéckédou, dans le sud de la Guinée, VERVE RARE. Ce n’est qu’arrivée à pidgin. Quarante-deux ans plus tard, Sia une région berceau de l’une des plus Conakry au milieu des années 1990 que Sia Tolno commence à chanter dans différents « maquis », se frottant à de nombreux « La guerre a répertoires, traditionnels et occidentaux. brisé mes Elle est finalement remarquée par Pierre rêves ! » avoue Akendengue et José Da Silva lors de la la Guinéenne. première édition d’Africa Star en 2008, à Libreville. Deux albums, Eh Sanga en 2009 et My Life en 2011, imposent enfin sa voix sur la scène internationale. Elle y visite les traditions musicales guinéennes tout en flirtant avec la soul qu’elle chantait déjà il y a quinze ans dans les clubs de Conakry. Ce troisième opus est une variation sur des rythmes déjà entraperçus sur l’album précédent. Des sonorités plus noires, plus profondes plongent ici dans un torrent d’émotions canalisées par la batterie impériale de Tony Allen. Ce disque se veut avant tout une reconnaissance de la cause des femmes africaines, l’afrobeat renforçant ici son propos choc. « Je veux rendre hommage aux femmes africaines avec ce disque. Je m’adresse aux femmes pour qu’elles ne tolèrent plus les maris humiliants et qu’elles respectent enfin leurs valeurs. » Sia Tolno dénonce ici pêlemêle et avec une verve rare le machisme ambiant, le manque d’éducation et l’excision. Elle parle tout simplement des Africaines et de leur condition, dans un vortex afrobeat où beauté, dignité et espoir se confondent. l MUSIQUE
Amazone panafricaine
YOURI LENQUETTE
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FLORENT MAZZOLENI JEUNE AFRIQUE
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Culture médias LITTÉRATURE
Un long chemin vers la liberté Dans un roman saisissant, André Brink se penche sur son histoire familiale. Et narre l’horreur de l’esclavage tel qu’il se pratiquait au XIXe siècle en Afrique du Sud. Un système qu’ont combattu les captifs par tous les moyens, y compris par le droit.
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otre vie entière dépend des autres. C’est justement ça que je ne veux plus. » En 1832, dans la province du Caab (Le Cap), une femme se rend auprès du Protecteur des esclaves et porte plainte contre François Brink, le fils de son propriétaire, dont elle a porté les quatre enfants et qui lui avait promis de l’affranchir pour vivre à ses côtés. Mais c’était compter sans la pression sociale et familiale. Cornelis Brink, le patriarche, maître du domaine de Zandvliet et d’une vingtaine d’esclaves originaire de la région mais aussi du Mozambique et de Batavia (Jakarta), ne l’entend pas ainsi. Son exploitation est au bord du gouffre. Seul moyen d’éviter la banqueroute, pense-t-il : que son fils épouse une femme issue d’une grande famille de notables et à la dot considérable. Lâche, peu enclin à affronter ni son père ni les qu’en-dira-t-on, Frans renonce à Philida et à ses enfants, qui seront alors mis aux enchères lors
d’une foire aux esclaves. Amère, Philida découvre que « dans ce pays, la loi a pas le dernier mot » et s’interroge : « Comment qu’une chose comme la liberté peut faire si mal ? » Mais, déterminée à ne plus être « un tricot tricoté par quelqu’un d’autre », cette femme courageuse parviendra à imposer aux Blancs le respect qu’ils lui doivent en tant qu’être humain. Et finira, quelques années plus tard, par conquérir aux côtés des siens sa liberté. L’abolition de l’esclavage n’aura pas été accordée par les Blancs mais arrachée de haute lutte par les Noirs, affirme-t-elle. « Je sais maintenant que je suis libre, pas parce que quelqu’un a dit que tel ou tel jour je dois être libre. Je suis libre parce que je suis libre. Parce que j’ai moi-même pris ma liberté. Je l’ai prise et je l’ai choisie. » Philida est alors un récit initiatique, celui d’un peuple – composé d’hommes et de femmes aux origines, aux cultures et aux croyances diverses – qui devra découvrir qui il est.
Philida, d’André Brink, traduit de l’anglais par Bernard Turle, Actes Sud, 384 pages, 23 euros, à paraître le 3 septembre
Dans un roman polyphonique d’une puissance narrative reposant sur différents registres, André Brink évoque une page de son histoire familiale et narre, sans faux-semblants et dans toute son horreur, avec ses humiliations quotidiennes, ses sévices ordinaires et ses décapitations pour l’exemple, l’esclavage tel qu’il se pratiquait dans cette partie du continent au XIXe siècle. À l’image de ce que Steve McQueen a pu montrer sur grand écran de la pratique esclavagiste outre-Atlantique avec Twelve Years a Slave. Pour ce faire, l’écrivain sud-africain s’est appuyé sur une solide documentation, ce qui lui a permis de faire de ce récit un grand roman historique. Au-delà de l’intrigue, c’est tout un système que l’ancien militant, qui lutta contre la ségrégation raciale, ausculte. Un système qui, certes, s’effondre mais qui ne disparaîtra pas pour autant et donnera naissance à l’ignoble régime de l’apartheid un siècle plus tard. l SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
Bonnes feuilles Le commissaire au visage bronzé poursuit la vente. Au fur et à mesure que le vin se répand dans son corps, son débit s’accélère. Ce n’est pas l’un des nouveaux fonctionnaires nommés par le gouvernement directement en Angleterre, tous militaires à la retraite qui n’acceptent d’inepties de personne : c’est un fermier de cette rude région frontalière. Quand il y pense, il ordonne à un pâle fonctionnaire grincheux de traduire la procédure d’anglais en néerlandais mais, pendant de longs moments, il oublie, et personne ne se soucie de le lui faire remarquer. Non que cela importe beaucoup, car le public a l’habitude du rituel et les enchérisseurs interviennent de façon désordonnée, comme ils ont coutume de le faire. Au tout début, un enchérisseur se comporte mal. Il se fraye un chemin jusqu’au premier rang, contre la table massive : il a une longue kierie à la main. Cette kierie, semblerait-il, n’a pas vocation à servir de canne. De N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
toute évidence, dans la petite caboche sans encolure de l’enchérisseur fermentent d’autres idées. Philida apprendra plus tard de la bouche de ouma Nella qu’il s’appelle Magiel Christoffel Botma mais, d’ordinaire, on l’appelle par ses initiales, Emcé. Quelques minutes à peine après l’ouverture des enchères, il positionne la kierie entre les chevilles de Philida et remonte l’ourlet de sa longue jupe. Sans cesser de fixer les montagnes à l’horizon, elle recule d’un pas. L’homme se penche en avant pour rester au plus près d’elle et recommence à l’inspecter du bout de sa kierie, cette fois entre les genoux. Plusieurs badauds ricanent, se tapant réciproquement les côtes, et leurs commentaires sont de plus en plus salaces. Après un moment, le commissaire, s’apercevant enfin de la situation, lève la tête. Ses yeux plutôt proéminents clignent rageusement. Silence! beugle-t-il depuis son fauteuil.Arrêtez ce raffut! On dirait qu’il sonne la charge. Magiel Christoffel Botma sursaute ostensiblement, lâche sa kierie, se penche pour la ramasser et, en se redressant, soufflant fort, se JEUNE AFRIQUE
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cogne la nuque contre la table. De ses lèvres glisse une La ferme, blarry meid ! lance-t-il, levant sa longue bille de salive. kierie en guise d’avertissement. Le commissaire avance le bras pour protéger sa pile Ce n’est pas ta meid, grosse merde ! Cornelis Brink se de registres. Que faites-vous, malotru ? tonne-t-il. joint à la mêlée. Sans doute est-il de petite taille mais Il voulait seulement s’assurer que les jambes de la il est manifestement prêt à en découdre. Avant que meid se rejoignent quelque part, explique un quiconque ne comprenne ce qui se passe, la badaud, plié de rire. Il faut bien vérifier avant situationmenacededégénérer.Cornelisattrape Lexique d’acheter. l’homme par son épaule anguleuse et, d’un La foule se moque et frétille. geste furibond, le pousse de côté. Blarry : satané, foutu Arrière! ordonne le commissaire d’une voix Pourquoi tant s’énerver pour une simple Drostdy : de stentor. meid? geint Magiel, les larmes aux yeux, brusrésidence Staan troei! traduit l’interprète inutilement. quement, essayant de s’esquiver. d’un landdrost Cent livres, reprend le commissaire. Qui Cornelis le ramène si vite que l’homme (administrateur, dit cent dix ? filiforme en a le souffle coupé. collecteur d’impôts et Mille quatre cents rix-dollars, traduit l’interElle n’est la meid de personne, prévient magistrat, une prète. Et dépêchez-vous, Son Honneur n’a pas Cornelis, bouteille en main, tanguant sur ses sorte de préfet) toute la journée. jambes et grognant comme un chien de garde. – à la fois appartement, Philidacontinue de fixer le lointain et prétend Elle n’est la meid de personne, m’entendsbureau et ne rien entendre. Elle n’est plus là. tu ? Une fois encore, il énonce chaque mot tribunal De son côté, Magiel Christoffel Botma enrage séparément et très nettement. C’est ma mère. Duusman : et n’est pas d’humeur à accepter davantage de Soudain, un silence de plomb tombe sur la Néerlandais, merde d’un Anglais. Il retourne à la table, dont grande place poussiéreuse devant le drostdy. Blanc il agrippe le bord des deux mains. On dirait qu’il Ouma Nella lève la tête. Je suis une femme Kierie : canne a l’intention de s’approcher encore de Philida. libre, déclare-t-elle, lèvres pincées, glissant Meid (terme S’ensuit un nouveau remue-ménage. Plusieurs la main dans les plis de sa robe pour en sortir péjoratif) : compères l’encouragent, d’autres voudraient une feuille de papier avec un cachet rouge en femme noire ou intervenir. La table se met à branler. relief. Je peux dire ce que je veux. Maintenant, de couleur Alors, Philida n’en peut plus et plante son ferme ton clapet ou je le ferai à ta place. Ouma : grand-mère talon sur la main de l’homme. La foule gronde et bourdonne comme un nid d’abeilles, mais personne n’ose approcher. Alors, ouma Nella descend de la charrette Désormais de la couleur d’une figue trop mûre, le comet s’approche. Laissez-la tranquille, duusman ! criemissaire s’essuie les joues à l’aide d’un immense t-elle derrière lui. Il se retourne, chancelant sur ses jambes défaillantes mouchoir blanc. Poursuivons, ordonne-t-il. On dirait un ordre lancé à un peloton d’exécution. l et, de toute évidence, perd son sang-froid lorsqu’il voit © Actes Sud, 2014 qui parle. JEUNE AFRIQUE
p Esclave sculptée par Friedrich Goldscheider au XIXe siècle (détail).
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Culture médias En vue
n n n Décevant
n n n Pourquoi pas
n n n Réussi
n n n Excellent
LITTÉRATURE
Je t’aime, moi non plus Dix ans après sa parution, le chef-d’œuvre de la Sud-Africaine Marlene Van Niekerk est enfin traduit en français. Un roman qui explore dans toute leur ambiguïté les relations Blancs-Noirs.
C
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est un roman d’une rien, ni la sourde violence des rappuissance à couper ports interraciaux sous l’apartheid, ni les sordides détails des soins quole souffle. En 1953, Milla De Wet, femme tidiens que la domestique inflige à la de pouvoir afrikaner à la tête d’un paraplégique. Elle, la femme-objet, vaste domaine agricole, pense ne réduit sa mère-maîtresse à un corpsanimal qu’il faut nourrir, toiletter, jamais pouvoir enfanter et adopte, contre l’avis de sa famille, une fillette. purger… L’ire contenue d’Agaat traUne métisse qu’elle élèvera sous verse les pores de sa peau. La victime l’apartheid envers et contre tout… se transforme en bourreau. « Est-ce Jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte et cela qui a libéré le poison? Le fait que relègue l’enfant adopté à sa condije sois devenue dépendante d’elle, tion d’être-objet manipulable, sur plus que je ne l’avais jamais été ? Pourtant j’avais toujours dépendu lequel elle exerce sa toute-puissance. d’elle, depuis le début. Mais je senLa fillette devient domestique et tais que plus je m’enfonçais dans devra s’occuper de l’éducation du la déchéance, plus fils de la famille, avec elle était rancunière lequel elle noue des et furieuse. S’étaitliens quasi maternels. elle retenue pendant Cinquante ans plus toutes ces années ? » tard, alors que l’Afrique se demande Milla. du Sud bascule vers la démocratie, Milla De Wet, paralytique et POUVOIR. D’une main muette, se retrouve à de maître, Marlene la merci d’Agaat, qui Van Niekerk explore s’occupe de son corps toute la complexité absent. Alors que la des relations humaines mort s’éternise, elle et toute l’ambiguïté observe la domestique des sentiments généAgaat, de Marlene et se souvient de sa rés par les rapports Van Niekerk, traduit de grandeur passée mais de pouvoir entre un l’afrikaans par Pierreaussi de ses nombreux maître et son esclave. Marie Finkelstein, Gallimard, 736 pages, Agaat regarde parfois moments de bassesse. 22,90 euros nnn Cynique, elle est parla vieille Afrikaner avec faitement consciente tendresse. Elle gère son agonie d’une main de fer dans un de sa déchéance et de ce qu’elle a fait endurer à Agaat, mais aussi de gant tantôt de crin, tantôt de velours. l’humiliation que cette dernière, parAvec elle, il n’y a pas de place pour tagée entre haine et reconnaissance, l’improvisation. Tout doit être plaamour et vengeance, lui fait subir. nifié. Elle a parfaitement intégré et assimilé les codes du monde bourPOISON. Dans son second roman, geois de sa maîtresse. Agaat n’est Agaat, dont il aura fallu attendre pas seulement le récit de ces deux dix ans la traduction en français, la femmes. C’est également celui de Sud-Africaine Marlene Van Niekerk l’effritement du pouvoir blanc et de nous plonge au plus profond de la la tâche incommensurable à laquelle psychologie de ces deux femmes et la nouvelle Afrique du Sud devra faire nous fait assister, impuissants, à ce face pour se construire comme nation que l’homme peut avoir de plus lâche Arc-en-Ciel. l et de plus vil. Elle ne nous épargne SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Washington, le 28 août 1963
250 000 personnes sont rassemblées devant le Mémorial Lincoln pour écouter un des plus grands orateurs de tous les temps.
Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter de grandes difficultés aujourd’hui et demain, j’ai pourtant fait un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain.
J’ai fait un rêve, le rêve qu’un jour notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes naissent égaux. ”
L’homme qui s’adresse au public est un pasteur du sud des états-Unis, connu dans le monde entier sous le nom de Martin Luther King jr.
La foule présente ce jour-là voit en lui la préfiguration d’un avenir meilleur, un avenir sans discrimination raciale où Noirs et Blancs pourront être égaux.
BANDE DESSINÉE
Martin Luther King pour les nuls APRÈS UN PREMIER OPUS consacré à Nelson Mandela, la collection « Destins d’histoire » (éditions 21g) se penche sur le parcours de Martin Luther King. Le dessin de Naresh Kumar est classique, le traitement de la couleur par ordinateur un peu surprenant, et le scénario (Michael Teitelbaum et Lewis Helfand) malheureusement réduit à une hagiographie très officielle. On n’apprendra donc pas grand-chose de l’homme complexe que fut Martin Luther King. Mais pour ceux qui ne connaissent ni sa vie ni les grandes étapes de son combat, cette bande dessinée représente une bonne introduction. l NICOLAS MICHEL
Martin Luther King Jr, j’ai fait un rêve, deTeitelbaum, Helfand et Kumar, 21g, 114 pages, 14 euros nnn JEUNE AFRIQUE
Culture médias HISTOIRE
Et il est comment le dernier…
Sankara visionnaire EN CETTE PÉRIODE OÙ L’IDÉE même de panafricanisme a rarement été aussi moribonde face aux intérêts propres à chaque État, le petit livre de Jean Ziegler sur le fameux discours sur la dette que Thomas Sankara donna à la tribune de l’OUA le 29 juillet 1987 a quelque chose de rafraîchissant, voire de salutaire. D’abord parce que l’auteur en profite, à un moment où la stature du jeune capitaine semble s’estomper dans son pays même, pour remettre en lumière le parcours du chef de l’État burkinabè, ainsi que le contexte dans lequel celui-ci intervient à Addis-Abeba. Ensuite parce qu’en reproduisant l’intégralité de ce discours Ziegler démontre
… JEAN-LOUIS GOURAUD
à la fois toute la clairvoyance de Sankara, prophétisant les pièges dans lequel un continent africain surendetté allait tomber, et la pertinence actuelle de son propos. Bien sûr, Ziegler est sous le charme de ce personnage depuis leur première rencontre, fin 1983. Mais cela n’enlève rien à la force du discours dans sa remise en question fondamentale d’un système international décidé à maintenir l’Afrique sous son joug financier. « Si le Burkina Faso seul refuse de payer la dette, alors je ne serai pas là à la prochaine conférence », ironisait Sankara devant ses homologues, médusés. Trois mois plus tard, il était assassiné. l
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E SAVIEZ-VOUS ? Le pur-sang anglais n’est pas très anglais, si l’on considère que les ancêtres de la race sont trois étalons arabe, turc et barbe, le dernier, originaire de Tunisie, étant passé à la postérité sous le nom anglicisé de Godolphin. Le saviez-vous ? Il a fallu l’invention de la photographie pour que l’on comprenne exactement comment les chevaux galopent. Comme cela va très vite, l’œil humain ne peut en saisir le déroulement précis. Le saviez-vous ? Les Gaulois vénéraient une femme à cheval, Épona. Elle est la seule divinité gauloise qui ait été adoptée par les Romains.
OLIVIER CASLIN
Discours sur la dette, deThomas Sankara, présentation de Jean Ziegler, éd. Elytis, 60 pages, 6,50 euros nnn
PORTRAITS
VOUS CONNAISSEZ LE GÉNÉRAL DUMAS, père de l’auteur des Trois Mousquetaires, Toussaint Louverture, celui de l’indépendanced’Haïti,LéopoldSédarSenghorouAiméCésaire.MaisJeanBaptiste Belley et Louis Guizot, respectivement premier député et premier maire noirs de France ? Et le Guadeloupéen Hégésippe Jean Légitimus (1868-1944), le « Jaurès noir »? Et Raoul Georges Nicolo, qui contribua au lancement du programme nucléaire français ? Enseignant à Paris, Rouben Valéry raconte de manière plaisante la vie parfois tragique de trentecinq Noirs qui ont laissé une trace dans l’histoire de France. Très bonne idée en ces temps de xénophobie proliférante. l JEAN-MICHEL AUBRIET
Noir, blanc, rouge, de Rouben Valéry, La librairie Vuibert, 304 pages, 16,90 euros nnn JEUNE AFRIQUE
p Hégésippe Jean Légitimus, le « Jaurès noir ».
ALBERT HARLINGUE/ROGER-VIOLLET
L’avant-garde nègre
Le saviez-vous ? Le cheval ne sert pas seulement à porter des cavaliers et à tracter des charrettes. Si tout est bon dans le cochon, tout est utile dans le cheval. La viande, du moins pour certains. Le crin, bien sûr, avec lequel on fabrique ou on a fabriqué des robes, des tissus d’ameublement, des cordages, des tentes, les archets des instruments à corde. Et jusqu’au crottin. Celui-ci constitue un terreau très recherché pour les champignonnières, il peut être transformé en pâte à papier, et il y en a même à trouver délicieuse son odeur. Un parfumeur, paraît-il, s’en est inspiré pour créer une nouvelle fragrance… C’est ce genre d’anecdotes et de points
d’Histoire que donne à lire le dernier ouvrage de Jean-Louis Gouraud, ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique et éminent spécialiste du monde hippique, auquel il a consacré des montagnes d’articles et de livres. Nul besoin de s’intéresser à l’univers équin pour déguster ces texticules, comme les présente lui-même l’auteur, rédigés pour l’occasion des Jeux équestres mondiaux,
Le Tour du monde en 80 chevaux. Petit abécédaire insolite, de JeanLouis Gouraud, éd. Actes Sud, 224 pages, 19 euros nnn
dont la septième édition se tient à Caen, en Normandie, du 23 août au 7 septembre 2014. Ce qui en ressort, c’est, quels que soient les lieux et les époques, l’incroyable proximité de l’homme et du cheval. Ne parle-t-on pas, au demeurant, de jambes, de bouche, de nez lorsqu’on évoque cet animal ? l DOMINIQUE MATAILLET N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
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RÊVER, PARTIR, DÉCOUVRIR
Format : 13,5 x 24 cm - 288 pages.
57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris, France - Tél.: +33 (0) 1 40 71 71 90 - Fax: +33 (0) 1 40 71 71 91 Email: jaguar@jeuneafrique.com - www.laboutiquejeuneafrique.com DIFFUSEURS : DILISCO (France / Belgique) +33 (0)1 49 59 50 50, OLF (Suisse) +41 26 467 51 11, ULYSSE (Canada) +1 514 843 9882 poste 2232
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
AVIS DE RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT INTERNATIONAL Le Programme de Renforcement des capacités de Gouvernance Economique (PRGE) de la République du Burundi a reçu un don de la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF). Il est prévu qu’une partie du don soit utilisée pour le recrutement d’un consultant international pour : La réalisation d’une étude de faisabilité pour la création des campus numériques. Le consultant sera sélectionné conformément aux procédures des Directives Relatives Aux Passation des Marches Finances par les Bénéficiaires des Subventions de l’ACBF (Juillet 2011), qui peuvent être téléchargés à partir du site Web de l'ACBF : www.acbf-pact.org. La manifestation d’intérêt indiquant clairement « réalisation d’une étude de faisabilité pour la création des campus numériques (PRGE) - ACBF-PRGE/EOI/002/14 » peut être soumise sous format papier à l'adresse ci-dessous : Le Coordonnateur du Programme national de Renforcement des Capacités de Gouvernance Economique (PRGE) Quartier Kigobe-Sud n° 64, Bujumbura-Burundi Téléphone +257 22276921-25722276922. Ou soumise par adresse E-mail : pprge@yahoo.com du PRGE Les dossiers de candidature doivent être composés de (i) Une lettre de motivation adressée au Coordonateur du PRGE, (ii) un Curriculum Vitae, (iii) des photocopies de diplômes certifiés conformes à l’original. Ils doivent parvenir au bureau du PRGE au plus tard le 15/09/2014 à 17 h00. Les dossiers remis ne seront pas récupérés.
WHERE PROFESSIONALS GO The Language Teaching Centre (LTC) was established in 1996 LTC provides a high standard of English training - General & Intensive courses (all levels) - Business English courses - TOEFL, IELTS & Cambridge preparation courses - Online lessons - Qualified and experienced teachers - Small groups 902 Pier House, 13 Heerengracht Street, Cape Town, 8001 Tél. : +27(0)21 425 0019 Fax : +27(0)21 419 5120 email: info@ltc-capetown.com web: www.ltc-capetown.com skype: have.your.say
1. Principal Scientist/Senior Scientist -Rural Sociology
From a dynamic and highly innovative Rural Sociologist to undertake applied sociological research in sub-Saharan Africa on rural food production of cereal and legume crops by small holder farmers in collaboration with a team of economists and biophysical scientists.The scientist will be based in Niamey,Niger and will work within the Research Program on Markets, Institutions and Policies Profile: • PhD in rural sociology or related social sciences, with 7-10 years of experience with community-driven development,rural livelihoods,institutional development, gender and poverty analysis, and/or food security with relevant work experience in developing countries. • A proven record of experience in implementing and analyzing field surveys and research in a developing context. • Proficiency with both qualitative and quantitative approaches to social science research. • Strong quantitative, analytical and problem-solving skills • Knowledge of farming systems in sub-Saharan Africa (preferably WCA) will be an advantage. • Fluency in English and French: Excellent communication skills. • Conceptual and report writing skills and a record of international peer‐reviewed publications. • Computer and word processing skills; experience with an analytic software, such as SPSS, is an asset. The position is initially for three years, and extendable depending on performance of the incumbent and funding availability Applications should be submitted on or before 31st August 2014, using the following link: https://recruit.zoho.com/ats/Portal.na
2. Post-Doctoral Fellow From a young and dynamic post-doctoral fellow for its Backcross Nested Association Mapping (BCNAM) design; that is a joint project associating the sorghum breeding programs of the Institut d’Economie Rurale (IER) and ICRISAT in Mali.The postdoctoral fellow will be expected to contribute to the phenotyping efforts, conducting analysis of phenotypic data for identifying detailed marker trait associations using the GBS marker data Profile: • PhD Degree in Genetics and plant breeding or biometrics • Experience with marker – trait association analyses • Experience with analysis of complex phenotyping datasets • Experience with sorghum genetics and breeding is an advantage • Experience with sorghum field experimentation is an advantage • Excellent written and verbal communication skills in English and knowledge of French is an advantage The Fellowship is for a period of 12 months and extendable based on funding availability Applications should be submitted on or before 15 September 2014 by email to: https://recruit.zoho.com/Portal.na
For more details on these positions and job opportunities at ICRISAT, please visit our website: http://www.icrisat.org/ ICRISAT is an equal opportunity employer and is especially interested in increasing the participation of women on its staff. ICRISAT has a flexible approach to international appointments and welcomes dual-career couples. Only short listed candidates will be contacted.
JEUNE AFRIQUE
N° 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Formation - Recrutement
The International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT)
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Annonces classées RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
AVIS DE RECRUTEMENT D’UN INGÉNIEUR (OU ARCHITECTE) Le Gouvernement de la République de Djibouti a obtenu un prêt de la Banque Islamique de Développement (BID) destiné au financement du Projet intitulé « Projet d’Appui à l’Éducation de Base (PAEB) n° DI-0096 ». Pour le suivi et l’exécution de ce projet, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFOP) à l’intention de recruter un ingénieur ou architecte (national ou originaire des pays membres de la Banque Islamique) dont ses fonctions consistent à appuyer le Service de Gestion des Projets (SGP) dans l’exécution de toutes les tâches relatives à la passation des marchés (travaux, services de consultants et fourniture) et le suivi des travaux de construction du collège d’Arhiba - sans fil, et ce conformément aux règles et procédures de la Banque Islamique et aux règlements locaux de Djibouti. Le Service de Gestion des Projets (SGP) invite les candidats admissibles à manifester leurs intérêts, et fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (références concernant l’expérience dans les projets analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires relatives aux taches de la mission, etc.). Le candidat sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives de la Banque Islamique de Développement (BID). Pour toutes informations supplémentaires relatives à la mission (obtention des Termes de Références (TdRs)), les candidats peuvent obtenir des informations à l’adresse ci-dessous du Samedi au Jeudi de 08h00 à 14h00 (heure locale de Djibouti). Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le Mercredi 24 Septembre 2014.
Appel d’offres - Recrutement
Service de Gestion des Projets (SGP). Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFOP). Boulevard de la République, B.P. 2043 ; Djibouti. République de Djibouti. Téléphone : +253 21356334 & +253 21351420 ;Télécopie : +253 21250430. Courriels : daherphilo@yahoo.fr, et m.y.bouazzi@live.fr (en copie)
AVIS DE REPORT APPEL D’OFFRES OUVERT N° ASECNA/DGDI/DGDIM/1416/2014 L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) porte à la connaissance des potentiels soumissionnaires intéressés par l’appel d’offres ouvert relatif à la fourniture et l’installation des équipements du Centre de Contrôle Régional (CCR) du Nouvel Aéroport International de Nouakchott (République Islamique de Mauritanie) que : • la date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal), initialement fixée au 16 juillet 2014 à 12 heures, heure locale (GMT) et reportée au 19 août 2014 à 12 heures, heure locale (GMT) est exceptionnellement reportée au 15 septembre 2014 à 12 heures, heure locale (GMT) ; • la date d’ouverture des plis initialement en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent dans la salle de réunion du Département Ingénierie et Prospective à Dakar-Yoff, au Sénégal initialement fixée au 16 juillet 2014 à 13 heure locale (GMT) et reportée au 19 août 2014 à 13 heures, heure locale (GMT) est exceptionnellement reportée au 15 septembre 2014 à 13 heures, heure locale (GMT) ; • le reste de l’appel d’offres demeure inchangé. Le Directeur Général
N° 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
APPEL À CANDIDATURE POUR LE RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT EN « RESSOURCES EN EAU » RÉFÉRENCE DU DOSSIER : [AO/EAU/14/08/01] L’Observatoire du Sahara et du Sahel, organisation internationale basée à Tunis, compte recruter un consultant en « Ressources en eau ». Le dossier doit parvenir à l’OSS avant le 30 septembre 2014. Toutes les formalités de candidature à ce poste, sont disponibles sur le site de l’OSS : h t t p : / /www. o s s - o n l i n e . o rg / fr/appel-candidature-pour-lerecrutement-expert-ressourcesen-eau
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Annonces classées
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RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Avis d’Appel d’Offres International FINANCEMENT : Le Gouvernement de la République de Djibouti a obtenu un prêt de la Banque Islamique de Développement (BID) destiné au financement du Projet intitulé « Projet d’Appui à l’Éducation de Base (PAEB) n° DI-0096 ». Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce prêt pour effectuer les paiements autorisés au titre de construction d’un Collège à Arhiba sans fil - Djibouti ville. LIEUX D'EXÉCUTION : Les travaux du présent marché seront effectués à Djibouti ville, Arhiba sans fil. DESCRIPTION SOMMAIRE DES TRAVAUX : Le présent appel d’offres international a pour objet la désignation d’une entreprise pour l’exécution des travaux de construction du Collège pour le compte du Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation Professionnelle (MENFOP). Les prestations sont réparties en un lot unique : Construction d’un Collège à Arhiba sans fil - Djibouti ville. APPEL À LA CONCURRENCE : La participation au présent appel d'offres est limitée aux entreprises originaires des Pays membres de la Banque Islamique de Développement (BID), justifiant des capacités techniques et juridiques sous réserve de l'approbation du MENFOP et de la BID. RETRAIT DU DOSSIER D'APPEL D'OFFRES : Le dossier d'appel d'offres en langue française, peut être retiré à partir du 24 Août 2014 à l’adresse suivante : Service de Gestion des Projets (SGP). Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFOP). Boulevard de la République, B.P. 2043 ; Djibouti. République de Djibouti. Téléphone : +253 21356334 & +253 21351420 ;Télécopie : +253 21250430. Courriels : daherphilo@yahoo.fr
RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES : Tout renseignement concernant le présent appel d’offres international peut être demandé exclusivement par écrit au Service de Gestion des Projets à l’adresse susmentionnée. DÉFINITION DES PRIX : Les prix seront calculés hors droits de douane et hors taxes, conformément au Cahier des Clauses Administratives Particulières. DATE ET LIEU DU DÉPÔT DES SOUMISSIONS : Les soumissions seront rédigées en langue française conformément au modèle figurant dans le Dossier d'Appel d'Offres International. Elles devront être remises contre récépissé ou envoyées sous pli recommandé avec accusé de réception au chef du Service de Gestion du Projet à l’adresse susmentionnée. Sous peine de rejet, elles devront parvenir ou être déposées à cette adresse au plus tard le Mercredi 29 Octobre 2014 à 08h30 (heure locale). OUVERTURE DES PLIS : L'ouverture des plis aura lieu en séance publique, le Mercredi 29 Octobre 2014 à 9h00 (heure locale), à la salle de réunion de la Chambre de Commerce, place Lagarde à Djibouti ville. DÉLAI D'ENGAGEMENT : Les soumissionnaires restent engagés par leurs offres pendant un délai de 150 jours à compter de la date limite fixée pour le dépôt des offres. VISITE DES LIEUX : La visite des lieux est obligatoire pour chaque soumissionnaire. Elle sera effectuée le Lundi 15 Septembre 2014 à partir de 08h00 (heure locale) devant le siège du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle.
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N° 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Appel d’offres
Le prix d'acquisition du dossier est fixé à 30.000 FDJ (Trente mille Franc Djibouti) ou l’équivalent en devise hors les frais d’envois. Le paiement devra être effectué par chèque certifié ou par virement bancaire sur le compte n° 1540, code swift (BCDJDJJDXXX) au nom du « Trésorier Payeur National de la République de Djibouti ». Ce montant est pour les fournisseurs souhaitant retirer directement le DAOI du Service de Gestion des Projets, le cas échéant, les frais additionnels d’envoi du DAO par voix postale s’élèvent à Quatorze Mille (14.000) Francs Djibouti (1US$=177 FDJ).
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Annonces classées Plan Mali Hamdallaye ACI 2000 Rue 98 BP 1598 Bamako-Mali
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
T + (223) 44 90 09 56 /44 90 09 57 Email : country.office@plan-international.org
SECTION I. Avis d’Appel d’Offres
Date : 11 Août 2014 - AAO N° : 01 FY15/MLI-GAD-0137-FM
1. Plan Mali invite, par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public du Mali, à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la fourniture de véhicules au profit des bénéficiaires du Fonds mondial en lot unique et indivisible portant sur : Véhicules Quantité Véhicule 4x4 double cabine 05 Véhicule 4x4 07 Véhicule non médicalisé pour les équipes mobiles (Véhicule d'IEC) 03 2. Plan Mali a obtenu du Fonds mondial le financement pour la réalisation du projet VIH/Sida Round 8 phase 2. Une partie de ce financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de l’exécution du marché pour l’acquisition de véhicules. 3. Les prestations prévues dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai maximum de : Soixante (60) jours. 4. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’Appel d’Offres dans les bureaux de : a. Plan Mali, Administration Projet Fonds mondial b. Hamdallaye ACI 2000, Rue 98 BP 1598 ; Tél : 44 90 09 56/44 90 09 57. 5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande au service mentionné ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de 50 000 FCFA (Cinquante mille francs CFA) 6. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses Administratives Générales sont les clauses du Dossier Type d’Appel d’Offres, Passation des Marchés de Fournitures, Août 2009, publié par la Direction Générale des Marchés Publics du Mali. 7. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 25 Septembre 2014 à 10h00 et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à 2,5% du montant de l’offre. Toutefois, les offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit d’ouverture des plis. Les offres peuvent également être envoyées à l’adresse électronique suivante : GlobalFundDAO@plan-international.org 8. Les offres demeureront valides pour une durée de 90 jours à partir de la date d’ouverture des plis fixée au 25 Septembre 2014 à 10h30. 9. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 25 Septembre 2014 à 10h30, dans la salle de réunion du siège du Plan Mali sis à Hamdallaye ACI 2000 ; Rue 98 ; BP 1598 ; Tél : 44 90 09 56/44 90 09 57. Bamako, le 12 Août 2014 La Directrice Nationale Fadimata ALAINCHAR
Appel d’offres
Plan Mali Hamdallaye ACI 2000 Rue 98 BP 1598 Bamako-Mali
AVIS DE REPORT DE LA DATE LIMITE DE REMISE DES OFFRES RELATIVES A L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 06/2014 Le Ministère de la Défense Nationale (La Division Achat et Transit de l’Armée de Mer) informe les fournisseurs ainsi que les représentants dûment mandatés intéressés par l’appel d’offres international N° 06/2014 réservé aux entreprises italiennes pour la fourniture d’un navire base de plongée au profit du centre de formation professionnelle de plongée de ZARZIS, que la date limite de réception des offres au bureau d’ordre de la DAT est reportée au 28 août 2014 à 12h, dans les mêmes conditions. La séance d’ouverture des offres se tiendra le 29 Août 2014 à dix (10h) heures au Club Nautique de la Marine Tunisienne sis à la base Navale la Goulette (Tunis).
T + (223) 44 90 09 56 /44 90 09 57 Email : country.office@plan-international.org
SECTION I. Avis d’Appel d’Offres
Date : 11 Août 2014 - AAO N° : 03 FY15/MlI-GAD 0137-FM
1. Plan Mali invite, par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public du Mali, à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la fourniture de matériels et produits médicaux au profit des bénéficiaires du fonds mondial en deux (02) lots séparés et indépendant portant sur : Lot 1 : Produits médicaux Produits médicaux Eau de javel, flacon de 1 litre Coton hydrophile paquet 500 g Serviette (paquet de 10) Savon en poudre; sachet de 30 g Alcool à 70°, flacon de 1 litre
Lot 2 : Matériels médicaux Quantité 4,050 323 90 2,700 162
Matériels médicaux Lampe gynécologique Spéculum Table gynécologique Tensiomètre + stéthoscope Seau hygiénique Poubelle à aiguille Cocotte minute (10l)
Quantité 15 50 15 15 30 15 15
2. Plan Mali a obtenu du Fonds mondial le financement pour la réalisation du projet VIH/Sida Round 8 phase 2. Une partie de ces sommes accordées au titre de ce projet sera utilisée pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de l’exécution du marché pour l’acquisition de matériels et produits médicaux. 3. Les prestations prévues dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai maximum de : Soixante (60) jours. 4. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’Appel d’Offres dans les bureaux de : a. Plan Mali, Administration du Projet Fonds mondial b. Hamdallaye ACI2000, Rue 98 BP 1598 ; Tél : 44 90 09 56/44 90 09 57. 5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande au service mentionné ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de 25 000 Fcfa (Vingt Cinq mille francs Cfa) 6. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses Administratives Générales sont les clauses du Dossier Type d’Appel d’Offres ; Passation des Marchés de Fournitures, Août 2009, publié par la Direction Générale des Marchés Publics du Mali. 7. Les offres demeureront valides pour une durée de 90 jours à partir de la date d’ouverture des plis fixée au 12 Septembre 2014 à 10h30mn 8. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 12 Septembre 2014 a 10h 30mn, dans la salle de réunion du siège du Plan Mali sis à Hamdallaye ACI 2000 ; Rue 98 ; BP :1598 ; Tél : 44 90 09 56/44 90 09 57. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 12 Septembre 2014 à 10 heures et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à 2,5% du montant de l’offre. Toutefois, les offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit d’ouverture des plis. Les offres peuvent être envoyés également par courrier électronique a l’adresse email suivante : GlobalFundDAO@plan-international.org. Bamako, le 11 Août 2014 La Directrice Nationale Fadimata ALAINCHAR
N° 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées COMMISSION ÉLECTORALE NATIONALE INDÉPENDANTE (C.E.N.I)
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RÉPUBLIQUE DE GUINÉE TRAVAIL - JUSTICE - SOLIDARITÉ
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 003/BE/SG/CENI/2014
Conformément aux dispositions des articles 2, alinéa 3 du code électoral et l’article 132 de la Constitution qui stipule que « La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est chargée de l’établissement et de la mise à jour du fichier électoral, de l’organisation, du déroulement et de la supervision des opérations de vote. Elle en proclame les résultats provisoires », et en prélude à l’élection présidentielle de 2015, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de la République de Guinée exprime le besoin de sélectionner et de recruter un opérateur technique international pour la mise à jour du fichier électoral biométrique à cet effet. Cette expression de besoin répond aussi à l’application des dispositions du point 9 de l’accord politique global inter guinéen du 3 juillet 2013. Le financement est assuré sur le budget des opérations électorales de la CENI, exercice 2014-2015. A cet effet, la CENI de la République de Guinée lance le présent appel d’offres international ouvert et invite toutes les entreprises spécialisées à y répondre en présentant leur soumission. L’appel d’offres a pour objet la fourniture d’une solution d’enrôlement, de déduplication, de mise à jour du fichier électoral biométrique et d’édition des listes et cartes d’électeurs. L’opérateur technique doit être de standing et de stature internationale, ayant de l’expérience sur ce type de projet. Il proposera une solution en adéquation avec les besoins de la CENI tels que décrits dans le dossier d’appel d’offres. L’ensemble des prestations fera l’objet d’un lot unique : LA FOURNITURE POUR LE COMPTE DE LA CENI D’UNE SOLUTION COMPLÈTE D’ENRÔLEMENT, DE DÉDUPLICATION ET D’ÉDITION DES LISTES ET DES CARTES D’ÉLECTEURS. La consultation est ouverte à toutes les sociétés spécialisées, ayant au moins Cinq (5) ans d’expérience dans la mise en place et l’exécution de ce type d’opération à grande échelle, pour une population d’au moins quatre (4.000.000) millions d’électeurs potentiels.
Le tout sera dans une enveloppe anonyme et déposé au Secrétariat de la Direction du département Juridique et Contentieux de la CENI (siège à Cameroun, 2e étage) au plus tard le vendredi 03 octobre 2014 à 15h00 GMT date limite de dépôt des offres. Les soumissionnaires demeureront engagés par leurs offres jusqu’à quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date limite de remise des offres. Les offres seront ouvertes le même jour, en séance publique à 16 heures 00 par la Commission de la CENI mandatée à cet effet. L’offre technique ne doit comporter aucune information financière sous peine de voir l’offre purement et simplement rejetée. Pour toutes informations complémentaires, s’adresser à Monsieur le Directeur du département Juridique de la CENI. Tél. +224 622 585 837 / +224 622 790 460 / +224 622 790 456. Email : ceniguineedao.20l4@gmail.com. Les seules demandes officielles prises en compte sont celles faites par email. Seules ces demandes feront l’objet d’une réponse. Les critères d’évaluations sont consignés dans une grille de notation dont le détail se trouve dans le règlement particulier de l’appel d’offres. Les candidats devront strictement se conformer aux dispositions du présent dossier d’appel d’offres sous peine de voir leur offre purement et simplement rejetée. Toute offre parvenue après les dates et heures indiquées, quelles que soient les justifications données, sera purement et simplement rejetée. Conakry, le 18 Août 2014 LE PRÉSIDENT BAKARY FOFANA
JEUNE AFRIQUE
N° 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Appel d’offres
Le dossier d’appel d’offres, rédigé en langue française, pourra être obtenu auprès de la Direction Juridique et du contentieux contre le paiement par virement à la Direction administrative et Financière de la CENI d’une somme non remboursable de GNF 50.000.000 (cinquante millions de Francs Guinéens), ou son équivalent en euros (€) ou en US dollars au taux du jour de la Banque Centrale de la République de Guinée. Référence du compte de la CENI à la BCRG (RIB) : 001 190 000 41 11 081-74 Les offres devront être présentées en propositions techniques et financières séparées, en quatre (4) exemplaires, dont un (1) original et trois (3) copies, le tout rédigé en français et en un exemplaire dématérialisé sous forme de CDROM ou DVDROM ou clé USB reproductible (Word, Excel,). Chaque support électronique sera remis dans l’enveloppe à laquelle il se réfère (technique ou financière).
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Annonces classées SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N°001/SMI/PURSeP _CS-REF/14
SÉLECTION DE CONSULTANTS PAR LES EMPRUNTEURS DE LA BANQUE MONDIALE NOM DU PAYS : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
NOM DU PROJET : PROJET D’URGENCE DE RESTAURATION DES SERVICES PUBLIQUES (PURSeP) INTITULÉ DE LA MISSION DE CONSULTANT : RECRUTEMENT D’UN CABINET POUR L’AUDIT FINANCIER ET COMPTABLE DU PROJET « PROJET D’URGENCE DE RESTAURATION DES SERVICES PUBLICS » EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE N° DE PRÊT/CRÉDIT/D0N : CRÉDIT N° IDA 5437 ; DON N° IDA H940-CF N° DE RÉFÉRENCE (SELON LE PLAN DE PASSATION DES MARCHÉS) : P149884 Le Gouvernement de la République Centrafricaine a reçu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce Don/crédit pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant « Recrutement d’un Cabinet pour l’Audit financier et comptable du projet d’Urgence de Restauration des Services Publics (PURSeP ) ». Le Cabinet recruté aura pour mission essentielle d’exprimer une opinion professionnelle sur la situation financière du Projet à la fin de chaque exercice fiscal et s’assurer que les ressources mises à la disposition du Projet sont utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été octroyées en vue de l’atteinte de l’objectif de développement du Projet, et que les états financiers, qui sont établis par la Cellule de Suivi des Réformes " Economiques et Financières (CS-REF) sont élaborés de manière à rendre compte des transactions financières du Projet. Plus spécifiquement,les services de consultant (« Services ») comprennent :la formulation d’une opinion sur les états financiers fondée sur les normes d’audit internationales ISA (International Standards on Auditing) édictées par la Fédération Internationales des Experts-Comptables, IFAC (International Federation of Accountants). En application de ces normes d’audit, l’auditeur demandera à l’Unité de Coordination du Projet, une lettre de confirmation engageant la responsabilité des dirigeants dans l’établissement des états financiers et le maintien d’un système de contrôle adéquat. L’audit du Projet sera réalisé en conformité aux normes internationales d’audit (ISA) édictées par l’IFAC et inclura les tests et les procédures d’audit ainsi que les vérifications que l’auditeur jugera nécessaires au regard des circonstances. L’auditeur vérifiera que les états financiers du projet ont été préparés en accord avec les principes comptables admis et donnent une image fidèle de la situation financière du Projet à la date de clôture ainsi que les ressources et les dépenses à cette date. L’auditeur devra présenter en annexe aux états financiers, une réconciliation des fonds reçus par le Projet en provenance de la Banque Mondiale d’une part, et les fonds décaissés par la Banque Mondiale d’autre part.
Manifestation d’intérêt
En plus de l’audit des états financiers, l’auditeur devra vérifier les états certifiés de dépenses ou les rapports de suivi financiers utilisés comme base de demande de remboursement de fonds à la Banque Mondiale. L’auditeur effectuera les tests, procédures d’audits et vérification considérés nécessaires au regard des circonstances. Il sera inclus aux états financiers, une annexe de la liste des états certifiés de dépenses ou des rapports de suivi financier, base de demande de remboursement avec les références spécifiques relatives au montant et à la séquentialité numérique. Dans le cadre de l’audit des états financiers du Projet, l’auditeur devra analyser les transactions du Compte Désigné. La durée totale de la mission est de 35 jours, et couvrira la période allant de mai 2014 au 31 décembre 2015 de la manière suivante : 1er exercice : mai 2014 au 31 décernbre 2014 pour une durée de 20 jours, et 2e exercice : 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 pour une durée de 15 jours. La Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières (CS-REF) invite les firmes de consultants (« Consultants ») admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution des Services. Les critères pour l’établissement de la liste restreinte sont : (i) Nombre d’année d’expérience du Cabinet en matière d’audit financier d’entités publiques ou privées, (ii) justifier d’au moins cinq (05) références pertinentes dans la réalisation de l’audit financier et comptable de projets financés par les bailleurs de fonds en particulier la Banque mondiale. Ces prestations doivent avoir été réalisées au cours des cinq (05) dernières années. ll est porté à l’attention des Consultants que les dispositions du paragraphe 1.9 des « Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID » version de janvier 2011 (« Directives de Consultants »), relatives aux règles de la Banque mondiale en matière de conflit d’intérêts sont applicables. Les Consultants peuvent s’associer avec d’autres firmes pour renforcer leurs compétences respectives en la forme d’un groupement solidaire ou d’un accord de sous-traitant. Un Consultant sera sélectionné selon la méthode basée sur le Moindre Coût (SMC) telle que décrite dans les Directives de Consultants. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse ci-dessous et aux heures suivantes de 8 heures à 15 heures précises. Les manifestations d’intérêt écrites doivent être déposées en cinq (05) exemplaires à l’adresse ci-dessous en personne, par courrier, par courrier électronique au plus tard le 15 septembre 2014 à 12 heures, heure locale avec la mention : RECRUTEMENT D’UN CABINET POUR L’AUDIT FINANCIER ET COMPTABLE DU PROJET « PROJET D’URGENCE DE RESTAURATION DES SERVICES PUBLICS » EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE. Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières / Ministère des Finances et du Budget. Monsieur Gervais Magloire DOUNGOUPOU, Coordonnateur du Projet « Projet d’Urgence de Restauration des Services Publics (PURSeP) » à la Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières / Ministère des Finances et du Budget. B.P. 1014 Bangui - Tél. : 00 236 75 04 61 05 E-mail : gm_doungoupou@yahoo.fr Copie obligatoire au responsable de marchés, Email : celestinbrahim@yahoo.fr ;Tél. : 00 236 75 55 96 Le Coordonnateur Gervais Magloire DOUNGOUPOU
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DON IDA-H555-ZR RECRUTEMENT D’UN CABINET SPÉCIALISÉ DEVANT APPUYER LE MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE DANS LA CONDUITE DES OPÉRATIONS DE RECENSEMENT BIOMÉTRIQUE (IDENTIFICATION-CONTRÔLE) DES AGENTS ET CADRES DES SECRÉTARIATS GÉNÉRAUX DE L’AGRICULTURE, PÊCHE ET ÉLEVAGE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL
SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT AMI N° 044/PARRSA_UNCP/PM/JNE/08/2014 DATE DE PUBLICATION : LE 22 AOÛT 2014 - DATE CLÔTURE : LE 06 SEPTEMBRE 2014
JEUNE AFRIQUE
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Manifestation d’intérêt
1. Contexte général Cette sollicitation de manifestation d’intérêts fait suite à l’Avis général de passation des marchés publié pour ce projet dans DG Market le 08 Février 2011. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a sollicité et obtenu de l'Association Internationale de Développement (IDA) un don de 120 millions de dollars américains en vue de financer le « Projet d’Appui à la Réhabilitation et à la Relance du Secteur Agricole (PARRSA) et se propose d'utiliser une partie de ces fonds pour effectuer les paiements autorisées au titre des Services d’un Cabinet spécialisé devant appuyer le Ministère de la Fonction Publique dans la conduite des opérations de recensement biométrique (identification-contrôle) des agents et cadres des Secrétariats Généraux de l’Agriculture, Pêche et élevage et du Développement rural. 2. Objectif de la mission ✓Procéder au contrôle des effectifs et au recensement biométrique des cadres et agents des Secrétariats Généraux de l’Agriculture, Pêche et Elevage et du Développement Rural 3. Résultats attendus de la mission du Cabinet ✓Un contrôle physique des agents et fonctionnaires des Secrétariats Généraux à l’Agriculture, Pêche, Elevage ; et Développement Rural est assuré au moyen des procédures de contrôle de conformité définie par le Ministère de la Fonction Publique ; ✓Une base des données biométriques complètes des effectifs des agents et fonctionnaires de chaque secteur (Agriculture, Pêche et Elevage et Développement Rural) est établie conformément au manuel des procédures/méthodologie de recensement et contrôle biométrique du Ministère de la Fonction Publique ; ✓Un rapport complet sur la conduite des opérations de collecte des données biométriques sur terrain est établi en faisant ressortir clairement, l’objet de la mission, les moyens mis en œuvre pour atteindre les résultats, le condensé des données collectées à Kinshasa et dans les Provinces ; ✓La base des données enregistrée dans les sous-serveurs utilisés au terrain ainsi que les backups enregistrés dans les Box/Disque durs externes. La mission sera réalisée à Kinshasa et dans les 10 autres provinces du pays sous la supervision des Ministères de la Fonction Publique et de l’Agriculture et Développement Rural. Le PARRSA invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants (firmes) intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel, etc.). Les consultants peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Les manifestations d’intérêts seront évaluées sur base des critères suivants : 1. Expérience pertinente du Consultant pour la mission 2. capacités administrative et financière. 3. Expérience récente pour les 5 dernières années avec référence des clients 4. Expérience dans l’environnement similaire Un cabinet de consultants sera sélectionné en application des procédures définies dans les Directives: Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale éditées en Mai 2004, révisées en Octobre 2006 et en mai 2010. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires, du lundi au vendredi de 9H00 à 16H00, heure locale de Kinshasa (GMT+1), à l’adresse indiquée ci-dessous. Les manifestations d’intérêt, rédigées en langue française, doivent nous parvenir, de préférence, par courrier ou le cas échéant par mail à l’adresse ci-dessous au plus tard le 06 septembre 2014 à 15 heures précises, heure locale de Kinshasa (GMT+1) et porter clairement la mention «AMI N°044/PARRSA_UNCP/PM/JNE/08/2014 : RECRUTEMENT D’UN CABINET SPÉCIALISÉ DEVANT APPUYER LE MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE DANS LA CONDUITE DES OPÉRATIONS DE RECENSEMENT BIOMÉTRIQUE (IDENTIFICATION-CONTRÔLE) DES AGENTS ET CADRES DES SECRÉTARIATS GÉNÉRAUX DE L’AGRICULTURE, PÊCHE ET ÉLEVAGE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL». PROJET D’APPUI À LA RÉHABILITATION ET À LA RELANCE D’UN SECTEUR AGRICOLE « PARRSA » A l’attention de Mr. Alfred KIBANGULA ASOYO, Coordonnateur National Croisement Boulevard du 30 Juin/Avenue Batetela dans l’enceinte du Secrétariat Général du Ministère de l’Agriculture, Pêche et Elevage Téléphone : 00 243 81 81 37 923 - E-mail : uncp_parrsa@yahoo.fr Kinshasa/Gombe - République Démocratique du Congo. Fait à Kinshasa, le 22 août 2014 Alfred KIBANGULA ASOYO Coordonnateur National
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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU NIGER CABINET DU PREMIER MINISTRE AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE LA POSTE
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AVIS DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT
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L’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste lance le présent avis de manifestation d’Intérêt pour présélectionner des candidats admis a concourir pour le recrutement d’un cabinet chargé de procéder à l’identification des sites pour l’implantation des stations fixes de contrôle du spectre et l’élaboration du DAO pour l’acquisition de ces stations. Pour être admis à concourir les candidats (y compris tous les membres d’un groupement de cabinets et tous les sous-traitants) ne doivent pas être associés aux marchés de travaux, fournitures et services qui résulteraient des prestations objet du présent avis de manifestation d’intérêt. La manifestation d’intérêt s’adresse aux cabinets dont la compétence est internationalement reconnue, disposant de l’expertise requise et justifiant d’une expérience avérée en matière de réglementation du secteur des télécommunications et du contrôle du spectre de fréquences. Les cabinets sont informés qu’ils seront notés sur la base des informations fournies notamment : l’expérience générale du bureau ou du cabinet, la capacité managériale du bureau ou du cabinet, les cv et diplômes du personnel proposé, la disponibilité du personnel proposé, les statuts ou agrément du bureau ou du cabinet et toute autre information jugée pertinente par le maître d’ouvrage. Les cabinets ou bureaux sont informés aussi qu’ils seront présélectionnés en vue de figurer sur une liste restreinte établie par le maître d’ouvrage sur la base des notes obtenues à la suite de l’évaluation de cette manifestation d’intérêt. Pour toute information, les cabinets doivent s’adresser à la Direction des Moyens Généraux de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste (ARTP) au numéro de téléphone (00227) 20 73 90 08/20 73 90 11 Fax 20 73 85 91. E-mail arm@arm.ne. Les cabinets sont également tenus de déposer leurs offres dans les délais à la même adresse. Les candidats répondant aux critères de soumission et d’éligibilité précisés dans cette manifestation d’intérêt devront déposer leurs offres au sécrétariat de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste au plus tard le mardi 16 septembre 2014 à 10 heures. L’ouverture des plis se fera le même jour à 11h00 dans la salle de réunions de l’ARTP en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y prendre part. Le Directeur Général ALMOUSTAPHA Boubacar
Manifestation d’intérêt
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DE LA SANTÉ Unité de Coordination du Projet d’Appui à la Réhabilitation du Secteur de la Santé UCP / PARSS
Avis à manifestation d’intérêt N° 013/UCP-PARSS/2014 PROJET D’APPUI À LA RÉHABILITATION DU SECTEUR DE LA SANTÉ (PARSS) RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT CHARGÉ DE L’ÉLABORATION DU RAPPORT D’ACHÈVEMENT 1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a obtenu de l’Association Internationale de Développement (IDA) du Groupe de la Banque Mondiale un don initial en 2006 et des Fonds Additionnels pour la lutte contre le Paludisme, le Renforcement des activités des vaccinations, et l’appui aux services de santé dans le cadre du Projet d’Appui à la Réhabilitation du Secteur de la Santé. Une partie du Don TF017380 DRC servira à effectuer des paiements autorisés au titre du contrat avec un Consultant Chargé de l’élaboration du rapport d’achèvement. 2. L’objectif principal de la mission est de procéder à une évaluation des performances du projet sur la base de la documentation collectée et des entretiens effectués au niveau de différents acteurs. il est attendu du consultant une description détaillée de l’exécution du projet, des coûts, des activités réalisées, le degré de réalisation des objectifs, les résultats obtenus couvrant la période allant d’Avril 2006 à Décembre 2014, dans les districts cible du projet à savoir :Ndjili,Mai-Ndombe,Tshuapa,Haut –Katanga,Equateur-Mbandaka, Mongala et Sud-Maniema. 3. L’unité de coordination du Projet “UCP-PARSS” invite les consultants intéressés à manifester leur intérêt et à fournir les services décrits ci-dessus. Et doivent fournir des informations pertinentes indiquant leur capacité d’exécuter lesdits services. 4. Le consultant sera un bureau d’étude ou une institution reconnue ayant au moins cinq (5) ans d’expériences et des compétences avérées en gestion, évaluation des projets et programmes de santé et des procédures de l’IDA. Le Consultant doit justifier la réalisation d’au moins trois (3) prestations similaires au Congo ou dans la sous région. Par ailleurs, le Consultant doit disposer d’un personnel clé hautement qualifié composé (i) d’un chef de misN° 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
sion, expert en Santé Publique, spécialiste en gestion des projets et programmes de santé et du le suivi et évaluation ;(ii) d’un spécialiste en gestion financière ; (iii) d’un spécialiste en passation des marchés. La mission couvre une période de 90 jours y compris la soumission du rapport final. 5. Sur cette base,un consultant sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque Mondiale « sélection et emploi de consultant par l’emprunteur de Janvier 2011 ». le consultant sera sélectionné par la méthode « sélection fondé sur la qualification du consultant » 6. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires relatives aux termes de référence de la mission en contactant l’UCP-PARSS aux emails :ucparss@gmail.com,ou à l’adresse ci-dessous de 9 h00 à 15h00, heures locales (GMT+1) du lundi au vendredi. 7. Les manifestations d’intérêt,rédigées en langue française,doivent être adressées au Coordonnateur de l’UCP-PARSS, sous enveloppe fermée ou par voie électronique, en mentionnant le nom du projet, le service de consultant requis,et le numéro du présent avis,à l’adresse ci-dessous,au plus tard le 08 Septembre 2014 à 15 h00 (heure locale, GMT+1) précises. Unité de Coordination du Projet PARSS A l’Attention de Mr Adoum DJIBRINE, Coordonnateur ai Concession de l’INRB, Croisement des Avenues Des Huileries et Tombalbaye Kinshasa / Gombe ; Téléphone : 0024315106435 Email : ucparss@gmail.com Mr Adoum DJIBRINE Coordonnateur a.i JEUNE AFRIQUE
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Le courrier des lecteurs
p Le chef de l’État congolais.
RD Congo 1 Kabila : lui seul décidera CERTAINSSEPLAISENT à dire que Joseph Kabila réfléchit aux moyens d’obtenir un troisième mandat à la tête du pays. Mais la vérité est que le chef de l’État se trouve, au sein de sa propre majorité, au milieu de loups voulant pour certains son départ et pour d’autres, son maintien au pouvoir après 2016. Kabila n’a pas toujours été prompt à prendre des décisions importantes, pas parce qu’il est faible mais parce que son approche est méthodique, lente et patiente. C’est de lui seul que viendra la décision finale et je pense, non en tant que militant proKabila mais en tant que citoyen congolais et au vu des différentes interventions du porte-parole du gouvernement et du secrétaire général de la majorité, que l’on s’achemine plutôt vers un retrait du pouvoir. l KAKEL MBUMB, Lubumbashi, RD Congo N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
RD Congo 2 Faites ce que je dis, pas ce que je fais À L A LECTURE DE VOTRE RUBRIQUE « Il nous a rendu visite au 57 bis » dans J.A. nº 2795, j’ai été troublée par les contradictions du député congolais Samy Badibanga. Étrange, en effet, ce responsable politique africain qui parcourt l’Hexagone à la recherche de soutiens afin de changer le cours des événements dans son pays tout en demandant à Joseph Kabila de faire, lui, preuve de modernité, en évitant de s’accrocher au pouvoir. Et de déclarer d’emblée : « Les Européens n’en font pas assez. […] Nous avons aussi besoin d’une pression de la communauté internationale. » Je dirais que nous avons aussi besoin d’une nouvelle classe politique débarrassée de ces réflexes archaïques. Et ce n’est pas tout ! Sur sa lancée, le député
admet qu’il serait plutôt favorable à une succession héréditaire au sein de son parti, l’UDPS. Décidément, la modernité, c’est bien… Surtout chez les autres. l JOYCE KOUKOUA,
JEAN PIERRE EALE, Kinshasa, RD Congo
Paris, France
RD Congo 3 Bienvenue à Congo Airways LE GOUVERNEMENT CONGOLAIS a signé, le 15 août, avec Air France Consulting, les statuts d’une nouvelle compagnie aérienne dénommée Congo Airways. Cette société aura quelques entreprises publiques comme souscripteurs et opérera avec dix aéronefs de dernière génération depuis l’aéroport de Ndjili, à Kinshasa, qui répond aux normes internationales. Nous osons croire que Congo Airways ne figurera pas sur la liste noire de l’Union européenne et qu’elle
Libye 1 Triste révolution APPL AUDIE À SE S DÉBUTS, la révolution libyenne a dégénéré en de sanglantes batailles et l’assassinat du « Guide » de la Jamahiriya a plongé le pays dans l’incertitude. Ce vaste territoire est à deux doigts de voler en éclats. On pourrait être tenté de croire qu’il faut une main de fer pour diriger cette nation cosmopolite. Sinon, comment comprendre que Kadhafi ait tenu pendant plus de quarante ans ? Il aura fallu l’opiniâtreté de Nicolas Sarkozy et les financements souterrains du Qatar pour pouvoir le déloger. La
Précision J’AI LU VOTRE ARTICLE intitulé « Gabon. La pêche est ouverte » (J.A. nº 2796-2797) avec beaucoup d’amusement et un peu de surprise. Que Jeune Afrique se fourvoie dans des analyses que ne renierait pas un apprenti opposant local ne peut qu’inquiéter le lecteur. Ne me comparez pas aux gens qui viennent dans l’opposition par désœuvrement : de toutes les personnes que vous citez dans votre article et qui auraient quitté les rangs du parti au pouvoir pour se retrouver dans l’opposition, je suis le seul qui aie démissionné du vivant du président Omar Bongo Ondimba, abandonnant poste et titres alors que j’étais vice-Premier ministre, ministre des Affaires sociales et vice-président du p Louis Gaston Mayila. PDG. Avouez que ce sont là des fonctions, des titres et des honneurs que tous ceux qui se disent opposants aujourd’hui n’auraient jamais eu le courage d’abandonner. Vous évoquez un Front pour l’alternance qui ne m’aurait pas accepté dans ses rangs, mais je ne suis pas un mouton de Panurge. Je ne mets pas la haine et les règlements de compte personnels au nombre des arguments politiques. Dans un avenir pas très lointain, les Gabonais constateront que la création du LOUIS GASTON MAYILA, Libreville, Gabon front est un non-événement. l VINCENT FOURNIER/J.A.
GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.
Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
ne sera pas une nouvelle « Air peut-être ». Les Congolais l’attendent depuis vingt ans. Espérons que son arrivée va mettre fin aux « cercueils volants » qui exploitaient le ciel congolais moyennant des tarifs fantaisistes. Nous osons croire que les fées se pencheront sur son berceau pour lui prédire un avenir radieux. l
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La déliquescence de l’État libyen et la dissémination du terrorisme dans la région relancent le débat sur l’opportunité de l’intervention de l’Otan contre l’ex-« Guide » de la Jamahiriya.
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Kadhafi? a Libye de 2014 offre le spectacle d’un chaos inextricable. Le pays a basculé dans une guerre civile qui ne dit pas sans nom. En Cyrénaïque, l’opération Dignité, lancée par le général à la retraite Khalifa Haftar, sauveur autoproclamé, contre les jihadistes est loin d’être un succès. À Tripoli, les milices de Zintan et de Misrata, hier alliées contre Kadhafi, se livrent une bataille acharnée pour le contrôle de l’aéroport international. Le gouvernement est totalement impuissant, l’armée et la police sont à l’agonie. Les espoirs de la Libye libre de 2011 se sont évaporés. Du coup, c’est toute la révolution qui est en question. « Fallait-il tuer Kadhafi ? » s’interroge Jean Ping, ancien président de la Commission de l’Union africaine, dans les colonnes du Monde diplomatique (août 2014). Non, il n’était pas dit que l’exécution vengeresse du « Guide » dans les faubourgs de Syrte, le 20 octobre 2011, fût la seule issue possible. Mais, avant et après la constitution d’une coalition pour l’arrêter, Kadhafi, qui avait sciemment choisi la voie du glaive, a rejeté toutes les portes de sortie qui lui étaient offertes. Ses imprécations télévisuelles hallucinées contre les « rats », qu’il menaçait de poursuivre « zenga, zenga » (« rue par rue »), n’ont d’égal que celles de son « réformateur » de fils, Seif el-Islam, lequel promettait aux insurgés des « rivières de sang ». Autant de pièces à conviction qui pèseront lourd devant le tribunal de l’Histoire. En février 2011, J.A. donnait le ton en titrant en une « Kaddafou », avec ce commentaire : « Pourquoi et comment le dictateur libyen en est venu à massacrer son peuple ». L’édito de Béchir Ben Yahmed ne laissait pas de place au doute : « Même un demi-Kadhafi, c’est trop. La communauté et la justice internationales devraient exercer leur droit d’ingérence pour ne pas encourir le reproche de non-assistance à peuple – et à révolution – en danger. » Cette prise de position nous vaut encore aujourd’hui des reproches de la part de lecteurs du continent. Pourtant, elle se fonde sur une analyse froide et dépassionnée : le système kadhafiste était incapable de se réformer. Mais la déliquescence actuelle de l’État libyen a relancé le débat entre partisans et adversaires de l’intervention des forces de l’Otan.
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BURKINA BLAISE ET LES REBELLES
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TUNISIE QUE VAUT VRAIMENT LA CONSTITUTION ?
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ITANIE MAUR TION OPPOSI E CHERCHGIE STRATÉ
État inexistant, insécurité, milices toutes-puissantes, trafics en tous genres… Trois ans après le déclenchement de la révolution, le pays ressemble à une poudrière qui ne cesse d’inquiéter ses voisins. Faut-il craindre le pire ?
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p J.A. nº 2796-2797.
balkanisation de la Libye donne raison à ceux qui, comme moi, pensent qu’une autre solution était envisageable. l HUGUES MBALA MANGA, Douala, Cameroun
Libye 2 Que de maladresses ! EN ÉVOQUANT la situation chaotique dans laquelle se trouve la Libye (J.A. nº 2795), vous faites état de « sept erreurs ». Mais, à mon avis, celles-ci ne sont que les effets pervers d’une seule et unique maladresse (l’assassinat de Mouammar Kadhafi), sans avoir préalablement conçu un projet constructif pour la Libye post-Jamahiriya. Pouvait-on mettre fin à quatre
décennies de règne sans partage et installer ce pays sur « les rails de la démocratie » à coup de bombes et en aidant massivement la rébellion ? Pourquoi les insurgés et la France de Nicolas Sarkozy n’ont-ils pas retenu la leçon du renversement brutal de Saddam Hussein par les Américains et du désordre qui s’est ensuivi avant d’abréger le séjour sur ter re du « Guide » ? Enfin, constatant qu’en matière de démocratie la Libye n’exporte aucune valeur, et qu’elle n’importe pas non plus la liberté, l’égalité et la fraternité espérée, ne faut-il pas faire intervenir d’urgence l’ONU ? l PATRICK TCHICAYAT, Malaga, Espagne
Centrafrique La paix maintenant IL Y A CINQUANTE QUATRE ANS, le 13 août 1960, l’Oubangui-Chari proclamait son indépendance. Je me permets, à cette occasion, de lancer un appel à l’unité et à la réconciliation de tous les Centrafricains. Environ quatre-vingt-dix ethnies cohabitent dans le pays et, jusqu’à une date récente, elles cohabitaient pacifiquement. Il peut paraître étrange de parler réconciliation alors que des affrontements ont encore opposé récemment les forces françaises aux miliciens de l’ex-Séléka. Et il est vrai que cette réconciliation passera par la saisine de la Cour pénale internationale et que les auteurs des crimes les plus horribles devront être punis. Mais la fête de l’indépendance n’est-elle pas le meilleur moment pour formuler des vœux de paix ? l PATRICK DAVID, Fontenay-aux-Roses, France
Islam Jeu dangereux L’AMÉRIQUE A DEPUIS longtemps compris l’importance de la religion au Maghreb et au Moyen-Orient. Elle sait que, souvent, identité culturelle et identité religieuse
se confondent, et elle s’en sert à merveille. Elle a su instrumentaliser l’islamisme politique pour imposer sa domination sur cette partie du monde. Il faut pourtant se souvenir de ce que disait le président Bourguiba: la laïcité est un moteur de développement dans les sociétés arabomusulmanes. l FATHI TOUNAKTI, Hammam Lif, Tunisie
Polémique Aux tongs citoyens ! À LA SUITE DU POST SCRIPTUM deTshitenge Lubabu M.K. (J.A. nº 27962797), permettez-moi de rappeler que l’interdiction du port des tongs peut coûter son poste à un président de la République!JoachimYhombiOpango en a fait les frais au Congo-Brazzaville, à la fin des années 1970. Pendant ses six cents jours de pouvoir, il avait interdit les tongs dans le centre-ville de la capitale. Ses adversaires politiques avaient exploité cette disposition et en avaient profité pour le présenter comme un bourgeois méprisant à l’égard des prolétaires – ce qui était, à l’époque, contraire au socialisme ambiant. l JEAN-MARIE AKPWABOT, Abidjan, Côte d’Ivoire
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
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Post-scriptum Fawzia Zouari
bby@jeuneafrique.com
Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed
Vive le calife!
RÉDACTION
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ABROUK À NOUS, LES MUSULMANS ! Le califat vient d’être réinstauré, à notre grande joie. Fini, le temps de la discorde. Terminées, l’errance et la gabegie. Nous allons retrouver la grande maison de l’islam et confier nos destins au seul maître capable de nous guider, le délégué d’Allah sur terre, le prétendant au rang d’héritier du Prophète : le grand Abou Bakr al-Baghdadi, à qui nous faisons allégeance ici même. À mort tous les chefs d’État de la terre, vive notre calife suprême ! À bas les Erdogan, Saoud, Marzouki et autres tartour (personnage insignifiant, de décor, en arabe tunisien). Exit l’Union du Maghreb et la Ligue islamique ! Sus au nationalisme arabe ! Et que les mahométans nés ou séjournant chez les chrétiens ne s’illusionnent pas : ils dépendent eux aussi du calife et de lui d’abord. Le dernier des beurs d’Europe peut désormais envoyer paître Hollande, Merkel ou le roi des Belges : « Mon chef, c’est pas toi, c’est Baghdadi ! » Maintenant, voyons comment tout cela va s’organiser. Sa Seigneurie s’assoit sur le trône de l’ancien calife Harun al-Rachid entouré de sa cour, princes de faux sang et bandits promus vizirs – personne n’est parfait. Son Altesse dicte les ordres divins, institue les lois et perçoit les impôts des provinces musulmanes. Le Maroc rechigne ? Détrônez le roi ! Les Algériens ? Augmentez les taxes sur le gaz ! La Tunisie ? Depuis le temps que je vous dis d’enfermer les femmes ! Le wali d’Allah exige de rétablir le voile et la barbe – bien évidemment –, demande qu’on se nourrisse d’antilope et de thrid, le plat préféré du Prophète, et appelle à arracher sols et parquets pour prier à même le sable.
En fin de journée, Baghdadi jette un coup d’œil à sa montre de marque et s’apprête à regagner le harem où l’attend un contingent de houris choisies parmi les meilleures musulmanes, entre lesquelles se glissent quelques captives blanches et une probable conteuse nommée Schéhérazade. Mais les filles sont aussi présentes sur le front, où l’armée califale s’occupe d’égorger, de dépecer, de tronçonner et de crucifier les récalcitrants. Forcées ou volontaires, elles offrent du sexe aux guerriers, le diesel sans quoi ces messieurs ont le drapeau en berne. Dans quelque temps, l’on rétablira les expéditions à dos de chameau, a promis l’émir des croyants. Et on mènera des razzias jusqu’aux portes de l’Occident via des croisades à l’envers. Les musulmans redeviendront les maîtres du monde, reprendront leurs anciennes provinces de Venise et de Cordoue, et s’établiront cette fois pour de bon à Poitiers. Pour les infidèles qui acceptent de se convertir, les impies prêts à abjurer la laïcité, les athées revenus dans le giron de la foi, le calife, magnanime, a déjà établi des « récépissés de repentance » et des « passeports pour le paradis ». Et il a même conclu par cette phrase : « Obéissez-moi ; en m’obéissant, vous obéissez à Dieu. » Vous savez ce qui vous reste à faire. Pour ma part, je m’apprête à rejoindre le camp de mon Seigneur et Maître. Et que les incrédules aillent en enfer ! l N O 2798 • DU 24 AU 30 AOÛT 2014
Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis
JEUNE AFRIQUE
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