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KADDAFI DERNIÈRES HEURES D’UN CONDAMNÉ N° 2629 • du 29 mai au 4 juin 2011

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT NT • 51e a année nnée nn ée •

jeuneafrique.com

RD CONGO L’OPPOSITION EN DÉSORDRE DE BATAILLE DOSSIER FINANCE APRÈS LES CRISES POLITIQUES, L’HEURE DES COMPTES COMPTES Spécial Spéci al 16 pages

ALASSANE OUATTARA

« Je ne dois rien à personne, sauf aux Ivoiriens » Gbagbo, Sarkozy, Bédié, Soro, armée, CPI, réconciliation, reconstruction… La première grande interview du chef de l’État, investi le 21 mai.

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 28 MAI

Le bon choix

A

TTENTION À CE MOIS DE JUIN qui s’annonce : bombardements euro-américains et à l’hostilité générale, il sera aussi chargé et mouvementé que l’ont ils auront tout de même tenu quatre mois. Autant qu’hier, en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. été les cinq premiers mois de cette mémorable Dans les deux cas, l’entêtement d’un homme et de ses année 2011. Jecited’abord(pourmémoire)lacomparutiondeDominique affidés, leur volonté de s’accrocher au pouvoir coûte que Strauss-Kahn à l’audience judiciaire du 6 juin, à New York, coûte auront provoqué des milliers de morts et de lourdes dans l’affaire qui l’oppose à Nafissatou Diallo. Ce jour-là déjà, destructions, sans autre avantage pour eux que de retarder et les suivants, nous en saurons un peu ou beaucoup plus sur de quelques semaines leur inévitable chute. Et de la rendre l’histoire scabreuse qui accable l’ancien directeur général du plus dure. Fonds monétaire international (FMI). ■ La victime africaine (présumée) de cet imbroglio et les Qu’il intervienne au cours de ce mois, comme je le pense, ou prolongements qui en résultent lui donnent pour nous un unpeuplustard,ledénouementlibyennousconduira,comme supplément d’intérêt. Attendons-nous à des surprises. plus généralement le « printemps arabe » et la dévolution du ■ pouvoir en Côte d’Ivoire, à nous interroger à nouveau : Très sollicité en cette période de crise économique et • sur l’attitude et le comportement des Euro-Américains financière, le FMI, lui, doit se doter, au cours de ce même à notre égard ; mois de juin, d’un nouveau directeur général en remplace• sur le rôle joué par l’Union africaine (UA), ses présidents ment de DSK. Les pays émergents ne s’étant pas entendus en exercice et le président de sa Commission. sur un candidat et la Chine n’ayant pas pris position pour Je commence par l’UA, car son attitude, décalée, voire un changement, on optera probablement pour la conti- déphasée, me paraît préoccupante. nuité : l’Europe ayant adoubé la candidate présentée par la ■ France – Christine Lagarde –, il suffira que les États-Unis et le Elle ne s’est en tout cas pas manifestée à temps ni avec Japon lui donnent leurs voix pour qu’elle soit désignée (voir suffisamment de force pour applaudir au « printemps arabe » graphique ci-dessous). lorsqu’il a éclos en Tunisie et en Égypte. A-t-elle seulement Pour un mandat plein de cinq ans? Ou bien seulement pour félicité les deux pays lorsqu’ils se sont libérés de leurs dictareprendre, jusqu’en novembre 2012, teurs respectifs ? Si elle l’a fait, c’est celui, interrompu, de Dominique à voix si basse que nous ne l’avons RÉPARTITION DES VOIX AU SEIN Strauss-Kahn ? pas entendue. DU FMI (au 2 mars 2011,en %) Christine Lagarde est avocate, Sur la Libye, elle réédite les ater100 pas économiste. Mais ses qualités moiements et les erreurs qu’elle a Autres pays en développement personnelles, son expérience et son commises en Côte d’Ivoire, où sa Autres pays bilinguisme en font un bon « dernier position a été ambiguë : jusqu’au 80 asiatiques en candidat européen » pour ce poste. bout, ou presque, et même lorsqu’elle développement Aux pays émergents de se préparer a fini par dire que le président élu Inde 60 Chine pour que l’un de leurs ressortissants était bien Alassane Ouattara, elle s’est lui succède dans dix-huit mois ou abstenue de nommer l’usurpateur et Autres pays industrialisés dans cinq ans… s’est gardée de le condamner. 40 ■ Son président en exercice et le préUnion européenne Plus attendu – je pense qu’il devrait sident de sa Commission ont assisté, 20 intervenir, lui aussi, d’ici à la fin juin – le 21 mai, à Yamoussoukro, à l’inÉtats-Unis est le départ du pouvoir de Kaddafi vestiture du président élu, Alassane et de sa clique. Face à l’insurrection Ouattara. Mais ont-ils vraiment Source : FMI 0 révolutionnaire des Libyens, aux contribué à ce que cet événement ait JEUNE AFRIQUE

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Ce que je crois

lieu? Qu’ont-ils fait pour le hâter et pour éviter à la Côte d’Ivoire de sombrer dans la guerre civile ? Pas grand-chose. Et qu’on ne me dise pas que la situation commandait la prudence, imposant la ligne qui a été suivie. Les hommes et leur tempérament comptent, comme vous et moi le savons: imaginons que le président de la Commission fût encore Alpha Oumar Konaré et non pas Jean Ping. Qui pense sérieusement qu’il aurait laissé courir ? Il n’aurait certainement pas accepté, lui, que l’UA fasse montre d’autant de compréhension à l’égard d’un Gbagbo foulant aux pieds la démocratie et, sur sa lancée, d’un Kaddafi exterminant son peuple. ■ Venons-en aux Euro-Américains et à leur comportement actuel à notre égard. Je sais pertinemment que les Européens nous ont colonisés durement et avec bonne conscience. Je n’ignore pas que, dans un passé récent, Américains et Européens ont soutenu sans états d’âme nos pires dictateurs : Batista, Trujillo, Duvalier, Amin Dada, Mobutu, Reza Pahlavi, etc. Je n’ai pas oublié qu’ils se sont servis de Saddam Hussein et d’Oussama Ben Laden avant de les liquider, qu’ils ont courtisé Kaddafi pour son argent, que, pendant des décennies, le régime de l’apartheid leur est apparu comme un partenaire fréquentable, qu’ils ne juraient, il y a encore peu, que par Moubarak, Ben Ali, Assad, et que, aujourd’hui même, ils se gardent de faire le moindre reproche aux dirigeants rétrogrades de l’Arabie saoudite. Mais il se trouve qu’au début de cette année, tardivement,

ils ont compris qu’il était de leur intérêt de changer leur fusil d’épaule. L’évolution de nos pays vers la démocratie leur est apparue comme une nouvelle donnée sur laquelle il était bon (pour eux) de miser. Ils se sont mis à l’encourager, ont promis de la soutenir. Et l’ont fait, y compris militairement et financièrement. Au nom de quel principe ferions-nous la fine bouche et refuserions-nous cette aide ? Notre intérêt bien compris est, au contraire, d’encourager les Euro-Américains à persévérer dans cette voie. Montronsleur qu’en mettant leurs actes en conformité avec les valeurs qu’ils défendent, en se plaçant du côté des peuples et de leurs jeunesses, ils font le bon choix. Ce n’est pas aux Euro-Américains, parce que leur passé est critiquable, que nous devons faire des remontrances. Eux ont changé: prenons-en acte et faisons en sorte qu’ils s’enracinent dans la voie nouvelle qu’ils ont choisi d’emprunter. ■ En revanche, les Russes et les Chinois font comme s’il n’y avait ni « printemps arabe » ni démocratie africaine : à eux nous devons dire, discrètement mais fermement, de cesser de sourire à nos dictateurs et de ne plus leur faire la courte échelle. Je ne parviens pas à comprendre que des intellectuels africains, aussi nombreux que sincères, absolvent les dirigeants russes et chinois, bien qu’ils persévèrent dans leur soutien à nos dictateurs, pour concentrer leurs critiques sur les EuroAméricains, ignorant superbement que ces derniers se sont mués en supporteurs actifs de nos jeunes démocraties. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð L’honorabilité n’est que la réussite sociale de l’hypocrisie. Hervé Bazin Ð Celui qui ne se sent pas offensé par l’offense faite à d’autres hommes, celui qui ne ressent pas sur sa joue la brûlure du soufflet appliqué sur une autre joue, quelle qu’en soit la couleur, n’est pas digne du nom d’homme. José Martí

Ð Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi. François Mitterrand Ð Mieux vaut monter son âne que de se faire désarçonner par un cheval fougueux. Proverbe africain

Ð L’argent des uns n’a jamais fait le bonheur des autres. Jean Yanne

Ð Des imprudentes ont même envoyé paître leur soutien-gorge, en oubliant que les seins aussi obéissent à la pesanteur. Paul Guth

Ð L’homme de qualité exige tout de soi. C’est un souverain. L’homme sans qualité exige tout des autres. C’est un despote. Louis Pauwels

Ð La vie est une grande surprise. Pourquoi la mort n’en serait pas une plus grande ? Vladimir Nabokov

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Ð À la télévision, la seule possibilité à la disposition de l’usager est de zapper d’une chaîne à l’autre, c’està-dire de changer radicalement d’environnement et d’images. Joël de Rosnay Ð Le cerveau, il est juste au-dessus de la bouche, pas étonnant qu’on pense qu’à bouffer. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ð La prudence et l’amour ne sont pas faits l’un pour l’autre : à mesure que l’amour croît, la prudence diminue. François de La Rochefoucault Ð On est un peu l’esclave des rêves qu’on a faits. Sacha Guitry JEUNE AFRIQUE


Moins de consommation. Plus de plaisir.


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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Quand Guéant détrône Hortefeux

L

E MINISTRE FRANÇAIS DE L’INTÉRIEUR,ClaudeGuéant, est, paraît-il, un homme charmant. Il suffit de le regarder, d’ailleurs, pour s’en convaincre : physique de premier de la classe, mèche soigneusement peignée sur le côté, fines lunettes cerclées, voix douce qui ne se prête jamais aux éclats… On ne lui connaît aucun vice. On raconte même qu’il éprouve une certaine appétence pour l’Afrique, contrairement à son patron, Nicolas Sarkozy.

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LIBYE LE « ROI DES ROIS » SE MEURT Son dernier carré de fidèles n’y croit plus. Sa fille se serait réfugiée en Algérie. Ses troupes ne contrôlent plus que Tripoli. L’Otan intensifie ses raids. Kaddafi vit sans doute ses derniers jours au pouvoir.

Il se trouve que je ne connais pas Claude Guéant. Mais on m’a toujours dit, à Abidjan, Alger ou Dakar, le plus grand bien de celui que l’on surnommait, lorsqu’il était encore secrétaire général de l’Élysée, le Cardinal. « Courtois », « sérieux », « travailleur », « objectif », « sincère », « disponible », « sans lui, Sarkozy serait perdu » : n’en jetez plus, un homme rare en somme…

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AFFAIRE DSK SUR LES TRACES DE NAFISSATOU DIALLO Originaire d’un hameau perdu de Guinée, la jeune femme que l’expatron du FMI aurait sexuellement agressée est une personne réservée et discrète.

Que diable lui est-il donc arrivé ? À force de multiplier les saillies nauséabondes sur les « musulmans trop nombreux », les immigrés dont la France n’a aucun besoin et qui donnent l’impression aux (vrais) Français de « ne plus être chez eux », ou l’échec de l’intégration (« deux tiers de l’échec scolaire en France, c’est les enfants d’immigrés », ce qui, au passage, est un mensonge éhonté qui en dit long sur l’irresponsabilité de notre ministre…), il va finir par nous faire regretter son prédécesseur et, du moins jusqu’ici, champion toutes catégories du dérapage verbal, Brice Hortefeux.

À la guerre comme à la guerre, diront certains. Nicolas Sarkozy, en rase-mottes dans les sondages, joue à quitte ou double pour assurer sa réélection. Tous les moyens sont bons, y compris désigner les immigrés comme les responsables de tous les maux du pays. Roms, identité nationale, déchéance de la nationalité, laïcité, islam, niqab, quotas… À force de creuser, il va finir par trouver du pétrole ! A-t-il déjà oublié qu’en 2007, lorsqu’il était ministre… de l’Intérieur, le candidat Sarkozy avait séduit une frange importante des électeurs issus de l’immigration par son volontarisme, sa politique de discrimination positive, son souci de mettre fin à la double peine ou de donner à l’islam de France une représentation officielle ? Sauf à considérer que les Français qui ne sont pas « de souche » ne votent pas, ce qui serait une erreur politique majeure, ses chances de rééditer cette performance en 2012 semblent proches du néant. Et si les électeurs du FN préfèrent l’original à la copie… ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

PHOTOS DE COUVERTURES : FALONNE POUR J.A.

Mais ne soyons pas naïfs, Guéant est en service commandé. Sa mission : braconner sur les terres du Front national (FN) de Marine Le Pen dans la perspective de la présidentielle de 2012. Il n’empêche. Le Premier ministre, François Fillon, tient lui aussi un discours de fermeté – sur l’immigration clandestine, par exemple –, mais il se garde bien de verser dans la chasse permanente au bouc émissaire et les propos insupportables.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Libye Le « roi des rois » se meurt Tour du monde G8 Des dollars comme s’il en pleuvait Afrique-Inde Au sommet de l’amitié Tunisie-France Hollande, candidat tout-terrain Afrique du Sud Comment va Mandela ? Serbie « Dieu » face au jugement dernier Affaire DSK Sur les traces de Nafissatou Diallo Seychelles James Michel : soleil et mer d’huile

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G RA N D A N G L E

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Alassane Ouattara La grande interview

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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RD Congo Opposition en désordre de bataille Bénin Règlements de comptes entre amis Clin d’œil Heureux comme Sarko en Éburnie Madagascar Zafy, le sage devenu lion Soudan Mourir pour Abyei JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

ALASSANE OUATTARA « Je ne dois rien à personne, sauf aux Ivoiriens »

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Interview du chef de l’État, investi le 21 mai.

GRAND ANGLE

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RD CONGO OPPOSITION EN DÉSORDRE DE BATAILLE Incapables de s’entendre sur une candidature unique pour la présidentielle, les adversaires de Joseph Kabila font le jeu du pouvoir.

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TUNISIE « RIEN NE SERA PLUS COMME AVANT » Yadh Ben Achour, président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, se confie à J.A.

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Tribune L’intégration africaine entre espoir et utopie Congo-Brazzaville Au chevet des forêts tropicales Zimbabwe Pieds et poings liés

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Tunisie Interview de Yadh Ben Achour 57 bis Ali Zidane et Mansour Sayf-Alnasr En vérité Quand Obama avance à reculons Islam Féministes au nom d’Allah Égypte Le grand imam est-il digne de foi ?

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

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Alternances politiques Tempête sur le Vieux Monde Pérou Du passé, faisons table rase ! France Interview d’Arnaud Montebourg Russie Jeu de rôles au Kremlin Corée du Nord À l’école du capitalisme Allemagne La politique prend des couleurs Parcours Karima Charni, droit devant

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ÉCONOMIE

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Investissements 150 milliards de dollars en 2015 Tunisie Télécom Aux abonnés absents

JEUNE AFRIQUE

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FINANCE APRÈS LES CRISES POLITIQUES, L’HEURE DES COMPTES • Entretien avec Donald Kaberuka • La BOA change mais pas trop • Portraits de financiers dans le vent Spécial 16 pages

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DE L’EUROPE AUX ÉTATS-UNIS TEMPÊTE SUR LE VIEUX MONDE Une vague de contestation balaie les pays occidentaux, dont les gouvernements peinent à surmonter les séquelles de la crise.

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Environnement Sacs plastique : le marché s’emballe Agro-industrie La palme de l’opacité Classes moyennes Les Brésiliens en surchauffe Analyse DSK, Zuma et Lagarde Interview Laïla Mamou Beqqali de Wafasalaf Mali Reconversion réussie pour Hamed Sow Émissions obligataires La dette fait recette Baromètre Spécial Obligations

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DOSSIER

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Finance Crises politiques : l’heure des comptes

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CULTURE & MÉDIAS Musique L’irrésistible ascension du chant des dunes Littérature Lamko : du côté de chez soi Radio Extinction de voix à Africa no 1 En vue La semaine culturelle de J.A. VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum

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D.R.

ANTITERRORISME OPÉRATION LIPTAKO

LE SALAFISTE MAROCAIN BOUCHTA CHAREF est à l’origine d’une rébellion à la prison de Salé (les 16 et 17 mai).

Maroc Intox et mutinerie

M

EMBRE IMPORTANT d’un réseau salafiste lié à Al-Qaïda démantelé début 2010 au Maroc – lui-même avait été arrêté en Syrie alors qu’il s’apprêtait à se rendre en Afghanistan, puis remis aux policiers marocains –, l’islamiste Bouchta Charef est à l’origine de la violente mutinerie avec prise d’otages qui a secoué la prison de Salé, non loin de Rabat, les 16 et 17 mai. Début avril 2011, Charef fait parvenir du fond de sa cellule une vidéo – immédiatement postée sur YouTube (photos ci-dessus) – dans laquelle il affirme avoir été torturé par des agents de la DST dans le célèbre centre de Témara. Accusations qu’il réitère, détails à l’appui, devant la cour d’appel de Salé, lors de son procès à l’issue duquel il est condamné, le 28 avril, à dix ans de réclusion. Problème: il refuse obstinément de se soumettre aux expertises médicales en prison, malgré l’insistance du procureur du roi et du secrétaire général du Conseil des droits de l’homme, Mohamed Sebbar, venus lui rendre visite, tout en persistant dans ses dénonciations. Passablement agacées, les autorités judiciaires décident alors de le transférer à l’hôpital Avicenne, à Rabat. C’est parce qu’ils ont cru à un enlèvement vers une destination inconnue que les codétenus salafistes de Bouchta Charef se sont aussitôt mutinés. Quant à l’examen dudit Charef par trois médecins assermentés, il a finalement conclu à la présence de… simples hémorroïdes. Ce n’est pas la première fois cette année que la police marocaine est confrontée à ce type d’allégations a priori crédibles et a posteriori fausses. La « cyber-rumeur » lui a ainsi largement imputé la responsabilité de cinq victimes à Al-Hoceima lors d’une manifestation le 20 février – alors qu’il s’agissait en réalité de pilleurs, brûlés vifs dans l’incendie d’une agence bancaire. ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Pour assurer la sécurité dans la bande sahélienne, les autorités maliennes ne se contentent pas du renforcement de la coopération militaire avec l’Algérie, la Mauritanie et le Niger. Outre le redéploiement de l’armée dans les trois régions du nord du pays, le président Amadou Toumani Touré songe à la mise en place d’un mécanisme conjoint (organisation de patrouilles mixtes, mise en commun des moyens logistiques) entre les services de sécurité maliens, burkinabè et nigériens afin d’améliorer la surveillance du Liptako-Gourma, région à cheval sur les trois pays où Aqmi ne cesse d’accroître son emprise. Ce serait la première fois depuis le conflit armé qui les a opposés au milieu des années 1980 que le Mali et le Burkina coopéreraient de la sorte. BURKINA LES QUESTIONS (INSISTANTES) DE SARKOZY À COMPAORÉ

Le 21 mai à Yamoussoukro, en marge de la cérémonie d’investiture d’Alassane Ouattara, Nicolas Sarkozy et Blaise Compaoré ont eu un long entretien. Dans la tête des deux hommes : l’article 37 de la Constitution burkinabè, qui interdit au chef de l’État de se représenter en 2015. Déjà, le 9 mai à Paris, la France avait demandé à Djibril Bassolé, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, de faire savoir à son « patron » que mieux valait ne pas toucher à cet article. « Lors du têteà-tête entre les deux présidents, la question n’a pas été évoquée de front, confie un diplomate français. Mais après l’exposé – très lucide – de Blaise sur la crise dans son pays, le président français lui a posé des questions. Et celle sur l’article 37 était en filigrane… » JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société SPÉCIAL CÔTE D’IVOIRE – INVESTITURE D’ALASSANE OUATTARA

Droits de l’homme, enquête à hauts risques

AU COURS DE LEUR ENTRE TIEN, avant la cérémonie d’investiture le 21 mai à Yamoussoukro, les deux chefs d’État ont abordé la reprise de la coopération entre les deux pays. Paris va envoyer à Abidjan deux coopérants – un militaire et un magistrat – comme LES DEUX CHEFS D’ÉTAT, àYamoussoukro, conseillers auprès du président le 21 mai. ivoirien. Le militaire aura en charge la restructuration de l’armée ivoirienne. À la manœuvre également à Paris, au ministère des Affaires étrangères, l’ancien patron de la force Licorne, le général Bruno Clément-Bollée. Le juriste devra, quant à lui, aider ADO à organiser les services de la présidence, de la primature et du secrétariat de gouvernement. ●

La bouderie d’Alpha LE 20 MAI, VEILLE de l’investiture, l’atmosphère était électrique entre Guinéens à l’hôtel Président de Yamoussoukro.AlphaCondélogeaitau 10e étage. Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré étaient au 4e. Furieux d’apprendre que ses deux principaux opposants étaient de la fête, le président guinéen a boudé le dîner offert par Alassane Ouattara à ses homologues africains. Le lendemain, il est reparti à Conakry avant le déjeuner organisé par le chef de l’État nouvellement investi. ●

Robert Bourgi privé d’investiture MALGRÉ UN LOBBYING auprès de Claude Guéant, ministre français de l’Intérieur, Robert Bourgi, l’avocat parisien fortement impliqué dans les affaires africaines, n’a pu être de la partie. À Paris Alain Juppé, et à Abidjan les diplomates français et le camp Ouattaraonttoutfaitpourempêchersa venue. Du coup, il est allé se consoler à Venise. ●

Chocolate Finger était là

LE PATRON D’ARMAJARO, Anthony Ward, a dîné à la table d’honneur de Dominique Ouattara, la veille de la cérémonie. Surnommé Chocolate Finger pour sa capacité à réaliser des coups sur le marché du cacao, le dirigeant du groupe de négoce était notamment accompagné de son directeur Afrique, Loïc Folloroux, le fils de la première dame. ● JEUNE AFRIQUE

P

AS SÛR QUE LES CONVIVES aient abordé le sujet. C’est le 9 juin que la Commission d’enquête de l’ONU chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises en Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre 2010 (date du second tour de la présidentielle) devrait rendre son rapport, qui sera transmis au Conseil de sécurité.

Bouygues, Bolloré: invités VIP

LUDOVIC/REA

REUTERS/STRINGER

Sarkozy-Ouattara: ambiance kakie

VINCENT BOLLORÉ (à g.), avec Michael Zaoui (banquier), Anne Méaux (présidente d’Image 7) et Michel Roussin (conseiller du président d’EDF).

LES DEUX PATRONS FRANÇAIS, Martin Bouygues et Vincent Bolloré, ne voulaient pas manquer l’investiture. Dès le 20 mai au soir, ils faisaient les cent pas dans le grand hall de l’Hôtel Président, avant de se rendre au dîner offert par Dominique Ouattara. Pour Martin Bouygues, le changement de régime n’a pas posé de problème. Alassane Ouattara et lui sont des amis de vingt ans. Pour Vincent Bolloré, le virage a été plus difficile à négocier. Jusqu’en décembre 2010, Bolloré a tenté de plaider la cause de Gbagbo auprèsdeNicolasSarkozy.Finalement, dans les dernières semaines de la crise, l’homme d’affaires français a compris que le vent tournait et a appelé Alassane Ouattara à deux reprises. ●

Dirigée par le juriste thaïlandais Vitit Muntabhorn assisté de l’avocate béninoise Reine Alapini Gansou et de l’universitaire soudanais – formé en France – Souleïmane Bado, qui ont enquêté sur le terrain pendant un mois, ses conclusions sont très attendues et pourraient servir de base de travail aux procédures initiées devant la Cour pénale internationale. Ce dossier est l’une des priorités les plus sensibles du président Ouattara, que le rapport d’Amnesty International sur la même période, rendu public le 24 mai, ne ménage guère. Une bonne partie de ce document – qui stigmatise également les atrocités commises par les milices et les forces de sécurité loyales à Laurent Gbagbo – est en effet consacrée (y compris le titre même du rapport) aux multiples exactions commises dans l’Ouest par ses partisans entre fin mars et début mai. Or, estime Amnesty, dans la mesure où « les liens de subordination entre les forces armées des Forces nouvelles et Alassane Ouattara ont été définitivement éclaircis » à la suite de l’intégration de celles-ci au sein des FRCI par décret présidentiel le 17 mars, le nouveau président « assumait » à partir de cette date « la responsabilité de tous les actes commis ou tolérés par ces forces armées ». Une interprétation déjà contestée à Abidjan. Il est vrai qu’Amnesty ne fait que rapporter des témoignages de victimes et n’a pas enquêté sur les auteurs et commanditaires directs de ces tueries. La commission de l’ONU devrait être beaucoup plus précise – et nominative. ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


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Côte d’Ivoire Les Gbagbo ont eu chaud LE SOIR DE LEUR CAPTURE, le 11 avril, Laurent et Simone Gbagbo ont eu très chaud. Plusieurs éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont voulu forcer la porte de leur chambre, la 468, au quatrième étage du Golf Hôtel, afin de les tuer. Aussitôt alerté, Alassane Ouattara, qui dormait au deuxième étage, a envoyé sa garde rapprochée pour les protéger. Afin d’éviter le pire, le couple a été évacué dès le lendemain matin. Aujourd’hui, Ouattara veille à ce que ses deux ennemis intimes ne soient pas empoisonnés. À Korhogo, Laurent est aujourd’hui nourri par la famille d’Amadou Gon Coulibaly, le secrétaire général de la présidence. Aux membres des FRCI chargés de le surveiller, il a demandé une Bible et une bibliographie sur Félix Houphouët-Boigny. « Vous savez, ce qui est important dans la vie, c’est de bien choisir sa femme », leur a-t-il un jour déclaré. Il demande régulièrement des nouvelles de Nady Bamba, sa seconde épouse. À Odienné, Simone est quant à elle alimentée par la propre famille maternelle du nouveau chef de l’État. ●

RECONSTRUCTION PLUIE DE DOLLARS SUR ABIDJAN

Les bailleurs de fonds se pressent au chevet de la Côte d’Ivoire. Après la France (400 millions d’euros), la Banque mondiale s’apprête à lui verser 500 millions de dollars pour les deux prochaines années. Le FMI, actuellement en mission à Abidjan, devrait quant à lui débloquer, en juillet, une aide d’urgence de 120 à 130 millions de dollars. La BAD tient à sa disposition une enveloppe de 150 millions de dollars (pour N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

2011), et l’Union européenne a promis 200 millions d’euros, à brève échéance. Enfin, les autorités françaises préparent un appui de 2 milliards d’euros sous forme d’une annulation de dette. Du coup, une série de grands travaux vont pouvoir reprendre rapidement, notamment la rénovation de l’Hôtel Ivoire, confiée à l’entreprise PFO, et la construction d’un troisième pont à Abidjan, qui sera l’œuvre de Bouygues.

ONUCI CHOI SUR LE DÉPART Représentant spécial de Ban Ki-moon en Côte d’Ivoire, le Sud-Coréen Young Jin-choi devrait quitter ses fonctions au mois de juillet. Mais l’Onuci continuera sans nul doute de soutenir le processus électoral et de contribuer à la sécurisation du pays. Un ancien ministre du Développement des Pays-Bas devrait succéder

CINÉMA DU MUSICIEN AVEUGLE AU GANG DES BARBARES

LeréalisateurmarocainHassan Benjellounétaitprésentaudernier Festival de Cannes pour tenter de boucler le financement de son prochain film, provisoirement intitulé La Lune rouge, une fiction basée sur la vie d’un musicien aveugle. Il entend ainsi revisiter de façon originale quarante ans de l’histoire de son pays. Par ailleurs, le réalisateur français Alexandre Arcady a acquis lesdroitsd’untémoignagecoécrit par la mère d’Ilan Halimi, le jeune juif torturé, puis assassiné, en 2006 dans la région parisienne par le « gang des barbares », dirigé par Youssouf Fofana. Il envisage en effet de tirer un film de cette terrible affaire, qui, dit-il, constitue « le premier meurtre ouvertement antisémite depuis la Seconde Guerre mondiale ».

LES MÉSAVENTURES D’UN ACADÉMICIEN FRANÇAIS

Orsenna braqué à Kinshasa L’ACADÉMICIEN FRANÇAIS ERIK ORSENNA, 64 ans, a eu à Kinshasa l’une des grosses frayeurs de sa vie. Invité à la mi-mai par l’Institut français de la capitale congolaise dans le cadre du Livre en fête, l’auteur de Madame Bâ, de Besoin d’Afrique, de Voyage aux pays du coton et de quelques autres ouvrages ayant le continent pour théâtre, avait entrepris de se promener seul, de nuit, sur le boulevard du 30-Juin, principale artère du centre-ville. Une imprudence qu’il a failli payer très cher. Embarqué de force dans un véhicule par des individus armés portant l’uniforme de policiers, il a été menacé, dépouillé de son argent et de son passeport et brusquement débarqué sur la chaussée après une quinzaine de minutes qui ont dû lui paraître une éternité. Détail significatif : le comportement de ses éphémères ravisseurs a connu un surcroît d’agressivité quand ils ont découvert la nationalité de leur victime. « C’est la France de Sarkozy qui a chassé Gbagbo ! » se sont-ils exclamés, visiblement très remontés. JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

LIBYE LE CNT À ADDIS

Le Conseil national de transition (CNT) libyen sera présent à Addis-Abeba, fin juin, lors du Sommet de l’Union africaine. Mustapha Abdeljalil, son président, a en effet désigné pour le représenter deux ambassadeurs ralliés à la révolution : Abdallah Zubeidi, en poste en Afrique du Sud, et Abdallah Boujeldine, en Ouganda. Ces derniers participeront aux travaux du Conseil de paix et de sécurité (CPS), et rencontreront des chefs d’État africains, à qui ils transmettront un message du président du CNT concernant la nature de leurs relations après le départ de Mouammar Kaddafi.

à Choi. Lequel pourrait être appelé à d’autres fonctions au sein du système onusien. Au Soudan ou en Irak, par exemple.



La semaine de Jeune Afrique

LIBYE

Le «roi

des rois» se meurt

Son dernier carré de fidèles n’y croit plus. Sa fille se serait réfugiée en Algérie. Ses troupes ne contrôlent plus guère que Tripoli. L’Otan intensifie ses raids aériens. Errant de bunkers en hôpitaux, Kaddafi vit sans doute ses derniers jours au pouvoir.

ABDELAZIZ BARROUHI

P

our Mouammar Kaddafi, qui, plein de superbe, s’était autoproclamé « roi des rois d’Afrique », le compte à rebours a bel et bien commencé. Même son dernier carré de fidèles, à Tripoli, n’exclut plus désormais qu’il puisse quitter le pouvoir. Mais ce départ prendra-t-il l’aspect d’une fuite dans le genre de celle à laquelle le Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali s’était trouvé acculé à la dernière minute? Ou bien déboucherat-il sur une retraite forcée, comme celle que subit l’Égyptien Hosni Moubarak, avec un procès en perspective? À moins que le « Guide » libyen ne bénéficie d’un exil négocié, une solution souvent évoquée depuis le mois de mars et qui revient avec insistance en cette fin de mai.

Trois mois de crise N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Selon des sources maghrébines concordantes, l’Algérie, préoccupée par les conséquences régionales de ce conflit, serait un point de chute envisagé. Les discussions secrètes en cours entre diplomates algériens et étrangers n’ont pas encore abouti, les émissaires de Kaddafi exigeant que ce dernier bénéficie d’une immunité totale et que son fils Seif el-Islam reste au pouvoir pour mener les réformes. Consultées, les grandes capitales sont formelles: que Kaddafi quitte le pouvoir d’abord. L’immunité constitue un obstacle majeur, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) ayant requis un mandat d’arrêt contre le « Guide » et contre Seif. N’ayant toutefois pas ratifié les statuts de cette instance – contrairement à l’Afrique du Sud ou à la Serbie, par exemple –, l’Algérie ne serait donc pas formellement tenue de se plier à ses injonctions. Signe avant-coureur, toujours selon nos sources, Aïcha, la fille unique de Kaddafi, s’est réfugiée dans le plus grand secret en Algérie, où elle est arrivée en passant par la frontière tunisienne le 16 mai, seule voie de sortie des Libyens de l’Ouest en direction de l’étranger. Très traumatisée, dit-on, par la mort de son jeune frère Seif el-Arab et de trois enfants de la famille (peut-être sa fille et deux de ses neveux) à la suite d’un raid aérien de l’Otan contre un poste

15 février Début de la répression des manifestations, à Benghazi et à Al-Baïda, dans l’est du pays.

22 février Kaddafi promet dans un discours télévisé de « purger la Libye maison par maison ».

21 février Les insurgés prennent Benghazi, qui devient leur capitale. Premières démissions de hauts responsables du régime.

6 mars Dans une vaste contreoffensive, les loyalistes attaquent notamment Misrata, aux mains des insurgés depuis le 24 février mais toujours disputée aujourd’hui.

GORAN TOMASEVIC/REUTERS

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JEUNE AFRIQUE


L’événement

de commandement à Tripoli, elle est l’invitée personnelle du président Abdelaziz Bouteflika. En attendant peut-être d’être rejointe par le reste de la famille… Ce jour ne paraît pas si lointain depuis la dernière semaine de mai, où plusieurs événements majeurs sont venus confirmer que la crise est arrivée à un tournant. Sur le plan militaire, l’Otan a intensifié ses raids aériens contre des sites stratégiques, plus particulièrement autour de Bab el-Azizia, à Tripoli, le principal QG de Kaddafi. Les bombardiers sont désormais soutenus par des hélicoptères de combat: des Tigre français, dont l’action a été décisive dans les derniers jours de la crise ivoirienne, et des Apache britanniques, qui se sont imposés dans la guerre contre les talibans, en Afghanistan. Ces 10 mars La France reconnaît la première le Conseil national de transition (CNT), qui s’est formé le 27 février, comme représentant légitime du peuple libyen. 17 mars Vote du Conseil de sécurité de l’ONU établissant JEUNE AFRIQUE

FILMÉ PAR LA

TÉLÉVISION LIBYENNE,

Mouammar Kaddafi rencontre des chefs de tribu dans un grand hôtel de Tripoli, le 11 mai.

une zone d’exclusion aérienne pour protéger les civils. Les bombardements commencent le 19. 28 mars L’Otan prend le commandement des opérations.

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MAHMUD TURKIA/AFP

appareils furtifs de jour comme de nuit sont dotés d’équipements sophistiqués permettant des tirs précis. Ils sont parfaitement adaptés pour contrer les offensives des brigades mobiles de Kaddafi, dans l’Ouest libyen notamment, autour de Misrata et dans le Djebel Nefoussa, où les insurgés tiennent tête aux troupes loyalistes dans la zone frontalière avec la Tunisie. À l’évidence, le « Guide » parie sur le temps pour venir à bout de la résistance et éviter la chute. Le mandat de la force internationale arrive à expiration à la fin de juin, au moment même où doit se tenir le sommet annuel de l’Union africaine à Malabo, lors duquel les « amis obligés » de Kaddafi comptent manœuvrer pour lui permettre d’obtenir un cessezle-feu et jouer la montre. Il n’empêche: même ● ● ●

1er mai Le clan Kaddafi affirme qu’un bombardement de l’Otan sur Tripoli a tué le fils cadet du colonel, Seif el-Arab, et trois de ses petits-enfants. 16 mai Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), demande

aux juges d’émettre des mandats d’arrêt contre Kaddafi, son fils Seif el-Islam et le chef des renseignements libyen, Abdallah Senoussi, pour crimes contre l’humanité.

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La semaine de J.A. L’événement Libye

ZOHRA BENSEMRA/REUTERS

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s’ils préféreraient voir le dictateur abandonner le pouvoir avant ces échéances, les « alliés » sont déterminés à poursuivre leur action autant que cela sera nécessaire. Plusieurs mois s’il le faut, dit Paris. Aucune pause n’est envisageable, confirment Washington et Londres. « Au vu des progrès que nous avons réalisés ces dernières semaines, Kaddafi et son régime doivent comprendre que nous ne relâcherons pas la pression », a déclaré le président américain, Barack Obama, le 25 mai, à Londres, en présence de David Cameron, le Premier ministre britannique. « Le temps travaille contre Kaddafi. Il doit se démettre et laisser la Libye au peuple libyen », a ajouté Obama. « Il est exclu d’imaginer un avenir pour ce pays avec Kaddafi au pouvoir, a renchéri Cameron. Il doit partir. Nous allons accentuer la pression. » ●●●

ESPACE VITAL. Pendant ce temps, le « Guide » se

terre dans des bunkers ou dans des hôpitaux pour éviter les frappes, à Tripoli ou dans ses environs, changeant chaque nuit de cachette et usant de subterfuges pour ne pas être reconnu ou repéré. Son espace vital se réduit de jour en jour. Ses casernes et ses aéroports sont détruits, ses avions cloués au sol, ses navires de guerre coulés dans le port de Tripoli. Les bords des routes sont des cimetières pour blindés. Il ne contrôle plus qu’une seule grande ville, Tripoli, encerclée par six unités d’élite commandées par ses fils et par le redoutable général Hassan el-Kebir, membre de la tribu des Gueddafa. Malgré la répression, les jeunes de la capitale rivalisent d’ingéniosité pour narguer ces unités et la police secrète, peignant aux couleurs des rebelles des ballons gonflables avant de les lâcher dans le ciel ou bien les attachant aux queues de chats que N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

UN TANK DES FORCES PRO-KADDAFI dans l’enfer du siège de Misrata, dans l’ouest du pays, le 22 mai.

les soldats réguliers s’échinent à poursuivre. Dans les localités de Tajoura, Souk al-Jemaa et Fachloum, les manifestations anti-Kaddafi sont promptement et férocement matées. Mais les habitants de Tripoli disent attendre leur heure et se réserver pour le jour où les brigades du « Guide » seront mises en déroute, ou si ce dernier prend la fuite. Il en va de même dans les villes de Sebha et de Syrte, censées être des fiefs de Kaddafi. Présents le long de la plupart des côtes, les navires de l’Otan coupent l’approvisionnement en armes, par la mer, aux troupes restées fidèles au leader de la Jamahiriya. DE WASHINGTON À MOSCOU. Désormais, le

Conseil national de transition (CNT), qui chapeaute les insurgés et les unités régulières de l’armée ralliées à la rébellion, contrôle la majeure partie du pays. Cette présence s’étend aux postes-frontières terrestres avec le Tchad, le Soudan, l’Égypte et Kaddafi se terre ; les membres la Tunisie (au poste de du Conseil national de Dhehiba, tandis que transition sont reçus partout. celui de Ras el-Jdir n’a pas changé de mains). Et déjà le CNT, basé provisoirement à Benghazi, a élargi sa composition, passant de treize membres à l’origine à trente-sept aujourd’hui. Reconnus comme des interlocuteurs légitimes, les représentants du CNT sont reçus à la Maison Blanche, à Downing Street, à l’Élysée, mais aussi à Moscou et à Ankara. Agissant comme un gouvernement provisoire, le CNT prépare l’avenir d’une « Libye libre », unie, républicaine, démocratique et garante des libertés, vivant en paix avec ses voisins sans ingérence aucune. Tout le contraire de ce que faisait un « Guide » de plus en plus égaré. ● JEUNE AFRIQUE


Le « roi des rois » se meurt

Un cercle très, très restreint

À fonds perdus

Ils ne se comptent plus que sur les doigts d’une main. Au fil des semaines, l’entourage du numéro un libyen se délite. On le comprend : il y a péril sous la tente !

W

ashington, Londres, Paris et Rome ont fait état, au mois de mai, de nouvelles défections dans l’entourage de Kaddafi. Sans toutefois divulguer l’identité des intéressés, pour des raisons tenant à la sécurité de leurs familles. À l’évidence, l’entourage du « Guide » rétrécit comme peau de chagrin autour du noyau formé par ses enfants, dont les plus impliqués dans les opérations militaires sont Seif el-Islam, Khamis et Moatassem. Parmi les membres du cercle rapproché vus en sa compagnie jusqu’à la mi-mai figurent: Baghdadi Mahmoudi, le Premier ministre, qui arbore désormais une barbe blanche et souffre de troubles de l’élocution ; Abou Zeid Dorda, le chef de la sécurité extérieure ; Béchir Salah, patron de la Libyan Investment Authority (lire ci-contre) ; quelques caciques des comités révolutionnaires ; Saïd Hafiana, ancien ambassadeur à Paris ; l’ex-porteparole, Jomaa Aboulkheir, et son successeur, Moussa Ibrahim, qui ruisselle de sueur chaque fois qu’il s’adresse à la presse internationale. MYSTÈRE. Aux Affaires étrangères, et

après la défection de Moussa Koussa, c’est Abdelati el-Obeidi qui dirige la

Mais où en est la Libyan Investment Authority, dans laquelle Kaddafi plaçait ses pétrodollars à l’étranger ?

diplomatie, épaulé par Khaled Kaïm. Chokri Ghanem, ex-Premier ministre et jusque-là patron de la Compagnie nationale pétrolière (NOC), n’est plus en Libye depuis la mi-mai. Il voyage entre Vienne et Doha, laissant planer le mystère jusqu’à la prochaine réunion de l’Opep dans la capitale autrichienne, le 8 juin.

«

MARGINALISÉ. Des quatre compagnons

encore en vie sur les douze qui avaient participé au coup d’État de 1969, dont Kaddafi, un seul semble encore soutenir activement le « Guide ». Il s’agit du général Khouildi Hamidi, longtemps patron des renseignements militaires et qui jouissait d’une retraite dorée. Beau-père d’un fils Kaddafi, Saadi, il supervise la brigade basée à Sorman, sa ville natale (Ouest), commandée par son fils, Khaled. Cette brigade a réprimé les révoltes de Zaouia, Sabratha et du Djebel el-Gharbi. Ministre de la Défense sur le papier, le général Aboubakr Younes Jaber est marginalisé. Ce sont Kaddafi, ses fils et des généraux de sa tribu comme Hassan el-Kebir qui dirigent les forces armées. Le général Moustapha Kharroubi et le commandant Abdessalam Jalloud, ancien numéro deux du régime limogé en 1993, restent cloîtrés chez eux. ● AZ.B.

GENEVIÈVE CHAUVEL/SYGMA/CORBIS

Æ LE COLONEL KADDAFI (au centre) s’adressant à des étudiants en 1973. À ses côtés, Abdessalam Jalloud (à g.) et Khouildi Hamidi, qui participa au coup d’État de 1969.

JEUNE AFRIQUE

L

’argent n’a pas d’odeur », dit-on. À preuve: des banques de renom (Société générale, BNP Paribas, Credit Suisse, HSBC, JP Morgan, Goldman Sachs, Commerzbank) ont accepté des dizaines de milliards de dollars de la rente pétrolière détournée par le clan Kaddafi. C’est ce que révèle un document sur les actifs à l’étranger du fonds souverain Libyan Investment Authority (LIA), publié le 25 mai par l’ONG Global Witness et validé par le cabinet d’audit KPMG. D’après ce document, le bras armé financier du colonel à l’étranger possédait, au 30 juin 2010, un portefeuille de 53,3 milliards de dollars (37,6 milliards d’euros) d’actifs. Soit le tiers des avoirs libyens hors du pays, estimés au total à 150 milliards de dollars. Et théoriquement gelés.

MANQUE DE FLAIR. Ces actifs ont été placés dans des produits très diversifiés : virements en espèces (288 millions d’euros), dépôts dans des banques (14 milliards d’euros), obligations (2,4 milliards d’euros) et prises de participation (3,6 milliards d’euros) dans une cinquantaine de grands groupes occidentaux, comme UniCredit(13,16%ducapital),Siemens (9,20 %), ENI (8,91 %), General Electric (4,16 %), Lagardère (1,19 %), France Télécom (1,02 %), etc. Mais les conseillers financiers de Kaddafi n’ont pas toujours eu du flair. Rien qu’au deuxième trimestre 2010, le portefeuille du LIA a fondu de 1,7 milliard d’euros. Ce sont surtout les placements dans des produits structurés (ces montages complexes et risqués de plusieurs produits financiers) qui ont plombé les comptes. Trois placements de ce type auprès de la Société générale sont ainsi passés de 1,3 milliard d’euros à 742 millions en trois mois. ● JEAN-MICHEL MEYER N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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La semaine de J.A. Tour du monde

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CHILI

Comment est mort Allende?

LE COMMISSARIAT FAYAZ AZIZ/REUTERS

DE POLICE DE

PESHAWAR détruit par une voiture piégée, le 25 mai. PAKISTAN

Vengeance sans fin

L

e Mouvement des talibans du Pakistan (TTP) n’en finit pas de venger la mort d’Oussama Ben Laden, abattu par les Navy Seals américains à Abbottabad, le 2 mai. On recense déjà quatre attentats visant l’armée et les forces de sécurité pakistanaises, soupçonnées de complicité dans l’élimination du chef d’Al-Qaïda – ce qui reste à démontrer. Les deux derniers ne sont pas les moins spectaculaires. Le 23 mai, une poignée de djihadistes sont parvenus à s’introduire sur la base aéronavale de Karachi, le grand port du Sud, puis ont ouvert le feu à l’arme légère et au lanceroquettes, détruisant au passage deux avions de surveillance côtière. Les affrontements ont duré dix-sept heures. Bilan : au moins quatre djihadistes et dix militaires tués. Le 25, pendant la prière de l’aube, un kamikaze a précipité une camionnette bourrée d’au moins 200 kg d’explosifs contre un commissariat du département de la police, dans un quartier ultrasurveillé de Peshawar (Nord-Ouest). Le bilan provisoire – 10 morts et 27 blessés – est sans doute inférieur à la réalité. ●

La dépouille de Salvador Allende, le président socialiste qui trouva la mort lors du coup d’État militaire de 1973, a été exhumée, le 23 mai, afin de déterminer la cause de son décès. S’est-il suicidé, comme l’a toujours soutenu la junte – et comme sa famille avait fini par le croire ? Ou a-t-il été abattu par les assaillants du palais de la Moneda ? Douze médecins légistes procèdent à une autopsie. LE CHIFFRE QUI ATTERRE LES ITALIENS

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milliards

D’EUROS : c’est la somme vertigineuse que l’Italie va devoir rogner chaque année dans ses dépenses pour ramener sa dette publique (plus de 120 % du PIB) à un niveau compatible avec les normes européennes. CINÉMA

OBL, le film

MULTIOSCARISÉS EN 2010 pour Démineurs, qui évoque la vie de soldats américains en Irak, la réalisatrice Kathryn Bigelow et son scénariste, Mark Boal, s’apprêtent à raconter en images la traque et l’élimination d’Oussama Ben Laden. Le film devrait sortir en salle fin 2012. Et on attend avec impatience de connaître l’identité de l’acteur appelé à jouer le rôle du défunt chef d’Al-QaÏda.

VIETNAM

L’opposition sur la pointe des pieds Le 22 mai, 97 % des électeurs vietnamiens se sont rendus aux urnes afin d’élire leurs représentants à l’Assemblée nationale et les membres provinciaux et régionaux des conseils populaires. Les résultats de ce double scrutin ne changeront pas fondamentalement la couleur N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

de l’Assemblée nationale, dont 90 % des sièges sont acquis au Parti communiste, au pouvoir. Mais l’opposition pourrait rafler les sièges restants, ce qui traduirait l’émergence d’une nouvelle classe moyenne, ouverte sur le monde grâce à internet et favorable aux réformes.

CHINE

Un désespéré passe à l’acte LE 26 MAI à Fuzhou (sud-est de la Chine), un nommé Qian Mingqi, paysan apparemment victime d’une procédure d’expropriation arbitraire, a fait sauter trois engins JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

MAXWELL’S/POOL • Reuters

IRLANDE

Cheers! PINT OF GUINNESS pour monsieur, half pint pour madame… Le couple présidentiel américain a mis à profit un périple européen – Dublin, Londres et Deauville, à l’occasion du G8 – pour s’offrir une escapade dans le pub de Moneygall, sympathique bourgade irlandaise d’où était originaire l’arrière-arrière-arrière-grand-père maternel du chef de l’exécutif. « Je m’appelle Barack Obama, un Obama de Moneygall », a-t-il plaisanté. S’il le dit…

RUSSIE

Khodorkovski, tête haute Il croupit en prison depuis 2003, officiellement pour « détournement de pétrole et blanchiment d’argent ». En réalité, le trop riche et trop brillant Mikhaïl Khodorkovski, ancien patron du groupe pétrolier Ioukos, s’est attiré la haine tenace de Vladimir Poutine en nourrissant des ambitions politiques. « La place d’un voleur est en prison », avait asséné ce dernier quelques jours avant le second procès de l’oligarque, JEUNE AFRIQUE

fin 2010. Le 24 mai, en appel, la peine a été royalement réduite… d’un an ! « Mon sort n’est pas décidé au tribunal », a lancé Khodorkovski, qui ne sera pas libéré avant 2016.

détruits ; entre 1 et 3 milliards de dollars de dégâts… Tel est l’effrayant bilan de la tornade qui, le 22 mai, s’est abattue sur la petite ville de Joplin, dans le Missouri. Aux États-Unis, personne ne se souvient d’une bourrasque aussi meurtrière depuis soixante ans. MÉDIAS

ALEXANDER NATRUSKIN/REUTERS

explosifs devant des bâtiments de l’administration provinciale, tuant deux personnes – dont lui-même. Face aux excès du capitalisme sauvage et à la corruption des gouvernements locaux, la grogne sociale se traduit de plus en plus souvent par ce type d’action désespérée.

Ockrent claque la porte de l’AEF

ÉTATS-UNIS

Quand le vent devient fou… DES RAFALES À 320 KM/H ; 122 morts officiellement recensés ; 1 500 personnes portées disparues ; 8 000 bâtiments endommagés ou

FIN  PROVISOIRE ? – du mauvais feuilleton dont l’Audiovisuel extérieur de la France (France 24, RFI) est le théâtre depuis des mois. En conflit avec son patron, Alain de Pouzilhac, Christine Ockrent, directrice générale déléguée, ne démissionne pas, mais prend acte de la « révocation déguisée et sans motif » dont elle estime être l’objet. Ockrent, qui n’a pas paru à son bureau depuis longtemps, maintient la plainte contre X qu’elle a déposée le 28 mars. Pour « harcèlement moral ». N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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La semaine de J.A. Décryptage Cette pluie de dollars ne donnera pas lieu à des dons, les pays concernés n’appartenant pas à la catégorie des économies « les moins avancées », à laquelle ces dons sont réservés. Elle prendra la forme de prêts à des taux préférentiels ou de garanties données aux gouvernements pour leur permettre de lever sur les marchés les fonds nécessaires. MAUX CHRONIQUES. Les ministres des

JEWEL SAMAD/AFP

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PHOTO DE FAMILLE, le 27 mai.

G8 Des dollars comme s’il en pleuvait

Lors du sommet de Deauville, les pays riches se sont engagés à aider les États arabes. Mais à une condition : qu’ils se démocratisent.

R

éunisàDeauville(France)pourle sommet du G8, huit pays parmi les plus riches du monde (ÉtatsUnis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada et Russie) tentent de se racheter une conduite, après des années de complicité avec les dictatures du continent. Le 27 mai, ils ont proclamé leur soutien « aux aspirations du printemps arabe », déclarant « avoir entendu la voix des citoyens » désireux de vivre dans « des sociétés démocratiques et ouvertes ». Ils ont invité à leurs travaux les trois derniers présidents élus de façon régulière à la tête d’États subsahariens, Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Alpha Condé (Guinée) et Mahamadou Issoufou (Niger), les donnant ainsi en exemple. En présence du Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, et de son alter ego égyptien, Essam Charaf, a donc été lancé le « partenariat de Deauville » destiné à aider les pays arabes « en transition démocratique » à sortir de leur récession et de leur chômage endémique. Les banques multilatérales (Banque européenne d’investissement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banque africaine de développement, Banque islamique de développement) apporteront 20 milliards de dollars sous la direction de la Banque mondiale, les N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

pays riches 10 autres milliards à titre bilatéral, tout comme les États du Conseil de coopération du Golfe. Nicolas Sarkozy a dit souhaiter étendre ce partenariat « à tous les pays qui veulent se libérer de leurs chaînes ». Il est donc proposé à tous ceux qui espèrent toucher les dividendes sonnants et trébuchants de la démocratie. Il est taillé sur mesure pour les pays qui ne produisent pas de pétrole et dont les populations vivent douloureusement la montée des cours des matières premières. En plus de l’Égypte et de la Tunisie, le Maroc, la Jordanie, la Syrie et le Liban sont concernés. Le Fonds monétaire international (FMI) a évalué à 160 milliards de dollars les besoins de financement de ces pays d’ici à 2013. Luimême se dit prêt à en fournir 35 milliards.

Finances et des Affaires étrangères des pays ciblés se réuniront avant la fin de juin avec leurs homologues du G8 pour préciser le contenu des programmes à élaborer. Mais on sait déjà que cet argent servira à soulager les budgets mis à mal par les troubles qui ont entraîné la chute des dictateurs et leurs conséquences : tarissement des recettes touristiques, arrêt des investissements étrangers. À plus long terme, le G8 ambitionne de financer les réformes juridiques, sociales et économiques qui s’imposent pour venir à bout des maux dont souffrent les pays arabes : opacité des affaires, justice à géométrie variable, hypertrophie de secteurs publics inefficaces, inadaptation des formations professionnelles, chômage pouvant atteindre 30 % chez les jeunes. Sans oublier des frontières communes toujours fermées et des échanges régionaux anémiques. David Lipton, le conseiller du président Obama pour le commerce extérieur, a souligné l’une des raisons pour lesquelles les pays du « printemps arabe » obtiennent 1,5 point de croissance de moins que la moyenne des pays en développement : « Voilà une région peuplée de 420 millions d’habitants, qui, hors pétrole, exporte autant que la Suisse et ses 8 millions d’habitants. » Une longue marche commence pour réintégrer le monde arabe dans le concert économique mondial. ● ALAIN FAUJAS

LA TUNISIE VOUDRAIT 25 MILLIARDS BÉJI CAÏD ESSEBSI, le Premier ministre tunisien, a certes affirmé le 27 mai que son pays « n’est pas un mendiant », mais il a tout de même besoin de beaucoup d’argent « pour renforcer sa marche vers la démocratie ». Le plan gouvernemental évalue le soutien nécessaire à 25 milliards de dollars sur cinq ans, dont 5 milliards immédiatement, pour améliorer la gouvernance, les infrastructures, l’intégration aux marchés internationaux, développer le capital humain et moderniser le secteur financier. Interrogé sur les conditions fixées par le G8 pour le déblocage de cette aide, le Premier ministre a répondu : « Aucune contrepartie, sinon la construction d’une démocratie véritable. » ● A.F. JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

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Afrique-Inde Au sommet de l’amitié domaines aussi variés que le textile ou la météorologie. Ces aides financeront la création d’établissements d’enseignement professionnel dans des pays africains, ainsi qu’un programme de bourses destinées aux jeunes Africains inscrits dans des écoles spécialisées et des universités en Inde. Quelque 22 000 étudiants pourraient en bénéficier d’ici à trois ans. Enfin, Singh a annoncé une aide de 300 millions de dollars pour la construction d’une ligne de chemin de fer reliant l’Éthiopie à Djibouti.

Cinq milliards de dollars de prêts, actions conjointes pour obtenir une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU… Pour le continent, New Delhi sort le grand jeu.

A

ASISH MAITRA/AFP

CRÉDIT PHOTO

près New Delhi en 2008, c’est à AddisAbeba (Éthiopie) que s’est déroulé, les 24 et 25 mai, le deuxième sommet Inde-Afrique, sous l’égide de l’Union africaine (UA). Cette dernière a coordonné la participation africaine, forte d’une PIRATERIE. Le partenariat indo-africain ne se limite quinzaine de chefs d’État et de gouvernements. Composée d’intoutefois pas au business. Il dustriels et d’hommes d’affaicomprend aussi un volet polires, la délégation indienne était tique, comme en témoigne le dirigée par le Premier ministre, document final (la « déclaraManmohan Singh. tion d’Addis-Abeba »), dans Partisan convaincu du raplequel il est notamment prochement indo-africain, ce question de la nécessité de réformer l’ONU en profondernier a mené les travaux avec deur. L’UA s’engage à soutenir beaucoup de savoir-faire, avant de partir pour la Tanzanie, où les revendications de New MANMOHAN SINGH, le Premier ministre indien, à AddisAbeba, le 23 mai. Il s’est ensuite rendu en Tanzanie. l’Inde a des intérêts économiDelhi à un siège permanent ques importants. « Notre parau Conseil de sécurité ; en tenariat repose sur trois piliers : aide à formation, nouvelles technologies). À retour, l’Inde se déclare favorable à l’enla création d’entreprises avec transferts titre de comparaison, lors du premier trée de deux États africains dans cette de technologies, échanges commerciaux sommet Inde-Afrique, New Delhi avait instance onusienne. promis une enveloppe de 5,4 milliards et construction d’infrastructures », a-t-il Le document politique évoque par expliqué. Rappelant que l’Inde veut actide dollars, dont seulement 2 milliards ailleurs les efforts entrepris par l’UA pour stabiliser la Somalie. Régulièrement vement participer au développement du ont été engagés. continent, Singh a promis de débloquer confrontée à des actes de piraterie dans quelque 5 milliards de dollars (3,5 milBOURSES UNIVERSITAIRES. Le gouverl’océan Indien, l’Inde propose de financer liards d’euros) de prêts sur trois ans, nement indien devrait également débourles opérations africaines de maintien de destinés à financer des projets ciblés dans ser 700 millions de dollars pour financer la paix dans la Corne de l’Afrique. ● des secteurs prioritaires (agriculture, des programmes de formation dans des TIRTHANKAR CHANDA À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

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STEPHEN JAFFE/UN

JUIN Audition à NewYork de Dominique Strauss-Kahn, qui devra dire s’il plaide coupable ou non coupable pour les sept chefs d’accusation dont il fait l’objet, parmi lesquels agression sexuelle et tentative de viol. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

9-10

JUIN « La croissance pour tous » sera au cœur des débats des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), à Lisbonne (Portugal).

10

JUIN Clôture des inscriptions sur les listes électorales pour la présidentielle et les législatives de 2012, au Sénégal. Le 5 mai, les nouveaux inscrits n’étaient que 26 603. JEUNE AFRIQUE


ALBERT II

JEAN DANIEL

TOUT L’OPPOSÉ DE SON PÈRE No 13

JUIN 2011

ET LES ARABES Ce qu’il n’avait pas dit 4!

LE PREMIER MENSUEL G É N É R A L I S T E D E L A N G U E F R A N Ç A I S E

LE NOUVEL

OBAMA

LE CHEF DE GUERRE SA VRAIE PERSONNALITÉ ■ CEUX QUI L’INSPIRENT ■ ■

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AUGUSTIN LE GALL

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Tunisie-France Hollande, candidat tout-terrain Le socialiste le mieux placé dans les sondages en vue de la présidentielle française a fait une visite éclair à Tunis. Objectif : évaluer la situation et s’affirmer sur la scène diplomatique.

E

n visite de vingt-quatre heures à Tunis, le 24 mai, François Hollande, candidat à la primaire du parti socialiste français (et, s’il la remporte, à la présidentielle de 2012), a pu mesurer sa popularité dans les rues de la capitale tunisienne, où il a serré des dizaines de mains et pris la pose pour les médias français qui suivaient ses premiers pas en terre de révolution arabe. Sa visite ne pouvait mieux tomber: il a pu constater de visu les dissensions entre

le gouvernement tunisien et l’instance indépendante électorale à propos de la date des élections de la Constituante. Imperturbable sous son bronzage, Hollande a enchaîné les rencontres, d’abord avec Yadh Ben Achour, président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (lire aussi pp. 50-54), puis avec les leaders des principaux partis, opposants historiques à Ben Ali : Ahmed Brahim de l’Ettajdid, ex-parti communiste, qui lui donne du

LE DESSIN DE LA SEMAINE

« camarade » ; Mustapha Ben Jaafar, du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), qui est un ami de l’Internationale socialiste, et Maya Jribi, du Parti démocrate progressiste (PDP), qu’accompagne Ahmed Najib Chabbi. « C’est peut-être la Ý FRANÇOIS première rencontre HOLLANDE entre deux futurs rencontrant des présidents », observe représentants ce dernier, qui bride la jeunesse gue la présidence tunisienne, à El Teatro, de la République le 24 mai. tunisienne. Le scénario est bien rodé. À chaque entretien, François Hollande écoute puis interroge ; peu à peu, il se familiarise avec la complexité de la situation et devient plus précis en abordant la crise économique et le danger islamiste. « Goûtez votre bonheur de voir affluer les adhérents », lance celui qui fut Premier secrétaire du Parti socialiste français aux dirigeants des partis tunisiens. MACARON. Intervenant à la veille du G8

dont Tunis attend beaucoup, il insiste sur la nécessité d’« une meilleure coopération et d’un engagement plus ferme aux côtés de la Tunisie », car « la communauté internationale doit soutenir le monde arabe démocratique pour un monde de paix et de solidarité ». Entre un café et un macaron, l’actualité française resurgit ; une journaliste de la délégation, un peu gênée, lui demande s’il fait une déclaration sur « les traces »… « Les traces [d’ADN] ? Ah, DSK ! Demandez à Martine Aubry ou Ségolène Royal ! » ● FRIDA DAHMANI, à Tunis CLEMENT • National Post • Canada

JUSTICE SEXUS POLITICUS

PENDANT QUE DOMINIQUE STRAUSS-KAHN s’apprête à répondre devant la justice américaine d’une agression sexuelle présumée sur une femme de chambre, que fait Silvio Berlusconi ? Accusé (entre autres) d’avoir eu une relation tarifée avec « Ruby », une prostituée mineure d’origine marocaine, il poursuit sa route, la cuisse et le cœur légers. L’égrillard septuagénaire qualifie même son procès qui devait s’ouvrir à Milan le 31 mai de « blague ». Il est vrai que, tel Fantômas, il s’est toujours débrouillé pour se tirer des situations les plus embarrassantes. Du moins jusqu’à présent…

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

« En Tunisie et en

PIERRE BOISSELET

Égypte Ciel! des pyramides ENFOUIES SOUS LES SABLES du Sahara et les limons du Nil, dix-sept pyramides, plus de mille tombes et trois mille maisons ont été découvertes à Tanis et Saqqarah, grâce à la révolution de « l’archéologie de l’espace ». À des milliers de kilomètres de l’Égypte, dans les laboratoires de l’Université d’Alabama à Birmingham (États-Unis), la professeure Sarah Parcak a examiné pendant un an des centaines de photos infrarouges prises par des satellites de la Nasa, l’Agence spatiale américaine, qui lui ont révélé un monde englouti. « Et il ne s’agit que des sites en surface, insiste l’archéologue. Il y en a plusieurs milliers d’autres que le Nil a recouverts de sédiments ». D’abord sceptiques, les autorités égyptiennes se sont enthousiasmées lorsque des excavations sur le terrain ont confirmé la présence de vestiges, dont deux pyramides. « Le plan de ces structures correspondait presque parfaitement à l’imagerie satellite », commente Sarah Parcak. On estimait jusqu’ici que 70 % des trésors antiques de l’Égypte reposaient sous terre : sans doute était-on encore loin du compte. Diffusé le 30 mai, un documentaire de la BBC, Egypt’s Lost Cities, relate l’histoire de cette découverte majeure. « Indiana Jones, c’est la vieille école, ironise l’égyptologue américaine. Nous avons fait du chemin depuis Indy ! Désolée, Harrison Ford ! » ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE

Égypte, il y a encore beaucoup à faire pour instaurer la démocratie. Déjà, il faut ramener l’argent détourné par Ben Ali ou Moubarak. » TAHAR BEN JELLOUN Écrivain franco-marocain

« Contrairement à une légende, il est inexact que nous ayons besoin de talents, de compétences issus de l’immigration. La France n’a pas besoin de maçons, de serveurs de restaurant étrangers. » CLAUDE GUÉANT Ministre français de l’Intérieur

« Si nous gagnons notre

pari, nous aurons comme voisins des démocraties et des marchés florissants. Si nous fermons la porte, nous aurons exactement l’inverse. » CATHERINE ASHTON Chef de la diplomatie de l’Union européenne (commentant le projet d’aide économique de l’UE aux pays arabes)

« Nous devons blâmer le mauvais comportement des Occidentaux envers les femmes. Ils ne comprennent pas leur statut et leur dignité. » ALI KHAMENEI Guide suprême de la République d’Iran

« Le temps où ce poste important était réservé à un citoyen européen est révolu. » GUIDO MANTEGA Ministre brésilien des Finances (à propos de la direction du Fonds monétaire international) N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

AP/SIPA

de déclarer le président Zuma. « Je l’ai vu à Jo’burg à la mimai. On a ri, et nous nous sommes taquinés, comme à l’époque », confirme un ancien compagnon de lutte. Si Mandela est né dans le village tout proche de Mvezo, c’est de Qunu qu’il conserve ses plus anciens souvenirs. Les huttes de son enfance ont laissé place à des maisons en dur, mais la région reste très rurale. « Il aime regarder son bétail depuis son balcon, raconte son petit-fils, Mandla. Cela lui donne des forces. » Mandela ne devrait pas y séjourner longtemps. Sa présence est annoncée près de Johannesburg le 12 juin pour la commémoration du procès de Rivonia (à l’issue duquel il avait été condamnéà la prison à perpétuité). Ce serait sa première apparition publique depuis le Mondial, en juillet 2010. ●

D.R.

Afrique du Sud Comment va Mandela?  C’EST UNE BELLE RÉGION, avec ses rondes collines, ses vallées fertiles, son millier de rivières et de ruisseaux… » Dans Un long chemin vers la liberté, c’est ainsi que Nelson Mandela décrit le paysage de son enfance. Après avoir passé quatre mois dans sa maison de Houghton, à Johannesburg, il a décidé de regagner Qunu (Cap-Oriental) pour revoir ce lieu cher à son cœur. La nouvelle serait presque passée inaperçue si son état de santé n’inquiétait autant. Victime d’une infection pulmonaireenjanvier,l’icônedela lutte antiapartheid (qui fêtera ses 93 ans le 18 juillet) avait été hospitalisée près de trois jours. La presse l’ayant d’abord présenté comme « imprévu », ce voyage (en avion, puis dans une ambulance) a mis le pays en émoi. Madiba « se porte assez bien pour voyager », s’est empressé

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La semaine de J.A. Décryptage

24

JEUNEAFRIQUE.COM

SONDAGE Affaire DSK : Dominique Strauss-Kahn est… 1

* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 19 ET LE 26 MAI 2011

3

2

1. Victime d’un complot 63 % 2. Un justiciable comme un autre qui doit rendre des comptes 19 % 3. Un homme dont on a trop longtemps tu les comportements en prétextant le respect à la vie privée 18 % (917 votes*) À l’image des Français, qui étaient 57 % à croire à un complot au lendemain de l’arrestation de DSK, les internautes de jeuneafrique.com sont persuadés qu’il est tombé dans un piège. CETTE SEMAINE :

Qui doit succéder à DSK à la tête du FMI ? À LIRE AUSSI : Patrick Liewig, une exception dans le milieu du football tunisien. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

EMIL VAS/AP/SIPA

Zoom sur Kah Walla, candidate à la présidentielle camerounaise.

RATKO MLADIC (au centre), en 1994. Ses faits d’armes : le « nettoyage ethnique » de la Bosnie et le massacre de 8 000 civils musulmans à Srebrenica, en 1995.

Serbie « Dieu » face au jugement dernier Il était l’un des tout derniers grands criminels de guerre recherchés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Ratko Mladic a été arrêté le 26 mai, après seize ans de cavale.

I

l se faisait appeler Dieu par ses hommes. Ratko Mladic, 69 ans, ancien chef militaire des forces serbes durant la guerre de BosnieHerzégovine, a été arrêté le 26 mai en Serbie. Il était en cavale depuis près de seize ans. La nouvelle a été annoncée à Belgrade par Boris Tadic, le président serbe, et confirmée par Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères, qui a demandé son transfert rapide vers le Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (TPIY), à La Haye. LONGTEMPS PROTÉGÉ. Mladic devra répondre d’accusations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour les tueries du siège de Sarajevo (environ 11 700 morts en quarante-quatre mois) et son rôle dans le massacre planifié, en juillet 1995, de 8000 civils musulmans à Srebrenica. Artisan du « nettoyage ethnique » de la Bosnie avec Radovan Karadzic (arrêté en 2008) et l’ex-président serbe Slobodan Milosevic (décédé en 2006), Ratko Mladic était, avec Goran Hadzic, l’ancien président (toujours en cavale) de la République serbe autoproclamée de Krajina, l’un

des deux derniers grands criminels de guerre recherchés dans les Balkans. La liste comprenait à l’origine 161 noms. Protégé jusqu’à la chute du président Milosevic, en octobre 2000, le « boucher des Balkans », toujours considéré comme un héros par de nombreux Serbes, était alors entré dans la clandestinité. En dépit des dénégations de Belgrade, qui a longtemps prétendu ignorer où il se trouvait, il a bénéficié, au moins jusqu’en 2002, de la protection de l’armée. En 2005, il touchait encore une pension. En l’arrêtant, la Serbie, qui a officiellement postulé pour entrer dans l’UE, s’assure de voir enfin son dossier examiné, et peut-être aussi de lever les réticences des Pays-Bas, qui avaient clairement fait de son arrestation une condition sine qua non à l’examen de sa candidature. Maintenant que plus personne ne doute que la Serbie « coopère pleinement avec le tribunal de La Haye », il lui reste cependant, afin de prétendre à obtenir le statut de candidat au bloc des 27 en décembre prochain, à démontrer sa volonté d’œuvrer à la réconciliation régionale souhaitée par Bruxelles en reconnaissant l’indépendance du Kosovo. ● JULIETTE MORILLOT JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Les gens Ý TCHIAKOULLÉ, le village natal de la plaignante, sur les hauteurs du Fouta-Djalon.

Bah. « Ma sœur est très pieuse, elle ne se fâche jamais, ne crie jamais. J’ai très mal pour elle », renchérit Mamadou Dian, le frère de la jeune femme.

CELLOU DIALLO/AFP

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Affaire DSK Sur les traces de Nafissatou Diallo Originaire d’un hameau perdu de Guinée, la jeune femme de chambre que l’ex-patron du FMI aurait sexuellement agressée est, selon les premiers témoignages, une personne réservée et discrète.

«

D

es nuées de journalistes, plusieurs camions de télévision, des cordons de policiers. Je pensais qu’une star américaine logeait à l’hôtel », se souvient D.L.*, un designer camerounais qui séjournait au Sofitel de New York quand a éclaté « l’affaire Dominique Strauss-Kahn », le 14 mai. Il se souvient aussi de la jeune femme de chambre, croisée à plusieurs reprises dans les couloirs et avec laquelle il avait fini par échanger quelques mots, mélangeant français et anglais. « J’ai vu Diallo sur son badge et je lui ai demandé d’où elle venait, comment ça allait… Bref, les questions que posent tous les Africains qui se croisent dans un pays étranger. Elle était sympathique, mais assez timide », raconte-t-il à propos de Nafissatou Diallo, cette Guinéenne de 32 ans qui accuse l’ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) de l’avoir violée. D.L. décrit une femme de taille moyenne, les formes cachées par

son uniforme de travail, qui rechigne à « papoter » avec les clients. Depuis l’arrestation de DSK et le début de la procédure judiciaire, Nafissatou est surprotégée par la police new-yorkaise. Aucune information n’a filtré sur la présumée victime. À chacun de ses déplacements, elle est recouverte d’un drap blanc. PIEUSE. Des limiers ont réussi à remonter

sa trace jusqu’à Tchiakoullé, sur les hauteurs du Fouta-Djalon, à huit heures de route et de marche de Conakry, en Guinée. Dans ce hameau au cœur du pays peul, ni électricité ni eau courante. Quelques plants de maïs, des vaches, une dizaine de cases en terre battue et une seule maison « en dur ». Celle des Diallo, construite grâce à la générosité de Hassanatou, la sœur aînée de Nafissatou, qui vit aussi aux États-Unis. « Dans cette région, les gens vivent selon des codes moraux qui peuvent paraître dépassés aujourd’hui », explique le journaliste guinéen Mouctar

« SALIE À JAMAIS ». Mariée à l’âge de 17 ans à un cousin, Abdoul, Nafissatou a eu deux filles, dont l’une est décédée avant son deuxième anniversaire. À la mort de son mari, elle quitte Tchiakoullé avec son enfant et s’installe chez Mamadou Dian, à Conakry. Là, elle vit d’expédients, apprend la couture et finit par gérer une cafétéria. Elle reste chez son frère pendant presque un an, avant de s’envoler seule pour les États-Unis, en 2002, où l’attend Hassanatou. Elle obtient assez vite le statut de réfugiée politique et une green card. Désormais résidente légale, elle fait venir sa fille. Washington a toujours fait preuve d’une certaine bienveillance envers la communauté peule depuis la mort en détention, en 1977, de Diallo Telli, premier secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine, interné dans le sinistre Camp Boiro sur ordre du président guinéen Ahmed Sékou Touré. Cibles d’une succession de pogroms, les Peuls n’ont longtemps eu d’autre choix que l’exil. Et même si ce point reste sujet à caution, Souleymane Diallo, président de la section new-yorkaise de l’association Pottal Fii Bhantal (Union pour le développement du FoutaDjalon), assure qu’« aujourd’hui encore, [les Peuls sont] victimes de violences ethniques ». S’il n’a jamais rencontré Nafissatou, il compte bien la soutenir dans cette épreuve. Comme les milliers de Peuls – on les estime à 5 000 – de New York. La soutenir, mais pas trop quand même. « Quelle que soit l’issue de cette histoire, Nafissatou est salie à jamais, maugrée-t-il. Elle ne pourra plus jamais se marier dans la communauté. » ● MALIKA GROGA-BADA

* Notre interlocuteur souhaite garder l’anonymat.

NOMINATIONS

KHALIDA RACHID KHAN TPIR La juge pakistanaise a été élue par ses pairs N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour un mandat de deux ans.

YOUSSOU NDOUR SÉNÉGAL Le chanteur sénégalais a été fait, le 23 mai, docteur

honoris causa de la prestigieuse Université Yale, aux États-Unis. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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DOCTEUR DENIS MUKWEGE

James Michel Soleil et mer d’huile

Connu pour son combat en faveur des victimes de violences sexuelles, le directeur de l’hôpital Panzi, à Bukavu, en RD Congo, a reçu, le 24 mai, le Prix international Roi-Baudouin pour le développement, doté de 150 000 euros.

Réélu confortablement dès le premier tour, le président seychellois a d’ores et déjà marqué de son empreinte l’archipel de l’océan Indien.

Q

« SO BRITISH ». C’est peu dire que les Seychellois connaissent

XINHUA/ZUMA/REA

leur président. Depuis le coup d’État de France-Albert René, en 1977, James Michel, 66 ans, cordial et mesuré, qui affiche un flegme « so british » et un fort patriotisme, fait partie des meubles du régime d’obédience socialiste. En trente-quatre ans, cet enseignant de formation n’a jamais quitté le pouvoir. Plusieurs fois ministre (Éducation, Intérieur, Défense, Finances), il devient vice-président en 1996. En 2004, c’est naturellement vers son dauphin que René, démissionnaire en raison de son âge avancé, LE FUTUR VAINQUEUR dans un bureau de vote de l’île se tourne. de Mahé, le 21 mai. « Les Seychelles d’aujourd’hui ont été façonnées par James Michel, sans accroc, tout en souplesse », explique un collaborateur du président. C’est lui qui, dans les années 1990, a négocié le virage de la démocratisation ; lui qui, en 2008, a entrepris de libéraliser l’économie de l’archipel. Depuis trois ans, Michel s’est donné deux nouveaux objectifs : anéantir la piraterie dans les eaux seychelloises et faire de son pays un précurseur en matière d’écologie. Il lui reste cinq ans pour y parvenir. ●

Cette jeune femme a bravé l’interdiction faite aux Saoudiennes de conduire en circulant au volant d’une voiture dans les rues de Khobar, dans l’est du royaume. Elle a appelé ses compatriotes à en faire autant le 17 juin. ALBERT TÉVOÉDJRÈ Le médiateur de la République du Bénin a reçu, le 23 juin, à Paris, la Légion d’honneur des mains de Stéphane Hessel, corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

EN BAISSE

MOHAMED BIN HAMMAM MO La commission d’éthique de la Fi Fifa a ouvert une procédure co contre le candidat qatari à la pr présidence de la Fifa, qui a co contre-attaqué en demandant l’ou l’ouverture d’une enquête contre so son rival, Joseph Blatter. AGATHE HABYARIMANA Objet d’un mandat d’arrêt international émis par le Rwanda, qui l’accuse de « génocide » et de « crimes contre l’humanité », la veuve de l’ex-président rwandais n’est plus autorisée à séjourner en France. GEORGES TRON GE Le secrétaire d’État français à la Fonction publique fait l’ob l’objet d’une plainte pour ha harcèlement sexuel de la part de deux de ses anciennes em employées à la mairie de Dr Draveil.

RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE

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PANORAMIC ; CHRISTOPHE CALAIS/CORBIS ; MEIGNEUX/SIPA

u’elles semblent loin les années 1970 et 1980, quand les Seychelles étaient régulièrement agitées par des tentatives de coup d’État et des intrusions de mercenaires. Aujourd’hui, le paysage politique de l’archipel aux 115 îles ressemble à un long fleuve tranquille. Le 21 mai, le président sortant, James Michel, a été confortablement réélu à l’issue d’une campagne sans relief et d’un scrutin sans remous. Le candidat du parti au pouvoir depuis 1977, le Lepep (ex-SPPF), l’a emporté dès le premier tour avec 55,4 % des suffrages. Son principal opposant, Wavel Ramkalawan (Seychelles National Party), a recueilli 41,4 % des voix. « Ensemble, nous allons créer ces Nouvelles Seychelles [« En nouvo Sesel » était le slogan de sa campagne, NDLR] dans la paix et l’harmonie, respectueuses de la diversité des opinions », a déclaré le vainqueur, avant d’assurer qu’il poursuivrait les réformes engagées ces dernières années, lesquelles, si elles ont permis au pays d’éviter la banqueroute, en ont laissé quelques-uns sur le carreau. « Elles étaient devenues indispensables, plaide Victor, un partisan de Michel. Nous lui faisons confiance. »

OLIVIER PAPEGNIES ; DR ; VINCENT FOURNIER/J.A.

MANAL AL-SHARIF


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Grand angle

Alassane

« Je ne dois rien à personne, sauf aux Ivoiriens »

Réconciliation nationale après une décennie de violences, reconstruction d’un pays profondément meurtri, relance d’une économie exsangue… Les chantiers sont immenses. Dans sa première longue interview, le chef de l’État présente sa feuille de route.

Propos recueillis à Yamoussoukro par

Y

MARWANE BEN YAHMED

amoussoukro,22mai.Lesflonflonsdelafêtede l’investiture du nouveau président, Alassane Dramane Ouattara (ADO), se dissipent. La trentaine de chefs d’État, de gouvernement et de représentants officiels (vice-présidents, ministres d’État, etc.) sont remontés dans leurs avions pour un impressionnant ballet aérien. Certains invités, journalistes et participants ivoiriens, eux, tentent de regagner Abidjan par la route. La capitale politique, née de la volonté d’Houphouët, se vide petit à petit tandis que le chef de l’État déjeune en petit comité familial, avec son épouse Dominique, ses enfants Dramane, Fanta et leurs conjoints, le secrétaire général de la présidence Amadou Gon Coulibaly, et sa nièce Masséré Touré, responsable de la communication, dans la grande salle à manger du « Giscardium », cette partie de la résidence du père de l’indépendance réservée aux hôtes de marque et construite à l’intention du président français Valéry Giscard d’Estaing, dans laquelle logeait Laurent Gbagbo lors de ses séjours à « Yakro ». Tableaux de maîtres et tapisseries d’Aubusson ornent cet antre du pouvoir. Au loin, on aperçoit la coupole de l’imposante basilique Notre-Dame-de-la-Paix, symbole des années de gloire de la Côte d’Ivoire. C’est dans le bureau attenant à l’immense salon du Giscardium qu’ADO nous a reçu pour répondre à nos nombreuses questions. La première grande interview accordée à Jeune Afrique depuis son élection. Lors de la précédente, en septembre 2010 dans le cadre d’une série d’entretiens avec les principaux candidats à la présidentielle, il avait déclaré « cette fois, j’y crois » (voir J.A. no 2595). Laurent Gbagbo, lui, avait préféré un tout aussi prémonitoire « J’y suis, j’y reste » (J.A. no 2597)… Plus de vingt ans après son entrée

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

en politique, Ouattara, au cœur de la tempête qui balaie son pays depuis si longtemps, est arrivé au bout d’un long chemin jonché d’épreuves, d’humiliations, de doutes et, surtout, de ténacité. Ses pas empruntent désormais une nouvelle voie, guère moins semée d’embûches. Élu en novembre 2010, il est arrivé au pouvoir dans les pires circonstances, par les armes et avec le soutien militaire des ex-rebelles, de la France et des Nations unies. De quoi nourrir un débat sans fin sur les thèmes de l’ingérence et du néocolonialisme. Sur tout cela, ADO s’explique au cours de l’entretien qui suit. Mais aussi, entre autres, de la tâche ardue qui l’attend, de sa conception du pouvoir, de sa vision de la future armée ivoirienne, des hommes avec qui il travaille, voire compose, de Laurent et Simone Gbagbo et du sort qui leur sera réservé… À sa manière, prudente, pesant chaque mot dans un souci d’apaisement. L’heure est à la réconciliation… ●

JEUNE AFRIQUE


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Ý Peu avant son DISCOURS D’INVESTITURE, à la Fondation HouphouëtBoigny, à Yamoussoukro, le 21 mai. JEUNE AFRIQUE

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

ISSOUF SANOGO/AFP

Ouattara


Grand angle JEUNE AFRIQUE : Après cinq mois de conflit postélectoral et une décennie de crise politico-militaire, vous prenez la tête d’un pays exsangue, divisé et profondément meurtri. Quelles sont vos priorités ? ALASSANE OUATTARA : La réconci-

liation et la reconstruction. La Côte d’Ivoire est dévastée, la tâche qui nous attend est immense. J’ai décidé de créer la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, et de nommer à sa tête l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny, un homme qui partage notre vision de la Côte d’Ivoire et qui présente toutes les qualités requises. J’ai également souhaité mettre en place un gouvernement d’union nationale, avec les représentants des principales forces politiques du pays, dont le Front populaire ivoirien [FPI, NDLR], et la société civile. En ce qui concerne la reconstruction, ce sera plus facile : cela correspond à ce que je sais faire, compte tenu des fonctions que j’ai occupées par le passé, notamment au FMI [Fonds monétaire international] ou lorsque j’étais Premier ministre. Comment comptez-vous vous faire accepter par les 45 % d’Ivoiriens qui n’ont pas voté pour vous et dont certains éprouvent toujours un profond ressentiment à votre égard ?

De tout scrutin démocratique, il ressort une majorité et une minorité. La majorité qui me soutient est large. Quant à tous ceux qui ont voté Laurent Gbagbo, je doute qu’ils aient apprécié son comportement à l’issue du second tour et qu’ils aient tous approuvé sa tentative de maintien au pouvoir, au prix de la vie de milliers d’Ivoiriens. Je peux vous

ISSOUF SANOGO/AFP

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Nombre de chefs d’État et d’intellectuels africains considèrent que vous êtes arrivé au pouvoir par les armes grâce à la France et à la communauté internationale. Pour eux, c’est une tache indélébile sur votre légitimité, qui conforte le discours anticolonialiste tenu par Gbagbo…

Je suis choqué par l’incohérence de ce discours : tous les Africains veulent la démocratie, non ? Le peuple ivoirien s’est prononcé et a tranché. Inutile de revenir sur cela, même si les manœuvres dilatoires du camp de mon adversaire ont essayé de semer le doute sur cette

Ceux qui critiquent l’intervention de la France ont-ils oublié que Gbagbo utilisait des armes lourdes pour tuer des Ivoiriens? assurer que le soutien dont il bénéficiait s’est totalement effondré. Et les actes que nous sommes en train de poser achèveront de les rassurer. Ce qui m’intéresse, c’est le développement de mon pays pour des citoyens qui ont trop souffert, sans distinction de région, d’ethnie ou de religion. La Côte d’Ivoire a tourné la page, et nous sommes, enfin, dans une nouvelle dynamique. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

élection pourtant reconnue par tous, de la Commission électorale indépendante [CEI] à l’ONU en passant par la Cedeao et l’Union africaine. Il faut quand même rappeler que cette élection a été suivie de près par les Nations unies à la demande de tous les acteurs ivoiriens, y compris Laurent Gbagbo. Ceux qui critiquent l’élection ou l’intervention de la France, sous mandat de l’ONU, ont-ils oublié que

Laurent Gbagbo utilisait des armes lourdes pour tuer des Ivoiriens ? Pourquoi ne condamnent-ils pas cela ? Ces réactions plongent leurs racines dans l’histoire de cette fameuse Françafrique…

Ces intellectuels devraient pouvoir faire la part des choses. La France n’a fait qu’intervenir selon la résolution 1975 des Nationsunies,quiaétévotéeàl’unanimité. Pourquoi ces mêmes personnes n’ontelles pas critiqué la décision des Nations unies qui a prorogé le mandat de Laurent Gbagbo après son expiration ?

Revenons sur la semaine précédant la chute de Laurent Gbagbo, le 11 avril. Comment a été prise la décision de lancer l’assaut final ?

En décembre déjà, la Cedeao et les Nations unies avaient donné un délai à Laurent Gbagbo pour se retirer et évoqué l’utilisation de la force s’il n’obtempérait pas. Gbagbo a tout tenté, y compris auprès de l’Union africaine, pour les faire revenir sur cette décision. Nous avons fait preuve de patience, mais les choses ont traîné et se sont compliquées. Le 10 mars, tout le monde a confirmé mon élection. Après cela, Laurent Gbagbo est devenu encore plus violent. Nous avons considéré JEUNE AFRIQUE


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Ý Photo de famille avec la VINGTAINE DE CHEFS D’ÉTAT et de gouvernement africains présents à la cérémonie. Le secrétaire général de l’ONU, BAN KI-MOON, avait également fait le déplacement. demandé de tout faire pour que Laurent Gbagbo ne soit pas tué ?

Oui, mais c’était de toute façon également mon intention. Je ne suis pas pour le sang ou la violence. Qu’avez-vous pensé des images de l’arrestation de Laurent Gbagbo et des violences qui l’ont accompagnée ? Désiré Tagro a trouvé la mort, Simone Gbagbo a été molestée…

J’ai vu cela à la télévision, comme vous. Simone et Laurent Gbagbo sont en vie. C’est cela qu’il faut retenir. J’ai demandé que Désiré Tagro soit évacué d’urgence à la Polyclinique Pisam ; il a malheureusement succombé à ses blessures. Tout cela est regrettable.

qu’il allait trop loin, notamment à Abobo, qu’il a fait bombarder par des chars, provoquant ainsi la mort de centaines de citoyens. À partir de ce moment-là, j’ai considéré qu’il fallait rassembler toutes nos forces, aussi bien les ex-Forces nouvelles que les nombreux éléments des forces armées nationales qui nous ont rejoints et qui ne pouvaient plus cautionner ces crimes. C’est ainsi que nous avons créé les Forces républicaines de Côte d’Ivoire [FRCI], qui se sont engagées dans la pacification du pays. Cela a commencé par l’Est, l’Ouest et le Centre. En quatre jours, les FRCI sont arrivées

Avez-vous discuté avec votre adversaire dans les derniers jours qui ont précédé sa chute ?

Non, je n’ai pas eu Laurent Gbagbo depuis le 29 novembre [le lendemain du second tour de l’élection présidentielle], quand je lui ai demandé de lever le couvre-feu pour que la Commission électorale puisse faire son travail. Comme toujours, il m’avait promis de le faire et n’a pas tenu cette promesse. Vous savez, cela ne servait pas à grand-chose de discuter avec lui…

aux portes d’Abidjan, parce qu’en réalité l’armée, les gendarmes et les policiers ne soutenaient pas Laurent Gbagbo. Les Ivoiriens ne pouvaient pas accepter de tuer d’autres Ivoiriens. Restait les miliciens et les mercenaires, qui mettaient tout en œuvre pour maintenir Gbagbo au pouvoir. Nous avons donc décidé, avec le président Henri Konan Bédié et Guillaume Soro, de lancer nous-mêmes l’assaut final sur Abidjan plutôt que d’attendre que la Cedeao le fasse.

Et depuis son arrestation ?

Non plus.

Est-il vrai que le chef de l’État français, Nicolas Sarkozy, vous a personnellement

Pourquoi avoir placé Laurent Gbagbo en résidence surveillée à Korhogo et son épouse Simone à Odienné ?

Ý L’EX-PRÉSIDENT, le 11 avril au Golf Hôtel, peu après son ARRESTATION à Abidjan.

MICHAEL ZUMSTEIN/AGENCE VU

Pour leur propre sécurité : Korhogo est ma terre paternelle et Odienné ma terre maternelle. Là-bas, je suis sûr que rien ne leur arrivera, comme je l’ai exigé. Et la justice pourra faire son travail en toute sérénité.

JEUNE AFRIQUE

Pour quelles raisons les avoir séparés?

Nousn’avonsfaitqu’appliquerlavolonté de Laurent Gbagbo. Pensiez-vous, le 28 novembre, que les choses se passeraient ainsi ?

Je me doutais que Laurent Gbagbo ferait des difficultés. Mais jamais je n’aurais ● ● ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


Grand angle Côte d’Ivoire

Æ Combattants des FRCI, PRO-OUATTARA, dans les rues d’Abidjan, le 29 avril.

Mais nous n’avons pas les moyens de juger les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité. La CPI est là pour cela. Nous lui avons donc demandé de s’en charger. Le plus tôt sera le mieux. SIA KAMBOU/AFP

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● ● ● imaginé qu’il en arriverait à de telles extrémités.

Parmi les zones d’ombre qui ont entouré votre accession au pouvoir, il y a la mort du sergent-chef Ibrahim Coulibaly, dit IB. Comment en est-on arrivé là ?

J’ai tout fait pour que les miliciens et les combattants déposent les armes sans violence. J’ai lancé un appel en ce sens. Certains l’ont fait, d’autres ont refusé, comme IB. Il y a eu des combats, au cours desquels il a malheureusement trouvé la mort. Que s’est-il passé exactement lors de ces combats ?

Nous avons fait procéder à une autopsie et sommes en train de mener une enquête pour répondre à ces questions. Charles Blé Goudé, le leader des Jeunes Patriotes, lui, a disparu…

J’ignore ce que devient M. Blé Goudé.

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Avez-vous songé, au plus fort de la crise postélectorale, lorsque vous viviez reclus au Golf Hôtel, à jeter l’éponge ?

Jamais. On ne peut pas mener un aussi long combat politique, être élu par les Ivoiriens et se débiner, passez-moi le terme. Vous avez demandé à la Cour pénale internationale [CPI] d’enquêter sur les crimes commis pendant cette période, estimant que la justice ivoirienne n’était

Cela signifie que si Laurent Gbagbo était reconnu coupable, vous le livreriez à la CPI ?

C’est évident. Je ferai ce que les tribunaux décideront, en Côte d’Ivoire ou ailleurs.

Et si la CPI reconnaissait également des responsabilités dans vos propres rangs, au sein des FRCI notamment pour les massacres commis dans l’Ouest, lui livrerez-vous les coupables ?

Bien sûr. Quel que soit le statut des personnes reconnues coupables. Tous les Ivoiriens sont égaux devant la justice et le règne de l’impunité est bel et bien terminé.

Je ferai ce que les tribunaux décideront, en Côte d’Ivoire ou ailleurs. pas en mesure de le faire. Pour quelles raisons ?

Parce que Gbagbo a aussi détruit la justice. Nous avons la capacité de juger un certain nombre de faits, notamment ce qui a trait à la corruption, aux malversations financières ou à l’usurpation du pouvoir.

Ne craignez-vous pas qu’un procès de Laurent Gbagbo à Abidjan soit de nature à perturber l’ordre public ?

Je ne sais pas si son procès se déroulera à Abidjan ou ailleurs en Côte d’Ivoire. Je ne suis pas sûr, pour sa sécurité, que ce soit dans son intérêt que le procès se déroule à JEUNE AFRIQUE


L’interview d’Alassane Ouattara

VINCENT FOURNIER/J.A.

PATRICK ROBERT

À propos de GUILLAUME SORO (à gauche) : « Nous avons besoin de son expérience et de sa stature. » Et d’HENRI KONAN BÉDIÉ : « Je le consulterai pour chacune des grandes décisions. »

Abidjan, en raison des réactions possibles des victimes et de leurs familles. Comment comptez-vous, après une décennie de conflit, réunifier l’armée ?

Il s’agit là d’une tâche importante mais difficile. L’armée a été divisée, des frères d’armes se sont combattus. Il n’y a pas eu véritablement de formation des soldats pour leur mission première, à savoir assurer la sécurité des Ivoiriens. Les effectifs sont pléthoriques, d’importants recrutements ont été menés sur une base purementethnique.Maisnousyarriverons avec une armée revenue à ses missions de base, placée sous l’autorité d’un gouvernement démocratique et légitime. Vous savez que la question de la réintégration des ex-Forces nouvelles a toujours été une pomme de discorde…

Je m’emploierai à appliquer l’accord de Ouagadougou, qui prévoit des solutions idoines pour régler cette question. Vous vous doutez quand même que les tensions et les rancœurs ne disparaîtront pas comme cela ?

Ces rancœurs existent au sein de la population elle-même. C’est à nous de tout mettre en œuvre pour faire baisser ces tensions et ramener la cohésion sociale. Que vont devenir les comzones ?

C’est à eux qu’il faut poser cette question : ce sont des militaires comme les autres, ils auront des choix à faire.

Avez-vous identifié le chef d’état-major qui devra mener ce chantier ?

Pas encore. Nous y travaillerons dès que le nouveau gouvernement sera installé. Ý LORS DE L’ENTRETIEN, le 22 mai, dans son bureau du palais des Hôtes, à Yamoussoukro.

Le général Philippe Mangou pourrait-il être cet homme-là ?

Je suis ouvert. Mais je veux voir comment les uns et les autres vont se comporter par rapport aux institutions et à la République…

Vous avez été élu par les Ivoiriens mais êtes arrivé au pouvoir par les armes, grâce aux FRCI d’une part et à la communauté internationale d’autre part. Comment préserver votre indépendance et ne pas être contraint de renvoyer éternellement l’ascenseur ?

Je ne dois rien à personne, sauf aux Ivoiriens, qui m’ont élu.

Maintenant que vous êtes à la tête de l’État ivoirien, quel rôle jouera l’ancien président Henri Konan Bédié à vos côtés ?

Il a joué un rôle prépondérant, bien avant la crise et le second tour de l’élection. Il m’a beaucoup apporté par ses conseils et son expérience. Il continuera de le faire, je le consulterai pour chacune des grandes décisions. Nous sommes d’ailleurs en parfaite harmonie.

FALONE POUR J.A.

Et Guillaume Soro ?

JEUNE AFRIQUE

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Le Premier ministre et ministre de la Défense effectue un travail remarquable, c’est pour cela que j’ai décidé de le reconduire dans ses fonctions. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


Grand angle Côte d’Ivoire Avec l’accord du président Bédié. Nous avons besoin de son expérience et de sa stature. La Côte d’Ivoire fonctionne sans Parlement depuis maintenant plus de cinq ans. Quand se dérouleront les élections législatives ?

J’espère avant la fin de l’année. Le président de la CEI, Youssouf Bakayoko, est revenu. Il va remettre la commission au travail et s’assurer que tout est en ordre. Nous devons achever tous les chantiers qui ont été interrompus par Laurent Gbagbo, notamment l’identification et le recensement. Tout cela peut prendre un peu de temps, mais nous devons tout mettre en œuvre pour que ces élections aient lieu cette année. Je crois aux institutions fortes. Notre Assemblée doit montrer que nous sommes enfin entrés de plain-pied dans la démocratie.

Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ira-t-il aux élections sous une bannière unique ?

Cette décision appartient à la Conférence des présidents du RHDP. Nous avons demandé à une commission d’étudier cette hypothèse. Mais nous n’avons pas encore pris de décision.

Le PDCI et le RDR sont-ils amenés à fusionner ?

Notre objectif, avant ou après les élections, est que tous les partis qui composent le RHDP, dont le PDCI, le RDR, le MFA et l’UDPCI, puissent effectivement fusionner. Craignez-vous des opérations de déstabilisation ou des tentatives de coups d’État menées par des membres de l’ancien régime désireux de revanche ?

J’apprends en tout cas que certains en ont la volonté. Mais nous sommes organisés et confiants.

Votre épouse, Dominique, est très présente à vos côtés. Quel rôle jouera-t-elle désormais ?

Dominique m’a beaucoup aidé et elle continuera de le faire. Elle est désormais première dame et se consacrera à ce rôle. Elle tient d’ailleurs à continuer à œuvrer en faveur de l’enfance, à travers sa fondation Children for Africa. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

LUDOVIC/REA

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Avec le président français, NICOLAS SARKOZY, lors de son arrivée à Yamoussoukro, le 21 mai. « Les relations avec la France sont aujourd’hui excellentes », déclare le chef de l’État ivoirien. Lors de la campagne, vous aviez estimé le coût de votre programme à 12000 milliards de F CFA (18,3 milliards d’euros). Après cinq mois de conflit, à combien s’élève ce montant ?

Je n’ai pas encore d’estimations précises mais ce sera à l’évidence beaucoup plus. Les dégâts sont considérables, des sommes inouïes ont été gaspillées par mon adversaire dans l’achat d’armes et

Avez-vous des pays modèles en matière de développement ?

Bien sûr. Nombre de pays ont fait beaucoup de bonnes choses. J’ai eu, lors de mon passage au FMI, à en suivre certains de près. Mais vous savez, les temps ont changé… Disons, pour en citer quelquesuns, que la Malaisie, la Corée du Sud et, plus près de nous, le Botswana, ont parcouru un long et beau chemin.

Tous les contrats signés sous le règne de mon prédécesseur feront l’objet d’un audit. le recrutement de mercenaires. Et nous avons perdu beaucoup de temps… Je reste cependant confiant en notre capacité à mobiliser les ressources nécessaires. Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour retrouver le chemin de la croissance et du développement ?

Le FMI prévoit un taux de régression de 5 % à 7 % pour 2011. L’année prochaine, nous misons sur une croissance de 3 %. Cela signifie que le conflit postélectoral aura coûté près de 10 % de son PIB à la Côte d’Ivoire ! Nous allons travailler dur pour récupérer le temps perdu, et j’espère qu’à la fin de mon mandat la croissance de la Côte d’Ivoire sera proche de 10 %. Quelles sont vos priorités économiques ?

La plus importante de toutes, c’est l’amélioration rapide et importante du quotidien des Ivoiriens : eau, électricité, école, santé, infrastructures… L’objectif global, c’est la création d’emplois, notamment pour les jeunes.

Comptez-vous poursuivre les grands chantiers lancés par votre prédécesseur, notamment à Yamoussoukro par exemple ?

Nous allons lancer un audit de tout ce qui a été initié sous Laurent Gbagbo. C’est à l’issue de celui-ci que nous prendrons des décisions.

Vous souhaitez toujours vous installer à Yamoussoukro ?

Oui, évidemment. Je l’avais annoncé il y a longtemps déjà et je le ferai. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’ai tenu à ce que la cérémonie d’investiture se déroule ici. Mais cela se fera de manière progressive, évidemment, puisque les infrastructures ne permettent pas encore le transfert définitif des institutions vers la capitale. Vous venez d’évoquer un audit sur ce qui a été lancé ou signé par Laurent Gbagbo. Cela concerne-t-il également les contrats pétroliers, le port d’Abidjan ?

Cela concerne tous les contrats, dans tous les secteurs. JEUNE AFRIQUE


L’interview d’Alassane Ouattara Plus rien ne semble s’opposer au retour de la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan. En avez-vous parlé avec son président, Donald Kaberuka ?

Nous avons effectivement abordé cette question lors de mon investiture. Je lui ai dit que la situation en Côte d’Ivoire était stabilisée et qu’il pouvait poursuivre les travaux de réhabilitation du siège dans la capitale économique. Je lui ai également proposé de mettre à leur disposition un second immeuble. Je souhaite que la BAD revienne avant la fin de l’année, et je crois que le président Kaberuka, que je connais depuis longtemps, est déterminé à aller en ce sens.

Comment envisagez-vous l’avenir des relations avec la France ?

Et à propos de la disparation de GuyAndré Kieffer ?

L’intervention française laissera tout de même des traces…

Comme dans le cas de la Côte d’Ivoire, l’intervention de la communauté internationale en Libye divise. Quelle est votre position personnelle ?

Elles sont aujourd’hui excellentes, comme vous avez pu le voir lors de l’arrivée de Nicolas Sarkozy, et le resteront. Laurent Gbagbo a essayé, pour sauver son pouvoir, de semer la discorde et de jeter un voile trouble sur ces relations.

Nous en avons déjà parlé : elle était rendue nécessaire par le comportement criminel d’un seul homme. Et encore

Nous avons accepté que le juge français Patrick Ramaël puisse auditionner toutes les personnes auxquelles il n’avait pu avoir accès par le passé. Nous souhaitons que lumière soit enfin faite.

Un certain nombre de vos pairs ont soutenu de manière plus ou moins directe Laurent Gbagbo. Leur en voulez-vous ?

Ce sont les Libyens qui doivent décider de l’avenir de leur pays. Cela signifie donc qu’il faut un dialogue, à condition qu’il soit accepté par les deux parties. Et là encore, l’intervention militaire a été rendue nécessaire par l’utilisation d’armes lourdes contre des populations civiles.

Disons les chefs d’État de l’Angola, du Ghana, de la Gambie…

Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris l’arrestation de votre ami Dominique Strauss-Kahn à New York ?

Lesquels ?

En dehors de la Gambie, qui s’est exprimée officiellement, ce n’est pas ce que mes homologues m’ont dit, et je ne dispose pas de faits tangibles qui étayent vos propos.

Les faits qui lui sont reprochés sont d’une extrême gravité…

FALONE POUR J.A.

Le Ghana, par exemple, a refusé d’envoyer des troupes dans le cadre de la Cedeao…

C’est effectivement mon ami. Vous imaginez donc que j’ai été très peiné.

S’ils sont avérés, c’est évidemmenttrèsgrave.Maisayons la décence d’attendre que la justice se prononce.

Mais ce refus ne signifie pas pour autant soutenir Gbagbo. Les images de son arrestation Le Ghana a envoyé des troupes un peu partout sur les scènes de vous ont-elles choquées ? « MES PRIORITÉS ÉCONOMIQUES : eau, électricité, école, conflits en Afrique, y compris C’est la loi américaine et elle santé, infrastructures… » en Côte d’Ivoire. Leur niveau s’applique à tous. d’engagement est déjà très élevé et ils ont une fois, en dehors de ceux qui veulent désormais un déficit de troupes. Il ne faut utiliser cela par malice, la majorité des Dernière question, monsieur le présipas voir le mal partout: j’ai de très bonnes Ivoiriens est reconnaissante à la France dent : que diriez-vous à un militant prorelations avec le président Atta-Mills. Gbagbo pour le convaincre de vous faire de les avoir libérés du joug meurtrier de confiance ? Nous nous téléphonons pratiquement l’ancien pouvoir. Que je suis un homme de paix et le toutes les semaines. président de tous les Ivoiriens. Je ne ferai Avez-vous des nouvelles du dirigeant aucune distinction entre les citoyens, Et le fait qu’un certain nombre de prode Sifca, ainsi que du directeur général quelles que soient leur obédience poliches de Laurent Gbagbo se soient réfudu Novotel, du Malaisien et du Béninois tique, leur ethnie, leur région ou leur giés au Ghana ? enlevés le 4 avril dernier à Abidjan par Ce n’est pas un problème: dans le cadre religion. La Côte d’Ivoire a besoin de des miliciens pro-Gbagbo ? de la Cedeao, les citoyens sont libres de cohésion et doit retrouver ce qui a fait Nous suivons le dossier de très près. circuler d’un pays à un autre. Certains sa fierté : la fraternité et son hospitalité. Nous avons interrogé des miliciens qui sont dans d’autres pays voisins. Et je ne ont avoué avoir participé à cet enlèvement Je ne doute pas une seule seconde de et disposons de pistes sur lesquelles nous doute pas une seule seconde que s’il est pouvoir mener les chantiers qui nous établi que ces personnes sont des crimitravaillons en ce moment. Mais vous comattendent car les Ivoiriens sont généreux, nels – nous émettrions alors des mandats prendrez que je ne puisse pour l’instant c’est un peuple discipliné et qui a le sens d’arrêt – elles nous seront remises. pas vous en dire plus. du pardon. ● JEUNE AFRIQUE

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Afrique subsaharienne

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JEAN-PIERRE BEMBA

VINCENT FOURNIER/J.A. - CLAJOT POUR J.A.

VITAL KAMERHE

Opposition en dés de bataille RD CONGO

Pour l’instant incapables de s’entendre sur une candidature unique pour l’élection présidentielle, les adversaires de Joseph Kabila font le jeu du pouvoir. Mais dans un scrutin à un seul tour, leurs ambitions personnelles pourraient leur coûter cher.

À

PHILIPPE PERDRIX

première vue, les choses se présentent bien pour Joseph Kabila. Le chef de l’État congolais n’a pas encore annoncé sa candidature à l’élection présidentielle, fixée au 28 novembre, mais la machineestdéjàenroute.Lepremiercoupd’accélérateur remonte au 15 janvier, lorsque la modification constitutionnelle adoptée au Parlement – mais

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boycottée par l’opposition – a fait passer le mode de scrutin de deux à un tour. Ajoutons à cela: la prime au sortant et l’avantage financier qui en découle ; le contrôle de l’appareil sécuritaire et administratif ainsi que la proximité avec le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Daniel Ngoy Mulunda. Originaire de la communauté balubakat du Katanga, le fief de Kabila, ce pasteur protestant figure parmi les fondateurs du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir) et a fait campagne lors de la précédente présidentielle pour le chef de l’État sortant. Quel que soit le jugement porté sur son bilan, sa façon solitaire et clanique de diriger le pays, et au-delà de l’idée que l’on puisse se faire de sa popularité, le vainqueur de 2006 part donc avec une certaine avance. LUTTES DE LEADERSHIP. « Le boycott du 15 janvier a été une grave erreur. C’était le seul et vrai combat à mener, car en cas de second tour, une entente anti-Kabila sur l’ensemble du territoire JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

ÉTIENNE TSHISEKEDI

des inscrits en 2006), a revu sa stratégie. Le Sphinx de Limete estime être le « candidat naturel » de l’opposition. Il est vrai que son meeting géant, le 24 avril à Kinshasa, a confirmé la popularité d’un chef charismatique, champion reconnu de la démocratie et opposant émérite du maréchal Mobutu. « Si l’élection est libre et transparente, Tshisekedi a une bonne carte à jouer. Son âge n’est pas un handicap, car pour beaucoup de Congolais, son parcours plaide en sa faveur », estime un diplomate étranger. MAL FICELÉ. « Il nous faut absolument construire

ordre

pouvait faire très mal », explique un observateur de la vie politique congolaise. Mais, en lieu et place d’une guérilla législative, musclée et véhémente, « les velléités d’union de l’opposition se heurtent, jusqu’à présent, à des luttes de leadership, des dissensions internes et des géographies électorales concurrentes », analyse International Crisis Group (ICG) dans son dernier rapport sur la RD Congo (« Congo : le dilemme électoral », publié le 5 mai). En fait, on assiste à une course de vitesse menée par trois individualités persuadées d’être en mesure de contrecarrer ce qui s’apparente à la chronique d’une victoire annoncée: Étienne Tshisekedi, Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba. Au terme de trois années d’exil médical en Afrique du Sud, puis en Belgique, le premier, âgé de 79 ans, a fait son grand retour au pays, le 8 décembre dernier, après avoir annoncé dans J.A., trois mois plus tôt, sa volonté d’être candidat. « J’irai jusqu’au bout ! » avait-il déclaré. Après avoir opté pour la « chaise vide » en 2006, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), très bien implantée à Kinshasa et dans la région centrale du Kasaï (35 % JEUNE AFRIQUE

une alliance autour des trois forces de l’opposition pour présenter une alternative crédible. Mettons-nous autour de la table et dressons le portrait-robot du meilleur candidat », propose, pour sa part, Vital Kamerhe. Originaire du SudKivu, dans le nord-est du pays, celui qui fut l’un des plus proches alliés du chef de l’État (il a été secrétaire général du PPRD et président de l’Assemblée nationale jusqu’à sa fracassante démission,enmars2009)adéfinitivementcoupé les ponts avec le régime. En cause, notamment, les accords « mal ficelés » avec la Chine et l’entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais, en janvier 2009, à la suite de l’accord KabilaKagamé pour chasser les extrémistes hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) : « Une goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà plein », résume aujourd’hui Kamerhe. « L’attaquant de base et de pointe de Kabila », en 2006, s’est mis à son compte – il a créé son parti, l’Union pour la nation congolaise (UNC) –, mais se dit prêt à ouvrir le capital à d’autres associés. Il a rencontré, en août dernier, Bemba au parloir de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye (Pays-Bas), et s’est entretenu à plusieurs reprises avec Tshisekedi. Sa feuille de route: convoquer des états généraux de l’opposition. Tout le problème est de savoir qui décidera au final du classement de ce tiercé et quand. À défaut, Kabila pourra sans mal faire le plein de voix pendant que ses adversaires se disputeront un pactole émietté. « Nous avons un candidat officiel et un programme soutenus par une large plateforme. Tout le reste n’est que spéculation », répond Alexis Mutanda Ngoy, le coordonnateur de campagne à l’UDPS. « Ils sont persuadés d’être les mieux placés, mais, sans nous, ils feront quoi en cas de victoire? Ils n’ont aucune expérience gouvernementale », réplique, faussement ingénue, une proche de Kamerhe, donnant ainsi du crédit à un ticket Tshisekedi-Kamerhe, accompagné d’un accord de gouvernement, d’une juste répartition des postes ministériels et d’un pacte de non-agression pour les législatives. Électoralement, un tel accord ferait sens: l’UDPS chassant l’Ouest, et l’UNC l’Est. Problème : autour de Tshisekedi, les barons de l’UDPS savent ● ● ●

Un calendrier au pas de charge

2 avril-30 juin Révision du fichier électoral

4 août

Convocation des électeurs et inscription des candidats

17 septembre

Publication de la liste définitive des candidats

28 novembre

Jour du scrutin

6 décembre

Annonce des résultats provisoires oires

7-16 décembre

Recours et examen par la Cour ur suprême en cas dee contentieux

17 décembre

Proclamation des es résultats définitifs fs

20 décembree

Prestation de serment du président élu lu

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Afrique subsaharienne ● ● ● que les maroquins ne sont pas extensibles à l’infini et que les places seront chères. Faut-il, dans ces conditions, se pacser avec un nouveau venu qui pourrait même, le cas échéant, exiger le poste de Premier ministre ? « Je suis souple et je ne suis pas obsédé par la présidentielle. Si nous échouons sur la candidature unique, nous pouvons nous entendre pour les législatives et obtenir

Comme souvent, l’union de l’opposition est aussi nécessaire que difficile. ainsi la majorité à l’Assemblée, forçant Kabila à une cohabitation », répond Kamerhe. C’est assez habile. L’ancien président de l’Assemblée nationale a conservé de nombreux amis dans l’hémicycle. Beaucoup devraient être réélus. Il n’empêche. Son passé pro-Kabila continue de susciter des craintes autour du « vieux », réputé inflexible. CHARISME. Vient enfin l’imbroglio au sein du

MouvementdelibérationduCongo(MLC),orphelin depuis l’arrestation, en mai 2008, de Jean-Pierre Bemba, poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité après des exactions commises par ses troupes en Centrafrique, entre 2002 et 2003. « Le jugement de la CPI doit intervenir avant le 30 septembre. S’il est acquitté, on pourra donc envisager sa candidature. Et même absent, Bemba est en mesure de se lancer dans la bataille: par son charisme, il est le meilleur argument de l’opposition », lance Fidèle Babala, qui, à Kinshasa, défend la « baraque » contre l’offensive lancée par François Muamba, le secrétaire général du parti. Évincé de son poste le 18 avril pour félonie, ce dernier, natif du Kasaï, conteste une décision illégale. « Il faut constater que Bemba n’est plus là. Nous ne pouvons lier le sort du MLC au sien, déclare celui qui promet un congrès de rupture et une mise en ordre de marche pour la présidentielle. » L’affaire est devant les tribunaux. « Quelle que soit l’issue de cette bataille, le MLC est en perte de vitesse. L’absence de leader charismatique se fait sentir », constate le fonctionnaire d’une organisation internationale qui ne croit pas

VINCENT FOURNIER/J.A.

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FRANÇOIS MUAMBA, NUMÉRO DEUX DU MLC, est bien décidé à tourner la page Bemba. Et envisage sa candidature à la présidentielle.

un seul instant au retour au pays, dans les délais, d’un Bemba innocenté. « Le MLC paraît en déclin, concurrencé par l’émergence de Vital Kamerhe et le retourdel’opposanthistorique,ÉtienneTshisekedi», résume ICG. Une mise hors jeu du MLC au profit de l’UDPS, qui récupère son électorat dans l’ouest du pays ? « On préfère attendre qu’ils règlent leur différend avant d’engager des discussions avec eux », répond Mutanda Ngoy. L’attente pourrait être longue. Comme souvent sur le continent – et de ce point de vue, l’immense Congo ne fait pas exception –, l’union de l’opposition est un impératif arithmétique mais une gageure politique. ●

ÉLECTIONS EXPRESS UNE LOI ÉLECTORALE ENFIN VOTÉE à l’Assemblée le 25 mai, une révision du fichier électoral en cours mais qui subit de gros retards, une distribution chaotique des kits électoraux… La RD Congo vit dans l’urgence dans la perspective du 28 novembre. « Les délais ne sont pas tenables », estime un expert électoral, qui s’interroge déjà sur le crédit d’une élection organisée dans ces conditions. Sa crainte : que cet empressement ne débouche sur une crise politique. Le calendrier prévu ouvre, en effet, la voie à un risque d’inconstitutionnalité N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

puisque l’annonce des résultats provisoires, fixée au 6 décembre, interviendrait au lendemain de l’expiration du mandat actuel de Joseph Kabila. Que fait-on en cas de contestations ? Deuxième épine, le financement de ces élections présidentielle et législatives évaluées à 221 millions de dollars (environ 157 millions d’euros), dont 84 millions d’apports internationaux. Kinshasa aurait déjà demandé une rallonge, prévoyant un dépassement du budget. Les PH.P. bailleurs ont opposé une fin de non-recevoir. ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne BÉNIN

Règlements de comptes entre amis La coalition de l’opposition n’a pas survécu à la victoire de Boni Yayi à la présidentielle.

P

CLIN D’ŒIL

Opiniion ns & édito oriiauxx François Soudan

Heureux comme Sarko en Éburnie ’

L

La majorité compte les points, satisfaite de voir ses adversaires politiques s’entredéchirer.

ANTIDOTEESTÉPROUVÉ.Quand on est chez soi au plancher des sondages, rien ne vaut un voyage enAfrique pour revivre le grand frisson de la popularité, même si les acclamateurs ne sont pas ici des électeurs. Avant lui, Giscard, Mitterrand et Chirac ont connu dans de pareilles circonstances ce bain de jouvence au rythme des tam-tams, des pagnes à effigie et des applaudissements, avant d’en sortir, comme lui, ragaillardis et visiblement émus. Nicolas Sarkozy était donc le 21 mai un homme heureux, on le serait à moins. Il faut dire que son hôte, Alassane Ouattara, a, ce samedi-là, affiché sans aucun complexe devant ses pairs africains, dont certains avaient la mine des mauvais jours, toute l’étendue de la reconnaissance qu’il lui voue. Au point de donner à sa propre investiture l’allure d’un remake éphémère de la Françafrique houphouétienne – laquelle, pour nombre d’Ivoiriens, épuisés par une décennie de crise, évoque il est vrai le temps béni où coulait l’eau, le miel et l’argent du cacao –, et au dîner de gala qui a suivi un petit côté Fouquet’s sous les tropiques.

tion de vouloir entrer au gouvernement. Le camp présidentiel, lui, compte les points, satisfait de voir la deuxième force politique du Bénin se lézarder. En attendant, au palais de la Marina, c’est le grand ménage. Tous les conseillers et chargés de mission ont été relevés de leurs fonctions. « Ni sanctions ni règlements de comptes, explique l’un des ex-conseillers. Les décrets de nomination sont caducs depuis la présidentielle. » Pas sûr cependant que les mêmes soient reconduits. Le président béninois a l’intention de s’entourer d’une équipe « plus compétente ». ● MALIKA GROGA-BADA

Sûr de son fait, le président ivoirien, dont on sait assez peu qu’il est aussi un sentimental, a donc assumé au grand jour ce qui, pour d’autres, relèverait du fil à la patte politiquement incorrect. Oui, la date de la cérémonie de Yamoussoukro a été calée pour coïncider avec l’agenda de Nicolas Sarkozy. Oui, ce sont des fonctionnaires français par dizaines qui ont assuré, conjointement avec leurs homologues ivoiriens, la sécurité et l’organisation de l’investiture. Oui, c’est bien le nom du chef de l’État français qu’avant ceux de tous les

remières dissensions dans la coalition d’opposition béninoise, l’Union fait la nation (Un), après la victoire de Boni Yayi à la présidentielle de mars. L’une de ses composantes, la Renaissance du Bénin (RB), a fait son entrée au bureau de l’Assemblée nationale, malgré le refus de ses alliés. Présidée par la doyenne d’âge du Parlement et fondatrice de la RB, Rosine Soglo, la séance a duré toute la nuit du 20 au 21 mai. Pour faire pression sur la majorité présidentielle, les députés Un ont décidé de quitter l’hémicycle s’ils n’obtenaient pas au moins deux postes au sein du bureau. Tous l’ont fait, sauf ceux de la RB. Résultat : le seul poste disponible a échu à l’un des leurs. « La politique de la chaise vide ne fait que pénaliser l’opposition », explique-t-on à la RB. « C’est clair, ce parti roule pour la mouvance présidentielle », grince-t-on au sein de l’Union, en accusant cette forma-

JEUNE AFRIQUE

autres Alassane Ouattara a fait acclamer, à deux reprises, dans son discours. Oui, l’arrivée du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, dans la salle a été plus applaudie que celles de Ban Ki-moon, de Paul Biya, d’Alpha Condé et de Guillaume Soro réunies. Et oui, la base militaire française de Port-Bouët d’où étaient partis les hélicoptères venus bombarder le bunker de Laurent Gbagbo sera maintenue, alors qu’un général français assistera le nouveau président pour la réforme de l’armée. Alassane Ouattara assume, donc. Il attend déjà la visite du ministre français de la Défense fin juin et celle du Premier ministre, François Fillon, qui, si tout va bien, fêtera son 14 Juillet en terre éburnéenne, un symbole fort qui n’échappera à personne. France is back, et même si ce retour a quelque chose d’incongru, de néocolonial, voire de choquant pour une partie de l’opinion africaine, anglophone surtout, ADO n’en a cure : la parenthèse de tensions, voire de quasiguerre, ouverte il y a une décennie entre l’ex-métropole et sa fille aînée d’Afrique subsaharienne est désormais refermée, au grand soulagement d’un peuple exsangue. Certes, Nicolas Sarkozy, unique dirigeant d’un pays non africain présent àYamoussoukro, est sans doute le seul à voir dans ce réengagement français en Côte d’Ivoire l’illustration d’une « nouvelle politique africaine » et même d’une « nouvelle politique étrangère », tant elle ressemble en l’espèce à l’ancienne. Mais lui non plus n’en a cure. En ces temps de basses eaux préélectorales, il rêve déjà d’un autre triomphe africain du bien sur le mal, dont il serait le héros. Du côté deTripoli par exemple… ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Afrique subsaharienne Ý ALBERT ZAFY (À G.) AVEC SON ÉPOUSE, le 2 mars à Antananarivo, lors d’un rassemblement contre le chef de la transition.

jouer les facilitateurs pour résoudre la crise politique, comme des sages chargés de nous guider. Mais ils en sont devenus acteurs et ils veulent reprendre leur part d’un pouvoir qui les a quittés il y a longtemps », dénonçait Andry Rajoelina dans une interview accordée à Jeune Afrique (J.A. n° 2626, pp. 44-50). ANTHONY ASAEL/HOA-QUI

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MADAGASCAR

Zafy, le sage devenu lion Depuis sa défaite à la présidentielle de 1996, l’ex-chef de l’État semblait devoir finir ses jours dans l’anonymat. Mais la communauté internationale l’a remis en selle et il fait aujourd’hui figure d’opposant numéro un au président de la transition, Andry Rajoelina.

C

est le nouveau QG de l’opposition. Une villa cossue, baptisée La Franchise, située dans le quartier non moins cossu d’Ivandry. On est loin de la misère crasse des « bas quartiers » de la capitale, près desquels se trouve le Magro, l’ancien lieu de ralliement des opposants au régime de transition. C’est dans cette demeure appartenant à l’ex-président Albert Zafy que se réunissent désormais les dirigeants de l’opposition. C’est là aussi qu’ils tiennent leurs conférences de presse. Voilà deux ans, cette villa lui servait de pied-à-terre lorsqu’il descendait dans la capitale. Une jolie maison secondaire pour une retraite bien méritée. À l’époque, Zafy, qui passait une bonne partie de son temps dans sa province natale d’Antsiranana, semblait devoir finir ses jours dans l’anonymat. Erreur… Aujourd’hui, alors qu’il vient d’avoir 84 ans, il est en première ligne dans le combat que mènent les trois anciens présidents (Ravalomanana, Ratsiraka et Zafy) face au régime d’Andry Rajoelina. C’est Zafy que l’on entend, au micro, mener les charges les plus N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

virulentes envers le jeune président. C’est son bras droit, Emmanuel Rakotovahiny, que les journalistes appellent pour avoir des nouvelles. Une résurrection que personne n’attendait.

PAS DE PARTISANS. Le jeune président

(il vient de fêter ses 37 ans) peut être amer. Aux débuts de la médiation, les deux « ex » étaient de son côté. Mais, au fil des mois, Zafy s’est radicalisé jusqu’à devenir le plus virulent dans ses diatribes contre la transition. De sage, il est devenu lion. « Il n’a pas supporté qu’un jeune vienne donner des leçons aux anciens. Dans la culture malgache, c’est inadmissible », explique un proche. Simple orgueil ? Certains affirment qu’en « père de la démocratie », il n’accepte pas que l’armée soit revenue aux affaires. D’autres lui prêtent des intentions aux relents ethniques : « Il s’est toujours battu pour que ce soit un côtier qui dirige l’État et non un Merina [comme Rajoelina et Ravalomanana, NDLR] », estime un journaliste. Peu évoquent un désir de reprendre du service. Il sait qu’il n’en a pas les moyens, que s’il a pris la tête de l’opposition, c’est par défaut. Nombre de lieutenants de Ravalomanana, exilé à Johannesburg, ont rejoint la transition ; les autres se sont éclipsés après un passage par la case « prison », et les hommes de Ratsiraka attendent (en vain) les directives de leur mentor depuis son exil parisien. Zafy n’a pas de partisans, rappelle un observateur indépendant – « ceux qui

SORTI DU PLACARD. Depuis sa défaite à la présidentielle de 1996 face à Didier Ratsiraka, le « Professeur », ainsi surnommé en raison de ses multiples diplômes, ne représentait plus rien. Au plus fort de la crise, début 2009, Zafy n’avait pas pris position – personne ne le lui avait demandé. C’est la communauté internationale qui l’a remis en selle. « Nous voulions éviIl a pris la tête de la contestation ter à tout prix un face-à-face par défaut. Il sait qu’il n’a pas les Ravalomanana-Rajoelina, qui n’aurait abouti à rien », moyens de reprendre du service. explique un médiateur des descendent dans la rue sont les homNations unies. D’où l’implication des deux mes de Ravalomanana ». Pourtant, il anciens présidents, Zafy et Ratsiraka, dans les négociations. Une fausse bonne idée : aura son mot à dire lors du prochain « Ils ont sorti des placards des personnes sommet à Gaborone (Botswana) – un qui ne jouaient plus aucun rôle depuis rendez-vous censé être celui de la dernière chance pour trouver une solution des années et qui, de fait, ne représentent plus grand monde », note un journaliste consensuelle. ● malgache. « Ratsiraka et Zafy auraient dû RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE


GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

CHANGEMENT

CLIMATIQUE

Une menace, mais aussi une opportunité pour l’Afrique

D

e toutes les régions du monde, l’Afrique est sans aucun doute l’une des plus vulnérables aux effets néfastes du changement climatique. Ces effets se manifestent déjà par la survenue fréquente de phénomènes climatiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses et les vagues de chaleur. L’Afrique doit certes prendre des mesures pour s’attaquer à ces effets néfastes à court terme et promouvoir une économie à l’épreuve du climat à long terme. Mais elle a également la possibilité d’emprunter la voie du développement durable à faible intensité de carbone. MESSAGE ● I / IV


CHANGEMENT

CLIMATIQUE

Pour l’Afrique, les principaux enjeux pour faire face au changement climatique tournent autour des mesures de mitigation, d’adaptation et d’accès au financement. En matière de mitigation, l’objectif est de placer les pays africains sur la voie d’un développement économique à faible intensité en carbone. Les efforts doivent porter sur la mise en valeur des sources d’énergie renouvelable (eau, vent, biomasse) et les pratiques concourant à l’efficacité énergétique, sur la promotion de l’utilisation durable des terres et de la gestion durable des forêts, ainsi que sur la mise en œuvre d’initiatives en faveur du transport durable. En ce qui concerne l’adaptation, le continent doit s’engager dans un développement dit résistant aux effets climatiques, intégrant les effets potentiels du climat dans tous ses projets de développement, en eau, en agriculture, en foresterie notamment.

La Banque africaine de développement (BAD) s’est montrée des plus actives pour aider le continent à faire face au changement climatique. En 2009, le Groupe de la Banque a élaboré sa Stratégie de gestion du risque climatique et d’adaptation aux changements (CRMA). La stratégie CRMA préconise l’accroissement de l’appui destiné au renforcement descapacitésdespaysafricainsàs’attaquer aux risques associés au changement climatique. Elle veille également à ce que tous les investissements financés par la Banque soient «à l’épreuve du climat», c’est-à-dire qu’ils soient conçus, implantés, mis en œuvre et gérés de façon à réduire à un niveau

minimal les effets néfastes du changement climatique, avec le meilleur rapport coût/ efficacité possible. Ces stratégies se traduisent en un plan d’action global, qui inclut des investissements de presque 8 milliards de dollars EU d’ici

2015. Ce plan vise à réduire la vulnérabilité du continent au changement climatique et à soutenir une transition vers une économie peuémettricedegazàeffetdeserre(GES).Il misesurlesressourcesdelaBAD,maisaussi sur l’apport de ses partenaires, institutions multilatérales, bilatérales, secteur privé.

© AFP

Le plan d’action 2011-2015 de la BAD sur le changement climatique

Coupe de contrefort en République démocratique du Congo

Panneaux solaires au Niger MESSAGE ● II / IV


Des réalisations concrètes La Banque a appuyé plusieurs initiatives en faveur de l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ses effets dans les secteurs de l’agriculture, de l’eau, du transport, et de l’énergie. Parmi les projets déployés en faveur du développement durable et pro-climat et financés par la BAD, citons : ● La centrale thermo-solaire d’Ain Beni Mathar, au Maroc Ce projet vise à soutenir les efforts du gouvernement afin de garantir la sécurité de fourniture d’énergie électrique du pays, la diversification des sources d’énergie et la réduction de l’émission des gaz à effet de serre. Respectueux de l’environnement, le projet s’appuie sur la technologie propre du cycle combiné au gaz naturel, dans le respect des exigences environnementales nationales et internationales en termes de rejets gazeux et liquides et de bruits. Sa mise en service permet une économie de fioul de 12 000 tonnes par an et contribue à éviter les émissions de 33 500 tonnes de CO2 dans l’air par an. La centrale est dotée d’un système propre de récupération, de traitement et de stockage des rejets liquides dans un bassin d’évaporation étanche de 6 hectares. Sa réalisation a également porté sur la plantation d’environ 4 500 arbres et 20 000 plantes herbacées. ● La centrale hydroélectrique de Sahanivotry, à Madagascar Première centrale privée de l’île, située sur le fleuve Sahanivotry, à 30 km au sud d’Antsirabe dans la province d’Antanarivo,

Barrage de Massingir au Mozambique

la centrale a une capacité de 15 MW et une génération moyenne de 90 GWh. Comme producteurd’énergiepropre,lacentralepeut vendre des crédits de carbone dans le cadre du Mécanisme de développement propre qui découle du protocole de Kyoto. ● Le projet d’appui au développement durable du lac Tchad, au Niger Le lac Tchad est confronté à de sérieux problèmes d’assèchement. Avec seulement 2 500 km2 à l’heure actuelle, sa superficie ne représente plus qu’environ 10 % de ce qu’elle était dans les années 1960. Près de 30 millions de personnes vivent dans le bassin du lac Tchad. Il s’agit essentiellement d’agriculteurs, d’éleveurs et de pêcheurs, dépendant de l’écosystème et des ressources naturelles du bassin qui s’épuisentconsidérablement,enpartiesousl’effet du changement climatique. En réponse, la BAD finance le Programme d’appui au développement durable du lac Tchad, d’un coût de 90 millions de dollars EU. Ce programme vise à augmenter le volume des eaux se déversant dans le lac, à rétablir la productivité des écosystèmes du lac par la restauration de 8 000 hectares de dunes de sable et la lutte contre l’érosion sur une superficie de 27 000 hectares, et à mettre un terme à la prolifération de la végétation étouffant le lac. La gestion judicieuse et intégrée des ressources naturelles du bassin du lac devrait permettre d’augmenter de deux tiers le revenu des populations ciblées par le projet, etnotammentdesfemmes,etd’amélioreren même temps la sécurité alimentaire.

UN FONDS VERT POUR L’AFRIQUE L’adaptation et l’atténuation ont un coût, et exigent donc des ressources importantes. Selon les estimations, les ressources nécessaires pour que l’Afrique s’adapte au changement climatique et emprunte la voie d’une croissance à faible intensité de carbone seront comprises entre 22 milliards de dollars EU et 31 milliards de dollars EU par an d’ici à 2015 et entre 52 et 68 milliards de dollars EU à l’horizon 2030. La Banque reçoit de ses pays membres régionaux de nombreuses demandes de financements dans le domaine du changement climatique. Compte tenu de la possibilité que le changement climatique mette en péril les modestes progrès réalisés par le continent vers l’atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement, la BAD a pris l’engagement de donner suite aux demandes de ces pays pour les aider à relever les défis associés au changement climatique. Au cours de la Conférence sur le climat tenue en décembre 2010 à Cancun, au Mexique, le président de la BAD a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle appuie la création d’un Fonds vert pour l’Afrique, dont l’hôte sera la Banque. Ce fonds spécial serait essentiellement financé par les ressources allouées à l’Afrique dans le cadre de l’Accord de Copenhague. La mise en place de ce fonds en Afrique ne pourrait que renforcer l’appropriation de ses ressources par les pays africains et la participation africaine au processus de prise de décisions concernant l’utilisation des fonds.

Seuil de Talo en période de crue au Mali MESSAGE ● III / IV


CHANGEMENT

CLIMATIQUE

Lechangementclimatiqueestundéfimajeur à l’échelle mondiale, et aucune organisation ne peut s’y attaquer toute seule. La Banque renforce donc sa collaboration avec les autres banques multilatérales de développement, les agences des Nations Unies et le Fonds pour l’environnement mondial, dans les efforts visant à relever ce défi. La collaboration de la Banque avec ces entités offrira la possibilité de tirer parti de l’expertise internationale dans le domaine du changement climatique, tout en favorisant la mobilisation de ressources par le biais des cofinancements. Fonds pour les technologies propres (FTP) etFondsstratégiquepourleclimat(SCF):La Banque prend une part active au FTP et au SCF. Ces deux instruments de financement ont été créés pour l’acheminement vers les pays en développement de ressources accrues sous forme de dons, de prêts concessionnels et d’instruments d’atténuation des risques, par l’intermédiaire des banques multilatérales de développement, dont la BAD. L’objectif visé est de mobiliser des fonds additionnels, par la combinaison des ressources, limitées, du Groupe de la Banque destinées aux solutions climatiques avec celles des autres banques multilatérales, ainsi que des ressources nationales et des ressources du secteur privé. Au sein du

Barrage de Diama au Sénégal

SCF, le Programme d’investissement forestier (PIF) mobilise des fonds pour appuyer la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation (REDD), et promouvoir une gestion durable des forêts qui protégera les réservoirs de carbone. Le PIF a permis à la Banque d’accroître son engagement dans les projets forestiers. Ainsi, un montant de 144 millions de dollars EU a été spécialement affecté à l’appui à des initiatives forestières au Ghana, au Burkina Faso et en République démocratique du Congo. Programmes financés par le FTP et le SCF : • Le FTP, avec des financements d’un montant total de 800 millions de dollars EU destinés spécifiquement à l’Afrique, finance le programmepilotesurlarésilienceclimatique (PPCR), le Programme d’investissement forestier(PIF)etleProgrammed’intensification des énergies renouvelables dans les pays à faible revenu (SREP). Sur ce montant, 650 millions de dollars EU sont destinés aux opérations appuyées par le FTP en Égypte, au Maroc, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Tunisie. • Le budget du SCF, qui est de 180 millions dedollarsEU,couvrelesopérationsdansles pays pilotes du PPCR (Mozambique, Niger et Zambie), les pays bénéficiaires du PIF (Burkina Faso, Ghana et République démocratique du Congo), et les pays pilotes du SREP (Éthiopie, Kenya et Mali). Programme d’appui au carbone en Afrique (ACSP) : Ce programme d’assistance technique, qui couvre une période de deux ans, a été lancé par la Banque en novembre 2010, avec des ressources du Fonds d’aide au secteur privé en Afrique (FAPA). L’ACSPaide

Programme de lutte contre l’ensablement au Burkina Faso MESSAGE ● IV / IV

les pays africains à avoir accès au financement carbone en s’assurant de la faisabilité commerciale de leurs projets. Il appuie également les activités de renforcement des capacités des entités gouvernementales chargées de l’élaboration des projets pouvant prétendre au financement carbone. Il appuie en outre la documentation des résultats de la recherche sur la vulnérabilité au changement climatique et les options en matière d’adaptation. Fonds pour l’environnement mondial (FEM) : Le FEM a été créé en 1991 pour fournir des dons et des financements concessionnels, en vue de couvrir les coûts supplémentaires liés à la transformation d’un projet bénéfique au niveau national en un projet ayant des effets environnementaux positifs à l’échelle mondiale. En tant qu’organed’exécution,laBanqueaunaccès direct aux ressources du FEM pour renforcer sa réserve de projets ciblant la gestion durable de l’environnement, la biodiversité et le changement climatique.

En 2010, la Banque a aidé les pays africains à mobiliser un montant de 25 millions de dollars pour le financement des projets sur les ressources du FEM, sous forme de dons. Fonds pour l’énergie durable en Afrique (SEFA) : Le SEFA a été conçu pour appuyer l’alimentation des PME africaines en énergie, afin de stimuler la croissance économique et la création d’un plus grand nombre d’emplois.

Centrale de Bujagali en Ouganda

DIFCOM C.C/ JA 2629 du 29 mai 2011 - © Droits Réservés

Engagement de la BAD dans les fonds d’investissements climatiques


Afrique subsaharienne SOUDAN

Mourir pour Abyei L’armée nordiste a pris par la force la capitale d’une petite région riche en pétrole que se disputent Khartoum et Juba. Le conflit pourrait compromettre l’indépendance du Sud, le 9 juillet.

pour, de fait, être en position de force dans les négociations sur l’avenir d’Abyei. Le Nord n’a guère intérêt à relancer une guerre civile impopulaire et qui lui couperait l’accès au pétrole. Mais après avoir perdu le Sud, le président soudanais préfère encourir le courroux des ÉtatsUnis (qui menacent de ne pas normaliser leurs relations bilatérales) plutôt que de voir une nouvelle province lui échapper. D’autant que d’autres rébellions (au Darfour ou au Sud-Kordofan) espèrent profiter de la partition pour bousculer le président El-Béchir. Que doit faire le Sud ?

Accepter cette humiliation ou tenter une reprise par la force ? Sa marge de manœuvre est étroite. En interve-

STUART PRICE/UN PHOTO

En moins d’une semaine, la ville s’est vidée. Près de 40 000 personnes ont fui.

DEPUIS LE RÉFÉRENDUM DE JANVIER, Abyei a été le théâtre de violents affrontements.

Q

u’est-ce qu’Abyei ?

À la frontière entre les deux futurs pays, c’est une province de 10 500 km2. Ethniquement rattachée au Sud, elle est majoritairement peuplée par les Dinkas, des éleveurs qui, de décembre à juin, cohabitent avec les Misseriyas, des nomades, alliés traditionnels de Khartoum. Pourquoi la zone est-elle stratégique ?

C’est une région pétrolifère, certes, mais elle fournit moins de 1 % de la production du Soudan unitaire. Abyei est donc surtout un symbole. Plusieurs ministres sud-soudanais sont originaires de la province, tandis que Khartoum se sent redevable envers les milices Misseriyas, qui se sont battues pour elle pendant la guerre civile. Mitoyenne du Darfour, où Nord et Sud s’affrontent par procuration, elle peut aussi servir de base arrière à des groupes armés. Que dit l’accord de paix ?

L’accord de paix global (CPA) de 2005 mettant fin à la guerre civile entre Nord et Sud prévoyait un référendum spécial en janvier 2011, mais qui n’a jamais eu lieu, JEUNE AFRIQUE

Khartoum exigeant que les Misseriyas soient intégrés au corps électoral. En attendant, la province d’Abyei est rattachée au Nord et dirigé par une administration mixte Nord-Sud.

nant militairement, il jouerait le jeu de Khartoum, qui dénoncerait une violation du CPA. Mais à Juba, capitale du Sud, des manifestants exigent une province « 100 % sudiste ». La mission de l’ONU au Soudan (Minus), accusée par Khartoum de soutenir le Sud, est écartée. D’autant qu’Omar El-Béchir s’est opposé au renouvellement de son mandat et qu’elle devra quitter le Nord d’ici au 9 juillet.

Que se passe-t-il depuis janvier ?

Des affrontements ont fait des dizaiComment préserver la paix ? nes de morts. Début mai, Khartoum La situation est explosive, la rhétorenonce à intervenir sous la rique virulente. À Khartoum, pression internationale. Dans les plus belliqueux gagnent en influence auprès leur projet de Constitution, SOUDAN d’El-Béchir. Le Nord avait chaque camp inscrit Abyei Nil déclaré qu’il ne permettrait dans son territoire, avant de s’engager à retirer ses pas l’indépendance du Sud Khartoum troupes au profit d’unisi la question d’Abyei n’était Darfour Abyei tés mixtes intégrées. pas réglée… tout en ne faisant rien pour qu’elle le soit. Mais Mais 22 soldats nordisles opposants politiques aux tes, qui se retiraient sous Sud deux partis au pouvoir pousescorte de l’ONU, perdent Soudan Juba la vie le 19 mai au cours d’une sent à un règlement pacifique, attaque que l’armée du Sud nie et Khartoum et Juba se sont avoir menée. En représailles, Khartoum engagés à reprendre des pouroccupe la ville le 21 mai. Abyei est pillée parlers avec l’Union africaine. Sauf que, et incendiée. Entre 30 000 et 40 000 permême si la question d’Abyei finit par être sonnes fuient. réglée, rien ne dit que d’autres obstacles ne se dresseront pas sur le chemin de Quelle est la stratégie du Nord ? l’indépendance du Sud. ● Khartoum a pris le contrôle de la ville CONSTANCE DESLOIRE N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Afrique subsaharienne

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TRIBUNE Opin Op inio ions & éditor oria iaux ux

L’intégration africaine, entre espoir et utopie

L

CAMILLE MILLERAND POUR J.A.

Edem Kodjo Président de Pax Africana, ancien secrétaire général de l’OUA, ex-Premier ministre du Togo

IDÉE DE L’INTÉGRATION AFRICAINE ne serait-elle qu’un serpent de mer ? La succession des crises, politiques, économiques et sociales, qui affectent le continent pourrait le laisser croire. Edem Kodjo, créateur de Pax Africana, est pourtant persuadé du contraire. La fondation qu’il préside a organisé à Lomé, du 17 au 19 mai, un colloque sur le thème de l’intégration comme facteur de la renaissance africaine. « Lorsque j’ai lancé la fondation Pax Africana, en décembre 2010, je lui ai assigné un double objectif: celui de travailler sur le continent africain à la paix et au développement. Depuis, elle a fait son chemin. Après un premier forum consacré à la paix, nous avons organisé à Lomé, auTogo, du 17 au 19 mai 2011, un colloque qui a réuni, outre de nombreuses personnalités du monde entier, trois anciens chefs d’État africains (le Ghanéen Jerry Rawlings, le Sud-Africain Thabo Mbeki et le Nigérian Olusegun Obasanjo), ainsi que l’actuel président de la République togolaise, Faure Gnassingbé. Le thème en a été « l’intégration comme facteur de la renaissance africaine ».

pu s’installer et fonctionner dans trente pays différents, est éloquent. Il prouve que les intérêts, par-delà les frontières, commencent à être complémentaires. Dès lors, pourquoi ce qui a marché au niveau de la banque ne marche-t-il pas aussi dans les domaines de l’alimentation, des télécommunications ou des transports par exemple ? Parce que les communautés économiques régionales avancent trop lentement. C’est ainsi qu’un passeport de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) existe bien, mais ne permet pas pour autant aux citoyens de la zone de franchir une frontière sans tracasseries de toutes sortes. Les communautés économiques, par ailleurs, se sont trop souvent

Trop souvent, les communautés sous-régionales sont empêtrées dans le règlement des conflits et oublient de travailler à la construction d’économies solides.

Contrairement à ce que certains prétendent, l’intégration africaine n’est pas un serpent de mer : c’est une mystique. Il ne s’agit pas, pour nous, de rabâcher de vieilles histoires de pères fondateurs. Il s’agit de sauvegarder dans l’esprit des générations africaines, actuelles et futures, la conviction que cette mystique finira par se traduire dans les faits. Même si le continent est vaste, même si les populations sont diverses, et même si certains sont tentés de parler « des Afriques » au lieu de « l’Afrique ». L’important, c’est que cette mystique existe et perdure. Comment la traduire dans les faits? D’une part, en faisant en sorte que les populations s’approprient réellement l’idée de l’intégration, ce qui n’est pas encore le cas. D’autre part, en misant sur le secteur privé. Car les meilleurs exemples d’intégration en Afrique, aujourd’hui, sont le fait du secteur privé. Celui d’Ecobank, qui a N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

empêtrées dans des questions de règlements de conflits, en oubliant que leur vocation première était la construction d’économies régionales solides. Et puis, l’intégration ne se fait pas uniquement par l’économie. Elle est aussi le fait du politique. Or, au niveau de l’Union africaine, si le dossier est ouvert, il n’avance pas. Pour ma part, je crois que l’on peut – et que l’on doit – réussir une intégration politique régionale avant de rechercher des modus vivendi à l’échelle continentale. L’exemple des ex-AOF et ex-AEF (AfriqueOccidentale française et Afrique-Équatoriale française) m’a toujours frappé. Ces organisations constituaient un capital qu’il aurait fallu ne pas gaspiller. On peut regretter que l’indépendance ait été donnée aux États membres et non pas à ces entités elles-mêmes. Pourquoi avaient-elles réussi ? Parce qu’elles étaient régies par une volonté ferme: celle du colonisateur. Lequel avait compris que, sans regroupement de pays, certains ne survivraient pas. Cette expérience-là (ne serait-ce que celle-ci…), pourquoi ne saurionsnous pas la renouveler ? » ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

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ENVIRONNEMENT

Au chevet des forêts tropicales Brazzaville accueille, du 29 mai au 3 juin, un sommet consacré à la protection des bassins forestiers tropicaux.

LUDOVIC/REA

C

ongo, Amazonie, BornéoMékong. Pour la première fois, les pays des trois bassins forestiers tropicaux du monde se retrouvent à un haut niveau à l’initiative du président congolais, Denis Sassou Nguesso. Avec 80 % des forêts tropicales de la planète, ils abritent les deux tiers de toute la biodiversité terrestre. Et ils assurent la survie d’au moins 1 milliard de personnes dans le monde. Le bassin du Congo comprend treize pays ; celui de l’Amazonie neuf et le bassin du sud-est asiatique douze. Le sommet de Brazzaville – auquel assistent plusieurs chefs d’État d’Afrique, d’Asie et d’Amérique – se déroule à un moment où la déforestation gagne du terrain, avec, comme conséquences, l’accélération de la baisse du couvert forestier, qui favorise l’augmentation des émissions des gaz à effet de serre, et la dégradation des terres cultivables. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les États des trois bassins se retrouvent face à un dilemme. D’un côté, la préservation de l’environnement. De l’autre, les impératifs de développement. Entre les deux, il s’agit de trouver l’équilibre pour réaliser un développement non pas destructeur, mais durable. La tenue du sommet de Brazzaville est l’aboutissement d’un long processus qui remonte à septembre 2007 avec la tenue, à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, d’une réunion de quelques chefs d’État de pays forestiers à l’initiative de l’Indonésie. De cette rencontre est né le F11, qui regroupe onze pays des trois bassins. Leader sur ce

EN DÉCEMBRE 2009, LE CONGOLAIS DENIS SASSOU NGUESSO avait déjà pris part au sommet sur le climat organisé à Paris.

dossier en Afrique, Denis Sassou Nguesso avait déjà, en 2006, avancé l’idée d’une coopération élargie et proposé en 2010, à Oslo, la tenue de ce sommet. BOIS DE CHAUFFAGE. Chaque bas-

À en croire ses organisateurs, le sommet doit aboutir à « l’établissement d’une coopérationSud-Sud,d’unepart,etNord-Sud, d’autre part, en vue d’une gestion durable des écosystèmes forestiers [des trois bassins], pour une plus grande contribution à la régulation et à la stabilisation du climat planétaire, pour la lutte contre la pauvreté et pour le développement économique des pays concernés ».

sin est particulier. Les problèmes et les solutions ne sont pas forcément les mêmes. Mais tous sont confrontés à la question d’une exploitation de la forêt par certains entrepreneurs qui peut, si l’on n’y prend Des espaces menacés dont garde, conduire à sa disdépendent plus de 1 milliard parition. Dans le bassin du Congo, par exemple, beaude personnes dans le monde. coup reste à faire pour que la protection de cette richesse devienne Le sommet de Brazzaville permettra, la priorité. Car la forêt de cette partie du par ailleurs, d’avoir une idée précise monde n’est pas uniquement menacée de l’état actuel des forêts tropicales et de mettre en place une plateforme de par les entreprises de la filière. Elle l’est aussi par les personnes qui en tirent concertation formelle sur les questions l’essentiel de leurs revenus grâce au liées au climat et à la forêt. Reste que charbon de bois. Autre réalité : plus de les résolutions adoptées ne seront pas 60 % de l’énergie utilisée en Afrique contraignantes pour les États. ● vient du bois de chauffage. TSHITENGE LUBABU M.K.


Afrique subsaharienne ZIMBABWE

Pieds et poings liés

C’est dans sa résidence de Harare que le Premier ministre, Morgan Tsvangirai, a reçu le journaliste Alec Russel. L’occasion d’évoquer l’improbable attelage qu’il forme avec le chef de l’État. Rencontre.

S

eullechantdescigales emplit le silence de cette fin d’après-midi, quand un bruit de moteursefaitentendre.Legarde à l’extérieur de la résidence du Premier ministre se retourne brusquementlorsqu’unevoiture apparaît au bout de la route. Il scrute la pénombre naissante, puis se détend. Ce n’est que Luke, le porte-parole de Morgan Tsvangirai. Paranoïa ? Sans doute. Mais il n’y a pas beaucoup de pays où l’on vous fait comprendre qu’il serait mieux de ne dire ni à la police ni aux services de l’immigration que vous êtes venu rencontrer le chef du gouvernement. Je patiente dans le jardin en attendant de prendre un apéritif avec Tsvangirai. J’ai dû renoncer à l’idée de dîner au Meikles, ce vieilhôtellugubreducentre-ville delacapitalezimbabwéenne,ou au Harare Club. Y rencontrer le Premier ministre est devenu impossible dans un contexte politique troublé. Après deux ans d’une trêve relative entre la Zanu-PF du présidentRobertMugabeetleMouvement pour le changement démocratique (MDC) de Tsvangirai, les gros bras du chef de l’État ont recommencé à intimider les électeurs: un scrutin présidentiel pourrait avoir lieu en milieu d’année. Alors que je m’installe dans son bureau, mon regard est attiré par une vieille affiche des élections de 2008, accrochée au mur. Il y est en photo, souriant, détendu, plein d’énergie. Nous évoquons l’accueil enthousiaste que nous avions reçu lors d’une tournée dans l’un des fiefs de la Zanu-PF. Sur la table en face de lui, un iPad et un exemplaire des Mémoires de Tony Blair. Nous échangeons nos expériences de nouveaux utilisateurs d’Apple et partageons nos impressions sur les leçons de l’ancien Premier ministre britannique. « Les hommes politiques sont les mêmes partout », glousse Tsvangirai. Les relations ROBIN HAMMOND/PANOS-REA

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entre Tony Blair et Gordon Brown, son chancelier de l’Échiquier qui lui a succédé au poste de Premier ministre, s’étaient en effet envenimées. Mais, comparés au président zimbabwéen et à son chef de gouvernement, ils étaient comme des frères de sang. VIEUX ENNEMIS. Ce mardi, Tsvangirai a

passé la plus grande partie de la journée en Conseil des ministres, assis à côté de Mugabe, dont les partisans ont, durant dix ans, essayé d’anéantir le MDC. Je fronce les sourcils. Ne sont-ils pas de vieux ennemis? Tsvangirai rit de nouveau. « Si vous entriez dans la pièce, vous ne sauriez pas qui était Ð À 87 ans, ROBERT MUGABE est le doyen des dirigeants africains. Lorsqu’il a pris les rênes du pays, en 1980, l’actuel président malgache, Andry Rajoelina, n’avait que 6 ans.

qui, le MDC ou la Zanu-PF. Sur les sièges, on a la Zanu-PF, le MDC, la Zanu-PF, le MDC… et [Mugabe] et moi, nous dirigeons. » C’est une image charmante, mais pas vraiment convaincante. Je lui raconte mon déjeuner avec un homme d’affaires zimbabwéen, militant du MDC, qui, d’un air sombre, m’a affirmé que, si l’on pouvait Ý TSVANGIRAI À SON organiser des élecDOMICILE, le tions libres, le MDC 29 mars 2008. obtiendrait 90 % des voix, mais que cela n’arriverait jamais. « C’est plutôt pessimiste », rétorque Tsvangirai. Et de citer les organisations sous-régionales qui, en principe,doivents’assurerdubondéroulement des prochains scrutins. Je lui réponds en mentionnant la lâcheté de certains chefs d’État à l’égard de Mugabe lorsque lui et son parti ont officiellement remporté quatre élections entre 2000 et 2008. « Les gens sontsceptiquesparcequenosélectionsont souvent été entachées de violence, dit-il. Ils souhaitent un changement soudain, comme un café instantané, mais nous avons choisi un chemin d’évolution, pas de révolution, et l’évolution est parfois décevante car elle est lente. » Un assistant apporte des rafraîchissements sur un plateau. Le Premier ministre et moi-même optons pour un Coca-Cola. J’interroge: à l’heure où, ailleurs, des régimes s’effondrent, pourquoi n’y a-t-il pas de révolution au Zimbabwe? Les militants du MDC ne pensent-ils pas que la coalition gouvernementale est une erreur ? Sa réponse est claire : le Zimbabwe a eu sa guerre d’indépendance; les négociations sont préférables aux hostilités. En dix ans, les nervis de la Zanu-PF ont tué des centaines de militants du MDC. Tsvangirailui-mêmeaétébattuilyaquatre ans. Comment voit-il Mugabe après avoir été si souvent avec lui? « Je pense qu’il est insensible, dit-il. Mais vous savez quoi? Il est humain après tout. Il est très humain. Il a deux facettes: Mugabe le héros [révolutionnaire] et Mugabe le méchant… » Et comment va-t-il (la rumeur le dit atteint d’un cancer de la prostate) ? A-t-il toujours l’esprit vif ? « Toujours… Sauf quand il dort. » Le chef de l’État s’assoupit-il parfois en Conseil des ministres ? Tsvangirai sent qu’il en a trop dit et laisse ma question sans réponse. Nous abordons des thèmes plus concrets. Mugabe RICK BAJORNAS/UN PHOTO

JEUNE AFRIQUE


Coulisses fait la promotion d’une loi obligeant les investisseurs étrangers à céder 51 % de leur part aux hommes d’affaires locaux. Les investisseurs craignent que les autorités ne se remettent à exproprier les Blancs, comme lors de la réforme agraire en 2000. Tsvangirai est clair. « Nous ne voulons pas la saisie des propriétés des autres. Les 51 % sont une erreur. Qui va venir si nous faisons cela ? » DIAMANTS. Il soutient que les sanctions internationales contre Mugabe et son élite devraient être levées, parce que l’intéressé s’en sert comme un puissant argument politique. Il évoque ensuite un autre scandale politique : le vol, par des fonctionnaires, de dizaines de millions de dollars sur les taxes prélevées sur l’exploitation des diamants. Il promet contrôle et transparence. Belles paroles, mais qui contrôlera les responsables de la Zanu-PF ? Son portable sonne sans arrêt. Cette fois, c’est l’une de ses filles qui appelle. Je me souviens de la réaction d’une amie quand elle a appris que j’allais voir Tsvangirai. Elle avait les larmes aux yeux en me racontant

« Mugabe a deux facettes : le héros révolutionnaire et le méchant. » comment sa femme, Susan, avait été tuée dans un accident de voiture en mars 2009. « Cela a été un vrai choc, me confie-t-il. Mais on finit par vivre avec. » Le soleil s’est couché depuis longtemps. Nous allons dans la salle de bains, où l’éclairage est excellent pour une séance photos. Des clubs de golf sont appuyés contre le mur. Les détracteurs du MDC murmurent que le Premier ministre passe plus de temps sur le green qu’à se battre pour la bonne cause. Aufinal,duranttoutescesannées,j’aurai pris avec Tsvangirai un petit-déjeuner clandestin, un dîner dans une salle de danse à Johannesburg, et maintenant un apéritif, mais toujours pas de déjeuner officiel. S’il m’avait reçu au palais, cela aurait été le signe qu’il avait enfin réussi. Les chances d’un tel dénouement sont minces, mais Tsvangirai continue de s’opposer à Mugabe, l’homme politique le plus futé et le plus impitoyable de notre époque. ● ALEC RUSSELL © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE

Afrique subsaharienne

MALI LE « PLAN B » QUEL RECENSEMENT faut-il utiliser pour actualiser le fichier électoral? C’est la question qui agite Bamako à l’approche des scrutins présidentiel et législatif de 2012. Depuis 2000, ledit fichier est élaboré sur la base du recensement administratif à caractère électoral (Race). Mais un rapport du vérificateur général, élaboré en 2009, pointe des insuffisances : actualisation approximative, anomalies, erreurs de saisie… Le président, Amadou Toumani Touré, a donc, dans un premier temps, décidé de lancer un recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec). Sauf que, le 5 mai dernier, le gouvernement faisait marche arrière, estimant finalement l’opération trop longue et trop coûteuse, et annonçait, le 23 mai, un

KENYA CONTRAINTS DE CHOISIR « Aucun représentant de l’État en fonction ne peut occuper un poste officiel dans un parti politique », affirme la nouvelle Constitution kényane. Cette petite phrase agite le microcosme politique dans la perspective des élections de 2012 : plusieurs ministres et parlementaires vont sans doute devoir abandonner le contrôle de leur parti… Sont concernés certains candidats à la succession de Mwai Kibaki, dont le vice-Premier ministre, Uhuru Kenyatta (président de la Kanu),

retour au fichier Race. Émotion dans la classe politique, où certains dénoncent « une manœuvre dilatoire du pouvoir ». La décision n’est pas définitive, mais il y a fort à parier que les partis finiront par accepter le « Plan B » du gouvernement. ●

et la parlementaire Martha Karua (présidente de la Narc Kenya). BURKINA PROFS EN COLÈRE Après les militaires et les policiers, c’est au tour des enseignants de protester. Le 23 mai, ils se sont mis en grève pour dénoncer leurs conditions de travail. Des manifestations émaillées de violences ont eu lieu dans plusieurs villes : deux enseignants blessés dans des affrontements à Ouahigouya ; le siège du parti présidentiel et la résidence du président incendiés à Gaoua ; le ministère

de l’Enseignement vandalisé à Ouagadougou… Sans compter des tirs en l’air d’éléments de la Garde nationale dans la soirée du 23 mai. COMORES DHOININE PRÉSIDENT Ikililou Dhoinine, 48 ans, a été investi président de l’Union des Comores, le 26 mai, quelque six mois après son élection. Pendant cinq ans, ce pharmacien discret, originaire de l’île de Mohéli, a été le vice-président du chef de l’État sortant, Ahmed Abdallah Sambi, qui avait prolongé son mandat de un an en 2010. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Maghreb & Moyen-Orient

Yadh Ben Achour « Rien ne sera plus comme avant »

Le président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique revient sur les étapes conduisant aux premières élections libres de l’histoire de la Tunisie. Et appelle à la vigilance.

Propos recueillis à Tunis par

H

FRIDA DAHMANI

umaniste d’une droiture exemplaire, éminent juriste, Yadh Ben Achour, 66 ans, a accepté, au lendemain de la révolution, d’assumer la lourde tâche de planter l’architecture juridique d’une transition démocratique en prenant la tête de la Commission des réformes politiques. Laquelle fusionnera ensuite avec le Comité de défense de la révolution pour donner naissance à la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. En février, il confiait sur son blog que « le peuple tunisien a révélé, au cours des derniers événements, que l’idée démocratique n’était ni occidentale ni orientale, ni du Nord ni du Sud, qu’elle dépassait les territoires et les frontières et qu’elle était constitutive de notre humanité ». Depuis, le président de la Haute Instance – véritable terreau de la démocratie tunisienne – veille avec fermeté et sans déroger à ses convictions au bon déroulement de la phase transitoire pour que la démocratie sorte vainqueur de l’élection de la future Constituante, premier scrutin transparent et pluraliste de l’histoire du pays. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE: La Haute Instance indépendante pour les élections (HIIE) propose de reporter au 16 octobre l’élection de la Constituante, tandis que le gouvernement veut maintenir la date du 24 juillet. Quelle est votre position ? YADH BEN ACHOUR: J’observe que le gouverne-

ment a simplement recommandé à la HIIE de s’en tenir au 24 juillet. Je soutiens la position de la HIIE, que nous avons élue et à qui nous faisons confiance. Il s’agit de personnalités indépendantes dont la probité ne peut être mise en doute. Elles disposent des données de terrain et leurs conclusions sur la faisabilité technique des élections doivent absolument être prises en compte. Il faut rappeler que la date du 24 juillet a été fixée quand il était question d’une élection présidentielle, beaucoup plus facile à organiser que celle d’une Constituante. Mais à l’impossible nul n’est tenu, surtout quand il s’agit

Je suis plus que jamais favorable au report de l’élection de la Constituante. d’assurer la réussite d’élections démocratiques. Il faut sensibiliser l’opinion publique à cet enjeu. Si on le lui explique honnêtement, un peuple qui a patienté vingt-trois ans n’aura aucune peine à attendre quelques semaines ou même quelques mois de plus. Il ne faut surtout pas laisser croire que ce report serait motivé par des finalités politiques. De par sa composition – partis, membres de la société civile, indépendants –, la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution est-elle le premier espace d’expression démocratique de l’après-14 janvier ?

Oui, tout à fait, même si, initialement, elle n’était qu’unecommissionplutôttechniquecomposée ● ● ●

JEUNE AFRIQUE


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AUDE OSNOWYCZ POUR J.A.

« L’IDÉE DÉMOCRATIQUE n’est ni occidentale ni orientale. Ni du Nord ni du Sud. Elle est constitutive de l’humanité. »

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Maghreb Moyen-Orient de juristes. Malgré les critiques, c’est réellement la première expérience démocratique de l’histoire de la Tunisie indépendante. ●●●

Les débuts de la Haute Instance ont été difficiles…

Le 17 mars, la première réunion de la Haute Instance a été ahurissante. Dès les premiers instants, nous avons essuyé un feu nourri de critiques. Les partis ont tiré à hue et à dia pour décrier la représentativité de l’assemblée et refuser de discuter le projet de la loi électorale qui leur avait été remis, ce qui nous a conduits à revoir la composition du conseil de la Haute Instance en renforçant la représentation des partis et de l’UGTT et en l’élargissant aux régions et aux jeunes.

au principe même de la démocratie. Ces partis doivent être bannis. À force de consensus, ce pacte républicain ne risque-t-il pas d’être sans substance ?

C’est le risque, mais nous devons avoir un standard minimum pour préserver les acquis de la liberté, la parité et prohiber la violence. Comment sont les rapports de la Haute Instance avec le Premier ministre ?

Il y a eu des hauts et des bas. Ces derniers concernent des divergences sur l’article 15 de la loi électorale, portant sur l’inéligibilité des membres de l’ancien régime, qui divisait l’opinion publique et que le gouvernement a rejeté. Mais le

La parité hommes-femmes s’inscrit dans la droite ligne de la pensée réformiste. Après trois longues séances de critiques, nous avons réussi à entamer le travail autour de la loi électorale préparée par les juristes. Tous les décrets-lois ont été le produit de négociations pointilleuses où chacun a eu son mot à dire. Le 11 avril, par quatre votes séparés, nous avons adopté le texte de la loi électorale. Une réussite presque miraculeuse au vu des difficultés de démarrage. Quelles sont les priorités de la Haute Instance ?

Il s’est agi, jusque-là, de préparer le code électoral et d’élaborer l’ensemble des textes se rapportant aux élections, dont un décret-loi relatif à la HIIE, un autre sur la loi électorale proprement dite, base des élections de juillet, et enfin les cinq décrets d’application de la loi électorale, dont l’un détermine les circonscriptions électorales. Nous avons ensuite passé le relais, pour la phase opérationnelle, à la HIIE, que nous avons élue le 18 mai. C’est elle qui organisera, surveillera et supervisera le scrutin. Actuellement, nous travaillons à un pacte républicain qui déterminera les principes et les règles d’une compétition démocratique. C’est un engagement sur le respect des principes d’une démocratie participative : parité hommes-femmes, prohibition absolue de la violence et de ses dérivés (chantage, pressions). Ce document est très important. Il existe des partis radicaux hostiles N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, a eu l’intelligence de venir s’expliquer devant le conseil. C’est une expérience extraordinaire de pratique démocratique que de pouvoir demander au gouvernement de justifier des prises de décision dans un esprit de critique constructive. Des hauts également, comme lorsque nous avons serré les rangs avec le peuple tunisien, l’armée et le gouvernement après les événements terroristes de Rouhia. Notre but n’est pas d’être en porte-à-faux par rapport à la politique du gouvernement, mais de l’aider à défendre les objectifs du 14 janvier. Quelles difficultés a-t-il fallu surmonter pour établir la loi électorale pour la Constituante ?

Cetteloiestlapremièreloidémocratique en Tunisie et porte sur un acte majeur : l’électiond’uneConstituantechargéed’élaborerlaConstitutiondelaIInde République. La loi électorale, dans sa première version, a été préparée par les juristes. Des débats se sont engagés autour du mode de scrutin – qui a beaucoup divisé –, de la parité et de l’article 15. Il a fallu choisir, parmi les différents modes de scrutin, celui qui ne pénaliserait aucun des acteurs électoraux. Alorsqu’ilyavaitunconsensussurlaparité, il restait à déterminer si on en faisait une règleobligatoireoufacultative.Onadécidé qu’elle serait obligatoire, ce qui est une première mondiale.

Quels sont les problèmes posés par l’article 15 ?

Celui-ci prévoyait que ne pourraient pas être candidats à l’élection de la Constituante tous ceux qui ont exercé des responsabilités dans les instances du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir) au cours des vingt-trois dernières années, ainsi que les anciens ministres RCD de Ben Ali. Cet article 15 a gêné le gouvernement. J’ai expliqué au Premier ministre et à d’autres ministres que c’était une mesure symbolique qui visait à faire assumer à ce parti la responsabilité historique qui était la sienne durant la dictature. Ce parti est objectivement responsable du délabrement social, de l’oppression et de la corruption généralisée. L’article 15 ne visait pas les militants, mais la direction du parti. Le débat créé par l’article 15 est significatif de la confrontation entre la légitimité révolutionnaire et l’ordre ancien. Pour une partie de l’opinion, le gouvernement a donné – involontairement – l’impression de défendre les droits de l’ordre ancien. Nous avons finalement réussi à trouver un modus vivendi sur cette question, et la loi électorale a fini par être promulguée. La parité n’est-elle pas une avancée risquée, certains partis, déjà organisés, pouvant afficher une parité de façade ?

Elle risque de créer des difficultés pour quelques formations politiques, surtout dans certaines régions. Mais c’est un parti pris qui s’inscrit dans la droite ligne des grands acquis du pays et de la pensée réformiste tunisienne, comme celle de Tahar Haddad. Il ne faut pas oublier que cette révolution démocratique a été précédée d’une révolution sociale, celle des réformes apportées par le code du statut personnel et de la famille, car c’est bien le noyau de la famille qui impulse la réussite d’une société.

Le mode de scrutin semble assez complexe. Comment le rendre compréhensible par tous ?

Nous avons adopté le système de liste à la proportionnelle avec répartition au plus fort reste. Il donne aux partis ainsi qu’aux indépendants un maximum de chances. Il faudra que l’électeur choisisse entre plusieurs listes. Le gouvernement, les partis et la société civile ont un rôle à jouer dans la sensibilisation aux enjeux des élections, mais aussi dans leur déroulement. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Ý Lors d’une réunion du COMITÉ D’EXPERTS de la Haute Instance chargé de préparer le nouveau code électoral.

Comment garantir des élections transparentes ?

La loi électorale donne des garanties à tous les niveaux. Mais la principale garantie est que l’ensemble est placé sous la supervision d’une instance vraiment indépendante qui n’implique aucune administration classique. En dernier ressort, notre véritable garant est la vigilance de la société civile elle-même et de la presse.

médias. Nous pourrions les examiner si le conseil le décide. La règle pour le financement de la campagne électorale est que celui-ci est public, mais plafonné. Il reste à définir le taux de l’indemnité que recevra chaque liste. Y aura-t-il des recours contre l’inéligibilité ?

Absolument. Nous avons prévu un contentieux des listes des candidats; tout peut être contesté.

Il faudra aussi assainir les pratiques policières, expliquer aux forces de sécurité que les choses ont changé et qu’elles ne pourront plus utiliser les mêmes méthodes, celles de la délation, des écoutes irrégulières, du harcèlement, de la fabrication defaussespreuvespourdesprocèsiniques. Paradoxalement, Ben Ali aura réussi à faire d’une partie d’un corps chargé de protéger la société une institution criminelle. Comment avez-vous vécu le 14 janvier?

Le 14 janvier a été pour moi une date importante à double titre. Je mariais ma fille ce jour-là, et la fête familiale a tourné à une célébration patriotique qui s’est conclue par l’hymne national. L’émotion était démultipliée. Comment jugez-vous les vingt-trois ans de règne de Ben Ali ? Que du négatif ?

Objectivement, il y a eu quelques réformes positives, comme celles touchant au code de la famille, mais son manque d’intelligence a fait que le négatif a englouti tout le reste. Dans la mémoire collective, c’est ce qui prédomine.

Comment voteront les expatriés ?

C’est une opération complexe, d’autant que nous n’y sommes pas habitués et que la présence des Tunisiens à l’étranger est très disparate. Si en France et en Italie nous pouvons constituer des circonscriptions électorales, aux États-Unis et au Canada la population tunisienne n’est pas en nombre suffisant pour une telle opération. C’est encore une fois un problème technique. Autre difficulté : la connexion des données électorales à l’étranger avec le système informatique national. Cela relève de l’ingénierie et non pas du politique. A-t-on aujourd’hui les moyens de contrôler le financement des partis ? Le cadre juridique de ce financement ne doit-il pas être revu ?

Nous préparons une élection et, par conséquent, nous avons statué sur le financement de la campagne électorale. Nous n’avons pas approuvé de lois sur les partis politiques et leur financement. Cela aurait dû être fait. La commission des juristes a un projet en ce sens, ainsi que sur les associations et la liberté des JEUNE AFRIQUE

Quelle est votre position personnelle sur l’exclusion ?

La réconciliation nationale fait partie de nos objectifs. Beaucoup de militants RCD ont été menacés, trompés, achetés, induits en erreur. Le pardon est le secret de l’unité. Mais il faudra juger certains responsables, surtout ceux qui se sont rendus coupables d’actes criminels. Indépendamment de cette question du RCD, il va falloir ouvrir

Faut-il juger Ben Ali ?

Oui, il faut qu’il réponde de ses actes. Il incombe au gouvernement d’user de tous les ressorts de la diplomatie et des liens d’amitiés avec l’Arabie saoudite pour obtenir l’extradition de Ben Ali, tout en garantissant une justice équilibrée, sans cruauté, pour que cet homme, responsable des maux de notre société, soit jugé en Tunisie.

Il faut tout faire pour obtenir l’extradition de Ben Ali et le traduire en justice. le dossier des tortionnaires. Le tortionnaire est la figure la plus abominable de l’humanité. Ce ne sera pas forcément sur le plan pénal, mais ils devront s’expliquer sur leurs crimes et demander le pardon devant des comités qui pourraient être de type « équité et réconciliation » [au Maroc, NDLR]. Il faut écouter les victimes et leurs familles, obliger les criminels à assumer leurs responsabilités, au moins dans l’aveu de leurs crimes.

La montée en puissance d’Ennahdha inquiète. Faut-il avoir peur des islamistes ?

Peur, non, mais il faut rester extrêmement vigilant. L’essentiel est acquis : le peuple ne laissera plus jamais faire les gouvernants à leur guise, et le gouvernant, quel qu’il soit, devra en tenir compte. Les mentalités ont radicalement changé et le peuple veille. Ce qui est sûr, c’est que nous ne laisserons plus faire, quels N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Maghreb Moyen-Orient que soient les résultats de ces élections. Rien ne sera pluscommeavant.LaTunisie en a définitivement fini avec la dictature. L’heure est à la méfiance généralisée, à la chasse aux sorcières et à la surenchère. Comment dépasser cette phase ?

Laréussited’unerévolution comme celle de la Tunisie consiste, sans extirper l’ancien, à en modifier les représentations, les méthodes, les visions, les idées politiques. On ne peut éliminer une large frange de la population. Opérer un travail d’assainissementetderéaménagement au sein de la police, de la justice et de l’université ne peut se faire que sur le long terme, mais sans chasse aux sorcières, ni violence, ni vengeance. Quel type de régime la future Constitution doit-elle, selon vous, consacrer ? Parlementaire ou présidentiel ? Comment éviter les écueils de l’instabilité chronique (dans le premier cas) et de la personnalisation du pouvoir (dans le second) ?

Ces deux types de régime sont équivalents. Le mieux pour la Tunisie serait un régime mixte, qui synthétise les avantages des deux systèmes, et assure la stabilité du pays et l’équilibre des pouvoirs.

RÉMI OCHLIK/IP3/BUREAU233

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Manifestation des

FORCES DE SÉCURITÉ Pensez-vous que les Il y a deux types de révolupour marquer tion : celle qui dispose d’une Tunisiens soient prêts à leurs distances direction avec des leaders et exercer leur citoyenneté ? avec le régime celle, cas très rare dans l’HisUn peuple qui, au nom de déchu, le toire, dont le seul acteur est le sa dignité, a renversé une 22 janvier, à Tunis. peuple, sans aucun encadredictature aussi féroce est un ment. Dans la première, on fait tomber peuple prêt pour la citoyenneté démocratique. En outre, la jeunesse nous donne des têtes, comme l’a fait le Comité de de grands motifs d’espoir, comme j’ai salut public au cours de la Révolution pu le constater à l’occasion de tous mes française. Dans la seconde, l’ordre ancien est toujours là et gouverne. Mais la révodéplacements à travers le pays et au sein même de la Haute Instance, où siègent de lution tunisienne a une double exigence jeunes représentants des régions. très claire : le recouvrement de la dignité et la démocratie. Le paradoxe est que le La révolution tunisienne a-t-elle choisi nouvel ordre politique n’est pas encore une voie plus difficile que l’Égypte ? vraiment enraciné parce que l’ancien ordre, totalement discrédité, tient encore Peut-être, mais c’est celle qui aboutira au meilleur résultat, car elle permettra une « grande lessive ». Sans vouloir critiquer l’Égypte, le fait est que le rôle de l’armée, depuis 1952, est prépondérant. La voie choisie par la Tunisie est difficile, mais c’est celle qui nous permettra de nous réconcilier avec nous-mêmes. la barre en partie. Mais c’est quand même une révolution car tout cela est en train Ressentez-vous une responsabilité de changer. Pour preuve, les excuses devant l’Histoire, la révolution tunisienne publiques télévisées de ce haut gradé de ayant réveillé le monde arabe ? la police, après des dérapages des forces La Tunisie a été le premier pays arabe de l’ordre, qui a expliqué qu’elles avaient à déclencher une vraie révolution démobesoin d’une période d’adaptation pour cratique, qui, depuis, s’est propagée de être plus professionnelles et opérationmanière vertigineuse. Mais il n’était pas nelles. J’ai eu l’impression de rêver. C’est dans l’intention des Tunisiens d’exporter l’avènement d’une police républicaine et leur révolution. L’Histoire en a décidé la fin d’une police dictatoriale. Avec les autrement. mêmes hommes, le nouvel ordre est en train de prendre forme, et il en est ainsi car La Tunisie dans deux ans ? nous avons tous, d’une manière ou d’une Un pays ayant réussi à négocier le pasautre, appartenu à l’ordre ancien. sage vers la démocratie. ●

Nous devons assainir et réaménager, mais sans tomber dans la chasse aux sorcières. Quel est le principal danger qui menace la transition démocratique ?

Lesextrémismesetlaviolence.Certes,les perturbationssontinhérentesàtoutephase transitoire.Unesociéténesortpasindemne de plusieurs années de dictature. Les gens veulent leurs droits immédiatement et utilisent à tort et à travers des moyens radicaux, comme les grèves ininterrompues. L’ordre public n’est pas bien assuré, parce que le sort de la police est indéterminé. Mais, sur ce plan, d’énormes progrès ont été réalisés. Dans l’administration, dans la justice, dans la police, l’ordre ancien est toujours là. Il faut faire avec. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Ils nous ont rendu visite au 57 bis | Ali Zidane et Mansour Sayf-Alnasr

« Ambassadeurs » de la Libye libre Optimistes et déterminés, ces deux ex-opposants en exil sont en tournée dans les capitales étrangères pour promouvoir l’action du Conseil national de transition (CNT).

Ali Zidane, 60 ans, originaire de Jouffra, dans le centre du pays, résidait jusque-là en Allemagne. Né dans

VINCENT FOURNIER/J.A.

C

OMME des milliers d’autres Libyens, Ali Zidane et Mansour Sayf-Alnasr s’étaient exilés au début du règne de Mouammar Kaddafi. Ils pensaient que l’opposition extérieure serait plus efficace pour renverser le « Guide ». Erreur ! C’est de l’intérieur qu’est venu le salut avec le soulèvement déclenché par les jeunes le 17 février. Zidane et Sayf-Alnasr, comme d’autres figures emblématiques de l’opposition en exil, se sont donc mis au service de la « Libye libre », le premier en tant que représentant personnel pour les affaires politiques de Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT), le second en tant que coordinateur des relations politiques et médiatiques du CNT avec la France. Leur dernière mission à Dakar, où ils ont été reçus par le président Abdoulaye Wade, le 19 mai, a été l’occasion pour le Sénégal d’être le premier pays subsaharien à reconnaître le CNT en tant qu’« opposition historique et légitime » chargée de préparer « la mise en place d’institutions républicaines en Libye ».

ALI ZIDANE (À G.) ET MANSOUR SAYF-ALNASR devant le siège de Jeune Afrique, à Paris, le 24 mai.

Genève. C’est ainsi qu’il noue des liens étroits avec nombre de militants européens et maghrébins des droits de l’homme. Mansour Sayf-Alnasr, 63 ans, natif du Fezzan, a quitté la Libye à l’âge de 21 ans, deux mois après le coup d’État de Kaddafi, en septembre 1969. « Mon oncle, qui le connaissait bien, se souvient-il, nous a alors dit qu’avec lui le pays était foutu. » SayfAlnasr s’exile successivement en France, au Tchad, au Maroc, où il cofonde, en 1981, le FNSL, puis en Algérie à partir de 1985. Retour auTchad en 1987, où il participe à la création de « l’armée nationale libyenne », branche militaire du FNSL, composée d’anciens militaires faits prisonniers auTchad, dont le colonel Khalifa Haftar. Installé aux États-Unis depuis 1990, Sayf-Alnasr quitte le FNSL en 2000 pour se consacrer, comme Zidane, à la LLDDH. De Berlin à Doha, en passant par Paris, Strasbourg, Bruxelles, Genève

Fini l’ingérence, nous voulons vivre en paix avec tous nos voisins. une famille de commerçants, il a rejoint la diplomatie après des études de sciences politiques et de relations internationales. En 1980, au bout de deux ans en poste en Inde, il décide de faire défection. Il rejoindra le Front national de salut de la Libye (FNSL), mouvement d’opposition en exil, qu’il quittera par la suite pour se consacrer à la Ligue libyenne de défense des droits de l’homme (LLDDH), basée à JEUNE AFRIQUE

ou Rome, les deux hommes ont pour mission de représenter le CNT, noyau du futur gouvernement de la Libye libre. Convaincus que « l’ère Kaddafi est terminée », c’est de l’avenir qu’il a été le plus question lors de leur visite au 57 bis, rue d’Auteuil. D’abord et avant tout, « nous voulons vivre en paix avec tous nos voisins. Nous voulons construire une démocratie où aucun dirigeant ne pourra plus prétendre donner des leçons à la terre entière ou se poser comme le champion de telle cause, ou comme un chef providentiel. Le CNT veut mettre en place un gouvernement civil et modéré qui ne s’ingère pas dans les affaires intérieures des autres pays. Cela veut dire que nous ferons le contraire de ce que faisait Kaddafi ». Non sans faire un clin d’œil aux révolutions voisines : « Nous avons de la chance, souligne Sayf-Alnasr. Imaginez ce qui se serait passé si Zine el-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak étaient encore là. Nous nous serions retrouvés encerclés ! » ● ABDELAZIZ BARROUHI N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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EN VÉRITÉ Patrick Seale

Israël-Palestine: quand Obama avance à reculons

I

NCAPABLE DE TENIR TÊTE à Benyamin Netanyahou, un Premier ministre israélien avide de territoires, Barack Obama a amèrement déçu l’opinion arabe et musulmane. Et conforté sa conviction queWashington est vendu aux intérêts israéliens. Annoncé comme un geste d’amitié envers la vague démocratique arabe, le discours prononcé par le président américain le 19 mai a été accueilli dans la région avec indifférence ou dérision. Le processus de paix israélo-arabe est maintenant considéré comme moribond. La démarche timorée d’Obama a alarmé certains dirigeants européens, qui se demandent si le temps n’est pas venu pour eux, au nom de la défense de leurs propres intérêts sécuritaires, de rompre les rangs avecWashington et d’adopter une position plus sévère à l’égard d’Israël. En affirmant dans son discours que le tracé des frontières entre Israël et la Palestine « doit avoir pour base les lignes de démarcation de 1967 avec des échanges territoriaux mutuellement consentis », Obama a jeté un os aux Palestiniens. Mais, après les furieuses objections de Netanyahou, il a repris l’os : le 22 mai, s’adressant au Comité des affaires publiques américano-israélien (Aipac), Obama a corrigé ce qui, selon lui, aurait été une mauvaise interprétation de ses paroles. « Des échanges mutuellement consentis », a-t-il dit, signifie que « les parties elles-mêmes – Israéliens et Palestiniens – allaient négocier une frontière différente de celle qui existait le 4 juin 1967 ». En d’autres mots, le tracé de la frontière sera le fruit d’une négociation entre un lion et une souris.

évident, pour la plupart des observateurs indépendants, que Netanyahou veut des territoires, et non la paix. Lui et les idéologues du Grand Israël, dont il partage la vision, ne céderont pas à la persuasion. Seules de sérieuses pressions – ou même des menaces de sanctions – pourraient donner un résultat. Plus de 500000 Israéliens vivent au-delà des frontières de 1967, et les constructions de colonies dans les territoires occupés se poursuivent à un rythme accéléré. La veille même de la visite de Netanyahou à Washington, Israël a annoncé, sur un ton de défi, la construction de 1500 nouveaux logements à Jérusalem-Est. En campagne pour sa réélection, Obama a visiblement décidé qu’il ne pouvait pas dilapider un capital politique chèrement gagné sur la cause impopulaire de la Palestine. Dans son écrasante majorité, le Congrès est pro-israélien ; l’Aipac et l’Institut deWashington pour la politique au ProcheOrient (Winep), son organisation jumelle, constituent de puissants groupes de pression, et les Juifs américains contribuent largement au financement des campagnes du Parti démocrate.

Le président américain a jeté un os aux Palestiniens, puis l’a aussitôt repris…

Aucune allusion à une quelconque initiative américaine en faveur de la solution de deux États existant côte à côte dans la paix et la sécurité. Ses propos ont, au contraire, été largement perçus comme une illustration supplémentaire de la manière dont les intérêts israéliens ont pris le contrôle de la politique américaine au Moyen-Orient. Il est maintenant

Obama ayant offert à l’Égypte 1 milliard de dollars de remise de dette, assortie d’une garantie d’emprunt de 1 milliard de dollars, Le Caire est la seule capitale arabe où son discours a suscité des commentaires favorables. Mais, comme le remarquait aigrement le journal anglophone saoudien Arab News le 20 mai: « Si Obama veut notre confiance et notre amitié, alors il doit travailler sur le seul domaine où il a échoué si honteusement à tenir parole – la Palestine. […] Nous ne voulons pas des pots-de-vin américains. Il peut garder son argent. L’économie américaine en a davantage besoin que nous. »

NETANYAHOU SAVOURE SON TRIOMPHE APRÈS AVOIR PROVOQUÉ un « réajustement » des positions exprimées par Barack Obama le 19 mai, Benyamin Netanyahou est allé, le 24 mai, savourer son triomphe devant un Congrès majoritairement composé de républicains acquis à sa cause. S’exprimant « au nom du peuple juif et de l’État juif », le Premier ministre israélien a présenté sa vision de la

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paix, suscitant pas moins de vingt-six ovations. Sur la question des frontières israélo-palestiniennes, il a affirmé que la plupart des colonies juives de Cisjordanie seraient « incorporées définitivement à Israël » et que l’État hébreu « maintiendrait une présence militaire à long terme le long du Jourdain ». « Jérusalem doit rester la capitale unifiée d’Israël » et les

réfugiés palestiniens auront droit au retour « dans un État palestinien, ce qui signifie que ce problème […] sera résolu hors des frontières d’Israël ». Enfin, au président Abbas, Netanyahou a lancé cette injonction : « Déchirez votre pacte avec le Hamas ! », ajoutant qu’Israël ne négociera jamais avec « la version palestinienne d’Al-Qaïda ». ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

JEUNE AFRIQUE


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MANDEL NGAN/AFP

Ý BARACK OBAMA avant son discours devant l’Aipac, le puissant groupe de pression proisraélien, le 22 mai, à Washington.

Qu’a dit au juste Obama dans ses discours des 19 et 22 mai? Vis-à-vis d’Israël, il a pris les importants engagements suivants: – « Aucune paix ne peut être imposée. » Ce qui est un raccourci pour dire qu’Israël ne fera face à aucune pression américaine en faveur de l’émergence d’un État palestinien. – « Les actions symboliques visant à isoler Israël à l’ONU ne créeront pas un État indépendant. […] Toute tentative de délégitimer Israël sera vouée à l’échec. » Par ces mots, il annonçait son opposition au projet des Palestiniens de proclamer leur État lors de la prochaine Assemblée générale de l’ONU, en septembre. Ainsi les États-Unis continueront-ils d’user de leur droit de veto en faveur d’Israël – comme ils l’ont fait de manière surprenante en février contre une résolution du Conseil de sécurité condamnant l’expansion des colonies, la position défendue par Washington jusque-là! – Devant l’Aipac, Obama a qualifié l’accord Fatah-Hamas d’« énorme obstacle à la paix », faisant siennes les objections d’Israël : « On ne peut attendre d’aucun pays qu’il négocie avec une organisation terroriste qui a juré sa destruction. » – Obama a répété que « [leur] engagement pour la sécurité d’Israël est inébranlable ». Il a réitéré l’engagement américain à garantir le seuil de qualité militaire d’Israël (qualitative military edge), c’est-à-dire sa capacité à affronter et défaire une menace arabe. Il n’a pas mentionné la sécurité des Palestiniens ni même celle du Liban, qui a subi des agressions et des invasions israéliennes répétées. Tout futur État palestinien, a-t-il dit, devra être « démilitarisé ». Il est donc clair, dans la vision d’Obama, qu’aucun des voisins d’Israël n’a le droit de se défendre. – À propos de l’Iran, il a réaffirmé l’opposition de l’Amérique à son « programme nucléaire illicite et à son soutien au terrorisme » – remarques tout droit sorties du manuel de propagande israélien. JEUNE AFRIQUE

Obama a énuméré ce qu’il considère comme les intérêts fondamentaux de l’Amérique au Moyen-Orient.Tout d’abord, « faire échec au terrorisme ». Mais c’est son soutien à Israël, les interventions brutales des États-Unis en Irak, en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen qui en sont les causes principales. « Stopper la prolifération d’armes nucléaires. » C’est là un engagement que les Arabes vont interpréter comme la consécration du monopole régional d’Israël en matière d’armement nucléaire. « Assurer la libre circulation des biens et préserver la sécurité de la région. » Arabes et Iraniens vont demander qui, à part Israël, pourrait menacer la sécurité de la région. « Défendre la sécurité d’Israël. » Un intérêt américain évidemment fondamental. « Œuvrer à la paix israélo-arabe. » Jusqu’ici, un échec total des États-Unis. S’adressant au monde arabe, Obama a déclaré : « Nous savons que notre avenir est lié à la région par les forces de l’économie, de la sécurité, par l’Histoire et par la foi. » Mais il n’a pas, dans ses propos, offert aux Arabes et aux musulmans la plus mince assurance des bonnes intentions américaines. Sur l’Irak, il a déclaré: « Nous avons achevé notre mission de combat », mais il n’a fait aucune allusion aux troupes qu’il envisageait de maintenir sur place. Sur l’Afghanistan, il a affirmé : « Nous avons brisé l’élan des talibans. » Mais les attaques toujours plus meurtrières de ces derniers suggèrent plutôt le contraire. Il s’est enorgueilli de l’élimination d’Oussama Ben Laden, « meurtrier de masse » engagé dans « le massacre d’innocents ». Mais il a omis de rappeler que les victimes innocentes des guerres américaines – mais aussi d’Israël – sont infiniment plus nombreuses que les hommes et les femmes tués par Al-Qaïda. Si Obama désire réellement avoir de meilleures relations avec les jeunes gens et les jeunes femmes qui ont fait le « printemps arabe », il ferait mieux de se raviser. ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


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Maghreb Moyen-Orient ISLAM

Féministes au nom d’Allah Depuis une vingtaine d’années, des chercheuses relisent le Coran en l’expurgeant de certaines interprétations abusives. Une démarche intellectuelle à laquelle le « printemps arabe » pourrait faire écho.

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xymore pour les uns, nouvelle voie vers l’émancipation pour les autres, le « féminisme islamique » est redevenu d’actualité avec les révolutions arabes et l’aggiornamento qu’elles induisent au sein des mouvements islamistes. Au nombre des questions débattues, celle-ci : si Aïcha, la femme du Prophète, a été mufti, pourquoi cette fonction majeure est-elle aujourd’hui inaccessible aux femmes ? Pour répondre, en retournant contre eux les arguments de leurs détracteurs masculins, des chercheuses musulmanes ont entrepris de relire le Coran en l’expurgeant de ses interprétations sexistes. Paru en 1992, Le Coran et les Femmes : relire le texte sacré dans une perspective féminine, de l’Africaine-Américaine Amina Wadud, ouvre la voie. Des femmes commencent à « déconstruire » certains concepts prétendument coraniques en s’appuyant sur la grammaire arabe et le contexte historique de la Révélation (lire encadré). Conclusion des travaux de la Pakistanaise Asma Barlas, au début des années 2000 : le Coran n’est en rien machiste. Selon le Larousse, le féminisme est la « doctrine qui préconise l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société ». Une définition

que ne renieraient pas ces chercheuses musulmanes, à ceci près qu’elles en récusent le caractère laïc. Pour les Occidentales, l’égalité des sexes est un concept citoyen ; pour leurs homologues musulmanes, c’est un principe religieux : les droits des femmes se trouvent dans le texte sacré. CULTURE PATRIARCALE. Dans leur ligne

de mire, la lapidation, l’excision, les mariages arrangés, les violences conjugales, dont elles soulignent l’origine préislamique ou en dénoncent le caractère totalement étranger à l’islam. « Il s’agit de dénouer le lien apparemment inextricable entre islam et patriarcat », explique l’universitaire égypto-américaine Margot Badran. Ce sont les hommes, les siècles et la jurisprudence (fiqh) qui ont dépossédé les femmes de ce que le Coran leur a donné. L’association Women Living Under Muslim Laws (WLUML) a ainsi répertorié les innombrables différences que l’on relève dans la jurisprudence de l’ensemble des pays musulmans concernant les femmes. Ce qui prouve qu’il s’agit d’une construction humaine et non pas sacrée. Au nombre des victoires, la réforme de la Moudawana (code du statut personnel), au Maroc, en 2004 : suppression de la notion de tuteur, consécration du

DÉCONSTRUCTION D’UNE IDÉE REÇUE « LES HOMMES ONT AUTORITÉ (QIWAMA) SUR LES FEMMES, en raison des avantages que Dieu leur a accordés et en raison des dépenses qu’ils effectuent pour assurer leur entretien » (IV, 34). Ce verset célèbre, la Marocaine Asma Lamrabet s’est employée à le déconstruire pour montrer que l’interprétation de la qiwama comme l’autorité de l’homme sur la femme est contestable à plusieurs égards. D’abord, la racine du mot (qama) a plus de trente significations : accomplir, supporter, veiller à… Ensuite, le verset ne désigne pas un rapport de supériorité, il ne dit pas : « les avantages que Dieu leur a accordés sur elles », mais « les uns par rapport aux autres » (baadhahum ala baadhin), au masculin. En outre, la qiwama apparaît une seule fois dans le Coran, alors que l’on croise souvent le maarouf (la bonne conduite), la wilaya (la coresponsabilité des époux) et, plus largement, le adl (la justice). Enfin, une lecture politique du texte a abusivement assimilé le rôle de l’époux envers sa femme à celui du hakim, le détenteur du pouvoir politique, envers ses sujets. ● C.D. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

consentement mutuel, obligatoire pour le mariage, autorisé pour le divorce. En 2008, pour la première fois en Égypte, une femme a été nommée notaire (madhoun, qui établit notamment les contrats de mariage). Rien pourtant ne l’interdit en Islam. Bahreïn a, de son côté, été le premier pays du Golfe, en 2006, à nommer une femme juge, et donc à lui octroyer un droit d’interprétation des textes sacrés. « C’est d’autant plus positif dans cette région, où la société est particulièrement religieuse et conservatrice, se félicite l’enseignante qatarie Amal alMalki. Même quand les femmes étaient expertes en théologie, elles ne pouvaient pas exercer une fonction religieuse. C’est d’ailleurs un féminisme islamique qui a le plus de chances de faire progresser les droits des femmes ici. » RÉSISTANCES. Alors, qu’est-ce qui fait encore barrage aujourd’hui? « C’est l’État qui, partout, détient la clé de la réforme », rappelle Margot Badran. Mais les résistances dans la société sont nombreuses, y compris parmi les femmes elles-mêmes, baignées dans une culture patriarcale et dont l’accès aux sources religieuses est JEUNE AFRIQUE


HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

Maghreb Moyen-Orient

ASMA LAMRABET : « Les savants nous contestent le droit d’interpréter le Livre. »

freiné par le clergé masculin. Ce sont donc elles qui, le plus souvent, sont les gardiennes les plus virulentes de traditions attribuées à tort à l’islam. Qu’en est-il des hommes? « Les savants au Maroc ne sont pas entrés dans un débat théologique avec nous parce que notre travail, de ce point de vue, est inattaquable, précise Asma Lamrabet, une femme médecin marocaine membre du Groupe international d’étude et de réflexion sur la femme en Islam (Gierfi). Ils ont préféré nous contester le droit même d’interpréter le Coran et nous assimiler à l’Occident. » Nadia Yassine, dirigeante de la section féminine du mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsan (« Justice et spiritualité »), lui fait écho : « Certains se sentent plus

conformité avec ce que dit le Coran, rétorque Asma Lamrabet. Pourquoi ne retient-on que la lettre et non l’esprit de l’islam dès qu’on aborde les thèmes de la femme et de la famille ? » Quatre congrès internationaux ont déjà été organisés sur le sujet. Le mouvement gagne du terrain. « Les organisations islamistes ont fini par comprendre que le rôle des femmes est central dans la diffusion de leur message. Plus éduquées, elles revendiquent de plus en plus des postes de responsabilité et un rôle politique », analysent les chercheuses Omayma Abdel-Latif et Marina Ottaway. Mais nombreuses sont celles qui récusent le terme de « féministe », qu’elles assimilent à l’individualisme, au délaissement de la famille, voire à l’homosexualité. Les femmes du mouvement islamiste palestinien Hamas ne se reconnaissent pas dans ce mot. D’autres, en revanche, comme Nadia Yassine, l’assument. Mais toutes déplorent la rigidité de leurs paires occidentales, pour qui, par exemple, le voile est incompatible avec l’émancipation et la liberté. NOUVELLE VISIBILITÉ. Le « printemps arabe » a redonné de la visibilité à un féminisme islamique pour l’instant limité à un cercle restreint. Au Yémen, des manifestantes ont ainsi rejeté l’argument du président Saleh, qui a qualifié de « non islamique » le fait pour une femme de manifester. Et c’est convaincues de leur bon droit du point de vue des textes eux-mêmes que les femmes yéménites ont participé aux marches de protestation. La grande force des

agressés par un féminisme islamique que par un féminisme laïc », car ce dernier n’utilise pas les textes sacrés pour plaider la libération des femmes. Mais des hommes font parfois preuve d’un grand progressisme. Le mufti de l’émirat de Dubaï, Ahmed al-Haddad, a ainsi émis, en mars 2009, une fatwa autorisant les femmes à devenir mufti. « Ce n’est pas contraire à la Aïcha, l’épouse du Prophète, a été religion », justifiait-il. mufti, une fonction aujourd’hui Mais il reste un dernier frein : les textes sacrés euxdéniée aux femmes… mêmes. Même « déconsrévolutions arabes aura précisément été truits », ils valident parfois l’inégalité d’ouvrir des espaces de liberté si vastes entre hommes et femmes. « Tous les pays musulmans, sauf l’Arabie saoudite que les droits des femmes pourraient et l’Iran, qui s’en tiennent à la lettre, enfin s’épanouir sur la base d’un islam ont adopté des lois qui ne sont pas en apaisé. ● CONSTANCE DESLOIRE

TOU T E S L E S M U S IQU E S D’A F R IQU E

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Maghreb Moyen-Orient grand imam soit désormais élu par le collège des oulémas de l’université, et non plus désigné par le chef de l’État. Autre évolution : les relations d’Al-Azhar avec les Frères musulmans. En 2006, Al-Tayeb avait fait arrêter leurs étudiants après une démonstration paramilitaire dans l’enceinte de l’université. Le 3 mai dernier, contraint par le nouveau contexte politique, il a accompli un geste historique en recevant dans son bureau le guide suprême de la confrérie, Mohammed

ÉGYPTE

Le grand imam est-il digne de foi? Contesté par les enseignants et les étudiants en raison de sa proximité avec l’ancien régime, Ahmed al-Tayeb peine à s’imposer, malgré le soutien des autorités provisoires.

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KHALED DESOUKI/AFP

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«

e pays traverse un moment difficile et Al-Azhar a besoin de vous. » C’est ce qu’a en substance répondu le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées, à Ahmed al-Tayeb, grand imam de l’université sunnite, venu lui présenter sa démission, le 23 mars, après que, le matin même, des membres du personnel lui eurent barré l’accès de l’institution. Nommé le 19 mars 2010, ce théologien et philosophe né près de Louxor, en 1946, faisait figure de modéré. Francophile, anglophone, artisan du dialogue interreligieux, ancien mufti de la République (2002-2003) et doyen d’Al-Azhar (depuis 2003), il incarnait l’espoir d’une modernisation. Dès sa désignation, Al-Tayeb démissionne du parti de Moubarak,

SA DÉMISSION a été rejetée par le Conseil suprême des forces armées.

Al-Azhar étant, depuis un demi-siècle, la caution religieuse du pouvoir. Mais depuis la révolution, Al-Tayeb se voit constamment reprocher sa proximité avec l’ancien régime. Tandis que de nombreux imams d’Al-Azhar étaient allés manifester place Al-Tahrir, lui assurait encore Moubarak de son soutien par téléphone… Première exigence des enseignants et étudiants d’Al-Azhar : l’indépendance. Al-Tayeb a tenté d’y satisfaire en entamant les démarches nécessaires pour que le

« Moubarak est un vieil homme malade. La compassion devrait prévaloir sur la justice. » Badie. Une semaine plus tard, il accueillait le leader salafiste Mohamed Hassan « pour rapprocher toutes les composantes de l’islam ». Une cellule transparente de conversion des coptes à l’islam a aussi été mise en place avec l’Église pour apaiser les tensions. Mais la méfiance est toujours de mise. À propos d’un éventuel procès de l’ancien raïs, Al-Tayeb a déclaré, le 21 mai, dans un quotidien allemand que « Moubarak est un vieil homme malade. La compassion devrait prévaloir sur la justice ». Miséricorde d’un homme de religion ou relent contre-révolutionnaire ? Al-Tayeb, comme beaucoup d’autres, cherche encore son chemin. ● CONSTANCE DESLOIRE

Coulisses SYRIE BRUXELLES ACCENTUE LA PRESSION L’Union européenne (UE) a décidé, le 23 mai, d’étendre les sanctions adoptées contre treize responsables syriens à dix autres personnalités du régime, dont Bachar al-Assad, pour obtenir de Damas qu’il mette un terme à la répression brutale des manifestations en faveur de la démocratie, qui aurait fait 900 morts. Les N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

vingt-trois dignitaires concernés sont désormais frappés d’une interdiction de visa et d’un gel de leurs avoirs dans les vingt-sept États membres de l’UE. ARABIE SAOUDITE WEEK-END SEMI-UNIVERSEL ? Pour mieux répondre aux défis d’une économie mondialisée, l’Arabie saoudite pourrait adopter, à l’instar de l’Algérie et des Émirats arabes unis,

le week-end semiuniversel (vendredi et samedi). Une mesure dont doit débattre le Conseil de la Choura – composé de parlementaires et de dignitaires religieux – et qui sera entérinée par un vote. RUSSIE-ISRAËL UN ESPION OPINIÂTRE Vadim Leiderman a été expulsé par la Russie pour violations répétées de la Convention de Genève sur

les relations diplomatiques. Le ministère russe des Affaires étrangères avait adressé trois mises en garde à l’attaché militaire israélien après que celui-ci eut tenté de collecter des informations confidentielles relatives à des ventes d’armes à des États arabes, notamment à la Syrie. Le FSB (ex-KGB) affirme détenir la preuve que Leiderman a tenté de recruter des civils russes pour en faire des informateurs. JEUNE AFRIQUE


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Investissements © Maboup

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Cameroun

Des promesses aux réalisations

MESSAGE

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orté par la profession de foi du candidat Paul Biya dans l’ambiance spécifique de l’élection présidentielle de 2004, le concept véritablement nouveau de « Grandes ambitions » a fait une entrée plutôt remarquée dans l’imaginaire des Camerounais. Un vaste programme en cinq points qui, selon son auteur, vise à faire du Cameroun un pays moderne et dynamique. De manière générale, il s’agit du lancement d’un certain nombre de grands projets dans des domaines variés : agriculture, mines, industrie, énergie, infrastructures notamment. Leur concrétisation dans les délais impartis a cependant souffert des effets inhibiteurs de la crise économique mondiale et de ce que Paul Biya lui-même a dénommé : « Une certaine passivité de quelques responsables. » Aujourd’hui, avec la mise en œuvre depuis 2010 de la stratégie décennale pour la croissance et l’emploi, ainsi que la disponibilité de financements conséquents, le rêve camerounais des « Grandes ambitions » se mue progressivement en réalité.


Le chef de l’État, l’État Paul Biya. Biya

MESSAGE

Le déficit énergétique en voie d’être résorbé

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L’exercice budgétaire 1972-1973 de l’État du Cameroun en portait déjà les prémices… Il prévoyait quelque 80 millions de F CFA destinés à des études de faisabilité. Memve’ele en est resté à ce stade jusqu’à ce que Paul Biya remettre l’ouvrage sur le métier en 2003. Le barrage de Memve’ele est un projet ambitieux comprenant, entre autres dispositifs techniques, une usine hydro-électrique appelée à développer 400 MW à partir de quatre turbines placées sur les chutes du fleuve Ntem (56 m de dénivelé), dans la localité de Memve’ele, située dans la région du Sud. Le processus d’indemnisation des populations riveraines, l’aménagement des voies d’accès, la construction des structures socio-économiques (écoles, dispensaires, etc.) tout autant que la sauvegarde de certaines exigences environnementales ont requis la mobilisation préalable de 35 milliards de F CFA, déjà assurée par le gouvernement camerounais.

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Cameroun

MEMVE’ELE OU LA RÉSURRECTION D’UN PROJET Désormais, le déploiement des engins de la société chinoise Sinohydro Corporation Limited sur les 93 km de voies d’accès atteste du démarrage effectif du chantier. Des travaux préliminaires doivent encore s’étaler sur neuf mois à compter du mois de mai 2011 pour un coût total de 13,98 milliards de F CFA. Quant au gros œuvre, les 365 milliards de F CFA qu’il nécessite viennent de bénéficier d’une impulsion décisive avec la signature, courant avril 2011, d’un accord de prêt entre le ministère camerounais de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire et l’Exim Bank of China. Le montant total couvert s’élève à plus de 245 milliards de F CFA. Sachant que « la concertation se poursuit », selon une récente déclaration du chef de l’État camerounais, Memve’ele est donc bien parti pour ne plus rester à l’état de projet. La contribution financière du Cameroun dans le financement de l’ouvrage s’élève à quelque 40 milliards de F CFA. La résorption du déficit d’énergie électrique dont souffre le pays est en bonne voie. Le barrage de Lom-Pangar, dans la région de l’Est, participe du même souci de résorption du déficit d’énergie électrique à brève échéance. Son coût est estimé à 150 milliards de F CFA. De même, est annoncée la construction d’un barrage sur le Dja, qui bénéficie déjà d’un financement partiel à partir de l’emprunt obligataire contracté par l’État camerounais pour 2011.


Deux tiers des financements sont réunis Depuis 2008, la liste des prêts accordés par différents investisseurs étrangers à la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater), la société camerounaise en charge des questions d’eau, n’a cessé de s’allonger. Se sont ainsi succédé dans cette mise à disposition de fonds, la Banque européenne d’investissements (26,2 milliards de F CFA), l’Exim Bank of China (11 milliards de F CFA), la Banque mondiale (31 milliards de F CFA), la Banque africaine de déve-

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EXTENSION DES ADDUCTIONS D’EAU

Pose de la première pierre de l’usine de traitement d’eau de Nkolbisson par le Ministre de l’Eau et de l’Énergie et le Directeur Général de l’Agence Française de Développement.

loppement (22 milliards de F CFA) et l’Agence française de développement (40 milliards de F CFA). Dans ce secteur, l’actualité récente au Cameroun a été suscitée par l’Agence française de développement. Dov Zerah, son directeur général, a effectué une visite au centre de traitement de l’eau de la Mefou, situé dans la région du Centre, pour annoncer un financement de 39,36 milliards de F CFA pour la mise en place du laboratoire, de l’atelier, du dispositif de pompage ainsi que l’installation des équipements électriques. Au terme des vingt-quatre mois que dureront les travaux, la station de Mefou permettra de porter à quelque 160 000m3/jour le vo-

lume d’eau de la ville de Yaoundé, à comparer avec 100 000 m3/jour actuellement. Loin d’être unique, cette opération entre dans le cadre d’un vaste mouvement de « réhabilitation, de renforcement et d’extension de la capacité de production et de distribution des centres existants ». D’un coût estimé à 400 milliards de F CFA, cette stratégie vise aussi à pourvoir soixante-dix localités camerounaises, qui en sont dépourvues, d’infrastructures de production, d’adduction et de distribution d’eau potable à l’horizon 2018. Pour l’heure, la mobilisation de près des deux tiers des financements requis autorise tous les espoirs.

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Trois ambitieux projets routiers

INFRASTUCTURES Un grand nombre de programmes routiers du Cameroun ont bénéficié de l’attention des gouvernements en vue de leur matérialisation à plus ou moins brève échéance. Devant l’ampleur des investissements, il a fallu opérer des choix. La Ring Road dans la région du Nord-Ouest, la rou-

te reliant Sangmélima à la frontière du Congo, dans la région du Sud, et l’aménagement de l’entrée est de la ville de Douala (dans le Littoral), comprenant en outre l’édification d’un second pont sur le Wouri, sont les réalisations les plus ambitieuses et les plus avancées.

Vaste projet routier de 355 km devant relier entre eux les départements de l’ensemble de la région du Nord-Ouest, la Ring Road reflète les aspirations de la population, majoritairement anglophone, à accélérer son développement agro-pastoral. Le chef de l’État, Paul Biya en a apprécié toute l’importance lors de la célébration du cinquantenaire des armées, le 8 décembre 2010 à Bamenda. Et sur les 235 km de ce tronçon mis à l’étude, plus d’une soixantaine feront l’objet d’un bitumage dès cette année grâce à un budget de 22 milliards de F CFA à débloquer par le gouvernement. L’optimisme est aussi de rigueur en ce qui concerne la réalisation de l’axe Sangmélima Frontière du Congo : l’indemnisation des riverains du tronçon Djoum-Mintom (83 km) III


est en cours et l’entreprise adjudicataire a été désignée. Il s’agit de la société néerlandaise MNO Vervat. Comme c’est déjà le cas avec le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République centrafricaine et, dans une moindre mesure, le Tchad, le Cameroun sera bientôt relié au Congo-Brazzaville par une route bitumée. La réalité pourra être constatée dans trente mois, avec l’achèvement du bitumage du tronçon Djoum-Mintom, pour un coût total de 39 milliards de F CFA. Le projet de relier Sangmélima à Djoum est également bien avancé. Le premier tronçon, Sangmélima-Bikoula (65 km), a déjà fait l’objet d’un appel d’offres international. Le second lot, BikoulaDjoum (38 km), attend l’aboutissement de son dossier soumis à

KRIBI

MESSAGE

La nouvelle vitrine portuaire

IV

Une fois achevé, le port en eau profonde de Kribi sera susceptible d’accueillir tout ce que le secteur du transport maritime compte de gros porteurs. D’ici trois ou quatre ans, selon les prévisions les plus optimistes, il leur offrira ses 2 800 m de digue de protection et son chenal d’accès réaménagé – ce

qui aura représenté le dragage de 11 millions de m3 ! Multifonctionnel, le port de Kribi englobe plusieurs terminaux dès sa conception (conteneurs, pétrolier, fer, aluminium, cabotage régional) et méritera son appellation de « nouvelle vitrine portuaire du pays ». Censé devenir un véritable pôle d’exportation des minerais ayant fait l’objet d’accords d’exploitation ou de recherche signés entre le gouvernement camerounais et des investisseurs américains ou asiatiques (fer, or, cobalt, bauxite, nickel, etc), le port en eau profonde entend également proposer de

nouvelles infrastructures routières et ferroviaires, qui le relieront aux différents points d’extraction disséminés sur le territoire camerounais. Kribi représente un investissement de plus de 500 milliards de F CFA et les négociations relatives à certains de ses volets se poursuivent encore. Mais le futur port en eau profonde a définitivement amorcé sa matérialisation. L’importante barge implantée au large de la station balnéaire a marqué le début des travaux et l’épineux processus d’indemnisation des riverains est en cours.

© D. Ravier © Réalisation DIFCOM / C.C. - JA 2629 du 29 mai 2011

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Le Ministre de l’industrie, des mines et du développement technologique, Badel Ndanga Ndinga avec le Président du Conseil d’Administration de GEOVIC.

© D. Ravier

Cameroun

l’appréciation des bailleurs de fonds, parmi lesquels figurent les fonds de développement saoudien, koweïtien et de l’Opep. Quant à l’aménagement de l’entrée est de la ville de Douala et l’édification d’un second pont, ils font l’objet d’une convention de financement de 40 milliards de F CFA signée le 3 mars 2011 entre le gouvernement camerounais et l’Agence française de développement. Les travaux du premier lot doivent démarrer avant la fin de l’année 2011 pour une durée de deux ans et ils ont déjà toutes les garanties d’être financés. Le second lot doit encore boucler son financement, d’un montant total de 100 milliards de F CFA, lors de négociations ultérieures dans le cadre du Contrat Désendettementdéveloppement (C2D) de la deuxième génération.


Europe, Amériques, Asie

DE L’EUROPE AUX ÉTATS-UNIS

Tempête

sur le Vieux Monde Une vague de contestation sociale et/ou électorale balaie depuis plus d’un an les pays occidentaux, dont les gouvernements peinent à surmonter les séquelles de la crise. Dernier en date : l’Espagne.

À

ALAIN FAUJAS

Madrid, la Puerta del Sol, rebaptisée « Plaza de la SOLución », a depuisle15maidesairsdeplace Al-Tahrir, au Caire, et même de Sorbonne façon Mai 68. Des tentes improvisées y forment un joyeux village. Les forums y drainent des centaines de jeunes et de passionnés qui débattent des heures durant de la réforme du système électoral ou de l’abrogation de la loi sur le téléchargement, tandis

JEUNE AFRIQUE

que les féministes donnent de la voix. Des cantines improvisées nourrissent ces enthousiastes, quand les assemblées générales s’interrompent et que tout le monde s’apprête à dormir à la dure. Le 27 mai, il y avait un peu moins de monde sous la banderole de Los Indignados (« les indignés », référence à l’opuscule du Français Stéphane Hessel, qui les inspire), mais le cœur y était toujours. Marre des reniements des hommes politiques, et notamment des socialistes ! Marre de ne jamais avoir la parole! Marre du chômage qui frappe 44 % des moins de 25 ans ! Leur « génération perdue » veut « réformer la société ». Ni plus ni moins. Leur « mouvement du 15-M » (15 mai) laissait prévoir la claque magistrale infligée au Parti socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, le président du gouvernement, lors des élections locales du 22 mai. Du jamais vu: les socialistes espagnols ont perdu quatre des cinq régions qu’ils dirigeaient et laissé à la droite le contrôle des seize plus ● ● ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

PEDRO ARMESTRE/AFP

Ý RASSEMBLEMENT « INDIGNADOS » sur la Puerta del Sol, à Madrid, le 22 mai. DES

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DEIRDRE BRENNAN/REDUX

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MANIFESTATION SYNDICALE À DUBLIN, en février 2009 : après l’effondrement des banques, le parti au pouvoir vient de régler l’addition. Et elle est salée.

grandes villes. Mais le Parti populaire (PP) aurait tort de se réjouir trop vite : le slogan qui court la Puerta del Sol à l’intention des hommes politiques est en effet sans ambiguïté : « Vous ne nous représentez pas ! » Huit personnes sondées sur dix déclarent n’avoir confiance ni en Zapatero ni en son adversaire, Mariano Rajoy. Leur revirement face à la crise, l’amputation des salaires des fonctionnaires et des retraites, mais aussi leur manque de pédagogie ont ruiné la popularité du gouvernement et de son chef. Pour tenter d’éviter la déroute, celui-ci avait annoncé le 2 avril qu’il ne briguerait pas un troisième mandat lors des élections législatives du printemps 2012. Trop peu et trop tard pour apaiser la colère de l’opinion. ●●●

DE LISBONNE À DUBLIN. Mais l’Espagne n’est que

le dernier exemple du vent de fronde qui balaie les gouvernements des pays occidentaux. Le Portugal vient de renverser son gouvernement et attend des législatives. Les Allemands infligent aux démocrates-chrétiens (CDU) défaite sur défaite depuis le début de l’année. Pour la première fois, les Verts ont même remporté, en mars, la présidence d’un Land, le Bade-Wurtemberg (voir pp. 72-73). Dans les sondages, ils devancent désormais la CDU : 28 % des intentions de vote, contre 23 % ! En Irlande, le Fianna Fáil, parti de centre-droit qui domine la vie politique locale depuis des décennies, a été laminé lors des législatives du mois de février. Pour punir Brian Cowen, son leader, d’avoir laissé filer les déficits et accepté l’aide de l’Union européenne et du FMI quand les banques du pays se sont effondrées sous l’effet de la bulle immobilière, les électeurs ont réduit à 20 sièges – sur 166 – sa représentation au Parlement. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Victimes expiatoires ESPAGNE (Municipales et régionales du 22 mai 2011) PSOE (gauche, au pouvoir depuis 2004) : 27,7 % PP : 37,5 %

ALLEMAGNE (Cinq élections régionales depuis début 2011) CDU (droite, au pouvoir depuis 2005) : 29,9 % SPD + Grünen : 49,4 % IRLANDE (Législatives du 26 février 2011) Fianna Fáil (centre-droit, au pouvoir depuis 1987) : 17 % Fine Gael + Parti travailliste : 55 %

ÉTATS-UNIS (Midterm election du 2 novembre 2010 à la Chambre des représentants) Parti démocrate (au pouvoir depuis janvier 2009) : 186 sièges Parti républicain : 239 sièges

En novembre 2010, Barack Obama a reconnu avoir reçu « une déculottée » lors des élections de la mi-mandat. Le Parti démocrate a perdu la majorité à la Chambre des représentants et l’émergence des Tea Parties, ces groupes frénétiquement antiétatistes, a porté à son paroxysme le rejet des élites et de la classe politique. Une réaction que l’on retrouve, sous des formes diverses, dans presque tous les pays où la reprise économique tarde à faire repartir les embauches. Au printemps 2010, la Hongrie a pris un virage ultraconservateur en portant au pouvoir Viktor Orban. Il faut dire que l’austérité pratiquée par les socialistes de Ferenc Gyurcsany avait surtout révélé leur impéritie et leurs mensonges. « ÉMEUTES PAR LES URNES ». Mais ce sont les Islandais qui, les premiers, avaient, en février 2009, déclenché ce qu’on a appelé une « émeute par les urnes ». Geir Haarde, le Premier ministre rendu responsable du naufrage des trois banques du pays et de l’intervention du FMI qui s’est ensuivie, a été sèchement éconduit. Mais c’est moins l’élection d’une femme socialiste, Johanna Sigurdardottir, à la tête du pays que celle de Jon Gnarr, le Coluche islandais, comme maire de Reykjavik, la capitale, qui a le mieux exprimé l’exaspération populaire. Dans d’autres pays, celle-ci a pris la forme d’une poussée de populisme souvent teintée de xénophobie. Aux Pays-Bas, au Danemark, en Norvège, et même dans la paisible Finlande, les gouvernements ont été obligés de tenir compte de l’irruption de cette extrême droite dans le paysage politique. Dans certains pays, la vague de contestation n’a pas débordé. En Grande-Bretagne, les 270 000 personnes qui ont manifesté, le 27 mars à Londres, contre la politique d’austérité imposée par les conservateurs de David Cameron n’ont pas entamé la popularité de ce dernier. En Lettonie, pourtant soumise à un remède de cheval qui a fait chuter son PIB de plus de 15 % en 2009, Valdis Dombrovskis, le Premier ministre de droite, a remporté en octobre 2010 une éclatante victoire en promettant de maintenir les sacrifices. Quant à la Grèce, pays le plus mal en point d’Europe, elle résiste aux tentations insurrectionnelles. Non seulement les élections locales n’ont pas été catastrophiques pour le Parti socialiste de Georges Papandréou, mais l’occupation de la place Syntagma, à Athènes, par les « indignés » grecs depuis le 23 mai ne semble pas mobiliser les foules. À l’Élysée, où, bien sûr, personne n’a oublié la cuisante défaite des élections régionales de 2010, on observe ces tsunamis électoraux et/ou sociaux avec appréhension. En mai 2012, le chômage aurat-il suffisamment reculé, et le pouvoir d’achat assez progressé, pour épargner à Nicolas Sarkozy une humiliation comparable à celle infligée à Zapatero, Obama et consorts ? ● JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Du passé, faisons table rase! Arrivé en tête au premier tour de la présidentielle, Ollanta Humala est un extrémiste repenti. Keiko Fujimori, sa rivale, est la fille d’un ancien chef de l’État aujourd’hui en prison. Second tour le 5 juin.

À

ralliait au « moindre mal » face à « la fille du dictateur et du voleur ». Car la candidate de droite traîne elle aussi un passé encombrant. LOURD HÉRITAGE. Une partie des électeurs reprochent à Keiko Fujimori les dérives de son père, condamné à vingtcinq ans de réclusion pour diverses exactions (corruption, violation des droits de l’homme) perpétrées au cours de ses deux mandats présidentiels (1990-2000). Mais la jeune (35 ans) candidate de Fuerza 2011, qui défend des politiques économiques d’inspiration libérale, n’a pas le choix : il lui faut assumer cet héritage. On raconte qu’elle s’est ralliée au modèle « fujimoriste » depuis son élection au Congrès, en 2006. Elle ne manque pas une occasion de rappeler que, si le Pérou connaît aujourd’hui une forte croissance, il le doit largement « aux mesures prises dans les années 1990 ». Sa récente apparition au balcon de l’Hôtel Bolívar, à Lima, rappelait d’ailleurs étrangement celle de son père, avant sa première élection. Mais Keiko a promis de ne pas gracier Alberto si elle venait à être élue. Le scrutin s’annonce serré. Avant le 5 juin, les deux candidats vont devoir d’efforcer de convaincre 8 % des électeurs qui, selon l’étude Ipsos Apoyo, n’ont toujours pas fait leur choix. Car, selon toute apparence, ce sont eux qui feront la décision. ●

une semaine du second tour quelques années. « Avant, il voulait être de l’élection présidentielle, Chávez ; maintenant, il veut être Lula », le 5 juin, Keiko Fujimori, la résume un observateur. Fils de militant candidate de droite, est très communiste, cet ancien officier de 48 ans légèrement favorite dans les sondages a en effet pris ses distances avec le sociaface à Ollanta Humala, son adversaire lisme radical du président vénézuélien. Désormais, il jure de respecter l’entreprise de la gauche nationaliste. Publiée le 8 mai, une étude de l’institut de sondage privée, les traités de libre-échange et l’inIpsos Apoyo prédit la victoire de la fille dépendance de la Banque centrale. Il s’est aussi engagé à faire respecter les droits de de l’ancien président Alberto Fujimori : 41 % des intentions de vote, contre 39 %. Sa popularité Menaces de mort, agressions s’est accrue ces dernières de journalistes, lancer d’œufs sur semaines, surtout dans le un candidat… La tension monte. nord du pays et dans la région amazonienne. Ollanta Humala était pourtant en tête l’homme. Il a pourtant été accusé d’abus à l’issue du premier tour, le 10 avril : contre des civils au cours de la guerre 31,72 % des voix, contre 23,57 % pour contre le terrorisme, qui fit soixante-dix Keiko Fujimori, selon l’Office national mille morts entre 1980 et 2000. des processus électoraux (ONPE). C’est la Afin de rassurer l’électorat centriste, deuxième fois qu’il participe à la course Humala a intégré à son équipe une à la présidence. En 2006, il avait obtenu cinquantaine d’économistes, de juris30 % des voix au premier tour, avant d’être tes et d’intellectuels modérés. Libéral battu de cinq points, au second, par Alan convaincu, Mario Vargas Llosa, le Prix García. Nobel de littérature, lui a notamment apporté son soutien, déclarant qu’il se MARIE VILLACÈQUE LA TENSION MONTE. Depuis que le rapport des forces paraît s’être inversé, la tension est montée de plusieurs crans : couronnes mortuaires adressées au directeur du journal La Primera, favorable à Humala, agressions de journalistes, lancer d’œufs sur Keiko Fujimori au cours d’un meeting… Ce second tour est un peu un duel des extrêmes. Il met aux prises deux personnalités dont le passé politique et/ou familial est quelque peu problématique. Nationaliste bon teint, Humala a pourtant promis de ne rien changer au système économique (le Pérou a enregistré ces dernières années un taux de croissance enviable : 8 % en 2010), de combattre « l’instabilité sociale » et de travailler au renforcement des relations avec les États-Unis. Mais si le leader de Gana Perú s’efforce de modérer son discours, beaucoup n’ont pas oublié les positions beaucoup plus radicales qu’il affichait il y a encore UN BUREAU DE VOTE À LIMA, LE 10 AVRIL. Les sondages annoncent un second tour serré. JEUNE AFRIQUE

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

KAREL NAVARRO/AP/SIPA

PÉROU

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Europe, Amériques, Asie

Arnaud Montebourg « De Mitterrand à Sarkozy, rien n’a changé » Membre de l’aile gauche du PS, il est candidat à la primaire pour la présidentielle de 2012. Comment juge-t-il la politique de la France en Afrique, continent pour lequel il nourrit un tropisme prononcé ?

L

e chevalier blanc du PS a perdu en chemin le seul adversaire qu’il rêvait d’affronter lors du tournoi de la primaire, mais il reste en lice. Dominique Strauss-Kahn out, Arnaud Montebourg, 48 ans, ira, dit-il, « jusqu’au bout » dans son combat de candidat à la candidature socialiste pour l’Élysée 2012, même s’il sait que rares sont ceux qui lui accordent une chance sérieuse de l’emporter. Député depuis quatorze ans, celui qui incarne au bureau national du parti l’aile la plus à gauche n’aime rien tant que ces chevauchées solitaires où son charme, son charisme de bête de scène, son talent d’avocat et ses positions tranchées font parfois sourire mais ne laissent jamais indifférent. Grand admirateur de Barack Obama, compagnon de la journaliste Audrey Pulvar et proche de la députée de Guyane Christiane Taubira, Arnaud Montebourg nourrit pour l’Afrique un tropisme prononcé. Ami du nouveau président nigérien, Mahamadou Issoufou, fier du sang algérien qui coule dans ses veines – sa mère, née Ould Cadi, est issue d’une famille de bachagas de la région d’Oran –, il est venu rendre visite à Jeune Afrique de retour de Tunis, au lendemain d’une révolution dont, dit-il, « les Français ont beaucoup à apprendre et à retenir ». ● F.S. JEUNE AFRIQUE : Quelle est votre réaction à l’affaire DSK ? Martine Aubry, la première secrétaire du Parti socialiste, a parlé d’un « coup de tonnerre »… ARNAUD MONTEBOURG : Ce n’est pas

un coup de tonnerre, car il n’y a pas de conséquence politique. Il s’agit d’une affaire judiciaire privée, personnelle, et le PS a les ressources pour rebondir. Pour le reste, les candidatures à la primaire de François Hollande et de Martine Aubry sont logiques. Elles sont, l’une et l’autre, des candidatures de gestion du système. Elles ne visent pas à sa transformation. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Vous faites figure d’outsider. Comment exister face à ces deux poids lourds que sont Aubry et Hollande ?

Il n’y a pas de divergences entre eux. Ils sont d’accord sur la manière de conserver le pouvoir. Or le vieux socialisme et la social-démocratie de l’ajustement et de l’adaptation à la mondialisation ont échoué. La redistribution est impuissante face aux marchés. La politique et la République doivent être les plus fortes. Je n’aiaucuneraisondepenserquemesidées

Il n’y a plus d’argent dans les caisses et l’épargne des ménages a fondu comme neige au soleil. Le seul endroit où il reste de l’argent, ce sont les entreprises transnationales, qui distribuent de confortables dividendes à leurs actionnaires. Durant les vingt dernières années de la mondialisation, il y a eu des gagnants et des perdants. L’Afrique fait partie des perdants, et l’Europe a un résultat mitigé. Nous avons donc intérêt à nouer une alliance pour organiser la modération de ce système dérégulé, dangereux, et extrémiste. C’est la « démondialisation ». Quel regard portez-vous sur la politique africaine de la France ?

Le discours de Cancún [prononcé en 1981 par François Mitterrand, NDLR] est resté sans suite en Afrique. Depuis, la France a continué de soutenir à bout de bras des régimes autoritaires. Elle n’a pas contribué à la construction d’États de droit et a participé au partage du butin de la corruption : le butin françafricain. Elle

On peut avoir soutenu Gbagbo, puis juger normal qu’il soit chassé par les armes. ne soient pas au premier plan du débat présidentiel. Obama, Clinton et Zapatero ont été, eux aussi, des outsiders… Irez-vous au bout de la primaire ?

Bien sûr. Je suis le seul candidat affirmant qu’il n’est plus possible de construire la France nouvelle sur d’anciennes idées. Un nouveau modèle, celui de l’après-crise, doit être inventé pour organiser le « vivre ensemble ». Au lieu de cela, nous prenons le chemin d’une guerre civile de basse intensité sur des querelles identitaires. Il est urgent de réconcilier tous les Français. Cela ne peut se faire que dans le cadre d’une révolution démocratique. C’est la VIe République que je défends. En Europe, le système financier opprime les citoyens et les contribuables. La politique d’austérité que le FMI et l’UE ont imposée au Portugal, à la Grèce et à l’Irlande est une très grave erreur. Elle a conduit à une glaciation salariale et à une réduction des dépenses publiques. Cela relève de la saignée pratiquée par des médecins de guerre, alors que nous avons dépensé 4 589 milliards d’euros depuis 2008 pour sauver les banques, qui, aujourd’hui, spéculent contre nos États !

a donc une lourde responsabilité dans le sous-développement du continent et son retard dans le processus de démocratisation. À chaque élection présidentielle, on promet la rupture, mais c’est la continuité qui l’emporte. De Mitterrand à Sarkozy, rien n’a changé. Les interventions en Côte d’Ivoire et en Libye sont donc une erreur ?

Ce ne sont pas des interventions françaises, mais des décisions de la communauté internationale. C’est d’ailleurs une très bonne leçon à retenir : quand la France n’agit pas seule, elle fait figure d’avant-garde éclairée. Mais quand nous sommes dans le bilatéral, nous retombons dans les errements du passé. Pourquoi l’Internationale socialiste et le PS français ont-ils mis si longtemps à se démarquer de Laurent Gbagbo ?

D’abord, une remarque : le PS n’est pas le gendarme de l’Internationale socialiste, où il ne dispose que d’une seule voix. Pour le reste, on peut très bien soutenir Gbagbo pendant la campagne électorale, puis estimer qu’il est normal de le chasser du pouvoir par la force s’il refuse JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie Ý ARNAUD MONTEBOURG au siège de Jeune Afrique, le 11 mai.

politique à structurer un débat national, laissant ainsi un espace au parti islamiste Ennahdha, qui pourrait devenir la première force du pays – l’idéal révolutionnaire se transformant alors en victoire électorale islamiste. Malgré ses efforts de présentation, Rached Ghannouchi n’est pas un modéré. Sur le terrain, ses troupes cherchent à voiler les femmes et à remettre en question les acquis de la modernité, héritage de l’ère Bourguiba. Le salafisme est à l’œuvre en Tunisie. C’est là la vraie menace. Que faire face à la vague migratoire ?

VINCENT FOURNIER/J.A.

D’abord, la relativiser. La Tunisie, dont la croissance est nulle, a accueilli 250 000 réfugiés venus de Libye! Ce n’est donc pas 3 000 Tunisiens arrivés à Vintimille qui devraient effrayer 64 millions de Français. Il est tout à fait possible d’imaginer un accueil temporaire de ressortissants tunisiens. D’ailleurs, un accord bilatéral prévoit l’entrée de 9 000 Tunisiens par an. Nous avons de la marge. Au nom des valeurs communes, la France doit soutenir et aider la Tunisie.

d’admettre sa défaite. C’est la position du PS. Pour ma part, j’irai plus loin : je n’ai jamais approuvé la manière dont Gbagbo a ethnicisé le débat électoral. Je préfère, de loin, l’exemple du Niger: après le putsch d’octobre 2010, les programmes politiques pour l’élection présidentielle du mois de mars ont été plus forts que les appartenances ethniques. N’avez-vous pas d’états d’âme concernant l’intervention militaire en Libye ?

Non, car elle s’inscrit dans le cadre strict de la résolution 1973, qui organise la protection d’une population. Ce n’est pas une stratégie d’éviction du pouvoir du colonel Kaddafi. Si tel avait été le cas, la résolution n’aurait jamais été votée. Cela dit, la volonté d’imposer la démocratie par les armes – et, de surcroît, par une coalition considérée comme un outil impérial – aboutit toujours au contraire JEUNE AFRIQUE

du résultat recherché. De ce point de vue, la position de l’Union africaine, qui préconise une solution politique et négociée, est la plus raisonnable : privilégions la diplomatie puisqu’un rapport de force a été créé.

Quel regard portez-vous sur la situation en Algérie et au Maroc ?

Ayant pris conscience des soubassements économiques et sociaux des révolutions arabes, le pouvoir algérien lâche du lest. Mais la question du partage de la rente pétrolière n’est pas réglée et la transition démocratique reste à mener. La France doit tenir à l’égard de l’Algérie un discours amical, mais de fermeté : il faut faire la révolution avec le peuple. Quant au Maroc, il semble se diriger vers

Rached Ghannouchi n’est pas un modéré. C’est le salafisme qui est à l’œuvre en Tunisie. La révolution en Tunisie est menacée ?

Il faut d’abord comprendre la sociologie de cette révolution sans leader. Chacun porte en soi cette conscience révolutionnaire, d’où l’absence de confiance dans le système politique qui a survécu, la grande méfiance dans celui qui pourrait naître et la crainte d’un rapt de la révolution. Dans ces conditions, le risque tient à l’incapacité de l’ensemble de la classe

une monarchie constitutionnelle, grâce aux réformes engagées par le roi. Déjà, avec l’Instance Équité et Réconciliation, Mohammed VI avait eu l’intelligence de dire les choses sans rouvrir les plaies. À présent, il répond aux aspirations. Cela suffira-t-il ? Le peuple tranchera, quand il sera consulté. ● Propos recueillis par FRANÇOIS SOUDAN et PHILIPPE PERDRIX N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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LE PRÉSIDENT (À G.) ET SON PREMIER MINISTRE sur la place Rouge, le 8 mai. RUSSIE

Jeu de rôles au Kremlin

Le gentil Medvedev contre le méchant Poutine ? Et si, à un an de la présidentielle, les différends entre les deux têtes de l’exécutif n’étaient qu’une mise en scène destinée à pérenniser l’oligarchie au pouvoir ?

S

ont-ils des concurrents pour la présidentielle de 2012 ? Ou des tacticiens qui se partagent les rôles afin de sauvegarder le système ? Depuis des mois, on se perd en conjectures. Pour les uns, le président, Dmitri Medvedev, et son Premier ministre, Vladimir Poutine, se livrent une lutte feutrée, le premier pour conserver son poste, le second pour lui reprendre le fauteuil qu’il lui avait cédé en 2008, faute de pouvoir briguer un troisième mandat. Pour les autres, qui se prétendent tout aussi bien informés, les deux hommes travaillent main dans la main en dépit de leurs différences de tempérament. « Nous partageons les mêmes idées, nos approches sont voisines, mais ne coïncident pas toujours », a précisé Medvedev lors de la première grande conférence qu’il a organisée, le 18 mai, sur le modèle de celles qu’affectionne Poutine. Mais là où le Premier ministre répond, assis sous les lambris du Kremlin, à une foule de mains levées, Medvedev s’est adressé à un parterre de huit cents journalistes, debout derrière un pupitre, dans les bâtiments flambant neufs du Centre d’innovation de Skolkovo, qui se veut la Silicon Valley de la banlieue de Moscou. Manière de rappeler que sa ligne « est celle de la modernisation de l’économie et de la vie politique » et que « ce qui était bon il y a dix ans ne l’est N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

plus aujourd’hui ». « Personne ne reste au pouvoir pour toujours, ceux qui entretiennent ce genre d’illusions finissent mal », a poursuivi Medvedev, sans que l’on sache si sa remarque s’adressait à son « ami de vingt ans » ou à lui-même. LE CLAN DES TECHNOCRATES. Cette ambiguïté pourrait cesser dans quelques semaines. Medvedev a promis qu’il se prononcerait sur une éventuelle candidature « prochainement ». Poutine, lui, a annoncé qu’ils prendraient « ensemble » une décision « appropriée ». Il n’empêche : depuis des mois, les deux dirigeants font entendre des voix discordantes. Fan de natation et de yoga, le timoré Medvedev (45 ans) a la réputation de représenter le clan des technocrates libéraux au sein de l’appareil

d’État, partisans d’une société plus libre et plus proche du modèle européen. On l’a entendu dénoncer l’inefficacité des fonctionnaires, la brutalité de la police, la censure des médias ou le manque de transparence dans le milieu des affaires, qui fait fuir les investisseurs. De même, il a critiqué l’acharnement politico-judiciaire dont l’ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski fait à ses yeux l’objet – l’ancien patron du groupe pétrolier Ioukos, emprisonné depuis 2003, a vu sa peine prolongée jusqu’en 2016. Enfin, sur le plan extérieur, Medvedev a qualifié de « scandaleux » les propos de son Premier ministre, qui avait comparé l’intervention occidentale en Libye à une « croisade ». Autre signe de friction : le président a décidé – sans, semble-t-il, en informer Poutine – que les ministres ne présideront plus les conseils d’administration des grandes entreprises. Première victime de ces « purges » : la faction des siloviki (issus des forces de sécurité et tenants d’un régime plus « musclé »), l’éviction la plus notable étant celle du vice-Premier ministre, Igor Setchine, l’éminence grise de Poutine, qui a dû quitter la tête du géant pétrolier Rosneft. D’autres limogeages, dans la police, ont renforcé le sentiment que le supposé « gentil » Medvedev plaçait ses hommes à des postes stratégiques. Cependant, force est de constater que Medvedev n’a jusqu’à présent guère eu prise sur les événements et que ses beaux discours sur les vertus de la démocratisation sont restés lettre morte. Selon un sondage de l’institut Levada publié le 13 avril, 80 % des Russes estiment que le véritable détenteur du pouvoir reste Vladimir Poutine. À 58 ans, ce karateka émérite, tantôt chasseur de tigre sibérien, tantôt crooner pour les besoins d’une association caritative, est loin d’avoir dit son dernier mot. Il vient d’inviter Russie unie, le parti

L’APÔTRE VLADIMIR LE POLITOLOGUE STANISLAV BELKOVSKI jure ses grands dieux que Medvedev sera candidat. « Sauf s’il attrape les oreillons ou s’il s’enferme dans un monastère. » Si toutefois le président était pris de cette lubie, il serait malvenu de sa part de se réfugier à Nijni Novgorod (à 400 km à l’est de Moscou), où, depuis des années, l’« Église de la lumineuse mère Fotinia » adore Vladimir Poutine, considéré comme la réincarnation de l’apôtre Paul. Interrogé à ce sujet, Dmitri Peskov, le porte-parole du « saint homme », a répondu sans rire : « C’est la première fois que j’entends parler de ce groupe religieux. Cela témoigne d’une très bonne appréciation du travail accompli par le Premier ministre. » ● J.D. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie qu’il a créé en 2001, à élargir sa base en s’ouvrant à des représentants de la société civile (vétérans de la Seconde Guerre mondiale, mouvements de jeunesse, syndicalistes, etc.). Une plateforme qui, à moins d’un an de la présidentielle, tombe à point nommé pour étoffer les rangs d’un parti dominant en perte de vitesse. Les mauvais résultats de Russie unie aux élections régionales de mars (40 % des voix, contre plus de 60 % habituellement) ont révélé la colère latente d’une société qui, frappée durement par la crise, supporte de moins en moins la dégradation de ses conditions de vie et constate que la politique du tout-répressif dans le Caucase a mené à une impasse. Preuve que les Russes ne se bercent guère d’illusions : ils sont 71 % à penser que Poutine et Medvedev « vont continuer à agir de concert », et seulement 17 % à juger que « leurs relations risquent de devenir conflictuelles ». L’idée d’un

Les beaux discours présidentiels sur la démocratisation sont restés lettre morte. partage des rôles entre une aile dure et une aile modérée, afin de se maintenir au pouvoir en captant un maximum d’électeurs, leur paraît l’hypothèse la plus probable. Pis : 60 % d’entre eux pensent que le choix du chef de l’État leur sera imposé, d’une manière ou d’une autre.

CORÉE DU NORD

À l’école du capitalisme

Douze hauts responsables ont fait en avril aux États-Unis un stage de formation accélérée à l’économie de marché.

K

im Jong-il a fait, la semaine dernière, une visite de six jours en Chine au terme de laquelle il s’est entretenu avec le président Hu Jintao. Son objectif était, entre autres, d’obtenir une aide alimentaire. Mais les médias sudcoréens estiment que le but essentiel de ce périple, qui a conduit le Cher Leader nord-coréen jusqu’aux complexes industriels high-tech de Yangzhou, était avant tout économique. Encouragée par Pékin et Séoul à passer à une économie plus libérale, la Corée du Nord observe attentivement les réformes entreprises par son voisin chinois. Elle est tiraillée entre l’impérieuse nécessité de trouver une solution aux pénuries alimentaires récurrentes et la volonté d’assurer la pérennité au pouvoir de la famille Kim. Les visites d’étude en Chine se sont multipliées depuis dix ans. Mais, en avril,c’estauxÉtats-UnisquePyongyang a envoyé une délégation de hauts responsables ministériels. Le groupe, qui a débuté son programme intensif de seize jours par une série de conférences à l’Institut sur les conflits mondiaux

et la coopération de l’Université de Californie à San Diego a rencontré de nombreux économistes, juristes et patrons américains. Au cours de ce véritable crash course, les douze Nord-Coréens ont été initiés à l’économie de marché : rôle du PDG, protection des consommateurs, stratégie d’entreprise, etc. La coopération multilatérale en Asie et les politiques monétaires ont été abordées à l’université de Stanford, puis à New York. Des visites d’exploitations agroalimentaires en Californie et de grandes entreprises ont complété le séminaire. Google, Qualcomm, Citigroup, l’agence d’informations financières Bloomberg, le producteur d’énergie californien Sempra Energy et les grands magasins Bloomingdale’s et Home Depot figuraient au programme. Enfin, pour clore ce périple aux allures de marathon, la délégation a visité Universal Studios, à Los Angeles. Une étape importante pour Kim Jong-il, grand amateur de films américains, qui souhaite développer la production cinématographique nationale. ● JULIETTE MORILLOT

PARABOLE. La clé de l’énigme réside

peut-être dans cette parabole de Poutine: « Chacun doit être à sa place et biner son lopin de terre, comme saint François. Nous avons 143 millions d’habitants et il ne doit y avoir aucun raté dans la direction du pays. » Autrement dit, l’essentiel est d’assurer la pérennité d’un système qui profite à une oligarchie peu pressée de céder un pouce de pouvoir – et surtout pas sa mainmise sur la manne pétrolière et sur les grandes entreprises d’État. Pour l’heure, et pour longtemps sans doute, l’opposition libérale, insipide, désorganisée et persécutée de surcroît, inquiète moins les patrons de Russie unie que le lent réveil d’une opinion lassée par une inflation galopante, la corruption généralisée et des lendemains qui ne chantent pas. ● JOSÉPHINE DEDET

JEUNE AFRIQUE

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Europe, Amériques, Asie ALLEMAGNE

La politique prend des couleurs L’un se nomme Philipp Rösler et, comme son patronyme ne l’indique pas, est natif du Vietnam : nouveau président du Parti libéral, il va être nommé vice-chancelier. L’autre, Cem Özdemir, est d’origine turque et copréside des Verts qui volent actuellement de victoire en victoire.

I

l est l’étoile montante de la politique allemande. Le 13 mai, Philipp Rösler a été triomphalement élu à la tête du Parti libéral-démocrate (FDP) avec plus de 95 % des voix. Seul candidat à la succession de Guido Westerwelle, démissionnaire après de cuisantes défaites aux dernières élections régionales, ce jeune politique de 38 ans aura la lourde tâche de rénover un parti en proie à une grave crise existentielle. Comme il est ici d’usage dans un gouvernement de coalition, cette nomination lui confère ipso facto le titre de vice-chancelier. Enfin, pour parachever cette semaine de gloire, la chancelière, Angela Merkel, avait fait de lui, la veille, son ministre de l’Économie. La consécration pour ce chirurgien, marié et père de jumelles, qui a brièvement exercé dans l’armée. Né à Soc Trang, au Vietnam, le 24 février 1973, Rösler a été adopté à l’âge de 9 mois par une famille de Basse-Saxe, dans le nord de l’Allemagne. C’est dans ce Land qu’il a passé toute son enfance et fait ses premières armes en politique. En 1992, à l’âge de 19 ans, il adhère au FDP et milite quelques années durant au sein des Jeunes libéraux. En 2003, ce jeune homme « charmant et sympathique » est élu député au Parlement régional, puis président de son parti en Basse-Saxe, après en avoir été le secrétaire général (2000-2004). De février à octobre 2009, il est ministre de l’Économie et vice-ministre-président du Land, puis il intègre le gouvernement fédéral d’Angela Merkel, où il hérite du portefeuille de la Santé – il est le premier libéral nommé à ce poste. Restera de ce mandat une douloureuse réforme du système de santé qui lui vaudra son lot de critiques: clientélisme, liens

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JOSE GIRIBAS/ROPI-REA

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Philipp Rösler 1973 Naissance au excessifs avec les laboratoires considéré comme l’un des Vietnam, adoption pharmaceutiques… siens. Pour sa part, la presse à l’âge de 9 mois vietnamienne a tranché: dès Enfant adopté, élevé par par un couple un pilote de l’armée allesa nomination au ministère d’Allemands mande déjà père de deux de l’Économie, elle a salué le 1992 Adhésion au parcours exemplaire de ce filles, il n’a jamais ressenti Parti libéral (FDP) « fils perdu » de l’autre bout d’affinités particulières Octobre 2009 Ministre du monde. avec le Vietnam, où il n’est de la Santé Quoi qu’il en soit, Philipp retourné, pour la première Mai 2011 Ministre fois, qu’en 2006. « Je me sens Rösler est bien l’un des noude l’Économie, à 100 % allemand et cathoveaux visages de la classe président du FDP lique », jure-t-il. S’il a « les politique allemande. Jeune, yeux bridés, les cheveux dynamique, ambitieux, il est noirs et le nez légèrement épaté », ce la preuve vivante que le multiculturalisme n’est qu’un « hasard biographique ». peut marcher. Une description qui sied parfaitement à une autre figure de la « FILS PERDU ». Bien entendu, la frange diversité : l’écologiste Cem Özdemir. la plus extrémiste de la population ne Là, pas d’ambiguïté : ce fils d’immanque pas faute de se gausser des parmigrés turcs arrivés dans les années ticularités physiques un peu inattendues 1960 assume pleinement son rôle de du nouveau ministre d’État. À l’opposé, symbole d’une intégration réussie et de la petite communauté vietnamienne représentant de sa communauté (plus d’Allemagne – environ cent mille perde 2,5 millions de personnes). Né le sonnes – se demande s’il peut encore être 21 décembre 1965 à Bad Urach, dans JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

JENS MEYER/SIPA

Allemagne, mais d’un père turc et d’une mère allemande, quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale – et qui avait déjà été élue, en 1989, députée européenne.

Cem Özdemir 1965 Naissance locale des Grünen, les Verts le Bade-Wurtemberg, il se en Allemagne, allemands, séduit par leurs définit comme un « Souabe de parents turcs anatolien ». Plusieurs de ses positions sur les questions 1981 Adhésion aux ouvrages,commeCurrywurst environnementales. Il n’a que Verts (Grünen) und Döner, Integration 16 ans. Par la suite, il devient 1994-2002 Député in Deutschland, sont une éducateur spécialisé, puis au Bundestag réflexion sur cette double journaliste, et siège, six ans 2004-2009 Député identité et sur l’intégration durant, à la direction des européen à l’allemande. Verts du Bade-Wurtemberg. 2008 Coprésident Comme Rösler, Özdemir a Son charisme, son pragmades Verts été saisi très tôt par le virus tisme et son aisance devant de la politique. Avant même les caméras le mènent rapisa naturalisation, en 1983 (à l’époque, la dement jusqu’au Bundestag, le Parlement nationalité n’était pas automatiquement allemand. En 1994, il devient le premier octroyée aux enfants d’étrangers nés sur député d’origine turque. La même année le sol allemand), il adhère à la section que Leyla Onur (SPD), née elle aussi en

MINI-SCANDALE. En 1998, il s’occupe des questions d’immigration dans le gouvernement de Gerhard Schröder et participe à la réforme du code de la nationalité, qui aboutira à l’adoption du principe du droit du sol (et à l’abandon du droit du sang). En 2002, un petit scandale politique freine son ascension : il aurait cumulé des Miles personnels et professionnels et accepté un prêt d’un lobbyiste. Özdemir se voit contraint d’abandonner son siège de député et part vivre aux États-Unis. Mais, dès l’année suivante, il est de retour et brigue, avec succès, un mandat de député européen. 2008 est pour lui l’année de la reconnaissance nationale : il est élu coprésident des Verts au côté de Claudia Roth. Le temps est loin où son appartenance à l’islam lui valait de virulentes attaques. Et des interrogations quant à sa loyauté. Peu à peu, dans tous les partis, la porte s’entrouvre devant les minorités. C’est le cas, par exemple, pour l’avocate Aygül Özkan, jeune musulmane d’origine turque qui a adhéré au Parti chrétiendémocrate (CDU) en raison des « valeurs de famille, de solidarité et d’amour de son prochain » qu’il défend, au moins en théorie. Les Allemands d’origine étrangère sont environ 7 millions aujourd’hui (sur une population totale de 82 millions). Leur proportion atteint jusqu’à 20 % dans certains Länder. En revanche, ils ne sont encore que 3 % ou 4 % au Bundestag. L’intégration est en marche, mais la route sera longue ! ● GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Depuis septembre 2010, ELLE PRÉSENTE TROIS ÉMISSIONS sur les chaînes du Groupe M6.

Karima Charni Droit devant Révélée par la téléréalité, elle aurait pu n’être qu’une étoile filante. Mais la Franco-Tunisienne, bosseuse et déterminée, fait son trou dans le paysage audiovisuel.

E

LLE NEVEUT PAS être un exemple de réussite. Pourtant, Karima Charni aurait quelques bons tuyaux à donner. Au lieu de surfer sur une notoriété éphémère acquise grâce à l’insipide téléréalité, elle a choisi de travailler dur. Pour se raconter, la jeune Franco-Tunisienne reçoit dans une petite salle de réunion sans âme des locaux du Groupe M6, à Neuillysur-Seine. Sans fard, un sourire franc, elle est toute en simplicité. « Nous ne sommes pas que des jolies plantes à l’antenne, prévient-elle. J’aime rentrer chez moi et me sentir épuisée. » Son emploi du temps parle pour elle. En septembre 2010, elle a pris les commandes de l’émission Fan de stars surW9 et d’un nouveau magazine musical, Talent tout neuf : le live. Un mois plus tard, on la retrouvait sur M6 dans 100 % poker. Sans compter que depuis

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2007 elle a créé sa société, Smoker Productions, avec Cartman et Miko, les deux compères de Sébastien Cauet, animateur de radio à l’humour potache. Tous trois produisent des émissions, des séries ou des clips. « Mon entourage savait que je voulais faire de la télévision, mais m’avait dit de choisir un métier plus simple, loin des paillettes. En réalité, tout s’est enchaîné très vite », se souvient Karima. Si être chef d’entreprise à 25 ans n’est pas banal, le chemin qu’elle a emprunté ne l’est pas davantage. « Je ne voulais pas d’un parcours classique. » Retour en 2005. Elle a 19 ans. Alors qu’elle fête l’anniversaire de sa sœur dans un karaoké parisien, elle est repérée pour participer à l’émission de téléréalité Star Academy. « Je n’y croyais pas, mais je me suis tout de

même présentée aux auditions. J’ai été choisie. » Elle accepte de cohabiter sous l’œil des caméras avec quinze autres apprentis chanteurs dans un château de la banlieue parisienne.Tous les vendredis soir, Karima est propulsée sur un plateau de télévision, avec 12 millions de spectateurs devant leur petit écran. « Il y avait une très bonne ambiance, mais le rythme était infernal. Les journées s’étalaient de 7 heures à 2 heures du matin », assure-t-elle en pianotant sur son téléphone. Un mois et demi plus tard, elle est éliminée. « Mon envie de faire de la télévision a toujours été présente dans un coin de ma tête, même pendant cette période. Petite, je disais que quand je serai grande je serai Alexia Laroche-Joubert [la productrice de l’émission, NDLR], c’est un joli clin d’œil ! » rit-elle. Une semaine après sa sortie, elle entame une grande tournée en France et au Maghreb avec les ex-candidats et quelques chanteurs du moment, Leslie, M. Pokora ou Nâdiya. À son retour, elle est contactée pour présenter un programme musical surW9, le E-classement. Mais Karima ne se sent pas redevable JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Après un baccalauréat cinéma et un BTS audiovisuel-production à Montrouge (Hauts-de-Seine), elle décroche le prix du court-métrage étudiant à Sarlat (Dordogne) et celui du public à Torcy (Seine-et-Marne). « Ce n’était pas des comédies, plutôt des grosses casseroles ! » s’amuse celle qui parle l’arabe, le français et l’anglais. Ses parents sont arrivés en France, depuis Tunis, cinq ans avant sa naissance, en 1985. Contrairement à ses deux grandes sœurs, de 30 ans et 29 ans – l’une est son manager –, Karima n’a pas vécu en Tunisie. Mais elle y passe toujours ses vacances dans la maison familiale. « J’ai reçu une éducation à l’occidentale, mais je connais toutes les traditions musulmanes et tunisiennes », confie-t-elle. Elle a grandi à Reims (Marne), où ses parents vivent toujours. D’eux, on en saura peu : « Mes proches n’ont pas choisi cette vie, je me dois de les protéger. » Karima garde aussi pour elle ses convictions politiques. Elle consent tout juste à confier qu’elle ne supporte pas « le portrait négatif que la France dresse de l’islam. Après le 11 septembre 2001, on s’est dit que c’était la faute des Arabes. J’ai toujours été fière de mes origines. » Désormais, si on la reconnaît dans la rue (« Vous êtes “supra-nature” à l’antenne », « Vous êtes pareille qu’à l’écran »), Karima assure avoir une vie très simple. Elle n’exclut pas de s’investir à nouveau dans la musique, mais se laisse le temps et se prend à rêver d’interviewer Oprah Winfrey, le seul modèle qu’elle se reconnaisse. « Un jour, elle a regardé droit devant elle et a choisi de prendre ses propres décisions. » Voilà qui n’est pas sans rappeler quelqu’un… ● JUSTINE SPIEGEL Photo : CYRIL LAGEL/W9 JEUNE AFRIQUE

CHINE

Les riches passent à l’ouest

Une étude américaine révèle que plus de la moitié des « milliardaires rouges » n’ont qu’un rêve : s’installer à l’étranger. Beaucoup l’ont déjà réalisé !

U

ne étude publiée par la Merchants Bank et le cabinet de conseil en stratégie Bain & Company révèle que 27 % des vingt mille Chinois disposant de plus de 15 millions de dollars ont déjà émigré à l’étranger. Et qu’environ 60 % de ceux dont la fortune dépasse 1,5 million de dollars ont déjà fait leurs valises ou sont sur le point de le faire. Cet exode des riches aurait débuté en 2009. «Nousétionshabituésàuneimmigration de petits commerçants et d’artisans, commenteundiplomatecanadien.Désormais, il s’agit de plus en plus d’hommes d’affaires fortunés qui profitent de notre système d’immigration-investissement. » Il suffit en effet d’un chèque de 400 000 dollars (américains) – 284 000 euros – pour décrocher le précieux sésame. Aux États-Unis, la somme avoisine 500 000 dollars. Une misère pour des gens qui, en quelques années, ont amassé des fortunes grâce à l’ouverture des marchés et à la libéralisation de l’économie. DESTINATION CANADA. Selon la pré-

RÉMI OCHLIK/IP3

à Star Academy. Mieux, elle assume totalement, à la différence de beaucoup de ses anciens colocataires, avec qui elle n’a plus guère de contacts. « Ce n’est qu’une étape de ma vie. Je n’en suis pas nostalgique, mais j’en garde d’agréables souvenirs. » Positive, donc, et très sereine par rapport à sa forte médiatisation. «Tout cela est dû à la bonne éducation que j’ai reçue. »

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L’ACTRICE GONG LI. Même les stars prennent le chemin de l’exil.

Même les stars prennent le chemin de l’exil. Les actrices Gong Li et Zhang Ziyi, le réalisateur Chen Kaige et le pianiste Lang Lang ont déjà quitté la Chine. Jackie Chan, qui reste ici une mégastar, a révélé que son fils Fang Zuming avait pris la nationalité américaine. Certains avancent néanmoins des explications moins avouables. Les milliardaires rouges n’auraient qu’une confiance limi-

fecture de Pékin, plus de 400 000 Chinois sont partis vivre au Canada depuis dix ans. Les ressortissants de la République populaire sont les premiers demandeurs de visa pour ce pays (70 % du total), mais aussipourlesÉtats-Unis.«Leurâgemoyen est d’à peine 39 ans, commente Rupert Hoogewerf, rédacteur en chef d’un magazine américain spécialisé, ce qui explique, en par« Ils reviendront quand ils tie, leur volonté de vivre s’apercevront que c’est ici qu’il à l’étranger. Plus ouverts sur les autres cultures, ils faut être pour gagner de l’argent. » pensent que la qualité de la vie est meilleure ailleurs. » tée dans le système bancaire et juridique La moitié de ces jeunes milliardaires de leur pays. Pourtant, les autorités ne ont étudié en Europe ou en Amérique. s’inquiètent pas outre mesure. « Ils revienLogiquement, 80 % d’entre eux souhaitent dront le jour où ils s’apercevront que c’est y envoyer leurs enfants. Les États-Unis, ici qu’il faut être pour gagner de l’argent », par exemple, ont accueilli l’an dernier explique un responsable du bureau de 130 000 étudiants chinois, soit quatre fois l’immigration, à Pékin. Apparemment, plus qu’en 2005. La Chine étant le pays le ce n’est pas encore ici qu’il faut être pour plus pollué de la planète, la qualité de la le dépenser ● vie est également un critère déterminant. STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin N o 2628 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


République du TOGO

UN PARTENAIRE AMBITIEUX ET CRÉDIBLE

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© V. Fournier / JA

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râce au processus de réconciliation nationale en cours et aux premiers résultats des réformes institutionnelles, administratives, économiques et financières qu’il a mises en œuvre, le Togo a retrouvé la confiance des bailleurs de fonds et des investisseurs. Désormais consacré tout entier à ses tâches de développement économique et social, il s’ouvre largement aux investisseurs et n’envisage rien moins que de devenir à terme, s’il continue sur sa lancée, et pour reprendre les termes de son président, « le Singapour de l’Afrique de l’Ouest ».

Message

I


© L. Vincent

Devenir « le Singapour de l’Afrique de l’Ouest » ?

Le président de la République togolaise, Faure Gnassingbé, entouré de membres du Togo Presidential Investment Advisory Council (TPIAC), le 21 mars 2011, à Lomé.

transposer en Afrique de l’Ouest le modèle de développement qui a fait, en Asie du Sud-Est, la réussite de Singapour. Certes, il reste du chemin à faire, et même beaucoup de retard à rattraper, le redressement du Togo n’en étant encore qu’à ses débuts, avant que le pays ne bénéficie vraiment du flux d’investissements directs étrangers (IDE) qui irrigue la sous-région Afrique de l’Ouest. Les années de crise sociopolitique ont coûté cher au Togo. Mais, aujourd’hui, les choses changent vite et le gouvernement travaille à mettre en place un environnement de plus en plus

« Immensément ambitieux, même titanesque » Ainsi le président Faure Gnassingbé a-t-il qualifié lui-même, le 25 mars 2011, son projet de faire du Togo, à terme, un pôle d’attraction privilégié pour les investissements directs étrangers

Chiffres clés ●

2011

▪ Croissance : environ 4 % (prévision) ▪ Dette de l’État : - 82 % ●

2010

▪ Production d’électricité : + 100 MW ▪ Alimentation en eau : + 38 % ▪ Subventions aux intrants agricoles : + 52 % ● © J. Du Boisberanger

Le 25 mars 2011 a vu le lancement des activités du Togo Presidential Investment Advisory Council (TPIAC), un think tank créé pour concevoir les politiques et les stratégies les mieux à même d’orienter vers le Togo la plus grande quantité possible d’investissements étrangers. On compte parmi ses membres des personnalités de tout premier plan, telles que Anne Lauvergeon, du groupe Areva, Simon Murray, de Asia-Macquarie Group, Arnold Ekpe, du groupe Ekobank ou Koosum Kalyan, de la société sudafricaine Petmin (ex-Petra Mining Ltd). Son objectif, à terme, est de

favorable aux investisseurs. « À l’instar des bergers soucieux du bien-être de leur cheptel, a dit le président le 25 mars 2011, les capitaux sont de nature nomade et se dirigent là où l’herbe est plus verte et plus abondante ». Pour autant, et « même si le défi semble énorme et plein d’embûches », le Togo est en mesure de « rendre ses pâturages plus verdoyants et plus attrayants.» Il dispose notamment du riche potentiel de ses secteurs clés : un port en eau profonde et des mines, sans oublier les ressources de son agriculture et du tourisme. ■

Message

II

2009 à 2011

▪ Nouveaux enseignants : + 12,7 % ▪ Agents de santé : + 40 % ▪ Investissements dans les infrastructures : 1 000 milliards de F CFA


République du TOGO

De grands investisseurs déjà sur le terrain elle aussi, partie des priorités du gouvernement, avec un programme d’investissements qui dépasse les 600 milliards de F CFA. Déjà, les trois dernières récoltes de céréales (2008, 2009, 2010) ont été excédentaires, notamment grâce à la fourniture d’engrais et de semences. Face à la croissance de la demande de riz, le gouvernement veut réhabiliter d’anciennes rizières et en créer de nouvelles. Il envisage également le lancement de la culture de l’ananas et de l’anacardier ainsi que le développement de l’élevage, une activité qui fait vivre 1 250 000 personnes mais ne couvre encore que 64 % des besoins du pays. ■

© L. Vincent

pour le fer et les métaux connexes. L’exploitation du calcaire prend des dimensions nouvelles : West African Cement (Wacem) a obtenu, en août 2009, un permis d’exploitation pour environ 25 millions de tonnes, tandis que Scantogo-Mines en obtenait un autre portant sur 50 millions de tonnes et impliquant la construction d’une usine de traitement d’une capacité de 3 millions de tonnes par an pendant 15 ans. Dans le domaine des phosphates, des investissements sont attendus qui permettront le redressement de la filière, l’amélioration de la qualité des produits et la construction d’unités de fabrication d’acide phosphorique. L’agriculture fait,

© L. Vincent

D’ores et déjà, de grands investisseurs ont pris position. Le port autonome de Lomé (PAL) s’est révélé un relais efficace depuis les événements en Côte d’Ivoire, et le groupe Bolloré va y investir 300 milliards de F CFA dans la construction d’un troisième quai. Le secteur des mines, qui n’a été que peu exploité jusqu’à ce jour, offre de belles perspectives. C’est ainsi que MM Mining a signé avec l’État, en août 2006, une convention d’exploitation, de transformation et de commercialisation portant sur le manganèse, le fer, la chromite et la bauxite. Il a obtenu, en janvier 2008, un permis d’exploitation « à grande échelle »

Le Togo à la présidence de l’UEMOA À l’occasion de son XVe sommet, qui s’est tenu à Bamako le 22 janvier 2011, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui regroupe huit pays, à porté à sa tête, en la personne du président togolais Faure Gnassingbé, âgé de 44 ans, le plus jeune chef d’État de la région. En succédant au Malien Adami Toumani Touré, le nouveau président a donc apporté à l’organisation comme un souffle d’air frais. Les défis à relever n’en étaient pas moins nombreux et ardus, à commencer par le plus

urgent d’entre eux : mettre en place et gérer une sortie de crise en Côte d’Ivoire, où l’ex-président Laurent Gbagbo refusait de reconnaître la victoire du président élu Alassane Ouattara. L’UEMOA a su, en cette circonstance, parler d’une seule voix : tenant en main les commandes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), elle a adopté le principe d’une stratégie d’assèchement financier de l’ex-président ivoirien. Le président élu Alassane Ouattara ayant, de son côté, pris ses responsabilités, la crise a été finalement réglée conformément aux règles du droit et aux exigences de la démocratie.

Message

III


Les fruits du retour de la confiance C’est principalement l’atteinte par le Togo du point d’achèvement de l’Initiative PPTE, le 10 décembre 2010, qui a rendu au pays sa crédibilité face à ses partenaires. Cette performance a démontré que le pays avait réalisé des avancées significatives dans la stabilisation de son économie et dans la mise en œuvre de politiques socio-économiques et financières saines. Elle lui a valu, dans le cadre de l’Initiative PPTE, un allègement de 80 % de sa dette extérieure. Le Togo est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, d’autant plus que les objectifs qui lui avaient été assignés ont été atteints en un temps record. La Banque africaine de développement (BAD) a donc décidé, en janvier 2011, d’alléger de près de 23 millions de dollars la dette du Togo à son égard. La France, dès le 6 janvier, avait consenti au

pays un don de 2,4 millions d’euros pour soutenir le remboursement de sa dette intérieure. Le 18 janvier, le Japon lui a accordé un don de 2,6 milliards de F CFA, destiné à atténuer l’effet des inondations de 2010 sur la production céréalière. Début février, l’Union européenne a octroyé un don de 6 millions d’euros destiné à la professionnalisation des personnels de la Commission vérité, justice et réconciliation. Le 16 février, la Chine a accordé une subvention de 4 milliards de F CFA dans le cadre d’un nouvel accord de coopération économique et technique. Le 18 avril, c’est la Banque mondiale qui approuvait un don de 37 millions de dollars destiné à favoriser l’action de l’État dans le domaine agricole. Et, le 11 mai, la France effaçait la totalité de la dette du Togo à son égard, soit un montant de 101,1 millions d’euros. Le Togo est bel et bien redevenu, pour la communauté internationale, un partenaire à la fois ambitieux et crédible, ouvert aux investisseurs qui souhaitent l’accompagner dans son développement. ■ Message

IV

Pour la première fois depuis 1963, date de l’assassinat de Sylvanus Olympio, le premier président du Togo, la célébration de l’anniversaire de l’indépendance s’est déroulée, le 26 avril 2011, en présence de son fils, Gilchrist Olympio, le leader « historique » de l’opposition. Celui-ci s’est associé, aux côtés du président de la République togolaise Faure Gnassingbé, du Premier ministre et du président de l’Assemblée nationale, au rituel de la ranimation de la flamme. Ce geste symbolise, mieux que tout autre, la participation de son parti, l’Union des forces du changement (UFC), au gouvernement de large ouverture mis en place à la suite de l’élection présidentielle de mars 2010. L’événement témoigne des progrès du processus de réconciliation nationale initié en 2008. C’est ainsi que, quelques jours plus tard, le même Gilchrist Olympio a participé au lancement des journées « portes ouvertes » initiées par les Forces armées togolaises (FAT) et destinées à concrétiser le rapprochement armée/nation. « À l’armée togolaise, a-t-il déclaré aux chefs de corps, je dis merci pour son travail. Elle est un élément majeur de notre développement. »

Faure Gnassingbé, président de la République togolaise et Gilchrist Olympio, leader de l’UFC, le principal parti d’opposition.

Réalisation DIFCOM / C.C.

En obtenant, le 21 octobre 2010, deux permis d’exploration et de production d’hydrocarbures offshore, l’italienne ENI, une des majors du pétrole, sera peut-être à la source d’un événement historique pour le Togo : l’entrée du pays dans le « club » des producteurs d’hydrocarbures. La zone attribuée à l’exAGIP couvre la totalité de l’offshore togolais et se situe dans le bassin du Dahomey, une région encore peu exploitée du golfe de Guinée, mais dont les perspectives sont prometteuses puisque l’offshore du pays se présente comme la continuation des couches géologiques ghanéen-

nes, sur lesquelles ENI est déjà présente. La compagnie travaillera sur deux blocs : le bloc I, qui couvre toutes les profondeurs inférieures à 500 m, et le bloc II qui regroupe les secteurs profonds et très profonds. Pour le Togo, dont l’offshore a livré des indices de pétrole dès la fin des années 1960 mais ou des compagnies telles que le norvégien PGS ou l’américain Hunt n’ont pu découvrir de gisements exploitables, l’intervention d’une major peut changer radicalement la donne. Les recherches profiteront des « récentes évolutions technologiques en matière d’interprétation des données sismiques » qu’évoquait, dans son intervention du 21 octobre 2010, le ministre togolais des Mines et de l’Énergie. ■

© L. Vincent

Demain, le pétrole ?

Un anniversaire de l’indépendance pas comme les autres


80

Économie

TUNISIE TÉLÉCOM

Aux abonnés absents

ENVIRONNEMENT

Sacs en plastique : le marché s’emballe

Un pactole de 150 mil INVESTISSEMENTS

L’Afrique franchit un cap. Les milieux d’affaires en sont convaincus, et les chiffres le prouvent. Entre 2003 et 2010, les investissements directs étrangers ont bondi de 87 %. Et ce n’est qu’un début.

Nigeria (lire notre dossier p. 106). « Les marchés sont saturés pour de nombreuses industries dans les pays développés, à l’inverse de l’Afrique, en pleine croissance. La question n’est pas de savoir quand vous devrez faire des affaires avec l’Afrique, mais comment », confirme Leslie Rance, directeur général pour l’Afrique de l’Est de British American Tobacco. L’Afrique, nouvelle terre d’investissement. Le mot d’ordre claque comme un slogan publicitaire depuis lacrisede2008.Relayéedecolloquesinternationaux en assemblées générales du FMI ou de la Banque mondiale,deG8enG20,cetteformuleincantatoirese

JEAN-MICHEL MEYER

L

Afrique en rouge et blanc. Aux couleurs de Coca-Cola. C’est pour bientôt. Car si la firme d’Atlanta étend méticuleusement sa toile sur le continent depuis plusieurs décennies déjà, sa stratégie de conquête des consommateurs africains est loin d’être achevée. « L’Afrique écrira la grande page de l’histoire de la décennie à venir, comme l’ont fait la Chine et l’Inde dans Un bémol: dix pays attirent à eux seuls plus les années passées. Déjà, notre présence sur le continent est bien de 70 % des IDE à destination du continent. plus importante que dans ces deux grands pays. Être présent en Afrique sera beaucoup traduit-elleréellementdanslesfaits?«Nousavonsfait plus pertinent à l’avenir », s’enthousiasme Muhtar l’objetd’unintérêtmassifdelapartdeclientschinois, Kent, l’homme d’affaires américano-turc qui dirige indiens,duMoyen-Orient,américainsoueuropéens. l’empire Coca-Cola depuis 2008. Au total, plus d’une centaine de chefs d’entreprise sont venus nous voir en 2010 dans notre centre ENGOUEMENT. Patron d’une multinationale qui a d’affaires africain pour nous exposer leur stratégie prouvé qu’elle ne se lançait jamais au hasard dans de croissance sur le continent, explique au Financial la conquête de nouvelles bases commerciales, TimesMichaelLalor,directeurd’Ernst&Young(E&Y) Muhtar Kent partage cet engouement avec de en Afrique du Sud. Les années passées, nous étions plus en plus de chefs d’entreprise, à New York, particulièrement satisfaits quand ils étaient cinq à New Delhi ou Londres. Jamie Dimon, le patron dix à venir nous voir… en une année. » de JP Morgan, a fait part de l’intérêt de la banque Pour le cabinet d’audit américain, cela ne fait d’affaires américaine pour le Ghana, nouvelle aucun doute : « L’heure de l’Afrique est venue », puissance pétrolière. À Londres, le fonds Helios titre un rapport d’E&Y sur l’attractivité du contiInvestment Partners, fondé par des Nigérians, est nent, publié en mai. Le document fait le point sur sur le point de boucler la levée de 900 millions les investissements directs étrangers (IDE) depuis de dollars (640 millions d’euros) : ce sera la plus 2003. D’après ce recensement, les nouveaux projets importante opération de ce type destinée à l’Afrid’IDE sont passés de 338 en 2003 à 633 l’an passé que. Une initiative qui intervient au moment ou – soit une progression de 87 % en sept ans – et ont créé 1,6 million d’emplois. Et le mouvement n’est Carlyle, le plus puissant fonds d’investissement américain, débarque en Afrique du Sud et au pas près de faiblir. Une forte croissance de nouveaux

Dans quels secteurs comptez-vous investir en Afrique ?

44% MINES

21%

15%

HYDROCARBURES TOURISME

15

%

14

%

13%

BIENS DE CONSOMMATION CONSTRUCTION TÉLÉCOMS

Sondage réalisé auprès de 562 dirigeants d’entreprises de 38 pays par Ernst & Young, en février 2011. Plusieurs réponses possibles.


AGRO-INDUSTRIE

La palme de l’opacité

INTERVIEW

Laïla Mamou Beqqali

Présidente du directoire de Wafasalaf

ÉMISSIONS OBLIGATAIRES

81

La dette fait recette

NOOR KHAMIS/REUTERS

liards de dollars en 2015

projets est attendue à partir de 2012. Selon les projections opérées par E&Y, le flux des IDE pourrait atteindre les 150 milliards de dollars d’ici à 2015. Avec, à la clé, la création d’environ 350000 emplois supplémentaires. CONVAINCUS. Lerapportducabinetsedoubled’un

sondage qui confirme la tendance. Réalisé auprès de 562 dirigeants d’entreprises de 38 pays, il porte sur leur stratégie d’investissement. Pour 68 % d’entre eux, « l’Afrique est devenue plus attractive ». Et ils sont 43 % à affirmer qu’ils investiront sur le continent dans les années à venir. Les patrons des pays émergents sont les plus convaincus: 74 % estiment que l’Afrique est une destination d’investissement plus attrayante depuis ces trois dernières années. Déjà, leurs investissements ont progressé de 13 % par an en moyenne sur le continent, passant de 100 à 240 projets entre 2003 et 2010. Et si les industriels occidentaux sont encore les premiers à miser sur l’Afrique, leurs homologues du Sud assurent désormais 38 % des IDE, contre 30 % en 2003. Ils vireront en tête du classement après 2023, selon les projections d’E&Y.

JEUNE AFRIQUE

Seul bémol : dix pays seulement profitent réellement de cet engouement. L’Afrique du Sud, l’Égypte, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Nigeria, l’Angola, le Kenya, la Libye et le Ghana ont attiré plus de 70 % des IDE entre 2003 et 2010. À l’inverse, tous ces projets d’investissement contribuent peu à peu à la diversification de l’économie du continent, les mines et le pétrole ne représentant plus l’horizon indépassable des IDE en Afrique (voir ci-contre). La croissance du PIB africain – de 5 % par an en moyenne au moins jusqu’en 2015 –, la hausse des prix des matières premières et la montée d’une classe moyenne de plus de 300 millions d’individus favoriseront l’attractivité du continent, qui sera l’un des points les plus dynamiques de l’économie mondiale dans les années à venir. Mais rien n’est acquis. Malgré son attractivité incontestable, il n’a attiré que 4,5 % des IDE mondiaux en 2010. De plus, la destination Afrique sera de plus en plus confrontéeàlaconcurrenced’autrespaysémergents. Aujourd’hui, elle accueille moins de projets que la Chine ou l’Inde, mais davantage que la Russie ou le Brésil. La bataille des IDE sera impitoyable. ●

La montée de la classe moyenne – ET DE SES CENTAINES DE MILLIONS DE

– attire les multinationales (ici Coca-Cola, au Kenya). CONSOMMATEURS

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


Entreprises marchés Ý MANIFESTATION DE SALARIÉS devant le ministère de l’Industrie, le 24 mai à Tunis.

à la performance de l’entreprise. Ils sont payés au prix du marché et sont en plus tous tunisiens », estime Badii Kechiche, du cabinet d’intelligence économique Pyramid Research. DANS L’IMPASSE. Entre les deux

HICHEM

82

TUNISIE TÉLÉCOM

Aux abonnés absents

L’opérateur historique est empêtré depuis des semaines dans un conflit social entre le syndicat UGTT et l’actionnaire émirati EIT. Paralysé, il perd du terrain au profit de ses concurrents.

D

epuis cent huit jours, Tunisie Télécom ne r é p o n d p l u s. L e s 8 500 employés de l’opérateur historique (671 millions de chiffre d’affaires en 2009) ont quasi mis leurs occupations professionnelles entre parenthèses. Les agences commerciales ont baissé leurs rideaux, laissant les clients sans interlocuteur. Impossible pour ces derniers de modifier leur abonnement, d’en souscrire de nouveaux et même, pour certains, de payer leurs factures. Grèves et sit-in se succèdent, paralysant complètement le fonctionnement de la compagnie. Le sort réservé à une grosse poignée de contractuels est au centre du conflit qui oppose l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), soutenue par une écrasante majorité des salariés, et Emirates International Telecommunications (EIT), détenteur à 35 % de Tunisie Télécom. Embauchés après l’ouverture du capital de la compagnie en 2006, ces salariés « grassement payés » (3,5 % de la masse salariale) N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

apparaissent comme des privilégiés aux yeux du syndicat et doivent, syndrome révolutionnaire oblige, être licenciés. « Ils perçoivent des rémunérations beaucoup plus élevées que celles prévues par les grilles de Tunisie Télécom. Cela n’est plus acceptable », explique, fiches de paie à l’appui, Mongi Ben Mbarek, secrétaire général de la Fédération syndicale de la poste et des télécommunications. Seule concession faite par l’UGTT : sur les soixantetroispersonnesconcernées,dix,aux profils cruciaux pour l’entreprise, seraient conservées. « L’UGTT fait erreur. Ces professionnels apportent les compétences nécessaires

parties, les discussions sont dans l’impasse. Pour l’UGTT, seule l’application de l’accord signé le 9 février avec l’ancien PDG et les représentants de l’État, et prévoyant le départ des contractuels, permettra une sortie de crise. Hors de question, jure l’actionnaire émirati. Ses représentants bloquent l’adoption de cet accord à chaque conseil d’administration, alors que l’État (65 % du capital) reste en retrait de peur de s’attirer les foudres des syndicalistes. De retour du G8, le ministre des Finances, Jelloul Ayed, devrait de nouveau tenter une médiation. Sans solution, le malaise actuel pose la question de la capacité de l’entreprise à fonctionner, et plus encore à se réformer pour faire face à la concurrence. « Avant le

Les agences commerciales ont baissé leurs rideaux, laissant les clients sans interlocuteur. 14 janvier, nous étions sur une trajectoire positive en matière de transformation financière [par exemple avec l’introduction d’une comptabilité analytique, NDLR], technique et commerciale. Mais beaucoup reste à faire, notamment au plan des ressources humaines.

L’EMPREINTE DE BEN ALI PASSÉE AU CRIBLE IL N’Y A PAS EU DE DÉRIVES MAJEURES liées au clan Ben Ali-Trabelsi. L’actionnaire EIT l’assure : les contrats passés parTunisieTélécom ont été soigneusement contrôlés. Un avis que ne partage pas le syndicat UGTT. La filiale tunisienne d’Havas, qui comptait parmi ses actionnaires le couple Slim Zarrouk et Ghazoua Ben Ali, aurait ainsi obtenu la communication de l’opérateur sans respecter la procédure d’appel d’offres. Des privilèges dont aurait également bénéficié la régie publicitaire Bien Vu, détenue par un proche de l’ex-président. Celle-ci aurait même reçu en 2010 la somme de 3,5 millions d’euros au titre de J.C. prestations prévues pour 2012, selon le syndicaliste Mongi Ben Mbarek. ● JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

La cris e

e

Les contractuels embauchés par la qualité du réseau, bien que Tunisie Télécom représentent légèrement affectée, n’enregistre pas de dégradation significative. » les forces vives de l’opérateur et Mais impossible d’avoir accès aux sont absolument nécessaires au dernières données officieldéploiement de sa stratéles pour vérifier les dires gie. Beaucoup d’autres Point de vue de nos interlocuteurs, salariés n’apportent du syndicat : aucune valeur ajoutée y compris du côté de « Ils perçoivent des à l’entreprise », critil’Instance nationale des rémunérations que sans détour un télécommunications trop élevées » de Tunisie. « L’évolution responsable d’EIT. des parts de marché des En 2010, la direcopérateurs a un caractère tion de l’opérateur avait confidentiel et ne peut être d’ailleurs prévu de diminuer communiquée », précise même de manière drastique ses effecun de ses dirigeants. tifs, en supprimant 3 000 postes. Du côté des utilisateurs, on n’hé« Il y a encore au sein de Tunisie Télécom un certain nomsite pas en revanche à faire o p i n ts is o bre de responsables part de son désarroi. r t Point n qui ont profité de « Sur un plan technid’achoppement : passe-droits du que, le service reste temps de Ben Ali, correct, mais les employés (sur 8 500) et ils ne voient pas clients n’ont plus représentent d’un très bon œil d’interlocuteurs le changement de pour traiter leurs mentalité au sein demandes. Au de la masse de l’entreprise, car bout d’un moment, salariale ils changent d’opérails souffrent de la teur », indique un patron comparaison avec les d’une SSII tunisienne très en cadres venus du privé », juge, un brin provocateur, un spévue. L’enlisement de la situation cialiste tunisien des télécoms. « Si chez Tunisie Télécom profiterait ces gens sont si brillants, comen premier lieu à Tunisiana. « La ment la direction peut-elle chose est plutôt inattendue, expliquer l’explosion du d’autant que nous somrecours à des consulmes toujours le seul Point de vue acteur du marché à tants extérieurs depuis de l’actionnaire : 2007 ? » réagit Mongi ne pas posséder de « Ils sont les licence 3G », se réjouit Ben Mbarek. forces vives de Toujours disponid’ailleurs le président l’opérateur » bles pour faire entendu conseil d’administration, Tawfik Jelassi. dre leur version des faits, Pour EIT, qui n’a jamais les parties prenantes sont en revanche moins prolixes pour anacaché vouloir prendre, à terme, lyser les conséquences immédiates le contrôle de l’opérateur, la pilule du blocage de l’entreprise. C’est est amère. Il y a quelques jours, le consortium émirati se disait même à peine si l’actionnaire émirati admet une baisse de performance, publiquement inquiet pour son avec des résultats financiers moins investissement. « L’envie de monter bons qu’en 2010. Même version au capital est toujours là, mais rassurante du côté de l’UGTT, cercela dépendra de la volonté du taine qu’à tout moment l’opérateur gouvernement », assure une source pourra rattraper son retard. émiratie. Face à EIT, le syndicat ne cache pas non plus ses ambitions. OPTIMISME DE FAÇADE. Un optiLa nationalisation ? « La question misme de façade bien résumé par ne pourra pas être discutée avec Ali Ghodhbani, PDG de Tunisie un gouvernement de transition », Télécom : « Les performances répond sans équivoque Mongi de l’entreprise ne sont pas celles Ben Mbarek. ● d’une activité normale. Toutefois, JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

63 3,5 %

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Entreprises marchés Ý Nettoyage d’emballages DESTINÉS À ÊTRE RECYCLÉS, dans le district de Yankaba, au Nigeria.

contact alimentaire, le plastique possède des propriétés qui en font un matériau difficilement remplaçable, notamment dans l’industrie agroalimentaire. « INÉVITABLE ». Pourtant, une poi-

MARY F. CALVERT/ZUMA/REA

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ENVIRONNEMENT

Sacs en plastique: le marché s’emballe De nombreux pays interdisent désormais les conditionnements non biodégradables, un business estimé à 4 milliards d’euros sur le continent. Entre les sociétés proposant des alternatives, la compétition est lancée.

B

otswana,Kenya,Tanzanie, Afrique du Sud, Rwanda, Maroc, Ghana, Congo, Gabon et, à partir du 5 juin, Togo… Plus qu’une tendance, c’est une vague de fond. L’Afrique se lance dans la chasse aux emballages non biodégradables, véritable fléau dont les sacs en plastique échoués sur tout le continent sont devenus un symbole encombrant. À Kigali début mai, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a annoncé réfléchir à une loi pour interdire leur utilisation dans ses cinq États membres. Elle s’attaque à un business lucratif: sur le continent africain, le marché

de l’emballage plastique peut être estimé à quelque 4 milliards d’euros par an. Fabriquées à base de pétrole, role, les « fleurs du Sahel » – comme mme on les appelle dans les pays de la bande sahélienne – sont nt aussi accusées de gaspillerr une matière première de plus en plus chère. L’interdiction de la production et de l’importation des emballages plastique a donc des motivations économiques autant qu’écologiques. Mais sa mise en n œuvre est loin d’être une sinécure. cure. Solide, étanche, sans danger pour la santé lorsqu’il est traité pour le

1siècles à4

le temps que met un sac abandonné dans la nature à se dégrader

gnée de sociétés à travers le monde proposent des alternatives et se battent déjà sur un marché balbutiant, dont l’Afrique fait partie. « Depuis deux ans, nous exportons exclusivement des sacs biodégradables ; c’était devenu inévitable », explique ainsi le dirigeant d’une société française qui achemine vers le continent quelque 1 800 tonnes d’emballages alimentaires par an, pour un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros. Deux alternatives technologiques, conservant globalement les propriétés des emballages actuels, sont en lice. La première utilise, totalement ou partiellement, des matières végétales, issues de l’amidon de maïs ou de pomme de terre. Seuls hic : son prix – environ 30 % de plus qu’un sac classique – et la pression sur les cultures alimenpr taires que pourrait exercer son déploiement à grande échelle. dépl Pour produire 200 000 t de ces bioplastiques », il faut entre « bi 250 000 et 300 000 t de matiè25 res premières végétales. « En théorie, les bioplastiques sont une bonne technologie, explique Peter Skelton, de l’organisme britannique Waste and Resources Action Programme, mais dans la Pr pratique, il y a beaucoup de pr barrières. » barr Face aux bioplastiques, la techFa nologie dite « oxo-biodégradable »

DEUX TECHNOLOGIES IMPARFAITES AUCUNE DES DEUX OPTIONS ne fait l’unanimité. La communauté scientifique est divisée sur les matériaux oxo-biodégradables. « Nous avons du mal à croire qu’un polymère purement chimique soit totalement assimilé par la nature », explique Kathleen Serna, assistante de recherche au centre français Carma. La technologie a cependant été validée par le professeur Jacques Lemaire, N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

ancien directeur de laboratoire au CNRS. Quant aux bioplastiques, accusés d’utiliser des terres cultivables pour la production de leur matière première végétale, leur dégradation rapide ne s’effectue que dans certaines conditions de température et d’humidité. Il faudra donc organiser une collecte, même si, au bout du compte, « ils finiront par disparaître », assure Kathleen Serna. ● M.P. JEUNE AFRIQUE


Coulisses

PREMIERS PAS. Au Maroc – 3 mil-

liards de sacs en plastique par an –, Symphony Plastics a ainsi remporté un marché annuel de 1 million

LES IMPORTATIONS de véhicules de tourisme ont bondi de 21,31 % entre avril 2010 et avril 2011, pour atteindre 156,92 millions de dollars (111,5 millions d’euros), selon le Centre national de l’informatique et des statistiques des douanes (Cnis). Depuis 2008, les autorités ont cherché à rendre plus contraignantes les procédures d’importation, pour alléger la balance commerciale. Sans grand succès, notamment dans l’automobile. Ce tour de vis devait s’accompagner d’un renforcement de l’industrialisation. Mais les projets piétinent. Fin mai, la visite de Jean-Pierre Raffarin à Alger pourrait faire avancer le projet de création d’une usine d’assemblage de Renault (70 000 véhicules par an) dans le pays. Une délégation algérienne se rendra prochainement en Allemagne pour visiter des usines Volkswagen, un autre prétendant à l’implantation. Enfin, le 25 mai, des contacts ont été engagés par les autorités avec les constructeurs coréens. À qui le tour ? ●

S

• BOURSE Singapore Cooperation Entreprise conseillera Casablanca Finance City pour créer un centre financier régional au Maroc • INTERNET Leader

M•

d’euros. Depuis une année, le groupe Label’Vie, qui détient la franchise Carrefour au Maroc, a adopté sa technologie pour produire ses sacs. « Le surcoût final est de 10 % à 15 % maximum », explique Philippe Michon, représentant pour l’Afrique de la société cotée au London Stock Exchange. L’oxo-biodégradable séduit. Des entreprises au Cameroun et en Côte d’Ivoire, au Rwanda et au Gabon figurent parmi les autres clients de Symphony Plastics, pour un chiffre d’affaires africain annuel d’environ 5 millions d’euros. « Un début, estime Philippe Michon, car beaucoup de pays n’en sont qu’au stade de la mise en place d’une législation. » Lors des journées de sensibilisation aux effets néfastes du plastique organisées à Lomé fin mai, la société était présente, se positionnant déjà pour conquérir ce nouveau marché. La compétition ne fait que commencer. ●

TÉLÉCOMS LA TUNISIE REPENSE SON CODE

JEUNE AFRIQUE

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ALGÉRIE L’INDUSTRIE AUTOMOBILE PIÉTINE

Difficile de remplacer un matériau solide, étanche et sans danger pour la santé.

MICHAEL PAURON

marchés

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MOHAMED KADRI/XINHUA/SIPA PRESS

a pris de l’avance et est en passe de s’imposer dans le paysage africain. Le japonais P-Life, l’américain EPI ou encore le britannique Symphony Plastics sont en course pour rafler les marchés du continent. Leur solution, présentée comme quasi miraculeuse, est un additif chimique qui s’incorpore à hauteur de 1 % dans le plastique et permet de casser la chaîne moléculaire au bout de une à trois années. Conséquence : le sac jeté en pleine nature se décompose. Il serait complètement absorbé par les micro-organismes présents dans le sol ou l’eau. Le marché potentiel pour cette substance sur le continent dépasserait les 330 millions d’euros par an.

Entreprises

français de l’hébergement de sites internet, OVH s’implante à Casablanca TUNISIE Un holding public accueillera les actifs du clan Ben Ali, dont les

51 % de Marouane Mabrouk dans Orange Tunisie • ASSURANCE L’Algérie

agrée 3 nouvelles compagnies : Caarama, Taamine Life Algérie et la SAPS

L’INSTANCE nationale des télécommunications deTunisie (INTT) lance un appel d’offres international pour redéfinir les modalités de mise en œuvre du service universel, les règles entourant l’internet haut débit et la voix sur IP (via le web). Ce n’est pas Orange qui s’en plaindra. L’opérateur a été mis en garde par l’INTT pour avoir commercialisé de la voix sur IP avec sa Livebox sans y être autorisé. ● SUCRE SARIS VISE LES 100 000 TONNES LA FILIALE CONGOLAISE du groupe agroalimentaire Vilgrain a produit 70000 tonnes de sucre pendant la campagne 2010, soit le double de la production d’avant la guerre (1997). « C’est l’objectif que nous nous étions fixé; désormais, nous visons les 100000 t », assure Alexandre Vilgrain, le PDG. But que la Saris espère atteindre

en 2017, à l’aide d’investissements de 8 à 9 milliards de F CFA (12 à 13,7 millions d’euros) par an. ● MINES BHP BILLITON AU GABON L’ANGLO-AUSTRALIEN pourrait devenir un producteur important de manganèse au Gabon. Le leader mondial vise un site proche de Franceville, dont le potentiel serait de 300000 tonnes par an. Les droits d’exploration étaient auparavant détenus par le brésilien Vale. ● AÉRIEN BRUXELLES ET DAKAR D’ACCORD APRÈS SIX MOIS de conflit sur les dessertes en Afrique de l’Ouest, Brussels Airlines et Sénégal Airlines ont mis en place un accord pour développer le trafic avec l’Europe d’ici cet été. Il permet de combiner les tarifs des deux compagnies sur un même billet, depuis leurs hubs respectifs. ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


International

BAZUKI MUHAMMAD/REUTERS

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attire toutes les convoitises. Il recèlerait un potentiel de 201,5 millions d’hectares, soit seize fois la superficie cultivable en Indonésie et en Malaisie. Mais le développement des plantations est préoccupant, au vu des conclusions de certaines études. Selon l’Académie des sciences américaine, les nouvelles plantations réalisées au début des années 2000 dans la péninsule malaisienne, à Bornéo et à Sumatra, ont par exemple produit plus de gaz à effet de serre que le secteur des transports chinois en 2007. SYSTÈME DE CRÉDITS. Conscients

de l’enjeu, des planteurs, des transformateurs, des industriels, des distributeurs et des ONG ont formé 85 % DE LA PRODUCTION provient de Malaisie (ci-dessus) et d’Indonésie. un consortium, Roundtable on AGRO-INDUSTRIE Sustainable Palm Oil (RSPO), pour favoriser la production « responsable » d’huile de palme par tous les Produite dans de petites exploitations, transformée par de nombreux acteurs de la filière, des agriculteurs aux multinationales comme Nestlé intermédiaires, l’huile de palme offre peu de garanties sur sa provenance ou Unilever. RSPO certifie le respect comme sur son impact environnemental. Et les choses peinent à bouger. d’un code de conduite pour plus de 550 membres. Depuis sa création, il u’ils’agissedeseffetsnéfasprône aussi l’amélioration des rengageure, tant il existe de productes de sa production sur dements plutôt qu’une agriculture teurs. En Malaisie et en Indonésie, l’environnement(défores20 % des plantations appartiennent extensive consommatrice de terres. tation sauvage) ou de son Mais la démarche est lente et son à plus de 3 millions de petits exploiimpact sur la santé (présence d’acitants. Une atomisation du marché label concerne moins de 10 % de des gras saturés), l’huile de palme que l’on retrouve aussi à l’autre bout la production mondiale. Face à la difficulté d’encadrer n’en finit pas d’être décriée. Utilisée delachaîne,chezleursclientsindustoute une filière, RSPO a inventé pour la fabrication de nombreux triels. Le néerlando-britannique produits (savon, barres chocolatées, en parallèle le programme « Green Unilever, qui est le plus important biocarburants, poissons panés…), Palm » pour les seuls producteurs acheteur du marché, consomme elle concentre désormais les criseulement 3 % de ce qui est produit d’huile,avecunsystèmedecrédits, tiques sur les difficultés à réunir mondialement. à l’exemple des crédits carbone, des garanties sur son origine et les De fait, il est presque impossiqui favorise l’émergence d’une production écologiquement conditions de sa fabrication. Un vrai ble de déterminer d’où provient casse-tête pour les industriels. l’huiledepalmeutiliséedansla et socialement responsable. En 2011, Au départ, il y a les fruits récoltés fabrication d’une barre choCes crédits s’achètent aux la pénurie d’huile danslesplantationstropicales–85% colatéelambda.Aucoursdes producteurs sur une bourse de palme pourrait proviennent de Malaisie et d’Indodouze derniers mois, seuled’échange. Ces derniers dépasser nésie – et que l’on presse dans des peuvent ainsi valoriser ment 3 millions de tonnes moulins. L’huile extraite est ensuite ont été identifiées, sur une leurs bonnes pratiques selon le département raffinée, avant de subir encore pluproduction mondiale de même si leurs produits sieurs traitements pour être enfin 46 millions. Au plan envisont ensuite mélangés. américain de prête à l’emploi. Une succession ronnemental, la question Mais toutes ces contrainl’Agriculture. d’étapes réalisées par des interméest très préoccupante. tes et le fait que de nombreux diaires qui sont autant d’occasions Car la demande d’huile de acteurs ne jouent pas le jeu comdemélangerdifférentesproductions, palme, de 30 % à 40 % moins chère promettent l’engagement des agroqu’elles soient fabriquées selon le quesesconcurrentes(huilesdetourindustrielsd’utiliser100%d’huilede respectderèglesenvironnementales nesol, de soja, d’olive…), a quasi palme certifiée avant 2015. ● doublé au cours de la décennie LOUISE LUCAS et JULIEN CLÉMENÇOT et sociales ou non. écoulée, poussant les producteurs © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Dans ce contexte, s’assurer de à défricher. Après l’Asie, l’Afrique Tous droits réservés. la provenance de l’huile est une

La palme de l’opacité

Q

Dernières gouttes ?

246 000 tonnes,

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JEUNE AFRIQUE


International CLASSES MOYENNES

ANALYSE

Les Brésiliens font surchauffer la carte Consommer à crédit est devenu banal à Rio ou à São Paulo. Mais depuis dix ans la machine s’est emballée, et le nombre de ménages surendettés explose.

F

des distributeurs a quadruplé rancisca de Carvalho (235,5 millions). habite Rocinha, dans Mais cette nouvelle classe la banlieue de Rio de moyenne, qui accède souvent Janeiro. Pour rénover sa au crédit pour la première fois, salle de bains, elle a emprunté fait exploser le taux de surendet650 réis (284 euros) à sa banque à un taux de 14 %. « J’aime les belles tement. La fédération bancaire choses », se défend-elle. Comme brésilienne (Fabraban) précise elle, de plus en plus de Brésiliens que le nombre de comptes banaiment les belles choses, et ils caires a doublé entre 2000 et 2008 et que le coefficient d’endettement n’hésitent pas à emprunter pour a grimpé de 18 % à 35 % depuis les acquérir. La septième économie du 2005. Ce qui n’est finalement guère monde doit son dynamisme à étonnant, avec des taux moyens la très forte consommation intéde crédit à la consommation de rieure. Entre 2003 et 2011, sous la 35 % à 45 % par an. présidence de Luiz Inácio Lula da Silva, 24,5 millions de Brésiliens BULLE. La présidente, Dilma sont officiellement sortis de la Rousseff, élue en octobre 2010, pauvreté et 35,5 millions d’ina fait part de sa crainte qu’une dividus ont accédé à la classe moyenne, avec un Pour décourager l’emprunt, revenu compris entre 700 Brasília a augmenté et 2 800 euros par mois. Frappés par une frénéles taxes sur les prêts. sie d’achats, les Brésiliens ont dépensé 555 milliards d’euros bulle du crédit n’explose. Pour en 2007. Leur consommation décourager les recours à l’emdevrait dépasser les 710 milprunt, Brasília a augmenté les liards d’euros en 2012, selon le taxes sur les prêts, et la Banque bureau d’études américain Bain centrale a relevé ses taux. & Company. Le risque de surchauffe est réel. Et le pays n’est pas le seul PRÊTS CONSO. Dans le pays, tout concerné. « Le Brésil, la Colombie, s’achète à crédit. De la machine à l’Inde et la Turquie ont enregistré une accélération notable de laver à la paire d’espadrilles. Des grandes enseignes gagnent désorla croissance du crédit réel, qui mais plus d’argent avec les crédits se situe dans une fourchette de qu’elles accordent qu’en tant que 10 % à 20 % par an. Sur les cinq distributeurs. Dans ce contexte, les dernières années, le crédit a presprêts à la consommation ont été que doublé en valeur réelle dans multipliés par six en huit ans, pour ces pays. Une telle expansion est atteindre plus de 350 milliards proche de celle observée avant de d’euros, passant de 24 % à 46 % précédents cycles d’emballement du PIB, note la Banque centrale. et d’effondrement du crédit », redoute le FMI dans son dernier Depuis 2004, le nombre de cartes bancaires a triplé (195 millions) et rapport d’avril 2011. ● celui des cartes de crédit auprès JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE

Opinions p &é éditoriaux dito oria auxx

Alain Faujas

DSK, Zuma et Lagarde

S

ANS ATTENDRE que l’enquête dise ce qui s’est vraiment passé dans la suite 2806 de l’hôtel Sofitel de New York, on peut affirmer que la démission de Dominique Strauss-Kahn du poste de directeur général du Fonds monétaire international (FMI), à la suite d’une accusation de viol, n’est pas une bonne nouvelle pour l’Afrique. Car il a tenu les promesses faites aux dirigeants africains lors de sa campagne électorale pour le poste, en juillet 2007. Quand la crise alimentaire surgit en 2008, « DSK » assouplit les exigences du FMI et accepte plus de déficits budgétaires pour compenser la paupérisation des Africains. Il affecte une partie des recettes de la vente de 403 tonnes d’or du FMI à des prêts à taux zéro réservés aux pays les moins avancés. En 2009, l’Afrique en reçoit pour 3,6 milliards de dollars (environ 2,5 milliards d’euros), trois fois plus qu’en 2008. Le Fonds aide 24 pays d’Afrique subsaharienne et forme leurs spécialistes des budgets, de la monnaie et de la fiscalité dans ses centres régionaux au Gabon, au Mali, en Tanzanie, et bientôt au Ghana et à Maurice. Enfin, DSK obtient une meilleure représentation de l’Afrique au FMI, par un triplement des voix de base de celle-ci et la nomination d’un deuxième suppléant auprès de chacun des deux administrateurs africains. Son remplacement par Trevor Manuel, chargé du Plan auprès du président sudafricain, Jacob Zuma, permettrait à l’évidence de poursuivre dans cette voie. Mais les pays européens entendent garder le poste pour l’un des leurs, dans une période où leur dette menace de faillite plusieurs d’entre eux et nécessite l’appui massif du Fonds. Si elle se confirmait, la candidature de la ministre française des Finances, Christine Lagarde, aurait donc des chances de l’emporter d’ici au 30 juin. Élue directrice générale, elle n’oubliera certes pas le continent, mais elle n’aura pas l’habileté de son prédécesseur pour persuader les pays riches que le FMI, lui aussi, doit faire de l’Afrique une priorité. ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Décideurs INTERVIEW

Laïla Mamou Beqqali

P RÉSIDENTE

DU DIRECTOIRE DE

WAFASALAF

« Démystifier l’entreprise » Après un parcours maison de vingt et un ans, elle a pris en 2004 la tête du leader marocain du crédit à la consommation. En parallèle, elle s’implique dans le Club Entreprendre pour sensibiliser les jeunes et les femmes à l’entrepreneuriat. JEUNE AFRIQUE : Quelle est l’histoire du Club Entreprendre, dont vous êtes vice-présidente ? LAÏLA MAMOU BEQQALI : Il s’est

structuré à partir de l’émission télévisée du même nom, diffusée de 1992 à 2009 [sur la chaîne Al-Aoula, NDLR], lors de laquelle des patrons apportaient leur expérience. Quand l’émission s’est arrêtée, il nous a semblé intéressant de continuer nos actions sous la forme d’un club d’entrepreneurs. Aujourd’hui, nous sommes environ 300 membres, venus de tous les secteurs : commerçants, industriels, commissaires aux comptes… Notre président est Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances et ex-PDG de Royal Air Maroc. Qu’est-ce qui vous a poussée à vous impliquer ?

Intervenante dans l’émission sur les thèmes du surendettement et de la protection du consommateur, j’avais beaucoup apprécié cette idée de démystifier le monde de l’entreprise auprès du grand public. Avec le Club, je peux apporter mon expérience et mon expertise pour pousser les jeunes moins favorisés et les femmes à faire émerger des projets. Je me suis d’autant plus facilement impliquée qu’il y avait

d’autres femmes au conseil d’administration du Club, dont Latifa Echihabi, directrice de l’Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise, et Bouthayna Iraqui Houssaini, députée et patronne de Locamed. Qu’est-ce qui vous différencie du patronat marocain, la CGEM ?

Les organisations sont complémentaires. Le Club vise à promouvoir l’esprit d’entreprise alors que la CGEM est une organisation patronale. La plupart des membres du conseil d’administration du Club sont aussi actifs à la CGEM, tel Aziz Qadiri, président du fonds d’investissement Massinissa, ou Abdeslam Ahizoune, patron de Maroc Télécom.

WAFASALAF

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Plusieurs patrons sont venus animer des ateliers dans les universités de Casa.

Pourquoi avoir lancé en 2011 une série d’interventions sur le thème de l’entrepreneuriat au sein des universités de Casablanca ?

C’est au sein du système universitaire public que sont formés la majorité des étudiants du pays. Les écoles de commerce touchent un public plus favorisé et déjà en contact avec le monde de l’entreprise. Il était donc logique de sensibiliser les étudiants de l’université en premier. Plusieurs patrons se

WAFASALAF CONSERVE SON CRÉDIT FILIALE D’ATTIJARIWAFA BANK, Wafasalaf est le leader du crédit à la consommation au Maroc, avec plus de 30 % de part de marché. Sous la direction de Laïla Mamou, la société a surfé avec succès sur l’émergence de la classe moyenne, en étoffant son offre de crédits (automobile, équipements ménagers…), en partenariat, très souvent, avec des supermarchés et des concessionnaires (Marjane, Acima, Peugeot et Renault). Alors que le surendettement des ménages marocains devient préoccupant, Wafasalaf a réussi l’an dernier à améliorer C.L.B. ses encours de crédit de 11 % (1,7 milliard d’euros fin 2010). ● N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

sont mobilisés avec moi pour animer des ateliers, dont Abdelkader Masnaoui, du cabinet Mazars au Maroc, ou l’industriel Karim Tazi, avec l’idée de casser les barrières sociales et de favoriser l’égalité des chances. Quels retours avez-vous de la part des étudiants ?

Ils comprennent que la création d’entreprise peut les concerner, qu’elle n’est pas réservée aux 3 % de l’élite de « Casa-Rabat », qu’ils peuvent construire des projets ambitieux et faire avancer le pays. Beaucoup m’écrivent après les ateliers pour me demander des conseils de lecture sur le management, sur leurs projets. Les filles sont particulièrement assidues à nos interventions, elles sentent qu’elles ont un rôle à jouer, et elles ont de l’ambition. ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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MALI

Reconversion réussie pour Hamed Sow Depuis 2009, l’ex-ministre des Mines dirige une société d’ingénierie financière. Il vient de convaincre un businessman israélien d’investir 1 milliard de dollars en Afrique de l’Ouest.

Ý LE PDG D’AMIC-INVEST est aussi conseiller spécial du président Amadou Toumani Touré.

R

ÉMILIE REGNIER POUR J.A.

écemment nommé conseillerspécialduprésidentmalien,HamedSow, PDG d’Amic-Invest, vient de convaincre l’homme d’affaires israélien Idan Ofer d’investir 1 milliarddedollars(710millionsd’euros) en Afrique de l’Ouest entre 2012 et 2015. Classé parmi les 100 premières fortunes mondiales par le magazine Forbes, le patron d’Ofer

Basée à Bamako, son entreprise dispose d’antennes à Dubaï, Pékin, Hong Kong et Luxembourg. Group s’est rendu au Mali le 20 mai et a manifesté son intérêt pour les secteurs des mines et de l’énergie propre. Ofer Group, un conglomérat d’une dizaine d’entreprises

présentes dans le transport maritime, l’énergie, la haute technologie, l’aviation, l’immobilier, la chimie, etc., se dit également intéressé par legazghanéenetparlaconstruction d’un nouveau port en Guinée. En 2008, visé par une enquête administrative sur sa gestion du Centre pour le développement de l’entreprise(CDE,institutiondecoopérationentrel’Unioneuropéenneet lespaysd’Afrique,desCaraïbesetdu Pacifique), qu’il a dirigé entre 2005 et 2007, Hamed Sow a quitté le gouvernement malien au sein duquel

il était chargé du portefeuille des Mines, de l’Eau et de l’Énergie. Il a été blanchi par la suite. Depuis, cet économiste spécialisé dans les énergies a créé Africa Mining and Infrastructures Corporation (Amic-Invest), une société d’ingénierie financière auprès d’investisseurs institutionnelsetprivésprovenantnotamment des pays du Golfe et d’Asie. Basé à Bamako, Amic-Invest dispose d’antennes sur des places financières telles que Dubaï, Pékin, Hong Kong et Luxembourg. En moins de deux ans, AmicInvest a déjà levé 487 millions de dollars et compte dans son portefeuille 1 milliard de dollars en coursdemobilisationsurdesgrands projets d’infrastructures. Et parmi les projets pour lesquels la société a réussi à mobiliser 350 millions de dollarsl’annéedernière:laconstruction au Mali de l’autoroute BamakoKoulikoro et d’une bretelle d’accès à l’autoroute Bamako-Ségou. ● STÉPHANE BALLONG, avec MAHAMADOU CAMARA, à Bamako

PHILIPPE MELLIER DE BEERS Après huit ans comme président d’AlstomTransport – engagé depuis mars dans une importante restructuration des activités européennes (1 380 emplois à supprimer) –, Philippe Mellier a décidé de quitter ses fonctions pour prendre la direction générale du groupe sud-africain, premier producteur de diamants au monde. JEUNE AFRIQUE

SLAHEDDINE KHADHRI SNIT Il vient d’être nommé PDG de la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit), l’entreprise publique chargée des programmes de construction de nouvelles habitations, qu’elles soient sociales ou de standing. Depuis sa création en 1957, la Snit a construit 26 000 logements, dont 5 900 entre 2007 et 2010.

AMADOU KANE BRVM C’est courant juin que le nouveau président du conseil d’administration de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) prendra publiquement ses fonctions, à l’occasion de l’Assemblée générale de la Place d’Abidjan. Le banquier sénégalais demeure PDG de la Bicis (Dakar), filiale du français BNP Paribas. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

GILLES ROLLE/REA, HICHEM, D.R.

ON EN PARLE


Marchés financiers

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JULES DOMINGO/APA

Ý L’EMPRUNT LANCÉ PAR DAKAR permettra notamment de financer la construction d’infrastructures routières.

ÉMISSIONS OBLIGATAIRES

La dette fait recette

Gabon, Ghana, Nigeria… et tout récemment Sénégal. Les États africains commencent à faire appel aux marchés internationaux pour financer leurs économies. Et avec succès.

S

eulement dix jours d’une tournée marketing en Suisse, aux États-Unis et au Royaume-Uni ont suffi au Sénégal pour recueillir, début mai, 2,4 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) d’intentions de souscription à son emprunt obligataire… de 500 millions de dollars. Une cinquantaine d’investisseurs étaient ainsi prêts à débourser près de cinq fois le montant recherché par le pays pour financer, notamment, la construction de ses infrastructures. Dans le jargon financier, un tel engouement s’appelle une « oversubscription ». D’après PaulHarry Aithnard, directeur recherche d’Ecobank Capital, « au cours des quatre dernières années, toutes les autres émissions obligataires d’États africains sur les marchés internationaux ont rencontré le même succès ». Si pour des pays d’Afrique australe comme la Namibie ou le Botswana ce type d’opération est pratiqué depuis plusieurs décennies, dans l’ouest et le centre du continent, la levée de fonds sur les marchés financiers occidentaux, N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

généralement à Londres, est plus récente. Avant le Sénégal, le Nigeria a émis avec succès, en janvier, un emprunt de 500 millions de dollars. Le premier producteur d’or noir d’Afrique subsaharienne avait été précédé en 2007 par le Ghana et le Gabon, qui ont mobilisé respectivement 750 millions et 1 milliard de dollars. SOLVABILITÉ CROISSANTE. D’ici

à la fin de juin, le Kenya prévoit de leur emboîter le pas. Objectif : 500 millions de dollars. Et d’autres États africains suivront certainement au cours des mois et des

JP MORGAN BNP PARIBAS CITIGROUP UBS… Ce sont les banques d’affaires qui orchestrent la plupart des levées de fonds des États africains

années à venir, tant la volonté des investisseurs étrangers de détenir dans leur portefeuille des actifs africains est grande. Les raisons ? D’abord, le rendement des obligations africaines, nettement plus élevé (6 % en moyenne) que pour celles des pays occidentaux (autour de 2 %). Ensuite, la solvabilité sans cesse croissante de la plupart des États du continent. En fait, grâce à la restructuration de leur dette dans les années 1990 et à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), ayant conduit à un effacement partiel ou total de leurs ardoises, la plupart des économies africaines disposent à nouveau d’une plus grande capacité d’endettement. Leur taux d’endettement se situe entre 30 % et 40 % du PIB (contre plus de 115 % pour l’Italie et la Grèce). Et, outre l’intérêt des investisseurs étrangers, les pays eux-mêmes ont compris que, pour mieux soutenir leur développement, il leur fallait recourir à des modes d’endettement plus flexibles que les prêts concessionnels, généralement négociés avec des institutions multi- ou bilatérales. Reste que, pour l’heure, ils sont très peu nombreux à avoir la possibilité de solliciter les marchés internationaux, la démarche étant conditionnée par l’obtention d’une note attribuée par les agences internationales (Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch Ratings…). « Le coût du financement des études permettant

ET SUR LES MARCHÉS LOCAUX ? LES PAYS AFRICAINS SONT NOMBREUX à lever des fonds sur les marchés locaux ou sous-régionaux. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, les annonces se sont ainsi multipliées ces derniers mois. Après le Cameroun, qui a réussi à mobiliser 200 milliards de F CFA (305 millions d’euros), fin 2010, à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale, leTchad s’apprête à émettre un emprunt obligataire de 100 milliards de F CFA pour financer des projets structurants. L’avantage des opérations locales, c’est qu’elles permettent aux États d’approfondir leur marché domestique et ainsi de servir de référence aux entreprises locales, qui pourront solliciter à leur tour le marché. Pour ce faire, ils élargissent la base des investisseurs nationaux, laquelle est pour l’heure essentiellement constituée de banques locales. ● S.B. JEUNE AFRIQUE


Baromètre

De plus en plus d’opportunités PAYS ÉMETTEUR

Le taux de rendement des obligations est nettement plus élevé sur le continent qu’en Occident. États de fixer les taux d’intérêts. Ainsi, en 2007, le Gabon s’est vu attribuer la note BB– pour le long terme et B pour le court terme par deux agences, ce qui lui a permis d’émettre son emprunt à un taux de 8,2 %. De son côté, le Sénégal, dont la note à long terme est B et B+ à court terme, a proposé, sur l’avis de JP Morgan, un taux d’intérêt de 8,75 % pour les 500 millions de dollars empruntés. Mais si aller sur les marchés financiers internationaux a l’avantage de permettre aux États de lever des montants élevés, de leur donner une certaine crédibilité et d’aider à attirer plus d’investissements directs étrangers, le revers de la médaille existe. Selon Paul-Harry Aithnard, « émettre des obligations en devises étrangères signifie qu’à chaque échéance le pays fait face à un risque de change ». Par exemple le Sénégal, dont les recettes sont calculées en francs CFA, pourrait être confronté au moment du remboursement à un dollar fort. À cela il faut ajouter le risque de tomber dans l’escarcelle des fonds spéculatifs, qui comptent parmi les principaux acheteurs des obligations des États africains. ●

SOURCE : ECOBANK

REVERS DE LA MÉDAILLE. Allant

ÉCHÉANCE

TAILLE (en millions de dollars)

COUPON (taux de rendement à l’émission, en %)

TAUX DE RENDEMENT À MATURITÉ (en %, au 23 mai)

Nigeria

2021

500

6,75

6,12

Ghana Gabon Sénégal Côte d’Ivoire Congo-Brazzaville Afrique du Sud Tunisie Maroc Égypte

2017 2017 2021 2032 2029 2022 2020 2020 2020

750 1 000 500 2 300 453 1 000 400 (M€) 1 000 (M€) 1 000

8,5 8,2 8,75 2,5 - 5,75 2,5 - 6,0 5,88 4,5 4,5 5,75

5,92 4,99 7,98 12 9,8 4,56 5,35 5,73 5,75

SUR LES MARCHÉS OBLIGATAIRES INTERNATIONAUX, l’Afrique a le vent en poupe. Les émissions Eurobond (ayant l’euro comme monnaie de référence) nigériane (en janvier) et sénégalaise (en mai) ont connu un succès retentissant. Le Ghana et le Kenya sont également sur les rangs pour de nouvelles émissions. Pour les investisseurs internationaux, ce serait une bonne nouvelle. Car il existe à ce jour peu

d’opportunités : outre les dix listées ci-dessus, selon Ecobank, il existe également sept autres obligations Eurobond sud-africaines, une autre tunisienne, une autre marocaine, et deux autres émises par l’Égypte. Les crises ivoirienne et nord-africaines ont envoyé les taux de rendement à maturité à des niveaux très élevés en début d’année, par crainte du risque politique. Mais la situation s’est depuis stabilisée. ●

Valeur en vue DETTE IVOIRIENNE L’appétit est revenu NATURE Obligations internationales • TAILLE 2,3 milliards de dollars

ÉCHÉANCE 2032 • TAUX DE RENDEMENT À MATURITÉ 12 % (23.5.2011)

LES OBLIGATIONS INTERNATIONALES de Côte d’Ivoire sont des restructurations de dettes qui remontent aux années 1990. En défaut sur des emprunts contractés auprès de banques commerciales, le pays restructure et bénéficie d’un mécanisme de contrepartie de la part des États-Unis. En 2000, la Côte d’Ivoire fait défaut et peine à payer les intérêts jusqu’en 2008. Une nouvelle restructuration se conclut en septembre 2009. Jusqu’en novembre 2010, le prix de ces obligations restructurées est quasi stable. En décembre, il s’effondre et le taux de rendement à maturité Paul-Harry s’envole, passant de 12 % à près de 18 %. Le pays fait Aithnard de nouveau défaut fin décembre 2010 sur un paiement Directeur recherche d’intérêt de 30 millions de dollars. Depuis la résolution chez Ecobank Capital du conflit ivoirien, la prime de risque est retombée à son niveau antérieur, et l’appétit des investisseurs, notamment des hedge funds, est revenu. L’évolution dans les prochains mois dépendra de la capacité de l’État à payer la prochaine échéance, de 30 millions de dollars, en juin. » ●

D.R.

l’obtentiondecesnotes[de250000à 750 000 dollars, NDLR] de même que la méconnaissance de l’intérêt d’être noté font que certains pays sont réticents », relève Kodeidja Diallo, directrice du département finance et risque de la Banque africaine de développement. de AAA+, la meilleure, à D, la pire, ces notes tiennent compte de la stabilité politique, du taux d’endettement, des ressources naturelles et des perspectives de croissance des pays, et permettent aux banques d’affaires qui conseillent les

Marchés financiers - Spécial Obligations

STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE

N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Dossier

Finance

ENTRETIEN

Donald Kaberuka

Président de la BAD

NIGERIA

Nouvelle saison de mariages ?

L’heure des comp CRISES POLITIQUES

Les troubles en Afrique du Nord et en Côte d’Ivoire pèseront sur les résultats 2011 des banques. La hausse des créances douteuses et le ralentissement économique pourraient pénaliser leur activité. STÉPHANE BALLONG

P

our le secteur bancaire africain, 2011 devait être une bonne année. Une année qui devait confirmer, pour la plupart des établissements, le retour aux performances d’avant la crise économique de 2008, lequel a commencé à se dessiner en 2010. Mais c’était compter sans les crises sociopolitiques qui ont secoué un certain nombre de pays. En Côte d’Ivoire, en Égypte, en Libye et en Tunisie, les prévisions optimistes initiales ont cédé la place à de grandes

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incertitudes. Les résultats 2011 des banquesopérant dans ces pays en pâtiront. Au pays des Pharaons, les conséquences économiques de trois semaines de révolution se font déjà ressentir. Al Baraka Bank, l’un des principaux établissements islamiques du pays, a ainsi vu son profit du premier trimestre 2011 dégringoler de 43 % par rapport à la même période de 2010. Dans le même temps, la National Bank for Development a affiché une perte nette de 20 millions d’euros, soit un déficit deux fois plus important que celui enregistré au premier trimestre de l’année dernière. Les filiales des groupes étrangers sont aussi prises dans la tourmente. Le français Société générale évalue ainsi l’impact des crises en Côte d’Ivoire, en Tunisie et en Égypte à 60 millions d’euros. Et il ne s’agirait là que des premières conséquences. « C’est à la fin de l’année qu’on mesurera les effets réels de la crise sur les comptes des banques », affirme JEUNE AFRIQUE


INTÉGRATION

SÉNÉGAL

BOA change… mais pas trop

Premiers pas du Crédit libanais

Jelloul Ayed, Tope Lawani, Christian Adovèlandé

MÉTIER

Au service du client

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eux, la STB, la Société tunisienne de banque, dont la qualité des crédits accordés est jugée médiocre et les montants des fonds propres faibles. Depuis le début de l’année, plusieurs agences de notation ont abaissé les notes des banques tunisiennes. Successivement,CapitalIntelligenceetFitchRatings ont attribué des perspectives négatives à la STB pour ses réserves en devises et sa solidité financière. Toutefois, les experts estiment qu’il n’y a pas de quoi s’affoler. D’après Adnan Ahmed Yousif, PDG d’Al Baraka Bank, « les fondamentaux des banques d’Afrique du Nord dans leur ensemble sont assez solides pour leur permettre de passer ces périodes TRÉSORERIE TENDUE. Globalement, deux facdifficiles sans conséquences majeures ». Au besoin, teurs essentiels pèseront sur les résultats 2011 des banques. D’abord un risque plus élevé. Ces établis« certains établissements en Tunisie pourront sements « devront faire des provisions plus imporbénéficier d’un soutien de la Banque centrale », tantes pour couvrir les prêts non performants », estime de son côté Lilia Kamoun. estime Lilia Kamoun. En Tunisie, le montant des Mais qu’en sera-t-il des établissements de l’Union crédits accordés par le système économique et monétaire Depuis le début de bancaire au clan Ben Ali, et dont ouest-africaine (UEMOA), dont le recouvrement est incertain, le capital social est en général l’année, plusieurs est estimé à près de 1,3 milliard moins élevé ? La crise en Côte agences ont abaissé d’euros. À cela il faut ajouter le d’Ivoire, où sont implantés les les notes des fait que « le ralentissement écoprincipaux groupes de la sousbanques tunisiennes. région, vient fragiliser encore nomiqueprovoquéparplusieurs semaines de crise a fragilisé de plus le système bancaire. Une nombreusesentreprises,quineserontpluscapables étude du cabinet Standard & Poor’s, publiée le 17 mai, montre que les risques liés à l’exercice de de rembourser leurs dettes vis-à-vis des banques », l’activité bancaire dans l’UEMOA restent élevés. explique l’analyste de Tunisie Valeurs. « Même s’il est descendu l’année dernière à près Même situation en Côte d’Ivoire, où la crise de 17 %, le taux des créances douteuses est toupostélectorale a duré près de cinq mois et où les PME, dont la trésorerie est en général très jours important dans la zone, alors que le taux de leur recouvrement, estimé à 60 %, est modeste », tendue, sont restées fermées pendant plusieurs écrit le cabinet. semaines. De fait, pour ses activités en Tunisie et en Égypte, le français BNP Paribas a passé fin CROISSANCE EN BERNE. Outre le facteur risque, le mars une provision de 28 millions d’euros pour mauvaises créances. niveaudel’activitééconomiquedevraitpénaliserles comptesdesbanquesen2011.EnÉgypte,enTunisie Tous les établissements ne sont pas logés à la même enseigne: si les filiales des banques internaet en Côte d’Ivoire, les prévisions de croissance ont tionales peuvent bénéficier facilement du soutien été revues à la baisse. En Tunisie, on table sur un de leur maison mère, il n’en va pas de même pour taux de 1,5 % à 2 % en 2011 au lieu de 4 % à 5 %. Le les institutions locales. Ahmed El Karm, le directeur tourisme, secteur clé de l’économie dont certaines général d’Amen Bank en Tunisie, estime qu’il est banques comme la STB dépendent à plus de 50 %, encore trop tôt pour passer les provisions pour est en forte baisse depuis le début de l’année. En risque. « Avec les mesures qui sont en train d’être Côte d’Ivoire, la progression de l’activité économique sera quasi nulle. La situation sécuritaire mises en place par la Banque centrale [rééchelonnement des dettes], je ne pense pas que les encore fragile freine le retour des investissements provisions de cette année soient étrangers. Mais si ces pays parviennent à mettre significativement plus élevées », en place un contexte politique plus favorable, explique-t-il. Il n’empêche que l’activité économique pourrait repartir assez vite. certains établissements connaîEt l’activité des banques pourrait rebondir entre tront de graves difficultés. Parmi fin 2011 et début 2012. ●

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LUC GNAGO/REUTERS

tes

milliard d’euros

Le montant des crédits accordés par le système bancaire au clan Ben Ali, et dont le recouvrement est incertain. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

HICHEM

Lilia Kamoun, analyste chez Tunisie Valeurs. En Tunisie justement, pays paralysé pendant plus d’un mois par le soulèvement social, les indicateurs de performance de la plupart des banques sont encore en hausse. Par exemple, Attijari Bank Tunisie a annoncé un chiffre d’affaires en progression de 15 % par rapport au premier trimestre de 2010, à plus de 22 millions d’euros. D’après un autre analyste, « il y aura un temps de latence avant que l’impact de la crise se ressente sur les revenus de la plupart des établissements ».

Ý RÉOUVERTURE DE LA BIAO-CI après un arrêt de ses activités durant de longues semaines, le 28 avril à Abidjan.

JEUNE AFRIQUE

PORTRAITS


Dossier Finance ENTRETIEN

Donald Kaberuka

P RÉSIDENT

DE LA

BAD

« Les réformes économiques doivent mener à des réformes politiques » Solidarité Sud-Sud, partenaires asiatiques, négociations de contrats et implication de l’État… Le président de la Banque africaine de développement esquisse des solutions pour le continent.

A

ulendemaindelarévolution tunisienne, un exemple précis vient à Donald Kaberuka pour illustrer la complexité des relations qu’entretient l’Afrique avec les pays émergents. La Chine, souligne-t-il, ne s’est pas empressée d’aider la Tunisie face à sa baisse de régime au plan économique. Le modeste prêt de 150 millions d’euros alloué par l’Union européenne donnait pourtant à Pékin l’opportunité de surpasserencoreunefois l’Occident et de respecter ses promesses de solidarité Sud-Sud… Au bout du compte, ce sont la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale qui auront sauté sur l’occasion, offrant chacune à la Tunisie un prêt de 500 millions d’euros. « La Chine est intéressée par le pétrole et les minerais. Si vous n’avez ni l’un ni l’autre, elle ne s’empressera pas de vous venir en aide », résume le présidentdelaBAD,évoquantdes rapports qui sont bien loin de la théorie du « gagnant-gagnant ».

importante,maisl’Afriquen’apasde temps à perdre: « Pour rattraper la Chine,elleabesoind’unecroissance économiqueàdeuxchiffrespendant au moins vingt ans. »

« L’Afrique a besoin d’une croissance à deux chiffres. »

Pour aider le continent à tirer profit au mieux des partenariats avec l’Asie, la BAD a une double stratégie. La première est de profiter du savoir-faireetdesexpériencesdeces pays.Lasecondeestdes’assurerque les États africains obtiennent des accords intéressants lorsqu’ils négocient avec de nouveaux partenaires qui ont des vues sur les richesses brutes du milliards continent. « Les modèles de de dollars C’est le record croissance dans le monde sont historique en train de changer. Mais ce n’est atteint en 2009 que depuis les années 2000 que par les nousavonsconstatécetattraitdes approbations économies émergentes, souligne de la BAD et du Fonds Kaberuka. Il y a les pays du Golfe, africain de l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Indodéveloppement nésie et tous les pays membres du G20. Nous essayons d’apprendre DOUBLE STRATÉGIE. Donald de tout le monde. » Kaberuka est plus intéressé S’éloignerdumodèled’économie s par les avantages tangibles de marché libéral de Washington a m d r il liard millia 8 en 201 s étéune libération en soi. Le prix des que ces partenaires peuvent lui en 200 0 apporter. Si, il y a dix ans, la BAD denrées alimentaires est en train faisait appel aux entrepreneurs d’augmenter sous l’influence de la chinois dans seulement 20 % de nouvelle classe moyenne chinoise. E DEVELOPPE ses projets de routes, aujourd’hui Mais l’application stricte d’une ED M N EN AI les Chinois construisent 60 % des doctrine d’économie libérale, axes financéspar labanque.Les combinée à des programmes investisseurs européens pourd’ajustements structurels, a raient espérer que leurs entreempêché les agriculteurs preneurs nationaux aient droit africains de profiter des à « une part du gâteau » plus retombées de cette hausse

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des prix. « L’État doit s’investir davantage auprès des fermiers. Je ne suis pas pour les subventions à la consommation, mais je suis un fervent défenseur du soutien à la production par l’État, si besoin est. Comme au Malawi, par exemple, où les autorités ont mis en place un soutien à la production agricole, ciblé et limité dans le temps. » RICHESSES ACCAPARÉES. Le

président de la BAD pense qu’il y a aussi des leçons à apprendre des pays asiatiques. Mais il rejette l’idée de l’homme providentiel par qui viendra le salut. Il cite la Tunisie, parfait exemple de « dictature scientifique ». Elle a permis à 92 % de la populationtunisienned’accéderàla propriété, elle a assuré l’accès à l’eau et à l’électricité à 84 % des citoyens, elle a encouragé l’éducation des filles… ce qui n’a pas empêché le système d’exploser. « Cette révolution ne s’est pasfaiteuniquementau nom du pain. Elle s’est faite au nom de la liberté, contre la corruption d’un régime qui accaparait toutes les richesses. Certains croient

« Sous une dictature, le développement n’est pas durable. » que l’autoritarisme politique peut conduire au développement, mais ce développement ne sera jamais durable de cette manière. Arrivées à un certain point, les réformes économiques doivent mener à des réformes politiques. » Le problème du développement offert par les régimes autoritaires est qu’il ne bénéficie qu’à une infime élite, explique Donald Kaberuka. Pour illustrer sa foi en des réformes économiques qui profitent à tout le peuple, il prend l’exemple du Brésil.

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JEUNE AFRIQUE


Dossier le détournement de fonds publics. L’instance, qui propose ses conseils àdesprixcompétitifs,organiseaussi des stages de formation gratuits. Elle est entrée en activité il y a un an. Des pays comme la Tanzanie, l’Ouganda, le Niger, le Burkina et le Rwanda ont déjà fait appel à son expertise lors de la négociation de contrats complexes concernant des accords passés avec la Chine, l’Inde ou le Brésil, dans les secteurs de l’agroalimentaire, de l’énergie ou des mines. INTRANSIGEANT. Pour Kaberuka,

seuls des contrats mieux élaborés permettront à l’Afrique de mieux gérer l’attrait de ses partenaires pour ses ressources. « Cela ne peut pas êtrecommeenSierraLeoneoù,dans le passé, les investisseurs venaient et partaient, laissant derrière eux un grostroudanslaterre.»Lepatronde la BAD est tout aussi intransigeant envers les leaders africains, qui doiventgarantirlastabilitééconomique de leur pays. « Récemment, j’ai vu trop de gouvernements annuler des contrats signés par leur prédécesseurs. Cela tue la confiance des investisseurs. »

VINCENT FOURNIER/J.A.

« Il faut préserver la confiance des investisseurs. »

Le pays a réussi à garantir la stabilité sous le mandat du président FernandoHenriqueCardoso,etLuiz Inácio « Lula » da Silva a encouragé l’intégrationsocialeetunemeilleure répartition des richesses. « Lula a mis en place des filets de sécurité sociaux. N’importe quel pays aux revenus moyens qui ne garantit pas l’intégration sociale se retrouve piégé. Les problèmes surgissent quandcertainsgroupesdelasociété vont de l’avant et que d’autres se retrouvent abandonnés derrière. » JEUNE AFRIQUE

La clé pour tirer profit au mieux desaccordsaveclespaysémergents, explique Kaberuka, c’est de s’assurer que les contrats concernant l’exploitation des ressources ont été mis au point par des professionnels hors pair. Il faut aussi que les États s’assurent que ces contrats sont respectésetmisenapplication.LaBAD a ainsi lancé la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF), une instance indépendante dont l’objectif est d’aider les pays lors de la négociation des contrats et de combattre

POUR L’ANCIEN MINISTRE RWANDAIS

FINANCES, il est nécessaire d’encourager l’intégration des marchés africains. DES

Mais pour commencer, préciset-il, il faut assurer une meilleure gouvernance et encourager l’intégration des marchés africains, pour que chacun puisse profiter de la diversité du continent et de ses économies d’échelle. L’Afrique doitconnaîtreuneintégrationrégionale pour être capable de mieux négocieravecsespartenairesetfaire décoller son économie. « Si vous additionnez les réserves de devises étrangères des pays africains, elles sont plus importantes que celles de l’Inde!»Lanaturedelacroissanceet laredistributiondesrichessesqu’elle engendre sont essentielles, insistet-il. L’intégration sociale n’est pas un luxe, c’est une condition nécessaire au développement. ● NICHOLAS NORBROOK et PATRICK SMITH, The Africa Report N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Dossier Finance NIGERIA

Une nouvelle saison de mariages? Access Bank et First City Monument Bank rachètent deux établissements en difficulté. Leurs confrères restent pour l’instant attentistes, tout comme les institutions étrangères.

D

es hauts, des bas, des bulles et des crises : le secteur bancaire nigérianabeauêtreunfidèle adepte du capitalisme débridé venu des États-Unis, il ne s’en sort pas si mal. Et de la sévère crise qui l’a frappé depuis deux ans, le voilà qui pourrait bien désormais tirer profit. Des dix banques mises au tapis à la suite d’un audit général, avant d’être sauvées par une injection massive de liquidités de la part de la Banque centrale, deux ont redressé seules la barre. Les autres ont été priées par le gouverneur, Lamido Sanusi, de présenter un programme de recapitalisation dont les grandes lignes commencent à être connues. IntercontinentalBank, la neuvième banque par le total de bilan, va ainsi s’adosser à Access Bank, la septième, pour créer un groupe bancaire affichant près de 9 milliards de dollarsdetotaldebilan(environ 6,3 milliards d’euros). Une bonne opération pour Access car, entretemps, Intercontinental Bank se sera déchargé de ses actifs douteux auprès de l’Asset Management Corporation of Nigeria (Amcon), qui réalise d’ailleurs cette opération auprès de toutes les banques. First City Monument Bank (FCMB) a également annoncé son intention de recapitaliser puis de racheter une autre banque en difficulté, FinBank. L’opération permettra à FCMB, jusqu’à présent orienté D.R.

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vers le corporate et la banque d’investissement, de rentrer dans le top 10 nigérian et, mieux encore, de développer une stratégie retail aujourd’hui très limitée. En revanche, Oceanic Bank, sixième acteur du marché et donc le plus important des établissements en difficulté, et First Bank of Nigeria, le numéro un, ont renoncé officiellement à se regrouper. Semblant donc mettre un terme à un nouveau round de consolidation entre banques, du type de celui qui, en 2005 et 2006, avait fait passer le nombre d’institutions en activité de 92 à 26. Une telle évolution est-elle aujourd’hui probable ? L’ampleur

des difficultés qu’ont connues les banques nigérianes reste un frein à la consolidation. Parmi les leaders, plusieurs – Diamond Bank, Guaranty Trust Bank, Skye Bank, United Bank for Africa et Zenith Bank–ontannoncénepasêtrecandidats à la reprise d’établissements en difficulté. Leurs priorités sont ailleurs : gérer leur propre redressement et éviter des opérations de rachat aux débouchés incertains. Du coup, les capital-investisseurs se sont engouffrés dans la brèche, profitant de la passivité des grandes banques. Union Bank of Nigeria recevra ainsi 750 millions de dollars d’un consortium mené par African

Avec African Capital Alliance et Vine Capital Partners, le « private equity » s’engouffre dans la brèche. Capital Alliance. Afribank touchera quant à lui 387 millions de dollars de Vine Capital Partners et d’autres partenaires financiers. RIEN N’EST FIGÉ. Reste une inconnue: le comportement des banques étrangères, qui sont restées pour l’instant à l’écart des opérations de rachat. Le sud-africain Standard Bank, qui possède déjà un établissement de taille moyenne, Stanbic IBTC, en profitera-t-il pour se hisser parmi les plus importantes banques du pays ? Surtout, son compatriote FirstRand, qui a annoncé ses intentions de se développer hors d’Afrique australe, cherchera-t-il à reprendre une banque nigériane défaillante ? Cela paraît désormais peu probable. Mais rien n’est encore totalement figé. « Le secteur bancaire nigérian est très concurrentiel, et les stratégies défensives et de rétention de parts de marché devraient naturellement faire surface en réponse aux changements en cours », conclut Adesoji Solanke, analyste bancaire pour Renaissance Capital. ● FRÉDÉRIC MAURY

Ý FIRST BANK (à d.) a renoncé à s’allier avec Oceanic Bank. UNION BANK (à g.) recevra de son côté 750 millions de dollars de capital-investisseurs. JEUNE AFRIQUE


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Dossier Finance INTÉGRATION

BOA change… mais pas trop Aux commandes de Bank of Africa depuis le 1er janvier, le groupe marocain BMCE Bank n’entend pas faire de révolution. Il met la priorité sur le renforcement de la bonne gouvernance et la maîtrise des risques.

L

e 6 mai, à Casablanca, Mohamed Bennani passait son grand oral. PDG de Bank of Africa (BOA) depuis quatre mois, il présidait son premier conseil d’administration. Non loin de lui, BrahimBenjellounTouimi, désormais numéro deux du marocain BMCE Bank, l’actionnaire majoritaire de BOA. Mais aussi Paul Derreumaux, fondateur du groupe panafricain il y a trois décennies et son patron jusqu’à la fin de l’année dernière. Le moment est crucial pour Mohamed Bennani. Son prédécesseur a conclu son long mandat par de nouveaux succès et lui a laissé une belle machine : rien à voir avec la « banque-casino » et les placements trop risqués proposés par beaucoup d’institutions internationales et même, désormais, par des établissements africains, notamment au Nigeria. PAS DE RUPTURE. Le produit net

bancaire a augmenté de 24 %, à 202 millions d’euros. Les bénéfices ont progressé d’un peu moins de 30 %, à 44,5 millions d’euros. Surtout, et même si l’année 2009 avait été bien moins bonne, le groupe n’a pas été frappé, comme nombre de ses confrères subsahariens, par un effondrement des résultats et des ratios. Il a prouvé sa solidité tout en poursuivant sa politique d’expansion territoriale prudente, avec le rachat d’établissements à Djibouti et au Ghana et une nouvelle implantation en RD Congo. Il est désormais présent dans quatorze pays subsahariens. Tout cela, Mohamed Bennani le sait. Pas question pour lui de prôner une quelconque rupture avec le passé. « Depuis son entrée au capital de BOA, BMCE ne déroge N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

pas à cette logique de partenariat, explique un banquier subsaharien. Ce n’est pas une prise de contrôle hostile, il n’y a aucune volonté de révolutionner un groupe bancaire qui, s’il a encore beaucoup de marge de progression, a montré sa viabilité. » VENTS DIFFICILES. Pour l’action-

naire marocain, il y a deux chantiers principaux. Le premier est le seul à susciter l’inquiétude parmi les membres du conseil d’administration. Dans tous les esprits plane la décision de l’agence de notation Fitch Ratings, début avril, de placer sous surveillance la note des filiales béninoise et nigérienne, cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan, et très liées à l’économie ivoirienne, en crise. Au détour de son rapport, l’agence a lâché que l’exposition de BOA Bénin, la plus importante filiale du groupe, représentait 1,57 fois le capital de la banque… De quoi craindre un défaut important de la Côte d’Ivoire sur sa dette. Malgré ces vents difficiles, le groupe se veut rassurant auprès de ses actionnaires. Mais aujourd’hui encore, difficile d’en savoir davantage quant à la santé de BOA Côte d’Ivoire – la troisième de ses filiales par le total de bilan – et des autres banques du groupe exposées aux risques ivoiriens. Au-delà de ces difficultés conjoncturelles qui pourraient lourdement impacter la performance de BOA pour 2011, il existe un autre chantier pour l’actionnaire marocain, mais à moyen terme : celui de la gouvernance. Premier objectif : renforcer le holding de tête du groupe, basé juridiquement au Luxembourg et physiquement au Mali. Créé à

l’origine uniquement pour gérer les participations des fondateurs du groupe, sous le nom d’African Financial Holding, il n’a jamais réellement joué un rôle de holding bancaire, d’où la multiplication des participations croisées au sein du groupe. Devenu BOA Group il y a quelques années, il devrait voir son rôle se renforcer. Tout d’abord en augmentant considérablement, et en plusieurs étapes, ses fonds propres. Mais également en s’étoffant. « Quatre directions nouvelles ont été créées au sein du holding, notamment dans l’audit et le contrôle de gestion, explique un administrateur. La volonté est de renforcer la gouvernance et les bonnes pratiques. » Les équipes ne sont pas en cause. Contrairement à son concurrent marocain, Attijariwafa Bank, qui

« BMCE ne déroge pas à sa logique de partenariat. Ce n’est pas une prise de contrôle hostile. » UN BANQUIER SUBSAHARIEN

Dernière actu

Le 17 mai, la Banque européenne d’investissement a accordé un prêt de 10 millions d’euros à Bank of Africa pour financer le développement de son réseau dans les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine

place systématiquement à la tête de ses filiales africaines un manager issu de ses propres rangs, BMCE joue la carte locale. Depuis sa prise de commande, Mohamed Bennani n’a pas fait débarquer une armada de managers marocains dans les couloirs de BOA. Seul compte pour lui la mise en place de procédures modernes de contrôle des risques à tous les niveaux. BUSINESSMEN LOCAUX. Le nou-

vel actionnaire majoritaire semble aussi avoir intégré la stratégie capitalistique de Bank of Africa. Les partenaires historiques que sont les agences de développement française Proparco et néerlandaise FMO restent de solides appuis. De la même manière, BMCE n’entend pas, à ce jour, dévier d’un grand axe : l’association avec des hommes d’affaires locaux. BOA a en effet toujours compté de puissants chefs d’entreprise à son capital : Yérim Sow (Sénégal), Boureïma Wankoye (Niger), JoséDominique Loko (Bénin) ont un JEUNE AFRIQUE


Dossier santé insolente, ne devrait rien changer à ce principe de prudence. Peu probable donc de voir BOA débarquer au Nigeria. En revanche, tous les observateurs du monde bancaire scrutent son déploiement en Afrique centrale francophone, après le premier pas en RD Congo. Des implantations au Cameroun, au Gabon, au Tchad et en Centrafrique permettraient enfin au groupe de faire le pont entre ses deux grandes zones d’implantation : l’Union économique et monétaire ouest-africaine et l’Afrique de l’Est anglophone, Madagascar en plus.

CÉCILE TREAL POUR J.A.

PRUDENCE. Le groupe doit également densifier son réseau. À l’exception des filiales malgache et béninoise (une Ý MOHAMED centaine d’agenBENNANI, ces à elles deux), nouveau PDG de la plupart de ses l’institution entités ne dispopanafricaine. sent que d’une quinzaine de succursales chacune. Le développement de ce réseau sera l’une des conditions du succès commercial de BOA. Le groupe, qui a déjà dopé ces dernières années son offre à destination de la classe moyenne africaine, compte notamment sur l’activité habitat pour croître. Restera alors à mettre en place l’étage supérieur de la fusée: le rapprochement annoncé entre BOA et BMCE Bank International, qui porte depuis Londres les activités de marché à l’échelle mondiale et intégrera également à ses activités la banque de détail en Europe. Un étage pour l’instant bien lointain. BMCE Bank International reste un trou financier et a littéralement plombé les comptes de BMCE en 2009 et 2010. Difficile donc de croire, au moins à court terme, qu’un rapprochement puisse avoir lieu entre un groupe qui a fait ses preuves et délivre chaque année des performances plutôt régulières, et une institution londonienne qui s’est cassé les dents sur les marchés financiers. Encore une histoire de lutte entre l’institution prudente et la banque-casino ! ●

jour, parmi bien d’autres, figuré au tour de table du groupe. BMCEpoursuitl’histoire.Samuel Dossou Aworet, négociant international et ex-« Monsieur Pétrole » de feu Omar Bongo Ondimba, a ainsi réinjecté 1,5 million d’euros dans BOA au moment même où BMCE en prenait le contrôle. Avec environ 4 % du capital, il est désormais le principal actionnaire individuel du groupe, après le fondateur, Paul Derreumaux. Le Malien Mossadeck Bally, patron de la chaîne hôtelière Azalaï, est également de la partie, de même que la famille de l’ancien président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Aboubacar Baba Moussa. JEUNE AFRIQUE

Tout en gardant ses « partenaires » locaux, BMCE semble toutefois décidé à disposer désormais de la majorité du capital de ses filiales, ce qui n’a pas toujours été le cas, loin s’en faut. Depuis 2010, BOA Group dispose ainsi de plus de 50 % des parts de BOA Bénin. Et il a pris directement le contrôle majoritaire d’AmalBank, au Ghana. L’implantation dans ce pays ouest-africain anglophone était à l’étude depuis longtemps. Elle illustre à merveille la stratégie du groupe : acheter des établissements de taille moyenne sur des marchés où les prix restent encore accessibles. BMCE, dont les comptes n’affichent pas une

FRÉDÉRIC MAURY N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Dossier Finance Ý LA PREMIÈRE AGENCE a ouvert ses portes en juillet 2010.

à terre, dans un secteur où la relation commerciale est d’abord basée sur la confiance plutôt que sur la nostalgie.

AHOUNOU/APANEWS

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SÉNÉGAL

Premiers pas du Crédit libanais Aucun groupe bancaire du pays du Cèdre n’avait encore implanté une filiale au sud du Sahara. Depuis un an, c’est chose faite, à Dakar. La nouvelle enseigne se veut ouverte à tous, mais son point fort reste la diaspora.

L

a communauté économique libanaise de Dakar s’est agrandie d’un nouveau membre de poids, le Crédit international. Cette filiale du groupe Crédit libanais (lire encadré), de Joseph Torbey, a ouvert ses portes il y a un peu moins d’un an, en juillet 2010. Une première en Afrique pour une banque libanaise. Car si l’argent généré par l’activité des compagnies de la diaspora a toujours été dragué par des établissements financiers basés au pays du Cèdre, aucun n’avait encore franchi lepasetouvertuneantennedansun pays d’Afrique subsaharienne. « Les banquierslibanaisviennentrégulièrement dans les pays pour récolter les fonds et maintenir le contact, expliqueAnwarAbou-Jaoudé,directeur général de Crédit international au Sénégal. Mais désormais nous pouvons proposer un véritable suivi de nos clients et des produits adaptés à leurs besoins. » Il ne s’agit pas d’être une banque libano-libanaise. L’établissement, N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

qui dispose d’un des capitaux sociaux les plus élevés du pays avec 10 milliards de F CFA (15,2 millions d’euros), s’adresse à tout le monde. « Nous avons dans notre actionnariat toutes les nationalités, nous recrutons du personnel sénégalais car le pays a beaucoup de compétences et, même si nous invitons tous les Libanais de Dakar à nous rejoindre, notre portefeuille client est aujourd’hui à 50 % non libanais, assure Anwar Abou-Jaoudé. Nous voulons allier l’expérience libanaise aux compétences sénégalaises. » Une position très terre

PLATEFORME RÉGIONALE. Le réseau d’agences est amené à se développer rapidement, avec l’objectifd’acheteretd’ouvriruneàdeux succursales d’ici à la fin de l’année. « Il doit y avoir de plus en plus de guichets si nous voulons augmenter le taux de bancarisation », estime de manière générale Anwar AbouJaoudé. La banque, qui vise quelque 1 500 clients (particuliers et sociétés), affiche déjà 7 milliards de F CFA de dépôts au premier trimestre 2011, et 500 clients. Une croissance « satisfaisante » mais « relativement lente », que le directeur général explique par la culture même du pays. Le constat d’une Afrique plus stable et émergente a décidé le groupe à venir poser les bases de ce qui devrait devenir une plateforme pour le reste de la sous-région. « Le Sénégal représente la porte d’entrée deCréditinternationalenAfriquede l’Ouest », a déclaré Joseph Torbey. Le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Nigeria figurent parmi les prochains pays qui pourraient voir ouvrir une antenneduCréditlibanais(toujours sous l’enseigne de Crédit international) à partir de 2012. « L’Afrique a énormément de ressources, c’est le grenier du futur, assure Anwar Abou-Jaoudé. Il faut donner aux investisseurslasécuritéetlastabilité d’un établissement qui a déjà fait ses preuves. C’est le cas du système bancaire libanais. » ● MICHAEL PAURON

NUMÉRO TROIS À BEYROUTH FONDÉ EN 1961, le Crédit libanais est le troisième réseau bancaire du pays du Cèdre, avec 5 % de part de marché et plus de 280 000 clients. En août 2010, la banque égyptienne EFG Hermes a payé plus de 425 millions d’euros pour acquérir 65 % de l’établissement, aujourd’hui dirigé par le septuagénaire JosephTorbey, par ailleurs président de l’Association des banques libanaises. Basé à Beyrouth, le groupe possède des filiales à Oman, à Dubaï, et désormais à Dakar. Il a publié un bénéfice net consolidé de 60 millions d’euros en 2010, en hausse de 50,3 %. Les dépôts des clients ont totalisé 4,3 milliards de dollars, M.P. en hausse de 17,2 %. ● JEUNE AFRIQUE



Banque Gabonaise de Développement

Du développement à l’émergence À 50 ans révolus, la Banque Gabonaise de Développement (BGD) entreprend une nouvelle phase de progrès et inscrit son action dans la politique nationale du Gabon.

Créée en 1960, la Banque Gabonaise de Développement (BGD) est aujourd’hui en Afrique subsaharienne l’une des dernières banques de développement qui respecte ses missions originelles : le financement du développement économique et de la lutte contre la pauvreté. Ses consœurs ont disparu ou sont devenues des banques commerciales. La BGD, pour sa part, a réussi à maintenir et accroître ses activités dans différents secteurs de l’économie et de prêts ciblés aux particuliers et aux entreprises. Le soutien de l’État, qui détient 69 % du capital, et ceux de ses autres actionnaires, parmi lesquels la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), l’Agence française de développement (AFD) ou encore son homologue allemande (DEG) ne lui ont jamais fait défaut.

Renforcement des actions auprès des collectivités locales et des PME Le réseau couvre l’ensemble

Forte de cette confiance, la BGD inscrit aujourd’hui son action dans le droit fil de

du pays.

Ci-contre, le siège social de la BGD, à Libreville. De haut en bas, les agences de Franceville, Lambaréné et Mouila.


Pour mener à bien ses nouvelles missions, la BGD peut compter sur le professionnalisme de ses équipes. Celles-ci disposent d’un réel savoirfaire en matière de financement des PME. Elles ont démontré leur capacité à les conseiller sur l’élaboration du dossier de prêt et à les accompagner quand le financement se met en place. Ces compétences seront renforcées, tout comme l’appui aux collectivités locales. La BGD, qui est déjà un interlocuteur apprécié par les institutions financières internationales, dont certaines sont ses actionnaires, est en position centrale pour élaborer, avec les municipalités ou les régions, des montages financiers innovants.

Une banque unique en son genre Publique, la BGD n’en est pas moins une banque au sens strict et moderne du terme. Comme ses homologues dans le pays,sa gestion et ses procédures observent la règlementation inter-

nationale, appliquée au plan régional par la Cobac (Commission bancaire d’Afrique centrale). Elle est même la seule banque gabonaise à s’être soumise à la notation de ses engagements par l’un des organismes internationaux les plus en vue, Fitch Rating, qui l’a qualifiée AB+ pour le long terme et AB pour le court terme.

DIFCOM/Creapub - © : DR

la politique du « Gabon émergent », lancée par le présidentAli Bongo Ondimba dès la campagne électorale qui l’a mené à la magistrature suprême, le 30 août 2009.Tout en maintenant ses activités historiques, la Banque Gabonaise de Développement accentue sa stratégie en faveur de deux types de clientèles : les collectivités locales et les entreprises. Pour les premières, il s’agit d’appuyer le montage financier de leurs projets structurants (routes, logements, équipements…). Quant aux secondes, qui représentent déjà un tiers de son portefeuille de prêts, la BGD entend étendre son dispositif afin d’intervenir auprès d’un nombre croissant de Petites et moyennes entreprises (PME), dont l’essor est souvent freiné par l’absence de considération de la part des circuits bancaires traditionnels. Afin d’appuyer son action auprès des PME, l’État gabonais a transmis à la BGD la gestion de deux fonds d’investissement publics : le Fonds d’expansion des PME (Fodex) et le Fonds de garantie et d’aide (Faga).

La BGD peut également s’appuyer sur une présence effective sur le territoire gabonais grâce à un réseau de 8 agences et 1 bureau qui couvrent les 9 provinces du pays, y compris deux d’entre elles où aucune autre banque n’est implantée. Ce maillage fait de la BGD l’interlocuteur de choix des PME et des collectivités locales dans l’ensemble du pays. Capitalisant sur son expérience et sa position originale dans le paysage bancaire, la Banque Gabonaise de Développement apporte une nouvelle fois, plus de 50 ans après sa création, sa contribution à l’avenir du Gabon.

Au cœur du développement... Banque Gabonaise de Développement BP 5 – rue Alfred Marche, Libreville, Gabon Tél. : (241) 76 24 29 Fax : (241) 74 26 99 www.bgd-gabon.com

Communiqué

Roger Owono Mba Administrateur Directeur Général Nommé début 2011 à la tête de la BGD, venant du ministère de l’Économie, où il était Directeur général de l’industrie et de la compétitivité. Il a notamment géré la réorganisation de la Chambre de commerce et d’industrie, désormais intégralement dirigée par le secteur privé, et la réforme de l’Agence de promotion des investissements privés (Apip). Roger Owono Mba était auparavant Directeur général adjoint de la première banque privée du Gabon.


Dossier Finance du Cameroun. Puis elle noue un partenariat avec le groupe panafricain Bank of Africa et en devient l’un des principaux actionnaires. Natexis tourne également autour delaBanqueinternationalearabe de Tunisie (Biat), qui cherche alors un actionnaire institutionnel sur lequel s’appuyer.

STRATÉGIE

BPCE en ordre de bataille

La présence du géant français en Afrique est un legs des Banques populaires et des Caisses d’épargne, réunies en 2009. Aujourd’hui, l’heure est à la mise en musique d’une véritable partition internationale.

U

n milliard d’euros : c’est le magot dont dispose officiellement BPCE pour sa croissance mondiale. Et le deuxième groupe bancaire français compte l’utiliser en priorité sur deux zones, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique subsaharienne, où les établissements restent à des prix abordables. La nouvelle a fait du bruit en France, pas tellement en Afrique. Sans doute parce qu’à la différence de ses confrères hexagonaux Société générale et BNP Paribas, ou même africains, comme Attijariwafa Bank, BPCE a tout d’une inconnue au sud de la Méditerranée. La faute à sa relative jeunesse, le groupe étant né sous sa forme actuelle en juillet 2009, à l’occasion du rapprochement des Banques populaires et des Caisses d’épargne. En outre, le parcours africain de BPCE est jusqu’à présent loin d’être une réussite. Son principal actif sur le continent est marocain, mais le Crédit immobilier et hôtelier (CIH, un peu moins de 24 % du capital) n’est pas vraiment un cadeau : la filiale n’a rapporté à BPCE que 2 millions d’euros de bénéfices en 2010. En redressement depuis plusieurs années, même si l’établissement se porte mieux aujourd’hui, le CIH n’a pas réussi sa transformation de banque de l’habitat en banque généraliste. Et, alors qu’il figure sur la liste des entreprises à privatiser cette année, il n’est même pas certain que BPCE cherche à l’acquérir. SANS COHÉRENCE . Derrière

le CIH en termes de produit net bancaire, deux établissements d’Afrique centrale : la Banque internationaleduCamerounpour l’épargne et le crédit (Bicec) et la Banque commerciale internationale (BCI) au Congo-Brazzaville. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

CONCURRENCE INTERNE. Début

GUILLAUME CLÉMENT/MAXPPP

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Mais le groupe est aussi présent à Maurice, avec la Banque des Mascareignes, et en Tunisie, avec la Banque tuniso-koweïtienne, acquise en 2008 (60 % du capital). Autant de filiales qui ne sont en fait que les héritages du passé international des Caisses d’épargne et des Banques populaires, lequel ne brille pas par sa cohérence… Les Caisses d’épargne misaient surtout sur l’outre-mer français. Les Banques populaires, en revanche, semblent avoir déployé en dix ans une véritable stratégie africaine. En 1999, le groupe investit l’Algérie et en devient rapidement l’une des plus dynamiques banques étrangères. Sa structure centrale de l’époque, Natexis Banque populaire, rachète presque au même moment la Bicec, première banque

Pour financer sa croissance mondiale, le groupe hexagonal dispose officiellement d’un MAGOT DE 1 MILLIARD D’EUROS.

2011, il ne reste plus grand-chose de tout cela. Plus de lien avec Bank of Africa ni avec la Biat. La Bicec n’a cessé de reculer dans le palmarès des banques camerounaises, et Natexis Algérie est toujours dans une situation incertaine : bien que le principe soit acté et même le prix fixé, la filiale n’a toujours pas été intégrée dans le holding de pilotage des participations du groupe hors métropole, baptisé BPCE International & OutreMer. Hypothéquant d’autant son avenir. Pire : la concurrence interne au sein du groupe, phénomène pas si rare dans les structures mutualistes, se poursuit. « Certaines des banques qui composent le groupe n’ont pas abandonné leur tradition d’internationalisation, explique un employé. C’est le cas notamment de la Bred ou de la Caisse d’épargne Provence-AlpesCorse. » Deux établissements de poids au sein du groupe, que d’aucuns pourraient considérer comme des « mauvais joueurs ». Au moment même où BPCE faisait état de ses ambitions africaines, la Bred négociait en coulisses la reprise de la filiale malgache de BNP Paribas. « Nous cherchons des petits plus en termes de croissance en acquérant des parts dans des banques de taille moyenne

Son principal actif est marocain, mais le Crédit immobilier et hôtelier n’est pas un cadeau… à l’international », concède un employé de la Bred. Quitte à piquer des cibles potentielles au groupe BPCE. C’est ce qui s’appelle jouer perso. ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE


LA ROUTE DU FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT DANS L’UEMOA PASSE PAR LA BOAD

D

epuis 38 ans, la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) travaille conformément aux missions qui lui sont dévolues par ses statuts au développement équilibré des Etats de l’UEMOA. A leur côté, ce sont plusieurs centaines de kilomètres de routes, des ponts, des aéroports, des ports, des zones agricoles, des barrages, des centres de production d’eau potable, des réceptifs hôteliers, des réseaux de télécommunications qui ont été financés pour le bénéfice des populations. Les 90 000 000 d’habitants que compte l’espace régional empruntent, se rencontrent, se servent, évoluent tous les jours dans un environnement financé en partie par la BOAD. Les entreprises du secteur privé renforcent leur capacité de production, s’étendent, se modernisent grâce au concours de la BOAD qui met à leur

disposition un certain nombre de produits et services à des conditions étudiés dans le cadre de ses missions. La BOAD est le partenaire privilégié du secteur bancaire qui trouve auprès de l’institution des mécanismes de refinancement utiles pour mettre en place des concours pour les populations et les entreprises de ses Etats membres. Aujourd’hui, de nouveaux horizons ont été dégagés par le plan stratégique 2009-2013 qui a figé les objectifs de l’institution sur 5 ans, ceux-ci ont été renforcés par une nouvelle Déclaration de Politique Générale qui autorise entre autres, à mettre en place des accompagnements sur le court terme. Afin d’accroître sa capacité de mobilisation de ressources et répondre aux besoins sans cesse croissants de ses

Etats membres et du secteur privé de l’UEMOA, la BOAD a clôturé ses comptes au 31 décembre 2010 suivant les normes comptables internationales IAS/IFRS. De nouveaux produits tels que le crédit de campagne, l’assurance récolte pour le monde agricole, le conseil financier pour les Etats et le secteur privé, le financement d’activités nouvelles et innovantes dans les domaines de l’environnement, des énergies propres renouvelables et alternatives, du traitement des déchets ménagers, industriels ou biomédicaux vont permettre de plus en plus à l’institution de jouer pleinement son rôle de partenaire stratégique des Etats et des Entreprises au service du développement de la Sous-région.

A la BOAD, nous avons des valeurs à partager

B.P. : 1172 Lomé TOGO - Tél.: +228 221 59 06 / +228 221 42 44 - Fax : +228 221 52 67 / 221 72 69 - site web : www : www.boad.org - E-mail : boadsiege@boad.org


Dossier Finance Ý Selon DAVID RUBENSTEIN, fondateur du groupe, « l’Afrique n’est pas pour ceux qui se découragent facilement ».

VERNIER/JBV NEWS

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CAPITAL-INVESTISSEMENT

Attention, Carlyle débarque! Le géant américain du « private equity » veut lever un fonds de plus de 500 millions de dollars destiné à l’Afrique. Mais il reste pour l’instant modeste en matière de recrutements.

L

a rumeur courait depuis plusieursannées.Maisdans le monde du private equity, où peu de place est laissée au hasard, la décision aura pris un peu de temps pour se matérialiser. Après avoir pris pied au nord du continent et au Moyen-Orient, Carlyle débarque au sud du Sahara. Avec son pedigree: 100 milliards de dollars sous gestion (environ 70 milliards d’euros), près de 65 milliards investis au cours de 1 015 transactions, une présence internationale jusqu’en Chine et en Australie, et 900 employés dans 19 pays ! Mais le nom de Carlyle est aussi synonyme d’une interminable polémique sur le big business et la politique. Une affaire longtemps entretenue par le capital-investisseur lui-même en embauchant, comme conseillers le plus souvent, un nombre relativement important de responsables politiques de premier plan: les Bush père et fils, l’ancien Premier ministre britannique John Major, l’ex-Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, mais aussi, entre autres, un ancien président philippin, un ancien N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

annoncé son intention de disposer d’un fonds pour l’Afrique. À ce titre, le coup de projecteur apporté par Carlyle pourrait changer l’image du continent auprès des financiers, surtout si le deuxième capital-investisseur mondial (par les actifs gérés) transforme l’essai et boucle de belles – et rentables – opérations dans le futur. Il vient pour cela d’initier la levée d’un fonds pour une taille comprise entre 500 millions et 750 millions dedollars.Unmontantmodestepar rapport aux fonds habituellement gérés par Carlyle et étant donné le nombre des investisseurs avec qui il a l’habitude de travailler. DIRIGEANTS LOCAUX. Le groupe

américain a en parallèle recruté une équipe dirigeante locale : le Sud-Africain Danie Jordaan, venu d’Ethos, a une vingtaine d’années d’expérience ; Marlon Chigwende, qui jusque-là dirigeait les activités africaines de capital-investissement de Standard Chartered, et Genevieve Sangudi, patronne des

secrétaire d’État américain à la Défense… La liste est longue et entretient sa réputation de firme basée sur des réseaux politiques. Il y a donc fort à parier que si Carlyle met un jour en place un comité consultatif destiné à l’Afrique, il Verra-t-on d’anciens ministres le truffera d’anciens présidents africains dans un futur comité ou ministres africains, ou de consultatif destiné au continent ? ministres européens en charge du développement… « L’arrivée de Carlyle est une opérations au Nigeria d’Emerging bonne nouvelle car elle place Capital Partners, complètent le trio l’Afrique au cœur de la scène de direction. mondiale », juge Jean-Marc Savi « C’est une équipe avec un profil de Tové, directeur de portefeuille intermédiaire : ni des juniors ni en charge de l’Afrique au sein de de très grands confirmés, ce qui l’agence de développement brimontre que Carlyle veut avanmilliards de dollars tannique CDC, et à ce titre cer prudemment, explique un sous gestion financier. Mais je ne doute investisseur dans la plupart milliards de dollars pas que la machine se mettra des grands fonds de private investis au cours de 1 015 rapidement en action, avec equity du continent. Certes, transactions certains géants du métier ont une capacité d’exécution et de déjà un pied en Afrique, via des négociation hors du commun, employés sociétés en portefeuille. C’est des techniques de modélisation dans 19 pays le cas, par exemple, de Warburg financière, des conseils juridiques Pincus ou de Blackstone, qui souet, surtout, une intensité du suivi tiennent depuis plusieurs années des participations. » Autrement Kosmos Energy, l’un des exploidit, Carlyle est tout sauf un investants du champ Jubilee au Ghana. tisseur passif. ● Mais aucun n’avait jusqu’à présent FRÉDÉRIC MAURY

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JEUNE AFRIQUE



Dossier Finance PORTRAITS

Ils ont (déjà) marqué 2011

Que ce soit par leur prise de fonctions ou par des opérations financières remarquées, ces trois hommes ont défrayé la chronique depuis le mois de janvier. Parcours.

Jelloul Ayed révolutionne sa carrière Ministre tunisien des Finances, 60 ans

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lus qu’un retour aux sources, c’est ce qu’on appelle une renaissance. Lorsque Jelloul Ayed est choisi comme ministre des Finances de Tunisie, fin janvier, il sauve aussi sa tête. Depuis de longs mois, la presse marocaine le disait en effet partant de BMCE Bank, dont il était depuis plusieurs années l’un des principaux dirigeants. Guerre de clans, rivalités intestines et, surtout, échec à rentabiliser les Sa mission activités londoniennes du récolter les groupe… Tout laissait penser à un prochain départ de Jelloul Ayed de la deuxième banque privée marocaine. Lorsqu’il accède au goumilliards d’euros vernement Ghannouchi de dont le pays l’après-Ben Ali, il est toutea besoin pour fois auréolé d’une tout autre repartir du réputation. Avec Mehdi bon pied Houas et Elyès Jouini, il fait en effet partie de cette nouvelle vague de ministres issus des milieux d’affaires. Diplômé aux États-Unis, il a fait sa carrière dans la banque d’affaidiscrétion médiatique qui ne nuit nulleres, d’abord chez Citibank puis en tant ment à son efficacité. que patron de BMCE Capital, la banque L’homme a ainsi ajouté cette année une d’investissement du groupe marocain, nouvelle casquette à son personnage. À ce basée à Londres. Il est donc libre de toute jour, on lui en connaît donc trois: ministre, influence politique et, a priori, de tout lien banquier et… musicien. De cette dernière, avec l’ancien régime.

2,5

TROIS CASQUETTES. Depuis, il résiste aux crises. Celle, politique, qui continue d’agiter le pays depuis plusieurs mois : nommé par Mohamed Ghannouchi, il a depuis été reconduit par le nouveau premier ministre Béji Caïd Essebsi. Celle, économique, qui frappe la Tunisie: baisse des recettes touristiques, effondrement de la croissance, effets de la guerre en Libye, dégradation de la note souveraine. Prenant son bâton de pèlerin, il a arpenté les grandes capitales mondiales en quête d’une partie des 2,5 milliards d’euros dont le pays a besoin. Avec, pour l’instant, une N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

HICHEM

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la presse s’est à de nombreuses reprises faite l’écho. Jelloul Ayed est de surcroît bien plus qu’un amateur. Ce pianiste a joué de multiples fois ses compositions devant un large public, au Maroc notamment. ● FRÉDÉRIC MAURY

Tope Lawani, de succès en records Fondateur et associé gérant d’Helios Investment Partners, 40 ans

I

ls sont deux à la tête d’Helios Investment Partners. Les Nigérians Tope Lawani et Babatunde Soyoye ont créé et développé en six ans ce qui est aujourd’hui la nouvelle sensation du capital-investissement africain. Depuis Londres, les deux acolytes, qui se sont rencontrés chez Texas Pacific Group, l’un des plus importants gestionnaires

au monde, dirigent une vingtaine de professionnels de très haut niveau. Des deux, Tope Lawani est le plus visible. « Il protège ses équipes, car il veut qu’elles se consacrent à temps plein à leur travail », explique un financier africain qui le connaît bien. Dernier fait d’armes : le rachat début 2011, en tandem avec le négociant ● ● ● JEUNE AFRIQUE


Tam Tam Team - Photo © Miroslav - Fotolia.com

Pour l’essor de notre continent.

Depuis sa création en 1982, le Groupe BANK OF AFRICA s’étend progressivement d’ouest en est. Sa dimension en fait aujourd’hui l’un des acteurs bancaires majeurs du continent. Avec une vaste gamme de produits et de services pour les particuliers, les professionnels et les entreprises, le Groupe BOA participe à l’essor de l’Afrique.


Dossier Finance ● ● ● suisse Vitol, des activités aval (distribution, raffinage) de Shell en Afrique, une opération de 1 milliard de dollars (plus de 700 millions d’euros) qui aura mis près d’un an à se conclure. Avant, le gérant principal d’Helios était parvenu à drainer 350 millions de dollars pour Helios Towers Africa, une société panafricaine de gestion de tours de télécommunications, auprès de personnalités aussi célèbres que le financier George Soros, l’ex-secrétaire d’État américaine Madeleine Albright et la famille Rothschild.

HELIOS

TRANSFORMER L’ESSAI. Ajoutés à quelques autres opérations tout aussi impressionnantes (Equity Bank, Portugal Telecom, etc.), ces « tracks records » – comme disent les professionnels du private equity – valent aujourd’hui à Helios

Il a su convaincre GEORGE SOROS, MADELEINE ALBRIGHT ET LA FAMILLE ROTHSCHILD de s’associer à lui.

de figurer parmi la poignée d’équipes africaines capables de lever des fonds de plusieurs centaines de millions de dollars. Ces dernières semaines, le monde financier bruissait même d’une rumeur : Helios serait sur le point de clore son deuxième fonds panafricain à 1 milliard de dollars. Un succès, car Tope Lawani n’en attendait pas autant. Et un record dans le secteur, hors Afrique du Sud. Il lui restera ensuite, ainsi qu’à ses équipes, à transformer l’essai : Helios n’a en effet cédé aucune de ces participations importantes. Il devrait commencer à le faire bientôt. Dégagera-t-il, comme tous ses souscripteurs l’espèrent, des taux de rentabilité supérieurs à 20 % par an ? L’avenir le dira, mais pour l’instant le parcours est maîtrisé. ● F. M.

Christian Adovèlandé, dans son élément Président de la Banque ouest-africaine de développement, 60 ans

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VINCENT FOURNIER/J.A.

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Communauté économique des États de ommé fin janvier à la tête de la Banque ouest-africaine de dével’Afrique de l’Ouest (BIDC). Auparavant, loppement (BOAD), Christian Christian Adovèlandé a successivement Adovèlandé en a pris les rênes le 14 février. été secrétaire général délégué du Fonds Mais c’est un mois et demi plus tard, le de garantie des investissements privés 31 mars, que le Béninois a véritablement en Afrique de l’Ouest (Fonds Gari), PDG signé son retour au sein de l’institution de Cauris Management, puis directeur général de Cauris Investissement, une (il y a travaillé entre 1978 et 1995), en société de capital-risque. présidant à Lomé son premier conseil d’administration. Le successeur d’Abdoulaye Bio-Tchané, CONTINUITÉ. C’est sur proposition du candidat malheureux à la dernière présiprésident béninois Boni Yayi, réélu lors du scrutin de mars dernier, qu’il a été dentielle béninoise, a ce jour-là fait valider le financement par la BOAD de dix nounommé en janvier par les chefs d’État veaux projets. Parmi ceux-ci, le prêt de des huit pays de l’Union économique 17milliardsdeFCFA(25,9millionsd’euros) et monétaire ouest-africaine (UEMOA) accordé au Sénégal pour la construction pour achever le mandat d’Abdoulaye Biode l’aéroport international Blaise-Diagne, Tchané, qui court jusqu’en 2013. Il devrait donc poursuivre le plan stratéà Diass, et celui de 12,5 milliards de F CFA gique 2009-201 2009-2013 lancé par son prédécespour l’agrandissement de la Société nigénigé rienne de cimenterie. Le montant des seur et pour leq lequel le capital de la BOAD a étéaugmentéde 50 %, à 1050 milliards de étéaugmenté nouveaux engagements de la BOAD s’élève à 79,2 milliards de F CFA, F CFA, ll’année dernière. L’énergie et l’agriculture font partie des hors prêts à court terme. l’a Il achève le mandat priorités de ce programme, À son nouveau poste, prio abandonné par qui prévoit d’y consacrer le Béninois est dans son qu élément. Précédemment, Abdoulaye Bio-Tchané, an annuellement entre 50 milqui court jusqu’en liards et 100 milliards de il dirigeait depuis 2002 la li Banque d’investissement F CFA. ● et de développement de la STÉPHANE BALLONG

2013

JEUNE AFRIQUE


AFRICAN EXPORT-IMPORT BANK BANQUE AFRICAINE D’IMPORT-EXPORT

LA BANQUE DU FINANCEMENT DU COMMERCE

DE L’AFRIQUE Etant l’institution prime pour le iolvlusmslc ts ukmmshus sl Afrique, Afreximbank offre les principaux produits suivants:

! Programme de Ligne de Crédit ! Programme de Syndication ! Programme d’achat d’effets de commerce ! phkqhvmms ts jhfiolvlusmslc ts racahg ina` iolvluoshg ! Programme de Financement Direct ! Programme de Financement de Projets ! Programme de prêts adossés à des actifs ! Programme d’achat de créances / Programme d’escompte ! Programme de Risques Spéciaux ! Programme pays ! Programme de Financement du Carbone ! Programme d’Investissements Bancaires ! Programme de prêts adossés à des Agences de Credit Export

SIÈGE

AGENCE D’ABUJA

AGENCE D’HARARE

72(B) El Maahad El Eshteraky St. Heliopolis, Cairo 11341, Egypt P.O. Box 613 Heliopolis Cairo 11341, Egypt Tel: +20 2 24564100/1/2/3

No. 2 Gnassingbe Eyadema Street Asokoro Garki, Abuja Nigeria Tel: +234-94620606

Eastgate Building 3rd Floor Gold Bridge (North Wing) Gold Bridge 2nd Street Harare-Zimbabwe Tel: +263-4-700904

W W W. A F R E X I M B A N K . C O M


Dossier Finance Ý Les profils non spécialisés dans la banque mais À FIBRE COMMERCIALE sont de plus en plus appréciés.

MARTA NASCIMENTO/REA

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MÉTIER

Au service du client

OBJECTIF MANAGEMENT. Deux

La multiplication du nombre d’agences bancaires alimente les besoins en main-d’œuvre. Les chargés de clientèle, notamment, sont très recherchés. Zoom sur une profession qui a le vent en poupe.

P

ortéesparuntauxdebancarisation en constante augmentation, les agences africaines intensifient leurs recrutements de chargés de clientèle. « Elles sont toujours en quête de tels profils, notamment dans un contexte de concurrence importante où elles misent sur le développement de leur force de vente », précise un chargé de communication d’un groupe bancaire à Dakar. Commercial à part entière, le chargé de clientèle, chez Afriland First Bank Cameroun, est le premier interlocuteur du client, qu’il accueille, informe, conseille et oriente. Ailleurs, il peut gérer un portefeuille de clients, constitué de particuliers, de professionnels (artisans, commerçants, professions libérales…), de PME ou de grandes entreprises. Il remplit à la fois un rôle de conseil et une mission de vente des produits et des services de son établissement. Au quotidien, par exemple, il est amené à examiner la situation des clients en difficulté, tout en essayant de

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trouver une solution à leurs problèmes. Il surveille également les mouvements importants sur les comptes. Ainsi, lorsqu’il repère des rentrées d’argent importantes, il intervient pour optimiser ce nouveau capital. SENS RELATIONNEL. Le chargé de

clientèle doit être en mesure d’accompagner un client qui souhaite placer de l’argent ou souscrire un prêt. Il lui revient aussi d’inciter ses clients à élargir leur gamme de produits financiers, d’épargne ou de crédit. La profession de chargé de clientèle étant avant tout un métier de contact, elle exige un bon sens relationnel, dont une grande capacité d’écoute et une ouverture d’esprit. Évidemment, la présentation compte aussi. En termes de formation, à bac + 2, les diplômes les plus appropriés sont les BTS « management des unités commerciales » et « négociation et relation client », ou encore les DUT « techniques de commercialisation », l’idéal étant de coupler l’un de ces titres avec une licence en banque.

Mais, en prévision de tensions éventuelles sur le marché de l’emploi, de nombreux établissements ont décidé de diversifier leurs embauches en recrutant aussi des profils non spécialisés dans la banque, mais avec une fibre commerciale. Ils s’ouvrent aux titulaires de licences professionnelles bancaires, de Deug et de licences généralistes (complétés par une formation maison), ou à des personnes ayant déjà une première expérience commerciale en dehors du secteur bancaire. voies sont ouvertes aux chargés de clientèle qui souhaitent évoluer. Ils peuvent se tourner vers l’expertise et devenir ainsi chargés d’affaires professionnels-entreprises ou gestionnaires de patrimoine. Dans un groupe comme Afriland, ils deviennent analystes de crédit ou chefs de produit. Ils peuvent aussi accéder au management en tant que directeurs d’agence, puis directeurs de groupes d’agences. Au bout du compte, un diplômé de niveau bac + 2 qui se débrouille très bien peut avoir le même parcours qu’un diplômé bac + 5.

Il faut avoir une grande capacité d’écoute et être ouvert d’esprit. Bien sûr, la présentation compte… Recrutés pour des missions équivalentes, ces derniers sont chargés d’affaires professionnelles, conseillers clientèle professionnelle, conseillers patrimoine financier ou encore responsables d’agence. Dans ce cadre, les diplômes les plus courtisés restent ceux des écoles de commerce et les masters universitaires à dominante gestion et/ou finance, complétés par un cursus dans un établissement spécialisé dans le secteur de la banque. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


BGFIBank, un groupe financier international BGFIBank s’affirme de plus en plus comme un Groupe financier au profil international. La structuration du groupe, l’actionnariat et la stratégie commerciale témoignent de cette évolution et viennent renforcer la vocation internationale du Groupe dont la holding est installée au Gabon. Un actionnariat solide et stable Le Groupe BGFIBank s’appuie sur un actionnariat 100% privé et international. Le développement du Groupe repose sur un noyau stable d’actionnaires qui inscrivent leur démarche dans une perspective d’accompagnement à long terme. Les administrateurs représentant l’ensemble des actionnaires sont impliqués dans la définition et la validation des stratégies. Leurs rôles au sein du conseil d’administration est de garantir la pérennité de BGFI Holding Corporation S.A en assurant une direction stratégique d’entreprise tout en garantissant la gestion et l’évaluation des risques. Un projet d’entreprise ambitieux Dès 2010, le Groupe s’est doté d’un projet d’entreprise, CAP 2015, qui fixe pour la période 2010-2015 les priorités et objectifs minimum à atteindre. L’ambition affichée est de devenir à l’horizon 2015 un acteur international de premier plan en demeurant, évidemment leader dans la zone CEMAC, mais aussi en se positionnant parmi les deux groupes bancaires les plus importants de l’espace Francs CFA. Ce projet d’entreprise qui guide la stratégie du Groupe, repose essentiellement sur quatre axes majeurs : ( /B D'7B3ECCB#B!; FE##B?F:23 6 ( /B D'7B3ECCB#B!; <9#2:! 6 ( /1B@@:F:B!FB 6 ( /1E?>2!:=2;:E! >3E023B B; 32 #2:;?:=B DB= ?:=A9B=*

La holding réunit des compétences spécifiques pour remplir des missions utiles à l’ensemble du Groupe. Les filiales pourront mieux se consacrer à la satisfaction de la clientèle grâce à une bonne connaissance de leur marché, une qualité de service et une rapidité de réponse assurée par la proximité. Une gouvernance rénovée Le Groupe veille à maintenir un bon équilibre entre les réalités culturelles stratégiques et opérationnelles d’un groupe comprenant des filiales dans neuf pays et l’exigence de qualité allié à l’application stricte des règles de gouvernance. Il y parvient grâce à la création d’un ensemble de structures et d’organes qui permettent d’optimiser l’orientation, l’animation et le contrôle général du Groupe. Le Groupe BGFIBank fonctionne en appliquant les notions de transparence, de compétence et d’intégrité dans le cadre du plan stratégique « CAP 2015 ». Des ressources humaines performantes et culturellement diversifiées Le Groupe BGFIBank compte plus de 1100 collaborateurs au 30 avril 2011, au sein desquels se côtoient plus de 15 nationalités. Cette diversité est pour partie le reflet des différents pays d’implantations du Groupe, mais aussi la volonté de recruter les meilleurs profils quelque soient leurs nationalités et pays d’origine. Le capital humain est considéré comme un levier de performance, de différence et de compétitivité puissant capable d’alimenter la croissance globale. Recrutement sélectif, gestion des compétences, mobilisation et synergie des collaborateurs sont autant de moyens mis en œuvre au service des orientations stratégiques.

CAP 2015, inscrit en haut des priorités du Groupe le développement international et plus particulièrement l’ambition de BGFIBank d’être présent dans au moins dix-huit pays à l’échéance 2015. Dans cette perspective, les filiales de Madagascar, du Bénin, de la République Démocratique du Congo et du Cameroun, sont venus s’ajouter en 2010 aux filiales plus anciennes du Gabon, du Congo et de la Guinée Equatoriale. La même année, un agrément a été obtenu pour la filiale en Côte d’ivoire et plus récemment à Sao Tomé et Principe. En l’espace d’un an, 50% de l’objectif de développement est déjà réalisé.

La jeunesse des équipes, les talents recrutés et la diversité des cultures sont facteurs d’innovation et de dynamisme. Cette diversité permet de mutualiser les « best practice » et de confronter les idées et les certitudes.

Une architecture de Groupe international

Une stratégie commerciale orientée vers le client

Le 26 Octobre 2010, la nouvelle organisation qui sépare clairement la société tête du Groupe et les filiales a été validée par la Commission Bancaire. Cette nouvelle maison-mère baptisée BGFI Holding Corporation SA est une société anonyme au capital de 103 853 376 000 F.CFA qui détient la majorité du capital de chacune des filiales.

La conquête et la fidélisation d’une clientèle à fort potentiel figure au centre de la politique commerciale du Groupe. Ce choix qui positionne BGFIBank comme la Banque des grandes entreprises et des particuliers haut de gamme, n’exclut pas la possibilité d’élargir à d’autres segments de clientèle.

L’objectif de cette nouvelle organisation est de clarifier la distinction entre les activités d’orientation, de pilotage et de surveillance d’une part et les activités directement opérationnelles d’autre part.

La satisfaction du client demeure l’objectif majeur de la stratégie commerciale du Groupe BGFIBank. Le Groupe propose à ses clients une gamme étendue de produits et de services qui permettent d’apporter des réponses à leurs besoins bancaires et financiers, même les plus spécifiques. La qualité de service offerte à la clientèle est également une préoccupation constante et un outil de différenciation vis-à-vis des concurrents.

Les missions de la Holding sont les suivantes : ( 8:$B? 32 =;?2;'>:B CE9? 31B!=B#03B D9 5?E9CB 6 ( .==9?B? 9! FE!;?)3B CB?#2!B!; DB= ?:=A9B= D12F;:@= B; DB C2==:@ 6 ( 49:7?B 3B= CB?@E?#2!FB= B; 2!:#B? 3B 5?E9CB 6 ( .>?'B? E9 =9=CB!D?B 3B= D:?:>B2!;= DB= @:3:23B= 6 ( +'@:!:? 3B= C?:!F:CB=, 3B= !E?#B= B; 3B= C?EF'D9?B= >'!'?23B= 6 ( .==9?B? 3B CE=:;:E!!B#B!; DB 32 #2?A9B B; =E! ?B=CBF; 6 ( -E!;?)3B? B; E?:B!;B? 3B= ="=;&#B= D1:!@E?#2;:E! 6 ( 8E9?!:? 31B!=B#03B DB= #E"B!= A9: FE!;?:09B?E!; % 9! service clients homogène et de qualité.

En définitive, la démarche commerciale du Groupe BGFIBank relève de la volonté de répondre avec précision et efficacité aux besoins financiers aussi nombreux que variés des segments de clientèle qui composent le tissu économique des pays où le Groupe est présent.

BGFI Holding Corporation S.A. Société Anonyme avec Conseil d'Administration au capital de 103 853 376 000 F.CFA - N° statistique 90738b - R.C.CM Libreville 2001 B 00771 - NIF 790738 M Siège social : Sablière - BP 25200 Libreville GABON - Tél : (241) 74 08 94 - www.bgfi.com


Culture & médias

MUSIQUE

L’irrésistible

du chant

Tinariwen, Bombino, Toumast, Tamikrest, Terakaft, Abdallah Oumbadougou, Tartit… Les artistes touaregs sont de plus en plus nombreux à séduire le public occidental. Retour sur un phénomène qui prend de l’ampleur.

des

PATRICK LABESSE

A

lors que s’annoncent le nouveau disque de Tinariwen (Tassili), prévu le 29 août, et celui du Nigérien Abdallah Oumbadougou (Zozodinga, à paraître en septembre) – héros du film documentaire Desert Rebel réalisé en 2005 par François Bergeron –, Bombino, Toumast, Tamikrest et Terakaft ont tous récemment sorti un nouvel album à l’international. Après la musique mandingue, c’est peut-être le nouveau son touareg avec ses guitares électriques et son blues-rock fiévreux qui va gagner les faveurs d’un public européen qui en est friand. Portant djellabas et turbans, les musiciens touaregs apportent avec eux une image du désert qui fait rêver l’homme occidental. C’est sans doute l’une des raisons de leur succès. Cependant, la principale explication de cet engouement relativement récent est sans doute à chercher du côté du message fort que ces musiciens délivrent à travers leur musique. Un message rebelle, une certaine idée de la résistance, une volonté de défendre leur culture qui plaît au public. Y compris aux amateurs de rock, séduits par le son incisif de leurs guitares électriques. Le succès de Tinariwen dans des festivals réputés comme les Trans Musicales de Rennes ou les Vieilles Charrues est à ce titre significatif. Des musiciens célèbres se sont pris d’intérêt pour le groupe. Robert Plant et Carlos Santana ont partagé la scène avec eux. En 2009, Tinariwen a ouvert un concert des Rolling Stones à Glastonbury, en Angleterre, Herbie Hancock les a invités pour un enregistrement en studio l’année suivante. Avant eux, le groupe Tartit avait déjà ouvert la voie à la musique touarègue. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

FRANCK ROBICHON/CORBIS

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MUSICIENS TOUAREGS, invités à Tokyo en 2008.

Créé en 1995, dans la région de Tombouctou, au Mali, Tartit s’est formé autour de femmes qui tiennent le premier rôle pour les voix et les percussions (elles jouent du tindé, un petit tambour fait d’un mortier recouvert d’une peau de chèvre). Dans la culture tamasheq, « la femme est le pilier de la société, déclare l’une d’entre elles, Fadimata Walett. Un proverbe dit chez nous qu’“elle est le pantalon de l’homme”. Sans elle, il est nu, il n’est rien ». Originaire de Kidal, capitale administrative de l’Adrar des Ifoghas, au nord du Mali, où le groupe s’est formé au début des années 1980, Tinariwen, JEUNE AFRIQUE


Culture médias

ascension

dunes

En 2010, Tartit et Tinariwen ouvraient à la Cité de la musique, à Paris, un cycle de concerts intitulé « Résistances » qui venait rappeler qu’au-delà de ses fonctions de divertissement la musique peut être aussi un formidable vecteur de conscientisation. Expression d’une identité parfois malmenée par les pouvoirs, politiques ou économiques, elle cristallise des combats d’urgence et de survie. À travers ses chansons accompagnées de guitare, Tinariwen a longtemps visé un seul but: appeler le peuple touareg à se soulever. Aujourd’hui encore, le groupe ne veut pas perdre de vue l’essentiel : la défense des terres et de la culture tamasheqs. Une cause qui hier leur a fait prendre les armes, et aujourd’hui les maintient en éveil. LE PIED À L’ÉTRIER. Cette vigilance anime tous les musiciens et chanteurs tamasheqs. Des Nigériens Omara Moctar, dit Bombino, ou Abdallah Oumbadougou, à Tamikrest et Terakaft, deux groupes formés, comme Tinariwen, par des enfants de Kidal, situé dans le sud-ouest du Sahara, à 2000 km au nord de Bamako. Ousmane Ag Mossa, leader de Tamikrest, créé en 2006 et qui signe un deuxième album avec Toumastin (Glitterhouse/Differ-Ant), reconnaît entre autres influences celle des « grands frères » de Tinariwen. La connexion est encore plus évidente avec Terakaft, qui vient de sortir Aratan

Pour Tinariwen, l’essentiel reste la défense des terres et de la culture tamasheqs.

découvert en France par l’entremise du groupe angevin Lo’Jo qui leur a ouvert le chemin des scènes européennes, a été la voix de la rébellion touarègue au Mali. Il se présente comme un groupe tamasheq. « Le mot “touareg” est un mot arabe “importé” », précise Ibrahim Ag Alhabib, dit Abreybone, cofondateur du groupe. Soulignant ainsi l’appartenance des siens au peuple berbère. Utilisé par les Français à l’époque coloniale, le terme est resté dans l’usage courant. Tinariwen s’accommode de ce malentendu et de tous les fantasmes qui traînent sur la vie nomade et les peuples du désert. JEUNE AFRIQUE

Azawad (World Village). Ce groupe a été formé en 2001 par Sanou Ag Ahmed, qui vivait alors à Kidal, avec Kedou Ag Ossad, un ancien de Tinariwen, ainsi que Liya Ag Ablil, alias Diara, qui les a rejoints en 2006, lui aussi passé par Tinariwen. Aux premiers jours de juin, après un concert au Centre culturel français de Bamako le 27 mai, Terakaft retourne en France pour une résidence au Chabada, à Angers, un lieu qui depuis trois ans les accompagne en les accueillant en amont de chaque tournée pour leur permettre de préparer leurs concerts. Hormis Tartit, qui remettra le pied à l’étrier un peu plus tard, tous ces artistes vont se produire en Europe dans les mois qui viennent. Inexorablement, le son touareg continue sa marche en avant. ●

Concerts en France

Tinariwen – Paris, le 28 juin aux Bouffes du Nord, et le 21 septembre au 104 Tamikrest – Paris, le 22 juin, au Point Éphémère

Terakaft – Angers, le 7 juin – Paris, le 24 juillet, au Cabaret sauvage (avec Tamikrest et Abdallah Oumbadougou)

– Vendôme, le 5 août – Les Ponts-de-Cé, le 17 août – Paris, le 27 septembre à La Mix Box – La-Roche-sur-Yon, le 7 octobre

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Culture médias

PHILIPPE MATSAS/OPALE

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LITTÉRATURE

LE POÈTE ET DRAMATURGE Koulsy Lamko.

Du côté de chez soi Les péripéties mexicaines d’un écrivain allergique… au papier. Sous des airs de farce, l’auteur tchadien signe un roman magistral sur l’errance.

L

Les Racines du yucca constituent un dialogue entre les notions inextricablement liées de terre et d’exil, Lamko conjuguant à merveille négritude et « migritude ». Du mouvement de Senghor et de Césaire, il fait sienne la nécessité de s’intégrer au monde et à la nature plutôt que de les dominer, qu’on soit nègre du Gadjbisland ou maya du Guatemala. Inspirée du concept forgé par l’universitaire français Jacques Chevrier, sa prose n’est pas sans rappeler le lyrisme de l’écrivain haïtien Dany Laferrière (L’Énigme du retour, 2009). « INITIATIVE DE DÉCONSTRUCTION ».

« L’exil nous efface de la mémoire de notre terre, lentement mais sûrement, écrit l’auteur. Et le jour où l’on ose revenir au pays, y poser le pas, par hasard, pour un soleil, une lune, l’on se rend bien compte que c’est notre terre qui nous a abandonnés, nous a tourné le dos, ne nous reconnaît plus, nous a reniés. Et dire que nous nous enfermons dans l’illusion de l’avoir abandonnée ou mise en jachère pour continuer à l’aimer malgré tout… pour continuer à vivre les soubresauts de notre mort à dose homéopathique. » Souvent, la poésie laisse place à l’humour et, parfois, à l’horreur la plus hallucinée, mise en scène de la barbarie que n’aurait pas reniée le Congolais Sony Labou Tansi (La Vie et demie, 1979). Même si Lamko cite plus volontiers

a brève biographie de l’auteur, au pays de merde que j’adore » –, l’excursion dos du livre, est plus éloquente prescrite sera à coup sûr jalonnée de renqu’il n’y paraît: « Né au Tchad en contres avec les démons du passé… 1959, Koulsy Lamko a quitté son pays en 1983, pendant la guerre civile. Il NÉGRITUDE ET MIGRITUDE. De fait, a vécu au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, c’est un voyage intérieur aussi riche de au Togo, puis en France, au Rwanda, et péripéties que de souvenirs et de digresactuellement au Mexique. » Si l’on voulait sions que déroule l’auteur. dire en quelques lignes qu’un homme D’une plume envelopSouvent, la poésie laisse place est la somme de ses origines et de ses pante, le poète et dramaà l’humour et, parfois, à l’horreur errances, l’on ne s’y prendrait pas mieux. turge tchadien, dont c’est le la plus hallucinée. L’intéressé, lui, file ce portrait de l’exil deuxième roman après La sur près de 300 pages. Et d’une manière Phalène des collines (2002), autrement plus enlevée. « l’ancêtre Sembène Ousmane » (Les parle d’abord de la terre. Celle des raciBouts de bois de Dieu, 1960) et Kateb Au départ, c’est l’histoire d’un écrines, dont le personnage reçoit l’appel : vain africain atteint d’un mal plutôt Yacine (Nedjma, 1956). L’écrivain tcha« Voix intérieure qui vous taquine, vous incommodant eu égard à sa engourdit, soulève en vous dien choisit de ne taire ni ses références profession : une allergie… au rumeurs de mémoire et ni ses procédés littéraires, qu’il détaille papier. À México, où il vit, son sous forme de mémos disséminés au insoutenable nostalgie. Voix étiothérapeute lui conseille : sourde diffusant l’idylle des cours du roman. Par exemple : « Écrire « Voyage. Sors d’ici, éloigne-toi jours d’enfance, les méloun viol ? Gros plan et plans détaillés. La de cette ville trop chargée. » dies d’églogues, les chants crudité du verbe s’ajuste à la verdeur Direction un village de réfunocturnes des revenants, de la séquence. » La thérapie de l’exilé giés guatémaltèques dans le le cor du bubale. » Celle allergique au papier est racontée en toute Yucatán. Sa mission : animer à laquelle on a été arratransparence, prenant la forme d’une des ateliers d’écriture pour des ché, et puis celle, aussi, à « initiative de déconstruction » au fil de rescapés qui n’ont connu que la laquelle on a été greffé, tel laquelle Lamko entend disséquer la vanité Les Racines guerre et l’exil. Pour ce natif du le yucca dont il suffit que et la vacuité de toute tentative d’écriture. du yucca, « Gadjbisland » – contrée imagila tige « rencontre l’humus C’est bien là le seul point sur lequel il ne de Koulsy Lamko, de la terre pour que toute nous aura pas convaincus. ● naireinventéeparLamkoetque éd. Philippe Rey, 288 pages, 19 euros. le narrateur surnomme « mon la plante revive ». FABIEN MOLLON N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


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RADIO

Extinction de voix à Africa no 1 Depuis un mois, la station panafricaine, qui émettait depuis Libreville, s’est tue. Une conséquence de factures impayées à l’opérateur satellite Eutelsat, qui a coupé le signal.

JEUNE AFRIQUE

TIPHAINE SAINT-CRIQ

L

e 7 février dernier, Africa no 1 a soufflé ses 30 bougies. L’heure était à l’enthousiasme et à l’optimisme, les uns et les autres se souvenant de sa création, en 1981, par l’État gabonais, en partenariat avec le holding français Sofirad (actionnaire à hauteur de 40 %) et des particuliers. Deux mois plus tard, le 27 avril, à 11 heures (heure de Libreville), la radio se taisait. La station doit, depuis septembre, environ 200 millions de F CFA (environ 305 000 euros, principal et intérêts compris) à Eutelsat, le satellite qui l’héberge. Pour ses auditeurs africains, qui seraient plus de 20 millions, c’est la stupeur. Pourtant, au début de la crise, le Gabon, qui détient 35 % des actions – le reste appartenant à la Libye (52 %) et au secteur privé gabonais (13 %) – avait promis de payer l’ardoise. Mais les jours de silence se succèdent et se ressemblent. Pourquoi l’actionnaire majoritaire, c’est-à-dire le gouvernement libyen à travers la Libyan Jamahiriya Broadcasting Corporation (LJBC), ne met-il pas la main à la poche ? À Libreville, on indique que, à l’évidence, la situation actuelle en Libye ne permet pas la moindre transaction financière. Reste que la crise actuelle ne date pas d’aujourd’hui. Dans les premières années de son existence, Africa no 1 avait le vent en poupe. Outre le soutien de l’État, la radio bénéficiait d’une source de revenus régulière : la location de son centre d’émission de Moyabi, qui relayait les émissions de quelques radios étrangères, dont Radio France Internationale (RFI). C’était l’époque où les ondes courtes étaient reines. L’apparition de la modulation de fréquence a déstabilisé Africa no 1, contrainte de céder des parts de marché à ses concurrents directs, RFI et la British

Broadcasting Corporation (BBC). La crise, née dans les années 1990, n’a cessé de s’amplifier. Jusqu’à ce que la Libye s’intéresse à l’affaire en entrant officiellement au capital de la radio en juin 2006.

DANS LES LOCAUX GABONAIS, à Libreville.

sur l’actionnaire principal », constate, amer, un cadre supérieur d’Africa no 1 sous le couvert de l’anonymat. À part la rénovation de la façade de la station, à Libreville, les changements RÉNOVATION DE FAÇADE. Au départ, promis se font attendre. Un de ses collègues renchérit : « Depuis la restructurales choses étaient claires : il s’agissait de rénover l’outil de production (les émettion, commencée en 2006 et achevée en teurs n’avaient pas été renouvelés depuis 2008, la nouvelle Africa no 1 est toujours 1995, alors que leur durée de vie est limien transition. Mais cette radio ne va pas tée à quinze ans), d’améliorer le confort mourir, quoi qu’il arrive. » Sollicité par J.A. pour donner son point de vue sur la question, le « Depuis la restructuration de ministère gabonais de la 2006, la nouvelle radio est toujours Communication s’est absen transition. » tenu de tout commentaire. UN SALARIÉ En attendant l’arrivée des investissements promis d’écoute en élargissant le réseau FM, de en 2010 par la partie libyenne (8,5 milredéployer les activités de la radio… « En lions de dollars, soit environ 6,5 millions quatre ans, ces engagements pris en son d’euros), seule l’antenne d’Africa no 1 en âme et conscience par l’actionnaire prinÎle-de-France, dont le Gabon détient 20 %, cipal n’ont jamais été respectés. Il n’est pas continue d’émettre. ● réaliste de continuer de fonder des espoirs TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

DÉCOUVERTE

Radioscopie algérienne À travers le portrait d’une famille algéroise lambda, Kaouther Adimi évoque une société oscillant entre déprime et joie. Ý UNE ÉCRIVAINE EN DEVENIR, qui « aime raconter plusieurs histoires au sein d’une seule ».

CINÉMA

Dernier rôle C’EST L’HISTOIRE d’une très belle femme de 50 ans, marquée par une faute commise autrefois, que sa rencontre avec un petit malfrat de 25 ans va précipiter dans le malheur. Loin de tout réalisme, cette adaptation très libre du roman du Sénégalais Abasse Ndione a abandonné l’aspect polar pour se concentrer sur le personnage principal et réaliser un film d’atmosphère. Un premier long-métrage plutôt réussi, qui doit beaucoup à l’actrice incarnant Ramata, le célèbre mannequin Katoucha, disparue tragiquement peu après la fin du tournage à Dakar, en 2008. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

Ramata, de Léandre-Alain Baker (sortie le 1er juin). ■■■ DESSIN ANIMÉ

Du 9e au 7e art CHRONIQUE CHR VOLTAIRIENNE de VOL la culture juive en Algérie, Alg Le Chat du rabbin est à l’origine l’o une bande dessinée à succès signée du Français « moitié séfarade, moitié ashkénaze » Joann Sfar. Après 900 000 exemplaires vendus et une quinzaine de traductions, l’auteur compulsif a décidé d’adapter lui-même au cinéma cette histoire qui prêche, avec un humour subtil, la paix et la tolérance. Il l’a fait en 3D avec l’aide technique d’Antoine Delesvaux et les voix des acteurs François Morel, Maurice Bénichou, Hafsia Herzi, Mathieu Amalric… Le résultat est doux, chaleureusement altruiste et d’une belle générosité. ● NICOLAS MICHEL

Le Chat du rabbin, de Joann Sfar et Antoine Delesvaux (sortie le 1er juin). ■■■ N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

D.R.

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L

orsqu’on lui dit qu’elle ne ressemble pas à son livre, ça la fait rire. Kaouther Adimi a 24 ans, de grands yeux clairs un peu timides et une fraîcheur d’étudiante en goguette. Son livre, lui, est un habile mélange d’ombre et de lumière mettant à nu la solitude des personnages et, parfois, leur désespoir. À travers les portraits des membres d’une famille algéroise lambda, la jeune auteure dessine plus largement une ville, un pays, un peuple, oscillant toujours entre déprime et joie de vivre. Et une société où « si l’on n’est pas gris et malheureux, on gêne ». On est bluffé par l’écriture, à la fois simple et travaillée,auxpointesd’humourirrésistibles et aux descriptions très bien senties. Si l’on veut comprendre la jeunesse algérienne, cette « génération blasée », il faut lire ce livre. KaoutherAdimitermineencemoment ses études à Paris. Née en Algérie, elle est arrivée en France à l’âge de 4 ans. Le retour au pays natal se fait en 1994, en pleine période du terrorisme. Elle a alors 8 ans. « Le décalage a été violent, se souvient-elle. Au-delà de la vie quotidienne chamboulée, j’ai aussi perdu la proximité avec les livres que j’avais connue en France. À Alger, les librairies étaient fermées, le livre était lié à la scolarité, pas à un art ou au plaisir. Le choc du retour m’a tout de suite donné envie d’écrire. Quand on n’a pas de livre, on a envie d’écrire… pour en lire! » Elle commence

donc à écrire à l’âge de 8 ans. Puis, élève studieuse à la fac de lettres à Bouzaréah, elle devient membre de l’association Le Souk, qui organise des rencontres littéraires, et fait la connaissance des auteurs de la jeune génération qui la fascinent, comme Mustapha Benfodil, et entre en contact avec les éditions Barzakh. En 2006, elle remporte le prix du jeune écrivain de langue française, avec une nouvellequisepassependantunenuitde la décennie noire. Kaouther se retrouve alors en atelier d’écriture en France, voit sa nouvelle publiée en 2007 chez Buchet-Chastel. En 2008, elle remporte le prix de la nouvelle en langue française du Salon international du livre de jeunesse d’Alger. Et deux ans plus tard, son roman sort chez Barzakh sous le titre Des ballerines de Papicha, avant d’être repéré par Actes Sud. Kaouther Adimi est un écrivain en devenir même si elle ne veut pas en faire son métier. « J’aime raconter plusieurs histoires au sein d’une seule, explique-t-elle. C’est ce qui me plaît dans la nouvelle. Pour moi, ça ressemble à la vie. J’aime le côté humain de l’écriture. » ● EDELWEISS VIEIRA

L’Envers des autres, de Kaouther Adimi, Actes Sud, 112 pages, 13,80 euros. ■■■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias NOUVELLES

Voix du monde, nou nouvelles francophones, fra textes réunis par tex Bénédicte Boisseron et Bén Frieda Ekotto, Presses Fri universitaires de uni Bordeaux, 160 pages, Bor 11 euros. ■■■

Francophonie plurielle LA NOUVELLE est, au même titre que la poésie, un genre littéraire en perte devitesse.Maiscelanedécouragepas les auteurs. Sur des thèmes divers, avec des plumes flamboyantes ou simplement conventionnelles, quatorze écrivains – de Raphaël Confiant à Patrick Chamoiseau, en passant par Véronique Tadjo, Nimrod, Boualem Sansal, Maryse Condé, Dany Laferrière, Gaston-Paul Effa… – disent le

monde.Leurmonde,dansunelanguefrançaise domptée, qu’ils plient à leur génie. Dommage que tous les textes du recueil ne soient pas inédits. Mais les amateurs de mots apprécieront. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

POLAR

Plongée au cœur de l’apartheid DANS L’AFRIQUE DU SUD DES ANNÉES 1950, le meurtre d’un policier blanc n’est pas une affaire banale. Envoyé à la frontière mozambicaine pour faire la lumière sur l’assassinat du capitaine Pretorius, le lieutenant Cooper va chercher à retrouver le coupable dans une ambiance de conflits raciaux et de guerre des polices. À travers cette plongée au cœur de l’apartheid, Malla Nunn explore un pan de son histoire familiale, repartant sur les traces de ses parents, émigrés d’Australie dans les années 1970. Un premier roman efficace où l’auteure privilégie les descriptions au suspense, même si le dénouement réserve au lecteur son lot de rebondissements. ● JULIEN CLÉMENÇOT

Justice dans un paysage de rêve, de Malla Nunn, Éditions des 2Terres, 392 pages, 22,50 euros. EXPOSITION

TÉLÉVISION

D.R.

Photo de groupe au bord du fleuve

Sur la route de l’exil

NDIOUM, un village ordinaire au bord du fleuve Sénégal. André Lejarreraconte: « J’ai commencé à photographier voilà vingt-cinq ans sa vie quotidienne, ses villageois et leur façon d’être ensemble, la vie paysanne et sa lenteur (j’y retrouvais la lenteur paysanne de mon enfance dans le Loiret). » La proximité entre l’auteur et son sujet transparaît dans toutes ses images, accompagnées d’une belle nouvelle de l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop. On en redemande. ● N.M.

Africaine, d’André Lejarre et Boubacar Boris Diop, Creaphis éditions, 100 pages, 25 euros, et à voir jusqu’au 17 juin à la galerie du Bar Floréal, 43 rue des Couronnes, Paris. ■■■ JEUNE AFRIQUE

■■■

Paru en 2007, le premier long-métrage de la Camerounaise Joséphine Ndagnou déroule, par touches légères mais fort réalistes, la galère de Suzy, 24 ans, prête à tous les sacrifices pour aller à Paris. Œuvre de prévention contre les dangers auxquels s’exposent les clandestins, ce film, prix spécial du jury du Fespaco, servi par un jeu d’acteurs amateurs efficace, marque aussi la victoire d’une jeune femme qui fait renaître un cinéma camerounais à moitié comateux. Résultat : on lui pardonne sa longueur (2 h 13). ● CLARISSE JUOMPAN

Paris à tout prix, de Joséphine Ndagnou, le 7 juin à 21 heures sur TV5 Monde, France, Belgique. ■■■

ET AUSSI

Cannes, l’Orientale SI LE « PRINTEMPS ARABE » était présent à Cannes (voir J.A. no 2628), c’est surtout le cinéma du Moyen-Orient qui a été célébré. LeTurc Nuri Bilge Ceylan a reçu le grand prix, la seconde récompense après la Palme d’or, pour Il était une fois en Anatolie. C’est là le film d’un cinéaste poète et philosophe, qui entraîne le spectateur à la recherche d’une scène de crime avec un commissaire de police, un juge et les deux suspects d’un assassinat sans cadavre. Presque entièrement tourné de nuit, ce film exigeant n’est jamais ennuyeux malgré sa longueur (2h37). Souvent poignant, très drôle parfois, il vaut autant par son intrigue que par ses innombrables digressions qui dressent un portrait saisissant de la société et de la justice turques. Également primé, avec Footnote, l’Israélien Joseph Cedar met en scène une rivalité père-fils sur fond de querelle entre spécialistes duTalmud. Malgré une critique féroce des mœurs universitaires fort bien amenée, ce long-métrage quelque peu brouillon méritait-il une distinction? Mais le pays du Moyen-Orient qui a le plus fait parler de lui était représenté par… deux absents. Condamnés à de lourdes peines pour avoir voulu filmer les contestataires de leur pays, les Iraniens Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof ont réussi à envoyer chacun un longmétrage tourné clandestinement. Leurs œuvres, sorte de journal intime filmé pour Panahi et fiction à valeur documentaire sur la politique de répression du régime pour Rasoulof, ont eu un retentissement proportionnel aux tracas – le mot est faible! – qu’ils ont subis. Qu’il ne s’agisse pas là de grands films était, évidemment, secondaire. R.R. N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

REPUBLIQUE DU BENIN MINISTERE DE LA SANTE SECRETARIAT GENERAL UNITE DE GESTION DU FONDS MONDIAL

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 002-05/2011/UGFM/SG/MS

Appel d’offres

Financement : FONDS MONDIAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA, LA TUBERCULOSE ET LE PALUDISME Objet : Audit des comptes des subventions du Round 5 SIDA et du Round 6 TB 1. Le Ministère de la Santé de la République du Bénin bénéficie des subventions du Fonds Mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la Tuberculose et le Paludisme (FM/STP) mobilisée pour la composante VIH/SIDA de la 5ème Série et de la composante Tuberculose de la 6ème série en 2007. Dans le cadre de ces accords de subvention, le Ministère de la Santé est désigné comme Récipiendaire Principal (RP) et a pour mission d’assurer la gestion programmatique, comptable et financière, la gestion des Achats, des approvisionnements, des stockages et des distributions des biens et produits acquis, le rapportage et le suivi-évaluation des activités financées, conformément aux dispositions contractuelles des accords passés avec le FM/STP. Pour faciliter la mise en œuvre de ces interventions prévues dans ces accords de subventions, le Ministère de la Santé a mis en place en Décembre 2006 une Unité de Gestion des subventions du Fonds Mondial, (UGFM/MS). L’UGFM, chargée de la mise en œuvre des projets financés par le FM/STP au Ministère de la Santé est placée sous l’autorité directe du Ministre de la Santé et est supervisée par le Secrétaire Général du Ministère. Elle a pour rôle d’appuyer le Programme National de Lutte contre le SIDA (PNLS) pour le Round5 d’une part et le Programme National contre la Tuberculose pour le Round6 d’autre part ; de même que les Sous Récipiendaires (SR) tel que la CAME et les Organisations de la Société Civile. Dans ce cadre, elle a pour mission la gestion programmatique, comptable et financière, la gestion des Achats et des approvisionnements, le rapportage, le contrôle de qualité, le suivi et l’évaluation des activités financées par le FM/STP au profit du RP et de ces SR, conformément aux dispositions, ainsi que la production des rapports trimestriels et annuels d’exécution et les bilans d’étapes d’avancement des projets. Au terme d’une première phase de deux années de mise en œuvre, les programmes de subvention du FM/STP sous la gestion du Ministère de la Santé sont admis en phase II de financement pour trois nouvelles années. Avec l’approbation des propositions soumises par le Bénin à la 9ème Série et dans la perspective d’une gestion rationnelle et efficiente des ressources mobilisées, le CNC du Bénin a opté pour une consolidation en un seul portefeuille de la subvention de la 6ème série avec celle de la 9ème série pour la composante Tuberculose et la subvention de la 5ème série avec celle de la 9ème série pour la composante VIH/SIDA incluant le Renforcement du Système de Santé (RSS) en cours de négociation pour lequel le Ministère de la Santé demeure Récipiendaire Principal. Le démarrage du Round9 consolidé avec le PNLS comme PR pour la composante VIH/SIDA et le PNT comme PR pour la composante Tuberculose, entraine du coup la fin du Round5 et Round6 avec pour conséquence la fin du mandat de l’Unité de Gestion du Fonds Mondial (UGFM) sur lesdites subventions. 2. C’est dans ce contexte que le présent avis vise à sélectionner un Cabinet d’expertise comptable aux fins de louer ses services pour la réalisation de l’audit des comptes des subventions du Round5 SIDA pour la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011 d’une part et du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, conformément aux TDR disponibles sur demande. Le délai indiqué pour la réalisation de cette mission comme mentionné dans le document d’appel d’offres est de 45 jours (pour le dépôt du rapport définitif). 3. La sélection est ouverte aux Cabinets d’expertise comptable, à jour vis-à-vis de l’Administration du pays d’origine, justifiant d’une expérience pertinente dans l’audit des entreprises ou des programmes, l’audit institutionnel ; disposant d’une équipe qualifiée requise et pouvant se rendre immédiatement disponible. 4. Les cabinets intéressés par le présent avis d’appel d’offres peuvent retirer (ou recevoir sur demande par mail) le dossier d’appel d’offres à l’adresse suivante : Unité de Gestion du Fonds Mondial Ministère de la Santé sise au rez-de-chaussée du PNLS - 01 BP 882 Cotonou Tél : +229 21 37 71 28 ; +229 21 37 71 30 Fax : +229 21 37 71 29 - E-mail : ugfmms@yahoo.fr 5. Heures ouvrables : Lundi au Vendredi : - Matinée : 8 h à 12 h 30 mn - Après-midi : 15 h à 18 h 30 mn 6. Les offres en quatre (04) exemplaires sous enveloppes intérieures séparées marquées offre technique (1 original et 3 copies) et offre financière (1 original et 3 copies) le tout contenu dans une enveloppe extérieure devront être déposées à l’adresse ci-dessus et portant la mention : « Appel d’offres pour l’audit des comptes du Round 5 SIDA et du Round 6 TB » « A n’ouvrir qu’en séance » et ce, au plus tard le 13 juillet 2011 à 10 heures locale. L’ouverture se fera le même jour à 10 heures 30 minutes dans les locaux du Ministère. 7. Tout dossier reçu après la date et l’heure de clôture sera rejeté. 8. Tout renseignement complémentaire peut être obtenu à l’adresse ci-dessus citée. Le Secrétaire Général du Ministère de la Santé, Valère GOYITO N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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Avis d’Appel d’Offres International Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie Direction Générale des Infrastructures - Direction des Routes - F/DR/03/2011

Fournitures d’un bac de 100 T et d’un bac de 40 T 1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal du « le soleil » du 26 janvier 2011. 2. La Direction des Routes agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération internationale, des Transports aériens des Infrastructures et de l’Energie a obtenu du Budget d’Investissement Consolidé (BCI) au titre de la gestion 2011 des fonds afin de financer la fourniture d’un bac de 100 T et d’un bac de 40 T. Cette acquisition se fera en un lot unique : acquisition d’un bac de 100 T et d’un bac de 40 T 3. La Direction des Routes sollicite des offres sous pli fermé de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour réaliser les fournitures de bacs 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres ouvert tel que défini dans le Code des Marchés publics, et ouvert à tous les candidats éligibles. 5. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès du Directeur des Routes et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres les jours ouvrables de 8 heures à 17 heures à l’adresse mentionnée ci-après : Direction des Routes, sise à Ex Camp Lat Dior Dakar. Tel : 00221 33 8220778 ou 00221777265627. Boite Postale : 240 6. Les exigences en matière de qualification sont : a. Disposer d’une liquidité ou ligne de crédit d’un montant au moins égal à la moitié du montant estimé, afin de prendre en compte les coûts d’acquisition des fournitures nécessaires à la construction des équipements et de leur transport jusqu’à la destination finale. b. avoir réalisé à la satisfaction des clients au cours des quinze dernières années trois marchés de nature et de complexité similaire (bac à fond plat de 70T au moins) ; voir le Dossier d’Appel d’Offres pour les autres informations. 7. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-après : Direction des Routes, sise à Ex Camp Lat Dior Dakar contre un paiement non remboursable de 250 000 FCFA (Deux cent cinquante mille francs CFA). Le mode de paiement sera par espèces. 8. Les offres portant la mention : « Fourniture de bacs » devront être soumises à l’adresse précitée au plus tard le 15 juillet 2011 à 10 heures. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. L’ouverture des plis aura lieu le même jour à 10 heures 05mn, dans la Salle de réunion de la Direction des Routes, sise à Ex Camp Lat Dior, en présence des représentants des candidats. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant de 30 000 000 FCFA, valable vingt huit (28) jours après expiration de la durée de validité de l’offre. Les offres devront demeurer valides pendant une durée de 90 jours à compter de la date limite de dépôt des offres. Le Directeur des routes Papa DIOP

Avis d’Appel d’offres International (AA0I n° : F 01/2011/ PLVSS2) REPUBLIQUE DU CONGO CONSEIL NATIONAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA (CNLS) - SECRETARIAT EXECUTIF PERMANENT (SEP)

Le Gouvernement du Congo a obtenu de l’Association Internationale de Développement (IDA) un Don supplémentaire d’un montant de 5 millions de Dollars (DON H 494-CG) en appui au Projet de Lutte contre le VIH/SIDA et de Santé (Don H082-COB) qui a donné des résultats positifs sur le terrain et qui est en passe d’atteindre son objectif de développement. Outre le financement supplémentaire de l’IDA, le Projet bénéficie également d’un cofinancement de 10 millions de dollars du Gouvernement du Congo. Le projet a l’intention d’utiliser une partie de ce financement pour effectuer les paiements au titre du marché relatif à la Fourniture et livraison à Brazzaville et Pointe Noire de deux (02) véhicules de dépistage mobile, destinés au SEP/CNLS. Le Secrétariat Exécutif Permanent (SEP) du Conseil National de Lutte contre le Sida (CNLS) invite, sollicite des offres fermées de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir et livrver à Brazzaville, et PointeNoire de deux (02) véhicules 4X4 de dépistage mobile destinés au SEP/CNLS. Articles (Nos) 01

Noms des Fournitures Véhicules de dépistage mobile

Spécifications techniques et normes applicables CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Véhicules 4 X 4 Avec caisse exterieure

1. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres national (AON) ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives. 2. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Unité de Gestion Fiduciaire (UGF) du PLVSS/SEP/CNLS et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse numéro mentionnée ci-dessous de 8H30 à 16H00. 3. Les exigences en matière de qualifications sont : un chiffre d’affaire moyen de vente JEUNE AFRIQUE

adéquat, disposer de fonds propre ou avoir la possibilité de bénéficier d’un crédit suffisant, expériences suffisantes en matière de vente de véhicules. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. 4. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en français à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de cinquante mille (50 000 FCFA). La méthode de paiement sera l’espèce contre la délivrance d’un reçu de caisse. Pour d’éventuels soumissionnaire étrangers, le document d’Appel d’offres pourra être adressé suivant les indications du soumissionnaire, étant entendu que les frais d’expéditions qui ne sont pas inclus dans le montant d’acquisition du dossier d’appel d’offre son intégralement à la charge du soumissionnaire. 5. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous au plus tard le 20 juillet 2011 à 14 heures. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. 6. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne à l’adresse mentionnée ci-dessous le 20 juillet 2011 à 14 heures 30 minutes. Les offres doivent comprendre une garantie de l’offre d’un montant de : 2 400 000 FCFA 7. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : À l’attention de : Dr MARIE FRANCKE PURUEHNCE N° et rue : Rue des Anciens Enfants de Troupe, face CEG NGANGA Edouard Bureau : SEP-CNLS/PLVSS -Ville : BRAZZAVILLE - Code postal : 2459 Pays : CONGO Téléphone : (00242) 05 558 45 04/ 06 644 75 07 - Télécopie : Néant Adresse électronique : sep_cnlscongo@yahoo.fr La Secrétaire Exécutive du CNLS Dr Marie Francke PURUEHNCE N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Appel d’offres

PROJET DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA ET DE SANTE (PLVSS2) - Financement : DON N°IDA H 494/Gouvernement Fourniture et livraison à Brazzaville et Pointe Noire de deux (02) véhicules de dépistage mobile destinés au SEP/CNLS.


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Annonces classées REPUBLIQUE GABONAISE MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DU COMMERCE, DE l’INDUSTRIE ET DU TOURISME DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

AVIS D’APPEL A MANIFESTATION D’INTÉRÊT DATE DE LANCEMENT : 30 MAI 2011 NOM DU PROJET : TELEPROCEDURES A LA DIRECTION GENERALE DES IMPOTS SOURCE DE FINANCEMENT : ETAT GABONAIS

1 - OBJET Par le présent appel à manifestation d’intérêt, le comité de pilotage du projet se propose d’arrêter une liste restreinte des partenaires de référence, société de service ou un/des consultant(s) individuel(s) qualifiés qui seront appelés à soumissionner pour accompagner l’équipe projet dans les aspects suivants : Fourniture (ou assistance technico-fonctionnelle pour un développement spécifique) d’un logiciel métier pour les processus de télé déclaration et de télé paiement ; Fourniture d’un système de sécurisation des transactions sur Internet, notamment pour le télé-paiement.

Manifestation d’intérêt

2 – PARTICIPATION Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse aux partenaires, sociétés de service ou un/des consultant(s) individuel(s) nationaux ou internationaux qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n° 001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant code des marchés publics. 3 – COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent comprendre les éléments suivants : - une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant de la société ou consultant faisant apparaître son nom, sa qualité, son adresse, sa nationalité et les pouvoirs qui lui sont délégués ; - les documents arrêtant la constitution ou le statut, le lieu d’enregistrement et le domicile légal de la société. Les sociétés peuvent s’associer et présenter une candidature unique. Pour cela, ils doivent présenter un accord de groupement entre sociétés. Cet accord doit préciser le statut juridique, le chef de file du groupe, le rôle et les titres de chaque membre. Chaque membre doit, par ailleurs, produire les pièces demandées ci-dessus. Le dossier de candidature ne doit comporter aucune proposition financière. 4 – CRITERES DE PRE QUALIFICATION Il est requis des sociétés ou des consultants individuels candidats : • Une bonne expérience en matière d’intégration de systèmes d’information ; • De bonnes connaissances en matière d’implémentation de télé-procédures ; • Une expérience professionnelle [préciser le pays concerné ainsi que la région – Europe, Afrique,...] ; • Des moyens matériels, techniques adéquats et d’un personnel clé en adéquation avec la mission, • Une capacité financière lui permettant de démarrer l’exécution des prestations dès la notification du marché, • Une expertise technique et sectorielle dans le domaine de la fiscalité serait un plus. 5 – DATES LIMITES DE DEPOT, D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DE DOSSIERS ET LIEU DE DEPOT DES CANDIDATURES Les dossiers d’appel à manifestation d’intérêt doivent être adressés à l’adresse ci-dessous, au plus tard le 15 Juin 2011 à 9 heures. Les plis seront ouverts en présence des représentants des candidats qui le souhaitent à la même date à 14 heures. Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences : B.P. : 798, Libreville 2ème Etage Immeuble de la Solde, Porte 212. Ministère des Finances Tél. : 79 52 77 - Mail : projet_demat_dgi@aninf.ga A l’attention du Coordonnateur du Projet Télé-procédures Le Directeur Général de l’ANINF Alex Bernard BONGO ONDIMBA

N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Le Directeur Général des Impôts Joël OGOUMA

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Annonces classées

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO MINISTERE DU PORTEFEUILLE

CIMENTERIE NATIONALE - Appel à Expressions d’Intérêt EXPRESSIONS D’INTERET ET PREQUALIFICATION Les Expressions d’intérêts devront comprendre les informations suivantes : • Nom(s) de l’entreprise et contacts de la personne responsable : adresse postale, adresse email, numéro de téléphone et de fax. Dans le cas d’un groupe d’investisseurs, les coordonnées doivent être fournies pour chaque membre du groupe. • L’expression d’intérêt devra justifier de la participation de l’acheteur potentiel dans le processus de vente, de sa capacité à compléter l’acquisition suivant le calendrier indiqué ci-dessous ainsi que de sa capacité financière. Les candidats retenus devront justifier 1) de Fonds Propres supérieurs à USD 200 millions, et 2) de la gestion de cimenteries d’une capacité totale minimum de 1 million de tonnes. Afin de préserver la concurrence dans le pays, les autres producteurs de ciment de RDC ne sont pas autorisés à remettre une offre. CALENDRIER Etapes Calendrier indicatif Appel à Expressions d’intérêt 20 Mai 2011 Remise des Expressions d’intérêt 13 Juin 2011 (au plus tard) Circulation de l’info memo 15 Juin 2011 Due diligence des candidats 15 Juin au 8 Juillet 2011 Date de remise des offres 11 Juillet 2011 Les candidats présélectionnés recevront la documentation juridique liée à la transaction, les règles de l’appel d’offre, ainsi qu’un accès à une data room électronique, moyennant un paiement de USD 10.000. Les Expressions d’intérêt doivent être envoyées sous format électronique ou papier aux adresses et mails mentionnées ci-dessous, au plus tard le 13 juin 2011. MINISTERE DU PORTEFEUILLE - 707, AVENUE WAGENIA - KINSHASA / GOMBE - RDC Email : minportefeuille2007@yahoo.fr Email : herve.devillechabrolle@standardbank.com Fait à Kinshasa, le 20 mai 2011 Jeannine MABUNDA LIOKO Ministre du Portefeuille

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO COMITE DE PILOTAGE DE LA REFORME DES ENTREPRISE DU PORTEFEUILLE DE L’ETAT

APPEL A MANIFESTATION D’INTERET N° 008/COPIREP/SE/05/2011

RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT POUR L’ELABORATION DE LA STRATEGIE DE RESTRUCTURATION ET DU PLAN DE MISE EN ŒUVRE DE PPP A LA SOCIETE COMMERCIALE DES TRANSPORTS ET PORTS « SCTP » (ex-ONATRA) Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un financement de l’Agence Française de Développement (AFD) pour appuyer le processus de réforme des entreprises du secteur public marchand et la préparation des partenariats public-privé envisagés par l’Etat pour certaines entreprises relevant du secteur des transports. Le Gouvernement se propose d’affecter une partie de ce financement au paiement des prestations d’un consultant qui sera recruté pour l’élaboration d’une stratégie de restructuration et d’un plan de mise en œuvre de partenariats public-privé à la société commerciale des transports « SCTP », (ex ONATRA). Le Comité de Pilotage de la Reforme des Entreprises du Portefeuille de l’Etat (COPIREP) a été chargé par le Gouvernement de la RDC, par délégation de maîtrise d’ouvrage, de la sélection du consultant qui réalisera ces prestations. Les prestations comprendront deux phases : 1. L’élaboration d’une stratégie de restructuration et de propositions de partenariats public-privé pour les différentes activités de la SCTP : a. Due diligence de l’entreprise et des facteurs pouvant affecter sa restructuration et la mise en œuvre de PPP ; b. Proposition de PPP possibles pour les activités opérationnelles ; c. Proposition d’un plan social ; d. Elaboration d’un plan de mise en œuvre de la restructuration et des PPP ; e. Préparation du DCE pour le recrutement d’opérateurs pour la reprise de l’exploitation des activités opérationnelles de la SCTP. 2. Un appui à la conduite du processus de sélection des opérateurs et de négociation des contrats d’exploitation. a. Réalisation d’une campagne de marketing auprès d’opérateurs/investisseurs potentiels ; JEUNE AFRIQUE

b. Appui au COPIREP dans la gestion des appels d’offres pour le recrutement d’opérateurs pour la reprise de l’exploitation des activités opérationnelles de la SCTP ; c. Appui au COPIREP dans la négociation et la signature des contrats. Le consultant sera un bureau d’études ou un cabinet de conseil spécialisé dans l’étude et la mise en oeuvre de partenariats public-privé dans le secteur des transports, spécialement dans le sous-secteur portuaire et ferroviaire. Il devra avoir mené au moins trois missions similaires dont une au moins effectuée dans le contexte des entreprises publiques de transports dans un pays en développement. Le COPIREP invite les consultants de toutes origines, intéressés par la réalisation de ces prestations, à lui adresser au plus tard le lundi 13 juin 2011 une lettre de manifestation d’intérêt faisant état de leur souhait d’être présélectionné et présentant : 1. leurs références dans des prestations similaires, 2. leur compte de résultat et leur bilan des trois dernières années, 3. leurs moyens humains et matériels, et 4. les coordonnées du responsable du bureau d’études à qui adresser le résultat de la présélection. L’adresse pour obtenir, le cas échéant, des informations complémentaires, et adresser la lettre de manifestation d’intérêt, est : COPIREP A l’attention de Monsieur ILUNGA ILUNKAMBA, Secrétaire Exécutif Immeuble SOFIDE, Croisement des avenues Lemarinel et Kisangani, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo Email : copirep@copirep.org, cpm@copirep.org Tél. : +(243) (0) 15 10 10 00 - http://www.copirep.org N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Expression d’intérêt - Manifestation d’intérêt

INTRODUCTION Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) invite les investisseurs à exprimer leur intérêt pour l’acquisition d’une part majoritaire de la Cimenterie Nationale (CINAT). Le conseiller du Gouvernement pour cette opération est la Standard Bank. PRESENTATION DE LA CINAT La CINAT a été créée en 1970 et son siège est à Kinshasa. La société dispose d’une cimenterie intégrée d’une capacité nominale de 300.000 tonnes, située à Kimpese, à 200 km au sud-ouest de Kinshasa, sur l’axe Matadi-Kinshasa. L'usine a été construite en 1972 par la société danoise FLSmidth. La cimenterie est située à côté de la carrière de la CINAT sur une concession de 588 hectares alliant qualité des ressources de calcaire et d'argile. Les réserves de calcaire de la carrière exploitée actuellement sont estimées à 12.5 millions de tonnes. Les réserves d’une autre carrière située également sur la concession sont estimées à 11.8 millions de tonnes. L’actionnariat de la CINAT est le suivant : Etat congolais : 91.7% Groupe Rawji : 7.5% Autres : 0.8% L’OPPORTUNITE • La RDC subit une pénurie chronique de ciment. La capacité de production locale est estimée à 0.78 millions de tonnes par an (mtpa) contre une demande estimée à 3.2 mtpa. • Le prix du ciment sur le marché local est élevé • Potentiel : la RDC est un des pays d’Afrique les plus riches en ressources naturelles. Le pays dispose de 4% des réserves mondiales de cuivre et d’un tiers des réserves de cobalt. Il détient également des réserves importantes d’or, d’argent, zinc, diamants, coltan, cadmium, uranium, etc... Le potentiel de production d'hydroélectricité de la RDC est estimé à 100,000 MW. • La demande actuelle de ciment en RDC est soutenue par les projets d'infrastructures du gouvernement, le développement des activités minières, et la demande générale liée à la construction.


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Annonces classées Ministère de l’Enseignement Supérieur

République du Mali

Et de la Recherche Scientifique

Un Peuple – Un But – Une Foi

Secrétariat Général

SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTERET Pays : Mali Projet de Construction de la Bibliothèque Universitaire Centrale de l’Université de Bamako Financement : Budget National, Exercice 2011,

Manifestation d’intérêt

Section 412, UF 3-2-0-0121-000-0340-01-1, Chapitre 3-622-31

Le Gouvernement de la République du Mali, avec le concours de l’UNESCO, a décidé, pour les besoins de l’Université de Bamako, de construire une bibliothèque dite « Bibliothèque Universitaire Centrale » sur le site du campus universitaire de Badalabougou. Pour garantir la qualité architecturale du projet, les promoteurs envisagent d’organiser un concours international d’architecture. Le financement du concours sera assuré par le Budget National, Exercice 2011, Section 412, UF 3-20-0121-000-0340-01-1, Chapitre 3-622-31. Les principales tâches du consultant retenu comprennent entre autres : • Les études et le suivi du projet pendant la durée de son exécution, • La préparation des dossiers d’appels d’offres concernant les marchés de travaux et d’équipement, • La participation au choix des entreprises, • La signature et la gestion des marchés de travaux et d’équipement (ces marchés étant passés après appel à la concurrence en accord avec les dispositions des procédures réglementaires relatives à la passation des marchés publics), • Le contrôle et la réception des travaux et des équipements, • La préparation des certificats pour le paiement des entreprises, • La soumission de rapports d’activités trimestriels donnant l’état d’avancement du projet et la situation financière des dépenses engagées et effectuées. Le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique invite les bureaux ou groupement de bureaux d’Etudes d’architecture à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel, etc.). Une liste restreinte sera sélectionnée en accord avec les dispositions du décret 08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence aux adresses ci-dessous, les jours ouvrables de 08 heures à 16 heures : - Secrétariat Général du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Conseiller Technique Drissa Diakité, Tél. 223 20 29 51 58, 223 20 29 51 93 /20 29 51 94, Avenue du Mali, Rue 311, Immeuble Mamady Kaïta, BP E5466, Bamako ; E-mail : diakite.drissa@gmail.com ; - Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Ibrahima Sanogo, Directeur des Finances et du Matériel, Tél/Fax 223 20 23 68 90, E-mail : ibrim_ml@yahoo.fr ; - Rectorat de l’Université de Bamako, Nafo Ouattara, Gestion du Patrimoine de l’Université de Bamako, Zone Universitaire, Tél. 223 20 22 19 33, 20 23 35 91, E-mail : metaganafo@hotmail.com Les manifestations d’intérêt doivent être déposées au Secrétariat Général de la Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, sis au RDC du Bâtiment abritant la Direction Nationale de l’Enseignement Secondaire Général, Place de la Liberté, Tél. 20 22 46 61, Poste 1146, Bamako, au plus tard le 30 juin 2011, à 16 heures. Pour le Ministre et par ordre Le Secrétaire Général Kénékouo dit Barthélémy TOGO, Chevalier de l’Ordre National N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTERE DES INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION

Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires (PRO-ROUTES) (Don : H359-DRC et TF092300)

SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTERET Services de consultants : SUIVI DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIAUX DU PROJET PRO ROUTES A L’AIDE D’IMAGERIE SATELLITAIRE ET DE TECHNIQUES D’INTERPRETATION LIEES AUX SYSTEMES D’INFORMATION GEOGRAPHIQUES (SIG) N° Avis : AMI N°04/CI/PRO-ROUTES/201 Date de l’Avis : 30 mai 2011

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N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

Manifestation d’intérêt - Divers

1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement et un don du DFID, globalement de 123 millions de USD pour financer le Projet Pro-Routes, Projet de Réouverture et Entretien de Routes Hautement Prioritaires dont l’objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce au rétablissement et à la préservation durable des infrastructures routières permettant l’accès des populations aux marchés et aux services sociaux et administratifs nécessaires à la relance socio-économique et à la réintégration du pays. Il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements au titre du Contrat de services d’une firme internationale pour la réalisation du suivi des impacts environnementaux et sociaux du Projet à l’aide d’imagerie satellitaire et de techniques d’interprétation liées aux systèmes d’information géographiques. 2. Pour répondre aux critères de sélection, la firme internationale doit : a. Prouver qu’elle possède des capacités professionnelles et une expérience avérée dans le suivi d’impacts environnementaux et sociaux par télédétection satellitaire. Notamment une déclaration prouvant que la firme a une telle expérience, en citant les missions déjà réalisées ces cinq (05) dernières années et qui lui permettent de remplir ces critères (nature de la mission, pays, dates, administration responsable, bailleurs de fonds, etc.) ; b. Joindre les bilans certifiés des cinq (5) dernières années qui établissent qu’elle est dans une situation financière saine ; c. Etre en mesure de mobiliser des experts jouissant d’une très bonne expérience dans le traitement et l’exploitation de l’imagerie satellite, et les SIG (de préférence dans des projets financés par la Banque Mondiale) et ayant déjà participé effectivement à des études correspondant aux services à fournir. 3. Les services demandés ont pour objet le recours à la télédétection (imagerie satellitaire et aux techniques d’interprétation) compatibles aux systèmes d’information géographiques pour : a. identifier et suivre l’évolution des impacts sociaux et environnementaux causés par la réouverture et l’entretien des routes du Projet ; b. produire des données quantitatives, spatiales géoréférencées et dynamiques en vue de mesurer ces impacts, c. compléter, voire orienter, le travail des équipes de terrain, chargées du contrôle et de l’atténuation des impacts ; d. administrer une formation aux personnels concernés, une fois par an, au siège de la CI. Le Projet est mis en œuvre par la Cellule Infrastructures (CI) qui est placée sous la tutelle du Ministère des Infrastructures, Travaux Publics, et Reconstruction (MITPR) de la République Démocratique du Congo (RDC). Les services demandés seront administrés par la CI. La langue de travail est le français et les rapports devront être rédigés en français. Toutes les archives et documents sont en français sauf quelques documents de la Banque mondiale spécifiques au Projet qui sont en anglais. La connaissance de l’anglais est un atout. 4. La CI invite les Candidats admissibles, firme ou groupement de bureaux à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les Candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures, références concernant l’exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel permanent ou ponctuel, une lettre de motivation-2 pages maximum - expliquant les motivations profondes d’intérêts pour le présent projet, les expériences spécifiques pertinentes et similaires à prendre en compte pour l’examen des expressions d’intérêts en vue de la constitution de la liste restreinte, etc.). Ils doivent fournir les éléments de justification des expériences spécifiques exigées au point 2.a ci-dessus. 5. Un Consultant sera sélectionné, en accord avec les procédures définies dans les Directives: « Sélection et Emploi des Consultants par les emprunteurs de la Banque mondiale», édition Mai 2004, révisées en Octobre 2006 et Mai 2010. 6. Le démarrage de la mission est prévu pour fin juillet 2011. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à la CI à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables de lundi à vendredi de 9h00 à 16h00, heures locales. 7. Les Manifestations d’Intérêts, rédigées en langue française en trois (03) exemplaires (original + 2 copies) doivent parvenir par porteur ou par voie postale (recommandé ou rapide poste) ou par e-mail à l’adresse ci-dessous au plus tard le 20 juin 2011 à 14 heures (heure de Kinshasa) et porter clairement la mention: «AMI N°04/CI/PRO-ROUTES/2011–Recrutement du Consultant pour le suivi des impacts environnementaux et sociaux du Projet Pro-Routes à l’aide d’imagerie satellitaire et de techniques d’interprétation liées aux systèmes d’information géographiques.» : Cellule Infrastructures du Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction Cellule Infrastructures - 70A, Avenue Roi Baudouin, n°70A, Kinshasa/Gombe République Démocratique du Congo Téléphone (+243)81.037.64.94 - E-mail : celluleinfra@vodanet.cd - Site web : www.celluleinfra.org


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Recrutement

JEUNE AFRIQUE

N° 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

De la continuité à Tunisair PERMETTEZMOI de réagir à votre article intitulé « Tunisair naviguait à vue » ( J.A. no 2627). Si Tunisair naviguait à vue, ce serait avec visibilité non nulle, pour employer le langage des pilotes, et clairvoyance tant que Nabil Chettaoui reste à sa tête. M. Chettaoui, que je ne connais pas personnellement, bien que nommé à l’époque maudite, était tellement clair et transparent qu’il a déclaré publiquement son salaire ! Cela n’a échappé à personne, surtout qu’à cette époque nul n’avait la moindre idée du devenir de la Tunisie en 2011. À ma connaissance, aucun autre PDG ne l’a fait ! De manière pragmatique, Chettaoui a fait faire des bénéfices à Tunisair, malgré son démantèlement et les prédateurs en tout genre. Maintenant qu’on envisage de réintégrer la maintenance, l’assistance au sol, la restauration, etc., ce qui amènera des économies d’échelle à terme, il faut laisser le soldat Nabil Chettaoui accomplir sa mission, dans un climat social paisible, pour le bien de l’entreprise, du personnel et du pays. Le ministre des Transports, quoique provisoire, serait bien inspiré de le soutenir et de l’aider budgétairement. Tunisair, c’est la Tunisie ! ● DR BELGACEM SAADAOUI, Chessy, France

Les enfants de la révolution QUATRE MOIS se sont (déjà) écoulés depuis l’avènement de ce qu’il faut bien appeler la révolution tunisienne. Une ferveur inédite s’est emparée des Tunisiens, de Bizerte à El-Borma, libres et fiers de pouvoir enfin s’exprimer sur la situation actuelle et future du pays. L’effervescence qui en résulte – d’aucuns la qualifieraient volontiers de chaos – n’en demeure pas moins une phase cathartique nécessaire : les manifestations sporadiques, les sit-in improvisés, les grèves inopinées et même le N o 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

foisonnement des partis politiques ne sont que les « signes TUNISIE sympathiques » Où va la révolution ? d’une démocratie naissante et balbutiante. J.A. no 2627. Réjouissonsnous plutôt de cette nouvelle ère. Les moments que nous vivons, même nimbés d’incertitude(s), sont historiques. Et que les plus pessimistes se rassurent : si le peuple tunisien a pu faire voler en éclats un système réputé despotique et cadenassé, sa vigilance et sa détermination étoufferont toute volonté absolutiste des prétendants au pouvoir… Pendant ce temps, en marge de ce légitime bouillonnement, des citoyens (extra)ordinaires continuent de faire leur devoir. Quotidiennement,

anonymement et avec dévouement. Je veux rendre hommage au travail de l’ombre des membres d’associations caritatives et d’ONG opérant en Tunisie. ● SIHEM BOUZIDI, Ezzahra, Tunisie

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L’artisanat africain se meurt LES OBJETS ET ACCESSOIRES à usage domestique en provenance de pays européens et asiatiques prédominent sur le continent. Et nombreux sont les habitants qui sont souvent surpris du prix excessif de ces importations. À cause des produits manufacturés qui ne cessent d’envahir les marchés africains, l’artisan sombre dans le désespoir, et son métier semble en voie de disparition. Il se sent réduit au simple rôle d’exécutant. Quant à ses enfants, ils ne se sentent pas obligés d’apprendre ce métier, qu’ils jugent à tort peu rentable. Ce problème est au cœur d’une bataille culturelle que nous sommes condamnés à gagner si nous voulons voir survivre nos trésors culturels menacés de disparition. D’où la nécessité de politiques culturelles adaptées. ● LUKUSA NGINDU, ethnologue, Saint-Michel-sur-Orge, France

Hommage à Patassé EN 1993, L’ACCESSION à la magistrature suprême du populiste Ange-Félix Patassé a donné l’espoir d’un véritable retour à la démocratie. Ange-Félix Patassé a démenti l’idée préconçue tendant à faire croire que, en Afrique, l’issue de l’élection présidentielle dépend de la seule volonté des dirigeants occidentaux : il a, en effet, été bien loin d’une communion de pensée avec eux. C’était un politique professionnel. Pendant ses mandats présidentiels, il est resté très attaché à ses stratégies « féanfistes », oubliant quelquefois de les adapter à la nouvelle configuration mondiale. Précisons que la Feanf était la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, qui, dans les années 1960, a beaucoup contribué à la formation politique des futurs dirigeants, et était connue pour ses positions très anticolonialistes. Les exils répétés, la maladie et l’âge, peut-être la sagesse, ont considérablement tempéré les ardeurs du « vieux lion barbu », qui, à la proclamation des résultats contestés de l’élection présidentielle du 23 janvier 2011, a préféré saisir la Cour constitutionnelle, compétente pour les litiges électoraux, plutôt que la « juridiction de la rue ». Au soir de sa vie, comprenant que l’homme n’est rien d’autre qu’un homme, et que tout n’est que vanité, il s’est proclamé « petit frère de Jésus-Christ ». Puisse sa disparition ouvrir définitivement la voie de la démocratie, avec toutes ses composantes, à notre cher pays, la République centrafricaine. ● M AÎTRE A RISTIDE S OKAMBI Avocat au barreau de la République centrafricaine, membre associé au barreau de Bruxelles JEUNE AFRIQUE


Vous nous

Qui est l’Africaine ? JE ME DEMANDE qui est l’Africaine dans les attitudes de deux femmes au centre du débat de l’affaire DSK. D’une part, il y a la Guinéenne, Nafissatou Diallo, femme noire, africaine, dont on sait qu’elle est issue d’un monde où dénoncer le viol jette l’opprobre sur soi et entraîne toutes sortes de rejets, à savoir répudiation, bannissement et incompréhension. Mais cette femme a eu le courage de dénoncer, de faire ce que l’Africaine ne fait pas. Neuf années passées aux États-Unis ont contribué, sans doute, à cette mue. D’autre part, il y a Anne Sinclair, l’Occidentale, pur produit d’une société où la femme n’est pas reconnue seulement pour ses qualités ménagères ou de mère. Dans le mariage, elle est une partenaire à 100 %. À la moindre indélicatesse du mari, la femme blanche ne badine pas,

c’est la rupture. On l’a vu avec Tiger Woods ou encore l’ex-gouverneur de Californie. Les cas sont légion. Cela tranche avec l’Africaine car, dans des régions comme le Kasaï (RD Congo), une femme célibataire est très mal vue. Les femmes préfèrent être 26e bureau d’un mari polygame que célibataire. Ici c’est le statut de femme mariée qui compte quels que soient les écarts du comportement sexuel du mari. Or, Mme DSK soutient son mari contre vents et marées, comme une

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Africaine. Au point qu’elle peut même piocher dans sa fortune personnelle. À ce que je sache, elle n’a pas eu de séjour prolongé en Afrique… En tentant de faire un rapprochement avec Mme Clinton – toutes proportions gardées –, peut-on en tirer la conclusion que, africaine ou occidentale, une femme reste une femme ? ● BEN KAPUYA SHAMBUYI, Avocat au barreau de Kinshasa, Goma, RD Congo

Précision Ambassadeur de la République de Corée du Sud en Algérie, M. Choi Sung-joo relève une imprécision dans une carte de son pays publiée dans J.A. no 2603 (28 novembre-4 décembre 2010). Nous y appelions « mer du Japon » la mer séparant la Corée du Sud du Japon. Or cette appellation est essentiellement utilisée par… les Japonais. Pour leur part, les Sud-Coréens parlent de « mer de l’Est ». Dans un louable souci d’œcuménisme, les cartographes retiennent généralement l’appellation « mer du Japon (mer de l’Est) ».

COMMUNIQUÉ

Première banque polyvalente de proximité du Congo avec ses 13 points de vente, le Crédit du Congo s’apprête à ouvrir 8 nouvelles agences et poursuit sa stratégie de diversification en annonçant le lancement de nouveaux produits. Tout en assumant son métier de financier, cette banque véhicule les valeurs fédératrices du Groupe Attijariwafa bank par la culture d’entreprise et la promotion des compétences locales. À l’occasion de son entrée au capital du Crédit du Congo, Attijariwafa bank annonçait qu’il contribuerait à la bancarisation du pays. C’est un challenge qui aujourd’hui s’affirme progressivement par une stratégie et une politique de proximité avec la population : facilités d’accès aux services bancaires, élargissement de la base clientèle sans exclusive et mise en place de nouveaux produits adaptés à toutes les catégories de revenus. De fait, les résultats obtenus en 2010 sont très encourageants : le nombre de comptes clients a augmenté de plus de 50%, les ressources ont connu un développement de plus de 37% et les crédits distribués ont évolué de plus de 23%, pour un coefficient d’exploitation en nette amélioration de 11 points. La qualité du service se renforce davantage, soutenue par la création de nouvelles agences et par le développement de la monétique en nombre de Guichets Automatiques de Banque (GAB) et de déploiement de Terminaux de Paiement Electroniques (TPE) auprès des commerçants qui profitent de l’affiliation VISA et MasterCard. Tous les chefs-lieux des Départements, tous les grands centres commerciaux et d’affaires sont en passe d’être couverts par la présence du Crédit du Congo : l’année 2010 a connu l’ouverture de 4 agences, et 2011 se veut plus ambitieux avec 8 nouveaux points de vente notamment à Brazzaville, Dolisie et Pointe-Noire.

La banque se distingue également à travers ses nouveaux produits visant à la fois les particuliers et les entreprises, mais aussi les professionnels. De nouveaux produits ont vu le jour en 2010 : le crédit NOKI-NOKI, l’automatisation des virements de salaires, des paiements des fournisseurs, et des prélèvements des redevances ; mais 2011 ne sera pas en reste… En interne, la banque Crédit du Congo s’est engagée dans la promotion des compétences locales par la formation tant au Congo qu’à l’étranger (Cameroun, Gabon, et Maroc). Ces cadres nationaux tiennent désormais des postes de responsabilité, et participent à la prise des décisions et à la définition de la stratégie de la banque. La culture d’entreprise du Groupe Attijariwafa bank est visiblement en symbiose avec les valeurs socioculturelles locales : le personnel congolais en a donné la preuve, en rédigeant un code de déontologie issu des réalités et valeurs nationales, et épousant celles du groupe auquel il est dorénavant bien intégré. Cela s’est confirmé d’ailleurs le 26 février dernier par la tenue du 1er Forum du Crédit du Congo, rassemblant tous les collaborateurs de la banque, en vue de présenter et débattre des réalisations 2010 et des perspectives 2011. CDCo

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Association de malfaiteurs

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

M

ISÉRICORDE Desmond m’a écrit. Je devrais plutôt dire Mercy Desmond. Enfin, Miséricorde-Mercy Desmond, pour simplifier. Je ne sais pas combien de personnes portent ce nom à travers le monde. La mienne, si je puis me permettre, a vu mes coordonnées et ma tête sur l’un des réseaux dits sociaux actuellement en vogue. Elle a craqué (ce n’est qu’une prétention de ma part)! Dans un premier temps, elle m’a adressé un tout petit message: une ligne, pas plus, me demandant de lui écrire. « Que voulez-vous, Miss Miséricorde-Mercy? » Telle fut ma réponse à sa requête. Miséricorde-Mercy a très vite réagi. Son mail est rédigé en franglais, c’est-à-dire un mélange entre le français et l’idiome de Shakespeare. Extrait : « Plus chère, tout d’abord je vous remercie de votre réaction à l’email mine ; enline avec le message que j’ai envoyé à you. How a été votre nuit là-bas dans votre pays, je crois que vous aviez une bonne nuit et que le arthmosphere là-bas dans votre pays très beau aujourd’hui? Le mien est un peu plus chaud ici à Dakar Senegal. My nom est Miséricorde Desmond je suis (24) ». Miséricorde-Mercy m’apprend qu’elle est originaire du « Rwanda en Afrique de l’Est ». Que son défunt père, Dr Philip Desmond, fut un homme politique et un chef d’entreprise à Kigali, et qu’il a été tué pendant le génocide. Depuis, elle vit dans un camp de réfugiés à Dakar. Son seul soutien au monde est un pasteur de l’Église du Christ de mission sauveur (sic). Elle me donne le nom et le numéro de téléphone du fameux pasteur par qui je dois passer pour entrer en contact avec elle. J’écrase une larme : pauvre fille, quelles souffrances ! Miséricorde-Mercy me confie alors un secret : son père a laissé 6, 7 millions de dollars sur un compte à l’étranger. Elle voudrait récupérer cet argent. Comment? En le faisant transiter par mon compte. Ensuite ? « Vous pouvez envoyer de l’argent pour moi d’obtenir mes documents de voyage et billet d’avion pour venir rencontrer you », ajoute-t-elle. Trop beau, n’est-ce pas? Lorsque j’examine les photos jointes à son courrier, je la trouve séduisante, bien habillée. Mais elle pose sur un bateau de plaisance. Dans le décor, les bâtiments d’une ville s’imposent. Mais ce n’est pas Dakar. Je lance immédiatement une recherche sur internet. Miséricorde-Mercy Desmond est bien présente, avec un autre visage, la même histoire, le même âge depuis toujours, d’autres noms et numéros de téléphone de pasteurs. La bandite (permettez) ! Il y a quelques jours un mail signé « Mme Tchuadem Sandras » m’est parvenu. C’est une veuve dont le mari, un Canadien qui a travaillé au Bénin, a laissé une fortune. Elle serait actuellement soignée à Londres pour un cancer. Dans les trois prochaines semaines, elle ne sera plus de ce monde. Par conséquent, elle veut léguer son argent « à des personnes de bonnes moralités ». Et c’est moi qu’elle a choisi comme héritier d’une somme de « UN MILLION VINGT-CINQ MILLE DOLLARS US » ! Mais qu’ai-je donc fait au bon Dieu ? S’il existe, évidemment. Méfiez-vous de l’argent qui tombe du ciel. ●

Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous & nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié (à Rabat), Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Marie Villacèque, Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon;contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: MAI 2011. ISSN 1950-1285.

N O 2629 • DU 29 MAI AU 4 JUIN 2011

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