ALGÉRIE LES ENFANTS GÂTÉS DU SYSTÈME
MAROC USFP : TROIS HOMMES EN COLÈRE
GUINÉE SUR UN AIR DE CAMPAGNE
BELGIQUE ALBERT II, LE DERNIER REMPART
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 50e ANNÉE • No 2575 • du 16 au 22 mai 2010
CAMEROUN Spécial
www.jeuneafrique.com
ans
■ Biya de A à Z ■ Que reste-t-il
d’Ahidjo ?
■ Paroles de
Camerounais
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L’EXPERT DE
L’AFRIQUE Filiale du Groupe CMA CGM, 3ème groupe maritime mondial, DELMAS déploie un savoir-faire unique sur le continent africain. Avec une présence dans 43 pays d’Afrique, elle met à la disposition de ses clients sa parfaite maîtrise de l’environnement opérationnel africain. S’appuyant sur une flotte de navires de plus en plus moderne, DELMAS possède la souplesse et la rapidité pour s’ajuster aux demandes des clients même dans les situations les plus complexes.
CE QUE JE CROIS BÉCHIR BEN YAHMED bby@jeuneafrique.com
Samedi 15 mai
Des événements qui ont un sens
«
L
’éditorialiste d’hebdomadaire est quelqu’un qui est obligé de trouver, chaque semaine, une signification à un événement qui n’a, peut-être, ni sens ni conséquence. » L’auteur de cette réf lexion, John Kenneth Galbraith*, est l’un des meilleurs économistes et penseurs du XX e siècle. Il a raison et, pour ma part, je veille, chaque semaine et autant que je le peux, à ce que l’événement que je commente soit significatif et chargé de conséquences.
✷
L’épreuve que traversent actuellement l’Union européenne (27 pays, 500 millions d’habitants) et la zone euro (16 pays et bientôt 17) est l’événement le plus significatif du moment. Mais cette épreuve n’en est qu’à ses débuts et nous aurons donc l’occasion d’y revenir. Pour l’heure, je peux en dire que les dirigeants (politiques, économiques et financiers) qui y font face montrent une détermination et un savoir-faire impressionnants, dignes d’éloges. Mais ils ont la très lourde tâche – mission impossible ? – de convaincre leurs peuples que les temps ont changé.
✷
L’Europe se considérait comme un modèle pour les autres et avait pris l’habitude de juger le reste du monde par rapport à elle. Elle voyait, en général, sur les autres continents des pays moins bien lotis. En mai 2010, vu de l’extérieur, l’Europe paraît toujours être une oasis de liberté, un continent où il fait bon vivre. Mais elle donne l’impression d’être fatiguée, en perte de vitesse démographique, désertée par la croissance économique : le chômage touche près de 10 % de la population active et semble y être devenu endémique. Les États européens sont, pour la plupart, très endettés, et leurs budgets sont en déficit sévère : il faut donc baisser les dépenses publiques et augmenter les impôts. Le grand problème des gouvernants européens, l’équation qu’ils ne parviennent pas à résoudre, est le suivant : comment retrouver la croissance économique pour créer des emplois et faire face aux besoins J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
d’États qui ont pris la mauvaise habitude de vivre au-dessus de leurs moyens ?
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Les Européens devront désormais travailler plus et non pas moins. Il leur faut aussi travailler mieux pour redevenir compétitifs, accepter des sacrifices et remettre en question un dogme qui leur est devenu cher, celui des situations acquises. Si les dirigeants européens d’aujourd’hui et de demain ne parviennent pas à convaincre leurs peuples d’accepter ces conséquences inévitables de la mondialisation, l’Europe comptera de moins en moins dans le concert des nations et prendra le chemin d’un long déclin… Mais le pire n’est pas sûr, et l’on peut encore espérer que ce berceau de la civilisation moderne se révélera capable de garder sa place dans le peloton de tête des pays développés. Les toutes prochaines années nous diront laquelle des deux directions les Européens auront choisi de prendre.
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Cela dit, je m’autorise à consacrer l’espace qu’il me reste à deux autres événements d’inégale importance, mais dont je pense qu’ils ont l’un et l’autre une signification et une portée. 1. Après une longue attente, l’État d’Israël, qui vient de célébrer ses soixante-deux ans d’existence, a été admis à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il devient le 32 e membre de ce club prestigieux, créé en 1960, où ne sont admis, après un long examen de leurs performances, que les pays enrichis (ou en passe de l’être) par le développement économique et industriel, et qui observent une discipline économique assez rigoureuse. Être membre de l’OCDE équivaut, par conséquent, à un « certificat de bonne conduite et de respectabilité ». Le Chili est entré dans le club le 7 mai 2010, et le 10 mai, ce sont l’Estonie, Israël et la Slovénie qui ont été appelés à en franchir le seuil. La Russie les suivra, mais les autres candidats devront patienter plusieurs années avant de se voir délivrer leur carte de membre.
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CE QUE JE CROIS Aucun pays africain, aucun pays arabe ne fait partie de ce club – le gotha des nations –, et aucun n’est même un candidat sérieux à son admission dans un délai prévisible. L’Afrique du Sud, peut-être, dans dix ans. Un pays ne peut entrer dans ce club très fermé que si les États membres l’acceptent parmi eux expressément et à l’unanimité.
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Membre fondateur de l’OCDE, seul pays musulman de ce cénacle, la Turquie a voté en faveur de l’admission d’Israël malgré sa brouille récente avec ce pays et sans tenir compte des objections palestiniennes. Je pense, pour ma part, qu’elle a eu raison de le faire. De même qu’un Obama, Prix Nobel de la paix, se doit de veiller à militer pour la paix en toutes circonstances, de même un Israël membre de l’OCDE devra s’astreindre à une série de contraintes nouvelles pour lui, politiques et économiques. Pourra-t-il rester encore longtemps une puissance occupante ? Pourra-t-il continuer à développer son économie sans faire la paix avec ses voisins ? Probablement pas.
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2. Mon second événement peut paraître anecdotique. Il est, à mon avis, plus que cela. Vous avez pu lire, dans le dernier numéro de Jeune Afrique, sans commentaires, des extraits d’une interview du colonel Kaddafi au magazine allemand Der Spiegel. Il y disait beaucoup de mal de la Suisse
et, en particulier, que ce pays n’aime rien tant que l’argent ; selon le « Guide » libyen, la Suisse fait et ferait tout pour que « le fric », en particulier celui des dictateurs et autres criminels, afflue dans les coffres de ses banques. Et y reste. Jeune Af r ique et moi-même av ions tendance jusqu’ici à écrire que le maître de la Libye ne s’exprime, depuis quarante ans, que pour énoncer des idées fausses ou saugrenues.
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Mais Kaddafi a-t-il constamment tort, et ce qu’il dit est-il toujours erroné ? Je me pose pour la première fois cette question à la lecture d’une dépêche qui montre que la Suisse, ou, en tout cas, le pouvoir qui la dirige, ressemble à ce qu’en dit Kaddafi. Lisez : « La Suisse veut interdire de se cacher le visage dans les lieux publics, mais devrait faire une exception pour les touristes musulmanes portant la burqa. “On doit voir comment on peut faire des exceptions pour les touristes qui viennent avec la burqa”, a déclaré la ministre de la Justice, Eveline WidmerSchlumpf. » Vous avez bien lu : pas de minaret ni de burqa pour les pauvres habitants de la Suisse ! Mais il ne faut en aucun cas décourager les touristes fortunées car leur argent nous intéresse : que leurs femmes viennent vêtues de leur burqa, ou de ce qu’elles veulent. L’essentiel est qu’elles nous laissent l’argent… ■ * Décédé le 29 avril 2006, à l’âge de 97 ans.
HUMOUR, SAILLIES ET SAGESSE Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. ■ Vouloir
arriver, c’est avoir déjà fait la moitié du chemin. ALFRED CAPUS ■ Quand on écrit avec facilité, on croit toujours avoir plus de talent qu’on n’en a. JOSEPH JOUBERT ■ Il
ne s’agit plus tant de savoir quelle est la meilleure armée mais où se trouvent les peuples les plus solides. C HARLES DE GAULLE ■ La
Terre pourrait être plus petite, y a des endroits où on va jamais. LES NOUVELLES BRÈVES DE COMPTOIR ■ La
minorité a quelquefois raison, la majorité a toujours tort. GEORGE BERNARD SHAW
■ Le
management par objectif est efficace si vous connaissez les objectifs. Mais 90 % du temps vous ne les connaissez pas. PETER D RUCKER ■ Quand le Christ fut ressuscité, il apparut d’abord à des femmes pour que la nouvelle se répande plus vite. JEAN -C HARLES ■ Si tu vas en guerre, prie une fois ; si tu vas en mer, prie deux fois ; si tu vas en mariage, prie trois fois. PROVERBE POLONAIS ■ L’homme honorable commence par appliquer ce qu’il veut enseigner ; ensuite il enseigne. C ONFUCIUS
■ Cette éphémère feuille de papier qu’est le journal est l’ennemi naturel du livre. Comme la prostituée est l’ennemie de la femme convenable. JULES ET E DMOND DE GONCOURT ■ La
pire douleur qui soit au monde, c’est bien d’y voir clair et d’être sans pouvoir. HÉRODOTE ■ Les
conneries, c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer. M ICHEL AUDIARD ■ Les
défauts de l’esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage. L A ROCHEFOUCAULD
■ Le
caractère, c’est la destinée. E SCHYLE
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France 2010
SOMMAIRE
ÉDITORIAL
Paroles de chefs
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MADAGASCAR RAJOELINA JOUE À QUITTE OU DOUBLE À la surprise générale, le président de la transition a annoncé, le 12 mai, quʼil ne se présenterait pas à la présidentielle...
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GUINÉE SUR UN AIR DE CAMPAGNE
Le chef de la junte veut des élections au plus tôt. Tout comme la communauté internationale. Les retards, sʼil y en avait, seraient dʼordre technique. Les candidats, eux, sʼactivent déjà. Reportage.
PHOTOS DE COUVERTURES : LUDOVIC/REA ; RUE DES ARCHIVES/AGIP
L’IMPERTINENT AHMED BENCHEMSI, ce funambule des lignes rouges qui, au Maroc, délimitent les FRANÇOIS frontières de l’incritiquable (Dieu, SOUDAN la patrie, le roi), a encore sévi. De passage à Rabat cette semaine, je lis à la une de son hebdo TelQuel l’annonce d’une enquête – au demeurant intéressante – sur « les secrets des discours royaux »: rédaction, ficelles, astuces, audimat, etc. Avec, en filigrane, cette éternelle frustration qu’éprouvent tous les journalistes, marocains ou familiers du Maroc: pourquoi Mohammed VI ne communique-t-il avec son peuple que par le biais de ces exercices imposés? En d’autres termes: pourquoi n’accorde-t-il jamais ni interviews ni conférences de presse? Sur un continent où les rapports qu’entretiennent les chefs d’État avec les médias ont toujours évolué entre la séduction et la répulsion, le souverain chérifien n’est pas le seul à considérer le contact direct avec les journalistes comme inutile, contraignant et à la limite du contre-productif. Le président tunisien Ben Ali, ses homologues camerounais Paul Biya et angolais José Eduardo dos Santos, voire l’algérien Abdelaziz Bouteflika, ont la parole « live » rarissime et ne s’expriment dans les journaux (tout au moins dans ceux qui s’y prêtent) qu’à travers des entretiens prêts à publier rédigés par leurs services de communication et à peine relus par les intéressés eux-mêmes. À l’instar du roi du Maroc, ces autres « fils de… » que sont Ali Bongo Ondimba, Faure Gnassingbé et Joseph Kabila ne montrent guère d’appétence pour le côté impudique et exhibitionniste qu’implique forcément le dialogue avec les médias. À l’autre extrémité du spectre, une fois passés en revue les taiseux, les intermittents de la parole et la cohorte de ceux qui aimeraient faire la couverture des journaux ou le 20 heures des grandes chaînes, mais que nul n’interroge jamais, il y a, bien sûr, les Hugo Chávez africains. Ceux pour qui parler c’est exister. Mouammar Kaddafi, qui entretient depuis des lustres une relation nombriliste avec les caméras, est de ceux-là. Abdoulaye Wade, qui a le verbe aussi talentueux que facile, est guetté par ce syndrome. Mais aussi tous ces présidents dont les conseillers de presse négocient avec acharnement de furtives (et coûteuses) apparitions dans le monde virtuel des Blancs, sous forme de micro-interviews, de tribunes clés en mains ou de livres préécrits. Alors: parler, ou ne pas parler aux médias? Faire comme Sarkozy et Obama, ou imiter Hu Jintao? Si le débat est ouvert, une chose est sûre: il n’existe aucune corrélation entre la bonne gouvernance et la fréquence des expositions aux feux de la rampe. Le silence comme la faconde peuvent aussi bien masquer les carences que mettre en valeur des réussites. Quant aux prestations médiatiques à grand spectacle dont nous gratifiaient un Hassan II, un Mobutu ou un Bongo et dont nous sommes tous, nous journalistes, un brin nostalgiques, elles n’ont jamais fait avancer d’un centimètre le développement de leurs propres pays, ni servi à autre chose qu’à flatter le narcissisme de leurs auteurs. ■
DANS JEUNE AFRIQUE ET NULLE PART AILLEURS
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CE QUE JE CROIS Par Béchir Ben Yahmed CONFIDENTIEL
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FOCUS
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Madagascar Rajoelina joue à quitte ou double BAD Abidjan, le grand retour Shell Afrique Syndicats « on line » Lʼhomme de la semaine Mahamat-Saleh Haroun Côte dʼIvoire Lʼopposition fait marche arrière Scolarisation Afrique : peut mieux faire Guinée-Israël Global CST agit à découvert Télévision Al-Qarra, une Euronews arabe
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QUʼAVEZ-VOUS FA IT DE VOS 50 ANS ?
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Cameroun Deux hommes, une nation
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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Guinée Sur un air de campagne Burkina Faso Foot : les caisses et les stades sont vides Nigeria La foire dʼempoigne a débuté Somaliland Le pays qui nʼexiste pas
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SOMMAIRE 7
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MARITIME
QUʼAVEZ-VOUS FAIT DE VOS 50 ANS ?
CAMEROUN DEUX HOMMES, UNE NATION
LE GRAND CHAMBARDEMENT Les lignes commerciales bougent, la géographie des escales se redessine. Épargné par la crise, le marché africain a le vent en poupe. État des lieux du secteur.
Les deux chefs de lʼÉtat ont préservé la paix et lʼunité. Mais à quel prix ?
• Dans la tête de Biya • Que reste-t-il dʼAhidjo ? • Ce que pensent les Camerounais ? • Ces jours-là : 1 janvier 1960 et 20 mai 1972. Spécial 10 pages. er
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ALGÉRIE
LES ENFANTS GÂTÉS DU SYSTÈME Enquête sur les frasques des « fils et filles de », mises en lumière par trois affaires récentes.
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BELGIQUE
ALBERT II, LE DERNIER REMPART À terme, lʼéclatement du royaume paraît inéluctable. Que peut faire le roi, garant de lʼintégrité du territoire ?
PIERRE LELLOUCHE
« IL NʼY A PAS DʼALTERNATIVE À LʼUPM » Israël, Polisario, affaire Ben Brik, relations avec Bernard Kouchner... Le secrétaire dʼÉtat français chargé des Affaires européennes se confie à J.A.
L E D E VO I R D ʼ I N FO R M E R , L A L I B E R T É D ʼ É C R I R E
44 44
Afrique du Sud Malema en rééducation Social Enfances volées
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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Algérie Les enfants gâtés du système Adieu Abdelaziz Meziane Belfkih Interview Mohamed Achaari, membre du bureau politique de lʼUSFP Libye Mootassem, le dindon de la farce Mention bien Union du Maghreb arabe Les patrons haussent le ton Mauritanie À couteaux tirés
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INTERNATIONAL
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Belgique Le dernier rempart États-Unis Portrait dʼun terroriste en gendre idéal Interview Pierre Lellouche, secrétaire dʼÉtat français chargé des Affaires européennes Parcours Djemila Benhabib Haïti Préval face à la rue Italie Un divorce et cinq héritiers États-Unis Où sont passés les Wasp ?
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ECOFINANCE
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Dette LʼAfrique récolte les fruits de lʼaustérité La semaine dʼEcofinance Tribune Vive la baisse de lʼeuro ! Interview Henri-Claude Oyima, administrateur-directeur général de BGFI Bank Automobile Les distributeurs prêts à reprendre la route Santé Bataille pour une recette miracle
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LE DOSSIER DE J EUN E AF R IQUE
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Transport maritime
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LIR E, ÉC OUTER , VOIR
90 93 94 96
Livres Course contre la mort Cinéma Femmes de Tunis Musique Règlement de comptes à O.K. Kora Arts plastiques La Tanzanie récupère son bien
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VOUS & NOUS
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Votre journal Mondial 2010 Courrier des lecteurs Post-scriptum
CONFIDENTIEL
POLITIQUE
SAHARA PARIS, ENTRE RABAT ET ALGER L’ADOPTION, DÉBUT MAI, PAR LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES de la résolution 1920, à l’issue de vifs débats au cours desquels le représentant français s’est fait l’avocat du Maroc en s’opposant à l’élargissement du mandat des Bérets bleus de la Minurso à la surveillance et à la protection des droits de l’homme au Sahara occidental, a remis en lumière la forte proximité entre Rabat et Paris sur ce dossier ultrasensible. « Nicolas Sarkozy est au moins aussi promarocain que son prédécesseur Jacques Chirac, ce qui n’est pas peu dire, confie un diplomate. À ses yeux, le plan royal d’autonomie interne du territoire est la seule voie à suivre. Ceux des membres de la délégation française à l’ONU qui prônent un certain équilibre entre Rabat et Alger sont priés de suivre le mouvement. »
La seule limite que se fixe Paris concerne les déplacements de responsables au Sahara occidental : ni l’ambassadeur de France au Maroc ni les ministres en visite dans le royaume ne sont autorisés à s’y rendre – une politique également suivie par les autres pays européens et par les États-Unis. Quant aux autorités algériennes, elles semblent avoir pris leur parti de ce tropisme français. « Cette affaire n’est pratiquement jamais abordée lors de nos discussions bilatérales, explique une source française proche du dossier. Nos amis algériens se contentent de dire : “Nous connaissons votre position”, avant de passer à autre chose. Il est vrai qu’il existe entre eux et nous des sujets de contentieux autrement plus lourds. Au moins pour l’instant. »
AFRIQUE CENTRALE SOMMET EXTRAORDINAIRE, EN JUIN Un sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) devrait se tenir à Brazzaville, au Congo, au cours de la première quinzaine du mois de juin prochain. À l’ordre du jour : l’extension du principe de rotation à la tête de toutes les institutions communautaires, et pas seulement à celles de la Banque centrale et de la banque de développement, mais aussi la libre circulation des personnes et des biens entre les différents pays de la Communauté. Celle-ci tarde à entrer dans les faits en raison du retard pris dans l’établissement des passeports Cemac (qui aurait dû commencer à la fin du mois d’avril). Le sommet devrait également faire le point sur le décollage d’Air Cemac. On s’attend notamment à l’annonce d’une date pour le lancement de la phase d’exploitation. Enfin, les chefs d’État feront un point d’étape sur le rapprochement en cours entre le Douala Stock Exchange et la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC). Afin d’accélérer le mouvement, un schéma de financement établi par la Banque africaine de développement (BAD) sera proposé aux chefs d’État.
STR NEW/REUTERS
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James Ibori: un ancien gouverneur soupçonné d’escroquerie.
NIGERIA
UN PROCHE DE YAR’ADUA CUEILLI À DUBAÏ C’est dans sa chambre d’hôtel à Dubaï, le 12 mai vers 21 heures, que James Ibori a été arrêté. Cet homme politique nigérian à la réputation sulfureuse est notamment soupçonné d’avoir orchestré une escroquerie portant sur près de 300 millions de dollars à l’époque (1999-2007) où il était le gouverneur de l’État pétrolier du Delta, dans le sud du pays. Cette arrestation est une bonne surprise pour la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC), qui n’était pas parvenue à localiser le fugitif, sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis un mois. Le concours d’Interpol et de la police britannique, qui le réclame également, a été déterminant. Reste à présent à obtenir l’extradition d’Ibori vers le Nigeria. La comparution de ce proche d’Umaru Yar’Adua, l’ancien chef de l’État décédé le 5 mai, serait un symbole de rupture dont Goodluck Jonathan, le nouvel homme fort du pays, pourrait utilement se prévaloir.
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9 CÔTE D’IVOIRE
HAÏTI GÉNÉREUX AMIS BÉNINOIS
LI BENZHONG/LANDOV/MAXPPP
Le 18 mai, à Cotonou, la Fondation Cardinal Bernardin Gantin a remis son prix international au sénateur haïtien Joseph Lambert, spécialement venu de Port-au-Prince pour l’occasion. La donation de 68 millions de F CFA (103 000 euros) est une contribution à la scolarisation au Bénin – berceau du vaudou haïtien – de jeunes victimes du tremblement de terre du 12 janvier. Parmi les donateurs privés, le président Yayi Boni arrive en tête, avec 5 millions de F CFA, devant Chantal de Souza Yayi, son épouse (1 million de F CFA), Albert Tévoédjrè, médiateur de la République (500 000 F CFA), Robert Dossou, président de la Cour constitutionnelle (300 000 F CFA) et le nonce apostolique, Mgr Michaël Auguste Blume (300 000 F CFA). Spécialisée dans l’importation de produits alimentaires, la société Cajaf Comon, que dirige Sébastien Ajavon, s’est montrée très généreuse (20 millions de F CFA).
COMMENT PASSER DU GRIS AU BLANC ?
Le président Yayi Boni et son épouse: 6 millions de F CFA pour les enfants victimes du séisme.
TUNISIE LE WEEK-END « GREC » DE GHANNOUCHI Tout au long du week-end du 8 et 9 mai, Mohamed Ghannouchi, le Premier ministre tunisien, a suivi heure par heure l’évolution de la crise dans la zone euro, notamment en Grèce, et évalué ses éventuelles répercussions sur les échanges entre son pays et l’Union européenne, son principal partenaire économique. Le lundi 10, le sujet figurait en tête de l’ordre du jour de ses entretiens avec le président Zine el-Abidine Ben Ali. Jugeant indispensable de « garantir la sécurité de l’économie nationale », le chef de l’État a souhaité que ses collaborateurs accélèrent l’étude des mesures à prendre, au premier rang desquelles la rationalisation des dépenses publiques et la maîtrise des dépenses liées aux produits de consommation, importés notamment.
NIGER LA SOCIÉTÉ CIVILE « VIGILANTE » APRÈS LA PROMESSE DE LA JUNTE NIGÉRIENNE d’instaurer une transition de un an à compter du coup d’État du 18 février contre le président Tandja, le Conseil consultatif national, un organe représentatif de la société civile composé de 131 membres, espère aboutir au plus vite à la mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante (Ceni). « C’est en discussion ; nous attendons que le comité chargé de rédiger l’avant-projet de Constitution finalise le nouveau code électoral », explique un leader de la société civile, bien décidé à « ne pas se laisser faire sur la durée de la transition, le calendrier électoral et la transparence du scrutin ». Le Conseil consultatif propose la date du 26 décembre pour le premier tour de la présidentielle, couplée aux législatives. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
Pour sortir de l’imbroglio de l’établissement des listes électorales, Boureima Badini, le représentant du médiateur burkinabè (Blaise Compaoré), propose un plan étalé sur trois semaines. Il s’agit d’abord de réunir les politiques pour les amener à se mettre d’accord sur le sort de la liste dite « blanche » et la manière de régler le contentieux. Ladite liste blanche, qui dénombre 5,3 millions d’électeurs, a été établie après vérification de la nationalité ivoirienne des personnes recensées, par croisement avec les fichiers administratifs existants. Or le camp présidentiel estime que les recoupements avec la liste électorale de 2000 sont insuffisants, puisque, selon lui, de nombreux étrangers auraient été frauduleusement inscrits sur cette liste. Pourtant, s’il faut en croire les résultats d’une enquête de la Sagem, seuls 14000 étrangers, soit à peine 0,3 % du corps électoral, seraient dans ce cas. Pendant que les politiques tenteraient de se mettre d’accord – la médiation leur accorderait pour cela deux semaines –, la Commission électorale indépendante (CEI) serait chargée d’épurer la liste « grise » : un peu plus de 1 million de personnes qui n’ont pu être identifiées comme citoyens ivoiriens par croisement administratif. Puis de statuer sur le sort de ces citoyens « gris » et d’intégrer ceux qui peuvent l’être à la liste blanche. Alors, et alors seulement, la CEI serait en mesure de donner son feu vert et de proposer une nouvelle date pour la tenue du scrutin.
CONFIDENTIEL BUSINESS GOUDIABY ET LA RENAISSANCE… CHINOISE Concepteur, entre autres, du monument de la Renaissance africaine, à Dakar, l’architecte et homme d’affaires Pierre Goudiaby envisage aujourd’hui de créer, toujours dans la capitale sénégalaise, une zone franche exclusivement consacrée aux investissements chinois. « Pierre Goudiaby a beaucoup de projets », commente, sans plus de précisions, un diplomate chinois. L’intéressé vient de fermer une succursale de sa société Atepa située sur les ChampsÉlysées, à Paris, après avoir ouvert un bureau à Pékin, il y a un an.
ÉCONOMIE
GUINÉE
L’architecte sénégalais devant le monument de la Renaissance africaine.
RIO TINTO PROSPECTE
AHOUNOU/APA
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TRANSFERTS D’ARGENT LES SÉNÉGALAIS, MALGRÉ LA CRISE… La crise n’a qu’un effet limité sur les transferts d’argent des immigrés sénégalais, qui sont passés - selon un rapport du FMI à paraître prochainement - de 722 milliards de F CFA (1,1 milliard d’euros) en 2008 à 660 milliards en 2009. La baisse n’est que de 8,5 %, alors qu’elle est comprise entre 30 % et 40 %, par exemple, dans les diasporas d’Asie centrale. Le montant des transferts des immigrés sénégalais est presque égal à celui des exportations de services (690 milliards de F CFA en 2009).
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ENFIN UN FONDS PANAFRICAIN ! CENSÉ CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE du continent par le financement de projets privés, un Fonds pour l’agriculture en Afrique (FAA) sera mis en place prochainement. Il disposera à partir du mois de juillet d’un capital compris entre 120 millions et 130 millions de dollars. Les principaux contributeurs seront la Banque africaine de développement (BAD) et l’Agence française de développement (AFD) – 40 millions de dollars chacun –, aux côtés de divers investisseurs publics et privés. Dès l’annonce de la décision de la BAD, les 27 et 28 mai, lors des assemblées générales annuelles, le FAA commencera à distribuer des fonds. Rédigés par le cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel, ses statuts seront déposés à Maurice, où les procédures d’enregistrement sont particulièrement rapides.
TRANSPORT MARITIME LE MALI S’INVITE Déjà détenteur, au côté du français Getma, de 5 % du terminal à conteneurs du port de Conakry (montant de la participation : 200 millions de F CFA), le Conseil des chargeurs du Mali, qui regroupe exportateurs et importateurs de ce pays, négocie avec les autorités sénégalaises et ivoiriennes en vue de prises de participation croisées dans leurs ports respectifs. Ce qui lui permettrait d’accroître son poids lors de la négociation des taux de fret.
Le groupe australien Rio Tinto procède à des tests dans la région de Forécariah, à une centaine de kilomètres au sud de Conakry, en vue de choisir le lieu de son futur port minéralier (destiné à l’exportation du minerai de fer du gisement de Simandou, auquel il sera relié par une voie ferrée). Deux sites paraissent tenir la corde : l’un sur l’île de Matakan, l’autre à la frontière entre la Guinée et la Sierra Leone.
CONTREPARTIES POUR ADC Selon Mahmoud Thiam, le ministre guinéen des Mines, le contrat de 7 milliards de dollars qui lie son pays au Chinese International Fund (CIF) reste en vigueur. Annoncé après les massacres du stade du 28-Septembre et violemment critiqué par l’opposition, celui-ci prévoit la création d’un joint-venture, African Development Corp. (ADC), détenu à 75 % par le CIF et à 25 % par la Guinée. ADC a pour mission de revitaliser les secteurs des mines, du commerce et des infrastructures. À en croire le ministre, « un train urbain de surface » f inancé par ADC aurait déjà été acheté et serait en cours d’acheminement vers Conakry. Par ailleurs, deux centrales électriques d’urgence de 30 mégawatts « n’attendraient plus que du carburant » pour soulager le réseau de la capitale. Thiam est en revanche resté muet quant à d’éventuels projets miniers.
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Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, du Ministère de la Santé et des Sports, du Ministère de la Jeunesse, du Ministère des Affaires étrangères, de la Sécurité Routière, d’Eco-Emballages, d’Air France, de la SACEM, de l’UCPA, de l’ADAMI et de France Galop.
> Barrage de Song Loulou.
> Route “Razel”, de Douala à Édéa.
> Travaux de réhabilitation et d’entretien de la RN5, tronçon Loum - Pont du Nkam.
> Voiries urbaines et réseaux viaires de Douala.
> Travaux de sécurisation de la Route Nationale 3,
> Carrière de Nkometou. Crédit photo : Nicolas Vercellino, DR.
Yaoundé-Douala.
> Génie civil pour le port de Douala.
> Aménagement du carrefour de la Préfecture à Yaoundé.
> Razel Travaux Publics
L’EXPÉRIENCE CAMEROUNAISE 1948 : Razel arrive sur le sol camerounais pour ouvrir une nouvelle route, de Douala à Édéa. Depuis, les Camerounais la surnomment “Route Razel”. C’est dire combien le nom de Razel est familier aux Camerounais. Plus de 60 ans ont passé. Routes, pistes, chantiers de voirie, plates-formes de sites industriels, parkings, pistes d’envol, aménagements portuaires, ponts, barrages, digues… Razel multi-métiers a maintenu sa présence au Cameroun, adaptant ses moyens en hommes et en matériels aux besoins du pays.
razel.fr
CONFIDENTIEL
CULTURE & SOCIÉTÉ
ARTS
CULTURESFRANCE CHANGEMENT DE TÊTE EN VUE
UNE BIENNALE INTERNATIONALE AU BÉNIN ?
À LA TÊTE DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE D’ACTION ARTISTIQUE (Afaa, rebaptisée Culturesfrance en 2006) depuis 1999, l’écrivain et diplomate Olivier Poivre d’Arvor est sur le départ. Si ses vœux sont exaucés, il pourrait hériter d’une ambassade pas trop éloignée de Paris. La Grèce aurait ses faveurs, mais le Portugal est aussi évoqué. Qui, pour le remplacer ? Apparemment, les candidats ne se bousculent pas pour diriger l’opérateur chargé de promouvoir la culture française à l’étranger, tant les prochains mois paraissent lourds d’incertitudes – et de compressions budgétaires. L’académicien et ambassadeur de France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin, a décliné l’offre, tandis que l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon semble vouloir rester à la tête du château de Versailles. Reste Renaud Donnedieu de Vabres, autre ancien ministre de la Culture, actuellement conseiller pour la stratégie et le développement auprès de l’homme d’affaires Alexandre Allard… Culturesfrance est appelé à devenir prochainement un établissement public à caractère industriel et commercial. Il devrait prendre le nom d’Institut français, et non d’Institut Victor-Hugo, comme il en a été un temps question. RECHERCHE
LA BONNE IDÉE DU PR SALL Recteur de l’université Cheik h - A nt a - D iop, à Dakar, le Pr Abdou Salam Sall lance une initiative originale pour promouvoir des centres de recherche africains répondant aux s t an dards internationaux. Il suggère en ef fet de c r é e r un e f on d a t ion financée par les États, qui lui reverseraient 1 % de leurs recettes d’exploitation des ressources naturelles. Ouverte aux scientif ique s du continent comme à c eux de la diaspora, cette fondation devrait en outre bénéficier du soutien de la Banque africaine de développement (BAD).
« Regard 1.0 », c’est le nom retenu par la Fondation Zinsou et le ministère de la Culture pour la quinzaine d’événements ar tis tiques organisés pendant trois mois (de juin à août) à l’occasion du cinquantenaire des indépendances. Au programme, les photographes Malick Sidibé, Antoine Tempé et Baudouin Mouanda; les plasticiens Dominique Zinkpé, Aston, Gérard Quenum et William Wilson; l’écrivain Florent Couao-Zotti et quelques autres. L’ambition ? Créer une nouvelle biennale internationale d’art contemporain.
DANSE MOQUEUSE, GERMAINE !
FESTIVAL
Neuf ans après Tchouraï, la chorégraphe et danseuse sénégalaise Germaine Acogny (66 ans) travaille à un nouveau solo, Songook Yaakaar (« Affronter l’espoir », en wolof). Une création qu’elle présentera les 17 et 18 septembre dans le cadre de la Biennale de la danse, à Lyon (France). « Depuis longtemps, explique l’ancienne danseuse de Maurice Béjart, je cherchais le moyen de répliquer à ceux qui parlent de l’Afrique à tort et à travers… » Pour Songook Yaakaar, elle a choisi de s’inspirer de la « parenté à plaisanterie », cette coutume ouest-africaine qui consiste à se moLa danseuse et chorégraphe quer des autres et de sénégalaise soi. Elle est assistée Germaine de Bernard Mounier Acogny. pour les textes et de Pierre Doussaint pour la chorégraphie.
LA MUSIQUE AFRICAINE S’INVITE À ARLES
ANTOINE TEMPÉ
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Du 12 au 18 juillet, le festival Les Suds, à Arles, dans le sud de la France, sera l’occasion d’entendre de nombreux musiciens africains dans des duos originaux. Le Malien Ballaké Sissoko jouera ainsi de la kora avec le violoncelliste français Vincent Ségal; le joueur de kologo gambien Juldeh Camara répondra au guitariste britannique Justin Adams; tandis que Lansiné Kouyaté, le maître du balafon, échangera avec David Neerman, l’as du vibraphone. En solo, il sera possible d’écouter le Malien Salif Keita (13 juillet) et la jeune Tunisienne Emel Mathlouthi.
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14 FOCUS
LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE
MADAGASCAR
RAJOELINA
À QUITTE OU DOUBLE À la surprise générale, le président de la transition a annoncé, le 12 mai, quʼil ne se présenterait pas à lʼélection présidentielle prévue le 26 novembre. Cela suffira-t-il pour sortir de la crise ? RÉMI CARAYOL
M
ême les plus proches de ses ministres n’avaient pas été mis dans la confidence. « Je l’ai vu une demiheure avant, et il ne m’a rien dit. Il m’a juste annoncé qu’il allait faire une grande déclaration à la télé », raconte Augustin Andriamananoro, ministre des Télécommunications du gouvernement de transition et compagnon de la première heure d’Andry Rajoelina. Le 12 mai, l’homme fort de Tana a surpris son monde en annonçant en direct à la télévision nationale qu’il ne serait pas candidat à la prochaine élection présidentielle, prévue le 26 novembre. « Je me sacrifie pour ne pas sacrifier les Malgaches », a-t-il déclaré sur un ton empreint de solennité. Rappelant que « nous ne sommes que de passage ici-bas », il s’est réapproprié l’esprit du 13 mai, quand ses partisans se réunissaient sur la place du même nom, au début de 2009, mus par un désir de changement. « Cette décision, je l’ai prise pour pouvoir mener à terme la transition de manière objective et désintéressée, afin de poursuivre un combat qui n’est pas celui dont on donne le triste spectacle depuis plusieurs mois », a-t-il lancé. Le lendemain, sur RFI, Rajoelina parlait d’une « promesse définitive » sur laquelle il ne reviendrait pas.
Officiellement, l’objectif de cette décision que ses proches qualifient d’« historique » – « c’est la première fois dans l’histoire du pays qu’un dirigeant accepte de quitter le pouvoir de lui-même », dit l’un de ses collaborateurs – est de mettre fin à la crise politique. L’équipe Rajoelina-Vital (son Premier ministre, qui a toujours dit qu’il ne se présenterait pas), débarrassée de toute ambition électorale, serait la « mieux placée » pour organiser les prochains scrutins avec neutralité et mettre en œuvre la « feuille de route » que le président a présentée ce même 12 mai: un « dialogue national » du 27 au 29 mai, auquel sont invitées toutes les forces vives du pays (partis politiques, Églises, représentants des régions…) et qui devra aboutir à un projet de Constitution ; un référendum constitutionnel le 12 août; des élections législatives le 30 septembre; et, enfin, la pr é sid en tielle du 26 novembre, censée mettre un terme à la période de transition. En attendant, un gouvernement « technique », d’où seront exclus ceux qui souhaitent se présenter aux législatives, devrait être dévoilé prochainement. À vrai dire, Rajoelina n’avait pas le choix. Son plan A (les négociations de Pretoria) ayant échoué, il est hors de question pour lui de participer à
une énième rencontre avec les trois autres mouvances – « il n’y aura pas de Pretoria II », a assuré Camille Vital, le 13 mai. Son plan B (un gouvernement de salut public, principalement constitué de ministres issus de l’armée) n’a pas abouti, faute d’accord avec des officiers trop divisés. Restait le plan C : organiser des élections au plus vite, lancer un message à la communauté internationale et ne pas déplaire à l’armée, qui menace, depuis le 12 avril, de prendre les choses en main. Rajoelina a dû se résoudre à satisfaire l’une des conditions imposées par les officiers: ne pas se présenter. RETOURNEMENT DE SITUATION
Depuis son intervention télévisée, l’entourage de l’ancien maire de Tana ne tarit pas d’éloges sur le « courage » et la « maturité » du jeune homme (35 ans) et établit un parallèle avec la récente décision d’Amadou Toumani Touré de quitter la présidence du Mali. « Il en sort grandi », s’exclame Andriamananoro. « Les Malgaches
« Il en sort grandi », estiment ses partisans, qui vantent son courage et sa maturité. s’en souviendront lorsqu’il se présentera, peut-être dans cinq ans », juge un membre de la Haute Autorité de la transition (HAT). Même s’ils sont déçus – déboussolés pour certains –, ses partisans veulent croire à un retournement de situation. « Avec Ravalomanana, il était perçu comme le point de blocage. Aujourd’hui, il a renversé la tendance », juge l’un d’eux.
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FOCUS 15 « Si on se réfère au cas de la Guinée, nous devrions obtenir une reconnaissance internationale », estime de son côté Roland Ratsiraka, vice-président de la HAT. C’est aussi l’avis du gouvernement français, dont le soutien de plus en plus prononcé en faveur de Rajoelina exaspère l’opposition. Quelques heures après son allocution télévisée, Alain Joyandet, le secrétaire d’État à la Coopération, affichait un soutien
« C’est encore lui qui fixe le calendrier des élections », déplorent les opposants. sans faille: « L’annonce faite ce soir […] témoigne de son sens des responsabilités. [Rajoelina] place ainsi l’intérêt de son pays au-dessus de toute autre considération. […] Ces décisions placent Madagascar sur la voie du retour à l’ordre constitutionnel et donc du soutien de la communauté internationale. »
Andry Rajoelina, à Pretoria, en avril.
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STEPHANE DE SAKUTIN/AFP
« PROMESSES EN L’AIR »
Paris, qui militait depuis quelque temps en faveur d’une « initiative forte » comme celle-ci, est cependant isolé. Si l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a également applaudi, l’Afrique du Sud n’a pas souhaité commenter « des décisions prises individuellement par des dirigeants » et en a appelé une nouvelle fois au « retour à l’ordre constitutionnel ». L’opposition malgache, elle, parle de « promesses en l’air » (Monja Roindefo) ou de « choix anodin » (Fetison Andrianirina). Selon ce dernier – qui est un proche de Marc Ravalomanana –, « aucune des mouvances n’a jamais sollicité la non-participation [de Rajoelina] aux prochaines élections. Ce n’est pas le facteur de blocage ». L’opposition dénonce, en outre, « l’unilatéralisme » du jeune président. « Encore une fois, c’est lui qui fixe seul le calendrier des élections », déplore Fetison. Les trois mouvances ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne participeraient pas au « dialogue national ». Au risque de se voir accusées, à leur tour, d’être responsables du blocage. Dans ce cas, Rajoelina aurait réussi son coup. ■
16 FOCUS
BAD Abidjan, le grand retour DIX ANS. Cela fait exactement dix ans que l’assemblée annuelle de la Banque africaine de développement (BAD) ne s’est pas réunie à Abidjan. Les conflits internes ivoiriens avaient même obligé l’institution à délocaliser son siège à Tunis, en février 2003. Aujourd’hui, un retour définitif semble possible. Du moins si la prochaine assemblée annuelle, qui aura lieu les 27 et 28 mai au Palais des congrès – entièrement
hauts responsables de la banque – avec, à leur tête, le président Donald Kaberuka – ont permis de détendre l’atmosphère et de réamorcer la coopération avec la Côte d’Ivoire (à qui la BAD a fait don de 586 millions de dollars, en 2009, destinés à apurer ses arriérés de paiement). CLIMAT APAISÉ
L’annulation, par l’opposition, des « marches de protestation » contre le président Gbagbo prévues le 15 mai va dans le sens d’un apaisement (voir p. 20). Et ouvre la voie à la présenc e, le 26 mai, de plusieurs chefs d’État africains à la cérémonie inaugurale, qui s’annonce grandiose. Plus de 2 300 participants y sont attendus, soit davantage qu’à Dakar, en mai 2009.
Plus de 2 300 participants sont attendus à l’assemblée annuelle des 27 et 28 mai. rénové – de la capitale économique ivoirienne, se déroule sans encombre. Les multiples visites des plus
Les 77 États membres – auxquels s’ajouteront trois c andidat s obser vateur s, la Turquie, l e L u x e m b o u r g e t l ’A u s t r a lie – devraient envoyer plus de 6 0 0 d é l é g u é s , d o n t p lu s i e ur s ministres de l’Économie et des Finances. Des centaines d’autres représenteront les institutions de développement, les banques centrales ou d’af faires, les compagnies d’assurances, les ONG, de grandes entreprises africaines et des cabinets de consultants. Les médias seront eux aussi de la fête, avec plus de 250 journalistes de la presse écrite et audiovisuelle. Au menu, trois grands événements : la réélection attendue de Donald Kaberuka pour un second mandat de cinq ans (20102015), le triplement du capital de la banque (à 100 milliards de dollars) et l’élection des administrateurs. ■ SAMIR GHARBI
FOCUS 17 EN HAUSSE VINCENT FOURNIER/J.A.
MOUHANNAD AL-HASSANI
Emprisonné à Damas depuis 2009, cet avocat syrien a reçu le prix Martin-Ennals pour son action en faveur des droits de l’homme – une distinction décernée par une dizaine d’ONG, dont Amnesty International.
HO NEW/REUTERS
ASSISTE-T-ON À UNE PREMIÈRE MOBILISATION syndicale coordonnée à l’échelle du continent africain? En annonçant qu’il allait céder ses activités « aval* » dans 21 pays d’Afrique (voir J.A. no 2570), le groupe Shell n’a pas seulement alarmé ses 3000 salariés du continent. Il a fait l’unanimité contre lui. Des actions disparates – menées à Casablanca, Tunis, Dakar, Ouagadougou ou Accra – aux actions concertées, il n’y avait qu’un pas. Ou, plutôt, un clic de souris. Car le pétrolier anglo-néerlandais le découvre à ses dépens, un réseau social sur internet se révèle d’une redoutable efficacité pour mettre au point une stratégie commune et se donner une visibilité mondiale. Créé sur Facebook, le forum « Shell people are not for sale » recueille les témoignages des salariés, des photos et des vidéos de leurs sit-in. « Notre but est d’échanger des documents et de synchroniser nos actions, explique Imed Ben Ameur, salarié de Shell Tunisie et l’un des administrateurs du site. Nous organisons aussi des téléconférences hebdomadaires entre les délégués du personnel. » Une quinzaine de pays – la plupart francophones – ont rejoint le réseau. Les autres devraient suivre. Les témoignages affluent: « Shell m’a trahi… Shell doit payer! », « Je lui ai donné onze ans de ma vie! » Du côté de la direction, la tension est palpable. Les courriers aux salariés se succèdent, mais les modalités de vente restent floues. Une première lettre indiquait que le groupe privilégierait la vente entreprise par entreprise, ce qui réduirait la marge de manœuvre des syndicats. Mais dans son dernier courrier, Xavier Le Mintier, le viceprésident Afrique, parle « d’une transaction par vente des actions », une option qui marque un recul de la direction, puisqu’elle « n’affecte pas la relation contractuelle entre employé et employeur ». Une négociation commune serait alors envisageable. Ce qui n’a pas échappé aux syndicats: le 12 mai, une revendication « africaine » a été adoptée. Elle prévoit notamment la participation des salariés dans la nouvelle entité, une indemnisation et un intéressement sur la vente. ■
RENAUD BARRET FLORENT DE LA TULLAYE
Le film de ces réalisateurs français, qui retrace l’histoire des musiciens congolais de Staff Benda Bilili, a été ovationné lors de l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, au Festival de Cannes, le 13 mai.
PATRICK VIEIRA
L’ancien capitaine des Bleus, qui a disputé son dernier match avec l’équipe de France contre le Nigeria en 2009, est privé de Coupe du monde. À 33 ans, il entend néanmoins continuer sa carrière en club.
MICHAEL PAURON
DENIZ BAYKAL
Compromis dans une vidéo à caractère sexuel avec une députée de son mouvement, le chef de l’opposition turque a démissionné. Il ne devrait pas briguer un nouveau mandat à la tête du Parti républicain du peuple, le 22 mai.
UMIT BEKTAS/REUTERS
* Réseau de distribution de carburant – 1520 stations-service – et activités annexes : lubrifiants, vente aux professionnels, aviation et marine, bitume, stockage et gaz de pétrole liquéfié (GPL).
YOUSSOU N’DOUR
Le chanteur sénégalais lance sa télévision privée : la licence que l’État lui refusait depuis 2008 vient de lui être accordée. Télévision Futurs Médias (TFM), chaîne « culturelle », a commencé à émettre le 12 mai.
SD DISTRIBUTION
Syndicats « on line »
SICHOV/SIPA
SHELL AFRIQUE
La bonne image de la compagnie libyenne est ternie depuis le crash, le 12 mai, à Tripoli, de l’un de ses Airbus, en provenance de Johannesburg. Bilan : 103 morts et un survivant, un enfant de 9 ans.
TELENEWS
AFRIQIYAH AIRWAYS
Capture d’écran du forum Facebook des salariés de Shell. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
EN BAISSE
18 FOCUS
L’HOMME DE LA SEMAINE
Mahamat-Saleh HAROUN Réalisateur tchadien
I
maginez un réalisateur d’un État africain très pauvre de 11 millions d’habitants totalement dépourvu de salles et sans aucune tradition cinématographique. Ce cinéaste partira a priori avec de sérieux handicaps pour se faire une place dans le milieu terriblement concurrentiel du septième art. Après avoir signé quatre longs-métrages, voilà pourtant que le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, 49 ans, a déjà réussi à obtenir la plus belle des consécrations planétaires pour un metteur en scène : le 16 mai, il a gravi les marches conduisant au grand auditorium Louis-Lumière du Palais des festivals, à Cannes, pour présenter son dernier film, Un homme qui crie, en compétition pour la Palme d’or. Bien que déjà récompensé à plusieurs reprises, notamment à la Mostra de Venise, et célébré par la critique pour la beauté de ses images et la rigueur de ses scénarios, Haroun est on ne peut plus conscient de l’importance de ce qui lui arrive. Impossible de ne pas l’être : la répercussion de cette sélection officielle pour le plus grand festival de cinéma de la planète, nous a-t-il confié, est énorme, unique. Les réactions sont immédiatement venues du monde entier. Il est vrai que l’absence des cinéastes africains dans la compétition cannoise depuis treize longues années confère à la projection d’Un homme qui crie la dimension d’un véritable événement. Le cinéaste s’est rendu compte qu’il devenait ainsi, bon gré mal gré, « un peu le porte-parole du continent ». D’autant qu’aujourd’hui « l’invisibilité de l’Afrique » sur le grand écran « fait qu’il y a un désir d’Afrique » et « une grande attente ». Ainsi, toujours passionné mais d’apparence plutôt calme derrière sa volumineuse moustache, Haroun est depuis trois semaines sous tranquillisants, car, avant l’épreuve de La Croisette, « il y a de quoi flipper ».
CE QUI A DÉCLENCHÉ SON AMOUR DU CINÉMA se produit très tôt, assure-t-il, lorsqu’il voit son premier film, au Tchad, à l’âge de 8 ans : le sourire d’une belle femme indienne face caméra en gros plan le tétanise… car il a cru sur l’instant qu’il lui était destiné. Autre influence, encore plus déterminante, celle de sa grand-mère paternelle, Kaltouna, une femme de caractère qui était « une formidable conteuse », avec un tel art du récit qu’il « voyait tout ce qu’elle disait en images ». Originaire d’Abéché, dans l’est du pays, près de la frontière avec le Soudan, il poursuit des études très classiques jusqu’en classe de première.
C’est alors, à 17 ans, qu’il part pour un exil durable après avoir fait pour la première fois l’expérience de la guerre : touché par une balle perdue lors d’un épisode de l’interminable conflit qui secoue le pays depuis une quarantaine d’années, il est évacué sur une brouette vers le Cameroun. Après un court séjour à Pékin, où son père est diplomate, il s’installe en France, où, tout en faisant des petits boulots, il s’inscrit dans une école de cinéma, puis, car il faut bien vivre, dans une école de journalisme, à Bordeaux. Il travaille donc pendant cinq ans dans la presse quotidienne de province, comme secrétaire de rédaction ou comme spécialiste des faits divers, une excellente formation dit-il, avant de réaliser enfin son rêve de passer derrière la caméra. Après un court-métrage très remarqué, Maral Tanié, en 1994, sur le drame des mariages arrangés, il entre par la grande porte dans l’univers des réalisateurs de longs-métrages en obtenant le prix du meilleur premier film au Festival de Venise pour Bye Bye Africa, une œuvre à mi-chemin entre la fiction et le documentaire, évoquant sous la forme d’une chronique la disparition du cinéma dans son pays. Ses deux films suivants, Abouna, l’histoire de deux enfants à la recherche de leur père, parti subitement, e t D ara t t, l e s up e r b e récit d’une tentative de vengeance qui invite à une réflexion humaniste sur les conséquences d’une guerre civile, l’installent définitivement parmi les grands du cinéma d’auteur. Le premier sera sélectionné à la principale manifestation « off » de Cannes, la Quinzaine des réalisateurs, et le second de nouveau à Venise, où il décroche le Prix spécial du jury. Il ne manquait plus, pour couronner le tout, que la compétition pour la Palme d’or. C’est chose faite. Avec un film qui tourne autour des deux thèmes essentiels du cinéma si exigeant de MahamatSaleh Haroun : les traumatismes de ceux qui subissent la guerre et les pères défaillants. ■
Au Festival de Cannes, il présente son dernier film, Un homme qui crie, en compétition pour la Palme d’or.
RENAUD DE ROCHEBRUNE J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
Le 14 mai, à Paris. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
JACQUES TORREGANO POUR J.A.
FOCUS 19
20 FOCUS
CES
CHIFFRES QUI PA RL EN T
629
jours. Le délai moyen d’obtention d’un permis de construire, en Côte d’Ivoire.
2%
des billets
pour le Mondial ont été achetés par des Africains ( hors Afrique du Sud). En tête, le Ghana (8700 tickets), suivi par la Côte d’Ivoire (6 000) et l’Algérie (4 300 ). Loin derrière les ÉtatsUnis (110 000) et la Grande-Bretagne (97 000).
800000
litres de pétrole s’échappent c h a que jour d e la plateforme pétrolière de BP qui a explosé, le 20 avril, dans le golfe du Mexique.
84%
Le taux de piratage de logiciels en Algérie, champion du monde arabe en ce domaine en 2009, devant la Tunisie (79 %) et le Liban (73 %).
87
kg (pour 1,59 m). Le poids de la Suisse Yasmina Morina, gagnante du concours Miss Ronde Univers 2010.
CÔTE DʼIVOIRE Lʼopposition
fait marche arrière ANNONCÉE À GRAND RENFORT médiatique depuis plus de deux mois, la « marche blanche » que l’opposition prévoyait d’organiser le 15 mai à travers tout le pays n’a finalement pas eu lieu. Elle a été reportée sine die. Une pilule amère pour les militants, qui accusent leurs leaders de faire le « jeu du président Gbagbo ». « À l’approche de l’échéance, les deux camps ont pris peur, explique un membre influent de l’opposition, sous le couvert de l’anonymat. Certain que ce mouvement était insurrectionnel, Gbagbo se préparait en conséquence. Et, de leur côté, nos jeunes étaient prêts à se défendre. Il y avait un risque énorme de dérapage. » De fait, depuis quelques semaines, les jeunes leaders de l’opposition appelaient plus ou moins ouvertement à renverser le chef de l’État. « Nous avons perdu le contrôle sur nos cadets », poursuit ce cadre. « Le scénario des organisateurs ressemblait à celui des Chemises rouges en Thaïlande : occuper la rue jusqu’à obtenir une date pour les élections et la chute de Laurent Gbagbo. On n’allait pas laisser faire », commente un officier supérieur des services de renseignements de la présidence.
« Juste après sa rencontre avec Gbagbo, Bédié a vu Ouattara en tête à tête, et ils sont tout à fait en phase », explique un cadre du Rassemblement des républicains (RDR), qui veut faire taire toute présomption de rapprochement GbagboBédié au détriment de l’ancien Premier ministre. Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), auquel appartiennent le RDR et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ne sort pas pour autant indemne de cette reculade. Anaky Kobena, du Mouvement des forces d’avenir (MFA), et Albert Toikeusse, de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), étaient favorables au maintien de la marche, arguant que « Gbagbo ne comprend qu’un seul langage : la force ».
« Le pire, c’est que nous avons renoncé à manifester sans rien obtenir en échange. »
RISQUE DE BAIN DE SANG
La tension était si vive que les deux parties ont paniqué, aucune ne voulant assumer la responsabilité d’un bain de sang. Conscient qu’un dérapage violent nuirait terriblement à son image, le chef de l’État a pris l’initiative de rencontrer l’ancien président Bédié, le 10 mai. Après cet entretien, il aura fallu encore trois jours de discussions intenses entre les protagonistes – facilitées par JeanMarc Simon, l’ambassadeur de France, par le Coréen Choi Young-jin, chef de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, et par Boureima Badini, le représentant du médiateur burkinabè, Blaise Compaoré. Et, surtout, les amicales pressions des dirigeants de la Banque africaine de développement (BAD), qui n’avaient pas envie de voir la tenue de leur assemblée générale compromise – elle est prévue à Abidjan les 27 et 28 mai.
Du côté des médiateurs, on se félicite de « la sagesse » du report. Cependant, prédit l’un d’entre eux, « ils remettront ça après la réunion de la BAD, et là, personne ne pourra les arrêter ». « Reporter la manifestation, ce n’est pas mon choix. Mais ce n’est que partie remise, nous ne baisserons jamais les bras », assure Kouadio Konan Bertin, président de la jeunesse du PDCI. Les jeunes houphouétistes travaillaient depuis des semaines à mobiliser les militants dans tout le pays. Ils avaient évalué à 120 millions de F CFA (183 000 euros) le budget d’organisation des manifestations et avaient reçu un accord de principe de leur direction. Mais il semble que le temps a manqué aux aînés pour réunir cette somme. Le risque pris par l’opposition de voir ses militants se démobiliser est grand. « Le pire, c’est que nous avons renoncé à manifester sans rien obtenir en échange. C’est une capitulation », conclut un proche des instances dirigeantes du RHDP. ■ BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
CATHAL MCNAUGHTON / REUTERS
FOCUS 21
JUMEAUX, MAIS PAS TROP !
ARRÊT SUR IMAGE
Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau… du moins à première vue. Même âge (43 ans), même allure, mêmes origines aristocratiques et éducation dans les meilleures universités de Grande-Bretagne… Et pourtant, entre David Cameron (à g.), le nouveau Premier ministre conservateur, et Nick Clegg, son vice-Premier ministre libéral-démocrate, les divergences politiques sont profondes. Un exemple ? Le premier est un eurosceptique, le second un europhile convaincu. Leur alliance y résistera-t-elle ?
SCOLARISATION Afrique : peut mieux faire EN 2000, DANS LE CADRE d’un programme Éducation pour tous (EPT) élaboré sous l’égide de l’Unesco, la communauté internationale s’était fixé pour objectif l’accès à l’enseignement primaire de tous les enfants du monde d’ici à 2015. En Afrique subsaharienne, selon le « Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2010 », publié le 22 avril, le taux d’inscription dans les écoles a crû cinq fois plus vite entre 1999 et 2007 que pendant les années 1990. Le Bénin, où le taux de scolarisation est passé de 50 % en 1999 à 80 % en 2007, fait figure de premier de la classe. La multiplication par deux du nombre des enseignants au Burkina Faso, au Burundi, au Niger et au Sénégal a également contribué à cette amélioration générale. Mais ces progrès sont encore trop lents : pour atteindre l’enseignement primaire universel en Afrique subsaharienne d’ici à 2015, il faudrait encore former 1,2 million d’enseignants, doubler le nombre des salles de classe, ce J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
qui représente un effort financier considérable, et lutter contre le travail des enfants (voir p.44). Alors que l’Unesco plaide pour un accroissement des investissements dans l’éducation, certains donateurs du G8 tardent à livrer les enveloppes promises pour l’aide au développement lors du sommet de Gleneagles, en 2005. Ainsi, l’Afrique souffre d’un déficit de financement global évalué à 18 milliards de dollars. En décembre 2009, l’Unesco avait invité la Fédération internationale de football association (Fifa) à prélever 0,4 % sur les recettes du Mondial et des grands championnats. Objectif : amasser environ 50 millions de dollars par an afin de scolariser 500 000 enfants. La Fifa s’est contentée, pour le moment, de se joindre à la campagne « Un but: l’éducation pour tous », visant à mobiliser l’opinion et à rappeler aux gouvernements de tenir leurs promesses. ■ ELISE MARTIN
22 FOCUS la Défense et des Affaires étrangères. Ensuite, nous ne sommes pas habilités à fournir des armes, mais seulement des instructeurs. » Et de conclure : « Global n’a jamais vendu une seule cartouche de fusil. »
GLOBAL CST
VICE DE PROCÉDURE
Le site de production d’eau potable près du lac de Sonfonia, inauguré le 29 avril.
GUINÉE-ISRAËL
Global CST agit à découvert DEPUIS PLUSIEURS SEMAINES, le nom de Global CST revient avec insistance à Conakry. Et pour cause : les liens entre cette société privée israélienne et le capitaine Dadis Camara, l’ancien chef de la junte, sont désormais clairement établis. Dès son arrivée au pouvoir, en décembre 2008 – un an avant la tentative d’assassinat dont il sera victime –, le successeur du président Lansana Conté se méfie de certains éléments de l’armée. En particulier des « bérets rouges », une force paramilitaire censée lui être fidèle, mais sur laquelle il n’exerce pas un contrôle absolu. Sur la recommandation d’un homme d’affaires israélien très bien implanté en Guinée, Dadis se tourne alors vers le patron de Global CST. Ex-chef des opérations de Tsahal, le général Israel Ziv a supervisé l’entraînement des commandos colombiens qui ont libéré Ingrid Betancourt, en juillet 2008. Il a aussi servi de conseiller militaire auprès de la Géorgie juste avant la guerre avec la Russie, en août de la même année.
Séduit par les promesses de Dadis, qui parle de démocratiser la Guinée et de la doter d’infrastructures modernes, Ziv accepte de lui venir en aide. « Avec les Israéliens, on est convenu dès le départ de redresser le pays, de provoquer des élections et d’en finir avec la corruption », confie un ancien proche du c apitaine Camara. En a v r il 2 0 0 9, Z i v conclut un premier accord de 10 millions de dollars portant sur la formation d’une garde rapprochée, dévolue à la protection du chef de la junte. Le quotidien Haaretz, qui révèle l’affaire, affirme que Global n’a pas attendu le feu vert des autorités israéliennes, en violation de la législation nationale, qui en fait obligation à toute société travaillant dans le secteur de la défense, sous peine de sanctions. « Faux, rétorque Ziv. D’abord, nous avons agi selon les règles, en nous tournant vers les ministères de
Mais au lendemain des massacres du 28 septembre 2009, alors que les pressions internationales sur le régime de Dadis s’accentuent, le ministère israélien des Affaires étrangères demande l’ouverture d’une enquête sur Global CST. Et découvre que l’entreprise a signé avec les Guinéens dix jours avant d’avoir reçu l’autorisation écrite de son gouvernement. Entretemps, au cours de l’été 2009, le général Ziv a senti le vent tourner: il a renoncé au projet de formation d’une garde présidentielle, qu’il cède à une société sud-africaine. Sorti indemne de cette af faire, Global CST paraît aujourd’hui déterminé à poursuivre ses activités dans le pays. « Plusieurs projets civils en sont à un stade très avancé », confirme un membre de l’équipe. Le 29 avril dernier, devant une foule immense et accompagné de dix-huit de ses ministres, Jean-Marie Doré, le Premier ministre guinéen, a inauguré une station de traitement d’eau, à proximité du lac de Sonfonia. Réalisé par la Société des eaux de Guinée (SEG), sous la direction de Global CST, dont le logo apparaît sur les quatorze cuves de la station, l’ouvrage doit assurer l’approvisionnement en eau pota-
« Ce pays mérite d’être développé, et nous pouvons l’aider », plaide le général Ziv. ble de Conakry et de sa périphérie. Il produit 10 000 m3 d’eau par jour et devrait doubler, à terme, sa capacité de pompage. Depuis que Sékouba Konaté assure l’intérim à la tête de l’État, Global CST assume ses ambitions. « La Guinée mérite d’être développée. Nous pouvons en faire un pays émergent », plaide le général Ziv, conscient que la pérennité de sa société dans le pays est liée aux résultats de l’élection présidentielle du 27 juin. ■ MAXIME PEREZ, à Jérusalem
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FOCUS 23
TÉLÉVISION
ILS ONT DIT
Al-Qarra, une Euronews arabe BIENTÔT UNE EURONEWS en langue arabe consacrée à l’Afrique ? C’est, en tout cas, l’ambition des promoteurs d’Al-Qarra – « le continent » –, un projet de chaîne panafricaine tout info. Cœur de cible : les 200 millions à 240 millions d’arabophones que compte l’Afrique, ainsi que les téléspectateurs du MoyenOrient et du Golfe, régions qui ne cessent de développer leurs liens économiques avec le continent. Dans un premier temps, la chaîne, dif fusée via l’opérateur satellitaire ArabSat, couvrira le Maghreb, les pays du Golfe et une par tie de l’Afrique de l’Est. Elle compte s’étendre ensuite au reste du continent « à travers différents bouquets ». Aux commandes, un trio de spécialistes de l’audiovisuel : le Tunisien Najib Gouiaa, documentariste et fondateur de Time TV, une maison de production basée à Paris ; le Mauricien Selven Naidu, directeur du groupe privé malgache RTA (Radio Télévision Analamanga), ancien producteur et cinéaste – il est l’auteur du Rêve de Rico, un court-métrage primé en 2002 en marge du Festival de Cannes ; et, enfin, le Français Pierre Fauque, journaliste-documentariste et producteur. À l’instar d’Euronews, Al-Qarra fait le choix de formats courts et de la diffusion d’images en continu, sans journalistes en plateau. Dotée d’un capital social de 50 000 euros, la future chaîne est dotée de 700 000 euros pour ses trois premiers mois d’existence – loin, tout de même, des 48 millions d’euros annuels d’Euronews, qu’on qualifie pourtant de low cost… Pour l’heure, les contours du projet restent flous, tant du côté des financements escomptés que de celui du développement de la grille des programmes. La chaîne aura-telle les moyens de son ambition ? Réponse à partir du 1er juin, date prévue pour son lancement. ■ FAÏZA GHOZALI J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
ANITA CORTHIER
« Nous avons des relations avec la Chine depuis 1964. Ce n’est donc pas à nous que l’on pourra dire que les Chinois envahissent l’Afrique ! » DENIS SASSOU NGUESSO Président de la République du Congo
« La grande puissance émergente du XXIe siècle n’est
ni la Chine ni l’Inde, mais les femmes, dont le pouvoir d’achat augmente considérablement à mesure qu’elles participent au marché du travail. » MARGARET ATWOOD Écrivaine canadienne
« Cinquante ans après les indépendances, il est temps que le cinéma africain se prenne en charge, que les hommes d’affaires, les banques, les télévisions du continent se mobilisent pour défendre leur cinéma. » OLIVIER POIVRE D’ARVOR Directeur de Culturesfrance
« En Grèce, on m’appelle “le sauveur”, cela me change de ce qu’on dit en France. » NICOLAS SARKOZY Président de la République française
« On observe une forme de nationalisme rampant, exploité par les démagogues de tous bords, une progression du populisme, pas seulement dans les partis d’extrême droite, mais aussi dans le langage de beaucoup d’hommes politiques. » JACQUES DELORS Ancien président de la Commission européenne
LE DESSIN DE LA SEMAINE CHAPPAT TE • INTERNATIONAL HERALD TRIBUNE (Paris)
L’Union européenne au secours de la Grèce.
24 L’ENQUÊTE
Qu’avez-vous fait de vos 50 ans?
7.Cameroun
Tout au long de l’année,
MABOUP
DEUX HOMMES, UNE
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J.A. célèbre le demi-siècle de souveraineté des 17 pays ayant accédé à l’indépendance en 1960. 19
NATION
Les Camerounais ont connu deux présidents en cinquante ans, Ahmadou Ahidjo et Paul Biya. Qui ont préservé la paix et lʼunité. Mais à quel prix ? FRANÇOIS SOUDAN
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Célébration de la fête nationale en 2008, sur le boulevard du 20-Mai, à Yaoundé. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
eu x c hefs d’État pour un demi-siècle d’indépendance. Vingt-deux ans avec Ahmadou Ahidjo, vingt-huit – ou presque – avec Paul Biya. Ainsi peut se résumer l’histoire du Cameroun contemporain. Réducteur ? Certes, car cela fait bon marché des formidables évolutions souterraines, multiformes et scissipares d’une société de 19 millions d’âmes en pleine création, mais aussi, trop souvent, en plein désarroi. Les Camerounais ont le nationalisme à fleur de peau et la fierté du drapeau, la conscience d’appartenir à un grand pays et le souvenir d’avoir lutté, parfois les armes à la main, pour leur indépendance, mais leur assurance cache mal un étrange et complexe sentiment d’inachevé. Si tous savent gré à l’un et l’autre de ces deux présidents d’avoir maintenu la paix et l’unité, la plupart souhaitent qu’une possibilité d’alternance soit à tout le moins envisageable en 2011, date de la prochaine élection à la magistrature suprême. Ils le disent, mais ils le redoutent, tant cette perspective s’apparente à un saut dans l’inconnu. Au point que ceux-là mêmes qui juraient de descendre dans la rue si Paul Biya osait faire modifier la Constitution afin de pouvoir se représenter estiment, maintenant que cette réforme est passée (presque) comme une lettre à la poste, que rien ne devrait s’opposer à sa reconduction. Reste à savoir si cette perspective est jouable sans un vrai redémarrage de l’économie et une augmentation palpable du niveau de vie des Camerounais. Alors que le pays célèbre, ce 20 mai, à la fois le cinquantenaire de son indépendance et le trente-huitième anniversaire de la réunification – qui demeure encore à parachever – entre ses parties francophone et anglophone, c’est sur ce terrain-là, celui du social et de la lutte contre la pauvreté, que se livreront les batailles de demain. Pour le reste, comme le dit Paul Biya dans une phrase désormais culte : « Le Cameroun, c’est le Cameroun… »
25
26 L’ENQUÊTE
Dans la tête de Paul Biya Il se montre rarement et sʼexprime avec parcimonie. Plongée secrète dans les pensées de celui qui préside aux destinées du Cameroun depuis presque vingt-huit ans.
A
COMME AHIDJO. Son fantôme ne hante plus ses nuits, ma is i l l’au ra ma rqué à jamais. Vingt ans à l’ombre de la statue du commandeur, dont sept comme Premier ministre, ont définitivement façonné la vision politique et le style de Paul Biya. Sous Ahmadou Ahidjo, il fallait mettre un masque pour jouer, intérioriser ses pulsions et se couvrir de téflon pour laisser glisser les orages. Résultat: lorsque le 6 novembre 1982 le dauphin désigné prête serment devant les députés et les membres de la Cour suprême, nul ou presque n’accorde la moindre chance de survie à ce personnage timide, hésitant, quasi aphone, aux costumes trop cintrés, à la chevelure trop épaisse, dont le regard fixe obstinément le sol. Tributaire d’un rapport de force qui lui était défavorable, Paul Biya se lance pourtant dans un vaste projet réformiste qui a pour ambition de réconcilier la société avec l’État. Le 6 avril 1984, une tentative sanglante de putsch, dont Ahidjo assume la responsabilité, vise à l’assassiner. Les combats durent près d’une semaine, les mutins sont exécutés, et le Pygmalion de Biya, devenu son adversaire le plus déterminé, est condamné à mort par contumace. Profondément traumatisé, le nouveau président se rétracte dans sa coquille. Pour ne plus en sortir.
B
CO M M E B O Î T E N O I R E . Depuis ce jour de 1962 où, au sortir des universités parisiennes, il a intégré la présidence en tant que chargé de mission, Paul Biya n’a plus quitté les rouages de l’État. Quarante-huit ans, sans un jour de traversée du désert, lové au cœur du pouvoir, lui ont donné de la géographie humaine et politique du Cameroun une connaissance de topographe. La boîte noire nichée dans un coin de son cerveau fait qu’il peut retracer l’itinéraire du moindre de ses sous-groupes ethniques et le CV de ses grandes figures. Lui seul maîtrise l’entrelacs des gouverneurs, préfets, secrétaires généraux et chefs traditionnels fonctionnarisés qui font que l’avion Cameroun peut voler en pilotage automatique. Le gouvernement des hommes est pour lui infiniment plus important que celui des choses. Revers de la médaille : le cours lent, assoupi, d’une ligne médiane prise souvent pour de l’indécision chronique et qui apparaît en décalage avec les impératifs de la mondialisation.
tralement à son profit le faire-part de décès lancé sur internet, puis de s'offrir à son retour un accueil d'empereur romain, tout en testant au passage la fidélité de ses collaborateurs. Une tragicomédie africaine, Césaire revu par Ionesco, un grand moment. En posant le pied à l'aéroport de Nsimalen, il a la mine gourmande d'un Machiavel d'opéra. « Le fantôme vous salue bien ! dit-il à ses ministres. Certains, apparemment, étaient pressés d’assister à mes funérailles. » Des cassandres et des rumeurs, le chef de l’État camerounais s’en est toujours amusé et il a toujours su en jouer. Être sous-estimé a longtemps été l’une de ses cartes maîtresses. Il a, il est vrai, une mémoire de pachyderme. « On ne me donnait, au départ, que six mois de survie et, dans le fond, on n’avait pas tort, confiaitil à Jeune Afrique en 1999. Toute la sécurité avait été mise en place par mon prédécesseur et lui était dévouée. “Comment osez-vous dormir ici !” s’inquiétaient mes amis. Vous voyez, j’ai survécu. Mais je n’ai pas la mémoire courte. Je sais très bien qui, pendant ces seize dernières années, a parié contre moi. »
D
COMME CASSANDRES. Juin 2004. Extraordinaire affaire que celle-là. Pendant près de cinq jours, Paul Biya est donné pour mort dans une clinique genevoise. Avant de retourner magis-
CO M M E D É M O C R AT I E . Q u i se souv ient encore du « printemps camerounais » ? De 1982 à 1984, on assista à l’apparition d’une presse privée, à l’assouplissement de la censure, à l’autorisation d’ouvrages interdits, à l’éclosion d’une opinion publique frondeuse, avant que le couvercle se referme sous le poids des contraintes, des résistances et du coup d’État manqué. Après un quart de siècle d’édification, souvent violente, de l’unité nationale, Biya voulait alors rationaliser, moderniser et démocratiser le Cameroun. A-t-il voulu aller trop vite ? Une chose est sûre : pendant les vingt années suivantes, la démocratisation ne se fera plus qu’à doses homéopathiques dans un pays où le système politique, plus
20 mai 1972
C
1er janvier 1960
11 février 1961
1er juin 1961
1er octobre 1961
La partie française accède à l’indépendance. Ahmadou Ahidjo devient le président de la République du Cameroun.
Référendum d’autodétermination au Cameroun occidental, sous tutelle britannique.
Le Northern Cameroon rejoint le Nigeria.
Le Southern Cameroon rejoint la République du Cameroun. Les deux parties forment la République fédérale du Cameroun.
Référendum pour l’unification du pays. Naissance de la République unie du Cameroun.
4 novembre 1982 Démission du président Ahmadou Ahidjo. Paul Biya lui succède.
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Le chef de l’État à l’Unesco, à Paris, en octobre 2007.
G
fortement structuré qu’ailleurs en Afrique francophone, n’a jamais brillé par sa flexibilité. Aux dosages succèdent les rééquilibrages en fonction d’une règle non écrite, clé de la stabilité mais aussi de la sclérose, qui veut qu’aucun secteur significatif de l’élite ne soit durablement tenu à l’écart des bénéfices (sinon de l’exercice) du pouvoir. Conséquence : la démocratie apaisée, d’équilibre, d’alliance et de consensus dont Paul Biya s’est toujours réclamé, se résume à un monopartisme de fait sur fond de déliquescence des formations de l’opposition. Le grand vent de la contestation, suivi d’élections miraculeusement remportées par le pouvoir, n’a souff lé qu’une fois, en 1991. « Nous avons dû canaliser les forces que la soif de liberté avait libérées, afin qu’elles ne se retournent par contre la liberté elle-même », commenta un jour Biya. Démocratie dirigée ou démocrature ?
COMME GOUVERNANCE. Penda nt long temps ce s roitelets que sont les m i n i st r e s c a me r ou n a i s ont aimé se faire peur en évoquant un hypothétique remaniement. Exercice futile au demeurant, puisqu’ils apprenaient leur sort en même temps que le citoyen lambda : en écoutant la radio. Depuis quelques années et le lancement de l’opération anticorruption « Épervier », la crainte n’est plus d’être limogé, mais emprisonné. Reste l’opacité, qui est la même. Paul Biya ne préside jamais le Conseil des ministres, ces derniers – à quelques exceptions près – ne le voient pratiquement pas, ce qui rend quasi impossible le déchiffrage des signes avantcoureurs d’une disgrâce. Lorsque l’épée de Damoclès tombe, elle peut être mortelle, celui qui en coupe le fil ne manifestant aucun état d’âme. Tel un sphinx, ce solitaire ne laisse rien
paraître de ses intentions et choisit de s’éloigner de Yaoundé dès que les tensions et les pressions lui paraissent insupportables – c'est-à-dire souvent. Direction le village, Mvomeka'a, ou l’Europe, plus particulièrement la Suisse. D’où cette réputation d’omniabsent et de « président vacancier » qui lui colle à la peau et qui l’agace. « Il y a beaucoup de mauvaise foi à faire de mes voyages à l’extérieur des séjours de villégiature, dit-il. On est beaucoup moins critique avec les autres chefs d’État lorsqu’ils se déplacent. » Il n’empêche : ce mode de gouvernement à distance et à l’économie irrite aussi ses pairs africains, qu’il boycotte régulièrement. Mais on ne le refera pas : qu’irait-il chercher, lui, le diplômé de la Sorbonne et de Sciences-Po, l’amateur de golf, de musique classique et de chants grégoriens, au milieu des roucoulements lascifs de la musique bantoue ?
14 janvier 1984
28 février 1984
6 avril 1984
Avril-novembre 1991
11 octobre 1992
14 août 2008
Victoire de Paul Biya à l’élection présidentielle. Il est réélu en 1988.
Accusé de complot, Ahmadou Ahidjo est condamné à mort par contumace. Il meurt à Dakar en 1989.
Opération « villes mortes ».
Première élection présidentielle multipartite. Victoire de Paul Biya. Il est réélu en 1997 et en 2004.
Transfert de la souveraineté de la péninsule de Bakassi au Cameroun.
Tentative de coup d’État.
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BERTRAN GUAYD/AFP
CAMEROUN QU’AVEZ-VOUS FAIT DE VOS 50 ANS ? 27
28 L’ENQUÊTE
Deux premières dames GERMAINE HABIBA
AHIDJO
Âge : 75 ans, née à Mokolo Date du mariage : 17 août 1957 Enfants: 4 (dont Fatimatou, Aïssatou et Aminatou avec Ahmadou Ahidjo) Nombre d'années en tant que première dame : 22 ERICK-CHRISTIAN AHOUNOU
Activités : infirmière hospitalière, spécialisée dans les maladies tropicales Particularités : le métissage (père français). A été l'une des toutes premières originaires du Nord à obtenir le certificat d'études
CHANTAL PULCHÉRIE
BIYA
Âge : 39 ans, née à Yaoundé Date du mariage : 23 avril 1994 Enfants : 4 (dont Junior et Anastasie Brenda avec Paul Biya) Nombre d’années en tant que première dame : 16
ISSOUF SANOGO/AFP
Activités : œuvres humanitaires (Fondation Chantal Biya, Synergies africaines etc.) Particularités : le métissage (père français ). Possède sa page sur MySpace, où elle se définit comme « ambassadrice des cœurs »
REPÈRES
repères
SOURCES : BANQUE MONDIALE, FNUAP, FMI
PIB (en milliards de dollars) 20099 19855 19600
22
8,1
0,6
1960 1985 2009
PIB par habitant (en dollars) 2009 1985 1960
114
Population (en millions d'habitants) 19,5 10,5 5,4
775
1095
Espérance de vie à la naissance (en années) 52 54 42 1960 1985 2009
Importations de biens (en milliards de dollars) 4,4 0,08
1,2
1960 1985 2009 Exportations de biens (en milliards de dollars) 4,4 0,1
0,7
1960 1985 2009
J
COMME JOURNALISTES. Paul Biya s’est toujours méfié des médias. Nul ne sait très bien pourquoi, mais c’est ainsi. Très à l’aise en privé et lors des rares conférences de presse qu’il lui arrive d’accorder au début de son premier mandat, il s’est brusquement fermé après avril 1984. Cette non-communication est certes une technique de gouvernement, mais c’est aussi un handicap. Ses discours, lus avec application, les fines lunettes chaussées sur le nez, n’ont jamais enflammé les auditoires. Quant à ses entretiens télévisés à la CRTV nationale, ils relèvent du cours magistral à la limite souvent du soporifique. Les cabinets de communication français qui ont tenté de l’aider à imposer son image ne sont jamais parvenus à faire sortir Paul Biya de sa réserve. Pourquoi ce blocage? Pourquoi cette impossibilité de passer de la langue de bois à la langue de soie? Le président camerounais est, il est vrai, prisonnier d’une voix, la sienne, à la fois fluette et enrouée. Mais il aurait pu transformer ce handicap en avantage : l’originalité du timbre fait qu’on ne l’oublie pas. En réalité, Biya n’a jamais accordé d’importance à ce qui est plus qu’un détail. Sa jeunesse de séminariste passée à l’ombre des statues de saints et sa carrière politique aux côtés d’un homme de marbre sont pour beaucoup dans cette introversion.
M
COMME MONTRE. C’est un geste compulsif comme, hier, celui de rajuster sa cravate. Paul Biya consulte sans cesse sa montre. Pourtant, le temps a toujours été pour lui un facteur de gouvernance beaucoup plus qu’une contrainte. Et si la vie politique camerounaise frise parfois l’encéphalogramme plat, c’est bien parce que son président a fait du temps un allié précieux dans sa technique éprouvée de conservation du pouvoir. En fait, la répétition du geste traduit une autre facette du personnage. Paul Biya est un éternel inquiet. Inquiet du moindre tressaillement d’un pays qu’il ausculte en permanence à la manière d’un sismographe, attentif au moindre détail, effrayé par le changement et tout ce qui apparaît comme susceptible de bouleverser l’équilibre fragile du Cameroun (et de son pouvoir). Et persuadé, même s’il lui est arrivé à plusieurs reprises de donner des signes de lassitude, que sa présence au sommet de l’État reste indispensable. Conservateur, J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
CAMEROUN QU’AVEZ-VOUS FAIT DE VOS 50 ANS ? 29
S
COMME SÉMINAIRE. Il aurait pu faire un excellent évêque, voire un cardinal de haut vol. Pendant des années, son père, le catéchiste Étienne, et son confesseur français, le père Meyer, le crurent offert à Dieu. Les séminaires qu’il fréquenta, Akono et Edéa, étaient de ceux où la discipline, la mortification, mais aussi la dissimulation et le secret étaient de règle sous la chaude componction des paroles pieuses. Paul Biya a conservé de sa jeunesse au sein de la société des hommes promis à la prêtrise une façon bien à lui de gérer le pouvoir comme un prélat son évêché : avec prudence, religiosité et une bonne dose de jésuitisme politique. Croyant et pratiquant, initié à la kabbale, proche de la confrérie théosophique de la Rose-Croix, le président se montre volontiers sensible à l’ésotérisme sans jamais sortir des lignes rouges tracées par l’Église catholique. Hôte du pape à trois reprises et visiteur fréquent du Vatican, il puise dans ce jardin secret protections occultes et capacités peu communes d’intériorisation. Jeune séminariste, il jouait de l’harmonium pendant les messes. D’où son goût prononcé pour la musique sacrée.
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COMME TORTUE. Si l’Afrique avait son « Bébête Show », Biya serait la tortue. La lenteur du mouvement, le repli épidermique sous la carapace, la capacité d’absorber les chocs et de laisser glisser les injures sur les écailles (« Je ne les lis pas et je n’y prête aucune attention », dit-il à propos des critiques souvent acerbes de la presse d’opposition), l’acharnement aussi qui permet à cet animal de s’accrocher au sol comme une ventouse. Tout y est ou presque. Une tortue obstinée qui avance sans cesse et se recroqueville à la moindre alerte, doublée d’un caméléon sous les pas duquel la branche ne se casse jamais. Pendant près de trois décennies, cette posture a valu aux Camerounais la paix et la stabilité. Reste à savoir s’ils ne rêvent pas, aujourd’hui, d’un lion indomptable… ■ FRANÇOIS SOUDAN J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
QU’A ACCOMPLI VOTRE PAYS EN 50 ANS?
BRIGITTE FOTSO
NOTAIRE À YAOUNDÉ, 46 ANS « Le Cameroun jouit de la paix et de la stabilité politique. Il a construit des infrastructures qui ont changé son visage. La baisse drastique des salaires et celle du niveau de vie des Camerounais sont les zones d’ombre au tableau. Je déplore les licenciements massifs, le chômage, la corruption qui est définitivement installée dans les mentalités, l’exode des cerveaux, la perte de certaines valeurs humaines. »
MANASSÉ ABOYA ENDONG
ENSEIGNANT EN SCIENCES POLITIQUES À DOUALA, 46 ANS « Le Cameroun est dépendant de ses matières premières, généralement pris en otage par une gouvernance de la sous-traitance, parfois sous perfusion budgétaire venant des anciennes puissances coloniales ou par l’intermédiaire des institutions internationales. Notre pays se montre incapable de s’affranchir au quotidien de la mentalité de colonisé. L’image de ‘’l’Afrique des comptoirs’’ demeure. »
SAMUEL SOBGOUM
LIBRAIRE À YAOUNDÉ, 54 ANS « J’ai connu le régime de terreur d’Ahidjo. J’ai connu le maquis, les massacres, la répression qui a duré jusque dans les années 1970. Quand Paul Biya est arrivé au pouvoir, en 1982, nous étions plein d’espoir. Sur la photo du nouveau président que j’avais accrochée au-dessus de mon bureau, j’avais inscrit “Moïse”. Mais la liberté ne signifie rien quand on sombre dans la pauvreté. La gestion du pays n’est pas bonne. »
EMMANUEL NTOSSUI INFIRMIER DANS LE NORD DE LA FRANCE, 41 ANS
« Pendant une certaine période, on a craint la guerre civile. Le gouvernement a su créer une cohésion sociale qui fait que, malgré la misère, on gardera au moins la paix. Les investisseurs sont plus sereins maintenant. Je compte donner de l’argent à mon petit frère pour qu’il démarre son entreprise. En revanche, les mêmes personnes sont maintenues au pouvoir malgré les scandales de corruption qui font surface. »
PHOTOS : MABOUP ET E. MARTIN
volontiers sceptique quant à la qualité et la loyauté de ceux qui l’entourent – il en a tant vu –, Paul Biya n’est pas un drogué du pouvoir au sens propre du terme. C’est un angoissé du lendemain. Ce qui, en l’espèce diront les sceptiques, revient au même…
30 L’ENQUÊTE POLÉMIQUE
Ahidjo, lʼinterminable exil
La dépouille du premier président nʼa jamais quitté Dakar depuis quʼil y est mort, en 1989. Son épouse, Germaine Habiba, que nous avons rencontrée dans la capitale sénégalaise, pose encore la question du retour de son mari au pays natal.
L
e 30 novembre 1989, Ahmadou Ahidjo s’éteignait dans sa résidence du cap Manuel, à Dakar, au Sénégal. Il avait 65 ans, dont vingt-cinq passés à la tête du Cameroun. Constatant le décès, l’ex-première dame, Germaine Habiba Ahidjo, requit et obtint de Thierno Mountaga Tall, khalife de la famille omarienne et maître d’œuvre des obsèques, le droit de déroger à la tradition musulmane et d’enterrer son époux dans un cercueil. La requête visait à mieux conserver la dépouille du défunt, pour respecter les dernières volontés que ce dernier avait formulées dans une lettre adressée à Abdou Diouf, le président sénégalais. Son vœu : être enseveli dans sa terre natale de Garoua (province du nord du Cameroun). En attendant son rapatriement, le corps de l’ancien chef d’État en exil fut donc provisoirement inhumé dans un caveau du cimetière musulman de Yoff. Vingt et un ans plus tard, il y repose toujours. « Ahidjo est mort un jeudi. On l’a enterré le dimanche sans que le moindre officiel camerounais soit présent », déplore la veuve. Après le décès de son époux, cette métisse de père corse et de mère peule du Grand Nord camerounais, infirmière d’État, a emménagé dans une villa sobre et élégante du quartier dakarois des Almadies. Elle y réside encore avec Fatimatou, l’une des trois filles issues de son mariage avec Ahmadou Ahidjo. « Aujourd’hui, confie-t-elle, nous vivons grâce à la location de neuf appartements situés au Plateau dans un immeuble acquis par mon époux sous Senghor, dont il était proche. »
Peine perdue. La famille du défunt et les autorités camerounaises refusent de se parler et se renvoient la balle. « Je demande une seule chose : la réhabilitation d’Ahidjo, martèle la veuve. Je ne l’ai jamais demandé directement à Paul Biya, mais je l’ai dit dans des interviews. » Sur un plateau de France 24, en octobre 2007, Paul Biya se défend, lui, d’entraver quoi que ce soit: « Le rapatriement est selon moi un problème d’ordre familial. Si la famille de mon prédécesseur décide de faire transférer les restes du président Ahidjo, c’est une décision qui ne dépend que d’elle. » Les médiations étrangères ne sont pas davantage parvenues à établir un
dialogue. « Le président dahoméen Hubert Maga et le président béninois Émile Derlin Zinsou ont plusieurs fois demandé la réhabilitation et le retour du corps d’Ahidjo au Cameroun. Mais Paul Biya n’a jamais répondu », se plaint Germaine Ahidjo. Ce n’est pas le seul malentendu qui persiste entre l’actuel chef de l’État et une partie de la famille de son prédécesseur. « En tant que Mme Ahidjo, je ne me vois pas rentrer dans mon pays avec un passeport [diplomatique, NDLR] sénégalais. C’est le Cameroun qui nous a retiré nos papiers, c’est à lui de nous les rendre », explique l’ex-première dame à Jeune Afrique. Sur cette
L’ancien chef de l’État à Libreville, en 1977.
AFFAIRE DE FAMILLE OU AFFAIRE D’ÉTAT
FRILET/SIPA
Au Cameroun, des voix s’élèvent pour demander qu’enfin, plus de vingt ans après sa mort, la dépouille du premier président de la République soit rapatriée, qu’un hommage national lui soit rendu et que, par ce geste, le pays se réconcilie définitivement avec son passé. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
CAMEROUN QU’AVEZ-VOUS FAIT DE VOS 50 ANS ? 31 délicate question également, Yaoundé donne une version différente. Selon le Palais d’Etoudi, les filles et fils Ahidjo vont et viennent au Cameroun sans problème particulier. « Le fils de mon prédécesseur [Mohammadou Badjika Ahidjo, NDLR] est député », se plaît à remarquer Paul Biya. Certains ne manquant pas d’ajouter que le plus emblématique des héritiers politiques de l’ancien président, Bello Bouba Maïgari, président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), est rentré d’exil et fait partie du gouvernement depuis plus d’une décennie. Alors, qui croire ?
QU’A ACCOMPLI VOTRE PAYS EN 50 ANS?
HANNA ATTYAM ESSONO
RETRAITÉE À PARIS, 65 ANS
« Il y a des investissements qui vont se faire dans les infrastructures à Kribi. Il y a longtemps qu’on l’attendait et ça se réalise enfin ! Les Camerounais rentrent au pays pour aller travailler et investir chez eux. En revanche, quand les gens obtiennent des postes importants, ils doivent être plus sérieux. On est fatigués de les voir en prison parce qu’ils ont volé de l’argent. »
PARIA APRÈS LA MORT
CLARENCE TUEGUEM
CONSULTANT À YAOUNDÉ, 52 ANS « Nous avons construit un pays de paix. Les Camerounais sont entreprenants et dynamiques. Mais nous avons une fonction publique qui emploie des gens de moins en moins bien formés et de plus en plus arrogants. Ils ont appauvri le pays en détournant l’argent public. La bureaucratie est lourde et décourage les investisseurs. La corruption a atteint des niveaux inquiétants. »
ARMEL NDONGO MVONDO
CADRE DE BANQUE À YAOUNDÉ, 28 ANS « Le taux de scolarité est très élevé. Il y a de moins en moins de Camerounais qui ne savent pas lire ni écrire. Les filles vont à l’école. Mais nous devons encore consolider notre démocratie. Mettre en place des institutions plus fortes. Nous devons aussi faire des efforts sur le plan des infrastructures. Il faut changer les mentalités et réformer l’administration, sinon nous passerons notre temps à élaborer des programmes économiques qui n’auront pas de réel impact sur la vie des Camerounais. »
RACHEL MALONGO
JOURNALISTE À YAOUNDÉ, 23 ANS « L’accès à l’école est gratuit. Il y a des dizaines de partis politiques. La liberté d’expression est réelle. Mais nous devrions mieux choisir nos gouvernants. Il nous arrive de copier bêtement des modèles issus des anciennes puissances coloniales. L’exode des cerveaux devient alarmant. Sur le plan économique, il y a beaucoup de projets en cours, mais je doute que nous nous classions parmi les pays émergents en 2035. »
GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial à Yaoundé,
et CÉCILE SOW, à Dakar J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
Propos recueillis au Cameroun par GEORGES DOUGUELI et en France par ELISE MARTIN
PHOTOS : MABOUP ET E. MARTIN
« Les blessures causées par la sanglante tentative de coup d’État du 6 avril 1984 sont encore ouvertes, analyse un ancien haut responsable. Peut-être le pays n’est-il pas encore prêt à revoir Ahidjo… » À moins qu’il ne s’agisse d’un conflit entre le président actuel et les plus radicaux des « ahidjoïstes ». « Tant qu’il y aura ce contentieux avec Biya, je ne retournerai pas au Cameroun, tranche Mme Ahidjo. Ils m’ont traumatisée, ont traumatisé mes enfants », poursuit-elle. Quant au coup de force de 1984, qui a valu à l’ex-chef de l’État d’être condamné à mort par contumace, Mme Ahidjo continue de clamer l’innocence de son mari qui, lui, le qualifiait de « malheureuse parenthèse ». Ce jour-là, se rappelle-t-elle, un groupe de jeunes officiers issus de différents corps d’armée tente de prendre le pouvoir à Yaoundé. En séjour en France, Ahidjo reçoit un coup de fil de Radio Monte-Carlo (RMC). La journaliste lui demande s’il sait ce qui se passe. « Mais, Madame, c’est vous qui me l’apprenez ! » répondil. « Monsieur le Président, et si c’étaient vos partisans ? » relance la voix. « Ils gagneront », ose l’ancien président. Pour le pouvoir de Yaoundé, le crime est signé. Facteur aggravant, il s’agissait d’une récidive. En effet, après s’être résigné à abandonner à son successeur la présidence du parti unique, l’Union nationale camerounaise (UNC), à l’issue d’une âpre querelle de leadership, Ahidjo avait été accusé d’avoir fomenté un complot (dit « du 22 août 1983 ») et condamné une première fois. Devenu un paria, l’ancien président l’est resté après sa mort. Bien après sa mort. ■
32 L’ENQUÊTE
CES JOURS-LÀ
1er JANVIER 1960 et 20 MAI 1972
Les chemins de lʼunité
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AFP
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inuit pile, un coup octobre 1960. Dans l’esprit d’Ahide canon retentit djo, il n’y a que la réunification qui dans la nuit moite vaille. Les plébiscites organisés de Yaoundé. Un par l’ONU en février 1961 dans premier tir, et puis cent autres, la partie anglophone donnent conformément au rituel. Nous des résultats inattendus: la région sommes le 1er janvier 1960. À Nord choisit le rattachement au Yaoundé, c’est la nuit profonde, Nigeria, alors que la région Sud prélude d’une aube nouvelle. préfère la réunification avec le CaL’aube de l’indépendance qui meroun francophone. Huit mois se lève sur ce morceau de terre, plus tard, les deux Camerouns se qui fut d’abord une colonie alleréunissent, en tant qu’États fémande avant d’être cédé par la dérés. Ahidjo est président de la Société des nations (SDN) à la fédération, et l’anglophone John France au lendemain de la PreNgu Foncha, vice-président. Il mière Guerre mondiale. Pour sera remplacé en 1970 par Saloporter sur les fonts baptismaux le mon Tandeng Muna. À noter que nouvel État qui vient d’ouvrir le c’est Ahidjo qui mène le jeu, les bal des indépendances de 1960, anglophones n’ayant d’autre choix le secrétaire général de l’ONU, que de le suivre. Et la forme fédéDag Hammarskjöld, est là, invité rale de l’État est loin de lui plaire: d’honneur du Premier ministre il veut un État unitaire avec un Ahmadou Ahidjo. Yaoundé, à régime présidentiel. D’où l’idée de l’instar des autres principales vilce référendum organisé le 20 mai les, a subi un traitement de choc 1972, auquel les anglophones – depuis décembre : les rues ont encore moins les francophones – été désherbées et balayées avec ne se sont pas préparés. Ahmadou un soin particulier. Partout, le Ahidjo a gardé son secret pendant drapeau du Cameroun, hissé sur longtemps. Qu’importe, 3177846 des mâts, s’agite sous la caresse Camerounais disent oui à l’État du vent. La liste des délégations unitaire, 176 (!) se prononcent étrangères s’est tellement alloncontre. gée que les véhicules et les chamLe référendum imposé aux bres d’hôtel deviennent rares. anglophones est lourd de conséMais ce 1er janvier 1960, malquences: leur entité est morcelée gré les fastes, le Cameroun franen deux provinces (Nord-Ouest et cophone est paradoxalement Sud-Ouest) et n’a plus de personsous tension. Les combattants de nalité juridique; le poste de vicel’Union des populations du Caprésident qui leur était dévolu meroun (UPC), principal parti est supprimé. Par la volonté du Ahmadou Ahidjo, le 3 janvier 1960 (en haut), lors de l’une des nombreuses cérémonies, parmi lesquelles du pays avant son interdiction en prince, le 20 mai, date de l’unifila parade de « Miss Indépendance » (ci-dessus). 1955, n’ont pas renoncé à la lutte cation du pays, devient celle de armée. Cette nuit encore, le créla fête nationale. À vrai dire, les pitement de leurs armes va crescendo, populaires ne se déroulent pas partout anglophones, trente-huit ans après ce rése mêlant au grondement des canons. Ils au même moment : après Yaoundé, la férendum mené à la hussarde, ont gardé ont encore frappé à Yaoundé comme à fête a lieu le 2 janvier à Douala et le 3 le souvenir amer d’avoir été grugés par Douala. Bilan: huit morts. Le plus étranà Garoua. Ahmadou Ahidjo, qui se voulait le fonge est la présence à la fête de l’indépenPendant ce temps, l’avenir de l’autre dateur de la nation. D’où des velléités dance des représentants des pays non Cameroun, sous mandat britannique, séparatistes entretenues par le Southern alignés, principaux soutiens de l’UPC. n’est pas encore assuré. La question est Cameroons National Council (SCNC). C’est la preuve, en tout cas, qu’Ahmadou de savoir s’il va redevenir « camerouMais l’unité du pays continue de résister Ahidjo, « l’ami des Français », a gagné la nais » ou être rattaché au Nigeria voisin, à tous ces soubresauts. ■ TSHITENGE LUBABU M.K. partie. Autre curiosité, les réjouissances dont l’indépendance est proclamée en J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
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France 2010
CELLOU DIALLO POUR J.A.
34 AFRIQUE SUBSAHARIENNE
GUINÉE SUR UN AIR Le chef de la junte veut des élections au plus tôt. Tout comme la communauté internationale. Les retards, sʼil y en avait, seraient dʼordre technique maintenant. Les candidats, eux, sont déjà dans les starting-blocks.
O
ADAM THIAM, à Conakry
«
ui, la Guinée organisera les élections le 27 juin », martèle le général Sékouba Konaté. Il le répète si souvent que cela ressemble à la méthode Coué. Le 4 mai, au Palais du peuple, il a promis une nouvelle fois que « le 27 juin marquera la fin de [sa] mission et sera le rendez-vous de la Guinée avec son destin ». Quelques heures plus tard, il signait le décret sur la nouvelle Constitution, mettant fin à la polémique sur le mode d’adoption de ce texte fondamental. Dans la foulée, il se rendait en tournée d’inspection des garnisons de l’intérieur, où il s’intéresse à tout, du magasin de pièces détachées à la popote. Au pas de charge, le chef de la junte gère cette transition qu’il veut la plus courte possible.
Cette attitude n’est pas pour déplaire à la présidente du Conseil national de transition, Rabiatou Serah Diallo. La syndicaliste menaçait même de démissionner en cas de report du scrutin. Elle soupçonne en effet le Premier ministre, Jean-Marie Doré, de ne pas être pressé de partir. Ce dernier était favorable à l’adoption de la Constitution par référendum, ce qui, pour Rabiatou Serah Diallo, signifiait une perte de temps, avec menace sur la date du scrutin présidentiel. UN VIVIER DE PRÉTENDANTS
Même s’il se dit à Conakry que pour des « raisons techniques » un report d’une ou de deux semaines serait possible, toute la classe politique est dans les starting-blocks. Les candidats n’ont pas attendu l’ouverture officielle de la campagne – prévue le 17 mai –
pour commencer la chasse aux électeurs. Dès la fin de mars, les posters des présidentiables étaient placardés dans Conakry : murs, poteaux, arbres, quasi aucun support n’est épargné. Beaux jours en tout cas pour les colleurs d’affiches. « En une seule journée, la semaine dernière, j’ai fait plus de 100 000 francs guinéens [environ 15 euros] », se réjouit Jean Soumah, chômeur de son état. Les imprimeries locales sont débordées. Émissions interactives, interviews des candidats, caravanes, tee-shirts, matchs de football, meetings, agences de communication surbookées : il n’y en a plus que pour la présidentielle. Pour l’instant, il y a une dizaine de têtes d’affiche. Mais il pourrait y en avoir davantage. Même si les candidatures indépendantes sont interdites par la nouvelle Constitution, avec 129 partis politiques, la Guinée a un vivier de prétendants. Il y a les favoris – Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré –, les challengers – François Fall et Lansana Kouyaté –, et pléthore de seconds couteaux. Parmi eux, quelques figures bien connues, comme Ousmane Bah, ennemi juré de Cellou Dalein Diallo ; Aboubacar Somparé, le candidat du Parti de
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 35
Les rues de Conakry sont couvertes d’affiches, dont celles des trois favoris. De g. à dr.: Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé.
DE CAMPAGNE l’unité et du progrès (PUP) de l’ancien président Lansana Conté ; Mamadou Sylla, riche homme d’affaires dont le staff est convaincu qu’il sera « à la Guinée ce que Reagan a été à l’Amérique »; Ousmane Kaba, dissident du parti de Sidya Touré ; Kassory Fofana, ancien ministre des Finances de Lansana Conté, qui se définit comme le candidat de la transparence ; l’ancien fonctionnaire international Almamy Ibrahima
50 000 personnes auraient péri dans ce camp où Sékou Touré enfermait les opposants. Alpha Condé, patron du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), persécuté par Conté et longtemps en exil, a fait un retour triomphal le 10 avril à Conakry, où il a été accueilli par une foule énorme (plus de 1 million de personnes, selon son parti). Son principal fief est la Haute-Guinée. « Il est vu en martyr », admettent quelques-uns de ses rivaux à la magistrature suprême. Plus lyrique, une voyante, citée en première page d’un bimensuel de la capitale, affirme : « Je l’ai vu descendre du ciel dans un fauteuil lumineux, sous les acclamations d’une foule de jeunes »…
Trois favoris, deux challengers et pléthore de seconds couteaux. Barry, qui n’est pas peu fier d’être le seul Guinéen à avoir osé déclarer sa candidature en 2008 sous Conté. La Guinée forestière a aussi au moins un candidat : Jean Marc Telliano. Même le Parti démocratique guinéen pourrait être dans la course avec le fils de Sékou Touré, Mohamed Touré, revenu au pays. Ce dernier travaille à réhabiliter son père, et menace de porter plainte contre Amnesty International « pour avoir menti sur le nombre de morts au camp Boiro ». Selon l’ONG, quelque
RÉGIONALISME
Chassant sur les mêmes ter res de Haute-Guinée, Lansana Kouyaté jure de « rafler la base » de son aîné. Son parti s’implante rapidement, « y compris à Nzérékoré », dans la Guinée forestière. « Je n’ai pas peur de la machine à rumeur du RPG », affirme-t-il. Ses partisans avancent que, en
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tant que Premier ministre, entre 2007 et 2008, « il a créé 12 000 emplois pour les jeunes », quand les caciques du RPG ne voient en lui qu’un « volubile mégalo qui ne recule devant rien ». François Fall, ancien Premier ministre lui aussi (il démissionnera après seulement quelques semaines, en 2004), grignotera sans doute dans l’électorat de la Haute-Guinée. À la tête des Forces vives – coalition des partis politiques et de la société civile – depuis la nomination de Jean-Marie Doré à la primature, il essaie de se forger une image de « Mr. Propre ». Onze ans ministre de Conté et même son Premier ministre (2004 à 2006), avant d’être débarqué pour « faute lourde », Cellou Dalein Diallo est un des favoris. La Moyenne-Guinée et les banlieues de Conakry sont sa force. Parce que les Peuls sont la plus grande composante ethnique du pays ? « Non. Parce que j’ai laissé des résultats partout où je suis passé », répond-il. Et les rapports d’audit sur sa gestion ? « Du pipeau ! » rétorque-t-il. Quant à Sidya Touré, diakanké, (pas plus de 2 % de la population), il fait figure de candidat « transversal » dépassant les clivages ethniques. Il fait parler son bilan de Premier minis-
36 AFRIQUE SUBSAHARIENNE tre (1996-1999) : « J’ai fait revenir l’eau et l’électricité, débusqué 3 000 emplois fictifs et laissé en partant des réserves de change équivalant à plus de trois mois d’importations. » Cependant, le candidat libéral, connu pour son franc-parler, critique la transition et le processus électoral, inquiet des dérives tribales et régionalistes, et menace même de boycotter le scrutin, dont il trouve la préparation opaque et chaotique. ÉTAT DES LIEUX
Où en est-on à bientôt un mois du scrutin ? L’enrôlement des électeurs était bien avancé avant d’être arrêté après les événements du 28 septembre. C’est pourtant un tollé de désapprobation qui a accueilli le fichier, notamment au sujet des 12 % de cas litigieux avec des inscrits dont la signature ou la photo sont floues. Le partenaire tech-
Jean-Marie Doré : « Conté avait mis le pays à genoux, la junte l’a mis à plat ventre. » diaspora. Et début mai, dans une lettre, une dizaine de sous-préfectures de Nzérékoré, dans la Guinée forestière, demandaient à la Ceni de reprendre le recensement dans leur région, où les pro-Dadis menacent de s’opposer aux élections tant que leur « président », toujours en convalescence au Burkina, n’est pas de retour au pays. Peut-être une tactique pour obtenir un report du scrutin et laisser le temps au clan Dadis d’organiser son retour ? Les observateurs étrangers, qui eux aussi veulent aller vite, se révèlent
Quant au budget, estimé à 32 millions de dollars, il est quasiment bouclé et géré par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Le seul a n’avoir pas payé sa quote-part (environ 5 millions de dollars) est le gouvernement guinéen. « La Guinée ne reçoit pas d’aide budgétaire et ne fonctionne que sur les recettes propres », argumente JeanMarie Doré. Les caisses sont vides. Si « Lansana Conté avait mis le pays à genoux, la junte, elle, l’a mis à plat à ventre avec une ardoise de 4 000 milliards de francs guinéens », soit quelque 790 millions de dollars, explique le Premier ministre. LA MENACE « DADIS »
SIA KAMBOU/AFP
La Commission électorale est très critiquée pour son manque d’efficacité. Dix de ses vingt-cinq membres sont septuagénaires et ne participent aux réunions que pour « empocher leurs indemnités », regrette un des experts internationaux qui suivent le processus. « C’est dur. Il y a des défis techniques, mais nous les relèverons », promet Pathé Dieng, directeur des opérations, devenu l’homme clé de la Ceni depuis l’évacuation sanitaire vers la France en avril de son patron, Ben Sékou Sylla. L’optimisme de Dieng repose sur quelques développements récents. Le Japon a promis de mettre en place 40 000 urnes avant fin mai. Les cartes électorales sont à Conakry et il est prévu de les distribuer toutes avant le 12 juin. Une ONG américaine, International Foundation for Electoral Systems (Ifes) est chargée de la formation des membres des bureaux de vote. Les Guinéens de Côte d’Ivoire lors du recensement Il faudra encore régler le électoral de la diaspora, à Abidjan, le 26 mars. problème de la sécurité avec la mise en place attendue d’une force spéciale de 16000 hommes – genmoins critiques. « Ce sont 80 % des nique, la société française Sagem, est darmes et policiers – sous commandeélecteurs qui ont été enrôlés, si on tient indexé. « Rien ne leur a réussi jusqu’à ment unifié pour protéger les bureaux compte de la taille de la population. Ce présent. Regardez seulement ce qu’ils de vote et acheminer les documents n’est pas si mal », affirme un diplomate ont fait au Nigeria et en Côte d’Ivoire », électoraux. À un mois du scrutin, le en poste à Conakry. dénonce un de ses concurrents malpatron de cette force n’est pas nommé, La Ceni avait promis de corriger les heureux. reconnaît Jean-Marie Doré, qui promet erreurs, relevées par les partis et les Les critiques fusent. Alpha Condé de mettre les bouchées doubles. Reste électeurs, et de faire valider les nouconteste ouvertement la liste, arguant le cas Dadis. Si les militaires ne sont veaux résultats par la classe politique que son fief aurait été défavorisé lors plus dans les rues, « ceux qui le souà la fin de mars. « Au 10 mai, nous de l’enrôlement. De son côté, Cellou tiennent sont toujours à l’affût », avertit attendons toujours de voir le fichier Dalein Diallo trouve « dérisoire » le le responsable d’une ONG. ■ corrigé », rappelle Sidya Touré. nombre d’inscrits – 60 000 – dans la J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
AFRIQUE SUBSAHARIENNE 37 d’Ivoire, le championnat est sponsorisé jusqu’en 2019. Nous, on ne sait même pas si on finira cette année », se désole Bansse.
L’Étoile filante de Ouagadougou à l’entraînement, le 11 mai.
BURKINA FASO
Foot: les caisses et les stades sont vides Suspendu fin avril faute dʼargent, le championnat a repris tant bien que mal. Pour combien de temps? Sans sponsors ni public, les clubs se meurent.
I
l pleut, ce vendredi 7 mai. Ce n’est pas une raison valable pour sécher l’entraînement – le dernier avant le match qui opposera, le lendemain, l’Étoile filante de Ouagadougou (EFO), en tête du classement du championnat de première division, au modeste avantdernier Sourou Sport. « Deux joueurs ne sont pas venus. Je couperai 10000 F CFA (15,25 euros) dans leur salaire », annonce François Monguehi Guehi, au bord du terrain. Le coach ivoirien au CV bien rempli et recruté en début de saison ne badine pas avec la discipline. Il y a quelques mois, le club phare du Burkina (12 titres de champion) s’est débarrassé de 17 joueurs « qui venaient quand bon leur semblait à l’entraînement », selon le président de l’EFO, Lazare Bansse. Ils n’étaient pourtant pas à plaindre : avec des salaires oscillant entre 75000 et 250000 F CFA (entre 115 et 380 euros) par mois – sans compter les primes de match –, l’EFO est le club le mieux loti du pays. Dans
de nombreuses équipes, les joueurs ont un statut d’amateur. Dans d’autres, « le salaire ne dépasse pas 30 000 F CFA », indique Laurent Béré, secrétaire général de la Ligue nationale de football (LNF). Le football ici, c’est désormais pénurie et bouts de ficelle. Faute d’argent, le 23 avril, la LNF a dû se résoudre à suspendre le championnat : elle ne pouvait plus payer les frais de mission des officiels et des clubs. Au Burkina, c’est la Fédération burkinabè de football (FBF) qui paye les déplacements de clubs souvent sans le sou – sans sponsors, sans financements publics, sans supporteurs. Mais ses caisses sont vides. Selon un audit réalisé par l’Inspection d’État, la dette de la FBF culmine à 417 millions de F CFA. À la fin d’avril, ses comptes et son matériel ont été saisis. Grâce à une aide de la présidence de la République, le championnat a repris le 2 mai. Mais pour combien de temps? « En Côte
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AHMED OUOBA POUR J.A.
CERCLE VICIEUX
Depuis l’interdiction faite aux marchands de tabac de financer le sport, en 2003, les 200 millions que versait chaque année la Manufacture burkinabè de cigarettes (Mabucig) n’ont pas été remplacés. « Et aucun club n’a de sponsor », constate Laurent Béré. L’EFO fonctionne grâce aux cotisations de ses adhérents (parmi lesquels de nombreux responsables de sociétés nationales). « Certains dirigeants y laissent leur chemise », indique le secrétaire d’un club de deuxième division. « Moi, je peux partir à un match avec 20 000 F CFA et revenir avec 0. Il faut payer à boire, à manger aux joueurs. Quand l’un d’eux est malade, il faut lui acheter les médicaments… » Comme le note Laurent Béré, « il est difficile dans ces conditions de motiver les joueurs ». Certains se font recruter dès qu’ils peuvent, en Égypte, en Tunisie ou par d’obscurs clubs d’Europe de l’Est. « C’est un cercle vicieux, regrette Bansse. Le niveau baisse, le spectacle aussi, les spectateurs fuient les stades, et les rentrées d’argent se réduisent. » Aujourd’hui, l’affluence moyenne ne dépasse pas les 1 000 personnes par match. La FBF a bien tenté de mettre en place un système de tombola et de baisser le prix des billets, le problème reste entier. « Les Burkinabè préfèrent voir les matchs de la Ligue des champions européenne à la télé plutôt que de se rendre au stade le week-end. » « Quand on s’habitue à ce genre de match, il est
Le ballon rond, ici, c’est désormais pénurie et bouts de ficelle. difficile de supporter ce qu’on voit ici », commente Moussa Kaboré, un fan du ballon rond. C’est tout le paradoxe d’un pays plutôt bien noté au classement de la Fifa (52e, soit le 8e pays africain), qui compte dans ses rangs Charles Kaboré, récemment sacré champion de France avec l’Olympique de Marseille, mais dont le championnat local se meurt. ■ RÉMI CARAYOL,
envoyé spécial à Ouagadougou
Le président, Goodluck Jonathan, le 8 mai à Katsina, après une visite à la famille de son prédécesseur, décédé le 5 mai.
NIGERIA
La foire dʼempoigne a débuté Aux élections de 2011, le parti au pouvoir devrait se succéder à lui-même. La question est de savoir qui le conduira à la victoire. Les prétendants, nombreux, se pressent déjà.
K
atsina est une paisible ville du nord du Nigeria, à la frontière avec le Niger, en plein Sahel. Un minaret en banco rappelle qu’elle est aussi le chef-lieu d’une région agricole, où la vie tourne autour des parcelles de maïs, de coton et d’arachide. À plusieurs centaines de kilomètres des go slow – les embouteillages – de Lagos, la tentaculaire capitale économique, et des intrigues d’Abuja, la capitale administrative et politique. Paisible, Katsina. Sauf depuis la mort du chef de l’État, Umaru Yar’Adua, dans la soirée du 5 mai, d’une maladie cardiaque. Yar’Adua était un enfant du pays. Il y est né (dans une famille aristocratique), y a grandi et, des années plus tard, est devenu gouverneur de l’État du même nom (1999-2007). Alors, bien sûr, il y a été enterré. Dès le lendemain de sa mort, comme le veut la tradition musulmane. Les cérémonies de deuil, qui ont duré plusieurs jours, ont attiré à Katsina tous les vieux crocodiles de la politique nigériane. Au moins trois ex-présidents ont fait le déplacement : Muhammadu
Buhari (1983-1985), Ibrahim Badamasi Babangida (qui a renversé le premier, 1985-1993) et Olusegun Obasanjo (1976-1979 et 1999-2007). Chacun a présenté ses condoléances à Turai, la veuve. Poignées de main, regards contrits, hommages rendus. Les mines sont graves. Mais Turai n’est pas dupe. Elle qui autorisait avec parcimonie les visites à son époux malade sait bien que chacun convoite son fauteuil depuis plusieurs mois. UNE PIEUVRE CONTRÔLANT TOUT
Il est pour le moment occupé par l’ancien vice-président, Goodluck Jonathan, qui a prêté serment dès le 6 mai. Zoologue de formation, âgé de 52 ans, il terminera le mandat de Yar’Adua (élu en avril 2007) jusqu’aux élections générales – présidentielle, législatives et locales – d’avril 2011. Le People’s Democratic Party (PDP), au pouvoir, les remportera certainement. La désignation du président de la Commission électorale nationale « indépendante » revient en effet à son membre le plus éminent : Goodluck Jonathan, en tant que chef de
l’État. Ce n’est pas le seul atout du parti dans la bataille: « le PDP contrôle tout », résume simplement une source, le comparant à une « pieuvre ». « Tout », c’est, entre autres, les leviers stratégiques des Finances et de l’Intérieur. Le suspense n’est cependant pas totalement terminé. L’identité du candidat du PDP est encore un mystère. Une règle non écrite prévaut au sein du parti : le Nord, à majorité musulmane, et le Sud, à dominante chrétienne, doivent se succéder à la présidence tous les deux mandats (un mandat dure quatre ans). Après huit ans entre les mains d’Olusegun Obasanjo, natif du Sud-Ouest, le pouvoir est passé au Nord, avec Umaru Yar’Adua. Mort en exercice, il n’a pas « consommé » tout le « crédit de présidence » de sa région. Un successeur devra s’en charger. Ibrahim Badamasi Babangida, dit IBB, veut jouer sa carte. Originaire de l’État de Niger, dans la moitié septentrionale du pays (à ne pas confondre avec le pays du même nom), le général, 58 ans, a prévenu dès la mi-avril qu’il briguerait l’investiture du PDP
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AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 39 en 2011. « Maradona » – surnommé ainsi pour sa maîtrise du dribble politique – a laissé un souvenir mitigé de ses huit années passées au pouvoir: ses courtisans récompensés lui sont reconnaissants ; d’autres lui reprochent une généralisation de la corruption. Son prédécesseur, Muhammadu Buhari, ne s’est pas encore prononcé, mais pourrait être intéressé. « Nordiste » lui aussi (de Katsina), il était candidat en 2007. Il est arrivé en deuxième position, avec 6,6 millions de voix (contre 24,6 millions pour Yar’Adua). LE « PETIT » D’OBASANJO
Autre ténor du Nord, Atiku Abubakar est plus explicite. Ancien vice-président (1999-2007) d’Olusegun Obasanjo et natif de l’État d’Adamawa, ce politicien à la réputation d’homme d’affaires a quitté son parti, l’Action Congress (AC), fin avril pour intégrer le PDP. Au cours d’une conférence de presse, il a même brandi sa carte de membre. Autorisé in extremis à se présenter en 2007, il avait récolté 2,6 millions de voix et dénoncé la fraude électorale, avant de s’engager
dans l’opposition au PDP au sein de son parti, l’AC. Son arrivée médiatisée au PDP apparaît comme une volte-face pour saisir l’opportunité de la présidentielle. Dans sa course à l’investiture du PDP, Atiku Abubakar devra affronter son ennemi d’hier: Olusegun Obasanjo, qui en 2007 avait très mal pris les velléités de son numéro deux de lui succéder. Avec deux mandats de chef de l’État à son actif, Olusegun Obasanjo est empêché de se présenter par la Constitution. En revanche, il verrait bien Goodluck Jonathan rempiler en 2011. Ce dernier est un peu le « petit » d’Obasanjo. C’est lui qui l’a poussé à s’impliquer en politique et à se présenter aux côtés de Yar’Adua en 2007. Mais s’il se présentait, Goodluck Jonathan, natif du « Sud-Sud » (par opposition au Sud-Est et au Sud-Ouest), enfreindrait le gentlemen’s agreement qui prévaut au PDP. Il n’exclut pourtant pas une candidature. Hasard ou non, Vincent Ogbulafor, le président du PDP, depuis qu’il a
déclaré vouloir respecter le principe de l’alternance Sud-Nord, subit de multiples tracas: accusations de détournement de fonds, pressions pour démissionner du PDP… « Goodluck Jonathan est derrière ces manœuvres », estime Daouda Aliyou, journaliste indépendant, à Lagos. Elles ne suffiront peut-être pas. S’il entre dans la danse, Goodluck Jona-
Une règle non écrite prévaut : le Nord et le Sud doivent se succéder à la présidence. than pourrait avoir encore un autre rival : Namadi Sambo, qu’il a désigné comme vice-président le 12 mai. Âgé de 55 ans, cet architecte de formation est originaire de Kaduna, un État du Nord dont il est gouverneur. Si son nom est validé par le Parlement, il occupera une place privilégiée pour le contrôle de la présidentielle. Et pourrait être tenté, lui aussi, de s’y présenter. ■ MARIANNE MEUNIER
40 AFRIQUE SUBSAHARIENNE SOMALILAND
Le pays qui nʼexiste pas dant d’argumentaires bien rodés, allant de « Nous luttons efficacement contre la piraterie et contre le terrorisme » à « Rien n’a récompensé notre mise en œuvre de la démocratie et de la bonne gouvernance ».
Dahir Riyale Kahin, président en quête de reconnaissance internationale, est venu plaider la cause de lʼancienne Somalie britannique à Paris. Jeune Afrique lʼa rencontré. Dahir Riyale Kahin, le 4 mai, dans la capitale française.
BRUNO LEVY
I
nlassablement, ses dirigeants répètent qu’ils « attendront encore des dizaines d’années s’il le faut » pour être reconnus. Le Somaliland (3,5 millions d’habitants au nord de la Somalie) a tous les attributs d’un État: frontières, drapeau, monnaie… Il fabrique même ses propres passeports, avec lesquels ses diplomates vont, chez des pays amis arrangeants, plaider leur cause : celle de l’indépendance, proclamée unilatéralement en 1991. Mais jusqu’à présent, aucun pays au monde n’a reconnu sa souveraineté. Dès 1961, le Somaliland (britannique) dénonçait la fédération qui l’avait uni à la Somalie (italienne), un an plus tôt. Déjà personne n’entendait son plaidoyer. Et pas plus qu’hier l’Union africaine (UA) n’est prête à abandonner le principe de « l’intangibilité des frontières », par crainte d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications sécessionnistes. « Il faut se saisir de la question du Somaliland », concluait son dernier rapport de 2009. Mais rien n’a changé depuis. Des bureaux ont bien été ouverts à Bruxelles, à Paris, à Washington, tandis que l’Éthiopie, le Kenya, le Yémen et la Grande-Bretagne ont installé une représentation plus ou moins officielle à Har-
AUCUNE ÉLECTION
geisa, la « capitale ». La coopération de facto progresse mais la reconnaissance légale est encore un sujet tabou. Avec la France, le président Dahir Riyale Kahin affirme avoir « commencé les négociations » en vue d’une reconnaissance. Il a été reçu début mai, au Quai d’Orsay, par le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et, à l’Élysée, par le conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy, André Parant. CONVAINCRE LES OCCIDENTAUX
Mais il faut d’abord restaurer l’État en Somalie, martèlent la plupart des pays. « Les internationaux persistent à inventer un État qui n’existe pas et à nier la réalité d’un autre », argumente Riyale Kahin. « Pourtant, une fois indépendants, nous serons la solution au bazar chez nos frères », complète le ministre des Affaires étrangères, Abdillahi Duale. Le prochain référendum sur l’indépendance du Sud-Soudan, prévu en 2011, pourrait toutefois créer un précédent et s’ajouter à l’argumentaire du Somaliland. Pour convaincre les Occidentaux, les officiels disposent en atten-
Cependant, chacun note que depuis 2005 aucune élection ne s’est tenue. Le mandat du président, élu en 2003, a expiré en mai 2008 et a depuis été prolongé cinq fois par le Conseil des sages, dont le mandat est lui-même prolongé par… le président. En parallèle, entre 2008 et 2009, l’établissement d’une nouvelle liste électorale a entraîné de larges fraudes et des protestations de l’opposition. Depuis, Riyale Kahin accuse Interpeace, le partenaire technique suisse de la commission électorale, d’avoir causé le blocage. Pour l’ONG International Crisis Group, en revanche, ces événements sont « les symptômes de problèmes politiques plus profonds »: la limitation à trois du nombre de partis autorisés, la manipulation des solidarités claniques par tous les acteurs, les efforts du président pour rester au pouvoir… Aujourd’hui, la distribution de nouvelles cartes à 1,1 million d’électeurs a commencé. Le gouvernement « reconnaît les erreurs commises par tous » et promet que l’élection ne sera plus reportée - dès qu’une date aura été fixée dans les mois à venir. Le chef de l’État se présentera pour un second mandat. En 2010 doivent aussi avoir lieu des scrutins législatifs et locaux, dont l’op-
Abdillahi Duale : « Nous serons la solution au bazar chez nos frères somaliens. » position avait exigé le report après la présidentielle. Les rumeurs de réarmement de milices claniques devraient alors s’éloigner. Mais, si besoin était, les États ont trouvé là de quoi alimenter leur refus de reconnaître le Somaliland. ■ CONSTANCE DESLOIRE
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Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais
UNE PLACE DE CHOIX POUR LES FEMMES ET LES JEUNES
A
Les jeunes du RDPC, une sollicitude de tous les instants.
Le président national du RDPC, Paul Biya, avec ses militantes : les contacts sont permanents entre le sommet et la base.
Depuis sa naissance, le parti accorde une grande importance aux jeunes et aux femmes.
de l’État. Plus d’une dizaine de sociétés publiques sont dirigées par les femmes en plus d’une multitude de hauts responsables de l’administrationcentrale.Demêmequ’ausein du secrétariat du Comité central renouvelé en 2007, des postes clés sont tenus de mains de maître par les femmes : Commissariat au compte, secrétariat à la Culture, à l’Éducation et l’environnement en plus des divers rôles prépondérant qu’elles jouent dans les diverses structures du secrétariat. Les jeunes ne sont pas en reste. En dehors des tâches qui leur sont dévolues au sein du Secrétariat du Comité central, ils font l’objet d’une attention toute particulière. Le Gouvernement de la République a multiplié des structures d’éducation, de formation, d’encadrement et de financement de projets en faveurs des jeunes. Il en existe aujourd’hui une vingtaine, des ministères spécifiques aux structures décentralisées de l’État. Au niveau du Parti, et en dehors des missions statutaires, la priorité est donnée à la prise de conscience de leur rôle dans la construction du sentiment national, l’amour de la patrie, le sens du civisme, le goût du travail bien fait, l’ordre et la discipline. La même sollicitation vis-à-vis des femmes, se retrouve au niveau des jeunes. Que ce soit au gouvernement ou ailleurs, la proportion de jeunes cadres est impressionnante. L’exemple le plus illustratif est celui des conseils municipaux. Plus de 80 % d’entre eux sont présidés par des moins de 50 ans,, compte non tenu des adjoints aux maires. La même logique prévaut dans la haute administration où le renouvellement des cadres fait surtout appel aux jeunes. Proche des préoccupations de ses concitoyens, le RDPC reste donc aujourd’hui le parti le plus populaire et le plus engagé dans la dynamique du développement du Cameroun. Son assise populaire, son implantation géographique à travers tout le pays et son dynamisme interne en font une force politique de premier plan
MESSAGE
u congrès ordinaire de décembre 1996 le Rassemblement démocratique du peuple camerounais prend une sérieuse option pour le renforcement du rôle des femmes et des jeunes, au sein de ses instances dirigeantes. Inscrits jusque-là sous le vocable de « organes annexes », avec tout ce que cela comporte comme sous entendus, ces deux structures sont devenues des organisations spécialisées. Les articles 36 (nouveau) et 46 des statuts du RDPC stipulent qu’ « il est institué comme organisations spécialisées du parti : - une organisation des femmes du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, en abréviation OFRDPC. - une organisation des jeunes du parti dénommée organisation des jeunes du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, en abréviation OJRDPC ». Les mêmes textes précisent par ailleurs qu’elles sont dotées de deux instances dirigeantes que sont le conseil national et le bureau national. L’objectif visé par le RDPC étant, pour ce qui concerne les femmes, de les mobiliser en vue de leur conscientisation, leur épanouissement et leur pleine participation à la réalisation des objectifs du Parti. Déjà, dès sa création le 24 mars 1985 à Bamenda, le parti avait intégré dans ses Statuts les questions de genre comme priorité de ses actions. C’est ainsi que participant à la fondation du RDPC comme experts et comme simples militantes, les femmes ont fait partie de tous les cercles décisionnels jusqu’aujourd’hui où leur rôle s’est considérablement accru et leur place consolidée. Dans le parti comme dans le gouvernement, les femmes sont présentes et disent leur mot. Lors du double scrutin municipal et législatif de juin 2002 par exemple, le président national du Parti Paul Biya avait prescrit qu’un quota relativement équitable et équilibré soit réservé aux femmes sur chaque liste de candidature présentée par le RDPC. Grâce à cette volonté politique, le RDPC est le Parti qui compte le plus de femmes élues à l’Assemblée nationale et dans les Conseils municipaux. Au sein de l’actuel gouvernement de la République, les départements de la Culture, de l’Agriculture et du développement rural, des Affaires sociales, de la Promotion de la femme et de la famille, de l’Éducation de base sont tenus par des femmes, avec le dernier cité qui a le plus gros budget
Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais
L’AIGUILLON DU CHANGEMENT AU CAMEROUN
1985-2010
Le RDPC a 25 ans. Un quart de siècle. L’âge de la majorité et de la maturité. Le parti célèbre cet anniversaire au moment où le Cameroun s’engage dans la célébration du cinquantenaire de son indépendance en 1960 et de sa réunification en 1961. Les faits, les dates et les actes parlent d’eux-mêmes : sur les cinquante ans d’existence du Cameroun indépendant, le RDPC en a assuré la gestion pendant 25 ans, soit la moitié du temps. La responsabilité est énorme. Elle est historique. Depuis 25 ans, le RDPC est acteur et témoin de l’évolution du Cameroun. Pour quel bilan, demanderont certains ? Dans la circulaire adressée à cette occasion aux présidents des sections RDPC, le Secrétaire Général du Comité Central, esquisse une réponse : « Le chemin parcouru en ce laps de temps est si remarquable que l’on peut légitimement considérer, à la lumière des faits, que le RDPC est le parti de l’émergence du Cameroun moderne : un Cameroun libéré des inhibitions et des traumatismes, un pays exemplaire de discernement et de lucidité dans l’expression de sa diversité socioculturelle, un pays qui, en dépit des aléas et des conjonctures, porte les promesses d’une prospérité pour les postérités. » En effet, sous la conduite du gouvernement du Renouveau et la houlette du RDPC et de son président national Paul Biya, le Camerounaaccomplidesprogrèsauxplanspolitique,économique et social. Qui se souvient du nombre d’écoles, de lycées, de formations hospitalières existant au Cameroun en 1985 ? Ce nombre a été multiplié par 5 ou par 10. Qui se souvient du nombre de kilomètres de routes bitumées en 1985 ? Il a plus que doublé
LE RDPC EN QUELQUES DATES 24 MARS 1985 : Création du RDPC à la faveur de la transformation de l’Union Nationale Camerounaise (UNC), au congrès de Bamenda. Son premier Secrétariat comprend 37 membres, dont : Joseph Charles Doumba, Secrétaire à l’organisation avec Joseph Fofé et Mbella Mbappé comme adjoints ; Sadou Hayatou, Secrétaire à la presse, à l’information et à la propagande ; Hamadjoda Adjoudji, Secrétaire à la jeunesse ; James Onobiono, Secrétaire adjoint à l’inspection administrative et financière; Emah Basile à la trésorerie générale. Nkuete Jean est Secrétaire aux affaires Économiques et sociales. MAI 1985 : Les premiers textes de base du RDPC voient le jour avec quelques modifications de grande envergure par rapport aux statuts de l’UNC notamment, le Comité central dispose donc d’un mandat et d’une légitimité, au même titre que le Président national.
en 2010. Aujourd’hui, les Camerounais respirent à pleins poumons l’air de la liberté à la faveur de la démocratie restaurée. Au plan interne, 25 ans après sa création, le RDPC n’a été ni dépecé par ses adversaires, ni dépassé par les événements. Certes, rien ne lui a été épargné, ni les larmes, ni le sang, ni les intimidations, ni les menaces. Mais tel le roseau, le parti a souvent plié mais il n’a jamais rompu. Comment aurait-il pu rompre ou céder alors qu’il n’a cessé de se transformer en grandissant ? Parti du Renouveau et de changement, le RDPC a su s’adapter aux contextes, aux circonstances et aux événements. En 25 années d’existence, le Parti a amélioré son fonctionnement, son organisation, ses méthodes ; s’il a conservé ses options fondamentales, de nouvelles valeurs sont venues s’ajouter à son socle idéologique et doctrinal. La concurrence démocratique et l’adversité liée au multipartisme ont conduit à la quête de la modernité et donné naissance à la politique d’ouverture aux femmes et aux jeunes ainsi qu’à celle de la proximité avec les populations et les militants. La crise économique et ses conséquences ont stimulé et catalysé la lutte contre la pauvreté. À partir de 1991, le RDPC, parti au pouvoir, a appris à partager le pouvoir et à tendre la main à d’autres partis politiques. Le MDR, l’UNDP, l’UPC, l’ANDP sont devenus ses alliés au gouvernement. En plus d’être au cœur de ces stratégies d’alliance et de soutenir le gouvernement, le RDPC s’illustre également comme
Depuis 25 ans le RDPC est acteur et témoin de l’évolution du Cameroun.
JANVIER 1986 : le premier renouvellement des
bureaux des organes de base du Rdpc est organisé. Pour la première fois, des élections à candidatures multiples ont lieu au sein du parti. C’est le début de la « démocratie interne ».
OCTOBRE 1987 : premières élections munici-
pales à candidatures multiples au Cameroun. 269 listes concurrentielles du Rdpc sollicitent les suffrages des électeurs en vue de la gestion de 196 communes. La bataille électorale autorisée par le président national fait des vagues au sein du parti.
NOVEMBRE 1988 : tenue des assises du
partisme précipité », Paul Biya les invite à se « préparer à une éventuelle concurrence ». Le secrétariat politique est transformé en secrétariat du Comité central.
JUILLET 1990 : Ebénézer Njoh Mouellé, Philosophe, est nommé Secrétaire général du Comité central du RDPC.
1992 (MARS ET OCTOBRE) : Premières élec-
tions pluralistes au Cameroun. Le RDPC remporte la majorité relative (88 sièges) à l’Assemblée nationale et son candidat remporte la présidentielle.
10 MARS 1992 : Joseph Charles Doumba est
Conseil national du RDPC, Paul Biya condamne la corruption, les trafics d’influence et d’autres abus dont certains dignitaires de son parti se rendent coupables.
nommé Secrétaire général du Comité central, suite à la défaite de son prédécesseur aux législatives dans la circonscription électorale du Nkam. La nomination de ses collaborateurs suivra le 27 juillet 1992.
28, 29 ET 30 JUIN 1990 : tenue du premier
1993 : Création des premières cellules d’anima-
congrès ordinaire du RDPC. Alors que plusieurs de ses camarades disent « non à un multi-
tion et de promotion de divers secteurs d’activités au sein du Comité Central du RDPC.
7 OCTOBRE 1995 : Premier congrès extraordi-
naire du RDPC avec pour objectif : réaménager les structures du Parti dans le but de le rendre plus performant face aux interpellations de l’heure. Pour le président national, « le RDPC doit poursuivre son programme actuel de restructuration, de formation et d’ouverture… ».
21 JANVIER 1996 : 1ères élections municipales pluralistes. Le RDPC remporte 219 communes sur 336.
ENTRE AVRIL ET NOVEMBRE 1996 : Modifica-
tion des textes de base, création et éclatement des sections et aménagements des structures financières. Les instances du Parti s’ouvrent aux jeunes et aux femmes. Les organes qui leur sont réservés passent du statut d’annexe au statut « d’organisations spécialisées ». Les femmes et les jeunes obtiennent le droit de militer dans le RDPC.
12 AVRIL 1996 : Création des sections d’arrondissement dans le Mfoundi et le Wouri et d’une coordination à la tête desdites sections.
Un congrès du Parti : la mobilisaion permanente.
AVRIL-MAI 1996 : Renouvellement des bureaux des organes de base. 17,18, 19 DÉCEMBRE 1996 : 2 Congrès ordie
naire du RDPC. Ratification des décisions du 1er Congrès extraordinaire.
17 MAI 1997 : Élections législatives et large
victoire du RDPC avec 117 sièges sur 180.
12 OCTOBRE 1997 : Élection présidentielle. Réé-
lection du président Paul Biya, candidat du RDPC.
7 JUILLET 2001 : 2e congrès extraordinaire du RDPC ou celui du dynamisme et de l’audace. FÉVRIER MARS 2002 : Création de nouvelles sections et renouvellement des bureaux des organes de base à plus de 80 %.
JUILLET 2002 : Élections municipales et législatives couplées. Victoire massive du RDPC.
11OCTOBRE2004: Électionprésidentielleetlarge victoire du président Paul Biya, candidat du RDPC.
21 JUILLET 2006 : 3e congrès extraordinaire. Engagement est pris par Paul Biya de faire du RDPC un parti d’avenir, résolument tourné vers la modernité.
MARS-AVRIL 2007 : Éclatement, création de nouvelles sections et renouvellement des bureaux organes de base.
4 AVRIL 2007 : René Sadi, diplomate de carrière,
membre du Comité central. Par ailleurs Secrétaire général adjoint n°2 à la Présidence de la République est nommé Secrétaire général du Comité central du RDPC.
5 AOÛT 2008 : Une circulaire du Président natio-
nal rappelle que le principe hiérarchique s’impose à tous les niveaux, au sein du parti. C’est le retour à l’orthodoxie et à la discipline dont la première manifestation est le respect de la hiérarchie.
5 AOÛT 2008 : Nomination des Conseillers, des
Chargés de missions et des nouveaux, responsables à la Direction des Organes de Presse, de l’Information et de la Propagnade du Parti.
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
un parti d’action et de réflexion. À cet égard, le RDPC enfile les concepts les uns après les autres : l’activité créatrice, le primat de la pensée, le pari de la modernisation, et de la modernité. Un parti d’utilité et de service. Cette activité intellectuelle tous azimuts se traduit par l’édition de nombreux ouvrages. Vitalité électorale, vitalité démocratique, vitalité intellectuelle, présence permanente sur le terrain, telles sont quelques clés du succès du RDPC ces dernières années. L’un des changements majeurs que le Parti a subis concerne son implantation territoriale et ses effectifs. En 1985 et 1986, au moment des premières opérations de renouvellement des bureaux des organes de base, le RDPC comptait 49 sections « départementales », correspondant au nombre de départements de l’époque. Aujourd’hui, ce nombre a plus que quintuplé puisque le RDPC compte désormais 254 sections dont 247 sur le territoire national et 7 à l’extérieur. Parallèlement à ce quadrillage territorial systématique, les effectifs du Parti ont subi une augmentation exponentielle. En 1990, le Comité Central comptait 120 membres, 90 titulaires et 30 suppléants. En deux décennies, les chiffres ont explosé : le nombre de membres titulaires du Comité Central peut dé-
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Paul Biya, président national du RDPC.
sormais atteindre, sans le dépasser, 250 alors que celui des suppléants ne peut excéder 90. Cette évolution des ressources humaines du Parti correspond à la volonté du président national d’assurer le meilleur encadrement possible des militants. Cette organisation spatiale et humaine a permis au Parti de réaliser des résultats électoraux appréciables. Après avoir frôlé le pire en 1992 – législatives et présidentielles – le RDPC a su rectifier le tir. Et depuis 1996, il améliore sans cesse son score à chaque scrutin au point de contrôler la majorité des conseils municipaux et des sièges à l’Assemblée nationale. Chaque fois que ses adversaires ont voulu susciter et alimenter son rejet par les électeurs et les populations, le RDPC est resté fidèle à son projet : rigueur, moralisation, paix, unité, démocratie, progrès. Malgré l’adversité multiforme, cette fidélité aux options doublée d’une forte capacité d’adaptation permet au RDPC d’envisager l’avenir avec optimisme, responsabilité et sérénité. Et la conviction d’être toujours au service du Cameroun et des Camerounais.
44 AFRIQUE DU SUD
Malema en rééducation
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ne tape sur les doigts. Pas plus. C’est, estime l’opposition, la punition bien légère qu’a reçue Julius Malema, après son audition le 12 mai devant le comité de discipline du Congrès national africain (ANC). Le turbulent président de la Ligue des jeunes du parti a en effet été sanctionné pour avoir manqué de respect au chef de l’État, mais aucune des autres charges n’a été retenue. Qu’il ait chanté une chanson faisant l’apologie du meurtre (« Tuez les Boers », les fermiers afrikaners), qu’il ait traité un journaliste de la BBC de « bâtard » et qu’il l’ait expulsé d’une conférence de presse n’a pas été jugé suffisamment grave par le comité de discipline de l’ANC pour faire l’objet d’une procédure. L’offense au chef, elle, méritait remontrances. Julius a donc dû faire des excuses publiques au président Jacob Zuma, qu’il avait eu l’outrecuidance de comparer à son prédécesseur. Il devra par ailleurs payer une amende de 10 000 rands (1 000 euros), suivre un stage de « contrôle de la colère », et vingt jours d’éducation politique. Une formation qui se fera sous la houlette de Tony Yengeni, cadre de l’ANC, condamné pour corruption en 2003. ■
FOTO24/GALLO IMAGES/GETTY IMAGES
FABIENNE POMPEY
Julius Malema, président de la Ligue des jeunes de l’ANC.
ZIMBABWE COURT RÉ RÉPIT POUR ROY BENNETT Accusé de comploter pour renverser le président, Robert Mugabe, Roy Bennett a été blanchi par la justice le 11 mai. Nommé vice-ministre de l’Agriculture en février 2009, membre de l’opposition, il n’a pu prêter serment, contraint d’attendre la fin de son procès. Rien n’est gagné. Le procureur a fait appel, et le camp présidentiel refuse son intégration au gouvernement.
SOCIAL
Enfances volées
Un rapport du BIT révèle que lʼAfrique subsaharienne est la seule région du monde où le travail des enfants progresse.
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l ne fait pas bon être un enfant au sud du Sahara, seul endroit au monde qui ne lutte pas efficacement contre le travail des plus jeunes. Si les avancées en la matière sont lentes – trop, selon le Bureau international du travail (BIT) – mais réelles en Asie, dans le Pacifique, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, elles sont inexistantes en Afrique subsaharienne. En 2004, 49 millions d’Africains âgés de 5 à 14 ans travaillaient. Selon un rapport du BIT publié le 10 mai, ils étaient en 2008 plus de 58 millions (65 millions si l’on englobe les 15-17 ans). Aujourd’hui, en Afrique subsaharienne, 1 enfant sur 4 travaille (dont 15 % dans des conditions « dangereuses »), contre 1 sur 8 en Asie, indique l’organisation internationale. Dans le monde, ce sont 215 millions d’enfants qui sont employés, 7 millions de moins qu’en 2004. Une baisse trop
timide pour rassurer le BIT. « Les progrès sont irréguliers : ni assez rapides ni suffisamment étendus », estime son directeur général, Juan Somavia. « Le problème du travail des enfants prend ses racines dans la pauvreté », explique Constance Thomas, responsable du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (Ipec), mais aussi dans le faible taux de scolarisation (1 enfant sur 3 ne fréquente pas le primaire en Afrique subsaharienne) et l’absence de protection sociale. À cela s’ajoutent le fléau du sida, qui laisse de nombreux enfants à la rue (12 millions d’orphelins du VIH en Afrique subsaharienne); l’importance dans les économies africaines du secteur agricole, principal employeur des enfants dans le monde; et la persistance de certaines pratiques, comme l’emploi, dans les villes, des « petitesbonnes » venues de la campagne. ■ RÉMI CARAYOL
RECTIFICATIF Contrairement à ce que nous avons écrit dans l’article « Équateur province orpheline » (J.A. n° 2575), Nzanga Mobutu n’est plus ministre de l’Agriculture mais vice-Premier ministre chargé de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, depuis le remaniement de février 2010. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
AFRIQUE SUBSAHARIENNE 45 SANTÉ
Alerte à lʼarachide qui tue
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oisson record d’arachide pour le Sénégal cette année. Avec plus de 1 million de tonnes, la production a bondi de 40 % en un an. Tandis que le ministère de l’Agriculture a de quoi se réjouir, celui de la Santé s’inquiète. Le surplus des récoltes ne trouvant pas de débouché dans les huileries industrielles est stocké et pressé artisanalement, dans des conditions favorisant la prolifération d’aflatoxine, une substance cancérigène. Des taux élevés d’humidité comme ceux de cette année, de fortes chaleurs et une transformation artisanale massive, voilà le cocktail que redoutent les experts. « Avant, on trouvait essentiellement l’huile artisanale dans les zones rurales. Aujourd’hui, en raison des bonnes récoltes, on la trouve aussi sur les marchés de Dakar », témoigne le docteur Amadou Kane, de l’Institut de technologie alimentaire de Dakar. Une série de tests à l’aflatoxine a donc été lancée dans tout le pays, dont les résul-
Le séchage est une étape cruciale.
tats doivent être connus d’ici à la fin du mois de mai. Si le Sénégal ne dispose pas d’études chiffrées sur la contamination à l’aflatoxine et ses conséquences sanitaires, des enquêtes ont été menées dans d’autres pays, comme le Kenya ou le Mozambique. Au Kenya, en 2004, les hôpitaux ont recensé 317 cas de contamination grave, un chiffre sans doute bien inférieur à la réalité, nombre de malades n’ayant pas accès aux
structures hospitalières, et 125 de ces patients sont décédés, souvent en moins d’une semaine. Quand la contamination apparaît sur un terrain hépatique, elle est souvent fatale. « Il a été montré que le taux de cancer du foie est 60 fois plus élevé chez les personnes atteintes d’hépatite B contaminées par l’aflatoxine que chez les patients hépatiques non contaminés », explique Ranajit Bandyopadhyay, chercheur à l’Institut international d’agriculture tropicale, au Nigeria. Par ailleurs, des études menées au Bénin et au Togo ont montré l’impact de cette toxine sur la croissance des enfants. À la suite d’analyses relevant de forts taux d’aflatoxine dans le maïs, le gouvernement kényan a lui aussi lancé une alerte, en rappelant que la contamination peut être évitée grâce à une bonne ventilation des stocks et à des procédés de filtration. Le Sénégal vient d’ailleurs de mettre au point un procédé d’élimination de l’aflatoxine – filtrée avec de l’argile –, qu’il s’agit maintenant de promouvoir. ■ SEYLLOU DIALLO/AFP
Le risque de contamination à lʼaflatoxine, substance cancérigène, se multiplie, notamment au Sénégal.
CHRISTINA LIONNET
MOT CHOISI
MALI
«
Lʼimam de Kati menacé de mort
J
e ne vois pas en quoi ce code [de la famille, NDLR] porte atteinte à nos valeurs socioculturelles, encore moins à l’islam », expliquait l’imam El-Hadj Sékou Ahmadou Diallo, dans une lettre ouverte, à la mi-avril. Une déclaration qui lui a valu d’être accusé de trahison par la Ligue malienne des imams et érudits (Limana). Également menacé de mort, l’imam a depuis quitté Kati et se terre dans un lieu inconnu. Sa prise de position en faveur de la réforme a fait également sursauter les responsables du Haut Conseil islamique du Mali (HCI), qui milite pour un code de la famille qui « corresponde aux réalités culturelles » d’un pays qui compte 90 % de musulmans. En août 2009, le président, Amadou Toumani Touré, devant le tollé, avait déjà renoncé à promulguer ce texte et l’avait renvoyé devant l’Assemblée nationale pour révision. Ce nouveau code - toujours en cours d’examen - vise à mieux protèger les femmes en interdisant l’excision, en rehaussant l’âge minimum du mariage de 15 à 18 ans et en établissant l’égalité entre les filles et les fils en matière successorale. Le « respect mutuel des époux » doit remplacer le « devoir d’obéissance de l’épouse envers son mari ». « On ne se reconnaît pas dans ce code importé de l’Occident », s’insurge le secrétaire général du HCI, Mamadou Diamoutene. ■ ELISE MARTIN J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
BOSSE
Au Burkina Faso, mieux vaut avoir la bosse des maths qu’être un petit génie de la littérature. Lors des « Olympiades de mathématiques et de français », le vainqueur dans la catégorie littéraire a gagné un vélo. Un lot de consolation comparé à la moto flambant neuve qui a récompensé le gagnant en mathématiques. L’auditoire au moment de la remise des prix en est resté sidéré. Le ministre des Transports, présent lors de la cérémonie, a finalement promis une moto au lauréat de l’épreuve de français. L’affront était lavé.
46 MAGHREB & MOYEN-ORIENT
ALGÉRIE LES ENFANTS Un scandale financier, un assassinat, un vaudeville politico-économique... Trois affaires récentes mettent en lumière le comportement délictuel des « fils et filles de ». Enquête sur une impunité ayant presque force de loi.
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CHERIF OUAZANI, envoyé spécial à Alger
a mise sous contrôle judiciaire, le 13 janvier, de Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, est due essentiellement aux agissements de son fils Fawzi, impliqué dans une affaire de trafic d’influence. Un mois plus tard, l’assassinat du colonel Ali Tounsi, directeur général de la Sûreté nationale, par un de ses plus proches collaborateurs, est, lui aussi, selon les premiers éléments de l’enquête, lié aux activités économiques délictueuses de la progéniture du meurtrier. Dernière affaire en date : la démission fracassante d’Azouaou Mehmel, patron de Mobilis, opérateur de téléphonie du groupe public Algérie Télécom, motivée par le refus de sa tutelle d’entériner sa décision d’écarter la directrice de la commercialisation, Sihem Djenouhat, fille du numéro deux de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA, centrale syndicale), par ailleurs membre influent du Rassemblement national démocratique (RND, du Premier ministre Ahmed Ouyahia). UN MAL ENDÉMIQUE
Un scandale financier, un meurtre et un vaudeville politico-économique. Résultat : les frasques des « fils et filles de » alimentent toutes les conversations. Dans le Sud, on les appelle « Ouled Qiyada » (« fils du commandement ») ; et dans le Nord, « Aït Tchipa », mêlant malicieusement
le tamazight et un anglais arabisé pour dire « fils de tip » (pourboire), autrement dit de pots-de-vin. Civils et militaires, magistrats et banquiers, élus et administrateurs, syndicalistes et cadres, le mal touche tous les rouages de l’Algérie d’en haut. C’est même l’une des caractéristiques du système. Au niveau national ou local, la progéniture de la République a toujours fait des siennes, et ses abus nourrissent le scepticisme des Algériens à
l’égard de leur justice. Porter le nom d’un homme politique influent, d’un officier supérieur ou d’un puissant magistrat procure privilèges et promesses de rente. Certes, ils ne sont pas tous impliqués dans des activités illégales, seule une minorité affichant l’arrogance du pedigree. Mais il n’en demeure pas moins que leur comportement et leurs privilèges expliquent en partie le désamour des citoyens pour leurs gouvernants.
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 47
GÂTÉS DU SYSTÈME
Si les promesses de démocratisation de l’enseignement ont été tenues (6000 étudiants, dont à peine 1000 jeunes femmes, à l’indépendance, en 1962, contre près de 2 millions aujourd’hui, dont 60 % d’Algériennes), l’égalité des chances, thème récurrent du discours officiel, n’a jamais été une réalité. « Les bourses d’études à l’étranger ont toujours été monopolisées par les “fils de” au détriment des majors de promotion, déplore un ténor du barreau. L’Agence
pour la coopération internationale, qui les distribue, est dépendante du ministère des Affaires étrangères et veille à servir en premier lieu les fils de la nomenklatura. Résultat: une discrimination dans la constitution de l’élite, un diplômé de Harvard ou d’Oxford étant toujours avantagé par rapport à un juriste formé à la faculté de droit de Ben Aknoun. Le plus souvent, le diplôme est inutile dès lors que l’ascendant est un homme puissant, le népotisme étant le
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mode de fonctionnement du système et la cooptation le critère de recrutement. » L’atout du pedigree joue également pour de simples homonymes. Porter le même nom qu’un général peut ouvrir droit à de multiples opportunités, pour peu que l’on fasse preuve d’habileté. RÉSEAUX D’INFLUENCE
Les « fils de » actifs dans la sphère économique ne baignent pas tous dans l’illégalité, utilisant parfois leurs réseaux
48 MAGHREB & MOYEN-ORIENT sécuritaire a imposé un dispositif de protection aux personnalités de l’État et à leur progéniture. Et quand un Aït Tchipa s’éclate en boîte de nuit, il est accompagné de ses gardes du corps. La musique électro n’adoucissant manifestement pas les mœurs, l’arme de poing dont il bénéficie sert d’argument de séduction, voire de menace, agitée au nez des filles récalcitrantes et des rivaux. « Tous les moyens sont bons pour accumuler du capital, témoigne Nabil, jeune cadre d’une banque publique. J’en connais qui négocient leurs privilèges. Ainsi, une carte d’accès aux plages des résidences d’État se négocie 50000 dinars [520 euros] et un badge pour un véhicule privé 100 000 dinars. C’est le tarif qu’applique la fille d’un chef de parti islamiste influent ou le fils d’un syndicaliste de renom. Leurs parents résidant au Club des pins, ils ont le droit de recevoir régulièrement leurs amis. Au début de chaque saison estivale, ils adressent leur liste aux services de sécurité chargés de la protection du site. Ces derniers leur délivrent autant de cartes d’accès et de badges véhicules qu’ils souhaitent. Cette liste est devenue source d’enrichissement pour les “fils de”. » F. CARTER SMITH
que la justice ne soit pas la même pour d’influence pour adapter la réglementatous. » Les écarts sont pourtant légion. tion en fonction de leurs intérêts. Par Il y a quelques années, le fils d’un haut exemple, ils s’arrangent pour que le fonctionnaire a séquestré, torturé et créneau économique qu’ils occupent soit laissé pour mort un rival amoureux. quasi monopolistique en faisant voter L’affaire fit grand bruit. Le tortionnaire une nouvelle réglementation imposant fut certes interpellé. Poursuivi pour un des conditions draconiennes pour la chef d’inculpation passible de cinq ans création ou la représentation de sociétés de réclusion criminelle, il fit quelques concurrentes. mois de prison à El-Harrach, avant En Algérie, comme ailleurs sans doute, d’être élargi quelques mois plus tard. le rang politique, économique ou administratif du père assure à ses enfants une position centrale dans la passation des marchés publics. La bonne santé des cours pétroliers ces dernières années a permis à l’économie algérienne de passer du statut de pays soumis aux injonctions des institutions de Bretton Woods à celui de nouveau riche dépensant sans compter pour la mise à niveau de ses infrastructures et disposant d’un confortable matelas de devises (près Mohamed Meziane, ancien patron de Sonatrach, de 150 milliards de dollars mis en examen le 13 janvier. en réserves de change). Avec 30 milliards de dolLes « fils de » malmènent allègrelars en moyenne annuelle, le montant ment l’État de droit. Comme lors de des marchés publics ne peut qu’attiser cette prise d’otages avec demande de les convoitises. Les proches de ceux qui rançon dans une ville de l’intérieur du décident sont donc les mieux placés pour pays. La police avait tendu un piège en tirer profit. Ils créent des sociétés de aux ravisseurs lors de la remise de la consulting ou de négoce, usent de leur rançon et arrêté un indiproximité avec le « décideur », et devienvidu en moto chargé de nent de facto intermédiaires. C’est le cas la récupérer. La qualifide Fawzi Meziane, le fils de l’ex-PDG de cation des faits ne soufSonatrach, qui s’est érigé en interlofrait d’aucune ambiguïté. cuteur obligé des fournisseurs d’équiMalgré le flagrant délit, pements ou de prestations du groupe le tribunal a relaxé le pétrolier public et dont les agissements motard et prononcé… lui ont valu d’être incarcéré, en comun non-lieu. Renseignement pris, il pagnie du fils d’un ex-dirigeant d’une s’agissait de l’ami d’enfance du fils d’un banque publique. Preuve que les « fils général, patron de la région militaire. de » agissent également en réseau. « Jouer de son nom pour s’enrichir est de bonne guerre, dénonce Redouane, INDÉCENT BLING-BLING militant de Rassemblement Actions JeuL’arrestation de Fawzi Meziane et la nesse (RAJ), une association particulièmise en examen de son père sont-elles rement active en milieu estudiantin. En l’exception qui confirme la règle selon revanche, l’influence sur les décisions laquelle les enfants gâtés du système et de justice est inacceptable. » leurs parents trop bienveillants bénéfiL’autre caractéristique des enfants cient d’une certaine indulgence? Avocat gâtés du système qui met en rage le de Meziane père et fils, Me Miloud Braquidam est le côté bling-bling. Lors des himi tranche: « Il n’y a pas d’impunité, cérémonies protocolaires, les parkings et plusieurs affaires le prouvent, comme réservés aux véhicules officiels abricelle de l’ancien wali de Blida, relevé, tent parfois les Ferrari, Lamborghini jugé et condamné pour les délits comet autres Hummer de cette progéniture mis par son fils, lui-même emprisonné. qui n’a plus froid aux yeux. La situation C’est la nature du système qui veut
Fawzi Meziane s’était érigé en interlocuteur obligé des fournisseurs de Sonatrach. Autre moyen de s’enrichir : faire figurer son prestigieux nom parmi les actionnaires d’une entreprise. Cela facilite grandement l’accès à de juteux marchés et parfois plus. Ainsi cet homme d’affaires astucieux qui a réussi à obtenir l’agrément pour sa compagnie aérienne, alors que la réglementation s’y oppose depuis le scandale de Khalifa Airways. Comment ? En proposant à Tewfik Bendjedid d’être son associé. Pour convaincre le fils de l’ancien président de la République de faire partie de l’aventure, il lui a offert des parts du capital de la compagnie sans contrepartie financière. Il n’y a là rien d’illégal… si ce n’est l’existence juridique de la société. ■
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 49
ADIEU
Abdelaziz Meziane Belfkih
Le conseiller du roi du Maroc est décédé le 9 mai, à lʼâge de 66 ans.
C’EST ÉGALEMENT À LUI qu’on doit le « Rapport du cinquantenaire ». Au début de son règne, Mohammed VI lui avait confié la responsabilité d’établir sans complaisance un état des lieux après un demi-siècle d’indépendance. Objectif : prendre conscience de ce qui a été réalisé et surtout de ce qu’il reste à faire. Le conseiller s’était entouré d’experts dans les différents domaines. Ils ont travaillé en toute indépendance pour produire des documents de référence. Même exigence de rigueur quand il avait présidé auparavant la grande commission pour la réforme de l’éducation. Il forçait le respect de tous par ses vertus. Travailleur, perfectionniste, il remettait toujours l’ouvrage sur le métier, confie un de ses amis. Autre trait distinctif : il n’avait pas d’ennemis. Une prouesse au vu de l’espace où il officiait et de l’étendue de ses responsabilités. Il faut dire qu’il ignorait intrigues et coteries. Avec une naïveté feinte, il expliquait qu’un dossier bien ficelé finit toujours par aboutir et qu’on n’avait pas besoin de manœuvrer pour le « pousser ». L’honnêteté paie, et puis « il y a la bénédiction des parents… » C’est Hassan II qui avait découvert Abdelaziz Meziane Belfkih, lequel a commencé sa carrière au ministère des
ALEXANDRE DUPEYRON
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oyal Air Maroc (RAM) a affrété deux avions. Il n’en fallait pas moins en ce mardi 11 mai pour conduire les dignitaires, le prince Moulay Rachid en tête, à Taourirt, un village de l’Oriental où avaient lieu les funérailles d’Abdelaziz Meziane Belfkih. Le conseiller de Mohammed VI s’était éteint le 9 mai, à 66 ans, des suites d’un cancer. Il occupait une place à part. On peut dire qu’il aura transformé la physionomie du royaume. Littéralement. Les chantiers, les grands travaux, de Tanger-Med à l’aménagement du Bouregreg, c’était lui. Lauréat des Ponts et Chaussées, il s’était évertué à mobiliser les meilleurs cerveaux souvent sollicités par les grandes multinationales. Pour bâtir le nouveau Maroc. Sur les quelque trois cents ingénieurs « Ponts » dénombrés, les trois quarts ont répondu à l’appel. On les trouve partout, dans la haute administration, les offices publics, les agences de développement, sans oublier le gouvernement.
Travaux publics. Au lendemain de la Marche verte, en 1975, il l’avait chargé de la coordination des travaux d’infrastructures au Sahara. Il lui confiera plusieurs départements ministériels, dont l’Agriculture. Avant de l’appeler auprès de lui au cabinet royal. En montant sur le trône, Mohammed VI l’a trouvé dans l’héritage. À plusieurs reprises, il a été question de le renvoyer au gouvernement : à l’Intérieur ou en tant que Premier ministre. Mais le roi a finalement préféré le garder à ses côtés sans jamais manquer de lui manifester égards et considération. Comment expliquer le statut exceptionnel, sinon unique, dont a bénéficié Abdelaziz Meziane Belfkih ? « À l’évidence, il connaissait les arcanes du sérail, répond la politologue Mohamed Tozy, mais il se tenait à l’écart.
« L’homme d’État prenait constamment chez lui le pas sur l’homme de cour. »
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L’homme d’État prenait constamment chez lui le pas sur l’homme de cour. » Il multipliait les signes de sa singularité. Il occupait rarement ses bureaux au palais et préférait travailler dans des locaux à Hay Ryad, qu’il avait utilisés dans des fonctions antérieures et qui étaient plus accessibles. Le choix d’être enterré dans son village natal – et non dans le cimetière des Martyrs, à Rabat – n’est pas banal. Une manière pour l’homme d’État de rester un homme du peuple. Seul Driss Benzekri, le prisonnier politique qui avait animé l’Instance Équité et Réconciliation (IER), décédé en 2007, avait fait le même choix. ■ HAMID BARRADA
50 MAGHREB & MOYEN-ORIENT
INTERVIEW
Mohamed Achaari
MEMBRE DU BUREAU POLITIQUE DE LʼUSFP
« Le consensus fait du mal à la démocratie » Trois figures du bureau politique de lʼUSFP décident de suspendre leurs activités au sein de la direction. Parmi elles, lʼun des poids lourds de la formation socialiste marocaine. Voici ses explications.
qu’il pouvait désormais quitter le gouvernement pour se consacrer au parti. En échange, l’USFP aura le ministère des Relations avec le Parlement. Plus tard, il nous dit que la majorité lui a demandé de revenir à la présidence de la Chambre des représentants. Les deux décisions ne ressortaient d’aucun projet, d’aucune vision, elles ont donné lieu à de mystérieuses tractations.
A
li Bouabid, Mohamed Achaari, Larbi Ajjoul. Tous trois membres du bureau politique (BP) de l’Union socialiste des forces populaires (USFP). C’est la première fois qu’ils s’affichent ensemble en annonçant, le 19 avril, qu’ils « suspendent » leurs activités au sein de la direction. Leurs profils sont plutôt contrastés. Ali Bouabid n’est pas seulement le fils d’Abderrahim Bouabid, disparu en janvier 1992. La quarantaine, il anime la fondation du même nom qui abrite un think-tank de référence. Il a hâte que le royaume soit une démocratie à part entière et le réclame avec fougue et talent. Mohamed Achaari, 58 ans, est un poids lourd de la formation socialiste. Écrivain, syndicaliste, député, il a été ministre de la Culture pendant dix ans. Lors de la crise de l’USFP qui s’est conclue par l’éviction de son leader, Mohamed Elyazghi, en décembre 2007, les regards convergeaient vers lui pour diriger le parti. L’intéressé – affaire de tempérament? – ne se décidait pas à jouer les premiers rôles. Pour se départir aujourd’hui de sa réserve, il a sans doute jugé qu’il y avait péril en la demeure. Larbi Ajjoul, la soixantaine, est parvenu à la même conclusion. Moins connu, il incarne l’esprit militant, fait d’abnégation et de dévouement. Originaire du Sud, ingénieur, il a été ministre des Télécoms. Sur l’initiative du trio, qui est appelée à marquer la vie de la gauche et peut-être au-delà, voici les explications de Mohamed Achaari. ■ H.B. JEUNE AFRIQUE : Avec Ali Bouabid et Larbi Ajjoul, vous avez décidé de suspendre votre participation au BP de l’USFP. Pourquoi? MOHAMED ACHA ARI : On peut résumer nos objectifs en trois points : rendre vie au parti, qui se trouve dans un état de léthargie avancée ; réhabiliter la politique, dont les Marocains se détournent, comme l’a montré le taux d’abstention élevé aux élections; mettre sur pied, avec les autres composantes de la gauche, le grand parti populaire, moderne et crédible dont le pays a besoin. Lors du remaniement ministériel de janvier, l’entrée au gouvernement de
Pourquoi vous trois? Parce que nous nous sommes retrouvés sur les mêmes positions au BP. Nous étions d’accord sur les questions d’organisation – presse ou administration du parti –, comme sur les problèmes nationaux. Qu’en est-il de Fathallah Oualalou? Il est absorbé par ses responsabilités à la mairie de Rabat. Surtout, comme toujours, il reste l’homme du consensus, alors que c’est précisément le consensus qui pose problème. Je vous signale que sur les vingt-trois membres du BP cer-
Driss Lachgar puis le retour au perchoir d’Abdelouahed Radi auront été les deux gouttes d’eau… Le congrès [février et novembre 2009] avait recommandé au parti d’engager une négociation avec ses alliés pour faire aboutir une série de réformes politiques et institutionnelles et de réexaminer, en fonction des résultats de cette négociation, les conditions de notre présence au gouvernement. Depuis, ce chantier prioritaire entre tous a été délaissé. Le remaniement n’a pas été discuté préalablement au BP. Ni sur le principe ni sur les personnes. Radi nous a seulement dit que le projet de réforme de la justice, dont il était officiellement chargé, était achevé et
« Le débat politique a disparu. Tout le monde en paie le prix, surtout la gauche. » tains partagent nos convictions, mais préfèrent continuer à y siéger. Peut-on parler de majorité? Disons une tendance forte. Depuis toujours, l’USFP a connu des dissensions au sein de sa direction. On peut même parler d’une tradition de la bouderie… Rien à voir ! C’est même le contraire de ce que vous appelez bouderie. Dans
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51 C’est dans un souci d’efficacité, explique-t-on, qu’on recherche le consensus sur les réformes. Et l’on va jusqu’à laisser toute l’initiative au Palais… En n’exerçant pas son droit d’initiative, un parti perd sa raison d’être. Et comment parler d’efficacité quand les réformes sont élaborées en dehors du peuple?
« Nous sommes les plus légitimes pour mettre en place un grand parti populaire. » Allez-vous créer un courant? On verra. En bonne logique, ce ne sera pas nécessaire si nos positions sont approuvées par la majorité des militants.
ALEXANDRE DUPEYRON
Faut-il rester au gouvernement? Nous sommes fidèles à l’esprit du congrès : pas de départ intempestif et pas de maintien sans raison.
les précédents que vous évoquez, ceux qui n’étaient pas d’accord se retiraient et rentraient chez eux en essayant d’entraîner dans leur sillage des partisans. Nous, si nous suspendons notre activité au BP, nous continuons à travailler dans les autres instances. Nous nous adressons non pas à un groupe de militants, mais à tous les USFPistes sans distinction. De plus, nous le faisons à travers des écrits. Nous avons rendu public un document explicitant notre position. D’autres textes portant sur les différentes questions seront soumis à débat à l’intérieur et en dehors du parti. La volonté de transparence correspond à une option stratégique et donne toute son originalité à notre démarche. Nous tenons absolument à rompre avec l’esprit du complot qui continue de marquer le comportement de la gauche. Hier, il inspirait d’obscures actions violentes, aujourd’hui on le retrouve dans la politique du consensus. Dans les deux cas, les Marocains sont tenus à l’écart.
En clair, vous dénoncez le consensus qui réunit le roi et les partis historiques, et fonde la vie politique… Détrompez-vous. Ce qui est en cause, ce n’est pas tant le principe du consensus que les méthodes avec lesquelles il est poursuivi. Je m’explique: c’est grâce au consensus élaboré dans les années 1990 entre le Palais et le Mouvement national – Istiqlal, USFP – que le Maroc a connu le gouvernement d’alternance présidé par Abderrahmane Youssoufi et s’est engagé dans la transition démocratique. Le consensus a porté ses fruits et nul ne remet en question cet héritage. En revanche, chacun constate qu’il rend un bien mauvais service à la démocratie dans la mesure où il jette un voile sur la vie politique et l’étouffe. Les différences, les contradictions, les nuances entre ses acteurs sont gommées, occultées, passées sous silence. Du coup, le débat politique a totalement disparu. Et tout le monde en paie le prix, à commencer par la gauche.
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Dans votre document, pas un mot sur la religion. Pourquoi? Parce que nous parlons de politique! Mais si c’est le PJD [Parti de la justice et du développement, islamiste, NDLR] qui vous intéresse, je suis prêt à vous en parler. Ce parti prospère grâce précisément au consensus de façade que nous dénonçons. Aux élections, il ne présente pas des candidats partout et au besoin renonce à la mairie de la capitale. Il fait tout pour devenir un parti comme les autres. La confusion est telle qu’on songe à une alliance entre socialistes et islamistes! Alors que nos valeurs respectives sont aux antipodes et que sur des questions essentielles – femme, liberté, création artistique… – nous ne pouvons que les combattre. N’essayez-vous pas de susciter la création de cette grande formation que le Parti Authenticité et Modernité [PAM] aspire à devenir? Si l’objectif est vraiment de doter le Maroc d’un grand parti, nous sommes mieux placés que quiconque pour le faire. Nous avons déjà fait nos preuves: personne ne peut contester notre indépendance et notre légitimité, attributs essentiels pour réaliser un tel objectif. ■ Propos recueillis par HAMID BARRADA
52 MAGHREB & MOYEN-ORIENT LIBYE
Mootassem, le dindon de la farce
JUAN BARRETO/AFP
Mootassem Billah Kaddafi, le 26 septembre 2009, à Porlamar, au Venezuela.
Propulsé en 2007 à la tête du Conseil de sécurité nationale, le frère cadet de Seif el-Islam est rapidement tombé en disgrâce. Mais son père semble prendre un malin plaisir à entretenir lʼambiguïté sur son véritable statut.
S
yrte, le 27 mars. Mouammar Kaddafi ouvre les travaux du sommet de la Ligue arabe, dont il prend la présidence tournante pour un an. Alors qu’il est à la tribune, l’un de ses fils, Mootassem Billah, s’installe ostensiblement dans le fauteuil réservé au « Guide », au premier rang. Avec ses allures de muscadin du XVIIIe siècle – il s’habille chez les célèbres tailleurs pour hommes de Savile Row, à Londres –, Mootassem prend soin de se tenir bien droit, prêtant davantage attention aux caméras de télévision qu’aux chefs d’État et souverains qui l’entourent. Le fait est sans précédent. Le « roi des rois traditionnels d’Afrique » voulait-il ainsi présenter à ses pairs le quatrième de ses huit enfants comme son dauphin, ou encore comme son dauphin bis, aux côtés de son frère aîné, Seif el-Islam? La question était sur toutes les lèvres dans les coulisses du sommet, sans recevoir de réponse nette, confie un diplomate arabe présent.
Nul n’ignore que sous le règne de Kaddafi père, les apparences sont souvent trompeuses. Et que ce qui pourrait être perçu comme une accession au « dauphinat » peut se révéler n’être qu’un simple rôle de figuration. Et c’est ce qui est en train de filtrer à Tripoli, où l’on apprend que les fonctions de Mootassem, patron du Conseil de sécurité nationale depuis janvier 2007, se trouvent aujourd’hui « gelées » dans l’attente d’une « restructuration », selon l’expression d’une source à Tripoli. De surcroît, ajoute cette dernière, l’unité d’élite qu’il dirige au sein de l’armée fait elle aussi l’objet d’une restructuration qui échappe à son contrôle. Bref, cela ressemble à un limogeage qui ne dit pas son nom. Que s’est-il donc passé pour qu’un tel coup de frein soit donné à une ascension pourtant fulgurante qui avait fait de Mootassem un homme fort avec qui il fallait compter? Celui qu’on appelle toujours le « Docteur » – il a fait des études de médecine
à l’université Al-Fateh, à Tripoli, où il figure dans la promotion de 1997, mais n’a jamais exercé – a choisi de faire carrière dans l’armée. Après l’Académie militaire du Caire (1997-1998), il rentre en Libye, où, comme son frère Saadi avant lui et son cadet Khamis plus tard, il s’est vu automatiquement attribuer le commandement de sa propre unité d’élite. Il la dirige, selon des témoins, comme un chef de bande, colérique, brutal et indiscipliné. À la suite d’une dispute avec son père, et l’alcool aidant, il marche un soir avec ses blindés sur la caserne de Bab el-Azizia, à Tripoli, quartier général et domicile de son père, qui ordonne sa mise en détention. Sur intervention de l’Égypte, il est libéré et s’installe au Caire. En 2002, Hosni Moubarak en personne l’élève au rang de colonel et lui obtient le pardon du père, mettant ainsi fin à son « exil ». Retour à Tripoli donc, où Mootassem retrouve son unité d’élite, qu’il arme de batteries lance-missiles. En janvier 2007, il est propulsé à la tête du Conseil de sécurité nationale, dont l’une des attributions est la lutte antiterroriste, ce qui lui vaut d’être reçu à Washington, en avril 2009, par la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, puis par le conseiller à la Sécurité nationale de Barack Obama. Dans son nouveau rôle, il s’attribue de larges pouvoirs, habituellement dévolus aux autres services techniques de sécurité, ou au ministre de la Défense pour les contrats d’armements, et intervient même dans la politique intérieure et l’économie (pétrole). Il est conseillé et formé par des spécialistes anglo-saxons de la sécurité nationale qui défilent à Tripoli. GAFFE SUR GAFFE
Pendant quatre mois, il commet gaffe sur gaffe, certaines réelles, d’autres présumées et amplifiées. Grand fêtard devant l’Éternel, célibataire, le conseiller à la sécurité nationale de la Libye s’offre, en décembre 2009, un réveillon au Niki Beach, un club sélect des Caraïbes, dont le clou est un concert privé de la star américaine de R’nB, la très sexy Beyoncé Knowles. Des clichés le montrant lors des festivités
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 53 circulent sur internet et choquent les Libyens, d’autant que le Daily Telegraph londonien rapporte dans un premier temps qu’il aurait déboursé pour cela 2 millions de dollars, avant de démentir, précisant que Mootassem était là en tant qu’invité. Ce dernier s’insurge alors contre le fait que YouTube et autres sites de partage d’images soient si facilement accessibles – bien que par des voies détournées – aux Libyens, et, avec l’aide d’experts chinois, finit par obtenir qu’ils soient totalement bloqués. Pour la première fois, il donne des signes d’animosité à l’égard de Seif, à qui il attribue une trop grande tolérance en matière d’accès à internet et dont il cherche à saboter les efforts visant à faire libérer des centaines de repentis parmi les chefs et cadres du mouvement islamiste de la Mouqatila, pour la plupart des anciens d’Afghanistan. Mais Kaddafi père finit par céder aux demandes de Seif, aux yeux de qui ce geste est nécessaire pour assurer une « réconciliation nationale » afin que le pays se consacre à son développement et aux réformes.
À Tripoli, le bruit court même que, excédé par sa semi-disgrâce au sein de l’armée, Mootassem aurait tenté une nouvelle fois de « marcher » sur Bab el-Azizia. L’opposition en exil va jusqu’à prétendre, mais c’est invérifiable, qu’il aurait « giflé » Moussa Koussa, le ministre des Affaires étrangères et ancien chef des services spéciaux, coupable d’avoir rendu compte au « Guide » d’une visite que Mootassem aurait faite dans une antenne de la CIA au Maroc.
turer et à pérenniser ce qu’il estime être l’œuvre du siècle : le pouvoir populaire. Il en a confié la charge à Belgacem Zwai, compagnon de la première heure, qui fut ambassadeur à Londres et représentant de la Libye à l’ONU. Ce dernier a pris en main, en janvier, le Congrès général du peuple (CGP, Parlement),
PIÈCE DE THÉÂTRE
avec pour mission de faire revivre les comités populaires de base, en perte de crédit, et de réduire les pouvoirs exceptionnels que s’étaient attribués les comités révolutionnaires. « C’est cela qui préoccupe Kaddafi aujourd’hui et non sa succession, résume un diplomate maghrébin. Sur le plan de la santé, il se porte mieux et même bien, et donc, au moins à moyen terme, la question de la succession ne se pose pas. » ■
Excédé, il aurait « giflé » Moussa Koussa, ancien chef des services spéciaux.
Comme au théâtre, la pièce qui se joue à Tripoli a son côté scène et son côté coulisses. Côté scène, Kaddafi amuse la galerie avec deux dauphins potentiels, Seif el-Islam (38 ans) et, à un degré moindre, Mootassem (35 ans), qui, en réalité, ne savent pas sur quel pied danser tant leur père souffle le chaud et le froid. Pendant ce temps, et côté coulisses, le « Guide », 68 ans, prend son temps et s’attache à restruc-
ABDELAZIZ BARROUHI
54 MAGHREB & MOYEN-ORIENT
Mention bien
Pour Tony Judt*, insister sur le caractère exclusivement juif de lʼÉtat hébreu est un contresens historique. Et une faute morale.
Pourquoi Israël doit renoncer à son mythe ethnique
Q
U’EST-CE QUE LE « SIONISME » exactement? Sa revendication centrale a toujours été que les Juifs représentent un seul et même peuple ; que leur dispersion et leur souffrance multimillénaires n’ont en rien atténué leurs particularités collectives propres; et que le seul moyen pour eux de vivre librement en tant que Juifs – de la même façon que vivent les Suédois en Suède, peut-on dire – est de résider dans un État juif. Ainsi la religion cessa-t-elle d’être, aux yeux des sionistes, le critère principal de mesure de l’identité juive. À la fin du XIXe siècle, alors qu’un nombre grandissant de jeunes Juifs était légalement ou culturellement émancipés du monde du ghetto ou du shtetl (village juif d’Europe centrale), commença à émerger au sein du sionisme l’idée qu’une minorité influente serait la seule alternative à la persécution et à l’assimilation ou la dilution culturelle. Ainsi, paradoxalement, alors que le séparatisme religieux et la pratique cultuelle commençaient à reculer, leur version séculaire était activement promue. Je peux parfaitement confirmer, de par mon expérience personnelle, que le sentiment antireligieux – souvent d’une virulence que je trouvais gênante – s’était largement répandu dans les cercles de la gauche israélienne dans les années 1960. La religion, me disait-on, était bonne pour les haredim (orthodoxes) et les « fanatiques » du quartier Mea Shearim de Jérusalem. « Nous » sommes modernes, rationnels et « occidentaux », m’expliquaient mes professeurs sionistes. Mais ce qu’ils ne disaient pas c’est que l’Israël qu’ils voulaient que je rejoigne était également enraciné, et ne pourrait qu’être ancré dans une vision ethnique rigide des Juifs et de la judaïté. L’HISTOIRE ÉTAIT LA SUIVANTE. Les Juifs, jusqu’à la
destruction du second temple (au Ier siècle), étaient des fermiers dans ce qui est aujourd’hui l’ensemble IsraëlPalestine. Ils avaient alors été encore une fois contraints à l’exil par les Romains et erraient de par le monde: sans toit, ni racines, et bannis. Enfin, « ils » « rentraient » et laboureraient à nouveau les terres de leurs ancêtres. C’est ce récit que l’historien Shlomo Sand tente de déconstruire dans son livre polémique Comment le peuple juif fut inventé. Les critiques affirment que sa contribution
est, au mieux, redondante. Depuis un siècle, les spécialistes se sont parfaitement familiarisés avec les sources qu’il cite et les arguments qu’il formule. D’un point de vue purement scientifique, je n’ai rien à redire à cela. Étant moi-même largement dépendant d’informations de seconde main sur le premier millénaire de l’histoire juive, je peux confirmer que le professeur Sand, en soulignant les conversions et le mélange ethnique qui caractérisaient les Juifs des premiers temps, ne nous dit rien que nous ne sachions déjà. La question qui se pose est : qui sommes-« nous » ? Il est certain qu’aux États-Unis l’écrasante majorité des Juifs (et peut-être des non-Juifs) ne connaît absolument pas l’histoire relatée par le professeur Sand. Ils n’ont jamais entendu parler de la plupart de ses protagonistes. En revanche, ils se contentent trop facilement de la vieille version caricaturale de l’histoire juive que Sand cherche à discréditer. Si le travail de vulgarisation ne faisait rien d’autre que pousser un tel public à réfléchir et à lire davantage, alors il aura valu la peine. Mais il offre plus que cela. Alors que l’État d’Israël avait d’autres raisons d’exister, et qu’il en a toujours (ce n’est pas par hasard si David Ben Gourion a voulu, planifié et orchestré le procès d’Adolf Eichmann), il est évident que le professeur Sand a dévalorisé la raison classique de la création d’un État juif. En bref, une fois que l’on a admis que le caractère uniquement juif d’Israël repose sur une affinité imaginaire ou choisie, quelle est la marche à suivre? Shlomo Sand est lui-même israélien, et l’idée que son pays n’a pas de raison d’être lui serait odieuse. Et à raison. Les États existent ou ils n’existent pas. L’Égypte ou la Slovaquie ne sont pas justifiées en droit international par la grâce d’une quelconque théorie d’« égyptianité » ou de
L’obsession perverse consistant à vouloir identifier une judéité universelle à un seul petit bout de territoire ne fonctionne pas.
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GINA LEVAY/REDUX-REA
QUAND UN JOURNALISTE OU UNE PERSONNALITÉ FORCE NOTRE ESTIME
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« slovaquité » profonde. Ces États sont reconnus comme acteurs internationaux, avec des droits et un statut, simplement par leur existence et leur capacité à perdurer et se protéger. Ainsi, la survie d’Israël ne repose pas sur la crédibilité de l’histoire qu’il raconte sur ses origines ethniques. Si nous acceptons cela, nous pouvons enfin comprendre que l’insistance du pays à prétendre qu’il a une identité exclusivement juive est un sérieux handicap. En premier lieu, une telle insistance renvoie tous les citoyens et résidents non-Juifs à un statut d’Israéliens de seconde zone. Et cela serait vrai même si la distinction était purement formelle. Or elle ne l’est pas : être un musulman ou un chrétien, ou même un Juif qui ne correspond pas à la définition de plus en plus rigide de la judéité de l’Israël d’aujourd’hui, a un coût. LA CONCLUSION IMPLICITE du livre du professeur Sand est qu’Israël ferait mieux d’apprendre à se penser en tant que… Israël. L’obsession perverse qui consiste à vouloir identifier une judéité universelle à un seul petit morceau de territoire ne fonctionne pas, à bien des égards. C’est réellement le facteur le plus important dans l’échec de la résolution de l’imbroglio israélo-palestinien. Cela dessert Israël, et je dirais aussi que cela dessert les Juifs, qui sont, ailleurs, identifiés à ses actions. Alors que faire ? Shlomo Sand ne nous le dit absolument pas, et, à sa décharge, nous devons reconnaître que le problème est très difficile. Je le soupçonne d’être en faveur de la solution d’un seul État, ne serait-ce que parce que c’est l’aboutissement logique de ses arguments. Je serais moi aussi favorable à cette issue si je n’étais pas convaincu que les deux côtés s’y opposeraient vigoureusement. La solution de deux États pourrait tout de même être le meilleur compromis, même si elle laisse Israël à J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
ses ethno-illusions. Mais, à la lumière des développements de ces deux dernières années, il est difficile d’être optimiste quant aux perspectives d’une telle décision. Ce que j’aurais tendance à faire, alors, serait de concentrer mon attention ailleurs. Si les Juifs d’Amérique du Nord et d’Europe prenaient leurs distances avec Israël (comme beaucoup ont commencé à le faire), l’affirmation qu’Israël est « leur » État semblerait absurde. Avec le temps, même Washington finirait par trouver futile de lier la politique étrangère américaine aux illusions d’un seul petit État du Proche-Orient. Je crois que c’est la meilleure chose qui pourrait arriver à Israël. Il serait contraint de reconnaître ses limites. Et devrait se faire d’autres amis, de préférence parmi ses voisins. Nous pourrions ainsi espérer, avec le temps, voir s’établir une distinction naturelle entre les personnes qui se trouvent être juives mais sont citoyens d’autres États, et les personnes qui sont des citoyens israéliens et se trouvent être juives. Cela se révélerait fort utile. Il existe de nombreux précédents: les diasporas grecque, arménienne, ukrainienne et irlandaise ont toutes joué un rôle malsain en perpétuant l’exclusion ethnique et les préjugés nationalistes dans les pays de leurs ancêtres. Mais la guerre civile en Irlande du Nord s’est en partie achevée parce qu’un président américain a ordonné à la communauté irlandaise des États-Unis d’arrêter d’envoyer des armes et de l’argent à l’IRA provisoire. Si les Juifs américains arrêtaient de lier leur destin à Israël et utilisaient leur soutien financier à de meilleures fins, quelque chose d’équivalent pourrait se produire au Proche-Orient. ■ © Financial Times et Jeune Afrique 2010 Tous droits réservés. * Historien, professeur à l’université de New York et directeur de l’Institut Remarque.
56 MAGHREB & MOYEN-ORIENT UNION DU MAGHREB ARABE
Les patrons haussent le ton « Nous voulons lʼintégration économique, et tout de suite. » Tel était en substance le message délivré par près de mille chefs dʼentreprise lors du forum de lʼUnion maghrébine des employeurs (UME), les 10 et 11 mai, à Tunis.
J
HICHEM
amais les chefs d’entreprise maghrébins ne s’étaient positif » sur les décideurs politiques pour les inciter à changer retrouvés en aussi grand nombre face à des membres leur approche face aux mutations de l’économie mondiale. de leurs gouvernements. Et jamais ils n’avaient aussi Bien que des pays comme la Tunisie, la Libye et l’Algérie fortement haussé le ton pour presser leurs dirigeants aient renforcé leurs relations bilatérales, l’UMA, lancée en politiques d’agir afin que « l’espace économique maghrébin » 1989 à Marrakech, est bloquée, en grande partie à cause du devienne une réalité. Sans différend entre Alger et doute aussi ne s’étaient-ils jaRabat sur le Sahara occimais sentis aussi menacés dans dental. À cela est venue leurs intérêts, crise économis’ajouter, murmurent cerque mondiale aidant. « Plus de tains, la récente tentation vingt ans de retard, ça suffit. isolationniste d’Alger. Nous voulons l’intégration du Invités, les ministres Maghreb, et tout de suite. » Tel algériens et mauritaniens était en substance le message ont choisi de bouder ce délivré par près de mille opépremier face-à-face avec rateurs économiques lors du foles patrons. Mais cette rum de l’Union maghrébine des absence a été compensée employeurs (UME), qui s’est par la remarquable partenu les 10 et 11 mai, à Tunis, ticipation d’une cinquanLe Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi a un an après celui d’Alger, qui taine de chefs d’entrepriexprimé son soutien à l’initiative des patrons. avait réuni moins de monde. se algériens, dont Rédha Une fronde des patrons? On Hamiani, président du serait tenté de le penser si l’UME n’avait été créée, en 2007, Forum des chefs d’entreprise, et Boualem M’Rakach, président avec la bénédiction du secrétaire général de l’Union du Made la Confédération algérienne du patronat. Pour Hamiani, il ghreb arabe (UMA), Habib Ben Yahia, ancien ministre tuniest impératif de créer un espace économique commun codifié sien des Affaires étrangères. Le Premier ministre tunisien, « de manière à offrir à l’investisseur maghrébin les mêmes Mohamed Ghannouchi, est d’ailleurs venu leur exprimer son avantages que ceux accordés à ses pairs nationaux », dans le soutien. « Objectivement, a-t-il déclaré, les pays maghrébins cadre d’un projet d’intérêt commun. « Nous devons avancer sont dans le même bateau. Leur seule planche de salut est vite », a pour sa part déclaré M’Rakach. de conjuguer leurs efforts et leurs atouts en vue de réaliser La balle est maintenant dans le camp des cinq chefs d’État, l’intégration économique… » Cinq ministres des Finances, qui ne se sont pas réunis en sommet depuis 1994. « Dépêde l’Économie et du Commerce, dont deux libyens et deux chons auprès d’eux une délégation de haut niveau du patronat tunisiens, ont abondé dans le même sens. Le cinquième, Samaghrébin », a proposé un homme d’affaires à la clôture du laheddine Mezouar, le grand argentier marocain, a déclaré forum. Chiche! ■ ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis que les hommes d’affaires peuvent avoir un « impact moral
INTERNET
A
En arabe dans le texte
près plusieurs années passées à utiliser l’alphabet latin sur la Toile, les internautes arabes, qui représentent 20 % de la population au MoyenOrient et au Maghreb, vont avoir droit à des noms de domaines se terminant par un mot en lettres arabes, écrit de droite à gauche, comme il se doit. Le 5 mai, l’Internet Corporation for A ssig ned Na mes a nd Numbers
(Icann), l’organisme international chargé d’allouer l’espace des adresses de protocole internet (IP), d’attribuer les identificateurs de protocole et de gérer le système de noms de domaines, a autorisé trois premiers pays à créer des domaines dont la partie terminale du nom sera en langue arabe : l’Égypte ( ), l’Arabie saoudite ( ) et les Émirats arabes unis ( ).
En octobre 2009, vingt et un pays avaient formulé une requête similaire. Grâce à la levée « d’obstacles techniques », l’alphabet arabe est le premier alphabet non latin qui sera utilisé. Le russe sera autorisé très prochainement, suivi, à terme, par d’autres alphabets, contribuant à accroître le nombre d’internautes dans le monde, qui sont aujourd’hui 1,6 milliard. ■ CONSTANCE DESLOIRE
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57 ARABIE SAOUDITE
DENIS/REA
Abdallah défend la mixité
L
« le président des pauvres ». Résultat : « Les habitants ont l’impression que le gouvernement ne s’occupe pas d’eux », estime un diplomate. Autre fait avéré, l’absence de dialogue entre pouvoir et opposition. La loi prévoit que le chef de file de cette dernière – Ahmed Ould Daddah aujourd’hui – soit régulièrement reçu par le président. Ce qui n’a jamais été le cas depuis juillet dernier. « Le pays ne peut s’offrir le luxe d’avoir une classe politique qui ne se parle pas, il y a trop de problèmes à régler », ajoute la même source diplomatique. Est-ce là une raison suffisante pour réclamer le « départ » d’un chef d’État ? « L’opposition a perdu tout espoir de négociation », selon un cadre du RFD. En revanche, elle n’a pas prévu la forme dudit départ. Coup d’État, destitution régulière ? Elle n’apporte aucune réponse précise. Par prudence, peut-être. À moins que la position prise le 7 mai soit une provocation pour ouvrir le dialogue. Selon une source proche, Ould Daddah pourrait l’accepter si « Aziz » faisait le premier pas. Ould Boulkheir campe en revanche sur une position ferme. Les déclarations communes de l’opposition cachent des divisions. Le chef de l’État le sait, qui n’a pas réagi à l’appel du 7 mai. La fragilité inhérente au pouvoir en Mauritanie ne le met cependant pas à l’abri. ■
a bataille fait rage dans le royaume saoudien entre réformateurs et conservateurs. Dernier épisode en date : l’affaire Ghamdi. Dans la semaine du 19 avril, le quotidien Okaz, proche du pouvoir et des milieux d’affaires, publie un entretien avec Ahmed al-Ghamdi, directeur de l’antenne locale de la très redoutée mutawa (« police des mœurs »), à La Mecque, dans laquelle ce dernier dénonce la ségrégation des femmes dans l’espace public. Ghamdi condamne notamment la confusion entretenue par les membres les plus conservateurs du Haut Conseil des oulémas (Hay’at Kibar al-Ulama) et de la police des mœurs autour des notions d’ikhtilat et de khulwa. Selon lui, les hadiths (traditions du Prophète) ne rejettent aucunement la mixité dans l’espace public (ikhtilat) mais plutôt les relations avec des personnes corrompues (selon l’acception moderne du terme khulwa). Ces déclarations déclenchent une levée de boucliers parmi les tenants de l’orthodoxie wahhabite. Le président de la Hay’at, Abdelaziz al-Humayn, se fend, le 25 avril, d’un communiqué dans lequel il annonce le limogeage de Ghamdi. Le même jour, cette annonce est retirée sans explication. Le lendemain, c’est au tour du porte-parole national de la Hay’at, Abdelmohsen al-Qaffari, d’écrire dans Al-Watan, quotidien proche des réformateurs, qu’il ne s’agit que d’une « rumeur » et que Ghamdi est maintenu dans ses fonctions. Beaucoup voient derrière le recul de Humayn la main du roi Abdallah, lequel a confirmé son soutien à Ghamdi. Depuis les années 1990, et plus encore après les attentats du 11 Septembre, Abdallah a pris position en faveur d’un wahhabisme réformé et d’une politique plus libérale à l’égard des femmes (voir J.A. no 2570). ■
MARIANNE MEUNIER
CLAIRE GALLIEN
Depuis l’élection de Mohamed Ould Abdelaziz, en juillet 2009, la situation des plus démunis ne s’est guère améliorée.
MAURITANIE
À couteaux tirés
Pour sortir de la « crise multidimensionnelle » dans laquelle le pays est plongé, lʼopposition ne voit quʼune solution : le départ du chef de lʼÉtat.
L
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opposition mauritanienne fourbit ses armes. Lors d’une réunion, le 7 mai, dans un hôtel de Nouakchott, elle a abouti à une conclusion radicale : le chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, doit partir. Des ténors ont participé à la rencontre, notamment Ahmed Ould Daddah, chef du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et porte-parole institutionnel de l’opposition, ainsi que Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale et chef de l’Alliance populaire progressiste (APP). En avril dernier, ce tribun avait déjà donné le la, appelant à la « chute du régime ». Absence de dialogue et de vision politique, clientélisme, vie chère : pour l’opposition, la Mauritanie est « plongée » dans une « crise multidimensionnelle » depuis l’arrivée au pouvoir d’Ould Abdelaziz. Auteur d’un putsch en août 2008, il a été élu en juillet 2009 lors d’un scrutin dont Ould Daddah et Ould Boulkheir, également candidats, avaient dénoncé les irrégularités. Cette « crise » n’est pas une vue de l’esprit. La population (3 millions d’habitants) souffre de la flambée des prix. En août 2009, un sac de riz de 50 kg coûtait 6 500 ouguiyas (environ 18 euros), contre 11 000 aujourd’hui. Une situation en contradiction avec les promesses d’Ould Abdelaziz, qui s’était présenté pendant la campagne comme
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58 INTERNATIONAL
BELGIQUE LE DERNIER REMPART
La paralysie redoutée de l’exécutif fédéral pour des questions qui, vues de Washington ou de Pékin, prêtent à sourire serait désastreuse pour l’image internationale du pays. L’autre rempart contre la désintégration pourrait être Albert II. Clé de voûte des institutions, le sixième roi des Belges n’a-t-il pas, en 1993, fait le serment de « maintenir l’indépendance et l’intégrité du territoire » ? Frère cadet du défunt roi Baudouin, il ne s’est pour l’instant jamais départi de la neutralité que lui impose la Constitution. Mais, à la différence de ses prédécesseurs, il a pour mission de veiller sur un État fédéral, la Belgique ayant adopté ce système l’année même de son accession au trône.
Wallons et Flamands déterrent une nouvelle fois la hache de guerre. À terme, lʼéclatement du royaume paraît inéluctable. Que peut faire le roi Albert II, garant de lʼintégrité du territoire ?
D
MIKADO POLITIQUE
NICOLAS MARMIÉ
ans le pays natal du peintre René Magritte, la politique, aussi, peut être surréaliste. Année après année, la Belgique s’enfonce dans un véritable cauchemar institutionnel qui, à en croire les plus pessimistes, pourrait déboucher sur l’implosion du Plat Pays. Quand, en 1830, il arracha son indépendance aux Pays-Bas, le royaume s’était choisi une devise qui apparaît aujourd’hui paradoxale : L’union fait la force. En fait, il n’en finit plus de se déchirer. Flamands (néerlandophones) et Wallons (francophones) viennent encore de déterrer la hache de guerre. Au centre de ce énième conflit : la réforme de l’arrondissement judiciaire et électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Incluant la capitale – enclave francophone en terre flamande – et une partie de la Flandre, ce territoire bilingue est au cœur d’une surenchère qui, le 22 avril, a abouti à la démission du gouvernement de coalition dirigé par le chrétien-démocrate Yves Leterme. Pour tenter de sortir de l’impasse et de mettre en place une nouvelle équipe, des élections anticipées auront lieu le 13 juin. Problème: démissionnaire à trois reprises en moins de deux ans, Leterme, qui a quand même mis neuf mois pour constituer son premier gouvernement, n’est sans doute plus l’homme de la situation. Alors que le débat fait rage entre fédéralistes attachés à la survie du royaume,
autonomistes et séparatistes, particulièrement virulents côté flamand, l’hypothèse d’un divorce, jugé inconcevable il y a encore dix ans, fait son chemin. Une « partition de velours » sur le modèle de la séparation à l’amiable entre la Slovaquie et la République tchèque, en 1993, devient plausible. Tandis que les Flamands (près de 60 % de la population), dont la prospérité tire la machine économique belge, semblent chaque jour davantage céder aux sirènes du séparatisme, un nombre grandissant de Wallons expriment leur intérêt pour le « rattachisme » : en cas de disparition de la Belgique, ils sont favorables au rattachement de leur région à la France. Une hypothèse déjà envisagée, en son temps, par Georges Simenon. Mort en 1989, le romancier estimait en effet que son pays était un « État fictif », dont la fragile cohésion ne tenait qu’à l’aventure coloniale en Afrique (Congo, Rwanda, Burundi) et aux deux guerres mondiales. SCIENCE-FICTION
Bien sûr, un tel scénario relève encore de la science-fiction. La Belgique n’en est pas à sa première crise institutionnelle et elle doit faire face à un calendrier international qui devrait contribuer à ressouder les rangs des fédéralistes. Le 1er juillet, elle héritera de la présidence tournante de l’Union européenne, dont elle accueille par ailleurs les principales institutions (Conseil et Commission).
D’un naturel discret, Albert II est connu pour son rejet des extrêmes, ses convictions antiracistes et européennes. À 76 ans, il est confronté à un inextricable jeu de mikado politique et communautaire. Son fils, le prince héritier Philippe, marié à la charismatique Mathilde, francophone conformément à la tradition monarchique mais d’origine flamande, a tenu à élever ses quatre enfants dans une parfaite mixité linguistique. Le souverain lui-même prend soin de commencer tous ses discours en néerlandais. Hélas, prisonnier d’un véritable carcan constitutionnel, il ne dispose, en théorie, que d’une très faible marge de manœuvre. État centralisé à sa naissance et fédéral, on l’a vu, depuis 1993, la Belgique va-t-elle, sous sa royale impulsion, basculer vers le confédéralisme, ultime étape avant la dissolution? « Ce pays a-t-il encore un sens ? » s’interrogeait récemment le quotidien bruxellois Le Soir. La question est légitime. Héritier de la maison Saxe-Cobourg et éminent représentant de celle « vieille Europe » stigmatisée naguère par une administration Bush désireuse d’entraver la construction européenne, Albert II parviendra-t-il à y apporter un début de réponse? À Kinshasa, l’ex-Léopoldville, la capitale de la RD Congo, où il se rendra à la fin du mois de juin, sans doute méditera-t-il sur le destin de ce pays-continent qui fut l’éphémère propriété de la famille royale belge, et qui, après un demi-siècle d’indépendance et en dépit de bien des vicissitudes, est vaille que vaille parvenu à sauvegarder son intégrité territoriale. ■
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Albert II, lors de la cérémonie des vœux, le 26 janvier au palais royal. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
YVES HERMAN/REUTERS
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60 lectures sur internet. Celle, notamment, des textes d’Anwar al-Awlaki, un religieu x amér icain d’or igine yéménite connu pour sa virulente hostilité à la guerre lancée par les États-Unis contre les combattants islamistes, au Yémen et ailleurs. VENGEANCE
ÉTATS-UNIS
Portrait dʼun terroriste en gendre idéal Comment Faisal Shahzad, un Pakistanais dʼorigine, bien intégré en apparence, a-t-il pu concevoir le projet insensé de faire exploser une voiture piégée en plein cœur de Manhattan ?
C
omment expliquer l’incroyable destinée de Faisal Shahzad, ce jeune PakistanaisAméricain qui, le 3 mai, a tenté de faire exploser une voiture piégée à Times Square, en plein cœur de Manhattan ? Titulaire d’un master en administration des affaires, il a travaillé pour diverses entreprises américaines, notamment Elizabeth Arden, la célèbre firme de cosmétiques. Huma Mian, son épouse, est quant à elle née dans le Colorado et possède un diplôme en comptabilité. Bahar ul-Haq, son père, est un officier supérieur de l’armée de l’air pakistanaise, aujourd’hui à la retraite, et Mohammad Asif Mian, son beau-père, est diplômé de l’École des mines du Colorado et auteur de plusieurs livres. Bref, Faisal et Huma font partie de l’élite pakistanaise expatriée. Mem-
bres de la classe moyenne, ils sont citoyens des États-Unis et parents de deux jeunes enfants. En apparence, ils étaient pleinement intégrés au mode de vie américain. En réalité, il n’en était rien, bien sûr – à moins qu’ils n’aient décidé de rompre avec celui-ci au cours des derniers mois. Pourquoi donc ontils décidé de f rapper leur pays d’adoption ? L es ex plicat ions ne manquent pas. Victimes, comme tant d’autres, de la crise économique, ils étaient semble-t-il confrontés à de graves difficultés financières. Leur maison ayant été saisie, ils avaient été contraints de louer un appartement. Est-ce là l’élément déclencheur ? Peutêtre, mais il y en a d’autres. Musulman, Faisal s’était sans doute radicalisé sous l’influence de diverses
Mais l’explication la plus vraisemblable est qu’il était scandalisé par l’offensive déclenchée par l’armée pakistanaise, après d’intenses pressions américaines, contre les groupes radicaux établis dans les zones tribales du Nord-Ouest, à la frontière avec l’Afghanistan. Apparemment, le jeune homme s’est rendu à treize reprises au Pakistan – notamment dans lesdites zones tribales – au cours des sept dernières années. Il a pu y constater de visu le terrible impact des frappes de l’Otan. Les attaques des drones américains contre les repaires supposés des talibans ont particulièrement suscité sa colère – et exacerbé ses sentiments antiaméricains – en raison des dommages infligés aux populations civiles, mais aussi de l’intolérable atteinte à la souveraineté de son pays natal qu’elles constituent à ses yeux. Nombre de Pakistanais ne ménagent pas leurs critiques à leur armée, coupable, selon eux, de s’être laissée embringuer dans ce qu’ils considèrent comme une guerre américaine. Faisal a-t-il estimé que les attaques de drones devaient être vengées ? Son cas est symptomatique d’un phénomène nouveau : l’exportation aux États-Unis des tensions qui affectent l’Asie méridionale. Le Pakistan est au cœur de ces tensions – il l’est d’ailleurs depuis la partition du sous-continent, en 1947. L’Inde et le Pakistan se sont
C’est au Nord-Waziristan qu’il a appris à fabriquer une bombe. Et à haïr l’Amérique. déjà fait la guerre à quatre reprises : 1947-1949, 1965, 1971 et 1999. Mais la cause essentielle de leurs désaccords réside aujourd’hui dans le conflit en cours dans l’Afghanistan voisin. Pour vaincre l’Inde au Cachemire, les services de renseignement militaire pakistanais (l’ISI) nouèrent naguère – et maintinrent au fil des années – des
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liens étroits avec certains groupes djihadistes. Après l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques, dans les années 1980, ces combattants furent mobilisés pour les combattre. Ce qu’ils firent, avant de retourner leurs armes contre les Américains, quand, après le 11 Septembre, ces derniers envahirent à leur tour l’Afghanistan pour renverser les talibans – qui, en réalité, avaient été installés au pouvoir par l’ISI, en 1996. ÉPOUVANTAIL INDIEN
Ce que recherchent les Pakistanais en Afghanistan, c’est une « profondeur stratégique ». Ils ne doutent pas une seconde qu’après le départ des Américains et des forces de l’Otan – qui finira bien par arriver un jour – les groupes djihadistes l’aideront à combattre l’influence grandissante de l’Inde. Les talibans afghans sont pour eux des alliés potentiels, raison pour laquelle, en dépit des objurgations américaines, ils se montrent si réticents à les combattre, même quand ces derniers franchissent la frontière pour trouver refuge dans les fameuses zones tribales. Le réseau
Avant de passer à l’action, Faisal Shahzad se serait rendu à treize reprises au Pakistan.
du chef de guerre Djalalouddine Haqqani opère ainsi indifféremment de part et d’autre d’une frontière d’une parfaite porosité. Au cours de la dernière décennie, les groupes djihadistes, dont nul ne doute qu’ils ont été entraînés et armés par les Pakistanais, ont lancé contre l’Inde de nombreuses attaques. La plus meurtrière a eu lieu à Bombay, en novembre 2008 (plus de 160 morts). L’unique survivant du commando a été condamné à la peine capitale, au début de ce mois, par un tribunal indien.
HO NEW/REUTERS
INTERNATIONAL 61 Sous la pression insistante des ÉtatsUnis et de la communauté internationale, les autorités pakistanaises ont fini, l’an dernier, par déclencher plusieurs offensives contre certains groupes talibans locaux, comme le Tehrik-iTaliban Pakistan (TTP). Précisons que ces derniers, furieux de l’alliance nouée avec l’Amérique, avaient déclenché les hostilités les premiers. En représailles, l’armée pakistanaise a lancé une attaque de grande envergure contre les sanctuaires du T TP dans la vallée de Swat et au Sud-Waziristan, qui a provoqué le déplacement de plusieurs centaines de milliers de civils. Plusieurs chefs du mouvement ont trouvé refuge au Nord-Waziristan, où les autorités hésitent à les poursuivre, nombre de leurs alliés chez les djihadistes ayant leurs bases dans la région. Il est d’ailleurs probable que c’est au Nord-Waziristan que Faisal Shahzad a appris les rudiments de la fabrication d’une bombe. Et la haine de l’Amérique. ■
N°2
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PATRICK SEALE
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INTERVIEW
Pierre Lellouche
SECRÉTAIRE DʼÉTAT FRANÇAIS CHARGÉ DES AFFAIRES EUROPÉENNES
« Il nʼy a pas dʼalternative à lʼUPM. Sauf la guerre »
S
on rêve secret ? Être un jour ministre des Affaires étrangères. Pour l’heure, il n’en dit mot, mais le parcours de l’avocat Pierre Lellouche parle pour lui. Né à Tunis, il y a cinquante-neuf ans, dans une famille de confession juive, le jeune diplômé de Sciences-Po et de Harvard s’est formé auprès d’un grand maître, Raymond Aron. Député UMP de Paris de 1997 à 2009, l’ancien éditorialiste de Newsweek et du Point aime bousculer les idées reçues. Israël, le Polisario, l’affaire Ben Brik, ses relations avec Bernard Kouchner (son ministre de tutelle)… Aucun sujet n’est tabou pour cet agitateur d’idées. ■
JEUNE AFRIQUE : Il y a deux ans, l’Union pour la Méditerranée (UPM) a été lancée en grande pompe par Nicolas Sarkozy. Mais n’est-elle pas déjà morte ? PI E R R E L E L LOUC H E : Je va is vous dire franchement les choses. La maison commune qui unit les deux rives de la Méditerranée a du mal à se construire. Incontestablement, elle est victime de très fortes tensions entre ses copropriétaires. Mais en même temps, je suis convaincu que sa construction est irréversible, qu’elle est inscrite dans l’Histoire. De quoi parle-t-on, en réalité ? De la relation entre l’islam et l’Europe. Or cette relation est ancrée dans quinze siècles de conflits, certes, mais aussi d’échanges et d’intimité culturelle. Cette construction me paraît aussi incontournable que l’ONU. Le 14 avril, à Barcelone, le rejet par Israël de toute référence aux territoires occupés a fait échouer une conférence sur l’eau. Le secrétaire général de l’UPM, le Jordanien Ahmad Massa’deh, a même déclaré que ce fiasco « fait planer un doute sur l’avenir » de l’organisation… L’UPM, il faut y croire ! Le secrétaire général a fait des déclarations que je trouve regrettables. S’il n’y croit plus, il ne faut pas qu’il reste ! J’ai représenté la France à Barcelone. Jusqu’au
bout, au vu des projets très concrets présentés et de l’intérêt de tous, nous avons espéré parvenir à contourner le politique. Mais en ce moment, la tension est très forte entre Israéliens et Palestiniens. À Barcelone, j’avais espéré que l’eau diluerait la tension, mais c’est la tension qui a pollué l’eau ! Cela veut-il dire qu’il n’y aura jamais d’accord sur l’eau entre Israéliens et Palestiniens ? La réponse est non. Après l’échec de cette réunion, ne craignez-vous pas que les chefs d’État arabes boycottent le sommet de Barcelone, le 7 juin ? C’est vrai que le climat pourrait être plus propice. Le président Nicolas Sarkozy a dit clairement les choses à Benyamin Netanyahou [le Premier ministre israélien, NLDR]. Et moimême, en termes beaucoup moins diplomatiques, j’ai dit qu’Israël devait « arrêter le bétonnage » de Jérusalem. Si l’on continue sur ce chemin, on n’aboutira à rien, sinon à une troisième Intifada. Le fond de ma pensée, c’est que les deux peuples sont fatigués de la guerre. Paradoxalement, l’une des solutions dont on ne parle jamais, c’est le changement du mode de scrutin en Israël. Je suis convaincu que le peuple israélien veut la paix. Les sondages le
montrent. Mais tant que vous aurez un système électoral fondé sur la proportionnelle intégrale, vous fabriquerez des gouvernements structurellement incapables de prendre des décisions fortes et courageuses. Arithmétiquement, ces gouvernements demeurent instables, voire otages des groupuscules les plus extrémistes. En France aussi, pendant la guerre d’Algérie, nous avons bien connu cette instabilité et cette faiblesse… Si Netanyahou ne fait pas un geste politique avant le 7 juin, les chefs d’État arabes accepteront-ils de venir à Barcelone pour lui serrer la main ? Je ne sais pas. Mais si on ne peut pas trouver une solution politique pour le mois de juin, et si on arrive à cette solution au mois de septembre ou d’octobre, eh bien, on tiendra le sommet en octobre. Ce qu’il faut, c’est un déblocage de la situation qui rende possible la poignée de main. Pour l’instant, il est clair que le sommet
« Kouchner et moi travaillons en bonne intelligence. Mais lui, c’est lui, et moi, c’est moi. » comme la poursuite de la construction de la maison commune sont les otages d’une situation très tendue. O n s ’a c h e m i n e d o n c v e r s u n report ? Je le répète, je n’en sais rien. Mais je pense que les conditions politiques finiront par être réunies, car il n’y a pas d’alternative, sauf la guerre ! Ce qui provoquerait des milliers de morts et faciliterait la tâche de l’Iran dans ses ambitions nucléaires.
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VINCENT FOURNIER/J.A.
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Dans son bureau du Quai d’Orsay, le 28 avril.
Le Maroc soutient que tout cela coûte cher et que l’Europe ne se montre pas assez généreuse… Je vais être très franc avec vous. L’UE, ce n’est pas uniquement un guichet bancaire. Avec la crise financière, il ne vous a pas échappé qu’il y a de moins en moins d’argent dans l’Union. Je m’efforce de maintenir la règle des deux tiers en faveur des pays de la façade méditerranéenne, contre un tiers en faveur de nos voisins de l’Est. Ce n’est pas sans mal, car pour d’autres États européens la priorité n’est pas le Maroc, mais la Moldavie ou la Transnistrie ! J’ajoute que si les États européens aident le Maghreb à hisser son niveau et à se moderniser, d’autres ne s’y intéressent que pour ses matières premières. En 1987, Hassan II avait demandé l’adhésion du Maroc à l’Europe. Sera-ce un jour possible ? Honnêtement, non. Je ne crois pas que nous soyons dans une telle pers-
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pective. Une grande zone de partenariat, oui ; l’adhésion, non. Depuis trente-cinq ans, aucune solution n’a été trouvée au Sahara occidental. Plusieurs propositions sont sur la table, notamment un référendum d’autodétermination et un plan d’autonomie au sein du royaume marocain. Où va votre préférence ? La solution proposée par les Marocains depuis avril 2007, c’est-à-dire l’autonomie du Sahara occidental, me paraît une bonne base de négociation pour avancer sur un dossier qui bloque l’intégration maghrébine depuis trente-cinq ans. Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut rappeler que l’idée d’autonomie était impensable au Maroc il y a seulement quelques années. Les Marocains ont fait un mouvement très important par rapport à leur position initiale. Le 30 avril, lors du renouvellement du mandat de la Mission des
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Au Maghreb, deux pays, le Maroc et la Tunisie, n’ont pas attendu l’UPM pour se rapprocher de l’Europe. En 2008, le Maroc a obtenu de l’UE un « statut avancé ». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Le statut avancé est au cœur de notre politique de voisinage avec ces pays du Sud qui n’ont pas vocation à être membres de l’Union, mais à s’en rapprocher le plus possible. Et j’ajoute : à leur rythme et « à la carte ». Vue de l’extérieur, l’UE est un « paquet » législatif et réglementaire extrêmement complexe, avec des milliers de normes juridiques, sociales, industrielles, environnementales, etc. Nous disons à nos amis marocains et tunisiens : « Si vous voulez vous rapprocher de l’Europe, adopter les normes européennes dans les domaines, par exemple, de la banque, des assurances ou de l’industrie afin de devenir plus compétitifs. Voici le cadre juridique qui le permettra : le statut avancé. Et nous sommes, bien sûr, disposés à vous aider. »
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ABDELHAK SENNA/AFP
Beaucoup de choses réalisées dans ce pays méritent l’estime. En matière de droits de la femme et de contrôle des naissances, la Tunisie a plusieurs décennies d’avance sur bien d’autres pays arabes. Résumer ce pays à l’affaire du journaliste Taoufik Ben Brik est un peu caricatural. Il y a bien une affaire Ben Brik, et c’est notre droit de ne pas toujours être d’accord, mais de là à dresser un procès en sorcellerie contre la Tunisie, non ! C’est complètement déplacé.
À Rabat, le 19 février, avant une rencontre avec le Premier ministre Abbas El Fassi. ▲ ▲ ▲
Nations unie au Sahara occidental (Minurso) par le Conseil de sécurité, plusieurs États africains et le Front Polisario ont demandé, en vain, qu’une mission de surveillance des droits de l’homme au Sahara soit confiée à la mission onusienne. Et aujourd’hui, le Polisario accuse la France d’être responsable de ce blocage. Que répondez-vous ? Je vous rappelle que c’est une ligne rouge pour le Maroc, et qu’il est impossible de ne pas en tenir compte puisque l’indispensable travail de la Minurso suppose l’accord marocain. Le suivi des droits de l’homme peut d’ailleurs être assuré dans d’autres cadres, comme le Haut-Commissariat pour les droits de l’homme. L’essentiel est de maintenir le processus politique en cours. N’y a-t-il pas de sérieux problèmes de droits de l’homme pour les militants sahraouis au Sahara occidental, comme l’a montré l’affaire Aminatou Haidar ? Laissez-moi vous dire qu’en matière de droits de l’homme le Maroc a beaucoup progressé et reste, de loin, le meilleur élève de la région. Je regrette d’ailleurs qu’il ne mette pas davantage en avant son bilan en ce domaine, dont il n’a pas à rougir. Il peut certes y avoir des cas de mauvais traitements infli-
gés à des militants sahraouis, mais, à ma connaissance, ils ne sont pas nombreux et sont d’ailleurs, trop souvent, instrumentalisés. Dans quelques mois, la Tunisie espère obtenir à son tour le statut avancé. Où en est-on ? Au stade des préliminaires. La Tunisie a déjà déposé u n doc u ment auprès de la Commission européenne, et celui-ci est e n c o u r s d ’e x a m e n . Je me rendrai à Tunis quand les choses seront plus avancées. Nos amis tunisiens savent que nous sommes à leur disposition pour les encourager. Une fois que l’accord-cadre sera signé, il leur appartiendra, comme aujourd’hui au Maroc, de nourrir cet accord.
Pourtant, Bernard Kouchner, votre ministre de tutelle, a suivi le dossier Ben Brik de très près. Il s’est dit « déçu » quand celui-ci a été condamné, et « soulagé » quand il a été libéré… Vous savez, Bernard et moi travaillons en bonne intelligence. Simplement, lui, c’est lui, et moi, c’est moi, ce qui ne nous empêche pas d’être très amis. Il a sa sensibilité et je la respecte. Pour ma part, je viens de vous dire ce que je pense de la Tunisie. Pourquoi le Maroc et la Tunisie se voient-ils accorder un statut avancé, et pas l’Algérie ? Posez la question aux Algériens. Il faut être deux pour danser le tango ! Personne ne forcera l’Algérie à bénéficier d’un statut de cet ordre si elle ne le souhaite pas.
« L’autonomie du Sahara occidental me paraît une bonne base de négociation. »
L’un des volets de ce statut avancé, c’est le dialogue politique. Avec la Tunisie, ne risque-t-il pas de buter sur la question des droits de l’homme ? Les Tunisiens savent qu’ils ont quelques difficultés de présentation de leur image en Europe, et en particulier en France. Je le regrette, d’ailleurs. Je trouve que nombre de procès qui leur sont faits sont très exagérés.
Est-ce en raison des mauvaises relations actuelles entre Alger et Paris ? Vous savez, c’est tellement compliqué la relation franco-algérienne ! Psychologiquement et historiquement. Prenez la relation entre la Pologne et la Russie et vous en aurez une idée. En plus, les jeux de politique intérieure ne sont pas absents du côté algérien, alors qu’il n’y en a plus, désormais, du côté français. Ce que nous souhaitons, c’est décrisper tout cela. Plus il y aura de relations avec l’Algérie, des relations d’égal à égal, mieux on se portera. ■ Propos recueillis par CHRISTOPHE BOISBOUVIER
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Entretien avec le Professeur Dieudonné OYONO, Coordonnateur National du Programme National de Gouvernance du Cameroun. Expliquez nous en quelques lignes qu’est ce la bonne gouvernance au Cameroun et quels en sont les enjeux ? Le Programme National de Gouvernance a pour mission de remédier à la « crise de gouvernabilité » qui a suivi le désengagement de l’État des secteurs économiques et sociaux, suite à la crise économique du milieu des années quatre-vingts. Il se propose de faire de l’État un facilitateur et un régulateur de l’activité économique et sociale, afin d’aménager les conditions d’un partenariat viable entre le secteur public, le secteur privé la société civile. À travers cet outil, le Cameroun se propose de relever les défis de la mondialisation. Comment l’État arrive t-il à conserver une position d’arbitre et en même temps assurer sa fonction de dépositaire légal de l’intérêt général ? Pour lui permettre de jouer ce rôle, le Programme National de Gouvernance a retenu six domaines prioritaires : la mise en place d’une administration publique véritablement au service des usagers ; la consolidation de l’État de droit, à travers notamment la mise en place d’un environnement juridique et judiciaire garantissant la sécurité des
personnes, des biens et des investissements ; la promotion d’une culture de responsabilité dans la gestion économique, financière et sociale et l’obligation de rendre compte ; le renforcement de la transparence dans la gestion des affaires publiques en luttant contre la corruption ; le renforcement des capacités du Parlement ; la mise en place des structures de la décentralisation pour une participation effective et efficiente des populations dans la gestion des affaires publiques. Ces réformes permettent d’aboutir à une meilleure maîtrise des fonctions régaliennes, économiques et sociales de l’État, et aménager ainsi les conditions d’un partenariat viable entre celui-ci et les autres acteurs de la société. Le PNG a été révisé pour la période 2006-2010, estce-que cela implique une nouvelle révision pour les quatre années à venir ? Le Programme National de Gouvernance a été désigné comme le maître d’œuvre national du processus du Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP), lors de la visite que Madame Graçà Machel, Eminente personnalité du MAEP, a effectuée dans notre pays du 4 au 6 juin 2008. Comme vous le savez, le MAEP est un instrument permanent d’autoévaluation, sur la base des standards de bonne gouvernance, convenus avec les pays dans le cadre du NEPAD. Quel bilan pouvez vous tirer aujourd’hui ? Il est aujourd’hui possible d’affirmer que le partenariat entre le secteur public, le secteur privé et la société civile, premier objectif du Programme National de Gouvernance, est une réalité dans notre pays. De même qu’on peut relever que dans le cadre du plan d’action 2006-2010, plus de 80 % des actions ont été réalisées. En revanche, le renforcement des capacités des différents secteurs est une action permanente. Comme l’avait dit le sociologue français Michel Crozier, « on ne change pas une société par décret ».
Message
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PARCOURS
ILS VIENNENT D’AFRIQUE, ILS ONT RÉUSSI AILLEURS
Djemila BENHABIB
Née en Ukraine dʼune mère chypriote et dʼun père algérien, cette jeune essayiste, fonctionnaire du gouvernement fédéral canadien, a fait de la laïcité son combat.
E
lle achève à peine la tournée de promotion de son premier livre, Ma vie à contre-Coran, une femme témoigne sur les islamistes, mais Djemila Benhabib a l’air d’avoir dompté la fatigue de ses voyages entre France, Belgique et Canada. Cheveux courts, visage fin et déterminé, joues rougies par le froid de Montréal, la jeune femme de 37 ans se montre rapidement à l’aise, en habituée des entretiens avec les journalistes. Son livre, vendu à plus de 8000 exemplaires au Québec, est un témoignage documenté et argumenté sur « le véritable agenda politique des islamistes dans les sociétés laïques ». Selon l’auteure, les dérogations à la loi pour motifs religieux nuisent aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques et prennent en otages les communautés musulmanes de ces pays. Elles reflètent l’influence d’un islamisme politique radical. LA BELLE PROVINCE CONNAÎT EN EFFET une controverse médiatique à la suite du rapport de la « Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles », la Commission Bouchard-Taylor, chargée de synthétiser les points de vue des citoyens québécois sur la gestion de la diversité. La laïcité doit-elle être intangible ? Doit-on concéder des accommodements « raisonnables » aux « nouveaux arrivants »? Doit-on, par exemple, permettre le port du voile dans la fonction publique ? Les associations féministes du Québec sont montées au créneau : toute femme est libre de porter ou non un voile. Mais sur ce débat, la réponse de Djemila Benhabib est toute différente : ces concessions « raisonnables » cachent un réel danger… Et non, pour elle, le voile n’est pas acceptable. Au cœur de ce débat houleux, Ma vie à contre-Coran, qui dénonce les atteintes à la laïcité, a été bien reçu par les médias québécois. Les invitations se sont multipliées et Djemila a pu s’exprimer un peu partout, de l’Association du barreau canadien au Salon du livre de Toronto en passant par le Salon du livre de Montréal. « En France, ça a été différent, confie honnêtement la jeune écrivaine. Le livre est bien passé, mais il y avait plus de pressions. » Certains groupes islamistes ont tenté d’empêcher le débat autour du livre et de la problématique, plus générale, de la percée des islamistes dans les sociétés laïques. À Bobigny et à la Courneuve, en banlieue parisienne, les associations de défense des droits des femmes qui l’invitaient ont
reçu des menaces et leurs locaux ont parfois été saccagés. Loin d’être effrayée, la néo-Québécoise a néanmoins tenu à rencontrer celles « qui font du terrain » chaque jour et distribuent des tracts sous tension. « J’essaie d’être là, mais je sens que le climat politique s’est largement détérioré, en France comme au Québec. L’abandon dont sont victimes les populations profite aux extrémistes qui occupent l’espace. Et ces gens ont des agendas politiques clairs. C’est ce que je tente de faire passer comme message. » Djemila Benhabib dit faire clairement la distinction entre l’islam, qu’elle respecte, et l’islamisme qui vise à ériger une version extrême de la religion en système politique. Ainsi, la multiplication des mosquées, en banlieue parisienne et ailleurs, l’inquiète. « Avec quel argent construit-on ces édifices? demande la militante. Les gens de ces quartiers ne vivent pas dans l’opulence, mais paradoxalement, les mosquées se construisent! » Les groupuscules islamistes ciblent, selon elle, les populations musulmanes immigrées en exploitant le sentiment d’injustice qu’elles ressentent et les discriminations qu’elles subissent dans leur société d’accueil, et en leur servant un discours politico-religieux réactionnaire. « La majorité des musulmans n’adhère pas à cet islamisme conservateur. C’est la majorité silencieuse. Mon grand-père était un musulman pieux, mais il avait une pratique ouverte de sa religion. » 28 septembre Si Djemila s’embarque dans un 1973 Naissance débat aussi sensible, c’est parce en Ukraine qu’elle a le sentiment de revivre, aujourd’hui, le cauchemar algérien 1974 Arrivée des années 1990. « Honnêtement, à Oran, en Algérie au Québec, je pensais vivre dans une société laïque. J’imaginais Août 1994 Fuit que ce genre de débat sur les l’Algérie pour la France “accommodements raisonnables” était déjà tranché. Mais voilà que 1997 Arrivée resurgissent dans le paysage ces au Canada requêtes religieuses ! Avec mon expérience, il était de mon devoir 2009 Finaliste de recentrer le débat. Je dois prédu prix littéraire du venir, parce que j’ai pu mesurer la gouverneur général portée meurtrière de ce genre de du Canada pour Ma revendications. » vie à contre-Coran, Née à Kharkov, en Ukraine, chez VLB Éditeur d’une mère chypriote grecque et J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
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d’un père algérien, alors tous deux étudiants, Djemila est très tôt immergée dans un milieu multiculturel. Dès l’âge de 4 ans, elle maîtrise le russe, le grec, l’arabe et le français. En 1974, alors qu’elle séjourne à Chypre, le coup d’État pousse ses parents à partir s’installer à Oran, en Algérie, où Djemila passera près de vingt ans. L’enfance et l’adolescence sont heureuses, au sein d’une famille d’universitaires engagés dans des causes humanistes. La situation s’assombrit, à l’aube des années 1990, quand les islamistes terrorisent son « Algérie de lavande et de mimosa ». Pressions politiques, intimidations contre les intellectuels, terreur, Djemila voit alors les enterrements d’amis se multiplier et l’islamisation radicale de la société algérienne se préciser. Son père n’est pas épargné par les menaces. En août 1994, sa famille condamnée à mort par le Front islamique pour le djihad armé (Fida) quitte le pays et gagne la France. ELLE QUI NE RENONCE JAMAIS à l’idée de défendre le droit des autres s’implique trois ans durant en banlieue parisienne dans des associations de défense des droits de la femme. Alors que ses parents et son frère cadet restent en France, elle demande le statut de réfugiée politique au Canada, en 1997. Il lui est accordé trois mois plus tard. Elle s’installe au Québec et obtient successivement une bourse de l’Institut national de la J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
recherche scientifique en énergie, matériaux et télécommunications, une maîtrise en physique, et une maîtrise en sciences politiques et droit international à l’Université du Québec. Parallèlement, Djemila Benhabib devient journaliste, correspondante pour El-Watan, et réalise une série de reportages au Caire, à Beyrouth et à Damas, mais aussi en Palestine, où elle rencontre Yasser Arafat, assiégé dans son quartier général de Ramallah. En 2000, elle fait la connaissance de son futur mari, Gilles, également journaliste, puis donne naissance à une petite Frida, âgée aujourd’hui de 4 ans. En 2003, elle est embauchée au Parlement canadien et aujourd’hui, elle occupe un poste de fonctionnaire au sein du gouvernement fédéral du Canada. « Le nom germanophone de ma fille, qui signifie liberté, est porteur de cet universel que je défends. » Cette conviction profonde guide chaque jour le combat qu’elle mène, entre autres, au sein du Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité, le lobby qui tente de pousser le gouvernement québécois à adopter une charte claire en faveur de la laïcité. « À une époque où l’on renvoie constamment l’autre à son particularisme, le vivre ensemble se situe au-delà des croyances religieuses, qui ne sont que facteurs de division », dit-elle. ■ ZORA AÏT EL-MACHKOURI, au Canada
Photo : JEAN-FRANÇOIS LEBLANC/AGENCE STOCK PHOTO pour J.A.
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Partisan de l’ancien président Aristide, le 10 mai à Port-au-Prince.
HAÏTI
ESTEBAN FELIX/AP PHOTO
ÉTATS-UNIS
Où sont passés les Wasp ?
B
rillante juriste new-yorkaise, Elena Kagan, 50 ans, a été choisie par Barack Obama, le 11 mai, pour remplacer l’un des neuf juges de la Cour suprême. Difficile de trouver une faille dans le parcours de cette ancienne conseillère de la Maison Blanche, sous Bill Clinton. Pourtant, les conservateurs s’y emploient. Certains tentent ainsi d’invoquer son manque d’expérience en tant que juge, mais l’argument manque de poids: n’a-t-elle pas été doyenne de la faculté de droit à Harvard, puis solicitor general, job consistant à défendre la position du gouvernement devant la Cour suprême ? D’autres, fouillant carrément les poubelles, laissent entendre que cette célibataire sans enfants serait une lesbienne non assumée. Bien entendu, ces pénibles ragots ne devraient pas faire obstacle à sa confirmation par le Sénat. Mais l’essentiel n’est pas là : comme toujours aux États-Unis, il est religieux. Quand Elena Kagan - juive - aura été confirmée, la Cour suprême, qui constitue le sommet du pouvoir judiciaire du pays, ne comptera plus en effet aucun juge de confession protestante. Seulement trois juifs (Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer et Mrs Kagan) et six catholiques (John Roberts, Samuel Alito, Anthony Kennedy, Sonia Sotomayor, Clarence Thomas et Antonin Scalia). Contraints, il y a trois siècles, de fuir la vieille Europe pour préserver leur foi réformée, les pionniers doivent se retourner dans leurs tombes. Pour l’Amérique Wasp (White Anglo-Saxon Protestant), c’est vraiment le début de la fin. ■
Préval face à la rue
À tort ou à raison, lʼopposition soupçonne le chef de lʼÉtat de vouloir sʼaccrocher au pouvoir.
ITALIE
E
de son mandat, en février 2011. « Il utilise la catastrophe pour rester au pouvoir le plus longtemps possible », a commenté l’un d’eux dans la presse locale. « Préval est un dictateur en puissance, comme ses prédécesseurs », assurent certains leaders de l’opposition – ce que contestent des collaborateurs du président et beaucoup de fonctionnaires internationaux. Quelques heures avant la marche, le Sénat avait adopté un amendement très controversé autorisant Préval à rester au pouvoir jusqu’au 14 mai 2011 dans l’hypothèse où l’élection présidentielle ne pourrait être organisée avant le mois de novembre prochain. ■ RÉMI CARAYOL
Un divorce et cinq héritiers
xcédée par les innombrables aventures extraconjugales de son mari, un certain Silvio Berlusconi (qui ne manque jamais une occasion de se vanter publiquement de ses conquêtes), Veronica Lario s’était enfin résolue, il y a tout juste un an, à demander le divorce. Pour prix des humiliations subies, l’ancienne actrice réclamait une vertigineuse pension alimentaire: 3,6 millions d’euros par mois. Mais l’homme le plus riche d’Italie – et, accessoirement, président du Conseil – a de la ressource. Flanqué d’une escouade d’avocats, il a fait valoir devant le juge sa situation de père de famille étranglé par les dépenses et les soucis d’un précédent divorce. Bingo! Le montant de la pension n’excédera pas 300000 euros par mois, plus l’usufruit à vie de Macherio, une somptueuse villa près de Milan où, en 2001, Veronica n’hésitait à poser façon Marie-Antoinette, avec enfants et chevrette, pour les besoins d’une campagne électorale de son mari. Reste l’épineuse question des trois enfants du couple, lésés, selon leur mère, par rapport à leurs deux demi-frères, fruits d’un premier mariage du Cavaliere. Ces derniers occupent en effet des postes de tout premier plan dans l’empire paternel, dont la valeur est estimée à 10 milliards d’euros. Soutenus par leur père, ils n’ont ALEXANDRA BAKCHINE, à Rome aucune intention de partager le gâteau. ■
CHRISTINA LIONNET
CHARLIE ARCHAMBAULT/EPA
L
e président haïtien René Préval fait face à un nouveau défi : la contestation de la rue. Le 10 mai, la première manifestation d’envergure à Port-auPrince depuis le séisme du 12 janvier a dégénéré. À l’appel de 28 organisations politiques, quelque 3 000 manifestants, parmi lesquels des partisans de l’ancien président JeanBertrand Aristide, se sont regroupés aux abords du palais national – ou de ce qu’il en reste – avant que la police ne les disperse en tirant des grenades lacrymogènes. Les manifestants ont exigé le départ du chef de l’État, qu’ils soupçonnent de vouloir rester en place après la fin
Elena Kagan.
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COMMUNIC ATION
Le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, avec le président ivoirien, Laurent Gbagbo, en 2008 à Ouagadougou.
DETTE
LʼAfrique récolte les fruits de lʼaustérité LEURS ARDOISES EFFACÉES, LES ÉTATS SUBSAHARIENS ONT RECONSTITUÉ LEURS MARGES DE MANŒUVRE
BUDGÉTAIRES.
L’INVESTISSEMENT PUBLIC, ESSENTIEL AU RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE, S’EN TROUVE CONFORTÉ. PHILIPPE PERDRIX
C
’
est finalement l’histoire de l’arroseur arrosé. Toujours en première ligne lorsqu’il s’est agi de prescrire une « thérapie de choc » à l’Afrique, durant les années 1980-1990, pour traiter ses graves déséquilibres budgétaires, les pays riches du Nord découvrent à leur
tour les « délices » des plans de rigueur. Les risques de banqueroute ont changé de camp. La dure loi des marchés a trouvé de nouvelles victimes. Sur fond de récession, le plan de sauvetage de l’euro chiffré à 750 milliards d’euros en apporte la cinglante démonstration. Après avoir vécu au-dessus de ses
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moyens, l’Union européenne – dont la dette publique représente 73,6 % du PIB – va devoir apprendre à se serrer la ceinture. De ce point de vue, l’Afrique a une longueur d’avance. Souvenons-nous du consensus néolibéral de Washington des années Thatcher-Reagan, qui a passé à la moulinette les dépenses publiques, les budgets sociaux, les administrations, les protections douanières, les subventions… La pilule a été amère. Mais aujourd’hui, on peut reconnaître qu’elle a soigné le malade. En tout cas, elle lui a permis de repartir d’un bien meilleur pied. « Depuis le début du siècle, la croissance de l’Afrique subsaharienne frise les 5 % par an. Ce n’est pas assez, mais c’est mieux que les années 1990, durant lesquelles le PIB par habitant était en baisse. Outre la hausse du prix des matières premières et le réveil de l’entrepreneuriat, les plans d’ajustement structurel, même brutaux et condamnables, ont joué un rôle. Ils ont permis aux États de retrouver des
AHMED OUOBA/IMAGEFORUM
MARCHÉS
70 ECOFINANCE
PLACES FINANCIÈRES RASSURÉES
« Dans ce nouvel environnement, l’investissement public, si essentiel au rattrapage économique, commence enfin à reprendre sa place dans les politiques nationales, expliquent JeanMichel Severino et Olivier Ray dans leur livre1. En progression constante depuis quelques années, le taux d’investissement a atteint une moyenne de 22 % du PIB en 2008. Un chiffre encore inégalé pour la région – et proche de celui que connaissaient les pays émergents à l’aube de leur décollage. » Dans le détail, les dépenses d’investissement des États subsahariens représentent 9 % du PIB en 2009, contre 7,5 % sur la période 2003-2007. Les dépenses dans
Mali Sénégal Gambie Guinée-Bissau Guinée Sierra Leone Liberia
Niger Tchad
Burkina Faso Côte d'Ivoire Ghana
Nigeria Bénin
Togo
ENCORE SIX PAYS À LA PEINE
SOURCE : FMI
moyens financiers », résume l’ancien Premier ministre français Michel Rocard. « En permettant une baisse des dépenses au titre du service de la dette, les annulations de dette ont favorisé une amélioration des finances publiques et des balances des paiements », ajoute Abdoulaye Bio-Tchané, le président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). De fait, après l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), lancée en 1996, et celle pour l’allègement de la dette multilatérale (IADM), initiée en 2006, l’endettement ne représente plus, aujourd’hui, un handicap au développement. La dette publique des pays d’Afrique subsaharienne est passée de 60 % du PIB en 2003 à 29 % en 2009, selon le Fonds monétaire international (FMI). À la fin de 2009, les annulations consenties représentent en moyenne 40 % du PIB des pays concernés, soit un peu plus de 100 milliards de dollars, dont 75 milliards pour la seule Initiative PPTE. De belles marges de manœuvre.
Risque de surendettement Faible Modéré Élevé Surendetté Non admissible au guichet Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) du FMI
les secteurs de la santé et de l’éducation sont passées de 5,5 % en 2006-2007 à plus de 7 % aujourd’hui. « Les dépenses sociales sont aujourd’hui six fois plus élevées que le service de la dette », précise Abdoulaye Bio-Tchané. Quant aux réserves de change, elles ont bondi, passant d’un peu plus de 50 milliards de dollars en décembre 2004 à près de 150 milliards en décembre 2009. Une progression sans précédent. De quoi insuffler des politiques budgétaires dynamiques, rassurer les places financières et inciter les investisseurs étrangers à miser sur ces « nouvelles frontières africaines » qui englobent un marché, jeune et prometteur, de 1,8 milliard d’habitants en 2050.
LE SÉNÉGAL SE RÉFORME LES FINANCES PUBLIQUES du Sénégal ont été au plus bas en 2009: le déficit budgétaire a atteint 8,1 % du PIB en 2009, contre 4,9 % en 2008. La crise financière a durement touché Dakar, notamment à cause de la flambée des prix des matières premières et des subventions consenties (225 milliards de F CFA – 343 millions d’euros –, dont 54 milliards rien que pour le riz). Une note d’espoir cependant: bénéficiant depuis 2007 de l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe) du FMI, le pays pourrait voir son déficit revenir à 6,9 % en 2010 et, si l’État poursuit ses réformes, à 6,2 % d’ici à deux ans. Mais la crise européenne plonge la croissance dans l’incertitude: de 2 % en moyenne depuis 2007 (contre 8 % auparavant), elle pourrait atteindre 3,5 % si l’économie mondiale reprenait des couleurs. ■ MICHAEL PAURON
Cameroun
République centrafricaine
Congo
République démocratique du Congo
Angola Zambie
Éthiopie Ouganda Kenya
Rwanda Burundi
Tanzanie Malawi Mozambique Madagascar
Zimbabwe
Lesotho
Quitte à se montrer volontiers caricatural, la « tectonique économique » a éloigné l’Afrique de la Grèce dans l’incapacité de se financer sur les marchés ! Sur la seule zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le marché obligataire a permis de collecter environ 2 000 milliards de F CFA (3 milliards d’euros) en 2009. La quote-part des États est de 67 %. Certains pays – comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, mais aussi la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Gabon – vont également à l’international pour lever des fonds. Avec succès. Il en va de même pour les entrées de capitaux privés – principalement portées par les investissements directs étrangers (IDE) –, qui sont passées de 15 milliards de dollars en 2002 à plus de 50 milliards de dollars en 2007. Et la baisse à 40 milliards de dollars en 2009 est moins brutale que dans les autres régions du monde. Résultat, alors que les pays industrialisés ont quasi tous plongé dans la récession l’année dernière, l’Afrique subsaharienne a affiché une croissance de 2,1 %. En 2010, le rebond est encore plus marqué, à 4,7 %, contre une moyenne mondiale de 4,2 %, selon le FMI. « Près des deux tiers des pays qui ont connu un ralentissement ont été en mesure d’accroître leurs dépenses publi-
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ECOFINANCE 71 gumentaire est imparable : les besoins du pays sont chiffrés à 14 milliards de dollars, dont la moitié en ressources propres. Le reste doit provenir de l’aide extérieure. Or, les engagements des partenaires traditionnels s’élèvent à 4 milliards de dollars. Il faut donc trouver des ressources ailleurs. Après avoir effacé les ardoises, les créanciers
Les créanciers du Nord peuvent tirer profit du redressement africain. La seconde inquiétude nous emmène à Pékin. En 2008, Kinshasa – en discussion avec le FMI pour annuler sa dette, estimée à 13,1 milliards de dollars, soit 93 % du PIB – a présenté un accord d’un nouveau genre : les 9 milliards de dollars débloqués par la Chine pour financer des infrastructures et relancer le secteur minier sont gagés sur la fourniture de minerais, le tout accompagné d’une garantie de l’État congolais sur un prêt non concessionnel ! « Les économistes du FMI et les bailleurs traditionnels ont failli s’étouffer », se souvient un fonctionnaire international. Finalement, Pékin et Kinshasa ont réduit la voilure à 6 milliards de dollars et levé la garantie de l’État congolais. En conséquence de quoi le FMI a donné son aval pour relancer l’Initiative PPTE. LA QUESTION DE LA CHINE
« Je crois que les Chinois font leur apprentissage, avance Jean-Michel Severino. Le ministère des Finances est terrorisé par l’empilement de créances sur des pays fragiles. Il y a du débat interministériel. Sur les bons comportements économiques, et notamment la question de la dette, ils bougeront. » « La Chine est à mon avis un bon partenaire et son assistance est la bienvenue, observe Abdoulaye Bio-Tchané. Il convient toutefois de s’assurer de son caractère concessionnel et de la pertinence de l’affectation des ressources obtenues. C’est la responsabilité de chaque pays emprunteur. » Du côté de Kinshasa, l’arJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
du Nord ont tout intérêt à accompagner le redressement africain pour en tirer bénéfice et éviter une nouvelle spirale du surendettement. ■ 1. Le Temps de l’Afrique, Jean-Michel Severino et Olivier Ray, éd. Odile Jacob. 2. Not re mai son br ûle au Sud, Serge Michailof et Alexis Bonnel, Fayard.
S&P passe au crible la dette de dix-huit pays africains.
JESSICA RINALDI/REUTERS
ques pour soutenir l’activité », explique l’organisation dans son dernier rapport régional. Le meilleur des mondes ? Non, répond Serge Michailof, qui vient de publier avec Alexis Bonnel un saisissant livre sur les défis qui attendent les pays du Sud et les errements des politiques d’aide du Nord2. « Les calculs de soutenabilité de la dette reposent sur des hypothèses d’évolution des exportations et des cours des matières premières relativement optimistes. La crise économique remet en cause ces hypothèses. »
BOTSWANA, TUNISIE… LES BONS ÉLÈVES DES AGENCES DE NOTATION TROIS PETITES LETTRES (A, B ET C), magiques pour les uns, dramatiques pour les autres. Trois petites lettres qui traduisent la capacité des États, mais aussi celles des entreprises, à emprunter sur les marchés financiers. Les notes s’étalent de AAA (l’emprunteur a un risque très faible de non-remboursement) à CCC. Très rarement, les agences de notation financière recourent à la lettre D, signe d’une quasi-faillite. Cette notation du risque permet aux investisseurs de mesurer le degré de solvabilité de l’emprunteur, donc de décider de lui prêter ou non de l’argent. Et de lui imposer un taux d’intérêt plus ou moins élevé. La notation est monopolisée par les big three: Standard & Poors (S&P), Moody’s et Fitch. La légitimité et la probité des trois agences de notation sont contestées, jusqu’à en faire des boucs émissaires de la crise actuelle au regard de leur extrême sévérité dans la notation de la Grèce, notamment. Le 27 avril, S&P a dégradé d’un coup de trois échelons la note de la Grèce, passant de BBB+ à BB+, déchaînant un effet dévastateur dans toute la zone euro. La dette grecque de 200 milliards d’euros correspond à 80 % du PIB du pays. « Avec une dette extérieure de 15 % à 25 % du PIB, les pays africains feraient rêver de nombreux pays du Nord », souligne Jean-Marc Gravellini, responsable du département Afrique de l’AFD. Et c’est le cas. La dette de dix-huit pays africains (la demande de notation est faite par les États) est passée au crible de S&P. Le Botswana (A+), l’Afrique du Sud (A), la Tunisie et même la Libye (A– toutes les deux) sont les meilleurs élèves du continent, suivis du Maroc (BBB+). Le Gabon, le Cameroun, le Sénégal, le Burkina Faso et l’Égypte (BBB–) figurent parmi les moins bien notés. « Les agences de notation, si elles sont sérieuses, sont nécessaires pour rassurer les marchés et les investisseurs. D’ailleurs, après l’obtention du point d’achèvement avec le FMI [qui doit aboutir à l’annulation quasi totale de la dette ivoirienne, NDLR], nous envisageons de demander la notation de la Côte d’Ivoire », promet Charles Koffi Diby, le ministre ivoiJEAN-MICHEL MEYER rien de l’Économie et des Finances. ■
72 L A S E M A I N E D ’ E C O F I N A N C E SÉNÉGAL AIRLINES
Une troisième centrale CÔTE DʼIVOIRE
Enfin un pilote dans lʼavion
TÉLÉPHONIE
Tunisie Télécom contre-attaque L’OPÉRATEUR HISTORIQUE Tunisie Télécom, propriété à 65 % du gouvernement et à 35 % de Dubai Holding, rachète Topnet, leader national des fournisseurs
d’accès à internet (12,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, 198 000 abonnés, soit 50 % du marché). Le feu vert lui a été donné le 10 mai par la Commission d’assainissement et de restructuration des entreprises publiques (Carep). Objectif: miser sur la convergence téléphone/ internet pour mieux contrer Orange Tunisie, lancé le 5 mai et détenteur de la première licence 3G/3G+.
D.R.
C’EST UNE AVANCÉE DÉCISIVE vers le démarrage de la nouvelle compagnie aérienne sénégalaise. Le 10 mai, le Conseil d’administration de Sénégal Airlines a nommé le Suisse Edgardo Badiali, 54 ans, au poste de directeur général. Ancien cadre de Swissair, il a une trentaine d’années d’expérience dans le domaine aéronautique, selon le ministère sénégalais du Transport aérien. Il a été choisi parmi neuf autres candidats présélectionnés à la suite Le Suisse Edgardo Badiali a été d’un appel d’offres international. Sa nommé à la tête de la compagnie. nomination est contestée par le syndicat des anciens pilotes de la défunte Air Sénégal International, qui aurait préféré un Sénégalais à ce poste. Lancé officiellement en novembre 2009, Sénégal Airlines a choisi dans la foulée Emirates Airlines comme partenaire technique et commercial, et conclu avec Airbus une lettre d’intention portant sur la commande de six appareils : quatre A320 et deux A330. Selon un de ses porte-parole, la compagnie, dont le capital d’environ 17 milliards de F CFA (26 millions d’euros) est détenu à 64 % par des privés sénégalais, pourrait prendre son envol plus tôt que prévu. Le décollage était jusque-là STÉPHANE BALLONG attendu en septembre 2010 après plusieurs reports. ■
APRÈS AVOIR LOUÉ pour 35 milliards de F CFA (53 millions d’euros) des groupes électrogènes de 70 mégawatts à l’écossais Aggreko pour palier les délestages récurrents qui affectent l’économie ivoirienne, l’État négocie avec le géant américain AES Corporation pour l’implantation d’une troisième centrale thermique de production d’électricité à Abidjan, après celles d’Azito et de la Ciprel. La société publique d’opérations pétrolières Petroci, qui mène les discussions pour le compte de l’État, prévoit un accord dans un bref délai.
GABON
Négociations autour de Belinga LE 11 MAI DERNIER, une commission gouvernementale gabonaise a rencontré le directoire la Compagnie minière de Belinga (Comibel) et des responsables de la China National Machinery and Equipment (Cmec) à Libreville. Les discussions avec l’opérateur minier chinois chargé du projet d’exploitation du gisement de fer ont porté notamment sur la réduction de la surface d’exploitation du gisement, exigée par les ONG gabonaises, pour protéger l’environnement. Outre l’exploitation de la mine, le projet Belinga prévoit un complexe industriel, un barrage, une ligne de chemin de fer et un port, pour 3 milliards d’euros d’investissements.
EN BREF BURUNDI SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Le Fonds international de développement agricole a accordé un don de 39,6 millions de dollars au Burundi pour améliorer l’accès aux engrais et favoriser la sécurité alimentaire.
MAROC PLAN SOLAIRE La centrale d’Ain Beni Mathar (Oriental) a été inaugurée le 13 mai. Alimentée au gaz naturel et à l’énergie solaire, elle fournira 13 % de la demande électrique pour un coût de 418 millions d’euros.
ALGÉRIE HENKEL EN PLEINE FORME Faste année 2009 pour Henkel Algérie, avec un chiffre d’affaires de 113,2 millions d’euros. Pour 2010, la société prévoit une croissance à deux chiffres de ses ventes.
RWANDA AIDE DE L’UE L’Union européenne a octroyé une aide de 73 millions d’euros au Rwanda pour la construction de routes, le développement rural et le financement de la bonne gouvernance.
ÉGYPTE ORASCOM INDEMNISÉ La fin du litige autour de l’opérateur égyptien MobiNil a été entérinée le 10 mai. Aux termes de l’accord, France Télécom versera une compensation de 224 millions d’euros à Orascom Telecom.
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ECOFINANCE 73
Tribune ALAIN FAUJAS
Vive la baisse de lʼeuro !
P
artie de Grèce, la tempête économique et financière qui souffle sur l’Europe depuis plusieurs semaines suscite des commentaires catastrophistes sur la chute de la monnaie européenne, voire sur l’éclatement de la zone euro. Ce scénario semble peu vraisemblable, surtout après la mobilisation des gouvernements de la zone, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, qui ont mis sur la table plus de 750 milliards d’euros pour rassurer les marchés en folie. Reste la baisse indéniable de la monnaie européenne par rapport au dollar. Première remarque : il ne s’agit pas d’un effondrement. En six mois, l’euro est grosso modo revenu de 1,50 à 1,30 dollar, soit une dépréciation de 13 % environ. Au début des années 2000, il végétait en dessous de 0,90 dollar. Pas de quoi crier au désastre, surtout qu’il y a quelques semaines encore les médias européens se lamentaient qu’un euro trop fort rende difficiles, parce que moins compétitives, les exportations d’Airbus, de TGV ou de centrales nucléaires. Nicolas Sarkozy s’en était ému à plusieurs reprises. Deuxième remarque : à travers le franc CFA qui lui est lié par un taux de change fixe, les effets du glissement de l’euro se font sentir en Afrique, mais dans des sens contraires selon que le pays est importateur de produits pétroliers ou non. En effet, les prix des hydrocarbures étant libellés en dollars, tout renchérissement de la devise américaine alourdit la facture des importations de gaz ou de pétrole. DE CE POINT DE VUE, l’Afrique centrale, riche en gisements, est favorisée par les ajustements monétaires en cours. En revanche, les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique de l’Est, plus agricoles, verront leur énergie mais aussi leurs engrais et leurs transports devenir plus coûteux. Cette évolution aurait été dangereuse si les cours des autres matières premières n’étaient repartis à la hausse grâce à l’Asie dont l’étonnante croissance économique exige charbon, métaux non ferreux, produits agricoles en grandes quantités. Ces hausses ont compensé la montée du coût des carburants due au renchérissement du dollar. Troisième remarque : en définitive, tous les pays de la zone franc CFA profitent du recul de l’euro.
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Notamment parce qu’ils ont moins besoin de subventionner certaines filières qui équilibrent mieux leurs comptes grâce au redressement des cours. Le coton en est un bon exemple : les budgets des États producteurs sont moins sollicités, puisque les recettes que ceux-ci tirent des exportations de la fibre sont plus abondantes. « Il s’agit d’un retour à la normale, commente Laurent Demey, directeur général délégué de Proparco, l’institution financière filiale de l’Agence française de développement. La baisse du franc CFA redonne aux exportations de la zone la compétitivité que sa hausse avait dégradée. Beaucoup de secteurs en profitent : le coton, bien sûr, mais aussi le café, le cacao, l’hévéa et même l’huile de palme. » RESTENT DEUX QUESTIONS. Tout d’abord, est-
ce que cette embellie va se poursuivre ? « Il n’y a pas de raison que l’euro et donc le franc CFA remontent par rapport au dollar, répond Laurent Demey. Ils pourraient même baisser encore un petit peu face au billet vert, car la reprise européenne s’annonce plus faible que l’américaine, ce qui lais se pré s ager une hausse des taux ou tr e - Atlantique e t donc une nouvelle hausse du dollar. » Enfin, est-ce que cet avantage de change s u f f ir a à r é gler le s dif ficultés de cer taines filières d’export ation ? « Me s amis africains auraient tort de croire qu’une parité plus convenable franc CFA-dollar supprimera les tribulations de leur coton, répète depuis des années le romancier Erik Orsenna, auteur d’un joli livre sur « l’arbre à laine », Voyage au pays du coton. Pour cela, il faudrait qu’ils améliorent fortement leur productivité et qu’ils maîtrisent mieux la qualité de leur production, sinon les Brésiliens les dévoreront. » La monnaie ne fait pas à elle seule le développement économique. Loin de là. ■
Nombreux sont les secteurs qui en profitent : le coton, bien sûr, mais aussi le café, le cacao, l’hévéa et même l’huile de palme.
74 ECOFINANCE
INTERVIEW
Henri-Claude Oyima ADMINISTRATEUR DIRECTEUR GÉNÉRAL DE BGFI BANK
« Nous voulons être présents dans quinze pays en 2015 » ALORS QUE LE GROUPE GABONAIS VIENT DE COORDONNER UN PRÊT BANCAIRE HISTORIQUE ACCORDÉ À L’ÉTAT, SON PATRON, 53 ANS, NÉGOCIE UN NOUVEAU VIRAGE STRATÉGIQUE, NOTAMMENT À TRAVERS UNE AUGMENTATION DE CAPITAL DE 30 MILLIARDS DE F CFA. OBJECTIF : DEVENIR L’UNE DES DEUX PREMIÈRES BANQUES DE LA ZONE FRANC.
BGFI BANK EN BREF Présent dans la banque de détail, la banque de financement et d’investissement, la banque privée et les services financiers spécialisés, BGFI Bank a réalisé, en 2009, un total de bilan de 1,3 milliard d’euros (+ 4 % sur un an) et un produit net bancaire de 110 millions d’euros (– 17 %).
JEUNE AFRIQUE : Le 5 mai, un consortium d’une quinzaine de banques, dont BGFI est le chef de file, a accordé un prêt de 175 milliards de F CFA (267 millions d’euros) à l’État gabonais. Comment s’est conclue cette grande première ? HENRI-CLAUDE OYIMA : C’est en effet la première fois que des banques locales accordent un prêt bancaire de cette ampleur à l’État. Le sujet était en discussion depuis un mois environ. La décision a été prise lors du conseil des ministres qui s’est tenu en mars dernier à Port-Gentil. Ce jour-là, mandat a été donné à BGFI d’organiser le tour de table. Comment avez-vous convaincu les autres banques ? D’abord, le prêt a pour objet de rembourser partiellement la dette intérieure du pays. Donc les premiers bénéficiaires des fonds seront les entreprises locales, c’est-à-dire des clients de ces banques, qui pourront ainsi redynamiser leurs programmes d’investissement et renforcer leur trésorerie. Enfin, l’État rémunère très bien ce prêt à dix-huit mois, avec un taux de 6 %, alors que les emprunts obligataires d’État sont plutôt à 5 %. Pour BGFI Bank, est-ce une forme de reconnaissance ? En tant que chef de file, vous avez une obligation de convaincre. Vous mettez à l’épreuve votre capacité de mobilisation. C’est une marque de confiance de l’État gabonais dans le secteur bancaire qui n’existait pas il y a quelques années encore. Nous aurions alors eu du mal à monter une opération pareille et jamais l’État ne nous l’aurait demandé. Aujourd’hui, par ce succès, la
confiance s’est installée entre les banques et les autorités. J’espère qu’elles nous permettront de monter des opérations futures plus importantes, plutôt que de les voir confiées à des banques ou des fonds d’autres pays. En parallèle, vous réorganisez le groupe BGFI Bank. Dans quel but ? Nous sommes à la recherche d’une plus grande efficience dans notre fonctionnement, afin de compter parmi les deux premiers groupes de la zone franc à l’horizon 2015 [selon le classement J.A. 2009 des 200 premières banques africaines, BGFI Bank est en quatrième position par le total de bilan, NDLR]. Nous étions une banque monopays et monométier, aujourd’hui nous sommes présents dans cinq pays et dans plusieurs métiers de la banque. Il nous fallait donc une société de tête qui supervise, oriente et conseille le groupe. BGFI Bank SA, jusque-là antenne gabonaise du groupe, devient le holding. Ses actifs et activités bancaires sont transférés à BGFI Bank Gabon, qui en sera une filiale. Comme elle, toutes nos autres banques doivent être des sociétés autonomes capables de se refinancer sur leur marché où elles visent le leadership. L’augmentation de capital lancée le 30 avril vise, elle aussi, à accompagner ce développement. Nous voulons être présents dans quinze pays en 2015. Les nouvelles réglementations imposent d’avoir un capital minimum de 10 milliards de F CFA [15 millions d’euros, NDLR] pour ouvrir une banque. Nous comptons donc sur ces 30 milliards de F CFA et sur notre cash-flow pour atteindre cet objectif. Avec le relèvement du capital social des banques, on s’attend à un mouvement de concentration, notamment en Afrique de l’Ouest. Y voyez-vous des opportunités ? Bien sûr ! Nous sommes des banquiers et des entrepreneurs, et nous allons où nous pouvons maximiser la rentabilité de nos actions. Aujourd’hui, nous sommes dans une stratégie de croissance organique, mais nous n’excluons pas les possibilités de rachat et de partenariat avec une banque ou un groupe bancaire sur des marchés à fort potentiel. Cela nous permettrait d’aller plus vite dans notre projet de développement. Nous restons donc ouverts à toutes les opportunités. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
ECOFINANCE 75 Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où le discours très novateur est là, mais où l’on attend que tout se mette en place. C’est-à-dire le règlement de la dette intérieure, le lancement des projets d’investissements de près de 900 milliards de F CFA [1,4 milliard d’euros, NDLR], tels qu’ils sont prévus dans la loi de finance 2010. Quand toutes ces promesses se transformeront en actes, les choses se débloqueront rapidement.
BGFI
En 2009, des concurrents, et pas des moindres (Ecobank et UBA), ont investi le Gabon, votre principal marché. Votre leadership est-il menacé ? La concurrence ne nous inquiète pas, d’autant moins que nous l’affrontons déjà à l’extérieur du Gabon. C’est tant mieux pour la clientèle gabonaise si des banques de renom, qui ont fait leurs preuves ailleurs, viennent sur notre marché. Outre les banques que vous venez de citer, le groupe Attijariwafa Bank est déjà présent au Gabon via le Crédit agricole, qu’il a racheté. Il occupe la troisième place du marché. C’est important pour nos collaborateurs de savoir que les clients restent chez nous pour la qualité de nos services et pas uniquement pour notre nom. Et nous disposons d’importants moyens pour faire face à cette concurrence. Nous avons un capital de 113 milliards de F CFA [172 millions d’euros, NDLR] et des fonds propres les plus élevés de la zone, à 140 milliards de F CFA [213 millions d’euros, NDLR]. Cela nous procure une très grande capacité d’intervention par rapport aux autres banques. Ceci étant, les statistiques montrent qu’il y a de la place pour tout le monde. Le taux de bancarisation est en dessous de 5 %.
Les reculs en 2009 du produit net bancaire et du résultat net du groupe, respectivement de 17 % et 16 %, n’entravent-ils pas votre stratégie d’expansion ? La banque couvre tous ses frais généraux avec les commissions qu’elle perçoit sur ses activités d’intermédiation classique, c’est-àdire les crédits accordés aux clients. En 2009, ces commissions ont baissé parce que l’activité n’était pas au rendez-vous en raison de la crise internationale, et leur niveau n’a pas suffi à couvrir ces charges. C’est ce qui explique la baisse du produit net bancaire et du résultat net. Heureusement, il y a eu des signes de reprise en début d’année avec le nouveau gouvernement, qui a donné des signaux très forts. Il faut maintenant concrétiser ces annonces. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
BIO EXPRESS
1986 Administrateur directeur général de Paribas Gabon, trois ans après avoir intégré la banque, qui deviendra BGFI Bank en 1996 2005 Élu président de la Confédération patronale gabonaise (CPG) 2008 Préside le Club des dirigeants des banques et établissements de crédit d’Afrique
Le potentiel du marché bancaire dans les pays de la zone franc est-il aussi grand que le disent les acteurs du secteur ? Absolument ! Le potentiel est énorme. Je parlais du taux de bancarisation, celui-ci est de plus de 95 % en Europe ! C’est le métier des banques de la zone de faire en sorte que ce taux soit le plus élevé possible. Par ailleurs, alors que nos gouvernements vont généralement s’endetter auprès de bailleurs de fonds étrangers, nous venons de démontrer qu’il y a une possibilité pour les banques de la zone d’intervenir sur ce créneau, pour financer soit des investissements courants, soit des investissements structurants… Tous les grands pays émergents ont, d’une manière générale, de grandes institutions financières pour accompagner leur développement. Nous ne pouvons pas bâtir le nôtre uniquement avec des institutions étrangères. Nous devons créer des banques fortes pour soutenir nos États dans leurs efforts. ■ Propos recueillis à Libreville par STÉPHANE BALLONG
76 ECOFINANCE AUTOMOBILE
Les distributeurs prêts à reprendre la route DES GROUPES COMME CFAO ET OPTORG ONT SUBI LA CRISE DE PLEIN FOUET. ILS EN ONT PROFITÉ POUR SE RESTRUCTURER SANS RIEN SACRIFIER DE LEURS PROJETS DE DÉVELOPPEMENT. EN ATTENDANT LA REPRISE, ANNONCÉE POUR LA MI-2010...
F
in de la panne ? Sans doute. Mais si le marché africain de l’automobile repart en ce début d’année après avoir subi l’impact de la crise mondiale qui s’est fait sentir à partir du deuxième trimestre 2009, il tourne encore à faible régime depuis le début de 2010. Son véritable redémarrage sur le continent est attendu pour la seconde partie de l’année. « Les marchés d’Afrique subsaharienne restent ralentis, même si quelques signaux favorables laissent envisager une amélioration possible au cours des prochains mois », a déclaré, le 27 avril, Richard Bielle, le président du directoire de CFAO, commentant les résultats du groupe pour le premier trimestre 2010. Des signes réconfortants pour le distributeur français, coté à la Bourse de Paris depuis le 3 décembre 2009, et dont l’automobile est le premier métier. Le secteur a en effet représenté 56 % des 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe l’an passé. À l’instar de CFAO, tous les acteurs de la distribution automobile en Afrique attendent des jours meilleurs après
les ventes de la division automobile progressent par rapport au dernier trimestre 2009 », insiste Richard Bielle. L’OPTIMISME EST DE RIGUEUR
Constat identique auprès d’un autre poids lourd africain, Optorg, filiale de l’ONA, le conglomérat marocain en pleine réorganisation. « Repli de la distribution automobile et des biens d’équipement en Afrique, fortement impactée par la crise, en particulier au Gabon, au Cameroun et en RD Congo », note, de manière télégraphique, le communiqué sur les résultats annuels de l’ONA pour 2009, publié le 30 mars. Outre le royaume chérifien, Optorg est présent en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale à travers ses deux filiales : Tractafric Equipment, qui distribue la marque Caterpillar dans une dizaine de pays africains et réalise 60 % du chiffre d’affaires d’Optorg, et Tractafric Motors, représentant près d’une quinzaine de marques d’automobiles (Mercedes, BMW, Chrysler, Dacia, Dodge, Hyundai, Mazda…) et de véhicules industriels (forestiers, miniers, travaux publics…). Le groupe reste discret sur l’impact de la crise sur ses activités, même si les ventes de véhicules industriels ont sans doute le plus souffert. Mais chez Optorg aussi l’optimisme est de rigueur. « En 2010, nous avons de bons espoirs, notamment celui de retrouver des marges commerciales normales », explique Philippe Oberman, le directeur général de Tractafric Motors, qui a réalisé 175 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009 (+ 9 %). Les distributeurs espèrent d’autant plus rebondir avec la reprise du mar-
Tractafric Motors prévoit de s’implanter dans 13 nouveaux pays subsahariens. l’été et pansent leurs plaies après avoir traversé une période catastrophique. Les ventes de véhicules du groupe français ont ainsi reculé de 11,3 % entre le premier trimestre 2009 (401,1 millions d’euros) et les trois premiers mois de 2010 (355,9 millions d’euros). Pourtant l’espoir renaît. « Tout en restant inférieures à celles du premier trimestre 2009, qui constituait une base élevée,
Les concessionnaires (ici, à Cotonou) ont réduit leurs stocks et augmenté les prix.
ché qu’ils ont profité de la crise pour se restructurer et continuer malgré tout à se développer. En 2009, Optorg mettait « à profit le ralentissement de l’activité de distribution de véhicules en Afrique pour optimiser les processus commerciaux, les besoins en fonds de roulement et la logistique », notait la filiale de l’ONA mi-2009. « Nous nous en sommes bien sortis durant la crise grâce à nos nouvelles implantations en Afrique de l’Ouest, au Cameroun et au Gabon en 2009 », explique aussi Philippe Oberman. D’ici à la fin de 2010, Tractafric Motors, déjà actif en Côte d’Ivoire, aura lancé treize nouvelles implantations au sud du Sahara (Mali, Sénégal, Ghana, Togo…). Et pour se placer sur le terrain des low cost, en vogue sur des marchés déprimés, Tractafric a par ailleurs créé une filiale, Tiger Motors, dédiée aux véhicules chinois (Cherry, JAC et ZX). De son côté, CFAO a réduit ses s t o c k s , p a s s é s d ’u n e v a l e u r d e 775 millions d’euros à la fin de 2008
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ECOFINANCE 77 phone du continent et au Maghreb. Après un quasi-doublement des ventes entre 2006 et 2008 en Algérie, premier marché du groupe, l’activité de CFAO y a marqué un coup d’arrêt (– 1 % en 2009), affectée par une diminution du dinar de 11 % début 2009. Une contraction du marché algérien qui s’est amplifiée au second semestre avec les mesures anti-importations du pays – interdiction des crédits aux particuliers, paiement des importations par lettres de crédit, nouvelles taxes. Un dispositif qui produira encore ses effets pénalisants pour les distributeurs en 2010. « Nous n’avons aucun signe que la politique
APA
Au Maroc, le marché des utilitaires et des camions a reculé de 25 % l’année passée.
à 616 millions fin 2009. Le groupe a aussi lancé des plans d’économie et rationalisé son portefeuille d’activités avec l’arrêt d’une unité d’assemblage de cyclomoteurs au Burkina. De plus, le distributeur a jonglé l’an dernier entre « la forte hausse du yen [+ 17 %, NDLR], principale devise d’achat de la division automobile, et les dévaluations importantes de nombreuses monnaies de vente locales [de 11 % à 25 %, NDLR], notamment en Algérie et en Afrique anglophone comme au Nigeria, au Kenya et au Ghana », expliquait Richard Bielle le 20 mars lors de la présentation des résultats annuels du groupe.
Pris en tenaille, CFAO a augmenté ses prix pour compenser les variations monétaires. Ainsi, son activité automobile a chuté de 19,4 % en 2009, rétrogradant de 1,8 milliard d’euros en 2008 à 1,45 milliard d’euros. Dans le même temps, la baisse a été plus ample encore en volume, avec des ventes en recul de 22 %, passant de 85 630 véhicules commercialisés en 2008 à 66 728 unités l’an passé. MESURES ANTI-IMPORTATIONS
Da n s ce conte x te, le g roupe a mieux résisté en Afrique francophone (CFAO y annonce 47 % de part de marché) que dans la partie anglo-
algérienne vis-à-vis des importations change à court terme », relevait en mars Richard Bielle. Une atonie qui se retrouve au Maroc. Le marché des véhicules utilitaires (pick-up) et des camions a reculé de 25 % en 2009, « en raison de la crise et d’un resserrement des crédits », analyse le président du directoire de CFAO. Une situation difficile qui affecte encore plus les distributeurs de marques asiatiques. Fin avril, le Groupement des importateurs de véhicules pour l’équité tarifaire (Givet), qui représente une vingtaine de marques, est remonté au front pour contester les effets du démantèlement douanier entre l’Europe et le Maroc. Dans ce cadre, les droits d’importation sur les modèles européens seront nuls en 2012, et de 17,5 % pour les véhicules d’autres horizons. « C’est notre existence même qui est en jeu », s’est inquiété Adil Bennani, président du Givet et directeur général de Toyota Maroc. ■ JEAN-MICHEL MEYER
SANS MAITRISE, LA PUISSANCE N’EST RIEN Maîtrisez votre puissance, libérez votre passion.
78 ECOFINANCE SANTÉ
Bataille pour une recette miracle LE BEURRE D’ARACHIDE PRODUIT PAR LE GROUPE FRANÇAIS NUTRISET A PROUVÉ SES VERTUS. SEUL BÉMOL : SON BREVET EST CONTESTÉ PAR DES CONCURRENTS ET PLUSIEURS ONG.
DÉLOCALISATION EN AFRIQUE
À la fin de 2009, deux compagnies américaines à but non lucratif ont déposé plainte aux États-Unis contre Nutriset, demandant l’invalidation du brevet. Quelques semaines plus tard, ajoutant à la colère de ses adversaires, la société française ouvrait sa première unité de production américaine, Edesia, en partenariat avec une compagnie locale, elle aussi à but non lucratif. L’objectif : accéder aux surplus
ALFREDO CALIZ/PANOS-REA
Un business porteur. Le chiffre d’affaires de Nutriset s’est envolé à 57 millions d’euros en 2009, après avoir atteint 27 millions en 2007. De quoi aiguiser les appétits. « Jusqu’en 2006, ça n’intéressait personne de faire du Plumpy’nut, et puis soudain certains y ont vu un énorme marché », explique Rémi Vallet, le porte-parole de Nutriset. Et pour cause. Selon la Banque mondiale, il faudra consacrer 11,8 milliards de dollars par an à la lutte contre la malnutrition dans les années à venir, contre 350 millions de dollars en moyenne entre 2004 et 2007. Des concurrents se sont déjà engouffrés dans les pays À Addis-Abeba, la société Hilina où le groupe français n’a pas produit 300 tonnes par mois de déposé de brevet, comme en la préparation survitaminée Afrique du Sud ou en Inde. et emploie 104 personnes. Des ONG comme MSF plaicéréales et aux subdent pour l’abolition du brevet, à l’instar de cér ventions gouvernemenventio des médicaments. Pour Mike Mellace, de Car, à la différence tales. C la Fondation Mama Cares, en Californie, l’Europe, les États-Unis de l’Europ qui a attaqué Nutriset en justice, il n’y a ne financent pas l’aide alimentaire qui pas de raison de faire breveter une recetn’est pas produite sur son sol. te aussi simple. « N’importe qui aurait Pour justifier son brevet, Nutriset pu le produire. Il suffit de connaître un met en avant son réseau PlumpyField, peu les arachides. Pourtant, Nutriset fait à travers lequel la production est délotout pour empêcher la concurrence », calisée dans les pays consommateurs de Plumpy’nut. Ainsi, dix sites de fabrication fonctionnent hors de France, dont sept en Afrique (Niger, Madagascar, Malawi, R D Congo, Ét h iopie, Mozambique et Tanzanie), soit environ déclarait-il récemment à la BBC. « S’il s’agissait d’une simple recette de cui300 emplois. Seule obligation pour ces sociétés, acheter à Nutriset les mélansine, jamais le produit n’aurait obtenu de brevet, qui nous permet de protéger ges de vitamines, de minéraux, les additifs… Une contrainte qui équivaut, nos investissements et ceux de nos parexplique Adeline Lescanne, directrice tenaires africains », se défend Adeline Lescanne. La justice américaine trangénérale exécutive de Nutriset, à verser de 3 % à 4 % de leur chiffre d’affaires chera dans les prochains mois. ■ FABIENNE POMPEY à l’entreprise et à l’IRD. R.
est un beurre de cacahuète qui sauve des millions d’enfants chaque année. Un beurre mélangé à du sucre et du lait, enrichi en vitamines et minéraux, conditionné en petits sachets individuels, qui ne demande ni cuisson ni adjonction d’eau, consommable tel quel et qui se conserve longtemps, même dans les pires conditions climatiques. Ce produit miracle s’appelle Plumpy’nut. Il est fabriqué en France par la société Nutriset, entreprise eprise familiale qui l’a miss au point avec le concours ours de l’Institut de recherrche pour le développement (IRD). E n l ’e s p a c e d e que lque s a n né e s, Plumpy’nut a révolutionné ionné la lutte contre la malnutrition alnutrition sévère. Avec lui, les enfants fants récupèrent très vite et n’ont pas besoin esoin d’être hospitalisés. Le produit a convaincu nvaincu les acheteurs potentiels, aussi bien l’Unicef que les ONG comme Médecins sans frontières (MSF). Il est même devenu un nom générique pour les « aliments thérapeutiques prêts à l’emploi ». Mais comme de nombreux produits, Plumpy’nut est jalousement protégé par un brevet. Ce qui déclenche l’ire de plusieurs industriels et indispose des ONG.
D.
C
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En quelques années, Plumpy’nut a révolutionné la lutte contre la malnutrition.
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LE DOSSIER TRANSPORT MARITIME DE JEUNE AFRIQUE
NABIL ZORKOT
En 2009, le Port autonome d’Abidjan a enregistré une hausse du trafic de 8,8 %.
ACTIVITÉ PORTUAIRE
Le grand chambardement LES LIGNES COMMERCIALES BOUGENT, LA GÉOGRAPHIE DES ESCALES SE REDESSINE. ÉPARGNÉ PAR LA CRISE, LE MARCHÉ AFRICAIN A LE VENT EN POUPE. OPÉRATEURS À L’AFFÛT, NOUVELLES INFRASTRUCTURES… ÉTAT DES LIEUX DU SECTEUR. FRÉDÉRIC MAURY
D
a ns les por ts a f r icains, 2009 n’aura pas été une année sinistrée. Toujours confronté à des problèmes de lenteur, à des infrastructures parfois désuètes ou à des capacités insuffisantes, le secteur aura même connu plusieurs évolutions favorables. Des grands projets annoncés avant la sévère crise qui a frappé le transport maritime
à la fin de 2008, plusieurs ont ainsi vu le jour. L’opérateur dubaïote DP World a notamment inauguré en début d’année son nouveau terminal djiboutien, à Doraleh, capable d’accueillir des bateaux de très grande capacité et situé à l’entrée du canal de Suez. En fin d’année, le port de Ngqura, à Port Elizabeth (Afrique du Sud), accueillait également son premier porte-conte-
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neurs, après des années de développement sous la conduite de l’opérateur sud-africain Transnet. À eux deux, DP World et Transnet auront investi environ 1,5 milliard d’euros dans ces deux créations portuaires. Certes, de nombreux projets de création ou de modernisation, de Mombasa au Kenya à Enfidha en Tunisie, de Djen-Djen en Algérie à São Tomé, restent à mener à bien. Mais l’inquiétude qui a frappé les observateurs à la suite de l’effondrement de l’industrie maritime mondiale a-t-elle lieu d’être sur le continent ? En réalité, la situation est contrastée selon les régions. L’Afrique occidentale, par exemple, aurait été largement protégée des courants contraires qui ont frappé l’industrie maritime. « De Dakar à Luanda, on s’en est plutôt bien
LA CARTE MARITIME SE REDESSINE
80 DOSSIER sorti, souligne Yann Alix, professeur à l’École de management de Normandie et habitué des ports africains. Les exportations, pour l’essentiel du pétrole, des minerais, du café ou du coton, ont continué à progresser correctement, et les importations, principalement des biens de consommation et des matières premières agricoles, se sont maintenues, car la crise économique internationale a eu relativement peu d’impact en Afrique. » Ainsi, dans le golfe de Guinée, l’activité des ports africains a bien résisté. Le Port autonome d’Abidjan, l’un des piliers de la zone, a enregistré, selon les termes de son directeur général, « une an-
née positive, avec un trafic global de 24 millions de tonnes, en croissance de 8,8 % par rapport à 2008 ». Dans le transport de conteneurs en particulier, activité largement affectée par la crise au niveau mondial, l’Afrique occidentale s’en est en effet plutôt bien sortie, certains ports, comme celui de Douala, affichant même une hausse des volumes en 2009. POIDS CROISSANT DU NIGERIA
En Afrique australe, la situation est un peu différente. Selon Yann Alix, l’Afrique du Sud a connu « une chute des exportations [liée à une diminution des commandes passées par les pays touchés par la crise, NDLR] et, parallèlement, beaucoup moins d’importations en raison de la baisse du pouvoir d’achat local ». Le résultat de Port-Louis, à Maurice, a de son côté reculé au premier trimestre 2009 de 11 % par rapport à la même période de 2008. Idem en Afrique du Nord, où une diminution du trafic s’est fait sentir. Le tout jeune port de Tanger Med, qui tablait initialement sur un trafic de 1,6 million de tonnes, a revu ses objectifs à la baisse de près de 20 %. Dans leur ensemble, l’activité des ports marocains a fléchi de 5,9 %. Outre la morosité du contexte économique mondial, la récolte locale record de céréales explique aussi la baisse des importations.
New York 20e Los Angeles 14e
SOURCES: ISEMAR, UNCTAD - INFOGRAPHIE E. THEROND/JEUNE AFRIQUE
En 2009, le nombre de bateaux transitant par le canal de Suez a chuté de 20 %.
LE CORRIDOR NORD-OUEST
LES PRINCIPALES ROUTES ET ESCALES
São Paulo-Santos 42e
Points de passage maritimes névralgiques Les nouvelles routes en projet ou en essor Grande route conteneurisée est-ouest
Principaux ports du continent Classement mondial (en nombre d'équivalents vingt pieds) L’apparition progressive d’un axe reliant l’Amérique du Sud à l’Asie bénéficie aussi à l’Afrique.
Reste que, difficultés conjoncturelles ou pas, la mutation du secteur maritime africain se poursuivra, estiment les experts. Parmi les évolutions probables, certaines sont évidentes, comme l’importance croissante du Nigeria. D’autres sont plus subtiles, comme le poids grandissant d’un autre grand pôle économique, l’Éthiopie. « Le Nigeria absorbera beaucoup d’investissements d’infrastructures, du fait de son marché intérieur et de son dynamisme économique, souligne Dominique Lafont, directeur général de Bolloré Africa Logistics. Quant à l’Éthiopie, elle ne peut pas avoir qu’un seul corridor d’accès, d’autres se développeront. »
La géopolitique des lignes maritimes devrait par ailleurs continuer son évolution. Déjà, croissance phénoménale des échanges entre l’Afrique et l’Asie oblige, les routes directes entre les deux continents se sont multipliées. Jusqu’à Abidjan, les ports africains sont reliés à l’Asie en passant par l’Afrique du Sud: les deux géants maritimes chinois, Cosco et China Shipping, disposent désormais tous deux de lignes reliant le golfe de Guinée à l’Asie par la pointe australe de l’Afrique. Tout comme le singapourien Pacific International Lines. Et, pour les lignes reliant l’Asie au nord de l’Afrique, de l’Égypte au Sénégal, l’utilisation du canal de Suez est même
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DOSSIER 81
TOP 10 DES COMPAGNIES en nombre d'équivalents vingt pieds (EVP) RANG 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Rotterdam 7e
OPÉRATEUR Maersk Line MSC CMA CGM Groupe Evergreen Hapag-Lloyd Coscon APL CSCL MOL Hanjin
PAYS Danemark Suisse Su France Taiwan Al Allemagne Chine Singapour Si Chine Japon Ja Corée Co du Sud
EVP 1 740 936 1 510 720 864 893 629 615 496 724 491 580 470 901 431 582 387 107 365 605
Shanghai 2e Port-Saïd 37e
Dubaï 8e
Singapour 1er Alger
Casablanca Casablanc Casabl Cas ablanca
Alexandrie
606 000 EVP 793 000 EVP
Port-Saïd 2 941 000 EVP Damiette 1 086 000 EVP
541 000 EVP
Sokhna
136 000 EVP 555 000 EVP
Durban 43e
270 000 EVP SOURCES : UNCTAD, ISEMAR
Dakar Dak
LE CORRIDOR SUD
parfois remise en question. Le nombre de bateaux transitant par le canal s’est effondré de 20 % en 2009, ce qui s’explique en partie par la peur de la piraterie qui sévit au large des côtes somaliennes. Confrontés aux risques d’attaque, nombre de navires évitent désormais la zone et notamment les plus vulnérables, les pétroliers. Plus long, le contournement de l’Afrique par le sud pour relier la Méditerranée n’en est pas forcément beaucoup plus cher, en raison du prix pour emprunter le canal de Suez, des surplus de salaires à verser aux équipages, des assurances dont le taux des polices a été multiplié par deux, mais aussi en raison de la baisse des cours du pétrole et des taux de fret.
460 000 EVP
Djibouti
321 000 EVP 750 000 EVP
648 000 EVP
270 000 EVP
Lagos Abidjan Tema Douala Lomé Cotonou
XX EVP
Principaux ports Trafic en nombre d'équivalent vingt pieds Routes majeures Routes mineures
Luanda
356 000 EVP
615 000 EVP
Mombasa Dar es-Salaam
354 000 EVP 566 000 EVP
Toamasina Maurice 146 000 EVP 335 000 EVP
74 000 EVP 2 626 000 EVP 423 000 EVP 767 000 EVP Le Cap
À long terme, une chose est donc certaine : il est nécessaire de développer les capacités portuaires en Afrique australe, d’autant que le principal port, Durban, est surfréquenté. L’Afrique du Sud (avec notamment les débuts du port de Ngqura) et Maurice entendent ainsi augmenter respectivement d’un tiers et
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Port-Soudan
391 000 EVP
Maputo Durban
de moitié leur capacité en conteneurs dans les années à venir. Les travaux à Maputo (Mozambique), à Walvis Bay (Namibie) et même à Pointe-Noire (Congo) répondent également en partie à cette volonté d’offrir un hub aux navires venant d’Asie. « Aujourd’hui, rares sont les Port Elizabeth
SOURCE : UNCTAD
LE CORRIDOR NORD-EST
82 DOSSIER TRANSPORT MARITIME ports africains à pouvoir accueillir de grands navires, explique un négociant. Du coup, les lignes maritimes sont construites autour d’une succession de ports de taille moyenne. » DAKAR, IDÉALEMENT SITUÉ
L’autre phénomène, beaucoup plus marginal pour l’instant, est l’apparition progressive d’un axe reliant l’Amérique du Sud à l’Afrique. Une tendance qui devrait se renforcer. « C’est ce que j’appelle l’apparition de la logique triangulaire, avec des lignes Europe-Afrique de l’Ouest-Amérique du Sud », souligne Yann Alix. L’implication grandissante du Brésil en Afrique (Jeune Afrique n° 2562), via notamment les secteurs agro-industriels et extractifs, pourrait être l’élément déclencheur de l’augmentation du trafic maritime entre les deux zones. CMA CGM propose ainsi une ligne reliant l’Amérique, la Méditerranée et le Sénégal. La compagnie italienne Grimaldi Lines, opérateur de niches, a quant à elle développé deux lignes directes : l’une entre le Brésil et l’Angola, l’autre reliant plusieurs pays d’Amérique
LA REVANCHE DE BOLLORÉ LA DIVISION AFRICAINE DU GROUPE FRANÇAIS Bolloré Africa Logistics, a annoncé un chiffre d’affaires annuel de 1,8 milliard d’euros, en progression de 7 %. De quoi savourer une petite revanche après s’être fait chiper la concession du port de Dakar en 2007 par DP World, aujourd’hui en difficulté (voir p. 86). En 2009, Bolloré aura lancé les travaux de PointeNoire – 500 millions d’euros sur les trente ans de contrat – et obtenu en août la concession de Cotonou pour vingt-cinq ans. Le groupe est par ailleurs bien placé pour la concession de Monrovia au Liberia et, cerise sur le gâteau, les négociations menées avec le Somaliland pour le port de Berbera vont bon train, avec un objectif clair: proposer un autre port F. M. que celui de Djibouti à l’économie éthiopienne. ■ du Sud au Sénégal. Le port de Dakar, renforcé par le Port du futur, qui doit y être construit d’ici à 2012, a d’ailleurs un rôle certain à jouer dans ce commerce maritime entre l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique, du Nord et du Sud. La ville sénégalaise est en effet idéalement située par rapport aux principales économies du continent que sont les États-Unis et le Brésil, et à l’entrée nord du golfe de Guinée. Mais Dakar se voit confronté à des ambitions concurrentes. Puissante
économiquement, stratégiquement placée, la Guinée équatoriale cache ainsi de moins en moins sa volonté de devenir un hub portuaire, tout d’abord dans la logistique pétrolière. La nouvelle physionomie des lignes maritimes africaines n’est toutefois pas encore clairement déterminée. Car les enjeux auxquels sont confrontés les professionnels du secteur restent présents. Le premier d’entre eux tient au développement des infrastructures adé-
DOSSIER 83 quates. Les investissements en cours à Dakar, à Pointe-Noire, à Tanger, à Abidjan, à Luanda sont des signes positifs. Mais les difficultés économiques ou capitalistiques de certains opérateurs, de DP World à CMA CGM, peuvent inquiéter. Le premier doit encore en effet consentir de lourds efforts financiers en Algérie, et le second avait pris le pari, entre autres, de construire un port en eau profonde à São Tomé d’ici à 2016, pour 316 millions d’euros. Le soutien réaffirmé des principaux financiers de ces projets, les banques de développement comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, laisse toutefois penser que ces travaux auront lieu. De même, le méga-projet de construction du port d’Enfidha, en Tunisie, pour 1,1 milliard d’euros, fait l’objet d’incessants atermoiements. D’autres problèmes seront à résoudre. « Plusieurs grandes multinationales, que ce soit dans le transport maritime, comme Everest, ou dans les ports, comme PSA, ne s’intéressent toujours pas à l’Afrique subsaharienne, explique un expert maritime. Parmi les raisons,
le fait que cette région n’est pas située sur une grande ligne maritime et qu’en somme il n’y a pas réellement de place pour un grand port de transbordement comme à Dubaï ou Hong Kong. L’Afrique subsaharienne n’intéresse pour l’instant que les acteurs capables d’associer logistique terrestre et maritime. » REMPLISSAGE DES BATEAUX
Un enjeu réel car, au sud du Sahara, une grande partie des conteneurs repartent à vide. CMA CGM, l’un des rares acteurs à s’être véritablement imposé sur la zone, l’a vite compris. Il s’est d’abord associé à Bolloré, dont la filiale Bolloré Africa Logistics règne sur le transport terrestre. Puis s’est rapproché du groupe agro-industriel Advens pour reprendre la compagnie cotonnière Dagris, rebaptisée depuis Geocoton. Avec un pacte limpide: CMA CGM apporte sa surface financière à l’opération; en échange, les filiales de Geocoton utilisent les bateaux du groupe maritime français pour ex-
porter leur coton conteneurisé. Dans la même logique d’efficience dans le remplissage des bateaux, un autre géant des conteneurs, MSC, a choisi de s’associer à l’autre leader logistique régional, Necotrans-Getma. Maersk est quant à lui à la fois présent dans les lignes maritimes et à terre, sur les ports du continent, tandis que DP World s’est rapproché de la société exploitant le chemin de fer reliant le Sénégal au Mali. Une stratégie indispensable pour donner un sens aux méga-investissements en cours
La Guinée équatoriale cache de moins en moins sa volonté de devenir un hub portuaire. dans l’Afrique entière. « Le transbordement est un axe de développement pour l’Afrique, mais le mieux est de le coupler avec une logique de desserte d’une grande zone économique intérieure », prévient Dominique Lafont, arguant de la grande volatilité de l’activité. ■
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DOSSIER 85
INTERVIEW
Stéphane Eholié PDG DE LA SOCIÉTÉ IVOIRIENNE DE MANUTENTION ET DE TRANSIT (SIMAT)
« Devenir une firme internationale » PREMIÈRE ENTREPRISE 100 % PARIS, DEPUIS LE 21 DÉCEMBRE 2007, LA SIMAT
AFRICAINE COTÉE À
AFFICHE UNE CROISSANCE À DEUX CHIFFRES.
SON PATRON DÉTAILLE SES 2010, DONT CELLE D’ENTRER À LA BOURSE D’ABIDJAN. JEUNE AFRIQUE: L’année 2009 a vu l’activité portuaire mondiale se dégrader. Comment avez-vous surmonté ce contexte difficile? STÉPHANE EHOLIÉ : Le marché africain a globalement résisté à la crise. Le taux du fret n’a pas chuté et il y a de plus en plus d’armateurs. De fait, notre chiffre d’affaires a continué de progresser: en 2009, il est de 18 millions d’euros, soit une croissance de 63 % [11 millions d’euros en 2008, NDLR], et nous visons 20 millions d’euros en 2010.
FALONNE POUR J.A.
AMBITIONS POUR
Vous avez introduit 20 % du capital sur le marché libre de la Bourse de Paris en 2007. Vous envisagez maintenant de le faire sur la Bourse d’Abidjan. Quel est le bilan de cette première introduction et pourquoi vous tourner désormais vers la place ivoirienne? Notre métier a une forte intensité capitalistique, et notre problème, en tant qu’entreprise africaine, est d’accéder à l’argent. Il faut donc avoir la confiance des banques, car, soyons clairs, ce sont elles qui financent le commerce international. Or la Bourse est un moyen d’augmenter notre visibilité auprès des établissements financiers internationaux. Grâce à l’introduction sur la place parisienne, notre activité a enregistré une hausse de 30 %! Nous cherchons de nouveau à accroître notre capital de 3 à 4 millions d’euros. La Bourse d’Abidjan peut nous le permettre. Notre ambition en 2010 est de transformer le « ivoirienne » de Simat en « internationale ». La prochaine étape ne pourrait-elle pas être le développement dans d’autres pays africains? Nous n’excluons pas la possibilité d’une croissance ex nihilo ou par le rachat d’une entreprise sur le continent. Mais il y a plusieurs entraves. D’abord, créer une ligne maritime sur un autre port africain n’est pas évident: les problèmes de nationalité et les ego prennent souvent le dessus. De plus, les multinationales du Nord sont perçues comme plus sérieuses et plus solides que les entreprises du Sud. Et pour avoir des clients, il faut la confiance des armateurs. La différence avec des groupes comme celui de Bolloré, c’est qu’ils ont une présence historique J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
et une structure financière importante. Ce n’est pas évident de trouver sa place et de recréer la même chose. En outre, la lourdeur administrative pèse sur la fluidité des opérations : le domaine portuaire est un domaine industrialisé, nous devons travailler en flux tendu. Les barrières sont aussi financières et logistiques. Tous les magasins étant acquis, il faut soit en créer, soit en racheter. Enfin, tout cela dépend de la croissance économique du pays et de la volonté politique. Car, lorsque l’on regarde les pays émergents, on constate que c’est la volonté politique qui a permis à des entreprises locales de se développer. Quels sont donc vos principaux projets cette année? Nous avons décidé de renforcer notre présence à San Pedro [dans le sud-ouest du pays, NDLR] avec l’installation d’une agence et l’implantation d’une usine de reconditionnement de café et de cacao d’une capacité de 25000 à 30000 tonnes par an, mais aussi avec l’augmentation de nos surfaces d’entreposage, qui seront accrues de 10000 m2. Notre programme d’investissement se monte à 10 millions d’euros pour 2010. Pour conclure, qu’est-ce qui, selon vous, explique la bonne tenue du secteur en Afrique, au regard du contexte mondial? L’Afrique est une niche pour nombre d’armateurs. Les meilleures marges sont ici. Même si les volumes n’influent pas encore de manière significative sur les comptes d’exploitation des grandes multinationales, le transport maritime ne peut qu’être croissant sur le continent. ■ Propos recueillis par MICHAEL PAURON
86 DOSSIER TRANSPORT MARITIME
PATRICK ROBERT/J.A.
Le port de la capitale est exploité par l’opérateur DP World.
DJIBOUTI
Le cobaye de Dubaï
L’ÉMIRAT A TESTÉ SUR LE PETIT PAYS DE LA CORNE DE L’AFRIQUE SA STRATÉGIE D’OMNIPRÉSENCE PORTUAIRE : GESTION DE ZONE FRANCHE, CONTRÔLE DES DOUANES… L A MÉTHODE POURRAIT ÊTRE APPLIQUÉE AILLEURS SUR LE CONTINENT.
À
première vue, il n’y a pas de lien évident entre les rues basses et poussiéreuses de Djibouti et le paysage vertical et grandiose de Dubaï. Pourtant, un passage en revue rapide des secteurs les plus importants de ce petit État révèle sa lourde dépendance aux investissements de l’émirat dans l’activité portuaire, la logistique et le tourisme. Djibouti est le meilleur exemple de la stratégie développée par la société publique d’investissement Dubai World pour dynamiser le commerce dans nombre de pays en développement et permettre aux entreprises dubaïotes de faire des profits. Ainsi, le concessionnaire portuaire de Dubai World, DP World, a la licence d’exploitation des ports et aéroports de Djibouti ; l’Autorité de la zone franche de Jebel Ali (Jafza) dirige une zone de commerce libre de douane près du port à conteneurs en développement, Doraleh Container Terminal, et s’apprête à en ouvrir une deuxième ; le service douanier de Dubai World contrôle les douanes de Djibouti ; et Nakheel, sa
filière immobilière, a construit un complexe hôtelier de grand luxe, le Djibouti Palace Kempiski. Mohamed Sharaf, directeur exécutif de DP World, explique que l’élément clé du mélange d’investissement à Djibouti est le couplage, opéré par Jafza, des structures du nouveau port avec une zone franche. À l’intérieur de cette dernière – calquée sur celle de Jebel Ali, à Dubaï, qui connaît un grand succès –,
les investisseurs peuvent assembler des marchandises et les préparer pour qu’elles soient distribuées, sans avoir à passer par les douanes djiboutiennes. « Djibouti est un exemple pour les pays africains », explique Mohamed Sharaf, qui va d’ailleurs agrandir sa surface de bureaux dans la zone franche déjà existante. Selon lui, ce concept devrait bien fonctionner dans d’autres pays entravés par des procédures douanières pesantes. De fait, après avoir négocié avec le gouvernement sénégalais l’idée de développer une zone franche près du nouveau port DP World (le « Port du futur », à Dakar), Jafza a finalement obtenu son installation aux abords du futur aéroport international Blaise-Diagne. Il est clair que les filiales de Dubai World qui génèrent le plus de profits veulent ignorer le poids des dettes (22 milliards de dollars) que leurs entreprises mères ont contractées pour mener de vastes investissements coordonnés. La crise passée, les sociétés rentables du groupe vont continuer à mener des investissements conjoints dans les pays en développement. Mais les difficultés viendront peut-être d’ailleurs. Alors que l’encombrement des installations portuaires au milieu des années 2000 a poussé de nombreux États vers des opérateurs internationaux pour construire de nouveaux ports, le recul du commerce et la chute des volumes en 2009 ont rendu plus difficile la levée de fonds pour de nouvelles réalisations. « Très peu de projets sont assez intéressants pour justifier des investissements d’aussi grande échelle que ceux qui ont été engagés à Dakar ou à Djibouti, explique Mohamed Sharaf. Nous allons être encore plus sélectifs », conclut-il. ■ ROBERT WRIGHT
© Financial Times et Jeune Afrique 2010. Tous droits réservés.
BÉNÉFICES MOINDRES EN 2009 LES PROFITS DE DP WORLD, avant impôts, seront inférieurs aux 701 millions de dollars de 2008 (pour un chiffre d’affaires de 3,28 milliards): les volumes groupés de ses infrastructures ont été de 25,6 millions d’équivalents vingt pieds (EVP) contre 27,7 en 2008. La compagnie portuaire pourrait souffrir davantage si les problèmes de Dubai World (80 % du capital) se soldaient par une réduction du volume de conteneurs sur ses terminaux aux Émirats arabes unis, notamment sur Jebel Ali, à Dubaï, qui a le sixième plus grand trafic au monde. « Nous avons perdu des contrats, mais nous en avons gagné d’autres », relativise Mohamed Sharaf. Son ambition d’entrer à la Bourse de Londres, annoncée en début d’année, pourrait se concrétiser bientôt: les actionnaires ont voté un amendement autorisant la firme à être cotée au London Stock Exchange. ■ M.P. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
88 DOSSIER TRANSPORT MARITIME RESSOURCES HUMAINES
Chez Budd, priorité aux Africains
FONDÉ EN 1850 PAR UN A NGLAIS, LE PRESTATAIRE POUR LES ASSURANCES EST IMPLANTÉ DANS 21 PAYS DU CONTINENT. SON CREDO : PRIVILÉGIER LE RECRUTEMENT DE CADRES LOCAUX. cursus juridique, « un bac+5 en général », précise James Budd. Comme Élisabeth Ndiaye, directrice du bureau sénégalais, diplômée d’un DESS de droit maritime qu’elle a décroché en France, tous incarnent ces cadres africains ultraformés et polyglottes.
L
BUDD GROUP
QUESTION DE PRAGMATISME
Des responsables de bureaux du groupe, à Lomé en 2008.
ors du séminaire qui a réuni, en 2008 à Lomé, les responsables des différents bureaux africains du groupe français Budd, les cadres de l’entreprise se sont fait un plaisir de poser pour les photos prises à cette occasion. Sur l’une d’entre elles, aujourd’hui cornée aux coins et aux couleurs délavées à force d’être exposée aux rayons du soleil, l’équipe dirigeante du continent est presque au complet : une quinzaine de personnes qui se pressent, souriantes, devant l’objectif. The Budd Group, c’est aujourd’hui une entreprise familiale aux ramifications mondiales. Dont l’Afrique, où elle compte 21 implantations, de Tunis à Luanda. Dans chacun des ports, le bureau Budd est le correspondant local des mutuelles Protection & Indemnity – dites P&I Clubs – qui couvrent la responsabilité civile des armateurs et affréteurs de navires. C’est en 1991, dans la foulée de son arrivée aux commandes de la société, que James Budd, qui succède à son père, décide de changer de politique en matière de ressources humaines. Exit
les expatriés, à moins qu’ils ne soient africains, comme en Côte d’Ivoire où le bureau est dirigé depuis 2006 par un Camerounais, Jean-Gilles Adoubi. Dans le métier, l’anglais est la langue d’usage. Et la maîtrise du droit l’arme indispensable pour la gestion des contentieux. La plupart des dirigeants des bureaux et responsables des dossiers contentieux manient la langue de Shakespeare et ont suivi un
« Le groupe Budd a eu cette vision d’africaniser les directions de ses filiales », reconnaît pour sa part Suzanne Moume. Responsable du bureau Cameroun depuis dix-neuf ans, elle a pris le relais d’un expatrié français. « Budd a été pionnier en la matière, ajoutet-elle. Mais s’il ne l’avait pas fait, il y aurait été sans doute contraint tôt ou tard. » Question de pragmatisme. Mieux vaut confier les responsabilités à ceux qui sont au fait des réalités locales – par exemple la présence de clandestins sur un navire, un cas de figure de plus en plus fréquent. « On doit travailler main dans la main avec les autorités, dit Suzanne Moume. Mieux vaut donc les connaître et faire évoluer les choses sans préjugés. » Aujourd’hui, Budd compte en Afrique une centaine de salariés natifs, auxquels s’ajoutent, pour chaque mission ponctuelle de déchargement, des intérimaires, entre douze et quinze pointeurs journaliers et un superviseur. ■ FAÏZA GHOZALI
LA SAGA COMMENCE À MARSEILLE IL ÉTAIT UNE FOIS… À LA FIN DU XIXe SIÈCLE, Sir Thomas Budd, officier de la marine britannique, débarquant à Marseille, qui convola avec une demoiselle du cru. En 1850, leur fils, Louis Thomas Budd, fonde la société du même nom, spécialisée dans l’activité d’agent maritime sur le fameux port. Fort de ses relations d’affaires nouées au gré de ses pérégrinations portuaires, Louis Thomas Budd fut nommé dans la foulée « courtier royal interprète et conducteur de navires ». L’ouverture du canal de Suez, dix ans plus tard, marqua l’essor de la maison Budd, qui « devint le principal agent maritime de Marseille », raconte l’arrière-arrière-arrière-petit-fils, James Budd, aujourd’hui PDG du groupe. Les affaires continuent de prospérer un siècle durant, puis périclitent vers 1960. La famille Budd s’oriente alors vers l’industrie (salins, bauxite, produits chimiques) avant de revenir à ses premières amours. Et de prendre son élan africain. ■ F.GH. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
90 LIRE, ÉCOUTER, VOIR
AD VAN DENDEREN/AGENCE VU
AD VAN DENDEREN/AGENCE VU
Livres
COURSE CONTRE LA U Thriller haletant, le dernier Deon Meyer est aussi un roman social qui décrit les relations entre les policiers des différentes communautés sud-africaines. Interview.
Propos recueillis par NICOLAS MICHEL
ne jeune et belle Améric a i ne égorgée da n s u n faubourg du Cap. Un producteur de musique abattu par balles. Une femme poursuivie à travers la ville par de jeunes tueurs que rien ne semble pouvoir arrêter. Un policier alcoolique qui vient de cesser
de boire et doit former des collègues moins expérimentés promus grâce à la discrimination positive. 13 Heures, le nouveau polar du Sud-Africain Deon Meyer, mérite d’être qualifié de thriller haletant. L’action ne dure peut-être qu’une demi-journée, mais la cavale d’un personnage coursé par la mort et
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LIRE, ÉCOUTER, VOIR 91 JEUNE AFRIQUE : Comment réagissez-vous aux manifestations qui ont suivi l’assassinat de l’extrémiste Eugène Terreblanche en avril? DEON MEYER: Où cela s’est-il passé? À Ventersdorp, dans la petite ville où a eu lieu le meurtre. Il y avait à peu près 200 Noirs et 200 Blancs. C’était un tout petit événement, très localisé, entre les communautés de cette province. Ce n’est pas un sujet d’inquiétude.
Funérailles en Afrique du Sud.
MORT les efforts d’une armada de policiers pour le localiser laissent à bout de souffle. En outre, 13 Heures est aussi un roman social qui dissèque avec précision les relations entre les policiers des différentes communautés de la nation Arc-en-Ciel quelques années après l’institution de la discrimination positive. Rencontre avec l’auteur, de passage à Paris. ■
Votre nouveau roman, 13 Heures, porte sur la réconciliation entre les différentes communautés sud-africaines… Je ne le vois pas ainsi. Je n’écris jamais sur un sujet particulier. J’essaie de raconter une histoire distrayante. Si un auteur veut asséner de grandes phrases avec ses livres, alors il ferait mieux de devenir prêtre. Si vous pensez que le livre porte sur la réconciliation, cela me rend très heureux, mais je ne l’ai pas rédigé dans cette intention. Cela dit, aujourd’hui, au sein des services publics et en particulier dans la police, nombre de personnes qui viennent de cultures, d’ethnies, de milieux différents doivent travailler ensemble. Ils n’ont pas le choix. C’est l’arrière-plan de mon intrigue. J’ai placé mes personnages dans ce décor. Certaines choses leur sont arrivées durant le processus d’écriture, mais ce n’était pas forcément mon intention… Personne ne connaît l’influence du subconscient sur l’écriture. J’essaie juste de donner aux protagonistes une certaine authenticité. C’est ce qu’il y a de génial dans l’écriture : vous devez voir le monde à travers les yeux de chacun d’entre eux. Et en ce qui me concerne, cela me permet de mieux comprendre la société sud-africaine.
Cela fait un an que Jacob Zuma est au pouvoir. Que pensez-vous de sa gestion politique? Vous avez deux ou trois heures pour en parler? La situation politique sud-africaine est très compliquée. Seize années se sont écoulées depuis 1994, onze après Mandela. Nous sommes passés de l’apartheid à la démocratie, nous avons mis en place un processus de discrimination positive, le gouvernement est désormais représentatif, mais nous rencontrons des problèmes nouveaux – lesquels peuvent ressembler à ceux rencontrés par le gouvernement afrikaner en 1948. Même au sein de l’ANC, il existe de nouvelles dynamiques. L’alliance entre l’ANC, le Parti communiste et la Cosatu [principale centrale syndicale du pays] commence à montrer des signes de faiblesse, ce qui est normal dans une démocratie. Mais surtout, une part très importante La question de la discrimination de notre population n’a constaté aucune positive est tout de même au cœur amélioration de son niveau de vie. Il faude votre roman. Partagez-vous l’opidra cinquante ou soixante ans pour que nion de certains personnages, qui en cela s’améliore, et les gens veulent de souffrent? l’action tout de suite. Ce n’est pas ma position. La discrimiEn ce qui concerne Zuma, je pense nation positive est essentielle si nous qu’il fait du bon travail. Il n’est pas parvoulons lutter contre les inégalités. Les fait, mais Nicolas Sarkozy ne l’est pas policiers coloured et les Blancs ont eu non plus. Zuma se soucie réellement du du mal à l’accepter, mais pays. Après la crise finanils ont fini par reconnaîcière mondiale, l’Afrique tre que c’était une bonne du Sud a perdu beaucoup chose. Le livre que je d’investissements étransuis en train d’écrire m’a gers qui auraient pu améconduit à faire beaucoup liorer la situation. Le goude recherches sur ce qui vernement a bien conduit s’est passé dans la police notre économie, et nous depuis 1994. La discrisommes peut-être l’un mination positive a sans des pays les moins affecdoute été trop rapide et tés par la crise. Les deux trop intense. Elle aurait à cinq prochaines années dû s’étaler sur une périoseront cruciales pour la de plus longue et être réussite de l’Afrique du plus souple, parce que Sud. Les médias en ont l’expérience de certains fait beaucoup à propos 13 Heures, de Deon Meyer, a été perdue. La discrimide la vie privée de Zuma. Seuil, 466 pages, 25 euros. nation positive, c’est une Je ne pense pas que cela Attention: ne pas lire la 4e de couverture, qui en dit trop! de ces choses que vous importe.
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92 LIRE, ÉCOUTER, VOIR
Vous évoquez un nouveau livre, de quoi s’agit-il? Le titre en afrikaans [sa langue d’écriture, NDLR] est Spoor, qui signifie « empreinte » et porte sur les liens entre le crime organisé et le terrorisme. Comment travaillez-vous? Je ne planifie pas mes livres de façon précise. J’ai d’abord une idée très large de ce qui va se passer. Puis je fais des recherches pendant deux ou trois mois avant de commencer à écrire, mais les recherches ne s’achèvent qu’avec la fin du livre. Parfois, en écrivant, vous découvrez de nouvelles possibilités et vous devez en savoir plus pour être sûr que cela fonctionne. Vous écrivez des livres sans concessions. Comment réagissent vos lecteurs? Personne ne m’a jamais attaqué. Les réactions que je reçois des lecteurs, en Afrique du Sud, noirs, blancs, afrikaans, zoulous, sont toujours les mêmes : « J’aime le livre, j’aime les personnages », et c’est tout. En Afrique du Sud, mes livres sont considérés comme des polars qu’on lit pour son plaisir et non pour les références politiques ou sociales.
Le romancier sud-africain Deon Meyer, lors de sa visite à Paris, début avril.
Pourquoi avoir choisi le genre du roman policier? Depuis l’adolescence, j’aime lire des polars. Ils composent 60 à 70 % de ce que je lis. Quand j’ai commencé à écrire, j’ai réfléchi en termes d’histoires et j’ai réalisé que celles que je voulais raconter appartenaient à ce genre, et j’étais à l’aise car j’en maîtrisais les arcanes. L’idée, c’était de m’asseoir pour écrire une histoire pleine de suspense que j’aurais plaisir à lire. On essaie toujours d’écrire l’histoire qu’en tant que lecteur on aimerait lire. Vous êtes marié, père de famille, auteur à succès, comment expliquezvous que vos personnages soient souvent des gens brisés?
L’AFRIQUE DU SUD À L’HONNEUR EFFET COUPE DU MONDE OBLIGE, la nation Arcen-Ciel est l’invitée d’honneur de nombreuses manifestations culturelles en France. En juin, Rio Loco accueille à Toulouse près de 300 artistes sudafricains pour un mois d’expositions, de spectacles et de cinéma, avec pour point d’orgue du 17 au 21 une série de concerts hauts en couleur. D’ici là, le parc de La Villette, à Paris, offre une programmation spéciale jusqu’au 30 mai. Les danseurs de la compagnie Via Katlehong ont ouvert le bal le 11 mai avec Umqombothi Kabar. La chorégra- Grand jeu-concours phe blanche Robyn Orlin reprend sa célèbre pièce sur jeuneafrique.com: gagnez des places Daddy, I’ve Seen This Piece 6 Times Before and I pour les concerts Still Don’t Know Why They’re Hurting Each Other, de Johnny Clegg, qui tourne en dérision le ballet classique. Pour la de Hugh Masekela première fois en France, le metteur en scène Mpu- et pour l’hommage à Nelson Mandela. melelo Paul Grootboom présentera sa pièce Foreplay, consacrée aux relations humaines (souvent sexuelles) et leur lien avec le pouvoir sud-africain. Enfin trois grands concerts sont prévus avec Johnny Clegg, le 22 mai, Hugh Masekela, le 29, et un hommage rendu à Nelson Mandela, le 30, organisé par le Malien Cheick Tidiane Seck avec Amadou et Mariam, Archie Shepp, Manu Dibango… ■
Tout le monde est blessé par la vie. Je le suis. J’ai souffert. J’extrapole à partir d’événements qui me sont arrivés ou qui sont arrivés à des proches. Je pose des questions, j’écoute des histoires et j’utilise mon imagination pour créer des personnages à partir de ce matériau. Pour moi, il serait difficile d’écrire sur un héros exclusivement bon parce que je ne crois pas que ce type de personnage existe… Ou peut-être en nombre très réduit! Et puis bien raconter, c’est se concentrer sur la notion de conflits. Les conflits entre bons et méchants, bien sûr, mais aussi les conflits intérieurs. Une histoire devient vraiment intéressante quand le conflit intérieur est plus important que le conflit extérieur, quand un homme doit se battre avec ses principes ou son instinct. Vos personnages sont représentatifs du milieu policier? En 1994, j’ai fait des recherches pour mon premier roman, Jusqu’au dernier. C’était la première fois que je me documentais pour un texte. J’ai passé deux semaines avec la brigade des homicides de la police du Cap. C’est à ce moment que j’ai vraiment réalisé à quel point les policiers travaillaient dans un contexte post-traumatique permanent. Si vous êtes un être humain normalement constitué, il est impossible de passer d’une scène de crime à une autre, de vivre dans l’environnement immédiat de la mort sans être affecté. Chaque détective s’adaptait aux circonstances à sa manière. Certains devenaient alcooliques, d’autres se réfugiaient dans le silence, d’autres en faisaient des tonnes, blaguant sur le sujet. J’ai trouvé cela fascinant, car nous, le public, ne le savons pas. Nous ne réalisons pas à quel point ce travail est stressant et… mal payé. ■
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VINCENT FOURNIER/J.A.
acceptez quand elle vous est favorable et que vous refusez quand elle vous est défavorable. C’est humain.
LIRE, ÉCOUTER, VOIR 93 « noble » donnant sur le jardin d’un couple, du fils des propriétaires disparus et de sa très belle compagne, Salma. Le long-métrage prend alors les allures d’un film à suspense. Découvertes par Salma à la suite d’une imprudence d’Aïcha, que fascinent la jeune femme « du dessus » et ses atours, les recluses enlèvent cette dernière qu’elles gardent prisonnière. Jusqu’à… une fin violente et tragique, à la hauteur de la folie familiale qui réunit les trois squatteuses, mais que nous ne dévoilerons pas.
Hafsia Herzi dans Les Secrets, de Raja Amari (sortie en France le 19 mai).
« SURMONTER SA PEUR »
SD DISTRIBUTION
Cinéma Femmes de Tunis
La réalisatrice tunisienne du très remarqué Satin rouge revient avec Les Secrets. Un conte de fées moderne et noir magnifiquement interprété par Hafsia Herzi.
D
écidément, les femmes du monde arabe, une fois n’est pas cout u me, occ upent aujourd’hui beaucoup les écrans. Et de belle manière. À peine le très réussi Femmes du Caire, de Yousry Nasrallah, est-il devenu visible hors d’Égypte (voir J.A. no 2574) qu’un nouveau film consacré à la moitié du ciel, réalisé cette fois par la très prometteuse Tunisienne Raja Amari, arrive dans les salles françaises. Vu l’excellente surprise qu’avait représentée la sortie de son premier long-métrage, un récit d’émancipation féminine intitulé Satin
rouge, on attendait avec impatience le suivant. Et l’on n’est pas déçu. Une nouvelle fois, elle démontre qu’elle ne craint pas d’aborder des sujets délicats et originaux et, surtout, qu’elle a du style. Avec Les Secrets, Raja Amari voulait offrir, dit-elle, « un conte de fées mo de r ne e t noi r ». Moderne, il l’est par déf init ion puisque l’histoire, bien que non datée, se passe de nos jours à la périphérie de Tunis. Trois femmes, deux sœurs aux caractères opposés – la post-adolescente Aïcha très infantile, voire attardée et rebelle, et Radhia, l’aînée soumise – et leur mère, vivent clandestinement dans une sorte de palais colonial très kitch abandonné depuis longtemps. Noir, il l’est également puisque ce huis clos, qui se passe au sous-sol dans les anciennes pièces de service, est brisé par l’arrivée inattendue, à l’étage
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La principale héroïne du film, Aïcha, est magnifiquement interprétée par Hafsia Herzi. Révélée en 2006 par La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche, dans lequel elle exécutait notamment une inoubliable et interminable danse du ventre pour sauver le héros du film et sa famille, elle ne craint pas les rôles difficiles et exposés, voire osés. Comme presque tous ceux qu’elle a interprétés au cours de sa jeune mais déjà riche carrière. « C’est super, dit-elle, d’avoir à jouer des personnages forts. » Le reste est secondaire. N’empêche qu’elle aimerait bien qu’on lui propose enfin de « jouer une princesse, une fille très belle ». Pour Les Secrets, il lui a fallu quelque peu « surmonter sa peur », car Aïcha ne parlant presque pas, « il fallait tout miser sur les gestes et les regards » pour lui donner de l’épaisseur, de l’humanité. Mais Raja Amari, « supergentille », et les autres actrices, « très complices », l’ont beaucoup soutenue. C’était donc « génial » et même « super » – on aura compris qu’elle emploie volontiers ce mot – de participer, qui plus est en vedette, à ce film de femmes, d’autant
Raja Amari montre qu’elle ne craint pas d’aborder des sujets délicats et qu’elle a du style. que celles-ci « sont plus sérieuses que les hommes ». Quant à tourner en Tunisie, le pays de son père, elle a adoré, car elle s’y sent chez elle, même si elle n’y était plus retournée depuis sa petite enfance. Elle s’y rendrait volontiers plus souvent, mais elle a « trop peur de l’avion ». Au point de ne pouvoir le prendre que si c’est vraiment obligatoire. ■ RENAUD DE ROCHEBRUNE
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Musique Règlement de comptes à O.K. Kora Accusé dʼamateurisme, le président exécutif des Kora Awards, Ernest Adjovi, contre-attaque. Et entend bien rétablir sa vérité.
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est une attaque en règle contre les Kora Awards qu’a lancée John Dossavi le 12 avril sur RFI. Invité de l’émission Couleurs tropicales – très écoutée –, produite et animée par Claudy Siar, le président du Réseau africain des promoteurs et entrepreneurs culturels (Rapec) n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Une vingtaine de minutes durant, il dénonce alors un « pur amateurisme » et s’exclame : « On ne peut pas, après cinq ans d’absence, arriver à sortir autant de déchets! » [sic]. L’auteur du délit? Le président exécutif des Kora Awards, Ernest Coovi Adjovi. Il faut dire que le Béninois était attendu au tournant. Après cinq ans d’absence, un départ fracassant d’Afrique du Sud, une tentative avortée de délocalisation au Nigeria de l’événement musical le plus important du continent, de multiples reports… la 11e édition s’est enfin tenue le 4 avril devant plus de 3000 personnes réunies au Palais des sports de Ouagadougou (voir J.A. no 2570). L’enjeu était de taille: renouer avec le faste des cérémonies sud-africaines qui avaient vu monter sur scène Miriam Makeba, Nelson Mandela, Michael Jackson – excusez du peu! Ernest Adjovi s’étonne et contre-attaque, pour l’instant, par voie de presse : « Aucun membre des Kora n’a été invité pour participer à l’émission Couleurs
tropicales afin d’équilibrer les points de vue. Ce n’est un secret pour personne : Claudy Siar, en créant Africa Star, pensait concurrencer les Kora. La première saison de son émission a eu lieu au Gabon, grâce à la générosité de feu Omar Bongo Ondimba. Avec sa disparition, Claudy Siar n’a plus de sponsor. Africa Star est mourant. C’est pourquoi, au cours de l’émission du 12 avril, il a fait un appel aux sponsors. » Adjovi va plus loin et rappelle un différend financier qui l’a opposé en 2003 à Claudy Siar – qui n’a pas répondu à nos demandes d’interview – lorsqu’il a eu à organiser le Fespam à Brazzaville. « Quant à John Dossavi, clarifie le Béninois, il m’a dans un premier temps contacté pour que l’artiste togolaise Afia Mala chante lors des Kora. J’ai accepté à condition qu’elle se produise avec le groupe légendaire Orquesta Aragon, avec qui elle a sorti un album récemment. Il a refusé. » « J’ai effectivement appelé Adjovi pour lui dire qu’Afia Mala souhaitait chanter. Mais il m’a dit non, car il espérait avoir Beyoncé ou Ashanti », précise John Dossavi à Jeune Afrique.
auprès du président Compaoré avec qui j’avais fait un point sur les sponsors. » Querelles de personnes donc ? En tout cas, Adjovi fera retirer son accréditation à Dossavi… Une chose est sûre, c’est que, depuis le 4 avril, les critiques fusent: trop d’artistes ont été absents à la cérémonie ; la star sénégalo-américaine Akon tant annoncée est demeurée invisible; aucun Ivoirien n’est monté sur scène, alors que l’édition 2010 était placée sous le signe de la réconciliation ivoiro-burkinabè ; des artistes, qui ont dû payer eux-mêmes leur billet d’avion, n’ont pas été invités à se produire sur scène ; le prix de 1 million de dollars récompensant l’artiste de l’année n’aurait toujours pas été versé aux Nigérians de P-Square…
Le Nigeria proposait 20 millions de dollars. L’édition burkinabè s’est montée avec 3 millions.
QUERELLES DE PERSONNES?
Le président du Rapec s’est fait inviter comme journaliste (pour la radio Fréquence Paris Plurielle) aux Kora. « Mais le 2 avril, poursuit Adjovi, à l’occasion de la soirée de gala organisée en l’honneur des sponsors à la présidence de la République, il a expressément demandé au présentateur de la soirée de citer “le Rapec, représenté par son président, John Dossavi” comme sponsor ! [ce que dément l’intéressé, NDLR] Je passais alors pour un individu malhonnête
Si Ernest Adjovi reconnaît quelques fausses notes, comme l’absence d’Akon, qui n’a pas respecté ses engagements alors qu’il lui a versé son cachet à bonne date et a engagé les frais de la location d’un avion privé, il précise que « sur 80 nominés, 61 étaient présents. Nous l’avions indiqué au préalable à tous: nous ne pouvions pas prendre en charge les billets d’avion car nous n’en avions obtenu aucun gratuitement des compagnies aériennes desservant Ouagadougou ». Quant à P-Square, les lauréats, ils n’ont pu assister à la cérémonie de remise des prix le 4 avril, puisqu’ils étaient en concert – et donc sous contrat. Mais ils sont arrivés au Burkina Faso le 5 et se sont produits lors du grand concert
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donné gratuitement au stade du 4-Août devant plus de 30000 personnes. Accusé de part et d’autre, Adjovi entend bien rétablir sa vérité: « Certains prétendent qu’aucun artiste ivoirien n’est monté sur scène. Faux! Kandet Kanté, qui possède une pièce d’identité ivoirienne, s’est produite. DJ Arafat et DJ Debordeau ont catégoriquement refusé de se produire ensemble alors qu’ils étaient conjointement nominés. Je mets quiconque au défi de prouver le contraire. » La hache de guerre est déterrée. AMBITIONS REVUES À LA BAISSE
Mais, selon Adjovi, le problème serait tout autre. « Les artistes africains et leurs managers n’ont pas l’habitude de ce genre de cérémonie. Ils ne comprennent pas que ce n’est pas parce qu’ils se sont déplacés qu’ils vont forcément monter sur scène ou gagner un prix. Regardez ce qui se passe lors des Grammy Awards, aux États-Unis, tous les artistes nominés ne se déplacent pas. Et, parmi tous ceux qui sont présents, seuls les vainqueurs montent sur scène. C’est ce qui s’est passé aux Kora. » John Dossavi, lui, sous-entend qu’Ernest Adjovi « a pro-
mis un prix à ceux qui se déplaceraient »… Mais pourquoi ne pas avoir organisé de duo ivoiro-burkinabè? « Ce n’est pas le rôle des Kora de faire chanter les artistes pour une réconciliation politique », réplique Adjovi, qui craint une récupération politisée de l’événement musical. Pourquoi donc avoir accepté que « les deux pays aient choisi de placer les Kora dans le cadre des accords d’amitié qui les lient »? L’homme d’affaires qui a « engagé [sa] fortune personnelle et vendu [sa] société de production de sucre » pour que vivent les Kora avait peut-être vu là une manière d’impliquer les deux États et de sensibiliser les sponsors des deux pays. John Dossavi, quant à lui, affirme: « Adjovi n’est pas un militant mais un businessman qui a trouvé un créneau pour racketter les gens. » « Bien que le président Blaise Compaoré nous ait beaucoup soutenus, rectifie Adjovi, l’État burkinabè n’a pas déboursé le moindre centime. » Alors que le Nigeria proposait un budget de plus de 20 millions de dollars, l’édition burkinabè a dû se monter avec moins de 3 millions. De quoi, forcément,
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L’artiste togolaise Renkah lors des Kora Awards, à Ouagadougou, le 4 avril.
revoir ses ambitions à la baisse… Et ne pas payer les lauréats nigérians ? Selon Fanny Marsot, journaliste de Couleurs tropicales, P-Square n’a pas encore touché un cent du million tant convoité. « À notre connaissance, nous sommes la seule cérémonie de remise de trophées au monde qui gratifie financièrement les lauréats en fonction des promesses de sponsoring et de leur paiement effectif, indique Adjovi. Les Kora ont toujours respecté leurs engagements financiers à l’endroit des artistes. En tout état de cause, l’objectif de ces récompenses étant de contribuer tout au long de l’année à promouvoir le lieu et la date de la cérémonie suivante, les fonds sont toujours payés avant la tenue de cette dernière. Que tous ceux qui pensent pouvoir faire mieux sur le plan continental se mettent à l’œuvre. Ils auront nos encouragements, voire notre aide. » Souhaitons donc, pour les lauréats, que la prochaine édition ait lieu en 2011 et que les sponsors tiennent leurs promesses… Et surtout que la musique reprenne le dessus! ■ SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
TOU T E S L E S M U S IQU E S D’A F R IQU E
AFRICA SONG Robert Brazza 19h10 -21h TU et sur
www.africa1.com
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La Tanzanie récupère son bien
La République de Tanzanie et le musée Barbier-Mueller ont signé un accord pour le retour dʼun masque au musée de Dar es-Salaam.
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ingt ans ! C’est le temps collections au moment du vol, porte plainqu’il aura fallu au mute pour recel. Elle s’adresse également sée Barbier-Mueller au Comité intergouvernemental pour rendre aux de l’Unesco pour la promotion autorités tanzaniennes un du retour de biens culturels masque makondé. Une à leur pays d’origine ou cérémonie officialisant la de leur restitution en cas rétrocession de cette pièce d’appropriation illégale. a eu lieu à Paris le 10 mai. Le En 2009, les pourmusée genevois l’avait acquipa rle r s r epr e n ne nt se en 1985 chez un antiquaire sous l’égide de l’Icom. parisien, ignorant qu’elle faisait Et le musée suisse, créé Le masque partie d’un lot de seize objets en 1977, accepte enfin de makondé restitué volés en 1984 lors d’un camrendre le masque à la Tanà la Tanzanie. briolage du Musée national de zanie sous réserve qu’il soit Tanzanie à Dar es-Salaam. correctement conservé. Grâce C’est un universitaire de Pérouse, en aux efforts financiers de l’Agence Italie, Enrico Castelli, qui alerte, en 1990, suédoise de coopération au développement le musée de l’origine de la pièce. Ce dernier international (Sida), qui a débloqué des fonds informe alors le Conseil international des pour l’agrandissement du Musée national de musées (Icom). Mais les choses en restent là Tanzanie, le masque sera exposé dans une jusqu’à ce que la Tanzanie, qui ne parvient pas vitrine sécurisée le jour et placé dans un à prouver que le masque figurait bien dans ses coffre-fort la nuit. ■ ELISE MARTIN
MUSIQUE
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Tous les chemins mènent à Barbès
Orchestre national de Barbès (ONB) e st de retou r et nous donne « rendez-vous » le 21 mai avec son troisième album studio. Comme toujours, le mélange des genres est à l’honneur pour ce nouvel exercice, à l’image de ce groupe multiculturel dont les membres sont originaires d’Algérie, du Maroc et de France. Fondé en 1995, l’ONB s’aguerrit sur scène, où son énergie et son répertoire mélangeant sonorités rock et traditionnelles ont très vite enthousiasmé le public. C’est ainsi qu’en 1997 il sort l’album En concert. Très vite, le groupe part en studio pour
créer Poulina, synthèse entre le rock, le reggae et le raï qui donne les idées directrices des futurs albums. Puis il faudra attendre presque dix ans avant de voir le troisième opus, Alik. Enregistré dans des conditions live, il renoue avec la spontanéité des débuts. Avec Rendez-Vous Barbès, le groupe nous invite d’entrée à danser sur un rythme allaoui au son du glall (une darbouka basse) dans une ambiance festive. Puis, au fil de l’album, le ska laisse place au reggae, au chaabi ou encore à la musique gnawa. La fusion de la musique du Maghreb et de l’Occident fonctionne toujours parfaitement.
AGENDA ■ Le 18 mai, au Casino de Paris, et le 21 à Rabat (festival Mawazine), Toumani Diabaté rendra hommage à Ali Farka Touré, décédé en 2006 et avec qui il avait enregistré In the Heart of the Moon. ■ Miriam Makeba, Manu Dibango, Cesaria Evora, Tabu Ley… Retrouvez les grands noms de la musique africaine à travers Free Africa, un coffret exceptionnel de 4 CD que sort le 21 mai Le Son du maquis à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de 17 pays africains. ■ Pendant trois jours, du 21 au 23 mai, le festival Musiques métisses d’Angoulême, en France, accueillera Youssou Ndour, Salif Keita, Hindi Zahra, Amazigh Kateb et bien d’autres… ■ Du 29 mai au 5 juin se tiendra le 14e festival Écrans noirs de Yaoundé (Cameroun).
Rendez-Vous Barbès, de l’Orchestre national de Barbès (Harmonia Mundi).
Le groupe nous entraîne dans un voyage musical au milieu du désert saharien, dans un cabaret algérien ou pour une fête dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris. Sa dernière livraison est un véritable melting-pot culturel réussi. ■ JÉRÔME BESNAULT
■ Jusqu’au 7 juin, la biennale Dak’Art expose 28 artistes de tout le continent. À voir également, jusqu’au 30 juin, l’exposition « Regards croisés : Toguo/Cissé » à l’Institut français de Dakar. ■ La chanteuse d’origine tunisienne Maya Shane se produira à l’Alhambra (Paris) le 10 juin prochain.
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ANNONCES CLASSÉES Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 – Fax : 01 44 30 18 77 – f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris –France
ECONOMIC COMMUNITY OF CENTRAL AFRICAN STATES COMUNIDAD ECONOMICA DE LOS ESTADOS DEL AFRICA CENTRAL COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE COMUNIDADE ECONOMICA DOS ESTADOS DA AFRICA CENTRAL
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AVIS A MANIFESTATION D’INTERÊT
1. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don de la Banque Africaine de Développement (Agissant en qualité d’Administrateur du Fonds Spécial de la Facilité Africaine de l’Eau), en Euros pour financer le Projet de mise en œuvre de la Politique régionale de l’eau de la CEEAC. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce Don sera utilisée pour effectuer les paiements des services des Consultants devant être acquis en vue de l’élaboration du Plan d’Action Régional de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (PARGIRE) de la CEEAC 2. L’objectif de l’étude est de doter le Secrétariat Général de la CEEAC d’un outil de planification et de gestion des actions concrètes de mise en œuvre de la Politique régionale de l’eau visant le développement durable et la gestion coordonnée des ressources en eau de l’Afrique Centrale. 3. La durée totale du projet d’élaboration du PARGIRE est de 18 mois et les activités à mener comprennent : - La préparation des dialogues nationaux pour la GIRE ; - La supervision de l’élaboration des états des lieux ; - La supervision de l’élaboration des feuilles de route de GIRE ; - L’élaboration du Plan d’Action Régional de Gestion Intégrée des Ressources en Eau; - La supervision des actions de renforcement de capacités des acteurs du secteur. 4. L’acquisition des services des Consultants pour la réalisation de cette étude se fera selon la procédure de consultation sur liste restreinte conformément aux Règles de procédures de la BAD pour l’utilisation des Consultants (Edition Mai 2008). Tout consultant éligible qui souhaite fournir les services sollicités peut exprimer son intention de figurer sur la liste restreinte. A cet effet, il fournira les informations indiquant qu’il a la
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capacité technique, juridique et financière pour exécuter lesdits services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, équipements et logistiques, disponibilité des moyens humains requis, états financiers audités, etc...). Les consultants peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. 5. Une liste de six (6) consultants sera dressée conformément aux règles de procédures de la BAD en matière d’utilisation de consultants. 6. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence de 9 heures à 17 heures locales les jours ouvrables, à l’adresse suivante : Secrétariat Général de la CEEAC Haut de Gué Gué BP 2112 Libreville Gabon Tél. : (241) 44 47 31 Fax : (241) 44 47 32 E-mail : dawile_fr@yahoo.fr avec copie à jplibebele@yahoo.fr 7. Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent être déposés en trois exemplaires (un original et deux copies) à l’adresse ci-dessous au plus tard le 31 mai 2010 à 12 h locales et doivent porter expressément la mention « Manifestation d'intérêt pour le r ecrutement d’un Consultant char gé de mener l’étude d’élaboration du Plan d’Action Régional de Gestion Intégrée des Ressour ces en Eau (PARGIRE) de la CEEAC ». A l’attention de :
Général Louis SYLVAIN-GOMA Secrétaire Général de la CEEAC Haut de Gué Gué BP 2112 Libreville - GABON
Manifestation d’intérêt
MANIFESTATION D’INTERET EN VUE DU RECRUTEMENT D'UN CONSULTANT POUR L’ELABORATION DU PLAN D’ACTION REGIONAL DE GIRE DE LA CEEAC (PARGIRE/CEEAC)
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Manifestation d’intérêt
MANIFESTATION D’INTERET EN VUE DU RECRUTEMENT D'UN CONSULTANT POUR L’ETUDE ET LA MISE EN PLACE D’UN SYSTEME D’INFORMATION SUR L’EAU AU SECRETARIAT GENERAL DE LA CEEAC 1. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don de la Banque Africaine de Développement (Agissant en qualité d’Administrateur du Fonds Spécial de la Facilité Africaine de l’Eau), en euros pour financer le Projet de mise en œuvre de la Politique régionale de l’eau de la CEEAC. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce Don sera utilisée pour effectuer les paiements des services du Consultant devant être acquis en vue de l’élaboration de l’étude de faisabilité et la mise en place du Système d’Information sur l’Eau (SIE) au Secrétariat Général de la CEEAC. 2. L’objectif de l’étude est d’évaluer la faisabilité du Système d’Information sur l’Eau (SIE) et d’identifier le système à mettre en place au sein du Secrétariat Général de la CEEAC. Le SIE sera formé de jeux de données, de métadonnées et de services ainsi que par l’infrastructure sous-jacente, organisés dans le but de répondre aux besoins des parties intéressées en matière d’informations environnementales publiques dans le domaine de l’eau. 3. Cette étude se déroulera en trois (03) mois calendrier et les actions à mener comprendront :
tion des Consultants (Edition Mai 2008).Tout consultant éligible qui souhaite fournir les services sollicités peut exprimer son intention de figurer sur la liste restreinte. A cet effet, il fournira les informations indiquant qu’il a la capacité technique, juridique et financière pour exécuter lesdits services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, équipements et logistiques, disponibilité des moyens humains requis, états financiers audités, etc...). Les consultants peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. 5. Une liste de six (6) consultants sera dressée conformément aux règles de procédures de la BAD en matière d’utilisation de consultants. 6. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence de 9 heures à 17 heures locales les jours ouvrables, à l’adresse suivante : Secrétariat Général de la CEEAC Haut de Gué Gué BP 2112 Libreville Gabon Tél. : (241) 44 47 31 Fax : (241) 44 47 32 E-mail : dawile_fr@yahoo.fr avec copie à jplibebele@yahoo.fr
- La réalisation d’un état des lieux en matière de gestion des données et de l’information sur l’eau, y compris les réseaux hydrologiques et climatologiques existants au niveau régional et des pays de la CEEAC; - L’élaboration d’une étude de faisabilité pour la mise en place du SIE ; - La description des étapes de mise en place du SIE ; - La définition des besoins et des modalités de mise en place de la base de données, première étape du processus de création du SIE ; - Le renforcement des capacités des acteurs de l’eau en matière de gestion des SIE.
7. Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent être déposés en trois exemplaires (un original et deux copies) à l’adresse ci-dessous au plus tard le 31 mai 2010 à 12 h locales et doivent porter expressément la mention « Manifestation d'intérêt pour le r ecrutement d’un Consultant char gé de mener l’étude de faisabilité et de mettr e en place du Système d’Infor mation sur l’Eau (SIE) au Secrétariat Général de la CEEAC ».
4. L’acquisition des services du Consultant pour la réalisation de cette étude se fera selon la procédure de consultation sur liste restreinte conformément aux Règles de procédures de la BAD pour l’utilisa-
A l’attention de : Général Louis SYLVAIN-GOMA Secrétaire Général de la CEEAC Haut de Gué Gué BP 2112 Libreville - GABON
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REQUEST FOR EXPRESSION OF INTEREST (EOI)
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BENEFICIARY COUNTRIES: Twenty countries supported by the African Adaptation Programme (AAP) Southern and East African: Ethiopia; Kenya; Lesotho; Malawi; Mauritius; Mozambique; Namibia; Rwanda and Tanzania. Northern, Western and Central Africa: Burkina Faso; Cameroon; Congo; Gabon; Ghana; Morocco; Niger; Nigeria; Sao Tome and Principe; Senegal and Tunisia. REFERENCE NUMBER: UNOPS/SNOC/AAP/2010-001 DESCRIPTION: The AAP has three key components: - In-country projects - UNDP assistance - An Inter Regional Technical Support Component (IRTSC).
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3. Capacity Development: Building knowledge on climate change and disaster risk reduction issues as a means of increasing opportunities for stronger national capacities and enhanced coordination across like projects. Also, provide in-country assistance to facilitate the conduct of IRTSC interventions and/or the identification and participation of national delegates in consultation with the UNDP Country Office and National Project Coordination Team. 4. Pr ocur ement: Facilitating the preparation of ToRs relative to national project activities including those related to procurement of goods and services. 5. Knowledge Management: Assisting the UNDP Country Offices, Project Coordination Teams and the IRTSC in identifying knowledge products and supporting the development of national and regional knowledge networks. Supporting the dissemination plans of the IRTSC team for knowledge management (KM) products and services created at the centre and designed for use in all AAP countries. Supporting the work of the local teams in identifying, codifying and uploading materials that are potentially valuable for KM and learning in other countries. 6. Reporting: Providing technical assistance in the application of centrally-developed M&E templates and reporting standards within each country. Providing the IRTSC with independent reports on a monthly basis to reflect progress, challenges and corrective action including those to be delivered by the IRTSC as well as other reporting requirements as defined by the Programmes’ M&E Plan. Special Pr ocur ement Conditions and Additional Infor mation UNOPS invites suppliers capable of providing the technical services in above categories to submit their expression of interest. Wherever possible, UNOPS is seeking to obtain the services of organizations that can provide the complete range of advisory services as listed above to a specific country or cluster of countries. The working language of the IRTSC is English and French to reflect the official languages of the majority of UNDP Country Offices in AAP participating countries. Therefore potential partners are specifically sought with demonstrated capability of working in the official language of the host country alongside the ability to prepare and deliver significant knowledge products in a language that will facilitate regional application. In order to be considered as a potential supplier, interested enterprises should submit their Expression of Interest including the following information: - brief presentation of their enterprise, including number of staff, turnover, list of clients, years in business - reference list demonstrating their institutional and staff qualifications for participating in this bidding process - must demonstrate that they can converse in the official language of the host country(s). English is an essential criteria for all applicants. - contact information (full name and address, country, telephone and fax numbers, e-mail address, website and contact person) The Expression of Interest and accompanying documents must be received by UNOPS no later than 31st May, 2010 on the address below. Suppliers may submit the EOI online by clicking the “EOI” link for this opportunity on “CCurr ent business opportunities” on www.unops.or g, register and enter the data into the EOI form and then click “submit”. Alternatively, Expressions of Interest can be sent by e-mail or fax (max. 10 pages) to the contact person below. Please indicate Ref. No.: UNOPS/SNOC/AAP/2010-001 on all submissions. This call for Expression of Interest does not constitute a solicitation. UNOPS reserves the right to change or cancel the requirement at any time during the EOI and/or solicitation process. UNOPS also reserves the right to require compliance with additional conditions as and when issuing the final solicitation documents. Submitting a reply to a call for EOI does not automatically guarantee receipt of the solicitation documents when issued. Invitations to bid or requests for proposals and any subsequent purchase order or contract will be issued in accordance with the rules and procedures of UNOPS. UNOPS Contact Infor mation : UNOPS - SNOC - Africa Adaptation Programme Immeuble Ousseynou Thiam Guèye - Point E, Rue de Thiès - BP. 15702 – CP 12524 Dakar-Fann - Attn: Ian RECTOR - Tel: +221 33 869 38 45 -Fax:+221 33 869 38 15 E-mail: IanR@unops.or g For companies not registered with the UN Global Marketplace it is recommended to do so. The UN Global marketplace is a database of active and potential suppliers available to all UN and World Bank procurement personnel, and is the main supplier database of more than 20 UN organizations. To register go to www.ungm.or g, click on “Sign up free” or on Registration drop down and select “Register as Supplier”.
Manifestation d’intérêt
The IRTSC, operating out of Dakar, Senegal, is the AAP programme management base and also the engine room for the coordination of needs-based technical assistance to the country projects. The IRTSC is seeking partners able to provide sustained in-country technical assistance for the following outputs which have a direct relationship to the overall programme purpose and outcomes: 1. Facilitating country access to best available data and information on climate variability and impacts. 2. Supporting institutional and leadership development through structured and specific interventions designed to be responsive to the unique circumstances and needs of each country. 3. Making available to countries best practices, experiences and technologies for facilitating the implementation of climate resilient policies and pilot adaptation projects in priority sectors. 4. Providing countries with information on innovative financing options. 5. Creating national and region-wide knowledge and learning mechanisms to raise awareness, engage stakeholders, inform decision-makers and promote exchange and cooperation between countries. Work on these outcomes in each country will follow guidelines developed by the IRTSC expert advisers, but the partners operating in each country will be expected to develop timely, appropriate and acceptable interventions to meet the specific needs that may emerge in each country. UNCCS CODE: 560000 DEADLINE DATE FOR SUBMISSION OF EOI: Expressions of interest will close 31st May, 2010 POSTING DATE: 16th May, 2010 Objectives and Scope The Africa Adaptation Programme (AAP) has been designed to assist countries to develop the capacity required at local through to national levels to enable them to design, finance, implement, monitor and adjust long-term, integrated and cost effective adaptation policies and plans that are robust within a wide range of possible changes in climate conditions. The programme will assist countries to achieve the following outcomes: 1. Creation of dynamic, long term planning mechanisms to manage the inherent uncertainties of climate change 2. Development of effective leadership and strengthened institutional frameworks so that climate change risks and opportunities are managed in an integrated manner at all levels. 3. Piloting of climate-resilient policies and measures with a view to subsequent up-scaling. 4. Identification and implementation of a range of financing options to meet adaptation costs at all levels. 5. Generation and capture of knowledge that will help governments adjust national development processes to fully incorporate climate change risks and opportunities. UNOPS has the responsibility for implementing the Inter Regional Technical Support Component of AAP and is charged with the responsibility for ensuring the availability and timely delivery of technical assistance in support of each participating country’s national AAP project. Expected Pr ocur ement Components Each of the AAP participating countries is responsible for establishing a national project coordination team to guide the implementation of their respective national projects. This will be undertaken in partnership with UNDP Country Offices following National Execution (NEX) procedures. Many countries are yet to recruit their teams. Also, a number of countries are perceived to be lacking adequate knowledge and capacity on strategic matters relating to climate change and Disaster Risk Reduction (DRR). Such countries may require technical assistance to fast-track and sustain implementation of the project. The intensity, type and duration of support assignments will vary from country to country over the two year period of the project. UNOPS is seeking the assistance of individuals and or ganizations that can provide sustained technical and advisory services to participating countries relative to the following: 1. Pr oject Management: Assisting the UNDP Country Offices and Project Coordination Teams on issues related to the effective and timely delivery of the national projects and, more specifically, building professional skills and project management capacities of the national project coordination teams. This includes the identification and nurturing of collaborative partnerships from across government, UN Agencies, NGOs, Academia and the private sector. 2. Needs Assessment: Linking with the IRTSC in Dakar and providing input to ensure national needs are adequately recognized and embedded within the regional technical assistance programme.
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AFRICAN UNION
UNION AFRICAINE
UNIAO AFRICAN
INVITATION TO TENDER FOR THE
SUPPLY, INSTALLATION AND COMMISSIONING OF IT EQUIPMENTS
Recrutement - Appel d’offres
AT THE
AFRICAN UNION COMMISSION IN ALGIERS, ALGERIA
SOCIETE D’ENERGIE ET D’EAU DU GABON
Appel d’Offres International Pour la fourniture et la mise en œuvre d’une solution de vente à distance de crédit d’électricité prépayée Dans le cadre de l’amélioration de la qualité de ses services, la Société d’Energie et d’Eau du Gabon (SEEG) lance un Appel d’offres pour la fourniture, la mise en œuvre et le déploiement d’une solution de vente à distance, de crédit d’électricité prépayée. Les sociétés intéressées par cet Avis sont invitées à retirer les dossiers de soumission dès la parution de celui-ci à l’adresse ci-dessous, aux heures ouvrables (7h30 à 15h30) : Direction des Achats, des Stocks et Parcs Véhicules (DASV) Entrée face à l’immeuble CENACOM. Bâtiment N°16-Porte N°11 Le retrait des dossiers est conditionné par le paiement préalable d’une somme de 50 000 FCFA (Cinquante mille francs CFA) à la Direction Financière et Comptable sise au 4ème étage de l’Immeuble abritant le siège social de la SEEG, porte n° 413. La date limite de retrait des dossiers est fixée au vendredi 21 mai 2010.
Procurement No. 09/RO/PTU/10 For details Visit http://www.africa-union.org/root/au/BIDS/AUCBIDS.htm
SOCIETE D’ENERGIE ET D’EAU DU GABON Secrétariat de la Direction des Achats, Gestion des Stocks et Parc Véhicules B.P. 2082 Libreville – Gabon Téléphone (241 767607
L’eau, l’énergie pour la vie
Appel à candidature pour le recrutement d’un Spécialiste en matière de Genre Contexte Le Secrétariat général de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) lance un avis de recrutement d’un spécialiste en matière de Genre. Titr e du poste : Chef de la Cellule genre au Secrétariat général de la CEEAC Lieu d’af fectation : Libreville, République gabonaise Durée du contrat : recrutement selon les procédures en vigueur à la CEEAC : Un contrat à durée déterminée (CDD) pouvant se transformer en contrat à durée indéterminée (CDI) si les prestations sont jugées satisfaisantes. a) Les tâches du Chef de la Cellule Genr e : Préparer la mise en œuvre de la Déclaration des instances dirigeantes de la CEEAC sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique centrale ; * préparer la mise en œuvre de la politique genre de la CEEAC ainsi que le plan d’actions y relatif ; * contribuer à l’action entreprise dans les Etats membres de la CEEAC dans le domaine du genre et développement ; * préparer l’intégration de la dimension genre dans les programmes et projets de la CEEAC ainsi que dans les plans nationaux de développement des Etats membres de la CEEAC ; * promouvoir la mise en œuvre des Instruments et Conventions relatifs à la promotion des femmes aux niveaux national et communautaire; b) Pr ofil du candidat * Etre ressortissant d’un Etat membre de la CEEAC * Etre titulaire d’une maîtrise ou d’un diplôme équivalent dans les domaines cidessous :
• Sciences sociales et humaines • Sciences économiques • Sciences juridiques • écrire et parler correctement le français. La connaissance de l’une des autres langues de la Communauté constituerait un atout supplémentaire ; • avoir travaillé au moins pendant dix (10) ans dans une institution publique dans son pays d’origine ou dans une organisation intergouvernementale ; • avoir une bonne capacité de coordonner, d’animer et de superviser une équipe pluridisciplinaire ; • avoir des connaissances en informatique c) Composition des dossiers : Le dossier de candidature comprendra les pièces suivantes : - une lettre de motivation - un curriculum vitae avec photo d’identité ; - copie(s) de diplôme(s) certifié(s) conforme(s) - une copie d’acte de naissance légalisé - un extrait de casier judicaire. d) Dépôt des dossiers Les dossiers de candidatures doivent être envoyés ou déposés par lettre ou courrier électronique au Secrétariat général de la CEEAC au plus tard le 15 juin 2010 à l’adresse suivante : Secrétariat Général de la CEEAC Haut de Gué Gué B.P. 2112 - Libr eville (Gabon) Tél. : (241) 44 47 31 Fax : (241) 44 47 32 E-mail : dawile_fr@yahoo.fr
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Termes de référence pour le recrutement d’un Expert Economiste des Transports A. Contexte Dans le cadre de son programme de renforcement des capacités, le Secrétariat général de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) recrute un Expert Economiste des Transports. B. Description des tâches Sous la supervision directe du Coordonnateur des infrastructures de transport terrestre (route et rail) et du Secrétaire Général Adjoint chargé du DIPEM, l’Expert Economiste des Transports Junior sera appelé à :
2. Contribuer particulièr ement à l’exécution globale du pr ogramme d’infrastructur es de la CEEAC : • Mobiliser des ressources pour le PDCT-AC, le PACT-NEPAD/AC et le PIDA ; • Définir et conduire la mise en œuvre du Programme de Facilitation des Transports du Programme Infrastructures de la CEEAC ; • Assurer la mise en œuvre du Premier Programme Prioritaire du PDCTAC • Préparer les dossiers de consultation et d’appel d’offres, évaluer les offres, préparer les contrats et marchés, assurer la supervision de toutes activités relatives aux projets dont l’état de préparation est le plus avancé et en particulier : pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville et le prolongement du chemin de fer Kinshasa-Ilebo, route OuessoSangmélima, route Doussala-Dolisie, pont sur le Ntem à Rio Campo entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale, pont sur l’Oubangui entre Bangui (RCA) et Zongo (RDC) ; • Préparer les rapports périodiques sur les activités contribuant à la mise en œuvre du programme d’infrastructures de la CEEAC ; • Collaborer avec tous les autres experts de la CEEAC pour répondre à toutes demandes du service et de la haute hiérarchie ; • Réaliser tout travail demandé par la hiérarchie. • Assurer une participation active aux activités de partenariat ;
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• Participations aux réunions organisées sur les projets. • Analyse technique des dossiers provenant de la BAD, des consultants et des pays concernés par le projet ; • Préparation des rapports périodiques d’avancement du projet aux fins d’information des États, de la CEMAC, de la CEEAC et de la BAD ; • Analyse des offres techniques et financières des consultants et des entreprises, ainsi que rédaction des rapports correspondants en vue de solliciter la non objection de la BAD ; • Préparation des projets de contrats de consultants et des entreprises ; 3. Participer à la gestion de l’unité : • Apporter son concours à la Haute hiérarchie pour la mobilisation des ressources, la coordination entre donateurs et les États membres. • Entretenir un climat serein de collaboration avec tous les autres personnels de la CEEAC. C. Critèr es de sélection (notamment compétences, connaissances et expérience souhaitables) : • Être originaire de l’un des pays membres de la CEEAC • Au moins un diplôme d’Economie en transport (bac + 5) ; un diplôme d’ingénieur constituerait un avantage ; • Au moins dix (10) années d’expérience en gestion de projet d’infrastructures de transport (route, pont rail). • Aptitude à constituer des réseaux et à structurer des informations diverses, à saisir les points essentiels et à faire passer les principaux messages ; aptitude à travailler sous pression, à voyager fréquemment, à faire attention aux détails et à travailler en équipe ; excellente capacité relationnelles et confiance en soi ; • Connaissance de l’espace CEEAC et de ses réalités économiques et géopolitiques ; • Connaissance et expérience des protocoles et techniques de l’internet ; • Excellente communication écrite et orale en français, avec une connaissance pratique de l’anglais ; une connaissance en espagnol et en portugais constituerait un avantage; • Compétence dans l’utilisation des logiciels Microsoft courants ; Word, Excel, Access, Outlook, Powerpoint, Publisher. • Compétence spécifique dans l’utilisation du logiciel Microsoft Projet ; une bonne connaissance de SAP constituera un avantage. • Bonne connaissance et une expérience avérée des procédures des bailleurs de fonds et notamment de la BAD, de la Banque Mondiale et de l’Union Européenne. D. Composition du Dossier Le dossier de candidature est composé - d’une lettre de motivation, - d’un curriculum vitae détaillé suivant modèle ci-joint, - des copies des diplômes. E. Date limite d’envoi des dossiers de candidatur e 16 juin 2010 F. Durée du contrat Un an renouvelable et mutable, en cas de satisfaction en Contrat à Durée Indéterminé (CDI) G. Adr esse d’envoi des dossiers de candidatur e Secrétaire Général de la CEEAC BP 2112 Libreville (Gabon) Tel +241 44 47 31 ; Fax +241 44 47 32 E.mail ceeac-eccas.or g ; dawile_fr@yahoo.fr ; jtakodjou@yahoo.fr, tsangou@yahoo.fr Seuls seront contactés les candidats remplissant entièrement les conditions de la CEEAC et pour lesquels un entretien est envisagé. Le Secrétaire Général de la CEEAC se réserve le droit de nommer un candidat à un poste de niveau inférieur.
Recrutement
1. Contribuer à la mise en œuvr e de la stratégie d’intégration sousrégionale de la CEEAC et particulièr ement à l’exécution globale du pr ogramme d’infrastructur es : • Aider le DIPEM à définir et mettre en œuvre une politique de mobilisation des ressources nécessaires à la réalisation des programmes d’infrastructures de transport ; • Renforcer la coordination et l’harmonisation entre donateurs pour la mise en œuvre des projets du Plan Directeur Consensuel des Transports en Afrique Centrale (PDCT-AC), du Plan d’Action à Court Terme du NEPAD en Afrique Centrale (PACT-NEPAD/AC) et du Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA); • Suivre de près et analyser les actions de la CEEAC dans le domaine des infrastructures de transport ; • Mobiliser des ressources pour le PDCT-AC, le PACT-NEPAD/AC et le PIDA ; • Assurer la coordination et l’harmonisation du programme de travail de la CEEAC dans les États membres avec celui desdits Etats et des bailleurs de fonds ; • Œuvrer avec les autres organisations régionales et sous-régionales à favoriser le dialogue entre les parties prenantes dans le but de faciliter l’atteinte des objectifs en matière d’intégration ; • Faciliter l’instauration de cadres solides de partenariat stratégique sur les politiques en matière d’infrastructures de transport et les problèmes opérationnels avec les principales institutions et agences de développement intervenant dans les États membres ; • Organiser au niveau régional des consultations, séminaires, ateliers et tables rondes avec les partenaires sur le développement des infrastructures de transports et les défis pays enclavés et insulaires ; • Répondre aux demandes d’information sur les activités et programmes d’action de la CEEAC concernant les infrastructures de transport; • Préparer des matériels et notes d’information à l’intention de la Haute hiérarchie pour les points de presse, les interviews et les relations publiques ayant trait à la CEEAC et les États membres en général ;
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FFA Juridique & Fiscal Membre d’ERNST & YOUNG
COURS INTENSIFS D’ANGLAIS
Recrute Juristes-fiscalistes
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LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT Créée en 1964, la Banque africaine de développement est la première institution panafricaine de développement qui œuvre pour la croissance économique et le progrès social en Afrique. L’objectif premier de la BAD est de réduire la pauvreté et d’améliorer les niveaux de vie des populations en mobilisant des ressources tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du continent africain et en apportant une assistance financière et technique aux projets et programmes de développement en Afrique. La Banque compte 77 Etats membres dont 53 pays régionaux (africains) et 24 non régionaux. La BAD offre actuellement les opportunités suivantes : Chargé principal de la diversité, Département de la gestion des ressources humaines (CHRM.0) (BAD/10/050) Vous aiderez à la formulation et à la mise en œuvre des stratégies visant à suivre et à évaluer l’état d’avancement du processus de création d’un environnement de travail propice à la diversité et à l’inclusion au sein de l’institution. Vous piloterez la formulation et la mise en œuvre des politiques et programmes, et la gestion de l’information sur la diversité. Vous avez un Master (DEA/DESS), avec une spécialisation en gestion des ressources humaines, en gestion, ou dans les disciplines connexes avec au moins 6 ans d’expérience professionnelle en ressources humaines. Date limite de dépôt des candidatures : 31 mai 2010. Chargé(e) principal(e) de programme pays (OREB), Département régional EST 2 (OREB) (BAD/10/051) Vous assurerez la coordination de la gestion et le suivi du portefeuille de la Banque dans les pays qu'il/elle couvre, ainsi que les projets régionaux mis en œuvre par les Communautés économiques régionales, en collaboration avec les Départements sectoriels. Vous entretiendrez la communication avec les Départements sectoriels et les autres unités concernées de la Banque, pour garantir une approche coordonnée de la mise en œuvre de la stratégie de la Banque et des opérations de prêt dans les pays couverts. Vous avez un Master (DEA/DESS) ou son équivalent en diplôme universitaire dans un domaine relatif au développement et un minimum de 6 années d'expérience professionnelle en formulation et mise en œuvre de politiques, de programmes et de projets au sein de la Banque, dans la fonction publique ou dans le secteur privé. Date limite de dépôt des candidatures : 31 mai 2010. Économistes pays supérieurs (6 postes) (BAD/10/052) Vous analyserez la situation économique et financière des Pays Membres Régionaux (PMR) couverts, en s’ appuyant
sur des sources d'informations internes et externes, et déterminerez les implications en termes de programmation et actualisation des opérations du Groupe de la Banque. Vous examinerez l'impact des opérations du Groupe de la Banque dans les pays couverts ainsi que des programmes d'intégration économique régionale, et formulerez des recommandations quant au rôle du Groupe de la Banque pour soutenir les initiatives d'intégration régionale. Vous avez un Master (DEA/DESS) ou son équivalent en diplôme universitaire en économie, avec un minimum de 6 années d'expérience professionnelle en analyse macroéconomique. Pour le poste d’ORNA couvrant l’Egypte, la maîtrise de l’arabe constituerait un atout considérable. Date limite de dépôt des candidatures : 3 juin 2010. Chef de division, spécialiste en chef des transports (BAD/10/054) Vous recommanderez et préparerez la stratégie opérationnelle de la Banque dans le secteur des transports pour les 53 pays membres régionaux, en vue de l’amélioration du programme des prêts et de la gestion du portefeuille, dans le contexte du développement économique et social. Vous concevrez et élaborerez le programme des prêts pour les pays membres régionaux dans le secteur des transports conformément à la stratégie de la Banque pour le secteur. Vous avez un Master (DEA/DESS) en économie des transports, études sur le développement, urbanisation, génie civil, économie, gestion, finance, banque ou dans les disciplines connexes et avez une bonne maîtrise des questions de développement en Afrique, avec un minimum de 8 ans d’expérience pertinente. Date limite de dépôt des candidatures : 27 mai 2010. Capacité à communiquer couramment, à l’oral comme à l’écrit, en français ou en anglais, avec une connaissance pratique de l’autre langue.
Pour connaître les critères de sélection précis (y compris les études, qualifications, connaissances et expérience) pour chacun des postes ci-contre, les candidats sont invités à consulter les avis de vacance de poste publiés sur notre site web : www.afdb.org/jobs La Banque offre une égalité de chances aux hommes et aux femmes et encourage la candidature des femmes. Seules les demandes complètes (curriculum vitae détaillé et à jour, indiquant la date de naissance exacte et la nationalité, accompagné de la fiche de renseignements personnels disponible sur le site web de la Banque - dûment remplie) transmises de préférence par voie électronique à l’adresse recruit@afdb.org seront examinées. Les candidat(e)s ne seront contacté(e)s que s’ils (elles) remplissent toutes les conditions requises et si une interview est envisagée.
www.afdb.org
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VOTR E J O UR N AL
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Mondial 2010 : bienvenue en Afrique du Sud
nfin une Coupe du monde de football organiOutre un guide pratique de 30 pages où sont passées sée sur le continent. À événement historique au crible les 32 équipes engagées dans la compétition, parution exceptionnelle. En effet, Jeune Afrique J.A. vous propose un onze de légende, composé de purs vient de sortir, un mois avant le coup d’envoi artistes du ballon, comme Larbi Ben Barek, la Perle noire de la compétition, un hors-série de 132 pages, intégradu Maroc ; Abedi Pelé, véritable mythe vivant au Ghana ; lement consacré au Mondial sudDidier Drogba, l’Ivoirien de Chelafricain. Un numéro où se côtoient sea, meilleur buteur du championdes pointures. Du chef de l’État nat anglais, ou encore le Zambien de l’Afrique du Sud, « puissance Kalusha Bwalya, roi des Chipoloinvitante », Jacob Zuma, à Pape polos. Dans « Saga Africa », une Diouf, premier président africain séquence nostalgie, vous replongeAVEC: JACOB ZUMA DANNY JORDAAN 30 d’un club professionnel de l’élite rez dans ces moments inoubliables PAPE DIOUF pages SALIF KEITA européenne (Marseille en l’ocoù les équipes africaines ont surpris RABAH MADJER ROGER MILLA JUST FONTAINE currence), en passant par Danny leurs adversaires et enchanté le ABDELMAJID CHETALI Jordaan, le maître de cérémonie, monde entier. De l’épopée maroet Joseph Blatter, le président de caine au Mexique, en 1970, à la préla Fifa. Autres contributeurs de sence sénégalaise en quarts de finatalent : l’ancien Lion Indomptable le en 2002, en passant par l’exploit camerounais, Roger Milla, le Fende l’Algérie à Gijón en 1982 face à nec « talonneur » algérien Rabah l’Allemagne de l’Ouest, future finaMadjer, ou encore le Français Just liste de la compétition, mais aussi le Fontaine, détenteur depuis 1958 naufrage zaïrois, en 1974. du record de buts marqués en Parler de football n’exclut pas phase finale – record qu’il serait la réflexion. Les liens ténus entre « heureux de voir battu ». le sport roi et la politique, les gros Enquêtes, coulisses, portraits, sabots du marketing, l’intrusion r e p or t a g e s… I l y a , d a n s c e sonnante et trébuchante des droits Jeune Afrique spécial Mondial 2010, hors-série, tous les ingrédients télé, celle des inévitables bâtisseurs 132 pages, 5 euros, en vente en kiosques et sur laboutiquejeuneafrique.com qui vous font apprécier, chaque chinois et le coût de la grande fête semaine, votre hebdomadaire. sud-africaine sont, entre autres, les C’est une plongée dans le passé, mais aussi des intersujets d’analyse que propose le hors-série. Et pour vous faire rogations sur l’avenir. Les gloires d’hier évoquent les voyager à moindre coût (5 euros en France, 2 700 F CFA stars d’aujourd’hui. Des témoignages inédits vous feront dans la zone franc), ce numéro vous présente les neuf villes découvrir les secrets de la victoire de ce fameux 15 mai du pays de Nelson Mandela qui vont accueillir l’événement. 2004, le jour où le rêve s’est réalisé, quand Joseph BlatLe tout agrémenté d’un choix iconographique des plus juditer a annoncé, non sans émotion, au World Trade Center cieux. Amateurs de foot ou pas, à vos kiosques! ■ CHERIF OUAZANI de Zurich, en Suisse : « Ce sera l’Afrique du Sud ! » HISTOIRE JOSEPH S. BLATTER ENQUÊTE JOSE DÉBAT Les légendes Pourquoi l’Afrique « Po Où va le football Le ras-le-bol des mérite cette Coupe » maghrébin? méri entraîneurs africains du continent www.jeuneafrique.com
SPÉCIAL No 2
GUIDE PRATIQUE LES 32 ÉQUIPES À LA LOUPE
Spécial
Mondial 2010
France 5 € • Afrique du Sud 45,95 ZAR • Algérie 250 DA • Allemagne 5,50 € • Autriche 5,50 € • Belgique 5,50 € • Canada 7,50 $ CAN Danemark 55 DKK • DOM 5 € Espagne 5,50 € • Finlande 5,50 € • Italie 5,50 € • Maroc 30 DH • Mauritanie 1700 MRO • Norvège 65 NK Pays-Bas 5,50 € • Portugal cont. 5,50 € • Suisse 10 FS • Tunisie 6 DT • USA 7,50 $ US • Zone CFA 2700 F CFA • ISSN 1950-1285
10
LE RÊVE RÉALISÉ
12 JOSEPH S. BLATTER : « Ma mission n’est pas terminée »
16 LES SECRETS DE LA VICTOIRE
20 DANNY JORDAAN : « L’enjeu? Ériger une Afrique du Sud pour tous »
23 JACOB ZUMA : « Nous sommes prêts »
24 PORTFOLIO
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ONZE ARTISTES DE LÉGENDE 33
32 LA BELLE HISTOIRE
Abedi Pelé
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110 GUIDE DU MONDIAL
MAROC
LA PERLE NOIRE
« SI JE SUIS LE ROI DU FOOTBALL, alors Ben Barek en est le dieu. » Pour le Brésilien Pelé, qui prononça cette phrase, comme pour les spécialistes du football, le milieu offensif marocain Larbi Ben Barek fut l’un des meilleurs joueurs de tous les temps. Personne ne connaît sa date de naissance exacte. Selon les historiens, il l’aurait modifiée et serait né en 1914 et non en 1917 comme il l’affirmait. Il grandit dans un quartier modeste de Casablanca, et joue dès son enfance dans les terrains vagues de la ville. Après El Ouatane, un petit club de quartier où il restera deux ans, il intègre l’Idéal Club de Casablanca et se fait remarquer lors d’un match de la Coupe du Maroc, au cours duquel il marque deux buts contre le Raja Casablanca. Au milieu des années 1930, il est engagé par l’Union sportive marocaine, avec laquelle il gagne le championnat d’Afrique du Nord en 1937.
Repéré par la presse française, i l est rac heté pa r l’Oly mpique de Marseille (OM) en 1938 pour 44 000 francs de l’époque. Son style « brésilien », l’élégance de son jeu et ses dribbles virevoltants en font vite une vedette. De 1938 à 1954, il joue 17 fois en équipe de France, battant ainsi un record de longévité.
« VENDEZ LA TOUR EIFFEL, MAIS PAS LUI ! »
Penda nt la Seconde Guer re mondiale, Larbi Ben Barek rentre au Maroc et retrouve l’Union sportive marocaine. À son retour en France en 1945, il porte le maillot du Stade français sous la direction de l’Italien Helenio Herrera. En 1948, celui que l’on surnomme la Perle Noire est recruté par l’Atlético Madrid. Un journaliste aurait écrit alors: « Vendez l’arc de Triomphe, vendez la tour Eiffel, mais ne vendez pas Ben Barek ! » Il remporte deux fois le championnat d’Espagne en 1950 et 1951.
En 1953, Larbi retrouve Marseille et l’OM, avec lequel il disputera en mai 1954 la finale de la Coupe de France, perdue (2-1) contre Nice. En octobre de la même année, il joue pour la dernière fois en équipe de France lors d’un match amical contre l’Allemagne de l’Ouest (RFA). Il a plus de 37 ans, et il met un terme à sa carrière professionnelle quelques semaines plus tard. Adulé par son public en France, en Espagne et au Maroc, il a été aussi victime du racisme et confronté aux difficultés de l’intégration. En 1938, lors de son premier match en équipe de France, contre l’Italie, à Naples, il est violemment hué par le public italien. La fin de sa vie fut également douloureuse. Isolé, presque oublié par le monde du football, il meurt dans l’anonymat le 16 septembre 1992. Son corps ne sera découvert qu’une semaine après sa mort. ● LEÏLA SLIMANI
J E U N E A F R I Q U E • N U M É R O S P É C I A L CO U P E D U M O N D E 2010
PICHON/PRESSESPORTS
FRANCK FIFE/AFP
PRESSESPORTS
Larbi Ben Barek
Zurich (Suisse), 15 mai 2004. L’archevêque Desmond Tutu (à g.) et l’ancien président Nelson Mandela après l’annonce par Joseph S. Blatter, le président de la Fifa, de l’attribution de l’organisation du Mondial 2010 à l’Afrique du Sud.
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23 ANS, NIGERIA
27 ANS, ALGÉRIE
La sélection de rêve de « Jeune Afrique » LECOQ/PRESSESPORTS
C’EST PEUT-ÊTRE LA PLUS BELLE des victoires du Ghanéen, même si elle n’est matérialisée par aucun trophée : avoir été à la hauteur du mythe. S’être montré digne de ce surnom de Pelé dont il avait été affublé par ses copains des rues d’Accra. Abedi Ayew, dit Abedi Pelé, né en 1962, à Dome, aurait pu, s’il avait écouté les conseils de son père éleveur, ne jamais devenir professionnel. Mais ce spécialiste des dribbles chaloupés, ce bourreau des défenses, doté d’une stupéfiante vision du jeu et capable d’accélérations sidérantes, est aussi un entêté. Sociétaire du Real Tamale United, il intègre, à seulement 20 ans, le Black Star et participe comme remplaçant à la conquête du dernier titre continental de la sélection ghanéenne, en 1982. Sa carrière est lancée. D’abord en dents de scie, elle le mène au Qatar, en Suisse et au Bénin. En 1986, il se fixe finalement en France, à Niort, puis à Lille, avant d’exploser à l’Olympique de Marseille, avec lequel il remporte trois titres de champion de France et participe aux grandes campagnes européennes de l’ère Tapie. Vainqueur de la Ligue des champions 1993 – grâce à une passe décisive sur corner pour Basile Boli –, il connaît moins de réussite avec sa sélection nationale, dont il est le leader emblématique. Il échoue en finale de la CAN en 1992, et regrettera toujours de n’avoir pu disputer une phase finale de Coupe du monde. Le triple Ballon d’or africain (1991, 1992, 1993) raccroche les crampons en 2000 après deux saisons dans le Calcio au Torino, deux autres en Bundesliga (Munich 1860) et un dernier SAMY GHORBAL contrat à Abou Dhabi. ●
JOHN OBI MIKEL
NADIR BELHADJ
GHANA
DIGNE DU MYTHE
Rabah Madjer
ALGÉRIE
UN GESTE D’ANTHOLOGIE SON NOM RESTERA à jamais associé à un geste technique : c’est un privilège rare pour un footballeur. Vienne, stade du Prater, le 28 mai 1987, finale de la Coupe d’Europe des clubs champions : le FC Porto, dans la peau de l’outsider, défie le grand Bayern Munich. Rabah Madjer gagne le match à lui tout seul. Une passe décisive, et surtout un but d’anthologie, une talonnade, qui assurent la victoire 2-1 pour le club portugais. Le geste de l’international algérien fait le tour du monde. Il devient immédiatement une « Madjer ». Cette inspiration magique marque le sommet d’une riche carrière commencée à la fin des années 1970, du côté du Nasr athlétique de Hussein Dey. Ailier véloce et élégant, Rabah Madjer, né en décembre 1958 à Alger, a à peu près tout gagné, en club comme en sélection. Même si la reconnaissance, en Europe, lui est venue sur le tard. La faute à un passage raté au Racing Club de Paris entre 1984 et 1986. Vedette de la grande équipe d’Algérie avec Lakhdar Belloumi, il avait créé la sensation à Gijón, pendant la Coupe du monde 1982, en ouvrant le score contre l’Allemagne de l’Ouest, participant ainsi à un des plus retentissants exploits des footballeurs africains (victoire 2-1). Un exploit mal récompensé, du reste, l’Algérie ayant finalement été éliminée au terme d’un match sur lequel pèsent des soupçons de trucage entre ces mêmes Allemands et les Autrichiens. Madjer a fini sa carrière à Porto en 1991, un an après avoir décroché avec l’équipe nationale, brassard de capitaine au bras, sur ses terres et devant son public, le Graal continental : la Coupe d’Afrique des nations. ● S.GHO.
Imaginer poste par poste la sélection idéale des 23 meilleurs joueurs africains (avec trois gardiens de but) parmi plusieurs dizaines de ESSAM EL-HADARY noms, qu’ils soient qualifiés 37 ANS, ÉGYPTE ou non pour la Coupe du Le gardien monde 2010 : c’est le défi d’Ismaily est devenu lancé par jeuneafrique.com, cet hiver que ses internautes fans de champion d’Afrique football ont parfaitement pour la troirelevé. Grâce à leur travail, sième fois consécution peut former deux belles GARDIEN ve avec les Ismaily SC équipes. Celle des titulaires, Pharaons. El-Hadary, conduite par l’Ivoirien Didier qui est considéré comme Drogba et le Camerounais le meilleur gardien du continent, n’aura effectué Samuel Eto’o, et celle des qu’un bref séjour en Europe, dans le club suisse de remplaçants, qui a aussi Sion (2008-2009). Cette fière allure, emmenée par le saison, il est en course pour une qualification en Togolais Emmanuel Adebayor Coupe de la CAF avec son et le Marocain Marouane club. Chamakh. Ces deux peuvent REMPLAÇANTS : se consoler ainsi de n’avoir FAWZI CHAOUCHI pu se qualifier pour cette 19e | Algérie | ES Sétif Coupe du monde, la première RICHARD KINGSON sur le sol africain. Si vous | Ghana | Wigan Athletic n’êtes pas d’accord avec ces choix, vous pouvez toujours voter pour vos favoris sur www.jeuneafrique.com/concours/enquete-africa-all-stars
Heureux en sélection, malheureux en club. Si tout va bien avec l’Algérie – même s’il s’est fait remarquer en se faisant expulser face à l’Égypte (0-4) en demi-finale de la CAN –, Belhadj vit une saison noire avec son club de Portsmouth, criblé de dettes et dernier relégable de la Premier League. Où il joue peu…
Grand et puissant, le jeune Nigérian n’est pas un titulaire indiscutable aux yeux de Carlo Ancelotti, son entraîneur à Chelsea, où la concurrence est impitoyable. Lars Lagerbäck, le nouveau sélectionneur du Nigeria devrait en revanche beaucoup s’appuyer sur lui en Afrique du Sud, en en faisant le meneur de son milieu de terrain.
REMPLAÇANT :
REMPLAÇANT :
MILIEU Chelsea
DÉFENSEUR Portsmouth
SULLEY MUNTARI | Ghana | Inter Milan
EMMANUEL MBOLA | Zambie | Pyunik Erevan
SAMUEL ETO’O
29 ANS, CAMEROUN
SEYDOU KEITA
JOHN MENSAH
30 ANS, MALI
27 ANS, GHANA
Blessé, le défenseur de Sunderland n’a pas participé à la CAN 2010. L’ancien joueur de Rennes et Lyon n’a pas beaucoup DÉFENSEUR joué avec son club cette Sunderland saison. Puissant et fragile à la fois, John Mensah disputera en Afrique du Sud sa deuxième phase finale de Coupe du monde.
De plus en plus souvent titulaire à Barcelone, le Malien pourrait prolonger son séjour dans le club catalan. Guardiola apprécie ce joueur discret et travailleur. Avec le Mali d’Alain Giresse, Keita va tenter de faire oublier une CAN 2010 achevée dès le premier tour en se qualifiant pour l’édition 2012.
REMPLAÇANT :
REMPLAÇANT :
WAEL GOMAA | Égypte | Al-Ahly
AHMED HASSAN | Égypte | Al-Ahly
MILIEU FC Barcelone
EMMANUEL EBOUÉ | Côte d’Ivoire | Arsenal
MAROUANE CHAMAKH | Maroc | Bordeaux
27 ANS, CÔTE D’IVOIRE
27 ANS, ALGÉRIE
REMPLAÇANT :
REMPLAÇANT :
YAYA TOURÉ
MADJID BOUGHERRA Bougherra est en train de vivre sa plus belle saison de footballeur. Qualifié pour la Coupe du monde et quatrième de la CAN, DÉFENSEUR l’Algérien est devenu pour Glasgow Rangers la deuxième année consécutive champion d’Écosse avec les Glasgow Rangers. Il a également été élu meilleur joueur algérien en 2009 et Rabah Saadane a fait de lui un des patrons de sa sélection.
En passant de Barcelone à L’Inter Milan, Eto’o a amélioré son pouvoir d’achat, mais ses statistiques sont en baisse. Le Camerounais joue ATTAQUANT dans un système nettement Inter Milan moins offensif qu’en Espagne, et cela se ressent. Avec sa sélection, Eto’o disputera sa troisième phase finale de Coupe du monde en Afrique du Sud. Et il n’a jamais dépassé le premier tour…
En 2009, Yaya Touré a tout remporté avec le FC Barcelone, le meilleur club du monde. Joueur important du système Guardiola en CaMILIEU talogne, le milieu de terrain FC Barcelone ivoirien espère conquérir d’autres titres cette saison. Afin d’oublier une CAN décevante et mieux préparer une Coupe du monde où la Côte d’Ivoire aura beaucoup à se faire pardonner.
DIDIER DROGBA
32 ANS, CÔTE D’IVOIRE
REMPLAÇANT :
En vieillissant, l’Ivoirien semble se bonifier. Actuel deuxième meilleur buteur de la Premier League, il peut devenir champion d’Angleterre ATTAQUANT cette saison avec Chelsea. Chelsea Son nom circule du côté du Milan AC, qui souhaite le faire venir depuis quatre ans. Mais en sélection, la réalité est moins idyllique, après une CAN ratée.
ALEXANDRE SONG | Cameroun | Arsenal
REMPLAÇANT : EMMANUEL ADEBAYOR | Togo | Manchester City
MICHAEL BASSIR
MICHAEL ESSIEN
25 ANS, MAROC
Le Maroc ne s’est qualifié ni pour la CAN ni pour la Coupe du monde. Et avec son club, Michael Bassir a vécu une saison contrastée. Titulaire indiscutable, l’international marocain a souvent été perturbé par des blessures. Mais Éric Gerets, le nouveau sélectionneur des Lions de l’Atlas comptera sans doute beaucoup sur lui. DÉFENSEUR Nancy
REMPLAÇANT : SAMUEL INKOOM | Ghana | FC Bâle J E U N E A F R I Q U E • N U M É R O S P É C I A L CO U P E D U M O N D E 2010
27 ANS, GHANA
À l’heure qu’il est, personne n’est capable de dire si le milieu de terrain ghanéen pourra disputer la Coupe du monde. Blessé depuis le mois de décembre au genou, Essien n’a quasiment pas joué depuis. Lui-même s’avoue pessimiste. Son absence serait un coup dur pour le Ghana. MILIEU Chelsea
PHOTOS : ICON SPORT/REUTERS/AFP
REMPLAÇANT : KARIM ZIANI | Algérie | VfL Wolfsburg J E U N E A F R I Q U E • N U M É R O S P É C I A L CO U P E D U M O N D E 2010
Parmi les ingrédients de ce numéro: photos historiques, comme celle de Nelson Mandela, à Zurich, en 2004, lors de la cérémonie d’attribution du Mondial; portraits des stars du continent d’hier et d’aujourd’hui; sélection africaine de rêve… J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
VOUS & NOUS 103
VOTR E J O UR N AL
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Mondial 2010 : bienvenue en Afrique du Sud
nfin une Coupe du monde de football organiOutre un guide pratique de 30 pages où sont passées sée sur le continent. À événement historique au crible les 32 équipes engagées dans la compétition, parution exceptionnelle. En effet, Jeune Afrique J.A. vous propose un onze de légende, composé de purs vient de sortir, un mois avant le coup d’envoi artistes du ballon, comme Larbi Ben Barek, la Perle noire de la compétition, un hors-série de 132 pages, intégradu Maroc ; Abedi Pelé, véritable mythe vivant au Ghana ; lement consacré au Mondial sudDidier Drogba, l’Ivoirien de Chelafricain. Un numéro où se côtoient sea, meilleur buteur du championdes pointures. Du chef de l’État nat anglais, ou encore le Zambien de l’Afrique du Sud, « puissance Kalusha Bwalya, roi des Chipoloinvitante », Jacob Zuma, à Pape polos. Dans « Saga Africa », une Diouf, premier président africain séquence nostalgie, vous replongeAVEC: JACOB ZUMA DANNY JORDAAN 30 d’un club professionnel de l’élite rez dans ces moments inoubliables PAPE DIOUF pages SALIF KEITA européenne (Marseille en l’ocoù les équipes africaines ont surpris RABAH MADJER ROGER MILLA JUST FONTAINE currence), en passant par Danny leurs adversaires et enchanté le ABDELMAJID CHETALI Jordaan, le maître de cérémonie, monde entier. De l’épopée maroet Joseph Blatter, le président de caine au Mexique, en 1970, à la préla Fifa. Autres contributeurs de sence sénégalaise en quarts de finatalent : l’ancien Lion Indomptable le en 2002, en passant par l’exploit camerounais, Roger Milla, le Fende l’Algérie à Gijón en 1982 face à nec « talonneur » algérien Rabah l’Allemagne de l’Ouest, future finaMadjer, ou encore le Français Just liste de la compétition, mais aussi le Fontaine, détenteur depuis 1958 naufrage zaïrois, en 1974. du record de buts marqués en Parler de football n’exclut pas phase finale – record qu’il serait la réflexion. Les liens ténus entre « heureux de voir battu ». le sport roi et la politique, les gros Enquêtes, coulisses, portraits, sabots du marketing, l’intrusion r e p or t a g e s… I l y a , d a n s c e sonnante et trébuchante des droits Jeune Afrique spécial Mondial 2010, hors-série, tous les ingrédients télé, celle des inévitables bâtisseurs 132 pages, 5 euros, en vente en kiosques et sur laboutiquejeuneafrique.com qui vous font apprécier, chaque chinois et le coût de la grande fête semaine, votre hebdomadaire. sud-africaine sont, entre autres, les C’est une plongée dans le passé, mais aussi des intersujets d’analyse que propose le hors-série. Et pour vous faire rogations sur l’avenir. Les gloires d’hier évoquent les voyager à moindre coût (5 euros en France, 2 700 F CFA stars d’aujourd’hui. Des témoignages inédits vous feront dans la zone franc), ce numéro vous présente les neuf villes découvrir les secrets de la victoire de ce fameux 15 mai du pays de Nelson Mandela qui vont accueillir l’événement. 2004, le jour où le rêve s’est réalisé, quand Joseph BlatLe tout agrémenté d’un choix iconographique des plus juditer a annoncé, non sans émotion, au World Trade Center cieux. Amateurs de foot ou pas, à vos kiosques! ■ CHERIF OUAZANI de Zurich, en Suisse : « Ce sera l’Afrique du Sud ! » HISTOIRE JOSEPH S. BLATTER ENQUÊTE JOSE DÉBAT Les légendes Pourquoi l’Afrique « Po Où va le football Le ras-le-bol des mérite cette Coupe » maghrébin? méri entraîneurs africains du continent www.jeuneafrique.com
SPÉCIAL No 2
GUIDE PRATIQUE LES 32 ÉQUIPES À LA LOUPE
Spécial
Mondial 2010
France 5 € • Afrique du Sud 45,95 ZAR • Algérie 250 DA • Allemagne 5,50 € • Autriche 5,50 € • Belgique 5,50 € • Canada 7,50 $ CAN Danemark 55 DKK • DOM 5 € Espagne 5,50 € • Finlande 5,50 € • Italie 5,50 € • Maroc 30 DH • Mauritanie 1700 MRO • Norvège 65 NK Pays-Bas 5,50 € • Portugal cont. 5,50 € • Suisse 10 FS • Tunisie 6 DT • USA 7,50 $ US • Zone CFA 2700 F CFA • ISSN 1950-1285
Parmi les ingrédients de ce numéro: photos historiques, comme celle de Nelson Mandela, à Zurich, en 2004, lors de la cérémonie d’attribution du Mondial; portraits des stars du continent d’hier et d’aujourd’hui; sélection africaine de rêve… J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
104 VOUS & NOUS
COURRIER DES LECTEURS
Des enseignements après la mort de YarʼAdua
■ Lorsqu’on écoute les commentaires après la disparition de l’ancien président du Nigeria Umaru Yar’Adua, c’est à l’unanimité qu’on parle de son intégrité à la tête de l’État et de ses efforts pour trouver un terrain d’entente avec les rebelles du Delta du Niger. Mais personne ne mentionne son attachement au pouvoir malgré son état de santé préoccupant. Comment concevoir qu’il ait voulu s’accrocher au pouvoir tout en sachant qu’il se battait contre la mort ? Était-ce du patriotisme ? Nos présidents africains sont conscients de la stabilité précaire (ou mieux, de l’instabilité politique) de nos pays, comme l’illustrent fort bien les coups d’État
Hospitalité tunisienne
■ Je comprends parfaitement que Nadjib Bouaita soit particulièrement remonté contre les Tunisiens qui reçoivent les touristes algériens avec « haine, mépris et arrogance » (J.A. no 2570). Je voudrais le rassurer : même les Tunisiens sont souvent mal reçus dans les établissements hôteliers et touristiques du pays, et ils ont des relations difficiles avec les personnels de ce secteur. Le Tunisien trouve en effet indigne et dégradant le fait de servir son compatriote (porter son bagage, le servir…). Ce complexe maladif se manifeste parfois à travers des comportements hautains et désagréables. Mais nous faisons avec. Nadjib Bouaita dit aussi que le touriste occidental est accueilli « en grande pompe et avec des courbettes ». Il a raison et c’est facile à comprendre : c’est notre sentiment d’infériorité envers les riches et prospères Blancs du Nord. En plus, du touriste occidental on peut toujours espérer un généreux pourboire, une promesse de carte de séjour en Europe ou… une faveur sexuelle ! HÉDI AMARA, SAHLINE, TUNISIE
AFOLABI SOTUNDE/REUTERS
Lʼaxe Chine-Afrique
■ Près de soixante ans après l’indépendance d’une grande partie des pays africains, ce n’est plus vers l’Europe que l’Afrique se tourne, mais vers la Chine… La Chine affiche clairement sa soif de ressources minières et son intention de se les procurer en échange d’infrastructures que les pays africains ne peuvent s’offrir. Mais les anciens colonisateurs ne voient pas les choses de la sorte. Pour eux, c’est une sorte de razzia au grand jour. Ils se soucient tout d’un coup du sort des Africains et demandent même des comptes aux dirigeants ayant signé des accords avec les Chinois. Évidemment, ce n’est pas pour les beaux yeux des Africains que les Occidentaux décrivent la Chine comme un forban qui pille les ressources de l’Afrique. Il ne s’agit pas, ici, de défendre Pékin contre les critiques occidentales. Mais c’est aux Africains, et à eux seuls, de juger. LINDA BCHIR, CARTHAGE, TUNISIE
L’ancien président du Nigeria, Umaru Yar’Adua, à Abuja en 2007.
à répétition. Ils devraient se retirer lorsque les lois de la nature ne sont plus en leur faveur… Il est d’ailleurs très surprenant de constater que le Nigeria, huitième exportateur de pétrole, avec une population de près de 150 millions d’habitants, n’ait pas de structure médicale de qualité, au point que Yar’Adua fut, plus d’une fois, évacué à l’étranger. ÉRIC NANA, COURRIEL
Autour du ballon rond
■ L’article d’Abdelaziz Barrouhi intitulé « Tunisie, quand le foot rend fou » (J.A. no 2572-2573) est pertinent. Il y a quelques années, les matchs se disputaient exclusivement le dimanche, jour de repos hebdomadaire, et les jours fériés. Aujourd’hui, ils se jouent invariablement les dimanches ou les autres jours de la semaine, c’est-à-dire quand la population travaille. Si un match important passe à la télévision, les cafés sont combles, les rues se vident, le trafic automobile devient fluide, pendant que les services administratifs sont désertés. Après une rencontre perdue, on s’attend toujours, la main sur le cœur, à un remake de Peur sur la ville : concert de klaxons, actes de vandalisme… La démission de certaines familles dans la transmission des bonnes manières aux enfants, la faiblesse de l’éducation religieuse et civique (1 heure par semaine et coefficient négligeable), le sentiment que les études sont inutiles, la perte de confiance en l’avenir et l’appartenance à un groupe de supporteurs zélés favorisent la délinquance juvénile et métamorphosent ces jeunes en bandes de vandales. DOLÈDE FANTAR, TURKI, TUNISIE
Démocratie : lʼexemple malien
■ Dans son « Ce que je crois » consacré à la démocratie (J.A. no 2571), Béchir Ben Yahmed s’interroge : pourquoi celle-ci fonctionne assez bien au Sénégal, au Bénin, en Afrique du Sud, comme en Inde, « quatre pays où, facteurs éminemment défavorables, le revenu par habitant est très bas tandis que le taux d’analphabétisme est élevé ». Je voudrais néanmoins attirer son attention sur le fait que le cas malien est un cas d’école en Afrique J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
de l’Ouest, voire dans toute l’Afrique. La démocratie s’est instaurée au Mali à la suite d’un soulèvement populaire suivi d’un coup d’État militaire, en 1991. Pour une des rares fois en Afrique, les putschistes rejoignent les forces démocratiques et ils forment ensemble le Comité de transition pour le salut public (CTSP), organisent la Conférence nationale et des élections (auxquelles aucun membre du CTSP n’est candidat). Depuis 1992, la pratique démocratique est devenue une réalité, avec une opposition forte. L’actuel président, indépendant, a installé durant son premier quinquennat ce qu’on appelle la gestion consensuelle du pouvoir à la malienne. Récemment, il a exprimé son intention de réviser les textes fondamentaux, vieux d’une vingtaine d’années. Et il a refusé de faire sauter le verrou constitutionnel (l’article 30) qui limite le mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une fois. ALFOUSSEINY SIDIBÉ, BAMAKO, MALI
POUR TOUT SAVOIR SUR L’ÉVOLUTION DU CONTINENT
Un mécène controversé
■ Je me permets de vous signifier mon grand étonnement face à l’éloge de M. Jean-Paul BarbierMueller paru dans J.A. no 2568 sous la plume de Nicolas Michel. L’auteur ignore manifestement les polémiques que suscitent depuis plusieurs années les collections de M. Barbier-Mueller, et tout particulièrement celles engendrées à l’occasion de sa dernière exposition « Terres cuites africaines ». Elle a provoqué partout de nombreuses réactions de scientifiques. ÉRIC HUYSECOM, PROFESSEUR DʼARCHÉOLOGIE, UNIVERSITÉS DE GENÈVE ET DE BAMAKO Réponse : L’article sur la fondation Barbier-Mueller ne visait en aucun cas à faire l’éloge de son directeur, mais à informer notre lectorat d’une initiative à visée scientifique qui, en soi, ne m’apparaît pas scandaleuse. Je n’ignore pas les très nombreuses polémiques concernant les musées occidentaux dans leur ensemble et le problème du pillage (voir J.A. no 2512 et p. 96 de ce numéro, dossier disponible sur le site jeuneafrique.com). Par ailleurs, si vous, la justice ou quiconque m’apportiez la preuve flagrante que M. Barbier-Mueller est directement à l’origine d’un vol d’œuvre d’art commis sur le continent africain, je me ferais un devoir de le signaler. ■ NICOLAS MICHEL
PRÉCISION
Dans le dernier numéro de Jeune Afrique (2575), Christophe Boisbouvier affirme que les Japonais seraient prêts à payer 40 millions de dollars de loyer annuel afin de disposer d’une base à Djibouti. Il s’agit d’une confusion, car ce chiffre concerne non pas le bail, mais la construction de ladite base. AHMED ARAITA ALI, AMBASSADEUR DE DJIBOUTI AU JAPON J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 7 5 • D U 16 A U 2 2 M A I 2 0 10
EXCLUSIF Une radioscopie politique, diplomatique et socio-économique des 53 pays africains. EXHAUSTIF Un tour d’horizon complet des temps forts de l’actualité, des personnalités et des tendances qui rythment la vie du continent. INDISPENSABLE 172 pages d’analyses, de reportages et de perspectives pour saisir les mutations politiques, économiques et sociales de l’Afrique.
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POST-SCRIPTUM
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL
P O L I T I Q U E , É C O N O M I E , C U LT U R E Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (50 e année)
Édité par SIFIJA
L’islam au karcher MAINTENANT QUE LES ÉLECTIONS régionales sont loin derrière nous et que le débat sur l’identité nationale s’est calmé, je ne vais pas faire le bilan des dommages collatéraux que les musulmans de France ont subis. Je veux juste les édifier sur ce que dame République pourrait leur deFAWZIA mander à l’avenir. ZOUARI « Ni foulard ni burqa », c’est le mot de passe dont vous devrez vous servir, beurettes chéries, pour frapper à ma porte. La main de Fatma ? Idem. Le henné ? À la rigueur. Faut pas rechigner à se faire tâter par un homme, non plus, qu’il soit policier ou médecin. Et préparez-vous à passer aux scanners corporels qui débarqueront bientôt dans mes aéroports. Je me marre déjà à l’idée de vous voir nues. Pour vous les garçons, la barbe est déconseillée, comme les djellabas et les boubous. Sinon, aucune chance de trouver un emploi, ça parasite le paysage républicain, et ça rappelle les talibans. Mettez vos casquettes à l’endroit, tout comme la langue de mon Molière, et ne sortez pas le soir si vous avez moins de 13 ans, le couvre-feu est déjà en vigueur dans certaines de mes régions. Pour ce qui est de votre Coran, va falloir tailler dedans. J’expurgerai les sourates qui choquent mes bons citoyens. Vous n’avez qu’à garder les théories sur la foi, ou les histoires de la Vierge Marie, quoique – comme vous ne reconnaissez pas la divinité de Jésus – il ne soit pas sûr que je garde ces passages. Je vous laisse les versets sur le pèlerinage, ça se passe loin de chez moi, mais je garderai le détail sur les ablutions, ça peut renflouer les caisses de mes compagnies des eaux. À ce propos, s’il vous plaît, vous avez déjà assez de caves et de parkings, alors ne m’embêtez plus avec vos revendications sur les lieux de culte. Les Alsaciens ont tout compris, qui vous demandent fermement de ne pas élever de croissant à proximité de la croix, ça fait fuir les cigognes. Rayon halal, pas mieux ! Il est évident qu’un Quick qui ne sert que du non-halal ne discrimine personne, mais s’il y en a un qui ne sert que du halal, il pratique la discrimination. Vous suivez ? Quant à vous, petites têtes brunes, ne vous avisez pas d’aller aux cours avec quelque slogan que ce soit, surtout pas un « Palestine » sur vos tee-shirts. On n’est pas à Gaza, ici ! Ah ! oui, demain, si vous continuez à baragouiner cet idiome que je ne comprends pas, je songerai à vous interdire de parler l’arabe dans la rue. Il se peut même que je propose de vous construire des HLM à part, voire, comme le suggère la maire de Milan, vous faire voyager dans les bus séparés de la population de souche. Voyons… Que puis-je encore exiger ? Vous ne pouvez pas savoir comme ça me change des problèmes de chômage et de retraite ! Faut que je réfléchisse. Mais ne croyez pas que je suis en panne. L’islam, c’est le bas de laine de mes laïcs zélés et de mes islamophobes en herbe. Mais, non ! Ne pleurez pas, je ne voulais pas vous faire peur ! ■
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RFI installe son studio sur la Croisette Pavillon Les Cinémas du Monde.
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OUTSOURCING
BUILDING A NEW BANGALORE Africa is proving an attractive destination for business process outsourcing but it has a long way to go to provide end-to-end services for cost-conscious multinational corporations
GEMMA WARE
V
i sit a do c tor in Australia and she could send the notes ove r n ig ht to be typed in Durban or Johannesburg. Buy a property in Hong Kong or Brussels with law firm Lovells and they will send the paperwork to be drawn up in Cape Town. African countries marketing themselves as outsourcing destinations would salivate at this kind of high-end knowledgeprocessing opportunity. It marks South Africa’s efforts to climb the business-process outsourcing (BPO) ladder. Market intelligence company IDC estimates that the global BPO market will be worth $168bn by 2012. Offshoring is a fiercely competitive business and Africa is
a pretender to the established reign of countries like India, China and Malaysia. W hile Accra and Nairobi are a long way from becoming the next Bangalore or Manila, Africa is proving an attractive alternative for companies looking to minimise costs by moving back-office operations to low-cost countries. High-speed cables bringing fast broadband combined with good language skills and a focus on outsourcing as a career rather than a stop-gap job are strengthening the BPO sector in Africa. Egypt, Ghana and Tunisia are climbing up global rankings of the best destination for offshoring services (see table, page 70). In a sector where the bottom line is the priority, lowering costs is a key consideration for companies looking to set up their own
An ABSA bank call centre in Johannesburg, South Africa
CHRIS KIRCHHOFF/MEDIACLUBSOUTHAFRICA.COM
BUSINESS
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