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TUNISIE AVEC LES OUBLIÉS DE GAFSA N° 2630 • du 5 au 11 juin 2011

LE PLUS

de Jeune Afrique

GUINÉE GUIN ÉE ÉQUAT É QUAT QUATORIA ORIALE ORIA LE

Sur le devant de la scène

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année

jeuneafrique.com

EXCLUSIF

INTERVIEW BLÉ GOUDÉ SORT DE L’OMBRE !

Spécial 24 pages

AFRIQUE DU SUD DOCTEUR JACOB ET MISTER ZUMA SÉNÉGAL OPPOSITION (DÉS)UNIE

CÔTE D’IVOIRE

QUE RESTE-T-IL DU CAMP GBAGBO ? Deux mois après la chute de l’ex-président, enquête sur le sort de ses fidèles. • Mamadou Koulibaly : « Si Ouattara cherche à se venger… » • Ces chefs qui ont perdu la guerre

De haut en bas et de g. à dr. : Mamadou Koulibaly, Charles Blé Goudé, Georges Guiai Bi Poin, Bruno Dogbo Blé, Philippe Mangou

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GUINÉE ÉQUATORIALE

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Destination GUINÉE ÉQUATORIALE


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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 4 JUIN

Petit bilan de six mois

C

E QU’ON A APPELÉ le « printemps arabe », qui a surgi au début de cette année sans que personne ne l’ait vu venir, continue de retenir l’attention du monde entier et de bénéficier d’un préjugé éminemment favorable. Il n’est pas de dirigeant politique ou de haut fonctionnaire international, pas de grand économiste ou d’intellectuel de renommée mondiale qui n’ait son mot à dire sur le phénomène, en général pour s’en féliciter ; pas de conférence internationale qui ne s’en saisisse, à l’instar du G8, qui vient de se tenir à Deauville, pour marquer sa sollicitude envers ces insurgés, dont nul n’attendait qu’ils se lèvent pour abattre de si encombrantes dictatures. ■

Francis Fukuyama: cet intellectuel américain (d’origine asiatique), classé à droite et spécialiste de « sociétologie », est devenu célèbre, du jour au lendemain, en annonçant que la chute du communisme, en 1989, marquait « la fin de l’Histoire ». Il avait alors 36 ans et écrivait ceci : « Nous n’assistons pas seulement à la fin de la Guerre froide ou à la transition vers une période posthistorique, mais à la fin de l’histoire en tant que telle, c’est-à-dire à l’aboutissement de l’évolution idéologique de l’humanité, et à l’extension universelle de la démocratie libérale occidentale comme forme ultime de gouvernement humain. » Interrogé sur le « printemps arabe », il vient de formuler un jugement que je vous livre parce qu’il est passé inaperçu et aussi parce qu’il résume le point de vue des grands intellectuels occidentaux : « Le printemps arabe ? Eh bien, avant tout, je suis véritablement ravi que ce soit arrivé, parce que la démocratie ne peut advenir sans mobilisation populaire. Tout le monde pensait, en un sens, que les Arabes en étaient incapables. Ils ont montré qu’ils pouvaient le faire. Mais je crois que créer des institutions demande du temps et que, pour l’heure, les gens les plus ouverts sur l’extérieur, les plus démocrates, tolérants et libéraux, sont très mal organisés. Ils n’ont aucune expérience. La société civile avait été réduite à néant, si bien que tout ce qui soutient des institutions démocratiques solides fait défaut. » ■

Ce « printemps arabe » dont tout le monde parle est devenu, en moins de six mois, un facteur important des relations internationales : on espère sa réussite, mais on JEUNE AFRIQUE

la juge incertaine, au point d’appréhender son échec, qu’on estime possible ou même probable. Où en est-il à la veille de l’été, qui ne favorise pas l’action dans des pays arabes écrasés de soleil, et à quelques semaines du mois de ramadan, qui, en terre d’Islam, en enfièvre quelques-uns mais en anesthésie la plupart ? Je vous livre mon analyse d’observateur attentif en précisant qu’il s’agit d’une situation évolutive dont les aléas et les imprévus rendent tout pronostic hasardeux. ■

C’est donc avec prudence et modestie que je dirai ceci : 1) Il me semble que l’acquis tunisien est solidement établi. On peut faire un parallèle avec ce que Bourguiba a dit le 31 juillet 1954, lorsque Pierre Mendès France annonça devant le bey, à Carthage, que la France consentait enfin à l’autonomie interne de la Tunisie. Habib Bourguiba avait alors déclaré : « C’est une étape substantielle et décisive vers l’indépendance. » Cette dernière est advenue dix-huit mois après ce discours de Carthage, et je crois pouvoir dire que, sauf accident, la démocratie tunisienne aura été instaurée dans les dix-huit mois à dater du 14 janvier 2011, jour de la chute formelle de la dictature. En Égypte, la dictature de Hosni Moubarak, de son clan et de son parti est tombée un mois plus tard, le 11 février. Mais la transition vers la démocratie est assurée depuis quatre mois par l’armée, celle-là même qui avait confié le pouvoir, en 1981, à Moubarak et accepté qu’il le monopolise et s’y perpétue. Il n’est pas acquis, au regard du comportement de l’armée égyptienne à ce jour, qu’elle ait renoncé « aux poisons et aux délices » du pouvoir et opté pour la démocratie. L’allié américain lui-même, par la bouche de Hillary Clinton, constate que la répression n’a pas cessé et que le cap démocratique n’est pas tenu. ■

2) La Tunisie et l’Égypte comptent ensemble près de cent millions d’habitants : le tiers de la population totale du monde arabe. Pour le moment, ce sont les deux seuls pays où le « printemps arabe » a enregistré de vrais succès : obtenus rapidement et avec une apparente facilité, ils ont constitué une « divine surprise ». N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Ce que je crois Hors de ces deux cas, lorsque leur mainmise sur le pouvoir a été attaquée, les autocrates ont résisté avec férocité, et jusqu’ici, ils ont tenu. Je pense que le dictateur yéménite est en bout de course, mais que, de toute manière, ce pays est à des « décennies lumière » de la démocratie : il ne fera, hélas, selon toute probabilité, que changer de maîtres. La Syrie ? Le pouvoir y est tenu par une minorité armée qui se bat, le dos au mur, pour sa survie. Mais la révolte des opprimés syriens, la majorité, semble si déterminée et si profonde qu’elle devrait obtenir sinon la chute du régime, du moins le desserrement de son joug. ■

3) C’est en Libye que se joue le sort du « printemps arabe » et ce qui s’y passe en ce moment même est, à mon avis, source d’optimisme. Même s’ils sont lents, les progrès des insurgés libyens sont réels. Au fil des jours, ces insurgés, qui n’existent comme force – inorganisée au début – que depuis près de quatre mois, sont mieux armés et mieux dirigés. Le nombre et la force de leurs alliés extérieurs s’accroissent tandis qu’à l’intérieur les ralliements se multiplient. À l’inverse, l’étau se resserre autour du dictateur libyen : ses collaborateurs le quittent l’un après l’autre, et ses derniers alliés le lâchent ; ses moyens se réduisent, ses réserves se raréfient et ce qui lui restait de prestige s’est envolé. À Tripoli, son État, ou ce qui en tient lieu, se disloque à mesure que s’affermit, à Benghazi, le nouvel État libyen.

L’Italie, ex-puissance coloniale, vient de choisir son camp : elle met tous ses moyens – et son savoir-faire – à la disposition du nouvel État libyen. Et pour ôter au clan des Kaddafi tout espoir de répit, l’Otan a prolongé de trois mois la durée de son intervention militaire. ■

Un dernier signe – anecdotique – indique que la fin des Kaddafi est on ne peut plus proche : l’arrivée à Tripoli, pour les défendre, de deux ténors du barreau français, Roland Dumas et Jacques Vergès. Ils s’étaient mobilisés pour Laurent Gbagbo et se sont rendus à Abidjan en mars 2011 pour le conforter en tant que président usurpateur. À peine étaient-ils retournés à Paris que leur client chutait et se rendait à ceux dont il avait usurpé le pouvoir. ■

À l’exception notable du Sénégal, où le président Abdoulaye Wade a fait le bon choix en favorisant l’avènement de la démocratie, hier en Côte d’Ivoire, aujourd’hui en Libye, l’Afrique est en train de rater une opportunité historique. Si elle s’était félicitée de l’accession de la Tunisie et de l’Égypte à la démocratie, si elle avait aidé les insurgés libyens à l’emporter plus rapidement, elle aurait contribué à faire que le « printemps arabe » soit africain. Par les trois pays – africains – qui l’ont initié, et par l’Afrique qui l’aurait soutenu. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð Une image vaut mille mots. Confucius Ð Les politiciens sont les mêmes partout. Ils promettent de construire un pont même lorsqu’il n’y a pas de fleuve. Nikita Khrouchtchev Ð - Mais pourquoi courent-ils si vite ? - Pour gagner du temps ! Comme le temps, c’est de l’argent… Plus ils courent vite, plus ils en gagnent. Raymond Devos Ð Tout ce qu’Allah réalise n’est pas toujours juste et parfait : parfois, il vous gratifie d’une grosse tête sans vous donner les moyens d’acquérir un long turban. Ahmadou Kourouma N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Ð La vocation est un torrent qu’on ne peut refouler, ni barrer, ni contraindre. Il s’ouvrira toujours un passage vers l’océan. Henrik Ibsen Ð Un jour, y’aura un homme qui mourra sur la lune, on va l’enluner. Brèves de comptoir Ð Un érudit est quelqu’un qui en montre moins qu’il n’en sait ; un journaliste ou un consultant fait l’inverse. Nassim Nicholas Taleb Ð Une auto-stoppeuse est une jeune femme, généralement jolie et courtvêtue, qui se trouve sur votre route quand vous êtes avec votre femme. Woody Allen

Ð D’un os sec, on ne tirera jamais de moelle. Proverbe africain Ð Tout ce qui est de l’ordre du charnel, du passionnel, du désir, est contradictoire avec l’amour. À cause de l’aspect possessif. Yasmina Reza Ð Pour s’améliorer, il faut changer. Donc, pour être parfait, il faut avoir changé souvent. Winston Churchill Ð La joie de chercher est supérieure à la satisfaction de trouver, parce que l’espoir subsiste. Al-Daqqaq Ð L’enfer des femmes, c’est la vieillesse. François de La Rochefoucauld JEUNE AFRIQUE


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Éditorial François Soudan

Où va le Maroc?

R

abat, début juin. Premier soleil d’été avant l’heure. Les chauffeurs de taxi pestent contre l’absence de touristes, les bourgeois s’inquiètent du dernier scandale sexuel venu de France et qui ne va pas contribuer à redorer l’image de Marrakech, le roi revient juste de l’Oriental où il a fait ce qu’il sait le mieux faire – inaugurer des projets de développement, avec la minutie d’un arpenteur –, et la classe politique retient son souffle. Dans cinq mois, si tout va bien, le royaume se sera doté d’une nouvelle Constitution largement remaniée, d’une monarchie parlementaire et d’une Chambre des députés new-look repeinte aux couleurs de la réforme. La matrice des révoltes arabes aura donc accouché ici d’une évolution copernicienne, ou d’une révolution veloutée, comme on voudra. Une omelette sans œufs cassés. Fin du conte de fées.

Pourtant, comme le démontrent aujourd’hui les aléas tunisiens, une société civile forte et organisée serait, en l’absence de partis politiques réellement représentatifs, une alliée précieuse pour qui veut maintenir l’élan démocratique et empêcher une restauration autoritaire d’où qu’elle vienne. Le roi du Maroc, dont nul ne met en doute la sincérité – « ma volonté est d’aller de l’avant sur la voie de la réforme, autant que je le puis » – est bien seul dans le cockpit à naviguer entre les turbulences, en attendant que le copilote, le peuple marocain, ait achevé sa phase d’instruction. On ne peut donc que lui souhaiter une chose en cette période incertaine et passionnante: la baraka. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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PHOTOS DE COUVERTURES : AUDE OSNOWYCZ/WOSTOK PRESS ; AFP PHOTO/SIA KAMBOU ; AFP PHOTO/ISSOUF SANOGO

Car rien n’est aussi simple, bien sûr. Même si les journalistes étrangers venus en nombre assister au Maroc à la réplique des séismes tunisien, égyptien ou syrien ont dû rentrer chez eux bredouilles et déçus, ce qui s’annonce n’a rien d’un chemin jonché de pétales. En cause, la disjonction entre les trois forces d’inégale importancequistructurent,encetteannée2011,lechamppolitique marocain. Le roi, les partis et le mouvement du 20 février: chacun évoluedanssonproprecouloiraérien.MohammedVI,toutd’abord. Son discours du 9 mars a surpris par son audace et pris de court ses détracteurs. Il porte un projet novateur, original et fécond de Constitutionquiserasansaucundouteadoptéparréférendum,mais il est le seul ou presque à le faire. Les partis politiques ensuite. Eux n’ontguèreévolué.L’ondedesrévolutionsarabesetlediscourschoc apparaît à la fois pauvre et obsolète. Or ce sont eux qui en octobre prochain auront la lourde tâche de faire voter les électeurs, avec à leur tête des leaders blanchis sous le harnais du Makhzen, que leurs nouvelles responsabilités semblent effrayer. On peut d’ores et déjà douter de leur efficience à mobiliser le camp, majoritaire, des abstentionnistes. Les protestataires du 20 février, enfin. Quoi qu’en dise le pouvoir, l’impulsion royale du 9 mars leur doit beaucoup, sans doute l’essentiel. Mais ce mouvement issu de la société civile, en même temps qu’il se radicalise, se marginalise et s’isole. Ce qui a fait sa force fait aussi sa faiblesse: il est acéphale, sans idéologie distincte ni leader d’envergure capable de négocier, de former des coalitions et demain peut-être de gouverner. Sa base originelle est trop fragile, inexpérimentée et embryonnaire pour lui permettre de résister aux OPA de toutes origines.

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AFRIQUE DU SUD DOCTEUR JACOB ET MISTER ZUMA Le président sud-africain semble à la peine. À mi-mandat, il est contesté jusque dans les rangs de son parti, l’ANC. Mais l’homme a l’art de rebondir.

TUNISIE LES OUBLIÉS DE GAFSA Les habitants du bassin minier ont payé le prix fort de la révolution et n’en sont que plus impatients d’en toucher les dividendes. Qui se font désespérément attendre…

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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États-Unis - Pakistan Vers un divorce pour faute ? Tour du monde Libye Moscou entre en piste Publicité L’offense faite à Naomi Sommet des Trois Bassins Surtout pas de vagues..… Sida Trente ans, et toujours virulent Tunisie Leïla, la Cruella de Carthage Boutheina Kamel La femme pressée Soumaïla Cissé Enfin libre…

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G RA N D A N G L E

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Côte d’Ivoire Que reste-t-il du camp Gbagbo ?

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Afrique du Sud Docteur Jacob et Mister Zuma Sénégal Opposition (dés)unie Adoption Scandale à Bamako Tribune En Guinée, la transition n’est pas terminée JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

CÔTE D’IVOIRE Que reste-t-il du camp Gbagbo? • Exclusif Interview : Blé Goudé sort de l’ombre

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• Mamadou Koulibaly : « Si Ouattara cherche à se venger… » • Ces chefs qui ont perdu la guerre • Et aussi : La reprise économique, à tout prix, pp. 94-96 GRAND ANGLE

BENJAMIN STORA « ON ASSISTE À LA NAISSANCE DE L’INDIVIDU ARABE » Interview de l’historien et spécialiste du Maghreb à l’occasion de la sortie de son livre d’entretien autour du « printemps arabe ».

LE PLUS

de Jeune Afrique

GUINÉE ÉQUATORIALE

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POURQUOI BLATTER A (ENCORE) GAGNÉ À L’ISSUE D’UNE FOLLE SEMAINE marquée par des accusations de corruption, Joseph Sepp Blatter a été reconduit à la tête de la Fifa. In-sub-mer-si-ble !

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Guinée Cellou proteste, Alpha dément Bénin Koupaki, Premier ministre sur mesure Djibouti Les Japonais s’installent Gabon Sortira, sortira pas ?

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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T

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Tunisie Les oubliés de Gafsa Algérie Où en est l’opération mains propres ? Proche-Orient Un Syrien à Tel-Aviv Israël Ex-faucons proposent paix globale Interview Benjamin Stora : « On assiste à la naissance de l’individu arabe »

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE

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Football Pourquoi Joseph Sepp Blatter a (encore) gagné Turquie Erdogan en quête d’absolu Parcours Donel Jack’sman, ambition et autodérision Allemagne Adieu à l’atome Interview Muhammad Yunus:«Vive le social business!»

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LE PLUS DE JEU N E A FR I Q U E

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Guinée équatoriale Sur le devant de la scène

JEUNE AFRIQUE

Sur le devant de la scène

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GUINÉE ÉQUATORIALE • Urbanisation Chantier pharaonique • BTP Tout est sous contrôle • Hydrocarbures Le pétrole c’est bien, le gaz c’est mieux Spécial 24 pages

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ÉC O N O M IE

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Côte d’Ivoire La reprise, à tout prix Sénégal Chaka tisse sa toile États-Unis -Afrique Agoa, dixième round Égypte Le blues des patrons Aérien En Asie, le low-cost fait de la surenchère Bourse DP World débarque à la City Analyse Grèce, le tonneau des Danaïdes ? BCEAO Tiémoko Meyliet Koné aux commandes Algérie Du grain à moudre pour Ezzraïmi Maroc Populaire à domicile, modeste à l’étranger

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C U LT U RE & M ÉD IA S Littérature Interview de Boubacar Boris Diop Photographie Derrière le décor Télévision France Ô fait escale en lettres africaines Humour Debbouze amuse Marrakech Lu et approuvé Le dernier-né des poètes congolais La semaine culturelle de J.A. VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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RAPT DU NOVOTEL D’ABIDJAN UN PÊCHEUR A TOUT VU !

ISSOUF SANOGO/AFP

Ð LA MINE D’URANIUM D’ARLIT, propriété du groupe nucléaire français Areva.

Niger Retour à Arlit

C

est au mois de juillet que les quelque cinquante expatriés qui travaillaient sur le site d’extraction d’uranium, à Arlit, au Niger, commenceront à revenir. En septembre 2010, au lendemain de l’enlèvement de sept personnes par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), tous les expatriés avaient quitté la zone. Avant leur retour, Paris – l’Élysée et la direction du groupe nucléaire Areva – a demandé à Niamey un renforcement du dispositif de sécurité sur place. Dès la fin de la même année, l’armée nigérienne y a déployé cinq cents hommes. En avril, Mahamadou Issoufou, le nouveau président nigérien, a promis l’arrivée d’un bataillon supplémentaire de plusieurs centaines d’hommes. Fini l’habitat dispersé dans la cité d’Arlit. Les « expats » vivront désormais dans des îlots hyperprotégés. En plus du personnel d’Arlit, deux cents autres expatriés sont attendus d’ici à trois ans dans le nord du Niger pour démarrer l’exploitation du site géant d’Imouraren. ● SÉNÉGAL HÔTEL DE LUXE CHERCHE REPRENEUR

ACCOR

Le Méridien Président de Dakar (photo), l’un des deux plus anciens hôtels haut de gamme du Sénégal, peine à trouver un acheteur. Et pour cause : alors qu’il est évalué à plus de 120 milliards de F CFA (182,9 millions d’euros), en raison notamment de la valeur de son terrain, la plus importante proposition à ce jour, celle du groupe libyen Laïco, ne dépasse pas 65 milliards de F CFA. Et compte tenu de la situation à Tripoli, elle ne sera sans doute jamais confirmée. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

C’est grâce à un pêcheur, qui, par hasard, a vu des hommes en armes jeter des sacs dans la lagune d’Abidjan et a aussitôt donné l’alerte, que deux corps sans vie ont été retrouvés, le 31 mai. Selon son témoignage, la scène s’est déroulée quelques jours après l’enlèvement, le 4 avril, du directeur de l’hôtel Novotel (Frantz di Rippel) et de trois salariés du groupe Sifca (Yves Lambelin, Cheillah Pandian et Raoul Adeossi). Une première expertise a permis d’identifier avec certitude Frantz di Rippel. Une seconde doit être réalisée à Bordeaux (France). Ses résultats sont attendus dans une dizaine de jours. LE CHIFFRE QUI POSTE

7,9

millions

C’est le nombre d’utilisateurs égyptiens du réseau social Facebook, selon une étude du site socialbakers.com. Les autres Africains sont loin derrière, qu’il s’agisse des Sud-Africains (3,8 millions), des Marocains (3,5 millions), des Nigérians (3,1 millions) ou des Tunisiens (2,6 millions).

TOGO ECOBANK CHANGE DE SIÈGE

Le nouveau siège du groupe panafricain Ecobank devrait être inauguré en grande pompe le 28 juin à Lomé (Togo). Imaginé et conçu par l’architecte ivoirien Ibrahima Koné, il a été construit par Ceedi, un groupe chinois d’ingénierie. Le site comprend quatre bâtiments d’une superficie totale de 42 000 m2, composé d’un immeuble de sept étages (5 000 m2 de bureaux), d’un centre de formation, et JEUNE AFRIQUE


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Tunisie Quel ambassadeur à Paris? LE POSTE D’AMBASSADEUR DE TUNISIE à Paris, qui doit être pourvu dans les prochaines semaines, est très convoité, notamment dans l’entourage du président par intérim, Fouad Mebazaa, et dans celui du Premier ministre, Béji Caïd Essebsi (BCE). Le nom le plus fréquemment cité est celui de Moez Sinaoui (photo), attaché de presse de BCE et ancien directeur de la communication de la chaîne privée NessmaTV (propriété deTarek Ben Ammar et des frères Karoui). Mais contrairement à une rumeur insistante, la demande d’agrément n’a pas encore été envoyée. Sinaoui est en effet diplomate de carrière. Or certains militent pour un profil de plus grande envergure, du type de Khemais Chammari, l’ancien opposant à Ben Ali nommé ambassadeur auprès de l’Unesco, en mars. ●

CONGO-BRAZZAVILLE MUNENE MAL EN POINT

L’état de santé du général Faustin Munene, un ancien officier des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), ne cesse de se détériorer depuis une semaine. Détenu depuis le mois de janvier au siège de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), à Brazzaville, il a dû être transporté à deux reprises à l’hôpital militaire. Munene est au cœur d’une vive polémique entre les deux Congos. Kinshasa, qui l’accuse d’être à l’origine d’une JEUNE AFRIQUE

attaque lancée le 27 février contre la résidence de Joseph Kabila, réclame en vain son extradition. Son évacuation sanitaire vers un pays européen est apparemment très sérieusement envisagée. CÔTE D’IVOIRE GBAGBO JUGÉ À BOUAKÉ ?

Le procès de l’ex-président Gbagbo en Côte d’Ivoire, qui ne s’intéressera qu’aux faits relatifs à l’usurpation du pouvoir, aux malversations financières et à la corruption, laissant à la Cour pénale internationale le soin de se

prononcer sur les accusations de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, n’aura pas lieu à Abidjan pour des raisons de sécurité. Alassane Ouattara préfère qu’il se tienne à Bouaké. MAROC LE CALENDRIER DES RÉFORMES Référendum constitutionnel le 1er juillet, précédé de quinze jours de campagne, et législatives anticipées le 7 octobre. Telle est la dernière mouture, non encore

officielle et donc susceptible de légères modifications, du calendrier démocratique marocain. Un train de réformes sur lequel le mouvement de protestation dit du 20 février a de moins en moins de prise. D’abord, parce qu’il tend à s’étioler et à se diluer. Ensuite, parce que le pouvoir est désormais résolu à interdire et, le cas échéant, à réprimer toute manifestation au sein de laquelle les islamistes de Justice et Bienfaisance, l’association du Cheikh Yassine, seraient majoritaires. Ce qui, assure-t-on de source sécuritaire à Rabat, serait le cas dans 80 % des marches et sit-in qui ont eu lieu depuis un mois.

LIBYE BHL PRÉPARE UN LIVRE

Trèsinvestiauxcôtésdesinsurgés libyens – il multiplie les interventions médiatiques et politiques pour que le Conseil national de transition (CNT) soit officiellement reconnu et aidé financièrement –, le philosophe et écrivain français Bernard-Henri Lévy prépare un livre sur son expérience. Parution prévue en septembre ou octobre prochain.

IL VA ADAPTER AU CINÉMA UN ROMAN DE BÉGAUDEAU

Kechiche oublie la Vénus noire C’est finalement à une adaptation du dernier roman de François Bégaudeau (La Blessure, la vraie), inspiré de l’été de ses 15 ans, que le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche s’est attelé en priorité après le succès critique et le relatif échec commercial de Vénus noire. Laurent Cantet, qui doit en bonne partie à ce même Bégaudeau (auteur du livre adapté et acteur principal) sa Palme d’or cannoise en 2008 (pour Entre les murs), change pour sa part totalement d’univers en tournant un film américain tiré d’un roman de Joyce Carol Oates : l’histoire véridique d’une bande d’adolescentes délinquantes dans le New York des années 1950…

JACQUES TORREGANO POUR J.A.

d’un autre de technologie et de communication. Ce dernier vient en complément du hub technologique inauguré en 2008 à Accra, au Ghana, où sont traitées les données bancaires et informatiques des différentes agences du groupe. Pour l’exercice 2010, Ecobank, qui est présent dans trente pays subsahariens, annonce un résultat net de 76,5 millions de dollars. Trente-neuf millions de dollars de dividendes vont être distribués.

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Politique, économie, culture & société

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La semaine de Jeune Afrique

Vers un

ÉTATS-UNIS - PAKISTAN

divorce

Tirs de missiles sur son territoire, envoi d’un commando pour liquider Ben Laden… Trop, c’est trop. Islamabad se rebiffe. Alors que le vieux couple qu’il formait avec Washington bat de l’aile, il pourrait être tenté de convoler avec Pékin. PATRICK SEALE

L

es gouvernements américain et pakistanais semblent se diriger tout droit vers un divorce. Leurs objectifs sont tellement divergents et leur méfiance réciproque est si forte que le Pakistan pourrait envisager de sortir de l’orbite américaine pour entrer dans celle de la Chine. La décision des États-Unis d’envoyer un commando en territoire pakistanais afin d’éliminer Oussama Ben Laden sans en informer Islamabad ni demander son aide a sans doute été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les dirigeants pakistanais sont furieux. Ashfaq Kayani, le chef d’état-major, a déclaré que toute autre action à venir « qui violerait la souveraineté du Pakistan » inciterait son pays à revoir entièrement sa coopération militaire avec Washington. BASE NAVALE. Lors de sa visite à Pékin, en mai,

le Premier ministre, Yousuf Raza Gilani, n’a pas tari d’éloges sur la Chine, « source d’inspiration pour les Pakistanais ». En plus de leur coopération dans de nombreux domaines (économique, militaire, nucléaire civil…), le Pakistan souhaite que la Chine construise une base navale à Gwadar, dans la province du Baloutchistan (Sud-Ouest), et y maintienne une présence permanente. Cette annonce a alarmé les États-Unis, mais aussi l’Inde, la Malaisie et l’Indonésie. La secrétaire d’État Hillary Clinton s’est empressée de se rendre au Pakistan le 27 mai afin d’arrondir les angles – sans grand succès apparemment. La polémique autour de la mort de Ben Laden n’est en effet que le dernier avatar d’une longue série de malentendus. Les missiles lancés depuis des drones contre des « cibles terroristes » sur le sol pakistanais font inévitablement des victimes civiles, ce qui attise un antiaméricanisme virulent. Le Parlement d’Islamabad a dénoncé ces frappes qui violent la souveraineté nationale et exigé leur arrêt. Quelques parlementaires ont déclaré que leur pays couperait les lignes de ravitaillement des forces américaines en Afghanistan si ces attaques ne cessaient pas. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Ð LE PRÉSIDENT PAKISTANAIS, Asif Ali Zardari, reçoit la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, à Islamabad, le 27 mai.

L’hostilité envers l’Amérique a atteint son paroxysme le 27 janvier lorsque Raymond Davis, un agent de la CIA, a abattu deux Pakistanais en pleine rue à Lahore. L’opinion publique voulait le faire pendre. Ce n’est qu’au prix de grandes difficultés que Washington a réussi à obtenir sa libération. Au Pakistan, on s’est mis à soupçonner les Américains d’infiltrer secrètement toute une

Attentats, économie exsangue… Les Pakistanais paient un lourd tribut à la lutte antiterroriste. armée dans le pays pour combattre les islamistes, et l’état-major a même exigé que les États-Unis réduisent leur présence militaire. Les relations entre la CIA et l’Inter-Services Intelligence (ISI), dirigé par le lieutenant-général Ahmed Shuja Pasha, sont, dit-on, très tendues. Le dossier afghan est au cœur du différend. Non contents d’avoir éliminé Ben Laden, les Américains veulent traquer les membres d’Al-Qaïda et autres groupes djihadistes de l’Afghanistan au Pakistan en JEUNE AFRIQUE


L’événement Le Pakistan voit les choses d’une tout autre manière. Créé comme un refuge pour les Indiens musulmans après le partage du sous-continent en 1947, il se sent menacé en permanence – surtout par l’Inde. De nombreux responsables politiques considèrent que le maintien de liens étroits avec les talibans et d’autres réseaux afghans radicaux est d’intérêt national, car ces groupes seront des alliés précieux une fois les forces américaines parties (leur retrait doit commencer en juillet).

pour faute?

AFP

TRAUMATISÉ. Islamabadentendexercerunetutelle

WEN JIABAO

Premier ministre chinois

« La Chine et le Pakistan resteront à jamais de bons voisins, de bons amis et de bons frères. » JEUNE AFRIQUE

UN PHOTO/ESKINDER DEBEBE

passant par le Yémen. Obsédés par le péril terroriste, ils sont incapables d’admettre que l’hostilité arabe et musulmane à leur égard est due à leurs guerres en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, qui ont fait de nombreuses victimes civiles, ainsi qu’à leur soutien sans faille à Israël. Soupçonnant le Pakistan d’être complice des djihadistes, les États-Unis le poussent à s’associer à leurs campagnes antiterroristes. Ils aimeraient qu’il cesse toute relation avec le mollah Omar, le chef spirituel des talibans afghans, avec le réseau de Jalaluddin Haqqani et avec le Lashkar-e-Taïba, un groupe pakistanais qui aurait perpétré les terribles attentats de Bombay en 2008.

sur l’Afghanistan pour deux raisons. Premièrement, pour éviter la création d’un « Grand Pachtounistan » à cheval sur la frontière, qui lui ferait perdre sa Province de la Frontière du Nord-Ouest (PFNO), à majorité pachtoune. Encore traumatisé par la perte du Cachemire au profit de l’Inde durant la guerre de 1947-1948, puis de la région est du pays – devenue le Bangladesh – lors du conflit de 1971, le Pakistan redoute de nouvelles amputations de territoire. Au lieu de le pousser à rompre avec les groupes terroristes, les États-Unis feraient mieux de calmer ses peurs en pressant l’Inde de résoudre le conflit du Cachemire. La seconde raison pour laquelle Islamabad est déterminé à garder l’Afghanistan dans son giron est de l’empêcher de tomber sous l’influence de l’Inde. Avec ce territoire, le Pakistan, qui redoute l’encerclement, se dote d’une « profondeur stratégique ». Très suspicieux, il considère de surcroît que l’Amérique n’est pas un partenaire fidèle et qu’elle abandonne ses alliés dès qu’ils cessent de lui être utiles. Tout au long des années 1980, avec l’aide du Pakistan et le financement de l’Arabie saoudite, les États-Unis ont recruté, armé et entraîné des dizaines de milliers de volontaires musulmans pour combattre les Soviétiques en Afghanistan. Mais après le retrait de l’URSS en 1989, ils ont abandonné ces moudjahidine à leur sort. Certains n’étaient pas les bienvenus dans leur propre pays. Ben Laden les a alors recrutés au sein d’Al-Qaïda. Paradoxalement, le Pakistan, pressé par les Américains de combattre les extrémistes islamistes – sur son territoire et en Afghanistan – en a payé le prix fort. Non seulement ces opérations lui ont été très coûteuses en vies humaines et sur le plan financier, mais elles lui ont attiré la vindicte vengeresse de groupes tels que le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), qui multiplient les attentats-suicides. La sécurité intérieure du Pakistan est désormais en péril, et son économie en très piteux état. Les États-Unis accordent au Pakistan, qui compte 180 millions d’habitants, une aide annuelle de 3 milliards de dollars : c’est moins que ce qu’ils donnent à Israël, avec une population de 7 millions d’habitants. Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que les dirigeants pakistanais en soient venus à penser que leur pays se porterait mieux sans « l’amitié » de cet encombrant allié. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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La semaine de J.A. Tour du monde HONDURAS

ITALIE

Grosse gamelle pour le Cavaliere

Retour d’exil pour Zelaya DEUX ANS APRÈS LE COUP D’ÉTAT qui le chassa du pouvoir, l’ancien président hondurien Manuel Zelaya a fait un retour en fanfare, le 28 mai à Tegucigalpa, où l’attendaient plusieurs milliers de ses partisans. Quelques jours auparavant, les poursuites engagées contre lui pour corruption et haute trahison avaient été officiellement abandonnées. Après un exil de seize mois en République dominicaine, il affiche son intention de mener « une lutte pacifique et démocratique » afin de reprendre le pouvoir aux élites qui l’en ont évincé.

P

O U R S I LV I O B E R LU S C O N I (photo) et son Parti de la liberté (PDL), le second tour des élections municipales partiellesdes28et29mai a tourné au désastre. À Milan, sa ville natale, Letizia Moratti, la maire sortante,aétésèchement battue (44,9 % contre 55,1 %) par un ancien avocat soutenu par les héritiers du Parti communiste. À Naples, scénario identique: l’ancien magistrat Luigi de Magistris, représentant le parti justicialiste L’Italie des valeurs, a été plébiscité (65,3 %). À Trieste, Novare et Cagliari, la droite berlusconienne s’incline également. Le Cavaliere s’était pourtant personnellement engagé dans la campagne, multipliant les attaques au lance-flammes contre les magistrats – qui le poursuivent pour corruption et prostitution de mineure. Et, pour ne rien arranger, voilà que la Ligue du Nord, son alliée, menace de le lâcher. ● JAPON

Naoto Kan sur le fil CRITIQUÉ par l’opposition conservatrice pour sa gestion de la catastrophe de Fukushima et lâché par une fraction de son propre parti (le PDJ), le Premier ministre Naoto Kan avait tout à craindre de la motion de censure déposée au Parlement, le 2 juin. Il s’en est finalement sorti, mais a dû promettre d’abandonner le pouvoir dès que sera achevée la reconstruction des régions dévastées par le tsunami. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

CHINE

Ça chauffe à Hohhot!

LA MONGOLIE INTÉRIEURE a été, la semaine dernière, le théâtre de manifestations après la mort d’un berger renversé par un camion conduit par un Han (l’ethnie majoritaire en Chine) lors d’un mouvement de protestation contre les conditions d’exploitation des mines de la région. Pékin a aussitôt fait condamner par la justice l’auteur de l’accident. Mais la loi martiale a été proclamée et plusieurs régions du pays ont été bouclées. À Hohhot, la capitale, les forces de sécurité ont procédé à une quarantaine d’arrestations.

LUCA BRUNO/AP/SIPA

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LE CHIFFRE QUI RASSURE

58 %

DES AMÉRICAINS jurent, selon les sondages, qu’ils ne voteront en aucun cas pour Sarah Palin si elle venait à briguer, l’an prochain, la présidence des États-Unis. L’égérie du Tea Party arrive néanmoins en deuxième position des candidats républicains potentiels. AFFAIRE POLITKOVSKAÏA

Un tueur, mais pas de commanditaire 7 OCTOBRE 2006. La journaliste Anna Politkovskaïa est abattue de quatre balles dans l’entrée de son immeuble, à Moscou. Cinq ans après, dans la nuit du 30 au 31 mai, son assassin présumé a enfin été arrêté en Tchétchénie. Son nom ? Roustam Makhmoudov. Longtemps soupçonnés de complicité, deux de ses frères, Ibraguim et Djabraïl, ont été acquittés en 2009. Un jugement contesté. Reporter au journal Novaïa Gazeta, Politkovskaïa dénonçait sans relâche la guerre JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

TOMAS BRAVO • Reuters

MEXIQUE

Encore un coup de Zorro? Hélas, non ! Ne vous attendez pas à voir surgir le sergent Garcia lancé à la poursuite du justicier masqué vêtu de noir. Nous ne sommes pas en Californie, au XIXe siècle – et encore moins au cinéma –, mais aujourd’hui, sur la route entre Monterrey et Torreón, au Mexique. Et le « Z » tracé sur cette colline aride signifie, beaucoup plus prosaïquement, Zetas. Du nom du cartel de la drogue qui fait la loi dans la région. Et tient à le faire savoir.

DIVORCE

Malte dit oui

MALTE EST MEMBRE de l’Union européenne depuis 2004. Mais ses habitants restent si catholiques qu’ils ont attendu le 28 mai dernier pour légaliser le divorce, à l’issue d’un référendum. Hormis le Vatican, un seul pays au monde interdit encore le divorce : les Philippines.

À en croire un prérapport commandé par l’Agence américaine d’aide au développement (Usaid), le nombre des victimes serait compris entre 46 190 et 84 961 – et non entre 200 000 et 250 000, comme annoncé officiellement. De même, alors que l’ONU avait avancé le chiffre de 680 000 sans-abri, l’Usaid en recense beaucoup moins : entre 5 % et 10 % de ce chiffre.

SÉISME EN HAÏTI

Bilan gonflé?

ET SI LES AUTORITÉS haïtiennes avaient gonflé le bilan du séisme du 12 janvier 2010 ? JEUNE AFRIQUE

FRANCE

Chamboule tout ministériel

UN/UNICEF/MARCO DORMINO

en Tchétchénie et le rôle joué dans le conflit par l’armée russe et les milices du pouvoir tchétchène. L’identité du commanditaire reste inconnue. Enfin, officiellement…

PORT-AU-PRINCE, 2010.

SIX MINISTRES ÉVINCÉS en moins d’un an après des scandales politiques (Brice Hortefeux), politicofinanciers (Michèle Alliot-Marie, Alain Joyandet, Éric Woerth, Christian Blanc) ou sexuels (Georges Tron), ça commence à faire beaucoup ! Ancien villepiniste opportunément rallié à Sarkozy, ce dernier est à l’évidence une « victime » collatérale de l’affaire Strauss-Kahn. Car qui peut croire une seconde que le désormais ex-secrétaire d’État à la Fonction publique aurait été mis en cause pour agressions sexuelles présumées sur la personne de deux employées communales sans la spectaculaire arrestation, quelques jours plus tôt à New York, de l’ancien directeur général du FMI ? N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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La semaine de J.A. Décryptage

Libye Moscou entre en piste

21 mars, Vladimir Poutine a comparé ironiquement le vote de l’ONU à « ces appels médiévaux en faveur des croisades » – une rhétorique chère au numéro un libyen. Le même jour, Dmitri Medvedev a répliqué Après avoir lâché Kaddafi, leur « ami de quarante ans », les Russes que ces propos étaient « inacceptables ». Querelle préélectorale ? Bien sûr. En proposent leur médiation. L’objectif est clair : préparer l’avenir. Russie, la présidentielle est prévue en mars 2012. Si Poutine se porte candidat, e la part des Russes, c’est plutôt Medvedev affirme qu’il ne se représentera Kremlin, le camp Medvedev a été tenté bien joué. Depuis le début du de dire oui à la résolution 1973 du Conseil pas… Les Russes en doutent. Querelle « printemps arabe », ils semde sécurité de l’ONU, c’est-à-dire de voter politique, donc, mais pas seulement. blaient hors-jeu. On ne les pour des frappes aériennes. Mais le camp Poutine est logique avec lui-même. Non à entendaitpas.Onlesavaitpresqueoubliés. de Vladimir Poutine, l’actuel Premier l’ingérence internationale, aujourd’hui en Pourtant, le 27 mai, au G8 de Deauville, ministre, s’y est vivement opposé. Libye comme hier dans le Caucase russe. en France, Dmitri Medvedev a réussi un Surtout, il joue habilement sur le réflexe CLASH PUBLIC. Côté Poutine, Vladimir joli come-back. Le président russe a lâché antioccidental de son opinion. Medvedev Tchamov, l’ambassadeur à Tripoli, n’a publiquement le colonel Kaddafi : « La n’est pas moins cohérent. Trois ans après pas hésité à envoyer un télégramme de son arrivée au Kremlin, il poursuit sa policommunauté internationale ne le considésapprobation au Kremlin. Finalement, tique de rapprochement avec l’Occident: dère plus comme le leader libyen. » Puis, Medvedev a choisi le compromis. Le « reset » avec les Américains, achat de il a offert ses services comme médiateur 17 mars, lors du vote à New York, le navires de guerre Mistral aux Français… dans la crise. Son homologue français, Et il se veut pragmatique. Nicolas Sarkozy, a tiqué: « Il n’y a pas de Si Kaddafi tombe, mieux médiation possible avec M. Kaddafi ; il Confidence d’un conseiller vaut être du bon côté de doit partir. » Mais comment dire non aux du Kremlin : « À quoi bon défendre l’Histoire afin de conserver Russes, surtout s’ils laissent tomber leur le marché libyen des armes vieil allié libyen ? Obama, Cameron et un cadavre politique ? » Sarkozy ont donné leur accord. Les Russes et du pétrole. Confidence sont médiateurs. Un homme du Kremlin – représentant de la Russie s’est abstenu. d’un conseiller du Kremlin : « À quoi bon sansdoutel’arabisantMikhaïlMarguelov,le Quant à l’ambassadeur qui aimait trop défendre un cadavre politique ? » haut représentant pour l’Afrique – est prêt Kaddafi, il a été aussitôt limogé pour Pour le médiateur Medvedev, la marge à se rendre à Tripoli et à Benghazi. « incompétence ». de manœuvre est étroite. Le Conseil natioSi le leader de la Jamahiriya est en nal de transition (CNT) de Benghazi ne C’est début mars, quand le « Guide » a veut rien négocier d’autre que les condifait tirer à la mitrailleuse sur son peuple, chute libre, il peut au moins se vanter que Moscou a pris ses distances avec l’ami d’une chose. Il a provoqué un clash public tions du départ de Kaddafi. Or celui-ci refuse de partir. Mais, dans le camp du de quarante ans. De bonne source, au entre les deux chefs de l’exécutif russe. Le « Guide », les défections se multiplient. Dernière en date: celle de Chokri Ghanem, le ministre du Pétrole, le 1er juin. Et l’arrivée sur le front d’hélicoptères de combat français et britanniques est une très mauvaise nouvelle pour l’armée libyenne. D’autant que l’Otan vient d’annoncer qu’elle prolongeait ses opérations militaires jusqu’à la fin de septembre. Sans doute Medvedev (comme Zuma, le président sud-africain) se met-il en position de cueillir, un jour, le « fruit Kaddafi »… quand il sera mûr. ●

D

CHRISTOPHE BOISBOUVIER

Ý L’OTAN a fait savoir qu’elle prolongeait ses opérations militaires jusqu’à la fin de septembre. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

« Que le tribunal

DEPUIS QU’ELLE A DÉCOUVERT LA DERNIÈRE PUBLICITÉ de Cadbury dans la presse américaine, Naomi Campbell crie au scandale. Le slogan « Dégage Naomi, il y a une nouvelle diva en ville » n’a en effet pas plu à la belle qui a ri jaune en se voyant comparée à une tablette de chocolat. « Je suis choquée, a-t-elle confié au Daily Mail. Je ne vois pas où est l’humour. C’est insultant et blessant. » Colère excessive ? Pas sûr, quand on sait que, dans les pays anglo-saxons, l’expression chocolate bar est une insulte raciste destinée aux enfants noirs, précise le groupe Operation Black Vote dans les colonnes du Daily. La célèbre mannequin demande des excuses publiques au géant américain Kraft Foods, propriétaire de Cadbury, et envisage de l’attaquer en justice. De son côté, la marque assure ne pas avoir voulu offenser la star et a annoncé dans un communiqué que la publicité ne sera plus diffusée. En attendant un éventuel verdict, Naomi a demandé à tous les Noirs de boycotter les produits Cadbury. ● MARIE VILLACÈQUE

Sommet des trois bassins Surtout pas de vagues…

JEUNE AFRIQUE

de la complexité des situations et de différences d’approche d’un pays ou d’un continent à l’autre.Àmoinsqu’ilnes’agisse, comme le pensent quelques observateurs, de rivalités entre certaines nations. À DURBAN OU À RIO ? En fin

de compte et pour gagner du temps, il a été décidé que les avisdesexpertsseronttransmis à tous les pays des trois bassins afin qu’ils les examinent attentivement. Ils ont six mois pour cela, avant de se retrouver, en décembre, lors du prochain sommetsurleclimatàDurban, en Afrique du Sud, afin de créer un cadre de coopération. Et si rien ne bouge à cette occasionlà, l’étape suivante sera Rio de Janeiro, au Brésil, en juin 2012. Politiquement, Brasília pourrait en tirer les dividendes et consolider sa position de leader dans la bataille pour la survie de la forêt tropicale. Brazzaville pourra toujours se prévaloir d’avoir ouvert la voie à une coopération Sud-Sud en la matière. ●

donne raison ou pas [à Nafissatou Diallo], son destin est scellé : ce sera celui d’une paria condamnée à raser les murs et à subir la vindicte des puissants, les regards des vicelards et les chuchotements des bigots. » D.R.

Publicité L’offense faite à Naomi

TIERNO MONÉNEMBO Écrivain guinéen (à propos de la femme de chambre qui accuse Dominique StraussKahn de l’avoir agressée)

« Il vaudrait mieux avoir un peu plus d’immigrés, si on veut continuer à payer des retraites décentes à la population française. » MICHEL ROCARD Premier ministre sous François Mitterrand

« L’Europe n’a pas besoin d’un Européen au FMI, mais de solutions. » AGUSTÍN CARSTENS Gouverneur de la Banque centrale du Mexique, candidat à la direction du Fonds monétaire international

« J’adore les Arabes, les Juifs, mais la religion ça m’emmerde. » JOANN SFAR Auteur français de bandes dessinées, qui vient d’adapter son Chat du rabbin au cinéma

« Les hommes ne doivent pas être tous réduits à des obsédés sexuels. » SÉGOLÈNE ROYAL Ancienne candidate socialiste à la présidentielle française

TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial à Brazzaville

D.R.

ORGANISÉ À BRAZZAVILLE du 29 mai au 3 juin, le sommet des Trois Bassins forestiers tropicaux est loin d’avoir tenu toutes ses promesses. Au départ, il s’agissait, pour la trentaine de pays d’Afrique, des Amériques et d’Asie du Sud-Est appartenant aux bassins du Congo, de l’Amazonie et du Bornéo-Mékong, d’élaborer une stratégie commune pour préserver ce qui reste de ce poumon de l’humanité. Las, seuls cinq États latino-américains étaient présents dans la capitale congolaise. Le SudEst asiatique n’était représenté que par la Chine et l’Indonésie, et pas un de ses chefs d’État n’avait fait le déplacement. Un seulprésident,celuiduGuyana, est venu des Amériques, contre sept d’Afrique centrale. Le moment le plus marquant aura été la rencontre des experts. Cette réunion devait aboutir à une lecture publique deleurrapport.Etcedocument devait servir de base de travail aux ministres chargés des questions environnementales. Mais les experts sont restés divisés jusqu’au bout, en raison

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N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


La semaine de J.A. Décryptage

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jeune afrique .com

Ý Retrouvez l’intégralité de l’interview

de Michel Sidibé

BENJAMIN BECHET/ODESSA/PICTURETANK

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

JEUNEAFRIQUE.COM

Retrouvez l’interview vidéo de Soumeylou Boubèye Maïga, ministre malien des Affaires étrangères : « Nous sommes fin prêts pour agir contre le terrorisme avec nos voisins. »

SONDAGE Le successeur de DSK à la tête du Fonds monétaire international devrait être…

* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 26 MAI ET LE 2 JUIN 2011

48,7%

51,3%

1 un Européen, comme Christine Lagarde, puisque les pays d’Europe sont les plus gros contributeurs du Fonds 51,3% 2 un citoyen d’un pays émergent, pour que cesse la mainmise de l’Occident sur cette institution 48,7 % (485 votes*) Une courte majorité de nos internautes semble reconnaître aux Européens le droit de diriger le FMI. Adhésion ou résignation ?

CETTE SEMAINE :

L’Otan prolonge jusqu’à la fin de septembre ses opérations en Libye. Quelle sera, d’après vous, la suite des événements ? À LIRE AUSSI : Égypte : l’armée courtise les jeunes qui ont fait la révolution. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

33,3 MILLIONS DE PERSONNES DANS LE MONDE vivent avec le VIH, dont 22,5 millions en Afrique subsaharienne.

Sida Trente ans, et toujours virulent

C’était aux États-Unis, en 1981. Le monde apprenait l’existence d’une nouvelle maladie, qui n’allait pas tarder à faire des ravages. Où en est la lutte aujourd’hui ?

A

tlanta, le 5 juin 1981. Dans un communiqué, l’agence sanitaire américaine évoque la propagation d’une pneumonie grave, parfois accompagnée de lésions de la peau, qui touche la communauté homosexuelle. Peu après, le mal, surnommé « le cancer gay », était baptisé Syndrome d’immunodéficience acquise (Sida). Trente ans plus tard, et dix ans après la session historique de l’Assemblée générale de l’ONU consacrée au VIH/sida, la communauté scientifique et les pays membres des Nations unies se retrouvent – du 8 au 10 juin –, au siège de l’organisation, à New York, pour commémorer ce triste anniversaire. RÉUSSITES. Particulièrement touchée,

l’Afrique subsaharienne compte à elle seule 22,5 millions de personnes infectées par le VIH, soit 68 % du total mondial (chiffres 2009). Et les premiers bilans d’évaluation des politiques de prise en charge de ces malades ne sont pas très rassurants. Seulement 4,5 millions d’entre eux ont accès aux traitements, et 86 % des antirétroviraux nécessaires à leur survie sont fabriqués en Inde, ce

qui augmente mécaniquement le coût des soins. Michel Sidibé, directeur exécutif de l’agence onusienne Onusida, préfère insister sur les réussites d’une décennie de lutte intensive. « Il y a des progrès partout en Afrique. On pensait il y a dix ans que le Botswanaallaitdisparaîtretantsesmoyens étaient limités.Aujourd’hui, presque 100 % des malades ont accès aux traitements. » Premier pays à organiser une conférence nationale sur le thème, en 1998, premier, aussi, à entreprendre des actions de sensibilisationetdepréventionimpliquantaussi bien les jeunes que les autorités religieuses, le Sénégal a désormais l’un des taux de prévalence les plus bas du continent (0,9%en2009).EnOuganda,uneapproche volontariste a freiné l’expansion du virus: de 12 % en 1998, le taux de prévalence a chuté à 6,5 % en 2009. « C’est dans les pays en crise ou en sortie de crise que les progrès sont les plus faibles. Là où le système de santé est à refaire, là où les femmes sont victimes de violences », conclut Michel Sidibé, rappelant que l’instabilité politique a un impact direct sur la santé publique. ● MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE


AMMAR ABD RABBO/ABACAPRESS

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Tunisie Leïla, la Cruella de Carthage

son ascendant sur un époux volage en manque de descendant mâle, elle ment sur le sexe de l’enfant qu’elle porte pour se faire épouser, prend à son tour un amant, un certain Ý « BEN ALI : Larbi Mehadoui, et “C’est toi qui abrite leurs ébats à ordonnes, et La Marsa ou dans des c’est moi qui palaces à l’étranger. exécute !” Leïla nous regarde Derrière une façade par-dessus « amour, gloire et l’épaule du raïs beauté », le couple et nous dit : présidentiel vit dans “Voilà votre une ambiance volcaprésident !” » nique. Un jour, écrit Ben Chrouda, « furieux [de ses infidélités], le raïs lui assène un coup de poing au visage et dégaine son pistolet en menaçant de la tuer ». HUILE BOUILLANTE. Mais le président a

bien du mal à résister à la volonté de celle qui, telle la méchante reine de Blanche Neige, apostrophe son miroir : « C’est Dans un livre à paraître, l’ancien majordome de Mme Ben Ali qui, la déesse de la Tunisie ? C’est moi ! » raconte ses vingt années passées auprès du couple présidentiel. Véritable Cruella d’Enfer, elle n’hésite pas à plonger les mains d’un cuisinier, Vénalité, férocité et drogue… On en a froid dans le dos. peu rapide à son goût, dans de l’huile bouillante. « Avec Ali Seriati [ex-directeur l y avait décidément quelque chose de la sécurité présidentielle, NDLR] et sa Elle tiendra parole, et sa cupidité sera de pourri au royaume de Carthage. Si famille [les Trabelsi, NDLR], c’est la terreur sans limites. Son mysticisme de pacocertains en doutaient encore, le récit qu’elle va distiller et la corruption tille aussi. Une cohorte de de Lotfi Ben Chrouda achèverait de sorciers qu’elle fait venir du qu’elle va généraliser », explique leur ôter toute illusion. Avec la complicité Maroc, du Sénégal ou du Ben Chrouda. On pille jusqu’au Mali fait la loi, bien plus d’Isabelle Soares Boumalala, collaborapatrimoine archéologique penque les ministres. « Tu trice à l’hebdomadaire Paris Match, l’andant que le sérail s’amuse, de vas égorger le caméléon, cien majordome de Leïla Ben Ali raconte soirées cocaïne en parties de ses vingt années passées « dans l’ombre tremper ton doigt dans son poker au Club Elyssa, où l’on fait de la reine » et ce que fut le quotidien du sang et dessiner un cercle et défait les carrières. autour de la cheville du Avant sa fuite, Ben Ali avait couple présidentiel, entre pittoresque confié que Sidi Hmid Bannour et sordide. raïs », lui intime l’un d’eux. Subjuguée, Leïla s’exécute. lui était apparu en rêve : « Tu Native de la médina de Tunis, Leïla la Dans l’ombre N’a-t-elle pas constaté que, as déplacé mon tombeau pour midinette qui n’a pas fait d’études rêve de la reine « depuis le début de ces construire ton palais, lui aurait d’un grand destin : « Je vais me marier de Lotfi Ben Chrouda rituels, la volonté du prédit le saint homme. Moi, je vais te avec un prince, un roi ou un président et Isabelle Soares sident s’amenuise un peu […], changer votre vie, vous acheter des Boumalala, 192 pages, déplacer au-delà des mers, et tu plus chaque jour ? » Prête maisons. Vous aurez des bonnes et des à paraître aux éditions mourras en pays étranger. » ● Michel Lafon le 9 juin MARION DELAUNAY à tout pour ne pas perdre chauffeurs », répète-t-elle aux siens.

I

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

Date butoir du dépôt des candidatures au poste de directeur général du FMI. Le 2 juin, la Française Christine Lagarde, le Mexicain Agustín Carstens et le Kazakh Grigori Marchenko étaient en lice. JEUNE AFRIQUE

15 JUIN

Au Maroc, la Commission consultative, nommée en mars, doit présenter ses propositions de réforme constitutionnelle au roi Mohammed VI.

16 JUIN

À Kinshasa (RD Congo), verdict attendu dans le procès des assassinss présumés du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya.

ETIENNE ANSOTTE/MAXPPP

10 JUIN

N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


La semaine de J.A. Les gens « On essaie d’étouffer nos voix », dit-elle à propos des médias qui « ne font preuve d’aucun professionnalisme et ne jouissent d’aucune liberté ». Plusieurs personnalités lui ont déjà apportéleursoutien,dontAhmedal-Sayed al-Naggar, célèbre économiste égyptien, qui l’a Ý L’ANCIENNE ANIMATRICE aidée à élaborer son proDE RADIO gramme économique. teste sa Celle qui est redevenue popularité étudiante pour obtenir au Caire, une licence de droit peut le 23 avril dernier. également compter sur Zakaria Abdel Aziz ou encore Ashraf al-Baroudi, deux magistrats indépendants connus pour leur intransigeance à l’égard de l’ancien régime.

AXELLE DE RUSSÉ

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Boutheina Kamel La femme pressée

PRÉMATURÉ ? Mais si certains soutien-

Réputée pour son franc-parler, cette journaliste bouillonnante a créé la sensation en annonçant sa candidature à la prochaine élection présidentielle égyptienne.

L

e temps de Boutheina Kamel est précieux. Au téléphone, elle nous explique qu’elle doit prendre un trainpourlaHaute-Égypte.Depuis plusieurs semaines, elle fait le tour des provinces au pas de charge. Et a déjà récolté un tiers des 30 000 signatures dont elle a besoin pour se présenter, sous l’étiquette « indépendant », à l’élection présidentielle prévue à la fin de 2011. « Ma simple candidature, en tant que femme, est un geste important qui rappelle que nous avons le droit de nous présenter », affirme-t-elle, en soulignant le fait que les Égyptiennes « ont participé à toutes les étapes de la révolution ». En 2004, la féministe Nawal el-Saadawi avait souhaité se porter candidate. Mais les conditions imposées par la Constitution – taillée sur mesure pour Moubarak – étaient telles qu’elle ne put aller jusqu’au bout. Boutheina Kamel ne représente pas uniquementlesfemmes.«Macandidature,

martèle-t-elle, prouve aussi que tous les citoyens, même ceux qui sont faibles et marginalisés, peuvent participer à la vie politique. Mon programme reprend les revendicationsexpriméesplaceAl-Tahrir.» Sa priorité : lutter contre la pauvreté et la corruption, qui sont, selon elle, les principaux obstacles à la démocratie. « ÉTOUFFER NOS VOIX ». Cette ancienne

journaliste, diplômée en commerce, s’était rendue célèbre dans les années 1990 avec son émission Confessions nocturnes, diffusée sur la radio publique. Elle y abordait ouvertement certains sujets tabous, comme l’avortement. Aujourd’hui, elle continue de briser les interdits. Et n’hésite pas à critiquer la manière dont le Conseil suprême des forces armées dirige le pays. « L’armée n’a pas à se mêler de politique », déclare-t-elle, le 10 mai, lors d’une émission télévisée… qui sera écourtée à la demande de la direction.

nent sa démarche, d’autres s’interrogent surcescandidats«présumés»qui,comme elle, vont un peu vite en besogne. « Il n’y a pas encore de date pour la présidentielle que déjà, plusieurs candidats sont apparus. Preuve que nous vivons toujours à l’ère du Pharaon. On pense que c’est au président que revient tout le pouvoir, alors que, l’épicentre du pouvoir se trouve au Parlement », s’exclame Essam al-Erian, porte-parole des Frères musulmans. Il n’empêche que pour Zeinobia, blogueuse égyptienne, l’ancienne animatrice de radio et femme de l’actuel ministre de la Culture est « une figure importante » de la vie politique. « Sa candidature est une manière symbolique de montrer que la femme peut participer à la vie publique. » Mais la société égyptienne n’est pas encore prête à accepter une femme président, déplore-t-elle. Affirmation que la journaliste récuse totalement: « Qui aurait imaginé qu’une révolutionéclateraitenÉgypte?»rétorquet-elle. Le 28 janvier, Boutheina Kamel était place Al-Tahrir pour réclamer « le pain, la liberté et la dignité humaine ». Elle en a fait le slogan de sa deuxième révolution. Qu’elle entend accomplir par les urnes, cette fois. ● TONY GAMAL GABRIEL

NOMINATIONS

MARTIN DEMPSEY ARMÉE AMÉRICAINE Le général (59 ans) a été nommé le 30 mai par Barack Obama chef d’état-major interarmées, N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

la plus haute fonction militaire américaine. Il a commandé en Irak la première division blindée (2003 et 2004) et entraîné les forces du pays.

SEYDOU SISSOUMA UEMOA Journaliste de formation, le conseiller en communication d’Amadou Toumani Touré depuis 2002

a été désigné par ce dernier commissaire du Mali à l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA) le 30 mai à Lomé. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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SUZANNE AL-HOUBY

Soumaïla Cissé Enfin libre…

Cette Palestinienne de 40 ans, vivant aux Émirats arabes unis, est devenue, le 21 mai, la première femme arabe à conquérir l’Everest. Une petite centaine de femmes ont gravi avant elle le plus haut sommet du monde (8 848 m).

Son mandat à l’UEMOA achevé, le Malien peut entrer en campagne. Il est l’un des favoris pour l’élection présidentielle d’avril 2012.

SOULEYMANE BACHIR DIAGNE

TECHNOCRATE ET POLITIQUE. Cofondateur, avec l’ancien

président Alpha Oumar Konaré, de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema, aujourd’hui première force politique du pays), le natif de Niafunké, près de Tombouctou, est, pour l’un de ses compagnons de route, « le plus politique de la technocratie malienne et le plus technocrate des politiques maliens ». En 2002, lâché entre les deux tours de la présidentielle par l’Adema, dont il était le candidat, il s’incline face à ATT avec près de 35 % des suffrages. Soumaïla Cissé claque la porte du parti pour créer, en 2003, l’URD, devenue en quelques années la deuxième force politique malienne (34 députés sur 147 à l’Assemblée nationale) et une redoutable machine électorale au service de son poulain. Le retour de Soumaïla Cissé intervient dans une période délicate, avec un calendrier chargé : une présidentielle en avril 2012, suivie de législatives, et un fichier électoral problématique (lire J.A. no 2629). Ses principaux rivaux l’attendent de pied ferme : le président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré (Adema), l’ex-chef du gouvernement Ibrahim Boubacar Keïta, à la tête du Rassemblement pour le Mali (RPM), l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé ou encore l’astrophysicien Cheick Modibo Diarra. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE

JILL ABRAMSON La rédactrice en chef du New YorkTimes a été nommée, le 2 juin, directrice de la rédaction. La journaliste, qui prendra ses fonctions le 6 septembre, sera la première femme à ce poste depuis la création du quotidien, il y a 160 ans.

D.R., FRED R. CONRAD/THE NEW YORK TIMES

Le philosophe sénégalais recevra le 8 juin le prix ÉdouardGlissant, qui récompense chaque année un auteur ou artiste fidèle aux valeurs de l’écrivain martiniquais, disparu le 3 février.

EN BAISSE

MAHMOUD ABDEL SALAM OMAR Deux semaines après le début de l’affaire DSK, cet homme d’affaires égyptien, ex-président de la Bank of Alexandria, a été inculpé, le 30 mai, d’agression sexuelle contre une femme de chambre d’un hôtel new-yorkais. JOHN TAYLOR Le membre conservateur de la Chambre des lords a été condamné, le 31 mai, à un an de prison pour s’être fait rembourser des frais indus. Il est le cinquième parlementaire britannique à tomber dans cette affaire, révélée en 2009. LUC FERRY L’ex-ministre français de l’Éducation, entendu comme témoin par la justice, le 3 juin, est l’objet de nombreuses critiques. Il a accusé, sans le nommer et sans preuves, un ancien ministre d’actes de pédophilie à Marrakech. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

JAMES KEIVOM/AFP, LEON NEAL/AFP, WITT/SIPA

VINCENT FOURNIER/J.A.

L

OMÉ, LE 30 MAI. Réunis en session extraordinaire, les huit chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) viennent de désigner les membres de la nouvelle Commission. Au grand soulagement du président sortant, le Malien Soumaïla Cissé, 61 ans, pressé d’achever son deuxième et dernier mandat à la tête de l’institution – un mandat qui a expiré en février dernier, mais qui a été prolongé de quelques mois, crise ivoirienne oblige. Après huit années d’exil à Ouagadougou, il lui tarde de se débarrasser de son costume de haut fonctionnaire international pour endosser à nouveau les habits d’homme politique et revivre les émotions d’une campagne électorale: celle de la présidentielle d’avril 2012. En 2002, il avait contraint Amadou Toumani Touré (ATT) à un second tour. Aujourd’hui, il est l’un des favoris à sa succession et il compte bien remporter, fin juin, l’investiture de son parti, l’Union pour la République et la démocratie (URD).


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Grand angle

CÔTE D’IVOIRE

Que reste-t-il du camp

Gbagbo?

Les partisans de l’ancien président, en résidence surveillée à Korhogo, se cherchent un avenir. Charles Blé Goudé sort de l’ombre, Mamadou Koulibaly se pose en nouveau leader d’un FPI laminé… Les militaires, eux, font profil bas. Enquête et interviews exclusives. MARWANE BEN YAHMED

I

nvesti le 21 mai, Alassane Dramane Ouattara (ADO) installe, pierre après pierre, son pouvoir. Après un premier gouvernement, nommé entre les murs du Golf Hôtel au lendemain du hold-up électoral de Laurent Gbagbo, ADO a formé, le 1er juin, une nouvelle équipe de 36 membres, qui devra, d’ici aux législatives prévues en fin d’année, entamer les travaux herculéens qui l’attendent après plus d’une décennie de crise et cinq mois de guerre. Un gouvernement pléthorique car, comme souvent, il a fallu récompenser les alliés de la première comme de la dernière heure: 14 ministres issus du Rassemblementdesrépublicains(RDR)deOuattara, 8 du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Bédié, 5 des ex-Forces nouvelles de Guillaume Soro, qui demeure Premier ministre et ministre de la Défense, 5 issus de la société civile et 4 de petits partis. Grand absent de ce gouvernement d’« union nationale »: le Front populaire ivoirien (FPI), qui a refusé d’y participer. Le FPI est un champ de ruines. Privé de ceux qui l’ont porté à bout de bras deux décennies durant, battu dans les urnes le 28 novembre 2010 puis sur le terrain militaire le 11 avril dernier. Ses caisses, garnies par dix ans de pouvoir, vidées en un tournemain. Ses partisans, terrés ou faisant profil bas, de crainte que les représailles, qui ont déjà endeuillé leurs rangs, ne se poursuivent. L’avenir de ce parti, qui s’enorgueillissait d’avoir jadis lutté pour la démocratie, payant ainsi un lourd écot à l’instauration du multipartisme en Côte d’Ivoire, s’inscrit N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

aujourd’hui en pointillé. Ses chefs militaires ont fait allégeance ou sont sous les verrous, les politiques multiplient les valses-hésitations. Ceux qui ont été mis à l’écart avant même la crise postélectorale, victimes de luttes intestines entre caciques du temps de la « gloire », sont aujourd’hui en pole position pour incarner l’avenir. Les plus durs du régime, le dernier carré des « refondateurs-résistants », eux, semblent voués à la prison ou à la retraite politique anticipée. Deux figures incarnent cette dualité au sein du clan: le président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly et l’ex-« général de la rue » Charles Blé Goudé.

AVENIR. Nous avons choisi de les interroger tous

deux,pouressayerd’yvoirplusclair.Koulibalynousa tenu un discours lucide et posé, en fin politicien qu’il n’a jamais cessé d’être, malgré ses différends avec Gbagbo qui lui permettent aisément, aujourd’hui, de dire qu’il l’avait prévenu… Blé Goudé, dont on avait fini par penser qu’il était passé de vie à trépas dans la tourmente du 11 avril et qui livre dans ces colonnes sa Les plus durs du régime première interview depuis sa semblent voués soit à fuite, a bien changé. Le tribun la prison soit à la retraite. qui haranguait les foules pour défendresonchampionn’estplus qu’un lointain souvenir. Dans ses propos, le narcissisme le dispute à l’incohérence. Il n’exprime ni ligne directrice, ni envies, ni regrets, et nie en bloc les accusations dont lui et son camp sont l’objet, élude les questions les plus sensibles et réécrit volontiers l’Histoire… L’un a un avenir certain en Côte d’Ivoire; l’autre, à moins d’un improbable retournement de situation, beaucoup moins. Il est cependant une certitude: la Côte d’Ivoire ne peut se passer d’une opposition crédible, organisée mais responsable, face à Alassane Ouattara et au Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). C’est ça la vraie démocratie… ● JEUNE AFRIQUE


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SIA KAMBOU/AFP

Ý À KORHOGO, dans le nord du pays, le 2 mai.

JEUNE AFRIQUE

N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Grand angle

Côte d’Ivoire éviter des tueries massives. Ç’aurait été du suicide.

EXCLUSIF

Charles Blé Goudé « Les armes ont parlé » « Le général de la rue » n’est pas mort. Depuis l’étranger, selon toute vraisemblance, l’un des plus fidèles soutiens de l’ex-chef de l’État se dit prêt à apporter sa contribution au retour à la paix. Tout en réaffirmant ses ambitions politiques. Propos recueillis par

U

PASCAL AIRAULT

et

PHILIPPE PERDRIX

n intermédiaire à Paris faisant office de simple contact, un numéro de téléphone masqué pour un premier entretien, un autre mis immédiatement hors service après l’interview… Charles Blé Goudé voulait parler, mais a pris toutes les précautions pour que nous ne puissions pas le localiser. La voix authentifiée, quelques questions préalables pour s’assurer de l’identité de notre interlocuteur… Les précautions ont été réciproques.

Quel a été votre sentiment en voyant les images de Laurent Gbagbo arrêté ?

JEUNE AFRIQUE : Pourquoi sortir aujourd’hui de ce long silence ? CHARLES BLÉ GOUDÉ: Dans mon village,

Nos adversaires distribuaient des kalachnikovs à des civils, à Abobo et dans toutes leurs zones. J’ai donc demandé au chef d’état-major de l’armée de permettre aux jeunes de rentrer dans l’armée de façon régulière. Malheureusement, les événements se sont précipités et ils n’ont pas eu le temps d’être enrôlés.

un adage dit que l’on ne parle pas dans le bruit. Vu le méli-mélo en Côte d’Ivoire, j’ai d’abord essayé de me mettre en sécurité. C’est alors que de folles rumeurs ont commencé à courir annonçant ma mort. Elles ont été diffusées pour décourager nos militants et les dissuader de continuer à se battre. Voilà pourquoi je donne de la voix : pour montrer que je suis vivant et faire savoir ce que vivent chaque jour les Ivoiriens. Ils sont pillés, violés, pris en otages, tués… Revenons sur la journée du 11 avril et la chute de Laurent Gbagbo. Où étiezvous ?

Je n’étais pas dans sa résidence de Cocody. Je n’ai pas été, non plus, arrêté, puis relâché, par les FRCI [Forces républicaines de Côte d’Ivoire, pro-Ouattara, NDLR]. J’avais pris mes dispositions. En tantqu’anciensecrétairegénéraldelaFesci [FédérationestudiantineetscolairedeCôte d’Ivoire, NDLR], je suis habitué à la clandestinité. Vous imaginez bien que pour des raisons de sécurité je ne peux pas vous dire oùjemetrouve.Maisdèsquelesconditions seront réunies, je réapparaîtrai… N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Cela m’a rappelé Patrice Lumumba livré aux hommes de Mobutu et de Tshombe. Laurent Gbagbo a été livré aux forces de Ouattara,etlaFranceaprétenduqu’ellen’y était pour rien. Je demande aux Africains de retenir cette date du 11 avril: l’Histoire s’est répétée. Vous aviez lancé une campagne d’enrôlement au sein de l’armée. Cela n’aura pas suffi…

Cette attitude ne revenait-elle pas à lâcher Gbagbo ?

Je serai le dernier à lâcher Gbagbo.

Avez-vous eu des contacts avec lui jusqu’au 11 avril ?

Oui, mais les choses sont allées tellement vite! Et les communications étaient devenues difficiles…

Vous a-t-il demandé de faire descendre les Jeunes patriotes dans la rue ?

Laurent Gbagbo a toujours tenu à la vie des Jeunes patriotes. Reconnaître le verdict des urnes aurait évité toutes ces violences…

Ce débat est derrière nous par la volonté de la France. Mais, selon vous, qui est le président élu ?

Ce n’est pas à moi de désigner le président élu.

Reconnaissez-vous les résultats de l’élection présidentielle ?

Les armes ont parlé. La France a fait décoller ses hélicoptères et a déployé ses blindés. Elle a détruit le palais présidentiel et livré Laurent Gbagbo aux forces de M. Ouattara, investi président. À présent, la seule question valable est : « comment fait-on pour rebondir ? »

Avec Laurent Gbagbo en prison, peut-on appeler à la réconciliation ? Les nouvelles autorités vous accusent d’avoir distribué des armes…

C’est faux.

En tout cas, les Jeunes patriotes ne sont pas descendus dans la rue pour défendre Gbagbo, contrairement à novembre 2004 ?

Les deux situations ne sont pas comparables. En 2004, l’armée française avait tiré sur l’aviation de Gbagbo et les rebelles étaient contenus dans le nord du pays. Cette fois, on ne savait plus qui tirait sur qui à Abidjan, où les rebelles étaient embusqués. Dans ces conditions, j’ai refusé d’appeler les Jeunes patriotes à descendre dans la rue pour

Souhaitez-vous participer à la réconciliation entre Ivoiriens ?

L’avenir d’un pays doit dépasser les considérations personnelles. En 2006, je me suis rapproché de la jeunesse de l’opposition. En 2007, au moment des accords de Ouagadougou, j’ai initié la Caravane de la paix et j’ai parcouru tout le pays… Je ne peux avoir fait tout cela et me renier parce que Laurent Gbagbo n’est plus au pouvoir. En clair, je suis prêt à jouer ma partition. Les Ivoiriens doivent se parler, et les acteurs politiques – au pouvoir ou dans l’opposition – doivent reconnaître leur part de responsabilité. Pouvez-vous jouer cette partition alors

JEUNE AFRIQUE


FALONNE/JA

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« IL FAUT CALMER LES EXTRÉMISTES DES DEUX CAMPS », explique celui qui affirme n’avoir jamais prôné la violence. Photo prise le 2 mai 2009 à son domicile d’Abidjan. que vous êtes sous sanctions de l’ONU et éventuellement sous la menace de poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) ?

Premièrement, je ne suis pas sous la menace de la Cour pénale internationale. Quant à la liste des Nations unies, je l’ai toujours dénoncée. Si quelqu’un doit être récompensé et félicité pour ses activités en faveur de la paix, c’est Blé Goudé Charles. Il faut le reconnaître humblement. J’ai permis à laCôte d’Ivoire d’éviter la catastrophe à plusieurs reprises. Malheureusement, ce n’est pas reconnu. Êtes-vous prêt à rentrer au pays ?

Qui ne souhaite pas rentrer dans son pays… Exigez-vous la libération du couple Gbagbo ?

Bien entendu. Leur place n’est pas en prison, il faut qu’ils puissent participer à la vie politique. Avec Laurent Gbagbo en prison et ses compagnons traqués, peut-on appeler à la réconciliation ? Peut-on également parler de justice sans police, sans gendarmerie, sans prisons ? La Côte d’Ivoire a seulement deux prisons actuellement : le Golf Hôtel et l’hôtel de la Pergola. JEUNE AFRIQUE

Vous estimez avoir un destin présidentiel et avez donné rendez-vous à Guillaume Soro pour l’élection présidentielle de 2015 (voir J.A. n° 2616). En attendant, où vous situez-vous sur l’échiquier politique ?

Je veux mener ma vie d’opposant, mais en dehors du FPI [Front populaire ivoirien, le parti de Gbagbo, NDLR]. Dès que les conditions sécuritaires seront là, je réunirai en congrès extraordinaire les Jeunes patriotes et tous les Ivoiriens avec qui l’on peut travailler. En vous considérant comme un opposant, vous reconnaissez la victoire de Ouattara et vous tournez la page Gbagbo…

[Rires.] Gbagbo est en prison et doit être libéré. C’est important.

Dans votre lettre rendue publique le 31 mai, vous parlez de bourreaux et de tortionnaires à propos des forces proOuattara. Pas un mot sur les crimes du camp Gbagbo…

Chacun doit reconnaître sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé.

Regrettez-vous certains de vos propos ultranationalistes ?

Quand le général de Gaulle a appelé depuis Londres les Français

à libérer la France, était-il un leader ultranationaliste ? Vous n’avez jamais appelé à la violence?

J’ai appelé à la résistance aux mains nues lors de mes meetings. C’est cela que vous appelez de la violence ! Quand certains utilisent des kalachnikovs, vous ne parlez pas de violence… Les Jeunes patriotes ont organisé des sit-in comme les jeunes espagnols en ce moment à Madrid. Mais puisqu’ils sont africains, on considère qu’ils sont violents. C’est du racisme. Que pensez-vous des premiers actes du président Ouattara ?

Il est trop tôt pour juger un gouvernement après quelques semaines d’exercice. Mais je l’appelle à régler la question sécuritaire et celle des libertés : que les partis politiques puissent reprendre leurs activités et que les Ivoiriens puissent se rassembler. Les survivants de cette guerre ont un devoir, faire la réconciliation. Pour cela, il faut calmer les extrémistes des deux camps. Dans votre lettre, vous parlez également de « postophilie » pour dénoncer ceux qui courent après les postes. À qui ●●● pensez-vous ? N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Grand angle

Côte d’Ivoire

Il y a une expression en Côte d’Ivoire qui dit: « On sèche ses habits là où le soleil brille. » Il y a des caméléons politiques dans notre pays. Ils sont toujours prêts à servir les nouveaux présidents. Il faut arrêter la politique du ventre.

●●●

Pensez-vous à Guillaume Soro ?

Non, pas du tout. Je ne veux pas parler du Premier ministre. Nous avons eu des relations privilégiées à la Fesci. Je n’ai pas de rancune. Est-ce toujours votre frère ?

Joker.

En cas de retour au pays, envisagez-vous d’être candidat aux élections législatives ?

Mes ambitions politiques demeurent intactes et sont plus que jamais justifiées. Si Charles Konan Banny vous appelle à témoigner devant la Commission Vérité, Dialogue et Réconciliation, irez-vous ?

Je suis prêt à aller partout où l’on parlera de réconciliation. Êtes-vous prêt à discuter avec les nouvelles autorités ?

Biensûr.Jesuisprêtàlesaideretàremettre sur pied une Caravane de la paix. En attendant, une cavale, c’est long et difficile. Combien de temps pouvez-vous tenir ?

Je ne suis pas dans la clandestinité pour la première fois. Je suis né au campement. J’ai l’habitude de manger les fruits de la forêt. Je peux tenir comme cela des années. En revanche, je suis inquiet pour ma famille et mes proches. Mon village a été incendié. On vous dit très riche, cela peut aider lorsqu’on est dans la clandestinité…

Je ne suis pas riche. On m’a collé cette étiquette. Je suis riche de mes idées, de mes relations et de ma valeur morale. Avez-vous peur ?

Non, pas pour moi, mais pour la Côte d’Ivoire. Priez-vous souvent ?

Je crois fermement en l’éternel des armées et au Dieu de justice. Je prie quotidiennement au lever et avant de me coucher. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

La débâcle des généraux L’état-major des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) n’a guère le choix. Se rallier à Ouattara ou risquer des poursuites. Mais pour les « faucons », il va être difficile d’échapper à la justice.

ANDRÉ SILVER KONAN,

«

S

à Abidjan

i je tombe, vous tombez. » Quand il était au pouvoir, Laurent Gbagbo se plaisait à mettre en garde les généraux des Forces de défense et de sécurité (FDS). Sept semaines après la chute de l’ancien président, certains l’ont suivi, d’autres ont trébuché. À Cocody, le bâtiment qui abritait le quartier général du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos, l’unité d’élite) est désert. Seul un soldat des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) monte la garde. Avec son tee-shirt délavé à l’effigie de Che Guevara et ses chaussures en caoutchouc, il n’a rien à voir avec ces hommes fiers et lourdement armés, aux treillis neufs coupés sur mesure, qui pilotaient leurs 4x4 à tombeaux ouverts dans les rues d’Abidjan.

Le Cecos, qui surveillait le périmètre de la résidence présidentielle, est tombé le 11 avril, le même jour que Laurent Gbagbo. Son commandant, le toutpuissant général Guiai Bi Poin, a attendu deux jours avant de se présenter au Golf Hôtel et faire allégeance à Ouattara. Aujourd’hui, il paie cher ses atermoiements: début mai, le Premier ministre et ministre de la Défense, Guillaume Soro, a demandé au procureur militaire de diligenter une enquête sur les violences post-électorales. Cinquante-deux militaires, gendarmes, policiers sont visés. Que des proches de Laurent Gbagbo. Parmi eux, Guiai Bi Poin. Relâché, l’homme est néanmoins en sursis. On ignore en revanche si cette enquête vise le chef d’état-major des armées, le général Philippe Mangou (lire encadré). Mais une chose est sûre : JEUNE AFRIQUE


Que reste-t-il du camp Gbagbo ?

MICHAEL ZUMSTEIN/AGENCE VU

trouve actuellement dans une clinique. Il il aurait été tué « par les mercenaires libéestsouslecontrôledesFRCI»,affirmeAlain riens ». Plus tacticien, Jean-Noël Abéhi, Lobognon, conseiller en communication commandant de l’escadron blindé de du Premier ministre. Quant à Boniface la gendarmerie basé au camp d’Agban Konan, il est en fuite, mais « réside au d’Abidjan (l’un des derniers bastions de Gbagbo), s’est terré plus d’un mois avant Ghana depuis le 11 avril », toujours selon Alain Lobognon. Et d’apparaître, au Golf Hôtel, le 16 mai derÝ LE PRÉSIDENT ET LE les rumeurs vont nier, au côté de Charles Konan Banny, le PREMIER MINISTRE bon train : Konan président de la Commission Dialogue, (au centre) AVEC préparerait un coup Vérité et Réconciliation. LES GRADÉS QUI ONT d’Étatdepuissonexil. FAIT ALLÉGEANCE, LE 12 AVRIL. D’autres le situent en CONVERTIS. D’autres ont opté pour un À la droite de Angola,oùilchercheralliement beaucoup plus précoce. C’est Guillaume Soro, rait à recruter des le cas du respecté général Détoh Letoh, le chef d’étatmercenaires. Joint commandant des Forces terrestres. Il major, Philippe par téléphone, l’ina rejoint les FRCI durant les combats, Mangou. téressé confirme être entraînant ses hommes (bataillons d’artillerie et d’infanterie, blindés, parachuà Accra, mais dénonce des « informations totalement infondées ». « Ceux qui portistes) dans son sillage. Son soutien à tent des accusations devraient au moins Ouattara a bouleversé les plans de Gbagbo apporter des preuves », martèle-t-il. Sur les et contraint ce dernier à ne compter que négociations en cours avec les nouvelles sur des unités spéciales et, surtout, des paramilitaires: mercenaires étrangers ou autorités qui lui permettraient de rentrer miliciens nationaux. Le général Nicolas en Côte d’Ivoire: « Je suis un soldat, donc soumis au droit de réserve. » Kouakou, commandant du Centre de Le très craint général Dogbo Blé aurait commandement intégré (CCI), fait lui sans doute préféré goûter au charme aussi partie des premiers convertis. Il est actuellement un élément essentiel de l’exil. Trois jours après l’arrestation de Laurent Gbagbo, le patron de la garde républicaine a été « Si je tombe, vous tombez », interpellé à Abidjan par les FRCI. disait Laurent Gbagbo à ses La dernière image publique de lui : menotté, un visage tuméfié, officiers. portantunpyjamaetencadrépar ses geôliers au Golf Hôtel. Il est, depuis, des FRCI et a pour mission de rebâtir la nouvelle armée. De même, le général détenu à la Compagnie territoriale de Korhogo (Nord), dans le fief du non moins Édouard Kassaraté Tiapé et l’inspecteur craint Fofié Kouakou, l’un des commangénéral Brédou M’Bia, respectivement dants des ex-Forces nouvelles. commandant de la gendarmerie et direcQuant au colonel major Nathanael teur général de la police, continuent de Brouaha Ehouman, commandant du diriger leurs troupes, après avoir rallié Groupement de la sécurité présidenles FRCI, peu avant la chute de Gbagbo. tielle (GSPR), il s’était retranché dans En attendant une recomposition de la son village natal du sud-ouest du pays, hiérarchie d’une nouvelle armée unifiée, avec un groupe de combattants. Mais, ils demeurent à leurs postes et jouissent selon le capitaine Raoul Alla Kouakou, de la confiance du commandant suprême, porte-parole militaire de Guillaume Soro, le président Alassane Ouattara. ●

il a prêté serment à Ouattara, le 11 avril. Il est libre de ses mouvements. Et le 21 mai, lors de l’investiture d’Alassane Ouattara à Yamoussoukro, le galonné était bien visible au côté de son alter ego des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), le général Soumaïla Bakayoko, juste derrière le nouveau président à bord de son command-car. D’autressefontenrevancheplusdiscrets. Parmi les portés disparus depuis le 11 avril figurent le vice-amiral Vagba Faussignaux, commandant de la marine nationale, et le capitaine Boniface Konan, de l’unité spéciale des fusiliers marins commandos, qui a farouchement mené la bataille d’Abidjan depuis le palais présidentiel, au Plateau. « Faussignaux a été blessé le 11 avril et se

MANGOU « PUTSCHÉ » AU CAMP GALLIENI LE 4x4 DU CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES est toujours garé au camp Gallieni, dans le quartier du Plateau. Seulement voilà: sur le pare-chocs, à la place des trois étoiles du général de division, il n’y en a désormais que deux, celles d’un général de brigade. C’est un fait: le général de division Philippe Mangou a été renversé, sans autre forme de procès, par le général de brigade Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major des ex-FAFN. Au lendemain de la chute de Gbagbo, Bakayoko a transféré ses bureaux de Bouaké à Abidjan. Il aurait pu JEUNE AFRIQUE

choisir n’importe quel camp militaire d’Abidjan. Son choix s’est porté sur le camp Gallieni. Et dans ce vaste camp d’une dizaine de bâtiments, il aurait pu, à l’instar de Chérif Ousmane, l’ex-comzone de Bouaké, choisir n’importe quel bureau, mais il a préféré celui de Philippe Mangou. Ce dernier est donc un chef d’état-major sans bureau, assis sur un fauteuil très éjectable et, du reste, déjà occupé. Le message est clair: les FAFN ont gagné la guerre. Et les vainqueurs entendent bien le faire comprendre aux vaincus. ● A.S.K. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Mamadou Koulibaly « Nous sommes les premiers responsables » Le président de l’Assemblée nationale fait sans Gbagbo et souhaite tourner une page qu’il regrette amèrement. En prenant les rênes du parti de l’ex-président, il n’a qu’un seul but : remettre l’appareil en ordre de marche et préparer la présidentielle de 2015. Propos recueillis à Abidjan par

M

Avez-vous des nouvelles du couple Gbagbo ?

Non. On ne m’a pas permis de les rencontrer. J’en ai parlé avec Charles Konan Banny, qui préside la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation. Il prévoit d’aller les voir prochainement et m’a promis de tout faire pour que je puisse leur rendre visite.

PASCAL AIRAULT

is sur la touche par Laurent Gbagbo pour, entre autres, avoir dénoncé les excès des durs du régime, écarté lors de la campagne pour la présidentielle, exilé au Ghana durant la crise postélectorale, Mamadou Koulibaly signe son grand retour sur la scène politique. Interlocuteur du nouveau pouvoir, le président de l’Assemblée nationale veut sauver un Front populaire ivoirien (FPI, ancien parti au pouvoir) assommé par la double défaite électorale et militaire. « L’objectif est de proposer un nouveau projet de société pour gagner la présidentielle de 2015 », explique-t-il. En attendant, il dresse un bilan sévère de la décennie écoulée. Fidèle à ses principes, intransigeant sur la morale et les règles de droit, il se pose en défenseur de la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Avec, en filigrane, une phrase qu’il ne prononce jamais mais que l’on entrevoit à chacune de ses réponses : « Si Gbagbo m’avait écouté… » N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

chef de l’État et me demandent de plaider leur cause auprès de lui. Ils promettent de ne pas perturber son travail. Certains se mettent même à sa disposition.

JEUNE AFRIQUE : On vous a peu entendu pendant la crise postélectorale. Pourquoi ? MAMADOU KOULIBALY : Je n’avais pas

le choix. Ma présence n’était pas désirée ; l’Assemblée nationale ne fonctionnait plus. Mais aujourd’hui, j’ai la lourde responsabilité d’assurer la présidence par intérim du FPI. Cela m’oblige à rassurer les militants, à aider à la libération des cadres du parti qui ont été arrêtés et à faciliter le retour des exilés. Êtes-vous en contact avec les cadres du parti en exil ?

Oui, notamment avec Kadet Bertin, qui est au Ghana. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est l’un des premiers à avoir reconnu notre défaite et il souhaite qu’on tourne rapidement la page. J’ai aussi rendu visite à ceux qui sont en résidence surveillée à l’hôtel de La Pergola à Abidjan : Alcide Djédjé, Dano Djédjé, Philippe-Henri Dacoury-Tabley… Ils reconnaissent Alassane Ouattara comme

À quand remonte votre dernier contact ?

J’ai rencontré Laurent Gbagbo quelques jours après le retour de Pascal Affi Nguessan d’Addis-Abeba [rencontre avec le panel des cinq chefs d’État, le 11 mars, NDLR]. Je lui avais conseillé d’accepter le verdict de l’Union africaine.

Laurent Gbagbo a-t-il, selon vous, perdu l’élection présidentielle ?

Il a fini par reconnaître sa défaite. D’ailleurs, le 11 avril, il a demandé à Désiré Tagro [alors secrétaire général de la présidence, NDLR] de sortir avec un mouchoir blanc.

N’était-ce pas plutôt la reconnaissance d’une défaite militaire ?

C’est la continuation du résultat électoral. Nous avons dénoncé la fraude, dans le nord du pays. Nous sommes les premiers responsables, car le FPI n’avait pas de représentants dans de nombreux bureaux de vote. Nous avons réalisé une très mauvaise campagne électorale, mal JEUNE AFRIQUE


Que reste-t-il du camp Gbagbo ?

FALONNE POUR J.A.

ils méritent de payer pour leurs actes. Mais dans ce cas, il faut enquêter sur tous les crimes de sang et tous les crimes économiques perpétrés Ý DANS SON depuis 2002. Je crains BUREAU, à que l’on ne prépare l’Assemblée quelque chose de spénationale, le 1er juin. cial pour Gbagbo et ses compagnons. On peut dire qu’ils ont braqué la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, à Abidjan. Mais les banques ont également été dévalisées dans la zone nord. Si Ouattara cherche à se venger, il va créer de nouvelles frustrations.

organisée. Il n’y avait pas de stratégie, pas de discours cohérent, et trop de personnes étaient en première ligne, avec des moyens colossaux mais mal utilisés. Certains cadres n’ont pas travaillé ; ils ont détourné de l’argent pour acheter notamment des véhicules. Le pouvoir leur est-il monté à la tête ?

Le problème, c’est l’usure du pouvoir. Lorsque nous étions dans l’opposition, on faisait mieux avec moins de moyens. On rêvait d’une nouvelle Côte d’Ivoire et on déplaçait des montagnes. Dix ans plus tard, nous étions pleins de fric. On disait qu’on voulait ouvrir le marché ivoirien au monde entier mais, dans les faits, on a fait des deals avec les plus grosses entreprises françaises. Alassane Ouattara a proposé une vision plus cohérente. Sur quelles bases faut-il reconstruire le FPI ?

La priorité, c’est de refaire du FPI un grand parti d’opposition. Cela veut dire qu’il faut dresser un bilan en profondeur, prendre des dispositions institutionnelles, remobiliser les militants et donner des signaux forts aux Ivoiriens, en modifiant complètement notre discours et nos méthodes. Il faut revenir aussi à plus d’humilité et reprendre le travail à la base. Ensuite, on pourra peut-être penser à organiser un grand congrès du parti. Que pensez des poursuites judiciaires et des sanctions financières engagées contre le camp Gbagbo ?

La justice n’est pas un problème en soi. Si Koulibaly ou d’autres sont coupables, JEUNE AFRIQUE

Simone Gbagbo a-t-elle persuadé son époux de s’accrocher au pouvoir ?

Je ne pense pas que quelqu’un puisse influencer Laurent Gbagbo. Il est toujours resté maître de ses actes. Mais tous, les militants, les cadres, se demandent pourquoi il s’est à ce point entêté, à la limite de l’irrationnel. Pendant la cérémonie d’investiture de Ouattara, je me suis mis à rêver. Laurent Gbagbo était en train de lui remettre les insignes de la République. Cette passation aurait ancré la démocratie dans notre pays. Cinq ans plus tard, il avait toutes ses chances pour redevenir président.

président a prêté serment et doit respecter la Constitution. Il n’a effectivement pas de députés du RDR [Rassemblement des républicains, NDLR], mais ses alliés du RHDP [Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, NDLR] occupent la moitié de l’hémicycle. Se dirige-t-on vers une hyperprésidence ?

C’est mon sentiment. C’est la raison pour laquelle nous n’avions pas intérêt à entrer dans ce gouvernement d’union. Dans ce système, les présidents se sentent obligés d’avoir des « shadow cabinets » pour diriger. Gbagbo n’aurait jamais dû accepter – je le lui avais dit – les accords de Marcoussis, qui sont à l’origine de ce mode de gouvernance. Quel doit être le chantier prioritaire du nouveau président ?

La refonte de l’armée. L’insécurité règne et le phénomène de racket est pire qu’avant. Le président Ouattara a appelé les militaires des deux camps à se considérer désormais comme des frères. Il faut poser des actes qui le montrent vraiment. C’est comme une maison à reconstruire. Nous avons les briques. Encore faut-il qu’elles soient positionnées

Dans l’opposition, nous avions des rêves. Au pouvoir, nous étions pleins de fric. Dans quel état d’esprit sont les militants du FPI ?

Ils craignent pour leur sécurité. Je reçois régulièrement des messages de détresse. En tant que président de l’Assemblée nationale, avez-vous reçu des garanties du président Ouattara ?

Il a promis d’assurer la pérennité des institutions. Mais, dans le même temps, il m’a fait savoir que son conseiller juridique considérait que mon mandat avait pris fin avec l’élection du 28 novembre 2010. Acceptez-vous que le chef de l’État, dont le parti n’a pas de représentants à l’Assemblée nationale, puisse gouverner par ordonnance et par décret jusqu’aux législatives ?

C’est une situation intolérable. Le mandat des députés expire après l’élection de la nouvelle Assemblée. Le nouveau

de manière à ce qu’il y ait des chambres, des toilettes et un salon ! Alassane Ouattara a dit à Nicolas Sarkozy que l’armée française était la bienvenue. Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes indépendants depuis plus de cinquante ans. Il n’est pas dans notre intérêt d’entretenir ce type de relation infantilisante. Les accords de défense devront donc être révisés. Selon vous, quelles sont les priorités économiques de la Côte d’Ivoire ?

L’État a quasiment disparu. Il faut redéployer l’administration sur l’ensemble du territoire, mais, pour cela, il faut rétablir la sécurité. On doit aussi faire en sorte qu’il n’y ait plus d’administration parallèle, celle des FN (Forces nouvelles, dans le Nord, NDLR) en l’occurrence. En fait, ce sont les mêmes problèmes qui se posaient à Gbagbo. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Afrique subsaharienne

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N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

AFRIQUE DU SUD

Docteur

Jacob et mister Zuma Pauvreté, difficultés économiques, crispations politiques… Le président sud-africain semble à la peine. À mi-mandat, il est contesté jusque dans les rangs de son parti, l’ANC. Mais l’homme a l’art de rebondir.

PIERRE BOISSELET,

1963

Il est emprisonné à Robben Island avec Nelson Mandela

Ý À JOHANNESBURG, EN 2007. Le chef de l’État sait bien que ses seuls succès diplomatiques ne suffiront pas à le faire réélire. JEUNE AFRIQUE

U

envoyé spécial

n sourire aux lèvres, l’air toujours décontracté… Jacob Zuma est un homme difficile à cerner. De Thabo Mbeki, son prédécesseur à la tête de l’État, les observateurs de la vie politique sud-africaine disaient volontiers qu’il était diplomate, soigné, mais aussi solitaire et têtu. Nelson Mandela, premier président de l’ère postapartheid, était unanimement décrit comme charismatique et intègre. Dresser, en quelques mots, le portrait de Jacob Zuma est autrement plus délicat. Tantôt rieur et tantôt sombre, le chef de l’État n’a pas peur de changer d’avis. Ses amitiés sont nombreuses et parfois encombrantes. Son histoire personnelle – de la lutte clandestine au palais de Pretoria – est faite de zones d’ombre et de rebondissements. Jacob Zuma fêtait, en mai, le deuxième anniversaire de son investiture. À 69 ans, il a le regard de ceux qui, de compromis en renoncements, ont la soif de récompense que tout combat durement mené donne envie d’étancher. Parfois un peu trop, et souvent en perdant de vue les idéaux de départ. ●●● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Aujourd’hui, l’habile négociateur commence cependant à voir sa popularité s’éroder. Malgré l’engagement de son chef dans la bataille électorale, le Congrès national africain (ANC) a enregistré un recul lors des élections municipales du 18 mai. Sur le front économique et social, les nouvelles ne sont pas meilleures. En 2010, l’Afrique du Sud a enregistré une croissance de 2,8 %, qui devrait, selon le Fonds monétaire international, plafonner à 3,5 % cette année. C’est beaucoup moins bien que chez ses nouveaux « amis » des Bric, (Brésil, Russie, Inde, Chine), qu’elle a rejoints fin 2010. Conséquence : le chômage, talon d’Achille de la nation Arc-en-Ciel, devrait demeurer à un très haut niveau : plus de 24 % en 2010 et 2011. ●●●

DÉSINVOLTURE. Voilà qui ne va pas calmer Unathi.

Comme chaque soir, cette femme de ménage de 30 ans rentre chez elle – une baraque de tôle dans un township de Tembisa, lointaine banlieue de Johannesburg. C’est elle qui ramène le seul salaire du foyer. Comme beaucoup dans le quartier, son mari est sans emploi. Près de vingt ans après la fin de l’apartheid, le quotidien de Unathi a peu changé : toujours pas d’eau courante ni d’électricité, bien que d’immenses lignes à haute tension plongent leurs racines dans le bidonville. Des maisons ont bien poussé sur la colline d’en face, « mais les gens de l’ANC ne les donnent qu’à leurs proches », s’énerve-t-elle. Dans les townships, il y avait déjà eu des émeutes contre l’absence de services de base avant 2009 ; elles sont devenues systématiques depuis l’arrivée au pouvoir de Zuma, qui s’est pourtant toujours vanté – surtout contre son rival, Thabo Mbeki – d’être l’homme du peuple. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

LE MAPONYA MALL, EN MAI 2010. À Soweto, des centres commerciaux ultramodernes surgissent au milieu des bidonvilles.

1975

Zuma quitte l’Afrique du Sud pour la Zambie

L’homme « est un caméléon politique, qui dit à chacun exactement ce qu’il veut entendre ». WikiLeaks (câble publié fin 2010)

À un an et demi de la grande conférence de l’ANC, qui se tiendra à Mangaung et qui investira le candidat du parti pour l’élection présidentielle de 2013, ces difficultés fragilisent le président sortant. Peut-il être évincé ? Le scénario paraît envisageable. En 2007, Jacob Zuma avait bénéficié de l’exaspération du parti face à la gestion personnelle du pouvoir par son prédécesseur. Malgré son éviction du fauteuil de vice-président en 2005, alors qu’il était empêtré dans des affaires de corruption, il était apparu comme le sauveur, il avait emporté la mise. La ligue de la jeunesse de l’ANC (l’Ancyl), le Parti communiste sud-africain (SACP) et la Cosatu, la puissante centrale syndicale, l’avaient soutenu jusqu’au bout. C’est un « caméléon politique qui dit à chacun exactement ce qu’il veut entendre », avait analysé la diplomatie américaine au lendemain de son élection, d’après un câble dévoilé en décembre 2010 par WikiLeaks. Aujourd’hui, ses anciens supporteurs sont frustrés. « Si on continue comme cela, nous allons échouer, avertit Patrick Craven, porte-parole de la Cosatu. Nous ne créerons pas les emplois espérés. » La centrale syndicale ne s’interdit plus de lui mettre la pression. Régulièrement, elle brandit la menace des grèves. Menace qu’elle a mise à exécution au lendemain de la Coupe du monde 2010, paralysant écoles et hôpitaux pendant près d’un mois. Les relations se sont également dégradées avec Julius Malema, le leader de l’Ancyl, dont le visage poupin dissimule une rhétorique incendiaire qui fait les délices de la presse (« Les Blancs sont des criminels » est l’une de ses dernières provocations). Le chef de l’État, qui l’avait pourtant pris sous sa coupe, a fini par se lasser. « C’est vraiment ce qui a mal tourné sous la présidence Zuma, analyse son JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

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Ý UN HOMME ET SON ENFANT APRÈS UNE AGRESSION, PROVINCE DU GAUTENG, 2009. Si elle tend à diminuer, la criminalité entache toujours l’image du pays.

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biographe, Jeremy Gordin. Il n’a pas discipliné le parti ni ses alliés. » De fait, Zuma manque d’autorité et affiche sa désinvolture. Lorsque la presse dénonce le train de vie de ses ministres et publie les photos de leurs voitures à 1 million de rands (100 000 euros), il ne moufte pas. L’enrichissement fulgurant et visible des responsables du parti, de son propre fils, Duduzane, ou encore des Gupta, une famille d’origine indienne que l’on dit très présente dans son entourage, n’arrange pas les choses. En mars dernier, même l’archevêque Desmond Tutu s’est inquiété à plusieurs reprises de ces dérives.

JEUNE AFRIQUE

Æ UNE FAMILLE PLEURE

UNE VICTIME DU SIDA, AU CIMETIÈRE DE

TEMBISA, PROVINCE DU GAUTENG, EN 2006. L’Afrique du Sud compte près de 6 millions de porteurs du virus.

Pourtant, à l’image de ce personnage respectable et vénéré, qui a récemment rappelé son affection pour Zuma, de nombreux Sud-Africains sont attachés au chef de l’État. Le visage d’Unathi, habituellement marqué par la colère, s’illumine lorsqu’on prononce le nom om de « son président ». Chez Nkosi, chauffeur de taxi originaire de Soweto, l’admiration est moins nette. Mais lorsqu’il aperçoit Inculpé pour viol, au loin le Soccer City, le stade il est finalement construit à Johannesburg pour acquitté la Coupe du monde 2010, ce fan de football ne peut s’empêcher de ressentir de la fierté.

2005

SURVIVANT. Car Zuma peut se targuer de certai-

nes réussites pendant la première moitié de son mandat. L’organisation du Mondial a, de l’avis général, été remarquable, et même ses opposants en conviennent. Et alors qu’on s’attendait dans la foulée à un pic de la criminalité, celle-ci est tombée à son plus bas niveau depuis la fin de l’apartheid. Les tensions raciales, dont toute la presse faisait ses gros titres après l’assassinat du leader d’extrême droite, Eugène Terreblanche, en avril 2010, n’ont pas non plus fait vaciller le pays. Et puis le président peut toujours s’appuyer sur la solidité de l’ANC. La célébration du centenaire de l’organisation, en janvier 2012, sera l’occasion de rappeler aux Sud-Africains le lien quasi charnel qui les unit au parti et les glorieuses heures de la « lutte ». Et il y a fort à parier que les turbulents partenaires de la coalition finiront par faire preuve de cohésion. Pour Zuma, le danger ne peut donc venir que du parti lui-même. Les accusations de complot, dont les médias sud-africains se sont récemment fait l’écho, sont venues le rappeler. Plusieurs responsables chercheraient ainsi à le remplacer par Tokyo Sexwale, le richissime ministre du Logement. « Ces accusations remontent toujours à l’approche d’une conférence de l’ANC, rappelle-t-on dans l’entourage d’un poids lourd du parti. Attendons de voir qui se déclare vraiment. » À part Zuma, on voit mal qui pourrait rassembler les ailes gauche et « nationaliste » du parti. La Cosatu a certes des reproches à lui faire, mais elle considère Sexwale et Malema comme desagents des grandes entreprises. « Et puis Zuma est un survivant, rappelle Jeremy Gordin. Il ne faut pas oublier d’où il vient. » Le parcours du petit gardien de vaches empêché d’aller à l’école plaide pour lui. De la direction des services secrets de l’ANC depuis son exil zambien, dans les années 1980, Msholozi (le nom de code N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


Afrique subsaharienne de Zuma à l’époque) a conservé une profonde connaissance des rouages du parti. À son retour en Afrique du Sud, il reçoit de Mandela une mission : reconquérir sa terre du Kwazulu-Natal, où le Parti Inkhata de la liberté (IFP, parti nationaliste zoulou) occupe le terrain. Son succès est indéniable. Mieux: depuis que « JZ » est à la présidence, l’ANC y domine électoralement. À la conférence de Mangaung, il devrait en récolter les fruits: avec le déclin du parti

2009

Le patron de l’ANC remporte la présidentielle

dans son bastion historique du Cap-Oriental, la délégation venue du Kwazulu-Natal devrait être la plus nombreuse. Et la plus bruyante. Les critiques de ses détracteurs peuvent continuer de pleuvoir, Zuma sait que, dans l’enceinte du plus vieux parti d’Afrique, leur avis ne pèse pas lourd. C’est peut-être pour cela que le sourire ne quitte jamais très longtemps le visage de Jacob Zuma. ●

De l’art du jonglage Abidjan, Tripoli, Tana… Le chef de l’État court les crises africaines. Une stratégie qui a remis Pretoria sur le devant de la scène.

«

I

l est moins dogmatique que Thabo Mbeki, et c’est une chance pour la diplomatie sud-africaine », disent tous les observateurs. De fait, la souplesse tactique de Jacob Zuma paie. En décembre 2010, il a réussi un joli coup. Son pays est entré dans les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) – le club des puissances émergentes. À l’acronyme s’est, depuis, ajouté un « s » pour « South Africa ». Désormais, il faut dire Brics. Évidemment, pour des pays bien plus riches, comme le Mexique, la Turquie, la CoréeduSudoul’Indonésie,cechoixsemble injuste. Mais les Bric voulaient s’ouvrir à l’Afrique. Et Zuma a su les convaincre que son pays était le plus représentatif du continent. Le 14 avril, à Sanya, sur l’île

HOGCIS/AP PHOTO

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TRIPOLI, LE 30 MAI. Pour la deuxième fois depuis le début de la guerre en Libye, le leader sud-africain a tenté de négocier avec Mouammar Kaddafi.

et l’ex-président Mbeki. En réalité, dès fin 2010, il confie le dossier à l’un de ses hommes de confiance, le ministre de la Sécurité d’État, Siyabonga Cwele. Le 31 janvier, c’est Cwele qui, au nom de l’Afrique du Sud, entre dans le groupe des sept experts Ces derniers mois, c’est sur de l’Union africaine (UA) le dossier ivoirien qu’il a montré chargé de faire son rapport. On connaît la suite : son habileté tactique. le 10 mars, à Addis-Abeba, chinoise de Hainan, Zuma a pris son air l’UA reconnaît la victoire d’Alassane Ouattara. Ce jour-là, Thabo Mbeki a dû faussement modeste – la tête rentrée dans les épaules. Mais sur la photo, aux côtés de manger son chapeau… ses quatre homologues, il jubilait… Ces derniers mois, c’est sur le dossier GRAND ÉCART. Quelquefois, Jacob Zuma ivoirien que Zuma a montré son habileté est trop habile. Sa diplomatie n’est plus lisible. Le 17 mars, au Conseil de sécutactique. Dès le 13 décembre, il envoie rité de l’ONU, son représentant vote en auprès de Gbagbo et de Ouattara un faveur de frappes militaires contre l’armée émissaire secret – un ancien ministre libyenne, qui menace les populations civides Affaires étrangères d’un pays franles de Benghazi. Trois semaines plus tard, cophone d’Afrique de l’Ouest. Pendant quelques semaines, il laisse parler les le 10 avril, il se rend lui-même à Tripoli pro-Gbagbo – sa ministre des Affaires – toujours flanqué de l’indispensable Siyabonga Cwele –, et parle « trêve » avec étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

le colonel Kaddafi. Le 30 mai, il y retourne en regrettant que les raids aériens de l’Otan sapent la médiation en cours de l’UA. Zuma l’équilibriste. D’un côté, il donne des gages aux Occidentaux pour décrocher un siège permanent au Conseil de sécurité; de l’autre, il apaise le Congrès national africain (ANC, au pouvoir), qui n’oublie pas l’aide que lui a fournie Kaddafi au temps de l’apartheid et « condamne les bombardements occidentaux » en Libye. Zuma ou la diplomatie du grand écart. Mais au-delà de ces contradictions, c’est un calculateur. S’il joue aux cartes, il doit longtemps retenir ses coups avant d’abattre son jeu. À Madagascar, il soutient le président déchu, Marc Ravalomanana, tout en recevant à Pretoria son tombeur, Andry Rajoelina. Au Zimbabwe, il prend ses distances avec Robert Mugabe, au grand dam de celui-ci. En Libye, il attend. Le jour où il faudra trouver une porte de sortie pour Kaddafi, Zuma sait qu’il sera incontournable. ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne CONFIDENCES DE | Moeletsi Mbeki

« Zuma n’est pas très efficace » Ð Il critique le bilan du président, mais croit en ses chances de réélection à la tête du parti Ð Selon lui, l’ANC aura du mal à reconquérir une partie de l’électorat noir et urbain, séduit par l’opposition JEUNE AFRIQUE : Le déclin du Congrès national africain (ANC) lors des dernières élections municipales est-il inquiétant ? MOELETSI MBEKI : C’est une tendance lourde. Lors des élections générales de 2004, l’ANC avait remporté 70 % des suffrages. Pour les suivantes, en 2009, il avait conservé une majorité des deux tiers. Cette fois, il semble l’avoir durablement perdue. Dans le détail, il perd des voix dans les grands centres urbains, alors que l’Alliance démocratique (DA) progresse dans ces zones. Cela montre qu’il y a maintenant un nombre significatif d’électeurs noirs qui votent pour l’opposition. Cela me rappelle ce qui s’est passé au Zimbabwe : la chute de la Zanu-PF [le parti du président Robert Mugabe, NDLR] avait aussi commencé avec la perte de l’électorat urbain.

à la présidence s’explique par l’histoire de l’ANC, pas par ses compétences. Les politiques actuelles sont les mêmes que celles qui avaient été mises en place parThabo Mbeki.

Qui sont ces électeurs qui ont LE FRÈRE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT est économiste changé de camp ? à l’Institut sud-africain des relations Ce sont essentiellement des internationales. personnes noires et pauvres, mais qui ont un travail. Pendant la campagne des municipales, la DA économique: si l’inflation augmentait, s’est beaucoup déplacée dans les cela diminuerait la valeur des prestatownships. On a vu la chef du parti, tions. Comme par ailleurs la production Helen Zille, à Soweto, où elle a reçu industrielle et agricole est en déclin, un très bon accueil. les importations sont en hausse. Le

Il faudrait de gros changements pour régler le problème de la pauvreté. Pour enrayer cette chute, l’ANC va-t-il devoir changer de ligne politique ? Ce sera très compliqué parce que sa base électorale est constituée de pauvres très dépendants des prestations sociales. Ils représentent environ 15 millions de personnes. L’ANC ne peut pas changer de politique JEUNE AFRIQUE

parti doit donc maintenir un rand fort, sous peine de voir le pouvoir d’achat des ménages baisser encore plus. Comment jugez-vous le bilan de Jacob Zuma après deux ans au pouvoir ? Il a l’air très inefficace et il n’a pas eu une seule idée originale. Son arrivée

REX/SIPA

Quelles sont ses chances d’être réélu à la tête du parti ? Très bonnes, à mon avis. Il est excellent dans les jeux d’alliance à l’intérieur de l’ANC. Et l’une de ses contributions majeures a été de reprendre la province du Kwazulu-Natal au Parti Inkhata de la liberté (IFP, nationalistes zoulous). Il en a fait son bastion et cela va être un levier très puissant pour lui. L’alliance de l’ANC avec la Cosatu et le Parti communiste pourraitelle éclater ? La Cosatu n’a pas réussi à peser sur l’orientation des politiques économiques. Alors, pour conserver l’alliance, l’ANC s’appuie sur ses leaders en leur offrant des postes au gouvernement, au Parlement, etc. Cela tient, pour l’instant.

Êtes-vous optimiste sur l’avenir de l’Afrique du Sud ? Avec un taux de croissance de 3 % à 4 %, le pays ne risque pas de s’effondrer comme le Zimbabwe. Mais il faudrait de gros changements pour atteindre 8 % ou 9 % et régler réellement le problème de la pauvreté. La structure sociale sud-africaine est un obstacle, tout comme les monopoles, qui bloquent la montée de nouveaux entrepreneurs. Prenez par exemple la bière: le marché était dominé par South Africa Breweries (SAB) jusqu’à l’entrée sur le marché de Heineken. Cela ne change rien: on passe seulement d’un monopole à un duopole. ● Propos recueillis par PIERRE BOISSELET N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Afrique subsaharienne SÉNÉGAL

Opposition (dés)unie La coalition Benno Siggil Sénégal veut présenter un seul candidat face à Wade en 2012. Encore faudrait-il que tous ses membres soient sur la même longueur d’onde… Et c’est loin d’être le cas.

Z

iguinchor, chef-lieu de la Casamance, le 14 mai. La coalition Benno Siggil Sénégal, composée de tout ce que compte, ou presque, l’opposition (35 partis et associations), tient son premier meeting d’envergure. L’élection présidentielle est dans neuf mois, les grandes manœuvres ont débuté. Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané : ce jour-là, tous les ténors de l’opposition ont fait le déplacement. Seul Macky Sall, le leader de l’Alliance pour la République (APR), manque à l’appel. Raison invoquée: il se trouvait alors en Afrique du Sud. Une heureuse coïncidence. Car ce 14 mai à la tribune, le Benno jure qu’il ne présentera qu’un seul candidat. « À partir de Ziguinchor, nous prenons l’engagement d’avoir un candidat de l’unité », assure Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du Parti socialiste (PS). Deux semaines plus tard, le 28 mai, les membres du Benno confirment, dans une résolution, qu’ils ne présenteront qu’un candidat qui, s’il était élu, assurerait la direction du pays pour

ERICK AHOUNOU / APA

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une période transitoire de trois ans maximum avant d’organiser un référendum constitutionnel, des législatives et, surtout, une présidentielle à laquelle il ne pourrait se présenter. FAVORI. Risqué ? Utopique, esti-

MACKY SALL (au centre) ET LANDING SAVANÉ (à dr.) ont confirmé, le 1er juin à Dakar, qu’ils feraient cavaliers seuls.

ment plutôt les observateurs. « Cette candidature unique n’est pas réaliste. D’ailleurs, il y a déjà plusieurs candidats », note le juriste Babacar Gueye. Depuis plusieurs mois, Macky Sall le répèteàl’envi:queleBennolechoisisseou

DANS LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE AUSSI… PENDANT QUE L’OPPOSITION tente difficilement de s’unir, la famille libérale est, elle aussi, en proie aux dissensions. Après Macky Sall en 2008 et Aminata Tall en mars dernier, Idrissa Seck, qui s’oppose à la candidature d’Abdoulaye Wade en 2012, a été forcé de quitter le Parti démocratique sénégalais (PDS). Exclu à l’unanimité des membres du secrétariat national du PDS le 23 avril, l’ancien dauphin de Wade n’a jamais caché son ambition de se présenter à la prochaine présidentielle – c’est d’ailleurs pour cela qu’il a été exclu. En 2007, il avait recueilli près de 15 % des voix. ● R.C. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

pas, il sera candidat. Nouvelle coïncidence : quelques heures seulement après l’adoption de cette fameuse résolution, Sall était investi candidat par les « sages » de son parti… « C’est aux Sénégalais de choisir celui qu’ils veulent voir affronter le candidat du parti au pouvoir. Le premier tour sert à ça. Après, il sera toujours temps de se ranger sous la même bannière », explique son entourage. Le président de l’APR ne l’a jamais caché à ses alliés. Ceux-ci n’ont donc pas été surpris de le voir rejeter la résolution du 28 mai. Il faut dire que l’ancien bras droit de Wade a le beau rôle : la plupart des observateurs le donnent favori parmi les nombreux prétendants de l’opposition. Au sein du Benno, on a fini par accepter ce paramètre. « Il n’y aura qu’une seule candidature de l’opposition, et une candidature éventuelle de Sall », admet Moustapha Niasse, le secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP). JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne UNE CHIMÈRE. Sall n’est cependant

place à un autre ? » Cette question vaut notamment pour Tanor et Niasse. En 2007, incapables de s’entendre malgré leur appartenance à la même famille socialiste, les deux hommes s’étaient neutralisés – Tanor avait recueilli 13,5 %, Niasse moins de 6 %. « Ils ont retenu la leçon, affirme aujourd’hui le cadre socialiste. Ils savent que l’un d’eux doit accepter de ne pas se présenter. » Mais lequel ? Pour l’un comme pour l’autre, cette élection est certainement la Depuis plusieurs mois, Macky Sall dernière : Niasse pour le répète à l’envi : il se lancera une question d’âge (il va dans la course, quoi qu’il arrive. sur ses 72 ans) ; Tanor, son cadet de huit ans, avait annoncé sa candidature quelques à cause d’une relève de plus en plus jours plus tôt. Son parti, le Front pour le pressante au PS. socialisme et la démocratie (FSD/BJ), est membre du Benno. Mais l’option du JOUER COLLECTIF. « Les deux s’encandidat unique est « une chimère », tendent bien », souligne un ancien socialiste, lui aussi membre du Benno. estime le maire de Saint-Louis. Landing Savané aussi pourrait faire Malgré tout, c’est loin d’être gagné. cavalier seul. L’ancien allié de Wade a « Derrière eux, il y a des militants. On rejoint le Benno fin 2009, quelvoit mal ceux du PS accepter que ques semaines après avoir leur parti, qui a dirigé le pays pendant quarante ans, ne quitté le gouvernement. Le leader d’And-Jëf/Parti présente aucun candiafricain pour la démocradat. » Quant à Niasse, s’il C’est le nombre tie et le socialisme (AJ/ se dit enclin à la jouer de partis et d’associations PADS) s’oppose à une collectif, le portrait qu’il réunis au sein de Benno candidature unique. « Si dresse du futur candidat Siggil Sénégal les poids lourds se mettent – « un homme d’ouverture ensemble, ils perdent des et d’expérience, qui a déjà voix », pense-t-il. géré une telle situation » – lui Quant aux autres ténors de l’oppo- ressemble furieusement. « La question sition, rien ne dit qu’ils accepteront fondamentale, ce n’est pas qui sera de s’effacer pour l’un d’entre eux. La candidat, mais quelle sera la répartition prochaine étape que s’est fixée le Benno des postes en cas de victoire », indique – le choix du candidat – risque d’être l’ancien Premier ministre de Wade pour houleuse. « La question des ego est qui, c’est sûr et certain, « la période des essentielle, rappelle un cadre du PS. messies est finie ». ● RÉMI CARAYOL Aujourd’hui, qui est prêt à laisser la pas le seul à refuser la candidature unique. Le 28 mai, quatre autres formations s’y sont opposées. Ainsi Cheikh Bamba Dièye, auteur d’un piètre 0,5 % au scrutin de 2007, mais bien placé dans le sondage Moubarak Lô (réalisé mi-2010 à Dakar et dans sa banlieue), reste flou sur ses intentions. S’il a récemment affirmé être prêt à se ranger « derrière n’importe quel candidat », il

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ADOPTION

Scandale à Bamako

Une trentaine d’enfants confiés à un organisme d’État sont morts.

D

es décès suspects, un rapport accablant et le scandale arrive. Le 26 mai, Diallo Aminata Keita, la directrice de la Pouponnière de Bamako, a été arrêtée puis déférée à la prison pour femmes de Bollé. Elle est accusée d’actes de négligence ayant entraîné la mort de trente-trois bébés entre août 2010 et février 2011. La brigade enquêtait depuis quelques mois sur ces morts au sein de la Pouponnière, qui accueille des enfants abandonnésdemoinsde4ans.Le17février, le rapport tombe : il y a « 66 enfants pour 7 nounous. Les enfants souffrent de malnutrition […] Ils ne portent ni couche ni habit adapté à la saison. » Une source malienne confirme : « Il y a un problème de manque de personnel, de qualification et de motivation. » La Pouponnière, qui relève du ministère de la Promotion de l’enfant et de la famille, vit pourtant de dons – en argent et en nature – versés par des associations et des organismes. « Les donations en nature étaient en partie revendues sur les marchés », poursuit cette même source. Diallo Aminata Keita devra aussi répondre d’accusations de faux et d’usages de faux, ainsi que de détournement. Mariée à un avocat spécialisé dans les affaires d’adoption, elle s’apprêtait à prendre sa retraite. Certains la voient déjà au cœur d’un vaste trafic d’enfants. ● JUSTINE SPIEGEL

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Afrique subsaharienne

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TRIBUNE

D.R.

Éd Vincent Foucher est analyste principal pour la Guinée au sein d’International Crisis Group.

En Guinée, la transition n’est pas terminée

À

LA FIN DE L’ANNÉE 2010, alors que la Côte d’Ivoire plongeait dans une crise sanglante, la Guinée connaissait sa première élection libre depuis son accession à l’indépendance, en 1958. Le 7 novembre 2010, après les vingt-quatre années de pouvoir de Lansana Conté et l’interlude brutal du capitaine Moussa Dadis Camara, un civil accédait au pouvoir en la personne d’Alpha Condé. Les Guinéens ont payé ce changement politique au prix du sang. L’opportunité doit être saisie pour une transformation en profondeur du pays. Alpha Condé a une lourde responsabilité, tout comme ses principaux rivaux, à commencer par Cellou Dalein Diallo, qui se préparent pour les élections législatives dans un contexte marqué par des incidents et des provocations, et par l’absence d’un vrai dialogue entre les deux anciens adversaires du second tour de l’élection présidentielle. Le recours à la stratégie de la tension est un jeu dangereux dans un pays encore fragile.

communautés. Qu’elles entrent ou non en résonance avec les luttes nationales, les tensions intercommunautaires sont fortes sur certaines scènes locales à travers le pays, notamment en Guinée forestière. Dans une situation si complexe, les institutions politiques et électorales manquent encore de légitimité. Le processus qui a abouti à l’élection de Condé a été tendu. La méfiance était telle qu’il a fallu aller chercher un général malien pour diriger la commission électorale. Si les chefs des grands partis vaincus au premier et au second tour ont officiellement reconnu leur défaite, sauvant le pays d’une crise postélectorale immédiate, nombre

VINCENT FOURNIER/J.A.

Les tensions n’ont pas disparu avec l’élection d’un président, fût-il un vétéran du combat pour la démocratie.

Gilles Olakounlé Yabi est le directeur d’ICG pour l’Afrique de l’Ouest.

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À la satisfaction générale, les soldats ont quitté les rues de Conakry pour les camps militaires, et les armes lourdes ont été envoyées dans les casernes de l’intérieur du pays. Opérant avec une prudence justifiée, le nouveau pouvoir n’a pas été beaucoup plus loin dans la remise en cause du poids considérable de l’armée, mais une réforme profonde du secteur de la sécurité se prépare. Du point de vue de la gouvernance administrative, économique et financière, des signes encourageants ont été donnés par l’équipe de Condé, même si l’on peut s’interroger sur le respect des procédures dans la prise de certaines décisions, comme l’attribution controversée de la gestion du port de Conakry au groupe Bolloré. L’élection présidentielle a cependant révélé l’ampleur des problèmes de fond de la société guinéenne. La mobilisation électorale s’est faite en grande partie autour de l’ethnicité. Alpha Condé a remporté le second tour d’abord parce que son adversaire, l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, s’est identifié – et s’est laissé identifier – à la communauté peule, dont le poids démographique, la puissance économique et les supposées prétentions hégémoniques ont été utilisés comme un argument pour mobiliser le vote des autres

de leurs partisans contestent encore la réalité de la victoire de Condé. L’élection a permis de sortir d’une longue période d’incertitudes, mais elle n’a pas contribué à rassembler la population guinéenne autour de nouvelles institutions ni à préserver l’esprit de compromis au sein des acteurs de la démocratisation. La montée de l’ethnicité et la méfiance entre acteurs politiques sont d’autant plus inquiétantes que la transition n’est pas terminée. Manque encore la désignation de l’Assemblée nationale qui doit remplacer le Conseil national de transition. Les élections législatives devaient avoir lieu en mai 2011. Le président Condé les promet pour novembre. Une concertation entre les partis politiques et le pouvoir est indispensable pour trouver un accord sur le fichier électoral, la date des élections et la composition de la commission électorale. C’est à ce prix qu’on peut espérer contenir les tensions intercommunautaires et conjurer la menace du retour de velléités putschistes. L’impératif du dialogue politique et la nécessité d’une participation critique de la société civile n’ont pas disparu avec l’élection d’un président, fût-il un vétéran du combat pour la démocratie qui estime n’avoir de leçons à recevoir de personne. Quant à l’opposition, elle doit tourner définitivement la page de l’élection présidentielle. Est-ce trop attendre des hommes et des femmes qui ont, ensemble, sorti la Guinée de ses aventures militaires ? ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne GUINÉE

Cellou proteste, Alpha dément

À la suite de notre interview du chef de l’État (J.A. n° 2628), l’ex-candidat à la magistrature suprême, à la tête du principal parti d’opposition, Cellou Dalein Diallo, nous a fait parvenir la « mise au point » que voici.

Sur la question relative à l’affrontement entre mes partisans et les forces de l’ordre, M. Alpha Condé affirme que “[mes] gens ont refusé de changer l’itinéraire de leur manifestation comme cela leur avait été signifié”. Il est surprenant d’apprendre par M. Condé qu’un itinéraire avait été proposé à l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) pour cette réception. La seule réponse que l’on a reçue est une lettre du gouverneur de Conakry indiquant que CellouDaleinestunsimple citoyen et que son retour au pays ne doit donner lieuàaucuneréception. C’est au nom de cette soi-disant interdiction

que les forces de l’ordre ont tiré sur mes partisans, entraînant un mort et huit blessés par balles. À l’occasion, 71 militants et responsables de l’UFDG ont été arrêtés, torturés et condamnés à des peines allant jusqu’à deux ans de prison ferme. Àlaquestionrelativeàlaperquisition de mon domicile par des militaires, le 10 mai dernier, M. Condé affirme que c’est unproblèmedepartaged’argententredes éléments de ma garde rapprochée qui est à la base de cette violation de domicile. Je démens formellement cette explication. Les militaires qui assuraient ma sécurité sont bien connus des membres de ma famille et aucun d’entre eux ne faisait partie de cette équipe venue perquisitionner mon domicile. Dans tous les cas, les éléments de mon équipe de protection ne pouvaient pas être là dans la mesure où ils avaient été arrêtés depuis le 3avriletqu’ilscroupissenttoujours en prison. En outre, il faut rappeler que les “visiteurs”, en partant, ont menacé le personnel de la maison en déclarant “qu’il n’y a qu’un seul président dans ce pays, c’est le professeur Alpha Condé”. » ●

VINCENT FOURNIER/J.A.

votre question relative à l’ethnocentrisme et à l’accusation selon laquelle il aurait joué la carte du “tout sauf un Peul au pouvoir”, Alpha Condé répond que c’est Cellou Dalein Diallo qui a mené une campagne ethnique et qui a dit : “c’est notre tour”, “c’est le tour des Peuls”. Cette accusation est sans fondement car je n’ai jamais tenu de tels propos ni en public ni en privé. Nul ne peut donner la preuve du contraire. […]

VINCENT FOURNIER/J.A.

À

«

Précision À PROPOS CETTE FOIS de l’investiture d’Alassane Ouattara à Yamoussoukro le 21 mai, le président Condé s’inscrit en faux contre les informations faisant état d’une « fâcherie » de sa part au motif que deux de ses opposants (Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré) étaient eux aussi invités à cette cérémonie (voir J.A. n° 2629). Dans un entretien avec J.A., le 28 mai à Paris, Alpha Condé a qualifié de « ridicule et infondée » cette interprétation. Il était simplement, dit-il, « fatigué », ce qui l’a conduit à ne pas apparaître au dîner officiel. « Chacun invite qui il veut à son investiture, a-t-il précisé, et je serai d’autant moins fondé à m’en étonner que j’ai moi-même, lors de ma propre investiture, invité le président Wade, mais aussi ses opposants. Je n’ai aucun problème avec Alassane Ouattara. » Dont acte. ● FRANÇOIS SOUDAN

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Afrique subsaharienne

FIACRE VIDJINGNINOU/AFP

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BÉNIN

Koupaki, Premier ministre sur mesure

La création du poste de chef du gouvernement était une promesse de campagne du candidat Boni Yayi, réélu en mars à la tête de l’État.

«

E

n pratique, il en assumait les fonctions depuis longtemps, commente un observateur de la vie politique béninoise. Maintenant, il en a le titre. » Depuis le 28 mai, Pascal Irénée Koupaki, 60 ans, est Premier ministre du Bénin. Pas sûr que cela change grand-chose dans le fonctionnement du pays : l’ex-ministre d’État chargé de la Prospective, du Développement, de l’Évaluation des politiques publiques et de la Coordination de l’action gouvernementale était déjà numéro deux dans l’ordre protocolaire béninois.

« “Monsieur la Rigueur”, comme le surnomment certains de ses concitoyens, est un homme respecté de tous pour sa probité », témoigne Zachari Baba Body, ex-ministre chargé des Relations avec le Parlement. Même dans l’opposition, on salue son côté « structuré, organisé et réfléchi ». RÉCOMPENSE. Ce poste de Premier ministre est une promesse de campagne du candidat Boni Yayi, mais aussi un moyen de respecter les équilibres régionaux : Pascal Koupaki est originaire de la ville côtière de Ouidah. De quoi

DJIBOUTI

Les Japonais s’installent Pour la première fois depuis 1945, Tokyo a inauguré une base militaire à l’étranger. Et c’est sur le continent.

D

jibouti attise décidément les convoitises. Le 1er juin, c’était au tour du Japon d’y inaugurer une base militaire – sa toute première à l’étranger depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Japon n’a pas, à proprement parler, d’armée, mais est doté de forces d’autodéfense. À Djibouti, seront stationnés, moyennant un loyer

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annuel de 40 millions de dollars (27,8 millions d’euros), 150 marins et fantassins, 2 avions-cargos, 1 avion de reconnaissance et 1 porte-hélicoptères. Les soldats japonais ne seront pas totalement en terrain inconnu. Depuis 2005, ils participent à la force conjointe chargée de lutter contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique, mais, jusqu’à présent, ils sous-

satisfaire l’électorat sudiste, qui s’est prononcé pour le président sortant lors de l’élection du mois de mars. Cette nomination est aussi une récompense pour ce technocrate, fidèle parmi les fidèles de Boni Yayi depuis 2006. Les gouvernements se sont succédé, mais lui est resté. Ministre Ý DEPUIS DE de l’Économie et des LONGS MOIS, Finances (2006), minisil était déjà tre de la Prospective et numéro du Développement deux dans (2007), ministre d’État l’ordre protocolaire. (2009)… Les intitulés se sont allongés, sans que jamais Koupaki ne tente de faire de l’ombre à son mentor, délaissant même la présidence de son parti, l’Union pour le développement du Bénin nouveau (UDBN). Rompu à l’art de la négociation, c’est lui que l’on envoie au charbon. Qu’il s’agisse de discuter avec les partenaires sociaux ou les bailleurs de fonds. C’est encore lui qui préside les Conseils des ministres, enchaîne les réunions avec les directeurs centraux et vérifie les dossiers. Premier ministre donc. Mais en pratique, les choses sont plus compliquées. Jamais la possibilité d’inscrire le poste dans la Constitution n’a été évoquée. C’est Boni Yayi lui-même qui a choisi les vingt-cinq autres membres du nouveau gouvernement. Ce qui ne manque pas de provoquer des remarques acerbes. « Ce sera comme avant : Boni Yayi prendra des décisions, et Pascal Koupaki devra se mettre en quatre pour les exécuter. Ou, comme par le passé, prendre les coups à sa place », analyse un journaliste local. ● MALIKA GROGA-BADA

louaient une partie du Camp Lemonier à l’armée américaine. Près de vingt ans après sa première intervention en dehors de ses frontières depuis 1945 (c’était lors de l’opération de maintien de la paix au Cambodge, en 1991), le Japon tente donc d’étoffer sa présence à l’international. BÉNÉDICTION. PourDjibouti,l’installation

d’une base permanente japonaise est une bénédiction. Par comparaison, pour leurs 2 000 hommes, les Américains ne paient « que » 30 millions de dollars par an. La présence permanente de 150 soldatsconsommateurs supplémentaires sera la bienvenue pour les commerçants et hôteliers locaux. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

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GABON

Sortira, sortira pas?

Q

u’il paraît loin le temps où il s’autoproclamait président du Gabon. Cinq mois plus tard, cloué sur un fauteuil roulant par une hernie discale, elle-même à l’origine d’une « sciatique paralysante et hyperalgique », André Mba Obame (AMO) doit, selon son médecin, subir en urgence une intervention chirurgicale en France ou en Afrique du Sud. Mais pour l’ex-ministre de l’Intérieur, il ne suffit pas de se rendre à l’aéroport pour quitter le pays. Son évacuation sanitaire ne sera possible que si elle est autorisée par le procureur de Libreville. C’est ce dernier qui communique à la police de l’air la liste des personnes qui doivent, avant de sortir du Gabon, obtenir une autorisation préalable. PRÉCIEUX SÉSAME. Rien de très éton-

nant. Depuis son coup d’éclat du mois de janvier, l’opposant pourrait être poursuivi par la justice gabonaise pour « trouble à l’ordre public ». Son immunité parlementaire a été levée, et l’enquête judiciaire est sur le point de commencer. L’entourage d’AMOaintroduitunedemandeauprèsdu procureurpourobtenirleprécieuxsésame. Mais le 1er juin, lors d’une conférence de presse organisée à l’issue du Conseil des ministres«décentralisé»deKoula-Moutou (Ogooué-Lolo), le président Ali Bongo Ondimba, s’est contenté de reconnaître au plus acharné de ses rivaux les mêmes droits qu’à tous les citoyens gabonais, sans s’engager davantage. En attendant, AMO reçoit des soins. « Il doit prendre le temps de se soigner et de suivre une rééducation loin des pressions politiques », affirme l’un de ses proches. Les élections législatives auront pourtant lieu avant la fin de l’année et elles seront un test décisif pour Mba Obame et ses amis du parti de l’Union nationale (UN), récemment dissous. AMO devra lutter contre la maladie avant d’envisager d’en découdre avec le Parti démocratique gabonais (PDG), majoritaire à l’Assemblée nationale. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE

JBT LE JOUR

L’opposant André Mba Obame doit, selon son médecin, recevoir des soins à l’étranger.

CAMEROUN FOTSO, POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE Au Cameroun, l’amour se joue des barreaux. Accusé de détournement de fonds et incarcéré depuis six mois à la prison centrale de Yaoundé, le milliardaireYves Michel Fotso, 51 ans, a épousé, le 27 mai, Cécile Emerziane, 37ans,sa compagne depuis trois ans.Ils se sont dit oui à la mairie de Kondengui, le quartier où se trouve l’établissement pénitentiaire. Pas exactement le cadre rêvé pour un mariage qui aurait pu

TOGO DES DÉPUTÉS SUR LATOUCHE La réponse n’a pas traîné. « L’union interparlementaire [UIP, NDLR] ne constitue pas une juridiction d’appel pour la Cour constitutionnelle du Togo. » En clair, pour les autorités, l’UIP se mêle de ce qui ne la regarde pas. Dans une note confidentielle, l’UIP souhaitait que l’Assemblée nationale revienne sur sa décision, prise en novembre 2010, et réintègre les neuf députés qui ont quitté l’Union des forces de changement de Gilchrist Olympio (rallié au gouvernement) pour

être princier, mais tous les ingrédients d’une cérémonie people étaient réunis: des badauds, un important cordon de sécurité, des photographes, des invités triés sur le volet… C’est dans la chapelle de la prison, transformée en salle de réception par les décorateurs de l’hôtel Hilton, que le couple a offert un buffet, entouré notamment du gratin… des détenus. Étaient présents les ex-ministres Polycarpe Abah Abah, Urbain Olanguena Awono et Mounchipou Seidou, tous « victimes » de l’opération Épervier. ●

rejoindre l’Alliance nationale pour le changement de Jean-Pierre Fabre.

CENTRAFRIQUE BANGUI SOUS TENSION Un couvre-feu a été instauré, le 1er juin, dans trois arrondissements de Bangui, où avaient éclaté, la veille, des violences antimusulmans. Armés de barres de fer et de machettes, des jeunes s’en sont pris à des magasins tenus par des musulmans qu’ils estimaient responsables de la mort de deux enfants. Les forces de sécurité ont été déployées.

PALUDISME GRUGER LES MOUSTIQUES Comment éviter les piqûres de moustiques? En trompant leur flair! Dans une étude publiée le 1er juin, des scientifiques américains disent avoir identifié des molécules capables de déjouer l’odorat des insectes vecteurs du paludisme. Ces substances brouillent les organes sensoriels du moustique sensibles au CO2 dégagé par les êtres humains. Une nouvelle génération de répulsifs va voir le jour, mais la partie n’est pas gagnée: outre le CO2, les moustiques ne résistent pas à l’odeur de la sueur humaine… N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Maghreb & Moyen-Orient

TUNISIE

Les oubliés de

Gafsa Directement à l’origine de la révolution, pour laquelle ils ont payé le prix fort, les habitants du bassin minier n’en sont que plus impatients d’en toucher les dividendes. Qui se font désespérément attendre… Reportage.

FRIDA DAHMANI, envoyée spéciale

A

ttablé à la terrasse d’un café, Béchir ne décolère pas: « Et dire qu’on est à l’origine de tout. La civilisation capsienne est née ici ; notre sous-sol a donné à la Tunisie des richesses, mais nous n’avons reçu en retour que de la misère ; c’est de chez nous que sont parties les révoltes du pays, et on nous oublie. » Cet ancien mineur exprime le sentiment général qui prévaut dans la région de Gafsa : cinq mois après la chute de Ben Ali, la contestation n’a toujours pas cessé. « Personne n’est content, renchérit un autre retraité des phosphates. Chaque jour, à Redeyef, Metlaoui, Oum el-Arayes, la liste des revendications s’allonge. On fait grève, on coupe les routes, mais les résultats sont maigres. La compagnie est comme un État dans l’État. » Le coupable est tout désigné : la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG). Depuis plus d’un siècle, elle régente le tissu socioéconomique du bassin minier, aujourd’hui durement affecté par le chômage et la pauvreté, sous l’effet des coupes drastiques opérées par la CPG dans les effectifs – ramenés de 15000 à 5000 employés en dix ans – et de l’externalisation de différents corps de métiers. Pendantlongtemps,laCPGaétélamèrenourricière de la région ; elle prenait en charge les besoins de la population locale, allant jusqu’à assurer la N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

distribution de l’eau, de l’électricité, ainsi qu’une couverture médicale et sanitaire. Symbole de la place centrale de cette mono-industrie, le siège de la CPG, mastodonte oppressant de béton et de verre, domine la ville. La CPG suscite d’autant plus le ressentiment qu’elle a affiché, en 2008, année de la révolte locale, un bénéfice de 500 millions d’euros. Depuis le 14 janvier, elle ne tourne qu’à 40 % de ses capacités. « La compagnie a servi à engraisser Ben Ali et ses acolytes », accuse Ali, fondateur d’une nouvelle association de développement. Les tensions nées de l’implosion de 2008 sont loin d’être retombées. Politologues et sociologues s’accordent d’ailleurs à voir dans ce soulèvement sans précédent, qui a paralysé le bassin minier pendant près de six mois, les signes avant-coureurs de la révolution. Ce conflit a mis en évidence la fracture entre, d’un côté, les salariés intégrés, ouvriers et cadres de la CPG, et, de l’autre, les laissés-pour-compte du marché du travail : les chômeurs – près de 40 % de la population locale –, les travailleurs précaires des chantiers municipaux, les lycéens, les familles d’ouvriers victimes d’accident du travail dans les mines.

Pour sauver leurs privilèges, certains recourent au « diviser pour régner ». « On nous a tellement divisés que nous ne nous reconnaissons plus. Il n’y a pas si longtemps, nous ne faisions qu’un, même avec les Algériens, les Libyens et les Marocains qui travaillaient ici. Aujourd’hui, on se massacre entre voisins. À tous, je pose la question: pourquoi? » Omezzine Guedria, ingénieur à la CPG, ne mâche pas ses mots lors d’une réunion avec les différents représentants de la société civile locale. Native de Gafsa et formée aux États-Unis, elle attend que ses enfants aient leur baccalauréat pour quitter la région. « On se méfie de tout et de tous ; en vingt-trois ans, on JEUNE AFRIQUE


AUDE OSNOWYCZ/WOSTOK PRESS

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Des ouvriers de la COMPAGNIE DES PHOSPHATES DE GAFSA en grève, le 20 mars. Ils demandent une meilleure répartition des postes et la création d’emplois.

nous a appris à nous “désaimer”, je ne veux pas de ça pour mes enfants. » Depuis le 14 janvier, l’esprit tribal semble en outre prendre le dessus. À El-Aguel, les gens du cru exigent de Yazaki, le producteur de câbles automobiles nippon, de recruter en priorité leurs enfants, arguant que le terrain de l’entreprise était, il y a des années, propriété de leur tribu. En réalité, dans la confusion de la révolution, des responsables syndicaux ont manœuvré pour faire croire à un réveil du tribalisme. Pour sauver leurs privilèges, certains recourent au bon vieux « diviser pour régner ». Il a suffi de provoquer une bagarre entre deux écoliers pour mettre le feu aux poudres entre les Ouled Abid et les Ouled Bouyahia. Deux morts ont scellé la discorde. « Les gens ne doivent pas être dupes, met en garde Ameur Dhahri (lire portrait p. 43). Après les événements de 2008, un syndicaliste a reçu de l’argent du pouvoir pour organiser l’immigration clandestine de centaines de jeunes. Il y a même un membre du clan Trabelsi [famille de Leïla Ben Ali, NDLR] qui continue de JEUNE AFRIQUE

manœuvrer au grand jour alors que ceux qui sont attachés à la région ont fini en prison. » INERTIE. Non seulement la manne des phosphates

TAUX DE CHÔMAGE population locale

40 % 62 %

jeunes diplômés

n’a pas profité à la population, mais l’environnement s’est considérablement dégradé ; il est loin le temps où l’Oued Magroun, à Metlaoui, était un jardin connu pour ses roseraies. Aujourd’hui, des grilles aux fenêtres ont ôté à la ville son charme postcolonial, tandis qu’à Oum el-Arayes les inondations de 2009 ont effacé la révolte de 2008. Un géologue de la CPG pose la grande question : « Y aura-t-il ici un avenir après les phosphates ? » Omezzine, qui en vingt ans n’a eu que trois promotions, dénonce l’inertie de sa hiérarchie : « Professionnellement, je suis aussi dans l’impasse, car la compagnie n’a aucun programme de recherche, même si elle dispose des équipements les plus sophistiqués. Alors que c’est la recherche qui a conduit à l’exploitation du site de Sra Ouertane. » La région désespère de produire autre chose que des phosphates. L’agriculture souffre du déficit hydrique, la culture étagée de l’oasis est torpillée par des constructions anarchiques, tandis que l’oliveraie perd ses variétés locales au profit de ● ● ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

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Graffitis saluant les héros de LA RÉVOLTE DE 2008.

● ● ● cultures extensives qui pompent les ressources du sol et l’eau. Quant au tourisme, la région de Gafsa n’y songe plus ; le train qui conduisait les touristes dans les gorges de Selja est à l’arrêt. Abderazzak Lejri, enfant du pays et chef d’entreprise, montre, découragé, les piscines romaines à l’abandon, tout en évoquant la richesse civilisationnelle qui a déterminé le caractère des gens de Gafsa. « À un moment donné, analyse Béchir, on a troqué la vraie culture contre celle des applaudissements à tout-va. Dans les années 1970, c’est dans la troupe régionale que les noms les plus illustres du théâtre tunisien actuel, Raja Farhat, Fadhel Jaïbi, Raouf Ben Amor et Fadhel Jaziri, ont fait leurs armes. Il y avait une volonté politique de décentralisation, très vite escamotée par une pseudo-délocalisation. »

LUEUR D’ESPOIR. À défaut de vie culturelle, Gafsa

a renoué avec son humour et sa verve à travers la radio locale, qui ouvre son antenne à toutes les actions citoyennes. C’est en reporter plus qu’en animateur qu’Amor Aloui, de Radio Gafsa, couvre les colloques. « Il faut faire parvenir l’information, dire ce qui se passe, expliquer. Il y a un apprentissage

à partir de

€ TTC A /R

au départ de

PARIS

CDG

citoyen auquel la radio doit participer », soulignet-il. Mais radio et télévision ne suffisent pas. Les jeunes ont bien du mal à trouver leurs repères. « Peu d’hommes politiques sont venus nous voir, raconte Hafedh. De toute façon, même si les islamistes ont fait salle comble, nous ne voulons pas de la politique politicienne. Ici, on se souvient surtout du temps où Rached Ghannouchi [fondateur du parti islamiste Ennahdha], alors professeur de philosophie, faisait les quatre cents coups avec une femme si maigre qu’elle était surnommée “Emna Spaghetta”. » Tout projet de développement de la région implique son désenclavement et un réexamen des infrastructures, les routes mais aussi la ligne de chemin de fer, qui dépendait de la CPG et qui ne peut être raccordée au réseau national en raison d’écartements différents entre les rails. En 2011, 32,5 millions d’euros d’investissements publics sont prévus pour développer les transports et l’équipement dans la région. Une lueur d’espoir pour ces habitants du bassin minier mis à l’écart socialement et économiquement dans une région elle-même marginalisée. ●


Maghreb Moyen-Orient

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Gafsa peut être fière d’eux

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Ý AU VOLANT de son invention.

« M Tuni »: et pourtant, elle roule! Hichem Mandhour a mis au point le prototype d’un véhicule hybride. Mais le projet est resté en panne faute d’investisseurs.

«

S

i tu es capable de faire une voiture, alors tu peux faire bien plus ! » Cette affirmation lourde de suspicion que lui a lancée un policier en 2010 a tellement effrayé Hichem Mandhour qu’il dissimulera, pendant des mois, dans l’oasis de Gafsa, le prototype de sa « M Tuni », un deuxchevaux hybride de son invention. Mais il n’a pas pour autant rangé ses rêves sous les palmiers. Hichem, 29 ans, est têtu mais pragmatique ; il croit que les inventions ont leur place en Tunisie même si, « ici, on n’écoute pas les inventeurs. Mais l’essentiel est l’idée, et il ne faut pas toujours des millions pour développer les applications, mais d’abord de la volonté et moins d’obstacles administratifs ». Ce fils de petits fonctionnaires est un battant. Quand l’Institut supérieur des étudestechnologiquesdeGabèsrefuseson projet de fin d’études, il emprunte l’atelier d’un voisin, à Gafsa, pour construire cette petite urbaine à laquelle il consacre ses maigres économies. Née avant la révolution, la « M Tuni » était déjà patriotique, depuis sa carrosserie, rouge comme le drapeau national, jusqu’à son nom, contractiondeMouwatenTounsi(«citoyen tunisien »). « Écologique, économique, elle répond aux besoins des Tunisiens et pourrait être commercialisée au prix de JEUNE AFRIQUE

2 500 euros », argumente Hichem, qui, soutenu par l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge), a ficelé son étude technique. Mais la « M Tuni » est toujours en panne faute d’investisseurs. Hichem, au chômage, comme 62 % des jeunes diplômés de la région, broie du noir et demande seulement à être entendu. ●

Tête chercheuse Brillant scientifique, Ameur Dhahri est rentré au pays au nom de l’intérêt national.

A

meur Dhahri a deux passions : la recherche et la Tunisie. Originaire d’une famille militante et modeste de Gafsa, il est familier des laboratoires de recherche en France, en Italie, au Chili et en Allemagne. À 32 ans, cet habitué des publications scientifiques affiche un curriculum vitæ de surdoué. Il vient de mettre au point, avec Luigi Accardi, du Centre Vito Volterra, à Rome, une nouvelle théorie relative à la mécanique quantique qui devrait faire grand bruit dans le monde scientifique. Major de promotion à l’École normale de Lyon, il a renoncé à enseigner à ParisDauphine pour revenir en Tunisie.

S’il semble afficher la désinvolture et l’aisance de ceux qui jonglent avec les théorèmes, Ameur est on ne peut plus sérieux quand il s’agit de son pays. Actuellement professeur à l’Institut national des sciences appliquées et de technologie (Insat), il a mis entre parenthèses sa carrière pour dresser, avec d’autres enseignants-chercheurs, un diagnostic du mal qui ronge la recherche tunisienne afin d’en identifier les remèdes. « La recherche est une base du développement, rappellet-il. L’exemple du Japon est édifiant. Celui du Chili aussi ; les moyens donnés à la recherche sont en train de tirer le pays vers le haut malgré la pauvreté. » Ameur dénonce avec force le système mis en place et le comportement des chefs de recherche qui freinent l’émergence de jeunes qui ont souvent fait des études supérieures. « La caste des chercheurs est une mafia qui casse la recherche en s’appropriant les travaux des autres, car elle ne produit rien par elle-même », s’indigne-t-il. Révolté dans l’âme, il n’évoque pas la révolution, même s’il y a participé activement. Pour lui, le régionalisme est à l’origine du mal-être tunisien. « La réconciliation nationale est possible si l’on reconnaît que l’on a amputé un pan de notre histoire. Cela remonte à loin. Il s’agit de lever une injustice, de réhabiliter une mémoire, dont celle des fellagas, qui ont participé à la lutte pour l’indépendance, alors que Bourguiba et Ben Ali, à travers le régionalisme, ont occulté leur existence. Nous avons su être unis. Nous pouvons l’être encore plus en donnant la priorité aux compétences plutôt qu’aux origines. » Ameur s’est découvert une nouvelle passion : la politique. ● FRIDA DAHMANI

NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

Originaires de la région sinistrée, ils ne veulent plus rester les bras croisés. Portraits de deux jeunes, symboles d’une Tunisie entreprenante.

Ð « LE RÉGIONALISME est à l’origine du mal-être tunisien. » N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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FAYEZ NURELDINE/AFP

Procès du SCANDALE KHALIFA, en 2007, à Blida.

ALGÉRIE

Où en est l’opération mains propres? Depuis l’affaire Sonatrach, la lutte contre la corruption a connu un net coup d’accélérateur, mais aussi quelques ratés.

A

au moment où s’embrasait le quartier des Trois-Horloges, à Bab el-Oued le 4 janvier 2011, une cérémonie solennelle se tenait au siège de la Cour suprême, sur les hauteurs de la capitale. Les six membres de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC), avec à leur tête Brahim Bouzeboudjène (lire ci-contre), prêtent serment devant le président de la Cour. La mise en place de cette structure, dont la création a été décidée en 2006 par Abdelaziz Bouteflika, a nécessité une gestation de près de quatre ans. « Il n’arrive pas à trouver cinq ou six personnes intègres dans son entourage », persiflent les détracteurs du président. « Cela montre le manque de détermination du pouvoir à lutter contre les malversations », déplore la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH, de Mustapha Bouchachi). « Nous n’avons pas de leçons à recevoir en la matière, plaide Ahmed Ouyahia, le Premier ministre. D’ailleurs, les classements et rapports des ONG manquent cruellement d’objectivité, puisqu’on voit des pays notoirement réputés pour la pratique de la corruption classés 40 à 50 N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

(premier groupe industriel du continent, selon le classement annuel de J.A.), et de l’arrestation de deux de ses fils et de trois de ses quatre vice-présidents pour places devant l’Algérie. » Il faisait référence malversations. Un an plus tard, où en est au palmarès établi en novembre 2010 par la procédure? Selon un avocat proche du Transparency International, dans lequel dossier, le juge d’instruction a récemment l’Algérie occupe le 111e rang (sur entamé ce qu’on appelle l’enquête de 178), alors que la Tunisie, moralité: « Cela signifie que le magistrat par exemple, pointe à la instructeur a bouclé ses investigations 55e place, avant que la et s’apprête à transmettre le dossier à révolution ne révèle au la chancellerie, qui devrait très vite grand jour la corruption programmer le procès. » Cependant, rampantequigangrenait un flou entoure cette affaire, qui de l’IGF en 2010 le pays. « Quel autre pays passionne opinion et classe politique. « Au cours de toutes ses audiarabe ou africain, affirme tions, analyse notre avocat, Mohamed fièrement un membre de Meziane, le principal suspect, a affirmé l’équipe d’Ahmed Ouyahia, peut se targuer d’avoir organisé un procès similaire au juge que toutes les décisions qu’on à celui de Blida, en février 2007, qui a jugé lui reproche aujourd’hui ont été prises sur instruction de son ministre l’affaire Khalifa ? Toutes les révélations de tutelle. Or le juge d’insrelatives à des faits de corruption livrées dont truction n’a pas jugé utile quotidiennement par la presse sont à la manifestation de la le produit de fuites dans des actes vérité de convoquer d’instruction. Et s’il y a procédure, Chakib Khelil [ancien c’est que la justice fait son boulot. » concernent ministre de l’Énergie et Les procédures ? Parlons-en. des sociétés des Mines, NDLR]. » publiques Cette même anomalie ANOMALIES. L’opération mains proest relevée dans un autre pres a pris une nouvelle dimension avec scandale financier lié à la réalisation du l’annonce, le 13 janvier 2010, de la mise projet phare de l’ère Bouteflika: l’autoroute en examen de Mohamed Meziane, PDG est-ouest. Un dossier où l’on retrouve les du groupe pétrolier public Sonatrach

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rapports d’enquête

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Maghreb Moyen-Orient

L’OMBRE D’UN DOUTE. Autant d’ano-

malies qui jettent un doute sur l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’exécutif. De quoi nourrir l’amertume de Me Miloud Brahimi, fondateur de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme. « Le procès Khalifa a été le meilleur moment de ma vie professionnelle. Une magistrate homonyme [Fatiha Brahimi, NDLR] et d’une efficacité redoutable, des ministres défilant à la barre comme les simples justiciables qu’ils seraient dans un État de droit, des débats de fond sur le fonctionnement du système financier pour que, finalement, soit dit le droit. Un grand moment de justice, hélas trop éphémère. » Le fonctionnement de la justice est-il seul en cause? Chaque jour, la presse privée annonce de nouvelles mises enexamenpourdesaffairesdecorruption, mais, si plusieurs ministres ont comparu en qualité de témoins, aucun membre d’un gouvernement n’a été inquiété ou poursuivi à la suite de révélations autour d’un scandale financier. En près d’un demi-siècle d’existence, la République algérienne n’a pas cru bon de créer une Haute Cour de justice pour juger les membres du gouvernement impliqués dans des affaires de concussion. Pis: la lutte contre la corruption a souvent été instrumentalisée pour décrédibiliser un ancien ministre en disgrâce. Pour en avoir été lui-même victime, au début des années 1980, le président Bouteflika est bien placé pour le savoir. En attendant, le gouvernement d’Ahmed Ouyahia ne cesse d’égrener les initiatives en matière JEUNE AFRIQUE

de lutte contre la corruption. Dernière annonce en date, celle de Karim Djoudi, le ministre des Finances, qui a affirmé que l’Inspection générale des finances (IGF), dont les prérogatives et les moyens ont

été renforcés, a élaboré, en 2010, 176 rapports d’enquête, dont 36 concernent des entreprises publiques, sans pour autant en révéler le contenu, ni les suites qui leur seront données. ● CHERIF OUAZANI

Brahim Bouzeboudjène, l’Eliot Ness de la finance Bourreau de travail à la réputation sans tache, il hérite de la délicate mission de présider l’organe national chargé de traquer corrompus et corrupteurs.

L

e président de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption jouit d’une réputation… d’incorruptible. Après un diplôme en sciences économiques à l’université d’Alger, Brahim Bouzeboudjène, 58 ans, intègre, au début des années 1980, le ministère des Finances. Très vite, ses aptitudes lui font gravir les échelons. En 1988, il est nommédirecteurdubudget et obtient la délégation de signature de son ministre de tutelle, Abdelaziz Khellaf. Le « MONSIEUR ANTICORRUPTION » algérien face Bourreau de travail, il est à la presse, le 4 janvier. nomméàlatêtedel’Inspection générale des finances décide de lui confier une mission qui lui (IGF), qui, déjà, traquait les affaires de sied comme un gant : présider l’organe malversations et de détournements de deniers publics. En 1996, Abdelkrim national chargé de traquer corrompus et corrupteurs. Bouzeboudjène a ainsi Harchaoui, alors ministre des Finances, fait appel à lui pour diriger le secrétariat général du Il appelle tous les services ministère. Une fonction de l’État à se mobiliser pour qu’il occupe jusqu’en 2003, quand le Premier ministre, juguler le fléau. Ali Benflis, en fait son directeur de cabinet. Trois ans plus tard, il est été chargé d’élaborer un rapport annuel remercié, au même titre que son patron, sur le fléau de la corruption à l’intention par Abdelaziz Bouteflika. du président de la République. En outre, il devra recueillir périodiquement les TRAVERSÉE DU DÉSERT. L’Eliot Ness de déclarations de patrimoine des agents la finance, comme l’appellent certains de l’État et procéder à des enquêtes sur des faits de corruption. de ses camarades de promotion, ne se Conscient de l’ampleur de la tâche retrouve pas au chômage – il réintègre qui l’attend, Bouzeboudjène appelle sa maison mère, l’administration du budget –, mais presque. Il n’a ni fonction à la mobilisation « tous les services de l’État » pour juguler un fléau qui sape officielle ni bureau, mais ne se plaint pas. Sa traversée du désert dure quatre lonles efforts de développement. ● gues années, jusqu’à ce que Bouteflika CH.O. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

NEW PRESS

noms de célébrités mondiales, comme le sulfureux homme d’affaires franco-angolais Pierre Falcone. Une affaire qui a valu près d’un an de détention préventive à Mohamed Bouchama, secrétaire général du ministère de Travaux publics, dont le budget a explosé grâce au programme d’investissement initié ces dix dernières années par Bouteflika (300 milliards de dollars, soit 208 milliards d’euros). L’attribution des marchés a produit des commissions occultes qui se chiffrent à des dizaines de millions de dollars. Si le secrétaire général a longtemps séjourné à la maison d’arrêt de Serkadji, le juge d’instruction a refusé toutes les demandes de la défense pour obtenir une confrontation avec son ministre de tutelle, l’islamiste Amar Ghoul (membre du Mouvement de la société pour la paix, ex-Hamas, d’obédience Frères musulmans).

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Maghreb Moyen-Orient foule n’a pas été repoussée tout de suite. Hassan Hijazi s’introduit en Israël avant l’arrivée des premiers soldats. Il pénètre d’abord à Majdal Shams, une localité de 8 000 habitants qui jouxte la « colline des cris », là où des familles druzes syriennes et israéliennes, séparées par une frontière depuis la guerre des Six Jours, ont l’habitude de s’échanger des messages en hurlant. Après s’être ravitaillé sur la place du village, il accoste des pacifistes étrangers qui regagnent leur minibus. « Je veux voyager avec vous, leur dit-il. Mon rêve est d’aller à Jaffa, ma ville d’origine. » Legroupeacceptedeprendreleclandestin à bord, mais le dépose à mi-chemin sur le principal axe routier qui sillonne le littoral israélien. Hassan Hijazi ne se décourage pas. Avec un anglais approximatif et la poignée de shekels qu’il s’était procurée, le jeune intrépide utilise les transports publics pour rejoindre sa destination.

PROCHE-ORIENT

Un Syrien à Tel-Aviv

L’histoire insolite d’un descendant de réfugié palestinien qui est parvenu à s’infiltrer dans l’État hébreu et à rejoindre la métropole israélienne… en transports en commun.

IL ALERTE LA PRESSE. Dans le pays du

BEN KELMER/AFP

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U

HASSAN HIJAZI

tout-sécuritaire, en état d’alerte pour la journée de la Nakba, le comportement de Hassan n’éveille aucune suspicion, pas même celle des militaires en permission qu’il croise dans l’autobus le menant à Tel-Aviv. Arrivé à Jaffa, limitrophe de la métropole israélienne, il se promène de longues heures sur le port à la recherche de la maison de son grand-père, un réfugié palestinien. Finissant par réaliser qu’il est seul, le Syrien contacte un reporter de la chaîne Al-Arabiya, lequel alerte aussitôt la télévision israélienne. En quelques minutes, une horde de journalistes se rue sur Hassan Hijazi. Devant les flashs qui crépitent, il exhibe sa carte d’identité syrienne et adresse un « V » triomphal. « C’est notre terre, ce n’est pas Israël, c’est la Palestine, s’exclame-

entouré n modeste berHassan Hijazi est l’un de de policiers muda à carreaux, ces nombreux activistes du israéliens une chemise beige web qui rêvent de voir les après son froissée et un air révolutions arabes aboutir à interpellation, le 16 mai, à Jaffa. incroyablement naïf, telle une grande révolte dans les territoires occupés. Pour marest l’allure de Hassan Hijazi, quer l’exode des Palestiniens en 1948 28 ans, nouveau héros arabe malgré lui. et revendiquer leur droit au retour, ils Ce citoyen syrien, employé au ministère de l’Éducation à Damas, a réussi avec une s’étaient donné rendez-vous aux frontièétonnante facilité ce qu’aucun fedayin res de l’État hébreu, persuadés que les palestinien ou combattant du Hezbollah, forces de sécurité israéliennes seraient pourtant rodés aux techniques d’infiltraincapables de contenir tion, n’était parvenu à faire en plusieurs de gigantesques marées Il se promène de longues heures décennies de lutte contre Israël. humaines. De Gaza à sur le port à la recherche de Dimanche 15 mai, profitant du chaos Maroun al-Ras, au Sudla maison de son grand-père. Liban, les cybermanifesprovoqué par les manifestations à l’occasion de l’anniversaire de la Nakba (« la tants sont arrivés à pied ou catastrophe ») sur le plateau du Golan, par autobus entiers, prenant littéralement t-il, avec une implacable sérénité. Je ne Hassan a franchi la frontière syro-israéd’assaut grillages et barbelés les séparepartirai pas d’ici. » Son visage barbu rant du territoire israélien. Logiquement, apparaît sur tous les écrans de télévision. lienne et s’est rendu jusqu’à Tel-Aviv, à 200 km, sans être inquiété un seul instant leur tentative a tourné au face-à-face « C’est un geste symbolique de ma part, dans son périple. avec Tsahal : les commémorations de la la vraie victoire viendra par des moyens « Je m’attendais à ce que des milliers Nakba ont fait 13 morts et des centaines militaires », ajoute-t-il, avant que deux d’autres personnes arrivent ici, comme de blessés. policiers ne viennent l’interpeller. Après deux jours d’interrogatoire et une comcela avait été convenu sur Facebook », parution au tribunal, il a été reconduit déclare-t-il aux journalistes venus à sa « MA VILLE D’ORIGINE ». Sur la partie vers son pays. ● rencontre, quelques instants avant son occidentale du Golan, une région monMAXIME PEREZ, à Jérusalem arrestation. tagneuse annexée par Israël en 1981, la N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Maghreb Moyen-Orient

ISRAËL

Ex-faucons proposent paix globale

Rompant avec l’autisme de Benyamin Netanyahou, d’anciens membres de l’establishment sécuritaire décident de militer pour une normalisation des relations avec le monde arabe.

C

eux qui espéraient que Benyamin Netanyahou recevrait une leçon de diplomatie en ont été pour leurs frais. Le Premier ministre israélien aura, une fois de plus, tenu tête à Barack Obama, comme en septembre dernier à l’issue du moratoire sur la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est que la Maison Blanche souhaitait voir reconduit. Cette fois, c’est sur l’épineuse question des frontières de 1967 que « Bibi » a fait montre de fermeté, obligeant le président des États-Unis à infléchir sa position devant l’Aipac, le puissant lobby juif américain, à qui il a dû expliquer qu’il n’était pas question de revenir aux lignes d’avant la guerre des Six Jours, comme il l’avait laissé entendre dans son discours de politique étrangère, le 19 mai. Le24mai,Netanyahoutriomphedevant le Congrès, qui l’ovationne à plusieurs

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reprises. « Nous avons recueilli un large soutien américain à nos demandes élémentaires, en premier lieu la reconnaissance d’Israël comme l’État-nation du peuple juif, la nécessité de frontières sûres et le rejet total du Hamas », s’est félicité le Premier ministre de retour à

Jérusalem. Pour une large frange de l’opinion israélienne, Netanyahou est sorti vainqueur de son périple aux États-Unis. De récents sondages le placent même en tête de tout scrutin électoral anticipé (36,9 %), loin devant sa rivale Tzipi Livni (28,3 %), chef du parti centriste Kadima, qui ne cesse de fustiger son manque de vision politique. « INACCEPTABLE DIKTAT ». Il est vrai que

le leader israélien n’aura formulé à ce jour aucun plan de paix, pas plus qu’il n’a fixé d’échéance pour parvenir à un règlement du conflit avec les Palestiniens. Ses conditions sont néanmoins sans ambiguïté : certes, des concessions territoriales ● ● ●

ILS APPELLENT À RECONNAÎTRE L’ÉTAT PALESTINIEN UNE VINGTAINE D’INTELLECTUELS et de personnalités publiques israéliennes viennent d’adresser une lettre à l’Union européenne exhortant ses dirigeants à reconnaître officiellement un État palestinien, étant donné que « le processus de paix a atteint sa fin ». Le courrier, qui porte les signatures de l’ancien président de la Knesset, Avraham Burg, et du Prix Nobel d’économie 2002, le professeur Daniel Kahneman, explique que le « la paix est devenue l’otage du processus de paix ». Il est écrit : « En tant qu’Israéliens, nous déclarons que le jour où les Palestiniens proclameront leur indépendance dans un État souverain, destiné à vivre dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël, nous soutiendrons cette MAXIME PEREZ proclamation. » ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

KHALED ELFIQI/EPA

Ý Délégation de l’Initiative israélienne pour la paix, au Caire, le 19 mai. Au centre, YAACOV PERI, ancien patron du Shabak.

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Maghreb Moyen-Orient « douloureuses », mais pas de partition de Jérusalem, ni de retour des réfugiés palestiniens en Israël, et une présence militaire le long de la vallée du Jourdain. Netanyahou prévient enfin qu’il n’acceptera pas de discuter avec un gouvernement où prendrait place le Hamas. Alors qu’elle vient d’engager le pari de la réconciliation avec le mouvement islamiste, l’Autorité palestinienne y voit un diktat inacceptable. « C’est une déclaration de guerre », s’indigne le négociateur Nabil Chaath, furieux de constater l’absence de partenaire israélien. La voie est désormais toute tracée pour Mahmoud Abbas, dont le projet de reconnaissance unilatérale de la Palestine continue d’engranger des points. « Nous avons déclaré dans le passé et nous disons toujours que la négociation est notre choix. Mais si rien ne se produit d’ici à septembre, nous irons devant l’ONU », rappelle le président palestinien. Face au blocage du processus de paix, rien ne semble pouvoir altérer la détermination du vieux loup du Fatah, pas même les mises en garde d’Obama, opposé à toute initiative qui consisterait à « isoler ou délégitimer Israël ». Car après s’être assuré le vote de 110 pays membres de l’ONU, Mahmoud Abbas vient d’obtenir à Doha un autre soutien de taille : celui de la Ligue arabe. ●●●

SURSAUT. Le compte à rebours pour la proclamation d’un État palestinien reste donc enclenché, ce qui tend à prouver que Netanyahou n’a vraisemblablement

pas sauvé l’essentiel. Nombre d’Israéliens redoutent en effet l’échéance de septembre, qu’ils voient comme la mise au ban annoncée de leur pays sur la scène internationale. Un scénario à la sudafricaine, ponctué de sanctions économiques et d’un boycott, est évoqué avec de plus en plus de gravité dans les cercles politiques et intellectuels. Mais certains pensent qu’il est encore possible d’éviter le pire à Israël et souhaitent provoquer un sursaut de leur gouvernement. C’est le sens de l’initiative de paix israélienne lancée en avril par une cinquantaine de personnalités indépendantes.

la création d’un « bloc de développement économique du Moyen-Orient ». Mais la véritable surprise vient des promoteurs de ce plan, au rang desquels figurent plusieurs ténors de l’establishment sécuritaire israélien. On retrouve notamment le général Amnon Lipkin-Shahak, ancien chef d’état-major de Tsahal, ou encore Yaakov Peri et Danny Yatom, qui furent longtemps à la tête du Shabak et du Mossad, les deux grands services de renseignements. Ils ont, depuis, été rejoints par d’illustres vétérans du « camp de la paix », à l’instar du travailliste Amram Mitzna et de Dalia Rabin, fille du Premier ministre assassiné. Saluée par les États-Unis Nombre d’Israéliens redoutent et l’Union européenne, une mise au ban de la cette initiative a égalecommunauté internationale. ment obtenu les faveurs du monde arabe. Le 19 mai, S’inspirant de la proposition saouune délégation emmenée par le diplodienne de 2002, le plan vise une normate israélien Dan Gillerman était reçue malisation des relations entre Israël et au Caire par le ministre égyptien des le monde arabe qui serait conditionnée Affaires étrangères et nouveau secrétaire à un accord avec les Palestiniens. Cette général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, approche implique la restitution des très en vue depuis qu’il a scellé la réconterritoires occupés après le 4 juin 1967 : ciliation entre le Fatah et le Hamas. Ces Jérusalem-Est, la Cisjordanie et le plateau signaux encourageants ne semblent pourdu Golan. Consensuel et pragmatique, tant pas émouvoir Netanyahou. « En dépit le document reconnaît « les souffrances des efforts que nous avons entrepris, le des réfugiés palestiniens depuis la guerre Premier ministre israélien ne nous a pas de 1948 », auxquels il serait proposé une rencontrés », déplore Yaakov Peri. Reste indemnité financière. En outre, l’initiative que le message de paix a été transmis : propose des mesures collectives relatives « Nous espérons qu’il poussera notre leadership à reprendre l’initiative. » ● à la sécurité régionale, ainsi que divers MAXIME PEREZ, à Jérusalem projets de coopération qui permettraient

Coulisses SYRIE OPPOSITION DÉSUNIE Des centaines d’opposants syriens – dont des islamistes et des Kurdes – se sont réunis, le 1er juin, à Antalya, enTurquie, pour tenter de fédérer leurs forces. Mais plusieurs figures connues de l’opposition intérieure n’ont pas répondu présent, exprimant des « réserves sur les motivations » des organisateurs et jugeant précipitée la tenue d’une N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Maghreb & Moyen-Orient telle conférence sans aucune consultation préalable. CAÏD ESSEBSI 62 % D’OPINIONS FAVORABLES Selon un sondage conduit auprès de 2200 personnes et présenté par le ministère des Affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées, 62 % desTunisiens déclarent soutenir l’action du Premier ministre de la transition, Béji Caïd

Essebsi, contre 30,8 %, qui disent s’en méfier. Ils sont par ailleurs 58 % à croire à un retour rapide de la sécurité et de la stabilité, même s’ils ne sont que 30 % à faire confiance aux forces de sécurité. Enfin, 42 % seulement des sondés jugent favorablement le marché de l’emploi. Un scepticisme qui s’explique par la divulgation des vrais chiffres du chômage – 30 % de la population –, que la dictature s’était toujours efforcée de dissimuler.

LIBYE SAUVE QUI PEUT Huit officiers de l’armée loyaliste (dont cinq généraux et deux colonels) se sont ralliés à la rébellion avec l’aide des services italiens. Ils ont déclaré, lors d’une conférence de presse, le 30 mai, à Rome, qu’ils faisaient partie d’un groupe de 120 militaires qui avaient rejoint les rebelles. Le 2 juin, c’était au tour de Chokri Ghanem, le ministre du Pétrole, d’annoncer sa défection. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

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Benjamin Stora « On assiste à la naissance de l’individu arabe »

L’historien et spécialiste du Maghreb publie un livre d’entretien autour du « printemps arabe ». Un bouleversement radical qu’il juge irréversible et qui traduit la volonté des citoyens de prendre enfin en main leur propre destin.

Propos recueillis par

RENAUD DE ROCHEBRUNE

JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

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ui ne connaît son nom ? Professeur d’histoire du Maghreb contemporain à l’université Paris-XIII, auteur d’une trentaine d’ouvrages, Benjamin Stora fait autorité depuis un bon tiers de siècle dès qu’il est question de l’Algérie, pays auquel il a consacré ses premières recherches. Mais il est aussi depuis fort longtemps un spécialiste de l’immigration en France et surtout l’un des observateurs les plus aigus des évolutions du monde arabe. Il ne pouvait donc qu’être particulièrement attentif aux révolutions et aux révoltes qui ont eu lieu, qui sont en cours ou qui couvent au Maghreb et au Moyen-Orient. Il publie d’ailleurs en ce début du mois de juin Le 89 arabe, un livre d’entretien avec Edwy Plenel, patron du journal en ligne Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde. Ce « 89 » renvoie aussi bien dans son esprit à la Révolution française de 1789 qu’à la chute du mur de Berlin en 1989, façon de signifier – comme l’entretien qui suit le prouve à l’évidence – à quel point il prend au sérieux, et considère comme irréversible, cet ébranlement des sociétés arabes auquel on assiste aujourd’hui. Et qu’il constate sur le terrain: lorsque nous l’avons rencontré, il revenait de Tunisie, le pays où tout a commencé, et préparait un voyage imminent au Maroc.

« Une aspiration formidable à LA LIBERTÉ et la fin de LA PEUR. » JEUNE AFRIQUE: Si on devait résumer en quelques mots ce qui est en train de se passer dans le monde arabe… BENJAMIN STORA : On dirait que c’est

une aspiration formidable à la liberté. Le fait de ne plus devoir se taire, subir, accepter d’être obligé de ruser avec le réel, avoir des stratégies de discours compliqués

pour éviter d’être réprimé. Tout cela, donc la peur, c’est fini. Et en développant un peu ?

On peut enfin s’exprimer directement et déclarer ce que l’on pense du réel. Et plus seulement entre amis, dans l’espace privé, le seul où l’on pouvait dire N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Maghreb Moyen-Orient Printemps arabe jusqu’ici ce que l’on pensait des pouvoirs, des insuffisances des intellectuels, des problèmes économiques… Le seul pays, peut-être, où il y avait, au moins dans la presse écrite, cette liberté de parole, c’était l’Algérie. Mais une presse dont l’audience est limitée par rapport aux grands médias plus ou moins officiels. Au Maroc aussi, il y a eu une liberté de la presse, en particulier entre 1998 et 2003, mais c’était moins vrai depuis un certain temps. De fait, le seul média « lourd » avec une liberté d’expression qu’on trouvait dans le monde arabe, c’était Al-Jazira, qui invitait des opposants à des talkshows et n’essayait pas de camoufler ou de contourner le réel.

Ou plutôt d’une sorte de révolution subjective, dans la tête des gens ?

C’est bien sûr une combinaison des deux. Mais on peut dire qu’on assiste dans le monde arabe à la naissance de l’individu, de celui qui peut exister indépendamment de la tradition, de la famille, de l’État. Même la pratique religieuse massive d’aujourd’hui peut être interprétée ainsi : comme l’expression, désormais, d’une croyance personnelle, individuelle, et non plus comme le simple respect de la tradition communautaire. Ce phénomène, on pouvait le repérer en fait depuis assez longtemps. Par exemple en s’interrogeant sur les harraga, ces jeunes du Maghreb qui veulent à tout prix

On veut exister indépendamment de la tradition, de la famille, de l’État… Mais ce qui me paraît également très important en ce moment, c’est que les sociétés arabes sont à la recherche de vrais partis politiques, et non plus seulement de partisorganisésparlehaut.Ellessont,dans le même ordre d’idée, en quête de vrais syndicats, d’intellectuels qui sont dans une authentique posture critique. Pendant cinquante ans, depuis les indépendances, ce n’était pas le réel qui faisait l’objet de débats mais uniquement des idéologies. Seuls comptaient l’anticolonialisme, l’anti-impérialisme, le rejet de l’Occident ; ou encore le nationalisme arabe ou l’islamisme. Quand on est englouti par les idéologies, cela n’amène pas à parler des problèmes réels, comme le marché, l’économie, le rapport effectif à l’Occident et à sa propre histoire. Et cela favorise des pensées complotistes, obscures ou compliquées, qui consistent à croire que tout se passe toujours derrière le rideau. Donc, avant tout, on assisterait à un retour au réel ?

Ce retour au réel, c’est ce qui me frappe le plus, et aussi ce qui me plaît le plus aujourd’hui. On veut penser par soimême, librement, indépendamment des pouvoirs, des États. Et des idéologies qui sont arrivées de l’extérieur et qui ont été imposées aux peuples depuis si longtemps. S’agit-il de révolutions liées à une situation objective devenue insupportable ? N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

partir, quitter leur pays. Ils disent tous la même chose : on ne part pas comme un ambassadeur, au nom de la famille, du quartier, du village comme autrefois. Ils ne partent pas pour une communauté mais en leur nom propre. Si le phénomène était ainsi prévisible, avec des signes avant-coureurs, pourquoi avons-nous tous été tellement surpris par ce qui vient de se passer ?

nationalisme à l’islamisme –, qui ont un rôle rassurant, ne pouvait que renforcer cette incertitude et la peur de l’inconnu. Parmi les indices, en plus des harraga ou de la démographie, il y avait encore l’abstention aux élections, de plus en plus massive à l’évidence malgré les chiffres officiels proclamés. Mais les discours de nombreux intellectuels occidentaux qui parlaient d’une spécificité des sociétés arabes peu enclines à bouger, ou du risque islamiste si les dictatures disparaissaient – légitimant ainsi la répression –, n’aidaient pas à se faire entendre quand on soutenait autre chose. Contrairement à l’idée reçue, il y avait bien des interlocuteurs possibles pour ceux qui voulaient encourager une évolution ou un changement des régimes. Et parmi les éléments objectifs, lesquels, au-delà des dictatures évidemment insupportables, ont été déterminants ?

On peut citer, cela va de soi, la chute du mur de Berlin et la fin de l’URSS. Puis la guerre civile algérienne et la barbarie qui l’a accompagnée, lesquelles ont servi, si l’on peut dire, de contre-modèle. Tout cela préparait un retournement de l’Histoire, qui a trouvé de surcroît un point d’appui décisif avec l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche. Pourquoi cela démarre-t-il dans cette

C’est classique, les exemples abondent Tunisie, qu’on disait presque apathique, dans l’histoire. On a beau accumuler plutôt qu’ailleurs ? tous les indices, on ne peut prédire ce On peut trouver plusieurs raisons de fond pour l’expliquer. La structure interne qui va se passer. Dès 2000, un chercheur, de la société tunisienne pendant la coloniPhilippe Fargues, avait décrit dans son livre Générations arabes. L’alchimie du sation n’avait pas été trop atteinte du point nombre tous les facteurs démographiques de vue anthropologique, religieux, social. – la diminution de la taille des familles en L’histoire du nationalisme tunisien, malgré particulier – qui expliquent l’évolution des affrontements, a pu se poursuivre sans qu’on constate aujourd’hui. La véritable rupture, avec des « modernisation » de la société points d’ancrage et des pôles apparaissait à la fois comme d’influence très forts, comme la cause et la conséquence de le Néo-Destour côté politique l’effondrement démographiou l’UGTT [Union générale tunisienne du travail, NDLR] que qu’on constatait dans le monde musulman au Maghreb côté syndical. Le potentiel du et au Moyen-Orient, de Rabat à pays et de ses élites n’était pas Téhéran,avecpourseuleexcepentamé. Il restera presque intact, malgré les vicissitution, en raison de sa situation très particulière, Gaza. Un phédes,jusqu’ànosjours.Ensuite, nomène qui était sans doute et c’est important, la Tunisie Le 89 arabe, aussi lié à une appréhension du était le pays le plus alphabéde Benjamin Stora – futur : on fait moins d’enfants tisé de la région et même de Conversations avec quand on discerne mal l’avetout le monde arabe. C’est le Edwy Plenel, Stock, nir. D’autant que le recul des paysoùlesfemmesontleplus 180 pages, idéologies messianiques – du de droits depuis Bourguiba. 16,50 euros. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient civile, est là, qui ne rend pas facile un changement radical. Et le Maroc ?

Il y a un mouvement de refus de l’absolutisme qui est profond là aussi. D’autant qu’il est lié à la structure sociale du pays. La question du passage à la monarchie constitutionnelle va rester posée, elle ne pourra pas être mise de côté. Alors que le problème ne se posait pas jusqu’à très récemment.

BEN CURTIS/AP/SIPA

Et en Tunisie, comment voyez-vous l’évolution de la situation ?

DE JEUNES ÉGYPTIENS euphoriques, non loin de la place Al-Tahrir, le 13 février.

Aussi, ce qui pouvait passer aux yeux de beaucoup pour de l’apathie n’était en fait que la marque d’une société qui s’était construite sans connaître une situation de rupture. Et il y avait là les ingrédients qui pouvaient conduire à l’explosion. Car c’est au sein de cette société très éduquée, qui avait conservé ses élites, qu’est apparu un clan familial mafieux, inculte, en un mot très éloigné de ce qu’est le pays. Un clan qui ne s’appuiera finalement que sur une tradition policière. En décalage total avec toute l’histoire de la Tunisie. On peut donc parler d’une sorte de révolution culturelle,destinéeàsupprimercedécalage insupportable entre la société et le pouvoir politique. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’il n’y a pas eu aussi un ressort social, avec l’intérieur du pays abandonné et la côte touristique choyée par le régime. En Tunisie comme ailleurs, le mot révolution est-il adapté pour parler de la situation récente ou en cours ?

Je suis pour l’emploi de ce mot. Même si je comprends ceux qui disent qu’une vraie révolution implique un projet de société radicalement différent. Le simple fait de sortir d’une société où l’on avait peur de vivre pour aller vers une société où la liberté s’exprime, cela correspond à un processus révolutionnaire. Un processus de reprise en main de son propre destin, sur lequel, je crois, on ne reviendra pas. Quand on voit le courage dont font preuve aujourd’hui les Syriens, c’est inouï. Cela montre bien que, même si la répression peut être violente, très violente, plus rien JEUNE AFRIQUE

n’est et plus rien ne sera comme avant dans le monde arabe. Ce qui se passe renvoie, je le redis, à quelque chose de très profond, qui redéfinit à la fois le rapport des individus à la société et tout le lien national. Depuis la fin du temps colonial, il y avait une vision simple de l’État et de la nation : l’État protège et construit les frontières de la nation. Attaquer l’État, c’était donc diviser la nation et la mettre en péril. Aujourd’hui, c’est l’inverse, la société peut reconstruire l’État, se poser en garant du drapeau. Évidemment, cela va prendre des années. Et cela va obliger à se poser des questions sur toute une série de sujets jusque-là plus ou moins mis de côté, comme le statut des femmes, celui des minorités ou le rapport à l’Occident. En Algérie, il se passe à la fois beaucoup de choses et rien de déterminant pour l’instant, semble-t-il…

L’Algérie est à la fois en avance et en retard. En avance, car les Algériens peuvent avoir le sentiment d’assister à un remake de ce qu’ils ont déjà vécu il y a vingt ans, entre 1988 et 1990, avec l’effervescence démocratique. Mais l’Histoire n’est pas une suite de remakes, elle se fait en avançant. Et si les Algériens ne voient pas ce qui se passe ailleurs, ils risquent de se retrouver en retard. Car s’ils ont obtenu des avancées au niveau de la société civile, comme la liberté de la presse, le régime et son mode de fonctionnement sont restés intacts, comme avant. Le poids du passé, et en particulier de la guerre

L’élection de la Constituante va être un momenttrèsimportant.Notamment,mais pas seulement, pour évaluer la force des islamistes et des autres mouvements. Mais c’est encore en gestation, il est difficile d’y voir clair. Ce qui est déjà acquis, c’est qu’on est dans une situation caractérisée par la pluralité. Et c’est fondamental. Les Tunisiens seront encore des pionniers avec les premières élections entièrement libres. L’enjeu est donc majeur. L’Égypte ?

La question qui se pose: la mutation de tous les partis existants et celle de l’armée. En se transformant en parti, les Frères musulmans, en particulier, vont changer de statut. Ils vont cesser d’être vus comme une confrérie, un mouvement associatif, pour devenir un parti politique parmi d’autres, obligé de se prononcer sur tous les sujets. Cela change beaucoup. Même s’ils devaient être le premier parti du pays, ils ne pourront plus dire qu’ils parlent au nom du peuple entier. On peut aussi voir l’émergence d’autres partis et le retour sous une nouvelle forme d’anciens partis. Et puis il y a bien sûr le problème de l’armée: il est envisageable qu’elle change de rôle, qu’elle ait une place moins centrale après avoir été obligée de s’adapter à la nouvelle donne. Comment tout cela peut-il avoir un effet sur le problème palestinien ?

Il n’y a aucune raison que la question de la démocratie politique ne se pose pas là aussi. Notamment pour les pays occidentaux impliqués. On ne peut pas à la fois saluer l’avènement de la démocratie dans le monde arabe et s’en désintéresser quand cela concerne la question nationale palestinienne. Cela va nécessairement bouger pour la création d’un État palestinien. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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FOOTBALL

Pourquoi il a (encore)

gagné

À l’issue d’une folle semaine marquée par des accusations de corruption tous azimuts, Joseph Sepp Blatter a été reconduit pour quatre ans à la tête de la Fifa. C’est bien simple : cet homme-là est in-sub-mer-si-ble ! GÉRARD MARCOUT

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urich, 1er juin. Jérôme Valcke, le secrétaire général, les appelle un à un à la tribune pour une petite cérémonie somme toute classique après un congrès. Certains sourient, d’autres affichent un air presque grave. Seul candidat en lice, Joseph S. Blatter vient

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d’être réélu pour un quatrième et ultime mandat de quatre ans à la présidence de la Fédération internationale de football association (Fifa). Le vote à bulletins secrets n’a été qu’une formalité : 186 voix sur 203 suffrages exprimés. Il y a là Franz Beckenbauer, alias Kaiser Franz, l’ancien grand libéro allemand. Deux membres sortants du comité exécutif: le Japonais Junji Ogura et l’Anglais Geoff Thompson. Les trois nouveaux vice-présidents : le prince Ali Ibn Al Hussein de Jordanie, David Chung de Papouasie-Nouvelle Guinée, et Jim Boyce d’Irlande du Nord. Et trois petits nouveaux : Manilal Fernando, du Sri Lanka, Mohamed Raouraoua et Theo Zwanziger, patrons respectifs des fédérations algérienne et allemande. Sans doute pour les remercier de leur soutien, JEUNE AFRIQUE


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IMAGO/PANORAMIC

tous se voient remettre, qui une distinction, qui une breloque agrémentée d’une chaleureuse accolade ou d’une simple poignée de main. Après une semaine incroyable, ÝJOSEPH BLATTER, le président paraît bien 75 ANS – et quatre fatigué. Mais il reste fidèle de plus à la tête à son image de capitaine du foot mondial. impavide dans la tempête. Ça tombe bien : depuis quelques jours, la Fifa évoque irrésistiblement une coquille de noix ballottée par les vagues ! Stature massive, visage volontaire adouci par de fines lunettes, front largement dégagé et chevelure grisonnante, Sepp, comme l’appellent ses proches, même s’il a pris officiellement ce diminutif comme second prénom (sans guillemets, précise-t-il), ne fait vraiment pas son âge : 75 ans depuis le 10 mars. Originaire de Viège, petite cité du Haut-Valais, dans le sud de la Suisse, le successeur du Brésilien João Havelange est un polyglotte accompli. Il parle l’allemand, bien sûr, sa langue maternelle, mais aussi le français, l’anglais, l’espagnol et l’italien. Très utile quand on dirige une fédération internationale qui compte davantage de membres que l’ONU ou le Comité international olympique !

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Joseph Blatter démarre sa carrière à la Fifa en 1975, quand le président Havelange, élu un an plus tôt, lui confie le poste, hautement stratégique, de directeur des programmes de développement. L’idée d’organiser des championnats du monde pour les jeunes et les femmes date de ces années-là. VISION À ADDIS. En 1976, lors d’un voyage en

Éthiopie, il prend conscience de la nécessité de développer le foot africain et, pourquoi pas, d’organiser un jour une Coupe du monde sur le continent. « C’est à Addis que j’ai compris ce que le football représente pour l’Afrique », confiait-il, en juin 2009, lors d’une conférence de presse en Afrique du Sud, un an avant le coup d’envoi de la Coupe du monde. En 1981, Havelange le nomme secrétaire général. Neuf ans plus tard, il devient directeur exécutif. C’est sous sa houlette que sont organisées toutes les Coupes du monde de 1982 à 1998. Cette année-là, après vingt-quatre ans de présidence, Havelange se résout à passer la main et transmet le relais à Blatter, élu sans coup férir par 111 voix, contre 80 au Suédois Lennart Johansson, le patron du foot européen. Quatre ans plus tard, il peut se vanter d’un FIN CONNAISSEUR. Footballeur amateur penpremier succès : la coorganisation du Mondial dant plus de vingt ans, puis dirigeant du club par deux pays. En l’occurrence, la République de Neuchâtel Xamax à partir de 1970, Blatter a de Corée et le Japon. C’est une spectaculaire rejoint la Fifa en 1975. Bref, réussite. L’ascension du foot en matière de foot, il sait de asiatique peut commencer. Le capitaine est fatigué. quoi il parle. Maintes fois Son second fait d’armes, Mais dans la tempête, affirmée, notamment avant on le sait, sera la tenue le Mondial sud-africain de il reste impavide. d’une Coupe du monde en l’an dernier, sa répugnance Afrique, en dépit de réticences, européennes notamment, aussi fortes à faire appel à la technologie sur le terrain (arbitrage vidéo, etc.) est réelle. Mais c’est avant tout qu’injustifiées. un pragmatique. De nombreux joueurs et entraîLe directeur général du Comité d’organisation neurs espèrent donc qu’il fera avancer les choses sud-africain, Danny Jordaan, se souvient encore des difficultés rencontrées pour satisfaire aux au cours des années qui viennent. Ce passionné de sport est attiré par d’autres exigences de Jack Warner, vice-président de la disciplines que le football. En 1964, à l’âge de Fifa et président de la Confédération de football 28 ans, il fut le secrétaire général de la Fédération d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des suisse de hockey sur glace. Beaucoup plus tard, Caraïbes (Concacaf). En échange de son soutien à la candidature sud-africaine, celui-ci tenait il s’impliquera dans la candidature de la ville de Sion, la « capitale » valaisanne, à l’organisation des absolument à faire venir le vieux Nelson Mandela Jeux olympiques d’hiver 2006. Il n’a quitté le navire, dans son fief de Trinité-et-Tobago ! avec regret, qu’après son élection à la présidence C’est ce même Warner qui, le 29 mai, a été de la Fifa, en juin 1998, à Paris. La désignation de suspendu provisoirement par la Fifa en raison Turin sera pour lui une immense déception. Mais de « possibles violations » de son code éthique son entrée dans le monde du sport international lors de la campagne pour l’élection du 1er juin. remonte aux années 1970. À l’époque, il assurait la Le milliardaire qatari Mohamed Ibn Hammam, direction des relations publiques et des sports au président de la Confédération asiatique de footsein de la société horlogère Longines. À ce titre, il ball (AFC) et membre du comité exécutif, est a participé à l’organisation des Jeux olympiques dans le même cas. Chantre autoproclamé de la de 1972 et 1976 dans le domaine du chronomélutte anticorruption, il a été contraint de retirer trage. Il reviendra sur la scène olympique en 1999. sa candidature et de laisser le champ libre au Président d’une fédération internationale, il est président sortant. Les deux hommes sont en du même coup membre du CIO… outre soupçonnés par les Anglais de n’avoir ● ● ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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FRANZ BECKENBAUER ET JÉRÔME VALCKE (à dr.) pendant le Congrès de la Fifa, le 1er juin à Zurich. ● ● ● pas reculé devant les pires moyens pour faire en sorte que le Qatar soit choisi pour organiser le Mondial 2022.

BLANCHI. Déjà mis en cause, en 2006, par un livre

du journaliste anglais Andrew Jennings (Carton rouge, les dessous troublants de la Fifa), Blatter a dû, lui aussi, s’expliquer devant la commission d’éthique, après les accusations portées contre lui par Ibn Hammam. Mais il a été blanchi. Ce n’est certes pas la première fois que la Fifa

En termes d’image, c’est un désastre. Mais les sponsors tiennent bon. se trouve ainsi mise en cause. La dernière affaire remonte à la fin de l’année dernière, quand l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 déboucha sur la suspension de deux membres du comité exécutif, le Nigérian Amos Adamu et le Tahitien Reynald Temarii. Mais ce n’était encore que broutilles en comparaison de ce qui allait suivre… Pour l’image de la Fifa, on aurait pu rêver mieux. Mais au fait, qu’en pensent ses partenaires – de Coca-Cola à Visa, et d’Emirates à Adidas ? N’ont-ils pas notablement contribué à en faire l’organisation sportive la plus riche du monde (ses réserves sont estimées à 1,28 milliard N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Prédécesseurs illustres Jules Rimet (1920-1954)

Le créateur de la Coupe du monde, dont la première édition eut lieu en 1930, en Uruguay. Stanley Rous (1961-1974)

Grand codificateur des lois du jeu. Il a tout fait pour retarder l’émergence de nouveaux continents (l’Afrique, notamment). João Havelange (1974-1998)

Il a ouvert largement les portes de la Coupe du monde (de 16 à 32 participants). Gestion autocratique et clientéliste.

de dollars) ? « Ils nous ont dit : “Ramenez le bateau dans de meilleures eaux.” Aucun n’a dit : “On se retire” », jure Blatter. Le dirigeant suisse n’entend nullement renoncer aux aspects sociaux de son programme, surtout concernant les enfants : développement du rôle éducatif du foot, actions humanitaires diverses… Mais il avoue, l’œil sombre, avoir « subi un camouflet ». « Désormais, ce sera tolérance zéro pour la corruption », promet-il. Le renforcement des pouvoirs du comité d’éthique est à l’étude, de même que la création d’un « comité de solutions » ouvert à des personnalités extérieures, comme Johan Cruyff, l’ancienne star néerlandaise. Ce fin politique l’admet volontiers : la Fifa a commis une erreur en choisissant simultanément les pays organisateurs des Coupes du monde 2018 et 2022. Alors il a fait adopter par le dernier congrès un nouveau mode d’attribution. Jusqu’ici, la désignation était du ressort du comité exécutif, composé de 24 membres. À l’avenir, elle incombera au congrès lui-même, et aux 208 fédérations membres de la Fifa. Les médias suisses le surnomment, ironiquement, l’insubmersible roi Blatter. Attaqué sur plusieurs fronts, l’intéressé réplique, non sans humour : « La crise à la Fifa ? Quelle crise ? » À en juger par le champ de mines qu’il vient de traverser sans trop de dommages, sans doute vaudrait-il mieux le surnommer le démineur. ● JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie Pis : les tentatives pour écarter le BDP de la représentation nationale ont entraîné un regain de violence. Pour envoyer des députés au Parlement, les partis doivent recueillir plus de 10 % des voix Ý LE PREMIER au niveau national. MINISTRE EN CAMPAGNE Souvent majoritaire LE 1 JUIN dans le Sud-Est, mais À DIYARBAKIR, la « capitale » plafonnant globalement autour de 5 %, le BDP kurde, surmonte l’obstacle en où de graves incidents présentant des candiont eu lieu, dats indépendants. en avril Lorsque, le 18 avril, le et en mai. Conseil supérieur des élections a invalidé sept de ces candidatures, de graves incidents ont éclaté à Istanbul et à Diyarbakir, la « capitale » kurde. Les arrestations qui se sont TURQUIE ensuivies ont provoqué à leur tour une marche de protestation de vingt mille personnes à la frontière sud. Et le 4 mai, La victoire de l’AKP aux législatives du 12 juin les rebelles du PKK ont revendiqué le mitraillage de la caravane de campagne ne faitaucun doute. Mais obtiendra-t-il un nombre d’élus d’Erdogan, à Kastamonu, dans le Nord suffisant pour imposer une nouvelle Constitution ? (un gendarme a été tué). Entretemps, le Conseil est revenu sur sa décision, mais le climat n’en reste pas moins Malgré le silence des « pachas », la enouvellement de la moitié de ses candidats, présentation campagne n’en a pas été moins rude, les fort tendu. de soixante-dix-huit femmes, leaders des principaux partis se livrant à appel à des personnalités des attaques personnelles virulentes. BATIFOLAGES. Ce sont des tensions comme la star du foot Hakan Sükür, Plus inquiet qu’il n’y paraît de la d’un tout autre genre que vit le Parti promesses à tout-va… Depuis des semaiprogression du Parti républicain du d’action nationaliste (MHP). Depuis nes, le Premier ministre Recep Tayyip peuple (CHP, centre gauche), crédité deux mois, un groupe mystérieux difErdogan fait ce qu’il aime le mieux : de 28,3 % des voix dans les derniers fuse sur internet des vidéos montrant mener campagne. Certes, la victoire de sondages (il n’avait obtenu que 20,8 % plusieurs responsables de la formation son Parti de la justice et du développed’extrême droite batifolant avec des étuen 2007), Erdogan s’est acharné contre ment (AKP) aux législatives du 12 juin ne son chef, Kemal Kiliçdaroglu, comparé à diantes, dont une mineure. Dix d’entre fait aucun doute. Mais après un premier « une marionnette aux mains de gangs ». eux ont dû démissionner, à la demande succès en novembre 2002 (34,2 % des Autrement dit, des rebelles kurdes du de leur patron, Devlet Bahçeli, qui voit voix), qui avait permis la formation d’un Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des gouvernement homogène, le rusé triPour une fois, les militaires font bun espère dépasser le score historique militaires putschistes. profil bas. Mais la campagne (46,6 %) obtenu en juillet 2007 dans un Il n’empêche : en rénon’en est pas moins âpre et tendue. climat de tension extrême. vant le CHP, en jouant disÀ l’époque, pour empêcher l’élection crètement de ses origines kurdes et, plus ouvertement, de son dans cette affaire la main de Fethullah d’un « islamiste » à la présidence de appartenance à la minorité chiite alévie, Gülen, un influent prédicateur religieux la République, l’armée avait brandi la menace d’un coup d’État ; la crise s’était Kiliçdaroglu a marqué des points, y comproche de l’AKP, exilé aux États-Unis. Le dénouée grâce à des législatives anticipris dans le Sud-Est anatolien acquis Premier ministre s’en est évidemment pées, Erdogan s’effaçant tout de même au Parti pour la paix et la démocratie indigné. Mais si le MHP (11 % à 13 % des intentions de vote) venait à tomber sous devant son « frère » Abdullah Gül. Cette (BDP, prokurde) et passagèrement séduit fois, empêtré dans le procès Ergenekon, par l’AKP. Le 23 mai, à Hakkari, son le seuil des 10 %, l’AKP pourrait obtel’état-major fait profil bas. Soupçonnée meeting a attiré du monde. Beaucoup nir à l’Assemblée la majorité des deux d’avoir tenté à plusieurs reprises de renplus que celui d’Erdogan, l’avant-veille. tiers requise pour imposer une nouvelle verser le gouvernement dans les années Après avoir, à l’été 2009, annoncé la Constitution de type présidentiel – au mise en œuvre de réformes en faveur bénéfice d’Erdogan –, sans passer par 2003-2004, une brochette d’officiers et des Kurdes, le Premier ministre paie le un référendum. ● de généraux se retrouvent sur le banc prix des promesses non tenues. JOSÉPHINE DEDET des accusés. UMIT BEKTAS/REUTERS

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Erdogan en quête d’absolu

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

ORIGINAIRE DU CAMEROUN ET DE VILLIERS-LE-BEL, le jeune humoriste fait rire les salles avec l’histoire de sa vie.

Donel Jack’sman Ambition et autodérision Étoile montante de l’humour français, Donel Jack’sman rêve de Zénith et d’Olympia hilares. Avec sa tchatche et son regard acéré, la révélation de la jeune scène comique parisienne devrait y parvenir sans trop de soucis.

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ANS LES LOGES DUTHÉÂTRE parisien du Point Virgule, véritable couveuse des grands noms de l’humour français, Donel Jack’sman se prépare pour la première de son one-man-show J’raconte ma life. La directrice artistique du lieu, Antoinette Orgé-Colin, lui a donné sa chance pour six mois. Quelques heures plus tard, le comique au succès grandissant se cassera la jambe, reportant à plus tard l’occasion de se faire remarquer. Une bien mauvaise blague! Avec un humour inspiré de sa propre vie, Donel se moque de tout et surtout de lui : « Soyons clairs : je ne suis pas dans l’observation de mon prochain et je ne raconte pas les galères de mes potes. J’ai plutôt tendance à croire que ma vie peut intéresser les gens. C’est

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grave mégalo ça, non? » Certainement, mais poilant aussi. Et ce n’est pas la vidéo de son plus célèbre sketch sur la sérieTV française Plus belle la vie, vu et revu sur les sites de vidéos en ligne, qui contredira ce constat : « J’ai passé un casting pour cette sitcom. Ils recherchaient un Black, mais j’étais, je pense, un peu trop dans les tons cramés si vous voyez ce que je veux dire. Ce sketch est un beau pied de nez », souligne, taquin, l’humoriste bientôt trentenaire. De parents camerounais, Donel aime cultiver le mystère sur ses origines. « Je suis français, je vis chez ma mère avec mon frère. J’ai deux sœurs. Pour le reste, on va dire que je suis citoyen du monde », balaie-t-il en arborant le drapeau jamaïcain sur son sweat, histoire d’en rajouter

sur le trouble identitaire. Il ne tarit cependant pas d’éloges sur sa ville: Villiersle-Bel, commune où éclatèrent, en 2007, les affrontements si médiatiques entre jeunes des cités et forces de l’ordre. « Faut arrêter, Villiers-le-Bel, c’est pas Bagdad non plus. C’est une banlieue chaude qui peut s’embraser à tout moment, mais c’est surtout un microcosme où tout le monde se connaît. Cela me fait penser au pays, en fait, avec l’entraide, la chaleur des gens ! » S’installer à Paris, métropole trop impersonnelle, impensable! Pas showbiz pour un sou, Jack’sman trace sa route en solitaire. Passionné de cinéma, l’adolescent lettré fait ses gammes au Petit Conservatoire et au cours Florent. Là, l’un de ses professeurs lui fait comprendre qu’en tant que Noir, les portes du 7e art seront dures à ouvrir et qu’il lui faudra trouver un plan B. Le plan aurait pu être de laborieuses études de communication (il obtient quelques UV d’un master qui « décore le CV »), mais Donel choisit l’option « humoriste », à JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Un temps signé chez Juste pour rire, premier festival de l’humour au monde devenu label plaqué or pour les comiques francophones, Donel Jack’sman quitte l’écurie, en 2009, non sans amertume: « Ils estiment que je n’ai pas tout donné, moi je pense avoir honoré le contrat en remplissant mes salles, toujours hilares… J’ai fait le boulot et je me suis rendu compte que ce n’était sans doute pas la bonne maison. » Du coup, sa maison, il la construit seul: « Je suis indépendant et accessoirement à la recherche d’un producteur, mais ce n’est pas évident de se faire une place en tant qu’humoriste noir. La France ne possède pas de réseau africain suffisamment costaud pour porter des projets artistiques. Quels sont les Noirs qui ont de la thune en France? Les footeux… et avec tout le respect que je leur dois, ce ne sont pas les mieux placés pour investir dans la culture », tacle le comédien, dépité par la frilosité des producteurs hexagonaux. Le Beauvillésois rêve d’une communauté à l’américaine, capable de financer le Malcolm X de Spike Lee que les studios rejetaient. À quand une Oprah Winfrey et un Michael Jordan français, mécènes d’artistes noirs en galère? Pour lui, l’évolution des mentalités passe par « la discrimination positive » même si « c’est dommage d’en arriver là ». S’il soutient l’affirmative action, le jeune homme reste conscient que rejoindre une troupe comme celle du Jamel Comedy Club de la star Jamel Debbouze n’est pas la panacée. De cette troupe, seules quelques têtes d’affiches parviennent à s’extraire du lot. Les rejoindre, pourquoi pas? Mais pas question pour lui de rester sur le banc de touche. Il sera attaquant. Enfin, une fois le plâtre de sa jambe ôté et sa rééducation terminée. ● CÉDRIC CHAORY Photo : VINCENT FOURNIER/J.A. JEUNE AFRIQUE

ALLEMAGNE

Adieu à l’atome

Joli « coup » politique, la décision d’Angela Merkel de renoncer dans dix ans à l’énergie nucléaire pose de sérieux problèmes économiques et environnementaux.

PAUL LANGROCK/ZENIT-LAIF-REA

l’instar de son idole Eddie Murphy. De quoi décontenancer sa mère. Partagée entre l’anxiété et la fierté de voir son trublion de fils remporter des concours de stand-up, maman se fait une raison. Un premier passage télé, des cachets qui permettent de vivre, c’est déjà énorme et ça vous rassure une famille.

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our le gouvernement d’Angela Merkel, le dossier du nucléaire était, depuis des mois, un vrai casse-tête. En annonçant l’arrêt de toutes les centrales dans un délai de dix ans, la chancelière a tenté de se sortir de ce très mauvais pas – et fait, du même coup, sensation en Europe. Sur les dix-sept réacteurs que compte le pays, les huit plus anciens, déjà à l’arrêt depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, ne repartiront pas. À partir de 2021, seuls les trois plus modernes (ils datent de la fin des années 1980) seront autorisés à fonctionner, mais pas au-delà de 2022. Ce programme ne fait au fond que reprendre celui du chancelier socialdémocrate Gerhard Schröder, qui, allié aux Grünen (Verts), avait prévu dès 1998 une sortie du nucléaire à l’horizon 2020.

REVERS ÉLECTORAUX. Mais en septembre dernier, à dix ans de l’échéance, la chancelière CDU a jugé l’objectif intenable et annoncé qu’un délai, au-delà de 2040, serait nécessaire pour développer les énergies renouvelables, tout en contrôlant le prix de l’électricité et les émissions de CO2. Laréactionaétéimmédiate:tollédansla rue et vague verte dans les urnes. En mars, la tragédie japonaise a porté le coup de

LA CENTRALE DE GUNDREMMINGEN, en Bavière.

grâce à cette politique. Jusqu’ici tout juste toléré par beaucoup, l’atome est soudain apparu insupportable. Avec son virage à 180 degrés, la chancelière fait donc le choix de céder aux écologistes afin de mettre un terme à la dégringolade de son parti. Et d’ouvrir la porte à une alliance avec les Verts, beaucoup plus puissants aujourd’hui que leurs alliés du Parti libéraldémocrate (FDP). Sur le papier, le défi est ambitieux: l’Allemagne inaugure une nouvelle ère, celle des énergies propres. Mais dans les faits, comment remplacer si rapidement une source d’énergie qui assure 22 % de la production d’électricité ? Dans l’immédiat, le pays n’aura d’autre choix que d’accroître ses achats de gaz à la Russie, au détriment de son indépendance énergétique. Et de relancer les centrales au charbon, qui assurent déjà 40 % de la production, en faisant l’impasse sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les analystes tablent sur une hausse de 30 % de la facture électrique. Et il faudra bien aussi importer de l’électricité, française notamment. Or, celle-ci est à 75 % d’origine nucléaire. ● GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Muhammad Yunus « Vive le social business! » Contraint de quitter la direction de la Grameen Bank, l’établissement qu’il a créé il y a près de trente ans, il poursuit son combat pour « une économie plus humaine ».

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rixNobeldelapaix2006pourson travail pionnier dans le domaine du microcrédit, le Bangladais Muhammad Yunus a, en 1983, fondé la Grameen Bank (« banque des villages »), qui prête de l’argent aux exclus du système bancaire pour cause d’extrême pauvreté. De passage à Paris pour le lancement de son nouveau livre (Pour une économie plus humaine, Lattès, 2011), Yunus y a fait l’apologie du social business, un nouveau concept destiné à « humaniser l’économie ». JEUNE AFRIQUE: Comment est née l’idée du social business ? MUHAMMAD YUNUS: Quand je reviens

sur le passé, j’ai l’impression que mes actions en faveur du développement humain s’inspirent, depuis le départ, d’une conception du business comme acteur social. Mais, très vite, je me suis rendu compte qu’il ne suffisait pas de prêter de l’argent aux insolvables pour changerladonneéconomique.Lesystème

Ð LE BANGLADAIS, Prix Nobel de la paix 2006.

l’argent mais de mener à bien une mission sociale. Alors que les organisations caritatives dépendent entièrement de la générosité de leurs fondateurs, l’entrepreneuriat social utilise les profits dégagés par l’entreprise pour poursuivre son action. L’entrepreneur récupère progressivement l’argent qu’il a investi, mais ne touche pas de dividendes. Il n’y a ni pertes ni gains. Vous avez lancé au Bangladesh des jointventures « altruistes » en collaboration avec notamment Danone, Veolia ou Intel. Les grands capitaines d’industrie ont-ils été faciles à convaincre ?

L’entrepreneur social récupère peu à peu l’argent qu’il a investi. Il n’y a ni gains ni pertes. de la libre entreprise ne se soucie pas de résoudre le problème de la pauvreté persistante, de favoriser l’accès de tous aux soins médicaux ou à l’éducation. Je me suis mis alors à imaginer des modèles économiques qui, justement, permettent d’éradiquer ces fléaux. Qu’est-ce qui distingue le social business d’une organisation caritative ?

Une entreprise qui fait du social business est une entreprise normale, qui relève d’une démarche marchande, sauf que son objectif n’est pas de gagner de N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Pas du tout. L’idée du premier jointventure est née d’une rencontre avec Franck Riboud, le PDG de Danone. Je lui ai expliqué très simplement ma vision du social business, puis je lui ai proposé que l’on travaille ensemble. Il m’a donné son accord immédiatement. Cet exemple a encouragé d’autres multinationales, tels Veolia ou Intel, à s’engager. La Grameen Bank travaille également avec des universités et des institutions académiques dans le monde entier, afin de sensibiliser les jeunes à cette manière alternative de faire des affaires. Enfin, je m’apprête à me

rendre dans plusieurs pays africains, pour voir de quelle manière le social business pourrait être adapté à leurs besoins spécifiques. Au programme, des rencontres avec des leaders politiques, des entrepreneurs, des responsables médiatiques et universitaires… La création de richesse par des pauvres est-elle « un conte de fées néolibéral », comme le prétendent les détracteurs de la microfinance ?

Le problème est qu’il n’y a pas de ligne de démarcation claire entre le microcrédit tourné vers l’économie sociale et le microcrédit commercial. Il existe aujourd’hui des établissements qui se réclament de l’esprit de la Grameen Bank, mais qui, en réalité, en utilisent le concept pour faire des profits.

Vous n’avez pas été épargné par les critiques de la classe politique bangladaise. Certains ont même réclamé votre démission. Êtes-vous toujours à la tête de la Grameen Bank ?

Non, j’ai quitté sa direction. Par ailleurs, la commission mise en place par le gouvernement a disculpé la Grameen Bank de l’accusation de malversations portée contre elle. Cette dernière a, dans le passé, survécu à bien d’autres épreuves. Et puis sa survie n’est pas liée à ma présence à sa tête. Elle dépend de ses utilisateurs, qui en sont aussi les principaux actionnaires. ● Propos recueillis par TIRTHANKAR CHANDA JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

URBANISATION Chantier pharaonique

59

BTP Tout est sous contrôle HYDROCARBURES Le pétrole c’est bien, le gaz c’est mieux PORTRAITS Bâtisseurs d’avenir

GUINÉE ÉQUATORIALE

Sur le devant de la scène

RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

Engagé dans un vaste plan de développement des infrastructures, le petit État pétrolier se prépare à accueillir le sommet de l’Union africaine, fin juin, et la Coupe d’Afrique des nations, en janvier 2012.

JEUNE AFRIQUE

N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


M. Melchor Esono Edjo Président Directeur Général

● Transport Maritime ● Service Portuaire ● BTP ● Tourisme & Hôtelerie ● Presse & Communication ● Agro-industrie & Distribution Banapa, Edificio GVI - Apdo : 540 Malabo

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Le Plus de Jeune Afrique

LE PLUS

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de Jeune Afrique

GUINÉE ÉQUATORIALE

Sur le devant de la scène

Prélude

Tshitenge Lubabu M.K.

Petit pays deviendra grand

L

E PÉTROLE ESTIL UNE MALÉDIC TION ? On le dit souvent lorsqu’on se rend compte à quel point, malgré cette manne, certains pays n’arrivent ni à décoller ni à se doter des infrastructures dont les populations ont besoin. Mais depuis une dizaine d’années, pour la Guinée équatoriale, pays hier démuni devenu le troisième producteur de brut en Afrique subsaharienne, le pétrole est une opportunité sans précédent. Sous la houlette de TeodoroObiangNguema,aupouvoirdepuis 1979, l’État investit massivement dans les infrastructures. Et profite de sa nouvelle prospérité pour gagner en importance sur les plans politique et diplomatique. En 2010, un Équato-Guinéen, Lucas Abaga Nchama, est devenu gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). En 2011, Obiang Nguema a été élu président de l’Union africaine (UA) pour un an. Et le pays accueillera le 17e sommet de l’organisation, les 30 juin et 1er juillet.

du temps pour y arriver. En attendant, ils ont les moyens de faire appel à l’expertise des autres. Pourtant, le bilan n’est pas sans nuance. Auclassementsurledéveloppementhumain établi en 2010 par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le pays pointe toujours au 117e rang (sur 169). Une position honorable à l’échelle de la sous-région – il est le deuxième État de la Cemac derrière le Gabon, 93e –, mais qui ne progresse guère : en 2005, la Guinée équatoriale était 121e sur 177 pays évalués par le Pnud. De son côté, la Fondation Mo Ibrahim la classe 46e sur 53 dans son Indice 2010 de la gouvernance africaine, qui prend entre autres en compte la prestation de biens et services publics délivrée aux citoyens. De nombreux défis restent donc à relever. La diversification de l’économie n’est pas le moindre. Très dépendant des hydrocarbures (la filière pétrolière pèse près des trois quarts du PIB), le pays doit notamment mettre l’accent sur l’agriculture, un secteur fondamental qui peine à décoller.

Cela ne pourra échapper aux délégations présentes à Malabo : la Guinée équatoriale a désormais un nouveau visage, dessiné Routes, hôpitaux, logements… par de nombreux chantiers Les progrès sont rapides par rapport – qui se poursuivent. Routes dignes de ce nom, hôpitaux à ceux du reste de la Cemac. et centres de santé, logeL’assainissement de la gestion des finanments sociaux, infrastructures hôtelières, capacités portuaires améliorées… Les proces publiques est un autre impératif, comme grès sont rapides, par rapport à d’autres l’a rappelé récemment le Fonds monétaire pays membres de la Communauté éconointernational (FMI), estimant le déficit budmique et monétaire de l’Afrique centrale gétaire entre 4 % et 8 % du produit intérieur brut. Une situation due à la dernière crise (Cemac). financière internationale et à une baisse de la production pétrolière. Les Équato-Guinéens font-ils mieux Dans dix ans, les autorités devront dire que les autres ? Le moins que l’on puisse si leurs objectifs, définis par la stratégie dire est qu’ils ont le sens des affaires. Horizon 2020, ont été atteints. Pour le Adeptes du « gagnant-gagnant », ils sont ouverts à tous ceux qui viennent les accommoment, la Guinée équatoriale est sur le pagner dans leur course à la modernisation. devant de la scène avec la tenue à Malabo Conscients de leurs carences, notamment du sommet de l’UA et l’organisation, l’année prochaine, de la Coupe d’Afrique des en matière d’éducation, ils ont compris nations de football avec le Gabon. Reste à la nécessité d’avoir une main-d’œuvre et transformer l’essai. ● des cadres bien formés, même s’il faudra JEUNE AFRIQUE

N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

DIPLOMATIE Malabo en quête de reconnaissance ÉVÉNEMENTS Sipopo superstar CONFIDENCES DE Ruslan Obiang Nsue

HÔTELLERIE La guerre des étoiles

p. 62

p. 68

p. 70

p. 72

URBANISATION Un chantier pharaonique p. 76 BTP Tout est sous contrôle p. 78 HYDROCARBURES Le pétrole c’est bien, le gaz c’est mieux p. 82 ÉLECTRIFICATION De quoi redoubler d’énergie

p. 84

BANQUES Nouveaux établissements, nouveaux services p. 85 TRAFIC MARITIME À bon port

p. 86

PROFIL Guillermina Mekuy Mba Obono

p. 90

FOOTBALL Le Nzalang s’offre un « sorcier blanc » p. 92


62

Le Plus de Jeune Afrique

GUINÉE ÉQUATORIALE

Courtisé pour ses hydrocarbures, critiqué pour sa gouvernance, le pays a su utiliser sa nouvelle richesse pour se moderniser. Et espère profiter de la présidence de l’Union africaine et de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2012 pour acquérir une visibilité internationale. GEORGES DOUGUELI

O

n l’a vainement cherché sur la photo de famille. Président en exercice de l’Union africaine (UA) pour un an, l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo n’a pourtant pas été convié au sommet du G8 tenu fin mai à Deauville (France). L’« oubli » de l’Élysée a probablement épargné au président français Nicolas Sarkozy les critiques qui avaient déjà visé en octobre 2010 le comité exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), au point de le pousser à suspendre le prix Unesco-Obiang Nguema que le chef de l’État équato-guinéen se proposait de sponsoriser. La grand-messe des puissants s’est déroulée sans polémique, les apparences sont sauves, même si chacun sait que l’on nage en pleine hypocrisie. EMBARRASSANT PARTENAIRE. Entre mauvaise

conscience et realpolitik, les Occidentaux ne savent plus sur quel pied danser avec la Guinée équatoriale. Comment assurer les approvisionnements pétroliers auprès d’un partenaire que les opinions publiques aiment tant critiquer ? La longévité au pouvoir (trente et un ans) de son président est stigmatisée, son score de 95 % à la présidentielle de novembre 2009 n’est guère apprécié par les ONG, à l’instar de Human Rights Watch. L’organisation ne cesse de dénoncer des violations des droits de l’homme, les entraves à la liberté d’expression notamment, tandis que Transparency International, qui place le pays au 168e rang (sur 178) dans son dernier classement, met en évidence le niveau élevé de la corruption… La redistribution de la richesse nationale lui vaut également des reproches, au regard de l’indice du développement humain du Programme des Nations unies pour le développement : la Guinée équatoriale occupe la 117e place du classement 2010, qui compte 169 États. Ce tableau revient invariablement dans les colonnes de la presse internationale, sans parvenir à enrayer l’attraction que la Guinée équatoriale exerce évidemment sur les compagnies pétrolières, qui se N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Malabo

de reconnais Le pays en bref

Population

676 300 habitants

Superficie

28 050 km2, divisés entre un territoire continental, le Rio Muni (26 017 km2), et des îles (la principale est Bioko, 2 017 km2)

PIB

14,5 milliards de dollars en 2010

PIB par habitant

11 081 dollars en 2010, le plus élevé d’Afrique subsaharienne

Croissance 0,9 % en 2010

57,7 % du PIB provient de la production de pétrole et 15,7 % de sa transformation (chiffres 2009)

IDH

117e sur 169 États évalués SOURCES : FMI, BANQUE MONDIALE, PNUD

disputent les permis d’exploration dans ses eaux territoriales depuis le début de l’ère pétrolière en 1992. Plus de 3000 employés américains du secteur y vivent. La France était en 2010 le troisième fournisseur et le sixième client de la Guinée équatoriale, pour des montants respectifs de 234 et 367 millions de dollars (162,7 et 255 millions d’euros). Les agrégats du paysaffolent les observateurs. Selon le Fonds monétaire international (FMI), son produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 5 272 % entre 1992 et 2008 : la plus forte croissance économique au monde. Et, bien qu’elle soit repartie à la hausse en 2009, sa dette ne représentait toujours que 5,1 % du PIB selon les estimations du FMI. JEUNE AFRIQUE


Sur le devant de la scène les projets sont souvent restés dans les cartons. En dix ans, la Guinée équatoriale les a réalisés. Des lois restrictives ne semblent pas pouvoir stopper l’afflux d’immigrés irrésistiblement attirés par la prospérité. Camerounais, Nigérians, Sénégalais, Libanais, Chinois occupent, dans le commerce et les services, des emplois non pourvus faute de main-d’œuvre qualifiée parmi les quelque 676 000 Équato-Guinéens. Il faut dire que jusqu’à l’indépendance, proclamée en 1968, la colonisation espagnole n’a pas fait de l’éducation une priorité. Le régime autoritaire instauré par la suite par le « père de l’indépendance », Macias Nguema, non plus. Une vingtaine d’années de production pétrolière ne peuvent à elles seules juguler tant de déficits…

en quête sance

VERS DES RÉFORMES ? Pour accompagner ce

développement économique phénoménal, le pouvoir s’est engagé à améliorer la gouvernance. En dépit du boycott d’une partie de l’opposition, Obiang Nguema a lancé début mai un calendrier de réformes politiques devant aboutir à un référendum en fin d’année. La commission chargée de la réforme de la Constitution a annoncé le 26 mai qu’elle allait proposer de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, d’une durée de

PANAPRESS/MAXPPP

La lutte contre la corruption semble s’intensifier. Le début de la fin de l’impunité ?

Prévue en janvier 2012, la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) offrira une formidable exposition à ce petit pays en quête de considération. « Le plus important pour nous, c’est qu’à l’occasion de cette CAN l’Afrique et le monde entier connaissent mieux la Guinée équatoriale, espère Ruslan Obiang Nsue, secrétaire d’État aux Sports. Cette visibilité au niveau international nous donnera l’opportunité de promouvoir le tourisme et d’attirer des investisseurs », poursuit-il. Équipements sportifs, infrastructures routières et hôtelières font cruellement défaut en Afrique centrale, où le pétrole coule pourtant depuis les années 1950 dans certains pays voisins. Au Cameroun, au Gabon et au Congo, JEUNE AFRIQUE

Élu président de l’UA pour un an, TEODORO OBIANG NGUEMA S’INSTALLE À LA TRIBUNE AU CÔTÉ DE

JEAN PING, président de la Commission de l’organisation, à Addis-Abeba, le 30 janvier.

cinq ans, et de créer divers organes : un Sénat ou un Conseil économique et social, un Conseil de la République, un Conseil du défenseur du peuple et une Cour des comptes. La lutte contre la corruption, elle, semble s’intensifier, marquant peut-être le début de la fin de l’impunité. Le 28 mai, le procureur général de la Guinée équatoriale a ouvert une procédure pénale pour corruption contre José Olo Obono, ancien président de la Cour suprême, démis de ses fonctions en janvier dernier. « Des agissements de la sorte font qu’on nous critique à l’étranger », avait alors déploré le chef de l’État. Sur le plan diplomatique, enfin, Obiang Nguema, grand voyageur, s’est montré très actif sur la scène continentale. Il s’est fortement impliqué dans la résolution du conflit postélectoral ivoirien. Le 10 décembre dernier, le voilà à Dakar pour l’ouverture de la 3e édition du Festival mondial des arts nègres. À peine revenu d’un sommet Afrique-Inde qu’il a coprésidé – avec le Premier ministre indien Manmohan Singh – à Addis-Abeba, il s’apprête à accueillir, les 30 juin et 1er juillet, le 17e sommet de l’Union africaine à Malabo. Il lui reste cependant un défi de taille, que nombre de ses prédécesseurs et homologues africains n’ont jamais su ou voulu relever : préparer l’avenir et, donc, sa succession. Quel que soit le terme… ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale formation, à Mongomo, afin de travailler dans l’hôtellerie et la restauration (lire encadré p. 72). L’objectif est d’assurer un bon accueil des visiteurs. RÉUNIONS BILATÉRALES. Si le dispositif

mis en œuvre lors de ce sommet sera un acquis indéniable pour gérer la CAN, reste que les deux événements ne sont pas de même nature. Lors de la manifestation sportive, qui se déroulera sur plusieurs sites, l’accent sera mis bien évidemment sur la sécurité et la protection des hautes Ý Avant la CAN, les forces personnalités et des de l’ordre joueurs, mais surtout équatosur la gestion des fouguinéennes les et le maintien de ont DÉJÀ ENCADRÉ l’ordre. On ne redoute LE CHAMPIONNAT D’AFRIQUE FÉMININ, pas spécialement de EN 2008. violences. Les supporteurs équato-guinéens et leurs frères africains, en particulier camerounais et gabonais, qui viendront sûrement nombreux à l’événement, sont plutôt festifs. Néanmoins, les phénomènes de foule – manifestations de joie ou de mécontentement – ne sont jamais à écarter. Des réunions bilatérales avec le COOPÉRATION Gabon et le Cameroun, portant sur la gestion des flux des supporteurs, sont régulièrement tenues. Hôte de deux événements majeurs du continent, le pays peaufine Fidèle à sa politique de diversification, la Guinée équatoriale a noué plusieurs son plan d’organisation. Pour accueillir et protéger au mieux ses partenariats, chacun répondant à une ou visiteurs, il s’appuie sur ses partenaires internationaux. à des missions spécifiques. De tous les pays sollicités, le plus fortement impliqué rotéger les visiteurs étrangers et accueillir les personnalités présentes est l’Afrique du Sud. Pour avoir abrité et leur garantir un maximum de organisé les mêmes événements – un (lire pp. 68-69), l’aéroport de Malabo et sécurité, telle est l’obsession des la présidence. Les forces de sécurité y sans-faute à chaque fois –, la nation Arc-en-Ciel a acquis une grande expéautorités équato-guinéennes, seront déployées ; un contrôle et un tri qui accueilleront, fin juin, le 17e somdes visiteurs seront opérés. Le dispositif rience en matière de sécurité. Les Sudmet de l’Union africaine (UA) et, en Africains interviennent au niveau de prévoit également l’utilisation de scanners pour les bagages et les véhicules, de l’organisation générale. Ils mènent égajanvier 2012, la 28e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). lement des actions de formation, comme la France Un défi auquel elles se préparent « Les Équato-Guinéens sont depuis plusieurs mois. Mobilisation et et le Maroc, sollicités pour prêts, et ils seront à la hauteur », formation des forces de sécurité du pays préparer les forces de sécu– garde présidentielle, armée, gendarmerité. La Chine, Israël et des assure un militaire étranger. rie et police –, recrutement de quelque pays d’Europe de l’Est ont, pour leur part, fourni principalement 5 000 policiers et gendarmes, acquisition matériel de détection d’explosifs ainsi que de matériel et d’équipements appropriés, de portiques pour le personnel, aussi bien des équipements. Le dispositif prévoit en outre l’envoi de forces étrangères, mise en place d’un plan d’organisation, à l’aéroport qu’à la présidence, à l’hôtel notamment sud-africaines, angolaises telles sont les actions entreprises, avec le Sofitel Malabo Sipopo Le Golf, au centre concours de partenaires extérieurs. de conférences ou à la clinique de Sipopo, et françaises, pour venir en renfort des Pour le sommet de l’UA, il s’agit prinle Centro médico La Paz. Les compagnies moyens nationaux. Pas de crainte à avoir, cipalement d’assurer la protection de aériennes renforceront également leur donc ? « Les Équato-Guinéens sont prêts, chefs d’État et de hautes autorités. Trois surveillance. En outre, un grand effort a et ils seront à la hauteur », assure un sites seront particulièrement surveillés : été fourni dans le domaine du protocole. militaire étranger. ● Sipopo, le nouveau quartier bâti pour Ce mois-ci, 400 jeunes suivent ainsi une MURIEL DEVEY, envoyée spéciale VINCENT FOURNIER/J.A.

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Objectif sécurité

P

N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


Construimos el futuro, para una Guinea Mejor. Nous construisons le futur pour une meilleure GuinĂŠe.

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ARAB CONTRACTORS Présent depuis 2003 en Guinée Équatoriale, Arab Contractors a accompagné le pays dans son développement économique et sociale au travers de ses nombreux projets tels que : Siège administratif de Arab Contrators Malabo II.

Salle des arrivées de l’aéroport de Malabo.

Extérieur de l’aéroport de Malabo. Monsieur le président de la République Téodoro Obiang Nguéma et le P.D.G de Arab Contractors Monsieur Ibrahim Mahlab.

Pont de Sipopo.

PUBLI-INFORMATIONS

Autoroute de l’aéroport.

Salle de cérémonie Sipopo.


LTD GUINÉE ÉQUATORIALE

Réhabilitation du siège de la RTV.

Route de Pico.

Station d’épuration des eaux usées.

Autoroute de la Paz.

DIFCOM C.C. / Photos Arab Contrators

Passage Maritime.

Camp militaire central de Bata.

Complexe de logements sociaux de Buena Esperanza.

ARAB CONTRACTORS

Malabo II - B.P. 588 MALABO- GUINÉE ÉQUATORIALE Tél. : +240 333 09 86 89


Le Plus de J.A. Guinée équatoriale

RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

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LE CENTRE DE CONFÉRENCES flambant neuf est prêt à abriter les délégations. ÉVÉNEMENTS

Sipopo superstar

Pour accueillir les participants au 17e sommet de l’Union africaine, fin juin, une petite ville est sortie de terre. Réunions, assemblées et détente, tout a été prévu.

L

es 30 juin et 1er juillet, tous les projecteurs seront braqués sur Sipopo, un quartier construit de toutes pièces à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Malabo. Et pour cause. C’est ici que se tiendra le 17e sommet de l’Union africaine (UA) et que seront logés les chefs d’État et de gouvernement ainsi que les hautes personnalités qui participeront à l’événement. Engagée il y a moins de deux ans, la construction de ce site paradisiaque, situé entre mer et forêt, a mobilisé plusieurs grandes sociétés de BTP. Chaque espace aménagé a une vocation propre. C’est dans le centre de conférences, un vaste bâtiment doté d’équipements modernes construit par la China State Construction Engineering Corporation et la société turque Onnur Summa, que les travaux se dérouleront. Et pour loger les chefs d’État N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

et de gouvernement, 52 villas présidentielles ont été construites par Seguibat, filiale locale du holding libanais Hejeij Group. LE TOUT PREMIER GOLF. Quant aux

Entre deux réunions et avant ou après le travail, tout a été prévu pour la détente. Outre le spa, le centre de fitness et la piscine du Sofitel – avec vue sur la mer –, les amateurs de sport et de farniente auront l’embarras du choix : jogging sur le paseo maritime long de quelque 4 km (une réalisation de l’égyptien Arab Contractors) ; baignade en mer et sieste sur la plage de sable fin de l’hôtel (aménagée par le marocain Somagec) ; promenades sur Horacio, l’îlot verdoyant situé à deux pas de l’établissement et accessible par une petite passerelle (Somagec également). Au passage, les visiteurs pourront admirer les œuvres en pierre de basalte du sculpteur

délégations et aux invités de marque, ils séjourneront à l’hôtel Sofitel Malabo Sipopo Le Une enclave interdite au commun Golf, érigé par le français des mortels ? Seulement lors des Bouygues. Aujourd’hui conférences mondiales, promet-on. fleuron du parc hôtelier équato-guinéen, cet hôtel béninois Charly C’Djkou. Cerise sur le cinq étoiles, géré par le groupe Accor, gâteau,leSofitel,commesonnomcomplet est doté de 200 chambres « avec vue » – l’indique, dispose d’un golf de 18 trous, le donnant sur la mer ou sur le golf, c’est tout premier de la Guinée équatoriale. selon –, dont 10 suites. Il propose en En plus de l’hôtel, trois restaurants, outre plusieurs restaurants et bars, dont un club-house, divers salons et un centre dont un en forme de dôme, ont été d’affaires. Wifi haut débit assuré partout, implantés sur le site. La diversité gasy compris dans les chambres bien sûr. tronomique est donc assurée, tout comme JEUNE AFRIQUE


Sur le devant de la scène l’alimentation… en énergie. Une centrale électrique d’appui, dotée de onze générateurs et d’une capacité de 16 mégawatts, garantira la continuité du courant au cas où l’électricité de la ville ferait défaut. Sur le plan médical, pas de crainte à avoir non plus. À l’entrée de Sipopo, une clinique, le Centro médico La Paz, construite par l’israélien International Medical Services, est là pour accueillir les éventuels malades ou accidentés. Bien évidemment, vu de l’extérieur, Sipopo peut faire penser à une enclave dorée, destinée à des hommes d’affaires cossus et à des visiteurs de marque. Et donc inaccessible au commun des mortels. Néanmoins, il n’a rien d’un site fermé sur lui-même. En moins de quinze

minutes, on peut joindre la capitale par une autoroute flambant neuve, construite par Arab Contractors. En outre, en dehors des grandes rencontres comme le sommet de l’UA, où les visiteurs seront triés sur le volet – sécurité d’État oblige –, il sera ouvert à tous. MISE À NIVEAU DU PERSONNEL. Reste

que les équipements et le site de Sipopo – ainsi que son hôtel – en font d’abord un lieu idéal pour le tourisme d’affaires, de congrès et même de loisirs. À court terme d’ailleurs, une fois le sommet de l’UA clos, celle qu’on a surnommée la « ville de l’Union africaine » ne restera pas vide. Outre la Coupe d’Afrique des nations de football, coorganisée par la Guinée

Revue de détail avant la CAN En janvier 2012, le pays partagera avec le Gabon l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football. Le point sur les préparatifs.

équatoriale et le Gabon et qui se tiendra en janvier 2012, Sipopo abritera un congrès de journalistes et une rencontre mondiale de ministres du Tourisme. Si le nouveau centre international n’a rien laissé au hasard côté équipements et infrastructures, il lui reste à prouver ses capacités d’organisation. Pour ce faire, quelque 400 jeunes ont été formés à Mongomo (lire encadré p. 72) en matière d’accueil et d’information des participants. Une première dans le pays. Sans compter les formations organisées par le Sofitel pour mettre à niveau son personnel. La tenue du sommet de l’UA aura valeur de test. Si l’opération est réussie, Sipopo aura gagné ses titres de noblesse. ● MURIEL DEVEY L’entreprise réalise enfin l’extension des parkings pour avions de l’aéroport Santa Isabel de Malabo, soit 90 000 m2 de dalles en béton supplémentaires. SOUS LE SIGNE DE L’ÉCOLOGIE. En

LES MATCHS OFFICIELS SE JOUERONT À …

D

Malabo

Bata

15 200 places

(stade Enkoantoma) 35 000 places

Prêt

Livraison en novembre

ans six mois, rebelote. Après le sommet de l’Union africaine, place à la Coupe d’Afrique des nations (CAN), coorganisée par la Guinée équatoriale et le Gabon. Quelque 1,5 million de visiteurs sont attendus en janvier 2012, et les préparatifs vont bon train. Côtéinfrastructuressportives,leschantiers sont presque achevés. Le stade de Malabo, d’une capacité de 15 200 places et où se déroulera une partie des compétitions, est fin prêt. Les stades de Mongomo et d’Ebebiyin (10 000 spectateurs chacun), et celui de Luba, sur l’île de Bioko, tous

destinés à l’entraînement ou aux matchs amicaux, sont eux aussi bouclés. Il reste à finaliser l’extension du stade Enkoantoma, à Bata, qui accueillera le match d’ouverture, pour faire passer sa capacité d’accueil de 22000 à 35000 places. Des travaux confiés au français Bouygues. « Le stade sera livré au plus tard en novembre », informe Jean-François Fichter, directeur de Bouygues en Guinée équatoriale. Le projet inclut aussi un complexe sportif intégré au stade, qui comptera une salle multisport, un hôtel pour héberger les joueurs et une piscine olympique.

matière sanitaire, « en plus des centres médicaux La Paz de Sipopo et de Bata, nous disposons de petits centres de santé, et il y aura des unités de soins mobiles », assure Ruslan Obiang Nsue, secrétaire d’État aux Sports, qui préside le Comité d’organisation de la CAN 2012 pour la Guinée équatoriale (lire p. 70). Enfin, en termes d’hébergement, d’importants efforts ont été faits, tant du côté public que privé, pour rénover les hôtels existants et en construire de nouveaux sur tout le territoire (lire p. 72). Néanmoins, si la capacité hôtelière de Malabo peut faire face à la demande, des incertitudes pèsent sur Bata, encore sous-équipée. Outre l’élection d’une Miss CAN et un défilé de mode, cette 28e édition, placée sous le signe de l’écologie – comme l’indique sa mascotte, Gagui, un gorille vêtu d’une tenue de footballeur –, fera la part belleauxmanifestationsculturelles,autour du thème de l’environnement. Inutile de préciser que les gadgets à l’effigie de la mascotte ne manqueront pas. ● M.D.

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale CONFIDENCES DE | Ruslan Obiang Nsue

« Nous serons prêts pour la CAN » Ð La Coupe d’Afrique des nations 2012 aura lieu du 21 janvier au 12 février à Bata, Malabo, et au Gabon Ð Le pays veut, plus largement, promouvoir la pratique sportive chez les jeunes

À

SEPT MOIS de la 28e Coupe d’Afrique des nations (CAN), coorganisée avec le Gabon du 21 janvier au 12 février 2012, le fils du président équato-guinéen, qui préside également le Comité d’organisation de la CAN (Cocan) pour la Guinée équatoriale, revient sur les préparatifs de l’événement. Et sur les nouvelles aspirations sportives du pays.

JEUNE AFRIQUE : Vous avez créé une Fondation pour le sport en Guinée équatoriale. Pouvez-vous nous en dire plus ? RUSLAN OBIANG NSUE : Cette fondation, qui est à but non lucratif, a été créée en février dernier pour promouvoir le sport et la culture parmi les jeunes Équato-Guinéens. Cette promotion se fera par l’octroi de bourses à de jeunes sportifs, la création de campus sportifs et l’organisation d’activités culturelles de toutes sortes au niveau local. Notre première action est l’organisation d’un marathon, en juin. Le budget prévisionnel de la fondation a été fixé à 500 000 euros, un montant que nous pourrons augmenter

MURIEL DEVEY POUR J.A.

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LE SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUX SPORTS préside également le Comité d’organisation de la CAN pour son pays.

domaine sportif, et son secrétaire d’État aux Sports, Jaime Lissavetzky, nous a particulièrement aidés pour faire la promotion du sport. La région de Murcie a aussi joué un grand rôle dans la préparation de notre équipe nationale de football, et nous avons par ailleurs un accord avec le Conseil supérieur des sports du royaume d’Espagne pour la formation de nos joueurs.

pour cette discipline vient du fait que l’un de ses champions, Alejandro Asumu Osa, qui s’entraîne en Espagne, a la double nationalité espagnole et équato-guinéenne. Son palmarès est impressionnant. Il a été sept fois champion d’Espagne dans la catégorie des moins de 71 kg et a remporté le titre de champion d’Afrique des nations dans sa catégorie, à Libreville, en mars dernier.

Le Français Henri Michel est le nouvel entraîneur de l’équipe nationale de football. Dans quelles autres disciplines la France peut-elle vous appuyer ? Nous souhaiterions que la France nous assiste dans les disciplines du judo et de l’athlétisme. Nous recherchons des coachs pour entraîner nos joueurs.

Dans sept mois se tiendra la 28e édition de la CAN. Êtes-vous prêts ? Nous serons prêts à temps. Du côté des infrastructures sportives et sanitaires et de la sécurité, il n’y a pas de problème. Il y a toutefois des incertitudes du côté de la capacité d’hébergement, notamment à Bata. Pour faire face à un éventuel déficit de chambres, nous avons entamé des négociations avec une entreprise pour la construction de quatre hôtels démontables (deux de trois étoiles et deux de quatre). Cela permettra de disposer de 250 chambres supplémentaires. Il reste aussi l’option de louer un bateau de croisière. ●

Nous recherchons des coachs pour entraîner nos judokas et nos athlètes. par la suite. Pour la financer, nous comptons sur des sponsors, en particulier des entreprises établies en Guinée équatoriale auxquelles l’État accordera des facilités fiscales en contrepartie de leur appui financier. Pourquoi avoir choisi l’Espagne pour présenter votre fondation, en mars? L’Espagne était le meilleur endroit, en raison des liens historiques que nous avons avec ce pays et parce que plusieurs de nos athlètes de haut niveau évoluent là-bas. L’Espagne nous accorde beaucoup de facilités dans le N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Quels sont les sports les plus pratiqués en Guinée équatoriale ? Outre le football, qui est le plus populaire ici, les disciplines sportives que pratiquent les jeunes sont le basket, l’athlétisme, la boxe et, de plus en plus, le kickboxing. L’engouement

Propos recueillis à Malabo par MURIEL DEVEY JEUNE AFRIQUE


Bâtir aujourd'hui la richesse de demain

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale Ý LE GROUPE FRANÇAIS SOFITEL construit son deuxième hôtel à Malabo, dans le nouveau quartier de Sipopo.

de promotion de la destination seront lancées aux États-Unis. » Une petite révolution dans le pays, où le tourisme d’affaires et, de plus en plus, de congrès domine. OFFRE ENCORE INSUFFISANTE. À

Bata, qui ne compte qu’une poignée d’hôtels, dont le Plaza, en centre-ville, le Panafrica et le Carmen, en bord de mer, plus quelques établissements ici et là, l’offre reste insuffisante. Maintes fois annoncée, la construction du Hilton n’a pas encore démarré. Avant la fin de l’année, la situation devrait s’arranger avec l’ouverture de l’Ibis. Et, en 2012-2013, celle du Media Luna, un cinq étoiles. HÔTELLERIE Mais si la concurrence accrue laisse, là aussi, espérer une baisse des prix, ceux-ci pourraient rester tendus. Les grands Les établissements se multiplient ces dernières années, chantiers en cours de réalisation dans la partie continentale du pays font en effet surtout sur le segment haut de gamme, ciblant une clientèle augmenter la demande. Reste à espérer d’affaires. Au risque de saturer le marché ? qu’un effort sera fait sur la qualité des prestations. n l’espace de cinq ans, les hôtels a pris les devants. « Nous misons sur Les autres villes ne sont pas restées à ont poussé comme des champitrois types de clients, explique Sylvain l’écart du mouvement. Mongomo, dans gnons. Bien évidemment, c’est Chauvet, le directeur. La clientèle busile Rio Muni, a son cinq étoiles, et Luba, dans la capitale que le parc s’est ness long séjour, à qui nous offrirons des le port de logistique pétrolière de l’île de le plus étoffé. Des cinq étoiles (Hilton, Bioko, deux bons établisseSofitel Malabo President Palace et Sofitel ments. Mbini dispose de Les grands chantiers en cours Malabo Sipopo Le Golf ) aux trois et plusieurs hôtels dont ceux dans la partie continentale du quatre étoiles (Bahia 2, 3-de-Agosto, du groupe Sateba (lire p. 80) et l’Inmaculada de GVI, qui Tropicana et Ibis à Malabo II), en paspays stimulent l’activité à Bata. en a aussi implanté un à sant par les hôtels de standing moyen (Paraíso, El Castillo, Brenda, Banapa tarifs préférentiels d’environ 200 euros la Ebebiyin. La ville de Cogo, sur l’estuaire Club) et tous les autres, Malabo compte nuitée ; les expatriés, avec des packages du fleuve Muni, et les îles de Corisco et aujourd’hui une gamme diversifiée d’étapour le week-end ; et la clientèle golfique Annobón tablent, elles, sur une clientèle blissements, auxquels s’ajouteront, l’an américaine. En 2012, des campagnes de villégiature. ● MURIEL DEVEY prochain, le Bahia et l’Ureca, en cours de réhabilitation. RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

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La guerre des étoiles

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FORMATION ACCÉLÉRÉE

DES PRIX SALÉS. « À terme, il y aura plus de 1 000 chambres à Malabo », informe Serafin Romay Perez, le gérant du Bahia 2. De quoi faire baisser les prix, plutôt salés ? Évidemment, assurent les hôteliers. Les trois et quatre étoiles, pleins à craquer actuellement, se préparent à la concurrence, même si la demande devrait rester forte en raison des bonnes perspectives pétrolières et gazières. Les hôtels de grand standing, où, en dehors d’événements particuliers, le taux d’occupation reste faible, risquent, eux, de souffrir. Le Sofitel Malabo Sipopo Le Golf N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

LES CAPACITÉS D’HÉBERGEMENT se développent, mais la Guinée équatoriale manque de personnel hôtelier qualifié. Dans la perspective du sommet de l’Union africaine, tout le monde a mis les bouchées doubles. Ainsi le Sofitel Malabo Sipopo Le Golf et le Hilton ont fait appel à des étrangers pour former leurs 200 employés respectifs. C’est à Mongomo, où une école hôtelière a été inaugurée en mai dernier, que le gouvernement a, de son côté, organisé une formation pour quelque 400 jeunes, recrutés en particulier pour le site de Sipopo (qui accueillera les délégations officielles, lire pp. 68-69). Au sortir de ce cursus de quarante-cinq jours, encadré par deux experts portugais – João Nogueira, administrateur de l’entreprise Formibérica, et Vasco Lima, directeur d’une importante chaîne d’hôtels –, les jeunes recrues devraient maîtriser l’art de recevoir et d’accueillir clients et hôtes de marque, de cuisiner ou de servir à table, d’entretenir une chambre ou de surveiller un lieu. ● M.D. JEUNE AFRIQUE


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Rio Campo

Le plus de J.A. Guinée équatoriale

Yenge URBANISATION

Un chantier pharaonique

Océan Atlantique

Administrations, université, industries : la future ville d’Oyala devrait attirer 65 000 habitants au cœur du Rio Muni. Sur le terrain, les travaux de cette métropole ont commencé. est au cœur du Rio Muni, la partie continentale du pays, de part et d’autre du fleuve Wele, en pleine forêt, que la Brasilia équato-guinéenne sera érigée. Prévue pour abriter quelque 65 000 habitants, la future cité administrative, universitaire, industrielle et touristique s’étalera sur 32 000 ha, autour du fleuve et sur les buttes environnantes. Autant dire que ce projet titanesque est un véritable défi pour les autorités et pour les sociétés chargées de sa réalisation. Sa conception a été longuement mûrie. Rien n’a été laissé au hasard. Le plan directeur et les études du schéma d’aménagement de la ville, depuis la localisation des voiries et des réseaux jusqu’au raccordement des parcelles en passant par les conceptions architecturales, ont été réalisés par la société française Egis Route. Pas question de tout bétonner. « Il y aura beaucoup d’espaces verts, notamment quatre coulées vertes, où la forêt originelle sera maintenue intacte. Certaines zones forestières seront aménagées en terres de culture. C’est une volonté du président Obiang Nguema, qui tient à respecter l’environnement sur ce site », explique Éric Le Maguet, responsable de l’agence

accueillera les espaces d’habitation, un parc technologique et une zone industrielle. C’est dans une des boucles du fleuve, au sud-est de la future cité, que sera établi un complexe international, sorte de Sipopo bis (lire pp. 68-69). Sur le terrain, les travaux ont déjà débuté. Deux grandes artères, que construit la société française SogeaSatom, se croiseront sur la place de l’Indépendance. L’avenue de la Justice traversera la ville d’est en ouest, depuis la place de la Défense, à l’est, jusqu’à la future présidence. L’avenue de la Paix, elle, partira de l’Assemblée nationale au nord, pour aboutir, au sud, à l’entrée de l’autoroute qui mène à Evinayong. Pour traverser le fleuve, pas moins de sept ponts à haubans seront construits, dont deux par le français Bouygues, deux par le belge Besix et un par l’entreprise locale General Work. Les marchés des deux autres n’ont pas encore été attribués. MÉDECINE, MANAGEMENT… Tout

comme Sipopo, le complexe international d’Oyala, dont la réalisation, confiée à la société italienne Piccini, est en cours, comptera cinquante-deux villas présidentielles, un hôtel cinq étoiles doté d’un golf et un centre de conférences. L’entreprise Unicon Guinea, « Il y aura quatre coulées vertes, pour sa part, a en charge le où la forêt originelle sera projet de campus universimaintenue intacte. » taire, qui pourra accueillir ÉRIC LE MAGUET, responsable de l’agence d’Egis Route 10 000 étudiants. Il abritera une université, dotée de locale de l’entreprise française. Du coup, quatorze facultés (médecine, agriculture, outre des ingénieurs, des urbanistes et ingénierie, architecture, management, construction, parapétrolier…), ainsi que des architectes, la conception d’Oyala a mobilisé des environnementalistes et des les résidences pour les enseignants et paysagistes. Excepté les édifices structules étudiants. rants, l’essentiel du bâti sera constitué de Outre la construction des bâtiments, le petits immeubles et de villas. concept d’Unicon inclut une dimension pédagogique. Des accords seront ainsi BOUCLES DU FLEUVE. Les quartiers situés signés « avec des universités étrangères, au nord du fleuve Wele, qui traverse la ville notamment aux États-Unis, en Europe et en formant plusieurs méandres, abriteront en Amérique latine, dont les enseignants les administrations et autres bâtiments viendront dispenser des cours et former publics, les logements des fonctionnaires des professeurs en Guinée équatoriale et le campus universitaire. La partie sud et où des étudiants d’Oyala pourront N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Bolondo Mbini

Fle

C

Machinda

BATA

Massif de Monte Mitra

Bitika

SOURCE : SOGEA-SATOM

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Akalayong

Cogo

La voirie du Rio Muni entièrement terminer leurs études », informe Serge Pereira, le directeur général d’Unicon. Déjà dix-sept accords ont été conclus, qui devront être validés par les autorités équato-guinéennes. L’université accueillera des étudiants boursiers de la sous-région. « Nous négocions avec des universités du Cameroun, du Congo-Brazzaville et du Gabon », indique Serge Pereira. N’entrera pas à l’université d’Oyala qui veut. Les étudiants devront d’abord passer par une école préparatoire, qui sélectionnera les meilleurs d’entre eux. La construction d’Oyala prendra plusieurs années. Mais à l’horizon 2020, les administrations devraient être achevées. Autant dire que ce projet est très consommateur de matériel et matériaux de toutes sortes, en majorité importés. Une partie des matériaux de construction est toutefois fournie par Somagec, qui a installé une usine de fabrication de tôles ondulées, de blocs préfabriqués, de poutrelles et de tuyaux à Bata, et qui dispose d’une unité de concassage à Oyala. La création d’une cimenterie à Akalayong, près de Cogo, dans le sud du pays, est également envisagée. Un plus pour les chantiers à venir. ● MURIEL DEVEY JEUNE AFRIQUE


Routes terminées Routes en travaux Autoroutes en construction

CAMEROUN

Sur le devant de la scène

Ebebiyin

Mikomeseng Nkue

Ý UN PARI POUR L’INTÉRIEUR DES TERRES :

le nouveau centre urbain d’Oyala sera également un carrefour routier.

Anisok

eu ve We le

Niefang

Bicurga

DÉSENCLAVER

Djibloho

OYALA Evinayong

Mongomo

Nvom

Aconibe Nsork Akurenam

réaménagée

GABON

30 km

Les chemins du développement La mise en place d’un réseau routier se poursuit dans la partie continentale du territoire. Après le Nord et l’Ouest, cap au sud.

A

près l’île de Bioko, c’est dans la partie continentale du pays, le Rio Muni, que la construction de routes et de ponts a été engagée. Des chantiers confiés à plusieurs entreprises de BTP, dont l’iranien Icon e.p.c., le portugais MSF Construction, l’israélien Shahaf Group, l’espagnol Cororasa, la China Road and Bridge Corporation (CRBC), les brésiliens ARG et Andrade Gutierrez, le serbe Ecocsa et les français Sogea-Satom et Bouygues. Trois zones ont d’abord été ciblées : le nord du Rio Muni, sa façade atlantique et l’axe qui forme une frontière, dans l’est, avec le Cameroun et le Gabon. Désormais,

Bata est relié par une route goudronnée à Ayamiken, au nord, et bientôt à Rio Campo, petite ville frontalière avec le Cameroun. Vers le Sud, une route bitumée, qui se sépare en deux tronçons à partir de Makomo, unit Bata à l’estuaire du fleuve Campo. L’un passe par Bolondo, un quartier de Mbini, situé sur la rive droite du Wele, et se poursuit jusqu’à Akalayong. L’autre permet d’atteindre, depuis Makomo, Sendjé, puis Cogo. La jonction Sendjé-Mbini et le pont sur l’embouchure du fleuve Wele sont en cours de construction par Sogea-Satom. Dans le nord du Rio Muni, depuis Bata, onpeutrejoindreEbebiyin,villefrontalière

avec le Cameroun, dans l’extrême nord-est du pays, en passant par Nkué. À partir de cette ville, une voie permet d’accéder, via Anisok, à Mongomo, ville natale du président, qui est également reliée à Ebebiyin, au nord, et à Nsork, au sud. Un tronçon routier qui longe le fleuve Wele, en cours de construction par SogeaSatom, permettra de relier Niefang à Djibloho, puis, de là, à Anisok. Du coup, la ville de Niefang, déjà connectée à Evinayong et dotée depuis peu d’un pont traversant le fleuve Wele, est devenue un carrefour routier important. GRANDS AXES. La Guinée équatoriale se positionnant comme un hub portuaire sous-régional,laconstruction d’autoroutes s’imposait pour acheminer rapidement les marchandises destinées aux pays limitrophes ou provenant de ces pays, qui transiteront par les ports de Malabo et de Bata. Ces voies de communication permettront également de faire parvenir leséquipementsnécessairesauxchantiers, notamment ceux d’Oyala. À cet effet, les travaux de construction de deux autoroutes ont été lancés. L’une reliera Bata à Mongomo. Un chantier confié à Ecocsa, qui a sous-traité le tronçon Bata-Ayak Ntang, au groupement Sogea-Satom/Bouygues. L’autre autoroute, en étoile autour d’Oyala, futur grand carrefour routier, permettra de raccorder Ebebiyin, Anisok, Mogomeyem et Evinayong. Après le nord du Rio Muni, le cap a été mis sur le sud-est de la partie continentale du pays. Objectifs: relier Oyala à ses voisines et celles-ci entre elles. Déjà une route connecte Evinayong et Abenelang, plus au sud. Elle atteindra bientôt Akurenam. Les jonctions Evinayong-Aconibe, AconibeNvom et Aconibe-Akurenam sont en cours de travaux. La prochaine étape portera sur le maillage de la partie ouest et de l’extrême sud du Rio Muni. À terme, le but est d’assurer les connexions CogoEvinyaong,Cogo-AkunerametAkuneramNsork. Ainsi la boucle sera bouclée et le Rio Muni quadrillé de routes. ● M.D.

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RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

Comme tous les autres projets publics, LES TRAVAUX DE CE PONT SUR LE FLEUVE

WELE SONT SOUMIS AUX VÉRIFICATIONS

de bureaux indépendants. BÂTIMENT-TRAVAUX PUBLICS

dans la présentation des offres techniques et financières, avec un descriptif précis des pièces et des matériaux qui Construire, mais pas n’importe comment : une équation complexe seront utilisés (origine, qualité et prix), tandis qu’un système de normalisation, que les autorités tentent de résoudre en confiant le suivi notamment une mercuriale de prix de à des spécialistes étrangers attirés par l’explosion des chantiers. référence, est progressivement mis en place. Le tout conditionnant la qualité travaux consulte les bureaux de contrôle d’exécution des travaux sur le terrain, n Guinée équatoriale, où d’impour s’assurer que tout est conforme. Et ces donc la solidité des ouvrages. Et par la portants chantiers d’infrastructures ont été lancés, on ne badine derniers sont eux-mêmes contrôlés. « Il y suite, la maintenance. pas avec la qualité et les prix. a une réelle démarche de transparence », Pas toujours évident d’appliquer ces Tous les grands projets (Sipopo, Oyala, précise BK Architects. directives sur le terrain. « Il y a parfois des Parmi les bureaux de contrôle présents problèmes avec les pays asiatiques, dont infrastructures destinées à la CAN 2012, danslepays,cinqdominent:BKArchitects, les normes diffèrent de celles des États ports, aéroports, routes, centrales hydroélectriques, système d’assainissement et les français Egis Route et Veritas, le canaoccidentaux, qui sont uniformisées. Les équivalences ne sont pas toujours faciles d’adduction d’eau, etc.), dont le maître dien SNC Lavalin, ainsi que le Bureau à faire », informe Laurent Adja Adiko, d’ouvrage est la Oficina nacional de planational d’études techniques et de dévenificación, evaluación y seguimiento de loppement (BNETD) ivoirien. Ce contrôle responsable de l’agence locale du BNETD proyectos (GE Proyectos, une agence créée (lire son portrait p. 80). en 2002 et rattachée à la présidence), sont Si les marchés étaient « Il y a parfois des soucis avec les supervisés par des bureaux de contrôle, Asiatiques. Leurs normes diffèrent autrefois passés de gré à gré, tant au stade des études que de l’exécution et plus récemment à la suite de celles des Occidentaux. » des travaux. de consultations élargies, la Parcequeleschantierssontnombreuxet tendance est aujourd’hui à LAURENT ADJA ADIKO, responsable de l’agence du BNETD les compétences nationales insuffisantes, l’instauration d’appels d’ofGE Proyectos a fait appel à des entreprises externe n’empêche pas les entreprises de fres. La volonté de développer les études étrangères spécialisées, « qui opèrent sur BTP de mener des vérifications internes. d’impact environnemental et de prendre en compte l’intérêt des populations le terrain en toute indépendance », affirme Ainsi, Somagec GE, qui construit notaml’une d’entre elles, la belgo-congolaise ment des ports dans le pays, a fait appel est également marquée. « Les ÉquatoBK Architects. Et qui, manque d’expertise au Laboratoire public d’essai et d’études Guinéens sont très attachés à l’environnemarocain. locale oblige, échappent en partie aux ment, en particulier à la forêt, et au foncier. quotas imposés dans le recrutement (pas L’indemnisation des communautés exproPRÉCISER LES OFFRES. Après les tâtonpriées par un projet donne parfois lieu à de plus de 30 % de travailleurs étrangers, hors nements du début, l’accent est mis sur la secteur pétrolier). longues transactions », souligne Laurent réorganisation du secteur. Un processus Adja Adiko. Un programme d’identifi« TRANSPARENCE ». Pasquestionpourles qui comporte plusieurs volets. La clascation des compétences nationales, en sociétés de BTP de se dérober au contrôle, sification des différents intervenants, particulier des étudiants équato-guinéens même si parfois certaines d’entre elles d’abord: ils sont nombreux, mais de taille en formation à l’étranger, a par ailleurs rechignent: avant de siéger, la commission et de compétences inégales. Davantage été lancé. Histoire de préparer l’avenir. ● chargée de statuer sur le paiement des de précisions sont également exigées MURIEL DEVEY

Tout est sous contrôle

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JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Guinée équatoriale

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PORTRAITS

Bâtisseurs d’avenir

Ingénieurs ou autodidactes, ils dirigent les poids lourds du secteur de la construction. Une industrie dopée par les investissements massifs dans les infrastructures.

Samuel Ateba Owono PDG du groupe Sateba

D MURIEL DEVEY POUR J.A.

éputé-maire de Mbini, sa ville natale, ce quinquagénaire est d’abord un entrepreneur. Après avoir obtenu, en 1979, son diplôme d’ingénieur en construction civile dans l’exYougoslavie, Samuel Ateba Owono a travaillé au Gabon chez Autoput, une entreprise yougoslave, puis pendant sept ans chez Unicom/Sogea-Satom comme directeur. Rentré en Guinée équatoriale en 1998, il y ouvre une agence de SogeaSatom. En 2006, il décide de voler de ses propres ailes en créant Sateba, un groupe

MURIEL DEVEY POUR J.A.

Laurent Adja Adiko Responsable de l’agence du BNETD

L

es études techniques et le contrôle de travaux n’ont pas de secret pour Laurent Adja Adiko. Hormis un passage au ministère ivoirien de la Constructionentre1991et2001,cetingénieur de travaux publics, né en juin 1950 à Ebrah (Côte d’Ivoire), a fait l’essentiel de sa carrière au Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD) où il est entré en 1980, après ses études à l’École nationale supérieure N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

des travaux publics de Yamoussoukro. À son actif, le contrôle de grands chantiers comme ceux du CHU de Yopougon, du sanctuaire marial d’Abidjan et de la Fondation Houphouët-Boigny, et la coordination des travaux de la basilique de Yamoussoukro. Depuis 2006, il dirige l’agence du BNETD en Guinée équatoriale où l’entreprise a quelques gros marchés, et un département de cartographie et de télédétection. ● M.D.

qui compte quatre activités. Le volet construction est assuré par Technobat, qui a entre autres réalisé des salles de conférences, des mairies, un lycée et une préfecture, à Mbini et Niefang. Le volet hôtellerie-tourisme compte, à Mbini, le complexe El Amanecer ainsi qu’un hôtel de 200 chambres en construction et une discothèque. Une boulangerie industrielle et un petit centre commercial complètent les activités. Le rêve de Samuel Ateba Owono : « Faire de Mbini un centre touristique. » ● M.D. ÉRIC LE MAGUET RESPONSABLE DE L’AGENCE D’EGIS ROUTE Le responsable d’agence d’Egis Route en Guinée équatoriale est un ingénieur de 36 ans qui a déjà de la bouteille. Né à Saint-Dizier, en France, et titulaire d’un DESS en ingénierie de la maîtrise d’œuvre, Éric Le Maguet a exercé pendant une douzaine d’années dans l’Hexagone avant de s’installer en 2007 au Cameroun, où il crée avec des associés un bureau d’étude en architecture et urbanisme à Yaoundé. En janvier 2009, il fait ses premiers pas chez Egis Route sur le projet de réhabilitation des voiries de Douala mené dans le cadre du Contrat de désendettement et de développement de l’Agence française de développement (AFD).Puis direction la Guinée équatoriale, où le bureau d’études et de contrôle intervient sur le site d’Oyala. Sous sa responsabilité aujourd’hui, une équipe de 25 personnes sur place et quelque 100 employés basés en France. « Un poste passionnant », assure-t-il. ● M.D. ROGER PEREIRA PDG DE PAC INTERNATIONAL R ien ne prédestinait cet ex-colonel congolais à devenir entrepreneur. Né en 1946 à Mvouti, dans le Kouilou, Roger Pereira fait une formation militaire supérieure à Moscou avant de rentrer à Brazzaville où il deviendra, entre autres, directeur du protocole des présidents JEUNE AFRIQUE


Sur le devant de la scène

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BECHARA EL-KASSIS DIRECTEUR DE SETRACO EG Avant de rejoindre la Guinée équatoriale il y a deux ans, cet ingénieur, la cinquantaine passée, a travaillé au Liban – où il est né –, en Syrie, en Irak, au Qatar, à Dubaï, à Djibouti, en Algérie, ainsi qu’au Liberia et au Nigeria dans le cadre de Setraco. « Pendant des années, j’ai fait essentiellement de l’ingénierie. Puis je me suis occupé davantage de management. J’ai notamment organisé quatre sociétés au Liban. » À Malabo, où la filiale locale de Setraco conduit deux chantiers dans le quartier Paraiso, Bechara el-Kassis, qui supervise une équipe de 350 employés, a pour mission d’amener l’entreprise à atteindre sa vitesse de croisière. Le plus ? « Un environnement multiculturel, qui oblige à mieux communiquer et une obligation de formation. » Et un peu de temps libre pour lire. ● M.D.

VINCENT FOURNIER/J.A.

Denis Sassou Nguesso puis Pascal Lissouba. En 2001, il s’installe en Guinée équatoriale où il crée, avec des associés libanais, PAC International, une entreprise de bâtiment « axée sur des projets haut de gamme », précise-t-il. La société a conduit plusieurs chantiers à Malabo, Bata et Mongomo, dont la construction de bâtiments ministériels, d’un centre médical, d’une bibliothèque et, dernièrement, d’un restaurant à Sipopo, ainsi que la restauration du séminaire NotreDame du Pilar de Banapa et du Centre culturel espagnol de Malabo. ● M.D.

Jean-Charles Hayoz Directeur administratif et financier de Somagec GE

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l est à la tête de la filiale locale du marocainSomagecdepuis2006.Une lourde responsabilité au regard des grands chantiers, notamment de ports et d’aéroports, dont cette entreprise de génie civil a la charge, et de ses quelque 5000 employés. Mais la tâche ne fait pas peur à Jean-Charles Hayoz, Suisse d’origine, né en 1958 à Casablanca. Dans le passé, il a pas mal bourlingué. Après une formation en hôtellerie à Lausanne, il travaille dans plusieurs établissements,

en Italie, en France, en Suisse et au Maroc. Un bagage aujourd’hui utile à Somagec GE, qui s’est lancé dans la gestion d’hôtels. Mais c’est surtout son expérience de près de dix-sept ans en Angola, où il s’occupait de courtage en produits alimentaires, qui décide Roger Sahyoun, patron de la maison mère, à nommer Jean-Charles Hayoz à Malabo. Un choix opportun. Sous sa houlette, Somagec GE fait partie des entreprises qui comptent. ● M.D.

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale HYDROCARBURES

Le pétrole c’est bien, le gaz c’est mieux Le troisième producteur de brut d’Afrique subsaharienne s’impose aussi dans le secteur gazier. Objectif : devenir un hub régional.

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ans le secteur des hydrocarbures, l’heure est à l’optimisme. La Guinée équatoriale est le troisième producteur de pétrole brut d’Afrique subsaharienne, derrière l’Angola (1,987 million de barils/ jour en 2010) et le Nigeria (1,789 million de b/j). Selon le ministère des Mines, de l’Industrie et de l’Énergie, 310 000 b/j sont extraits de six champs par les majors américaines ExxonMobil, Marathon Oil et Hess en association avec la compagnie nationale GEPetrol, et la production devrait atteindre 400 000 b/j dans les deux ans à venir.

équatoriale s’impose depuis la mise en service en 2007 d’un train de gaz naturel liquéfié (GNL). En hausse, la production de gaz naturel, qui est réalisée par les américains Marathon Oil et ExxonMobil, « est de 1,092 milliard de pieds cubes/jour [30,9 millions de m3/j, NDLR] », informe Marcelino Owono Edu, le ministre des Mines, de l’Industrie et de l’Énergie.

RESSOURCE PRIVILÉGIÉE. Cette progression est une aubaine pour le pays, qui mise de plus en plus sur cette ressource pour produire de l’électricité. Ses besoins vont ainsi être accrus avec la mise en service prochaine de trois turbines supplémentaires à Deux nouveaux champs devraient la centrale de Punta Europa, porter la production de brut à proche de Malabo, dont la capacité augmentera de 400 000 barils/jour d’ici à 2013. 120 MW (lire p. 84). Deux champs, opérés par l’américain Pour la commercialisation, le gaz Noble Energy, seront à l’origine de cette est transformé en méthanol, en gaz hausse, qui permettra de dépasser la prode pétrole liquéfié (GPL) et surtout en duction de 2007 (368528 b/j), la meilleure GNL, le produit phare. La production de des cinq dernières années. Situé dans le méthanol (1 million de tonnes par an) est bloc I au large de l’île de Bioko, le champ réalisée dans le complexe pétrochimique Aseng verra ses premiers barils se remplir de Punta Europa, près de Malabo, par en 2012 (50 000 b/j prévus). Quant au Atlantic Methanol Production Company champ pétrolifère et gazier d’Alen, localisé (AMPCO), un consortium comprenant dans le bloc O et dont le développement Marathon Oil (45 %), Noble Energy (45 %) mobilise un investissement de 1,65 milet la compagnie nationale Sonagas (10 %). liard de dollars (environ 1,15 milliard La liquéfaction du gaz, pour sa part, est d’euros), il sera opérationnel en 2013, assurée à Punta Europa par la Ecuatorial avec une production de 50 000 b/j. Dans l’exploration, une vingtaine de 4,3 milliards sociétés d’origines très diverses (chinoise, de m3 espagnole, russe, nigériane, britannique, de GNL suisse, américaine, etc.) s’activent. Les produits négociations ne sont pas encore entamées en 2009 avec le français Total, déjà présent dans la distribution avec sa filiale GE-Total et qui cherche à se positionner dans l’exploration. Après une phase de baisse, les prévisions de production sont donc optimistes ; de bonnes perspectives rensur un marché forcées par la tendance haussière des mondial cours du baril. de 243 milliards Et l’avenir est également prometteur pour le gaz, une filière où la Guinée SOURCES : MINISTÈRE DES MINES, DE L’INDUSTRIE ET DE L’ÉNEGIE ; BP

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N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Guinea-Licuado Natural Gas (EG-LNG), dont le capital est détenu notamment par Marathon Oil (60 %) et la Sonagas (25 %). L’essentiel du GNL (4,3 milliards de m3 en 2009) est exporté vers le Japon, la Corée du Sud et Taiwan. Le gouvernement équato-guinéen, qui entend faire du pays un hub gazier régional et ainsi accroître et diversifier ses revenus, a encouragé les projets dans ce domaine. Après la signature, en 2008, d’un accord entre le géant russe Gazprom et EG-LNG, un consortium dénommé 3G a été créé en janvier 2009, dont l’actionnariat est désormais réparti entre l’État (15 %), la Sonagas (50 %), ainsi que l’entreprise espagnole Union Fenosa Gas (20 %) et le pétrolier-gazier portugais Galp Energia (15 %), qui ont racheté les parts de l’allemand E.ON Ruhrgas. COLLECTE. Le projet phare est actuelle-

ment l’Integrated Gas Project, qui associera la Sonagas et divers opérateurs, dont le consortium 3G. Les autorités ont annoncé le 25 avril dernier la signature d’une lettre d’intention portant sur le Train II Integrated Project par le JEUNE AFRIQUE


Sur le devant de la scène INDUSTRIE

Bientôt une raffinerie? Une évaluation de la faisabilité du projet, destiné à assurer l’autosuffisance en carburants, a été lancée.

RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

A Chargement au TERMINAL GAZIER DE PUNTA EUROPA, sur l’île de Bioko.

ministère, la Sonagas et les compagnies intervenant sur les blocs O, I et R. L’objectif est de construire un système de collecte du gaz naturel provenant des champs actuellement en exploitation – dont Zafiro et Alba puis Alen en 2013 –, de ceux qui seront découverts ultérieurement et des plateformes pétrolières où le gaz est pour l’heure brûlé. L’ensemble sera acheminé et traité à Punta Europa.

La première étape consiste à mettre en place les structures commerciales et les infrastructures de transport et de stockage du gaz et à identifier les usages auxquels celui-ci sera destiné. « Tout dépendra des priorités et des besoins du gouvernement », informe le ministre. Selon ce dernier, le projet devrait se mettre en place d’ici à 2016. Une bonne nouvelle pour le pays, alors que la demande mondiale de gaz monte en flèche. ● MURIEL DEVEY

DÉFICIT BUDGÉTAIRE : LE FMI SONNE L’ALARME POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, le budget de l’État, alimenté à hauteur de 85 % par les recettes pétrolières et gazières, est en baisse. Et déficitaire – à hauteur de 4 % à 8 % du PIB selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI). En mission à Malabo en février, l’institution a tiré la sonnette d’alarme. Elle a noté une gestion chaotique des dépenses et un manque de coordination entre ministères qui serait à l’origine d’arriérés de paiement touchant les entreprises du BTP. En 2011, le budget, arrêté à 2130 milliards de F CFA (3,25 milliards d’euros), pourrait être dépassé de 20 %, conséquence du règlement d’une partie des arriérés et de la finalisation des chantiers du sommet de l’Union africaine et de la CAN 2012. Pas de menace pour l’avenir, la Guinée équatoriale disposant d’importantes réserves financières à l’étranger. Deux interrogations toutefois: la nature M.D. de ces placements, mal connue, et leur délai de rapatriement. ● JEUNE AFRIQUE

nnoncé en avril 2010, le projet de création d’une raffinerie avance. C’est la société américaine d’ingénierie Kellogg Brown & Root (KBR) qui en a décroché le contrat d’étude de faisabilité. Sa mission inclut aussi l’étude des services de gestion associés au projet et l’élaboration des termes de référence des appels d’offres internationaux pour la construction de la raffinerie, qui seront lancés une fois l’étude terminée.

GASOIL, KÉROSÈNE, JET… La raffinerie sera érigée à Mbini, une petite ville située à l’embouchure du fleuve Wele, dans la partie continentale du pays. Un site choisi pour ses nombreux atouts : sa localisation dans la partie la plus vaste du pays, la présence du fleuve et la proximité des champs pétroliers et gaziers offshore en cours de développement, où la prospection est de plus en plus active. La future usine produira de l’essence, du gasoil, du jet, de l’asphalte et du kérosène, des produits actuellement importés et achetés à GE-Total. D’une capacité de traitement de 20 000 barils/jour, qui pourra être augmentée selon les besoins, cette raffinerie modulable devrait couvrir la consommation nationale en produits raffinés, en forte hausse avec l’essor du parc automobile et du transport aérien, ainsi que les projets de BTP qui se développent à la vitesse grand V dans le Rio Muni. De quoi assurer l’indépendance du pays dans ce domaine. Les surplus pourraient être exportés dans la sousrégion, où les besoins sont également en hausse. ● M.D. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale L’île de Bioko n’est pas oubliée dans ce vaste programme d’électrification qui mise sur le développement des centrales hydroélectriques et à gaz (à l’horizon 2020, la part des centrales au fuel dans la production nationale ne sera plus que de 10 %). Confiés Ý Avec le développement à la China Machinery d’équipements, Engineering notamment Corporation (Cmec), de l’éclairage les travaux d’extension public de la centrale électri(ici à Bata), que à gaz de Punta LES BESOINS Europa (Malabo), AUGMENTENT. d’une capacité de 28 MW, apporteront 120 MW supplémentaires, grâce à trois turbines qui seront mises en service à la fin de cette année.

RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

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HAUTE TENSION. Parallèlement, la Cmec ÉLECTRIFICATION

De quoi redoubler d’énergie Avec la livraison d’importants projets sur le continent et sur l’île de Bioko, les capacités de production seront multipliées par cinq dès l’an prochain.

L

a centrale hydroélectrique de Djibloho, construite sur le fleuve Wele, non loin de la future cité d’Oyala (lire pp. 76-77), par l’entreprise chinoise Sinohydro, doit être livrée avant la fin de l’année. Une réalisation très attendue. D’une capacité de 120 MW (4 turbines de 30 MW chacune), la centrale va en effet « permettre de satisfaire 90 % des besoins en électricité de la région continentale », explique Marcelino Owono Edu, le ministre équato-guinéen des Mines, de l’Industrie et de l’Énergie. Sinohydro assure également l’extension et la modernisation du réseau de transport électrique à haute tension qui va relier les capitales de district et les grandes villes du Rio Muni. Il reste à finaliser la

est en train de construire une ligne à haute tension de 33 KW. La première phase de ce réseau, presque terminée, concerne la partie est de l’île, de Bianey à Riaba, à partir de Malabo. La seconde phase démarrera à Luba. À très court terme, grâce aux travaux d’extension et de modernisation du réseau de distribution électrique en cours, la capitale équato-guinéenne, qui dispose déjà d’une ligne à haute tension de 66 KW, ne devrait plus connaître de problèmes d’approvisionnement.

modernisation du réseau de distribution de la métropole de Bata. Le prochain projet phare sur le continent est déjà engagé, avec la construction d’une autre centrale hydroélectrique, également sur le Le plan s’appuie sur les centrales fleuve Wele, près de Sendjé hydroélectriques et à gaz, (dans le département de Mbini). D’une capacité de préférées à celles au fuel. 200 MW, le complexe, dont la réalisation a été confiée à la société La capacité de production installée ukrainienne Douglas Alliance, devrait pour l’ensemble du pays devrait dès 2012 être opérationnel en 2014-2015. De quoi se situer aux alentours de 500 MW et quand la centrale de Sendjé sera fonc« couvrir les besoins futurs et, en particulier, favoriser le développement industionnelle, en 2015, atteindre 700 MW. Soit triel du Rio Muni », souligne le ministre. une offre sept fois supérieure à l’actuelle, Voire d’exporter le surplus vers les villes estimée à environ 100 MW, dont 40 MW frontières des pays voisins. sur Bioko. ● MURIEL DEVEY

MALABO À L’HEURE DE PÉKIN ENVOI DE COOPÉRANTS, ENTREPRISES, échanges commerciaux… La présence chinoise en Guinée équatoriale s’intensifie et se diversifie. Elle est particulièrement marquée dans le BTP (China Road and Bridge Corporation, China Gezhouba Group Corporation, Tina Road, China Dalian International), la réalisation de centrales et de réseaux électriques (Sinohydro et China Machinery Engineering Corporation), et l’exploration pétrolière (China National Petroleum Corporation). Sans compter les nombreux commerces tenus par les Chinois N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

et exclusivement destinés à la vente de produits made in China. En 2010, le volume du commerce entre les deux pays a dépassé le milliard de dollars (plus de 700 millions d’euros), dont 598 millions de dollars de marchandises importées par la Chine. Celle-ci a notamment acquis quelque 800 000 tonnes de pétrole (environ 5 % de la production équato-guinéenne), faisant du pays son septième fournisseur en Afrique. Fin 2010, l’investissement direct de la Chine en Guinée équatoriale a atteint 97,64 millions de dollars. ● M.D. JEUNE AFRIQUE


Sur le devant de la scène l’île de Bioko qui attire de plus en plus de compagnies, la Bange prévoit d’implanter en août prochain une deuxième agence à Bata,quiredoubled’activitéaveclesgrands chantiers en cours dans le Rio Muni.

BANQUES

Nouveaux établissements, nouveaux services

VISA CLASSIC OU GOLD? Capter la clien-

VINCENT FOURNIER/J.A.

Arrivée de grands groupes, ouvertures d’agences, développement de la monétique… Le secteur s’étoffe et se modernise.

LES GRANDES ENTREPRISES ET LES FONCTIONNAIRES composent l’essentiel de la clientèle.

J

usqu’en 2010, quatre banques commerciales étaient présentes dans le pays. La doyenne, la Caisse commune d’épargne et d’investissement en Guinée équatoriale (CCEIBank GE), filiale du groupe camerounais Afriland First Bank, a ouvert ses portes en 1994. Quatre ans plus tard, elle était rejointe par la Société générale de banques en Guinée équatoriale (SGBGE), filiale de la française Société générale. En 2001 s’implantait la BGFI Bank Guinée équatoriale, filiale de la Banque gabonaise et française internationale (BGFI), et, en 2006, la Banco Nacional de Guinea Ecuatorial (Bange), à capitaux philippins et équato-guinéens. En 2010, la marocaine Attijariwafa Bank et le groupe panafricain Ecobank étaient autorisés à s’installer dans le pays. De quoi accroître la concurrence. Néanmoins, le marché reste porteur, le

tèle de particuliers et de PME – source de risques et de frais généraux – et satisfaire la clientèle haut de gamme ont un coût, car il faut étendre le réseau d’agences et proposer des produits attractifs. Sur ce plan, une première étape a été franchie avec l’introduction de la monétique. Après avoirfournidescartesderetraitetimplanté des distributeurs automatiques de billets, les banques ont donné la possibilité aux possesseurs de cartes internationales Visa ou Mastercard de retirer des espèces localement. Conséquence de la présence grandissante de ressortissants de ce pays, la SGBGE acceptera prochainement la carte chinoise CUP. Une nouvelle étape est en cours, avec l’installation de terminaux de paiement dans les hôtels, les agences de voyages, les commerces et des stations d’essence. Enfin, le système bancaire local devrait mettre sur le marché ses propres cartes Visa internationales, un service très demandé par les Équato-Guinéens qui se rendent à l’étranger. La SGBGE en proposera ainsi deux, la Classic et la Gold, d’ici à la fin de 2011.

taux de bancarisation étant encore faible. Actuellement, l’essentiel de la clientèle se compose de grandes entreprises, de particuliers – surtout de fonctionnaires – et d’une poignée de PME. « Beaucoup d’Équato-GuiLa concurrence s’accroît mais néens n’ont pas de compte le marché reste porteur. Beaucoup bancaire, et de nombreux salariés du privé sont de particuliers n’ont pas de compte. payés en liquide », souliL’effort devra désormais être porté sur gne Bruno Massez, le directeur général de la SGBGE. les produits d’épargne, limités à quelques comptes sur livret et comptes de dépôt NOUVELLES CIBLES. Un gisement de à terme, et sur le crédit pour permettre clients reste donc à explorer. « On peut aux banques de jouer leur rôle économigagner des parts de marché dans le retail », que. Outre des prêts à la consommation estime Massez. L’implantation d’agences octroyés aux particuliers et des crédits à l’intérieur du pays s’est amplifiée au documentaires, à court terme, aux entreprises, le système bancaire équato-guicours des deux dernières années. Après néen, pourtant surliquide, finance encore avoir ouvert, début 2011, une agence à très peu l’économie. ● M.D. Luba, le port de logistique pétrolière sur

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Le Plus de J.A.

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TRAFIC MARITIME

À bon port Le pays développe ses installations et voit croître les volumes de fret échangés. Un bon signe, alors qu’il nourrit des ambitions sous-régionales.

J

our après jour, le paysage portuaire de la Guinée équatoriale se transforme. Une kyrielle de petites installations, dont celles de Cogo et d’Annobón, ont été modernisées et étendues. D’autres sont en voie de construction ou de rénovation à Corisco, Cabo San Juan et Akalayong. La vocation portuaire du pays s’affirme et le trafic augmente. Un bon signe pour un État qui entend, dans ce secteur, se positionner comme un hub sous-régional. En attendant que cet objectif se concrétise, les ports commerciaux de Malabo et de Bata, où d’importants travaux d’extension et de modernisation des infrastructures ont été engagés, voient leur trafic s’accroître. À l’import, c’est Bata qui a la palme, avec quelque 1 million de tonnes métriques (tm) de marchandises en 2009, contre 494 194 tm pour Malabo. Normal, puisque la partie continentale du pays est la plus peuplée et que la plupart des grands chantiers s’y sont déplacés. Or ce sont le matériel et les matériaux de construction, ainsi que les produits chimiques, qui forment l’essentiel du N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

trafic à destination de Bata. Une tendance qui devrait se renforcer au cours des prochaines années avec la construction de la ville nouvelle d’Oyala et de la centrale de Sendjé. HIÉRARCHIE MODIFIÉE. Jusqu’au début

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revenus, et donc la consommation, des Équato-Guinéens sont en hausse. Et que les expatriés sont plus nombreux. À Bata, les importations de denrées ont ainsi doublé en cinq ans, passant de 45 255 tm en 2005 à 84 860 tm en 2009 pour les aliments et de 16 162 tm à 43 144 tm pour les boissons. Les exportations reflètent la structure et la dichotomie de l’économie du pays. Ainsi, pétrole oblige, Malabo arrive en tête du trafic export. Ce n’est toutefois pas par son port commercial que les hydrocarbures sont évacués, mais par le port pétrolier. Bata, pour sa part, est le point d’expédition du bois et de quelques produits agricoles (cacao et café). À la suite de la crise internationale de 2008, qui a fortement touché la filière bois,

des années 2000, Malabo arrivait en tête du trafic import. Outre les marchandises générales, le port recevait en effet les biens destinés aux chantiers d’infrastructures de l’île de Bioko et aux compagnies pétrolièPreuve de la hausse du niveau res. La création des ports de vie, les quantités de denrées et de logistique pétrolière de Luba et de K5 a fait chuter de boissons importées augmentent. ce dernier poste de trafic. les volumes de grumes exportés ont Malabo ne reçoit plus que les biens de consommation courante et ceux de chuté, passant de 315 323 tm en 2005 consommation intermédiaire nécesà 110 698 en 2008 et 27 673 en 2009. Ils saires aux entreprises de BTP. Or, les devraient repartir à la hausse, l’exploigrands travaux touchant à leur fin, ces tation ayant redémarré. Encore limité, importations tendent à baisser. le trafic conteneurisé, pour sa part, est En revanche, chaque port a vu croître appelé à s’accroître avec le développement économique et l’augmentation les volumes de produits alimentaires, progressive du niveau de vie. ● boissons, vêtements et autres produits MURIEL DEVEY manufacturés importés. Signe que les JEUNE AFRIQUE


Sur le devant de la scène

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Luba Freeport, un emplacement stratégique Des quais nichés dans une baie naturelle, 50 ha de zone franche : une base logistique de choix pour stimuler l’activité pétrolière.

Æ PROCHE DE MALABO, la concession est située sur la côte ouest de Bioko, face à la pleine mer.

RVDM/LES ÉDITIONS DU JAGUAR

C’

est le site de Luba, au cœur du golfe de Guinée, la plus vaste zone pétrolifère du continent, qui a été choisi par les autorités équatoguinéennes pour développer une base de logistique pétrolière. Ses atouts : une vaste baie naturelle, de belles profondeurs ne nécessitant pas de dragage, sa proximité de Malabo (une quarantaine de kilomètres) et sa localisation sur la façade ouest de l’île de Bioko, face aux horizons marins. Inauguré en avril 2003, Luba Freeport est un partenariat entre la compagnie pétrolière nationale GEPetrol et le britannique Lonrho Plc. C’est en juillet 1999 qu’une concession de vingt-cinq ans a été accordée par le gouvernement à Luba

Freeport Ltd pour assurer la construction, le développement et l’exploitation commerciale de cette base. Accord renouvelé et renforcé en 2003 avec l’octroi du statut de zone franche aux 50 ha de la concession. Progressivement, des travaux

d’extension du port ont été réalisés pour accueillir les installations des majors, dont ExxonMobil, Schlumberger, Hess, Noble Energy, Marathon, Nalco, Panalpina, CNOOC et bien d’autres. ● M.D.

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale TÉLÉCOMS

La concurrence commence à porter ses fruits Baisse des prix, nouvelles offres : si la qualité du service laisse encore à désirer, l’arrivée, en 2009, d’un opérateur privé a dynamisé le marché de la téléphonie mobile.

A

vec des réseaux de téléphonie mobile parfois saturés, la Guinée équatoriale doit encore faire quelques efforts pour rendre plus performant son système de télécommunications. Toutefois, des progrès importants ont été faits au cours des deux dernières années, avec l’extension de la couverture et une offre de services accrue. Actuellement, le secteur compte deux opérateurs. Avec 93 % des parts de marché, soit quelque 400 000 clients enregistrés dont 295 000 actifs, l’ancien monopole public Getesa, dont le capital est détenu par l’État équato-guinéen (60 %) et le groupe français Orange (40 %), règne toujours. Son réseau de téléphonie mobile couvre 57 % du territoire, pouvant ainsi desservir 91 %

La concurrence induite par son arrivée a permis d’abaisser les tarifs. Proposant des communications moins chères à l’international, Hits a également lancé une offensive en direction des entreprises avec des offres attractives. Getesa, pour sa part, profitera de la tenue du prochain sommet de l’Union africaine pour réduire de 20 % à 50 % ses prix à l’international. GPRS ET BIENTÔT 3G+. Côté services,

on note également des nouveautés. Depuis quelques mois, en effet, les

deux opérateurs proposent le GPRS. Et fin 2011, Getesa lancera la 3G+. De quoi surfer sur le web avec son mobile à un débit nettement plus rapide. Une évolution qui a toutefois un coût. « Nous investirons environ 10 millions d’euros sur cinq ans, pour refaire le réseau et installer de nouveaux pylônes adaptés à cette technologie », explique Dauriol. Si la télédensité mobile (66 abonnements pour 100 habitants en 2009, selon la Banque mondiale) figure parmi le tiercé de tête de la sous-région, le pouvoir d’achat étant relativement fort, des parts de marché peuvent encore être gagnées. En particulier dans les nouveaux quartiers, comme Sipopo (dans le sud-ouest de Malabo), et les petites villes de l’intérieur telles qu’Ebebiyin, un carrefour commercial dynamique. Avec ses chantiers qui mobiliseront de plus en plus de sociétés, la future métropole d’Oyala (lire pp. 76-77) représente un marché très porteur. ● MURIEL DEVEY

Des clients restent à conquérir dans les nouveaux quartiers et les villes de l’intérieur. de la population, celle-ci « étant très concentrée dans les villes », explique Grégory Dauriol, le directeur commercial. Bien que Getesa compte une vingtaine d’agences, dont quinze dans la partie continentale du pays, 90 % de son chiffre d’affaires est réalisé à Bata et Malabo. Loin derrière, avec 63 000 clients enregistrés dont 21 000 actifs, figure Hits Guinea Ecuatorial, filiale du groupe saoudo-koweïtien Hits Telecom (House of Integrated Technology and Systems) qui détient 51 % du capital, le reste étant partagé entre des investisseurs privés. L’opérateur, qui a obtenu une licence globale de télécommunications en juin 2008 et démarré ses opérations en mars 2009, a étendu sa couverture à quelques villes de l’intérieur du pays, en plus de Malabo et Bata. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Les connexions à internet (ici, dans un cybercafé de Malabo) via le satellite sont peu fiables, ET LE DÉBIT RESTE FAIBLE.

ET INTERNET ? SI LE RÉSEAU DETÉLÉPHONIE FIXE a été étendu, la connexion au web, qui passe par le satellite, reste difficile et le débit faible. Les choses devraient s’améliorer, début 2012, avec le raccordement de la Guinée équatoriale au câble sous-marin ACE (Africa Coast to Europe). Dans cette perspective, Getesa, qui s’est engagé à offrir davantage de services au plus grand nombre d’Équato-Guinéens, proposera une offre wifi, disponible dans un premier temps à Malabo et à Bata, où des antennes seront implantées un peu partout. Le service fonctionnera avec des cartes prépayées de une heure trente ou dix heures de connexion. Une bonne nouvelle pour les étudiants et les visiteurs de passage. ● M.D. JEUNE AFRIQUE

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Le Plus de J.A. Guinée équatoriale PROFIL | Guillermina Mekuy Mba Obono

Une femme de tête Ð Cette fille de diplomate, éduquée en Espagne, est chargée des affaires culturelles au sein du gouvernement Ð Elle vient de publier son troisième roman lecture. Son projet de création d’une maison d’édition va dans ce sens. Mais la jeune femme est aussi une passionnée de cinéma. Elle espère ainsi créer une École nationale du cinéma et a coorganisé avec le Centre culturel espagnol de Malabo le Festival du cinéma africain en Guinée équatoriale, qui en est à sa deuxième édition. Elle est même l’auteure du scénario d’un moyen métrage, Teresa, adapté de faits réels et produit par la Bibliothèque nationale.

D.R.

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SECRÉTAIRE D’ÉTAT POUR LES BIBLIOTHÈQUES, ARCHIVES, MUSÉES ET CINÉMAS, elle est également directrice de la Bibliothèque nationale.

E

LLE N’A QUE 28 ANS, mais déjà un parcours bien rempli et prestigieux. Nommée en janvier 2009 directrice de la Bibliothèque nationale – alors en cours de création, celle-ci a été inaugurée en juin de la même année –, la voilà promue, quelques mois plus tard, secrétaire d’État pour les Bibliothèques,Archives, Musées et Cinémas. En bref, Guillermina Mekuy Mba Obono chapeaute toutes les affaires culturelles. Un poste pour lequel elle dispose de nombreux atouts. Sa jeunesse, d’abord, qui devrait la rendre sensible à toutes formes de création artistique et culturelle. Son ouverture sur le monde, ensuite. Née à Evinyaong, le chef-lieu de la province du Centro-Sur, dans la partie continentale du pays, la fille du diplomate Luís Mba NdongAndeme a vécu en Espagne dès l’âge de 6 ans. C’est là qu’elle a fait ses études, décrochant une licence en droit et une en sciences politiques à l’Université autonome de Madrid, avant d’en suivre, par correspondance, une troisième en sociologie après son retour en Guinée équatoriale. Ce long séjour dans la péninsule ibérique a donc fait

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d’elle une jeune femme cultivée, mais aussi une hispanophile convaincue. Un autre de ses atouts est son penchant pour l’écriture. La très charismatique Guillermina Mekuy est en effet une romancière. À son actif, trois ouvrages publiés en Espagne, dont les sujets de prédilection sont la femme et l’op-

Très attachée au patrimoine culturel et à l’histoire de son pays, elle s’est investie dans le projet de création d’un fonds d’archives numérisées. En février dernier, elle signait avec la sous-secrétaire espagnole à la Culture, Mercedes del Palacio Tascón, un projet d’accord qui permettra à la Bibliothèque nationale de la Guinée équatoriale de recevoir des reproductions numériques de documents relatifs à l’histoire commune des deux pays, conservés dans les archives publiques espagnoles. Cette volonté de redynamiser l’histoire équato-guinéenne s’accompagne d’un souci de revaloriser l’identité culturelle, en perte de vitesse

Créer une maison d’édition : un projet ambitieux pour encourager la lecture. pression dont celle-ci est parfois victime. Le premier, El llanto de la perra (Le Cri de la chienne), est paru alors qu’elle n’avait que 21 ans. Le dernier, Tres almas para un corazón (Trois âmes pour un cœur), tout juste sorti des presses, traite de la polygamie, un sujet sensible, et fait déjà couler beaucoup d’encre. La nomination d’une écrivaine au poste de secrétaire d’État est une opportunité non négligeable pour un pays où le livre a encore une place limitée. Place que Guillermina Mekuy Mba Obono entend accroître en favorisant la promotion des bibliothèques et de la

dans les grandes villes notamment. D’où l’accent mis sur le retour aux « origines », avec la promotion de troupes de danse et de musique traditionnelles, tel que le Ballet national Ceiba, qui a participé au Festival mondial des arts nègres à Dakar en décembre 2010. Sous sa houlette, la culture devrait prendre un nouvel essor. Symbole de cette nouvelle dynamique que les autorités souhaitent impulser, la réouverture, prévue en juin à Malabo, du Centre culturel équato-guinéen, complètement rénové et doté de matériel dernier cri. ● MURIEL DEVEY JEUNE AFRIQUE


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la Confédération africaine de football (CAF) n’hésite plus à confier l’organisation de la CAN à des États prospères, sans égard pour leur niveau de culture footballistique.

Ý L’AIXOIS A SIGNÉ UN

CONTRAT DE

NATURALISATIONS.

C’est le cas avec la petite courant Guinée équatoriale. Les jusqu’à la fin stades et autres instalde la lations, fraîchement compétition. construits ou rénovés, n’attendent que le début de la compétition. Le pays a demandé et obtenu la coopération policière d’États amis comme l’Afrique du Sud (lire p. 64). Sur le terrain, il entend développer son potentiel, y compris en se renforçant à travers une politique de naturalisation de joueurs étrangers : le gardien Emmanuel Danilo Clementino Silva (Brésil), les défenseurs Ronan Carolino Falcão (Brésil) et Lawrence Doe (Liberia), le milieu défensif Daniel Ekedo (Nigeria) et, plus récemment, l’attaquant Thierry Fidjeu Tazemeta (Cameroun) ont rejoint l’effectif. Avec sa longue expérience de joueur et d’entraîneur, Michel pourrait poser les bases du développement à long terme du football en Guinée équatoriale. Son palmarès parle pour lui : formé à Aixen-Provence, il a joué seize ans pour les canaris du FC Nantes, avec lesquels il a gagné trois titres de champion de France. Comme entraîneur, il démarre en fanfare avec l’équipe de France Espoirs qui s’adjuge la médaille d’or aux Jeux olympiques de 1984. Le Cameroun fut sa première

THOMAS KIENZLE/AP/SIPA

TREIZE MOIS,

FOOTBALL

Le Nzalang s’offre un « sorcier blanc »

Pour sa première participation à une Coupe d’Afrique des nations, le pays coorganisateur espère faire bonne figure. Et compte sur le Français Henri Michel, vieux routier du continent.

L

e nouveau pari d’Henri Michel n’est pas simple. En acceptant, en décembre dernier, de conduire la sélection nationale équato-guinéenne à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012, il savait qu’il partait de zéro… Le Nzalang Nacional pointe au 142e rang (sur 202) du dernier classement mondial de la Fifa et n’a jamais participé à une phase finale de la CAN. Succédant au Paraguayen Carlos Diarte, qui lutte contre un cancer, le technicien français de 63 ans a signé un contrat de treize mois, courant jusqu’à la fin de la compétition coorganisée par la Guinée équatoriale et le Gabon. « La mission est de passer le premier tour », déclarait Ruslan Obiang Nsue, secrétaire d’État aux Sports, à l’annonce de la nomination du nouveau sélectionneur. Pour relever ce défi, l’Aixois s’est installé à Malabo. « Il y a un gros travail à accomplir, et on s’y attelle doucement. On a commencé par dégager un petit noyau de joueurs. On a aussi remarqué qu’il y avait pas mal de binationaux en Espagne. On a élaboré un plan d’action qui court de janvier 2011 à janvier 2012, je vais essayer de m’y tenir », a-t-il déclaré à un magazine spécialisé. Le programme de travail comporte des matchs amicaux de préparation. Depuis qu’il la dirige, la sélection en a remporté deux, contre le Tchad (2-0) et la Gambie (1-0). Mais en compétition officielle, il n’est pas sûr N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

que le miracle se réalise face aux ténors du continent. On peut s’étonner qu’un pays aussi inexpérimenté accueille le grand événement du football continental. Mais faute d’enthousiasme des « grandes nations »,

Un sélectionneur aux résultats contrastés 1994

CAMEROUN • 1er tour Coupe du monde 1995-2000

La mission fixée par le secrétaire d’État aux Sports : « passer le premier tour ».

2001-2002

destination africaine et une de ses plus grosses désillusions. Sélectionneur des Lions indomptables à la Coupe du monde de 1994 aux États-Unis, il a démissionné après leur élimination au premier tour. Néanmoins, cette expérience marque le début d’une longue histoire avec le continent, qui passera par la Tunisie, le Maroc, mais aussi la Côte d’Ivoire, avec laquelle il a perdu en finale de la CAN 2006. Désormais lié à la Guinée équatoriale, il lui reste à apprendre l’espagnol pour réussir son parcours d’intégration. ●

MAROC • ¼ de finale CAN 1998 • 1er tour Coupe du monde 1998 • 1er tour CAN 2000 TUNISIE • 1er tour CAN 2002 2004-2006

CÔTE D’IVOIRE • Finale CAN 2006 • 1er tour Coupe du monde 2006 2007-2008

MAROC • 1er tour CAN 2008

GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE


La Guinée Équatoriale est Magnifique

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Économie

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Chaka tisse sa toile

ÉTATS-UNIS/ AFRIQUE

Agoa, dixième round

La reprise,

SIA KAMBOU/AFP

SIA KAMBOU/AFP

CÔTE D’IVOIRE

SÉNÉGAL

Plus de 15 milliards d’euros sur cinq ans. C’est le montant que veut mobiliser le président Ouattara pour relancer l’économie. Pour l’instant, les entreprises pansent leurs plaies et se remettent lentement en ordre de marche. PASCAL AIRAULT, BAUDELAIRE MIEU,

avec

P

à Abidjan

lus d’un mois après la fin de la crise, le secteur privé ivoirien n’a toujours pas achevé de faire le bilan des combats, des grèves à répétition, de l’embargo portuaire, de l’arrêt du système bancaire, des pillages et des destructions massives. Les estimations provisoires établies par les organismes patronaux N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

atteignent déjà plus de 1 500 milliards de F CFA (2,3 milliards d’euros). Aucun secteur n’a été épargné. La suspension de l’émission des SMS par le camp Gbagbo a entraîné un manque à gagner quotidien de 200 millions de F CFA pendant trois mois pour les opérateurs télécoms. Dans les hydrocarbures, les pertes avancées sont de 200 milliards. Celles du groupe CieSodeci (eau et électricité) sont évaluées à plus de 10 milliards. Les banques connaissent une perte directe de 10 milliards, auxquels il faut ajouter près de 500 milliards de créances compromises. Pour l’instant, les compagnies d’assurances rechignent à prendre en compte les sinistres consécutifs à la situation de guerre. Environ 80 % des PME d’Abidjan n’ont pas repris leur activité, certaines ont même disparu. « Personne ne pense à nous, se plaint un chef d’entreprise français opérant dans les services énergétiques. Le lendemain de ma reprise, j’ai subi

DANS LA FILIÈRE CACAO, l’État a accordé aux exportateurs des allégements de taxes pour compenser les préjudices subis lors de l’embargo portuaire.

JEUNE AFRIQUE


ÉGYPTE

Le blues des patrons

AÉRIEN

En Asie, le low-cost fait de la surenchère

à tout prix un contrôle fiscal. On en a ras-le-bol d’être la vache à lait de l’État. » Jean Kacou Diagou, président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, attend un « signal fort des autorités ». Il demande des dédommagements, le règlement de la dette intérieure et des arriérés de TVA (5 milliards de F CFA), et un moratoire pour le paiement des impôts. Marthe Ehui, présidente de la Fédération ivoirienne des petites et moyennes entreprises, appelle pour sa part les pouvoirs publics à réactiver rapidement les programmes d’appui aux PME. CELLULE DE RÉFLEXION. Organisations patronales

et chambres syndicales ont ouvert des discussions avec la primature, qui a mis en place une cellule de réflexion postcrise. Face à l’urgence, le gouvernement a lancé un fonds de 12 milliards de F CFA : une partie sera utilisée comme garantie pour les prêts bancaires, l’autre pour les indemnisations. Dans la filière cacao, l’État a accordé aux exportateurs des allègements de taxes pour compenser les préjudices subis lors de l’embargo portuaire. Le président français, Nicolas Sarkozy, s’est engagé à prêter 100 millions d’euros aux PME sinistrées. Quant à la Banque mondiale, elle a promis un don de 45 milliards de F CFA d’ici à septembre. Mais toutes ces mesures sont loin de satisfaire le patronat, qui prépare une série de propositions pour relancer l’économie. La priorité, c’est la sécurité. « Tout le monde porte des treillis, continue Jean Kacou Diagou. Il y a entre 2 000 et 3 000 prisonniers qui errent dans la ville et menacent nos activités. On ne fait plus la différence entre les FRCI [Forces républicaines de Côte d’Ivoire, NDLR] et les bandits. » Et de proposer d’habiller les soldats avec un nouvel uniforme. « Nous voulons plus de transparence dans la gestion des affaires, il faut que l’insécurité juridique qui a freiné la bonne marche du secteur privé prenne fin », demande Maximilien Lemaire, président de la Chambre de commerce européenne de Côte d’Ivoire. Autre requête : la réfection des routes et l’extension du réseau. L’État a commencé à combler les trous dans la métropole économique, mais l’axe côtier (route Abidjan-San Pedro) est dans un état déplorable, et les pistes rurales ne sont plus entretenues, ce qui pèse inévitablement sur les coûts d’évacuation des produits. « Le président doit donner un coup de fouet au secteur bancaire JEUNE AFRIQUE

PORTRAIT

Tiémoko Meyliet Koné Gouverneur de la BCEAO

MARCHÉS FINANCIERS

Spécial Maroc

en créant une société qui prendra en compte les mauvaises créances, comme cela s’est fait aux États-Unis après la crise financière », suggère Souleymane Diarrassouba, directeur général de Banque atlantique Côte d’Ivoire. Objectif : permettre aux opérateurs d’accéder très vite à de nouveaux prêts et crédits pour financer la relance et les investissements. URGENCES. « Nous sommes conscients des attentes

profondes du secteur privé, confie un conseiller du chef de l’État. L’urgence est de stabiliser les activités. Ensuite, on développera le programme économique du président. » Au mois de mai, l’État a réussi à prélever 120 milliards de F CFA, en partie grâce Les équipes du chef de l’État à la reprise des exportamultiplient les réunions tions de cacao. Les équipes d’Alassane Ouattara avec les bailleurs de fonds. multiplient les réunions avec les bailleurs de fonds, autre source de financement de son programme de gouvernance qu’il a chiffré à 10 000 milliards de F CFA (15 milliards d’euros) pour les cinq années de son mandat. Parmi les initiatives annoncées : la relance des investissements publics, le financement des grands projets d’infrastructures, la réduction des charges fiscales des entreprises, le développement des secteurs secondaire et tertiaire, la renégociation des contrats pétroliers jugés trop favorables aux opérateurs étrangers et le retour à un organe de gestion unique de la filière café-cacao, en partie libéralisée. Le chef de l’État s’est engagé à « nettoyer la filière », à réinstaurer un prix minimum d’achat garanti aux paysans et à limiter l’ensemble des prélèvements fiscaux revenant à l’État à 25 % ● ● ●

QUE DEVIENNENT LES PATRONS DÉCHUS ? LAURENT GBAGBO A ENTRAÎNÉ dans sa chute de nombreux patrons, entrés dans une quasi-clandestinité. Jean-Claude N’Da Ametchi, qui avait été parachuté à la tête de la Bicici (filiale de BNP Paribas), est aux abonnés absents. Idem pour Marcellin Zahui, administrateur de SGBCI. Les deux hommes ne sont pas à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires de ces banques, qui ont subi d’énormes pertes lors de leur nationalisation forcée. De son côté, Wenceslas Appiah, de la Banque pour le financement de l’agriculture (BFA) et gendre de Simone Gbagbo, a fui à l’étranger. Kassoum Fadika, de la Petroci, s’est fondu dans la nature pour n’avoir aucun compte à rendre. Lambert Fêh Késsé, qui a dirigé les Impôts, est resté au pays, où il poursuit ses activités de vice-président de la Fédération ivoirienne de football. Enfin, Marcel Gossio, du Port autonome d’Abidjan, un temps au Ghana, est rentré en Côte d’Ivoire. Il se fait discret, prône la réconciliation et souhaite se mettre à la disposition des nouvelles autorités. ● B.M. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Entreprises marchés ● ● ● du prix international. Est également prévue la mise en place d’un prélèvement mutualisé permettant de financer la modernisation des outils de production et des infrastructures rurales.

GRANDS TRAVAUX. De son côté, le nouveau ministre

de l’Énergie, Adama Toungara, a confié aux différents dirigeants de la filière le soin de faire un état des lieux de leurs activités et de proposer un programme de développement allant jusqu’à 2030. Toute la filière se retrouvera pour un séminaire les 9 et 10 juin, à Yamoussoukro, pour déterminer la politique énergétique du pays et définir le rôle de chaque société publique. L’un des objectifs est de passer à moyen terme d’une production de 50 000 à 300 000 barils par jour. Et Abidjan a pour ambition de devenir un port de transbordement pétrolier et d’accueillir une grande plateforme spécialisée dans le raffinage et les produits associés. Pour favoriser la création d’emplois, Ouattara a également donné l’instruction de reprendre rapidement les grands travaux, notamment la rénovation de l’Hôtel Ivoire, confiée à l’entreprise Pierre Fakhoury Operator (PFO), et la construction d’un troisième pont, attribuée au français Bouygues.

« Nous avons de grandes ambitions dans le secteur touristique, explique un cadre du ministère de tutelle. Mais avant de relancer les projets, il faut que les FRCI retournent dans les casernes. Aucun voyageur ne viendra avant que la sécurité ne soit entièrement rétablie. » C’est aussi l’une des priorités des négociants de matières premières. L’un d’eux nous a fait parvenir une grille de taxes prélevées sur le transport routier. Les Forces de défense et de sécurité (FDS, ex-armée régulière) demandaient 50 000 F CFA par chargement d’Abengourou à Abidjan ; les FRCI exigent désormais 550 000 F CFA pour le même camion. « Nous allons suspendre nos achats de cacao », prévient, si rien ne change, le patron d’un grand groupe de négoce. Le président Ouattara est conscient des dérives des soldats qui l’ont fait roi. Il a donné à son Premier ministre six mois pour mener la refonte de l’armée. Autre requête adressée à Guillaume Soro : le démantèlement de la Centrale, la structure mise en place par les Forces nouvelles (FN, ex-rébellion) pour collecter les taxes dans la zone septentrionale. Il est temps pour la Côte d’Ivoire de procéder à la réunification effective de son territoire, au redéploiement de l’administration et à l’unicité des caisses. La relance économique en dépend. ●

LES HOMMES CLÉS DU RÉSEAU OUAT TARA

Adama Toungara

Amadou Gon Coulibaly

Charles Diby Koffi

George Soros

Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie Très proche d’Alassane Ouattara, ce diplômé de l’Université de Californie à Los Angeles et maire de la commune d’Abobo à Abidjan est l’un des pères de l’industrie pétrolière ivoirienne. Il a déjà dirigé la Petroci et a aussi assuré la présidence du conseil d’administration de la Société ivoirienne de raffinage.

Secrétaire général de la présidence Homme de confiance du chef de l’État, cet ex-ministre de l’Agriculture, ingénieur des travaux publics de formation, a débuté sa carrière à la Direction et contrôle des grands travaux (DCGTx). En 1993, il y a rencontré le coopérant français Philippe SereyEiffel, ingénieur des ponts et chaussées, nommé en mars conseiller spécial du président chargé des questions économiques.

Ministre de l’Économie et des Finances Seul ministre à être passé du gouvernement Gbagbo à celui de Ouattara, c’est l’homme de confiance de la France. Diplômé de l’ENA et de l’Institut international d’administration publique (Paris), ancien directeur duTrésor, il a négocié la reprise de la coopération financière et l’allègement de la dette ivoirienne avec les institutions de Bretton Woods.

Banquier Ancien du FMI, Ouattara possède un solide carnet d’adresses dans le monde de la finance et des affaires. Il a gardé des relations avec le financier George Soros et Stanley Fischer, de la Banque centrale d’Israël. En France, il a le soutien de l’ancien patron du FMI Michel Camdessus, et du président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet.

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JEUNE AFRIQUE

SIA KAMBOU/AFP, A. PACCIANI POUR J.A., E. COLETTE POUR J.A., CHRISTIAN LAMBIOTTE

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Terriennes

des nouvelles de la moitié de l’humanité

Crédits photos : Xavier Pujade-Lauraine, Thinkstock

www.tv5monde.com/terriennes Le 1er PorTaiL dédié à La CondiTion des femmes dans Le monde


Entreprises marchés

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ALIOU MBAYE/PANAPRESS

Ð Les centres d’appels CALL ME sont implantés dans sept pays d’Afrique de l’Ouest (ici, à Dakar).

SÉNÉGAL

Chaka tisse sa toile

Spécialisé dans les logiciels informatiques, le groupe a su diversifier ses activités et s’imposer auprès des entreprises de la sous-région.

C

réé en 1994 par Meissa Déguéné Ngom, Chaka est l’un des fleurons sénégalais des nouvelles technologies. Outre Chaka Computer, son activité historique spécialisée dans les logiciels de services vocaux et de gestion, il a su, au fil des ans, se lancer de nouveaux défis. Relevés haut la main : les centres d’appels Call Me sont implantés dans sept pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Cameroun, Mauritanie, Bénin et Sénégal), tandis que le système de transfert d’argent Money Express en touche une quarantaine à travers le monde. Aujourd’hui, avec 600 employés dont une trentaine d’ingénieurs, Chaka est donc une entreprise qui compte. Ses logiciels équipent la plupart des grandes sociétés de la sous-région:Sonatel,SGBS,Asecna,

Senelec ou encore Caisse d’Épargne en Côte d’Ivoire. Si Vocalia, le service de consultation de compte par téléphone développé pour la banque SGBS au début de l’aventure, a assis la réputation de Chaka, son gros coup reste cependant Sonatel: en 1996, il se paie le luxe de remporter un appel d’offres de la firme de télécoms face aux géants mondiaux Alcatel-Lucent et Siemens. UN ÉCHEC ET DES SUCCÈS. Malgré

les apparences, les entreprises du groupe n’ont pas toujours été couronnées de succès. En 2002, la filiale Chaka Systems, destinée à fournir, outre des logiciels, du matériel informatique, boit la tasse et ferme. « Je ne suis pas un bon commerçant », s’expliquera Meissa Ngom. Heureusement, la même année, Call Me et Money Express redressent la barre.

Le centre d’appels a été lancé à Dakar pour répondre aux besoins du deuxième opérateur téléphonique sénégalais, Tigo. Il possède maintenant 800 positions potentielles.MoneyExpressestégalement une réussite : en 2010, soit huit ans après sa création, 1,6 million de transactions ont été effectuées, pour un volume de 315 millions d’euros (+ 31 % par rapport à 2009). « Nous proposons de transférer de l’argent liquide sur des comptes en banque, ce qui n’était pas possible avec Western Union ou MoneyGram », explique le PDG. Pas de boutiques donc, mais des opérations effectuées par le réseau bancaireexistantouinternet,etfacturées de 4 % à 5 % pour 100 euros (contre 15 % chez Western Union). L’idée a rapidementséduitlesbanqueslocales – qui y voient un moyen d’attirer de nouveaux clients – et répond à la volonté de l’Union économique et monétaireouest-africaine(UEMOA) de lutter contre le transfert informel. Prochain défi? Le mobile banking qui doit, selon Meissa Ngom, « être simple d’utilisation et adapté aux réalités sénégalaises ». Avec une croissance annuelle de 20 %, le groupe Chaka a de beaux

Son plus gros coup ? Avoir remporté un appel d’offres face à Alcatel-Lucent et Siemens. jours devant lui. Un groupe qui n’en est d’ailleurs pas vraiment un, chaque société étant indépendante. Ce choix, stratégique au départ « pour ne pas impacter l’ensemble des entités en cas d’échec de l’une d’elles », a trouvé ses limites. Le patron envisagerait ainsi la constitution d’un holding, afin de consolider ses résultats. ● MICHAEL PAURON, envoyé spécial

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Entreprises marchés ÉTATS-UNIS/AFRIQUE

Agoa, dixième round

ROCHELAND CHRISTOPHE/PANAPRESS/MAXPP

Le forum de l’African Growth and Opportunity Act, à Lusaka du 8 au 10 juin, dissipera-t-il les inquiétudes ? Ce dispositif américain en faveur des produits du continent s’achèvera en théorie en 2015.

MADAGASCAR a été exclue de l’Agoa fin 2009. Une catastrophe pour le secteur textile.

BILAN MITIGÉ. L’Agoa, instaurée en

2000 par le président Bill Clinton, ouvre le marché américain à plus de 6 500 produits africains libérés de tous droits de douane, en contrepartie de garanties de la part des États – une quarantaine aujourd’hui – en matière de respect des droits de l’homme et de bonne gouvernance. Ce coup de pouce de l’Oncle Sam devait contribuer au décollage de l’économie du continent. Après dix ans, le bilan est mitigé. Certes, les échanges commerciaux ont quasiment triplé en dix ans (voir JEUNE AFRIQUE

infographie). Toutefois, le flux est surtout à sens unique, permettant aux États-Unis de diversifier et de sécuriserleursapprovisionnements énergétiques. Les hydrocarbures vampirisent plus de 80 % des importationsaméricaines.Entre2009 et 2010, elles ont bondi de 40 %. Et ce n’est pas un hasard si le Nigeria et l’Angola sont, de loin, les deux premiers partenaires des États-Unis auseindel’Agoa.Encomparaison,les exportations africaines hors pétrole (textileethabillement,minerais,produits agricoles) peinent à décoller, même si elles ont augmenté de 18 % en2010.Moinsde200produitssurun potentiel de 6500 sont aujourd’hui vendus aux États-Unis. Secteur emblématique, le textile témoigne de ces ratés. Entre 2000

et 2004, les exportations africaines ont doublé grâce à l’Agoa. Environ 300 000 emplois ont été créés dans une quinzaine de pays. Mais la fin des quotas à l’encontre des pays asiatiques, négociée en 2005 au sein de l’OMC, a entraîné la délocalisation de plus de 100000 emplois d’Afrique vers l’Asie. Autre handicap: les subventions aux cotonniers américains, qui pénalisent les producteurs africains. Après une chute de 48 % en 2009, les exportations africaines de textile et d’habillement vers les États-Unis ont encore baissé de 20 % en 2010. À Lusaka, les Africains chercheront d’abord à être rassurés. Reconduite à trois reprises, l’Agoa s’achève en théorie en 2015. Johnnie Carson a fait savoir que le dispositif serait prolongé jusqu’en 2022, mais seulement pour quelques produits. Et l’un de ses artisans, le député démocrate Jim McDermott, a déposé en 2009 un projet de loi pour étendre à tous les pays pauvres de la planète cette exonération des droits de douane. Très agressifs déjà, le Cambodge, le Vietnam ou le Bangladesh pourraient porter un coup fatal au textile africain. ● JEAN-MICHEL MEYER

Des échanges déséquilibrés Commerce entre les États-Unis et les pays de l’Agoa, en milliards de dollars

90

81,4

Importations américaines Exportations américaines

60,7

56,1

60 33,7

30 17,5 5,6

2002

7,6

2004

17,1

10,7

2006

2008

15,7

2010

LA « TASK FORCE » D’ALASSANE OUATTARA LE RETOUR DE LA CÔTE D’IVOIRE au sein de l’Agoa sera l’un des moments forts du forum. En guerre, le pays a été exclu en 2005, alors qu’il exportait pour près de 85 millions d’euros vers les États-Unis. Pour ne pas rater le rendez-vous de Lusaka, le gouvernement d’Alassane Ouattara n’a pas lésiné sur les moyens. Une «Task Force Back to Agoa » a été constituée. Mêlant des représentants des secteurs public et privé, coordonnée par l’Association pour la promotion des exportations de Côte d’Ivoire (Apex-CI), cette équipe de choc doit trouver les arguments pour J.-M.M. convaincre les Américains du retour à la normale dans le pays. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

SOURCE : AGOA

T

out est mis en place pour que le dixième forum annueldel’AfricanGrowth and Opportunity Act (Agoa), du nom de la loi américaine sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique, soit à la hauteurdel’événement.Pourhonorer une décennie de rencontres, 800 personnes sont attendues à Lusaka (Zambie), du 8 au 10 juin. Parmi elles, 300 businessmen américains. Ils feront le déplacement avec la secrétaire d’État Hillary Clinton et son adjoint aux Affaires africaines Johnnie Carson.

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Entreprises marchés

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Ý NAGUIB SAWIRIS a quitté la présidence d’Orascom Telecom Holding pour s’impliquer dans la vie politique.

BARRY IPERSON

Les industriels aussi sont dans la tourmente: « La plupart des usines tournent au ralenti. Les multinationales ont gelé leurs investissements et les banques internationales sont frileuses, préférant attendre des joursmeilleurs.Danscesconditions, leurs sous-traitants égyptiens, avec leurs fonds de roulement réduits, souffrent terriblement », indique Hesham Wagdy, directeur des programmes du Centre de modernisation de l’industrie.

ÉGYPTE

Le blues des patrons

Marasme économique, mises à l’index, insécurité, le tout sur fond de tensions sociales… Les chefs d’entreprise sont confrontés à une période de transition pleine d’incertitudes.

L

es chefs d’entreprise égyptiens affichent leur inquiétude. Depuis la chute de Ho s n i Mou b a ra k, l e 11 février, ils naviguent à vue. « Il n’y a pas de Parlement, l’administration ne prend pas de décision, l’insécurité règne dans les rues. On est dans le brouillard le plus complet », égrène Nader Lahzi Kallini, directeur général de Bonyan for Development & Trade, une société qui commercialise des galeries marchandes au Caire. « Les entrepreneurs étaient en pointe des mouvements révolutionnaires laïcs de janvier et février, mais aujourd’hui ils sont en retrait et anxieux », observe Sondos El-Faramawy, du cabinet de conseil Boston Consulting Group. Selon le Fonds monétaire international (FMI),leproduitintérieurbrut(PIB) du pays a chuté de 7 % lors des trois premiers mois de l’année. La croissance prévue pour 2010-2011 est de 1%,contre5,1%l’annéeprécédente. Quant à l’inflation, elle avait atteint fin mars 11,5 % sur un an. « Nos contrats d’infrastructures, aussi bien avec le métro du Caire que pour la production d’électricité, N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

continuent comme avant, mais aucune décision de nouveau projet n’a été prise depuis six mois », indique de son côté Jean-Loup Hedon, d’Alstom Egypt, qui reconnaît toutefois que ses activités, essentielles pour le maintien de la cohésion sociale, sont moins touchées que d’autres. En revanche le tourisme, secteur clé avec 11 % des emplois du pays, a chuté de près de 80 % en février et de 50 % en mars. Quant à l’immobilier, la situation est critique: « À Designopolis, centre commercial destiné à l’équipement de la maison, nous avons dû accorder à nos magasins locataires un rabais de 50 % sur les loyers, ce qui a permis à certains de ne pas mettre la clé sous la porte », indique Nader Lahzi Kallini.

CHASSE AUX SORCIÈRES. Le climat de suspicion à l’égard des chefs d’entreprise pèse sur leur moral. « Aujourd’hui, n’importe qui peut aller dénoncer un patron dont la tête ne lui revient pas. Le gouvernement, soumis à une forte pression populaire, préfère d’abord incarcérer la personne avant de vérifier les charges. Et comme le systèmejudiciaireestbloqué,aucun jugement n’est rendu pour trancher sur la culpabilité des personnalités dénoncées, et leur respectabilité reste entachée », regrette Nader

« L’administration ne prend pas de décision. On est dans le brouillard le plus complet. » NADER LAHZI KALLINI, directeur général de Bonyan for Development & Trade

LahziKallini,dontlesecteurestsous le feu de la critique des manifestants pour son haut niveau de corruption. « La mise à l’index de quelques hommes d’affaires, tels Ahmed Ezz [patron d’Ezz Steel, proche de Moubarak, NDLR] est logique, mais il faut limiter la chasse aux sorcières,

INTERNET ET LES TÉLÉCOMS PEU AFFECTÉS MALGRÉ LA CRISE, le secteur des nouvelles technologies a le vent en poupe. « Des entreprises comme Google ont vu le rôle fondamental d’internet dans la révolution et ont décidé de s’implanter plus fortement en Égypte, y voyant là un marché à développer », indique Sondos El-Faramawy, de Boston Consulting Group. Les centres d’appels égyptiens se portent également bien. Plutôt que d’investir sur place, des multinationales comme Microsoft, Quebecor ou Cisco continuent à signer des contrats de service avec des sociétés comme Xceed C.L.B. (2 000 employés, filiale deTelecom Egypt) ouTeleTech. ● JEUNE AFRIQUE


Coulisses

AGIR AVEC TACT. « Aujourd’hui,

un tiers des hommes d’affaires est en prison, un second tiers est en fuite, et le troisième est interdit de voyage », ironisait Naguib Sawiris lors d’un passage à Paris le 16 mai. Pour le milliardaire copte, qui vient

« Une épuration sans limite des milieux d’affaires serait dramatique pour l’économie. » JEAN-LOUP HEDON, directeur général d’Alstom Egypt

de quitter la présidence d’Orascom Telecom Holding pour s’impliquer dans la vie politique, l’État devrait agir avec tact pour ne pas effrayer les investisseurs: « Le directeur général de Damac [géant dubaïote de l’immobilier]estmenacéd’emprisonnement pour avoir acheté des terrains en dessous de leur valeur réelle. Si c’est prouvé, je trouve qu’on devrait résoudre ces problèmes à l’amiable, avec une transaction financière », estime-t-il. « Une épuration sans limite des milieux d’affaires serait dramatiquepourl’économie.Toutes les multinationales, y compris la mienne,onttravailléavecl’ancienne administration », ajoute Jean-Loup Hedon. Maissileuravenirparaîtincertain à court terme, les chefs d’entreprise gardent espoir. Pour Nader Lahzi Kallini, l’instabilité actuelle ne remet pas en cause les bons fondamentaux de l’économie nationale: « Avec les 83 millions d’habitants que compte l’Égypte, et sa classe moyenne émergente, une fois la stabilité assurée, les investisseurs reviendront et la consommation reprendra. Et ceux qui auront résisté à la crise seront les premiers à profiter de la situation! » En attendant, les patrons font le dos rond. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

marchés

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PROPARCO RECORD HISTORIQUE DE PRÊTS À L’AFRIQUE LA FILIALE DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (AFD) destinée au secteur privé, qui vient de publier ses résultats 2010, a atteint un niveau d’activité record l’an passé, avec 944 millions d’euros d’engagements, contre 893 millions en 2009. Proparco engrange ainsi une cinquième année de croissance consécutive. Au 31 décembre 2010, son portefeuille s’est établi à 2,1 milliards d’euros, en hausse de 31 % par rapport à 2009. Le total de bilan s’est élevé à 2,6 milliards d’euros (1,9 milliard en 2009) et le produit net bancaire a atteint 18,4 millions d’euros. Le continent bénéficie de cette montée en puissance. En 2010, l’Afrique subsaharienne a représenté 45 % des financements de Proparco (420 millions d’euros), avec une augmentation des signatures de 60 %. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les engagements

S

M

S

VINCENT FOURNIER/J.A.

sinon l’on n’en finira pas », estime Attia Toma, expert-comptable, qui constate qu’un certain nombre de dirigeants, effrayés par ce climat, sont actuellement en Europe et en Amérique du Nord.

Entreprises

se sont maintenus à 137 millions d’euros. « Proparco est le premier bailleur privé en Afrique », s’est félicité Dov Zerah (photo), le patron de l’AFD. En 2011, Proparco table sur un niveau d’engagements de 1,1 milliard à 1,3 milliard d’euros. ●

• ALIMENTAIRE La SFI envisage d’investir 11 M€ dans la nouvelle usine du sénégalais Patisen • TRAMWAY La SSII marocaine M2M a décroché le marché de la billettique du tram de Casa • TOURISME Le fonds Alhif a lancé la réalisation du domaine Park Hyatt Marrakech (un hôtel 5 étoiles, 43 villas) commercialisé par le groupe CBRE • ÉNERGIE La BAD, le FMO et la SFI débloquent 66 M$ pour la centrale électrique de Dibamba (Cameroun)

REBRANDING FINANCIAL BANK DEVIENT ORABANK Annoncé depuis de longs mois, le changement de nom du groupe subsaharien Financial Bank, contrôlé par Emerging Capital Partners, a été approuvé en conseil d’administration. La filiale guinéenne, l’UIBG, a été la première à être rebaptisée, le 30 mai, Orabank Guinée, en attendant le changement de nom dans les six autres pays d’implantation. ● MAROC UN FONDS POUR LES INFRASTRUCTURES La Caisse de dépôt et de gestion a lancé InfraMaroc, un fonds dédié au financement d’infrastructures dans

l’énergie, les transports et les équipements urbains. La société publique vise les 264 millions d’euros pour ce nouveau fonds, d’une durée de vie de quatorze ans (44 millions d’euros ont déjà été levés). InfraMaroc agira en partenariat avec le fonds de l’Union pour la Méditerranée, InfraMed. ● SANTÉ LVL MÉDICAL VISE LE MAGHREB Le spécialiste français de l’assistance médicale à domicile a annoncé la création d’une filiale en Algérie en partenariat avec Larbi Hamidi, son ex-DG adjoint en France. L’entreprise, qui emploie 2 200 collaborateurs en France et en Allemagne pour un chiffre d’affaires de 83,5 millions d’euros, a également déclaré avoir des projets au Maroc et enTunisie. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


International

GILLES ROLLE/REA

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JOHN LEAHY, directeur commercial d’Airbus (g.), et TONY FERNANDES, PDG d’AirAsia (d.). AÉRIEN

En Asie, le low-cost fait de la surenchère En moins d’une semaine, trois grandes compagnies ont annoncé la création ou le renforcement de leur filiale à bas coût. Une concurrence féroce s’annonce sur ce créneau en pleine croissance.

C

qu’AirAsia a le potentiel pour y parvenir », a indiqué Tony Fernandes, patron du transporteur malaisien, à l’agence de presse Reuters. Surunmarchéasiatiquedutransportaérienàbasprixenpleinecroissance, la réponse des concurrents ne s’est bien évidemment pas fait attendre. Les annonces de contreattaques ont, dans les jours qui ont suivi, jailli dans toute l’Asie. La première est venue de Singapore Airlines, l’une des compagnies les plus luxueuses au monde pour la qualité du service: le 25 mai, elle a dévoilé son intention de lancer, en 2012, une nouvelle filiale low cost dans le moyen et le long-courrier. Cette Singapore Airlines, Thai nouvellecompagnie, Airways et All Nippon Airways dont le nom n’a pas encore été commuse lancent dans la course. niqué, sera entièreL’objectif de la compagnie malaimentdétenueparSingaporeAirlines sienne est clair : se doter d’une des mais aura une gestion autonome. plus grandes flottes au monde pour En fait, le transporteur singapourivaliser avec le leader mondial rienétaitdéjààl’offensiveenAsiedu du transport low cost, l’américain Sud-Est grâce à sa première filiale à Southwest Airlines, qui dispose de bas prix Tiger Airways. Depuis le quelque 500 avions. « Nous avons début de l’année, cette compagnie, réalisé une étude qui démontre dontlebénéficeaupremiertrimestre

e sera sans doute l’événement saillant du prochain salon international de l’aéronautique de Paris-Le-Bourget, du 20 au 26 juin. Le transporteur malaisien à bas coût AirAsia, numéro un en Asie, devrait signer avec Airbus un protocole d’accord pour la commande de… 200 avions de type A320 Neo, la version remotorisée de l’appareil moyen-courrier de l’avionneur européen, qui sera disponible en 2015. Au prix catalogue, l’opération pourrait coûter 11 milliards d’euros. Un record pour le secteur.

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a chuté de 94 % (à 700 000 euros), a successivement pris part dans South East Asian Airlines (SEAir, Philippines), à hauteur de 32,5 % du capital, et dans Mandala Airlines (Indonésie, 33 %). Dans la même foulée que le transporteur singapourien, le thaïlandais Thai Airways a annoncé le lancement, au premier trimestre 2012, d’une nouvelle filiale low cost. Dénommée pour l’instant Thai Wings, elle devrait desservir des routes domestiques et régionales à partir de l’aéroport de Bangkok, avec une flotte initiale de quatre Boeing 737-400 actuellement opérés par Thai Airways. UN BONUS POUR AIRBUS. Si, en

Chine, où le marché du low-cost peine à décoller, aucune annonce n’a pour l’instant été faite, le Japon, encore meurtri par le récent tremblement de terre, est en revanche entré dans la bataille. All Nippon Airways, la compagnie nationale, a ainsi dévoilé, le 26 mai, le nom et l’identité visuelle de sa nouvelle filiale à bas coût. Elle desservira, depuis sa base de l’aéroport de Kansai, Kansai à Osaka, des destinations domestiques tina d’une part, et reliera d’ le Japon au reste de C’est le nombre d’appareils l’Asie d’autre part. que vise le malaisien Comme sa maison AirAsia, afin de rivaliser avec le leader mondial mère qui opère du transport low cost, notamment avec l’américain Southwest 28 Airbus A320, la Airlines flotte de Peach – c’est flot ainsi qu’elle s’appelle –, sera constituée d’appareils de l’avionneur européen. De fait, cette effervescence dans le transport aérien à bas prix en Asie devrait notamment bénéficier à Airbus, qui compte livrer, au cours des vingt prochaines années, un tiers de ses nouveaux avions, soit un marché de plus de 800 milliards d’euros. Par ailleurs, ce fulgurant développement du low-cost pourrait inspirer les compagnies africaines. Ce créneau est encore balbutiant sur le continent, mais la demande provenant d’une classe moyenne de plus en plus importante est sans cesse croissante. ●

500

STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE


International AUTOMOBILE

ANALYSE

Une Renault pour l’Inde  UNE PETITE VOITURE ENTRE LA TWINGO ET LA CLIO.  Soit un véhicule de moins de quatre mètres de long. Pour l’instant, le constructeur français reste très discret sur le nouveau modèle conçu spécialementpourlemarchéindien et qui sera commercialisé début 2012.Levéhiculesortiradeschaînes d’assemblage de l’usine RenaultNissan inaugurée en mars 2010 à Chennai (ex-Madras), dans l’Inde du Sud. L’industrie locale fournira plus de 60 % de ses pièces. Si le nom commercial et le prix n’ont pas encore été dévoilés, il s’agira d’un modèle d’entrée de gamme

assemblé sur la plateforme « V » de l’alliance Renault-Nissan, sur laquelle reposent déjà les véhicules Micra et Juke. Sa commercialisation marquera les vrais débuts de Renault en Inde, avec un objectif de 100000 exemplaires vendus par an dès 2013. De plus, Renault assemblera sur le site de Chennai la berline compacte Fluence dès cette année et le 4x4 Duster (marque Dacia) en 2012. De son côté, Nissan compte produire sur le site son modèle d’entrée de gamme, la Micra, à 300000 exemplaires par an. ●

DP World débarque à la City

KAMRAN JEBREILI/AP PHOTO

Ý L’OPÉRATEUR PORTUAIRE gère 49 terminaux à conteneurs répartis dans 28 pays (ici, à Dubaï).

JEUNE AFRIQUE

Fouad Laroui

Grèce: le tonneau des Danaïdes?

E

N MAI 2010, l’Union européenne et le FMI avaient déboursé 110 milliards d’euros pour sauver la Grèce de la faillite. Un an plus tard, où en est-on ? Experts et officiels semblent d’accord pour dire que le plan de sauvetage n’a pas porté ses fruits. Pour deux raisons.

JEAN-MICHEL MEYER

BOURSE

DEPUIS LE 1ER JUIN, Dubai Ports World (DP World) est coté au London Stock Exchange, mais pas question d’y lever la moindre livre. Ni ouverture ni augmentation du capital en vue à la City, au moins pour l’instant. La filiale du conglomérat public Dubai World, qui opère sur 49 terminaux à conteneurs répartis dans 28 pays, cherche d’abord à bénéficier d’une plus grande visibilité au cœur de la finance mondiale. « Il s’agit seulement d’une nouvelle plateforme sur laquelle les traders pourront échanger nos actions. Cela permettra aux investisseurs qui recherchent des opportunités dans les pays émergents d’investir dans une entreprise au cœur du commerce mondial », a indiqué Sultan Ahmed Ibn Sulayem, le président du conseil d’administration.

Opinio ons & édit éditoriaux toria auxx

Disposant désormais d’une double cotation, DP World a déjà placé 19,5 % de son capital au Nasdaq de Dubaï, pour une valeur estimée à 1,1 milliard d’euros. Le troisième opérateur portuaire mondial détient toujours à son actif, avec 3,5 milliards d’euros, la plus grosse levée de fonds jamais réalisée à la Bourse de Dubaï, lors de son introduction en 2007. Pour son arrivée à la Bourse de Londres, le groupe entend profiter d’une conjoncture favorable. Outre ses projets d’extension au MoyenOrient, en Inde et en Chine, DP World engrange les fruits de la reprise mondiale. Alors que le trafic maritime mondial a progressé de 12 % l’an passé, ses bénéfices nets ont explosé de 35 % en 2010, à 314 millions d’euros. ● J.-M.M.

Primo, le plan consistait à mettre immédiatement de l’argent à la disposition de la Grèce pour maintenir à flot les finances publiques. Même si elle était accompagnée de promesses de réformes de la part du gouvernement grec, la somme versée n’était pas destinée en elle-même à réduire la dette. En fait, celle-ci n’a pas cessé de croître et elle atteint maintenant 150 % du PIB. Le « paquet » de 110 milliards de mai 2010 est maintenant comparé par certains au fix d’un drogué à l’héroïne : il le calme pour quelque temps mais il en aura bientôt besoin d’un autre… Secundo, le programme d’austérité et de réforme imposé à la Grèce était sans doute trop draconien. Les objectifs de réduction du déficit ne sont pas atteints, même si Athènes a imposé des réformes de la fonction publique, de la santé et du budget pour lutter contre l’inefficacité et la fraude. L’augmentation des revenus de l’État par le biais de nouvelles taxes et de privatisations diverses n’est pas non plus satisfaisante. Le gouvernement se dit aujourd’hui prêt à vendre les ports d’Athènes et de Thessalonique… À Bruxelles, certains plaident pour l’envoi d’« observateurs » européens pour surveiller les rentrées d’argent, au grand dam des Grecs les plus nationalistes. La conséquence des deux points précédents est immédiate : peu d’investisseurs privés croient que la Grèce pourra tenir les promesses qu’elle a faites. Ils ne se bousculent donc pas pour acheter du « papier » hellène, ce qui rend celui-ci plus coûteux et aggrave encore la dette… Le cercle vicieux est enclenché. Une restructuration de la dette semble inévitable même si les responsables européens refusent d’en parler publiquement. ● N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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Décideurs

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Ý Avec le ministre ivoirien de l’Économie CHARLES DIBY KOFFI (d.).

D.R.

pour la primature, il avait recommandéàGbagbolenomdeTiémoko Meyliet Koné, mais l’ex-chef d’État avait préféré Dacoury-Tabley. Recrutéauseindel’institutionsur concours en 1975, Tiémoko Meyliet Koné a l’avantage de bien connaître ses rouages pour y avoir passé plus de trente ans. D’adjoint au directeur national de la BCEAO pour la Côte d’Ivoire, il a gravi les échelons pour passer conseiller spécial du gouverneur et membre du gouvernement de la banque, avant son départ en 2006.Àcedernierposte,ilaparticipé à la prise de toutes les décisions liées à la gestion de l’institution, à la conception et à la mise en œuvre de la politique monétaire des États membres.

BCEAO

Tiémoko Meyliet Koné aux commandes Le nouveau gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest a déjà passé trente ans au sein de l’institution. Depuis décembre, il est aussi conseiller spécial d’Alassane Ouattara.

C

ela n’a guère été une surprise lorsque, le 30 mai à Lomé, les chefs d’État de l’Union économique et monétaireouest-africaine(UEMOA) ont annoncé la nomination de Tiémoko Meyliet Koné, 61 ans, à la tête de l’institution émettrice de la zone. Le nom de l’Ivoirien circulait déjà depuis un moment. Lors de ses récentes visites, fin avril, au Sénégal et au Burkina Faso, le président Alassane Ouattara l’avait présenté à Abdoulaye Wade et à Blaise Compaoré, qui ont donné leur agrémentpourqu’ilachèvelemandatde Philippe-Henri Dacoury-Tabley qui courtjusqu’en2014.L’ex-gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afriquedel’Ouest(BCEAO),proche de Laurent Gbagbo, a été contraint à la démission en janvier. Au départ, la désignation de Tiémoko Meyliet Koné était pourtant loin d’être acquise. Le départ de Dacoury-Tabley avait réveillé les ambitions de certains technocrates ivoiriens. À commencer par Charles

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Diby Koffi, ministre de l’Économie et des Finances, qui occupait déjà le même poste sous Laurent Gbagbo. Il avait même eu des séances de travail avec le gouverneur par intérim, Jean-Baptiste Compaoré. Mais selon certaines sources, plusieurs partenaires du développement de la Côte d’Ivoire ont manifesté avec insistance leur souhait de continuer à travailler avec Charles Diby Koffi. Maintenu à la tête de son ministère, il est donc sorti de la compétition pour le poste de gouverneur, au profit d’autres candidats proches de l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié: lesnomsdeThéophileAhouaN’Doli etJean-ClaudeBrou,hautscadresde la BCEAO, ont un temps été cités. « Parmi tous ces prétendants, Tiémoko Meyliet Koné, conseiller spécial de Ouattara depuis décembre,estleplusexpérimenté»,estime un ancien collaborateur de l’exgouverneur Charles Konan Banny. Déjà, en décembre 2005, quand ce dernier quittait la Banque centrale

TECHNOCRATE. Originaire de Ferkessédougou, dans le nord de la Côte d’Ivoire, Tiémoko Meyliet Koné est décrit par son entourage comme un technocrate qui n’aime pas la politique. En 2007, lorsque Guillaume Soro fut nommé Premier ministre, celui-ci lui avait proposé de devenir son directeur de cabinet, maisildéclinalaproposition…avant del’accepterpour,dit-il,«contribuer à sortir le pays de la crise ». C’est justement parce qu’il n’est pas « très impliqué » en politique que Gbagbo l’avait préféré à Dosso Moussa, l’ancien ministre chargé de l’Économie et des Finances au secrétariat des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), pouroccuperlepostedeministrede

Au départ, sa désignation par le président ivoirien était loin d’être acquise… la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat dans son dernier gouvernement de transition. TiémokoMeylietKonéenvisageait de partir à la retraite pour s’occuper de sa ferme à Tafiré, dans le nord du pays, après la présidentielle de novembre 2010. Il devra attendre encore un peu. ● STÉPHANE BALLONG, avec BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE


Décideurs ALGÉRIE

Du grain à moudre pour Ezzraïmi À 67 ans, le fondateur de la Semoulerie industrielle de la Mitidja, l’un des premiers groupes privés algériens, multiplie les annonces d’investissements. meunerie, il reprend une minoterie-semoulerie. Aujourd’hui, sa semoule est exportée dans vingtneuf pays.

MOHAMED KADRI/SIPA

THEMRI HAMADI TUNISAIR Ex-directeur central affecté à la direction générale, il vient d’être nommé PDG de la compagnie nationale. Il remplace Nabil Chettaoui, qui paie ses mauvaises relations avec le personnel navigant et le fait d’avoir été mis en place sous Ben Ali.

ÉNERGIES RENOUVELABLES. La

SIM emploie 4 200 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros en 2010, avec une croissance de 12 % à 18 % par an, selon son fondateur. Mis à part les pâtes alimentaires et la semoule, le groupe est présent dans les eaux minérales et gazeuses (Mouzaïa, Ben Haroun), la promotion immobilière (construction de bureaux, de parkings, de complexes sportifs…), la santé (une clinique), la formation et les loisirs. Convaincu de l’importance des énergiesrenouvelables,Abdelkader Taïeb Ezzraïmi a annoncé deux projets d’investissements, dans le solaire et l’éolien. Mais il n’en oublie pas pour autant son premier métier. Le 21 mai, il signait un accord avec Éric Philippe, directeur général du groupe alimentaire français Glon Sanders, pour la construction, en septembre, d’une usine de fabrication de 100 000 tonnes d’alimentation pour le bétail. À 67 ans, le patron du groupe SIM ne lève pas le pied. Il vient d’annoncer des investissements dans la culture de céréales, l’agro-industrie, la production de lait, l’industrie pharmaceutique… ● JEAN-MICHEL MEYER

Ý À Alger, le 3 juin 2004, lors de l’organisation du PLUS GRAND COUSCOUS DU MONDE (6 500 kg). JEUNE AFRIQUE

ON EN PARLE

SIPHO MASEKO VODACOM Numéro un du pétrolier BP pour l’Afrique australe depuis 2008, il vient d’être nommé à la tête de la filiale sud-africaine de l’opérateur télécoms. Il est passé par le cabinet d’avocats Werksmans, puis par l’autorité de régulation sud-africaine des marchés financiers.

MOULDI OUELHAZI APTBEF Depuis le 1er juin, il est délégué général de l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers. Jusque-là directeur général de l’inspection à la Banque centrale deTunisie, il a été auparavant patron de General Leasing.

ROLAND Z ZANOTELLI ANOT AN OTEL OT ELLI LI ZANOTELLI AG Le promoteur suisse vient de créer une filiale, P&F Immobilière, en Tunisie. Dotée de 12 millions d’euros, elle a pour objectif de construire des bureaux, des habitations et des ensembles commerciaux. N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

LAURENT FERRY, VODACOM, D.R., HICHEM, D.R.

L

e patron de la Semoulerie industrielle de la Mitidja (SIM) changerait-il de stratégie ? À la tête d’un des plus importants groupes privés algériens, Abdelkader Taïeb Ezzraïmi est monté au créneau à plusieurs reprises ces derniers temps. Le 12 mai, l’homme de la plaine de la Mitidja, né à Blida (sud-ouest d’Alger) en 1944, recevait sur ses terres l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt. Autodidacte, fortement attaché à son pays, très impliqué localement et finançant des œuvres sociales et caritatives, Abdelkader Taïeb Ezzraïmi s’est formé grâce à des cours par correspondance, notamment auprès de l’Institut national de la productivité et du développement industriel (Inped). Après un passage dans l’administration (ministère de l’Habitat), il a coiffé la casquette de chef d’entreprise le 4 novembre 1990. Profitant de la libéralisation du marché de la

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PHILIPPE TURPIN/BELPRESS

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L’institution compte 950 AGENCES, et en ouvrira 300 de plus dans les trois ans. MAROC

Populaire à domicile, modeste à l’étranger À la faveur du retrait de l’État, Banque populaire se réorganise. Mais alors que ses concurrents sont passés à la vitesse africaine, sa priorité reste la rentabilisation de ses filiales chérifiennes.

P

ar la taille, il est deuxième. Par la notoriété panafricaine, il n’arrive que troisième, loin derrière ses concurrents Attijariwafa Bank et BMCE Bank, déjà bien développés en dehors du royaume chérifien. Mais le groupe Banque populaire duMarocsemetdésormaisenordre de marche. Les dix Banques populaires régionales (BPR) qui forment l’ossature de ce groupe mutualiste viennentainsideprendrelecontrôle de son organe central, la Banque centrale populaire (BCP), cotée à la Bourse de Casablanca. Le rachat de 20 % du capital auprès de l’État, pour 5,3 milliards de dirhams (environ 460 millions d’euros), leur permet d’inverser l’ordre hiérarchique au sein du conseil d’administration de la BCP: les BPR détiendront désormais 39,1 % du capital, contre environ 20 % pour l’État. Elles-mêmes détenues par 480000 clients sociétaires, les banques régionales y gagnent enfin un véritable poids au sein de la BCP, tandis que le groupe, dans son ensemble, y trouve une N 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011 o

organisation mieux structurée et plus logique. « Les banques régionales pourront se concentrer sur leur cœur de métier, explique Ghita Benider, analyste chez BMCE Capital. La BCP, en tant qu’organe central, assure l’ensemble des services d’intérêt commun, la gestion de la trésorerie excédentaire ainsi que le refinancement des BPR. S’appuyant sur cette logique,lapartdesBPRdanslecapital de la BCP devrait être amenée à s’accroître dans le temps. » Maisd’aucunsévoquentuneautre hypothèse, radicalement différente. Les banques régionales montent en puissance Avant… BPR* : 19,1 % OCP** : 6,6 %

Autres : 34,1 % État : 40,2 %

Répartition du capital … et après désengagement de l’État BPR : 39,1 % OCP : 6,6 %

Autres : 34,1 % État : 20,2 %

* Banques populaires régionales ** Office chérifien des phosphates

«L’annéedernière,laBCPafusionné avec la BPR de Casablanca, explique un analyste qui requiert l’anonymat. À tout moment, elle peut racheter les autres BPR auprès des clients sociétaires. Dans ce cas-là, ce serait la fin du modèle mutualiste. L’hypothèse est rejetée par le management, mais elle reste du domaine du possible. » Seule certitude à ce jour : avec le retrait progressif de l’État, le management du groupe – et notamment le président de son comité directeur, Mohamed Benchaaboun – a désormaistouteslescartesenmains pour s’atteler au développement de la banque. Avec quelques sérieux atouts. « Le groupe dispose de l’une des structures financières les plus solides de la place, avec un total de fonds propres de 27,1 milliards de dirhams », avance Hanane Rahali, analyste chez CFG Group. GESTION PRUDENTE. Légèrement

remise en cause par le rachat des parts de l’État, cette solidité financière sera renforcée par deux augmentations de capital d’ici à deux ans. La gestion du groupe, jugée plutôt prudente, lui permet d’espérer profiter à plein du développement de la banque et des métiers connexes au Maroc. Banque populaire compte en outre un réseau relativement dense, avec 950 agences et plus de 1 000 distributeurs, qui continuera de croître: 300 agences devraient ouvrir leurs portes au cours des trois prochaines années. Mais le groupe reste confronté à plusieurs défis. Le principal tient à l’absence de relais de croissance en Afrique, où il n’a longtemps compté, en dehors du Maroc, que deux modestes filiales, en Centrafrique et en Guinée. « Le management dit guetter les opportunités en Afrique, mais affirme qu’il n’ira pas là où sont présentes les autres banques marocaines, souligne un analyste de la place de Casablanca. Il a pris beaucoupderetarddansledomaine et je ne le vois guère le rattraper. » À preuve, pour s’installer en Mauritanie, le groupe a préféré s’associer avec Attijariwafa pour reprendre la petite filiale locale du JEUNE AFRIQUE


Baromètre français BNP Paribas. Une politique des petits pas qui donne à la concurrence une bonne longueur d’avance : chez BMCE, l’Afrique représente déjà un tiers du chiffre d’affaires et plus du quart des bénéfices en 2010, tandis que chez Attijariwafa, 22 % des bénéfices de l’année écoulée ont été réalisés en Tunisie et au sud du Sahara. UN RETARD CRIANT. En Europe,

l’un des points forts du groupe, le leader historique auprès des Marocains expatriés fait face à la montée en puissance de la division européenne d’Attijariwafa, qui a décroché récemment un agrément pour opérer dans l’assistance au Maroc et à l’international. Un atout supplémentaire pour doper ses parts de marché auprès des

En Europe, le leader historique auprès des expatriés est de plus en plus concurrencé par Attijariwafa. Marocains résidant à l’étranger et tailler des croupières à la Banque populaire et notamment à sa filiale spécialisée, Maroc Assistance Internationale. Contraint de subir cette concurrence en Europe, le groupe Banque populaire sait qu’il a aussi encore fort à faire à domicile. « La BCP privilégie davantage une croissance organique au Maroc », confirme GhitaBenider.Sonprincipalobjectif reste la rentabilisation de ses nombreuses filiales. La banque d’affaires (Upline), le crédit à la consommation (Vivalis), le crédit-bail (Maroc Leasing) ou encore le courtage d’assurance (Chaabi Courtage) pèsent peu dans les comptes du groupe malgrélesambitionsaffichées.Dans l’assurance, le retard est criant. À ce titre, la montée prévue à son capital d’un actionnaire institutionnel pourraitapporterquelqueséléments de solution. Et débloquer enfin un potentiel qui paraît immense et qui explique en grande partie pourquoi le titre BCP reste plutôt apprécié des analystes financiers. ●

Marchés financiers - Spécial Maroc

À Casa, les majors baissent aussi VALEUR

Centrale laitière BCP Douja Prom Addoha Ciments du Maroc Maroc Télécom Attijariwafa Bank BMCI Lafarge Ciments BMCE Bank CGI

SECTEUR

COURS au 1er juin (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

AGRO - INDUSTRIE

172,46

+ 8,1

BANQUE

52,74 12,96 148,57 18,86 49,7 125,69

– 1,2 – 1,9 – 2,6 – 2,9 – 3,9 –4

241,34 27,82 188,09

– 10,4 – 16,1 – 16,9

IMMOBILIER CIMENT TÉLÉCOMS BANQUE BANQUE CIMENT BANQUE IMMOBILIER

DANS UN MARCHÉ globalement en baisse, les dix principales capitalisations de la Bourse de Casablanca affichent des reculs plus ou moins marqués, la plus mauvaise performance étant enregistrée par le groupe immobilier CGI, dont le cours reste encore largement surévalué par rapport à ses pairs du secteur comme Addoha. Une situation connue également par l’autre grand perdant de ces cinq premiers mois

de l’année, BMCE Bank, qui, malgré l’augmentation de ses bénéfices en 2010, affiche toujours un ratio cours/bénéfices égal à plus du double de ceux d’Attijariwafa ou de BCP. Grand gagnant, Centrale laitière bénéficie de l’extension de ses capacités de production ainsi que de la perspective de la sortie du giron du holding royal SNI et du renforcement dans son capital du français Danone. ●

Valeur en vue LABEL’VIE Un tournant stratégique BOURSE Casablanca • CA 2010 585,7 millions de dollars (+ 166 %) COURS 1 234 dirhams (1.6.2011) • OBJECTIF 1 581 dirhams

LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION moderne au Maroc recèle un fort potentiel de croissance, en raison notamment d’un faible taux de pénétration (11 m² pour 1 000 habitants, contre 40 m² en Turquie) et de changements sensibles des habitudes de consommation. Dans le développement du groupe Label’Vie, les années récentes, marquées par le partenariat avec la multinationale française Carrefour et l’acquisition en 2010 de l’enseigne Metro Cash & Carry Maroc (huit points de ventes), ont représenté Maha un tournant stratégique. À court terme, l’acquisition Karrakchou Analyste chez CFG Group de Metro impacte certes à la baisse les marges de la deuxième plus grande chaîne de distribution marocaine. Mais à partir de 2012, celles-ci profiteraient des retombées positives de la transformation des magasins Metro en hypermarchés Carrefour. Tenant compte de prévisions conservatrices en termes de croissance et de profitabilité comparées à celles du management, nous recommandons le titre Label’Vie à l’achat avec un potentiel de hausse d’environ 30 %. » ●

FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

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Culture & médias

LITTÉRATURE

Boubacar Boris Diop

« La France se comporte dans ses anciennes colonies comme nulle part ailleurs » À l’occasion de la réédition de son roman Murambi, le livre des ossements, consacré au génocide tutsi, l’écrivain sénégalais revient sur le Rwanda, mais aussi sur le « printemps arabe », la crise ivoirienne, l’élection présidentielle prévue dans son pays en 2012… En bon polémiste. Propos recueillis par

P

BIOS DIALLO

aris sous un ciel ensoleillé. Face à la Maison de la radio, le café Les Ondes refuse du monde. Il fait beau et les clients se prélassent en terrasse. C’est là que nous avons rendez-vous avec l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, peu avant qu’il ne participe à La Grande Table, une émission de France Culture. Il assure la promotion de son roman Murambi, le livre des ossements. Ce texte, qui vient d’être réédité, a été conçu en 1998 dans le cadre du projet « Rwanda: écrire par devoir de mémoire » deFest’Africa.Depuis,lesdiresdesrescapés du génocide ont une seconde vie dans le souffle de ces témoignages. Jusque dans Fagaala, une adaptation chorégraphique de Murambi par Germaine Acogny et Kota Yamasaki. Entré en littérature en 1981, avec Le Temps de Tamango, Boubacar Boris Diop enchaîne les émissions de radio et les colloques en France, mais aussi en Suisse, en Italie… et aux États-Unis. Une belle reconnaissance pour cet écrivain N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

qui est aussi un redoutable polémiste. De la Tunisie qu’il connaît bien, et d’où est parti le « printemps arabe », aux violentes convulsions ivoiriennes en passant par son pays à la veille d’un scrutin crucial, l’auteur de L’Afrique au-delà du miroir reste fidèle à ses opinions pas toujours politiquement correctes… JEUNE AFRIQUE : Pourquoi avoir réédité Murambi, le livre des ossements ? BOUBACAR BORIS DIOP: Il continuait à

être demandé mais était difficile à trouver. Il fallait lui donner une seconde vie.

approfondie aux questions qu’ils m’ont souvent posées. Comment expliquez-vous l’enthousiasme des médias français pour ce qui n’est qu’une réédition ?

Il me semble que le regard des Français sur le génocide des Tutsis a beaucoup changé. À présent, ils osent regarder en face cette page sombre de leur histoire et les relations que leur pays entretient avec l’Afrique. Les comptes ont-ils été soldés pour autant ?

Pas vraiment. L’opinion française est consciente que son pays a mal agi au Rwanda, elle en éprouve un vague malaise, voire de la honte, mais préfère ne pas en savoir plus. Avec le temps, elle finira bien par accepter l’évidence, l’Histoire ne se hâte jamais. En quoi « Rwanda : écrire par devoir de mémoire » a-t-il changé votre vie ?

On ne sort pas indemne d’une telle expérience. Je n’ai plus le même rapport aux mots, mes textes sont plus dépouillés et je comprends mieux les mécanismes de la Françafrique. Sans le Rwanda, je n’aurais sûrement pas écrit Négrophobie avec Odile Tobner et Xavier Verschave. Et le discours de Sarkozy à Dakar m’aurait tout au plus énervé, je n’aurais pas jugé utile d’y répondre. Où en est le Rwanda, aujourd’hui ?

Le pays est debout. Même les pires ennemis de Kagamé sont obligés de reconnaître ses performances économiques. Et l’abolition de la peine de mort est, à mes yeux, une mesure importante dont on ne parle pas assez. On reproche au président rwandais d’être un autocrate…

Je sais. On en fait même volontiers un dictateur. Moi j’ai le plus grand respect

Le génocide de 1994 est le résultat de trois décennies de maturation idéologique. Pourquoi une postface ? Pour tourner la page ?

C’était surtout pour faire le point, pas pour tourner la page. J’ai, au contraire, voulu poursuivre l’échange avec mes lecteurs en répondant de manière plus

pour celui qui, après avoir mis fin au cycle génocidaire instauré dès la fin des années 1950, essaie de faire vivre son peuple dans la dignité. Je sais bien que l’on attend d’un intellectuel africain qu’il déteste, par principe, tous les chefs d’État du continent… JEUNE AFRIQUE


VINCENT FOURNIER/J.A.

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L’AUTEUR DE NÉGROPHOBIE (avec Odile Tobner et François-Xavier Verschave), à Paris, le 28 avril dernier.

Mais il me paraît plus raisonnable de les juger à partir des faits. Le rapport des Nations unies sur les violations des droits de l’homme commises en République démocratique du Congo, rendu public en octobre 2010, soupçonnait une « possibilité de génocide » par les forces rwandaises. Ne partait-il donc pas des faits ?

Le mot « génocide » figure dans le rapport, mais vous faites bien de parler de suspicion car la formulation du texte est bien plus prudente qu’on ne le dit ici et là. Beaucoup aimeraient faire du Front patriotique rwandais [FPR, NDLR] une organisationgénocidaire.C’estvraimenten prendre à son aise avec la vérité historique. Il faut rappeler que le génocide de 1994 est lerésultatdetroisdécenniesdematuration idéologique. Des textes ont appelé explicitement à la solution finale, l’opinion a été inlassablement travaillée par une radio et des journaux, et, le moment venu, l’État a lâché son armée et des dizaines de milliers de miliciens contre les Tutsis. Je n’ai jamais JEUNE AFRIQUE

rien noté de semblable dans la démarche du FPR au pouvoir depuis bientôt vingt ans. L’autre faiblesse de ce rapport, c’est qu’il n’explique pas le choix délibéré du FPR de faire rentrer les réfugiés chez eux. Si vous voulez exterminer des milliers de personnes à portée de vos fusils, vous ne montez pas une opération de retour au pays aussi risquée. Or c’est celle-ci qui est à l’origine des allégations que l’on sait… Et l’homme Kagamé ?

Il a du caractère, et son leadership a été décisif après le génocide. Avec un héritage aussi lourd, le Rwanda aurait dû être aujourd’hui sous assistance respiratoire et peut-être même le pays le plus pauvre d’Afrique. Il en est loin grâce à Kagamé. Si certains le haïssent de manière aussi irrationnelle, c’est parce qu’ils attendent d’un chef d’État africain qu’il soit jouisseur, corrompu et surtout docile. Kagamé ne correspond en rien à cette image. Vous avez dit sur un plateau télévisé, en parlant du « printemps arabe », que ce

qui se passait vous échappait…

Je suis romancier et donc attentif aux rapports entre le réel et la fiction. Or dans cette affaire, je n’arrive pas à savoir où se séparent leurs chemins, tout me paraît à la fois vrai et purement imaginaire. Le suicide d’un jeune Tunisien déclenche une révolution exemplaire, qui s’étend à l’Égypte, et à partir de là, ça chauffe au Yémen, à Bahreïn, en Arabie saoudite, en Syrie et en Libye, pour ne rien dire des tentatives en Algérie et au Maroc. Sérieusement, comment croire que tout cela est arrivé par hasard ou par simple contagion ? Soupçonnez-vous l’Occident d’avoir manigancé tout cela ?

Non, ce serait manquer de respect aux manifestants. Ils sont admirables, ils prouvent qu’aucun système policier n’est invulnérable. Mais il y a tout de même des choses troublantes. Pourquoi les monarchies pétrolières n’ont-elles eu aucun mal à museler le soulèvement ? Comment en est-on arrivé à une situation où l’Otan se vante d’avoir lâché six mille bombes sur la Libye ? Et, très franchement, n’est-ce N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


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Culture médias pas gênant, ces insurgés de Benghazi qui n’existent que grâce à ce pilonnage aérien? En cas de victoire, quelle va être leur marge de décision face à leurs parrains? Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, le pétrole libyen est en jeu. Quid de la Ligue arabe et de l’Union africaine ?

Elles sont hors jeu, faute de solidarité entre elles et en leur sein.

un pays de son pré carré, elle n’a rien de tel à craindre. Comment avez-vous vécu la crise ivoirienne… ?

Tout le monde s’est senti un peu ivoirien et cela montre notre attachement à ce pays. Pour moi, Gbagbo a manqué de lucidité en ramenant à de l’arithmétique électorale un rapport de force politique qui lui était si défavorable. Quand on a

Si les Gabonais se soulèvent, ça doit être aussi pour crier: “Total dégage!“ Peut-on s’attendre à un printemps de l’Afrique subsaharienne ?

contre soi l’Union africaine, la Cedeao, l’ONU, la Maison Blanche, l’Élysée et les médias du monde entier tout en abritant sur son sol la force Licorne et les Casques bleus, on rend le pouvoir, quitte à entrer en opposition. Quant à Ouattara, des millions d’Ivoiriens se sont reconnus dans ses idées et il est normal qu’il soit à la tête du pays. Mais il lui faudra très vite se défaire de son image de président installé par des forces étrangères et oser demander des comptes aux responsables des massacres dans les deux camps.

Vous avez participé à l’ouvrage L’Afrique répond à Sarkozy. Voyez-vous une corrélation entre le discours de Dakar et l’intervention de l’armée française en Côte d’Ivoire ?

Une élection présidentielle va avoir lieu au Sénégal dans moins d’un an. Doit-on redouter le scénario ivoirien ?

Il est difficile de comparer le monde arabe, uni par la langue, la religion et une forte sensibilité à la cause palestinienne, et l’Afrique subsaharienne, qui est un « bazar de cultures » et où la question de la souveraineté nationale reste souvent capitale. Je veux dire que si les jeunes du Gabon et du Niger se soulèvent, ça doit être aussi pour crier : « Total dégage ! » ou « Areva dégage! » Je doute qu’ils bénéficient d’une large couverture médiatique…

Bien sûr. La France se comporte dans ses anciennes colonies comme nulle part ailleurs. La configuration est-elle différente pour la Libye ?

Les deux interventions ont eu lieu sous le couvert du Conseil de sécurité, mais on n’imagine pas des soldats français forçant les grilles du palais de Kaddafi. En plus du risque militaire, la France ne veut pas s’aliéner « la rue arabe ». Avec

Je ne crois pas.

Le fils va-t-il succéder au père ?

Wade en a rêvé, oui. C’était vraiment se moquer du monde, mais peut-être a-t-il senti dès mars 2009 que cela ne pouvait pas marcher. Les révoltes actuelles l’ont sans doute complètement guéri de la tentation de faire cadeau de notre pays à son enfant. Direz-vous que son bilan, au bout de dix ans, est totalement négatif ?

Non, il faut savoir raison garder. De

nos trois présidents, Wade est le mieux élu, pour ne pas dire le seul à l’avoir été démocratiquement. Toutefois, il a causé plus de dégâts que ses deux prédécesseurs, mais ça, ce sont les mystères de la démocratie ! En revanche, il a mis fin au tête-à-tête entre la France et le Sénégal. Avec lui, il n’est plus question pour Dakar de se référer à Paris pour toutes les décisions majeures. Ça n’est pas rien, même si c’est insuffisant pour le faire gagner l’an prochain. Nous sommes très nombreux à souhaiter sa défaite, il y a déjà des candidats indépendants respectés, et on peut espérer que l’opposition va s’unir derrière un rassembleur. Cela se fera-t-il vraiment ?

C’est un espoir, mais le gros problème au Sénégal, ce sont les forces qui prennent en otages les politiques. Le centre du pouvoir n’est jamais là où il est supposé être et il est temps de se pencher sur cette exception sénégalaise pour moderniser notre démocratie. Je sais bien que les confréries religieuses peuvent être un facteur de paix civile, mais on voit aussi comment certaines personnes les détournent de cette vocation. À la longue, cela peut être très dangereux. Sur quoi portera votre prochain livre ?

Sur le capitaine Mbaye Diagne, un Casque bleu sénégalais qui a sauvé des centaines de Tutsis au Rwanda avant d’être tué lui-même le 31 mai 1994. Il avait 36 ans. Vous éloignez-vous de l’écriture en wolof ?

Pas du tout ! La maison d’édition Papyrus-Afrique a dans ses tiroirs deux textes et vient de trouver l’aide de la mairie de Dakar pour la réédition de Doomi Golo. Quant à l’opéra wolof Leena, dont j’ai écrit le livret, il a été joué le 19 mars devant 1 400 spectateurs, au Palais des sports de Bordeaux. ●

Bibliographie sélective Doomi Golo, Négrophobie Paryrus-Afrique, avec Odile 2003 Tobner et Tob Fra François-Xavier Ver Verschave, Les Arè Arènes, 2005

L’Afrique répond à Sarkozy (collectif), Philippe Rey, 2008

L’Afrique au-delà du miroir, Philippe Rey, 2009

Les Petits de la guenon, Philippe Rey, 2009

Le Cavalier et son ombre, Philippe Rey, 2010

Murambi, le livre des ossements, Zulma (2e édition), 2011


SANTU MOFOKENG

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PHOTOGRAPHIE

Derrière le décor Au-delà de l’image, le Sud-Africain Santu Mofokeng évoque une histoire marquée par la violence, la destruction et la spiritualité.

D

es paysages presque déserts et étonnamment calmes : quelques tas de pierres envahis par les mauvaises herbes, un parc aux larges allées, des rectangles de béton blanc dans un champ à l’abandon. Ici, dirait-on, il ne se passe rien. Pourtant, placées côte à côte, les photographies du Sud-Africain Santu Mofokeng (musée du JeudePaume,Paris,jusqu’au25septembre 2011) libèrent une rare violence. Les légendesindiquentlapisteàsuivre:«Tombesde camp de concentration, Brandfort », « Parc duMémorialdeHiroshima,Japon»,«Trois charniers de Fevriary, Mozambique ». Monté sur ressorts, circulant d’une photo à l’autre, chaussant et déchaussant ses lunettes, Santu Mofokeng explique sa démarche: « Votre manière d’appréhender le paysage dépend de votre savoir, de votre idéologie, de vos expériences, de ce que vous apportez avec vous. » Ses photos d’Auschwitz, a priori banales, fonctionnent comme des bombes à retardement. Sur le cartel présentant les œuvres, il est précisé: « Le paysage est une construction de la mémoire, c’est une œuvre de l’esprit composée d’autant de strates mémorielles que de couches géologiques. » Né en 1956 à Johannesburg, Santu Mofokeng a, depuis les années 1980, JEUNE AFRIQUE

choisi la forme de l’essai photographique pour traiter les sujets qui lui tiennent à cœur et se contaminent les uns les autres dans une démarche en partie autobiographique : la spiritualité, l’utilisation des panneaux publicitaires dans les townships, le paysage ou encore le réchauffement climatique… Avec un petit sourire provocateur et un regard appuyé, le Sud-Africain lâche: « Je déteste Henri Cartier-Bresson! » L’instant décisif, la photo définitive qui dit tout, ce n’est pas pour lui. « Je ne crois pas en l’image ultime, précise-t-il. Je ne crois pas en la fixité des choses, en l’immuabilité du

BARRAGE DU KATSE DAM (LESOTHO), où ont été exécutés par la police cinq travailleurs pour « grève illégale »…

monde ni noir ni blanc, ce n’est plus le cas. « Par le passé, je pouvais me permettre d’envahir votre espace. Aujourd’hui, je deviendrais connu en le faisant, mais cela ne me satisferait pas. » PLUIE DE TERRE. Fasciné par l’écriture,

Mofokeng compose des phrases avec les images, stimulant l’imagination du spectateur. Ainsi, il n’hésite pas à associer un gros plan de drainage minier acide à une scène de rituel d’ablution à Soweto, la couleur orange de l’eau et des roches étant apparemment le seul point commun entre les deux photographies. Libre à chacun de s’interroger… S’il a du mal à se projeter dans l’avenir et choisit ses sujets en fonction de « ce qui compte pour [lui] », cet admirateur du photographe tchèque Josef KoudelkaseconsacreactuelL’artiste compose des phrases lement à la spiritualité – « un avec des images, stimulant sujet qui embarrasse tout l’imagination du spectateur. le monde » – et au réchauffement climatique – « très sens. Face au dogme, à la propagande, je difficile à photographier ». Une pluie de préfère faire le choix de la narration qui terre en bord de mer, une tempête de offre la possibilité de déstabiliser. » Son poussière évoquant vagues et embruns, travail s’apparente ainsi à une longue (en) desmelonsabandonnésressemblantàdes quête soulevant plus de questions qu’elle crânes d’hommes morts, le photographe n’apporte de réponses. « Je recherche jongle avec les illusions d’optique. Non l’ambiguïté et l’inconfort », soulignepour le simple plaisir de l’œil, mais pour t-il. Avant 1994 et la fin de l’apartheid, « vous faire réfléchir de nouveau à ce que l’artiste aurait pu avoir une attitude plus vous tenez pour acquis ». ● péremptoire, simplificatrice. Dans un NICOLAS MICHEL N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


FRANCE Ô

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À LA MÉDIATHÈQUE DU CENTRE CULTUREL FRANÇAIS de Bamako. TÉLÉVISION

France Ô fait escale en lettres africaines À l’occasion du festival Étonnants Voyageurs, la chaîne multiculturelle s’intéresse à la transmission de la culture dans les pays de l’oralité.

L

e 8 juin, l’Afrique sera à l’honneur sur la chaîne multiculturelle France Ô avec deux documentaires consacrés à la littérature africaine*. À l’occasion du festival Étonnants Voyageurs qui se tiendra à Saint-Malo du 11 au 13 juin, la soirée Thématik s’intéressera à la transmission de la culture dans les pays de l’oralité, à travers le portrait du slammeur franco-sénégalais Souleymane Diamanka et celui de l’écrivain et éditeur malien Moussa Konaté. Une soirée qui donne à réfléchir sur les mutations de la littérature dans une Afrique urbanisée. Ce sujet est au diapason de la thématique d’Étonnants Voyageurs cette année, « Villes mondes, cultures urbaines ». Prenant la parole pour le compte des 3,5 milliards de citadins que compte la planète, les 250 artistes et écrivains invités à la cité malouine auront à cœur de témoigner de l’énergie et de la créativité des mégapoles modernes. « Villes folles, monstrueuses, tentaculaires, en croissance exponentielle, sans plus de centre ni de limites, cratères en éruption où s’invente le monde de demain, dans le tohu-bohu des identités confrontées, mêlées, brisées, réinventées, écrivent les organisateurs du festival. Dans ces cratères en fusion s’invente la littérature de demain, s’entendent des voix nouvelles, se N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

réinventent images et musiques, et jusqu’à l’espace même : une culture-monde. » HIP-HOP ET STREET ART. Cette culture-

Une affirmation avec laquelle ne sera certainement pas d’accord le Malien Moussa Konaté. Pour ce romancier, homme de théâtre et éditeur, le pays des songes est dans les livres. Car, comme le dit un proverbe malien qu’il affectionne particulièrement, « celui qui ne lit pas cesse de pousser, ne se fortifie pas et devient handicapé ». C’est parce qu’il est convaincu que « le livre est indispensable à l’épanouissement de l’individu » qu’il a fait le pari de permettre aux enfants de son pays d’accéder à la lecture. Pari en partie réussi grâce à la création prochaine d’une bibliothèque pour la jeunesse dans les locaux des éditions du Figuier, que l’écrivain a fondées il y a quinze ans.

monde s’exprime à travers des formes traditionnelles comme le roman, la poésie, le cinéma, le théâtre, mais, avant tout urbaine, elle a aussi engendré le hip-hop, le slam, le street art, qui accompagnent une culture numérique en devenir (blogs, web docus…). Ce sont ces nouveaux genres qu’explore la documentariste Emmanuelle Villard dans Les Enfants d’Hampâté Bâ, Les alexandrins en peul du consacrés à la culture « afroslammeur Diamanka font écho à la politaine », selon le néologisme d’Achille Mbembe. tradition ancestrale de ses parents. À travers la figure embléCaroline Puig-Grenetier a suivi Moussa matique de Souleymane Diamanka, Konaté à travers ses pérégrinations en elle s’intéresse à la transmission de la France et au Mali, partageant avec des sensibilité et de la sagesse africaine, plus particulièrement peule, dans la parole enfants et adolescents de Bamako ou de française contemporaine. Les alexandrins Vénissieux ses rêves puisés dans les livres en peul du jeune Diamanka font écho à la d’ici et d’ailleurs. Pour qu’ils deviennent, riche tradition ancestrale de ses parents comme l’explique la réalisatrice, « de qui ont immigré à Bordeaux dans les véritables amateurs de la lecture et de années 1980, perpétuant ses assonanl’écriture, à leur tour ». ● ces, ses gravités et ses mystères. « J’ai TIRTHANKAR CHANDA attendu longtemps que néant s’anime / Que chaque mot trouve sa phrase et * Les Enfants d’Hampâté Bâ, d’Emmanuelle que chaque phrase trouve sa rime / Le Villard à 20h35, et Moussa Konaté et les oubliés pays des songes est derrière une grande dulivre,deCarolinePuig-GrenetieretVéronique colline », déclame-t-il. Lhorme à 21 h 30, le 8 juin, sur France Ô. JEUNE AFRIQUE


Culture médias HUMOUR

Debbouze amuse Marrakech L’acteur franco-marocain organise le premier festival du rire de la Ville rouge.

M

arrakech accueille du 8 au 12juinlapremièreéditiondu festival international d’humour* organisé par Jamel Debbouze. Un seul objectif: relier les rives nord et sud de la Méditerranée en invitant desartisteseuropéensetafricainssurscène. LeMarrakechdurirerecevraOmaretFred, PatrickTimsit,FlorenceForesti…etleJamel Comedy Club. Art acrobatique marocain, théâtre de rue, cirque européen: Awaln’art organisera sa cinquième édition de rencontres artistiques en places publiques en partenariat avec le festival. MELTING-POT. Rapports sociaux, familles,

relations amoureuses… Le Marrakech du rire est également l’occasion pour les artistes maghrébins d’analyser leurs sociétés. « Des spectacles en français et en arabe, qui ressemblent au Maghreb, traduisent l’éclectismelocalettémoignentdumeltingpot maghrébin », explique Hassan el-Fad. L’humoriste marocain aura carte blanche le 8 juin pour inviter de jeunes talents maghrébins, comme Miz, Abdelkader Secteur ou encore Badia Sanhaji qui présenteront des extraits de leurs spectacles. « L’idée que l’on se fait du one-man-show au Maghreb, c’est que c’est un art très occidental et élitiste. Mais au Maroc, c’est un art trèspopulairequisedémocratisevers le haut.L’éliteavaitl’habitudedeshumoristes francisant, elle découvre aujourd’hui des talents locaux », explique Hassan el-Fad. Jamel Debbouze présentera la soirée de clôture, retransmise pour l’occasion par la chaîne française M6. Sous les projecteurs, les grands noms de la scène européenne, leurs homologues africains et un invité surprise dont l’identité ne sera révélée que le soir du spectacle. ● TONY GAMAL GABRIEL

* Marrakech du rire, du 8 au 12 juin, au Palais des congrès, de 250 à 550 dirhams. JEUNE AFRIQUE

Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais

LE DERNIER-NÉ DES POÈTES CONGOLAIS

P

OUR AVOIR PUBLIÉ de la poésie à mes débuts, je sais ce que représente la « solitude » des poètes. On dit qu’ils se plaignent trop. On ajoute qu’ils en veulent à mort au roman, ce genre littéraire qui aurait pris toute la place, et que, de toute façon, on ne lit plus la poésie de nos jours comme au temps de la négritude incarnée par Senghor, Césaire et Damas. Les poètes actuels seraient les derniers des Mohicans, des auteurs sans public et sans éditeurs.Triste tableau pour un genre qui a donné aux lettres de grands noms, voire des Nobel de littérature ! La poésie existe, et c’est à nous d’aller à sa rencontre. Je vous propose une nouvelle voix, celle du Congolais Serge Eugène Ghoma Boubanga, qui vient de faire paraître Derniers silences, son premier recueil, après avoir reçu le prixTchicaya UTam’si de poésie. Politologue de formation, il est né à Pointe-Noire, en 1966.Tout laisse à penser qu’il ne fera pas de la poésie son violon d’Ingres mais une passion

Derniers silences, de Serge Eugène Ghoma Boubanga, L’HarmattanCongo, 112 pages, 11,50 euros.

comme romanciers, notamment à Emmanuel Dongala – avec un poème intitulé « Le Feu des origines » – ou à Sony Labou Tansi à qui les vers suivants sont adressés : « Parmi les hérétiques initiés / Contempteurs des messes rituelles /Ta voix de soprano modulait la liberté. » Un poète ne vient pas au monde en ne lisant que ses compatriotes. Ghoma Boubanga le sait, et nous retrouvons, à travers certains clins d’œil et titres (« Les Contemplations », « Méditations ») des hommages qui vont de Victor Hugo à Alphonse de Lamartine. Il s’agit ici d’un lyrisme qui traduit l’angoisse du poète devant la déliquescence de sa terre natale. La voix devient chaude et grave avec le portrait de la mère « chérie » comme pilier de la famille. La cosmogonie congolaise est en toile de fond. Que faire lorsque le sentiment de la désolation l’emporte sur un avenir radieux ? Ne pas baisser les bras. Le poète lance: « Et à la rencontre de mon triste destin / J’apporterai à toutes les funérailles / L’insigne colère des vieux mutins. » Un recueil qui montrera aussi que l’auteur sait jouer de l’humour, notamment avec une « Lettre à un requin » de la part d’un « ami végétarien ». ●

La poésie existe, et c’est à nous d’aller à sa rencontre. à « plein-temps ». Son univers ne manquera pas de rajouter une nouvelle page à la poésie congolaise, dont on connaît la renommée des auteurs tels que Tchicaya U Tam’si, Jean-Baptiste Tati-Loutard, Maxime N’debeka, Léopold Pindy Mamonsono, Alphonse Ndzanga-Konga ou encore Marie-Léontine Tsibinda. Ghoma Boubanga rend d’ailleurs hommage à certains de ses aînés plus connus

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Culture médias En vue

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Vertigineux.

Puissant.

LE NOUVEL

LE FIGARO

OBS

. t. Haletant Passionnan

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

R RSDED'O OUIVAL BERLIN

Ý EN TOURNÉE, MAMANI KEITA se produira notamment le 10 juin à La Maroquinerie, à Paris, et le 20 juillet à Genève (festival Musiques en été).

CINÉMA

Kafka en Iran COUVERT DE PRIX au dernier Festival international du film de Berlin, dont l’Ours d’or du meilleur film, ce cinquième long-métrage d’Asghar Farhadi démontre que la politique répressive du régime iranien n’a pas encore réduit à néant la créativité des cinéastes de la République islamique. Une séparation raconte les mésaventures de Nader, un homme, quitté par sa femme, qui engage pour s’occuper de son père malade une aide-soignante. Laquelle – il l’ignore – est enceinte et a pris ce travail sans l’accord de son mari, un homme maladivement jaloux et très perturbé. Une suite de scènes plus souvent tragiques que cocasses qui, dans un style quasi documentaire, évoquent les travers du système judiciaire et les difficultés de la vie en société dans l’Iran contemporain. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE DE ASGHAR

FARHADI

DESIGN MONTAGE HAYEDEHSAFIYARI IMAGE MAHMOODKALARI FILMS ET RÉALISATION ASGHARFARHADI FILMS DISTRIBUTION MEMENTO MERILAZAREI SCÉNARIO DE DREAMLAB LA PARTICIPATION SH KIMIAHOSSEINI MEMENTO FILMS AVEC AZI SHIRINYAZDANBAKH VENTES INTERNATIONALES BABAKKARIMI ALI-ASGHARSHAHB EXÉCUTIVE NEGAR ESKANDARFAR SAREHBAYAT SARINAFARHADI PRODUCTEUR ASGHAR FARHADI PRODUCTION PEYMANMOADI SHAHABHOSSEINI MAQUILLAGE MEHRDAD MIRKIANI KEYVAN MOGHADAM MOGHADAM COSTUMES

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Une séparation, d’Asghar Farhadi (sortie le 7 juin) ■■■ DVD

« Indigènes » à l’américaine SORTI EN SALLES en 2008 aux États-Unis, le dernier film de Spike Lee est enfin visible partout, mais uniquement en DVD. Il raconte comment, pendant la Seconde Guerre mondiale, des soldats noirs américains furent abandonnés par leurs supérieurs blancs pendant une opération contre les nazis en Toscane. Et comment, sur fond de massacre de la population civile italienne par les soldats allemands, ils se conduisirent en héros. Une sorte d’Indigènes à l’américaine qui est aussi un film de guerre antiraciste peu banal et, bien que parfois un peu trop édifiant, tient le spectateur en haleine jusqu’au bout. Grâce notamment à l’interprétation remarquable des acteurs principaux. ● R.R.

Miracle à Santa Anna, de Spike Lee (sortie le 7 juin) ■■■ N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

ACHOUR ABBES

UN FILM

DÉCORS KEYVAN

■ ■ ■ Excellent

ALLOCINÉ

TÉLÉRAMA

FEST

AVEC LEILAHATAMI

■ ■ ■ Réussi

MUSIQUE

L’autre Keita Arrivée sur scène à force de détermination, Mamani Keita défend un art métissé mêlant rock, kora et n’goni.

P

asfacilepourMamaniKeitade trouver sa voix. Née à Bamako en 1965, bientôt entourée de sept frères et de cinq sœurs, elle est fascinée par sa grand-mère guérisseuse qui chante pour désenvoûter les possédés. Elle veut devenir chanteuse. Mais il y a son nom, « Keita », un patronyme royal qui lui interdit de pratiquer une activité réservée aux griots. Son père, disparu lorsqu’elle avait 6 ans, n’est pas là pour l’encourager. Sa mère, elle, s’oppose violemment à sa vocation, tout comme elle refuse de la laisser aller à l’école. Têtue, la petite Keita tente le tout pour le tout. En cachette, elle se rend à un spectacle de quartier et improvise à côté de la scène… Elle n’a alors que 10 ans. Son culot paie : le directeur artistique la remarque et bataille avec sa famille pour qu’elle rejoigne la troupe. Sa mère cède, avant de mourir prématurément de maladie. C’est donc aux côtés de sa tante, à qui elle a été confiée, que Mamani fait ses gammes, en vivant de débrouille. Sa voix envoûte un public de plus en plus large: de sa troupe de quartier, elle rejoint bientôt l’orchestre de Bamako, puis le Badéma national du Mali. C’est à ce

moment qu’un autre Keita, Salif, la repère et lui demande de devenir sa choriste et de l’accompagner en tournée internationale. La chanteuse pose durablement ses bagages en France, en 1987. « Mais cinq ans après mon arrivée, j’étais devenue sans-papiers, lâche-t-elle aujourd’hui en souriant de toutes ses dents. J’avais peur, je n’osais plus sortir de chez moi. Je donnais parfois de petits concerts, mais les organisateurs prenaient beaucoup de risques. J’ai alors travaillé dans des foyers africains, à Montreuil, comme serveuse. » Le calvaire dure sept longues années. C’est la naissance de sa fille qui lui donne le courage de demander et d’obtenir sa régularisation. À partir de ce moment, sa carrière solo décolle. Mamani, lookée rock, visage constellé de piercings, métisse les styles. Avec le jazzman Marc Minelli, elle sort Electro Bamako, en 2002, un ovni musical entre électro, jazz et sons mandingues. Yelema (2006), et aujourd’hui Gagner l’argent français, réalisés avec l’arrangeur Nicolas Repac flirtent plus avec la variété et le rock, mélangeant la kora et le n’goni aux guitares saturées. « Je ne veux surtout pas rester dans un ghetto africain. » Les textes aussi se font plus incisifs. « Pas facile de gagner l’argent français », prévient-elle dans son single… pour le plus grand plaisir des Français d’origine africaine. « Hier, dans le métro, une femme est venue me serrer la main et m’a dit : “Merci Mamani. Nos frères, nos sœurs, vont enfin comprendre qu’on n’est pas ici pour s’amuser. Ils vont réfléchir avant d’essayer de venir eux aussi.” » ● PIERRE MORESTIN

Gagner l’argent français, de Mamani Keita (No format !/Universal Music Jazz)

■■■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias BON À SAVOIR

PHOTOGRAPHIE

Filon dogon Hélène Leloup, qui signe la préface de FORMAT CARRÉ, noir et blanc. La son livre. Agnès Pataux souhaite que photographe Agnès Pataux travaille ses images « [échappent] à avec un appareil Yashica l’anecdote et [soient] ainsi mat 6x6. Et elle voyage, [investies] d’une portée beaucoup : Irlande, Corse, intemporelle ». Si les payMali, Portugal, Belgique… sages sont remarquables En 2008, certaines de ses et poussent à scruter les photos sur les « tradipraticiens et objets de culte » en détails, les portraits sont, quant à eux, assez attenAfrique de l’Ouest ont été dus. Peut-être parce que le achetées par le musée du Dogon, d’Agnès Quai Branly. C’est d’ailleurs pays dogon a déjà fasciné Pataux, Gourcuff Gradenigo, la commissaire de l’expode nombreux photogra82 pages, 15 euros sition « Dogon » (jusqu’au phes… Trop ? ● ■■■ 24 juillet) dudit musée, NICOLAS MICHEL

LITTÉRATURE

Tahar Ben Jelloun peu inspiré UN PREMIER LIVRE sans grand intérêt sur les révolutions arabes sous la plume de Tahar Ben Jelloun. Le Marocain, dont la fiction a tant fait depuis plus de trente ans pour « désexotiser » l’Orient, a voulu rendre compte des bouleversements que connaît le monde arabe. Malheureusement, ce témoignage es n’apporte rien qui n’ait été déjà écrit par des ue spécialistes de ces pays. Son essai synthétique sur les révolutions arabes, qu’il compare à la es chute du mur de Berlin, reprend les analyses désormais bien connues : la défaite de l’islamisme, la fin de la peur de la jeunesse arabe, la maturité et la modernité des révolutionnaires… Plus original, le second texte, fictionnel, sur Mohamed Bouazizi dont l’immolation par le feu a déclenché le mouvement de révolte en Tunisie. Ben Jelloun imagine les derniers jours du martyr de Sidi Bouzid et réussit à restituer en partie la complexité d’un destin que rien n’avait préparé à sa fin peu commune. ● TIRTHANKAR CHANDA

Par le feu (50 pages, 7,50 euro euros) et L’Étincelle, révoltes dans les pays arabes (122 pages, 11 euros), par Tahar Ben Jelloun, éd. Gallimard, 2011 (en librairie le 6 juin) ■■■

BEAUX LIVRES

Clichés révolutionnaires REGROUPANT DES PHOTOGRAPHIES de la révolution prises par des amateurs et des professionnels entre 19 ans et 37 ans, Irada présente des clichés couleurs et noir et blanc, portraits et vues d’ensemble, illustrant, hélas, la seule ville de Tunis. Il manque à ce livre agréable mais visiblement hâtif un concept pour relier des photos touchantes de qualité et d’originalité variables. L’ouvrage, qui oublie de traduire irada (« volonté », en arabe), ne sera peut-être qu’une étape pour certains de ces photographes prometteurs. ● CONSTANCE DESLOIRE Irada 2011, PixelsTrade, 120 pages, 57 euros ■ ■ ■ JEUNE AFRIQUE

Léonora Miano publiera le 18 août son nouveau roman, Ces âmes chagrines (Plon). Après une trilogie consacrée à l’Afrique, l’auteure d’origine camerounaise raconte l’histoire de deux frères que tout oppose: Le premier, Snow, est un enfant de l’amour, le second, Maxime, celui d’un viol. Leur vie bascule lorsque Maxime doit partir et qu’il propose à sa mère de l’accompagner… La première édition de la Nuit africaine aura lieu le 11 juin au Stade de France (Paris): cinq heures en compagnie de 150 danseurs et musiciens. Une soirée animée par 17 artistes emblématiques venus des quatre coins de l’Afrique comme Magic System, Manu Dibango, Patience Dabany et bien d’autres. Du 11 au 13 juin, le festival Étonnants Voyageurs mettra à l’honneur à Saint-Malo le « printemps arabe » avec la participation de l’écrivain égyptien Khaled al-Khamissi, de la blogueuse tunisienne Lina Ben Mhenni, et du penseur Abdelwahab Meddeb. Seront également présents le Zimbabwéen Brian Chikwava, Cheikh Hamidou Kane, Souleymane Bachir Diagne, Louis-Philippe Dalembert, Christiane Diop, Kossi Efoui… La musique du monde s’invite à Arles (France), qui accueillera du 11 au 17 juillet la 16e édition du festival des Suds. Au programme: près de 200 artistes, des rendez-vous gratuits en journée, et des concerts en soirée pour des sonorités d’Orient et d’Occident. L’occasion de (re)découvrir des groupes comme AfroCubism ou encore le duo palestinien Ahmed al Khatib etYoussef Hbeisch, Dorsaf Hamdani, Fouad Didi… N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

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REPUBLIC OF CAMEROON Peace - Work - Fatherland -------------------------MINISTRY OF PUBLIC WORKS

REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix - Travail - Patrie -----------------------MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS

Avis d’Appel d'Offres International limité aux entreprises ressortissantes des pays membres de la Banque Islamique de Développement (BID) N°22 /AAOI/MINTP/CPM-TN/2011 du 09 mai 2011, lancé par le Gouvernement de la République du Cameroun pour l’exécution des travaux de construction de la route Sangmelima – Ouesso ; Lot 1 : Sangmelima–Djoum (Section 1: Sangmelima – Mekok – Bikoula (65 km)) située dans la Région du Sud, Département du Dja et Lobo. Financement Banque Islamique de Développement (BID) et Budget d’Investissement Public (BIP) du MINTP : Exercice 2011 et suivants. 1. Objet de l’Appel d’Offres Le Ministre des Travaux Publics (MINTP), Maître d’Ouvrage, lance pour le compte du Gouvernement de la République du Cameroun, un Appel d’Offres International limité aux entreprises ressortissantes des pays membres de la BID en vue de l’exécution des travaux de construction de la route Sangmelima-Ouesso, Lot N° 1 : Sangmelima-Djoum (Section 1 : Sangmelima – Mekok -Bikoula (65 km), située dans la Région du Sud, Département du Dja et Lobo. 2. Consistance des travaux Le présent Appel d’Offres a pour but l’exécution des travaux de construction de la route Sangmelima-Ouesso, Lot N° 1 : Sangmelima-Djoum (Section 1 : Sangmelima – Mekok -Bikoula (65 km), située dans la Région du Sud, Département du Dja et Lobo. 2. 1. Volet route : L’ensemble des travaux comprend essentiellement : • L’installation de chantier ; • Les études d’exécution ; • Les travaux préparatoires (expropriations, exhumation-inhumation, libération d’emprise, etc…) ; • Les terrassements ; • L’exécution d’une chaussée de 7.50 m de large avec 2 accotements revêtus d’un enduit bicouche de 2.00 m chacun en agglomération et de 1.50 m en rase campagne

2. 2. Volet ouvrage d’assainissement (grands dalots) : L’ensemble des travaux comprendra essentiellement la construction de 5 dalots doubles de dimension 2 X (2.5 m x 2.5 m) et de 3 dalots triple de dimension 3 x (2.5 m x 2.5 m). La localisation et les caractéristiques de ces grands dalots à construire figurent dans le tableau suivant : N°

Éléments d’appréciation Nom du cours d’eau Localisation de l’ouvrage

Section (en m2) Longueur (en m)

Hauteur de remblai (en m)

1

NDJOMBA

PK

2+425

2x(2.50 x 2.50)

22.32

0.97

2

AFAMBA

PK

5+825

2x(2.50 x 2.50)

30.23

3.59

JEUNE AFRIQUE

N° 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Appel d’offres

La structure de chaussée comprend : - La couche de forme en graveleux latéritique naturelle sur les sols à faible portance, pouvant atteindre une épaisseur de 30 cm - La couche de fondation en graveleux latéritique sélectionné de 30 cm d’épaisseur ; - la couche de base en grave concassée 0/31,5 de 20 cm d’épaisseur ; - Le revêtement en béton bitumineux (BB) de 5 cm d’épaisseur sur la chaussée ; • La construction des ouvrages d’assainissement (buses en béton, dalots, fossés …) • La construction des ponts • La réalisation des équipements et la signalisation verticale et horizontale ; • La construction d’une station de pesage pour des véhicules du type poids lourds y compris une aire de stationnement y afférente de surface maximale de 50 000 mètres carrés; • La construction d’une station de péage entre Sangmelima et Djoum ; • L’installation d’un poste de comptage automatique ; • La mise en œuvre des mesures environnementales : - Aménagement des carrières et des emprunts ; - Travaux connexes - Sensibilisation aux MST et SIDA


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Annonces classées 3

AFAMBA

PK

15+275

2x(2.50 x 2.50)

26.44

2.28

4

LIBI

PK

30+025

2x(2.50 x 2.50)

31.30

3.93

5

LIBI

PK

35+350

2x(2.50 x 2.50)

31.30

3.93

6

LIBI

PK

37+775

3x(2.50 x 2.50)

27.17

2.59

7

LIBI

PK

42+450

3x(2.50 x 2.50)

31.46

4.03

8

LIBI

PK

49+450

3x(2.50 x 2.50)

28.09

2.94

Appel d’offres

Les caractéristiques communes aux grands dalots sont : - largeur chaussée : 7.50 m - largeur des accotements : 2X1.50 m Les travaux seront exécutés selon les règles de l'art et conformément aux plans et dessins d'exécution à consulter sur place à la Sous-Direction des Investissements Routiers du MINTP. 3. Participation et origine Le présent Appel d’Offres est ouvert aux entreprises ou groupements d’entreprises nationales ou internationales ressortissantes des pays membres de la Banque Islamique de Développement (BID). Il y a lieu de préciser que les entreprises internationales ressortissantes des pays non membres de la BID et installées au Cameroun ne peuvent y participer que si elles font partie d’un groupement dont la majorité des travaux sera assurée par les entreprises membres de la BID. Est qualifiée entreprise d’un pays membre de la BID, toute entreprise dont : - L’immatriculation ou la constitution légale a eu lieu dans un pays membre de la BID - L’aire principale d’activité est située dans un pays membre de la BID ; - Le capital appartient à plus de 50 % à une ou plusieurs firmes dans un ou plusieurs pays membres (lesquelles firmes devant justifier de leur nationalité) et/ou à des ressortissants de ces pays membres ; - Le personnel chargé d’assurer les services dans le cadre du contrat est constitué à plus de 80 % de nationaux de pays membres de la BID, qu’il s’agisse d’un personnel employé directement ou employé par un sous-traitant ; - La majorité des cadres dirigeants et professionnels est constituée de nationaux de pays membres. Toutefois, les groupements de ces entreprises avec d’autres qui ne seraient pas ressortissantes d’un des pays membres de la BID seront permis à condition que l’entreprise ressortissante d’un pays membre de la BID assure plus de 50 % des travaux. Par ailleurs sont exclues de cette consultation : - Les entreprises ayant des liens avec la société engagée comme Maître d’œuvre, - Les entreprises se trouvant sous le coup de la suspension suite à la résiliation d’un marché, en application de l’article 102 du Code des marchés publics. - Entreprises publiques qui ne sont pas juridiquement et financièrement autonomes et qui ne sont pas administrées selon les règles du droit commercial 4. Financement Les prestations qui seront exécutées pour le compte du Ministère des Travaux Publics sont financées par le Gouvernement de la République du Cameroun, dans le cadre d’un prêt de la Banque Islamique de Développement et du Budget d’Investissement Public du MINTP, Exercice 2011 et suivants. 5. CONSULTATION DU DOSSIER D’APPEL D’OFFRES Le Dossier d’Appel d’Offres peut être consulté à l’adresse suivante : Ministère des Travaux Publics Direction des Affaires Générales Sous - Direction des Marchés (Service d’Appui aux Commissions des Marchés) Sis en face du lac municipal de Yaoundé ; Tel : (237) 22 22 95 11. 6. ACQUISITION DU DOSSIER D’APPEL D’OFFRES Le Dossier d'Appel d'Offres peut être obtenu auprès des services du Maître d’Ouvrage au Ministère des Travaux Publics, Sous Direction des Marchés, Service d’Appui aux Commissions des Marchés sis en face du lac Municipal à Yaoundé, sur présentation d’un reçu de versement au Trésor Public d’une somme non remboursable de SEPT CENT MILLE (700 000) Francs CFA Ce reçu devra identifier le payeur comme représentant de l’Entreprise ou « Groupement » d’Entreprises désireuses de participer à l’Appel d’Offres. N° 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

119

7. REMISE DES OFFRES L’offre, toutes les correspondances et tous les documents relatifs à la soumission ou à l’exécution du marché seront rédigés en Français ou en Anglais. Chaque offre, en cinq (05) exemplaires dont un (01) original et quatre (04) copies marqués comme tels, devra être déposée contre récépissé à la Sous-Direction des Marchés (Service d’Appui aux Commissions des Marchés) de la Direction des Affaires Générales du Ministère des Travaux Publics au plus tard le 09 juillet 2011 à 10 heures précises (heure locale) et devra porter la mention : « Appel d'Offres International limité aux entreprises ressortissantes des pays membres de la Banque Islamique de Développement (BID) N° 22/AOI/MINTP/CPM-TN/2011 DU 09 mai 2011, lancé par le Gouvernement de la République du Cameroun pour l’exécution des travaux de construction de la route Sangmelima - Ouesso ; Lot 1 : Sangmelima–Djoum (Section 1: Sangmelima – Mekok –Bikoula (65 km)) située dans la Région du Sud, Département du Dja et Lobo. Financement Banque Islamique de Développement (BID) et Budget d’Investissement Public (BIP) du MINTP : Exercices 2011 et suivants. A n’ouvrir qu’en séance de dépouillement » 8. RECEVABILITE DES OFFRES Les offres parvenues après la date et l’heure limites de dépôt seront irrecevables. 9. Ouverture des plis L’ouverture des enveloppes contenant les pièces administratives (volume 1), les offres techniques (volume 2) et les offres financières (volume 3) sera effectuée le 09 juillet 2011 à 11 heures précises, heure locale, dans la Salle des Réunions de la Délégation Régionale des Travaux Publics du Centre, par la Commission de Passation des Marchés de Travaux Neufs du Ministère des Travaux Publics. 10. DÉLAI D’EXÉCUTION Le délai maximum pour la réalisation des travaux, incluant les saisons des pluies, est fixé à trente (30) mois calendaires à compter de la date de notification de l’Ordre de Service de commencer les travaux.

12. EVALUATION DES OFFRES L’évaluation des offres se fera en trois (03) étapes : Etape 1 : Vérification de la conformité des pièces administratives (volume 1) Etape 2 : Analyse de toutes les offres financières (volume 3) administrativement conformes et classement des soumissionnaires du moins disant au plus cher ; Etape 3 : Évaluation de l’offre technique (volume 2) du soumissionnaire classé le moins disant. Si son offre est techniquement conforme en tout point tel qu’exigé, l’évaluation des offres s’arrête et ledit soumissionnaire est déclaré adjudicataire provisoire du marché de travaux. Sinon procéder à l’évaluation de l’offre technique du 2e moins disant et ainsi de suite jusqu’à l’attribution provisoire du marché. 13. PRINCIPAUX CRITERES ELIMINATOIRES L’examen de la conformité des offres se fera sur la base des critères éliminatoires. L’absence de l’un des éléments ci-dessous entraîne l’élimination de l’offre : N°

Désignation

1

la quittance d’achat du DAO

2

la caution de soumission

3

l’attestation de non exclusion de l’ARMP (pour les entreprises ayant une activité au Cameroun)

4

l’attestation de non faillite (pour les entreprises installées au Cameroun) ou les documents équivalents pour les autres.

JEUNE AFRIQUE

N° 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Appel d’offres

11. CAUTIONNEMENT PROVISOIRE Les offres seront accompagnées d’une caution de soumission conforme au modèle du dossier d’Appel d’Offres. Le montant de cette caution est fixé à cinq cent soixante millions (560 000 000) de Francs CFA. La caution sera établie par un établissement bancaire reconnu par le Ministère en charge des finances en République du Cameroun. Elle restera valide trente (30) jours après la période de validité des offres (soit 150 jours) ou de la nouvelle date limite qui pourrait être demandée par le Maître d’Ouvrage. L’absence ou la non-conformité de cette caution au modèle joint au Dossier d’Appel d’Offres entraînera l’élimination de la soumission correspondante.


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Annonces classées 5

L’attestation CNPS certifiant que le soumissionnaire est à jour vis-à-vis de ses cotisations (pour les entreprises installées au Cameroun)

6

Le certificat d’imposition et l’attestation de non redevance délivrés par les services des impôts (pour les entreprises installées au Cameroun).

7

8

Le Directeur des Travaux est titulaire d’un Diplôme d’Ingénieur de Génie Civil Le Directeur de Projet a exercé les fonctions de Directeur des Projets dans au moins deux (02) projets de travaux routiers de volume et de nature comparables ou bien Le Directeur de Projet a exercé les fonctions de conducteur des travaux routiers dans au moins trois (03) projets de travaux routiers de volume et de nature comparables L’attestation sur l’honneur de la visite des lieux établie par le soumissionnaire

Les documents sus cités doivent dater de moins de trois mois par rapport à la date d’ouverture des offres et tous les documents attestant de l’expérience du Directeur des Travaux seront obligatoirement joints dans l’offre (copies des marchés, contrats de travail, etc...) 14. LES PRINCIPAUX CRITERES ESSENTIELS L’évaluation des offres techniques se fera sur la base de six critères de qualification. Lorsque les offres sont remises en groupement, on procédera à l’évaluation préalable de chacun des membres du groupement : le mandataire doit remplir au moins 70% des critères énoncés et chacun des autres membres doit remplir au moins 30% de ces critères. Cette hypothèse étant vérifiée, il pourra alors être procédé au cumul des références de chaque membre du groupement. Les principaux critères essentiels d’évaluation des offres techniques sont :

Appel d’offres

N° Critères essentiels 1 Expérience du soumissionnaire 2 Matériel 3 Personnel d’encadrement 4 Chiffre d’Affaires 5 Ligne de Crédit 6 Méthodologie TOTAL

Nombre de Sous-Critères 03 18 16 02 01 10 48

Le 6e critère consacré à la méthodologie correspond à déterminer la présence ou non d’une méthodologie et non à son évaluation. Pour être qualifié, le soumissionnaire doit obligatoirement satisfaire tous les 6 critères de qualification. 15. ATTRIBUTION DU MARCHÉ Le marché sera attribué au soumissionnaire ayant présenté une offre administrativement et techniquement conforme au dossier d’Appel d’Offres et ayant proposé l’offre financière la moins disante. 16. DURÉE DE VALIDITÉ DES OFFRES Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pendant cent vingt (120) jours à compter de la date limite fixée pour la remise des offres. 17. DÉLAI DE RÉPONSE DES SOUMISSIONNAIRES Il est accordé aux soumissionnaires désireux de participer à cet Appel d’Offres un délai de réponse de soixante (60) jours à compter de la date de publication de l’Avis d’Appel d’Offres. 18. RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Les renseignements complémentaires d’ordre technique peuvent être obtenus auprès de la Direction des Affaires Générales, Sous-Direction des Marchés (Service d’Appui aux Commissions des Marchés), sis en face du lac municipal de Yaoundé Tel : (237) 22 22 95 11 au Ministère des Travaux Publics Fait à Yaoundé, le 9 Mai 2011 Le Ministre des Travaux Publics Maître d’Ouvrage Bernard MESSENGUE AVOM N° 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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REPUBLIC OF CAMEROON Peace - Work - Fatherland -------------------------MINISTRY OF PUBLIC WORKS

REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix - Travail - Patrie -----------------------MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS

LIMITED INTERNATIONAL INVITATION TO TENDER No 22/AAOIO/MINTP/CPM TN/2011 of 09 MAY 2011, issued by the Government of the Republic of Cameroon for construction works of the Sangmelima – Ouesso road; Lot 1: Sangmelima – Djoum (Section 1: Sangmelima – Mekok - Bikoula (65 km)), situated in the Dja et Lobo Division, South Region. Financing: Islamic Development Bank (IDB) and MINTP Public Investment Budget (PIB) for the 2011 Financial Year et seq 1. Object On behalf of the Government of the Republic of Cameroon, the Minister for Public Works (MINTP), Project Owner, hereby issues an Limited International Invitation to Tender intended to nationals of IDB member countries for construction works of the Sangmelima – Ouesso road, Lot 1: Sangmelima – Djoum (Section 1: Sangmelima – Mekok - Bikoula (65 km), situated in the Dja et Lobo Division, South Region. 2. Scope of works The tender concerns construction works of the Sangmelima – Ouesso road, Lot 1: Sangmelima – Djoum (Section 1: Sangmelima – Mekok - Bikoula (65 km), situated in the Dja et Lobo Division, South Region.

2.2 Drainage structures component (major slaps) The works shall consist of the construction of five 2 X (2.5 m x 2.5 m) double slaps and 3 triple 3 X (2.5 m x 2.5 m) slaps. The localization and characteristics of the major slaps to be constructed are indicated in the following table: N°

Evaluation elements Name of river Location of bridge

Section (in m2)

Lenght (in m)

Backfill height (in m)

1

NDJOMBA

KM

2+425

2x(2.50 x 2.50)

22.32

0.97

2

AFAMBA

KM

5+825

2x(2.50 x 2.50)

30.23

3.59

3

AFAMBA

KM

15+275

2x(2.50 x 2.50)

26.44

2.28

4

LIBI

KM

30+025

2x(2.50 x 2.50)

31.30

3.93

5

LIBI

KM

35+350

2x(2.50 x 2.50)

31.30

3.93

6

LIBI

KM

37+775

3x(2.50 x 2.50)

27.17

2.59

7

LIBI

KM

42+450

3x(2.50 x 2.50)

31.46

4.03

8

LIBI

KM

49+450

3x(2.50 x 2.50)

28.09

2.94

JEUNE AFRIQUE

N° 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

Appel d’offres

2.1 Road component The works shall consist of: • Site installation; • Construction studies; • Preparatory works (expropriations, exhumation-inhumation, liberation of the right of way); • Earthworks; • Execution of a 7.50 m wide carriageway with 2 x 2m double surface paved shoulders each in build-up areas. The carriageway structure shall comprise the following: - 30 cm thick natural laterite gravel low load bearing capacity soil; - 30 cm thick selected laterite gravel foundation; - 20 cm thick 0/31.5 crushed graded aggregate foundation; - 5 cm thick bituminous concrete wearing course; • Construction of drainage structures (concrete box and ring culverts, slaps, ditches, etc.); • Construction of bridges; • Realisation of road equipment, signing and marking; • Construction of a weighing station for heavy duty vehicles, including a parking area of 50 000 m2; • Construction of a weighing station between Sangmelima and Djoum; • Installation of an automatic metering post; • Implementation of road protection measures; - Development of quaries and borrowed pits; - Related works; - Sensitization on ITIs and AIDS.


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Annonces classées Characteristics common to the major slaps: - Carriageway width: 7.50 m - Shoulder width: 2x1.50 m The works shall be executed in keeping with the standard code of practice and the execution drawings and plans, to be consulted at the MINTP Sub-Department of Road Investments. 3. Eligibility Participation in this tender shall be open to national or international contractors or joint-ventures of the Islamic Development Bank (IDB) member countries. Shall be qualified as a contractor of an IDB member country, any contractor with the following: - Registration or legal constitution was done in an IDB member country; - Main activity area situated in an IDB member country; - More than 50% of the capital is owned by one or many contractors in one or many member countries (such contractors must show proof of their nationality) and/or by nationals of these member countries; - More than 80% of the staff in charge of services within the framework of the contract are nationals of IDB member countries, employed directly or by a sub-contractor; - The majority of the managing and professional staff are nationals of these member countries. However, joint-ventures between these contractors and those who are not nationals of an IDB member country shall be authorized, on condition that the contractor of an IDB member country executes more than 50% of the works. On the other hand, the following shall be excluded from the consultation: - Contractors related to the Project Owner, - Contractors under suspension for failure to execute a contract in keeping with article 102 of the Public Contracts Code. - Public corporations not legally and financially autonomous, not managed in keeping with the rules of Cameroon commercial law. 4. Financing Works under this tender shall be executed on behalf of the Ministry of Public Works and financed by the Government of the Republic of Cameroon, within the framework of an Islamic Development Bank loan and the MINTP Public Investment Budget for the 2011 Financial Year et seq. 5. Consultation of tender documents The tender documents may be consulted at the following address:

Appel d’offres

Ministry of Public Works Department of General Affairs Sub-Department of Contracts (Tenders Board Support Service) by the Yaounde Municipal Lake Tel: (237) 22 22 95 11 6. Aquisition of tender documents The tender documents may be obtained at the MINTP Sub-Department of Contracts, Tenders Board Support Service by the Yaounde Municipal Lake, upon presentation of a receipt of payment into the public treasury of a non-refundable fee of seven hundred thousand (700 000) CFA F. Such a receipt shall identify the payer as representing a consulting firm or “joint-venture” willing to participate in the tender. 7. Submission of tender The tender, all correspondences and all documents to the execution of the works shall be in French or English. Drafted in quintuplicate (5) including one (1) original and five (4) copies labelled as such, tenders shall be submitted against a receipt at the MINTP Department of General Affairs, Sub-Department of Contracts, Tenders Board Support Service by the Yaounde Municipal Lake, not later than 09 July 2011 at 10 a.m (local time). They shall bear the following: “LIMITED INTERNATIONAL INVITATION TO TENDER No 22/AAOIO/MINTP/CPM-TN/2011 of 09 May 2011, issued by the Government of the Republic of Cameroon for construction works of the Sangmelima – Ouesso road; Lot 1: Sangmelima – Djoum (Section 1: Sangmelima – Mekok - Bikoula (65 km)), situated in the Dja et Lobo Division, South Region. Financing: Islamic Development Bank (IDB) and MINTP Public Investment Budget (PIB) for the 2011 Financial Year et seq To be opened only at the tender-evaluation session. 8. Tender compliance Any tender received after the submission deadline shall be rejected. 9. Opening of tenders The envelopes containing the administrative documents (volume 1), the technical proposals (volume 2) and the financial offers (volume 3) shall be opened by the MINTP New Projects Tenders Board on 09 July 2011 at 11 a.m, local time, in the meeting room of the Centre Regional Delegation of Public Works. 10. Timeframe The maximum execution timeframe shall be thirty (30) months, including the relative duration of the rainy season, with effect from the date of notification of the notice to proceed.

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11. Provisional guarantee Tenders shall include a provisional guarantee issued, in keeping with the model indicated in the tender file by a banking institution approved by the ministry in charge of finance. The amount shall stand at five hundred and sixty million (560 000 000) CFA F. The absence or non-compliance of the provisional guarantee with the enclosed model shall lead to rejection of the corresponding tender. 12. Tender evaluation Tenders shall be evaluated in three (3) stages: Stage 1: Verification of the administrative documents (volume 1) for compliance; Stage 2: Evaluation of all the financial offers (volume 3) of tenderers with compliant administrative documents and classification of tenders from the lowest to the highest bids; Stage 3: Evaluation of the technical proposals (volume 2) of the lowest bidder. If his offer is technically compliant, the evaluation shall end and he is declared as the temporary successful holder of the contract. If not, the technical proposal of the second lowest bidder shall be evaluated and so on, until the temporary award of the contract. 13. Main eliminatory criteria Tenders shall be evaluated as per the eliminatory criteria. The absence of one of the following elements shall lead to rejection of tender: N° 1 2 3 4 5 6 7 8

Description Receipt of payment of the tender fee Provisional guarantee Attestation of non-exclusion issued by ARMP (for Cameroon-based contractors) Attestation of non-bankruptcy (for Cameroon-based contractors) or equivalent documents for the others Attestation of the National Social Insurance Fund to the effect that the tenderer is up to date with his contributions (for Cameroon-based contractors) Certificate of taxation and attestation of non-indebtedness issued by the tax services (for Cameroon-based contractors) Construction Manager holder of a Diploma in Civil Engineering Project Director has served as Project Director in the execution at least two (2) similar road projects, or has served as head foreman in the execution at least three (3) similar road projects Attestation on honour of the site visit established by the tenderer

The above documents must date less than three months old and all documents attesting to the experience of the Construction Manager must be enclosed in the offers (copies of contracts, work contracts, etc.). 14. Main Essential criteria The technical proposals shall be evaluated out of six selection criteria. Each member of a joint-venture shall first be evaluated for offers submitted in partnership: the representative must fulfill at least 70% of the criteria listed and each of the other members at least 30% of the criteria. After the verification of this hypothesis, the references of each member of the joint-venture shall be cumulated. Main essential evaluation criteria:

Appel d’offres

N° Essential criteria 1 Experience of tenderer 2 Equipment 3 Supervisory staff 4 Turnover 5 Credit line 6 Methodology TOTAL

Number of sub-criteria 03 18 16 02 01 10 48

The 6th criterion concerning methodology shall be to determine the presence or not of methodology and not to evaluate it. To be pre-selected, the tenderer must meet all the 6 selection criteria. 15. Contract award The contract shall be awarded to the tenderer with the lowest financial bid and having administratively and technically compliant files with the tender model. 16. Tender validity Tenderers shall be bound by their tenders for a period of one hundred and twenty (120) days with effect from the tender-submission deadline. 17. Application deadline Interested tenderers shall have sixty (60) days to apply, with effect from the date of publication of tender. 18. Further information Additional technical information may be obtained at the Department of General Affairs, Sub-Department of Contracts (Tenders Board Support Service) by the Yaounde Municipal Lake, Tel: (237) 22 22 95 11, Ministry of Public Works. Yaounde, 9 May 2011 The Minister for Public Works Project Owner Bernard MESSENGUE AVOM JEUNE AFRIQUE

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AFRICAN UNION

UNION AFRICAINE UNIÃO AFRICANA

EXPRESSION OF INTEREST

FOR CONSULTANCY SERVICES TO CONDUCT: 1. FEASIBILITY STUDY ON THE CREATION OF AN AFRICAN INTEGRATION FUND; 2. STUDY ON ELABORATION OF MODEL AND GUIDELINES ON UNIVERSAL POSTAL SERVICE (UPS) FOR AFRICA

Divers - Expression d’intérêt

Background The African Union (AU), established as a unique Pan African continental body is charged with spearheading Africa’s rapid integration and sustainable development by promoting unity, solidarity, cohesion and cooperation among the peoples of Africa and African States as well as developing a new partnership worldwide. Its Headquarters is located in Addis Ababa, capital city of Ethiopia The AU has set aside funds for numerous activities towards African Development and Integration processes and wishes to use part of it for the conduct the following studies: 1. Feasibility Study on the Creation of an African Integration Fund 2. Elaboration of Model and Guidelines on Universal Postal Service (UPS) for Africa The objectives: 1. The overall objective of the African Integration Fund is to assess the feasibility of establishing an Integration Fund and identify modalities for establishing such a fund at a continental level taking into account the existing regional and continental arrangements. 2. The overall objective of the Universal Postal Services for Africa aimed at proposing to Member States of the African Union a sustainable Universal Postal Service, viable financially and able to support socio-economic development, through making available a relevant model of UPS and related relevant guidelines To this end, the African Union Commission now invites Expression of Interest from eligible consultancy firms or consortium to undertake either of the studies above. Interested firms or consortium should submit the following documents along with signed and sealed letter of Expression of Interest:

i. Detailed company profile, ii. List of verifiable previous experiences of similar study within the last three years, iii. Copies of registration certificates and business licenses, iv. Audited Financial Statement for the past three years Communication and Enquiry Additional information could be obtained from Mr. Hussain Usman Procurement Unit, African Union Commission Email: hussainu@africa-union.org Tel: +251 (0) 11 551 7700 – Ext 122 Fax: +251 (0) 11 551 0442; +251 11-551-0430 Submission of Expression of Interest One original and three copies of EOIs (in either English or French Language) must be received in one sealed envelope not later than Friday, 1st July 2011 at 15h30hours local time. The envelope must be clearly labelled. Late bid would be rejected and return unopened. The address for submission is: The Chairperson of Tender Board; African Union Commission; Roosevelt Street, Building C, 3rd Floor, Room 327, P. O. Box 3243, Addis Ababa, Ethiopia Tel: +251 11-551-7700. All EOIs received would be evaluated based on the company’s experience in similar assignment; valid registration certificates; annual turnover of not less than USD 1,000,000. Bidding Document, including detail Terms of Reference (TOR) would be sent to short listed firms that met our technical requirements for the final stage of the selection process.

Formation Internationale sur la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services de consultants Procédures de la Banque Mondiale et de la BAD - Douala, du 11 au 22 juillet 2011

Espace Scientifique et Technique (EST), cabinet international de formation et de conseils, basé en Tunisie et en Mauritanie, organise à Douala une deuxième session de formation de premier niveau au courant de l’année 2011, sur la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services de consultants, selon les procédures de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement (BAD). Pour toute information complémentaire sur cette formation et sur notre programme 2011, veuillez nous contacter aux adresses suivantes : Site Internet : www.est-formations.com Tel. : (222) 4643 2885 - E-mail : espacesctec@yahoo.fr

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RECRUTEMENT Firme d’Audit, de Conseils, du Juridique et Fiscal, membre de BKR INTERNATIONAL, intervenant dans les pays de la CEMAC et en République Démocratique du Congo, recherche pour ses bureaux du CONGO Brazzaville et de RCA : • Un (1) Manager Audit, ayant au moins huit (8) ans d’expérience réussie dans un Cabinet d’Audit (être Expert-comptable stagiaire ou diplômé serait un atout appréciable) ; • Un (1) Senior, chef de mission en audit ayant au moins quatre (4) ans d’expérience réussie dans un Cabinet d’Audit ; • Des Assistants débutant en audit, diplômés de l’Enseignement Supérieur en Gestion, Comptabilité, Finances, Audit ou grandes écoles ; • Un (1) Assistant débutant en Juridique et Fiscal ayant des connaissances comptables et juridiques OHADA La maîtrise de la langue anglaise constituerait un atout appréciable pour les candidats. Les personnes intéressées doivent envoyer leur dossier, exclusivement, à l’adresse suivante : recrutement@cabinetgkm.com Date limite de dépôt des candidatures : 30 Juin 2011

Recrutement

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www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

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Title: Sports for Youth Development Specialist - Duty Station: Antananarivo, Madagascar Proposed Level: 1.-4/L3 (to be determined upon recruitment) Period of consultancy/ duration : 20 june 2011 - 12 August 2011 (eight weeks)

BACKGROUND The vulnerability of Madagascar’s children and adolescents has grown markedly in the wake of the 2009 sociopolitical crisis, which exacerbated a vacuum of social services and support networks-exposing young people to a minefield of challenges that stand to undermine their development. Malagasy children and adolescents are in dire need of stability, support, and enabling environments. As the leading child rights organization in Madagascar, UNICEF has a responsibility to facilitate access to these key contributors to safe and healthy adolescent development. One area that remains more-orless unexplored for the Country Office is the role of sport as a platform for enhanced youth participation and empowerment. In the Madagascar context, where meeting spaces & recreational opportunities for youth are limited, such an approach represents a tremendous opportunity to engage. OBJECTIVE AND TARGETS In late 2010, UNICEF Madagascar developed a draft programming document around the Sports for Development concept. In order to capitalize on expressed interest of potential donors in this draft concept, UNICEF Madagascar seeks a Sports for Development Specialist to rework and expand the S4D programming document into a comprehensive program proposal & implementation strategy. In turn, this consultancy aims to support the development of partnerships and networks to support the strategie mobilization of resources and implementation of the S4D program in the future. QUALIFICATIONS/PROFESSIONAL EXPERIENCES • Advanced Degree in social science, media or another related field with specialized knowledge of Sports for Development (S4D) programming strategies and superior ability to identify/assess potential partners and to network with potential donors and partners • Minimum 6 years international working experience with experience managing large-scale (nationallevel) S4D projects or programs. IV. Applications Interested and qualified candidates should send their applications with updated United Nations Personal History Form (P11), updated CV to the Human Resources Officer, UNICEF Madagascar to the following email address: rh.unicefmada@gmail.com. - The detailed TOR can be requested this e-mail address Closing date of application: close of business 15 June 2011. — Only short-listed applicants will be contacted.

Recrutement - Formation

info@sai2000.org

UNICEF Madagascar recruits

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Groupe international de presse et d’édition (25 millions € C.A. – 130 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :

Un chef de rubrique économie (H/F) MISSIONS :

Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement économique de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb, vous aurez – sous la direction de la rédaction en chef – la responsabilité de l’élaboration et de la réalisation des dossiers thématiques et des enquêtes économiques de nos publications. Vous aurez en charge plus particulièrement : 0 3$ A=><> 2$ ;*94?><>?+ 2$ ;*$6A$87;$ 2$A A$4?$=!A +4&6&8>#=$A, 0 3*+;97&!9?>&6 2$ A&889>!$A 2*$6A$87;$A !+294?>&66$;A, 0 39 !$4@$!4@$ 2$ 4&;;97&!9?$=!A )%>B>A?$A1 $? $:%$!?A, 0 39 !+294?>&6 2*9!?>4;$A, 0 3*96>89?>&6 2$A 8$87!$A 2$ ;9 !+294?>&6 4@9!B+A 2$ 4&=<!>! 4$??$ '&6$, 0 39 !$%!+A$6?9?>&6 $? %!&8&?>&6 2$ ;9 %=7;>49?>&6 )- ;*&449A>&6 de forums, colloques, salons professionnels, etc..).

PROFIL :

Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous 9<$' 9= 8>6>8=8 5 96A 2*$:%+!>$64$ 296A la presse écrite quotidienne ou magazine. .(698>#=$/ !>B&=!$=:)A$1 $? 8+?@&2>#=$/ vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investiga?>&6/ =6$ !+94?><>?+ "94$ - ;*>6"&!89?>&6 $? des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais $A? $:>B+/ ;a connaissance de l’espagnol et/ou du portugais serait un plus.

Réf. : REDCHEFECO 0511

Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDCHEFECO 0511 à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis, rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs

Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Un monde d’hommes Permettez-moi cette question, moi qui enregistre chaque semaine votre magazine pour le centre de documentation et d’information de mon lycée : jamais de femme en couverture, est-ce un choix éditorial ? ● NADINE HUA NGOC, documentaliste, Bordeaux, France

Réponse Il y a trois semaines, nous avons mis en couverture deux jeunes Tunisiennes, mais cette édition, destinée au Maghreb et au MoyenOrient, n’a pas circulé en France. Et vous avez raison: les femmes font TUNISIE Où va la encore trop révolution ? peu l’actualité politique de nos zones de lecture… J.A. n 2627, du 27 d TERRORISME AQMI SANS BEN LADEN

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2627 • du 15 au 21 mai 2011

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À la poursuite du Gabon vert

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15 au 21 mai

DSK et son image On ne peut que se désoler des images de Dominique StraussKahn transmises par les télévisions américaines présentant un homme menotté, hagard. Ce triste spectacle ne peut se voir de ce côté-ci de l’Atlantique. Élisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux, a été à l’origine d’une loi [la loi sur la présomption d’innocence, NDLR] relative à l’image des personnes. Qu’elle en soit remerciée. ● JEAN-JACQUES BURICAND, Lyon, France

Décalage culturel À l’annonce de l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, certains ont crié au complot. Cependant, même s’il s’agissait d’un traquenard, il était assez intelligent pour l’éviter. Je suis convaincu que l’ex-patron du Fonds monétaire international (FMI), ayant la réputation d’aborder parfois la gent féminine de façon pressante, ignora à N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011

cet instant qu’au pays de l’Oncle Sam, on ne badine pas avec ce genre de comportement. De même, nombre d’hommes d’origine étrangère se sont retrouvés menottés, en garde à vue ou en prison en France pour avoir levé la main sur leur épouse, alors que dans leur pays d’origine, ils seraient restés impunis. Voilà qui nous amène à insister sur la prise en compte de l’aspect culturel au cœur du prochain projet socialiste. En effet, la culture, c’est aussi la découverte, la compréhension et la tolérance de l’autre. Cela sousentend le respect des coutumes et des lois des autres peuples. ● PAUL NIBASENGE N’KODIA, Paris, France

Une conversion peu crédible Monsieur Béchir, je vous lis depuis ma tendre enfance, mais je vous comprends de moins en moins, je ne partage plus tellement vos opinions dans ma peau d’Africain. Votre éditorial du numéro 2629 m’a donné des migraines. Vous semblez croire que les Occidentaux étaient mauvais hier en soutenant des dictateurs et que subitement, saisis par la compassion et le désir de promouvoir la démocratie, ils se sont rangés du côté de la population pour le développement du continent… C’est trop beau et trop facile. Les hommes passent, mais les systèmes demeurent – mieux : s’adaptent – pour maintenir l’exploité sous le fardeau. Pensez-vous que c’est pour la démocratie que Sarkozy s’est battu afin de rétablir l’ordre en Côte d’Ivoire ? Seuls les enfants peuvent y croire.

Sortir de la lamentation IL Y A DEPUIS LONGTEMPS CHEZ LES INTELLECTUELS un problème de méthode dans la dénonciation confuse des maux dont souffre l’Afrique. Et la vieille passion du rejet en soi de l’Occident y est pour beaucoup. Elle empêche de partir du bon pied. D’abord, on doit prendre acte de ce que le monde est venu à l’Afrique et s’est imposé à elle il y a plusieurs siècles. Mais l’histoire n’est pas finie ; elle ne fait que commencer. Il s’agit donc de faire le point sur les problèmes, sans cette lamentation perpétuelle sur le mal que « les autres » nous ont fait. Les problèmes de développement de l’Afrique sont déjà fort compliqués, sans qu’il soit besoin d’en rajouter. Repousser d’un même geste la domination que l’Occident exerce sur le continent africain et ces élites « occidentalisées » qui jouent contre leur propre pays constitue une erreur de jugement. La première chose est normale, au sens épistémologique ; la seconde ne l’est pas. En vérité, ce n’est pas parce que les élites sont occidentalisées qu’elles échouent à remplir leur mission. Il leur manque, essentiellement, le courage de transformer la culture africaine, en vue de l’adapter aux exigences de la modernité. Personne n’a encore prouvé que les « valeurs positives » de l’« Afrique mère » s’opposent à ces « valeurs universelles » apportées par la colonisation : le travail confère du sens à la vie ; la volonté de puissance est l’essence de l’univers ; l’échange et l’intérêt privé enrichissent la société ; tous les hommes veulent le bonheur ; etc. La responsabilité des intellectuels africains est de demander aux élites du continent de bien imiter ce qu’elles ont appris à l’école occidentale ; ce serait déjà pas mal. Ainsi ont procédé les Japonais puis les Chinois au cours du dernier siècle, avec le succès que l’on sait. Bien plus tard, il sera temps de faire le tri, de discuter culturellement de ce qu’il faudra garder, amender ou rejeter. Si les élites africaines veulent répondre du devenir historique de leur continent, le seul cap pertinent tient dans ce mot d’Amadou Hampâté Bâ, cité par Cheikh Hamidou Kane : « Les jeunes Africains (occidentalisés) auront accompli leur tâche quand ils sauront labourer leur propre terrain intérieur avec des instruments scientifiques qu’ils auront acquis à l’école étrangère. » ● RAOUL NKUITCHOU NKOUATCHET, sociologue, président du Cercle Mont Cameroun, Paris JEUNE AFRIQUE


Vous nous

SIMON KABAMBA, directeur de RTGA radio,

DES HOMMES DANS L’HISTOIRE

E

N FAISANT PREUVE D’AUDACE ET DE SANG-FROID lors des opérations qui ont abouti à l’élimination de Ben Laden, le 1er mai, Barack Obama a fait taire ceux qui l’accusaient de manquer de décision. Cette stature de chef de guerre pèsera lourd dans l’élection de novembre 2012. François Soudan développe dans ce numéro le récit d’une formation qui a soutenu la détermination du petit Hawaïen d’origine kényane à devenir le « leader du monde libre ». Alors qu’il était encore étudiant, puis en tant que community organizer à Chicago, Obama a dévoré tout ce qu’il trouvait sur l’histoire des Africains-Américains, en particulier sur ALBERT II le mouvement des droits civiques. Il inscrivait ainsi nsi TOUT L’O PPOSÉ JEAN D DE SON A PÈRE ET LES AR NIEL ABES une identité mûrement choisie au cœur d’un désir ésir Ce qu’il n’a vait pas dit politique. Deux portraits veillent sur le bureau ovale le aujourd’hui : celui d’Abraham Lincoln, et celui de Martin Luther King. No 13

N o 13 - Juin

Kinshasa, RD Congo

LA REVUE

2011

Je ne soutiens ni Gbagbo ni Kaddafi, mais au vu de ce qui se passe en Syrie et au Yémen, je m’interroge : pourquoi ce « deux poids, deux mesures » ? Les Syriens sont-ils des sous-hommes par rapport aux Libyens ? Seul l’intérêt compte. Pour les uns, on accourt au premier coup de canon, alors que d’autres pleurent depuis des siècles sans assistance. Je refuse de croire que l’Occident soutient désormais la population, c’est une tactique pour approcher et apprivoiser les futurs dirigeants du Maghreb. ●

Rendez-vous manqué C’était le  mai  et j’attendais des festivités, car j’avais lu que commémorer permettait de mieux se connaître pour mieux vivre le futur, mieux vivre ensemble. Il y eut des festivités, tout le monde en parlait : la télévision, les journaux, internet… mais pas celles que j’attendais. On était bien le 10 mai ? Ma sœur me répondit que oui, et elle ajouta : on fête les trente ans de l’arrivée de Mitterrand au pouvoir. C’est étrange, répondis-je, me suis-je donc trompée ? J’avais cru lire dans un Jeune Afrique que le 10 mai 2011 marquerait les dix ans de la loi Taubira sur l’esclavage. Mais personne n’en parla : pas les journaux, pas la télévision, internet à demi-mot, pas Jeune Afrique, ce Jeune Afrique que j’avais attendu avec impatience. Visiblement, personne n’avait voulu se rappeler ce jour-là, ou du moins ne se l’était rappelé. Ne voulait-on pas mieux vivre ensemble ? Voulait-on véhiculer l’idée qu’il n’était pas légitime de parler de cette partie de notre histoire ? Par ces questions, une blessure qui se voulait fermée avec le vote, en 2001, de la loi Taubira semblait se rouvrir en ce 10 mai 2011. ● MUKEMBE NSIANGANI, Montreuil, France

Réponse Votre déception est légitime. Emportés, comme les autres médias, par la riche actualité du moment – dominée par la mort de Ben Laden –, nous avons passé sous silence, dans notre no 2626, cet anniversaire qui aurait mérité d’être célébré. JEUNE AFRIQUE

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LE PREM IE

R MENS U

JUIN 2 011

EL G É N ÉR

4€

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DE LAN GU

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AISE

Les responsables politiques n’ont pas toujours de telles références, mais un peu partout les dictateurs subissent le vent contraire de l’Histoire. Dominique Mataillet évoque le destin des despotes déchus, qui ont souvent pu bénéficier d’arrangements particuliers. Avec une légèreté grinçante qui en révèle le caractère dramatiquement sérieux, Jean-Louis Gouraud ose 3:HIKTPJ=\UYUUW:?k@k @b@d@a; suggérer un asile qui conviendrait à Kaddafi : LE N 13 DE LA REVUE, le riche et autarciqueTurkménistan. Dans une juin 2011, 4 euros longue interview exclusive, Jean Daniel revient (zone franc : 3 000 F CFA) sur les relations de plus d’un demi-siècle qu’il a nouées avec le monde arabe, apportant une perspective unique sur les révolutions en cours.

LE NOUVEL

OBAMA LE CHEF DE SA VRAIE GUERRE CEUX QU PERSONNALIT É I L’INSP IRENT

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Mais les enjeux internationaux ne s’arrêtent pas à l’avènement de pouvoirs plus justes. Un milliard d’êtres humains souffrent aujourd’hui de la faim, rappelle Alain Faujas, avant d’exposer les mécanismes en cause et de suggérer des pistes de développement qui pourraient éloigner la menace. Au-delà des discours, la réalité se livre parfois dans l’instant, par la grâce d’une image. Aujourd’hui célébré (notamment par une rétrospective au Musée national de Singapour), le photographe iranien Abbas a couvert guerres et catastrophes. Mais à travers les déchirures de l’Histoire, il n’a jamais cherché qu’un visage : celui de l’Autre, celui de l’homme. ● ÉRIC FESNEAU

LE NOUVEL OBAMA PORTRAIT Avec l’élimination de Ben Laden, le président américain a acquis une nouvelle stature JEAN DANIEL ET LES ARABES

INTERVIEW Ce que le fondateur du Nouvel Observateur n’avait jamais dit

QUE DEVIENNENT LES DICTATEURS ?

ENQUÊTE Il est de plus en plus difficile aux despotes déchus d’échapper à la justice

N o 2630 • DU 5 AU 11 JUIN 2011


HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Pignouf ne veut plus être marocain

D

IMANCHE DERNIER A EU LIEU À HAARLEM, aux Pays-Bas, une réunion de Marocains consacrée à la réforme constitutionnelle qui se prépare dans le royaume chérifien. Des gens de toutes obédiences étaient réunis là, chacun a dit son mot et, ma foi, chacun a bien le droit de dire son mot, surtout s’il est bref.

Cependant, et c’est là que ça grince, il y avait aussi à Haarlem des gens qui ont tenu un discours complètement contradictoire. Exemple : un politicien néerlandais d’origine marocaine prend la parole pour protester contre le code marocain de la nationalité. En effet, ce monsieur, qu’on désignera ici sous le nom de Pignouf – il est prompt à réclamer des droits de réponse quand on use de son vrai nom –, Pignouf, donc, se lève et proteste contre le fait qu’il ne peut pas perdre sa nationalité marocaine. Pignouf se sent entièrement hollandais, ou à la limite hollandais d’origine rifaine, et ne veut plus être le concitoyen de l’illustre Hicham El Guerrouj, du grand philosophe Abed El Jabri ou du rossignol chantant Abdelwahab Doukkali. Bon : qu’il fasse ce qu’il veut, on se passera de lui s’il veut se passer de nous. Il y a quelques années, un autre gus dans son genre, un écrivain, s’était présenté au consulat du Maroc à Amsterdam pour rendre son passeport vert. On lui avait ri au nez : mon cher monsieur, quand on est marocain, c’est pour la vie. Il était rentré penaud et dépité chez lui. Pour en revenir à l’ami Pignouf, il réclame donc le droit de ne plus être marocain. Très bien. Mais ensuite, quelques instants plus tard, ce même Pignouf prend part à la discussion sur la réforme constitutionnelle. C’est là que je dis : stop ! On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Je vous le confirme en tant qu’ancien matheux : être à la fois dedans et dehors, ce n’est possible que dans une partie très bizarre et très contestée des maths qui s’appelle la logique floue. Il y a des jours où l’on a envie d’exiler tous les Pignouf du monde dans ce domaine lointain où leurs contradictions pourraient se déployer en toute liberté. De quel droit Pignouf se mêle-t-il de ce qui se passe dans un pays dont il ne veut plus être ressortissant ? Est-ce que nous prenons part, nous, à la discussion sur la réforme constitutionnelle au Pérou ? Est-ce que nous nous occupons du code pénal mexicain ? Est-ce que nous intervenons dans le prix de l’orge à Stockholm ? En tout cas, la prochaine fois que vous rencontrerez Pignouf avec ses gros sabots, traitez-le comme le vrai Hollandais qu’il prétend être. Saluez-le amicalement, félicitez-le pour Cruyff, Rembrandt, les tulipes et les canaux. Et essayez de lui vendre un tapis ou une veste en cuir pour dix fois son prix… Ça lui apprendra ! ●

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