bouteflika et pourtant, il gouverne !
numéro double en vente deux semaines
Du 26 octobre au 8 novembre 2014
jeuneafrique.com
Hebdomadaire international indépendant • 55e année • n° 2807-2808
maroc-france scènes de ménage dossier
pétrole et gaz
le (nouveau) modèle nigérian burkina
constitution
ça passe ou ça casse france sarko, juppé et les réseaux
Spécial 15 pages
Ebola
60 jours pour gagner la guerre
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16-17 mars 2015, Abidjan
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100
Dossier
Pétrole et gaz
InvestIssements
Le Gabon peut-il renouer avec les compagnies ?
nigeria
Les juniors locales Fini le temps où les multinationales régnaient sans partage sur l’or noir nigérian. Poussées par le gouvernement, les compagnies privées du pays rachètent des champs et commencent à compter sur l’échiquier pétrolier. christophe Le Bec
D
epuis le début de l’année, deux opérations ont prouvé qu’il fallait compter avec les compagnies pétrolières privées nigérianes. Fin juillet, Oando, piloté par Wale Tinubu, finalisait le rachat des champs pétrolifères nigérians de l’américain ConocoPhillips pour la bagatelle de 1,5 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros). Quatre mois plus tôt, Seplat, dirigé par le docteur Austin Avuru, avait réussi simultanément son entrée à la Bourse de Londres et à celle de Lagos, levant à cette occasion quelque 500 millions de dollars. Un montant qui va lui permettre de financer le développement de ses infrastructures – de pipelines gaziers notamment – sur les blocs qu’il possède déjà, mais aussi de récentes acquisitions pétrolières et gazières dans le delta du Niger. Oando et Seplat sont les plus emblématiques de ces nouvelles compagnies pétrolières, avec des productions respectives de 45 000 et 70 000 barils de brut par jour, qui, selon leurs fondateurs, devraient atteindre chacune 100 000 barils par jour d’ici à cinq ans. Mais derrière ces deux champions en herbe en arrivent une dizaine d’autres, plus petits mais tout aussi désireux de se faire un nom : Seven Energy, South Atlantic Petroleum (Sapetro), Shoreline Natural Resources, Niger Delta Petroleum Resources, Waltersmith, Famfa Oil, Conoil et First E&P, pour ne parler que des plus importants. Wale Tinubu, le président d’Oando, estime que les compagnies pétrolières locales contrôleront un quart de la production du Nigeria dans les cinq ans, contre environ 10 % aujourd’hui. émergence. « Certains de ces groupes privés
nigérians se sont développés en reprenant des champs pétroliers marginaux : des gisements l l l n o 2807-2808 • du 26 octobre au 8 novembre 2014
jeune afrique
IntervIew
Catherine MacGregor
Présidente Afrique de Schlumberger
Infrastructures
Ne comptez pas sur le pipeline !
exploratIon
L’Afrique, nouvelle mer du Nord pour Statoil
101
prennent le relais
SEPLAT
t Seplat a fait son entrée en Bourse en avril. Il produit actuellement 70 000 barils de brut par jour.
jEunE AfriquE
n o 2807-2808 • du 26 ocTobrE Au 8 novEmbrE 2014
Dossier Pétrole et gaz
Des capitaux nigérians aux avant-postes
Summit Oil Conoil Chevron
Sahara
NPDC
Pan Ocean
Eland Starcrest
Conoil Shell
Chevron
Neconde
Seplat
Niger Delta
ENI
Chevron Atlas
Compagnies internationales CPC
Bénin Centrica
Heritage Shoreline
Shell
FHN ENI
NPDC
Shell
Shell
découverts mais inexChevron ploités, présents sur des blocs détenus par les majors. Celles-ci Chevron les estimaient trop difficiles à opérer en raison de coûts de développement importants par rapport au retour sur investissement, ou parce qu’ils se situaient dans des zones difficiles », explique l’avocate Nina Bowyer, du cabinet Herbert Smith Freehills, qui travaille au Nigeria depuis une dizaine d’années. L’insécurité et le détournement de brut dans le delta du Niger ont poussé à ce désengagement au profit des Nigérians, jugés plus à même de dialoguer avec les communautés et les autorités locales. La revente de champs marginaux a été suivie par celle de blocs OML (Oil Mining Lease) entiers, incluant des puits déjà en exploitation. « En 2009, Seplat a été la première société à en acquérir dans le cadre de la première vague des cessions par Shell de ses actifs à terre. Il s’agissait des blocs OML 4, 38 et 41, qui ont préparé la voie aux autres opérations », note l’avocate britannique. lll
NPDC
Shell Emerald
Golfe de Guinée
n o 2807-2808 • du 26 octobre au 8 novembre 2014
pointe dans ce secteur en développant un gigantesque projet gazier autour de son champ pétrolier d’uquo (oml 13), pour approvisionner par pipeline des centrales électriques privées et publiques des régions de calabar et de Port Harcourt. ce marché a aussi été investi avec succès par conoil et oando, actifs dans la construction de pipelines reliant les nouvelles centrales construites par des industriels C.L.B. comme Dangote. l
40 km
Shell Shell
Shell Chevron
Gas to Power, un marChé sur mesure Pour les comPagnies nigérianes privées, la croissance des besoins domestiques en hydrocarbures pour produire de l’électricité représente une double opportunité. en plus d’être un nouveau marché, c’est aussi une façon de valoriser des gaz qui, auparavant, étaient brûlés. une pratique néfaste pour l’environnement donnant lieu au paiement de pénalités financières. seven energy fait partie des groupes les plus à la
MONI PULO
Sterling Global
Conoil
Cameroun
Seplat
Shell
Shell Shell
Nigeria
Sinupec
Eni
Total Express
Niger
Blocs sous-marins
Seplat
Seplat
Chevron
Compagnies locales
Shell
OML
Conoil
AMNI Chevron
Chevron Shell
Total
Exxon
sources : sePLat, j.a.
102
Cette émergence de groupes privés provient d’une volonté du gouvernement, qui a poussé, via sa réglementation, les majors à se retirer. La revente obligatoire de champs marginaux inexploités pendant dix ans a été introduite par la loi pétrolière de 1993. Après les premiers programmes d’attribution de concessions locales des années 1990, l’État a tiré les leçons des déboires des compagnies locales, qui avaient repris seules de nouveaux gisements sans parvenir à les exploiter, faute d’une expertise technique suffisante. Désormais, les autorités étudient davantage les compétences des différents candidats nigérians au rachat d’un bloc. Et quand les majors revendent un champ marginal ou un bloc entier, elles doivent prouver aux autorités qu’elles s’assurent du transfert des compétences opérationnelles au partenaire nigérian public ou privé qui le rachète. En 2010, la mise à jour de la loi sur le contenu local, qui vise à renforcer la présence des Nigérians, a favorisé l’essor des groupes privés locaux. réseau. Déjà présents en aval de la filière,
plusieurs groupes nigérians distributeurs de produits pétroliers, tels Oando et Conoil, ont saisi l’opportunité de créer des compagnies couvrant toute la chaîne de valeur, du champ de pétrole jusqu’aux stations-service, à l’image de Total. « C’est grâce à son réseau de distribution implanté au Nigeria, au Ghana, au Bénin et au Togo, et à sa présence sur les Bourses de Lagos, Jo’burg et Toronto qu’Oando a pu lever 450 millions de dollars pour conclure la transaction avec ConocoPhillips », observe Rolake Akinkugbe, l l l jeune afrique
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Volvo face au challenge « temps d’immobilisation »
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Dossier Pétrole et gaz t Plateforme onshore d'Oando.
oando pic
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l l l analyste chargée du secteur pétrolier à la First Bank of Nigeria. Pour Conoil, en revanche, tout reste à faire. L’entreprise, qui a hérité des anciennes stations-service de Shell, n’a pas réussi à rassembler les 1,29 milliard de dollars nécessaires pour concrétiser son offre de reprise du champ OML 30 de Shell, finalement raflé par une autre compagnie nigériane, Shoreline Natural Resources, pour 800 millions de dollars. Dans leur essor, plusieurs groupes nigérians s’appuient sur un partenariat financier et technologique avec une compagnie internationale de taille moyenne. C’est le cas de Shoreline Natural Resources, qui est en partie détenu par la junior britannique Heritage, de Waltersmith, fondée avec le canadien Petroman, et de Seplat, créé avec l’appui financier et technique du français Maurel et Prom. « Nous sommes entrés en contact avec eux dès la fondation du groupe, en 2009, lors de notre première levée de fonds, par l’intermédiaire de notre banquier BNP Paribas, raconte Austin Avuru, le patron de Seplat. Maurel et Prom était présent en Afrique, surtout dans des pays francophones [au Congo et au Gabon notamment],
Les principaux producteurs privés nigérians (production en barils par jour) Seplat
70 000 Seven Energy
51 600 Oando
45 000 Shoreline Natural Resources
35 000 Conoil
10 100
mais pas au Nigeria. Il s’est montré intéressé par le défi que représentait la création d’un groupe local… Et, bien sûr, par un retour sur investissement attractif. » Cinq ans après, Austin Avuru se réjouit d’une relation mutuellement fructueuse qui a évolué au fil du temps : « À la fondation de l’entreprise, Maurel et Prom était le premier actionnaire, avec 45 % des parts, mais l’indépendance de Seplat était déjà programmée. L’aide des Français a été cruciale à notre démarrage : après le rachat de blocs de Shell, les cadres de Seplat sont venus à Paris pour une formation de six mois. Mais aujourd’hui nous avons suffisamment mûri pour voler de nos propres ailes. Après notre entrée à la Bourse de Londres, en avril, les parts de notre partenaire se sont diluées et sont aujourd’hui à 17 %. » compétences disparates. Selon qu’elles sont accompagnées ou pas par un partenaire international, provenant de l’amont ou de l’aval de la filière, que leurs dirigeants sont issus du secteur pétrolier, financier ou d’un tout autre univers, le niveau de compétences extractives l l l
La compagnie puBLique, concurrente et partenaire
L
a rentabilité de Sonangol, la compagnie publique angolaise, suscite l’admiration d’Abuja. Afin de redynamiser sa propre compagnie, la National Petroleum Development Company (NPDC), l’État nigérian lui a accordé en 2010 un droit de préemption sur les contrats
d’exploitation au moment des reventes de blocs pétroliers. Résultat: lorsqu’un privé achète un gisement à une major, l’entité publique peut revendiquer de mener les opérations. Du coup, les jeunes compagnies nigérianes voient le personnel, et donc l’expertise technique des
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groupes internationaux, leur échapper. « C’est comme s’il y avait une concurrence déloyale pour attirer les compétences, observe un professionnel du secteur. Plutôt que de se porter acquéreur de blocs sans en avoir la maîtrise, certaines compagnies locales, comme
Seven Energy, choisissent du coup de devenir prestataire de services – financiers et techniques – de la compagnie publique. Une solution qui peut se révéler intéressante, puisque cette dernière traite bien ses partenaires et ne connaît pas de problème de c.L.B. solvabilité. » l jeune afrique
106
Dossier Pétrole et gaz l l l des différentes compagnies privées nigérianes est extrêmement disparate. « Si certaines sociétés comme Seplat ont acquis une expérience en qualité d’opérateur, d’autres groupes n’ont pas pu obtenir ce rôle à la suite de leurs acquisitions auprès des majors. Dans ce cas, ils doivent alors se contenter d’une simple participation dans ces projets, l’exploitation des puits étant confiée à la société Nigerian Petroleum Development Company [NPDC], qui elle aussi en profite pour monter en puissance [lire encadré p. 104] », note l'avocate Nina Bowyer. « La milliardaire Folorunsho Alakija, fondatrice de Famfa Oil, et qui vient e du secteur de la mode, a pu arracher le bloc offshore OML 127 grâce à sa pugnacité et à son lobbying auprès des autorités nigérianes. Mais son groupe joue essentiellement un rôle d’actionnaire-rentier plutôt que celui d’un véritable opérateur pétrolier », estime un Nigérian bon connaisseur du secteur pétrolier.
professionnalisation. Après le temps
des acquisitions devrait donc venir celui de la consolidation et de la professionnalisation des compagnies privées nigérianes. D’autant que certaines parmi elles sont sur plusieurs fronts. En plus de l’extraction, elles cherchent à investir le secteur gazier, rendu attractif par le programme gouvernemental de production électrique Gas to Power (lire encadré p. 102). Chez Seplat, on reconnaît la nécessité de prendre le temps de « digérer » les achats de blocs. « Après notre introduction à Londres, nous voulons d’abord nous concentrer sur notre croissance interne. Nous ne nous positionnerons pas sur tous les appels d’offres », indique Austin Avuru. La même stratégie devrait prévaloir chez Oando, qui, après son rachat des blocs de ConocoPhillips, cherche maintenant à bâtir son fameux modèle intégré, le premier du genre pour un groupe africain. « Ces deux dernières années, on a assisté à une véritable boulimie d’achats pétroliers et gaziers au Nigeria, avec pas loin de 7 milliards de dollars d’opérations de ce genre, ce qui a diminué le crédit disponible localement. Désormais, les compagnies qui veulent se développer doivent aller sur les marchés internationaux, comme Oando et Seplat. Tous n’y parviendront pas », prédit Rolake Akinkugbe. Une fois leur modèle stabilisé, les compagnies nigérianes pourront partir à l’assaut d’autres pays africains. Pour le moment, seul Sapetro, qui a pour singularité d’avoir commencé dans l’extraction sous-marine, s’est aventuré à l’étranger, avec des permis d’exploration à Madagascar et au Bénin. Seplat, qui s'appuie là encore sur Maurel et Prom, devrait faire partie de ces pionnières. l n o 2807-2808 • du 26 octobre au 8 novembre 2014
analyse
Opinions & éditoriaux Julien Clémençot
sérénité à court terme
S
table depuis plus de deux ans, le brut a perdu plus de 20 % de sa valeur ces quatre derniers mois. Il s’échange depuis une semaine à moins de 85 dollars (62 euros). Deux raisons expliquent cette chute soudaine. Tout d’abord le ralentissement de l’économie mondiale, à commencer par la Chine. Ensuite, l’effondrement du prix du brut, dont l’origine se trouve outreAtlantique. En effet, la montée en puissance du pétrole de schiste a permis aux États-Unis de diminuer nettement leurs importations en 2014 sur un marché bien appro-
en affaiblissant le rival iranien. Sur le continent, l’Angola, le Nigeria, l’Algérie ou la Libye sont directement concernés. Aucun n’équilibrera son budget si le baril est vendu à moins de 90 dollars. Mais on est encore loin d’une crise majeure pour les grands pays producteurs africains. D’une part parce que la plupart n’avaient pas élaboré leurs prévisions sur la base d’un prix élevé. Abuja, par exemple, misait en 2014 sur un pétrole vendu moins de 80 dollars, tout comme l’Algérie. D’autre part parce que même pour un pays comme l’Angola, qui a pris cette année pour référence un baril à 98 dollars, le contexte n’a rien de catastrophique. Certes, son budget devrait passer dans le rouge, mais ses finances étaient positives lors des quatre derniers exercices. Et sa dette publique, qui représentait 34,6 % du PIB en 2013, reste supportable. La démonstration vaut aussi pour le Nigeria, la Guinée équatoriale, le Tchad. Il n’y a donc pas encore péril en la demeure.
Aucun pays n’équilibrera son budget si le baril reste à moins de 90 dollars. visionné. L’excédent atteint 500000 barils par jour, soit environ le niveau de la production libyenne, qui a repris en juin après des mois d’interruption. Les regards se tournent aujourd’hui vers l’Arabie saoudite, figure tutélaire de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Plusieurs membres demandent à Riyad, qui met sur le marché un tiers de la production de l’Opep, de réduire sa production pour stabiliser le cours. Mais ses dirigeants estiment pour le moment qu’ils n’auraient rien à y gagner. Fermer les vannes du royaume reviendrait à perdre des parts de marché, mais surtout à garantir à ses concurrents des niveaux de prix qui faciliteraient le développement de leurs capacités futures. D’un point de vue géopolitique, la chute du cours leur offre en plus un petit bonus
Reste que cette baisse, si elle devait s’installer au-delà du premier trimestre de 2015 sous la barre des 80 dollars, risque de ralentir la mise au jour et l’entrée en production de nouveaux réservoirs. Les gisements ultra-profonds peuvent présenter des coûts de revient supérieurs à 60 dollars, laissant peu de marge aux compagnies. Un problème pour des États, qui, bien qu’ayant entamé la diversification de leur économie, demeurent encore dépendants des revenus pétroliers. l jeune afrique
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Dossier Pétrole et gaz InvestIssements
Le Gabon peut-il renouer avec les compagnies? Pour augmenter sa production, libreville a relancé l’attribution de permis offshore. Mais chez les opérateurs, on s’inquiète de la volonté de l’État de récupérer une plus grande part des recettes pétrolières.
dufour marco/totaL
108
A
près des mois d’âpres négociations, le Gabon a signé, en août, sept nouveaux p er mis d’exploration en eau profonde, susceptibles de générer jusqu’à 1,1 milliard de dollars d’investissements (862 millions d’euros), selon le ministère du Pétrole. C’est la fin d’un long feuilleton : l’appel d’offres avait été lancé en 2010, puis suspendu pour permettre au gouvernement de plancher sur le nouveau code des hydrocarbures, voté en juin et adopté récemment.
Le processus s’est accéléré fin 2013 avec l’attribution provisoire de 13 blocs – sur 42 – à un groupe de 11 sociétés pétrolières. S’en est suivie une série de rebondissements, dont la suppression de la liste de trois compagnies juniors, en mai, à cause de leurs « capacités d’investissements insuffisantes », tandis que d’autres, absentes au départ, ont fait leur apparition en cours de route. Le changement d’approche du gouvernement, qui se veut plus strict en matière d’audit et de gestion du secteur, explique les
p Site de Grondin, au large de Port-Gentil, exploité par Total.
modifications successives de la liste des entreprises censées remplir les conditions pour négocier de nouveaux contrats. L’issue des tractations a donc amené son lot de surprises. Les sociétés Impact (Royaume-Uni), Repsol (Espagne), Marathon (ÉtatsUnis), Noble Energy (États-Unis), Petronas (Malaisie), et Woodside Petroleum (Australie) ont signé des contrats d’exploration et de partage de production (CEPP) avec l’État gabonais. Woodside Petroleum a décroché le bloc F-15 avec Noble Energy, alors qu’il n’avait pas été invité au round final de négociations, lancé fin juillet. À l’inverse, le géant américain ExxonMobil ne fait pas partie des signataires, le bloc C-11 qu’il convoitait n’ayant pas été attribué. Quant aux deux opérateurs historiques au Gabon, Total et Shell, ils avaient été invités en mai à la table des discussions bien que leurs offres aient été jugées trop basses, mais cela n’a pas abouti. déclin. La lenteur du processus
d’attribution des permis est d’autant plus surprenante que le pays, dont le budget dépend pour une grande part des recettes pétrolières (60 %), doitabsolumentattirerdenouveaux investisseurs. La production nationale est tombée à 230000 barils par jour – contre 350000 barils par jour à la fin des années 1990. Et malgré les investissements menés pour
dEs ExplorAtions plEinEs dE promEssEs
L
e golfe de Guinée, qui possède des similitudes géologiques avec le Brésil – où d’importants gisements ont été découverts depuis 2006 – suscite de grands espoirs. Des gisements ont déjà été identifiés en Angola, mais le suspense demeure entier concernant les eaux gabonaises. Le ministère du Pétrole a annoncé des résultats encourageants, avec les
découvertes de gaz à condensats lors du forage exploratoire deTotal sur le permis Diaba à l’été 2013, et, plus récemment, de la société italienne Eni près des côtes de Libreville. « Ces indices prouvent l’existence d’un système d’hydrocarbures qui fonctionne », note un consultant gabonais. La société britannique Ophir a essuyé des échecs
n o 2807-2808 • du 26 octobre au 8 novembre 2014
successifs lors de forages en ultradeep offshore, tandis que Shell, qui a mené deux forages dans le sud du pays, dans la même zone que Total, annonce à son tour la découverte d’une colonne de gaz sur le bloc BCD10, à 145 km de la côte. « L’offshore profond gabonais est attractif pour les grosses compagnies internationales [Exxon, Chevron ou BP ont
répondu à l’appel d’offres], mais elles restent prudentes » tant que personne ne trouve de pétrole en tant que tel, estime un spécialiste. Exxon, qui est toujours en négociation avec l’État pour le bloc C-11, suit de près les explorations de Shell. La découverte de gaz sur le bloc BCD10 adjacent pourrait l’inciter à aller de l’avant. l E.E. jeune afrique
109
redévelopper certains champs matures comme Anguille (Total) et mettre en production des découvertes mineures pour compenser le déclin des champs historiques de RabietGamba(Shell),laproduction devrait décliner à un rythme de 5 000 barils par an. Dans ce contexte, l’État ne joue cependant pas l’apaisement avec les compagnies pétrolières. Plus que jamais, Libreville semble décidé à renforcersoncontrôleetàrécupérer une plus grande part des recettes pétrolières, notamment à travers la montée en puissance de la compagnie nationale Gabon Oil Company, qui peut désormais acquérir 15 % de tout nouveau contrat signé avec l’État. Le nouveau code des hydrocarbures – qui ne s’applique pas aux sept CEPP signés avant son adoption –, durcissant les conditions d’investissement, est d’ailleurs très critiqué par les opérateurs, qui affirment ne pas avoir été consultés.
L’Union pétrolière gabonaise (Upega), principal syndicat patronal, a notamment dénoncé le « caractère répressif », les « imprécisions » et les « contradictions » du code ainsi que l’« insécurité juridique » qui en découle, dans un courrier à Étienne Ngoubou, le
Adopté sans consultation, le nouveau code des hydrocarbures est très critiqué. ministre du Pétrole, le 26 juin. « Une société met 150 millions de dollars dansunprojetd’exploration,etl’État peut lui infliger des amendes ou lui retirerlecontratpourunouioupour un non, c’est ce que dit le code, et c’est contre-productif ! » s’insurge un opérateur. Personne ne semble avoir oublié les récents litiges qui ont opposé l’État gabonais à deux opérateurs de taille à la suite de l’audit du
cabinet Alex Stewart dans le secteur. Addax Petroleum, filiale du chinois Sinopec, s’était vu retirer l’exploitation d’un gisement de brut, fin 2012. L’entreprise avait pu récupérer le champ Obangue – entretemps confié à la jeune société nationale Gabon Oil Company – au prix d’un long bras de fer judiciaire et d’une compensation financière de quelque 400 millions de dollars. Total Gabon est, quant à lui, sous le coup d’un redressement fiscal de 805 millions de dollars dont il conteste le fondement même. La procédure de recouvrement a été suspendue en mars après le recours engagéparlasociété,maisdesnégociations « difficiles » restent en cours avec le gouvernement, selon une source proche du dossier. « Au moment où le Gabon a le plus besoin d’investisseurs, c’est la psychologie qui n’est pas bonne », résume un analyste. l Élise estebAn, à Libreville
Le défi africain du stockage et de la distribution des produits pétroliers Le coût de la distribution des produits pétroliers est jusqu’à
tous les acteurs de l’industrie du raffinage et de l’aval pétrolier.
40 fois plus élevé en Afrique subsaharienne que dans les pays
Véritable voix du raffinage et de l’aval pétrolier en Afrique, l’ARA
de l’OCDE et cela nuit directement à la compétitivité des pro-
milite activement pour convaincre les gouvernements, les or-
duits africains dans le commerce mondial, souligne CITAC Africa,
ganes de régulation et autres intervenants qu’il est urgent de
consultant spécialiste du secteur aval pétrolier, partenaire de
créer en Afrique un environnement propice à l’établissement
l’Association des Raffineurs Africains (ARA).
d’une chaîne d’approvisionnement qui soit sûre, efficace, fiable, rentable et durable.
Pour le Président de l’ARA, Pierre Reteno Ndiaye, par ailleurs Directeur Général de la raffinerie Sogara au Gabon, « des mesures
Ces thèmes seront au cœur des débats du prochain forum de
drastiques d’amélioration en terme de normes de distribution,
l’ARA, qui se tient à Abidjan les 18 et 19 novembre prochains.
de planification et de sécurité doivent être prises pour les produits pétroliers africains, qu’ils soient raffinés localement ou
« Les gouvernements et les organes de régulation doivent en-
importés ».
courager l’investissement dans la logistique pour parvenir à une
MESSAGE
chaîne d’approvisionnement efficace et rentable partout en Créée en 2006, l’ARA regroupe la quasi-totalité des raffineurs
Afrique », précise Abayomi “Yomi” Aderemi Awobokun, leader du
africains. Elle a élargi son portefeuille d’adhérents à tous les
Groupe de Travail de Stockage & Distribution de l’ARA et égale-
acteurs opérant dans l’aval pétrolier et notamment les opéra-
ment Directeur de l’Exploitation d’Oando Marketing Plc. « Dans
teurs en charge de la distribution et des approvisionnements.
cet objectif, il est nécessaire d’autoriser des retours sur inves-
Elle est ainsi devenue un cadre privilégié d’échanges, de concer-
tissements qui renforcent les normes de sécurité et améliorent
tation, de synergie et de partage des bonnes pratiques entre
l’efficacité. »
Dossier Pétrole et gaz interview
111
Catherine MacGregor
Présidente Europe et Afrique de Schlumberger
« Les politiques de contenu local sont importantes pour notre industrie » Son expertise technologique fait du géant américain des services pétroliers un partenaire incontournable des compagnies du secteur. Après avoir assisté à l’éclosion des juniors, sa patronne pour l’Afrique observe avec intérêt le développement des acteurs privés locaux.
jeune Afrique : que représente l’Afrique pour Schlumberger ? CAtherine MACGreGor :
Nous ne communiquons pas nos résultats financiers concernant l’Afrique, puisqu’ils sont consolidés avec l’Europe et la Russie [12,4 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2013, soit environ 27 % des revenus du groupe]. En revanche, je peux vous dire que le groupe est présent depuis très longtemps sur le continent. Notre première opération date de 1934, au Gabon. Actuellement, nous intervenons sur environ 200 sites dans 25 pays, avec plus de 10 000 salariés. Ce qui est intéressant, c’est que le continent offre des environnements très différents [gisements sous-marins ultraprofonds, réserves présalifères, jeune afrique
hydrocarbures conventionnels et non conventionnels à terre…], et donc des opérations très variées en termes de complexité technique. Ce sont autant d’opportunités. Par ailleurs, nous avons des taux de croissance en Afrique parmi les plus élevés au monde. Compte tenu de la chute actuelle des cours, vos activités africaines risquent d’être affectées.
Notre industrie a toujours été cyclique, et il ne faut pas confondre variations à court terme et tendances sur le long terme. L’Afrique subsaharienne devrait continuer de croître. Au Maghreb, nous sommes plus prudents en attendant que la situation en Libye se stabilise. C’est vrai que nos clients cherchent à gagner en efficacité car leurs marges diminuent. Pour l’heure, cela a un effet positif, car le travail que nous menons avec eux est plus collaboratif. Ces deux dernières années, les découvertes sur le continent sont relativement décevantes. Selon vous, l’Afrique possède-t-elle toujours un potentiel important?
Il ne faut pas oublier que l’exploration pétrolière est une activité à risques. Plus les environnements sont méconnus, plus c’est incertain. Il est vrai que beaucoup d’explorations n’ont pas donné les résultats attendus. Toutefois, il reste de nombreuses zones sousexplorées, comme en Afrique de l’Ouest, au Maroc et en Afrique de l’Est, où les recherches ne font que débuter. Notons tout de même que cinq des dix grandes découvertes de cette année sont en Afrique.
Vincent colin
A
vecplusde45milliards de dollars (32,6 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2013 et une marge en augmentation sur les trois dernières années, Schlumberger est le champion mondial des services pétroliers. Clé de son succès : la recherche et développement (R&D). Cette année, le groupe devrait y consacrer 1,5 milliard de dollars. L’objectif est que 25 % du chiffre d’affaires soit généré par des innovations en 2017. Gisements sous-marins ultra-profonds, gaz de schiste, sables bitumineux… Le groupe coté à New York est aux avant-postes. Pour Jeune Afrique, Catherine MacGregor, présidente Europe et Afrique du géant américain, livre sa vision d’un secteur incontournable sur le continent comme ailleurs.
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Dossier Pétrole et gaz Schlumberger, nous n’avons pas constaté d’effets induits sur notre activité.
Où se situent les gisements qui présentent le plus de promesses d’activités pour Schlumberger ?
Au large du Mozambique et de la Tanzanie. Le développement futur de ces champs gaziers offre de belles perspectives. Au Kenya et en Ouganda, nous avons également des chantiers à terre qui présentent des défis différents liés à la sécurité, à l’environnement, aux relations avec les communautés locales, au manque d’infrastructures. Il y a aussi les réserves présalifères, notamment au large de l’Angola, qui doivent être confirmées. Nous estimons que d’ici à 2020 les investissements [le chiffre est tenu confidentiel] de nos clients en région subsaharienne devraient doubler par rapport à 2014.
Historiquement, vous étiez proche des majors.Travaillez-vous davantage avec les compagnies nationales africaines ?
Les compagnies nationales, comme Sonatrach, font partie de nos clients depuis longtemps. Ce que l’on peut noter, c’est que la typologie des opérateurs évolue. Ces dix dernières années, nous avons vu d’abord
La nouveauté, c’est la hausse des besoins en énergie de l’Afrique.
Sur la côte est-africaine, l’exploitation des champs gaziers va réclamer des investissements de plusieurs dizaines de milliards de dollars. N’a-t-on pas là des projets qui ne verront pas le jour avant longtemps ?
Je suis optimiste. La nouveauté, c’est l’augmentation des besoins en énergie des pays africains, dont une grande part est produite à partir de gaz naturel. Il reste bien sûr une incertitude concernant les dates de mise en œuvre des projets. Mais l’évolution des classes moyennes, la croissance du PIB des pays africains, l’électrification en cours sur le continent sont autant d’éléments qui plaident en faveur du développement de ces gisements. Selon certains de nos clients, les premiers projets devraient démarrer d’ici à trois ans. Les États-Unis ont presque stoppé leurs importations de brut en provenance du continent. Cela va-t-il avoir un impact important sur le secteur ?
Le pétrole est un marché global, avec une demande en croissance et une marge étroite entre offre et demande. Des pays comme le Nigeria ou l’Angola ont trouvé preneur sur les marchés asiatiques et européens. Pour ce qui concerne
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De l’identification à l’exploitation des gisements (% du CA global) Découverte et caractérisation des réservoirs
27
%
Forage
38
%
Production des réservoirs
35%
le renforcement des compagnies indépendantes internationales, à l’image de Tullow, qui a fait des découvertes au Ghana et en Ouganda. Et depuis quelque temps, nous assistons à l’émergence de compagnies privées nationales, notamment nigérianes. Cette diversité est très intéressante car toutes ont des demandes différentes. Pour ces jeunes compagnies, nous pouvons avoir des modèles d’affaires très intégrés qui englobent toute la construction des puits. Pensez-vous que ces compagnies privées nigérianes vont encore monter en puissance ?
Actuellement, il y a une forme de bouillonnement, mais est-ce que toutes vont continuer d’exister ? On pourrait assister à une certaine consolidation. Certaines vont sans doute devenir des acteurs très importants du marché. Presque tous les États africains mettent en place des politiques volontaristes, dites de contenu local, pour mieux tirer parti de la manne pétrolière. Qu’en pensez-vous ?
Les politiques de contenu local sont importantes pour les pays et pour l’industrie. Bien sûr, il est essentiel que ces réglementations
restent réalistes, et c’est heureusement le cas la plupart du temps. Les compagnies doivent donc apprendre à travailler dans ce nouvel environnement, et c’est un point auquel Schlumberger veille depuis longtemps en matière de ressources humaines. Le groupe a une politique de recrutement qui privilégie la correspondance entre la distribution géographique de son chiffre d’affaires et l’origine de ses salariés. Et cela vaut aussi pour les postes de direction. Nous sommes ainsi très impliqués dans l’éducation et la formation au niveau local. Depuis dix ans, Schlumberger a développé une activité de consulting. Quelles synergies avez-vous pu développer avec vos services traditionnels ?
Nous veillons à laisser notre activité de consulting bien à part, car elle concerne des sujets très stratégiques pour nos clients et car il y a peu en commun entre la fourniture de services techniques et les activités de consulting. N’y a-t-il pas de risque de conflit d’intérêts ?
Non, pas du tout, car la frontière est bien marquée. D’ailleurs, le développement de cette activité est la preuve que nos clients nous font vraiment confiance. Les consultants interviennent pour nous sur des questions de processus internes, très différentes des questions qu’ils traitent avec leurs clients. Schlumberger cherche-t-il des relais de croissance dans le secteur des énergies renouvelables?
Si l’on observe l’évolution du mix énergétique dans les dix ou les vingt années à venir, nous considérons que le pétrole et le gaz vont continuer d’être suffisamment importants pour nécessiter une activité de services pétroliers particulièrement soutenue. Nous sommes donc plutôt confiants sur le fait qu’il y a encore assez de relais de croissance dans notre cœur de métier. l Propos recueillis par JULieN CLÉmeNçOT jeune afrique
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Le Groupe
Dossier pétrole et gaz exploration
L’Afrique, nouvelle mer du Nord pour Statoil Pour accroître ses réserves, la compagnie norvégienne poursuit ses recherches sur le continent. elle vise particulièrement la tanzanie, où elle a identifié un gisement de gaz très prometteur.
D
ébut 2014, Statoil a découvert deux nouveaux gisements en mer du Nord, avec un potentiel respectif de 19 millions et 44 millions de barils équivalent pétrole (BEP). Détenue à 67 % par l’État norvégien, la compagnie, fondée en 1972, juste avant le choc pétrolier, concentre encore la majorité de ses recherches dans son pré carré historique. « La mer du Nord et les eaux norvégiennes restent notre principal domaine d’action : on y produit 1,1 million de BEP par jour sur le 1,8 million de notre production totale », précise Knut Rostad, porte-parole du groupe. Mais plus de quarante ans après sa création, la compagnie sait qu’elle doit se réinventer pour assurer son avenir. Cela passe par un plan d’économie de 800 millions d’euros, une réduction de ses investissements de 3,6 milliards d’euros sur les trois prochaines années et l’exploration de nouveaux horizons. « Le marché norvégien est très mature et la plupart des gisements sont déjà exploités. Ce n’est plus une zone intéressante pour faire croître leur production », explique Sam Hanna, spécialiste
des questions énergétiques pour le cabinet de conseil américain IHS. C’est d’ailleurs ce qui explique la vente, en septembre, de parts dans deschampsd’explorationenmerdu NordàWintershall,filialedeBASF.À la clé, plus de 1 milliard d’euros que la compagnie va pouvoir consacrer à l’exploration d’autres territoires, à commencer par l’Afrique. vivier. « Nous sommes déjà pré-
sents depuis 1991 enAngola,quiest, après la Norvège, le deuxième pays producteurpourlacompagnie,avec 230 000 BEP par jour », note Knut Rostad.Sil’Afriqueapporteaussison lotdedéceptions,commeenAngola, où Statoil a récemment foré un puits sec, ou au Mozambique, où il vient d’abandonner les recherches dans le bassin de Rovuma, la Tanzanie pourraitcomblersesattentes.«Nous avons fait des découvertes significatives en Tanzanie. Nous partageons le bloc 2 avec ExxonMobil [65 % pour Statoil], et nos recherches montrentdesgisementsd’unecapacité de 21 billions de pieds cubes (TCF en anglais), ce qui est très prometteur», explique Knut Rostad. La zone de 5 500 km2 dans les eaux au large des côtes tanzaniennes est
toujoursenphased’exploration,une décision finale d’investissement étant prévue pour la fin de l’année prochaine. Mais le potentiel financier de ce gisement est évalué à au moins 3 milliards de dollars par an. « L’Afrique de l’Est, et notamment la Tanzanie, constitue un nouveau vivier important pour le gaz naturel. Or les technologies ont évolué, et il est désormais plus simple et moins coûteux de capturer ce gaz. Cela explique la récente ruée vers cette région », note Elias Pungong, responsable du pétrole en Afrique pourEY(Ernst&Young).Alors,àqui profiteravraimentcettedécouverte? Si les accords de partage de l’exploitation sont restés confidentiels, des fuites laissent penser que l’État tanzanien ne récupérerait même pas la moitié des bénéfices gaziers de ces gisements. « Les gouvernements mettent désormais en place des lois pour éviter d’être spoliés par les grandes compagnies. Les compagnies nationales africaines ont de plus en plus d’influence, comme c’est déjà le cas en Angola avec Sonangol », explique Elias Pungong.
5e
compagnie pétrolière au monde (source : Platts)
avec une production de
1,8
million de barils/j
fort potentiel. L’Algérie repré-
u Le 15 octobre, Helge Lund, qui dirigeait Statoil depuis dix ans, a démissionné pour rejoindre le groupe BG.
Ole Jørgen Bratland/StatOil
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sente un autre motif d’espoir pour Statoil. L’entreprise a remporté sur appel d’offres un permis dans le bassindeBerkine,dansl’estdupays, zone possédant un fort potentiel en gaz conventionnel et en gaz de schiste. « Nous restons prudents au sujet du gaz de schiste. Nous avons des projets aux États-Unis qui nous aideront pour nos futures opérations dans ce domaine », précise Knut Rostad. Autant d’ambitions qui devraient permettre à Statoil de réinventer son modèle économique. Mais il en faudra plus pour rassurer les salariés de l’entreprise. Début octobre, la presse norvégienne révélait la suppression de 1 900 emplois sur les 23 000 que compte la compagnie. l pierre DonaDieu, à Johannesburg jeune afrique
Dossier Pétrole et gaz financement
En Côte d’Ivoire, la SIR pare au plus pressé Manquant de fonds propres, la société ivoirienne de raffinage retarde son plan d’extension. Elle espère lever 200 millions de dollars auprès des banques.
L
a Société ivoirienne de raffinage (SIR) peut-elle être la grande perdante de la croissance ivoirienne? Plus de trois ans après l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, qui a fait de l’économie le marqueur de son mandat, la première entreprise industrielle du pays doit sans cesse solliciter des investisseurs pour lever les fonds nécessaires aux financements de ses achats de pétrole brut. Si son chiffre d’affaires est impressionnant à l’échelle du pays – 1 608,5 milliards de F CFA (2,4 milliards d’euros) en 2012 –, ses marges extrêmement réduites ne lui permettent pas de s’autofinancer. « Sur le moyen terme, notre axe central est la sécurisation des approvisionnements en pétrole pour faire fonctionner la raffinerie », confirme une source au sein de la SIR. L’exercice est malheureusement devenu une routine, le raffineur manquant cruellement de fonds propres. Une situation rendue plus délicate encore en raison des dettes de l’État. Sur les derniers mois, cette créance est estimée à plus de 50 milliards de F CFA. Pour pallier cette difficulté, la SIR se prépare à organiser un tour de table réunissant les banques ivoiriennes et étrangères afin de lever 200 millions de dollars (157 millions d’euros). Au cours du premier semestre2014,laSociétégénéralede banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) avait déjà mis à sa disposition une ligne de crédit de 150 millions de dollars. Quelques mois plus tôt, la même banque, avec la Société financièreinternationale(IFC),BNP Paribas et Standard Chartered, avait débloqué 300 millions de dollars
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vincent fournier/j.a.
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pour financer des importations en provenance des champs pétroliers nigérians Bonga et Forcados. Entre 2012 et 2014, « l’insuffisance de la production nationale en gaz naturel pour produire de l’électricité a aussi conduit le gouvernement à demander à la SIR de fournir du heavy vacuum oil [un sous-produit pétrolier] aux centrales Azito, Ciprel et Aggreko. Mais l’État n’a pas réglé toutes ses factures comme il s’y était engagé. Compte tenu des conséquences sur ses finances, la société a arrêté en mars, laissant la Petroci [Société nationale d’opérations pétrolières de la Côte d’Ivoire] prendre le relais », explique une source proche du dossier.
p La capacité de production doit passer de 80 000 barils par jour à plus de 100 000.
L’entreprise bataille pour trouver les fonds nécessaires à ses achats de pétrole brut.
besoins. Accaparée par des enjeux
à court terme, la SIR ne doit cependant pas éluder la question de son avenir. Selon les projections du ministère de l’Énergie, d’ici à 2020, si aucun investissement n’est réalisé pour renforcer la capacité de production de la raffinerie, elle ne sera pas en mesure de répondre à l’évolution des besoins nationaux, qui augmententde2,5%paran,compte tenudesesengagementsrégionaux. Pour faire face, le raffineur a mis en œuvre un plan, baptisé SIR 2020,
d’environ 500 milliards de F CFA, axé sur une extension de sa capacité qui devrait passer de 80 000 barils par jour à plus de 100 000. La stratégie de ce plan consiste à investir dans les unités qui permettent le raffinage de produits plus respectueux de l’environnement en garantissant des coûts de production relativement bas. La société avait introduit sur le marché, en 2005,
50
milliards de F CFA Montant de la dette de l’État vis-à-vis de la SIR
le super sans plomb et envisage de raffiner prochainement du gazole sans soufre. Mais ses problèmes de financements retardent la mise en place de ce plan dont les grandes lignes ont été définies en 2010. Pour l’heure, sa capacité de production, utilisée à 93 %, demeure suffisante. Sur les 4 millions de tonnes de pétrole raffiné en 2013, les besoins du marché ivoirien représentaient environ 1 million de tonnes,composéessentiellementde gazole. Le reste est exporté, notamment vers le Nigeria, le Bénin, le Mali, le Burkina Faso et le Liberia. l bAUDeLAiRe MieU, à Abidjan jeune afrique
E
L’ÉLECTRICITÉ TOUT TERRAIN
Dès qu’il s’agit de produire du courant dans des régions soumises à des contraintes climatiques ou environnementales sévères, il est indispensable de faire appel à des matériels adaptés.
pour produire de l’électricité dans les zones de conflit. « Elle ne tombe jamais en panne, affirme Brian Barnes, directeur marketing de Cummins Onan Équipements mobiles. Pourtant, croyez-moi, on a tout essayé ! »
Pour toute mission sur un site isolé, la fiabilité et la robustesse des équipements embarqués sont deux impératifs. Ils doivent être disponibles et fonctionner quelles que soient la température et les conditions climatiques. C’est vrai pour les ONG, les forces de défense et de sécurité, et même dans l’agriculture et l’industrie lorsque ces activités s’exercent dans des zones éloignées de tout service public. De plus en plus, les générateurs électriques font partie des matériels indispensables dans ces situations. Mais jusqu’à présent, le générateur idéal n’existait pas. Il était soit très robuste mais difficile à déplacer, soit facilement transportable mais plus fragile. Jusqu’à ce que Cummins fusionne avec Onan Corporation....
Sur cette base, le groupe commercialise depuis peu une gamme de générateurs durcis nommée Rugged Mobile Power (RMP). Transportables, ils présentent des caractéristiques bien adaptées aux conditions d’exploitation difficiles : logistique et installation simplifiées, autodiagnostic, silence et fiabilité... Plusieurs RMP peuvent aussi fonctionner en parallèle, pour augmenter simplement et rapidement la capacité de production d’électricité. Et même si Brian Barnes considère qu’ils sont indestructibles, ces matériels bénéficient du support de maintenance Cummins. Disponible 24/24 et 7/7, son réseau d’après-vente est le plus dense au monde.
Explication. Dans son histoire,, le groupe Onan s’est distingué comme principal fournisseur de générateurs électriques pour les forces armées, notamment les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Il a équipé plusieurs générations de véhicules militaires, des blindés légers aux chars d’assaut les plus puissants. Sa fusion avec Cummins, dans les années 1990, a donné naissance à Cummins Power Generation, le rs leader mondial des générateurs du Déparélectriques diesel. À la demande du Cummins in a dé dévetement américain de la défense, Cu loppé une plateforme spécifique, fiable et transportable,
« Il n’existe aucune offre comparable, alors qu’un nombre croissant de professionnels prof pr ont besoin d’une fourniture électrique fiable le à tout moment, dans n’importe qu quelle région et quelles que soient les contraintes climatiques et environnementales », explique le directeur marketing de Cummins Onan. « Tous nos clients doivent pouvo voir compter sur l’électricité en toutes circonstances. Les militaires ont cette exigence. C’est pour cela que nous avons mi mis au point la gamme RMP », co conclut Brian Barnes. ■ Dérivés des équipem équipement équipements ent militaires, les générateurs RMP répo répondent aux besoins des professionnels en mission dans des zones isolées.
www.cummins.com Robin Kuriakose
Cummins Power Generation +27115898400 +27835564651
DIFCOM/DF - PHOTO : © DR
COMMUNIQUÉ
NERGIE FFICACITE
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Dossier Pétrole et gaz
un réseau de 678 km
BÉNIN
GHANA TOGO
Kumasi Tema
Lomé
Cotonou
Takoradi
Ligne principale Pipeline préexistant
Lagos beach
NIGERIA
200 km Golfe de Guinée
négociations. malgré ces diffi-
Port Harcourt
Infrastructures
Ne comptez pas sur le pipeline! Censé alimenter le Bénin, le Togo et le Ghana, le gazoduc d’afrique de l’ouest ne tient pas ses promesses. Des dysfonctionnements qui commencent à avoir un réel impact sur les économies des pays concernés.
P
lus de quatre ans après le lancement des activités du gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (GAO) qui approvisionne le Bénin, le Togo et le Ghanadepuisleschampsgaziersdu Nigeria, le bilan est loin d’être satisfaisant.L’organismenigérianN-Gas, détenu par la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), Shell Petroleum Development Company (SPDC) et Chevron Nigeria, ne parvient en effet pas à fournir au pipeline la livraison journalière de 200 millions de pieds cubes (mPC), soit 5,7 millions de mètres cubes, de gaz naturel prévu par le contrat signé en 2003 avec les gouvernements nigérian, béninois, togolais, et ghanéen et avec le secrétariat de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Et cette situation risque de durer, une grande partie du contenu du gazoduc servant à répondre aux besoins chaque jour plus importants de la région de Lagos, avant même de franchir la frontière. Résultat : au Bénin, au Togo et au Ghana, les centrales électriques manquent de gaz et les coupures se multiplient jusque
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En attendant, c’est grâce à l’achat de pétrole brut qu’Accra parvient à faire tourner ses centrales. Une solution extrêmement onéreuse, qui coûte à l’État 55 millions de dollars (43 millions d’euros) toutes les trois semaines. Calculée sur la base d’un baril à 35 dollars, la pénalité de 20 millions de dollars infligée à N-Gas pour le non-respect de ses engagements ne couvrira qu’une petite partie du surcoût supporté par le Ghana.
dans les capitales. La compagnie publique ghanéenne, Volta River Authority (VRA), qui importe le gaz naturel via le GAO, ne reçoit par exemple qu’entre 50 et 80 mPC par jour alors qu’elle en attend 120. mi-septembre, la situation s’est même aggravée avec le mouvement de grève des travailleurs de la NNPC, qui a provoqué l’interruption du service pendant plusieurs jours, contraignant Accra à envisager l’arrêt de ses centrales thermiques. Il y a deux ans, un sabotage du gazoduc en territoire togolais avait provoqué une interruption de la fourniture de gaz pendant huit longs mois. Pénalité. « L’impact des dys-
fonctionnements du gazoduc est important sur notre économie. Les délestages réguliers sabordent nos industries », explique une source gouvernementale ghanéenne. En juillet, le Ghana a dû se tourner vers la Côte d’Ivoire pour disposer de la production électrique dont il avait besoin. Cependant, la future entrée en production du champ de JubileeaulargeduGhanadevraitlui permettre de disposer des 300 mPC nécessaires aux centrales du pays.
cultés récurrentes, les États de la Cedeao continuent de miser sur le GAO. La West African Gas Pipeline Company, la société de gestion du gazoduc qui réunit NNPC, Shell, Chevron,TakoradiPowerCompany, BenGaz, VRA et Sotogaz Togo, a entamé des négociations avec des producteurs de gaz indépendants au Nigeria et au Bénin pour augmenter les volumes de combustible transportés. misant sur son potentiel gazier, la Côte d’Ivoire prévoit elle aussi de se connecter au pipeline pour proposer ses futures ressources. Plusieurs projets sont envisagés.
ce n’est que grâce à l’achat de pétrole brut qu’accra parvient à faire tourner ses centrales.
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millions de dollars Coût du gazoduc de l’Afrique de l’Ouest
L’infrastructure pourrait être dans unpremiertempsprolongéejusqu’à Assinie (sud-est du pays) pour un investissementestiméà645millions de dollars. Puis un second chantier, déjà attribué à l’italien Saipem, consistera à faire courir un gazoduc sur une centaine de kilomètres supplémentaires jusqu’à Abidjan. L’objectif est d’interconnecter le pipeline avec deux gisements, CI 01 et CI 202, exploités respectivement par l’américain Vanco et Canadian Natural Resources. Le projet, à condition que la Côte d’Ivoire voie sa production actuelle de gaz augmenter, pourrait attirer des financements du Ghana, qui a reçu un prêt de 3 milliards de dollars de la Chine destiné à développer son secteur gazier. l Baudelaire Mieu, à Abidjan jeune afrique