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MAROC amazigh power jeuneafrique.com

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Hebdomadaire international indépendant • 54 année • n° 2800 • du 7 au 13 septembre 2014 e

ebOlA le pire est-il à venir ?

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Une MAUR afric ambitio ICE aine n Afriq

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Spécial 20 pages

SÉNÉGAl MAriÈMe FAYe, Une preMiÈre DAMe D’inFlUenCe libye seiF à toUt prix

Ali Bongo ondimBA

« l’impunité, c’est fini ! » Bilan, réformes, opposition, présidentielle de 2016, critiques, Cemac, France, CPI, Karim Wade… Une interview exclusive du chef de l’État gabonais. édition internationale et afrique subsaharienne France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285



Éditorial

ma rwa ne ben Ya hmed

3 ÉDITION ÉDITION ÉDITION ÉDITION

Vous retrouverez le « Ce que je crois » hebdomadaire de béchir ben Ya hmed dans J.A. no 2803 daté du 28 septembre

na ja t, Christia ne et la fra nce ra ncie

A

près Christiane Taubira, c’est donc au tour de Najat Vallaud-Belkacem. Désormais, en France, on peut dire, à propos des Noirs, des Arabes, des musulmans, des Roms, ou des homosexuels, entre autres, les pires insanités sans que personne, ou presque, ne s’en émeuve. Les dérapages, ceux qui visent l’Autre, disons, pour simplifier, celui qui n’est ni occidental, ni chrétien, ni hétérosexuel, ni mâle, ni blanc – ce qui fait tout de même beaucoup de monde –, se multiplient dangereusement. Et les tribuns de l’intolérance, les Alain Finkielkraut, Éric Zemmour et autres Élisabeth Lévy, à qui les médias déroulent le tapis rouge dans leurs colonnes ou sur leurs plateaux, s’arrogent non seulement le droit de déverser leur fiel au prétexte qu’ils ont « mal à leur France » surannée, mais, comble du cynisme, ont aussi l’outrecuidance de se poser en remparts courageux contre ce qu’ils appellent le « politiquement correct », dénonçant les lobbies du « droitde-l’hommisme » et de l’antiracisme. On croit rêver… Les éruptions racistes du quidam peu éduqué ou de l’extrême droite, on connaissait. Les couvertures odieuses de Minute, également. Mais voici que la droite républicaine et ses dirigeants cautionnent sans vergogne – quand ils n’y participent pas eux-mêmes – ce déferlement d’attaques nauséeuses. Merci Sarkozy, Copé, Hortefeux, Guéant et consorts… L’hebdomadaire Valeurs actuelles, dont on ne peut guère dire qu’il porte bien son nom, se livre ainsi à une véritable course à l’échalote avec son alter ego extrémiste. Dernière « performance » en date ? La une consacrée à la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, avec ce titre : « L’ayatollah ». Une femme, qui plus est jeune et d’origine marocaine (donc musulmane), qui a défendu, c’était son job en tant que porte-parole du gouvernement, le mariage pour tous et fait de l’égalité son principal cheval de bataille : difficile de cumuler autant de tares aux yeux de nos chantres d’une France rancie. Que ne fût-elle noire et mariée à un Tzigane ! Un procès en illégitimité fondé, donc, sur ce qu’elle serait ou représenterait, et non sur ce qu’elle fait. Le filon de la haine, qui consiste à jouer sur les peurs – islamisation rampante, invasion des étrangers, etc. – que l’on attise soimême, et la chasse aux lecteurs ou aux électeurs de Marine Le Pen ont encore de beaux jours devant eux. D’autant que la classe politique républicaine, censée endiguer « la bête immonde », se trouve, faute de chefs et de visions dignes de ce nom, dans un état de déliquescence avancé. Signe des temps, les réseaux sociaux, qui servent souvent, il est vrai, de déversoir à tout et n’importe quoi, pullulent de commentaires aussi catégoriques qu’abjects, qui en disent long sur ce que devient insidieusement la « Douce France » de jadis : un pays inquiétant. l jeune afrique

INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE : LioneL PReAU/ReseRvoiR Photo MAGHREB & MOYEN-ORIENT : ReUteRs/stRingeR TUNISIE : ChokRi MAhjoUb/ZUMA/ReA MAURICE : nARvikk

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Confidentiel

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l a sem a in e d e j eu n e a f riq u e

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ebola La peur, c’est contagieux Va lérie Trierweiler Ça balance pas mal à Paris Teodoro Obia ng nguema Par ici les ennemis ! Vincent le Guennou « Ebola a un impact sur les investisseurs » algérie In Amenas remet les gaz djibouti Réconciliation annoncée fra ncophonie Buyoya y croit nigeria La peste et le califat

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G ra n d a n G l e

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GABON IntervIew

d’Ali Bongo Ondimba

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a f riq u e su bsa h a rien n e

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afrique du sud Zuma rattrapé par ses démons niger Interview de Hama Amadou, président de l’Assemblée nationale sénéga l Toujours là pour Macky Coulisses

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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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aFrique du Sud Zuma rattrapé par ses démons

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maroC Amazigh Power

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Libye Seif el-Islam à tout prix Syrie-irak Jihadistes de tous les pays… Coulisses maroc Amazigh Power

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russie Vladimir Ier, maître des steppes grande-bretagne Et si l’Écosse larguait les amarres ? Chine Xi Jinping lave plus blanc parc ours Ryad Boulanouar, banquier alternatif union européenne Une Lady Pesc chasse l’autre Coulisses

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L e pL u S d e J eu n e a F riq u e

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mauric e Une ambition africaine

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éC o n o m ie

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tunisie La reprise se fait attendre Les indisc rets audiovisuel Futurs Médias élargit son répertoire transport maritime Douala, port de l’angoisse maroc L’homme qui murmure à l’oreille des puissants Capital-investissement Les fonds étrangers accueillis à bras ouverts baromètre

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ruSSie Vladimir Ier, maître des steppes

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d o SSier rSe environnement et soc iété Bonnes volontés à ordonner

C u Lt u re & m éd ia S Littérature Interview de Taiye Selasi, écrivaine ghanéo-nigériane Sc ienc es humaines Explorer le Maghreb photographie À leurs risques et périls La semaine c ulturelle de Jeune afrique

vouS & nouS Le c ourrier des lec teurs post-sc riptum

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mauriCe Une ambition africaine

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tuniSie La reprise se fait attendre jeune afrique


UN CONFORT RÉVOLUTIONNAIRE Nouveau siège Business : découvrez le confort d’un lit spacieux parfaitement horizontal et un service d’exception.

AIRFRANCE.COM Mise en place progressive à compter de juin 2014 sur une partie de la flotte long-courrier Boeing 777.


ABO TV

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p Richard Attias (en haut, à dr.) au côté d’Ivor Ichikowitz (lunettes fumées), le 17 août à Libreville. Au premier rang, au centre : le ministre gabonais de la Défense, Ernest Mpouho.

Afrique-France Attias, de Libreville à Marbella

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i le président congolais Denis Sassou Nguesso n’était pas présent à Libreville le 17 août pour la Fête nationale gabonaise, tout comme son homologue gabonais, Ali Bongo Ondimba (ABO), était absent des cérémonies de la Fête nationale congolaise à Sibiti quarante-huit heures plus tôt, les deux chefs d’État, qui, on l’aura compris, ne débordent pas d’affection l’un pour l’autre, ont des amis communs. Le publicitaire et homme d’affaires franco-marocain Richard Attias, tout d’abord, que l’on voit ci-dessus assis au deuxième rang de la tribune présidentielle (ABO et la première dame sont juste devant lui, hors champ), lors du défilé militaire du 17 août dans la capitale gabonaise. Quelques jours plus tard, le même, accompagné cette fois de Cécilia (ex-Sarkozy), son épouse, passait ses vacances à Marbella, dans le sud de l’Espagne. Comme chacun sait, Marbella est aussi depuis des années le spot de villégiature favori de Denis Sassou Nguesso. Le couple Attias s’y trouvait donc en même temps que lui. L’occasion d’évoquer des projets communs, Richard Attias & Associates étant très engagé dans n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

l’événementiel au Congo comme au Gabon. Autre connaissance commune, assise à la droite d’Attias lors du même défilé de Libreville: le businessman sudafricain Ivor Ichikowitz, patron du groupe Paramount, spécialisé dans le commerce des armes et de la sécurité, mais également présent dans les mines et le pétrole. Depuis qu’il a revendu en 2010 aux armées de l’air gabonaise et congolaise huit Mirage F1 français des années 1980 retirés des stocks de la South African Air Force, ce proche de Jacob Zuma se rend fréquemment dans les deux capitales, où il rencontre régulièrement les deux chefs d’État. Hyperactif, Attias a également été vu ces dernières semaines à Dakar, où il organise (en partie) le prochain sommet de la Francophonie, mais aussi un forum sur le thème de la « Francophonie économique » avec l’aide de son ami Jacques Attali. Les deux hommes sont très proches. En 2008, lors du lancement de Richard Attias & Associates, le pied-à-terre parisien de l’agence était hébergé dans les locaux de PlaNet Finances, la société de Jacques Attali. l jeune afrique


Politique, économie, culture & société TUNISIE ET SI AbboU créAIT lA SUrprISE ?

Transfuge du Congrès pour la République (CPR), parti qu’il cofonda en 2001 avec l’actuel président Moncef Marzouki, Mohamed Abbou pourrait créer la surprise lors des législatives du 26 octobre en Tunisie. Selon un sondage confidentiel réalisé par le Centre d’études maghrébines à Tunis (Cemat), centre de recherches qui collabore avec l’American Institute, le Courant démocratique, une formation qu’il a créée en juin 2012, recueille 8 % des intentions de vote, derrière Nida Tounes (32 %) et Ennahdha (26 %), mais loin devant des formations depuis longtemps présentes dans le paysage politique. Les personnes interrogées apprécient apparemment qu’il n’ait jamais dévié de ses engagements. MAlI INcoNToUrNAblE AlghAbASS Ag INTAllA

Les leaders des groupes armés du Nord-Mali se trouvent tous à Alger pour la reprise des pourparlers de paix avec le gouvernement. Tous sauf un : Alghabass Ag Intalla, le secrétaire général du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Selon plusieurs sources, le fils de l’aménokal Intalla Ag Attaher est pourtant le seul

Retrouvez en page 96 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

Tunisie l’axe Tunis-riyad passe par paris Lors de La visite du roi du Maroc en tunisie, au mois de juin, certains avaient évoqué la création d’un axe rabat-tunis-riyad. ils avaient omis d’y adjoindre Paris. Les autorités françaises ont en effet aidé à l’organisation de la conférence internationale des amis de la tunisie, le 8 septembre à l’hôtel tunisois Karthago Le Palace, établissement partiellement détenu par des capitaux saoudiens. selon des sources proches du Quai d’orsay, la question de la tunisie a été largement évoquée lors de la visite à Paris, le 1er septembre, de salman ben abdelaziz, prince héritier d’arabie saoudite. Grand artisan de l’opération : Mohamed ayachi ajroudi, un entrepreneur tunisien originaire de Gafsa qui a fait fortune dans le royaume des saoud et engagé en 2012 une carrière politique dans son pays natal. d’autres sources, tunisiennes celles-là, confirment l’intérêt des saoudiens pour les grands projets de développement en tunisie (le sujet a été abordé lors de la visite à riyad, en mars, de Mehdi Jomâa). ces derniers auraient obtenu que les responsables politiques liés au Qatar soient écartés de la conférence du 8 septembre. l

chef respecté (et écouté) par les autres mouvements rebelles. « C’est lui qui a lancé l’idée d’une unification des différents groupes avant de se rendre à Alger, glisse un médiateur. Depuis quelques semaines, il a véritablement la main sur les décisions. » Pourquoi donc ne s’est-il pas rendu en Algérie ? « Il veut laisser les autres régler leurs derniers différends sur la place publique, pour ensuite jouer les pompiers de service », décrypte notre source.

TchAD FroNDE coNTrE lE NoUvEAU coDE pASTorAl

Le Conseil constitutionnel a jusqu’à la fin de ce mois de septembre pour se prononcer sur la requête en inconstitutionnalité visant le nouveau code pastoral qu’une trentaine de députés d’opposition ont déposée le 2 juillet, au lendemain de son adoption par le Parlement. Menés par Gali Ngoté Gata, les protestataires se disent surtout outrés par « l’obligation faite aux agriculteurs de clôturer leurs champs », alors que, « depuis

centrafrique N’guendet et son agenda caché Partisan de la nomination de Karim mecKassoua au poste de Premier ministre, alexandre-Ferdinand n’Guendet, le président du Parlement de transition (cnt), avait un agenda à peine caché : forcer catherine samba-Panza à démissionner et assurer l’intérim. c’est en tout cas ce qu’il a expliqué au médiateur congolais, denis sassou nguesso, lorsque ce dernier a convoqué une partie des leaders politiques centrafricains, peu après la nomination de mahamat Kamoun à la primature. le plan de n’Guendet n’a pas eu le succès escompté auprès de dsn, même si ce dernier soutenait ouvertement meckassoua. Quant à samba-Panza, qui a confirmé Kamoun, le 22 août, elle en a manifestement eu vent. depuis, la guerre est déclarée entre cette dernière et n’Guendet. devant plusieurs diplomates, le président du cnt a même expliqué avoir reçu des menaces de mort par sms. inquiets de ces tensions, les représentants de la communauté internationale à Bangui ont demandé aux deux protagonistes de « respecter l’esprit de la transition ». l jeune afrique

des millénaires, les pratiques culturales sont restées les mêmes ». Ils demandent aux sages d’annuler le vote pour ne pas ouvrir une boîte de Pandore. À cause du changement climatique, les éleveurs transhumants qui arrivaient naguère dans le Sud agricole après les moissons y débarquent désormais avant. Les dévastations de champs qui s’ensuivent provoquent souvent des bagarres entre agriculteurs chrétiens et éleveurs musulmans. lE chIFFrE

600 millions d’euros : le coût du matériel que l’oNU estime nécessaire pour enrayer l’épidémie d’Ebola. bien que 40 % des cas détectés l’aient été au cours des trois dernières semaines, l’organisation mondiale de la santé (oMS) espère pouvoir « inverser la tendance de l’infection dans les trois mois ».

cINéMA pAS DE « blESSUrE » poUr KEchIchE

Réalisateur de La Vie d’Adèle, Palme d’or au Festival de Cannes 2013, le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche avait choisi pour son sixième long-métrage d’adapter La Blessure, la vraie, roman initiatique de François Bégaudeau (2011) qui évoque les vacances estivales d’un adolescent de 15 ans. Le tournage, avec Gérard Depardieu en tête d’affiche, aurait dû débuter fin août en Tunisie et durer trois mois. Les exigences financières des techniciens locaux et différentes difficultés logistiques ont contraint Kechiche à renoncer provisoirement à son projet. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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La semaine de Jeune afrique

EboLa

La peur, c’est contagieux Les mesures de quarantaine, discriminatoires à l’égard des pays touchés, sont-elles excessives ? L’Organisation mondiale de la santé a-t-elle sous-estimé l’ampleur de la menace ? Pendant que l’on se perd en conjectures, l’épidémie et la psychose gagnent du terrain…

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jeune afrique


L’événement Dans ce contexte, l’Afrique de l’Ouest est de plus en plus ostracisée, comme en témoigne l’annulation d’une réunion de la pourtant très afro-optimiste Fondation Mo-Ibrahim, qui devait se tenir fin novembre à Accra. Plusieurs événements attendus à Dakar, dont le sommet de la Francophonie, en novembre, et le sommet sur la paix et la sécurité en Afrique, le mois suivant, pourraient être menacés, un premier cas ayant été dépisté au Sénégal le 29 août. Le sport n’est pas épargné : à N’Djamena, les autorités envisagent un report, voire l’annulation de la Coupe d’Afrique militaire de football (Camfoot), prévue en novembre. Et pourtant, cet échec sanitaire n’est pas vraiment une surprise. Les États les plus touchés (la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone) sont parmi les plus pauvres d’Afrique de l’Ouest. Non seulement leur système de santé était déjà en lambeaux, mais ils n’avaient jamais été confrontés à une maladie jusque-là cantonnée à l’Afrique centrale.

Sylvain Cherkaoui/CoSmoS

alarmisme. La gestion de la crise, après la détection

Pierre Boisselet

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e doute n’est plus permis : dans la lutte contre l’épidémie Ebola, la première manche est perdue. Durant ces dernières semaines, marquées par une psychose grandissante, la barre des 2 000 morts a été franchie, et on constate une explosion de nouveaux cas. Et encore, selon certains spécialistes, la majorité d’entre eux ne seraient pas recensés. Les projections sont donc pessimistes. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) table désormais sur une épidémie qui se propagerait pendant encore six à neuf mois et pourrait toucher jusqu’à 20 000 personnes. Si elle continue de progresser au rythme actuel, le seuil des 100 000 cas sera atteint d’ici à décembre, estime de son côté Christian Althaus, épidémiologiste à l’Université de Berne (Suisse), cité par le magazine Science. jeune afrique

p Une équipe de Médecins sans frontières lors de l’enterrement de victimes, à Kailahun (Sierra Leone), le 11 juillet.

du virus en mars, n’est pas davantage exempte de critiques. Rétrospectivement, on ne peut que regretter que les autorités guinéennes aient minimisé la situation (lire p. 10). Mais elles ne sont pas les seules dans ce cas. Une enquête du New York Times, publiée le 3 septembre, met directement en cause l’OMS. Ces dernières années, le budget bisannuel de l’agence onusienne a en effet été réduit de 1 milliard de dollars (il est désormais de 4 milliards) et son département de réaction aux épidémies et pandémies a été tout bonnement dissous, les professionnels non licenciés étant affectés à d’autres services. Conséquence : ses experts en urgences épidémiques pour l’Afrique, qui étaient une douzaine, ne sont plus que trois. « L’OMS est une agence technique, s’est défendue sa directrice, la Chinoise Margaret Chan. C’est aux gouvernements qu’il incombe en priorité de s’occuper de leurs concitoyens. » Il n’empêche, l’organisation aurait pu ne pas attendre le 8 août pour déclarer qu’Ebola était une « urgence de santé publique de portée mondiale ». Après cette prise de conscience tardive, la réaction des autorités ouest-africaines a été brutale : elle s’est traduite par des fermetures de frontières et la mise en quarantaine de territoires entiers du Liberia et de la Sierra Leone. Il apparaît aujourd’hui que ces décisions sont inapplicables ou contre-productives : elles ont alimenté la psychose (et avec elle, le refus des malades de se faire dépister) et, en entravant les échanges, ont porté un rude coup à ces économies essentiellement agricoles. Le risque est grand de voir la crise sanitaire se doubler d’une crise alimentaire. Difficile donc de donner tort à l’ONG Médecins sans frontières (MSF), dont Conakry avait critiqué l’alarmisme. « Nous n’arrivons plus à faire face, affirme Henry Gray, son coordonnateur des opérations d’urgence. Je rentre de Monrovia : des gens meurent à l’extérieur de nos centres parce que ceux-ci sont pleins. C’est pourquoi nous lançons un appel aux États, ce qui est très inhabituel de notre part. Ceux qui ont les moyens de lutter n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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la semaine de J.a. l’événement contre la maladie doivent le faire immédiatement. » L’échec de la stratégie adoptée jusqu’ici incite en tout cas à en changer. L’OMS a indiqué qu’elle adoptait un nouveau plan de bataille. L’Union africaine, qui s’était d’abord contentée de dénoncer le caractère discriminatoire de certaines mesures prises à l’encontre des pays touchés, s’inquiète dorénavant de voir la fermeture des frontières mener « à des souffrances encore plus grandes » dans lesdits pays. Les moyens efficaces de lutter contre l’épidémie sont pourtant simples et connus: il faut isoler les patients contagieux et surveiller les personnes avec lesquelles ils ont été en contact. Mais cela nécessite la présence d’agents sur le terrain, formés et bien protégés (car, avec plus de 120 morts, la communauté médicale paie un très lourd tribut au combat contre la maladie). De timides réactions, plus pragmatiques, s’esquissent, comme la levée, par Monrovia, de la quarantaine imposée à l’un des quartiers de la capitale. La Côte d’Ivoire a annoncé l’ouverture de corridors humanitaires vers le Liberia. Les organisations internationales pressent le Sénégal d’en faire autant. Paris s’est engagé, de son côté, à envoyer une vingtaine de réservistes sanitaires d’ici à la fin de l’année. Cela suffira-t-il ? l

les pays les plus exposés u Probabilité de l’arrivée d’un patient porteur du virus avant le 22 septembre 2014. L’étude prend en compte les fermetures de frontières terrestres en Afrique de l’Ouest, mais pas les fermetures de lignes aériennes.

Ghana Roy.-Uni Gambie Côte d’Ivoire Belgique France Maroc

Risque d’importation du virus Ebola

Mali Mauritanie Guinée Bissau États-Unis

Probabilité haute

Allemagne

Probabilité basse

Afrique du S. Kenya

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mots et maux La lutte contre Ebola, c’est aussi un enjeu de communication. Pour les chefs d’État et de gouvernement. Pour les ONG. Et pour les compagnies aériennes.

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ourtant réputé pour sa pondération, le président Macky Sall s’est emporté, fin août, contre l’étudiant guinéen qui a « importé » Ebola au Sénégal,malgrélafermeturedelafrontière entre les deux pays : « N’eût été son état de santé, il devrait être jugé pour avoir enfreint nos lois », a-t-il déclaré. Quelques jours plus tard, Souleymane Jules Diop, l’ancien responsable de la communication de Macky Sall, tempérait : « Nous ne le poursuivrons pas. Mais quel message envoyons-nous aux autres malades en le soignant chez nous? Le président devait se montrer ferme envers ceux qui pourraient être tentés de l’imiter. » Trois mois plus tôt, le Guinéen Alpha Condé s’était hâté d’annoncer que l’épidémie était « maîtrisée ». « Il faut comprendre ces présidents qui tentent de rassurer la population et les investisseurs. Condé avait raison. En mai, l’épidémie était sous contrôle. J’ai tenu le même discours à l’ambassade de France quand je suis reparti de Conakry », plaide Sylvain Baize, responsable du Centre national de référence n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Source : Laboratoire de modéLiSation deS SyStèmeS bioLogiqueS et SociotechniqueS/ northeaStern univerSity, boSton. étude pubLiée danS La revue PLOS

suspendu ses vols vers la Sierra Leone le 28 août sur recommandation du gouvernement français. « Dès que les autorités nous donneront le feu vert, nous y retournerons, car pour nous les risques étaient couverts », estime le Dr Vincent Feuillie, responsable médecine passagers à Air France. Les compagnies encore présentes contribuent en effet à désenclaver les pays touchés en y acheminant notamment des personnels de santé. « Chaque

des fièvres hémorragiques virales, basé en France. « À la différence de Médecins sans frontières au discours constamment alarmiste, l’Organisation mondiale de la santé a réagi de façon graduée, en fonction de l’évolution de l’épidémie », ajoute-t-il. Chargé de communication pour Ebola à MSF, Jean-Marc Seuls Brussels airlines et royal Jacobs se montre plus criair maroc desservent encore tique : « Depuis plusieurs mois, nous avons prévenu Conakry, monrovia et freetown. que nous ne viendrions pas seuls à bout de cette épidémie, mais l’OMS semaine, nous transportons une dizaine n’a réagi que très tardivement. » de tonnes de médicaments et d’aide alimentaire. Nous maintenons nos vols pour feu vert. Un silence qui a alimenté la des raisons humanitaires et par solidarité psychose. Ainsi, même si le risque de africaine », assure Hakim Challot, restransmettre Ebola lors des voyages en ponsable de la communication à la RAM. avion est « faible » selon l’OMS, Royal « L’Afrique est notre spécialité ! Il est de Air Maroc (RAM) et Brussels Airlines notre responsabilité de ne pas isoler ces sont désormais les seules compagnies à pays»,renchéritWenckeLemmes-Pireaux, desservir Conakry, Freetown et Monrovia, porte-parole de Brussels Airlines. Et de après le retrait en août de British Airways récupérer des clients ? « Actuellement, et Emirates. De son côté, Air France, qui c’est le cadet de nos soucis », affirment avait déjà fermé sa liaison vers le Liberia en chœur les deux compagnies. l emmanuel de Solère Stintzy mi-juin pour raisons commerciales, a jeune afrique



La semaine de J.A. Les gens

Valérie trierweiler Ça balance pas mal à Paris

L’ancienne compagne de François Hollande publie un livre ravageur pour l’image du président français. Aurait-on pu imaginer la même chose en Afrique ? Sûrement pas.

BERTRAND LANGLOIS/Afp

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p À New Delhi, en 2013. Nul ne se doutait alors de la crise que traversait le couple.

«

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n homme, quand il se couche, il n’a pas pris de décision. Il la prend avec celle qui est à côté de lui. Et celle avec qui François Hollande couche, c’est Valérie. » Les propos sont ceux de Mintou Traoré, épouse de l’ancien président malien par intérim, Dioncounda Traoré. Tenus en pleine conférence de presse, ils ont, paraît-il, beaucoup fait rire dans l’assistance. Nous sommes en mai 2013, Valérie Trierweiler est en visite humanitaire au Mali. À l’époque, Mintou Traoré n’a aucune idée de ce que traverse le couple Hollande-Trierweiler. Comme quasiment tout le monde, d’ailleurs. Au pouvoir depuis un an, le président a secrètement une autre femme dans sa vie, Julie Gayet, une actrice. Ce n’est plus seulement au côté de Valérie qu’il « se couche ».

Cette citation, légère, amusante, Valérie Trierweiler la rapporte dans son livre choc, Merci pour ce moment (sorti le 4 septembre), comme une preuve supplémentaire qu’elle n’a pas eu le traitement réservé aux autres premières dames. Elle, « la première femme de président non mariée », qui a tenu à garder son travail de journaliste, envie paradoxalement Michelle Obama, qui a abandonné une carrière en or mais jouit aujourd’hui d’un « véritable statut », et se console en écoutant l’épouse du Premier ministre japonais lui raconter que la presse se déchaîne à chacune de ses prises de parole. Et ses homologues africaines? Celle qui a réuni à Paris, en décembre 2013, une quinzaine d’épouses de chefs d’État en marge du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique n’en cite pourtant aucune – hormis Mintou Traoré, dont le

mari n’était déjà plus président – et regrette simplement que l’événement, consacré à la lutte contre les violences sexuelles, n’ait pasétéassezmédiatisé.«Jevousdemande, avec moi, de ne plus vous taire », avait-elle déclaré lors de son discours. Un franc-parler qui détonnait déjà face à des premières dames africaines dont ce n’est pas vraiment le style… Sur un continent où la plupart d’entre elles sont confrontées à une horde de rivales potentielles, pas sûr que le sort de cette femme qui a « volé » l’homme d’une autre (Ségolène Royal) avant d’être « répudiée », comme elle le dit elle-même, en émeuve beaucoup. Du Maghreb à l’Afrique du Sud, combien sont-elles qui auraient osé écrire, après un divorce (car nos présidents sont tous mariés, mis à part l’Algérien Abdelaziz Bouteflika et le Togolais Faure Gnassingbé), un tel ouvrage ? Et celui-ci aurait-il seulement pu être publié ? indécence. Alors oui, dans son livre, Trierweiler dézingue celui qui fut « l’amour de [sa] vie ». Elle le pulvérise, même, humainement et politiquement. Elle dit tout, frôle parfois l’indécence. Ce qui choque nombre de commentateurs, lesquels ne se privent pas de réduire sa démarche à celle d’une « femme bafouée » qui aurait perdu la raison. Sur Twitter, on ressort même les vieux tubes, comme celui du chanteur gabonais Hilarion Nguema, Quand la femme se fâche. Neuf mois plus tôt, ils étaient moins nombreux à s’étendre sur les manières de la gent masculine. Cette phrase lapidaire servie à l’AFP : « Je fais savoir que j’ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler », combien sont-ils à l’avoir dénoncée ? À la sortie du livre, la classe politicomédiatique française s’est étranglée : Hollande est au plus bas dans les sondages, 13 % de popularité, elle aurait dû attendre… On la disait « illégitime » à l’Élysée, la voici illégitime en librairie. Quoi de plus cohérent ? l Haby niakate

nominations

Sid RouiS FRance L’ancien conseiller spécial deYamina Benguigui lorsqu’elle était au ministère délégué à la Francophonie a été nommé attaché de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France à Lagos. Il doit prendre ses fonctions le 11 septembre. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

MohaMed ali chihi TuniSie Diplomate de carrière, le nouvel ambassadeur de Tunisie à Paris a succédé à Adel Fekih le 1er septembre. Il était jusqu’à présent secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. jeune afrique


En haussE

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Caddy adzuba

E

n appelant, le 29 août, tous les partis d’opposition, légaux, clandestins ou en exil à participer à un grand dialogue national à Malabo, en novembre, Teodoro ObiangNguema,72ans,enasurprisplusd’un.Celui qui tient son pays d’une main de fer depuis trente-cinq ans a toujours cultivé le rapport de force avec ses opposants. De ces derniers, il ne reste aujourd’hui qu’une multitude de petites formations satellites qui ont fait allégeance au Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE, au pouvoir) et la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), qui ne compte qu’un député et un sénateur. « La reconnaissance, même implicite, d’un déficit démocratique et de l’existence d’opposants en exil est déjà, en soi, un premier signe de changement », estime Samuel Denantes Teulade, secrétaire de l’Association France-Guinée équatoriale.

EuroPA PrEss

GorGui dienG

rajae Ghanimi

MichaEl Pauron

t À 72 ans, il dirige le pays depuis trente-cinq ans.

Cette chercheuse marocaine a été récompensée par le prix des Sciences décerné par le jury des Arabs Group Awards, lors d’une cérémonie organisée le 30 août à Londres. Elle est considérée comme « le meilleur médecin arabe dans le monde ». En baissE

dr

Léon nzouba C’est une première dans un gouvernement gabonais depuis 1996.Très critiqué pour sa gestion de la crise, lors du bac 2014 marqué par une grève de la faim d’élèves recalés, le ministre de l’Éducation nationale a démissionné le 31 août.

tribunE.com

rodoLphe ramananTsoa Objet d’une enquête du Bureau indépendant anticorruption, l’ancien ministre malgache de l’Énergie a été mis en examen pour corruption le 3 septembre. Il a été laissé en liberté provisoire en attendant son jugement, le 12 septembre. Thomas Thévenoud

o. tHomAs/divErgEncE

EskindEr dEbEbE/onu

diaboliquE. L’allocution du président aurait été parfaite

si elle ne s’était conclue sur des accents volontairement provocateurs : « Unissons-nous pour défendre notre pays contre les machinations de nos ennemis et contre le plan diabolique et archiconnu des prédateurs étrangers. » Mais qui vise-t-il ? « Même si ce discours est récurrent et se veut panafricaniste, il est difficile de ne pas y voir une allusion directe à Paris, poursuit Samuel Denantes Teulade. Le mandat d’arrêt international lancé par la justice française, en 2012, contre son fils dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis nuit à son image et le met profondément mal à l’aise. » D’autres y voient aussi une attaque contre la Coalition d’opposition pour la restauration d’un État démocratique (Cored), créée en 2013 à Paris (et donc, pour Obiang, soutenue par la France), qui réunit treize partis exilés en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe. Raimundo Ela Nsang, le secrétaire exécutif de la Cored, qualifie cet appel de « mascarade » et demande des garanties solides (désignation d’observateurs étrangers, amnistie pour les prisonniers politiques, loi de réconciliation nationale…) afin d’assurer la sécurité, notamment des exilés. l

Le pivot de l’équipe sénégalaise de basket-ball, qui joue en NBA chez lesTimberwolves du Minnesota, a réussi l’exploit d’emmener les Lions au second tour du championnat du monde après avoir battu Porto Rico et la Croatie.

ordAn JoHnson/nbAE

Le président équato-guinéen invite toutes les composantes de l’opposition à participer à un dialogue national. Trop beau pour être vrai ?

Cette journaliste de Radio Okapi, en RD Congo, a reçu le prestigieux prix espagnol Prince-des-Asturies. Selon le jury, elle est un « symbole de la lutte pacifique contre les violences faites aux femmes, la pauvreté et la discrimination ».

dr

Teodoro obiang nguema Par ici les ennemis!

Après seulement neuf jours en poste, le secrétaire d’État français au Commerce extérieur a été contraint de démissionner du nouveau gouvernement Valls, le 4 septembre, pour un problème de conformité avec les impôts. n o 2800 • du 7 Au 13 sEPtEmbrE 2014


La semaine de J.A. Décryptage

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Le grandinvité

de l’économie

vincent fournier/J.A.

Né en 1963, Vincent Le Guennou a commencé sa carrière au cabinet d’audit Arthur Andersen, avant de rejoindre à Abidjan la Compagnie ivoirienne d’électricité, dont il a été le directeur financier. En 2000, il est recruté par l’américain Emerging Markets Partnership pour participer au déploiement de son premier fonds africain. Depuis, avec ses associés, il a pris le contrôle du capital-investisseur (devenu Emerging Capital Partners) et il a créé deux autres fonds panafricains.

Vincent Le Guennou « Ebola a un impact sur les investisseurs » Le codirecteur d’Emerging Capital Partners, leader du capitalinvestissement en Afrique, évoque son métier et le climat des affaires sur le continent.

D

iscret dans les médias, Vincent LeGuennoun’enestpasmoins l’un des meilleurs connaisseurs du tissu économique africain, du Kenya jusqu’au Sénégal et de Tunis à Lagos. Depuis quatorze ans, avec ses équipes au sein d’Emerging Capital Partners (ECP), ce Franco-Camerounais a en effet investi près de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) dans des dizaines d’entreprises. Dont quelques groupesdevenusdesgéantscommeCeltel, Djezzy, Ecobank, Bank of Africa ou plus récemment IHS, le leader nigérian de la gestion des tours télécoms. Un métier mal connu « Le capital-investisseur intervient dans des entreprises qui ne sont pas cotées, soit en prenant des participations minoritaires, soit en en prenant le contrôle. Nous réalisons des analyses macroéconomiques

et sectorielles pour choisir l’entreprise que nous allons pouvoir accompagner au mieux pendant quatre à six ans. Ce métier présente plusieurs facettes: attirer des investisseurs, gérer des participations puis négocier la sortie du capital, par une introduction en Bourse ou une cession. » Retour sur investissement « Nous visons une rentabilité annuelle de l’ordre de 25 %. Cela paraît considérable, mais nous ne sommes pas des banquiers. Nous prenons une participation, donc nous assumons un risque. L’objectif est le doublement du chiffre d’affaires et des profits. C’est ainsi que nous pouvons atteindre ce niveau de rendement. »

pas concernée par le virus! Je crains aussi beaucoup pour le tourisme. Au Bénin, la demande de visa aurait chuté de 60 % au mois d’août. » Où sont les Américains ? « De grands groupes venus des États-Unis tels que General Electric et Coca-Cola s’intéressent à l’Afrique. Mais derrière ces grands noms, il y a aussi de nombreux fournisseurs. Les Américains sont présents et visent d’abord les pays anglophones: le Nigeria, le Kenya, le Ghana. » Question d’image « L’environnement global africain, sur les plans politique et économique, est perçu aujourd’hui comme beaucoup plus favorable qu’il y a quinze ans. »

Inquiétude au Ghana « La dépréciation de la monnaie, le cedi, est la conséquence d’une gouvernance qui ne correspond pas à ce qu’attendent les investisseurs ou les bailL’ombre d’Ebola leurs. Le déficit des finances RetRouvez l’intégralité « Je ne suis pas en mesure d’évapubliques est préoccupant. Le de l’interview sur luer les conséquences éconoGhana est devenu un producjeuneafrique.com miques de l’épidémie. Mais je teur de pétrole, et c’est toujours reviens d’Asie du Sud-Est et du un défi pour un pays de gérer Golfe, et j’ai été frappé par l’impact de les revenus de ses ressources naturelles. Il cette crise sur les investisseurs. L’un d’eux faut savoir les réinvestir pour développer m’a confié avoir dû annuler, à la demande l’économie. » l de son gouvernement, une tournée au Propos recueillis par FRéDéRIc MAURy (J.A.) Kenya – alors que l’Afrique de l’Est n’est et JEAn-PIERRE BORIs (RFI)

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La semaine de J.A. Décryptage

algérie in amenas remet les gaz Déserté depuis la spectaculaire attaque terroriste dont il a été la cible en 2013, le site s’apprête à reprendre ses activités. Et à placer son personnel sous haute sécurité. Bienvenue à Fort Knox !

D

ans le Sahara algérien, presque deux ans après l’attaque terroriste de janvier 2013, le complexe gazier de Tigentourine reprend du service. Partenaire du groupe public Sonatrach et du britannique British Petroleum (BP), le norvégien Statoil a annoncé le retour de son personnel. L’usine devrait tourner à plein régime avant la fin de l’année. Au lendemain du drame, dans lequel périrent 37 otages et 29 terroristes, les compagnies étrangères avaient suspendu leurs activités dans l’attente de la mise en œuvre d’un plan de sécurisation du site, où travaillaient 700 Algériens et expatriés. C’est désormais chose faite. Une

piste d’atterrissage a été construite pour acheminer le personnel par hélicoptère, lui évitant ainsi de longues navettes par la route pour rallier l’aéroport, distant de 45 km. Des avions survolent régulièrement cette région proche de la frontière libyenne, et des barrages contrôlent l’accès au complexe. Autour, une caserne ainsi qu’une clôture avec des sas ont été installées. À l’extérieur, la sécurité sera assurée par des militaires et, à l’intérieur, par des sociétés de gardiennage. In Amenas s’est transformé en Fort Knox, version locale. Pour les Algériens comme pour les étrangers, cette reprise de l’activité représente un enjeu de taille. Le retour du

le Dessin De la semaine

personnel permettra d’effacer progressivement les stigmates de l’attaque, qui eut un retentissement mondial et exposa au grand jour les failles du dispositif sécuritaire et du renseignement algériens. Ce retour constitue aussi un gage de sécurité et rétablit la confiance des multinationales. Bien que les complexes pétroliers du sud de l’Algérie soient ultrasécurisés, ces compagnies appréhendent toujours des attaques similaires de la part d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou d’autres groupuscules terroristes. La reprise de l’activité à In Amenas – qui assure 18 % des exportations de gaz du pays – soulagerait Sonatrach, qui subit une baisse chronique de sa production depuis 2006. Enfin, ce redémarrage pourrait se révéler crucial en pleine crise ukrainienne. Alors que Poutine agite la menace de couper le gaz, l’Europe pourrait se tourner vers l’Algérie… l FariD alilat

Chappatte • NZZ am Sonntag • Suisse

états-unis ice bucket challenge pour obama

échec des négociations israélo-palestiniennes, Syrie et Irak en perdition, Afghanistan déliquescent, Ukraine croquée par l’ogre russe, économie chinoise agressive : l’accumulation des crises fait l’effet d’une douche froide – ou d’un Ice Bucket Challenge – à Barack Obama, dont certains, oublieux des années Bush, dénoncent l’attentisme diplomatique. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

jeune afrique


ils ont Dit

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Djibouti réconciliation annoncée

p Ismaïl Guedi Hared, le chef de l’opposition.

Cherif ouazani

francophonie Buyoya y croit

GeorGes DouGueli jEuNE AFrIquE

KAMEL KABTANE Recteur de la grande mosquée de Lyon (dénonçant les massacres commis par l’EI contre les chrétiens d’Irak)

« La vie est courte et belle. Ce sont les hommes qui la rendent difficile. » N’FALY KOUYATÉ Musicien guinéen

« Une partie de la population ivoirienne voit encore Laurent Gbagbo comme un bourreau, mais l’autre partie considère toujours Alassane Ouattara comme illégitime en tant que président. » MICHEL GBAGBO Fils aîné de l’ancien président ivoirien

« Une gauche de posture manque de maturité et ne raisonne pas en termes d’efficacité. On peut brandir les grands principes, mais la France ne peut pas accueillir tout le monde. » BErNArd CAzENEUvE Ministre français de l’Intérieur (au sujet de l’immigration)

« La secte Boko Haram n’a rien à voir avec l’islam, qui est une religion de paix et de tolérance, où l’éducation est non seulement un droit mais un devoir. » MALALA YOUSAFzAI Militante pakistanaise de 17 ans, célèbre pour son combat contre les talibans, qui ont tenté de l’assassiner en 2012 N O 2800 • du 7 Au 13 SEPtEmbrE 2014

OtO h P t I d é r C

Le Pierre Buyoya qu’on a vu à Paris le 4 septembre avait une bien étrange façon de parler. Évoquant son « ambition » pour le secrétariat général de l’organisation internationale de la francophonie (oiF), il s’est un peu « lâché », au grand plaisir des journalistes accourus en nombre dans le grand hôtel où il lançait sa campagne. Ton offensif, verbe musclé, loin de l’habituelle retenue du diplomate arpentant l’afrique depuis dix ans comme observateur ou médiateur. « Le plus important n’est pas comment on est arrivé au pouvoir, mais comment on l’a quitté », se défend l’ex-homme fort de Bujumbura lorsqu’on lui rappelle ses deux coups d’État, en 1987 et 1996. avec cet accent si caractéristique des francophones de l’ancienne colonie belge du ruanda-urundi, ce militaire formé dans les écoles de guerre allemande (à Hambourg) et française (saint-Cyr) veut croire que son passé ne constitue pas un handicap. au contraire, son expérience de bâtisseur du Burundi moderne est un atout qu’il mettra à profit pour conquérir le poste brigué, assure-t-il. Très discret sur les soutiens dont il dit bénéficier hors de son propre pays, Buyoya apparaît pour l’instant comme un candidat solitaire. verdict fin novembre à Dakar. l

France s’honoreraient à condamner sévèrement les abominations commises par les bourreaux de l’État islamique autoproclamé. Ce sont des salopards, là-bas. »

FAYOLLE PASCAL/SIPA

de signature reste à déterminer, signifierait l’intégration au Parlement des huit députés usn (sur dix) ayant refusé de rejoindre les bancs de l’assemblée nationale à la suite des élections législatives de février 2013, dont ils contestent les résultats. il s’agit de la troisième tentative de dialogue entre le pouvoir et l’opposition pour mettre fin à cette crise. en février dernier, les deux parties, représentées par ali Guelleh, chef de cabinet d’ioG, et aden abdou, syndicaliste membre de la direction de l’usn, étaient déjà parvenues à un accord, mais un différend de dernière minute avait ruiné les efforts des deux négociateurs. Depuis, le président s’est lui-même chargé de discuter avec le chef de l’usn, ismaïl Guedi Hared. Le mariage entre la fille du chef de l’État et l’un des neveux de son rival politique, fin juillet, a probablement facilité les choses. l

SIPANY/SIPA

FACEbOOk

Le PrÉsiDenT DjiBouTien, ismaïl omar Guelleh (ioG), a attendu que le Conseil des ministres du 2 septembre épuise l’ordre du jour pour faire cette annonce au gouvernement : son initiative de relancer le dialogue avec l’opposition « devrait prochainement aboutir à un accord négocié depuis près d’un an avec l’union pour le salut national [usn, coalition de partis de l’opposition] ». L’entrée en vigueur d’un tel accord, dont la date

« Les musulmans de


la semaine de J.a. Décryptage

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Nigeria la peste et le califat

Chronologie

Mobutu en voiture, Bédié en Zodiac… Ces chefs d’État africains qui ont goûté aux joies de la cavale

Sous la houlette d’Abubakar Shekau, leur chef, les jihadistes de Boko Haram ne se contentent plus de raids ponctuels. Ils ont entrepris de conquérir le nord-est du pays.

C

est toujours le même scéqu’elle était tombée entre les mains des nario : les jihadistes sont jihadistes. L’armée, de son côté, assurait là, bien au chaud dans leur qu’elle la tenait toujours. Mais l’état-major cachette (une forêt ou un s’est fait une spécialité, ces derniers temps, massif montagneux), leur pouvoir de de nier l’évidence… nuisance est connu, mais quand ils se Bama n’étant situé qu’à 70 km de décident à gagner du terrain, ils semblent Maiduguri, la capitale de l’État, la psyinarrêtables. Cela s’est vu au Mali en chose a gagné cette métropole de 1 mil2012 et en Irak il y a quelques mois. C’est lion d’âmes. Un couvre-feu y est imposé, désormais une réalité nigériane. et les milices d’autodéfense affûtent leurs Longtemps cantonnés dans la forêt de armes. Tout laisse à penser qu’il s’agit là Sambisa, d’où ils lançaient des offensives de l’objectif de Shekau. C’est à Maiduguri ravageuses mais ponctuelles dans les environs tout en À maiduguri, capitale de l’état de commanditant des attentats Borno, les milices d’autodéfense jusqu’à Abuja, les hommes de Boko Haram ont de affûtent leurs armes. nouvelles ambitions. Sous la houlette d’Abubakar Shekau, leur chef, que Boko Haram a vu le jour au début des ils ont entrepris de conquérir des pans années 2000, et c’est dans cette ville que Shekau a grandi. Ses hommes en avaient entiers de l’État de Borno, dans le nordété chassés il y a un an. est du Nigeria. Leur avancée est fulgurante. Fin août, Face à cette offensive, les autorités nigéils ont pris plusieurs localités proches rianes appellent la communauté internade la frontière avec le Cameroun, parmi tionale à l’aide. L’armée ne le reconnaîtra lesquelles Gwoza (200000 habitants), que pas, mais elle semble aujourd’hui incaShekau a, le 24 août, placée sous l’autorité pable de refouler Boko Haram. À l’image d’un « califat islamique ». Le 1er septembre, des civils qui, fuyant les massacres, affluent ils ont attaqué Bama, la deuxième ville de au Cameroun, au Tchad et au Niger, il l’État, qui compterait près de 300000 habiest fréquent, depuis des mois, de voir tants, et qu’un millier de soldats étaient les soldats détaler plutôt que combattre. censés défendre. Quatre jours plus tard, le Amnesty International estime que, depuis sort de la cité n’était toujours pas connu. le début de l’année, cette guerre a fait plus Témoins et autorités locales affirmaient de 4 000 morts. l Rémi CaRayol

Palmarès

Ebola fait ressurgir l’intérêt pour l’e-santé. Le Top 5 des meilleures applications africaines

Classement Le mercato s’est terminé fin août. Qui sont les footballeurs africains les mieux payés ?

Nombre de meurtres perpétrés par Boko Haram (par État, de juin 2006 à octobre 2013)

Vidéo Charles Antoine Bambara, directeur de l’information de la Monusco : « Si les FDLR ne sont pas désarmés dans six mois, nous recourrons à la force »

NIGER

Sokoto Katsina Zamfara

1-10 10-100

Kano

Kaduna

BÉNIN

500-1000

Ngala Maiduguri Bama Gwoza Borno

Bauchi Gombe

Niger

100-500

Yobe

Jigawa

Adanawa

Plateau

> 3000

TOGO

CAMEROUN

Taraba Benue

SOUrCE : THE ECONOMIST

Kogi

dr

LAGOS

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Golfe de Guinée

NIGERIA

200 km jeune afrique



Grand angle

Bilan, gouvernement, réformes, opposition, présidentielles 2016, corruption, Centrafrique, France… Cinq ans après son élection, le chef de l’État gabonais s’explique. Propos recueillis par Marwane envoyé spécial à Libreville

grAnde IntervIew

Ali Bongo Ondimba

Ben YahMed,

L

ibreville, fin août. Difficile, dès la sortie de l’avion, d’échapper au spectre Ebola : panneaux d’information géants et blouses blanches vous attendent avant même la police des frontières et les douaniers. Difficile également de ne pas percevoir l’autre fièvre qui, elle, frappe le pays : celle qui touche les politiques. À deux ans de la présidentielle, c’est déjà la panique sur l’échiquier. Bien sûr, la grande mue de Jean Ping y est pour beaucoup. Le jadis très diplomate président de la Commission de l’Union africaine (UA) s’est transformé en tonton flingueur. Dans son viseur : Ali Bongo Ondimba (ABO). Il rejoint la cohorte des ex de « papa Omar », barons de l’ancien parti unique qui rêvent de déloger le fils du palais présidentiel. Pierre Mamboundou n’est plus de ce monde, André Mba Obame, malade, a disparu des écrans radars. Voilà donc Jean Ping en nouvelle tête d’affiche. Piquant, pour ceux qui se souviennent des relations qu’il s’est évertué à entretenir avec le président quand il briguait un second mandat à la tête de l’UA… En tout cas, l’opposition a repris du poil de la bête.

« Le temps de l’impunité est révolu »

thriller. L’autre cause de cette subite hausse de

tension tient en un mot : audits. Dans un pays où l’élite et les politiques ont érigé en art la confusion entre leurs portefeuilles et les caisses de l’État, ils sont nombreux à craindre les investigations de la Direction générale du contrôle des ressources et des charges publiques. Dans l’administration, dans l’opposition ou au sein des entreprises phares du pays, on rase les murs, l’échine parcourue de sueurs froides, en priant pour échapper à la justice gabonaise. Les adversaires d’Ali, qui ont tous été aux affaires du temps du généreux et peu sourcilleux Omar, dénoncent déjà une chasse aux sorcières. Ceux de son camp qui sont inquiets exhibent la menace d’un départ avec armes et bagages chez l’ennemi. Les « makayas », les Gabonais d’« en bas », eux, observent avec une pointe d’amusement et sans doute une certaine incrédulité les premiers chapitres d’un thriller qui promet d’être sanglant. Le chef de l’État nous a reçu dans son immense bureau du premier étage du Palais du bord de mer le 26 août. Il revient notamment sur les cinq années qui se sont écoulées depuis son élection, répond aux critiques et explique comment il entend réveiller la belle endormie d’Afrique centrale… l n o 2800 • Du 7 Au 13 septeMbre 2014

Desirey Minkoh pour J.A.

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Grand angle Interview JEUNE AFRIQUE : L’ambiance politique est électrique à Libreville. La présidentielle ne se tiendra que dans deux ans, et déjà les esprits s’échauffent. Vous y attendiez-vous ? ALI BONGO ONDIMBA: Le remue-ménage auquel

nous assistons ne me surprend guère: c’est souvent l’opposition qui lance les hostilités en premier. C’est normal, nous sommes préoccupés par les tâches qui nous incombent, alors qu’elle n’a rien d’autre à faire que de penser au prochain scrutin. André Mba Obame éloigné de l’arène politique par la maladie, votre plus virulent adversaire est aujourd’hui Jean Ping, l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (UA). Vous vous connaissez depuis longtemps. Comment avezvous vécu son basculement dans l’opposition ?

Je le connais, effectivement, depuis de très nombreuses années. Mais je n’ai pas été surpris. Lorsque nous avons envoyé des émissaires auprès de plusieurs chefs d’État pour solliciter leur soutien à la réélection de M. Ping à la tête de la Commission de l’UA, certains d’entre eux se sont étonnés et leur ont répondu: « Ali veut qu’on soutienne Ping, mais sait-il ce que Ping dit et pense de lui ? » Il tenait un double langage, devant moi, et devant les autres. À partir de ce moment-là, nous savions que, tôt ou tard, il se retrouverait dans le camp d’en face…

Il ne mâche pas ses mots et multiplie les attaques à votre encontre. Il vous traite d’autocrate, et vos collaborateurs de « légion étrangère ». Il accuse votre directeur de cabinet Maixent Accrombessi d’être le véritable président du pays et décrit un Gabon qui va droit dans le mur… Que lui répondez-vous ?

Je n’ai pas de temps à perdre avec ce type de girouette. Je note cependant que c’est le même Ping qui m’encourageait et me félicitait, avec force obséquiosité, chaque fois qu’il venait me rendre visite à Libreville.

gaspiller notre temps à nous préoccuper de ce type de personnage. La proximité de Jean Ping avec votre sœur Pascaline [ils ont eu deux enfants ensemble, NDLR], avec qui vous entretiendriez des rapports plutôt tendus, rend-elle la situation plus complexe?

Contrairement à ce que vous pensez, ma sœur et moi entretenons de bonnes relations familiales. Quant à ses relations à elle, posez-lui la question directement. Dans la perspective de 2016, l’opposition tente de s’unir. Craignez-vous une candidature unique?

Après Mba Obame, c’est tout de même le deuxième proche collaborateur de votre père, avec qui vous avez travaillé, qui devient votre principal opposant. Cela commence à faire beaucoup…

L’opposition fait ce qu’elle veut. Ce type de stratégie n’est pas nouveau chez nous. Ce serait même assez logique. Ce qui me préoccupe, c’est mon camp, point.

Jean Ping et Mba Obame sont quand même largement plus virulents.

Vous avez lancé cette année un pacte social destiné essentiellement à la lutte contre la pauvreté, signé par des partis politiques regroupés au sein d’une nouvelle majorité présidentielle. Cela ressemble quand même à des grandes manœuvres en vue de 2016…

Vous oubliez Oyé Mba, Eyéghé Ndong, Myboto, Adiahénot… La liste est longue !

Il s’agit pour eux de se faire entendre, voilà tout. Car, en dehors des insultes, ils n’ont rien à proposer. Tenez : connaissez-vous le programme de M. Ping ? Non…

C’est normal, il n’en a pas. Omar Bongo disait souvent : « Le chien aboie, la caravane passe. » Nous avons bien d’autres choses à faire que de n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Non, ce rassemblement consistait à répondre à une exigence: sortir nos compatriotes de la précarité et lutter contre les inégalités. Nous avons élaboré une stratégie de développement humain qui repose sur d’importants investissements et qui répond aux problèmes relevés dans une étude minutieuse et exhaustive, la première dans l’histoire du pays, jeune afrique


Ali Bongo Ondimba de manière stérile mais pour aider les Gabonais à mieux vivre, notamment grâce à leur travail. « Apprendre à pêcher, comme disent les Chinois, plutôt que de donner du poisson. » La nuance est de taille. Sur le plan des moyens, nous avons décidé de consacrer, sur les trois prochaines années, environ 250 milliards de F CFA [plus de 380 millions d’euros]. Ensuite, nous ferons le point afin de voir s’il faut accélérer l’effort, mieux le répartir, etc.

dr

Quel bilan tirez-vous des cinq ans qui se sont écoulés depuis votre élection ?

réalisée par le cabinet McKinsey. J’ai invité les différentes forces politiques, la société civile, les parlementaires et les diplomates à s’y intéresser et à y participer. Certains ont estimé, quels que soient leurs projets ou leurs obédiences, qu’ils devaient nous accompagner, d’autres non. Ce pacte social, en résumé un programme contre la pauvreté, arrive sans doute un peu tard. Pourquoi l’avoir lancé seulement maintenant ?

Il n’y a pas besoin d’être un génie, effectivement, pour remarquer le problème. Ce qui m’intéressait avant tout, c’était d’obtenir une analyse beaucoup plus fine que ce simple constat. Beaucoup de questions se posent, ici comme ailleurs en Afrique, pour identifier les causes, les défaillances de l’État, les pistes de solutions pérennes… Cela commence par savoir où, géographiquement, se situent les poches de pauvreté les plus importantes. Plutôt que de se baser sur une vague idée, nous avons souhaité obtenir la photographie le plus précise possible de ceux qui souffrent au Gabon. C’est aujourd’hui le cas. Et les solutions n’en seront que meilleures. Au passage, je signale que cette étude a été rendue publique. Dans cette lutte contre la précarité, quels objectifs vous fixez-vous et de quels moyens disposez-vous?

Notre philosophie, c’est la conditionnalité. L’État est prêt à vous aider si vous faites un certain nombre d’efforts, si vous êtes plus responsable. Nous ne sommes pas là pour distribuer de l’argent jeune afrique

t Rencontre avec Jean Ping, alors président de la Commission de l’Union africaine, dans la résidence présidentielle, en mars 2012.

Nous avons trouvé le pays dans une situation politique et économique délicate, avec la disparition du défunt président, pilier de la nation pendant plus de quatre décennies, et un taux de croissance négatif. Il fallait prendre le taureau par les cornes, dans l’urgence et sans véritable préparation. Depuis, le pays est resté stable, et notre taux de croissance oscille entre 5 % et 7 %. C’est donc encourageant, le signe que nos réformes portent leurs fruits. Premier effort important : les infrastructures, auxquelles nous devons consacrer l’essentiel de nos investissements. Les années précédentes, tout le monde nous disait qu’il n’était pas possible d’y consacrer plus de 200 milliards de F CFA tant le budget de fonctionnement était important. Or, dès la première année, nous sommes passés à 600 milliards de F CFA. Autre priorité : diversifier notre économie. Aujourd’hui, notre taux de croissance hors pétrole est à deux chiffres, preuve que notre politique, celle de la transformation locale des matières premières, a été judicieuse. Quand nous avons décidé d’interdire, dans le secteur du bois, l’exportation des grumes, cela nous a valu nombre de

Ping ? Je n’ai pas de temps à perdre avec ce type de girouette. quolibets. Comment expliquer que, près de cinquante-quatre ans après notre indépendance, avec 88 % du territoire recouvert par la forêt, nous n’utilisions pas le bois dans la construction ? Ou que nous achetions des meubles fabriqués à l’extérieur du pays, produits à partir de bois gabonais ? Au Gabon, comme souvent ailleurs en Afrique, nous marchons sur la tête ! Notre objectif, d’ici à 2020, est donc que plus aucun produit ne soit exporté sans avoir subi localement une première transformation. Et qu’est-ce qui n’a pas marché ?

L’échec, en tout cas ce sur quoi nous n’avons pas encore réussi, c’est le logement. J’ai promis, l l l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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DaviD iGNaSZEWESKi pour J.a.

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lors de la campagne présidentielle de 2009, de fournir 5 000 logements par an. Je n’ai pas tenu cette promesse. À vrai dire, j’ai sous-estimé les difficultés et les écueils. Je pensais qu’il suffisait de réunir les moyens et d’avoir la volonté. Erreur ! Le secteur n’était pas organisé. Il n’y avait pas de politique d’urbanisme ou d’assainissement dans la capitale, pourtant construite sur une zone marécageuse. Et aucun cadre législatif attractif pour les investisseurs qui auraient pu compléter l’offre de l’État. L’acquisition d’une maison était jusqu’à présent réservée aux personnes nanties. Car obtenir un crédit à long terme et à des taux supportables par le plus grand nombre était mission impossible ! Bref, avant de se lancer dans les chantiers, il a fallu réformer. Cela a pris beaucoup plus de temps que je ne pensais. Idem dans les secteurs de l’eau et de l’électricité. Mais cela commence à s’améliorer. lll

Vous avez lancé un audit des finances publiques qui fait grand bruit. C’est peu dire qu’au Gabon elles sont réputées être « volatiles »…

Lorsque vous arrivez à la tête d’une administration, d’une entreprise ou d’un État, vous faites d’abord le tour du propriétaire. Nous l’avons fait, et avons trouvé des choses pas très reluisantes. Notamment en ce qui concerne la dette intérieure. C’est la raison pour laquelle nous avons arrêté de payer les entreprises auxquelles nous devions de l’argent, le temps d’y voir plus clair. Contrairement à ce que beaucoup ont affirmé, les caisses de l’État n’étaient pas vides. J’ai voulu comprendre, mieux discerner ce qui nous était imputable de ce qui était frauduleux ou fantaisiste. Depuis un certain nombre d’années, dans notre pays, tout le monde réclame que les finances publiques soient n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

p Construction de logements sociaux dans le quartier d’Angondjé, à Libreville.

assainies. Mais personne ne l’avait encore fait. Eh bien nous, nous allons le faire. Et vous verrez que ceux qui réclamaient cet assainissement sont les mêmes que vous entendrez bientôt protester. Parce qu’ils seraient concernés ?

Mais évidemment! Notamment ceux qui étaient aux affaires avant, qui se drapent aujourd’hui dans les habits d’opposants et nous font la leçon. Assainir, mettre fin aux abus délirants qu’il y a eu ici, oui, mais chez les autres… Sinon, ils appellent cela une « chasse aux sorcières ». Ce n’est pas le premier audit dans l’histoire du Gabon, mais les poursuites sont extrêmement rares…

Le temps de l’impunité est révolu. Les enquêtes sont en cours, et elles aboutiront. Ceux qui pourront rembourser l’État le feront. Ceux qui ne s’exécuteront pas subiront des sanctions. Cette dynamique ne s’arrêtera pas de sitôt. Nous sommes même en train de prendre des contacts à l’étranger pour nous soutenir dans cette démarche. Car l’évasion fiscale ne touche pas que les Occidentaux… Pour que vos opposants n’appellent pas cela une « chasse aux sorcières », encore faut-il que tout le monde, y compris dans votre camp, soit entendu et susceptible d’être condamné. Beaucoup doutent de cette impartialité.

Je les rassure, personne ne sera épargné. Pour preuve : les premières interpellations ont touché des gens assimilés à mon camp. Vous entendez des cris d’orfraie, certains deviennent subitement opposants, et je vais me faire pas mal d’ennemis. Mais je pense que cette démarche recevra l’approbation des Gabonais. jeune afrique


Ali Bongo Ondimba primes ou autres avantages. Mais je demande à ce que le travail soit apprécié. Si l’on fait plus, si l’on travaille mieux, on peut réclamer plus. Mais vouloir toujours davantage sans contrepartie, voire même sans faire son travail le plus élémentaire, c’est non.

Desirey Minkoh

Le chinois Addax et le français Total ont été l’objet de redressements fiscaux spectaculaires (respectivement 400 millions et 805 millions de dollars). Comment en est-on arrivé là ?

Vous avez nommé, en janvier, un nouveau Premier ministre, Daniel Ona Ondo. Il s’agit du troisième en cinq ans. Cette fois, c’est le bon ?

Le choix d’un Premier ministre correspond à une situation donnée, à un moment particulier, dans un contexte bien précis. Inutile donc de comparer les différents titulaires du poste. Daniel Ona Ondo est en tout cas un homme d’expérience, qui peut nous aider à atteindre les nouveaux objectifs que nous nous sommes fixés. Êtes-vous satisfait de votre équipe gouvernementale ?

Non, car les Gabonais attendent beaucoup plus. Je suis quelqu’un de très exigeant et je dirais « peut mieux faire ». Et, surtout « doit mieux faire ».

Ces derniers mois ont été marqués par de très nombreuses grèves, dans des secteurs clés comme l’école, l’hôpital, la douane, les impôts ou le pétrole. Quel signe y voyez-vous ?

Que la réforme n’est pas chose aisée. Un certain nombre de grèves ont commencé après la décision de réorganiser ce qui me semblait représenter un frein à notre développement, à savoir les fonds communs [système ancien et généralisé de primes octroyées aux fonctionnaires, devant être remplacé par la prime d’incitation à la performance, NDLR]. Ces mouvements avaient pour objectif de nous empêcher de travailler, d’obtenir des résultats et, surtout, de faire les réformes. Ceux qui se lancent dans des grèves devraient déjà se demander si, sur le terrain, ils sont à la hauteur. Est-ce que ceux qui manifestent, sans service minimum, dans le secteur de la santé, en pleine épidémie d’Ebola, sont conscientsdeleursresponsabilités?Ilsveulentplus? J’ai indiqué que je n’ai rien contre la distribution des jeune afrique

p Avec François Hollande sur le porte-avions Charlesde-Gaulle, lors du 70e anniversaire du débarquement en Provence.

Cela procède de la même idée : dans tous les secteurs d’activité, nous avons voulu comprendre comment les choses se déroulaient. Le secteur pétrolier a donc été audité. Nous nous sommes aperçus qu’un certain nombre de sociétés se trouvaient dans une situation opaque. Dans quel pays du monde l’administration fiscale ne va pas vérifier si les entreprises sont à jour, et paient leurs impôts? Il ne s’agit pas de n’importe quelles entreprises. Total, fleuron de l’ex-puissance coloniale, n’est guère habitué à ce genre de mise au point… Ne pensez-vous pas que cela puisse avoir des répercussions sur vos rapports avec la France ?

Le politique n’a rien à voir avec l’administration. Si l’administration fiscale constatequ’une entreprise ne paie pas correctement ses impôts, elle émet un avisderedressement,etlesdeuxpartiesentrentalors en négociation pour trouver un terrain d’entente. Rien de plus normal. Le Gabon ne peut-il pas se comporter comme les autres nations ? Avoir le droit ne signifie pas pour autant que cela ne suscite pas de réactions…

Les réactions sont légitimes, mais il faut trouver un terrain d’entente au lieu d’entrer dans des susceptibilités politiques qui seront vaines. Dans le cas de Total, cela n’a aucunement bouleversé les relations diplomatiques que nous entretenons avec la France.

Ceux qui se lancent dans des grèves devraient déjà se demander si, sur le terrain, ils sont à la hauteur. Il fut un temps où les choses ne se seraient pas passées ainsi…

Le président Hollande et moi avons décidé de laisser les administrations faire leur travail. Nous n’intervenons pas.

Vous ne connaissiez pas François Hollande lorsqu’il a été élu, alors que vous étiez assez proche de Nicolas Sarkozy. Comment évolue votre relation?

Il nous a fallu une année entière pour faire connaissance et s’apprécier l’un l’autre, notamment n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Grand angle Interview en travaillant sur des dossiers délicats comme celui de la Centrafrique. Aujourd’hui, nous entretenons de très bons rapports. La France est notre premier partenaireéconomiqueetlesliensquinousunissent sont étroits et anciens: le président de la République gabonaise sera toujours en bons termes avec le président de la République française. Quel qu’il soit.

d’issue militaire. Un camp pourrait l’emporter sur l’autre, ponctuellement, mais cela ne ferait que nourrir un cycle infernal. La violence n’engendre que la violence. La réconciliation est inévitable, et la solution demeurepolitique.Cen’estpasimpossible: si les Rwandais ont pu se réconcilier, ils le peuvent également. Nous pouvons les y aider, mais nous ne pouvons pas prendre les décisions à leur place.

Le Gabon n’est évidemment pas à l’abri de l’épidémie Ebola, dont il fut l’un des foyers dans les années 2000. Comment gérez-vous cette menace?

Comme tout le monde désormais, avec une vigilance accrue. Nous disposons de structures et de laboratoires compétents et efficaces, comme le Centre international de recherches médicales de Franceville, dont la réputation n’est plus à faire. Un effort de sensibilisation très important est mené auprès de la population, en toute transparence. Face à Ebola, il n’y a pas trente-six solutions : il faut dépister ceux qui viennent de l’extérieur et qui pourraient avoir été atteints, expliquer les risques et fournir les recommandations d’usage partout dans le pays, disposer de tout l’équipement médical adéquat en cas de détection d’un cas, circonscrire les éventuelles zones affectées, etc. Nous sommes prêts. Vous assurez la présidence de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) jusqu’au prochain sommet, dont la date n’a pas été déterminée. La principale inquiétude dans la région demeure la crise centrafricaine, qui n’en finit pas…

Catherine Samba-Panza vous semble-t-elle être la femme de la situation ?

Elle n’a pas de baguette magique. Les problèmes auxquels elle fait face ne lui sont pas imputables et n’importe qui d’autre à sa place rencontrerait les mêmes difficultés. Sur un plan plus institutionnel, la Cemac ne brille pas par ses efforts en vue d’une véritable intégration régionale. Notamment si on la compare à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et surtout à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Croyez-vous réellement à son projet communautaire ?

Concernant Ebola, nous sommes prêts. Nous disposons de structures efficaces.

Le sommet de la Cemac aura lieu avant la fin de l’année. Il est certain que la crise centrafricaine a occupé toutes nos réunions et nécessité d’importants moyens financiers pour venir en aide au pays et à ses ressortissants. Les Centrafricains doivent comprendre qu’en aucun cas il ne peut y avoir

Il est bien sûr impossible d’envisager un réel développement pérenne de nos pays sans intégration. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Nous parlons de libre circulation, par exemple, mais nous n’y sommes pas prêts. D’ailleurs, pour vraiment circuler en Afrique centrale, il faudrait déjà des routes dignes de ce nom qui vous emmènent d’une ville à une autre dans la région… Il faudrait

Justice

La fête est finie Les magistrats seront-ils libres de mener l’opération « mains propres » ? Une campagne anticorruption qui menace l’opposition comme la majorité.

U

n haut fonctionnaire, membre du parti au pouvoir, placé en détention préventive. Plusieurs personnalités à qui la Cour des comptes a enjoint de justifier leur gestion des dépenses publiques, dont l’ancien Premier ministre passé dans l’opposition, Jean Eyéghé Ndong, et

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

auditionnées au sujet de malversations présumées. Des entreprises sommées de rembourser les avances considérées comme indues pour des infrastructures jamais sorties de terre. Autant de signes annonciateurs d’une campagne anticorruption inédite au Gabon, autour des fêtes tournantes et

des programmes de développement financés à l’occasion des célébrations de l’indépendance. Quelle que soit l’ampleur de cette opération « mains propres », elle marquerait la fin d’un tabou, qui tenait les magistrats à l’écart des affaires de détournement d’argent public. Pour l’instant, la classe politique a été plutôt épargnée par le couperet judiciaire, échappant au sort de ses homologues camerounais, décimés par l’opération anticorruption Épervier en 2006. Néanmoins, les premières procédures judiciaires ont suffi à provoquer l’hystérie à Libreville, où l’idée de rendre des comptes au sujet de l’argent public ne rentre pas dans les mœurs politiques. jeune afrique


Elmond JiyanE/aFP

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aussi que les frontières à l’extérieur de la zone Cemac soient contrôlées. La libre circulation, dans les conditions actuelles, peut se révéler un élément déstabilisant, y compris en matière sécuritaire. N’oublions pas que Boko Haram, entre autres, sévit déjà au Cameroun. N’oublions pas non plus qu’au Gabon 25 % de la population est d’origine étrangère, ce qui est un taux élevé. L’ignorer serait irresponsable. Vous venez d’évoquer la menace que fait planer Boko Haram au Cameroun, après le Nigeria. Que faire, selon vous, pour y mettre fin ?

Les terroristes franchissent les frontières, les gouvernements doivent donc se parler et mettre en place des politiques communes. Cela implique que nous investissions plus dans nos politiques de défense. D’une part parce que cela n’a pas été suffisamment fait par le passé – nos lacunes sont

Les opposants concernés ont dénoncé une instrumentalisation de la justice par l’exécutif dans le but de les neutraliser. Ils ont raison de trembler. En effet, selon le code pénal en vigueur, « tout fonctionnaire ou agent de l’État ou des collectivités publiques qui aura détourné ou soustrait des deniers publics ou privés […] à l’occasion de ses fonctions sera puni de la réclusion criminelle à perpétuité si les choses détournées ou soustraites sont d’une valeur supérieure à 250 000 francs ». Le 29 août, Eyéghé Ndong a lui-même annoncé – après avoir nié toute malversation –, être soupçonné d’avoir détourné, entre 2006 et 2007, plus de 98 milliards de F CFA (près de 150 millions d’euros). jeune afrique

 Sommet extraordinaire sur la Centrafrique de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) en avril 2013 à N’Djamena, au Tchad.

aujourd’hui criantes –, mais aussi parce que nous sommes confrontés à un fléau d’un genre nouveau. Il faut donc rattraper notre retard et nous adapter à l’adversaire, notamment en matière de renseignement et de formation de nos troupes. Voilà pour le court et le moyen terme. Tout cela n’aurait cependant guère de sens sans développement économique, car ces criminels ne sont jamais aussi forts que là où la pauvreté sévit. Vous êtes le « petit dernier » dans une région dirigée par des chefs d’État en place parfois depuis plusieurs décennies. Comment cela se passe-t-il entre vous ?

Bien, très bien même. Je suis peut-être le dernier arrivé, et je suis le plus jeune, mais ils me connaissent et je les connais depuis longtemps. Je n’ai pas été bizuté, si c’est ce qui vous inquiète, et, de mon côté, je respecte la séniorité. lll

Toujours membres de la majorité ou passés à l’opposition, aux affaires ou retirés de la vie publique, les responsables du détournement de l’argent des fêtes tournantes n’ont jusqu’à présent jamais été inquiétés. Dès lors, l’annonce de cette campagne anticorruption sonne comme une menace, y compris dans les rangs de la majorité. Une justice enfin libre de traquer les hors-la-loi mettrait-elle en danger l’ensemble du marigot politique ? Reste que le déclenchement des poursuites dépend de la volonté de l’exécutif. Selon les lois gabonaises, le procureur ne peut rien entreprendre s’il n’est pas saisi par le ministre des Finances, la Commission nationale de

lutte contre l’enrichissement illicite ou toute autre autorité à qui la Cour des comptes a notifié sa décision. Afin de décourager le gouvernement de laisser les mains libres aux magistrats, Jean Eyéghé Ndong a promis qu’il ne l’épargnerait pas. Mis en cause, l’ancien chef de gouvernement est prêt à passer à table et à faire des révélations sur la corruption au sommet de l’État, éclaboussant le pouvoir. Cela suffirat-il à enrayer la machine judiciaire ? Seul l’avenir le dira. En attendant, rien n’interdit aux personnalités mises en cause de produire les éléments susceptibles de les disculper et, ce faisant, de se laver de tout soupçon… l GeorGes DouGueli n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Grand angle Interview Plusieurs chefs d’État africains sont concernés par la limitation du nombre des mandats et envisageraient de revoir la Constitution : Blaise Compaoré, Denis Sassou Nguesso, Paul Kagamé, Joseph Kabila, Thomas Boni Yayi, etc. Qu’en pensez-vous ? lll

Chaque cas est spécifique et je me vois mal commenter ce qui se fait ailleurs. Le peuple est souverain, c’est lui qui décide. Le débat devrait donc, à mon avis, se recentrer sur la transparence et l’équité des élections. Même si, de ce point de vue, le continent a tout de même beaucoup progressé.

Parlons un peu de justice internationale. La Cour pénale internationale (CPI) a finalement tranché: l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo sera bien jugé à La Haye. Est-ce, selon vous, une bonne chose ?

Cette question concerne les Ivoiriens, et eux seuls. S’ils estiment que Laurent Gbagbo s’est mal comporté et qu’il doit être jugé, je n’y trouve rien à redire. Le problème, justement, c’est qu’il ne sera pas jugé en Côte d’Ivoire…

C’est aux Ivoiriens qu’il faut poser la question. Je ne vois pas d’inconvénient – en tout cas je n’en fais pas une question de principe – à ce qu’un dirigeant africain puisse être jugé par la CPI. En revanche, je ne peux que m’interroger sur la liste des accusés qui doivent comparaître devant cette juridiction. Seuls les Africains commettraient des forfaits sur cette terre ? Soyons sérieux…

Desirey Minkoh pour J.A.

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 Au Palais du bord de mer, lors de l’entretien, le 26 août.

évoquez, je crois, pour certains d’entre eux en tout cas, qu’il l’avait anticipé. Sa succession n’est toujours pas ouverte. En cinq ans, c’est étonnant. C’est votre sœur aînée, Pascaline, qui est l’exécutrice testamentaire légale de votre père. Est-ce un sujet de tensions dans la famille ?

Ce sont des affaires de famille, et cela prend du temps. On nous a dit qu’il fallait attendre, donc nous attendons.

Quelle leçon principale avez-vous tirée au cours de ces cinq dernières années ?

Qu’il faut énormément de patience pour gérer un État, a fortiori le Gabon. Je suis beaucoup plus tolérant et patient que je ne pensais pouvoir l’être. Quel a été l’obstacle le plus difficile ?

Autre procès symbolique, au Sénégal cette fois, celui de Karim Wade, qui s’est ouvert le 31 juillet. Vous le connaissez bien : comment vivez-vous sa situation actuelle ?

C’est un ami, effectivement. Je suis donc peiné de le voir ainsi, en prison. Mais je ne me prononce jamais sur des affaires qui sont entre les mains de la justice. Nous verrons bien à l’issue de son procès.

Selon vous, de là où il vous observe cinq ans après son décès, quel regard porterait votre père sur le Gabon d’aujourd’hui et sur votre action ?

C’était quelqu’un d’extrêmement exigeant, qui vous félicitait rarement. J’imagine donc que, même s’il devrait être globalement satisfait de l’évolution du pays, il nous dirait de faire plus et mieux. Et comment vivrait-il les tensions qui existent entre vous et ses anciens collaborateurs, comme Jean Ping, André Mba Obame, Zacharie Myboto ou Jean Eyéghé Ndong ?

Il ne serait nullement surpris, je pense. Des proches, ministres ou membres éminents du parti, qui basculent subitement dans l’opposition, il a connu cela, et plus d’une fois… C’est presque un sport national chez nous. Quand à ceux que vous n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Changer les mauvaises habitudes et faire évoluer les mentalités. Vous n’avez pas idée…

Même s’il devrait être globalement satisfait de l’évolution du pays, mon père nous dirait de faire plus et mieux. Si l’un de vos enfants vous disait : « Dans cinq ou dix ans, je souhaite faire de la politique », que lui répondriez-vous ?

Ils sont encore jeunes, donc nous avons encore un peu de temps [rires]. Je ne vais pas jouer la comédie et vous répondre : « Oh non, ce serait terrible, c’est tellement difficile, je les en dissuaderais. » Les enfants de chefs d’État vivent la politique au quotidien : si l’un d’eux décide de s’y lancer, c’est qu’il aura mûrement réfléchi ce choix. Est-ce que je le souhaite ? Compte tenu de ce que j’ai vécu ces cinq dernières années – la duperie, la lâcheté, les tromperies, la face sombre de l’être humain exacerbée par ce milieu –, je ne le leur conseillerais pas. Mais ce sera à eux de choisir leur voie. l jeune afrique


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Afrique subsaharienne

AFRIQUE DU SUD

Zuma rattrapé par ses démons Rien ne va plus pour le chef de l’État. Alors que les scandales se multiplient, la justice exhume l’affaire dite de l’Arms Deal, qui le poursuit depuis plus de dix ans. Tiendra-t-il jusqu’à la fin de son mandat, en 2019 ?

PIERRE BOISSElET

I

ls ressemblent à de vieux amis qui se réunissent pour parler de leurs peines quand tout va mal. Le 28 août, Jacob Zuma a été reçu, avec honneurs et caméras, par Vladimir Poutine. Le président russe en a profité pour montrer au monde entier qu’il peut encore compter, à l’heure où l’Europe et les États-Unis tentent de l’isoler pour sanctionner sa politique en Ukraine, sur des alliés fidèles. Quant à Zuma, son sort n’est pas beaucoup plus enviable. Mais pour le chef de l’État sud-africain, réélu en mai, c’est la politique intérieure qui pose problème. Une semaine plus tôt, le président a en effet été chahuté, en pleine séance parlementaire, par les partisans de l’opposant Julius Malema, tant et si bien que l’hémicycle a dû être évacué. L’image de ces jeunes députés hurlant : « Remboursez ! » – en référence à l’affaire de sa résidence privée de Nkandla, restaurée à partir de 2009 avec de n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

l’argent public – était déjà dévastatrice. Mais ses déboires ne se sont pas arrêtés là. BESOIN DE REPOS. Le 28 août, alors qu’il était à Moscou, la justice sud-africaine a remis au centre du jeu l’affaire dite de l’Arms Deal, qui le poursuit depuis plus d’une décennie et qui a failli lui coûter la présidence en 2009. La Cour suprême lui a ordonné de transmettre à l’opposition des documents que ses avocats s’acharnaient à garder secrets. La situation est si grave que, selon plusieurs commentateurs de la presse sud-africaine – qui cachent parfois mal leur mépris du personnage –, Zuma pourrait être conduit devant les tribunaux avant la fin de son mandat, en 2019. De quoi ternir l’éternel sourire du président, qui, à 72 ans, apparaît fatigué et amaigri. Est-il souffrant ? Ou est-ce le climat politique qui le mine ? Zuma a, à l’évidence, besoin de repos. En juin, il a passé deux jours à l’hôpital (officiellement pour un check-up). Et d’après son équipe, une grande jeune afrique


Nelius RademaN/Gallo imaGes/Getty imaGes

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partie de son long séjour russe (cinq jours) devait être consacrée à une remise en forme. Peut-être ce voyage lui aura-t-il aussi rappelé ses vieux souvenirs de la lutte contre l’apartheid. À cette époque où Poutine était membre du KGB, Zuma avait été envoyé en Union soviétique pour se former à son nouveau poste de chef des services de renseignements de la branche armée du Congrès national africain (ANC). Nombre des affaires dans lesquelles il est aujourd’hui empêtré plongent leurs racines dans cette période. Dont celle de l’Arms Deal. Nous sommes au milieu des années 1980. À son retour dans les camps militaires de l’ANC, au Mozambique, Zuma se voit confier une nouvelle mission : nettoyer l’organisation des infiltrés du régime de l’apartheid. Pour cela, il met sur pied une petite équipe pour laquelle il recrute deux hommes de confiance : les frères Yunis et Moe Shaik, des Sud-Africains d’origine indienne qui viennent comme lui de la région de Durban. Les jeune afrique

p Réélu sans problème en mai, Jacob Zuma ne fait plus l’unanimité au sein même de l’ANC.

méthodes sont parfois brutales (la Commission Vérité et Réconciliation évoquera même la torture), mais Zuma s’y forge un réseau hors du commun, tout en démontrant sa capacité à gérer les intrigues internes du parti. étoile montante. Dans les années 1990, lorsqu’il

le président apparaît fatigué et amaigri. est-il souffrant? ou est-ce le climat politique qui le mine?

revient en Afrique du Sud avec ses (déjà) multiples épouses, il n’a pas un sou en poche. Mais pour cet autodidacte issu du KwaZulu-Natal rural, il est temps de profiter un peu de cette liberté pour laquelle il s’est si longtemps battu. Cela tombe bien : Schabir Shaik, le frère de ses recrues, se lance dans les affaires en partenariat avec la firme d’armement Thomson-CSF, qui s’apprête à vendre à la jeune démocratie sud-africaine ses systèmes informatiques. En échange d’un lobbying en faveur de l’entreprise française, Shaik verse de belles sommes d’argent sur les comptes de Zuma, alors étoile montante de l’ANC (il en devient vice-président en 1999). lll n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


afrique subsaharienne afrique du sud Nkandla, le domaine qui hérisse les contribuables Enclos pour le bétail

Piscine

Clinique

Amphithéâtre

16,5 millions d’euros C’est le coût des travaux, dits de sécurité, réalisés dans la résidence privée de Zuma avec de l’argent public. « Remboursez ! » demandent l’opposition et Thuli Madonsela, la médiatrice de la République.

Poulailler

MARCO LONGARI/Afp

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La chance du président a-t-elle tourné ? Au terme de cinq années de bataille judiciaire, la justice vient finalement de donner raison à la DA, selon laquelle ces documents pourraient permettre, à terme, de rouvrir le procès de l’Arms Deal. En parallèle, Zuma doit gérer les retombées de l’affaire de sa villa de Nkandla, dont il n’arrive pas à se dépêtrer depuis qu’elle a été révélée par la presse, en 2009. Son adversaire, Thuli Madonsela, médiatrice de la République, est déterminée. En mars dernier, elle a publié un rapport détaillant les dépenses payées par le contribuable sud-africain et recommandant un remboursement partiel par Zuma. Acculé, le président a voulu confier à la police – une institution qui ne bénéficie pas de la même indépendance – le soin de trancher. « Illégal », a répondu en substance Madonsela dans une lettre datée du 21 août et qui a rapidement fuité.

lll En 2005, Schabir Shaik sera condamné à quinze ans de prison pour fraude et corruption. Zuma, lui, échappera aux poursuites pour un motif surprenant : le procureur n’est pas certain de pouvoir obtenir une condamnation et préfère abandonner. C’est le premier succès de celui qu’on surnommera l’Homme Téflon : toutes les affaires glissent sur lui. Mieux : quand le président Thabo Mbeki le démet de ses fonctions pour son implication dans l’affaire, en 2005, Zuma réussit à tourner la situation à son avantage. Son angle d’attaque : laissera-t-on cet aristocrate hautain en costume trois-pièces s’acharner contre un fils du peuple ? Et ça marche : Mbeki doit démissionner, Zuma récupère le parti.

« spy tapes ». Reste à se débarrasser de cette

affaire de corruption, entre-temps réactivée et qui l’empêche encore d’accéder à la présidence. Ce sera fait grâce aux « spy tapes », ces enregistrements réalisés par les services secrets (et produits par la défense de Zuma) qui démontreraient une motivation politique des enquêteurs. Leur contenu n’est pas dévoilé, mais, moins d’un mois avant l’élection de 2009, le procureur s’appuie sur ces bandes pour prononcer, une nouvelle fois, l’abandon des poursuites. Pour Zuma, la route vers la présidence est enfin dégagée. Le 6 mai, il est élu, mais l’Alliance démocratique (DA, opposition) crie à la manipulation et exige de pouvoir consulter ces fameux enregistrements, ce que les avocats de Zuma refusent. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

coup de grâce. Certes, l’affaire ne menace pas

Jusque-là, toutes les affaires glissaient sur lui. d’où son surnom d’« homme téflon ».

encore de finir devant les tribunaux. Mais elle est politiquement explosive, dans un pays où la croissance est atone (0,6 % au deuxième trimestre 2014) et où le chômage atteint des sommets (près de 25 %). Alors, Zuma parviendra-t-il à finir son mandat ? Il y a peu de chances que le coup de grâce vienne de la justice, vu le rythme à laquelle elle avance. Car le président russophile se défend selon sa tactique « Stalingrad », ainsi que l’a surnommée la presse sud-africaine : il bloque son adversaire avec son armée d’avocats, le laissant s’embourber sur le terrain judiciaire. jeune afrique


Zuma rattrapé par ses démons L’ANC, qui a encore remporté 62 % des suffrages aux élections générales, en mai, aura-t-il toujours intérêt à sauver le général Zuma d’ici à 2019 ? Certaines voix ont commencé à s’élever, dans le camp présidentiel, pour soutenir Thuli Madonsela. C’est notamment le cas de l’Union nationale des travailleurs de la métallurgie (Numsa) et de Zwelinzima Vavi, le secrétaire général de la puissante centrale syndicale Cosatu – mais il est vrai que ceux-là n’ont pas attendu cette affaire pour critiquer le chef de l’État. Pour l’instant, le reste du parti fait bloc. Et puis, qui prendra la responsabilité de mener la fronde ? Le vice-président et dauphin constitutionnel, Cyril Ramaphosa, préfère se faire discret. Lui-même est mis en cause dans le massacre des mineurs de Marikana, en 2012; actionnaire de cette mine de platine, il avait appelé, quelques heures avant le drame, à une réaction plus vigoureuse des policiers… Quant à Kgalema Motlanthe, il a tenté sa chance, il y a deux ans, en se présentant contre Zuma à la tête du parti. Résultat: il a perdu la vice-présidence et a été forcé de prendre sa retraite politique. Preuve que près de quarante ans après son stage en Russie, Jacob Zuma n’a pas oublié l’art de débusquer les traîtres… à sa propre cause. l

Et si son Ex lui succédait…

C’

est une petite phrase qui relance bien des spéculations. « Je pense que si nous avions une candidature féminine appropriée pour la présidence, l’ANC voterait pour elle avec enthousiasme », a affirmé Jacob Zuma devant des journalistes, au mois de mai, ajoutant : « L’ANC va donner l’exemple sur ce sujet. Peut-être plus tôt que vous ne le pensez. » Le président

sud-africain n’a pas précisé qui il avait en tête, mais un profil sort du lot : celui de son ex-femme, Nkosazana Dlamini-Zuma, l’actuelle présidente de la Commission de l’Union africaine. Bien qu’elle siège à Addis-Abeba depuis 2012, cette figure de l’ANC, plusieurs fois pressentie pour diriger le parti, fait régulièrement des allers-retours en Afrique du Sud. Son ancien mari a assurément

l’influence nécessaire sinon pour l’imposer à la tête du pays, du moins pour l’aider à y parvenir. Et pour lui qui n’est pas certain d’être épargné par les « affaires » quand il prendra sa retraite, cette option présenterait l’avantage d’assurer ses arrières. Ils ont beau être divorcés depuis 1998, on voit mal DlaminiZuma tolérer que le père de ses enfants soit traîné devant les tribunaux. l P.B.

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Afrique subsaharienne Niger

Hama amadou « j’ai fui pour sauver ma peau » Il a préféré quitter le pays plutôt que de risquer la prison. Accusé de complicité dans une affaire de trafic d’enfants, le président de l’assemblée nationale a accordé à J.A. son premier entretien depuis sa fuite.

T

out est allé très vite pour Hama Amadou. Le président de l’Assemblée nationale est cité depuis plusieurs mois dans une affaire de « supposition de bébés », qui a valu à plusieurs personnalités nigériennes d’être placées en détention. Parmi celles-ci, sa seconde épouse, Hadiza Hama, soupçonnée d’avoir « acheté » ses jumeaux au Nigeria, il y a deux ans. Le 26 août, le gouvernement saisit le bureau de l’Assemblée afin d’autoriser la justice à entendre son président. Le lendemain, le patron du Moden Lumana Fa, qui fait figure de principal opposant à Mahamadou Issoufou, prend la route pour Ouagadougou. « Seul, affirme-t-il, et sans l’aide de personne. » Trois jours plus tard, il débarque à Bruxelles, puis à Paris pour un exil d’une durée indéterminée. Rencontré dans un hôtel de la capitale française, il se défend avec vigueur. Et contre-attaque, comme à son habitude.

d’être entendu par un juge afin de vous défendre ?

Je le ferais si le juge me le demandait lui-même ! Mais celui-ci n’a jamais formulé la volonté de me voir. C’est le gouvernement qui a enjoint au procureur de la République de procéder à mon arrestation. La finalité, je la connais : il s’agit de m’emprisonner quelques jours afin de m’empoisonner. Vous pensez vraiment que le président mahamadou issoufou serait prêt à commanditer l’assassinat de son principal opposant ! ?

J’en suis convaincu. Sinon, je n’aurais pas quitté le pays. Et je ne dis pas ça à

la légère : je le tiens de sources bien informées. Ils auraient fait venir un poison de Libye, dont les effets ne seraient intervenus que quelques mois après son ingestion. Ce qui les aurait mis hors de cause. Je sais qu’ils ont cette intention macabre. Il y a quelques semaines, ils ont tiré sur mon domicile et ont enlevé les gardes affectés à ma sécurité. C’est pour cela que j’ai quitté le Niger. avez-vous peur de retourner en prison, comme en 2008 ?

Je ne veux pas y retourner à cause d’une injustice. Je sais ce que valent les prisons nigériennes.

Ce n’est pas la première fois que vous quittez précipitamment le pays…

Non. En 2009, sous Mamadou Tandja, j’avais été accusé à tort d’atteinte à la sécurité de l’État. Si on m’arrêtait, j’étais mort. quand avez-vous pris la décision de vous enfuir ?

Le 26 août au soir, après le conseil des ministres [au cours duquel le gouvernement a convoqué le bureau de

jeune afrique: Pourquoi avez-vous fui? Hama amadou : Parce que cette

affaire a été utilisée comme prétexte pour pouvoir m’arrêter. C’est un dossier politique. Et aucune des procédures légales prévues pour lever l’immunité d’un député, a fortiori celle du président de l’Assemblée nationale, n’a été respectée. Le règlement de l’Assemblée précise que, pour lever l’immunité d’un élu, il faut l’accord des deux tiers des 113 députés. Moi, j’avais demandé au Premier ministre de convoquer une session extraordinaire pour que l’Assemblée se saisisse de ce dossier. Il a refusé et, à la place, a demandé au bureau de se réunir pour décider, non pas de la levée de mon immunité, mais de mon arrestation. Les accusations sont d’une extrême gravité. Pourquoi ne pas avoir accepté n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

jeune afrique


Afrique subsaharienne l’Assemblée], quand j’ai constaté qu’aucune règle n’était respectée.

bénéficier d’un examen objectif de la part des juges. Je suis convaincu que ce dossier ne contient rien.

Comment avez-vous quitté le Niger ? La rumeur dit que vous vous êtes déguisé en femme.

Issoufou a de nombreux amis à Paris, à l’Élysée notamment…

C’est faux, je n’étais pas déguisé. Je suis parti seul au volant de ma voiture.

Êtes-vous en train de me dire qu’en France on peut manipuler la justice pour des amitiés politiques ? Je n’y crois pas.

Avez-vous bénéficié de l’aide des autorités burkinabè ?

Venons-en au fond de l’affaire : avezvous, avec votre épouse, acheté des bébés nigérians ?

Non. Je suis rentré normalement au Burkina, comme tout citoyen de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest]. Je me suis présenté à la douane, et, à mon arrivée, j’ai simplement prévenu les autorités – à savoir mon homologue, le président de l’Assemblée nationale – que j’étais dans leur pays.

Soyons sérieux… Comment, au XXIe siècle, peut-on penser qu’il existe un marché de bébés ? Et si tel était le cas, selon la logique judiciaire, c’est le Nigeria qui aurait dû solliciter le gouver-

Parce que la France est un État de droit. Et si le président Issoufou veut m’extrader, il sera bien obligé de transmettre aux autorités françaises le dossier sur la base duquel il aura engagé un mandat d’arrêt international contre moi. Ici, j’aurai au moins la chance de

nement nigérien pour poursuivre ceux qui, au Niger, auraient acheté les enfants. Mais c’est Niamey qui a enclenché une procédure contre ses propres citoyens, juste pour me déstabiliser. D’ailleurs, aucune famille nigériane n’a réclamé les enfants. Vous ne croyez pas à un trafic de bébés dans la sous-région ?

Ça peut exister, mais ni moi ni ma femme n’avons participé à un trafic. À Niamey, tout le monde l’a vue enceinte. Pourquoi a-t-elle accouché à Lagos ?

C’est à elle qu’il faut poser la question. Quand elle a accouché, j’étais au Maroc. J’ai demandé à mon épouse si elle était prête à faire les tests ADN, elle m’a dit qu’elle était d’accord. Mais le juge a refusé. Et vous, seriez-vous prêt à vous y soumettre ?

Du point de vue de notre religion, un père ne peut pas faire ce test, c’est la mère qui doit le faire.

L’avez-vous vue depuis qu’elle est emprisonnée ?

ÉMiLie RÉgnieR

Bien sûr, je lui rendais visite régulièrement et elle jure que ces enfants sont sortis de son ventre.

jeune afrique

Vous étiez l’allié du président Issoufou pendant les deux premières années de son mandat. Pourquoi avez-vous rejoint l’opposition en août 2013 ?

Ma femme a accouché à Lagos, et jure que ces bébés sont sortis de son ventre.

Trois jours plus tard, vous partez en France. Pourquoi ?

t Le chef du Moden Lumana Fa, à Bamako, en 2010.

C’est pour justifier mon arrestation. Si on arrête un ministre d’État en activité, alors on peut bien arrêter le président de l’Assemblée. C’est un montage à plusieurs coups. Car, derrière tout cela, il y a aussi la volonté de Mahamadou Issoufou de faire une OPA sur le parti de Mahamane Ousmane [la Convention démocratique et sociale, CDS-Rahama]. Issoufou a voulu utiliser Abdou Labo [membre dissident de la CDS], mais ce n’est pas quelqu’un de soumis. Il a donc fallu se débarrasser de lui aussi.

Vous criez au complot, mais d’autres personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles un ministre, Abdou Labo…

Parce qu’il avait décidé de se débarrasser de moi et d’affaiblir mon parti. En août 2013, il a annoncé qu’il voulait mettre en place un gouvernement d’union nationale; il a négocié avec l’opposition et renvoyé tous les ministres de mon bord. Dans son entourage, on explique que c’est vous qui avez commencé à vous rapprocher de l’opposition…

Est-ce moi qui ai voulu faire un gouvernement d’union? Quand il m’en a parlé, je lui ai dit que ce n’était pas démocratique. La démocratie suppose une majorité qui gouverne et une opposition qui s’oppose. Pourquoi faire un gouvernement d’union alors que la situation politique du pays est paisible? Et quand vous voyez votre allié se rapprocher de l’opposition alors que vous êtes l’allié principal, que faites-vous? Vous vous rapprochez également d’elle pour ne pas être le dindon de la farce. Pourquoi ne pas avoir démissionné du perchoir lorsque vous avez rompu avec Issoufou ?

Pourquoi l’aurais-je fait ? Pourquoi Issoufou ne démissionnerait pas, lui aussi, puisqu’il a été élu avec les voix de mon parti ?

Serez-vous candidat à l’élection présidentielle de 2016 ?

Je suis déjà candidat. Et c’est cela le problème fondamental d’Issoufou. l Propos recueillis par RÉmI CARAyoL n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Afrique subsaharienne SÉNÉGAL

Toujours là pour Macky De ses débuts en politique à son accession au pouvoir, le président doit beaucoup à son épouse, qui l’a soutenu même pendant sa traversée du désert. Mais, aujourd’hui, l’omniprésence de Marième Faye Sall fait grincer des dents.

I

exact) est restée l’épouse dévouée qui a interrompu prématurément ses études à l’Institut supérieur de technologie de Dakar, au début des années 1990, pour se consacrer à la famille qu’elle venait de fonder avec Macky Sall. « Elle a renoncé à faire carrière pour élever leurs trois enfants », rappelle un ami de vingt ans du couple présidentiel. À l’époque, le géologue aux origines modestes (père gardien et mère vendeuse d’araPour cette Sérère aisée, chides) entame tout juste l’union avec un Halpulaar sans son ascension politique au pedigree frôlait la mésalliance. Parti démocratique sénégalais (PDS), et, pour cette politique de la famille élargie du nouSérère issue d’une famille aisée, épouveau président avait un déplaisant air de ser un Halpulaar sans pedigree frôle la mésalliance. Pendant plusieurs années, déjà-vu. Lors du sommet Afrique - ÉtatsUnis, début août, Macky Sall a d’ailleurs le couple mange de la vache enragée. procédé à une mise au point, au détour « Dans certaines périodes difficiles, elle d’une interview à Voice of America, pour a même vendu ses bijoux pour soutenir tenter d’éteindre l’incendie. sa famille », révèle la même source. Après l’élection d’Abdoulaye Wade, en 2000, Macky Sall se hisse vers le sommet VACHE ENRAGÉE. Pourtant, de l’aveu même des proches du couple préside l’État. Conseiller du président, ministre dentiel, Marième Faye Sall est loin de puis Premier ministre, il se croit promis limiter son rôle à celui d’une « dame au rôle de dauphin. Mais en 2008 tout patronnesse ». Bien sûr, cette souriante bascule. Il tombe en disgrâce et entame quadragénaire (elle préfère taire son âge une longue traversée du désert. « Quand Wade a cherché à le faire démissionner de la présidence de l’Assemblée natiodE LA FAMILLE nale, Marième s’est improvisée coach politique pour entraîner Macky à ne pas « cousinage à au sommet de l’État, céder face à son mentor », témoigne un plaisanterie ». « Pour de la complexe proche du président. Macky, le clan est un mosaïque sénégalaise.

l est des hommages dont on préférerait se passer. Au lendemain du remaniement ministériel survenu début juillet, Macky Sall et son épouse ont sans doute avalé leur lait caillé de travers en entendant l’éloge rendu à la première dame par Mbagnick Ndiaye, passé du ministère des Sports à celui de la Culture : « Si nous sommes ministres, Matar Ba et moi, nous le devons à Marième Faye », a-t-il lancé devant une forêt de caméras au moment de la passation de pouvoirs avec son successeur. Une maladresse décochée au pire moment. Car ces derniers mois, la rumeur sur le rôle de « sergent recruteur » que jouerait en coulisses la première dame n’a cessé d’enfler. Distillée dans les rangs politiques, reprise en boucle dans les médias, l’accusation a même été répercutée par les rappeurs de Keur Gui, fer de lance du mouvement citoyen Y’en a marre. « On pensait avoir élu un président de la République mais on a élu une première dame, s’indigne Thiat, l’un des membres du groupe. On en a marre de la dynastie Faye-Sall ! » L’expression fait florès au Sénégal. Elle se décline parfois à coups de savoureux

LE SENS (LARGE) Bien avant la controverse sur le rôle de son épouse, Macky Sall s’était vu reprocher une inclination trop prononcée pour les renvois d’ascenseur communautaires. « Halpulaar de culture sérère », comme il le dit lui-même, le président a en effet noué, lors de sa traversée du désert, des alliances privilégiées au sein de ces deux communautés apparentées par le n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

néologismes, comme celui de « fayesallisation » de l’État. Il faut dire que lors des élections municipales du 29 juin plusieurs candidats de la mouvance présidentielle étaient apparentés à Macky Sall ou à son épouse. Frère, beaux-frères, beau-père, oncle, cousine, griot… Pour des Sénégalais qui avaient soupçonné Abdoulaye Wade de vouloir passer le relais à son fils Karim, cette irruption en

substitut à un appareil de contrôle partisan qui lui fait encore défaut avec l’aPR, un parti jeune et désorganisé », analyse le sociologue Malick ndiaye. Depuis 2012, la critique revient avec insistance: Macky Sall aurait multiplié les faveurs envers sa « double famille », au risque de déséquilibrer la représentation,

« D’un côté, il manifeste un zèle maladroit au profit des Halpulaars, commente un patron de presse. De l’autre, on assiste à une omniprésence des personnalités originaires de Fatick. » Sous Macky, affirme Malick ndiaye, « les alliances à plaisanterie ont été recomposées en alliances électorales ». l

M.B.

SIMPLE ET PIEUSE. « Pendant les heures

sombres, elle a été au cœur de la rébellion, confirme une source qui l’a fréquentée à l’époque. Je l’ai vue mobiliser les femmes de Saint-Louis et remplir le stade de la ville. » Quand son mari débarque à l’aéroport de Dakar, où il ne bénéficie plus du moindre protocole, elle insiste pour porter elle-même ses valises : « Je ne les laisserai pas t’humilier ! » « À la création de l’Alliance pour la République [APR], fin 2008, son rôle a été essentiel, du choix des couleurs à celui de l’emblème du parti, témoigne jeune afrique


Afrique subsaharienne

EmiliE REgniER pouR J.A.

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p La première dame (ici dans la résidence du couple à Saly) n’a pas de cabinet au Palais. C’est en coulisses qu’elle officie.

le vieil ami du couple. Ses parents font partie des premiers adhérents, et son frère Mansour a vendu un terrain pour financer l’APR à ses débuts. » Après le sacre de 2012, Marième Faye Sall adopte un style qui contraste avec les premières dames qui l’ont précédée – deux Françaises et une métisse de la grande bourgeoisie. Côté pile, elle est « une vraie Sénégalaise » : une femme simple, très pieuse (elle lit le Coran chaque matin entre 4 et 8 heures avant de se recoucher brièvement), qui n’hésite pas à esquisser quelques pas de danse lors d’une cérémonie, se montre prévenante envers ses hôtes et raccompagne elle-même ses visiteurs hors du palais. Côté face, elle conserve un rôle aussi feutré que décisif au sein de la mouvance présidentielle. « C’est elle qui console les militants qui en ont besoin et retient certains cadres importants lorsqu’ils sont tentés de claquer la porte, relate un conseiller de Macky Sall. Dans le parti, certains se sentent plus redevables à la première dame qu’au président. » jeune afrique

Femme d’influence sans pour autant chercher à influencer son époux dans ses choix, elle est absente des réunions politiques et n’a pas de cabinet au palais. C’est en coulisses qu’elle officie, allant présenter les condoléances du couple, rendant des visites de courtoisie à la nuit tombée, se liant d’amitié avec les épouses. Dans l’entourage présidentiel,

intellectuels et journalistes qui sont devenus les dames de compagnie du couple Faye-Sall ». rôle de repoussoir. Sa seule bous-

sole : un soutien indéfectible à Macky Sall, au risque parfois d’écarter de l’entourage présidentiel certains esprits jugés trop libres. « Elle joue un rôle de repoussoir face aux gens qu’elle estime nuisibles », elle déploie son réseau depuis relativise l’ami du couple, les confréries maraboutiques selon qui « elle est en jusqu’au monde des médias. quelque sorte l’assistante sociale et psychologique plusieurs ministres et conseillers du du président, un peu comme Hillary premier cercle sont ses « enfants », dixit pour Bill Clinton ». Un statut qu’elleMacky Sall. Forte d’une aisance relamême revendique lorsqu’elle confie que, tionnelle qui contraste avec le caractère pendant la campagne présidentielle de introverti de son mari, « Madame la 2012, elle avait demandé au staff de son Présidente » déploie son réseau depuis mari de lui faire parvenir les mauvaises les confréries maraboutiques jusqu’au nouvelles et de réserver les bonnes au monde politique, en passant par les futur président. Selon un ancien proche, médias. Un penchant dont l’opposant « elle se moque qu’on dise du mal d’elle ». Idrissa Seck, du parti Rewmi, a récemMais pas de Macky. l ment fait son miel, ironisant sur « les Mehdi Ba, à Dakar n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Afrique subsaharienne

Coulisses

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Mali Mauvaise Mine

Farah abdi Warsameh/aP/siPa

Nouveau coup dur pour la mission de l’ONU déployée au Mali : quatre Casques bleus tchadiens ont été tués le 2 septembre dans l’explosion d’une mine sur la route entre Aguelhok et Kidal, dans le nord du pays. Ces dernières semaines, les hommes et les installations de la Minusma ont été à plusieurs reprises la cible des groupes terroristes.

Somalie Les Shebab décapités ?

Il n’y a encore rien d’officiel, mais les services de renseignements américains ont bon espoir d’être parvenus à éliminer Ahmed Abdi, dit Godane, dans la nuit du 1er au 2 septembre. L’homme n’était ni plus ni moins que le chef des insurgés islamistes en Somalie, les fameux Shebab (photo). Il figurait sur la liste noire des dix terroristes les plus recherchés par les États-Unis, et sa tête avait été mise à prix 7 millions de dollars. À l’heure où nous mettions sous presse, les Shebab refusaient encore de confirmer la disparition de leur leader.Toutefois, dès le 2 septembre, leur porte-parole a admis qu’il se trouvait bien dans le convoi pris pour cible par un drone américain, à 170 km de Mogadiscio, en plein bastion des insurgés, et a reconnu que six personnes avaient péri dans l’attaque. Dont Godane ? Là est toute la question, et les vérifications de terrain seront très difficiles. Mais, si tel était le cas, ce serait un coup terrible porté à un mouvement qui, depuis trois ans, a essuyé une série de revers militaires. Un coup d’autant plus rude que Godane avait pris soin de faire le ménage parmi ses rivaux et successeurs potentiels au sein des Shebab. l RD Congo Tu ne violeRas poinT

Kenya Escort jacking

La sensibilisation, il n’y a rien de tel. Soucieux de montrer qu’il ne restait pas les bras croisés face aux violences sexuelles perpétrées dans l’Est, le gouvernement a présenté, début septembre, le code de bonne conduite que devront désormais signer les soldats congolais. Il s’agit d’une sorte de contrat par lequel les militaires s’engagent à ne commettre ni viols ni exactions. Mais c’est bien sûr ! Pourquoi n’y avait-on pas pensé plus tôt ?

Même Interpol était sur le coup. Volée par quatre hommes armés dans la soirée du 3 septembre, en plein centre de Nairobi, une grosse BMW a été retrouvée dès le lendemain… en Ouganda. Mais ce qui pourrait n’être qu’une banale affaire de vol de voiture a fait couler beaucoup d’encre au Kenya. Pourquoi ? Parce que le véhicule

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faisait partie de l’escorte présidentielle, qu’il était conduit par un policier au moment du braquage (l’infortuné a tout de même passé six heures enfermé dans le coffre avant d’être abandonné dans un quartier est de la capitale) et que cela en dit long sur le niveau de la criminalité dans une ville où, chaque jour, au moins trois braquages de ce type sont signalés.

lesoTho Coup D’ÉTaT, Coup D’essai

Y a-t-il eu une tentative de coup de force au Lesotho le 30 août ? L’armée affirme que non, mais tout laisse à penser que oui, puisque les militaires ont investi dès l’aube plusieurs endroits stratégiques de la capitale, poussant le Premier ministre, Thomas Thabane, à trouver refuge en Afrique du Sud (la veille, il avait voulu démettre de ses fonctions le chef des armées, réputé très proche de son grand rival, le vicePremier ministre Mothetjoa Metsing). L’affaire, toutefois, a été vite réglée sous la pression de Pretoria et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) : le 3 septembre, Thabane est rentré au pays et a regagné sa résidence, celle-là même où l’armée avait fait irruption quatre jours plus tôt. jeune afrique


maghreb & moyen-orient

Hamza Turkia/XiNHua-rEa

u Seif el-Islam Kadhafi comparaissant par vidéo– conférence devant les juges de la cour pénale de Tripoli, le 27 avril.

LIbye

Seif el-Islam

à tout prix L Détenu au secret depuis fin 2011, l’ex-dauphin du « Guide » représente pour ses geôliers un trésor de guerre inestimable. Que lorgnent avec convoitise toutes les factions rivales. Joan TILouIne,

jeune afrique

avec

youSSef aïT akdIm

e 19 novembre 2011, jour de sa capture dans les sables des environs d’Obari (Sud-Ouest), il avait été forcé de se mettre face contre terre. Au rebelle de Zintan qui le tenait en joue, un pied sur son visage, Seif el-Islam Kadhafi, qui pensait rejoindre le Niger déguisé en Bédouin chamelier, demande : « Qui êtes-vous ? » « Nous sommes les rats [surnom donné par Kadhafi père aux rebelles]. » « Alors, tuez-moi ! » Si ces derniers n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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maghreb moyen-orient libye ne lui ont pas fait cette faveur, c’est que le dauphin du « Guide » constitue leur assurance vie. Mort, il ne vaut rien. Depuis, Seif el-Islam n’a fait que deux apparitions publiques, la première lors d’une brève interview de quarante secondes réalisée le 7 novembre 2013 par un journaliste de la chaîne de télévision Al-Assema. Vêtu d’un uniforme bleu, un doigt de la main gauche masquant une dentition abîmée par les coups, le plus célèbre des prisonniers de la Libye post-Kadhafi se montre impatient, agacé, expéditif. Quelques semaines avant la capture de Seif el-Islam, le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) avait déclaré avoir établi un contact avec lui à travers un intermédiaire. Mais face au refus de Tripoli de le livrer, la CPI a finalement accepté que celui qu’on a un temps présenté comme le futur maître « réformateur » de la Jamahiriya soit jugé dans son pays. dieu est mon avocat ! La seconde et dernière

apparition publique de Seif el-Islam remonte au 27 avril dernier. Détenu au secret quelque part à Zintan, à environ 160 km au sud-ouest de Tripoli, le deuxième fils de Kadhafi comparaît ce jour-là par vidéoconférence devant les juges de la cour pénale de Tripoli. « Dieu est mon avocat ! » leur lance-t-il, bravache et un rien condescendant. Depuis, ses chances de bénéficier d’un procès équitable vont s’amenuisant. Pour les maîtres de Zintan, une cité arabe de quelque 40 000 habitants nichée dans le djebel Nefoussa, fief de l’ennemi berbère, le fils préféré du « Guide » représente un butin inestimable. Dans le contexte actuel de lutte à mort pour le pouvoir entre les différentes factions armées, l’influence dont il jouit encore auprès des tribus, les secrets d’État qu’il détient et sa probable fortune placée quelque part à l’étranger en font un atout considérable, sinon vital, qu’il s’agit de préserver par tous les moyens. Quitte à se rapprocher des cellules actives et structurées de responsables de l’ancien régime réfugiés dans les pays voisins, en Tunisie et en Égypte notamment. « La situation est particulièrement critique, et même si Zintan est géographiquement difficile à atteindre, le risque que les islamistes s’emparent de lui est pris au sérieux », confie, depuis Tunis, un ancien bras droit de Seif, qui se dit en mesure d’affirmer qu’il « se porte bien ». Et d’ajouter : « La complexe évolution des alliances tribales dans la région n’est pas à l’avantage de Zintan, et ça risque d’empirer. » Après six semaines de combats d’une rare intensité, l’aéroport international de Tripoli, sous contrôle des milices de Zintan depuis trois ans, est passé, le 23 août, aux mains des groupes islamistes de Misrata, riche cité portuaire située à 200 km à l’est de la capitale. La victoire de ces derniers, alliés aux milices salafistes de Tripoli sous l’étiquette Fajr Libya (Aube de Libye), a modifié le rapport n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

p Depuis le 23 août, les miliciens islamistes de Fajr Libya contrôlent l’aéroport international de Tripoli.

des forces politiques en Tripolitaine. Depuis plusieurs semaines, Seif el-Islam est déplacé chaque quarante-huit heures par mesure de sécurité. À Zintan, on redoute une offensive ou un plan des islamistes pour s’emparer de lui. Car d’aucuns parmi les Misratis ne cachent par leur intention d’arracher celui qui, en 2011, promettait aux rebelles « des rivières de sang ». zintan affaibli. Longtemps considérée comme

la principale puissance militaire de Tripolitaine, la tribu de Zintan, forte de sept milices lourdement armées, est sortie considérablement affaiblie de cette défaite. En dépit du soutien logistique militaire de son allié émirati, elle a enregistré des pertes matérielles importantes et manque désormais de munitions. Réputés habiles ou opportunistes, c’est selon, les Zintanis se sont imposés comme une force incontournable sur la scène libyenne non islamiste post-Kadhafi. La capture de Seif étant intervenue à un moment clé – le Premier ministre Abderrahim el-Keib jeune afrique


seif el-islam à tout prix milice Al-Qaaqaa, longtemps réputée comme la plus puissante de Tripoli. Mais si Zintan cultive son entregent politicomilitaire et son image révolutionnaire, une partie de la tribu n’a jamais rompu avec les kadhafistes. « Nous disposons de canaux de communication avec des membres de Zintan restés fidèles à la Jamahiriya et qui protègent Seif el-Islam », explique un membre actif des réseaux de l’ancien régime qui fait état d’un plan d’exfiltration d’urgence « si nécessaire ». Pour les miliciens misratis, qui se sont autoproclamés gardiens de la révolution, il s’agit ni plus ni moins d’une guerre contre les « partisans de l’ancien régime », de surcroît alliés à Khalifa Haftar, qui a lancé en mai l’opération Dignité contre les islamistes de Cyrénaïque.

Hazem Turkia/anadolu agency

divisés. Au cours du mois d’août, Zintan a

conduisait alors des consultations pour former le premier gouvernement post-Conseil national de transition (CNT) –, le chef du conseil militaire de Zintan, Oussama el-Jouili, a hérité du portefeuille de la Défense. D’autres grandes figures zintanies se sont vu attribuer des ministères stratégiques (Intérieur, Affaires étrangères…) et des postes importants, ce qui leur a permis de financer et d’assurer l’approvisionnement en armes de leurs milices, et de se poser en partenaires crédibles des Occidentaux. C’est ainsi que, à la demande des Zintanis, un projet de construction d’un aéroport par des sociétés françaises avait un temps été évoqué. Paris et son allié qatari de circonstance avaient fait de Zintan le principal point de livraison d’armes par voie aérienne durant la révolution. L’ancien Premier ministre Ali Zeidan était sous la protection des Zintanis, et son allié libéral, l’ex-président du CNT Mahmoud Jibril, entretient toujours des liens étroits avec l’influente tribu par l’intermédiaire de son bras droit, Abdelmajid Melikta, dont le frère commande la controversée jeune afrique

Caisse noire Seif el-Islam était président de la Fondation Kadhafi pour la charité et le développement, créée en 1998. Il s’en est servi comme caisse noire pour notamment : • Indemniser des victimes de l’attentat du DC-10 d’UTA • Solder l’affaire des infirmières bulgares • Financer la London School of Economics, qui lui a décerné un doctorat en 2009

procédé à la libération massive de prisonniers de guerre kadhafistes envoyés faire le coup de feu contre les islamistes de Fajr Libya à Tripoli. Tout en menant une intense offensive diplomatique tribale pour tenter de faire obstacle aux islamistes dans le djebel Nefoussa et empêcher ainsi une éventuelle prise de Seif. Ces derniers jours, une délégation de dignitaires zintanis s’est discrètement rendue dans la cité berbère voisine de Yefren pour convaincre ses notables de les aider à amorcer une médiation avec les chefs politico-militaires de Misrata. Réponse sans équivoque des caciques amazighs : « Cherchez d’autres alliés, nous ne prendrons pas part à ce conflit. » Les geôliers de Seif el-Islam apparaissent plus que jamais isolés. Même les villes et les tribus arabes de la région ont rejeté la demande des Zintanis, perçus comme arrogants, assoiffés de pouvoir et affaiblis. Mais ces derniers peuvent encore compter sur leur alliance traditionnelle avec l’influente tribu des Warfalla, dont est issu Mahmoud Jibril, ou encore celle des Warshefana, restée en partie fidèle à l’ancien régime, ou du moins nostalgique de l’ordre qu’il faisait régner. Dans l’entourage de celui que les révolutionnaires surnommaient Zayf el-Ahlam (« l’illusion des rêves »), on garde l’espoir de voir ce dernier libéré à la faveur de l’évolution du rapport des forces politiques : « La tribu de Zintan est divisée, veulent-ils croire, entre ceux, notamment parmi les aînés, qui ne seraient pas opposés à une libération des prisonniers kadhafistes, y compris Seif el-Islam, et un conseil militaire qui y est fermement opposé. » En Libye, certains, y compris parmi les révolutionnaires, sont partagés entre la haine et un reliquat de fascination à l’égard de celui qui avait promis une mutation moderniste de la Jamahiriya. Mais, au conseil municipal de la ville, pas question de faire état de ces divisions ni d’aborder le cas de ce prisonnier si particulier qui excite les convoitises de toutes les factions rivales du pays. l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Maghreb Moyen-Orient Syrie-irak

Jihadistes de tous les pays… En trois ans, au moins 12 000 étrangers, originaires de 81 états, ont rejoint les rangs des islamistes radicaux. Radiographie de la nouvelle internationale des fous d’Allah.

C

onnaissez-vous Jihad John? Le moins doubler ce chiffre », explique le 19 août, sous sa cagoule noire géographe Fabrice Balanche, directeur de bourreau, « Jihad John » du Groupe de recherches et d’études expliquait au monde entier les sur la Méditerranée et le Moyen-Orient raisons pour lesquelles il allait décapiter (Gremmo). le journaliste américain James Foley, à genoux devant lui en plein désert. Deux Cent AmériCAins ! En mai, le Soufan semaines plus tard, même mise en scène Group, une agence américaine de conseil soignée, mêmes injonctions à l’arrogante en renseignement et en sécurité, évaluait Amérique, le bourreau médiatique de à 12 000 le nombre d’étrangers à avoir l’État islamique exécutait Steven Sotloff, gagné la Syrie sur trois ans, venant de compatriote et confrère de Foley. Son 81 pays. Un chiffre à multiplier aussi par surnom, il l’a hérité de son accent très deux, selon Balanche. Soit autant que le british, de l’ouest londonien disent les nombre d’étrangers qui ont combattu experts. À la fin de la dernière vidéo, pendant plus de dix ans en Afghanistan. un autre otage apparaît, David Haines, Certains aspirants au martyre continuent un Britannique menacé du même sort. de rejoindre les formations jihadistes Jihad John n’est sans doute pas celui historiques de la crise syrienne, comme que l’on a d’abord soupçonné, Abdel la Jabhat al-Nosra, affiliée à Al-Qaïda, Majed Abdel Bary, un rappeur londoou les salafistes d’Ahrar al-Sham. Mais nien de 23 ans qui a délaissé les feux les campagnes de communication de la rampe pour ceux du chocs et les victoires retenjihad en 2013 et qui s’affitissantes de l’État islamique Le califat chait fièrement sur Twitter, (EI) confèrent à celui-ci un en août, brandissant la tête d’Abou Bakr pouvoir d’attraction grandiscoupée d’un soldat syrien. sant. Après la conquête de al-Baghdadi Mais comme lui, l’assassin de Mossoul en Irak, début juin, exerce un Foley et de Sotloff fait partie son autoérection en califat a-tpouvoir elle pu susciter de nouvelles de ces quelque 500 citoyens britanniques qui, selon leur d’attraction vocations ? « Je ne le pense gouvernement, ont fait le répond Balanche. Par grandissant. pas, contre, la dernière guerre de pèlerinage en barbarie pour rejoindre l’un des groupes Gaza a donné un coup d’acd’islamistes ultraradicaux qui veulent célérateur au recrutement. Beaucoup, imposer au Levant leur conception de la comme les Jordaniens d’origine palestiloi coranique. Député de Birmingham, nienne, pensent aujourd’hui que seul le Khalid Mahmood a jugé le décompte recours aux ultraradicaux permettra de officiel très sous-estimé: les Britanniques libérer la Palestine du joug israélien et jihadisant en Syrie seraient en réalité plus le monde musulman de la domination de 1 500. En Tunisie, le chiffre de 3 000 occidentale. » combattants est avancé par les autorités, Si les pays arabes – Tunisie, Arabie mais, selon une source sécuritaire haut saoudite et Jordanie en tête – fournissent les quatre cinquièmes des recrues et ceux placée, 5 000 individus ont déjà fait le voyage et près de 9 000 ont été retenus d’Europe la majeure partie du reste, ce avant leur envol. « Pour ce qui est de la pot-pourri nauséabond a les allures d’une France, le président Hollande annonçait « internationale ». Le 26 août, une semaine en janvier 700 départs, chiffre revu à 900 après l’exécution de Foley, l’Amérique se par le ministre de l’Intérieur en août. Il voyait confirmer la mort de son premier ne s’agit en fait que des personnes clairejihadiste, Douglas McArthur McCain. Les ment identifiées par les renseignements, autorités révélaient alors qu’au moins la partie émergée de l’iceberg. Il faut au une centaine de nationaux avaient pris

le sentier de la guerre sainte. Les Russes, dont beaucoup de Tchétchènes, y seraient plus de 800. Le 1er septembre, le ministère irakien de la Défense publiait sur sa page Facebook les photos d’un jihadiste asiatique présenté comme chinois, le premier capturé dans la zone. Selon Pékin, ils y seraient une centaine à se battre. L’on y trouverait des Malaisiens en même nombre et le double d’Indonésiens. « Tous les fêlés de la planète se donnent rendez-vous dans la zone », constate, blasé, Fabrice Balanche. Venus des cinq continents, ces volontaires du jihad sont pour la plupart très jeunes, voire adolescents, bien davantage séduits par la propagande spectaculaire distillée sur les réseaux sociaux que recrutés par prosélytisme direct à la manière d’Al-Qaïda. Des compatriotes déjà engagés assurent

En provenance de l’aéroport Ataturk, Istanbul

Nombre de combattants Occident TOTAL

par million d’habitants

Belgique Danemark France Australie Norvège Pays-Bas Autriche Irlande Roy.-Uni Suède Allemagne États-Unis

250 100 700 250 50 120 60 30 400 30 270 0

5

10

15

Monde musulman

Jordanie Tunisie Liban Tchétchénie Libye Arabie S. Maroc Palestine Koweït Irak Turquie Égypte

20

70 25 2 089 3 000 890 186 556 2 500 1 500 114 71 247 400

0

358 50 100 150 200 250 300 350

ISRAËL


Carte interactive : suivez l’itinéraire d’un jihadiste français en 4 étapes la prédication en ligne, comme Omar Omsen, un Niçois d’origine sénégalaise parfois surnommé cheikh Google, grand recruteur pour la Jabhat, ou le Canadien André Poulin, alias Abou Ibrahim alCanadi, héros posthume, en juillet, d’une vidéo où il chante la gloire du jihad et de l’EI. Fidèles persuadés de pouvoir vivre le vrai islam, individus en rupture avec leurs sociétés, romantiques attirés par le calife Ibrahim et la macabre esthétique jihadiste comme ils l’auraient été par Che Guevara et Hare Krishna, voyous ayant trouvé – sincèrement ou non – leur salut au service armé d’Allah : l’EI et ses semblables leur offrent les moyens, apparemment rédempteurs, d’exprimer leur violence ou leurs espoirs déments. Tous sont bien sûr musulmans sunnites, certains fraîchement convertis, comme Abou

Maghreb Moyen-Orient

le Suisse, qui a embrassé l’islam en 2012 avant de prendre le chemin du Cham et de devenir, selon le quotidien Le Temps, l’émir de la brigade francophone de l’EI.

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à deux mois » si rien n’est fait pour les contrer. Le renforcement de l’arsenal judiciaire dans les pays de départ ou les fatwas condamnant l’EI, comme celles émises par le grand mufti d’Arabie saoudite ou par d’importants religieux britanniques, suffiront-ils à endiguer le flot? « Improbable, répond Balanche, les candidats au jihad considèrent les autorités religieuses comme mécréantes, et aucune loi ne pourra arrêter un individu déterminé. L’unique solution est le bouclage de la frontière turque, désormais leur seul point de passage, mais celle-ci reste une vraie passoire, et, malgré leurs déclarations, les autorités de ce pays font pour le moins preuve d’une coupable complaisance envers cette nouvelle internationale jihadiste. » l laurent de saint périer

complaisance turque. D’autres,

musulmans d’origine, ont cru trouver dans l’idéologie jihadiste la vraie nature de l’islam. Les Français Mohamed Merah, assassin de militaires et de juifs français en mars 2012, et Mehdi Nemmouche, auteur d’un quadruple meurtre au Musée juif de Bruxelles en mai, s’étaient ainsi radicalisés en prison. Les deux hommes revenaient du jihad syrien. Le type même de vétéran qui angoisse les renseignements, conduisant le roi Abdallah d’Arabie saoudite à déclarer, le 30 août, que les jihadistes « pourraient frapper l’Europe d’ici à un mois et les États-Unis d’ici

l’eldorado du jihad Zones contrôlées par l’État islamique

Zones kurdes

Principaux points d’entrée

TURQUIE

Antakya

Aéroport de Gaziantep Killis

Ackacale

Marea

Reyhanli

Silopi

Aéroport de Santiurfa

Sinjar

Alep

IRAN

Mossoul Erbil

Raqqa Kirkouk Deir ez-Zor

SYRIE

BEYROUTH

Tikrit Samarra

LIBAN DAMAS

Ramadi

Fallouja

BAGDAD

Tigre

CISJORDANIE JORDANIE Euphrate

ARABIE SAOUDITE 200 km

IRAK

SOURCES : THE ECONOMIST, EUROSTAT, FMI, THE INTERNATIONAL CENTRE FOR THE STUDY OF RADICALISATION AND POLITICAL VIOLENCE, THE SOUFAN GROUP

Aéroport de Hatay


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Maghreb & Moyen-Orient

Coulisses

Golfe catHarsis

p Le président Abdel Fattah al-Sissi au milieu des ingénieurs chargés de la réalisation du projet de doublement du canal de Suez, le 8 août, à Ismaïliya.

Égypte Canal plus

Rendre fierté, confiance et prospérité aux Égyptiens en développant des « projets qui montrent ce dont ils sont capables », c’est ainsi que le président Abdel Fattah al-Sissi a récemment caractérisé le chantier pharaonique du doublement du canal de Suez qu’il a inauguré le 5 août dernier. Un projet de plus de 6 milliards d’euros qui prévoit la modernisation du canal historique et le creusement d’un second canal pour que les navires puissent circuler dans les deux sens. Selon la volonté présidentielle, il devrait être livré d’ici à un an au lieu des trois prévus initialement et fera croître de 260 % les revenus générés par le trafic. En 2013, le montant des péages s’était élevé à 4 milliards d’euros et l’on estime que le nombre de navires transitant quotidiennement devrait passer, en 2020, d’une moyenne de 49 à 97.Toute une série de projets industriels annexes sur les rives du canal sont également prévus, qui devraient générer des milliers d’emplois, alors que l’Égypte est frappée par un taux de chômage record. l

Hamas merci israël

Les stratèges israéliens avaient estimé que les Palestiniens se désolidariseraient du Hamas, tenu pour responsable indirect de la dévastation de Gaza. Mauvais calcul. Selon un sondage mené entre le 26 et le 30 août en Cisjordanie et dans la bande de Gaza par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, le mouvement islamiste recueille 88 % d’opinions favorables, tandis que la cote du Fatah, le parti rival au pouvoir en Cisjordanie, chute à 36 %. En cas d’élection présidentielle, Ismaïl Haniyeh, leader du Hamas à Gaza, l’emporterait face à Mahmoud Abbas, chef du Fatah et de l’Autorité palestinienne, avec 62 % des voix, contre 32 %. jeune afrique

Maroc Mission accomplie Les autorités marocaines ont fermé un tronçon de l’autoroute reliant les villes de Marrakech et d’Agadir pour permettre le tournage du film Mission impossible 5, avec Tom Cruise en vedette. Depuis le 28 août, et ce jusqu’au 14 septembre, les automobilistes doivent faire un long détour en empruntant un autre tronçon. Le royaume avait à cœur de redevenir

un lieu de tournage des superproductions cinématographiques depuis que les producteurs du septième épisode de Star Wars ont pris la décision de délocaliser à Dubaï, alors que le Maroc était favori. La fermeture de ce tronçon de 15 km n’a pas empêché les curieux de faire le guet sur les lieux du tournage pour filmer l’agent Ethan Hunt enchaînant les cascades.

Selon un ministre omanais, la petite guerre diplomatique qui oppose depuis six mois le Qatar à ses voisins saoudien, émirati et bahreïni s’est achevée. Les ambassadeurs des trois membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) retourneront à Doha, qu’ils avaient quitté en mars. Ces trois États fustigeaient le Qatar pour son soutien aux Frères musulmans et à leurs affiliés régionaux.

moines de tibHirine Un jUGe à alGer

Alger a donné son feu vert à la visite, les 12 et 13 octobre, du juge Marc Trévidic, chargé de l’enquête sur le rapt et l’assassinat, en 1996, de sept moines de Tibhirine, à 90 km au sud d’Alger. Le magistrat assistera à l’exhumation des têtes des religieux, ainsi qu’à leur autopsie, qui sera effectuée par des médecins algériens. Échange de bons procédés : un juge algérien se rendra en France le 21 octobre pour auditionner d’anciens responsables français dans le cadre de l’enquête ouverte en Algérie sur cette affaire. Ces assassinats avaient été revendiqués à l’époque par les Groupes islamiques armés (GIA), mais la justice française n’exclut pas la thèse d’une possible bavure de l’armée algérienne. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Maghreb Moyen-Orient

maroc

amazigh

Power Artistes, écrivains ou acteurs associatifs, ils incarnent une nouvelle génération de militants qui se battent pour que la composante berbère de l’identité nationale se traduise dans tous les domaines. Portraits.

NaDia lamlili

P

our les Amazighs du Maroc, le « Manifeste berbère », publié en 2000 par le héraut de la cause, Mohamed Chafik, est un peu leur Petit Livre rouge. On y parle d’identité berbère, de récupération des terres spoliées par le Makhzen (l’État), de désenclavement rural et de préservation du patrimoine culturel. Mais depuis la parution du Manifeste, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, notamment avec l’officialisation, en 2011, du tamazight dans la Constitution. « On compte actuellement quelque mille associations berbères, alors qu’elles n’étaient qu’une quarantaine au début des années 1970 », se félicite Meryem Demnati, membre de l’Observatoire amazigh pour les droits et les libertés (OADL). Cet élan associatif traduit une plus grande visibilité de la berbérité, mais la réhabilitation politique n’est pas pour autant terminée, tempère la militante. Depuis 2011, le gouvernement n’a en effet rien fait pour que l’officialisation de la langue se traduise dans les faits. La loi organique portant application de la nouvelle disposition constitutionnelle tarde à voir le jour, n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

différant ainsi la généralisation de l’enseignement du tamazight dans les écoles et son introduction dans les administrations. Au point qu’une députée berbère, Fatima Tabaamrant, un brin provocatrice, en est arrivée, en 2012, à poser une question orale au gouvernement en tamazight. Aussitôt, des parlementaires lui ont demandé vertement de s’exprimer en arabe sous prétexte qu’ils ne comprennent pas le berbère. Un épisode révélateur de la prégnance des forces d’inertie. Au Maroc, toute évolution sociétale consignée par la loi suscite invariablement la même interrogation: les mentalités changent-elles le droit ou est-ce le droit qui change les mentalités ? combativité. Des considérations

dont ne s’embarrassent guère les militants amazighs, déterminés à prendre leur destin en main. Si les pionniers du mouvement – Ahmed Id Belkacem, Brahim Akhiate, Ahmed Assid… – ont concentré leurs efforts – finalement couronnés de succès – sur l’officialisation du tamazight, les plus jeunes se battent pour que la composante berbère de la marocanité se traduise dans tous les domaines.

p Célébration du nouvel an du calendrier amazigh, le 12 janvier, à Rabat.

Droits De l’homme

ChAkIB EL khyArI, 35 ans Connu pour son esprit rebelle, ce rifain né à El hoceima a, malgré son jeune âge, un passé de militant bien rempli. En 2009, il a été emprisonné pour ses déclarations sur l’implication de parlementaires et d’agents de l’État dans le trafic de drogue. Il bouclera ses deux ans et trois mois de prison avec un prix d’intégrité décerné par Transparency Maroc. On le retrouve dans d’autres dossiers sensibles, comme l’immigration clandestine et la légalisation du cannabis à usage thérapeutique, sujet qu’il a été le premier à aborder. Comment ne pas être aussi sulfureux lorsqu’on jeune afrique


Stringer/reuterS

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a été proche du défunt Omar El Khattabi, neveu du prince du Rif ? « C’était mon mentor. Il m’a tout appris, la politique, l’amazighité, le combat pour

les droits de l’homme… », confie celui qui est maintenant président de l’Association Rif des droits de l’homme.

dr

Héritage judéo-berbère

jeune afrique

KAmAl HACHKAR, 37 ans lorsque son film documentaire sur les Juifs de Tinghir (un village du SudEst) est sorti, Kamal Hachkar ne s’attendait pas à ce qu’il suscite l’ire des islamistes. Fils d’émigrés, il ne mesurait pas encore les dégâts de l’islamisme dans un pays dont les racines judéo-berbères sont millénaires. « Quand j’étais petit, chaque fois que je rentrais au bled,

ma grand-mère me racontait les histoires de ses voisins Sarah, moshe, David… ma mémoire d’enfant était remplie de ces personnages du passé qui ont quitté le maroc pour aller s’installer en Israël », raconte-t-il. Adulte, il décide de reconstituer leur histoire et part à leur rencontre dans l’État hébreu. Fin 2013, il livre un reportage émouvant, TinghirJérusalem : les échos du mellah, où l’on voit des femmes et des hommes au crépuscule de leur vie chanter en berbère et pleurer à chaudes larmes leur enfance à Tinghir. Projeté un peu partout dans le monde, le film remporte plusieurs prix internationaux lll et devient le symbole du n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


maghreb moyen-orient maroc DéveloPPement DurAble

l’une des ambassadrices de la poésie amazigh, une femme pétillante au style subversif qui n’hésite pas à aborder des sujets tabous comme l’amour, la religion, l’émigration clandestine… Ce qui lui a valu plusieurs distinctions nationales et régionales, dont le prix lounès-Matoub.

hassan ouazzani pour j.a.

Action Politique

l l l dialogue des cultures. Installé au Maroc, Hachkar prépare actuellement un autre documentaire sur la lutte des Amazighs depuis les années 1960.

rACHId El HAHI, 41 ans derrière le peintre, il y a le militant politique, celui qui, en 1991, comptait déjà parmi les signataires de la charte d’Agadir, premier document recensant les principales revendications amazighs et qui servira de base, neuf ans plus tard, à la rédaction du « Manifeste

dr

Poésie

berbère ». Cette année-là, rachid El Hahi était membre du Mouvement estudiantin amazigh (El Fassil El Amazighi), émanation de la gauche, pour affirmer sa particularité identitaire et culturelle. le contexte était tendu : le régime faisait alors face à des étudiants qui réclamaient rien de moins que la création d’un État amazigh ! Mais au fil des années et des réponses plus au moins satisfaisantes de l’État, les militants ont mis de l’eau dans leur vin. Aujourd’hui, rachid El Hahi est à la tête de la Coordination nationale des associations amazighs, qui plaide pour une plus grande ouverture des pouvoirs publics à l’égard des Berbères.

Sur le mont Alban, à 1 600 mètres d’altitude, les jeunes d’Imider ont improvisé un petit campement où ils organisent souvent des sit-in pour protester contre la politique d’exclusion menée par une société minière appartenant au groupe Managem. depuis 2011, cette petite bourgade du Sud-Est est devenue le symbole du combat des Amazighs pour profiter des richesses de leur terre. « Nous sommes dans la région la plus pauvre du Maroc. Nous n’avons plus de revenus agricoles à cause de la pollution des eaux engendrée par la mine. Nos jeunes sont au chômage, alors que les exploitants de cette mine pourraient les employer », s’indigne Brahim oummad, lui-même sans emploi après avoir cumulé plusieurs petits boulots. Chaque jour, en regardant sortir de la mine des camions chargés d’argent, il se prend à rêver de voir son village briller du même éclat.

enseignement

lAHCEN AMoKrANE, 36 ans le secrétaire général de la Fédération nationale des associations d’enseignants du tamazight a du pain sur la planche. depuis son introduction dans les établissements primaires en 2003, le berbère n’est enseigné

dr

KHAdIjA ArouHAl, 35 ans En 1994, alors qu’elle était encore collégienne, elle écrit un poème en tifinagh – l’alphabet amazigh, qu’elle a appris toute seule – et l’épingle sur le panneau d’affichage de son école à côté des contributions des autres élèves. Quelques jours plus tard, elle s’aperçoit qu’il a été arraché. Frilosité de l’administration du collège face à une langue qui n’était pas encore dans le politiquement correct ? Pure bêtise de certains élèves ? Khadija Arouhal n’en sait rien, mais, depuis, elle a pris la décision de ne plus écrire qu’en tifinagh pour réparer ce geste irrévérencieux pour son identité. originaire de Tiznit, dans le sud du Maroc, elle est désormais

BrAHIM ouMMAd, 31 ans

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n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

jeune afrique


amazigh Power

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choix, comme Agadir Oufella ou L’fichta (« fiesta »). La nouvelle génération des raïs – maestros – amazighs est celle qui représente le mieux l’ouverture de la musique berbère sur le monde, à l’instar de Saghru Band, un autre groupe qui a une fibre plus militante.

musique Du monDe

BoUhcinE FoULAnE, 34 ans ils veulent faire revivre la musique amazigh sous un aspect moderne. ribab Fusion – le ribab est une sorte de violon à corde unique typiquement amazigh –, ce sont six musiciens âgés de 26 à 42 ans originaires de la région d’Agadir et qui chantent la joie, la tolérance

MoUnir KEjji, 42 ans né à Goulmima, non loin d’Errachidia, il a été tour à tour militant universitaire, associatif et politique. Aujourd’hui, Mounir Kejji veut se consacrer au désenclavement des régions berbères. La question amazigh ne se limite pas à la reconnaissance d’une langue. « L’amazighité est un hôpital, une route et une école à construire », explique-t-il. Et de parcourir les montagnes de l’Atlas pour identifier les besoins de ces villages dont on ne parle qu’en hiver, quand des bébés meurent de froid. Mais l’aide humanitaire – cartons de vêtements et de médicaments – qu’il y achemine ne changera pas le sort de la population jeune afrique

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Désenclavement rural

et la nature avec une touche afro-américaine. Leur leader, Bouhcine Foulane, est le jimi hendrix du ribab. Après avoir enflammé les foules en France, au canada et en côte d’ivoire, le groupe se produira bientôt aux États-Unis. La fusion entre les instruments berbères traditionnels et la batterie moderne a donné naissance à des morceaux de

Festivals

BrAhiM EL MAznED, 47 ans Derrière le manager culturel, connu sous la casquette de directeur artistique du festival Timitar d’Agadir, il y a l’ethnologue, celui qui a sillonné toute l’Afrique, allant à la rencontre des populations autochtones et de leurs cultures ancestrales. Pour lui, les festivals font partie de la culture berbère. Depuis la nuit des temps, les populations font la fête à la fin des récoltes dans une mixité totale. hommes et femmes dansent Ahouach (une danse collective binaire). Au village d’imilchil, à 2 200 mètres d’altitude, au cœur du haut Atlas, les couples scellent leurs fiançailles, commémorant la belle légende d’isli et Tislit, les roméo et juliette des Berbères. « ce mode de vie, il faut le défendre à travers les festivals. c’est notre palliatif à l’obscurantisme », dit El Mazned. Même si leur nombre n’est pas connu, les festivals amazighs au Maroc se sont multipliés ces dix dernières années : Tifawine à Tafraout, le festival de la culture amazigh à El hoceima, Twiza à Tanger… Tout un mode de vie est en train de renaître. l

dr

locale si l’État ne joue pas son rôle. Dans la région du Sud-Est, classée comme la plus pauvre du Maroc, il y a des familles qui vivent avec à peine 30 euros par mois et… la baraka !

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que dans 12 % des écoles, alors que l’État s’était engagé à le généraliser en 2012. Face à ce retard, Lahcen Amokrane décide de fédérer ses collègues – le nombre de professeurs de tamazight est estimé à 14 000 – pour faire pression sur le gouvernement. À Tinejdad, près d’Errachidia, là où il enseigne, la symbiose entre enfants arabophones et berbérophones est totale ; tous parlent et écrivent en tamazight. Voir une langue qu’ils entendent dans la rue ou chez eux atterrir à l’école dans un alphabet complètement différent de l’arabe et du latin les amuse. Un moment de communion qui s’arrête à la fin du primaire, puisque le tamazight n’est pas encore enseigné dans les collèges et les lycées.

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Europe, Amériques, Asie

RUSSIE

Vladimir I , maître L’intervention de Poutine en faveur des rebelles ukrainiens a été décisive. Peu désireux de mourir pour Donetsk, les Occidentaux vont sans doute se résoudre à un compromis. Jusqu’à la prochaine crise, en Moldavie, dans les pays Baltes ou ailleurs. JEAN-MICHEL AUBRIET

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est la guerre. Tout le monde en Occident a longtemps rechigné à le reconnaître, mais c’est bien un conflit somme toute classique qui, entre Louhansk, Donetsk et Marioupol, oppose les forces armées ukrainiennes à des unités militaires russes – un millier d’hommes équipés de blindés et de systèmes n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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de défense antiaérienne – qui ont clandestinement franchi la frontière pour voler au secours des insurgés séparatistes en mauvaise posture. Cette intervention a suffi à changer le sort des armes. Les rebelles prorusses ont désormais clairement l’avantage et, de ce fait, ne se montrent pas hostiles à la conclusion d’un cessez-le-feu qui entérinerait leurs conquêtes. Fidèle à la politique du fait accompli expérimentée en Crimée, annexée sans coup férir en mars, Vladimir Poutine avance ses pions en douceur quand tel lui paraît être le moyen le plus assuré de duper des Occidentaux – qui ne demandent parfois qu’à l’être –, se montre ouvert au compromis tant que l’avantage n’est pas définitivement acquis, puis, quand il l’est enfin, abat brutalement son jeu. jeune afrique


des steppes Le président russe n’est peut-être pas un grand stratège, mais c’est un redoutable tacticien dans la grande tradition KGBiste. Son objectif, il a fini par le dévoiler le 29 août : la création d’une « entité étatique » dans le Donbass, le bassin houiller de l’est du pays qui fut l’un des poumons industriels de l’ex-URSS. Autrement dit, d’un État croupion inféodé à Moscou. « Si je le veux, je prends Kiev en deux semaines », a-t-il déclaré à José Manuel Barroso, l’ancien président de la Commission européenne. On aimerait croire qu’il ne s’agisse que d’une vantardise. Cautère. Quelles que soient ses propres fai-

blesses – il n’est pas assuré que les forces armées russes soient aussi redoutables qu’elles s’efforcent de le paraître –, Poutine spécule avec bonheur sur jeune afrique

p Vladimir Poutine avec le président ukrainien Petro Porochenko, à Minsk, Biélorussie, le 26 août.

POOL New/ReuteRs

Europe, Amériques, Asie celles de ses adversaires. L’Europe ? Pusillanime et paralysée par la sauvegarde de ses intérêts commerciaux. L’Amérique de Barack Obama ? Elle n’a pas plus de stratégie en Ukraine qu’elle n’en a face à l’État islamique en Irak. Et les sanctions économiques frappant certains responsables et entreprises russes ont toutes les apparences d’un cautère sur une jambe de bois. Le chef du Kremlin y répond néanmoins en agitant la menace d’une interruption des livraisons de gaz, dont tous les pays de l’Est européen, Allemagne comprise, sont étroitement dépendants. C’est un coup de bluff, car il sait que l’économie de son pays, qui repose pour l’essentiel sur les hydrocarbures (54 % des recettes budgétaires), en serait la première victime – quoique à plus long terme. Mais Poutine est ainsi : il n’a pas forcement les meilleurs atouts en main, mais il en joue avec un art, une audace et un sang-froid consommés. L’exercice a ses limites. En 2011, l’adoption de la résolution onusienne qui aboutit à la chute de Mouammar Kadhafi fut pour lui un cinglant camouflet. Il prit sa revanche en Syrie en préservant son allié Bachar al-Assad des foudres occidentales, mais cette fois, le cas est plus grave. En Ukraine comme naguère en Géorgie (qu’elle amputa froidement de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Nord), la Russie poutinienne, en pleine frénésie ultranationaliste, considère que ses intérêts vitaux sont en jeu. Combattant avisé et maître du temps – il a souvent un coup d’avance sur ses adversaires –, Poutine sait qu’il a tout à perdre dans un affrontement généralisé avec l’Occident. Il aura donc soin de l’éviter après avoir marqué autant de points que possible. Son rêve et celui de ses amis « rouges-bruns », improbable alliance de communistes attardés et d’authentiques fascistes, c’est de reconstituer pas à pas l’empire soviétique démembré au tournant des années 1990. Ou du moins, celui des tsars. soudards. Face à cette volonté impérialiste, le

gouvernement de Petro Porochenko, à Kiev, ne pèse pas lourd. Amener à résipiscence quelques milliers de soudards échauffés du képi, c’est dans ses cordes. Affronter les lourdes légions poutiniennes, ça l’est d’autant moins que la situation politique du pays est instable (des élections législatives auront lieu le 26 octobre), et sa situation économique, bien pire encore. L’Ukraine est au bord de la banqueroute. Alors ? Le 4 septembre, le sommet de l’alliance atlantique a donné lieu à quelques rodomontades. Plus important, il devrait déboucher sur un redéploiement des forces armées occidentales en Europe centrale et orientale qui pourrait se révéler utile par la suite. Car tôt ou tard, suite il y aura. La Moldavie, l’Estonie et tous les pays aux lisières du défunt empire soviétique en sont parfaitement conscients. l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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europe, Amériques, Asie Grande-BretaGne

et si l’Écosse larguait les amarres? Le royaume va-t-il, oui ou non, devoir se séparer de ses terres du Nord, annexées en 1707? Le référendum d’autodétermination du 18 septembre en décidera. Une première en Europe.

T

ous les indépendantistes d’Euelle est riche. Si elle était indépendante, rope suivent avec passion les elle se classerait au quatorzième rang des débats qui font rage en Écosse pays les plus riches du monde. Ses eaux à l’approche du référendum territoriales recèlent 90 % des gisements du 18 septembre. Un peu plus de cinq d’hydrocarburesduRoyaume-Uni.Libérée de la tutelle du Parlement de Westminster millions d’Écossais sont en effet appelés à répondre à la question suivante : – où elle s’estime mal représentée – et « Should Scotland be an independent débarrassée des égarements de la City, country? » Traduction: « L’Écosse devraitelle accroîtrait sa richesse de 5 milliards elle être indépendante ? » Une première de livres (6,3 milliards d’euros) d’ici à 2030, en Europe. grâce à une augmentation de la producMembre du Royaume-Uni, qui, depuis tivité et à un recul du chômage. C’est en l’Acte d’union de 1707, rassemble l’Antout cas ce que fait miroiter Salmon, qui gleterre, l’Écosse et le pays de Galles invite les électeurs à se libérer de la dette (l’Irlande du Nord les a rejoints en 1921), britannique, de l’austérité pratiquée par elle a déjà voté à deux reprises, en 1979 le gouvernement Cameron et des risques d’une sortie du royaume de l’Union euroet en 1997, en faveur d’une plus grande péenne. Son rêve ? « Une protection de autonomie, ce qui s’est traduit par la dévolution de nouveaux pouvoirs à l’enfance à lascandinave, un apprentissage Édimbourg, où, depuis 1998, siègent à l’allemande et une gestion prudente des un Parlement et un gouvernement aux ressources naturelles à la norvégienne. » Ses adversaires lui opposent un tableau pouvoirs néanmoins limités. de l’indépendance aussi calamiteux que Cette avancée n’a pas suffi. Est-ce la défaite de Gordon Brown, Premier le sien est idyllique. L’institut Oxford ministre sortant et écossais de souche, a calculé que 70 % des exportations et des travaillistes lors des élections générales de 2010 ? d’un côté, « Yes scotland ». Toujours est-il que l’Écosse de l’autre « Better Together ». a, en mai 2011, donné une majorité absolue (69 sièges entre les deux, le débat fait rage. sur 129 au Parlement d’Édimbourg) au Scottish National Party (SNP), de l’Écosse sont destinées au reste de le parti nationaliste écossais. Leader du la Grande-Bretagne, ce qui réduit son SNP et Premier ministre d’Écosse, Alex autonomie à peu de chose. D’ailleurs, Salmond a aussitôt demandé, et obtenu, la majorité du monde des affaires est de David Cameron, le Premier ministre farouchement opposée à l’indépendance. de Sa Majesté, l’organisation d’un réféCertains, comme l’assureur Standard rendum d’autodétermination. Life, ont même promis de déménager à Depuis le printemps 2014, la controLondres en cas de victoire du oui. Même si deux cents patrons écossais ont signé verse fait rage entre les partisans du oui, une pétition en sens inverse… rangés sous la bannière indépendantiste « Yes Scotland », et ceux du non, qui La question de la monnaie est au cœur mènent une campagne unioniste avec du débat : les indépendantistes veulent pour slogan « Better Together » (« mieux conserver la livre sterling, les unionistes ensemble »). leur répondent qu’il n’en est pas question. PourSalmond,ilnefaitaucundouteque Ancien ministre travailliste des Finances, «personnenepeutfaireunmeilleurboulot Alistair Darling a estimé le 5 août lors pour l’Écosse que ceux qui y vivent ». Elle d’un débat télévisé avec Alex Salmond peut très bien se débrouiller seule, car que partager la livre avec une Écosse n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

indépendante « équivaudrait à garder un compte bancaire joint après un divorce ». Le 25 août, un deuxième débat n’a pas modifié les positions des deux champions. Et la venue à Glasgow, le 28 août, du Premier ministre David Cameron, qui a consciencieusement célébré les vertus du Royaume-Uni (« l’un des marchés uniques les plus réussis au monde »), n’a pas bouleversé les électeurs. Quoi qu’il en soit, les questions posées par une éventuelle indépendance sont nombreuses et difficiles à trancher. L’Écosse pourrait-elle adhérer à l’Union européenne et obtenir les mêmes subventions agricoles ? Que deviendrait la base des sous-marins nucléaires de Faslane, sur la Clyde? Qu’adviendrait-il du stockage en territoire écossais des missiles nucléaires Trident, dont Édimbourg veut le départ ? Les retraites des Écossais continueraient-elles d’être assurées par Londres ? Faudrait-il un passeport pour franchir le mur d’Hadrien, antique fortification construite par les Romains à partir de 122 apr. J.-C. pour se protéger des incursions des tribus calédoniennes? Les Écossais se mettraient-ils à rouler à droite ? douTes. Créatrice de Harry Potter, la

romancière J.K. Rowling, qui est de mère écossaise et de père anglais, a pris position jeune afrique


europe, Amériques, Asie

jeff j mitchell/Getty imaGes

t Partisans et adversaires de l’indépendance, le 27 août à Dundee.

contre l’indépendance, qui, écrit-elle sur son site internet, ne serait « ni rapide ni propre » et qui « nécessiterait de recourir à la microchirurgie pour défaire trois siècles d’étroite interdépendance ». Elle a fait don de 1 million de livres à la campagne du non. Le chanteur David Bowie

est du même avis : « Restez avec nous ! » demande-t-il aux Écossais. À l’opposé, l’acteur Sean Connery et le metteur en scène Ken Loach soutiennent la cause du oui. Le premier va jusqu’à affirmer qu’il ne reviendra pas en Écosse tant qu’elle ne sera pas libre.

« J’ai des doutes sur la volonté d’indépendance des Écossais, analyse Nathalie Duclos, auteure d’un livre sur le sujet aux éditions PUPS et enseignante à l’université Toulouse-II. Ils votent pour les nationalistes à Édimbourg, mais pour les travaillistes à Westminster. Politiquement et culturellement, ils souhaiteraient être indépendants, mais économiquement, non, car la majorité redoute les conséquences négatives de cette séparation. Les sondages indiquent de façon constante un rapport de 60/40 en faveur du non, et je crois que le scrutin du 18 septembre confirmera cet écart. » Le problème lancinant de l’identité écossaise ne disparaîtra pas pour autant. Les dirigeants des trois grands partis britanniques (conservateurs, travaillistes et libéraux-démocrates) en sont tellement conscients qu’ils ont, le 5 août, signé une lettre commune promettant d’accorder à Édimbourg davantage de pouvoirs, notamment fiscaux, une fois l’indépendance repoussée. Une concession qui ne manquera pas d’être entendue en Catalogne et au Pays basque, où la volonté indépendantiste n’est pas moins forte, mais aussi en Irlande du Nord et au pays de Galles. l AlAin FAujAs

lA cAtAlogne, Aussi…

«

V

oulez-vous que la Catalogne soit un État ? Voulez-vous que cet État soit indépendant ? » C’est à ces deux questions que les Catalans devront répondre lors du référendum convoqué le 9 novembre par Artur Mas, le président de la Generalitat. Depuis deux ans, cette communauté autonome du nord-est de l’Espagne est le théâtre d’une flambée nationaliste que le gouvernement de Madrid a le plus grand mal à réduire. Principal argument de ses partisans : la Catalogne, région la plus prospère, est celle qui paie le plus d’impôts au

jeune afrique

gouvernement central. Le Tribunal constitutionnel (TC) a eu beau invalider ce projet de vote populaire, Barcelone n’en démord pas. Depuis huit mois, les relations étaient extrêmement tendues avec La Moncloa. Mais, sous la pression d’associations et de chefs d’entreprise, le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a finalement reçu Artur Mas, le 30 juillet. Si ce dernier est sorti de leur entretien plus décidé que jamais à maintenir le référendum, plusieurs sources affirment que le président catalan a confié, en privé, qu’il pourrait

supprimer la seconde question qui sera posée en novembre. En effet, le gouvernement de Rajoy présentera une demande d’inconstitutionnalité devant le TC si le Parlement catalan vote – comme prévu –, le 19 septembre, la loi permettant la consultation populaire en Catalogne. La possibilité d’une annulation du référendum est aussi évoquée, surtout depuis les révélations explosives de Jordi Pujol, autonomiste et ex-président de la Generalitat (19802003), qui a avoué avoir trompé le fisc pendant trente-quatre ans et reconnu

détenir des comptes en Andorre et en Suisse. Le scandale a ébranlé les indépendantistes les plus farouches, et, selon El País, plus de la moitié des Catalans restent, sans le dire, en faveur de l’unité espagnole. Depuis plusieurs mois, le cabinet de Mariano Rajoy maintiendrait des contacts discrets avec les plus proches collaborateurs d’Artur Mas. Quatre d’entre eux font désormais front contre le référendum au sein de la Generalitat. Artur Mas optera-t-il pour de plus intenses discussions avec La Moncloa ? l MArie VillAcèque, à Madrid n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Li shengLi

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p Cao Guangjing, ex-patron de la China Three Gorges Corporation soupçonné de corruption. CHINE

Xi Jinping lave plus blanc Contre la corruption, l’hégémonie des grandes marques étrangères et les déviances en tout genre qui gangrènent le pays, le président a engagé une lutte à mort dont l’issue est encore loin d’être assurée.

I

l est le dernier « tigre » à être tombé. Jusqu’à la semaine dernière, Yuan Chunqing, 62 ans, était le tout-puissant chef du Parti communiste de la province du Shanxi. Il a été brutalement remplacé par Wang Rulin. Et sept de ses collaborateurs ont disparu. Ainsi va la campagne anticorruption menée depuis deux ans par le président Xi Jinping et ses équipes d’incorruptibles (lire encadré). Les « tigres » auxquels Xi a déclaré la guerre sont soit d’anciens hauts dirigeants politiques, soit des patrons de grands groupes industriels. Ce n’est certes pas la première fois que le pouvoir central lance une telle opération mains propres, mais, jusqu’ici, seul le menu fretin était pris dans les mailles du filet. Rien de tel aujourd’hui. Tout a basculé au cœur de l’été. Le 29juillet,uncommuniquéofficielannonce l’ouverture d’une enquête contre Zhou Yongkang, l’un des hommes les plus puissants du pays, pour « violations sérieuses des règles de discipline ». Traduction: pour corruption. Depuis, la Chine tremble. Il y n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

a encore deux ans, Zhou était membre du Politburo, l’instance dirigeante du Parti communiste chinois (PCC), qui compte entre sept et neuf membres. Chargé de la sécurité publique, il gérait un budget plus important que celui de l’armée. Le premier flic de Chine était intouchable. Du moins le croyait-on. règle d’or. Zhou est très représentatif

de la caste qui dirige la deuxième économie mondiale. Avant d’être le chef de la police, il fut longtemps à la tête du secteur gazier et pétrolier. Ce qui lui a tout à la fois permis de faire fortune et de placer ses hommes aux postes clés. Depuis son arrestation,seslieutenantstombentlesuns après les autres. De Jiang Zemin, patron de Petrochina, à Zhou Bin, son propre fils, personnen’estépargné.Onnesaitsileclan Zhou était plus riche ou plus corrompu que les autres, mais il a enfreint une règle d’or de la nomenklatura communiste : la gestion collective de l’économie et le partage équitable de ses revenus entre les différentes factions. Zhou a voulu jouer

perso, c’est la raison de sa chute. Le tableau de chasse du président est déjà bien rempli. En 2013, trois douzaines de responsables de haut rang (viceministre minimum) ont été arrêtés. Et 182 000 membres du PCC ont fait l’objet d’une enquête pour corruption, selon le décompte du professeur Jiang Ming’an, de l’université de Pékin. C’est dix fois plus que la moyenne des années précédentes! Cinquante-trois pour cent des Chinois voient désormais dans la corruption un problème majeur (39 % en 2008). « Le régime a compris qu’il était temps de faire quelque chose, explique Huang Jing, de l’université de Singapour. Et que s’il ne met pas rapidement un terme à cette corruption massive, il risque de sombrer et de disparaître. » Cette opération de salubrité publique débouchera-t-elle sur la mise en place de grandes réformes économiques et sociales? Les plus optimistes veulent le croire. Quoi qu’il en soit, le Parti a annoncé la tenue d’une importante réunion au mois d’octobre. Pour remettre à plat les règles du jeu et lancer un appel solennel au respect de la loi. Mais la guerre se déroule simultanément sur d’autres fronts. Au cœur de l’été, plusieurs centaines d’agents de la brigade financière ont ainsi débarqué dans les locaux de grandes marques étrangères comme Microsoft, Audi ou Mercedes. Le gouvernement leur a intimé l’ordre de jeune afrique


Europe, Amériques, Asie

moralisation. Par ailleurs, une grande

opération de « moralisation » de la société chinoise a été déclenchée. En août, l’arrestation pour consommation de drogue du fils de Jackie Chan, le célèbre acteur et réalisateur de films d’arts martiaux, a sonné la fin de la récréation: descentes de police dans les boîtes de nuit et les bars, arrestation à Pékin de plusieurs dizaines de dealers nigérians, obligation faite aux stars chinoises de signer avec leurs producteurs des contrats leur interdisant de consommer de la drogue ou de fréquenter des prostituées. Et les médias ne sont pas en reste. Plusieurs présentateurs et producteurs vedettes de CCTV, le groupe de télévision public, ont été arrêtés pour corruption et/ou conflit d’intérêts. « Tous les projets sont gelés et tout le monde a peur », confie un journaliste. Jusqu’où ira Xi Jinping ? Le président est en effet isolé. Il s’est déjà mis à dos une partie de l’armée, des grands cartels d’État et des différents clans du PCC. Cet été, il a évoqué des risques pour sa sécurité. Il est pour lui essentiel de ne pas

les incorruptibles Quand ils débarQuent dans les bureaux d’un cadre du PC, l’affaire est rondement menée. Quelques heures plus tard, le fonctionnaire soupçonné de corruption est embarqué et on ne le revoit plus: le Parti est peu friand de procès publics. des centaines de cadres auraient préféré se suicider plutôt que de tomber dans les griffes de cette brigade d’incorruptibles dirigée par Wang Qishan, 66 ans, membre du Politburo et vieil ami de Xi Jinping. Marié sans enfant, Wang est à l’abri de tout soupçon : aucun

de ses proches n’occupe un poste de premier plan. ses méthodes sont brutales mais efficaces. ses inspecteurs ont coutume de s’installer dans de grands hôtels. ils y séjournent pendant quelques jours en demandant aux habitants de la ville de leur présenter leurs doléances et, surtout, les noms de ripoux de leur connaissance… dans la guerre qu’il a engagée, Xi devrait pouvoir s’appuyer sur liuYuan, fils de l’ancien président liu shaoqi, le grand rival de Mao mort en 1969 des suites de mauvais

relâcher son contrôle de l’armée et des médias. La première est engagée en mer de Chine dans une guerre des nerfs contre le Japon et les États-Unis. Les seconds sont mobilisés dans une vaste opération de séduction – ou de propagande – qui n’est pas sans rappeler le défunt culte de la personnalité. Sur les écrans de télévision et dans les colonnes des journaux officiels,

traitements. au cours de l’automne prochain, celui-ci devrait être nommé à la tête de la commission militaire centrale, ce qui lui permettra de surveiller de près une armée notoirement très corrompue. et très s.p. puissante. l

Li gen

modifier leurs méthodes commerciales. Les marques automobiles, notamment, sont accusées de faire payer trop cher leurs clients chinois. Résultat : des millions de dollarsd’amendesetl’obligationdebaisser les prix. Du jamais-vu. Les laboratoires pharmaceutiques et les fabricants de lait pour enfants ont également été contraints de rogner leurs marges. Les firmes hightech comme Microsoft sont à présent dans le collimateur du gouvernement.

p Le général Liu Yuan, fils de l’ancien président Liu Shaoqi, le grand rival de Mao.

Xi Dada, « Oncle Xi » en mandarin, est partout. Mais gare à l’effet boomerang ! En Chine comme ailleurs, il arrive que l’Histoire bégaie. À la fin du XVIIIe siècle, l’empereur Jiaqing tenta lui aussi, imprudemment, d’éradiquer la corruption. Il finit totalement isolé, tandis que son pays s’enfonçait dans les guerres de l’opium… l stéphane pambrun, à Pékin

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parcours | D’ici et d’ailleurs

ryad Boulanouar Banquier alternatif D’origine algérienne, cet ingénieur de 40 ans a créé le compte-Nickel, pour les exclus du système bancaire.

B

ien sûr, son visage s’affiche parfois sur les écrans des télévisions françaises, mais difficile de repérer ryad Boulanouar au milieu de ses collaborateurs, dans l’interminable open space orange et blanc où règne une ambiance de start-up. en jeans et baskets noirs, il nous rejoint dans une salle de réunion, sourire vite remplacé par de francs éclats de rires. inhabituel dans l’univers feutré de la banque?Tant mieux: incarner le rôle de banquier alternatif lui convient. Le Compte-nickel qu’il a imaginé est opérationnel depuis février 2014 pour les exclus du système bancaire. en cinq minutes, ces derniers peuvent ouvrir pour 20 euros un compte chez un buraliste agréé et obtenir une carte de paiement. Une contrainte : ne dépenser que ce dont on dispose. ni crédit ni découvert. La Financière des paiements électroniques (FPe) que dirige Boulanouar (35 salariés à temps plein, 80 sous-traitants) revendique déjà environ 35 000 usagers. Certes, l’entreprise perd de l’argent mais, confiant, l’entrepreneur assure que la courbe s’inversera quand il aura franchi la barre de 100000 clients. Cinq cent mille adhérents lui permettront de rembourser les 12 millions d’euros investis. Certains parlent de révolution, lui d’une simple évolution : « Les banques font croire aux usagers, en particulier aux moins nantis, qu’ils peuvent dépenser l’argent qu’ils n’ont pas. elles créent des surendettés qu’elles se hâtent ensuite d’exclure. » L’invention du Compte-nickel est son acte militant le plus abouti : « il redonne de la dignité, avec des solutions répondant à de vrais besoins. il aurait fallu davantage de temps pour décrocher un mandat de maire et servir de fairevaloir à un parti ravi d’exhiber son Arabe de service ! » Qu’on le renvoie à ses origines l’exaspère. en particulier quand les médias réécrivent son histoire, qui n’a rien à voir avec celle d’une

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p Le « branleur du fond de la classe » emploie aujourd’hui 35 salariés et 80 sous-traitants.

« intégration réussie ». Cet immigré de la deuxième génération, né à Lyon, n’a jamais mis les pieds en Algérie. Une blessure profonde pour cet adepte du raï et de la chanson française. Mais déjà son épouse, une sophrologue nutrithérapeute kabyle, y emmène régulièrement leurs deux filles de 12 et 8 ans. Boulanouar est né et a toujours vécu en pavillon, mais les médias s’évertuent à le domicilier dans les cités. « Quelquesuns s’imaginent d’ailleurs que ma mère fait du couscous toute la journée », se marre-t-il. Pourtant, quand il se raconte,

c’est bien avec l’arrivée de son père en France qu’il débute son récit. Journaliste et fervent soutien du FLn, celui-ci a fui après le coup d’État de Boumédiène. Pour faire vivre sa famille, il est devenu maraîcher. De ce père tôt disparu, Boulanouar garde le souvenir d’un homme exigeant, qui le poussait à l’excellence, lui le benjamin d’une fratrie de trois. Aucune excuse à ses échecs et surtout pas celle de ses origines! À sa mort, l’enfant perd pied et devient un temps le « branleur du fond de la classe ». sa mère veille. il se ressaisit et dévore jeune afrique


Europe, Amériques, Asie des manuels de technologie. À 10 ans, il fabrique des décodeurs Canal+ pour ses copains; à 15, il copie les cartes téléphoniques de FranceTélécom. Major de son IUT de Créteil, Ryad postule à Supélec. On lui préfère le deuxième de la liste. Une injustice qui donne la gnaque! Il intègre l’Institut national des sciences appliquées dont il sortira major aussi. Un sésame? Pas pour lui. Suivent des années difficiles, jusqu’à son entrée à la SNCF. Chef de projet, il participe à la conception de la carte de transport Navigo, puis est pris dans un tourbillon. Débauché par une société de services en informatique, il conçoit la carte Moneo et crée à 27 ans sa première entreprise, ABM Technologies, spécialisée dans les logiciels des cartes à puce. Avec lui, fini le grattage, le code de la carte prépayée est inscrit sur une facturette. Il devient millionnaire en revendant des parts et des brevets. « L’argent est un outil », précise celui qui roule toujours enTwingo. L’idée du Compte-Nickel germe en 2009 et se concrétise grâce à Hugues Le Bret, journaliste et ancien directeur de Boursorama, la banque en ligne de la Société générale. Contraint à la démission pour avoir brisé la loi du silence avec un livre sur l’affaire Kerviel, le reporter est à la recherche d’un nouveau souffle. Trois ans de procédure et 4000 pages de dossiers plus tard, ils décrochent leur agrément à la Banque de France et disposent de quinze jours pour trouver 10 millions d’euros. 75 personnes entrent au capital de l’entreprise. Les banques traditionnelles? Boulanouar ne s’en préoccupe pas et revendique une part de naïveté et d’inconscience. « Je n’agis pas contre elles », dit-il, même s’il ne serait pas contre une limitation des profits. Son objectif, c’est de faire de la FPE une entreprise rentable pour ne pas avoir à quémander les subventions: d’une manière générale, il n’aime pas demander. Dans le livre qu’il consacre à leur aventure*, Hugues Le Bret indique que le père du petit Ryad aimait à lui rappeler qu’il était un « invité » en France. Aujourd’hui? « La société se charge de me le signifier », dit-il. l clarisse Juompan-Yakam Photo : Bruno leVY

* No Bank, éd. Les Arènes. jeune afrique

UNION EUROPÉENNE

une lady pesc chasse l’autre C’est l’Italienne Federica Mogherini qui, à partir du 1er novembre, dirigera la politique étrangère et de sécurité commune en lieu et place de la Britannique Catherine Ashton.

«

s

moins écervelées que Silvio Berlusconi nommait si volontiers à des postes ministériels. Fi l l e d u r é a l i s a t e u r F l av i o Mogherini, Fédé, comme l’appellent ses intimes, a depuis 1996 milité tour à tour dans les rangs des Jeunesses communistes, des Démocrates de gauche et du Parti démocrate (depuis 2001). Elle est l’épouse de Matteo Rebesani, chargé des relations internationales auprès de Walter Veltroni, le maire de Rome, et mère de deux fillettes. Élue députée du PD en 2008, elle est plus spécialement chargée des questions relatives à l’égalité des chances et aux relations internationales. Fan de voyages et de romans policiers, elle a contribué à l’adhésion du PD au groupe du Parti socialiste européen, à Strasbourg. En 2012, elle avait imprudemment estimé que Matteo Renzi avait encore « des progrès à faire ». pure souche. En février dernier, à la surprise générale – dont celle de Pas rancunier, celui-ci l’a choisie pour Giorgio Napolitano, le président de la représenter l’Italie dans les instances République, fort circonspect quant à de l’UE, ce qui lui permet de faire d’une pierre trois coups : ses compétences –, cette il évince son grand rival Romaine pure souche au en 2012, elle teint toujours hâlé (elle Enrico Letta, ancien estimait que donne en permanence président du Conseil l’impression d’avoir passé et europhile convaincu, matteo renzi la journée sur des skis) a promeut une femme et avait « encore accédé à la Farnesina, assure la présence de des progrès le Quai d’Orsay italien, la gauche à un poste alors que l’expérimentée clé – la droite détient à à faire ». Emma Bonino paraissait la fois la présidence de tenir la corde. Elle est le prototype la Commission européenne avec le de cette « génération Erasmus » que Luxembourgeois Jean-Claude Juncker Matteo Renzi, le nouveau président et celle du Conseil européen avec le du Conseil, s’efforce de promouvoir. Polonais Donald Tusk. C’est d’ailleurs dans le cadre de ce Mais Federica Mogherini ne se fait programme européen qu’elle a soupas trop d’illusions. Elle sait que si tenu, à Aix-en-Provence (sud de la elle a été choisie, c’est parce que les France), un mémoire sur les rapports grandes puissances européennes sont entre religion et politique en islam. convaincues qu’elle ne fera de l’ombre Forte en thème, polyglotte (elle parle à personne. Et que la politique étrancouramment trois langues) et diplôgère commune continuera de se faire mée en sciences politiques, elle est à Paris, à Berlin et à Londres. l Frida dahmani l’exact opposé de ces starlettes plus ou ’il n’y a plus de partenariat stratégique avec la Russie, c’est la faute de Moscou ! » assène, à peine nommée, Federica Mogherini (41 ans), la ministre italienne des Affaires étrangères qui, le 1 er novembre, succédera à la Britannique Catherine Ashton en tant que haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité (Pesc). Le ton péremptoire de celle qu’on surnomme déjà Lady Pesctt s’explique : après sa rencontre avec Vladimir Poutine au début de la crise ukrainienne, un certain nombre de représentants des pays d’Europe de l’Est avaient dénoncé sa trop grande proximité avec Moscou, ce qui avait failli lui coûter sa nomination. Alors, elle compense !

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Europe, Amériques, Asie

Coulisses

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JÉRÔME FAVRE/EpA/CoRbis

bRÉsIl caP suR la RÉcEssIoN

p Benny Tai Yiu-ting, leader du mouvement Occupy Central, le 31 août.

Chine Bras de fer à Hong Kong C’était l’une des promesses faites par les autorités chinoises lors du retour de l’ex-colonie britannique dans le giron de la mère patrie, en 1997: vingt ans plus tard, les Hong-Kongais seraient autorisés à élire au suffrage universel le chef de l’exécutif local. Las, le 31 août, Pékin a apporté une nuance à cet engagement. Les 7 millions de Hong-Kongais pourront bien se rendre aux urnes en 2017 pour choisir leur nouveau dirigeant, mais ils n’auront le choix qu’entre deux ou trois candidats triés sur le volet. Ces derniers devront impérativement « aimer la Chine » et « être patriotes ». Qui en décidera? Inutile de poser la question. Convaincus d’avoir été abusés, les Hong-Kongais sont fous de rage. « Nous ouvrons une ère de désobéissance civile », a lancé BennyTaiYiu-ting, l’un des dirigeants du mouvement Occupy Central, qui menace de paralyser le territoire. Sept mille policiers ont aussitôt été déployés. Des blindés auraient fait leur apparition en ville. l

INTERNET PIRaTEs lubRIquEs

L’indiscrétion est un vilain défaut. Le vol de données informatiques et leur diffusion sur internet sont pires encore : un délit passible de prison. Le 2 septembre, Apple a reconnu l’existence d’une cyberattaque visant les comptes d’une pléiade de stars américaines – de Scarlett Johansson à Kim Kardashian, en passant par Winona Ryder, Jennifer Lawrence et beaucoup d’autres – dont les photos dénudées ont été livrées à la concupiscence des internautes. Les belles sont indignées, Apple proteste de son innocence et le FBI enquête. À suivre. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

États-Unis La couleur de l’injustice L’un se nomme Henry Lee McCollum, l’autre, son demi-frère, Leon Brown. Tous deux sont noirs, handicapés mentaux et, depuis 1983, purgent une peine de réclusion à perpétuité en Caroline du Nord. Le premier a même été condamné à mort, mais sa peine a été commuée. Il y a trente ans, après cinq heures d’un interrogatoire « intense », ils ont avoué le viol et le meurtre d’une fillette

de 11 ans. Ils se sont ensuite rétractés et, depuis, clament leur innocence. Récemment, un magistrat a eu l’idée de procéder à des tests ADN qui se sont révélés négatifs : c’est un voisin qui avait fait le coup. Une association qui lutte contre la peine de mort a calculé que, depuis l’invention desdits tests, 317 condamnés avaient de même été innocentés par la justice américaine. Soixante-dix pour cent d’entre eux étaient noirs.

Après deux trimestres consécutifs de baisse du produit intérieur brut (– 0,2 %, puis – 0,6 %), la septième économie mondiale a officiellement été déclarée en récession le 29 août. Un coup dur pour Dilma Rousseff, qui tentera le 5 octobre d’obtenir le renouvellement de son mandat présidentiel face à l’écologiste Marina Silva. Ces très mauvais chiffres s’expliqueraient par le nombre excessif de jours fériés octroyés pendant la Coupe du monde de football, par une crise de la production industrielle et par une baisse des investissements (– 5,3 %) occasionnée par les incertitudes électorales. PakIsTaN soRTIE dE cRIsE EN vuE

Le mouvement de protestation qui, depuis près d’un mois, tente d’obtenir la démission du Premier ministre Nawaz Sharif s’essouffle. Des milliers de manifestants campant devant l’Assemblée nationale, à Islamabad, des heurts violents avec la police ont eu lieu. Le mouvement est dirigé par Imran Khan, une ex-star du cricket, et Tahir ul-Qadri, un imam modéré établi au Canada. Le 3 septembre, les deux hommes ont rencontré des délégués de l’Assemblée pour tenter de trouver une issue à la crise. Celle-ci serait orchestrée en coulisses par la puissante armée pakistanaise. jeune afrique


LE pLUs

de Jeune Afrique

PANORAMA Au pays des miracles

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POLITIQUE Petits arrangements entre ennemis STRATégIE Pourquoi l’île mise sur le haut de gamme INTERVIEW Arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères

MAURICE

Une ambition africaine

Guenter StAnDL/LAIF-reA

Africains à part entière, les Mauriciens trustent les podiums de la bonne gouvernance et de la qualité de vie. Leur modèle peut-il s’exporter sur le reste du continent ?

jeune afrique

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Le Plus de Jeune Afrique

LE pLUs

MAURICE Une ambition africaine de Jeune Afrique

Prélude Olivier Caslin

Le fabuleux destin du confetti mauricien

T

out un symbole! Finjuin,lapremièreconférencemaurice-Afriquea pris ses quartiers à Port louis. sous les ors de l’hôtel maritim, l’événement a attiré les représentants de 28 agences de promotion des investissements, de la tunisie à la namibie en passant par le burkina Faso et Djibouti. une occasion unique pour les « continentaux » de profiter de l’expertise mauricienne. l’île semble en effet être devenue le modèle à suivre en matière de développement. Dopées par la « stratégie africaine » lancée par le gouvernement en 2011, plus de 70 entreprises mauriciennes évoluant dans des secteurs très divers essaiment leur savoir-faire aux quatre coins du continent. Désormais, le défi de Port louis, c’est de le faire savoir.

dont plus d’un tiers est destiné à être investi sur le continent. Cet essor se conjugue à celui d’activités à forte valeur ajoutée, liées en particulier aux technologies de l’information et de la communication (tIC) ainsi qu’à l’outsourcing (externalisation d’opérations ou de services), pour lesquelles Port louis figure déjà parmi les leaders en Afrique. Autant d’atouts qui devraient permettre à son économie de revenir vers les sommets après avoir un peu subi les turbulences de la crise financière internationale. en revanche, les défis posés par son insularité restent entiers. Pour tenir le cap, maurice devra rapidement élever ses normes en matière de couverture numérique, de desserte aérienne et maritime.

Son modèle ? Singapour. Son rêve ? Que de chemin parcouru par ce petit bout d’Afrique sur Entrer dans le club des grandes lequel personne n’aurait misé places financières internationales. une roupie au lendemain de l’indépendance! numéro un africain dans les principaux classements Il en va de l’équilibre social du pays, internationaux, maurice est, avec le Cap-Vert caractérisé ces dernières années par une et le botswana, le pays subsaharien le plus explosion des inégalités au sein de la popusouvent cité en exemple lors des forums écolation. Certes, maurice fait mieux que la nomiques. et quand le Rwanda, autre bon moyenne, avec un PIb par habitant équiélève des institutions financières, cherche valent à celui de la turquie ou du mexique. un président pour son Development board, mais, conséquence du virage libéral pris c’est un mauricien qu’il recrute : l’ancien dans les années 1990, le fossé se creuse entre ministre des Finances Rama sithanen, père les bénéficiaires du global business et les de la diversification économique de l’île. laissés-pour-compte de la mondialisation. la clé du succès semble résider dans la les incertitudes politiques de ces derniers capacité du pays à toujours anticiper. Après mois n’arrangent pas la situation. Désormais le sucre, puis le textile, et en attendant que privé de ses alliés, navin Ramgoolam, le le tourisme et l’immobilier se refassent Premier ministre, dispose d’une majorité une santé, maurice se rêve aujourd’hui en tropfaiblepourpouvoirengagerlesréformes singapour africain et veut faire son entrée nécessaires, au moins jusqu’aux élections dans le club très fermé des grandes places générales prévues l’an prochain et dont la financières internationales, aux côtés de date officielle fait toujours l’objet de tractalondres, Dubaï ou Hong Kong. Passerelle tions. Au grand dam des milieux d’affaires, naturelle et désormais souvent empruntée qui détestent ces périodes de flou. Pourtant, entre l’Asie des capitaux et l’Afrique des le temps presse, surtout si Port louis veut opportunités, l’île voit déjà transiter chaque maintenir sa dynamique de croissance. et année dans ses coffres-forts des sommes entraîner dans son sillage d’autres pays du équivalantàplusd’unefoisetdemiesonPIb, continent. l jeune afrique

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Panorama au pays des miracles p. 62 Politique ramgoolam-Bérenger : petits arrangements entre ennemis p. 68 Portrait Cassam uteem, Gandhi en son pays

p. 70

Communautés Derrière la carte postale p. 72 analyse une économie qui sait rebondir

p. 75

stratéGie Pourquoi le pays mise sur le haut de gamme p. 78 interview arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères p. 83 Banque Port louis gagne du crédit

p. 84

Portraits Jackpot pour le melting-pot

p. 85

entrePrise le pari gabonais d’iBl p. 90

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le Plus de Jeune Afrique

PAnorAmA

Au pays des

miracles

Lors de son indépendance, en 1968, on ne donnait pas cher de ce caillou volcanique perdu dans l’océan Indien. Et pourtant, dans cet État où les communautés vivent en bonne intelligence, l’essor économique a été fulgurant. Jusqu’aux premiers signes de fatigue… rémi CArAyol,

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envoyé spécial

S

ur le Caudan Waterfront (« front de mer »), on peut manger chinois, indien ou breton, retirer de l’argent ou en changer, acheter des montres deluxesuisses,desordinateursaméricainsoudesvêtementsitaliens.On peut aussi se faire une toile, jouer sa mise au casino ou simplement admirer le vieux port, de l’autre côté de la baie, et contempler l’architecture, tantôt d’inspiration asiatique, tantôt de type colonial. On peut tout faire, ou presque. Pour acheter une puce jeune afrique


SEYCHELLES

10 km COMORES

Océan Indien

Port Louis

narvikk

MAURICE

de téléphone locale, « il faut aller dans Port Louis, monsieur! ». Le centre de la capitale mauricienne est à deux pas, derrière la quatre-voies qui traverse la ville. Le temps de s’engouffrer dans un tunnel et, quelques dizaines de mètres plus loin, c’est un autre monde, avec son vieux marché aux fruits et aux épices, ses gargotes chinoises, ses bâtisses colonialesen ruine et ses immeubles de verre, sièges des nombreuses banques (une bonne vingtaine) que compte le pays. Si l’on devait imaginer un parc d’attractions sur le thème de la mondialisation, le Caudan pourrait servir de modèle. Comme beaucoup d’autres lieux à Maurice. À l’image de Bagatelle, sur les hauteurs de la ville, gigantesque centre commercial où l’on trouve tout ce que le monde compte de marques universellement connues. Là où, il y a trois ans, s’étalaient des champs de canne à sucre à perte de vue. Il en reste quelques vestiges sur les bords de la deux fois trois voies qui parcourt l’île d’est en ouest. Mais déjà, en contrebas, un nouveau mall sort de terre. Si lacanneàsucrefaitencorepartieduprésent,ellen’est résolument plus l’avenir – 400000 tonnes de sucre ont été produites en 2013, contre plus de 600000 lors d’une « bonne » année au début des années 2000. jeune afrique

p Le Caudan Waterfront, les Champs-Élysées de Port Louis.

MADAGASCAR MAURICE

LA RÉUNION

Est-ce là le « miracle mauricien » que vantent les élites du pays? Un temple dédié non pas au culte hindou, comme il en existe des dizaines sur l’île, mais à la consommation? En partie, oui. Maurice n’a pas eu à entrer dans la mondialisation, elle y est depuis le début de son peuplement, quand les colons (français puis britanniques) sont arrivés et y ont fait venir des esclaves africains, avant d’engager des coolies indiens. Mais le « miracle », c’est bien plus. C’est aussi une scène politique certes complexe et agitée, mais pacifiée – le pays n’a jamais connu de coup d’État. C’est un welfare state (« État providence ») sans équivalent en Afrique, sauf chez le voisin seychellois : santé gratuite (même pour les sans-papiers), école et transports également, caisse de retraite, allocations pour les personnes handicapées… Enfin, c’est un développement économique l l l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


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l l l fulgurant. Depuis des années, le pays truste les places d’honneur au palmarès des bons élèves du libéralisme: il est le premier africain au classement « Doing Business » de la Banque mondiale, premier à l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine, etc. Et il ne cesse de se régénérer: il y a eu le sucre, puis le tourisme et le textile, et aujourd’hui le global business, avec ses banques, ses assurances, ses services… À Port Louis, on ne compte plus les bureaux de change ou les enseignes de consultants financiers, l’offshore mauricien étant pour l’heure jugé transparent par les institutions internationales – alors que les Seychelles voisines sont souvent considérées comme un paradis fiscal. « Le gouvernement a adopté une stratégie à l’irlandaise, explique un diplomate étranger. Maurice offre un

taux de fiscalité très faible et un environnement des affaires intéressant. » Un libéralisme sans barrières, ou presque. Il ne faut cependant pas se tromper. « Le modèle mauricien tel qu’on le présente aux Africains est un leurre, tient à préciser le syndicaliste Ashok Subron, figure du militantisme sur l’île. Oui, c’est un modèle ultralibéral. Mais s’il fonctionne sans trop de casse, c’est parce que préexistaient des structures sociales – la santé, l’éducation, etc. –, sans lesquelles ce pays n’aurait jamais connu un tel développement. » Lorsque Maurice a accédé à l’indépendance en mars 1968, rares étaient ceux qui donnaient une chance à ce caillou volcanique situé loin de tout, sauf de Madagascar – dont le réveil a toujours


Jack abuin/ZuMa Press/corbis

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p Vue de la capitale

depuis le fort inquiété les milieux d’affaires mauriciens. On lui Adélaïde. prédisait une guerre civile. Et il s’en est fallu de peu. Mais le système électoral mis en place par les Britanniques, quoique décrié aujourd’hui (lire p. 72), semble avoir évité le pire. « Globalement, les communautés vivent bien ensemble, décrit Jean-Claude de l’Estrac, ancien journaliste, député et ministre, aujourd’hui secrétaire général de la Commission de l’océan Indien et candidat à la direction de l’Organisation internationale de la francophonie. Les Mauriciens ont un attachement très fort à leur communauté, mais cela fait trois siècles qu’ils cohabitent en se respectant et en se comprenant. » Officiellement – c’est inscrit dans la en dix ans Constitution –, Maurice compte quatre commu2003-2013 nautés : les hindous, les musulmans (en majorité originaires d’Inde), les Chinois et la « population générale » (principalement des Blancs descendants des colons et des créoles issus de l’esclavage). Elle est en réalité constituée d’une constellation de s lar sous-groupes que le temps a tendance, quoique Le PIB est dol à e d timidement, à diluer. « Nous sommes une société passé de rds illia m en construction », résume Ashok Subron. « Mirage ». La structure de la population mauri-

5,82

cienne n’était pas la seule inquiétude en 1968. Que pouvait donc devenir un pays si petit (2 000 km² pour 1,3 million d’habitants actuellement), presque exclusivement consacré à la culture de la canne Le PIB par à sucre et sur lequel régnait une aristocratie de habitant de familles venues jadis de France ? « C’est cela le miracle, s’enthousiasme Paul Bérenger, figure de la vie politique locale et descendant de ces grandes familles [lire p. 68]. À l’indépendance, les propriétaires terriens auraient pu migrer. Ils ont préféré investir dans le pays et ont su diversifier les activités, construire des hôtels, des usines… » Le père de la nation (et de l’actuel Premier ministre), sir Seewoosagur Ramgoolam (1900- Les IDE* de 1985), un hindou, s’est entendu avec les possédants, pour la plupart blancs: à vous l’économie, à nous la politique. Un pacte dont les Mauriciens subissent encore aujourd’hui les conséquences (les grands groupes sont toujours contrôlés par les descendants de colons et la scène politique est dominée par les hindous), mais qui a empêché que le pays ne tombe dans les pièges de la décolonisation et de l’ethnicisation. Tout n’est pas rose pour autant. « Le miracle mauricien est un mirage », pestent, dans leur

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jeune afrique

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à llars do

259

à illionslars m dol de *Investissements directs étrangers

local de Rose-Hill, Jane Ragoo et Reeaz Chuttoo, la secrétaire et le président de la Confédération des travailleurs du secteur privé, l’un des principaux syndicats du pays. Ils luttent contre « la dérive ultralibérale », la « flexibilité outrancière », le « gel des salaires » et les inégalités entre les travailleurs du public et ceux du privé. En 2008, des réformes visant à séduire les investisseurs étrangers ont mis à mal l’État providence. « Aujourd’hui, on peut se faire licencier sans justification ni compensation », dénoncent les syndicalistes. « Depuis trente ans, il y a un consensus, poursuit Reeaz Chuttoo. Tous les partis ont un même programme: le capitalisme. Résultat, aujourd’hui, 100000 travailleurs gagnent moins de 5 000 roupies [118 euros] par mois, le taux de chômage est estimé à 8 % et les inégalités se creusent. » En outre, depuis quelques années, Maurice connaît un afflux de travailleurs venus d’Asie et de Madagascar. Ils sont officiellement 35 000, certainement plus, à travailler dans les zones franches pour une misère et à vivre dans des taudis. « Ces migrations sont souhaitées par le gouvernement, qui voudrait faire du Mauricien moderne un entrepreneur, accuse Chuttoo. Mais cela crée des tensions et la montée d’un sentiment xénophobe. » Non loin de là, toujours à Rose-Hill, Lindley Couronne, un militant des droits de l’homme, fait le même constat, quoique plus mesuré : « Le pays s’est développé matériellement et une classe moyenne a émergé. Mais 10 000 familles vivent dans une extrême pauvreté. » Tout près du local de Dis-moi, son ONG, une fresque résume ce qu’est Maurice aujourd’hui : une église, une mosquée, la représentation d’une divinité hindoue, une montagne, une bonne sœur… et un restaurant KFC. CriMeS. Les jeunes qui l’ont réalisée auraient pu

y ajouter du sang et de la drogue. Car le malaise social né des inégalités et d’une société conservatrice s’exprime de plusieurs manières. Par la violence – chaque jour, les quotidiens racontent en détail des crimes parfois insoutenables – et par la consommation de drogue – le pays est l’un des plus gros clients du continent en matière d’opiacés. Ils auraient pu aussi représenter les leaders vieillissants du pays: Paul Bérenger, Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth… Après avoir succédé à leur paternel (du moins pour les deux derniers), ils sont n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Le Plus de J.A. Maurice

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aux affaires depuis quelques dizaines d’années, au gré d’alliances qui ne sont jamais définitives. Et nombre de Mauriciens pensent que le temps est venu de les voir passer la main. « Le miracle s’est essoufflé, convient Jocelyn Chan Low, historien et politologue à l’université de Maurice. Nous sommes à la croisée des chemins. Le welfare state est menacé par le Fonds monétaire international [FMI], qui demande des réformes. Les responsables politiques ont compris qu’il fallait élaborer une nouvelle Constitution, car il est urgent de mieux partager les pouvoirs [lire pp. 68-69]. Sur le plan économique, après le sucre et le tourisme, nous devons trouver de nouvelles voies. Mais avons-nous une vision pour faire de Maurice un pays à hauts revenus ? Et puis il y a l’évolution sociétale : les parents ne contrôlent plus leurs enfants… » La conjoncture politique n’arrange rien. Après avoir perdu ses alliés successifs (le Mouvement socialiste mauricien en 2011 puis le Parti mauricien

l’État providence est menacé par le FMi, qui demande des réformes.

social-démocrate en juin dernier), le patron du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, grand vainqueur des législatives de 2010, ne dispose plus que d’une fragile majorité. « Il ne peut plus rien faire, constate Paul Bérenger, le leader du Mouvement militant mauricien, principal parti d’opposition. Nous sommes en pilotage automatique jusqu’aux prochaines élections. » Elles sont prévues pour mai 2015. Mais si Bérenger et Ramgoolam, qui négocient depuis des mois pour conclure une alliance et mener une grande réforme électorale, réussissent enfin à s’entendre, elles pourraient être anticipées. Tout le monde le souhaite, à commencer par les patrons, qui dénoncent les conséquences de la paralysie politique sur l’économie et s’inquiètent de la « mollesse » du taux de croissance (3,3 % en 2013 et 3,5 % prévus en 2014), qu’envieraient pourtant bien des pays. Il est vrai qu’à Port Louis, où l’on est habitué à des pourcentages plus élevés, ces chiffres n’ont rien de miraculeux. l

Christian Bossu-PiCat

t Écologique, le nouveau siège de la MCB, conçu par Jean-François Koenig, dans le quartier d’Ébène, à Port Louis.

on fait un max pour le mix énergétique L’objectif du plan Maurice île durable ? accroître la part du renouvelable dans la consommation nationale.

D

epuis 2008, Maurice mise sur la durée. Plus exactement, sur le développement durable. Confronté à une envolée des prix énergétiques, le pays, sous l’impulsion de Navin Ramgoolam, son Premier ministre, a lancé un vaste programme baptisé Maurice île durable (MID).

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Objectif : rééquilibrer le mix énergétique au profit des énergies renouvelables tout en réduisant la consommation intérieure. Les embouteillages de Port Louis coûteraient à eux seuls 1,3 point de PIB annuel au pays. « Essentiellement économique à ses débuts, ce programme s’est étoffé jusqu’à devenir un véritable projet de

société », explique Osman Mohamed, directeur exécutif de la commission MID. Résultat d’une concertation entre les pouvoirs publics, le secteur privé, le monde associatif et la société civile, le plan d’action triennal, qui compte 130 projets dans de nombreux domaines (environnement, emploi, éducation…), a été approuvé par le gouvernement en juin 2013. Son financement, estimé à 6,2 milliards de roupies (environ 147 millions d’euros), est assuré par des taxes supplémentaires prélevées sur les importations du charbon sud-africain brûlé dans les centrales thermiques et sur les carburants – le parc automobile a augmenté de plus de 185 % en vingt ans. Photovoltaïque. Depuis, les premiers projets ont vu le jour : installation d’éoliennes et de chauffe-eau solaires au sein de centres hospitaliers, distribution d’ampoules basse consommation au grand public, entrée en exploitation de fermes photovoltaïques… « Nous espérons atteindre 35 % d’énergies renouvelables d’ici à 2025 », précise Osman Mohamed, pour qui les premiers effets concrets du plan MID devraient se faire sentir à partir de 2016. En attendant, à plus long terme, des campagnes de reboisement, la réhabilitation des côtes endommagées et la mise en place de normes environnementales dans la construction. l olivier CaSliN, envoyé spécial jeune afrique



Le Plus de J.A. Maurice

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Politique

p Paul Bérenger (à g.) et Navin Ramgoolam à Clarisse House, siège de la primature, le 17 avril.

Vaudeville à Port Louis Après s’être affrontés des années durant, le Premier ministre et le chef de l’opposition devraient s’allier en vue des élections de 2015. Le but de leurs entrevues parfois secrètes : se partager le pouvoir.

C

ela fait des mois que dure le vaudeville. Ses têtes d’affiche, deux hommes aux caractères diamétralement opposés mais aux parcours intimement liés, se lancent des fleurs, puis s’invectivent, puis se congratulent de nouveau… Le tout sous

l’œil circonspect d’une flopée de figurants qui n’attendent qu’une chose pour entrer en scène : un faux pas de l’un ou de l’autre. Personne ne doute de l’issue. Pourtant, à Port Louis, on ne manquerait pour rien au monde le prochain épisode. Parce qu’ici « on n’est jamais

Bérenger, le lion blanc Il faut l’entendre raconter ses combats ou ses débuts agités en politique. Il faut le voir aussi, avec son visage de héros de BD – moustache blanche, regard mutin –, pour comprendre l’attachement que les Mauriciens portent à Paul Bérenger. « Quand il a annoncé qu’il était atteint d’un cancer, en 2013, tout le pays a eu mal », dit un proche. Voilà plus de quarante ans qu’il anime la vie politique nationale. « On l’aime ou on le déteste. Il ne laisse personne indifférent », admet un adversaire. Né en 1945, il fonde le Mouvement militant mauricien (MMM), à 24 ans, pour s’opposer à la mainmise du PTr sur le pouvoir et dénoncer le communautarisme rampant. Depuis, il s’est converti à la social-démocratie, a mis de l’eau dans son vin, même s’il a passé plus de temps dans l’opposition qu’au pouvoir. Éphémère Premier ministre (2003-2005), il rêve de rediriger le pays, quitte à s’entendre avec son meilleur ennemi. « Mon heure de raccrocher les crampons n’est pas venue », dit-il. l R.C. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

à l’abri d’un improbable retournement de situation », souffle un proche d’un des deux protagonistes. Et parce que, si accord il y a, « il sera historique à tous points de vue ». Les deux leaders ne sont pas des perdreaux de l’année. Cela fait trente ans qu’ils dominent la vie politique nationale (lire portraits). D’un côté, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, 67 ans, patron du Parti travailliste (PTr), le mouvement qui a arraché l’indépendance aux Britanniques. Après une première expérience à la primature entre 1995 et 2000, cette figure de la communauté hindoue, et fils du « père de la nation », Seewoosagur Ramgoolam, dirige le pays depuis neuf ans. De l’autre, son prédécesseur, à la tête du gouvernement de 2003 à 2005 : Paul Bérenger, 69 ans, grand manitou du Mouvement militant mauricien (MMM), descendant de colons français, converti jeune afrique


Une ambition africaine au marxisme puis à la social-démocratie. Il a été ministre à plusieurs reprises, mais ce ne fut jamais très long. Et voilà neuf ans qu’il est l’opposant en chef. POUR DU BEURRE. Ces deux hommes, qui ont passé une bonne partie de leur vie à se combattre malgré une évidente proximité idéologique (leurs partis adhèrent tous deux à l’Internationale socialiste), ont, depuis six mois, pris l’habitude de se voir en tête à tête, parfois même en catimini. Et pas seulement pour discuter des affaires courantes. Leur objectif : élaborer un accord inédit qui les verrait partir ensemble aux prochaines élections générales, prévues en mai 2015, et, par la suite, faire adopter une grande réforme électorale qui modifierait en profondeur le système politique hérité de la colonisation. En juin, les discussions ont à nouveau achoppé. « On a beaucoup parlé. On était d’accord sur tout. Mais c’était trop beau pour être vrai », expliquait en juillet Paul Bérenger. En août, elles ont repris une énième fois. Un accord aurait été trouvé le 30 août lors d’un ultime rendez-vous. Pour nombre de Mauriciens, ces négociations s’apparentent à de petits arrangements entre ex-ennemis. « Tout d’un coup, deux hommes qui se sont

Ramgoolam, l’héritier

C’est un séducteur. Mais si Navinchandra Ramgoolam occupe une place importante dans le cœur des Mauriciens, c’est surtout parce qu’il est le fils du père de l’indépendance, l’une des figures de la communauté la plus influente (hindoue) et le patron du Parti travailliste (PTr), qui jouit d’une cote de sympathie comparable à celle du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela en Afrique du Sud. Né en juillet 1947, médecin de formation, Ramgoolam fils est entré en politique sur le tard (son père n’y était pas favorable). Ce n’est qu’en 1991 qu’il prend la tête du PTr. Très vite, il s’impose. Premier ministre de 1995 à 2000, il retrouve la primature en 2005. Mais ce n’est pas un homme de dossiers. Aujourd’hui, il se verrait bien présider la nation et laisser à son adversaire de toujours le rude labeur de Premier ministre. l R.C. jeune afrique

PmSD, mSm : lES DinDOnS DE la faRCE Si Paul Bérenger et navin ramgoolam arrivent à trouver un accord sur une refonte de la Constitution, ils seront les grands perdants. « ils » ? le Mouvement socialiste militant (MSM) de Pravind Jugnauth et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) de Xavier-luc Duval. Depuis des années, ces deux

formations politiques minoritaires profitent d’un système électoral fondé sur les alliances et sur le communautarisme (lire p. 72) pour s’imposer aux deux partis dominants, le PTr et le MMM. en 2010, ils avaient conclu un accord avec le PTr. un an plus tard, le MSM, fragilisé par un scandale politico-

financier, claquait la porte. en juin dernier, c’est le PMSD, irrité par le rapprochement entre ramgoolam et Bérenger, qui a quitté le gouvernement. « ils ont de quoi être inquiets, assure le politologue Jocelyn Chan low. en cas de réforme, ils n’auraient plus aucune chance de jouer un rôle. » l R.C.

Cette entente cordiale, si elle se concréhaïs pendant des années décident de s’entendre au crépuscule de leur carrière tise, « correspond à leur tempérament et politique. Il s’agit pour eux de continuer à leurs ambitions personnelles », indique à rester au pouvoir, de se partager le un homme politique de leur génération. gâteau, ni plus ni moins », souffle un édiBérenger est « un gros travailleur, briltorialiste. « On peut le voir ainsi, admet lant et discipliné, qui veut maîtriser tous un diplomate mauricien qui connaît les dossiers » et qui, malgré une tumeur détectée en 2013 (et soignée depuis), n’a bien les deux hommes. Bérenger rêve d’être Premier ministre et Ramgoolam se pas l’intention de prendre sa retraite. voit bien en président. Il sait aussi qu’il Ramgoolam, lui, est moins acharné à la tâche. « C’est un charmeur, un mondain, aura du mal à rester au pouvoir après dit de lui l’un de ses anciens collaboradix années de règne. Mais il s’agit avant tout d’une chance historique. Dans notre système, À l’un, la présidence, à l’autre, le Premier ministre a tous la primature. Et le même nombre les pouvoirs, c’est une sorte de dictateur constitutionde députés pour leurs deux partis. nel, et le président compte pour du beurre. La réforme envisagée teurs. Il peut passer deux heures à raconter permettrait de rééquilibrer cela. » des histoires qui n’ont rien à voir avec L’idée est de donner plus de prérogales affaires de l’État. Mais les Mauriciens tives au chef de l’État, qui pourrait avoir le l’admirent, et il est issu de la caste la plus pouvoir de dissoudre l’Assemblée natioinfluente. » nale et devrait jouer un rôle diplomatique. Si les négociations butent, c’est sur De modifier le système électoral aussi : des détails, affirment plusieurs acteurs il pourrait être élu au suffrage universel du rapprochement. C’est aussi parce que direct pour sept ans, et non plus au sufles deux hommes devront faire accepter frage indirect. leur choix, non pas à leur parti – qu’ils contrôlent pleinement –, mais à leur tUmEUR. Ramgoolam et Bérenger sont électorat. Déjà, de nombreux Mauriciens d’accord sur les grandes lignes de ce s’indignent. « Une nouvelle génération programme. Sur les conditions égamontante dénonce le verrouillage de lement : au premier la présidence, au la vie publique, explique le politologue second la primature, et à leurs partis Jocelyn Chan Low. C’est vrai que les partis respectifs le même nombre de sièges traditionnels ont du mal à se renouveà l’Assemblée nationale (30). « Notre ler. » D’autres, comme l’ancien président modèle, c’est le Cap-Vert, qui fonctionne Cassam Uteem (lire p. 70), s’inquiètent : avec un président de centre droit et un « Deux hommes au pouvoir, c’est la meilPremier ministre de centre gauche », leure recette pour déclencher des crises précise Bérenger. politiques à l’avenir. » l Rémi CaRayOl n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Portrait

Un gandhi en son pays S’il est tenu à l’écart de la scène politique intérieure, l’ancien président Cassam Uteem est en revanche très actif et écouté à l’étranger.

L

e fauteuil de président à Maurice? Encore aujourd’hui, Cassam Uteem se demande s’il n’est pas « damné ». Plus de douze ans après l’avoir quitté avec fracas, il remarque que, depuis l’indépendance, aucun de ses occupants n’est allé jusqu’au terme de son mandat. « Nous avons tous démissionné ! » note-t-il sans colère aucune, et même avec une pointe d’amusement. Lui, c’était en février 2002. Élu en 1992 (au suffrage indirect, par les parlementaires, comme le veut la Constitution), Uteem a claqué la porte après dix années de service pour protester contre la promulgation d’une loi antiterroriste qu’il trouvait liberticide. C’était à la suite des attentats du 11 Septembre, et le gouvernement était, selon lui, prêt à brader une partie de sa souveraineté au nom de la lutte contre « les forces du Mal ». Mais ce qui l’a exaspéré par-dessus tout, c’est de ne pas avoir été entendu. « Le président n’a pas beaucoup de pouvoirs. Il est une sorte de recours. Mais il a tout de même son mot à dire sur les lois qui sont votées. Pas cette fois-ci… » se souvient-il.

L’homme est ainsi. Tout en onctuosité, tout en rondeur, mais pas du genre à transiger sur ses valeurs. En 1969, alors jeune militant, il avait quitté son parti après avoir pris position contre ses dirigeants, auprès desquels on lui demandait de s’excuser. Depuis son dernier coup d’éclat, début 2002, cette figure de la communauté musulmane du pays, qui lutta pour l’indépendance dans les années 1960 et fut l’un des leaders du Mouvement militant

Tout en onctuosité, tout en rondeur, mais pas du genre à transiger sur ses valeurs. mauricien (MMM) de Paul Bérenger au début des années 1970, puis successivement député, ministre et maire de Port Louis, n’a pas eu le temps de s’ennuyer. Il a joué les médiateurs au nom de la Global Leadership Foundation, qui rassemble d’anciens présidents. Il a intégré le fameux Club de Madrid, organisation visant à promouvoir la démocratie qui compte parmi ses

ALEXANDER JOE/Afp

 Cassam Uteem a été le premier chef d’État musulman du pays, de 1992 à 2002.

membres 95 ex-chefs d’État et de gouvernement. Il a rejoint le comité international d’ATD Quart Monde, ONG qui lutte contre l’extrême pauvreté. Et, depuis la disparition de l’un de ses fils, foudroyé par une crise cardiaque il y a sept ans, il s’occupe de la fondation Oomar Uteem Charitable Trust, qui œuvre pour l’éducation à la santé. Il continue aussi de se battre en faveur des droits de l’homme, du droit des Chagossiens à retrouver leur terre, et pour ce que l’on appelle sur l’île la « mauricianité », autrement dit le sentiment d’appartenir à une même nation. Ignoré. Sur le plan politique,

en revanche, c’est morne plaine. À 73 ans, Cassam Uteem n’a plus d’ambitions électorales. Et si on le consulte sur l’évolution du pays, ce n’est que de manière occasionnelle et officieuse. « Le Premier ministre m’ignore », regrette-t-il. Uteem a bien tenté, à plusieurs reprises, de mettre Navin Rangoolam en relation avec des chefs d’État étrangers, mais « il ne souhaite pas que je joue un rôle », confie-t-il. Descendant de laboureurs venus d’Inde, l’ancien président ne manque pourtant pas d’idées sur le communautarisme (lire p. 72) – « un danger » – ou sur la réforme électorale. Et il jouit toujours d’une belle réputation. « C’est un sage, estime Lindley Couronne, un militant des droits de l’homme. Tout le monde se souvient que, lors des émeutes ethniques de 1999, il a su calmer les choses. » Peut-être pourra-t-il se consoler avec l’ascension de son fils. Le système politique mauricien est ainsi fait que l’on retrouve toujours les mêmes noms au fil des générations. Ramgoolam, Jugnauth, Duval… Chez les Uteem, c’est Reza, 43 ans, député et cadre du MMM, qui assure la relève. Un journaliste du quotidien mauricien L’Express qui l’interviewait en 2011 disait de lui qu’« on lui donnerait le bon Dieu sans confession ». Un héritage de son père, très certainement. l rémI CarayoL

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jeune afrique



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Le Plus de J.A. Maurice Société

derrière la carte postale Grattez le vernis de l’île au métissage heureux, et un communautarisme très prononcé montrera vite le bout de son nez. Surtout à l’heure du vote.

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our Paul Bérenger, le leader de l’opposition, c’est une avancée majeure, « qui fera date » dans l’histoire de la jeune République de Maurice. Plus prosaïque, Navin Ramgoolam, le Premier ministre, a convenu qu’il ne s’agissait pas d’un choix, mais bien d’une obligation pour son pays, sous peine de se voir tancé par l’ONU. Quoi qu’il en soit, le 11 juillet, Bérenger, Ramgoolam et 61 autres députés (sur 69), issus de la majorité comme de l’opposition, ont adopté ce que la presse a qualifié de « miniamendement ». Désormais, les candidats aux différents scrutins n’auront plus à déclarer leur appartenance communautaire. « Ils pourront le faire s’ils le veulent, mais n’y seront plus obligés », précise Paul Bérenger.

invalidée. Un groupe de militants de gauche, réunis au sein de l’association Rezistans ek alternativ, est à l’origine de cette réforme. En 2005, décidés à contester ce système, ils se présentent aux élections sans spécifier leur appartenance communautaire. Leur candidature est invalidée. Après un long et infructueux combat devant les juridictions mauriciennes, ils s’adressent au Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui leur donne raison en 2012. Entre-temps, le nombre de candidats « pirates » a explosé. Lors des élections générales de 2010, ils étaient 104, soit 16 % des postulants, à se présenter sans étiquette communautaire – et n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

le système électoral en vigueur est un danger. » À l’origine de celui-ci, la volonté du colon britannique d’organiser en communautés les différentes composantes de la société mauricienne : les Blancs et les créoles (descendants des colons français et des esclaves africains), les Indiens (venus en nombre à l’époque de l’engagisme et divisés en nombreux sousgroupes), les Chinois, etc. Puis, à l’aube de l’indépendance, acquise en 1968, la nécessité de rassurer les minorités, qui craignent « le péril hindou ». Ces derniers sont alors majoritaires et remportent la plupart des élections.

à voir eux aussi leur candidature rejetée. Pour Ashok Subron, l’un des leaders de Rezistans, la réforme est une victoire. Mais il reste beaucoup à faire. « Aucun autre pays au monde n’a une représentation politique fondée sur l’ethnicité. C’est le résultat de notre histoire mais, déPassé. Un subtil dosage électoral aujourd’hui, cela nourrit les rivalités est donc mis en place : le « best loser ethniques », regrette-t-il. system », qui ajoute aux 62 sièges de Le « miracle mauricien » tel que le décrivent ses promoteurs présente en effet quelques des candidats « pirates » refusaient failles. Les conflits comde spécifier leur origine ethnique. mu nau t a i re s, p a r f o i s violents, jalonnent son ils ont enfin obtenu gain de cause. histoire : en 1968, 1995, 1999… « Maurice n’est pas une société députés élus 8 sièges pourvus en fonction si stable que cela, confirme Subron. Notre de l’appartenance ethnique sur la base pays n’est pas immunisé contre ce qui des quatre communautés définies par s’est passé, par exemple, au Kenya, et la Constitution : les hindous, les musulmans, les Chinois et la « population générale » (essentiellement les Blancs et les créoles). « Ce système a rassuré les minorités. Mais aujourd’hui il est dépassé », estime Paul Bérenger. « Il faut en finir, admet l’ancien président Cassam Uteem. Car il reste beaucoup à faire pour qu’un vrai sentiment national soit partagé par l’ensemble des Mauriciens. » Certes, les mariages mixtes progressent, et le « mauricianisme » avec. Mais les rancœurs héritées du passé persistent. Les responsables politiques ont longtemps joué de ce critère ultrasensible pour se faire élire. Et rien ne dit que la réforme électorale changera leurs habitudes. Certains de ceux qui ont voté le « miniamendement » ont d’ailleurs d’ores et déjà annoncé qu’ils continueraient à préciser à quelle communauté ils appartiennent. l RéMi CaRaYOl jeune afrique


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maurice une ambition africaine

Le pays est le plus compétitif d’Afrique. Sa recette : les réformes structurelles et la diversification.

D

PIB par habitant, en dollars (moyenne en Afrique subsaharienne en 2013 : 2 689 $)

10 000 8 000

7 562

8 730

8 835

9 160

2011

2012

2013*

9 712

6 000 4 000

epuis des années, les observateurs étrangers qualifient ses performances économiques de « miraculeuses ». Et, de fait, l’île a connu un taux de croissance moyen de 5,3 % entre 1969 et 2013. « Ce pays a une capacité à rebondir assez exceptionnelle, confirme Sridhar Nagarajan, PDG de la filiale mauricienne de la banque Standard Chartered. À preuve, la façon dont Maurice a su tirer un trait sur sa vocation de port de transit une fois percé le canal de Suez pour se lancer, notamment, dans le tourisme. » Avant de jeter les bases d’une diversification à plus grande échelle. Plutôt que de se laisser isoler par son insularité, le pays s’est au contraire appuyé sur sa position géographique pour jouer la carte de l’ouverture. « La création d’une zone franche, parfaitement gérée par les pouvoirs publics, a été un réel succès », estime Sridhar Nagarajan. En plus de favoriser la création d’emplois sur un marché très réduit, de permettre l’industrialisation du pays grâce à l’investissement local, puis étranger, elle a été une véritable locomotive pour la croissance de l’économie nationale. « Depuis, la logique reste la même, seuls les secteurs concernés par cette stratégie évoluent avec le temps: sucre et textile hier, TIC [technologies de l’information et de la communication] et services financiers ces dernières années », explique Rama Sithanen (lire p. 85), père

de cette stratégie de diversification et des profondes réformes introduites depuis 2006. Une réussite. Maurice a été récompensée l’an dernier en devenant l’économie la plus compétitive d’Afrique subsaharienne selon la Banque africaine de développement (BAD), devant Pretoria. Fort de ses bons fondamentaux, le pays a plutôt bien passé l’écueil de la récession mondiale de 2009, malgré sa forte exposition à la zone euro, qui absorbe chaque année près de 60 % de ses exportations. Certes, l’économie a perdu un peu de son élan, mais le taux de croissance n’est jamais passé sous la barre des 3 %. En 2013, le PIB a encore progressé de 3,1 % selon le Fonds monétaire international (FMI), dont une délégation s’est rendue à Port Louis début août. Il devrait encore gagner plus de 3,7 % cette année et 4 %, voire plus, en 2015. « À condition de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour améliorer la productivité et la compétitivité extérieure du pays », précise Martin Petri, chef de la mission du Fonds. nuages. Beaucoup reste à faire pour

que Maurice fasse son entrée, d’ici à dix ans, dans le club des « pays à revenus élevés ». Pour le FMI, « il faut vite relancer l’investissement intérieur ». Or, depuis la crise financière, il marque le pas, de même que les investissements directs étrangers (IDE), qui, après avoir culminé en 2010, peinent à redécoller (voir infographies). Le

2 000 0

2010

2014**

* Estimations - ** Prévisions

Fléchissement des IDE

Investissements directs étrangers, en millions de dollars, en flux entrants (moyenne en Afrique subsaharienne, en 2013 : 958,3 millions de $)

589

600 500

430

400 300 200

433 259

248

100 0

2009

2010

2011

2012

2013

pays doit encore développer les infrastructures de transport et de communication. Et investir dans le capital humain afin de faire reculer le taux de chômage, estimé à 8,2 % en 2013, qui touche un jeune Mauricien sur quatre. Pour retrouver la confiance des investisseurs, le pays peut s’appuyer sur un environnement jugé « sans égal sur le continent » selon la Banque mondiale, qui place Maurice au 20e rang sur 189 pays dans son rapport « Doing Business » 2014. Seule l’obtention de permis de construire pose encore quelques problèmes, mais le gouvernement a promis de se saisir rapidement du dossier pour chasser l’un des derniers nuages perturbant son climat des affaires, devenu une référence en Afrique. l Olivier Caslin

air mauritius au pieD Du mur

F

ooad Nooraully en a assez de se répéter. À peine évoque-t-on les carences que le secteur privé impute au transporteur national que le vice-président d’Air Mauritius s’agace: « Pour développer une liaison aérienne, il faut qu’il y ait du trafic. » « Maurice a signé des accords bilatéraux avec vingtcinq pays, et ce n’est pas de notre faute si les autres compagnies n’y viennent jeune afrique

pas », insiste-t-il, rappelant qu’Air India et Virgin Atlantic s’y sont essayées, avant de repartir. Après deux ans de pertes sèches, Air Mauritius a dû sérieusement réduire la voilure. En « coupant du kilomètre », elle a renoué avec les bénéfices et engrangé 7,3 millions d’euros en 2013. Sa recette: moins de vols vers l’Europe en crise, et davantage de liaisons vers l’Inde et la Chine. Les liaisons

Source : FMi, avril 2014

une économie qui rebondit

Revenus par tête en plein boom

avec l’Afrique ont en revanche peu évolué: seul Nairobi est desservi en direct (trois vols par semaine) en plus des grands aéroports sudafricains.Trop peu pour faire de l’île un hub régional. L’arrivée d’Emirates, en décembre 2013, pourrait résoudre une partie du problème. À partir de la fin de l’année, la compagnie assurera deux liaisons quotidiennes entre Dubaï et

Port Louis. Par ailleurs, en juin, China Southern Airlines a lancé son service au départ de Shenzhen. D’autres devraient suivre. D’autant que, depuis septembre 2013, Port Louis dispose d’un aéroport flambant neuf, grâce aux 300 millions de dollars (environ 225 millions d’euros) investis dans un nouveau terminal de 56900 m². À la mesure de la croissance espérée pour le secteur. l O.C. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Source : cnuced, juillet 2014

AnAlyse

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Le Plus de J.A. Maurice

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Stratégie

Pourquoi le pays mise sur le haut de gamme Sucre, textile, tourisme, et désormais TIC et biotechnologies, les produits et services mauriciens ont pris énormément de valeur ajoutée. Et ça paie.

S

de Coromandel, près de Port Louis) en le comme Abercrombie, Hugo Boss, Zara mettant au service des grandes marques ou Kappa s’appuient ainsi sur leurs sousinternationales. traitants mauriciens, surtout depuis que Dans les deux cas, la réussite est ces derniers disposent de leurs propres au rendez-vous. Producteur de sucre filatures, ce qui a fait baisser les prix. brut jusqu’en 2009, Maurice exporte aujourd’hui 90 % de produits raffinés, déSintérêt. « Cette montée en gamme est aussi le seul moyen pour Maurice de déclinés en une quinzaine de références. justifier des coûts de main-d’œuvre bien « Avec la fluctuation des cours mondiaux, il est difficile de savoir si le secteur gagne supérieurs à ceux en vigueur sur le sousplus d’argent qu’auparavant. Mais une continent indien », explique Jean-Paul Arouff, rédacteur en chef de l’hebdochose est sûre: sans ce virage, nos revenus madaire mauricien Business Magazine. seraient bien inférieurs », constate JeanNoël Humbert, président du Syndicat mauricien du Hugo Boss, Zara, Abercrombie… sucre (MSS). Désormais, la les grandes marques s’appuient filière rentabilise au maximum la canne, en utilisant sur les sous-traitants locaux. la bagasse (résidu fibreux) pour produire de l’électricité et la mélasse Même si le modèle montre aujourd’hui ses limites en matière d’emploi. Dans la pour en tirer du bioéthanol, également exporté. filière sucre, le passage à la transformation Même constat dans le textile, où le a permis de limiter la casse, autour de choix d’une stratégie axée sur la qualité métiers plus qualifiés. L’industrie textile, elle, se heurte au désintérêt des jeunes, a permis au made in Mauritius d’exister et de s’imposer face à la concurrence plus enclins à travailler dans une banque asiatique. Des marques de vêtements ou un centre d’appels que de se lancer dans la confection. Résultat, le pays est obligé d’importer une main-d’œuvre  Brodeuses électroniques chez RT Knits, un leader du textile (à Pointe-aux-Sables). étrangère non qualifiée. « Ce n’était pas vraiment l’objectif de notre politique de diversification », rappelle Rama Sithanen. Surtout pour un secteur dont les activités et les effectifs fondent, après avoir pourtant permis d’endiguer le chômage sur l’île, qualifié d’endémique, au tournant des années 1990. Mais ce n’est pas du côté du sucre et du textile que se joue l’avenir économique de Maurice. En attendant que le tourisme trouve une nouvelle jeunesse et en suivant l’exemple des activités d’offshoring, en plein essor, « le pays doit maintenant s’intéresser à d’autres niches, notamment dans les secteurs à très haute technicité comme l’ingénierie informatique ou les biotechnologies », estime Jean-Paul Arouff. À condition de faire venir des travailleurs qualifiés ou d’en former sur place comme Singapour et Dubaï ont su le faire en leur temps. l

rt knits

ans valeur ajoutée, point de salut pour Maurice ! En 2006, à la suite de l’arrivée à échéance des accords textiles et sucriers passés dans les années 1970 avec l’Europe et les États-Unis, le pays a dû restructurer son économie en profondeur pour gagner sa place sur un marché mondialisé. Dans le sillage du tourisme version haut de gamme, où il a acquis depuis longtemps ses lettres de noblesse (lire p. 80), Maurice s’est attaqué à d’autres créneaux, en visant la qualité. « L’objectif est de toujours augmenter la chaîne de valeur, pour créer de la richesse et de l’emploi local », explique Rama Sithanen (lire p. 85), ministre de l’Économie et des Finances de 2005 à 2010. Le premier défi était de sortir d’une filière exclusivement sucrière (sucre roux) pour passer à une industrie cannière valorisant les autres composants de la plante (mélasse, bagasse, etc.). Parallèlement, les autorités et les industriels se sont attachés à redéployer le secteur textile (principalement concentré dans la zone franche

Olivier CASlin n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Le Plus de J.A. Maurice Tourisme eT loisirs

une île, cinq coups de cœur en dehors de ses plages, Maurice a tellement d’autres choses à offrir…

P

our la première fois de son histoire, Maurice franchira la barre du million de touristes cette année. Un résultat satisfaisant, mais en deçà des prévisions établies en 2002 par les autorités, qui tablaient sur 2 millions de visiteurs en 2014. La crise financière de 2008 et ses répercussions en Europe, premier marché de l’île, sont passées par là. Mais elles n’ont pas empêché les Seychelles ou les Maldives voisines d’afficher des hausses de fréquentation supérieures à 10 % en 2013 quand Maurice adûsecontenterd’àpeine3%.Plusinquiétant : le taux d’occupation des hôtels s’est affaissé, jusqu’à 55 % l’an dernier, et les dépenses des touristes ont baissé de 9 %. Le secteur pèse toujours 7 % du PIB et 5 % des emplois, mais, comme le soulignent les professionnels mauriciens, il doit se réinventerpourentamerunnouveaucycle. Si certains misent sur le développement de segments à forte valeur ajoutée, comme le tourisme d’affaires ou le tourisme médical, la priorité est de retrouver de la visibilité et de diversifier l’offre en « sortant des plages ». Voici cinq bonnes raisons pour succomber aux charmes de Maurice. Le Saint-Géran S’il fallait en choisir un parmi la centaine d’hôtels multiétoilés posés comme des perles le long des côtes, autant

ANTOINE LORGNIER/ONLYWORLD

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 Les Terres des sept couleurs, dans la région de Chamarel.

opter pour le plus prestigieux. Adresse mythique, membre des Leading Hotels of the World, Le Saint-Géran a certes un peu perdu de sa superbe face au flamboyant Royal Palm, mais il a su conserver son élégance, entre lagon et sable blanc. CaSeLa nature & LeiSure Park Créé à la fin des années 1970 autour d’une simple volière, le parc de loisirs de Casela, dans l’Ouest, est devenu une attraction majeure (plus de 250 000 visiteurs par an). L’occasion de se promener au milieu d’une nature généreuse et des grands fauves, de caresser des tortues géantes ou de profiter de nombreuses activités. En attendant le parc marin, dont l’ouverture est prévue en fin d’année. ChamareL Intacte ! Protégée de toute pollution touristique par les montagnes et les champs d’ananas, la petite région de Chamarel, dans le Sud-Ouest, regorge de curiosités naturelles – la plus grande cascade de l’île, les Terres des sept

couleurs, dont le nuancier s’étend du brun au mauve… Elle abrite aussi l’unique rhumerie du pays – même si les meilleurs rhums arrangés s’achètent directement auprès des petits producteurs. Grand Baie-La CroiSette Si les centres commerciaux poussent comme des champignons, le Grand Baie-La Croisette, ouvert en 2012, est l’un des plus modernes et luxueux. Situé à deux pas du port de plaisance et des plages les plus cossues du Nord, il accueille, sur 50 000 m², de nombreux food courts, cinq cinémas et une centaine d’enseignes, notamment les plus en vue du prêt-à-porter. Le tout hors taxes. LeS haPPy hourS du Suffren Plutôt léthargique les autres soirs, Port Louis se lâche chaque vendredi jusqu’à 2 heures du matin, le temps d’un happy hour déjanté au Suffren, le grand hôtel du front de mer. Incontournable pour ceux qui aiment « faire du bruit », comme le répète le DJ. l oLivier CaSLin

un hôteLier qui ne manque PaS de « reSortS »

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ondé en 1952, le groupe Beachcomber a pris son temps pour s’aventurer hors de son île. L’hôtelier ne s’est implanté aux Seychelles qu’en 2004 et a ouvert son premier établissement sur le continent en décembre 2013. Il a jeté son dévolu sur le Maroc, attiré par « sa proximité avec l’Europe

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

et sa volonté de développer un tourisme de qualité », explique Robert de Spéville, directeur commercial. À Marrakech, le spécialiste ès cinq-étoiles s’est construit un petit palais des Mille et Une Nuits avec vue imprenable sur l’Atlas, pour la coquette somme de 100 millions

de dollars (74,5 millions d’euros). Installé dans un parc de 300 ha, le Royal Palm dispose de 135 suites ainsi que de 90 villas disponibles à la vente (de 650000 euros à 1 million d’euros). « C’est notre premier investissement immobilier de ce genre », précise Robert de Spéville.

Leader à Maurice avec plus de 2 000 chambres réparties entre huit resorts, le groupe tient cependant à maintenir l’île en tête de ses priorités, et compte bien contribuer à la relance du secteur, en perte de vitesse depuis 2008. l o.C. jeune afrique



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Maurice une ambition africaine

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IntervIew

Arvin Boolell « nous sommes des partenaires, pas des envahisseurs » Il n’y a pas que la Chine et l’Inde dans la vie ! Le ministre des Affaires étrangères compte dynamiser les échanges commerciaux avec le reste du continent. Explications.

jeune Afrique : quelles sont les grandes lignes de la diplomatie mauricienne ? ArVin BOOLeLL : Nous défendons une

politique de proximité diplomatique fondée sur le respect d’autrui, ainsi que sur le principe que personne n’est petit ou grand. Nos priorités consistent à défendre notre souveraineté, à promouvoir la prospérité nationale en consolidant nos piliers économiques et en dotant Maurice d’une économie de pays à revenus moyens-supérieurs d’ici à 2020, à promouvoir la paix et, enfin, à instaurer un nouvel ordre économique et politique mondial plus équitable. Pour cela, nous pratiquons une diplomatie économique active. Notre synergie avec le secteur privé nous aide à avoir une meilleure visibilité régionale. Nous sommes ainsi engagés dans la promotion d’une intégration plus approfondie et dynamique avec l’Afrique. C’est ce qui nous a aidés à être mieux compris sur le continent.

jeune afrique

u Ce proche du Premier ministre a intégré le gouvernement en 2005. L’Afrique constitue-t-elle l’une de vos priorités ?

Oui, mais ce n’est pas seulement la priorité de Maurice, c’est celle du monde entier. Nos principaux partenaires sont l’Europe et, bien sûr, l’Inde et la Chine. Mais nous voulons être plus présents en Afrique, qui a un énorme potentiel : une jeunesse dynamique, une classe moyenne émergente… Nous souhaitons contribuer à en faire un continent de libreéchange et jouer un rôle de plateforme pour le relier à l’Asie. Nous avons une carte à jouer. Nous pouvons régler des problèmes commerciaux en cas de litige, avec le Centre international d’arbitrage commercial. Notre fiscalité très légère et nos institutions démocratiques nous valent d’être cités en exemple. Enfin, nous voulons développer notre port et notre aéroport pour en faire un hub régional. Maurice vend déjà son savoir-faire à un certain nombre de pays africains…

Oui, dans le secteur de l’industrie cannière, dans les services, le tourisme… Nous faisons en sorte d’encourager les investissements mauriciens sur le continent et disons à nos jeunes : « Allez en Afrique ! Le continent manque d’ingénieurs, de comptables, de médecins… » Ceci étant,

la sentinelle

A

rvin Boolell, 61 ans, est un homme clé du « système Ramgoolam ». L’un des plus fidèles compagnons de route du Premier ministre, tant au parti travailliste qu’au gouvernement. Voilà neuf ans que ce médecin issu d’une dynastie hindoue bien connue des Mauriciens (son père fut lui aussi ministre) dirige le pays à ses côtés : en tant que ministre de l’Agriculture d’abord (2005-2008) et, depuis six ans, en tant que ministre des Affaires étrangères. Son credo : diplomatie économique, rapprochement avec les autres pays africains et respect de la souveraineté.

nous ne sommes pas des envahisseurs mais des partenaires. L’objectif est de transférer notre savoir-faire pour contribuer au développement de l’Afrique. qu’attendez-vous en retour ?

Nous voulons forger des relations qui permettront un développement durable. L’Afrique connaît une forte croissance démographique, sa jeunesse a beaucoup d’attentes, et sa classe moyenne peut venir passer des vacances ou investir à Maurice, comme les Sud-Africains ou les Angolais le font déjà. Les Mauriciens se sentent-ils africains ?

Ils sont africains à part entière.

L’inde joue-t-elle toujours un rôle de parrain pour le pays ?

Nous avons des relations privilégiées. Quand Maurice a traversé des moments difficiles, l’Inde a toujours été à ses côtés. Mais l’Europe et la Chine aussi. Avec New Delhi, nous nous soutenons à travers les institutions multilatérales. Notre relation est fondée sur le respect mutuel. Jamais l’Inde ne s’est comportée en « Big Brother ». l Propos recueillis à Port Louis par réMi CArAyOL n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Le Plus de J.A. Maurice

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Finance

Port louis gagne du crédit Le dynamisme de sa place boursière et son secteur bancaire, structuré et efficace, inspirent de plus en plus confiance aux investisseurs.

P

our comprendre la structure économique de Maurice, il suffit de redescendre la place d’Armes de Port Louis, à l’ombre des palmiers royaux de l’avenue QueenElisabeth-II. De l’élégante maison coloniale qui sert de résidence au Premier ministre jusqu’aux bassins du port de commerce qui lui font face, l’artère principale de la capitale est bordée de sièges et d’agences bancaires. Seule Plantation House, qui abrite les organisations professionnelles de la filière sucre, témoigne encore de l’importance que celle-ci revêtit pour l’île. Tout un symbole. ARROGANTS. Le sucre pèse aujourd’hui

STEPHANE FRANCES

moins de 2 % du PIB, contre plus de 75 % au début des années 1970, alors que les activités liées à la finance ne cessent de croître. Elles contribuent pour plus de 10 % à la création de richesses nationales. « Ce qui démontre que le pays n’a rien d’un paradis fiscal, où les services

financiers mauriciens n’hésitent pas à exploiter. Ils espèrent ainsi voir leur île s’imposer comme une plateforme de services incontournable pour tous ceux qui souhaitent investir en Afrique. « Même quand ils viennent de Jo’burg », ajoute malicieusement le banquier.

GRANdS NOmS. L’île, qui compte 22 banques, peut s’appuyer sur deux fleufinanciers et la gestion de fonds représenteraient plus de 60 % de l’économie », rons : la Mauritius Commercial Bank (MCB) et la State Bank of Mauritius souligne Sridhar Nagarajan, le PDG de la branche locale de la banque Standard (SBM). Non seulement ces deux établissements couvrent près de 60 % du Chartered. Pourtant, avec un rythme marché national, mais ils sont aussi minimal de croissance de 5 % par an, les classés parmi les 100 plus grandes services financiers, dynamisés par des banques africaines. Maurice accueille produits offshore très rentables, pourégalement quelques grands noms de la raient rapidement détrôner les filières manufacturières, principal pilier du PIB. finance internationale, comme HSBC, Depuis l’arrivée du premier établissement de créles activités financières dit sur l’île, en 1838, pour contribuent pour plus de 10 % accompagner le développement sucrier, ce secteur a aux richesses nationales. fait du chemin. Il est même devenu l’un des plus structurés et des Barclays, Deutsche Bank ou les sud-afriplus efficaces du continent, avec la place cains Standard Bank et Investec. « Autant financière sud-africaine. « Notre avand’établissements qui crédibilisent la tage est d’être beaucoup mieux perçus place financière mauricienne », estime à l’étranger que leurs établissements, Rinsy Ansalam, directeur général de jugés parfois un peu arrogants, notamBourse Africa, l’un des quelque 900 fonds ment en Afrique », confie un cadre de d’investissements installés à Port Louis. la Banque centrale. Un atout que les Pour renforcer la confiance des investisseurs, en plus des atouts que représentent sa situation géographique et  La State Bank of son bilinguisme, Maurice a capitalisé Mauritius, sur la place sur la série d’accords passés avec une d’Armes, à Port Louis. vingtaine de pays du continent sur la double imposition ou la protection des investissements. Résultat : depuis quatre ans, selon une étude de la revue britannique The Banker, les fonds transitant par Maurice avant d’être investis à l’étranger représenteraient 60 % des avoirs du secteur bancaire local, soit l’équivalent de 170 % du PIB national. Dans sa stratégie de développement, le secteur peut également s’appuyer sur la Bourse de Maurice (Stock Exchange of Mauritius, SEM), l’une des plus dynamiques d’Afrique et la seule sur le continent a avoir introduit une plateforme de cotation multidevise. Ses dirigeants sont actuellement en discussion avec leurs homologues d’Accra pour renforcer les liens avec le Ghana Stock Exchange. En attendant d’améliorer ses connexions avec les Bourses sudafricaines, kényanes ou marocaines. l OlivieR CASliN

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jeune afrique


Une ambition africaine

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business

Jackpot pour le melting-pot Autochtones, descendants de colons ou expatriés, ils reflètent la diversité de l’île. Leur point commun : ils portent l’expérience et les investissements du pays sur les marchés africains.

rama Sithanen

60 ans, ministre de l’Économie et des Finances de 1991 à 1995, vice-Premier ministre et ministre des Finances de 2005 à 2010, actuel président de Rwanda Development Board et d’International Financial Services

T

out le monde veut aller au paradis, mais personne ne veut mourir. » Est-ce à lui-même que Rama Sithanen applique cette maxime qu’il se plaît à répéter ? Au paradis, l’éminent économiste y vit depuis sa naissance, à Port Louis, en avril 1954. Quant à sa capacité à renaître, l’ancien vice-Premier ministre, considéré par certains comme le meilleur ministre des Finances de Maurice, en a fait la preuve à plusieurs reprises. Comme son pays, le père de la diversification économique mauricienne a su faire preuve de résilience. Et s’il préfère répondre d’un petit rire presque gêné aux questions d’ordre privé, il est en revanche intarissable dès qu’il s’agit d’expliquer en détail la réussite économique de Maurice. La mèche en bataille, il joint le geste à la parole, s’emporte ou s’enthousiasme, captive et convainc.

la sentinelle

«

Éconduit depuis 2010 d’un jeu politique local qui semble vouloir le cantonner à un rôle d’expert constitutionnel et financier dans lequel il excelle, Rama Sithanen fait désormais profiter le secteur privé de son savoir-faire en matière de stratégie de développement. Président d’International Financial Services, l’un des cabinets de conseil les plus en vue de l’île, il siège également au conseil d’administration du groupe multisectoriel Rogers & Co et d’Air Mauritius. Mais c’est peut-être à l’étranger que sa bonne parole est le plus écoutée. Invité aux quatre coins du monde, du Botswana aux Samoa, cet ancien étudiant de la London School of Economics multiplie les allers-retours entre Port Louis et Kigali depuis sa nomination, il y a un an, au poste de président de Rwanda Development Board. « Je contribue à la réflexion stratégique, mais c’est aux Rwandais de décider de ce qu’ils veulent réaliser », tempère celui qui aspire à partager une expérience mauricienne devenue un modèle à suivre. l Olivier CASliN

Cédric de Spéville 34 ans, PDG de Food & Allied

l

jeune afrique

YanCe/la sentinelle

a famille de Spéville en a fait du chemin depuis que le premier de ses membres a posé le pied sur ce qui était encore l’Isle de France, en 1794 ! Petit dernier de la dynastie, Cédric occupe depuis un an le fauteuil de PDG de Food & Allied. À 34 ans, il est à la tête de l’un des groupes les plus diversifiés de l’île, qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 300 millions d’euros par an. Ce qui n’était au début, en 1966, qu’un simple élevage de poulets est devenu, sous la houlette de Michel, son père, une entreprise spécialisée dans la filière avicole (de la provenderie aux restaurants KFC), puis dans l’agroalimentaire, la logistique portuaire, le tourisme d’affaires et la publicité. Food & Allied compte 3 800 employés et a implanté des filiales à Madagascar, ensuite à la Réunion et, depuis 2010, en Afrique du Sud. Le groupe a su négocier les virages de la diversification et du développement. Dernier en date, celui de l’éducation, pris en décembre 2013 sous la conduite de Cédric de Spéville : Food & Allied est devenu l’actionnaire majoritaire du Charles Telfair Institute (CTI), grand établissement d’enseignement supérieur privé installé à Moka. Créé en 1999, il compte 1 600 étudiants répartis dans quatre facultés. « Cet investissement n’a rien à voir avec le profit ; il se fait dans le cadre d’une vision à long terme des besoins de notre pays », explique le jeune patron. Passé par les meilleures universités de Paris, Londres et New York avant de terminer son apprentissage de businessman aux côtés de son père, ce golfeur expérimenté pense déjà au prochain coup gagnant. Comme faire venir ses anciens professeurs de Columbia sur le campus flambant neuf du CTI. l O.C. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Le Plus de J.A. Maurice

la sentinelle

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Ameenah Gurib-Fakim 54 ans, directrice générale du Centre de phytothérapie et de recherche (Cephyr)

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meenah Gurib-Fakim a la main verte. Pas seulement parce que son bureau,avecvueimprenablesurlequartier d’affaires d’Ébène, déborde de plantes grasses, qui prennent paresseusement le soleil derrière la baie vitrée. Voilà bientôt vingt-cinq ans que cette chimiste de formation s’est spécialisée dans la science des végétaux. Après des études universitaires au Royaume-Uni, cette Mauricienne est

rentréeaupayspourconstituerlapremière base de données des plantes médicinales endémiques. « Je suis tombée dedans et n’en suis jamais ressortie », sourit-elle. Première femme professeur d’université de l’île, première doyenne de la faculté des sciences, Prix L’Oréal-Unesco 2007 pour son inventaire des plantes de Maurice, docteur honoris causa à la Sorbonne… L’enseignante-chercheuse

multirécompensée a pris la tête, en 2011, du Centre de phytothérapie et de recherche (Cephyr), la société qu’elle avait créée deux ans plus tôt avec l’appui de quelques industriels locaux. Elle travaille actuellement à la mise en place d’un pôle de recherche et développement en biotechnologie pour créer et commercialiser des produits fondés sur les vertus médicinales, cosmétiques et nutritionnelles des plantes mauriciennes. « Ce secteur a une très forte valeur ajoutée et va bientôt peser lourd dans l’économie nationale », assure-t-elle. l O.C.

Antony Withers 60 ans, directeur exécutif de la Mauritius Commercial Bank

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orsqu’il résume son parcours à la tête de la Mauritius Commercial Bank depuis son arrivée en 2006, le Britannique Antony Withers, en bon joueur de cricket, lance une volée de chiffres… qui marquent. Sous sa direction, la première banque du pays a vu son capital croître de 13 milliards (environ 9,8 milliards d’euros) à 51 milliards de dollars, et le cours de son action quadrupler, pour dépasser les 7 dollars. La banque a développé des activités dans une vingtaine de pays africains, mais « c’est la croissance de l’économie mauricienne qui a dopé ses résultats », souligne Antony Withers. Diplômé de l’université de Cambridge, passé par la Commerzbank, puis la Lloyds, le banquier est bien résolu à ne plus quitter Maurice. « Ma maison est ici dorénavant », assure-t-il sous les boiseries en acajou du siège de la vénérable institution. Il vient d’ailleurs de demander la nationalité mauricienne. l O.C. jeune afrique


Une ambition africaine

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Dhaneshwar Damry

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aurice abrite un véritable trésor et personne ne le sait. Exceptés le FBI et Dhaneshwar Damry, qui en détient les clés. L’homme est l’heureux patron de Bhumishq, groupe mauricien spécialisé dans les hautes technologies au service de la finance. Dans le sous-sol en béton armé d’un bâtiment anonyme du quartier d’affaires d’Ébène, à Port Louis, où le groupe siège depuis 2008, trône une batterie d’armoires électriques. Un centre de données comme les autres, dirait-on… « Sauf qu’ici transite l’ensemble des transactions réalisées par carte de crédit dans la région, ainsi qu’une bonne partie des codes de fabrication pour Visa et Mastercard », confie Dhaneshwar Damry. Une installation sans équivalent en Afrique et qui, selon son développeur, est « la

M. Sarat Dutt Lallah CEO Mauritius Telecom

vingt-cinquième plus importante du genre dans le monde ». Avec sa stabilité et ses connexions privilégiées avec le continent, Maurice était la plateforme idéale pour accueillir un tel équipement. L’ancien avocat devenu businessman, grand ami du Premier ministre Navin Ramgoolam, voit déjà plus loin. Il est en train d’installer un centre de données de toute dernière génération à Addis-Abeba (Éthiopie), avant d’équiper de nouveaux clients à Nairobi (Kenya), Accra (Ghana) et Maputo (Mozambique). Bhumishq signifie « l’amour de la patrie » en sanscrit. Pour Dhaneshwar Damry, la patrie n’est pas seulement l’Inde, dont sa famille est originaire, ni Maurice, où il est né : « C’est l’Afrique dans son ensemble. » l O.C.

« Nous disposons des infrastructures adéquates et d’une panoplie d’offres pour répondre aux besoins de toute entreprise »

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À propos de Mauritius Telecom Mauritius Telecom (MT), leader dans le secteur des télécommunications domestiques et internationales à Maurice, est le premier fournisseur de services voix, mobile, Internet et haut débit avec Orange pour partenaire stratégique. Depuis 2008 les services mobile et internet de MT sont commercialisés sous la marque Orange. MT offre une panoplie de produits et services innovants dont l’IPTV, la TV sur mobile, Orange Money, l’iPhone, la fibre pour les foyers et les entreprises, la 4G ainsi que des solutions Cloud. www.mauritiustelecom.com www.orange.mu

info : 8900

la sentinelle

37 ans, PDG de Bhumishq Group


Le Plus de J.A. Maurice IntervIew

Vidia Mooneegan «Notre savoir-faire mérite d’être connu» Le pays peut-il devenir une plateforme de services majeure entre l’Asie et l’Afrique ? Les réponses du directeur général de Ceridian, expert en ressources humaines.

S

pécialisé dans la gestion des ressources humaines au service des grandes multinationales et présent dans une cinquantaine de pays, le groupe Ceridian s’est implanté en 2004 à Maurice, où il emploie plus de 700 personnes, pour un chiffre d’affaires annuel de 20 millions de dollars (près de 15 millions d’euros). Son directeur général, Vidia Mooneegan, 45 ans, est considéré comme l’un des pionniers de l’offshoring (délocalisation des activités de services ou de production des entreprises) dans le monde. JEUNE AFRIQUE : Maurice veut devenir une plateforme financière et une plateforme de services pour les entreprises désireuses de prendre pied en Afrique. Quels sont ses meilleurs arguments ? VIdIA MooNEEgAN : Les mêmes que

ceux de Hong Kong avec la Chine. Outre sa proximité géographique et culturelle avec le continent, l’île est aussi située

 Mooneegan est considéré comme un pionnier de l’offshoring.

prestations au moins équivalente à ce que l’on peut trouver en Europe ou en Amérique du Nord, mais pour un coût inférieur d’un tiers. Que manque-t-il donc à Maurice pour atteindre son objectif ?

Une plus grande visibilité internationale. Le pays doit davantage communiquer sur son savoir-faire, notamment dans le domaine des nouvelles industries, comme les biotechnologies, qui démarrent très fort ici. Attention néanmoins à ne pas se disperser. Il faut définir les deux ou trois filières dans lesquelles nous pouvons

Les jeunes diplômés savent qu’ils ont de meilleures perspectives ici qu’en Occident. entre l’Afrique et l’Asie, qui vont connaître les taux de croissance les plus élevés dans le monde au cours des cinquante prochaines années. Sa population très diversifiée (originaire d’Afrique, d’Asie, d’Europe…) lui donne une identité universelle très favorable au développement des affaires. Maurice peut également s’appuyer sur ses atouts structurels. C’est une économie dont le sérieux est mondialement reconnu, avec un secteur bancaire très rigoureux, très encadré. Enfin, le pays a acquis des compétences indéniables en matière d’offshoring, avec une qualité de n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

vraiment apporter quelque chose de différent, et tout le monde – universités, secteur privé, organismes de promotion de l’investissement… – doit se concentrer sur ces secteurs. Le pays dispose-t-il de ressources humaines suffisantes en nombre et en compétence ?

Pas encore. Mais pourquoi ne pas prendre exemple sur Dubaï ou Singapour, en faisant venir de l’étranger une maind’œuvre qualifiée, voire hautement qualifiée, qui permettra de combler nos manques en matière de compétence et

cyned

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d’expertise? En plus de doper l’économie et la consommation, cela permettrait à l’État d’obtenir davantage de rentrées fiscales. Le tout sous contrôle très étroit des pouvoirs publics, pour éviter les problèmes avec les populations locales. Par ailleurs, de très nombreux Mauriciens partent étudier dans les meilleures universités européennes ou américaines et ont déjà compris qu’ils ont de meilleures perspectives ici qu’en Occident. La diaspora a un rôle très important à jouer en la matière. Comment expliquez-vous le taux de chômage important des jeunes ?

Ils n’ont pas les diplômes attendus par le marché local de l’emploi. Le système éducatif est resté trop académique. Dans une économie de services, il faut développer d’autres compétences, ce qu’on appelle les soft skills, c’est-à-dire le sens de l’organisation et de l’initiative, la flexibilité et la polyvalence, les capacités à gérer un projet, à faire preuve de créativité, à assumer des responsabilités. Aujourd’hui, nous avons par exemple trop de banquiers et de financiers, alors que nous manquons de cadres dans les technologies de l’information et de la communication. Il faut d’urgence réorienter les jeunes vers des carrières mieux indiquées, notamment dans le domaine de l’informatique, où nous n’avons pas assez de personnel qualifié. l Propos recueillis à Port Louis par oLIVIER CASLIN jeune afrique



Le Plus de J.A. Maurice EntrEprisE

le pari gabonais d’iBl Après s’être hissé au rang de deuxième holding du pays, le groupe a fait escale chez ses voisins insulaires, puis mis le cap sur le continent. Destination Kampala et Libreville.

D

epuis sa création en 1972, le groupe Ireland Blyth Limited (IBL) multiplie les bonnes prises. Né de la fusion entre deux des plus grandes compagnies d’import-export de Maurice, Ireland Fraser et Blyth Brothers, établies à Port Louis depuis le début du XIXe siècle, IBL se veut le gardien d’une tradition commerciale et d’un savoir-faire entrepreneurial qui assurent depuis longtemps la bonne fortune de l’île. Avec le temps et l’appui de ses investisseurs (le groupe est coté à la Bourse de Maurice depuis 1994), IBL a su se diversifier et se développer. Fort d’un chiffre d’affaires de plus de 650 millions de dollars (près de 485 millions d’euros) pour l’exercice 2012-2013, il est devenu le deuxième holding mauricien après son compatriote, le Groupe Mon Loisir (GML), l’un des plus grands conglomérats sous-régional, qu’il a d’ailleurs intégré depuis 2010. Présent dans les secteurs de la grande distribution, de la logistique maritime et aérienne, des services financiers, de la représentation commerciale, de l’ingénierie mécanique et des produits de la mer, IBL compte 88 sociétés actives, 7500 employés et représente plus de 200 marques. concurrence. Depuis quelques années, il cherche à repousser les frontières et s’intéresse de très près à l’Afrique. « Le marché local étant de plus en plus étroit et concurrentiel, nous devons forcément aller voir ailleurs pour assurer notre expansion », explique Nicolas Maigrot, le directeur exécutif du groupe, depuis son bureau qui domine les bassins portuaires de la capitale mauricienne. Aprèsunepremièreapprocherégionale, dans les secteurs du transport et de la logistique à la Réunion, aux Comores et à Madagascar, ainsi que dans celui de la pêche aux Seychelles, le groupe a pris n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

p Le siège d’IBL, sur le front de mer de Port Louis. dr

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rendu à Maurice en octobre 2013), porte sur la réorganisation et la modernisation de l’usine de Gabon Seafood, à Libreville, et la création des structures industrielles nécessaires à la mise en place d’une filière locale de pêche hauturière, ainsi que d’un chantier naval pour l’entretien de la flotte. « Nous sommes très fiers que le Gabon ait vu en nous un partenaire privilégié pour développer son industrie marine », se félicite le patron « le Gabon a vu en nous du groupe, qui signe ainsi le un partenaire privilégié pour premier PPP de son histoire. Après un an d’allersdévelopper son industrie marine. » retours entre les deux capiment, pour une durée de vingt-cinq ans, tales, le projet n’a pas encore réellement d’une industrie locale de transformation démarré. Des accords concernant l’expordes produits de la mer. L’investissement tation des produits transformés à forte initial est estimé à 25 millions d’euros, valeur ajoutée vers le marché européen se font encore attendre. Aucune raison de financés à 60 % par IBL et à 40 % par le Fonds gabonais d’investissements s’inquiéter pour Nicolas Maigrot. Depuis stratégiques (FGIS), mais il pourrait début juillet, la première campagne atteindre 100 millions d’euros à long expérimentale de pêche a été lancée, terme, en fonction des projets réalisés. Car, dans des eaux gabonaises forcément à l’image de ce que le groupe développe poissonneuses puisque jamais véritaà Maurice depuis quinze ans, « il s’agit de blement exploitées. Elle va se poursuivre créer une véritable filière intégrée, de la pendant plusieurs mois. « Nous aurons pêche à la commercialisation de produits ensuite beaucoup plus de visibilité sur transformés », précise Nicolas Maigrot. le potentiel réel de ce projet », assure le Le dossier, soutenu par le président directeur exécutif d’IBL. l gabonais Ali Bongo Ondimba (qui s’est olivier cASlin

pied sur le continent en 2012. D’abord en Ouganda, avec l’acquisition de 50 % de la compagnie Fresh Cuts, spécialisée dans la production et la distribution de viande. Puis au Gabon, avec lequel le groupe mauricien semble avoir tissé les liens les plus solides. En février 2013, IBL a signé avec Libreville un accord de partenariat public-privé (PPP) pour le développe-

jeune afrique


16-17 mars 2015, Abidjan

3E ÉDITION

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Économie

SÉnÉGAL

Futurs Médias élargit son répertoire

La reprise Tunisie

se fait attendre

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maritime

Douala, port de l’angoisse

dÉCideUrS

Abdelmalek Alaoui, fondateur

de Global Intelligence Partners

Samy GhoRbaL

alors que bailleurs et investisseurs se réunissent ce 8 septembre à Tunis pour tracer les perspectives d’avenir du pays, son présent n’est guère brillant. Presque tous les indicateurs sont au rouge. La recette qui a fait le succès de cette économie est à réinventer.

L

a Tunisie, premier pays arabe à secouer le joug de la tyrannie, en janvier 2011, touchera-t-elle enfin les dividendes économiques de sa révolution ? L’optimisme qui prévalait au lendemain du sommet du G8 de Deauville, en juin 2011, a laissé place au scepticisme. À l’époque, la communauté des bailleurs, sous l’impulsion du président français Nicolas Sarkozy – qui avait beaucoup à se faire pardonner –, avait promis une enveloppe de 40 milliards de dollars (27,7 milliards d’euros à l’époque), au profit de la Tunisie et de l’Égypte ainsi que la mise en place d’un « partenariat ». Une promesse restée lettre morte. En ira-t-il autrement cette fois-ci ? Tunis accueille, ce 8 septembre, la conférence internationale « Investir en Tunisie: startup democracy ». Pilotée par la présidence du gouvernement, et organisée par l’ambassadeur et ancien ministre Tahar Sioud, cette rencontre réunit une trentaine de pays : les principaux partenaires européens de la Tunisie (dont la France, représentée par son Premier ministre Manuel Valls, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne), les États-Unis, le Japon, le Canada, la Turquie, les voisins algérien et marocain ainsi que les pays du Golfe. Ont également été conviés les institutions multilatérales (FMI, Banque mondial, BAD…) ainsi que des dirigeants de grandes entreprises internationales, déjà présentes en Tunisie ou souhaitant s’y installer.

Catalina Martin-ChiCo/CosMos jeune afrique

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GRÈVES. L’événement revêt une importance capitale pour le gouvernement de Mehdi Jomâa, qui s’est employé, depuis sa nomination au poste de Premier ministre, en janvier 2014, à restaurer l’image de son pays, passablement dégradée après trois années d’errements politiques et de gestion chaotique. Mais arrive-t-il au bon moment ? La rentrée s’annonce difficile, avec des grèves prévues dans le secteur de l’enseignement (le 15 septembre) et de l’énergie (les agents de la Steg, la compagnie d’électricité, ont prévu de débrayer les 17 et 18 septembre). La prévision de croissance vient d’être ramenée à 2,3 %, soit un demi-point l l l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Entreprises marchés

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interview

Hakim Ben Hammouda Ministre de l’Économie et des Finances

HicHem

« Le grand défi reste la relance de l’investissement »

P

our l’ancien conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement (BAD), les prochaines échéances électorales ne doivent pas faire perdre de vue l’objectif de la relance de l’économie par la reprise des investissements dès 2015. jeune afrique : Les prévisions de croissance pour 2014 ont été revues à la baisse. Pourquoi la reprise n’est-elle pas au rendez-vous ? Hakim Ben Hammouda : En

début d’année, la prévision était de 4 %. Nous l’avons ramenée à 2,8 % contre l’avis de certaines institutions internationales. Nous tablons finalement sur 2,3 %. La croissance reste fragile, mais il ne s’agit pas d’une contre-performance. Ce serait le cas si nous réalisions 1,5 %. D’ailleurs, avec de bons indicateurs dans l’agriculture, la reprise du tourisme et de la consommation, nous pouvons d’ores et déjà annoncer que le troisième trimestre sera meilleur que les deux précédents. N’oublions pas que, sur les deux derniers trimestres 2013, le pays était à l’arrêt. En outre, nous avons dû effectuer ces réajustements pour tenir compte d’un contexte d’insécurité. Aujourd’hui, la tendance est à un retour vers plus de stabilité. Cela étant, les années électorales ne sont jamais très propices pour attirer les investisseurs. Nous sommes dans un cycle ; n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

le grand défi reste la reprise de l’investissement en 2015. quelles sont les grandes réformes que le gouvernement veut lancer pour transformer l’environnement économique ?

La loi de finances complémentaire vise à redresser les comptes publics. Elle comprend notamment diverses mesures portant sur la fiscalité. La réforme du secteur bancaire est également en cours d’élaboration et nous préparons un code des investissements allégé. Nous partons du principe que, pour convaincre les investisseurs, il est plus efficace de faciliter les procédures administratives que de proposer des incitations fiscales. après l’éviction des anciens dirigeants d’al karama Holding, où en est la nomination de la nouvelle équipe à la tête de cette société qui regroupe les biens confisqués à l’ancien régime ? quel produit attendez-vous de la cession de ces actifs ?

La nomination de Mohamed Bechiou en tant que directeur général vient d’être approuvée ; la désignation du successeur d’Ahmed Abdelkéfi à la présidence du conseil d’administration ne saurait tarder. Nous tablons sur 300 millions de dinars de recettes pour les ventes prévues en 2014. Je ne m’engage pas sur le montant de la cession de l’ensemble des biens confisqués. l Propos recueillis à Tunis par frida daHmani

l l l de moins qu’initialement prévu. La faiblesse de la demande en Europe a atteint, par ricochet, la Tunisie, qui réalise 80 % de ses échanges avec l’Union européenne. Les investissements industriels ont accusé une baisse de 19,1 % au cours des sept premiers mois de l’année, à 1,8 milliard de dinars (795 millions d’euros), contre 2,2 milliards sur la même période l’an passé. L’inflation demeure à un niveau élevé, aux alentours de 6 %. Mais le principal motif de préoccupation réside dans le déficit courant. Durant les sept premiers mois de l’année, il a atteint 4,95 milliards de dinars (6 % du PIB, en hausse de 29,3 % sur un an). Cette tendance est imputable à un redoutable « effet de ciseaux » créé, d’un côté, par l’atonie des exportations et, de l’autre, par une envolée de la facture énergétique. Le tout sur fond de dépréciation continue du dinar (1 euro s’échangeait à 1,92 dinar en décembre 2010, contre 2,30 dinars aujourd’hui).

ÉLeCtionS. À ces difficultés conjoncturelles s’ajoutent les incertitudes liées au calendrier politique : les élections législatives sont programmées le 26 octobre, la présidentielle suivra le 23 novembre, et les résultats s’annoncent très incertains. « Justement, c’est une prouesse d’avoir réussi à organiser un tel sommet international dans ces conditions », estime l’économiste et ancien ministre Elyès Jouini, qui a été le conseiller du gouvernement tunisien lors du G8 de Deauville. « C’est un signal de confiance fort. Cela montre que nos partenaires étrangers s’intéressent au devenir de la Tunisie. Le gouvernement de Mehdi Jomâa a eu l’habileté de ne pas s’appesantir sur la situation présente, connue de tous, et de tracer des perspectives à moyen terme, qui sont plutôt rassurantes. Il montre que les Tunisiens ont une feuille de route, qu’ils savent où ils vont. » D’autres, comme ce banquier de la place, regrettent la discrétion excessive qui a accompagné la préparation d’« Investir en Tunisie » et critiquent le flou sur ses objectifs. « À la veille de cette rencontre, on ne sait toujours pas exactement en quoi elle consistera, ni si elle vise à mobiliser les ressources pour le budget de l’État ou des financements privés. » Beaucoup s’interrogent sur les capacités du gouvernement de technocrates et sur son bilan, jugé en demi-teinte. Une insatisfaction et des impatiences à la mesure de l’espérance, en partie irrationnelle, que sa formation avait suscitées après deux ans de gestion partisane calamiteuse. À son crédit : il est parvenu à juguler l’hémorragie des finances publiques, au prix de mesures d’austérité. Les recettes fiscales ont augmenté de 16,1 % depuis le début de l’année, ce qui traduit les progrès réalisés dans le recouvrement des taxes et impôts. La loi de finances rectificative, votée après d’âpres débats en août, prévoit un prélèvement exceptionnel de plusieurs journées de salaire pour soutenir le budget de l’État, qui s’applique à tous les salariés du jeune afrique


Législatives Ces patrons qui se présentent public comme du privé. Des efforts récompensés par le FMI qui vient d’annoncer le décaissement de 217,5 millions de dollars (377,9 millions de dinars). Et par le succès, en juin, de l’emprunt obligataire national qui a permis de lever 900 millions de dinars. Au passif : un certain immobilisme sur les grands dossiers. « Les urgences et la gestion ont accaparé les ministres, qui prenaient leurs marques, poursuit notre banquier, mais le chef du gouvernement a sans doute manqué d’audace dans les cent jours qui ont suivi sa nomination, à l’inverse, par exemple, de l’Italien Matteo Renzi [nommé président du Conseil en février dernier], qui a donné un coup de pied dans la fourmilière. » TRANSITION. « L’horizon des réformes ne s’arrête

pas à l’assainissement des finances publiques, estime pour sa part l’économiste Mohamed-Ali Marouani, maître de conférences à la Sorbonne et secrétaire général du Cercle des économistes arabes. Les systèmes de rentes n’ont pas été

Entreprises marchés

6,78 milliards de dinars

C’est le montant de la facture énergétique de la Tunisie en 2013. Elle était de 3,95 milliards de dinars en 2010

50 %

du PIB. C’est le poids de la dette tunisienne. Elle a augmenté de 10 points en quatre ans

BB-

C’est la note souveraine (qui évalue la solvabilité du pays) attribuée par l’agence Fitch à la Tunisie (elle était auparavant de BB+)

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démantelés. Dans de nombreux secteurs, certains monopoles ne se justifient pas et sont uniquement l’héritage de situations acquises. Ce sont autant de freins au dynamisme de l’économie et à une réduction des inégalités. » Longtemps loué par les institutions multilatérales, le « modèle tunisien », fondé sur la sous-traitance, les salaires réduits et la proximité géographique avec l’Europe, est à réinventer. La transition économique s’annonce aussi périlleuse que la transition politique. Elle est à peine ébauchée. Dans l’intervalle, la Tunisie ne pourra pas se passer d’appuis extérieurs. Elyès Jouini se veut raisonnablement optimiste. « Nos partenaires semblent disposés à nous accompagner. Mais leur soutien ne se concrétisera que si le nouveau gouvernement maintient le cap des réformes. Il faut espérer que celui-ci reposera sur une majorité cohérente et saura résister aux sirènes de la démagogie. » Rendez-vous en 2015 pour un début de réponse… l

ORANge TuNISIe, dIffICIle méNAge à TROIS est l’un des dossiers épineux hérités de la révolution.Trois ans après le départ de l’ex-président Ben Ali, la filiale locale du groupe français Orange, à l’image du pays, n’arrive pas à tourner la page. Au cœur de l’imbroglio qui perturbe toujours son développement : les multiples procédures engagées par l’État et Marouane Mabrouk pour revendiquer le contrôle d’Investec, l’actionnaire majoritaire (51 %) de l’opérateur télécom. Soupçonné d’enrichissement illicite, l’ancien gendre de Ben Ali a vu ses actifs au sein d’Investec confisqués par décret en mars 2011. Mais dans l’attente d’une décision de justice définitive, il refuse de lâcher les rênes et continue de présider le conseil d’administration d’OrangeTunisie. Contraint à un ménage à trois, le groupe français tente de maintenir le cap. « Les résultats opérationnels de la dernière année sont bons. Entre juin 2013 et juin 2014,

jeune afrique

Nicolas Fauqué/www.imagesdetuNisie.com

c’

p L’opérateur séduit de nouveaux clients, mais reste déficitaire.

87 % des nouveaux clients des opérateurs télécom ont été captés par Orange. Notre part de marché a augmenté de 3,5 % en volume pour atteindre plus de 16 % [2,8 millions de clients] et notre management est stable », assure Marc Renard, vice-président d’Orange. Une lecture rassurante de la

situation que ne valident pas tous les observateurs. « Cette croissance a été arrachée au prix d’une stratégie tarifaire très agressive qui rogne les marges d’une société toujours déficitaire. En outre, pour pouvoir poursuivre sa croissance, il lui faudra réaliser une augmentation de capital », explique une

source proche du dossier. L’opération est actuellement en discussion avec l’État et porterait sur un montant d’environ 70 millions de dinars. Mais les pouvoirs publics pourraient refuser d’y souscrire si la composition du conseil d’administration n’évolue pas. l JulIeN ClémeNçOT n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Entreprises marchés

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Les indiscrets

Banques Comment QNB est

Maroc Exit l’alcool chEz MarjanE Le leader marocain de la grande distribution, Marjane, se met au régime sec. L’alcool disparaît des rayons. La trentaine d’hypermarchés de l’enseigne appartenant au holding royal SNI sont devenus, depuis la fin du ramadan (début août), 100 % halal, comme c‘est déjà le cas pour les magasins Aswak Assalam, l’enseigne du très pieux Miloud Chaabi. « La décision est purement économique, souligne un cadre de l’enseigne. Marjane veut désormais cibler les familles nombreuses en mettant en avant le concept de “grandes courses“. Cette clientèle consomme beaucoup, mais n’apprécie pas la proximité des rayons d’alcools ». Le choix de Marjane s’expliquerait peut-être aussi, selon certaines indiscrétions, par la volonté du roi du Maroc, principal actionnaire de la SNI, de mettre en cohérence ses affaires avec son statut religieux de Commandeur des croyants. Mais l’argument ne tient pas quand on sait qu’Acima, autre enseigne appartenant à la galaxie SNI, continue, elle, de vendre de l’alcool. Business is business…

entré au capital d’Ecobank

Fadi aL-assaad/reuters

L

es discussions qui ont conduit au rachat, annoncé le 4 septembre, de 12,5 % du capital d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI) par Qatar National Bank (QNB), premier groupe bancaire du Golfe, étaient en cours depuis plusieurs mois. RamziMari, directeur financier de QNB, est entré en négociation avec Asset Management Corporation of Nigeria (Amcon) dès que ce dernier a annoncé, fin 2013, son intention de céder certains de ses actifs bancaires, dont ses parts dans ETI. Le groupe qatari a été plus convaincant que deux autres prétendants de poids : le holding d’investissement Atlas Mara, présidé par Arnold Ekpé, qui n’est autre que l’ancien directeur général d’Ecobank, et le groupe nigérian Union Bank, qui représentait certains de ses propres investisseurs. l

Automobile Des nouvelles usines AfricAines pour toyotA

dr

Le constructeur automobile japonais, dont les activités sur le continent sont pilotées par le Sud-Africain Johan van Zyl, étudie plusieurs projets de construction d’usines pour compléter celles d’Afrique du Sud et d’Égypte. Trois pays sont envisagés pour un investissement. D’abord le Nigeria, où une annonce d’implantation industrielle est « imminente » selon van Zyl,

en raison des volumes importants que la marque écoule dans le pays (20 000 véhicules vendus en 2013). Ensuite, ce sont prioritairement l’Algérie – le deuxième marché automobile du continent – puis le Maroc qui intéressent Toyota. Pour les départager, le groupe japonais observe l’expérience industrielle de Renault dans ces deux pays.

Droit De réponse fibre optique Au GAbon lA bAnque monDiAle réAGit

ABDELHAK SENNA/Afp

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« Dans son numéro 2799 du 31 août au 6 septembre 2014, Jeune Afrique a affirmé, dans un article publié sous le titre “Gabon : le projet de fibre optique à l’arrêt”, que la Banque mondiale s’est retirée du projet au motif que les coûts du chantier ont été fortement majorés parrapportaudevisinitial.

Face à ces allégations, le groupe Banque mondiale tient à préciser que ce projet suit son cours. Pour les travaux de construction de la phase 1 du Backbone national en fibre optique au Gabon, les offres ont été reçues le 16 mai 2014, et le rapport d’évaluation des offres, préparé par les autorités gabonaises,

a été soumis pour revue préalable aux équipes de la Banque le 5 août 2014. Pour le marché de délégation de service public pour l’exploitation, la maintenance et la commercialisation des infrastructures fibres optiques terrestres et sous-marines, l’ouverture des plis est prévue le 22 septembre 2014. » jeune afrique


Entreprises marchés Audiovisuel

Futurs Médias élargit son répertoire Presse, télévision, radio, internet… Sous l’impulsion de son fondateur, Youssou Ndour, le groupe sénégalais déploie des projets tous azimuts. Et s’attaque même à de nouveaux secteurs, comme l’emballage.

H

abituellement discret, Mamoudou Ibra Kane, directeur général adjoint du Groupe FutursMédias(GFM),necacheplus ses réserves sur la manière dont le Sénégal gère le passage à la télévision numérique terrestre (TNT). Le président Macky Sall a confié ce chantier, évalué à 40 milliards de F CFA (61 millions d’euros), à l’un de ses concurrents, Excaf Telecom. « L’État nous doit des éclaircissements », affirme Ibra Kane. Si le premier groupe audiovisuel privé du pays grince des dents, c’est parce que cette évolution technologique va bouleverser le paysage médiatique.Desdizainesdechaînes verront le jour dès juin 2015. Mais, pour l’heure, personne ne sait sur quels critères seront choisies celles qui pourront diffuser. « C’est un enjeumajeurpournotredéveloppement. Nous voulons créer plusieurs chaînes thématiques destinées à la TNT: sport, information – probablement enwolof et en français –, divertissement, musique… », explique Mamoudou Ibra Kane. L’objectif pour le groupe, dont le chiffre d’affaires atteint 5 milliards

de F CFA, est de rediffuser sur les canaux de la TNT des programmes de sa chaîne généraliste TFM. Grâce à ces émissions populaires et déjà payées, le groupe espère dépasser bientôt le cap des 2 milliards de F CFA de revenus publicitaires. D’autant que l’arrivée de la TNT va rééquilibrer la manière dont les annonceurs répartissent leurs investissements. Aujourd’hui, environ 80 % des budgets publicitaires destinés à la télévision (évalués à 14 milliards de F CFA en 2010) sont alloués à la chaîne publique RTS1. ANNONCEURS. Même s’il ne gère

plus au jour le jour la société qu’il a créée en 2003, Youssou Ndour en reste le stratège. Et le chanteur entendbienrenforcerlaprésencede GFM sur internet. Depuis près d’un an, le groupe édite un site d’information généraliste en français qui emploie une quinzaine de salariés. Les programmes produits pour la télévision seront, eux aussi, prochainement mis en ligne. C’est Birane Ndour, un des fils du chanteur, qui pilote cette activité. GFM innove aussi dans la presse écrite. L’Obs, créé en 2003 et qui,

18,2 millions d’euros

C’est le montant de la facilité de crédit accordée à GFM pour la construction d’une imprimerie spécialisée dans l’emballage

avec une diffusion de 100000 exemplaires, est le premier quotidien en langue française d’Afrique de l’Ouest, présentera une nouvelle formule en octobre prochain. Il s’agit d’accorder plus de place à l’actualité sous-régionale. En effet, le groupe souhaite étendre en 2015 la diffusion du titre à la Guinée et à la Mauritanie, voire à la Côte d’Ivoire, où résident d’importantes communautés sénégalaises. Le même mois, Futurs Médias inaugurera JFM, une deuxième station de radio pour compléter l’offre de RFM, et toucher les jeunes de 15 à 25 ans. TÉLÉPHONIE. Mais c’est en dehors

du secteur des médias que GFM pourrait accélérer sa croissance. Youssou Ndour ne fait pas mystère de son intérêt pour une éventuelle quatrième licence d’opérateur de téléphonie. En outre, en octobre 2013, le groupe a obtenu de la part d’Afreximbank une facilité de crédit de 18,2 millions d’euros pour un projet d’imprimerie spécialisée dans l’emballage. Cette usine sera construite à Diamniadio, non loin du futur aéroport Blaise-Diagne. Le pari est de taille, car le marché national de l’emballage, dominé par des produits importés, est évalué à près de 70 millions d’euros. l JULIEN CLÉmENçOT, envoyé spécial à Dakar

ERICK CHRISTIAN AHOUNOU

q L’émission matinale Yeewulen, sur la chaîne TFM, avec Pape Cheikh Diallo, entre Bijou (à g.) et Kya.

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Entreprises marchés

Renaud Van deR MeeRen/Éditons du JaguaR

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p Pour raccourcir les délais d’attente, les dockers déchargent désormais deux navires à la fois. transport MaritiMe

Douala, port de l’angoisse L’infrastructure par laquelle transite le commerce du Cameroun, du Tchad et de la Centrafrique est au bord de l’asphyxie. Les opérateurs publics et privés gèrent l’urgence, mais les solutions de long terme se font attendre.

D

ans la moiteur de Douala, la capitale économique du Cameroun, l’activité du port ne connaît pas de répit. Ce 18 août, deux portiques de quai extirpent les conteneurs des soutes de deux bateaux, l’un battant pavillon libérien, l’autre, chinois. Il y a quelques semaines, la règle était de ne décharger qu’un navire à la fois. Mais il a fallu augmenter la cadence. Car ce port, l’une des principales portes d’entrée d’Afrique centrale, qui voit transiter plus de 90 % des exportations et des importations du Cameroun, du Tchad et de la Centrafrique, est n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

saturé depuis plusieurs mois. La situation est critique, notamment au terminal à conteneurs, Douala International Terminal (DIT), dont le concessionnaire est le consortium formé par le français Bolloré et le danois Maersk. Les raisons de cet engorgement : la vétusté de certains équipements par manque d’investissements, mais aussi l’ensablement, faute de dragage. En 2013, près de 30 navires se sont échoués le long du chenal d’accès. En juin dernier, la situation est devenue critique. Alors que sa capacité de stockage est de 14000 EVP (équivalent conteneurs de vingt pieds), le port en reçoit 19 000 unités. Deux mois plus tôt,

le parc à bois comptait quelque 160 000 m3 de grumes alors qu’il est dimensionné pour en accueillir 90 000 m3. IMPROVISatIOn. Pour faire face

11 millions de tonnes C’est le volume de marchandises qui a transité par le port de Douala en 2013. Cette année, 13 millions de tonnes sont attendues. Les infrastructures sont conçues pour recevoir 10 millions de tonnes

à cette situation, les autorités portuaires ont dû improviser. « Les exploitants camerounais disposent de terrains à la périphérie de Douala où ils peuvent stocker leur bois. Mais ce n’est pas le cas des opérateurs centrafricains et congolais. Nous avons donc été obligés d’accueillir leurs grumes venues de l’hinterland », témoigne Philémon Mendo, le directeur général adjoint de la Société d’exploitation des parcs à bois du Cameroun (SEPBC, une filiale de Bolloré Africa Logistics). En cet après-midi d’août, 24 navires attendaient au niveau de la bouée de base de pouvoir jeune afrique


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de parc, que DIT a acquis pour accoster pour être déchargés. « Les bateaux continuent de rester trois 7 milliards de F CFA (10,6 millions semaines en moyenne dans cette d’euros), sont entrés en action zone d’attente en mer, mais il y a fin août. Parallèlement, au parc une légère amélioration », précise à bois, où la SEPBC a réalisé un Célestin Tawamba, PDG de Pasta investissement de plus de deux Panzani et, à ce titre, gros importamilliards de F CFA pour aménager teur de blé. « Jusqu’à récemment, ils des espaces supplémentaires, le étaient souvent immobilisés quatre rythme de l’embarquement des à cinq semaines, voire plus. » grumes s’accélère, atteignant L’embouteillage de ce port flu3 500 m3 par jour contre 2 100 m3 vial a un coût. Pour compenser il y a quelques semaines. les délais et les immobilisations, Mais avec la reprise des exportations de cacao en septembre, « les armateurs exigent des taux de fret [prix du transport] plus le concessionnaire du terminal élevés », note Josué Youmba, le à conteneurs redoute un nouvel directeur général de l’Autorité porafflux de marchandise qui anéantuaire nationale (APN). Après avoir tirait les efforts de ces dernières augmenté ses tarifs de 150 dolsemaines. lars (114 euros) par EVP en début d’année, Mediterranean Shipping DOUBLEMENT. Car le problème Company (MSC) refuse désormais est structurel. En 2013, le port de charger des marchandises à de Douala a vu transiter près de destination de Douala. Quant à 11 millions de tonnes de marchanMaersk, il multiplie les pénalités, dises alors qu’il avait été confilorsqu’il ne réoriente pas les marguré en 1980, date des derniers chandises vers Pointe-Noire, le port investissements d’extension, pour du Congo voisin. « Nous explorons en traiter 10 millions. Pour cette les possibilités qu’offrent les ports année, les estimations de trafic de Cotonou et Porttablent sur 13 milLe blocage lions de tonnes. Et le Soudan », souligne Groupement interAhmat Goni Bichara, des cargos directeur général de patronal du Cameroun se traduit (Gicam) anticipe un AGB Transit et prépar une doublement de ce sident des transitaires tonnage d’ici à 2020. du Tchad. hausse des Pour les consommaMalgré ces projections, prix des teurs du Cameroun et aucun plan directeur produits de la sous-région, l’enn’a été mis en place. gorgement du port de La réouverture du importés. parc à bois de Kribi est Douala se traduit par une hausse des prix des produits envisagée comme une solution importés. Et, pour les entrepred’urgence. Dans cette cité balneurs, les délais ont un impact sur néaire située à 150 km au sud de la production. « Nous subissons Douala, la construction d’un port une perte de chiffre d’affaires de en eau profonde a coûté plus de l’ordre de 15 % à 20 % en raison des 430 millions d’euros. Mais si l’inruptures d’approvisionnement de frastructure est prête, l’installation notre matière première », constate des différents acteurs de la chaîne Célestin Tawamba. portuaire tarde à se concrétiser. Les candidatures des postulants à la Durant ce mois d’août, chez le gestion des terminaux de vrac – le concessionnaire du terminal à conteneurs, l’objectif est donc celui danois APM Terminals, le philippin d’un « retour à la normale ». « APM International Container Terminal Terminals [une filiale de Maersk] a Services, le français Necotrans, donné un sérieux coup de pouce en Marsa Maroc (ex-Société d’exploichargeant plus de 4 000 EVP pour tation des ports) et le belge Sea l’export », témoigne un armateur Invest – sont toujours en cours qui reconnaît « l’amorce d’une d’examen. l décongestion ». Quatre portiques OMEr MBaDi, envoyé spécial jeune afrique

Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Hydrocarbures L’Afrique est devenue « un acteur de stature mondiale », selon PwC Côte d’Ivoire Olam cède son activité laitière à FrieslandCampina Immobilier Casablanca: le sud-africain Delta International Property achète Anfaplace Congo-Cameroun Mines: un oligarque ukrainien investit 37 millions de dollars dans Sundance L’infographie de la semaine Algérie

Maroc

79e

Tunisie

87e

72e

Top 10 des pays les plus compétitifs

Rwanda

96

Namibie

Rang mondial

Kenya

62e

90e

Zambie

88e

e

Botswana

74e

Maurice

Afrique du Sud

39e

56e

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Décideurs maroc

L’homme qui murmure à l’oreille des puissants

Sans renier l’héritage de son père, indéboulonnable ministre de Hassan II, Abdelmalek Alaoui ne doit sa réussite qu’à son talent. Fondateur de Global Intelligence Partners, il conseille grands patrons et hommes politiques.

L

se faire un prénom. « Plus jeune, je a plupart des consultants m’étais juré de ne jamais côtoyer marocains sont installés à Casablanca, le grand centre les puissants, de ne jamais faire de des affaires du royaume. politique… », se souvient celui qui, Pas lui. Abdelmalek Alaoui a choisi aujourd’hui, dans le royaume, et d’implanter le siège de Global même dans certains pays d’Afrique Intelligence Partners (GIP) dans de l’Ouest, murmure à l’oreille des un quartier huppé de Rabat, la grands. capitale administrative. Au plus près du pouvoir. « C’est ici que je D A N S L’ O M B R E . D e fait, travaille. Mais je dispose aussi d’un Abdelmalek Alaoui s’est affirmé autre local, plus discret, où je reçois à l’écart des arcanes du Palais et mes clients. La confidentialité est des cabinets ministériels. Dès essentielle dans notre métier », 2005, il se lance dans des activités explique-t-il en tirant une bouffée alors assez nouvelles au Maroc : l’intelligence économique, le de son cigare cubain. lobbying et la communication Abdelmalek Alaoui a grandi dans une famille pas comme les autres. d’influence. Aujourd’hui, sa Son père, Moulay Ahmed Alaoui société emploie une vingtaine de (décédé en 2002), était l’un des consultants et surveille quotidiengrands serviteurs du trône et un nement quelque 15 000 sources proche de la famille royale. Il fut d’information. ministre sans interruption de 1956 Diplômé de l’École de guerre à 1998. Sa mère, Assia Bensalah é c o n o m i q u e d e Pa r i s, d e Alaoui, est aujourd’hui Sciences-Po Paris et ambassadrice itinéde HEC, Abdelmalek Enfant, Alaoui est aujourd’hui rante de Mohammed il a vu défiler l’un des experts les VI. « Je suis un enfant bon plus en vue dans duMakhzen.J’aigrandi dans une maison avec ces domaines. Et il nombre de un hall immense et une personnalités ne manque pas de clients. Non seulemagnifique bibliodans le salon ment il conseille des thèque. J’ai vu défiler de nombreuses grands patrons marofamilial. cains comme Mostafa personnalités marocaines et étrangères dans notre Terrab (OCP), Abdeslam Ahizoune salon. Cette ambiance peut être une (Maroc Telecom) ou Moulay Hafid source de stress dans une famille, Elalamy (alias MHE, groupe mais cela offre aussi de nombreux Saham), mais remporte aussi avantages », confie-t-il. presque tous les contrats de veille Parmi ces atouts : un réseau stratégique proposés par le gouimpressionnant. Quand on s’apvernement. Il a ainsi mis en place pelle Alaoui au royaume chérides cellules de veille au sein des fien, les portes s’ouvrent assez ministères du Tourisme ou du facilement. Mais quand on est le Commerce et de l’Industrie, ainsi qu’à l’Établissement de contrôle et fils du vizir Moulay Ahmed, elles s’ouvrent avant même qu’on y de coordination des exportations frappe. Pourtant, cet héritage peut (EACCE), organisme public rattavite devenir pesant pour qui veut ché au ministère de l’Agriculture.

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La clientèle de sa société s’étend même désormais jusqu’au sud du Sahara. Au Bénin, en Éthiopie, au Togo ou au Burkina Faso, Abdelmalek Alaoui traite directement avec les premiers cercles du pouvoir. Que vend-il au juste ? « De la veille stratégique et sectorielle, du conseil en stratégie et en communication de crise… Nous agissons également lors de campagnes électorales pour veiller sur les adversaires politiques de nos clients », explique le patron de GIP. « Enfin, lorsqu’un secteur ou une personnalité fait l’objet d’une tentative de déstabilisation, nous intervenons pour coordonner une contre-offensive médiatique », ajoute-t-il, en restant évasif sur les moyens employés. Malgré sa discrétion, les observateurs savent qu’il a contribué à forger la nouvelle image de Moulay Hafid Elalamy. Naguère qualifié de « patron prédateur », ce dernier est devenu aux yeux des médias « un

Le parcours d’un expert 1978 Naissance à Rabat 2002 Diplômé de l’École de guerre économique à Paris 2005 Organise le Prix de la francophonie économique à Rabat 2007 Diplômé de Sciences-Po Paris 2008 Création de Global Intelligence Partners Hassan Ouazzani pOur J.a.

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2009 Publie Intelligence économique et guerres secrètes au Maroc 2013 Obtient un MBA de HEC et devient éditorialiste pour Le Nouvel Observateur, Forbes, et Slate

jeune afrique


Décideurs

thoMAs D’ArAM/renAult

Bernard CamBier renault Le Français devient directeur des opérations de la marque au losange pour la région Afrique-Moyen-OrientInde (AMI), nouvellement créée. Jusqu’ici directeur commercial du groupe en France, il prendra ses nouvelles fonctions en octobre.

MÉDIaS. Pour certains profession-

nels du secteur, le succès fulgurant de GIP s’explique en grande partie par sa proximité avec le Palais. Mais le jeune patron jure, la main sur le cœur, qu’il n’en est rien. « Pour la moitié des missions qui nous sont confiées, nous avons remporté le contrat via un appel d’offres; l’autre moitié émane de clients à l’international. Il est vrai qu’avoir un bon réseau est essentiel pour réussir en affaires. Mais cela ne fait pas tout. Pour s’imposer dans ce métier, il faut surtout être crédible. Et je pense que les résultats concrets que j’ai obtenus témoignent du savoir-faire de GIP », avance-t-il. Auteur de plusieurs ouvrages dont Intelligence économique et guerres secrètes au Maroc (Éditions Alphée) – le livre le plus vendu dans le royaume en 2010 –, Abdelmalek Alaoui publie régulièrement des chroniques dans l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur ou le magazine américain Forbes. Il voudrait même lancer son propre média – certains affirment qu’il est derrière le projet de lancement du site internet Huffington Post Maroc, qui devrait voir le jour avant la fin de l’année. Le père conseillait le roi, le fils est le roi du conseil. l MehDI MIchbal, à Casablanca

jeune afrique

on en parle

VinCent Fournier/J.A.

rappeler l’éloquence de son défunt père, Abdelmalek Alaoui est aussi à la manœuvre lors du torpillage de la proposition de loi de 2013 qui visait à interdire la publicité pour l’alcool, défendue par le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD – islamiste – au pouvoir). « Tout le monde croyait que cette loi allait passer comme une lettre à la poste, car il est toujours difficile de défendre l’industrie de l’alcool, surtout dans un pays musulman. Mais Abdelmalek a sorti un lapin de son chapeau : l’association des producteurs de raisins, inconnue jusque-là. L’idée était de montrer aux députés et à l’opinion que cette interdiction allait mettre en péril toute une filière agricole qui emploie des milliers de paysans modestes. Et ça a marché! » raconte un collaborateur du communicant.

tiémoko meyliet koné BCeao L’Ivoirien a été reconduit au poste de gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour un mandat de six ans. Il avait succédé à Henri Dacoury-Tabley en mai 2011, après la chute du président Laurent Gbagbo.

Christophe Morin/ip3

grand philanthrope », « un patron patriote ». « Un travail de fond a été mené pour redorer l’image du fondateur du groupe Saham et faire oublier les coups de Bourse qui l’ont enrichi à la fin des années 1990, assure un proche collaborateur de celui qui est devenu, en 2013, ministre du Commerce et de l’Industrie. Pour cela, MHE a créé notamment la Fondation pour l’égalité des chances et il a financé des projets de jeunes entrepreneurs. C’est Abdelmalek Alaoui qui lui a soufflé certaines de ces idées. » Autre mission pour laquelle le lobbyiste a agi dans l’ombre : la négociation des accords agricoles avec l’Union européenne en 2010. « Il a été mandaté par le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, pour infléchir la position de certains parlementaires et médias européens qui s’opposaient farouchement à la reconduction des accords. Akhannouch a d’ailleurs payé cette prestation sur ses deniers, car elle était hors budget pour le ministère », confie une source proche du dossier. Doté d’un exceptionnel sens de la repartie qui n’est pas sans

rémy rioux Quai d’orsay Cheville ouvrière du dernier sommet Afrique-France, l’ancien directeur de cabinet du ministre français de l’Économie et des Finances vient d’être nommé secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères. Il y sera chargé des affaires économiques. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Finance Capital-investissement

Les fonds étrangers accueillis à bras ouverts Les patrons africains sont nombreux à s’ouvrir à des investisseurs venus d’ailleurs, qui apportent de l’argent frais mais aussi l’expertise qui fera décoller leur entreprise.

AVANTAGES. « Malgré le niveau

élevé de liquidités dont disposent lesétablissementsbancaireslocaux, les entreprises africaines manquent souvent de moyens pour financer leur développement. C’est la raison pour laquelle elles se tournent vers les fonds de capital-investissement », explique Serge Thiémélé, n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

associé au cabinet Ernst & Young en Côte d’Ivoire. « Les patrons ont compris qu’ils ne peuvent pas tout financer en empruntant auprès des banques. D’autant que, si leurs Un mode fonds propres sont limités, leurs de financement qui se répand possibilités d’endettement le seront aussi », avance-t-il. Nombre d’opérations Pourtant, certains hommes d’afpar région faires africains rechignent encore à 26 3 recourir à ce type de montage finan5 cier. C’est le cas notamment des créateurs d’entreprise, qui craignent 7 de perdre le contrôle de leur société. 24 19 Céder une partie du capital – même en échange de trésorerie – est une tendance relativement nouvelle. Valeurs des opérations Mais certains entrepreneurs compar région mencent à y voir des avantages. « Je en million de $, 2013 préfère posséder 30 % d’un grand 1 849 groupe que 90 % d’une petite entreprise », affirme Mossadeck Bally, le fondateur d’Azalaï – l’une des rares 163 chaînes hôtelières détenues par un 678 Africain, et qui est présente dans 545 491 cinq pays d’Afrique de l’Ouest. Ce Malien, à qui l’on doit la rénovation Afrique de l’Est de l’Azalaï Hôtel Salam à Bamako, Afrique de l’Ouest Afrique australe est un ardent défenseur du capitalAfrique centrale investissement. Par deux fois, il a fait Interrégional appel au fonds Cauris. « Ce qu’apContinent porte le partenaire, ce n’est pas seulement de l’argent », explique-t-il. the africa report

C

ela pourrait être la plus grande opération de capital-investissement del’année:lefondsaméricainKohlbergKravisRoberts(KKR) a annoncé il y a quelques semaines l’acquisition d’Afriflora, le producteur néerlandais de fleurs basé en Éthiopie. Le montant de l’opération n’a pas été dévoilé, mais certaines sources parlent de 200 millions de dollars (153 millions d’euros). Cette première incursion sur le continent de l’un des plus grands fonds au monde – KKR gère 95 milliards de dollars d’actifs – est le signe que le marché africain du capital-investissement gagne en maturité. Le paysage a bien changé depuis le milieu des années 1990, quand les premiers fonds qui s’intéressaient au continent étaient le plus souvent les bras financiers des principaux donateurs, comme le français Proparco ou l’agence de développement britannique Commonwealth Development Corporation (CDC). La multiplication de fonds nationaux et régionaux, et le fait que les entreprises sont de plus en plus disposées à ouvrir leur capital à des investisseurs extérieurs, ont changé la donne. L’arrivée récente de poids lourds – les américains Carlyle, KKR et Blackstone et le français Wendel – vient confirmer cette tendance.

 L’éthiopien Afriflora est repris par KKR, un fonds américain.

Gerard van Bree/vvBfoto

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Et d’énumérer les autres avantages liés à ce type d’opération: contacts, aide dans la gestion, formation du personnel, élaboration d’une vision stratégique. « Cauris nous a aidés à restructurer notre groupe », conclut-il. Autre bon exemple de cette collaboration fructueuse : l’arrivée de Wendel au capital d’IHS – une entreprise africaine qui opère sur le marché des tours télécoms. En 2013, IHS était demandeur de prêts à court terme pour étendre son réseau de tours au Nigeria. Wendel, quant à lui, voulait investir, mais sur une plus longue durée. C’est quand l’opérateur a eu l’opportunité de s’implanter sur les marchés ivoirien etcamerounaisquelefondsfrançais a accepté de s’impliquer. « Au total, nous avons apporté 420 millions de dollars au capital d’IHS, ce qui lui a permis de lever 1 milliard de dollars supplémentaire », explique Stéphane Bacquaert, le directeur général de Wendel. « Nous avons partagé notre expérienceenAfriquefrancophone, un marché que nous connaissons mieux que le Nigeria », ajoute-til. Alors qu’un investissement de court terme dans IHS pour son jeune afrique


Baromètre

courtisent ou sont courtisées par les fonds de capital-investissement, les entreprises africaines doivent cependant anticiper le moment où l’investisseur décidera de récupérer sa mise initiale et d’empocher la plus-value. « Il est important que les deux parties aient bien fixé les modalités de désengagement et les échéanciers du partenariat avant de s’associer », avertit Serge Thiémélé. Le fait que les multinationales sont de plus en plus nombreuses à chercher des opportunités de développement en Afrique – et donc disposées à reprendre les parts détenues par les capital-investisseurs – peut faciliter cette transition. Ainsi, Danone a racheté le groupe laitier Fan Milk au fonds Abraaj en 2013. Une opération qu’Arif Naqvi, le directeur général d’Abraaj, a qualifiée de « plus grande transaction de capital-investissement [dans l’industrie des biens de consommation] en Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud ». D’après Nina Triantis, directrice générale chargée des télécoms à Standard Bank, ce type d’opération pourrait se multiplier dans les prochains mois, un grand nombre de contrats signés en 2005 et en 2006 approchant de leur phase de désengagement. Michelle Essomé, qui dirige African Private Equity and Venture Capital, dit avoir été surprise de constater que 200 désengagements avaient été réalisés entre 2007 et 2013 sur l’ensemble du continent, d’après les recherches menées par son association. Et concernant le retour sur investissement, « il était deux fois supérieur à celui de l’indice All Share Index de la Bourse de Johannesburg ». Des chiffres qui tendent à prouver que ce type de partenariat est « gagnant-gagnant ». l NiChoLAS NorBrook,

« Les cours continueront de progresser » La forte hausse actuelle des cours du nickel à la Bourse de Londres (de 36 % depuis le début de l’année) s’explique principalement par la suspension par l’Indonésie de l’exportation de ses minerais non transformés. L’impact de cette mesure, en vigueur depuis le 1er janvier, est important, car ce pays asiatique est le deuxième producteur mondial de nickel, avec 300 000 tonnes extraites en 2013, derrière les Philippines (350 000 tonnes), et devant l’australie (240 000 tonnes) et le Canada (225 000 tonnes). La production africaine de ce minerai, qui représente 8 % de celle de la planète, est encore modeste. L’extraction de nickel sur le continent,

essentiellement en afrique australe, a toutefois progressé ces dernières années, notamment avec la mise en production du gisement d’ambatovy dans l’est de Madagascar, pilotée par le groupe anglais sherrit : il a représenté à lui seul quelque 25 000 tonnes vendues en 2013. L’afrique du sud reste toutefois le premier producteur du continent, avec 55 000 tonnes. À plus long terme, au-delà des conséquences de la décision indonésienne, les cours continueront de progresser sur une durée de cinq à dix ans, en raison de l’augmentation continue de la demande d’acier inoxydable, dont le nickel est une composante importante. Celle-ci croît de 4 % par an,

PEtER KnUtSOn

DÉSENGAGEMENT. Lorsqu’elles

Nickel

Magnus Ericsson Directeur associé chez SNL Metal & Mining

alimentée notamment par le développement de la Chine. Les prix du nickel pourraient atteindre durablement 19 000 dollars la tonne (contre 18 660 dollars actuellement). Cette évolution tend à favoriser la filière africaine, notamment en afrique du sud, mais aussi au Botswana, au Zimbabwe, en tanzanie et au Burundi, où 14 nouveaux projets miniers sont en cours de développement. » l

Cours à la Bourse de Londres

En dollars par tonne

18 660

21 200

01.09.2014

13.05.2014

20 000 $

15 000 $

10 000 $

13 445 01.01.2014

5 000 $

0$ 2014

Avril

Juillet

SOURCE : BOURSORama

expansion au Nigeria aurait certainement été profitable pour Wendel, le groupe français a préféré opter pour une vision à long terme avec cette expansion régionale – ce qui a permis à l’opérateur d’entrer dans la cour des grands.

Finance

The Africa Report jeune afrique

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

103


104

Dossier

Responsabilité sociétale des entreprises

EnviRonnEmEnt Et société

Bonnes volontés Outil de légitimation autant que de compétitivité, la RSE fait tache d’huile sur le continent. Reste à en harmoniser les modalités et à en généraliser l’évaluation.

E

n matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), plus moyen d’échapper à la pression internationale. « Les actions des entreprises, des investisseurs, des Nations unies, des consommateurs, des médias et des agences de notation se conjuguent. Du coup, la RSE gagne du terrain en Afrique et se professionnalise », constate Fouad Benseddik, directeur de la méthodologie et des relations institutionnelles de Vigeo, agence de mesure de la responsabilité sociale des organisations. « Certains États comme le Maroc, le Sénégal, le Cameroun, l’Afrique du Sud et le Ghana ont une longueur d’avance en la matière », indique Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Fanny REy

(Iris) et auteur du guide La Responsabilité sociale et environnementale des entreprises françaises en Afrique (2013). Il y aurait selon lui une contrainte tacite à y adhérer, même en l’absence d’obligation juridique, au risque de pâtir d’un déficit de réputation. Pas une année sans que les ONG dénoncent les ravages environnementaux et sociétaux des entreprises comme ceux provoqués par le producteur d’huile de palme camerounais Socapalm ou le pétrolier franco-britannique Perenco au regard de ses activités en RD Congo. Bailleurs comme établissements financiers tiennent d’ailleurs de plus en plus compte des comportements responsables des compagnies pour l’octroi de crédits. Pourtant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. « Dans les multinationales, la distance peut jeune afrique


boIs

Ce que le label FSC a apporté à Rougier

transparence

IntervIew

Mohamed Aziz Derj, directeur

du développement durable de Cosumar

Avec Global Witness, les miniers sous surveillance

être frappante entre les principes affichés par les maisons mères et les comportements des filiales, qui abusent des failles réglementaires et de leur pouvoir sur les acteurs locaux », constate Fouad Benseddik. L’arbre de la RSE cacherait-il la forêt des pratiques non responsables? « Les grands groupes sont loin d’être exemplaires. Ils communiquent beaucoup sur des actions, souvent philanthropiques, qui sont présentées comme de la RSE, alors qu’ils ne sont même pas en conformité avec les principes de base » (lire encadré p. 106), reconnaît Thierry Téné, président de l’Institut Afrique RSE. « Mais une certaine omerta perdure dans le domaine. Pourquoi dénoncer publiquement les agissements d’une société en particulier quand ses concurrents ne font pas mieux ? » s’interroge l’un des principaux promoteurs du concept sur le continent. Reste que la dynamique impulsée depuis une dizaine d’années par les groupes occidentaux a fait jeune afrique

p Le groupe pétrolier espagnol Repsol, qui exploite le champ d’El-Sharara (Libye), publie chaque année un rapport RSE.

Alfredo CAlIZ/PANoS-reA

à ordonner

105

des émules parmi leurs homologues panafricains. « La RSE de l’agro-industriel Sifca est certainement l’une des mieux conçues », note ainsi Pierre Jacquemot. Le groupe agroalimentaire, engagé depuis 2007 dans une démarche de développement durable, est le seul en Côte d’Ivoire à produire un rapport certifié par un cabinet international. Et les PME empruntent progressivement le même chemin. « De plus en plus de petites entreprises intègrent cette dimension sociétale, notamment dans la filière de la transformation », constate Philippe Barry, président de l’Initiative RSE Sénégal. Tout comme l’incontournable Institut Afrique RSE, cette structure sensibilise acteurs privés et pouvoirs publics à l’importance de ce levier de croissance. « L’association Kilimandjaro, née fin 2012, est le premier réseau panafricain de RSE dans la conduite d’études, de formations et dans l’organisation des séminaires. Ceux-ci jouent un rôle fondamental de dynamisation des acteurs », insiste Thierry l l l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Dossier RSE

olivier pour j.a.

106

Téné. Parmi les arguments susceptibles de freiner le déploiement de la RSE, son coût revient de façon récurrente. Difficile à estimer, il dépasse cependant rarement 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, constate Pierre Jacquemot. Pour mesurer les effets de leur politique RSE, les grandes entreprises ont de plus en plus recours à des audits, voire, pour les groupes cotés, à des notations extra-financières (à la demande des investisseurs). Positionnée sur ces deux créneaux depuis douze ans, l’agence Vigeo a effectué des missions au Maroc, en Tunisie, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, en Zambie, au Lesotho et au Niger. « C’est ainsi que nous sommes intervenus en Tunisie à la demande d’Adecco, dans le delta du Niger pour Areva ou au Gabon en réponse à Managem, note Fouad Benseddik. Les sociétés doivent préciser sur quel aspect du référentiel de Vigeo la mission va porter, et il faut que les principales parties prenantes et les représentants des communautés locales puissent être rencontrés. Il ne s’agit pas lll

p L’école primaire du village de Tongon (Côte d’Ivoire) a été construite par le minier Randgold Resources.

de paraphraser le discours tenu par l’entreprise elle-même ! » Publiée fin 2010, ISO-26000 devrait aussi contribuer à cadrer les pratiques. Après ISO-9001 (management de la qualité) et ISO-14001 (management environnemental), elle est la première norme internationale à définir les lignes directrices en matière de RSE. Dernière strate de cet arsenal évaluateur : les labels. Dans le sillage de celui de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie, l’organisation patronale Conect, a lancé le sien fin mars. De son côté, le réseau Kilimandjaro travaille à la mise en place d’un label RSE Afrique. « L’objectif est qu’il soit reconnu par les États, les assureurs, les banques et les investisseurs », explique Thierry Téné. obStacle. La quasi-absence d’évaluation des efforts des entreprises africaines demeure encore un obstacle majeur à la généralisation des bonnes pratiques. Si tous les groupes français de plus de 500 salariés dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros et leurs filiales sont tenus de publier un rapport annuel de RSE, il n’en est rien pour les sociétés du continent. « La réflexion sur le label RSE Afrique pourrait permettre la montée en puissance d’une agence de normalisation qui jouerait ce rôle. Il n’y a que l’État qui puisse assurer une évaluation décorrélée du business, sur la base d’indicateurs définis et reconnus. Cela pourrait déboucher, pour les entreprises labellisées, sur un traitement préférentiel lors des appels d’offres ou sur l’obtention de prêts et de franchises d’assurances à des taux préférentiels », estime Thierry Téné. Une action qui ne fait pas l’unanimité. « Il ne faut surtoutpastropicaliserlaRSE,sinon ladémarcheest vouée à l’échec, met en garde Fouad Benseddik. Le labelCGEMfonctionneeneffetparcequ’ils’agitd’un référentiel fondé sur des normes internationales. » En attendant, pour les entreprises africaines, la stratégie consiste à s’améliorer progressivement. À commencer, pour certaines, par s’assurer du simple respect des codes du travail et de l’environnement. l

Sept axeS pouR un concept

i

l y a d’abord eu le Pacte mondial des Nations unies, en 2000, destiné à inciter les entreprises du monde entier à adopter une attitude socialement responsable. Puis, en 2010 et 2011, le cadre réglementaire s’est étoffé avec la mise à jour des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

et surtout la mise en place d’ISO-26000, première norme internationale sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ce référentiel incontournable décline la RSE en sept thématiques : la gouvernance de l’organisation, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions

relatives aux consommateurs, les communautés et le développement local – la dimension économique étant considérée comme transversale. Ces questions clés visent à identifier les domaines sur lesquels l’entreprise va s’appuyer pour fixer ses priorités et mettre en place un plan d’action.Tout commence par un diagnostic,

avec des objectifs réalistes. Réduction des risques, qualité du dialogue social, rapport de l’organisation avec son territoire, amélioration des relations avec les fournisseurs et les communautés, productivité… La démarche pousse à remettre en question ses pratiques de travail et incite à travailler différemment. l Fanny Rey jeune afrique


Fiers de nos racines africaines Prêts pour notre avenir commun

www.olamgroup.com

TRANSCENDER LES FRONTIÈRES


WITT/SIPA

Dossier RSE

p L’usine d’Owendo, au Gabon. BOIS

Ce que le label FSC a apporté à Rougier Pour attester de ses bonnes pratiques, le forestier français a entamé une certification de ses sites en Afrique centrale. Un sésame indispensable pour accéder à certains marchés. Mais ce pari est-il payant ?

L

ongtemps accusés de menacer à la fois les populations locales et les écosystèmes, certains forestiers cherchent à redorer leur blason. Le néerlandais Wijma au Cameroun, le suisse Precious Woods au Gabon ou encore le singapourien Olam au Congo ont ainsi entamé un processus de certification FSC (Forest Stewardship Council) de leurs exploitations, qui, sous le contrôle d’ONG comme WWF ou Greenpeace, valide le respect de pratiques responsables tant environnementales que sociales. Actif en Afrique équatoriale depuis les années 1950, le français Rougier est l’un des groupes les plus importants à avoir sauté le pas. Entre 2008, date de sa première certification au Gabon, et 2014, il a labellisé près de 1,2 million d’hectares, soit plus de 50 % de la surface qu’il exploite au Gabon, au Cameroun et au Congo. Si la démarche est vertueuse, elle répond aussi aux mutations du marché. Sous la pression du grand public et des ONG, il est de plus en

n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

plus difficile d’écouler du bois qui ne soit pas certifié FSC en Europe du Nord (notamment aux PaysBas, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni) et en Amérique du Nord. Dans le même temps, les pays africains, poussés notamment par la Banque mondiale, ont renforcé leurs codes forestiers depuis le début des années 2000. Ces derniers exigent des plans d’aménagement de plus en plus contraignants pour les producteurs, notamment en limitant les coupes autorisées.

Où en est le processus ? (en millions d’hectares, Gabon, Cameroun et Congo confondus)

FAUNE. « Les sociétés aujourd’hui

certifiées n’ont pas toujours été exemplaires, mais elles ont accompli de véritables efforts, et le FSC a indubitablement engendré un saut qualitatif, notamment en matière d’autorégulation », note Alain Karsenty, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Auparavant, nombre d’entre elles avaient tendance à surexploiter leurs concessions (coupes trop nombreuses, non-respect des

1,16

Surfaces certifiées

2,01

Surfaces auditées

2,07

Surfaces concédées

Source : rougIer

108

diamètres minimaux des troncs des arbres abattus, sous-déclaration des volumes) et se préoccupaient assez peu des communautés riveraines. Certifier plusieurs centaines de milliers d’hectares de forêt tropicale appelle une remise à plat des pratiques. Par exemple, dans le cadre de la certification du massif de Mbang, l’une des concessions de Rougier au Cameroun, le forestier a déployé une petite dizaine de personnes supplémentaires. Parmi elles, un sociologue et son assistant, un cartographe et deux spécialistes chargés de la surveillance de la faune locale. Autre contrainte : le programme FSC demande d’interagir avec les communautés locales avant, pendant et après l’exploitation pour obtenir leur consentement. À elle seule, la concession de Mbang abrite quelque 80 villages, ce qui exige des tournées quasi permanentes. Le volet social de la certification FSC impose également de satisfaire les besoins de base des salariés. Dans les États d’Afrique centrale, souvent mal équipés en infrastructures publiques (écoles et hôpitaux notamment), Rougier a donc pour responsabilité de scolariser, soigner et loger les familles de l l l jeune afrique


E

NERGIE FFICACITE

QUAND LES DÉCHETS AGRICOLES PRODUISENT DU COURANT

L’électricité est un produit rare en Afrique subsaharienne. Encore plus aujourd’hui, alors que la demande augmente rapidement sous l’effet du développement économique. En ville, les délestages trop fréquents perturbent l’activité. Dans les zones rurales, l’absence d’une énergie fiable freine la modernisation. Il faut faire appel à des solutions coûteuses, comme les générateurs diesel ou l’énergie solaire.

COMMUNIQUÉ

trique Au Kenya, pays dont le réseau électrique nt est plutôt fiable et étendu, seulement ès 19 % de la population rurale a accès à l’électricité. Cummins Cogeneration Kenya (Cummins CK), consortium créé en 2011 par Cummins et Gentec Energy Plc, développe une technologie particulièrement innovante, qui devrait trouver de nombreuses applications sur le continent. Entrée en service en mai 2014 dans la région du robi, lac Baringo, à environ 250 km de Nairobi, la centrale de Marigat dispose d’une capargement cité de 12 MW. De quoi satisfaire largement e reste les besoins du village et distribuer le aux localités voisines. ique dite Marigat est une centrale thermique e la bioà « Cycle combiné de gazéification de ’alimente masse ». Pour simplifier, le gaz qui l’alimente oles. Une est fabriqué à partir de déchets agricoles. ble intérêt : telle installation présente un double ui diminue la source d’énergie est locale, ce qui

son coût, et les déchets sont valorisés, alors qu’auparavant ils étaient brûlés en pure perte. De plus, dans ce cas précis, elle permet de lutter contre le développement du bayahonde (prosopis juliflora), un arbuste très prolifique venu des Caraïbes. Au Kenya, il est devenu une plante envahissante. La technologie de gazéification de la biomasse a fait d’énormes progrès ces dernières années. L’utilisation de gaz et d’un cycle combiné permet un bilan carbone largement favorable ; une grande variété de déchets agricoles peuvent être utilisés et ce qu’il en reste peut encore être valorisé, par exemple sous forme d’engrais. d’engrai ais. Enfin, l’association de Cummins, géant de la production d’électricité, et de Gentec Energy Plc, spécialiste du monGent tage financier de projets utilisant des ta carburants verts, confère à Cummins ca CK un savoir-faire exceptionnel pour des installations de toutes dimensions, adaptées à l’environnement où elles seront mises en service. Cummins CK travaille déjà sur plusieurs projets de centrales du même sieu au Kenya et sur le continent, notamtype a en Zambie pour une « petite » centrale ment e de 1,2 MW. « Comme c’est une technique récente, son coût va continuer de baistrès réc sa rentabilité d’augmenter, explique ser et s Krishna, directeur général de Cummins Yash Krish CK. Elle produit de l’électricité, mais aussi emplois et des sous-produits valorisables. des empl seule technologie dont l’impact socioC’est la s économique soit aussi favorable sur les populations qui en bénéficient. » ■

www.cummins.com Robin Kuriakose

Cummins Power Generation +27115898400 +27835564651

DIFCOM/DF

Au Kenya, une première centrale thermique utilisant des « carburants verts » vient d’entrer en service. Le bilan est très favorable. À tous les points de vue.


Dossier RSE l l l ses employés. Des mesures qui ont un coût : entre 2 et 4 euros par hectare, soit un total compris entre 2,4 millions et 4,8 millions d’euros pour Rougier.

PriMe. Le groupe français arrive-

t-il à amortir ses investissements ? Il est sans doute encore un peu tôt pour le dire. Une chose est sûre, la certification est le sésame indispensable pour accéder aux marchés nord-européens, sur lesquels elle permet de vendre avec une prime pouvant aller jusqu’à 20 %… mais qui est loin d’être garantie: il arrive que ce bois FSC ne soit pas vendu

interview

plus cher que le bois non certifié. « C’est un peu un pari, confie Paul-Emmanuel Huet, responsable sociétal et environnemental chez Rougier. Nous pensons que dans l’avenir le marché va exiger plus de garanties environnementales et sociales. Même si, sur une cinquantaine de marchés à l’international, certains sont preneurs, d’autres pas du tout. Nous n’arrivons pas toujours à valoriser notre bois certifié aussi bien qu’on le voudrait. » Et si les pays d’Europe sont demandeurs de bois certifié, leur part dans la consommation mondiale d’essences tropicales a

fortement chuté au profit des pays émergents, passant de 25 % en 2007 à 10 % en 2013. La Chine, premier importateur mondial de bois africain depuis de nombreuses années, n’accorde pas la même importance àcesquestions.«C’estunparamètre qui explique sans doute pourquoi des sociétés certifiées comme Rougier conservent une partie de leurproductionhorsFSC»,décrypte Alain Karsenty, du Cirad. Pour l’heure, le groupe français affirme se donner le temps d’éprouver la rentabilité du modèle avant de gravir de nouvelles marches. l nicoLaS teiSSerenc

Mohamed Aziz Derj

Directeur du développement durable de Cosumar et président du réseau Kilimandjaro

« Les outils doivent être adaptés aux cultures et à l’écosystème africains »

P

arce qu’il a érigé sa politique de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) en stratégie d’entreprise, le marocain Cosumar, spécialisé dans la production de sucre de betterave et de canne, est devenu une référence. Mohamed Aziz Derj, directeur du développement durable, revient sur les bénéfices de cette approche et le travail qu’il mène au sein du réseau Kilimandjaro, réunissant les acteurs de la RSE en Afrique. jeune afrique : quels services spécifiques proposez-vous aux 80 000 agriculteurs avec lesquels vous travaillez ? MohaMed aziz derj: Cosumar

préfinance l’achat des semences, des produits phytosanitaires, des engrais, la mécanisation et l’approvisionnement en eau. Par ailleurs, nous offrons aux agriculteurs une assistance technique, gage d’un meilleur rendement à l’hectare. S’y ajoute un volet social : nous avons créé un fonds d’aide indemnisant les sinistrés en cas d’épisodes de gel et d’inondation et mis en place un système d’assurance maladie. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Le réseau Kilimandjaro a décidé de s’inspirer du label rSe marocain pour en élaborer un à l’échelle du continent. Pourquoi ?

Hassan Ouazzani pOur J.a.

110

p Son réseau réunit les acteurs de la RSE en Afrique.

qu’y gagnez-vous ?

La fidélisation des agriculteurs, grâce à l’amélioration de leurs revenus, ce qui sécurise l’approvisionnement de nos sites industriels. En parallèle, nous sommes aussi à l’écoute de nos salariés via les syndicats, les comités d’hygiène et de sécurité. Un baromètre social bisannuel nous permet de mesurer leurs attentes et de mettre en place des plans d’action pour améliorer la situation. Résultat, nous ne sommes plus confrontés à des problèmes de grèves et nous avons la garantie que nos usines fonctionnent à plein régime.

Ce projet apportera un référentiel aux pays qui n’ont pas encore de label. Il offrira en outre des normes communes, permettant une reconnaissance mutuelle des pratiques. Ce label est par exemple l’opportunité pour les multinationales d’avoir une plateforme unifiée adaptée au contexte africain. La création d’un référentiel africain ne risque-t-elle pas d’induire des exigences moins fortes envers les entreprises ?

L’Afrique a des cultures, des habitudes et un écosystème propres. Il est naturel que les outils soient adaptés. Bien sûr, les valeurs humaines sont universelles, mais la manièrederépondreauxproblèmes et les priorités sont différentes. Contrairement à ce que certains pensent, la prise en compte du terrain rend les choses plus complexes pour les entreprises. Elle les oblige à considérer les attentes et à ne pas confondre RSE et mécénat. l Propos recueillis par fanny rey jeune afrique


111

TRANSPARENCE

Avec Global Witness, les miniers sous surveillance

CHALASANI/SIPA

Depuis Londres, l’ONG fondée en 1993 traque la corruption et met au jour les liens entre filières extractives et conflits meurtriers. La RD Congo est l’un de ses principaux terrains d’enquête.

p Les « diamants de sang » figurent parmi ses cibles privilégiées.

I

nstallé au huitième étage d’un immeuble proche de la station de métro Aldgate, à Londres, l’open space de Global Witness fourmille d’activité. L’endroit ressemble à s’y méprendre à la rédaction d’un grand journal, et pour cause: l’équipe de l’ONG, qui traque sans relâche les abus des multinationales extractives et des corrompus de tout poil, compte dans ses rangsplusieursanciensjournalistes, comme Daniel Balint-Kurti, chargé de la RD Congo, qui a notamment travaillé en Afrique de l’Ouest pour différents journaux dont le Times britannique et le sud-africain Mail & Guardian. Il est loin le temps des pionniers, Charmian Gooch (l’actuelle directrice générale), Patrick Alley etSimonTaylor,troisex-employésde l’Agence d’investigation environnementale (EIA) qui, avec l’aide financière de quelques proches et leurs appartements pour seuls locaux, ont créé Global Witness en 1993. jeune afrique

Leur idée d’alors: montrer par des enquêtes approfondies le lien entre l’exploitation des ressources naturelles, la corruption et les conflits. Aujourd’hui, leur ONG est une machine bien huilée, dont le budget a dépassé 7 millions d’euros en 2013.Outredesanciensjournalistes, l’équipe compte aussi des avocats et d’ex-salariés du secteur extractif. Au total,84employéstravaillentausiège deLondres,tandisqu’unedizainede collaborateurs sont basés au bureau deWashington,quiaouverten2004. dérIves. Fidèle à sa mission ori-

ginelle, Global Witness figure plus que jamais parmi les observateurs les plus avertis du secteur extractif. Mais l’ONG a élargi son champ de recherche en se penchant sur les dérives du système financier qui rendent la corruption possible. Elle s’intéresse également aux conséquences environnementales des activités des multinationales pétrolières, minières et forestières, et

enquête sur les filières extractives artisanales criminelles, qui alimententpotentatslocauxetgroupes privés et fragilisent les États. Si le premier rapport de l’organisation décryptait le financement des Khmers rouges, au Cambodge, par le commerce illégal de bois, Global Witness s’est vite intéressé à l’Afrique. En 1998, l’ONG s’est fait un nom avec une enquête sur les « diamants de sang » en Angola, mettant au jour le système de rémunération des chefs de guerre via les multinationales. Une dénonciation médiatisée qui débouchera sur le processus de Kimberley pour la certification et la traçabilité des pierres. Global Witness a ensuite poursuivi son travail au Zimbabwe, en Guinée équatoriale, au Liberia, traquant les contrats opaques et les financements illicites. Mais, depuis deux ans, c’est surtout en RD Congo que l’ONG fait parler d’elle. Elle a notamment mis en lumière les activités de Dan Gertler, homme d’affaires proche du président Joseph Kabila qui a obtenu des licences minières à prix cassés avant de les revendre à des multinationales et d’encaisser une plus-value estimée à 970 millions d’euros. lobbyIng. L’organisation est aussi

Un parrain nommé soros Le milliardaire américain George Soros est un fidèle soutien de Global Witness. Si l’ONG ne tient pas à entretenir une quelconque dépendance vis-à-vis de ce professionnel de la spéculation, elle a tout de même reçu

5 millions d’euros (un tiers de ses besoins pour la période 2012-2016) de sa fondation, Open Society

à l’œuvre en Occident, poussant à l’adoptionderéglementationsnationales et internationales. L’ONG a été l’un des promoteurs de l’Initiative pour la transparence des industries extractives,lancéeen2002,quiincite les États à publier les revenus tirés des activités minières et pétrolières. Par la suite, elle a fait du lobbying à WashingtonenfaveurdelaloiDoddFrank,adoptéeen2010,quiobligeles compagniesimmatriculéesauxÉtatsUnis à prouver qu’elles ne financent pas des mouvements armés. Si les multinationales extractives, qui ont parfois le culte du secret, apprécient rarement que Global Witness mette son nez dans leurs affaires,plusieursd’entreellesreconnaissent qu’elle a participé à un assainissement du secteur, contribuantàmettreàl’écartdel’industrie des acteurs peu scrupuleux. l ChrIstophe le beC, envoyé spécial à Londres n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


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Fer de lance de l’industrie

PUBLI-INFORMATION

Plus ancienne société de la filière bois dans le pays, grande spécialiste du négoce de bois brut jusqu’en 2009, la Société Nationale des Bois du Gabon (SNBG) a construit ce qui est aujourd’hui le complexe industriel le plus moderne et le plus complet d’Afrique centrale. En moins de quatre ans.

L’

histoire de la SNBG est marquée de profondes mutations dont la plus récente remonte à 2009. À chaque fois, la société a su surmonter les difficultés. Mieux : cette fois-ci, elle les a surpassées. Alors qu’elle était une grande spécialiste du négoce de bois brut depuis des décennies, elle a fait montre de ses capacités d’innovation et d’adaptation pour construire ce qui est aujourd’hui aujourd’hui le complexe industriel le plus moderne et le plus complet d’Afrique centrale dans ce secteur. Bénéfices pour le pays : des exportations plus rémunératrices et davantage d’emplois qualifiés. Pendant longtemps, la SNBG, créée en 1976, comme son ancêtre l’Office du Bois de l’Afrique Équatoriale Française (OBAEF, née en 1944), a assuré la gestion du monopole de l’État concernant la commercialisation de l’Okoumé et l’Ozigo. Très présentes au Gabon, ces deux essences sont très appréciées à l’international. En 2006, forte de la confiance

des exploitants forestiers et de ses clients, la SNBG a résisté à la fin du monopole et poursuivi sa carrière comme l’un des plus importants négociants en bois du pays. Jusqu’en 2009, quand les autorités du pays, pour favoriser l’industrialisation locale, décident d’interdire totalement l’exportation de grumes non transformées. Beaucoup s’attendaient à la disparition de la SNBG, de son expertise commerciale et de ses 147 agents.

L’exemple type d’une transformation industrielle réussie Au lieu de quoi, elle a pris son avenir en main et proposé à ses actionnaires (État 51 %, privés gabonais 43 %, employés 6 %) un plan d’industrialisation sur 4 ans, financé à 80 % sur fonds propres. Aujourd’hui, la SNBG a créé 268 emplois industriels. L’année prochaine, elle aura atteint sa vitesse de croisière et en


L’avenir de la Forêt, le futur des Hommes 5

forestière du Gabon comptera 450. Elle gère sa propre exploitation forestière, de 300 000 hectares, ce qui lui permet de sécuriser, l’approvisionnement de son complexe industriel. Construit sur 12 ha, au cœur du port de Libreville, il a une capacité annuelle de production de 500 000 m3, en trois unités (tranchage, déroulage et sciage). Flambant neuf, moderne, conçu pour être efficace, ce complexe est équipé de matériels derniercri. Leur acquisition s’est accompagnée d’un processus de transfert de technologie qui a permis la formation du personnel à l’utilisation et la maintenance.

Un fort engagement environnemental Bien sûr, la SNBG est engagée dans un processus de gestion durable de son patrimoine forestier. De plus, elle s’organise pour obtenir les certifications internationales qui confirmeront ses méthodes (FSC, Keurhout,

OLB, notamment, pour l’exploitation forestière). Et celles qui valideront ses processus de qualité industrielle (ISO 9001) et de gestion environnementale (ISO 14001), comme tout industriel moderne se doit de le faire. En outre, son processus industriel est d’ores et déjà optimisé pour valoriser les déchets produits par ses machines. Aujourd’hui, sciures copeaux et chutes sont utilisés pour produire de l’énergie dans les séchoirs. D’ici à 2016, ils permettront la production d’une partie de l’électricité nécessaire au fonctionnement du site. Le modèle est celui de l’eau : la SNBG utilise deux forages qui lui permettent de produire l’eau nécessaire au fonctionnement de ses machines. À terme, le site sera autosuffisant en électricité. Puis les déchets seront convertis en combustible qui pourra être exporté et utilisé dans l’industrie (métallurgique par exemple) ou par les particuliers (chauffage).

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De statut de négociant à celui d’industriel de pointe, la SNBG est dotée d’un outil de production ultra-moderne et performant. 1. Le site industriel de la SNBG est relié au réseau ferré national. 2. Préparation des grumes avant les opérations de transformation. 3. Suivant les clients, l’usine de sciage produit des planches, des bastaings, des traverses… 4. L’usine de tranchage fabrique des feuilles de décoration utilisées dans l’ameublement. 5. L’atelier de déroulage produit des feuilles de placages entrant dans la fabrication des contreplaqués. 6. La SNBG exporte 90 % de sa production, principalement en Asie et en Europe.

SIÈGE SOCIAL

B.P. 67 Libreville, Gabon DIRECTION GÉNÉRALE :

Tél. : (+241) 01 79 98 71 DIRECTION COMMERCIALE :

Tél. : (+241) 01 79 99 03

www.snbg-gabon.com

Le site industriel de la SNBG.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR

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Culture & médias

LiTTÉraTure

« Partir, c’est chercher le lieu propice à la réalisation d’un rêve » Dans un premier roman symphonique, Le Ravissement des innocents, l’écrivaine ghanéo-nigériane, qui partage sa vie entre trois continents, évoque le destin de ces « afropolitains » d’ici et d’ailleurs. Propos recueillis par

e

LeïLa SLimani

ncensée par la presse américaine et anglaise, la jeune Taiye Selasi, 35 ans, signe avec Le Ravissement des innocents un livre choral, foisonnant et complexe. Ghanéo-nigériane, Taiye Selasi a étudié aux États-Unis et en Angleterre, a vécu à Rome et s’est récemment installée à Berlin. Produit des plus grandes universités américaines, cette polyglotte au physique de top-modèle est une enfant de la mondialisation. C’est d’ailleurs l’un des thèmes de son roman, dans lequel la famille Sai est éclatée entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Les parents, Kweku et Folá, ont quitté le Ghana et le Nigeria des années 1970 pour rejoindre les États-Unis. Kweku y poursuit de brillantes études de médecine pendant que Folá élève leurs quatre enfants. Mais après une terrible humiliation professionnelle, Kweku rentre au Ghana, abandonne femme et enfants, provoquant l’éclatement de toute sa famille. Il faudra un événement majeur pour les réunir à nouveau sur les terres africaines. n o 2800 • du 7 au 13 sePtembre 2014

jeune afrique : L’un des thèmes centraux de votre livre est l’émigration. Le titre anglais Ghana Must Go se réfère à l’expulsion des Ghanéens de Lagos en 1983. Toute émigration comporte-elle une part une violence ? TaiYe SeLaSi : Je crois que tout dépend des cir-

constances dans lesquelles on émigre. D’ailleurs, l’extrême variabilité des expériences se retrouve dans les mots avec lesquels on les qualifie : on parle d’immigration, d’émigration, d’expatriation ou encore d’exil. À tout cela, je préfère les verbes « partir », « quitter ». Mes parents n’ont pas quitté l’Afrique de l’Ouest parce qu’ils n’aimaient plus leur pays mais parce que leurs rêves ne pouvaient plus s’y réaliser. Pour moi, comme pour eux, partir c’est toujours chercher le lieu propice à la réalisation d’un rêve. Vous avez grandi en angleterre et aux États-unis. est-ce que, comme vos personnages, l’afrique a continué à tenir une place importante dans votre vie ?

Oui. Ma mère a vécu à Accra pendant les quinze dernières années, et mon père n’est allé aux ÉtatsUnis que deux fois durant cette même période. On a souvent tendance à négliger, lorsque l’on parle de l’identité des migrants africains, le rôle que continue de jouer la famille. Quel que soit le temps que j’ai passé aux États-Unis ou en Angleterre, ma famille reste une famille africaine, de l’ouest du continent. La distance n’a aucunement délité les liens familiaux. Je n’ai pas cessé d’être un membre de ma famille, et eux l l l jeune afrique

u À Londres, où la jeune femme est née en 1979.


Wang Wei/Writer Pictures/Leemage

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Culture médias Littérature famille. Durant la plus grande partie de sa vie, il a cru qu’il devait gagner l’amour et le respect des autres grâce à ses succès, à ses réussites. Il n’a pas la sensation d’être en lui-même digne d’amour et de respect. De ce fait, il lui est impossible, au moment où il est victime d’une violente et injuste humiliation, d’imaginer qu’il est encore digne de l’amour de sa femme, Folá. Il ne peut imaginer être pardonné.

l l l n’ont pas cessé de faire partie de moi, sous prétexte que je vis dans un autre pays.

Kweku et Folá font partie de cette élite qui a quitté l’Afrique dans les années 1970 pour poursuivre de brillantes études aux États-Unis. En même temps, ils finissent tous les deux par rentrer en Afrique, malheureux. Selon vous, cette génération était-elle une génération en perte de repères ? A-t-elle en partie échoué à s’intégrer, déchirée entre deux continents ?

Quel que soit le temps que j’ai passé aux États-Unis ou en Angleterre, ma famille reste une famille africaine. Je suis toujours très réticente à l’idée de concevoir mes personnages – dans mon travail comme dans celui des autres d’ailleurs – comme des archétypes sociologiques ou politiques. On peut certainement considérer que Kweku et Folá, tout comme mon père et ma mère, ont grandi dans un contexte sociopolitique particulier. Un contexte dans lequel une scolarité prestigieuse, et plus tard les passeports, ont été offerts à de jeunes Africains à condition qu’ils soient brillants. Mais leurs décisions respectives de rentrer chez eux et de retourner en Afrique me semblent plus motivées par des considérations personnelles que politiques. Tous deux ont le cœur brisé et voient dans un retour à la patrie un moyen de se consoler.

Ah ! Pour moi la structure est simple : c’est celle d’une symphonie. Trois mouvements : le premier, un peu chaotique, un autre très rigide et un troisième qui s’amplifie pour atteindre une apothéose. Tout cela avec un motif central revisité et répété dans chacun de ces mouvements. J’ai étudié le violoncelle et le piano lorsque j’étais enfant et je suis toujours passionnée de musique orchestrale (en particulier de celle de Piotr Tchaïkovski). D’une certaine façon, j’ai toujours su que je voulais composer une symphonie de mots, parce que je n’étais pas assez douée en solfège pour composer autre chose qu’un roman !

Une fois encore, mon roman n’a pas pour but d’analyser des phénomènes sociopolitiques. Cela étant dit, l’histoire est située quelque part, et on ne peut pas faire l’économie d’un commentaire sur le lieu où se situe la vie de nos personnages. Pour ce qui concerne le racisme sous l’ère Obama, il me semble qu’il suffit de voir le nombre de jeunes garçons africains-américains sans défense qui ont été tués par des policiers au cours des douze derniers mois. Est-ce que le racisme est toujours vivace aux États-Unis ? Oui. Tant que les vies de jeunes hommes noirs seront menacées par l’État lui-même, ma réponse sera toujours oui.

En réalité, Kweku quitte sa famille non pas parce qu’il est un migrant ou un Africain, mais parce qu’il se méprend complètement sur sa vie et sa n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

J’ai lu récemment un excellent texte d’un professeur de l’université Yale. Il y pointe la profonde inanité de la vision américaine de la diversité et écrit : « La vérité, c’est que la méritocratie n’a jamais été aussi partiale. Visitez n’importe quel campus prestigieux dans notre beau pays et vous assisterez au spectacle des enfants d’hommes d’affaires et d’universitaires blancs jouant avec les enfants d’hommes d’affaires et d’universitaires noirs, asiatiques et latinos. » Tout est dit… Votre roman a une structure très complexe. Comment faire pour y donner une place à chaque personnage sans risquer d’égarer le lecteur ?

Au moment du licenciement de Kweku, on sent qu’il est victime de racisme et qu’il souffre d’être un « chirurgien africain ». Selon vous, est-il encore difficile d’être africain dans l’Amérique d’Obama?

La figure du père qui abandonne ses enfants est très présente chez les Africains-Américains. Est-ce quelque chose de structurant ou une forme de malédiction ?

Vous écrivez que finalement, dans l’élite, « l’hétérogénéité ethnique » est compensée par « l’homogénéité culturelle » et que les Blancs, les Noirs et les Latinos éduqués dans les grandes universités américaines se ressemblent tous. L’intégration est-elle donc d’abord une question sociale et culturelle ?

Vous appelez « afropolitains » les enfants nés de cette élite africaine des années 1960-1970 et qui a émigré pour étudier. Vous-même, vous sentez-vous africaine ? Américaine ? Afropolitaine ?

Le Ravissement des innocents, deTaiye Selasi, traduit de l’anglais par Sylvie Schneiter, éd. Gallimard, 384 pages, 21,90 euros

Un peu de tout ça ! Être afropolitain, c’est précisément ne pas considérer ces catégories comme exclusives les unes des autres ni même comme déterminantes, finalement. Je suis ghanéenne, nigériane, américaine, britannique. J’ai vécu à Rome, à New York, à Paris et maintenant à Berlin. Je voyage tous les ans à Accra et à Delhi. Je suis le produit de tous ces lieux et, plus important encore, je suis le produit de tout ce que les gens que j’aime ont fait de moi et de tous ceux que j’aime en retour. l jeune afrique


FADEL SENNA/AFp

Culture médias

p L’université Dar-El-Mehraz, à Fès. SCIENCES HUMAINES

explorer le Maghreb Regroupant des articles de spécialistes reconnus, un ouvrage rend hommage au chercheur marocain Driss Mansouri.

R

éalisé à la mémoire du philosophe et chercheur Fassi Driss Mansouri, disparu en 2012, l’imposant recueil Pratiquer les sciences sociales au Maghreb combine des exposés qui n’évitent en aucune manière les sujets sensibles, voire tabous, comme l’esclavage ou la sexualité, et refusent de ménager les susceptibilités identitaires. Pour rendre hommage à leur ami, que l’érudition et la soif de connaissances distinguaient particulièrement, François Pouillon et Mohamed Almoubaker, dans une introduction émouvante, expliquent que leur fidélité les a poussés à insister sur la continuité de l’œuvre de Driss Mansouri plutôt qu’à revenir sur ce qu’elle voulait bâtir. Ils ont convié des spécialistes reconnus, à l’instar notamment de Dominique Casajus,Jean-PhilippeBras,LéonBuskens, ou encore Alain Messaoudi, mais aussi de plus jeunes chercheurs qui tantôt se sont livrés à un examen rétrospectif de leur travail, tantôt ont préféré exposer leurs thèmes actuels de recherche – spécialement novateurs. Les contributions sont données selon des axes qui réussissent le tour de force d’en agencer avec justesse la richesse et la variété, tant les recherches couvrent l’étendue des sciences humaines. Signalons le très beau texte de François Pouillon, qui a jeune afrique

constitué son séminaire d’adieu à l’École des hautes études en sciences sociales (« Dernière séance : retour sur un séminaire »). Qu’on se rassure : ces « adieux » n’avaient pour visée réelle que le cadre administratif universitaire français qui obligeleschercheursàprendreleurretraite à l’âge où ils ont le plus de choses à dire. cuRieux. Ce spécialiste du monde arabe

rappelle que « le rôle de l’anthropologie

Pratiquer les sciences sociales au Maghreb. Textes pour Driss Mansouri, avec un choix de ses articles, sous la direction de Mohamed Almoubaker et François Pouillon, Fondation AbdulAziz, 120 dirhams

n’est certainement pas de faire justice ; et d’ailleurs avec quelles armes et selon quelles lois ? Il ne lui revient pas de juger des faits et gestes des peuples, voire des individus, pour distinguer les bons des méchants, les salopards – même s’il y en a – des innocentes victimes, même s’il en reste. Le travail des anthropologues […] consiste plutôt à dire un tant soit peu comment les choses se passent. » C’est déjà beaucoup. C’est aussi ce qui fait de cet ouvrage une mine d’informations rarement réunies, une lecture passionnante pour les chercheurs, les amateurs, les étudiants, les curieux, ou simplement tous ceux qui auront la chance de mettre la main dessus. l FloRence lozet

PhilosoPhe en Milieu ARiDe DAns lA secrète gAlAxie des chercheurs marocains en sciences sociales, Driss Mansouri n’était pas le plus clinquant. Brillant, il l’était pourtant à sa manière. né en 1949, ce philosophe de formation « fait partie de cette génération d’universitaires qui ont peu publié », témoigne l’anthropologue Hassan rachik, qui l’a rencontré autour de l’aventure éditoriale de

Penseurs maghrébins contemporains (éd. cérès-eddif, 1993), ouvrage collectif qui rassembla les meilleurs spécialistes : el Ayadi, Mouaqit,tozy, sghir-Janjar, et le même rachik. « c’était un très grand lecteur, d’une prodigieuse curiosité pour les sciences sociales. sa production ne fait pas justice à ses indéniables qualités académiques. » Malgré l’atmosphère pesante

(violences, surveillance policière) qui régnait à la faculté des lettres et sciences humaines Dar-el-Mehraz de Fès, Mansouri « était un animateur d’idées hors pair dans une ambiance intellectuelle déprimée, se souvient l’historien Daniel rivet. les étudiants avaient pour cet homme, affligé d’une main atrophiée et claudiquant, un respect empli d’affection ». l YousseF Aït AkDiM n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

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Culture médias PhotograPhie

À leurs risques et périls Comment témoigner du drame centrafricain ? À l’occasion du festival Visa pour l’image, à Perpignan, trois expositions illustrent un quotidien secoué par les violences interreligieuses. Et témoignent des situations extrêmes dans lesquelles travaillent les photoreporters.

«

T

photoreporter pour le quotidien français Le Monde. Dans un tel contexte, la solidarité est de miseentrelesprofessionnelsdelapresse.Il n’y a plus de voitures dans Bangui? Pierre Terdjman, qui s’est procuré un Land Rover à son arrivée, embarque ses confrères à bord du véhicule. Avoir un chauffeur est devenu trop risqué : s’il est musulman, impossible de l’amener dans un quartier chrétien, et vice versa. Logés dans une résidence tenue par un Français, ils partagent leurs informations le soir,envoientleurspho« quand mandela est mort, on s’est tosauxrédactionsgrâce demandé comment redonner une place à la connexion internet à la centrafrique dans l’actualité? » de leur hôte. Parmi eux, Camille Lepage, 26 ans, michael ZumsTein est extrêmement bien Très vite, les journalistes sont pris dans renseignée, elle possède les numéros de un rythme frénétique. « Tous les jours, il téléphone de tous les chefs de guerre. Son y avait de nouvelles victimes, des reprécadavre sera découvert le 13 mai 2014. « Sa sailles. Nos journées commençaient par mort a été un drame absolu », s’émeut l’incertitude : ils attaquent la ville ? Mais Michael Zumstein. qui? On partait sur place en sautant dans un pick-up plein de blessés. On était bien « peTiTe sœur ». William Daniels évoque renseignés par des fixeurs locaux et on longuement la jeune photographe. Il avait allait partout. C’est ce qui nous donnait de pris contact avec elle par Facebook avant l’adrénaline », raconte Michael Zumstein, de partir en Centrafrique, et elle lui avait proposé de travailler avec lui. Il a partagé plusieurs jours de terrain avec la jeune qui a Tué camille lepage ? femme. Lors de son deuxième séjour, Quatre mois après il accepte même de s’installer dans un frontière poursuit. À Bangui, le appartement qu’elle occupe dans le centre la mort de Camille camerounaise. doyen des juges de Bangui. « Je me sentais comme son proLepage (26 ans), en D’après le rapport d’instruction,Yves tecteur, je la considérais comme ma petite mai dernier, les d’autopsie, la Kokoyo, est chargé du sœur, raconte Daniels. Mais la Séléka était conditions exactes de photojournaliste serait dossier. À Paris, une en colère à ce moment-là contre la France sa disparition ne sont morte après avoir reçu information judiciaire à cause de l’opération Sangaris, et c’était toujours pas connues. une balle dans la tête. a été ouverte. dangereux de rester dans cet immeuble. La photojournaliste Deux hypothèses sont L’enquête a été confiée Nous avons finalement rejoint le groupe française a été tuée envisagées : un à l’office central pour des journalistes français de la résidence. » alors qu’elle effectuait règlement de comptes la répression des Lors de ses quatre séjours, il a photoun reportage sur une entre anti-balaka, un violences aux graphié des réfugiés à l’aéroport M’Poko milice anti-balaka guet-apens mené par personnes (oCrVP) de de Bangui, vivant dans des conditions dans le nord-ouest de des Peuls ou des la police judiciaire. sanitaires désastreuses, des militaires la Centrafrique. Le éléments de la séléka. une équipe de des Forces armées centrafricaines (Faca) convoi dans lequel Particulièrement gendarmes français pleurant la mort d’un des leurs ou encore elle se trouvait était compliquée, l’enquête s’est rendue en juillet des chrétiens à Boali ayant pris sous leur tombé dans une diligentée par les sur les lieux du protection des musulmans menacés par embuscade entre justices centrafricaine drame. l VincenT Duhem des anti-balaka. « L’accueil des populations Bouar, Berbérati et la et française se

out a commencé dans le quartier Combattant, sur la route de l’aéroport de Bangui, lors des pillages de commercesmusulmans,sesouvientPierre Terdjman, dont l’exposition “Centrafrique. Ils nous mettent mal à l’aise” est produite par l’hebdomadaire français Paris Match. Nous étions en voiture, et j’ai juste eu le temps de photographier cet homme, machette à la main, qui poursuit les pillards devant sa boutique. J’étais à 5 mètres de la scène ! Cela a été le point de départ de toutes les violences. » Choisie pour illustrer l’affiche de cette 26e édition de Visa pour l’image, à Perpignan (France), cette image date du 9 décembre 2013. En quelques jours, les événements se sont alors précipités en Centrafrique. À Bangui, ils ne sont qu’une dizaine de journalistes à être venus couvrir la crise commencée huit mois plus tôt, après la prise du pouvoir par la Séléka, mouvement à majorité musulmane, qui a fait tomber le régime de François Bozizé. Les militaires du nouveau président autoproclamé Michel Djotodia font régner la terreurdepuisdesmois.Mais,excédéespar leurs exactions, les milices d’autodéfense

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anti-balaka prennent les armes contre eux. Le pays entre dans une période de violence extrême. Début décembre, la morgue de Bangui est saturée. D’une cinquantaine de cadavres, elle passe à 400 en deux jours. « Je me souviens d’avoir vu le corps d’une femme enceinte de huit mois, c’était très dur », raconte William Daniels, lauréat du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) 2014 et qui a travaillé notamment pour le magazine américain Time.

jeune afrique


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William Daniels/Panos Pictures

Culture médias

p Des déplacés protestent contre le manque de nourriture dans le camp de Don Bosco, à Bégoua (décembre 2013).

évoluait énormément en fonction des périodes, explique-t-il. La Séléka était plus dure avec nous. Mais quand le rapport des forces s’est inversé, les anti-balaka ont vite compris que j’allais montrer mes photos. La veille de l’attaque de Bangui, j’étais dans la forêt avec eux, et ils me laissaient travailler, mais dès le lendemain, ils m’ont menacé. » grenades. Pierre Terdjman raconte

avoir assisté à des découpages de corps, des scènes qu’il a photographiées en guise de preuves. Il devient alors un témoin gênant. Sans compter que les populations se lassent de voir des photographes immortaliser leur tragédie. Passer en voiture dans certains quartiers se révèle risqué : des grenades fusent. Trois photos d’une famille clôturent l’exposition « Centrafrique. De terreur et de larmes » du photoreporter du Monde. C’était dans le quartier du PK-13 à Bangui, des milices d’autodéfense anti-balaka chassaient les populations musulmanes. Il se retrouve avec quelques collègues face à cette famille menacée par des miliciens. « Ils n’avaient qu’une envie, les massacrer. jeune afrique

De l’autre côté de la route, à 10 mètres, Zumstein. Déjà, en septembre de la même ils criaient : “On va vous tuer !” Je savais année, convaincre le service photo du que si nous partions, ils allaient mouMonde de le laisser partir n’avait pas été rir », raconte-t-il. Quelques photographes simple. Il est pourtant l’un des premiers vont trouver l’armée française, basée à photographes à arriver sur place, et il s’y 500 mètres, et organisent leur évacuation. rendra cinq fois. La préparation du départ « Dans une telle situation, comment ne est méticuleuse, presque militaire. Mieux pas dépasser son rôle de journaliste ? Et vaut prévoir de la nourriture (boîtes de en même temps, parce que nous sommes thon, barres énergétiques, biscuits), une journalistes, nous devons nous interdire tente, un fixeur sur place. « Le rédacteur toute interaction. Par exemple, quand on Afrique du journal, Cyril Bensimon, était nous dit: “Venez, on a capturé déjà venu en mars, donc il avait le seul chrétien du quartier!” des contacts, on a pu travailler Il faut trouver le juste milieu », très vite », explique-t-il. explique-t-il. Des histoires Après son séjour à Perpignan, comme celle-là, il en a des oùilprésentel’exposition«Crise centaines. humanitaire en Centrafrique », Être photoreporter en William Daniels repartira à pleine guerre civile cenBangui, grâce aux financetrafricaine, c’est aussi être ments du Visa d’or (8000 euros) confronté à l’incertitude et de la bourse Getty Images d’une publication. « Quand (7 000 euros) obtenus au festiVisa pour Ma n d e l a e st m o r t, l e val. Pierre Terdjman et Michael l’image, 5 décembre 2013, on s’est Zumstein comptent aussi y 26e festival du tous demandé : comment retourner. Pour continuer de photojournalisme, redonner une place à la dénoncer l’horreur. l à Perpignan Centrafrique dans l’actuaMarie Villacèque, (France), jusqu’au 14 septembre lité ? » raconte Michael envoyée spéciale à Perpignan n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014


Culture médias En vue

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

liTTÉRaTURE

une saison blanche et sèche Récit poético-fantastique, le dernier livre de Mia Couto évoque un Mozambique défiguré par les clivages raciaux.

M

«

es parents m’avaient toujours traité d’ébahi. Ils disaient que j’étais lent pour agir, attardé pour penser. Je n’avais pas vocation à faire quoi que ce soit. Peut-être n’avais-je même pas vocation à être. Eh bien la pluie était là, clamée et réclamée par tous et finalement aussi ébaubie que moi. Enfin, j’avais une sœur tellement maladroite qu’elle ne savait même pas tomber. » Depuis plusieurs jours, à Senaller, une petite ville dont on ne peut que vouloir partir, « une pluie mince en suspens, flott[e] entre ciel et terre », un « pluviotis » qui trempe l’horizon et dessèche le sol. Le fleuve a disparu, la sécheresse plane. Les villageois s’inquiètent, les uns accusent les ancêtres, les autres rendent responsables les fumées que crache l’usine des Blancs.

Qui se décidera à agir ? La mère du jeune narrateur osera défier l’autorité paternelle et aller parler aux Blancs. Mais dans un Mozambique déchiré par les clivages raciaux et les rapports de domination, trahira-t-elle les siens ? Inquiet, l’enfant trouve refuge auprès de son grand-père, un homme fantaisiste qui aime à raconter des histoires. Lui, le dépositaire de la légende de Ntoweni, détient sans doute la clé du mystère. Récit poétique et conte philosophique sur la vie, la mort et la vieillesse, le dernier livre de Mia Couto, La Pluie ébahie, est un petit délice. Un de ces bijoux qu’il est bien malaisé de présenter sans en appauvrir la richesse ni aplanir ce qui fait sa force et sa beauté. Comme toujours avec l’auteur mozambicain qui a reçu en 2013 le prix Camões (le plus prestigieux pour les lettres lusophones)

philippe matsas/opale

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et, en 2014, le Neustadt International Prize for Literature, l’écriture est inventive, (ré)créative et empreinte d’une saudade singulière. l Séverine Kodjo-GrAndvAux

La Pluie ébahie, de Mia Couto, traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues, éd. Chandeigne, 96 pages, 14 euros, à paraître le 11 septembre nnn

ENQUÊTE

LES SONS DE LA SEMAINE

À découvrir sur

Rythmes traditionnels ouest-africains relookés, jazz psyché, hip-hop pour une rentrée musicale punchy.

Fusion réussie La première belle surprise nous vient d’outreManche avec Fofoulah (Glitterbeat/ Differ-Ant, sortie le 22 septembre). Cette formation londonienne offre une fascinante fusion entre les rythmes traditionnels ouest-africains et toute la

créativité de la scène mondiale contemporaine. Ce projet d’amis, qui tourne déjà depuis 2011, accueille les voix de Batch Gueye (Sénégal), Ghostpoet (d’origine nigériane), Iness Mezel (d’expression berbère) ou encore celle du Gambien Juldeh Camara.

Et aussi… Pour son premier album, Jaiyede Afro (Strut records, sortie le 8 septembre), la légende nigériane du saxophone, Orlando Julius, a eu la bonne idée de s’offrir les services jazz psyché de la formation des Heliocentrics. Les rappeurs français Al, Casey, Vîrus, DJ Kozi et Prodige réunis dans Asocial Club livrent leur premier opus Toute entrée est définitive (Autoprod, sortie le 22 septembre). Un disque sombre et rageur. l jeAn-SéBAStien joSSet n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

Au cœur de l’opération Serval Mali 2013. Grâce aux confidences de dizaine d’officiers français, l’on apprend mille choses sur l’opération Serval. le 10 janvier, les jihadistes s’infiltrent dans Konna à bord de deux bus de voyageurs. le lendemain, riposte française avec hélicoptères sans blindage. le chef d’état-major: « On aura des pertes. » François Hollande: « On y va. » Et le pilote Damien Boiteux est tué. le 26 janvier, Gao est repris par 200 hommes des Forces spéciales. Trois avions réussissent un « poser d’assaut » nocturne sur un bout de piste que les jihadistes n’ont pas obstrué. les américains sont stupéfaits. autres pépites: l’obsession de Hollande pour Tombouctou et les interventions téléphoniques du Tchadien idriss Déby itno en pleine bataille… l ChriStophe BoiSBouvier

La Guerre de la France au Mali, de Jean-Christophe Notin, aux éditions Tallandier, 656 pages, 22,90 euros n n n jeune afrique


Culture médias doCUMENTAIRE

CINÉMA

des invisibles devant la caméra

au-delà de la question palestinienne

ELLEs s’AppELLENT Fatoumata, Aïcha, Bintou ou Géraldine. Toutes, ou presque, des immigrées de milieux populaires, en général illettrées, femmes de chambre employées dans deux établissements d’une immense chaîne d’hôtels à paris. À l’initiative de la CGT, ces travailleuses surexploitées se sont mises en grève pour réclamer une amélioration de leur sort. Un combat de plusieurs semaines, finalement gagné pour l’essentiel, qu’a filmé denis Gheerbrant, déjà remarqué il y a quelques années pour un film sur le génocide rwandais. Un documentaire généreux et attachant mais répétitif et qui ne contextualise jamais le sujet. l

LE CINÉMA EN pRoVENANCE d’IsRAëL a fait une percée extraordinaire depuis une vingtaine d’années, avec des films plutôt critiques sur la façon dont les autorités traitent la question palestinienne. depuis peu, les cinéastes s’intéressent surtout aux problèmes que rencontre la société israélienne, qui devient hypermatérialiste, ségrégationniste, cynique, brutale, fermée à toute vision quelque peu enchantée du monde. Voilà ce dont parle, au-delà de son scénario apparent (une institutrice décèle un incroyable don pour la poésie chez un enfant de 5 ans et se prend pour son sauveur face à l’incompréhension de son entourage), ce remarquable second film de Nadav Lapid. l renaud de rochebrune

L’Institutrice, de Nadav Lapid (sortie à Paris le 10 septembre)

nnn

BEAU LIVRE

Les pharaons redécouverts Une énième descrip t i o n d e l’ é g y p t e ancienne ? certes, mais au travers de « regards insolites », annonce ce beau livre élégamment imprimé et illustré de clichés récents et d’anciens dessins d’artistes voyageurs. l’égyptologue daniel soulié y présente un tableau original de cette terre que les anciens égyptiens appelaient Kemet, « la noire », en allusion aux limons

dr

r.r.

On a grèvé, de Denis Gheerbrant (sortie à Paris le 10 septembre) nnn

fertiles que le nil y déposait. Faisant de fréquents allersretours entre les temps anciens et modernes, l’ouvrage débute par une description physique du pays de pharaon, avant de présenter quelques-uns de ses illustres monarques puis ses habitants plus modestes pour enfin s’intéresser aux regards portés par l’occident sur ses mystères. Une redécouverte. l

Égypte, un cabinet d’amateur, de Daniel Soulié, Bibliomane, 304 pages illustrées, 25 euros nnn

Laurent de Saint Périer

ENT DU JOUR VOTRE SUPPLÉM

ÉCONOMIE Pages 21-36

EMMANUE L RICHON:

A view from his window

HIPPISME

I A . I N F O D E F I M E D

W W W . 10.00 - 56 PAGES - RS 7 NOVEMBRE 2012 NO 668 - MERCREDI

PA L E S MUNICI

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DEREK

La MRA cibles sept individu liés au réseau

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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

MINISTÈRE DE L’ÉQUIPEMENT RURAL PERSONNE RESPONSABLE DES MARCHÉS PUBLICS DIRECTION DE LA MAÎTRISE D’OUVRAGE DIRECTION DE L’APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE

RÉPUBLIQUE TOGOLAISE TRAVAIL-LIBERTÉ-PATRIE

LOMÉ, LE 5 SEPTEMBRE 2014

AVIS PUBLIC D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 013/2014/MER/PRMP/DMO/DAEP LIMITÉ AUX ENTREPRISES DES PAYS MEMBRES DE LA BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT

JEUNE AFRIQUE

5. Les exigences en matière de qualifications sont : ✓ être en règle avec l’administration publique en présentant dans l’offre des pièces administratives indiquées au point 11.1 des données particulières de l’appel d’offres (DPAO) ; ✓ Soumission de bilans vérifiés et certifiés ou, si cela n’est pas requis par la réglementation du pays du candidat,autres états financiers acceptables par l’Autorité contractante pour les trois (03) dernières années (2011, 2012 et 2013) démontrant la solidité actuelle de la position financière du candidat et sa profitabilité à long terme ; ✓ participation à titre d’entrepreneur ou de sous-traitant dans au moins un (01) marché de réalisation et de réhabilitation de forages équipés de pompes à motricité humaine au cours des trois (03) dernières années (2011, 2012, 2013) qui ont été exécutés de manière satisfaisante et terminés pour l’essentiel, et qui sont similaires (au moins 100 forages réalisés) et (au moins 25 anciens forages réhabilités) aux travaux proposés ; ✓ avoir réalisé au cours des cinq (05) dernières années en tant qu’entreprise principale, au moins un (01) marché de réalisation d’un (01) forage à gros débit dans le sédimentaire avec l’utilisation de l’opération de diagraphie qui a été exécuté de manière satisfaisante et terminé pour l’essentiel ; ✓ avoir réalisé au cours des cinq (05) dernières années en tant qu’entreprise principale, au moins un (01) marché de réalisation de fracturation hydraulique sur (01) forage à débit faible qui a été exécuté de manière satisfaisante et terminé pour l’essentiel ; ✓ Avoir réalisé une moyenne de chiffres d’affaires supérieure ou égale à 0,5 fois le montant de son offre HT pour des travaux similaires (pour nouveaux forages (au moins 100 forages réalisés) et pour anciens forages (au moins 25 forages réhabilités)) par marché durant les trois (03) dernières années (2011, 2012, 2013.) ✓ disposer d’une preuve de facilité de crédit bancaire d’un montant au moins égal à 30% du montant TTC de l’offre ; ✓ justifier de la disponibilité du matériel minimum nécessaire (preuve de propriété ou de location) et ✓ proposer un personnel clé ayant de l’expérience. Voir les DPAO pour les informations complémentaires. 6. Les candidats intéressés peuvent consulter gratuitement le dossier d’Appel d’offres complet ou le retirer à titre onéreux contre paiement en espèce d’une somme non remboursable de cent mille (100 000) francs CFA au Ministère de l’Equipement Rural, lmmeuble des 4 Ministères côté Est, Secrétariat de la PRMP 01 - BP : 119 - Tél. : (00228) 22 43 60 73 - E-mail : secretariatprmp@yahoo.fr le matin de 7 h 30 mn à 12 h TU et l’après-midi de 14 h 30 mn à 17 h 30 mn TU. 7. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après :Ministère de l’Equipement Rural, lmmeuble des 4 Ministères côté Est, Secrétariat de la PRMP 01 BP : 119. Tél : (00228) 22 43 60 73 au plus tard le 12 novembre 2014 à 09 h 30 mn TU. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. NB : Les envois postaux, par courrier aérien rapide ou par tout autre moyen d’expédition se font aux risques et périls de l’expéditeur. 8. Les offres doivent comprendre une garantie bancaire de soumission, de montants respectifs de : Cinquante-deux millions cent vingt-cinq mille (52 125 000) Francs CFA pour le lot A et Trente-trois millions (33 000 000) Francs CFA pour le lot B. Les garanties de soumission provenant des institutions de micro finance ou des compagnies d’assurance seront rejetées (voir modèle fourni dans le dossier). 9. Les candidats resteront engagés par leurs offres pendant une période de 120 jours à compter de la date limite du dépôt des offres comme spécifié au point 19.1 des IC et aux DPAO. 10. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à l’ouverture des plis, le 12 novembre 2014 à 10 h 00 TU à l’adresse suivante : Ministère de l’Equipement Rural, lmmeuble des 4 Ministères côté Est, Secrétariat de la PRMP 01 - BP : 119 - Tél : (00228) 22 43 60 73 - E-mail : secretariatprmp@yahoo.fr Le Ministre

N° 2800 • DU 7 AU 13 SEPTEMBRE 2014

Appel d’offres

1. Le gouvernement de la République Togolaise, représenté par le Ministère de l’Equipement Rural (MER) a obtenu de la Banque Islamique de Développement (BID), des fonds afin de financer le coût des travaux du Projet d’Hydraulique Villageoise dans les Régions Maritime et des Plateaux et se propose d’utiliser une partie des fonds pour effectuer des paiements autorisés au titre du présent Marché. 2. Le Ministère de l’Equipement Rural sollicite des offres sous plis fermés de la part de candidats des pays membres de la BID répondant aux critères d’éligibilité (tels que définis dans les Directives pour la passation des marchés financés par la BID, Edition de mai 2009) et aux qualifications requises pour les travaux de réalisation et de réhabilitation de forages répartis en deux (02) lots suivants : Lot A : Région Maritime - Réalisation de 250 sondages (forages) dont 200 jugés positifs seront transformés en forages d’exploitation et équipés de pompes à motricité humaine. Parmi ces forages jugés positifs, un maximum de 24 pourra subir l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique ; - Réhabilitation de 50 anciens forages ; - Réalisation de 08 sondages à grand diamètre dont 03 forages jugés positifs seront équipés en forages d’exploitation destinés aux mini-adductions d’eau potable. Lot B : Région des Plateaux - Réalisation de 267 sondages (forages) dont 200 jugés positifs seront transformés en forages d’exploitation et seront équipés de pompes à motricité humaine. Parmi ces forages jugés positifs, un maximum de 26 pourra subir l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique ; - Réhabilitation de 50 anciens forages ; - Réalisation de 13 sondages à grand diamètre dont 05 jugés positifs seront équipés en forages d’exploitation destinés aux mini-adductions d’eau potable. Les travaux seront réalisés dans toutes les préfectures de Régions Maritime et Plateaux : Lot A : Région Maritime : préfectures de Golfe, Zio, Yoto, Lacs, Vo, l’Avé et Bas Mono. Lot B : Région des Plateaux : préfectures d’Agou Haho, Kloto, l’Amou, Kpélé, Danyi, Ogou,Anié, Moyen Mono, Est Mono,Akébou et Wawa. N.B : - Un soumissionnaire peut proposer des offres pour les deux (02) lots mais il ne peut être attributaire que pour un seul lot ; - Le délai d’exécution des travaux effectifs est de huit (08) mois y compris la durée de mobilisation. Ce délai ne tient pas compte de la suspension des travaux pendant la saison des pluies ; - les variantes ne sont pas autorisées. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres ouvert limité aux entreprises des pays membres de la BID conformément aux Directives pour la passation des marchés financés par la BID. Est qualifiée toute entreprise d’un pays membre de la BID ou toute entreprise dont : - L’immatriculation ou la constitution légale a lieu dans un pays Membre de la BID ; - L’aire principale d’activité est située dans un pays membre de la BID ; - Elle appartient à plus de 50% à une ou plusieurs firmes dans un ou plusieurs Pays Membres (lesquelles firmes devant justifier de leur nationalité) et/ou à des ressortissants de ces Pays Membres ; - Le personnel chargé d’assurer les services dans le cadre du contrat est constitué à plus de 80% de nationaux de Pays Membres de la BID, qu’il s’agisse d’un personnel employé directement ou employé par un sous-traitant ; - La majorité des cadres dirigeants et professionnels est constituée de nationaux ou d’autres Pays Membres de la BID. 4. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de Monsieur KANOU Diégougbène, Personne Responsable des Marchés Publics du Ministère de l’Equipement Rural et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-après :Ministère de l’Equipement Rural, Immeuble des 4 Ministères côté Est, Secrétariat de la PRMP 01 - BP : 119 Tél : (00228) 22 43 60 73 - E-mail : secretariatprmp@yahoo.fr le matin de 7 h 30 mn à 12 h TU et l’après-midi de 14 h 30 mn à 17 h 30 mn TU.


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ÉLECTRICITÉ SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (SNEL) sarl

PROJET DE DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS D’ÉLECTRICITÉ POUR LA CONSOMMATION DOMESTIQUE ET À L’EXPORT (PMEDE) Financement IDA H7080 – ZR DAOI n° 001/PMEDE/SNEL/DG/CDP/DPM/KNF-GKW/2014/MF Fourniture et Installation d’un Réseau VSAT pour la SNEL.

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation des marchés du projet PMEDE paru le 12 avril 2007 dans Dg Market et dans la presse locale ainsi que le 14 septembre 2008 dans Jeune Afrique, dans Dg Market et dans les journaux locaux. 2. La République Démocratique du Congo a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le Projet de Développement des Marchés d’Electricité pour la consommation Domestique et à l’Export (PMEDE). Elle se propose d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché de « Fourniture et Installation d’un Réseau VSAT pour la SNEL ». 3. La Coordination des Projets SNEL (CDP), pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL), invite les candidats admis à concourir, entreprises ou groupements d’entreprises, à soumettre leurs offres sous pli scellé pour les fournitures et services connexes concernés. La fourniture concernée est constituée d’un (1) Lot unique et indivisible.

Appel d’offres

4. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA » (Edition mai 2004, révisée en octobre 2006 et janvier 2011). Le DAO type de la Banque Mondiale est « Passation des Marchés de Fournitures ». Il est ouvert à tous les candidats originaires des pays membres de la Banque mondiale et remplissant les conditions stipulées dans les Directives. 5. Les candidats répondant aux critères de participation et qui le souhaitent peuvent obtenir tout renseignement complémentaire auprès de la Coordination des Projets de la SNEL sarl (CDP/SNEL) et prendre connaissance des documents d’appel d’offres à l’adresse reprise ci-dessous, de 9h à 16h (heures locales, TU+1). 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent acheter un jeu complet du dossier d’appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessus sur présentation d’une demande écrite et moyennant paiement d’un montant non remboursable de trois cents dollars américains (300 $US). Le paiement sera effectué par versement d’espèces au compte n° « 00101 0130403 37 », intitulé SNEL VENTE DAO auprès de la Banque Commerciale du Congo (BCDC) / Kinshasa, code SWIFT : BCDCKI. Le Dossier d’appel d’offres sera envoyé aux soumissionnaires, contre présentation de la preuve de paiement, par courrier. Les frais d’envoi des dossiers aux acheteurs sont en sus et à charge de ces derniers. 7. Les Soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le mardi 28 octobre 2014 à 15H00’ (heure locale, TU+1) sous pli scellé et doivent être clairement marquées « AOI n° 001/PMEDE/SNEL/DG/CDP/DPM/KNF-GKW/2014/MF : Fourniture et Installation d’un Réseau VSAT pour la SNEL. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les offres soumises doivent être assorties d’une garantie de l’offre de : USD 15.000 (dollars américains quinze mille). La garantie de soumission sera une garantie bancaire. Cette garantie de soumission demeurera valide pendant vingt-huit (28) jours audelà de la date limite initiale de validité des offres, ou de toute nouvelle date limite de validité demandée par l'Acheteur et acceptée par le Soumissionnaire, conformément aux dispositions de la Clause 20.2 des IS. La période de validité initiale des offres est de cent vingt (120) jours. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture qui aura lieu le mardi 28 octobre 2014 à 15H30’ à l’adresse ci-dessous : La Coordination des Projets (CDP) - Direction Générale de la SNEL Avenue de la Justice n° 2381 - Quartier : Socimat - Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo Tél. : (00243)81 7005428 ; (00243) 81 0040030 ; (00243) 813761128 E-mail : cdp.snel@yahoo.fr / masbumba@yahoo.fr / ilungaclaire@yahoo.fr / gerardkamo70@yahoo.fr Le Coordonnateur des Projets. MASOSO BUMBA

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RECHERCHE PANEL D’EXPERTS (BARRAGISTE, GÉOLOGUE, ÉLECTROMÉCANICIEN, ENVIRONNEMENTALISTE ET SPÉCIALISTE EN QUESTIONS SOCIALES) POUR LE PROJET HYDROÉLECTRIQUE DE NACHTIGAL AMONT Contexte : Le projet hydroélectrique de Nachtigal Amont (420 MW) sur le fleuve Sanaga (à 65 km de Yaoundé) est développé par un consortium composé du Gouvernement du Cameroun, Electricité de France, la Société Financière Internationale et Rio Tinto Alcan. L’aménagement hydroélectrique comprend la construction de barrages en béton compacté au rouleau (BCR) de 2000m de longueur cumulée, d’un canal usinier revêtu de 3300 m, d’une centrale hydroélectrique dotée de sept groupes de 60 MW, d’un poste de production ouvert et d’une ligne de transport d’énergie en 225 kV d’une longueur de 50 km jusqu’au poste d’arrivée à Nyom, et d’ouvrages annexes. Afin de se conformer aux meilleures pratiques internationales en matière d’aménagement hydraulique et environnementale et sociale (E&S), les partenaires souhaitent mettre en place un Panel de 5 Experts indépendants pour donner au consortium,dans une approche constructive, des avis et recommandations sur les aspects techniques (niveau APD) et E&S du projet (qualité, pertinence, conformité aux standards internationaux et aux normes de performance environnementales et sociales de la SFI, et aux conditions locales des études).

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Recherche pour le Panel Technique : • Un barragiste (chargé de la coordination des activités du Panel Technique) ayant des compétences reconnues en matière de conception et construction de barrage en béton ou BCR, et de sécurité des barrages. Il sera également familier avec les méthodes numériques de calcul des barrages ; • Un géologue ayant une grande expérience dans la conception et la construction de grands barrages dans des conditions géologiques similaires à celles de Nachtigal ; • Un électromécanicien ayant une expérience en matière de conception d’usines hydroélectriques de grande puissance, de turbines Francis, de poste et de ligne HT. Recherche pour le Panel E&S : • Un environnementaliste (chargé de coordonner les activités du Panel E&S) : pouvant justifier d’une solide expérience (15 ans minimum) dans les domaines suivants : (i) évaluation environnementale de grands projets d’aménagement hydrauliques ; (ii) élaboration et mise en œuvre d’un Plan de Gestion Environnementale et Social ; (iii) consultations publiques et restitutions. • Un spécialiste des questions sociales. L’Expert, diplômé en sciences sociales ou tout autre diplôme équivalent, devra pouvoir justifier d’une bonne connaissance des questions sociales liées aux aménagements hydrauliques :santé et sécurité au travail,développement socioéconomique, santé des communautés, élaboration et mise en œuvre de plans d’indemnisation et de reinstallation involontaire des populations, participation et engagement des parties prenantes, etc. L’expert aura au moins 10 ans d’expérience comme expert social au Cameroun. Pour les 5 experts,une précédente expérience comme membre d’un panel d’experts indépendants d’un grand projet d’aménagement hydroélectrique en zone tropicale serait un atout. Ils devront être familiers avec les politiques opérationnelles et les procédures d’évaluation de la Banque Mondiale et de la SFI. Ils doivent parler et écrire couramment le Français. Calendrier et Livrables : La mission se déroulera de septembre 2014 à fin 2015 (Financial Close).Toutes les interventions du Panel feront l’objet de la remise de rapports écrits rédigés en français dans des délais qui seront définis en accord avec le Chef de projet. Contact : Renseignements complémentaires et dépôts des candidatures auprès du Bureau Projet Nachtigal avant le 15 septembre 2014, 1077, rue Frédéric Foé, Quartier Hippodrome - BP 15936 YAOUNDÉ, CAMEROUN - recrutements@nachtigal-hpp.com

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Vous & nous

le courrier des lecteurs

Cependant vous avez raison, en ce domaine, l’abondance d’articles ne peut qu’être bénéfique. l

Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

État islamique Dîner avec le diable Après Avoir oublié qu’Assad était le fils talentueux du « bismarck arabe » (formule de Kissinger) quand ils ont cru à leur portée son « dégagement » dès le printemps 2011, les diplomates occidentaux feraient bien maintenant de se rappeler un vieil adage de la géopolitique moyen-orientale : « pas de guerre sans le Caire, pas de paix sans Damas ». prophétie autoréalisante ou engrenage inévitable, la crise syrienne a fini par embraser le Moyen-orient, comme l’avait annoncé le maître de Damas. l’irak explose et l’état

islamique (Ei) menace le liban et la Jordanie. or le cœur de sa puissance se situe dans son fief syrien, et si une force internationale doit intervenir, elle ne pourra se passer de l’accord d’Assad pour éradiquer le fléau. Ne faut-il donc pas dès maintenant se résoudre à dîner avec le diable, quitte à se munir d’une très longue cuillère ? l

lA rÉDACtion

Antoine ChAlus,

découpé à la tronçonneuse fin août alors qu’il agonisait. C’est insupportable, et Jeune Afrique devrait se saisir de ce combat. il faut dénoncer, sensibiliser et agir contre ces braconniers qui menacent de faire disparaître des espèces animales nécessaires à la biodiversité. le massacre des éléphants d’Afrique centrale va s’intensifiant, mais votre journal n’en parle pas. l

Bourbon-l’Archambault, France

Éloïse MArtin,

Massacre le calvaire des éléphants J’Ai été boulEvErséE par les images d’un éléphant de la forêt gabonaise

réponse C’est un phénomène préoccupant, en effet. Mais, contrairement à ce que vous affirmez, Jeune Afrique s’en est déjà fait l’écho à plusieurs reprises.

Quimper, France

israël responsable, lui aussi bArACK obAMA se trompe en traitant l’état islamique de cancer. le véritable problème de cette région, c’est l’état d’israël, artificiel, créé de toutes pièces, qui grignote chaque jour des territoires avec la complicité des occidentaux et surtout en raison de la lâcheté des dirigeants arabes. on a l’impression que seul israël a des droits et que les israéliens sont audessus de tous. l’Holocauste n’est pas la douleur suprême : chaque peuple a la sienne, et aucune affliction n’est au-dessus d’une autre. l toure AlMAMy, Abidjan, Côte d’Ivoire

Boko Haram Et si Biya visitait l’extrême Nord? Les incursions de Boko Haram et autres groupes armés dans l’extrême nord du cameroun interpellent la population sur toute l’étendue du territoire. La récente déroute d’une unité de 700 hommes de l’armée nigériane et son repli sur le territoire camerounais ont ravivé les inquiétudes sur les capacités de nos forces de défense à venir à bout de ce nouvel ennemi. chacun y va de son scénario inspiré de fictions, de romans ou de l’actualité au moyen-orient : exploitation des antennes-relais Gsm pour repérer p Dabanga, le 17 juin 2014. Convoi de soldats les insurgés, infiltrations dans la camerounais en guerre contre Boko Haram. population, assassinats ciblés, etc. dans cette guerre qui concerne plusieurs pays (cameroun, nigeria, Tchad), l’aide des grandes puissances ou « pays amis » est très peu visible, voire inexistante. Profane des usages en matière de coopération militaire, je m’interroge sur la possibilité pour ces pays de communiquer des photos prises par satellite, sur la position exacte de ces bandes armées. en attendant, les conseillers en tout genre du président Paul Biya devraient lui recommander une visite à ses troupes et aux populations dans cette partie du pays, en sa qualité de chef suprême des armées. une idée que plusieurs compatriotes jugent chimérique sur les réseaux sociaux. Le locataire du palais d’etoudi est en vacances… l hugues MBAlA MAngA, Douala, Cameroun n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

REINNIER KAZE/Afp

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Constitution Criminelle révision pour résouDrE la question de la stabilité politique en Afrique, il faut pacifier et civiliser la bataille en donnant toutes les chances à l’alternance démocratique et en prévenant toute confiscation du pouvoir par un clan ou un seul homme. la fin tragique des dictatures a démontré que lier la stabilité et le destin d’un pays aux ambitions d’un homme fort, c’est organiser une stabilité en trompe-l’œil qui fatalement débouchera à long terme sur une grande fragilité politique. D’où la limitation constitutionnelle du nombre des mandats présidentiels. l’état démocratique a pour mission de relever le niveau d’éducation des citoyens, de promouvoir les libertés publiques et de renforcer la jeune afrique


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démocratie. Lorsqu’un dirigeant élu recourt à la corruption et à la répression et profite de l’immaturité politique de son peuple pour confisquer le pouvoir et asservir toute la nation aux intérêts de son clan, ce n’est ni plus ni moins qu’un crime politique. l

algérie-Maroc une urgence pour l’europe Merci pour votre « Grand anGle » consacré aux vingt ans de la fermeture de la frontière algéro-marocaine (J.A. n° 2799, daté du 31 août au 6 septembre). les reportages montrent bien qu’en dépit de l’entêtement des deux voisins cette barrière est allègrement traversée par ceux qui le désirent. enfin, surtout par les trafiquants de tout poil. Seuls perdants, les populations des deux zones frontalières, et, plus généralement, des deux pays. Je souhaite ajouter un point à votre argumentaire. Si les égoïsmes nationaux perdurent, pourquoi l’europe

Nestor MukeNdi MukeNdi, Kinshasa, RD Congo

Côte d’ivoire des lauriers pour un comzone Ainsi, L’excomzone issiaka ouattara a quitté la côte d’ivoire le 28 août pour une formation à l’Académie militaire de meknès, au maroc… Quel message républicain les dirigeants

actuels entendent-ils envoyer aux ivoiriens avec un tel personnage dans l’armée ? Lui et les autres ex-rebelles

u J.A. nº 2799, du 31 août au 6 septembre. n’encourage-t-elle pas plus ardemment la réconciliation ? elle aurait pourtant tout à y gagner. un Maghreb uni et plus fort économiquement offrirait des débouchés supplémentaires à l’union européenne. ce serait, de plus, une zone de stabilité, ce qui réduirait la pression migratoire en retenant les candidats à la traversée… l saMir Boussahia, Oran, Algérie

devenus riches (!) n’auraient jamais battu l’armée régulière ivoirienne de mangou sans l’aide de la France. Leur

arrogance et leurs postes sont injustifiés. l FegNuMaN kagNi, Paris, France

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Langues mourantes

N

ous vivons chacun dans un milieu donné. Mais combien d’entre nous sont vraiment attentifs à ce qui s’y passe, qu’il s’agisse des habitudes alimentaires, des modes, des façons de s’exprimer dans nos langues et dans celles que nous avons héritées de la colonisation ? Très peu, en réalité. c’est normal : rien ne nous semble étrange parce que notre attention est depuis longtemps en berne. Paresse intellectuelle, insouciance, démission, ignorance, indifférence? sans doute un peu de tout cela. Pourtant, il suffit d’une petite minute de concentration pour se rendre compte de l’ampleur des dégâts. un exemple ? J’en ai plusieurs. vous débarquez un jour à Dakar, au sénégal. votre souci : comment communiquer avec ceux qui ne parlent que le wolof. cette crainte est inutile car, que ce soit dans la rue ou à la télévision, la langue parlée par les uns et les autres contient tellement de mots français que vous comprendrez tout sans connaître le wolof. vous arrivez ensuite à Kinshasa. amateur de musique congolaise, vous n’avez aucune idée de ce que disent les chanteurs dans leurs textes parce que vous n’avez jamais appris le lingala, l’une des quatre langues nationales. En regardant par hasard les journaux télévisés en lingala et en kikongo, autre langue nationale, vous découvrirez que « République démocratique du congo » se dit… « République démocratique du congo » dans ces deux langues !

Ce n’est pas la peine de vous fatiguer : dans les villes, personne ou presque, de l’analphabète au docteur ès quelque chose, en passant par le ministre et l’enseignant, n’est en mesure de parler correctement une langue congolaise sans l’assaisonner d’une forte dose de mots français. La raison ? ils en ont une connaissance rudimentaire, et leur vocabulaire est d’une pauvreté consternante. Pourtant, faut-il le souligner, le lingala, par exemple, est la langue maternelle de millions d’enfants nés à Kinshasa. L’échec de l’enseignement des langues nationales a des conséquences désastreuses sur les jeunes, qui, globalement, pensent dans leur langue maternelle non maîtrisée et traduisent leurs idées dans un français plus qu’approximatif. or, à l’époque coloniale, les Belges avaient formé nos parents dans ces mêmes langues sans insister sur le français. Les raisons de ce choix n’étaient pas forcément nobles. Mais nos anciens au moins savaient lire et écrire correctement les langues indigènes. Certains pays s’en tirent plutôt bien. c’est le cas du Rwanda et du Burundi. Dans ces deux petits États, la maîtrise du français n’est pas l’apanage de tout le monde. En revanche, tout le monde maîtrise parfaitement le kinyarwanda et le kirundi. on trouve même des journaux en kinyarwanda à Kigali. ce qui est rare dans nos pays. À mon avis, ne pas insister dans la formation des élites de demain sur une solide connaissance des langues nationales est une voie dangereuse. car, en réalité, les langues qu’on baragouine s’appauvrissent chaque jour davantage et finissent par mourir. Pourquoi existe-t-il des bibles en langues africaines et pas, sauf exception, d’œuvres littéraires ? À l’heure où l’on parle de révisions constitutionnelles et du recours au souverain primaire, combien d’États ont traduit leur constitution dans les langues du terroir afin que les peuples du continent en comprennent les enjeux ? l N o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014

jeuNe afrique

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édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed directeur de la publication : marwane Ben Yahmed rédaction directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) directeurs exécutifs : marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) rédaction en chef : élise colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), laurent Giraud-coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : chantal lossou chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), michael pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), tarek moussa et nadia lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric maury (Économie), Jean-michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), cécile manciaux avec olivier caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine clerc, Fabien mollon rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, pierre Boisselet, rémi carayol, olivier caslin, Julien clémençot, Frida Dahmani (à tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, christophe le Bec, omer mbadi (à Yaoundé), mehdi michbal (à casablanca), nicolas michel, Haby niakate, cherif ouazani, laurent de Saint périer, Joan tilouine ; collaborateurs : edmond Bertrand, christophe Boisbouvier, renaud de rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times responsable de la communication : Vanessa ralli (v.ralli@jeuneafrique.com), avec Fatou tandiang réaliSation maquette : marc trenson (directeur artistique), christophe chauvin (infographiste), Stéphanie creuzé, Julie eneau, christian Kasongo, Valérie olivier ; révision : nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir pol ; fabrication : philippe martin (chef de service) ; service photo : Dan torres (directrice photo), nathalie clavé, Vincent Fournier, claire Vattebled ; documentation : Angéline Veyret avec Sylvie Fournier et Florence turenne JeuneaFrique.com direction éditoriale : élise colette ; chefs d’édition : pierre-François naudé, Frédéric maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, trésor Kibangula, mathieu olivier, Benjamin roger directeur technique : Julien Hédoux ; studio : cristina Bautista, Jun Feng et maxime pierdet diFFuSion et abonnementS Vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; maty n’Dome (chef de produit) ; abonnements : amiX, Service abonnements Jeune afrique, 326, rue du Gros-moulin, Bp 10320, 45200 AmillY. tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com communication et publicité diFcom (agence internationale pour la diFFuSion de la communication) S.A. au capital de 3 millions d’euros – régie publicitaire centrale de SiFiJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 paris tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. courriel : regie@jeuneafrique.com président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : chantal Bouillet ; chef de studio : chrystel carrière ; gestion et recouvrement : pascaline Brémond ; service technique et administratif : carla de Sousa direction de la publicité : laure nitkowski, avec catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui, nsona Kamalandua (directrices de clientèle) assistées de patricia malhaire ; annonces classées : Fabienne lefebvre avec Blandine Delporte, richelle Abihssira, assistées de Sylvie largillière chargées de mission : nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata tandjan repréSentationS eXtérieureS maroc SiFiJa, nabila Berrada. centre commercial paranfa, Aïn Diab, casablanca. tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16 tuniSie Sapcom, mourad larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 tunis. tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522 Société internationale de Financement et d’inVeStiSSement S.c.A. au capital de 15 millions d’euros. principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS | rcS pAriS B 784 683 484 tVA : Fr47 784 683 484 000 25 gérant commandité : Béchir Ben Yahmed directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique rouillon ; contrôle de gestion : charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : monique éverard et Fatiha maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier club des actionnaires : Dominique rouillon imprimeur Siep - FrAnce. commiSSion pAritAire : 1016c80822. DépÔt léGAl : à pArution. iSSn 1950-1285.




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