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REPORTAGE AVEC WADE À BENGHAZI

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2631 • du 12 au 18 juin 2011

TUNISIE ÉCONOMIE : LES 7 DÉFIS CAPITAUX

jeuneafrique.com

BURKINA DOSSIER TÉLÉCOMS COMPAORÉ, LA FIBRE « CORPORATE » LA MANIÈRE FORTE

M6

La révolution autrement • Comment (et avec qui) le roi gère-t-il le « printemps marocain » ? • Jusqu’où ira le Mouvement du 20 février ? • Face à la contestation, quelle stratégie pour le pouvoir ? Enquête sur quatre mois qui ont changé le Maroc.

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 11 JUIN

Nous aurions pu mieux faire!

« ’

L

HISTOIRE IMMÉDIATE , celle qui se façonne sous nos yeux, au jour le jour, a ses humeurs et ses moments. Il lui arrive d’être immobile, de nous donner l’impression qu’il ne se passe rien, ou pas grand-chose. Mais il lui arrive aussi d’être en furie: alors, les événements se bousculent au point que nous ne parvenons même plus à les suivre et à les comprendre. La signification de chacun d’eux, son importance relative par rapport aux autres, ses conséquences sur eux sont sources d’interrogation et font l’objet d’interminables débats. Depuis plusieurs semaines, nous sommes dans l’un de ces moments de déchaînement où, submergé, le commun des mortels perd pied. Avec l’aide de quelques spécialistes, dont je citerai ci-dessous le diagnostic, je voudrais, pour nous aider à y voir clair, répondre à certaines des interrogations suscitées par cette foisonnante actualité. Faute de place, je ne pourrai, toutefois, traiter dans cette livraison que de deux événements d’inégale importance, mais dont l’évolution marquera la fin de ce mois de juin. ■

1) Le « printemps arabe » : Est-il en train d’échouer ? Ou conserve-t-il ses chances de réussite ? Et dans ce cas, sur quoi va-t-il déboucher ? Après ses premiers succès en Tunisie, le 14 janvier, et en Égypte, le 11 février, les très fortes résistances qu’il a rencontrées en Libye, au Yémen et en Syrie donnent l’impression qu’il « patine », fait du surplace et perd son momentum. À son « tableau de chasse » sont accrochés deux dictateurs, écartés en à peine deux mois. Et puis, plus rien depuis quatre mois. La Ligue arabe s’est exprimée une fois, timidement, il y a plusieurs semaines, contre la dictature de Kaddafi. Puis s’en est retournée à son habituelle insignifiance. L’Union africaine ? Elle reste abonnée à la tergiversation et n’a aucune prise sur les événements. ■

Cette impression de semi-échec, de bouteille à moitié vide, est trompeuse – fort heureusement. Elle décrit une phase de la bataille des peuples arabes contre leurs dictateurs et pour l’avènement de la démocratie. Qui se traduira, à mon avis, par de nouvelles et prochaines victoires. JEUNE AFRIQUE

Les peuples sont en effet restés mobilisés: ils ont accepté de très lourds sacrifices, des milliers de morts et de blessés, beaucoup de détenus et de maltraités, et ils sont revenus à la charge par vagues successives ; à ce jour, ils ne donnent aucun signe de lassitude. Les dictateurs yéménite et libyen ont refusé de s’en aller et ont montré qu’ils voulaient mourir au pouvoir. Il en sera donc ainsi : le Yéménite a déjà été éliminé ; le Libyen s’en ira ou mourra à son tour, et le tableau de chasse s’enrichira alors d’un quatrième trophée. Le Syrien ? Lui non plus ne finira pas bien. ■

Je ne prends pas mes désirs pour la réalité mais fonde ce pronostic optimiste sur l’analyse du rapport des forces. Les dictateurs sont de plus en plus isolés et déconsidérés tandis que les peuples, eux, ont des alliés puissants, déterminés, trop engagés pour reculer et dont le nombre augmente chaque semaine, car, au-dessus des gouvernements et pour les empêcher de renoncer, il y a l’opinion mondiale avec ses personnalités influentes et toutes les institutions internationales. Une coalition de cette envergure ne peut que gagner. Les États membres de la Ligue arabe et de l’Union africaine eux-mêmes se détachent l’un après l’autre de la position anachronique de ces deux organisations pour, sans elles, épouser le mouvement de l’Histoire en marche. Conclusion : nous aurions pu mieux faire et plus vite. Mais nous sommes dans la bonne direction et nous nous rapprochons du but. ■

J’ajoute à cela que ce « printemps arabe » a déjà suscité chez les plus lucides des commentateurs de très nombreuses réactions positives. Je vous en soumets deux à titre d’exemple. • George Mitchell, ex-envoyé spécial du président des États-Unis, Barack Obama, au Moyen-Orient : « Le “printemps arabe” a créé nombre d’incertitudes chez les Israéliens, chez les Palestiniens et chez tous les autres protagonistes du conflit, y compris nous-mêmes. Mais, à n’en point douter, on assiste aujourd’hui à un tournant majeur de l’histoire du Moyen-Orient. Étant donné l’importance politique de cette région, en raison notamment de ses richesses pétrolières, c’est également un tournant majeur pour le monde. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011


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Ce que je crois Nous ne savons pas ce qui peut en sortir et il faudra du temps pour que les choses se décantent. Ce ne sera pas facile, il y aura des hauts et des bas. Le président Obama a eu parfaitement raison de se concentrer sur l’Égypte, le plus grand pays et celui qui a l’histoire nationale la plus ancienne. » ■

• Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie : « Les peuples égyptien et tunisien ont enthousiasmé le monde en renversant courageusement leurs dictateurs. Mais leur long voyage vers la démocratie n’en est qu’à ses premiers pas. Les plus grands défis auxquels ils sont confrontés sont économiques. Les deux pays ont grand besoin de notre aide, et si nous voulons qu’ils réussissent, il nous faut mettre nos actes en harmonie avec nos promesses. Seule et par ses propres moyens, la petite Tunisie a fait davantage pour la cause de la démocratie que toutes les entreprises militaires occidentales au Moyen-Orient. Les États-Unis ont dépensé 3000 milliards de dollars pour faire la guerre en Irak, sans rien gagner en échange. À l’inverse, tout ce que nous mettrons pour aider économiquement la Tunisie rapportera un million de fois la mise. Soyez-en persuadés : ce que nous ferons pour la Tunisie fera autant de bien à ce pays qu’à nous-mêmes. » ■

2) La direction du Fonds monétaire international (FMI) Dans quelques jours, nous connaîtrons le nom

du nouveau directeur général du Fonds monétaire international. Il, ou plutôt elle, aura été désigné(e) « à la va-vite » pour, au pied levé, remplacer Dominique Strauss-Kahn, qui s’est mis lui-même hors circuit. Ci-dessous, le professeur Jeffrey Sachs dit excellemment que nous aurions pu, là aussi, faire beaucoup mieux : « Comment choisir le nouveau directeur du Fonds monétaire international ? Une bonne sélection prend du temps. Des noms nouveaux et inattendus devraient apparaître sur le devant de la scène. Les candidats devraient être évalués et non adoubés. Leurs points de vue devraient être écoutés, leurs qualifications analysées et, cette fois, toute rumeur de faiblesse devrait être prise en compte. Le processus de sélection du Fonds monétaire international devrait permettre à toutes les régions de s’exprimer sur les défis d’une économie mondiale en constante évolution et sujette aux crises. Dire qu’il faut un Européen pour s’occuper de la crise européenne, c’est faire machine arrière. Nous avons besoin d’un citoyen du monde convaincu qu’il s’agit d’abord de bâtir un nouveau système global, pas de quelqu’un choisi pour rafistoler l’ancien ou dans l’idée de maintenir l’Europe aux manettes. Mais, plus que tout, nous avons besoin d’un dirigeant d’une intégrité absolue, qui œuvrera à l’assainissement d’un système financier devenu de plus en plus instable, de plus en plus injuste et trop souvent au-dessus des lois. » ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð La joie ne dure qu’un printemps. François Cheng Ð La vérité n’est très souvent qu’une seconde manière de redire un mensonge. Ahmadou Kourouma Ð Il est temps que tout le monde sache que les Italiens n’ont pas inventé les nouilles mais les ont importées de Chine ! Patrick Besson Ð Les hommes sont comme les chiffres, ils n’acquièrent de la valeur que par leur position. Napoléon Bonaparte Ð Pour se marier, il faut un témoin, comme pour un accident ou un duel. Sacha Guitry N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

Ð Le dieu du cochon est celui qui lui donne sa nourriture. Proverbe africain Ð Choisis un bon terrain pour ta demeure. Choisis-le profond pour ton cœur. Choisis envers autrui la bienveillance. Choisis en paroles la vérité. Choisis en politique le bon ordre. Choisis en affaires l’efficacité. Choisis pour agir l’opportunité. Ne rivalise point : tu seras sans reproche. Lao-tseu Ð Une femme qui veut être présidente de la République, c’est qu’elle a des gènes d’homme. Les Nouvelles Brèves de comptoir

Ð L’histoire du monde est celle d’une interminable querelle de l’homme avec son Dieu, ou avec l’idée qu’il s’en fait. André Frossard Ð Le crime paie. On ne fait pas beaucoup d’heures et on voyage beaucoup. Woody Allen Ð La vieillesse est un tyran qui défend, sous peine de la vie, tous les plaisirs de la jeunesse. François de La Rochefoucauld Ð Les riches sont méprisables tant qu’ils ont de l’argent et inutiles lorsqu’ils n’en ont plus. Winston Churchill Ð Qui rit guérit. Proverbe français JEUNE AFRIQUE



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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

L’Afrique, c’est chic

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ISBONNE, 10 JUIN. Drôle de paradoxe : c’est dans un pays européen frappé de plein fouet par une grave crise économique que la Banque africaine de développement (BAD) tient ses assemblées annuelles et présente, une fois n’est pas coutume, la nouvelle face vertueuse du continent. Croissance en hausse, intérêt de plus en plus marqué des investisseurs étrangers traditionnels, émergence de nouveaux acteurs qui suscitent une concurrence dont profite à plein le continent… Oui, l’Afrique se porte bien, merci.

UNE JOURNÉE À BENGHAZI Aucun chef d’État ne s’était rendu dans la capitale des insurgés. Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a franchi le pas le 9 juin.

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3,7 % de croissance attendue en 2011, 5,6 % pour la seule Afrique subsaharienne (contre 2 % en moyenne pour les pays développés), les révolutions en Tunisie, en Libye et en Égypte obérant mécaniquement les performances économiques de l’Afrique du Nord : les indicateurs sont au vert, une tendance pas près de s’infléchir. Le continent surfe à l’évidence sur la boulimie mondiale de matières premières – merci les pays émergents ! L’Afrique pauvre, inquiétante, vouée à la défiance des investisseurs, cette Afrique-là n’est plus. Désormais, l’Afrique, c’est chic !

ALGÉRIE

DANS LES COULISSES DU DIALOGUE NATIONAL Comment travaille la commission chargée de conduire les consultations autour des réformes politiques.

Hydrocarbures, minerais, coton, bois, produits alimentaires, terres arables non cultivées, main-d’œuvre… Notre continent regorge de tout ce dont le monde aura de plus en plus besoin. Les Chinois l’ont bien compris, qui sont devenus, en 2011, le premier partenaire commercial de l’Afrique. Les autres « émergents », Indiens et Brésiliens en tête, bousculent eux aussi nos anciens partenaires privilégiés, réputés frileux. Ainsi les investissements étrangers sont-ils passés de 10 milliards de dollars au début des années 2000 à plus de 72 milliards en 2008 (de 6,9 à 49,4 milliards d’euros).

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PHOTO DE COUVERTURE : NIV/SIPA

Autant de signaux positifs qui, conjugués au vent du changement qui souffle au nord et au sud du Sahara, et contraint nos dirigeants, sous la pression d’une opinion publique qui pèse chaque jour un peu plus, à une meilleure gouvernance, à plus de démocratie, de libertés, de justice et de transparence, ne peuvent qu’augurer d’un avenir meilleur. Enfin. N’en déplaise aux afropessimistes de tous poils, l’Afrique change. Cette liste non exhaustive de bonnes nouvelles, souvent occultées, doit cependant nous inciter à redoubler de vigilance. Pour que ce fragile cercle vertueux ne se limite pas à un simple effet de mode et ne soit plus jamais remis en question. ●

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SÉNÉGAL - LIBYE

64 TUNISIE NISIE - ÉCONOMIE ÉCONOM ÉC LES 7 DÉFIS CAPITAUX Insécurité, mouvements sociaux, conflit libyen… Les dossiers à traiter d’urgence.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Sénégal - Libye Une journée à Benghazi Tour du monde Gabon Quand Ali rencontre Barack BAD Toujours entre deux sièges Al-Qaïda Ayman Zawahiri, tête de liste Tunisie C’est Caïd qui décide Tarek Aziz La dernière carte du valet de pique Nady Bamba Au bénéfice du doute

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G RA N D A N G L E

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Maroc Le roi, le peuple et la révolution

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Burkina La manière forte Tribune « Cessons de jouer le jeu du Sénégal. Extradons Hissène Habré ! » RD Congo Kinshasa promet la transparence Législatives en Guinée De l’orage dans l’air Énergie Black-out continental

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JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

24 M6 La révolution

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GRAND ANGLE GRA

BURKINA

LA MANIÈRE FORTE Face à la crise la plus grave qu’il ait jamais connue, le régime Compaoré s’est enfin résolu à agir. Mais il faudra plus que des « mesurettes » pour calmer la grogne.

autrement Enquête sur quatre mois qui ont changé le Maroc.

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DOSSIER TÉLÉCOMS

LA FIBRE « CORPORATE » Confrontés à la limite des offres grand public, les opérateurs lorgnent de plus en plus le créneau des services aux entreprises. Un marché d’avenir. Spécial 8 pages

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Tchad Koulamallah, sitôt rentré, sitôt arrêté Cameroun Shakespeare contre Molière Adieu Albertina Sisulu, avec les honneurs Nigeria Les douze travaux de Goodluck Jonathan

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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T

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Algérie Dans les coulisses du dialogue national Tunisie Boris l’Oriental Confidences de Mohamed Sahbi Basly Iran Bras de fer au sommet Israël-Syrie L’Intifada des frontières Libye Djerba, refuge cinq étoiles

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ÉCON OMIE

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Tunisie Les 7 défis capitaux

AUDIOVISUEL LA CÔTE D’IVOIRE À L’HEURE DE L’OUVERTURE Pour contrer la chaîne publique, le camp Ouattara avait lancé sa propre télévision. Une situation qui rend inévitable la libéralisation du secteur.

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Catering Servair nourrit de nouvelles ambitions Aérien Au chevet d’Air Ivoire Télécoms Pour Android, le mobile ne suffit pas Fortune Les richissimes, un marché en hausse Analyse Trop cher pétrole ! Interview Zakaria Fahim, président du CJD International Côte d’Ivoire Vent de changement à la CIE-Sodeci Fonds d’investissement Des critères de choix Baromètre

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D O SSIER

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Télécoms La fibre « corporate »

EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE

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C U LT U RE & M ÉD IA S

FMI Lagarde, dans un fauteuil Bonnes feuilles Chirac, tout miel, tout fiel Chine À Hohhot, les Hans n’ont pas la cote Affaire Strauss-Kahn Un cador entre en scène Parcours Layla Metssitane, par amour du jeu Pakistan Le cri de détresse d’Asia Bibi

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Audiovisuel La Côte d’Ivoire à l’heure de l’ouverture Littérature Ode à la femme Interview Khaled Khalifa : « En Syrie, la haine est attisée par le pouvoir » La semaine culturelle de J.A.

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VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum JEUNE AFRIQUE

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FMI L’AFRIQUE FRANCOPHONE VOTE LAGARDE

SCULPTEUR TURC

Macunluoglu.

D.R.

L’ŒUVRE DU

France-Tunisie Delanoë et le buste de Bourguiba

S

EPT ANS APRÈS SON INAUGURATION, l’esplanade HabibBourguiba, dans le 7e arrondissement de Paris, est toujours orpheline du buste du Combattant suprême prévu à cet endroit. Bertrand Delanoë, le maire de Paris, avait pourtant donné son accord de principe à l’Association du souvenir de Bourguiba (qui regroupe des personnalités comme Jean Daniel, Jean Lacouture, l’ancien ambassadeur Pierre Hunt ou l’ex-ministre tunisien Tahar Belkhodja) afin que soit érigée sur l’esplanade l’œuvre du sculpteur turc Macunluoglu. Mais les réticences très politiques du régime Ben Ali vis-à-vis de ce projet ont retardé sa mise en œuvre. Désormais, plus rien ne s’y oppose, si ce n’est une décision – apparemment informelle – de la commission des affaires culturelles de la mairie de Paris, selon laquelle un moratoire serait en vigueur concernant les statues, bustes et effigies de personnages dans la capitale. Pierre Hunt a écrit il y a trois semaines à Bertrand Delanoë pour obtenir des éclaircissements et renouveler la demande de l’association. Sans réponse à ce jour. ● MAROC LES MAÎTRES DU ZELLIGE À JÉRUSALEM

Restauré dans un style authentiquement marocain, le Centre mondial du judaïsme nord-africain a été inauguré le 12 juin à Jérusalem, en présence du N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

président israélien Shimon Pérès et d’Yitzhak Navon, l’un de ses prédécesseurs. L’association des communautés juives nord-africaines a fait venir des artisans marocains experts dans l’art du zellige (sorte de marqueterie de faïence). Les travaux ont

duré très longtemps – quatre ans –, parce que le ministère de l’Intérieur a tenté de s’opposer à l’entrée des artistes sur le territoire israélien. Le complexe comprend notamment des salles d’exposition, une librairie et un centre informatique.

« Ce n’est pas parce qu’elle est française que nous la soutenons, mais parce qu’elle a toujours été à notre écoute, qu’elle a toujours pris la peine de nous consulter avant les réunions internationales d’importance, notamment le dernier G8, à Deauville. » C’est en ces termes que plusieurs ministres des Finances de la zone franc qui participaient, le 10 juin à Lisbonne, aux assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) expliquent le soutien de leurs pays à la candidature de Christine Lagarde à la direction générale du Fonds monétaire international. Un soutien qui tranche avec les réserves de l’Union africaine, laquelle,dansuncommuniqué rendu public le 9 juin, avait estimé que la direction générale du FMI devrait revenir à une personnalité non européenne « issue du monde en développement ». LE CHIFFRE QUI ACCABLE Le taux de chômage en République démocratique du Congo (67 millions d’habitants), à en croire un rapport de la Banque mondiale publié le 7 juin.

75 %

RD CONGO ÉLECTIONS REPORTÉES AU 24 DÉCEMBRE ?

À Kinshasa, Daniel Ngoy Mulunda, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), avait le 30 avril solennellement annoncé que les élections présidentielle (un seul tour) et législatives auraient lieu le même jour, le 28 novembre. Et que le nouveau président prêterait serment le 20 décembre JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

Mali Sidibé fourbit ses armes ANCIEN PREMIER MINISTRE malien et candidat potentiel à la présidentielle d’avril 2012, Modibo Sidibé aurait, la semaine dernière, reçu en vue de sa campagne électorale divers équipements (tee-shirts, téléphones mobiles, véhicules 4x4, etc.) en provenance de Chine. Montant de la commande : environ 3 milliards de F CFA (4,5 millions d’euros). Depuis un certain temps déjà, les partisans de ce haut fonctionnaire qui a servi sous le régime des deux derniers chefs d’État (Alpha Oumar Konaré et AmadouToumaniTouré) se mobilisent pour soutenir sa candidature. ●

BIENS MAL ACQUIS COUP DE POUCE À LA TUNISIE

Lors des assemblées générales delaBanqueafricainededéveloppement (BAD), à Lisbonne, la Tunisie a obtenu un soutien de 2 millions de dollars pour financer les procédures judiciaires destinées à récupérer les avoirs du clan Ben Ali-Trabelsi. Les fonds seront décaissés sur présentation de factures auprès de la Facilité africaine de soutien juridique. Dans un premier temps, un don de 700 000 euros sera allouéàlacommissionmiseen place à Tunis afin d’identifier, puis de récupérer, les biens mal acquis. Une enveloppe de 1,3milliondedollarspermettra JEUNE AFRIQUE

ensuite de financer les procédures de recouvrement. Le tour de table pour réunir cette somme a commencé. La Franceapromis d’ycontribuer. Des négociations sont en cours avec les États-Unis. ALGÉRIE AH ! LA TECHNOLOGIE AMÉRICAINE…

Inquiet d’un possible développement du trafic transfrontalier à la faveur du conflit libyen, le gouvernement algérien a demandé au FBI de parfaire la formation des gardes-frontières (GGF, qui dépendent de la gendarmerie). Par ailleurs, les Américainssemblentavoirune longueur d’avance sur leurs concurrents français, russes et britanniques dans la course au juteux marché (on parle de 2 milliards de dollars) de la surveillance électronique du

LIBYE LES CACIQUES À LA RESCOUSSE Vivant dans la hantise de nouvelles défections parmi ses collaborateurs, Mouammar Kaddafi a doublé tous les postes clés du gouvernement. Il a pour cela fait appel à la vieille garde des Comités révolutionnaires, la milice du régime. C’est ainsi que Taieb Essafi double désormais le Premier ministre, Baghdadi Mahmoudi. Et que Mustapha Zidi fait de même avec Abdelati el-Obeidi, ministre des Affaires étrangères depuis la défection de Moussa Koussa, en mars.

DIPLOMATIE TSHISEKEDI À L’ÉLYSÉE

C’est publiquement que l’opposant congolais Étienne Tshisekedi a été reçu, le 8 juin à Londres, par Henry Bellingham, le ministre britannique chargé de l’Afrique. C’est, en revanche, beaucoup

plus discrètement qu’il l’a été, le 24 mai à Paris, par André Parant, le conseiller Afrique du président Sarkozy. Les deux hommes s’étaient rencontrés une première fois à l’Élysée, le 17 novembre 2010. Si les élections de novembre prochain sont reportées, Tshisekedi réclame une période de transition négociée entre l’opposition et le pouvoir congolais. Dans cet objectif, il demande l’appui de la France et du Royaume-Uni. FONDS VAUTOURS KINSHASA EN APPEL

Grâce à la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF) mise en place par la BAD, les autorités congolaises bénéficient depuis trois mois des conseils du cabinet d’affaires britannique DL Piper. Celui-ci va déposer des appels à l’encontre du fonds FG Hemisphere, qui a racheté la créance d’une dette commerciale (un prêt) contractée du temps de Mobutu en vue de l’électrification de Gbadolite, le village natal du « Léopard », et jamais remboursée. Entre le montant du prêt, les pénalités de retard et les intérêts, FG Hemisphere a obtenu en première instance le paiement de 300 millions de dollars. « Si la RD Congo a gain de cause, ce sera un message à l’adresse des fonds vautours : plus question de faire fortune sur le dos des pays pauvres », explique-t-on à la BAD.

DU BÉNIN AU GHANA

Sur la trace de Blé Goudé Charles Blé Goudé, le chef des Jeunes patriotes ivoiriens, a bien passé une dizaine de jours au Bénin, jusque dans la soirée du 5 juin. Selon une source proche du président Boni Yayi, il résidait à Abomey-Calavi, dans la périphérie de Cotonou. Était-il persona non grata ou a-t-il estimé qu’il était préférable de changer d’air après avoir été repéré par les autorités béninoises ? Quoi qu’il en soit, le « général de la rue » s’est alors rendu, en voiture, au Ghana, où il se trouverait encore. Pendant la crise postélectorale, Simone Gbagbo avait, elle aussi, été annoncée à Cotonou, mais l’information n’a jamais été confirmée.

VINCENT FOURNIER/J.A.

–alorsquelemandatdeJoseph Kabila expire le 6 décembre. Sans doute avait-il parlé trop vite. Car dans un « document de travail » daté de la fin mai et intitulé « Chronogramme élections présidentielle et législatives 2011 », la Ceni programme une nouvelle date pour les deux scrutins : le 24 décembre, veille de Noël. Outre la gêne qui en résulterait pour les nombreuxchrétiensduCongo, cette date risque de susciter la polémique. Le 30 avril, déjà, à l’annonce que la prestation de serment aurait lieu après le 6 décembre, plusieurs opposants avaient dénoncé un « vide constitutionnel »…

territoire. Mais la préférence accordée à la technologie américaine concerne aussi la santé. L’administration Obama vient de donner son feu vert à l’installation d’un complexe de biotechnologie dans la banlieue d’Alger.

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La semaine de Jeune Afrique

SÉNÉGAL-LIBYE

Une journée à

Benghazi

Jusqu’à présent, aucun chef d’État ne s’était rendu dans la capitale des insurgés libyens. Tranchant avec la frilosité de l’Union africaine, le président sénégalais Abdoulaye Wade a franchi le pas, le 9 juin. VINCENT FOURNIER,

I

envoyé spécial, avec

JOSÉPHINE DEDET

l est le premier chef d’État à se rendre à Benghazi, la capitale de la rébellion libyenne, où siège le Conseil national de transition (CNT) présidé par Moustapha Abdeljalil, l’ancien ministre de la Justice de Kaddafi. Il est aussi l’un des deux seuls chefs d’État africains (avec son homologue gambien) à avoir reconnu, le 27 mai, le CNT comme « seul représentantlégitimedupeuplelibyen».Le9juin,Abdoulaye

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Wade a passé environ sept heures dans le fief des insurgés, dont il avait déjà reçu une délégation, fin mai. Récit d’un voyage éclair effectué depuis Paris, et dont le président sénégalais est rentré fatigué mais ravi. PARIS, JEUDI 9 JUIN, 6 HEURES DU MATIN

Le départ pour l’aéroport doit être groupé. La délégation officielle et les représentants de la JEUNE AFRIQUE


VINCENT FOURNIER POUR J.A.

VINCENT FOURNIER POUR J.A.

L’événement

INSTALLÉ EN FACE DU PRÉSIDENT WADE, dans l’avion, le Libyen Mansour Sayf-Alnasr, membre du Conseil national de transition.

JEUNE AFRIQUE

Ý VU DU HUBLOT DE LA POINTE DE SARÈNE, un Mirage français d’escorte.

presse sénégalaise et française (une dizaine de journalistes au total) ont rendez-vous à la résidence de l’ambassadeur du Sénégal en France, rue Vineuse. La veille, le président Wade y a reçu la visite d’Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères. Sont du voyage : Karim Wade, le fils du chef de l’État, Madické Niang, son ministre des Affaires étrangères, Marie-Luce Skraburski, sa conseillère en communication (de l’agence française Image Sept) et d’autres conseillers. Côté libyen, est également présent le corpulent Mansour Sayf-Alnasr, un homme d’affaires francophone, membre du CNT (voir J.A. no 2629). Plusieurs membres de la sécurité sénégalaise ainsi que quelques Français escortent le convoi jusqu’à l’aéroport du Bourget.

le siège du CNT. On s’y rend entourés de voitures de police arborant le drapeau noir, rouge, vert des insurgés (celui qui avait cours avant la prise du pouvoir par Kaddafi en 1969), toutes sirènes hurlantes. La circulation a été bloquée. Les policiers, très souriants, font des signes de la main amicaux tout au long du chemin. Après avoir traversé des quartiers très pauvres, aux logements dégradés mais qui n’ont que fort peu été touchés par la guerre, les voitures s’arrêtent devant ce qui a dû être un gouvernorat et qui est, depuis environ un mois, le siège des rebelles. Wade s’engouffre dans le hall, où l’attend une délégation restreinte, dirigée par Abdeljalil. Les Sénégalais et les Libyens s’enferment dans un salon pour une bonne heure de discussion. Suit une deuxième réunion, à peine plus courte, cette LE BOURGET, VERS 8 HEURES fois en présence du CNT élargi. On procède au La délégation embarque à bord de La Pointe de traditionnel échange de cadeaux. Wade offre son Sarène, l’ancien Airbus de Sarkozy devenu l’avion livre, Une vie pour l’Afrique, traduit en arabe ; ses officieldelaRépubliquesénégalaise.Wade,costume hôtes lui font présent d’un tableau représentant gris clair et cravate rouge, vient saluer ses hôtes. On Omar al-Moktar, le héros de la résistance libyenne ne le reverra plus du voyage. Les traits tirés, il se lors de la guerre avec l’Italie (1911). retire dans sa cabine privée, équipée d’un lit. Retour dans le grand hall. Le discours d’Abdeljalil Soudain, quelque part au-dessus de la est suivi par une intervention plus longue de Wade. Après s’être félicité de ce que le Sénégal a atteint Méditerranée, l’avion pénètre dans la zone d’exclusion aérienne. « Regardez à votre gauche, un l’autosuffisance alimentaire et s’est doté d’infrastructures de qualité, il Mirage nous escorte, et c’est une femme qui est aux en vient au fait. S’adressant Wade à Kaddafi : « Je te commandes », indique le directement à Kaddafi – et regarde dans les yeux. pilote. En réalité, ce sont le tutoyant – il lance : « Tu deux Mirage français qui Retire-toi de la politique. » es arrivé au pouvoir par un coup d’État il y a plus de volent, un de chaque côté quarante ans, tu n’as jamais fait d’élections […]. de l’Airbus présidentiel. Les appareils font leur Tout le monde sait que c’est une dictature que show, montent, descendent, se rapprochent, puis, une fois passé la zone à risques, inclinent plusieurs tu as établie. Je te regarde maintenant dans les fois les ailes en signe d’au revoir. yeux. Il faut arrêter les dégâts, les tueries et les massacres. Dans l’intérêt du peuple libyen, il BENGHAZI, 11 H 20 faut te retirer de la politique. Plus tôt tu partiras, mieux ça vaudra. » Depuis l’avion, on devine les formes d’une ville très étendue. Benghazi, 631000 habitants (1,1 milPeu auparavant, devant la presse, Wade avait lion en comptant les faubourgs), la capitale de la asséné: « À l’Union africaine, je suis le seul qui peut Cyrénaïque, à 670 km à l’est de Tripoli. lui parler, lui dire la vérité car je suis le seul qui ne lui Flanqué d’une petite délégation, Moustapha doit rien. » Ses pairs apprécieront… Singulièrement Abdeljalil, le président du Conseil national de complaisants à l’égard du « Guide » depuis le transition, accueille Abdoulaye Wade à la descente début de la crise, ils n’en commencent pas moins de l’avion, sous une chaleur écrasante. Direction : à tourner casaque, voire, pour le président ● ● ● N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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VINCENT FOURNIER POUR J.A.

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ABDOULAYE WADE ET MOUSTAPHA ABDELJALIL (au centre), au siège du Conseil national de transition, à Benghazi. ● ● ● mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, à lâcher carrément Kaddafi. L’Afrique, justement, peut-elle servir de modèle à une Libye en pleine transition politique? À Wade, qui cite en exemple les conférences nationales africaines, Abdeljalil répond que le CNT pourrait s’en inspirer. Wade a également proposé à ses interlocuteurs d’organiser un forum international sur le sol africain, qui s’intitulerait « La Libye aujourd’hui et demain », réunissant les amis du CNT et toutes les « bonnes volontés » désireuses de lui apporter un soutien politique et financier.

DANS L’AVION DU RETOUR, VERS 18 HEURES

C’est le moment des confidences. Après s’être reposé environ une heure, Wade reçoit les journalistes un à un. Depuis le 19 mars, date du début des frappes de la coalition occidentale, il a, dit-il, parlé trois fois au téléphone à Mouammar Kaddafi. « La dernière fois, c’était en mai, précise-t-il. Depuis, il n’a pas bougé d’un iota. Au début, il ne s’attendait pas à ce que les Occidentaux se montrent aussi déterminés et il pensait pouvoir écraser la rébellion. Maintenant, je sais, à l’entendre, qu’il est conscient qu’il n’y a pas de solution militaire. Mais je pense qu’il a fini par croire qu’il

PLACE DE LA RÉVOLUTION, 16 HEURES

Les affamés en seront pour leurs frais. Le président sénégalais ayant l’intention de prononcer un discours sur la place de la Révolution, le déjeuner est annulé. On a beau lui objecter qu’à cette heure et par cette chaleur il ne rencontrera pas grand monde, il insiste pour aller au contact de la population. En chemin, on passe devant une vaste demeure en ruines – « cette maison appartenait à Kaddafi, on s’est beaucoup battus autour avec sa police », raconte un membre du service de sécurité. La guerre a laissé peu de traces: quelques bâtiments endommagés, tout au plus. Partout, des grandes affiches à la gloire de la liberté, des tags et des graffitis en arabe et parfois en anglais : « We want real democracy », « No more tyrant », « Kaddafi, game is over ». Lorsque Wade arrive sur les lieux, une poignée de jeunes, à l’évidence mobilisés à la hâte, brandissent des posters à son effigie et des petits drapeaux sénégalais. Entouré d’une nuée de gardes du corps, le président descend de sa voiture, constate qu’il n’y a pas foule, fait un salut de la main… et rentre dans sa voiture. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

COMME UN CERTAIN ADOLF HITLER ? LE 7 JUIN, MOUAMMAR KADDAFI A EU 69 ANS. Cet anniversaire, il l’a passé terré dans l’un de ses bunkers de Bab el-Azizia, àTripoli. Et cette date pourrait rester dans l’Histoire comme celle de sa dernière allocution. C’est en effet ce jour-là que l’Otan a procédé à ses bombardements les plus intensifs depuis le début de son intervention. « Les avions sont au-dessus de moi, en train de bombarder près d’ici, mais mon âme est entre les mains de Dieu… », a précisé Kaddafi, qui paraissait aux abois. « Peu nous importe la vie, peu nous importe même la victoire, et peu nous importe la mort. Ce qui nous importe à cet instant, c’est le devoir, que nous mourions, que nous devenions des martyrs, que nous nous suicidions ou que nous vainquions. » Totalement coupé de la réalité et impuissant militairement, Kaddafi a continué à faire miroiter à son dernier carré de fidèles l’espoir chimérique d’une victoire. Mais il a fallu qu’il évoque lui-même pour la première fois publiquement l’éventualité de se donner la mort pour que l’hypothèse du suicide paraisse vraisemblable. « Ses jours sont comptés. Il va faire comme Hitler, se suicider », affirme Moustapha Abdeljalil, son ancien ministre de la Justice devenu chef du Conseil national de transition (CNT), dans une interview au ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis journal suédois Expressen. ● JEUNE AFRIQUE


L’événement

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« Tripoli delenda est » Pressée d’en finir avec le dictateur libyen, l’Otan intensifie ses frappes sur la capitale. Mais quel sera le prix à payer pour ses 2,5 millions d’habitants ?

PLACE DE LA RÉVOLUTION, à Benghazi, le 9 juin.

a une mission divine. Il attend un miracle pour se sortir de là. » Nous rentrons dans la zone d’exclusion aérienne: comme lors du voyage aller, les Mirage français nous accompagnentunmoment.Wadepoursuit:«Quand le président français est monté en première ligne, Kaddafi m’a dit au téléphone: “Dis à Sarkozy que, s’il arrête tout ça, je lui achète des centrales nucléaires, je lui donne du pétrole, tout ce qu’il veut.” » À propos de l’Union africaine, le chef de l’État sénégalais se montre sinon critique, du moins dubitatif. « J’ai conseillé à plusieurs reprises à Kaddafi de quitter le pouvoir avant que la Cour pénale internationale ne se saisisse de son cas, mais il ne m’a jamais répondu car il a toujours considéré qu’il était protégé par l’UA. » Si l’organisation avait, dès le début de la crise, demandé au numéro un libyen de partir, l’Otan aurait certainement suspendu ses frappes et laissé une chance à une médiation africaine, estime le président sénégalais. Lors du sommet de Malabo, à la fin de juin, il n’envisage pas de prendre une initiative générale, inefficace à ses yeux, mais « d’aller convaincre certains chefs d’État africains de reconnaître le CNT ». Évoquant ses initiatives diplomatiques et le « printemps arabe », Wade confie qu’il avait offert l’asile politique à Ali Abdallah Saleh, le président du Yémen, qui a été blessé quarante-huit heures après son coup de fil. Sollicité à plusieurs reprises, le Syrien Bachar al-Assad, lui, n’a pas jugé bon de décrocher son téléphone. Sur le tarmac du Bourget, où son avion a atterri vers 21 heures, le chef de l’État sénégalais s’éloigne pour téléphoner au roi Abdallah d’Arabie saoudite. Le soir tombe, tandis qu’il lui annonce qu’il se rendra bientôt dans son pays pour y faire sa omra, le « petit pèlerinage ». ● JEUNE AFRIQUE

Æ DÉLUGE DE FEU sur le quartier de Bab el-Azizia, à Tripoli, le 7 juin.

REUTERS

VINCENT FOURNIER POUR J.A.

C

e sont des images trou« Frappes chirurgicales » ? Sans blantes, choquantes. doute, mais on sait, depuis Bagdad Pour la première fois, justement, que cette chirurgie-là une capitale africaine ne fait pas dans le détail. D’où le trouble et cette sourde inquiétude est devenue la cible directe de de voir une opération jusque-là bombardements en plein jour, acceptable basculer peu à peu menés par l’aviation de pays qui du côté obscur : victimes civiles, furent autrefois colonisateurs : enlisement, légitimité douteuse… France, Grande-Bretagne, Italie, Belgique… Après onze semaines de La dernière carte de Kaddafi : raids nocturnes et tenir. Quitte à ce que la ville quatre mille sorties aériennes, l’Otan, retourne à l’âge de pierre. pressée d’en finir, Le dictateur, dont les capacités tente de porter le coup de grâce. de résilience et le courage phy« L’effort finira bien par conduire à l’effondrement du régime », sousique ont manifestement surpris ses ennemis, ne l’ignore pas. pire son secrétaire général, Anders C’est là sa dernière carte : tenir Fogh Rasmussen. Les 7 et 8 juin, jusqu’au dernier Libyen. Quitte à des missiles antibunkers du type de ceux que les Américains avaient ce que Tripoli, comme la Carthage utilisés à Bagdad en 1991 et 2003 punique de l’Antiquité dont Caton ont vitrifié le quartier de Bab elexigeait à chaque discours la desAzizia, en plein cœur de Tripoli, truction (« Carthago delenda est »), sous les yeux terrifiés de ses deux retourne à l’âge de pierre. ● millions et demi d’habitants. FRANÇOIS SOUDAN

N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011


La semaine de J.A. Tour du monde Ð LA PRÉSIDENTE DILMA ROUSSEFF (à dr.) ET GLEISI HOFFMANN, nouveau chef de la Maison civile.

PORTUGAL

Et le vainqueur est… l’austérité

RICARDO MORAES/REUTERS

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BRÉSIL

Deux femmes au sommet

D

ILMA ROUSSEFF, la présidente brésilienne, a perdu un allié précieux. Accusé d’enrichissement illicite, Antonio Palocci, le chef de la Maison civile (l’équivalent du Premier ministre), a en effet démissionné le 7 juin. Le 15 mai, le quotidien Folha de São Paulo avait révélé que la valeur de son patrimoine avait été multipliée par vingt entre 2006 et 2010 (il était à l’époque à la fois député fédéral et consultant dans le privé). Il vient d’ailleurs d’acheter à São Paulo un appartement de 500 m2 pour 6,6 millions de reals (2,9 millions d’euros). L’homme fort du gouvernement, qui fut le ministre des Finances de Luiz Inácio Lula da Silva entre 2003 et 2006, a fait son retour en politique en 2010, en tant que directeur de la campagne de la future présidente. Son maintien en poste a été expressément demandé par Lula, ce qui a déchaîné les critiques de l’opposition, qui juge Rousseff totalement sous l’emprise de son prédécesseur. Pour remplacer Palocci, cette dernière a nommé la sénatrice Gleisi Hoffmann, du Parti des travailleurs (PT). ● MÉDIAS

Un vizir dans le viseur DEPUIS 2002, les médias occidentaux voyaient dans l’AKP un parti proeuropéen capable de démocratiser la Turquie. Ils l’accablent aujourd’hui de critiques : absence de réformes, justice aux ordres, arrestations de journalistes, etc. Le magazine américain Time affirme redouter une « poutinisation » du régime, tandis que The Economist, son N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

confrère britannique, appelle les Turcs, en pleine campagne des législatives, à « voter contre l’autoritarisme ». Furieux, le Premier ministre Erdogan accuse ses contempteurs d’être « soutenus par Israël » et de « rester français » (fransiz kalmak). Cette expression, qui signifie « être à côté de la plaque », fait florès depuis que la France s’oppose à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

AU POUVOIR DEPUIS 2005, le socialiste José Socrates a essuyé une cuisante défaite lors des législatives du 5 juin : 28 % des voix, contre 38,6 % pour le Parti social-démocrate (PSD) de Pedro Cassos Coelho. Pendant la campagne, ce dernier s’était prononcé pour une politique d’austérité et de réformes plus rigoureuse encore que celle imposée par l’Union européenne et le FMI – qui, en échange, ont octroyé au Portugal 78 milliards d’euros. Sans doute peu convaincus par les arguments des uns et des autres, 41 % des électeurs portugais ont boudé les urnes. Un record. LE CHIFFRE QUI DONNE ESPOIR

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MILLIONS

… de séropositifs originaires des pays pauvres devraient bénéficier d’un traitement universel d’ici à 2015 : c’est en tout cas la promesse faite par les pays riches, lors du sommet de l’ONU sur le sida, la semaine dernière à New York. ASIE DU SUD-EST

La Chine pète un câble UN BATEAU DE PÊCHE CHINOIS aurait, le 9 juin, volontairement sectionné les câbles d’exploration d’un navire du groupe public d’hydrocarbures PetroVietnam. L’incident est le dernier en date d’une série de provocations qui opposent la Chine au Vietnam et aux Philippines à propos des îles Spratly, en mer de Chine méridionale. La semaine dernière, la tension est montée d’un cran : manifestations dans les rues de Hanoi et annonce JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Umit Bektas • Reuters

TURQUIE

Allo, chéri, tu m’électromagnétises! ANKARA, 9 JUIN. Cette technicienne de l’Autorité de l’information et des technologies de la communication est en train de calculer le taux d’absorption spécifique (SAR, en anglais) d’un téléphone portable. Autrement dit, la quantité de radiations électromagnétiques absorbées par votre corps lorsque, par exemple, vous vous servez de cet appareil pour téléphoner à longueur de journée à votre petit(e) ami(e). Ça donne envie, hein ? CANADA-FRANCE

d’exercices maritimes militaires exceptionnels. La Chine a aussitôt déclaré que si la recherche de pétrole dans la région ne cessait pas, elle n’hésiterait pas à faire valoir sa souveraineté sur les zones concernées.

Terroriste extradé? BIEN QUE JUGEANT le dossier « faible », un tribunal canadien a donné son feu vert à une demande française d’extradition de Hassan Diab (photo), le CanadoLibanais soupçonné d’être impliqué dans l’attentat de la synagogue de la rue Copernic, en 1980 à Paris. Diab,

PÉROU

OLLANTA HUMALA savoure son triomphe. Le candidat nationaliste de gauche a été élu président du Pérou, le 5 juin, avec 51,4 % des suffrages, contre 48,5 % à Keiko Fujimori, sa rivale de droite. Aussitôt, les milieux financiers ont eu tendance à s’affoler : la Bourse de Lima a perdu, d’un coup, 12,5 %, et la monnaie nationale a amorcé une dégringolade. Humala a promis de maintenir coûte que coûte la croissance économique (8,8 % en 2010), mais en répartissant mieux la richesse. Il prendra ses fonctions le 28 juillet. JEUNE AFRIQUE

THE CANADIAN PRESS/SEAN KILPATRICK

À gauche toute!

qui a été arrêté en 2008 près d’Ottawa, se prétend victime d’une homonymie. Son avocat envisage de faire appel. ÉTATS-UNIS

Le crash d’une étoile MEMBRE DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS, Anthony Weiner était l’étoile montante du Parti démocrate. Il ne sera bientôt plus rien. Quelle idée lui a-t-il pris d’adresser à une poignée de groupies de sexe féminin, via son compte Twitter, une photo de sa personne partiellement dénudée ? Dénoncé par un blogueur conservateur, il a d’abord, sur toutes les chaînes de télévision, farouchement nié. Hélas, il mentait, ce qu’il a dû reconnaître, le 6 juin, lors d’une confession publique dans la grande tradition : « J’ai paniqué… Je voulais protéger ma femme… » On ne s’en lasse pas. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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La semaine de J.A. Décryptage en 2009, les relations entre les deux hommes étaient parties du mauvais pied. La Maison Blanche avait même « oublié » d’adresser à ABO la lettre de félicitations d’usage après sa prise de fonction. Mais « Ali » a néanmoins bénéficié du soutien ferme de Ý DANS LE BUREAU Washington après OVALE, le 9 juin. la prestation de serment de son rival André Mba Obame, en janvier dernier : « Les États-Unis reconnaissent Ali Bongo Ondimba comme étant le président du Gabon », avait précisé le 28 janvier un communiqué du Département d’État.

SAUL LOEB/AFP

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UN ALLIÉ FIABLE. Le multilatéralisme de

Gabon Quand Ali rencontre Barack Premier président d’Afrique francophone invité à la Maison Blanche sous Obama, « ABO » ne boude pas son plaisir. Pourtant, les relations entre les deux hommes étaient parties du mauvais pied.

L

e 9 juin en fin d’après-midi, Ali Bongo Ondimba (« ABO ») est devenu le premier chef d’État d’Afrique francophone à être reçu dans le Bureau ovale sous la présidence de Barack Obama. Présent à New York pour assister aux travaux du Conseil de sécurité de l’ONU – que préside son pays pour le mois de juin –, le président gabonais a eu droit au carton d’invitation convoité en vain par tant d’autres chefs d’État africains en quête d’une légitimation internationale… Un traitement de faveur refusé aux dirigeants les plus critiqués par les défenseurs des droits de l’homme ou les militants anticorruption : Barack Obama préfère les rencontrer plus furtivement – notamment dans les coulisses de sommets –, plutôt

que de les inviter en grande pompe à la Maison Blanche. EXIGENCES. En contrepartie, « le pré-

sident Obama a exhorté le président Bongo Ondimba à prendre des positions fortes pour supprimer la corruption, réformer le système judiciaire et toutes les autres institutions clés afin d’assurer la protection des droits de l’homme », a déclaré l’administration américaine dans un communiqué. Obama et Bongo Ondimba ont également évoqué les questions de sécurité et de gouvernance dans la région du golfe de Guinée. Plombées dès le départ par des câbles diplomatiques très réservés sur les conditions de l’élection du fils d’Omar Bongo Ondimba à la présidence du pays,

l’administration Obama et le penchant pragmatique de l’actuel locataire de la Maison Blanche ont fait bouger les lignes et favorisé la naissance d’une relation, en avril dernier, lorsque l’Américain a téléphoné à son homologue gabonais pour discuter des possibilités de sortie de crise face à la tournure des événements en Côte d’Ivoire. Il faut dire qu’au sein du Conseil de sécurité le Gabonais s’est révélé un allié fiable et non moins réaliste : en dépit d’une longue amitié, il a « lâché » Laurent Gbagbo en votant sans hésiter, fin mars, la résolution 1975 présentée par la France et le Nigeria pour imposer « des sanctions ciblées » contre l’ancien président ivoirien et ses proches. Le Gabonais, qui a brièvement vécu aux États-Unis dans les années 1980 et parle bien l’anglais, proclame souvent sa volonté de diversifier les partenaires de son pays pour mettre fin au tête-à-tête avec la France. Bref, il ne boude pas son plaisir. En affichant sa proximité avec Obama, il compte bien engranger des bénéfices en matière de politique intérieure et conforter une image d’homme d’État et une légitimité contestées par ses opposants. ● GEORGES DOUGUELI

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

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JUIN John Galliano, ex-styliste vedette de la maison Dior, sera jugé à Paris pour des « injures à caractère antisémite » qu’il aurait proférées alors qu’il se trouvait en état d’ébriété. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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JUIN Sortie en France d’Omar m’a tuer, réalisé par Roschdy Zem. Omar Raddad, le jardinier marocain, est interprété par Sami Bouajila. Sortie au Maroc : le 1er juillet.

DU 25 JUIN AU 2 JUILLET La 37e conférence de la FAO, qui se tiendra à Rome, mettra l’accent sur le rôle des femmes dans l’agriculture et le développement rural. JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Décryptage

BAD Toujours entre deux sièges Le retour à Abidjan de la banque de développement, transférée à Tunis en 2003, a été annoncé lors des assemblées générales de l’institution. Mais cela pourrait ne pas avoir lieu avant 2015…

D

es Ivoiriens aux anges. Arrivée en force, leur délégation – une cinquantainedereprésentants– n’est pas passée inaperçue lors des assemblées générales de la Banque africaine de développement (BAD), les 9 et 10 juin à Lisbonne. « Il n’y a pas d’assemblée générale de la BAD sans que la Côte d’Ivoire soit représentée », a martelé Albert ToikeusseMabri,leministred’ÉtatduPlanet duDéveloppement.Sitoutcebeaumonde a débarqué d’Abidjan pour encaisser les 130millionsdedollars(environ89millions d’euros) débloqués en urgence par la BAD pour le pays, le camp ivoirien a aussi saisi l’occasion pour réclamer le rapatriement de l’institution sur ses terres. Pour des questions de sécurité, le siège de la BAD a en effet été transféré – provisoirement – d’Abidjan à Tunis en 2003. Un provisoire qui dure depuis huit ans, donc… Mais à Lisbonne, le président de l’institution, Donald Kaberuka, a surpris son monde en déclarant : « Le retour à Abidjanestimminent…Celadépendrades conditions de normalisation. Imminent, c’est peut-être trois mois, six mois ou un an. Je n’en sais rien. » Il n’en fallait pas plus LE DESSIN DE LA SEMAINE

pour soulever des vagues de soulagement à Abidjan et de protestation à Tunis, qui ne veut plus se séparer de son institution « provisoire ». Avant tout, Donald Kaberuka a profité de la tribune des assemblées générales pour rassurer la communauté internationale sur le retour rapide à la normale en Côte d’Ivoire. Très proches, le président

les actionnaires de la BAD, décidait d’attendre trois ans avant d’envisager un déménagement de Tunis à Abidjan – le temps nécessaire à la sécurisation de la capitale économique ivoirienne. Un préavis d’un an en Tunisie a en outre été arrêté. Un calendrier confirmé à Lisbonne. En théorie, c’est donc en juin 2015, au mieux, quelaBADretrouverasonsiègehistorique. Toutefois, si le pays est sécurisé avant ce délai, le retour pourra être anticipé… Une manière de couper la poire en deux et de satisfaire Tunis et Abidjan. AMIANTE. Caraujourd’hui,touteréinstalla-

tionestimpossible.Lesdeuxtoursjumelles de 18 étages du siège de la BAD, situées sur le Plateau, ont besoin d’un sérieux rafraîchissement et sont bourrées d’amiante. Pour les 200 logements de la « cité de la BAD », un coup « Imminent, c’est peut-être de pinceau ne serait pas non trois mois, six mois ou un an. plus du luxe. La facture de Je n’en sais rien. » la réhabilitation des locaux s’élève à 80 millions de dolDONALD KABERUKA, président de la BAD lars. Un temps envisagée, la construction d’un nouveau siège (180 milde la BAD et Alassane Ouattara ont déjà lions de dollars) a été abandonnée. discuté du retour de la banque à Abidjan le 21 mai, lors de l’investiture du président Le 20 juin à Abidjan, une réunion bilaivoirien, lequel a proposé de mettre l’hôtel térale entre les autorités ivoiriennes et la BAD évoquera à nouveau les conditions Ivoire à la disposition de l’institution pour accélérer son retour. Déjà en avril dernier de la réinstallation. « La sécurité s’est déjà des émissaires de Ouattara avaient milité bien améliorée, nous attendons le retour en coulisses, au cours du sommet de la de la banque le plus tôt possible », plaide zone franc à N’Djamena, pour rapatrier Albert Toikeusse Mabri. Pas sûr que ce soit si imminent… ● au plus tôt la banque. JEAN-MICHEL MEYER, Au même moment, le 18 avril, le conseil consultatif des gouverneurs, qui regroupe envoyé spécial à Lisbonne CHAPPATTE • Le Temps • Suisse SYRIE DEUXIÈME FRONT ?

LA COMMUNAUTÉ internationale se réveille enfin. Le 8 juin, un projet franco-britannique de résolution condamnant la répression du régime syrien a été déposé aux Nations unies, avec le soutien des États-Unis. Malgré une amnistie générale décrétée le 7 juin (plus de 450 prisonniers politiques et de conscience ont été libérés), Bachar al-Assad continue d’écraser toute contestation : entre le 15 mars et le 10 juin, plus de 1 000 personnes ont été tuées, et 1 900 autres ont fui enTurquie.

N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

Al-Qaïda Zawahiri, tête de liste

L’Égyptien est sans doute devenu le numéro un de l’organisation. Son premier message vidéo depuis la mort de Ben Laden a été rendu public le 8 juin.

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« Kaddafi ne peut plus diriger la Libye. Son départ devient une nécessité. » MOHAMED OULD ABDELAZIZ Président de la Mauritanie

A

Publicité Touche pas à mes chips UN SPOT TÉLÉVISÉ inspiré de « l’affaire DSK » : qui aurait cru que les Grecs seraient les premiers à oser récupérer le sujet pour une campagne publicitaire, alors que, juste avant son arrestation, l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) ferraillait pour sauver leur économie de la faillite ? La publicité, qui vante la marque de chips Jumbo, parodie les événements survenus dans la fameuse suite 2806 du Sofitel de New York, mettant aux prises un sexagénaire en peignoir de bain et une pulpeuse femme de chambre, interprétéeparVanaBarba,une ancienne Miss Grèce. Le célèbre comique grec qui campe Dominique Strauss-Kahn se jette sur la jeune femme et JEUNE AFRIQUE

tente de lui arracher le paquet qu’elle tient dans ses mains, bien plus attiré par les chips que par cette dernière, qui d’ailleurs le repousse immédiatement. La belle lui lâche alors un « Tu n’en mangeras pas », prononcé « troskan » en grec, une allusion on ne peut plus claire au patronyme de l’ex-directeur du FMI. Bien que très apprécié des dirigeants grecs, DSK passe, aux yeux de la population, pour celui qui, en échange du plan de sauvetage, a imposé au pays des mesures d’austérité sans précédent. L’affaire new-yorkaise a donc inspiré aux protestataires un nouveau (et grinçant) slogan : « La femme de chambre, elle, a résisté… » ● MARIE VILLACÈQUE

« Je ne suis pas surpris que Sepp Blatter ait été réélu [à la tête de la Fifa], parce qu’ils se protègent les uns les autres. Ils vont rester à leur poste jusqu’à ce qu’ils aient 105 ans. » DIEGO MARADONA Ancien footballeur argentin

« Cela fait dix ans que je suis dans la

lessiveuse. Le premier qui voudra se mesurer à moi sortira de la machine avec une taille en moins ! » NICOLAS SARKOZY Président français (à propos de la future campagne présidentielle)

« J’ai été accusé de viol, moi aussi. C’est une histoire qui nous a poursuivis, mes proches et moi, pendant deux ans. Je trouve qu’on vit une époque terrifiante. » JOHNNY HALLYDAY Chanteur français (à propos de l’affaire DSK)

« J’essaie d’éviter les rôles à

clichés. Ce n’est pas une question de prénom, c’est tout ce qui va avec. Ce n’est pas parce qu’il y a un Noir dans un film qu’il est forcément sans papiers. » LEÏLA BEKHTI Actrice franco-algérienne N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

KAMRAN JEBREILI/AFP, GWENDOLINE LE GOFF/PANORAMIC

yman al-Zawahiri, numéro deux d’Al-Qaïda avant la mort d’Oussama Ben Laden, tué le 2 mai à Abbottabad (Pakistan) par un commando américain, a adressé un message vidéo à ses ouailles. Mis en ligne le 8 juin par la société de renseignement américain Site Intelligence Group, ce discours de vingt-huit minutes débute par une longue oraison funèbre en hommage au « pionnier du djihad contre les communistes, les croisés et leurs suppôts locaux corrompus ». Tout de blanc vêtu – couleur de deuil chez les musulmans – et arme automatique à portée de la main, Zawahiri apparaît assez marqué, mais toujours aussi vindicatif. L’Égyptien a probablement pris la tête d’Al-Qaïda. Il figure très certainement en tête de la liste américaine des terroristes à abattre. Après l’éloge au chef disparu et l’appel à la guerre sainte, le sexagénaire reprend sa litanie d’encouragements aux moudjahidine qu’il incite à redoubler d’efforts, de l’Afghanistan à l’Irak en passant par le Maghreb islamique. Tentant de récupérer les soulèvements populaires qui ébranlent le monde arabe, il s’adresse aux jeunes protestataires tunisiens, égyptiens, yéménites et syriens. « Nous menons avec vous un même combat contre les États-Unis et leurs agents […], poursuivez votre révolte jusqu’à l’instauration de la charia. » Un programme qui a peu de chances de séduire la rue arabe. ● CHERIF OUAZANI


La semaine de J.A. Décryptage

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JENNY ROCKETT/UN PHOTO

JEUNEAFRIQUE.COM

ONS ABID

Retrouvez l’interview d’Amr Moussa, candidat à la présidentielle en Égypte: « Moubarak : la justice doit suivre son cours. »

SONDAGE Quelle sera la suite des événements en Libye ? 2

1

* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 3 ET LE 9 JUIN 2011

3 1. La coalition devra se rendre à l’évidence : de nombreux Libyens soutiennent Kaddafi 22 % 2. La chute du « Guide » n’est qu’une question de temps 48 % 3. Le conflit s’enlise, la guerre civile ne fait que commencer 30 % (397 votes*) Vous êtes une majorité relative à penser que les heures de Kaddafi sont comptées.

CETTE SEMAINE :

Charles Blé Goudé affirme qu’il réapparaîtra un jour en Côte d’Ivoire. Comment jugeriez-vous ce retour? À LIRE AUSSI : Kaddafi et l’arme de l’immigration clandestine. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

BÉJI CAÏD ESSEBSI, en conférence de presse, le 8 juin à Tunis.

Tunisie C’est Caïd qui décide Le Premier ministre a tranché : l’élection de l’Assemblée constituante n’aura pas lieu en juillet, mais le 23 octobre. Un report destiné à mieux préparer le scrutin… et un avenir plein d’incertitudes.

S

auf coup de théâtre, la valsehésitation à laquelle se livrent depuis plusieurs semaines le gouvernement, les partis politiques et la société civile pour le choix de la date de l’élection d’une Assemblée nationale constituante est terminée. Le 8 juin, lors d’une rencontre clôturant une série de consultations avec les différentes forces en présence, Béji Caïd Essebsi, le Premier ministre par intérim, a tranché : ce sera le 23 octobre.

DÉSARÇONNÉE. Alors que le gouvernement avait d’abord opté pour le 24 juillet, la Commission électorale indépendante, soutenue par la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, avait fixé la date du 16 octobre afin d’avoir le temps d’organiser un scrutin démocratique et transparent. C’était mal connaître Caïd Essebsi qui, dès sa nomination, a affirmé que lui – et lui seul – prendrait les décisions. Invoquant la « légitimité fonctionnelle » de son gouvernement, il a non seulement annoncé le report du scrutin, mais a de surcroît fait savoir que, d’ici là, il ne voulait plus entendre parler de grèves ou de manifestations.

Désarçonnée, la classe politique a fini par s’incliner. Plusieurs questions essentielles restent en suspens. Au lendemain du vote, l’Assemblée constituante disposerat-elle des pouvoirs qui lui avaient été initialement conférés, et notamment celui de désigner un nouveau président et un Premier ministre qui seront en fonction pour le restant de la transition ? Sa mission, censée couvrir tout le champ législatif, sera-t-elle limitée, comme le bruit en court, à la seule rédaction de la Constitution pendant une période n’excédant pas six mois ? La liste des personnes inéligibles à la Constituante inclura-t-elle les cadres de l’ancien parti au pouvoir et les collaborateurs de Ben Ali qui ont servi le président déchu pendant vingt-trois ans, comme le demande la Haute Instance ? Ou ceux qui ne l’ont servi que depuis une dizaine d’années, comme le préconise Caïd Essebsi ? Sur toutes ces questions, l’instance consultative, présidée par Yadh Ben Achour, semble n’avoir ni poids ni pouvoirs réels face à l’exécutif. Peut-être est-elle vouée à disparaître. ● ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Les gens

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Tarek Aziz La dernière carte du valet de pique Au bout du rouleau, l’ex-ministre de Saddam ne veut pas mourir en prison. Et demande aux autorités irakiennes son exécution immédiate… ou sa libération.

surlescommunautéschrétiennes du Moyen-Orient, plusieurs pays occidentaux estiment que son exécution serait très mal venue ». De fait, l’ex-vice-Premier ministre jouissait d’une image de laïc et de modéré, et était apprécié au sein des cercles diplomatiques internationaux.

C

MARCO DI LAURO/AFP

« IL SE PORTE BIEN ». La famille ondamné dans un d’Aziz accuse aujourd’hui les premier temps à quarante-septanscumulés autorités de négliger sa santé (plusieurs fois hospitalisé, il a de réclusion pour des fait une grève de la faim et deux exécutions de civils et le massacre crises cardiaques en 2010) et de de Kurdes et de chiites, puis à la le laisser mourir à petit feu. Le peine de mort en octobre 2010, vieil homme veut en tout cas en l’ex-ministre des Affaires étrangèfinir et a réclamé son exécution res (1983-1991) de l’Irak baasiste croupit dans sa cellule de la prison immédiate…ousalibérationpour de Kazimiyah, à Bagdad, le décret raisons médicales. « Je suis mort d’exécution n’ayant toujours pas en2006quandSaddamestmort», été signé par les autorités. avait confié un Aziz au bout du Portant toujours les mêmes rouleau à son avocat, Giovanni L’ANCIEN VICE-PREMIER MINISTRE IRAKIEN lors du procès énormes lunettes qui lui manDi Stefano. « Nous venons de de Saddam Hussein, en mai 2006 à Bagdad. gent le visage, Tarek Aziz, 75 ans, a dépenser 2 000 dollars pour ses perdu beaucoup de poids et n’arbore plus par son érudition, il a validé toutes les soins dentaires. Qu’on ne vienne pas nous grandes décisions du régime et échappé son éternel cigare aux lèvres. Fidèle d’entre dire qu’il n’est pas bien traité ! […] Le priles fidèles de Saddam, le vice-Premier aux purges. Surtout, Aziz appartient à la sonnier se porte comme un charme », a minorité chrétienne chaldéenne, ce qui a répliqué, dans les colonnes du journal Le ministre (1991-2003) s’était rendu aux sans doute contribué à lui sauver la vie. Figaro, le 9 juin, le vice-ministre irakien Américains en avril 2003, peu après l’invasion de l’Irak. La pendaison de Saddam de la Justice. Hussein en 2006 avait touché les Irakiens, DIPLOMATE RESPECTÉ. Le décret d’exéContacté par Jeune Afrique, ce dernier soulagés ou outrés, et celle d’« Ali le chimicution d’une peine capitale doit être assure avoir reçu la promesse de Talabani que » en 2010, satisfait leur soif de justice. et de Maliki, « un homme de parole », de signé par au moins deux des trois chefs Mais le sort du valet de pique, classé 43e sur de l’exécutif. Si le président, le Kurde Jalal ne « jamais » signer l’ordre d’exécution, et 55 dans le jeu de cartes des responsables Talabani, refuse catégoriquement de le déclare avoir introduit un second recours baasistes les plus recherchés, n’agite guère faire parce que Tarek Aziz est « un chrétien en grâce. En outre, Aziz et son avocat ont la scène irakienne en période de difficile et un homme âgé », le Premier ministre décidé, en avril, d’engager des poursuites… chiite, Nouri al-Maliki, et le président du reconstruction politique et économique. contre George W. Bush et Barack Obama D’abord parce que l’ancien journaliste et Parlement, sunnite, réservent leur décipour non-respect du contrat qu’il avait professeur d’anglais ne faisait pas partie sion. Pour le chercheur Barah Mikaïl, de passé avec les Américains en 2003. En du cercle familial de Saddam, les Tikriti, l’Institut de relations internationales et échange de sa reddition et d’un certain ensuite parce qu’il n’aurait pas de sang sur stratégiques (Iris), à Paris, « les autorités nombre d’informations, Aziz avait reçu craignent une désapprobation internalesmains.Pourtant,membreduConseilde de Washington la garantie d’être exfiltré commandement de la révolution depuis tionale forte, qui s’était déjà manifestée avec sa famille à Amman. Le roi Abdallah II 1977 et grand admirateur de Saddam lors de sa condamnation. Tarek Aziz est l’attend toujours. ● Hussein, lequel en retour était fasciné chrétien, et dans un contexte de menace CONSTANCE DESLOIRE

UN PHOTO/JOHN MCILWAINE

NOMINATIONS

MELBA MOORE La chanteuse américaine a été nommée ambassadrice itinérante de l’ONU pour le mémorial permanent honorant la mémoire des victimes de l’esclavage. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

MARGARET VOGT La Nigériane a été nommée à la tête du Bonuca (Bureau d'appui de l’ONU pour la consolidation de la paix en Centrafrique). JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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Nady Bamba Au bénéfice du doute

L’ex-ministre des Affaires étrangères d’Abdou Diouf et ancien sous-secrétaire général de l’ONU chargé des droits de l’homme a officialisé, le 9 juin, sa candidature à l’élection présidentielle sénégalaise de 2012.

La Cour de justice européenne annule les sanctions adoptées par Bruxelles contre la seconde épouse de Laurent Gbagbo.

ONS JABEUR

N

DIRCOM. Cette ancienne journaliste d’Africa n o 1 est

entrée dans la vie de Laurent Gbagbo à la fin des années 1990. D’abord petite amie de l’ex-président, elle va rapidement s’imposer comme sa seconde épouse – un mariage traditionnel sera même célébré en 2001 –, au grand dam de Simone Gbagbo, qui fera tout pour l’évincer dans une « guerre des dames » qui divisera tout le clan. Au fil du temps, elle réussit l’exploit de diriger presque toute la com’ de campagne de son mari en étroite collaboration avec les équipes d’Euro RSCG. Et multiplie les déplacements dans le Nord, dont elle est originaire, et dans l’Ouest pour obtenir le ralliement de ses coreligionnaires musulmans. Pragmatique, Laurent Gbagbo l’écartera après le mauvais score du premier tour, redonnant les clés de la campagne à Simone. Se faisant alors discrète, Nady est l’une des rares à avoir essayé de convaincre Laurent Gbagbo d’accepter sa défaite. Au nom de leur amour et de leur avenir commun. ● PASCAL AIRAULT JEUNE AFRIQUE

La joueuse de tennis tunisienne de 16 ans originaire de Sousse a remporté, le 5 juin, le tournoi junior de RolandGarros. Première Maghrébine à gagner ce titre, elle a été accueillie triomphalement à son retour. LIYA KEBEDE La mannequin éthiopienne de 33 ans a rejoint le groupe industriel français de cosmétique L’Oréal Paris pour en être la nouvelle égérie. Elle a également joué dans quelques films et possède sa propre ligne de vêtements. EN BAISSE

HASSAN CHEHATA Le coach de l’équipe égyptienne de football, triple championne d’Afrique en titre, a été limogé après la quasi-élimination des Pharaons de la CAN 2012 à l’issue de leur match nul face à l’Afrique du Sud, le 5 juin. BARACK OBAMA Selon un sondage Washington Post-ABC News, le président des États-Unis serait battu par le républicain Mitt Romney si la présidentielle avait lieu aujourd’hui. L’effet de l’élimination de Ben Laden est déjà retombé. SALWA AL-MUTAIRI La présentatrice télé koweïtienne et candidate malheureuse aux législatives a prôné la légalisation du commerce de concubines achetées par des agences en zones de conflit pour détourner les hommes de l’adultère. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

PPG/ICONSPORT, UN PHOTO/MARCO CASTRO, S. MCGEHEE/REUTERS

ady Bamba a vu son interdiction de voyager en Europe et le gel de ses avoirs sur le Vieux Continent levés. La seconde épouse de Laurent Gbagbo, directrice du groupe de presse Cyclone et éditrice du quotidien Le Temps, avait été sanctionnée par le Conseil de l’Union européenne (UE) pour « obstruction au processus de paix et de réconciliation par l’incitation publique à la haine et à la violence et par la participation à des campagnes de désinformation en rapport avec l’élection présidentielle de 2010 ». Mais Me Pierre Haïk, son avocat parisien, vient de remporter une première victoire devant la Cour de justice européenne. Plaidant l’absence de possibilité de recours de sa cliente et le défaut de preuve motivant ces sanctions « injustes et lourdes de conséquences », il a obtenu gain de cause. La cour a annulé la procédure engagée par le Conseil, qui peut néanmoins contester sa décision, à charge pour lui d’apporter les preuves de ses allégations. « C’est un soulagement pour elle, confie Me Haïk. Je ne vois pas le Conseil aller plus loin. » Presque sauvée sur la scène européenne, celle que ses compatriotes appellent Petite Maman reste néanmoins dans le collimateur de la justice ivoirienne. Le procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio, l’a en effet inscrite sur la liste des personnes interdites de mouvements financiers dans les banques du pays. Nady Bamba, 40 ans, a quitté Abidjan le 31 mars, au moment où les forces pro-Ouattara entraient dans la capitale économique. Elle a embarqué sur un vol d’Emirates avec Rais Koudou Gbagbo, le fils qu’elle a eu avec le chef de l’État déchu. Annoncée un temps à Dakar, puis à Dubaï, elle serait actuellement au Ghana.

ALIOU MBAYE/PANAPRESS-MAXPPP, L. BAHEUX/AP/SIPA, KRISTIN CALLAHAN/NEWSCOM/SIPA

IBRAHIMA FALL


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Grand angle

MAROC

Le roi, le peuple et la révolution

leur avatar marocain (le mouvement du 20 février, lire aussi pp. 29-32), étant bien entendu que la monarchie alaouite, omnisciente et visionnaire, ne saurait agir sous la pression de la conjoncture, encore moins celle de la rue. Une fable, bien sûr. Certes, le processus de régionalisation impliquait untoilettageconstitutionnel,lequeldevaitintervenir courant 2011, mais le projet qui sera soumis à un référendum début juillet dépasse par son ampleur FRANÇOIS SOUDAN, envoyé spécial à Rabat tout ce que les Marocains pouvaient imaginer. Les ascènesedérouleàRabat,courantmai. jeunesdu20févriersontpassésparlà.Etmêmesinul Un haut fonctionnaire américain, venu nereconnaîtraouvertementqueleurmobilisationinide Washington s’informer sur les effets tiale a suscité une certaine nervosité dans les cercles des révolutions arabes au royaume du pouvoir, toute l’intelligence de M6 a été de réagir de Mohammed VI, est reçu par un en chef d’État capable de s’adapter à une situation responsable marocain très proche du qu’il n’avait pas prévue. Il aurait pu, après tout, ne Palais. Pédagogue et convaincant, ce dernier détaille s’entenirqu’auxstatistiques,puisquecemouvement à son hôte le calendrier des réformes énoncées dont la capacité de rassemblement à travers tout le dans le discours royal du pays n’a jamais dépassé, 9 mars : « Une avancée de source diplomatique Sans le Mouvement du majeure de notre sysà Rabat, 150000 person20 février, il n’y aurait pas eu le tème politique. » Le visines (le 20 mars) est, à discours historique du 9 mars. teur écoute, visiblement l’échelle du Maroc, très impressionné, mais une minoritaire et assez peu question le taraude. « Tout cela est bien beau, représentatif. Il aurait pu, aussi, céder à la tentation dit-il, mais pensez-vous vraiment que le Makhzen des contre-manifestations et jeter dans la rue des va se laisser faire ? » Réponse de son interlocucentaines de milliers de gens comme le Makhzen, teur : « Vous avez devant vous un pur produit du justement, sait si bien le faire. Makhzen. Alors concluez. » Cet échange résume assez bien la position dans laquelle se trouve le roi DEUX FRONTS. Mais le roi a très vite perçu que les lui-même, en ce quatrième mois du « printemps marcheurs du 20 février ne défilaient pas contre marocain » : à la fois gardien du Trône, donc de lui et que leur légitimité ne venait pas de leur la tradition, et vecteur principal du changement, nombre, mais du fait qu’ils disaient tout haut ce donc de la modernité. L’équilibre qu’il incarne a de que beaucoup de Marocains pensent tout bas : quoi dérouter la plupart des observateurs, surtout non à l’arrogance, au mépris, à la corruption, au quand on sait que le fils de Hassan II a toujours clientélisme et à la mal-gouvernance. En ce sens, préféré l’action à la communication. le discours historique du 9 mars et la consécration Comment le monarque et son entourage, c’est-àconstitutionnelle imminente d’un État de droit doté dire le noyau dur du pouvoir, ont-ils géré le vent de d’une justice indépendante, d’un Parlement et d’un contestation venu de l’est ? Un scénario idyllique, Premier ministre chef du gouvernement doivent colporté par quelques courtisans aux réflexes usés, beaucoup au mouvement du 20 février. En clair, voudrait que toutes les réformes, en particulier celle sans le 20 février, il n’y aurait pas eu le 9 mars. de la Constitution, aient été concoctées de longue Depuis lors, le pouvoir marocain – en réalité, date, planifiées bien avant les révoltes arabes et le Palais – avance sur deux fronts. Celui de la ● ● ●

Le pays n’est pas épargné par le vent de contestation qui balaie la région. Mais en prenant très tôt la mesure des revendications et en annonçant de vastes réformes constitutionnelles, Mohammed VI a su reprendre l’initiative.

L

N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


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Ð Le souverain À MARRAKECH, TROIS JOURS APRÈS

BAVEREL/STARFACE

L’ATTENTAT DU

28 AVRIL. Il a très vite compris que les manifestants ne défilaient pas contre lui. JEUNE AFRIQUE

N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011


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Maroc

nouvelle Constitution tout d’abord, dont la Commission consultative de révision est présidée par un juriste prudent et respecté, de sensibilité sociale-démocrate, ancien professeur du roi à la faculté de droit de Rabat, Abdeltif Menouni. Sur ce terrain, les partis politiques priés de soumettre leurs propositions n’ont guère répondu aux consignes d’audace données par M6. Tous reprennent les grandes lignes du discours du 9 mars et tous ou presque évitent les sujets glissants comme l’abolition de la peine de mort ou le droit de vote pour les Marocains émigrés – lesquels représentent 11 % des électeurs potentiels. Dans un pays où près des deux tiers du corps électoral a déserté les urnes, l’offre politique classique portée par des dirigeants souvent âgés et aux références datées paraît en décalage tragique tant avec les jeunes manifestants qu’avec le souverain lui-même. Ainsi, les articles 19, 23 et 29, traitant de la Commanderie des croyants, de la sacralité du roi et de l’immunité des dahir et décrets royaux (non susceptibles de recours pour excès de pouvoir), qui figurent dans toutes les moutures constitutionnelles adoptées depuis 1962, ont à peine été abordés dans les contributions des partis politiques. Alors qu’ils sont ouvertement discutés dans la rue, ce qui constitue une nouveauté assez radicale dont M6 a manifestement décidé de tenir compte. Si le statut d’Amir al-Mouminine (Commandeur des croyants),considérécommelesocle et le fondement de la monarchie et que nul ne remet en question en dehors des islamistes radicaux et de l’extrême gauche, apparaît intouchable, « tout le reste est amendable et reformulable » concède un proche du Palais. Exemple : la sacralité de la personne du souverain n’est pas forcément gravée dans le marbre dès lors que son inviolabilité est, à l’instar des monarques européens, garantie. In fine, c’est-à-dire quand les dispositions de la nouvelle Constitution adoptée par référendum seront transcrites dans les textes de loi – le processus pourrait prendre trois à cinq ans –, le Maroc devrait avoir à sa tête un roi dont les pouvoirs équivaudront à ceux d’un président français de la Ve République. ●●●

LA MOBILISATION S’ESSOUFFLE. Le chantier de la

réforme désormais lancé, reste à gérer l’autre front, celui du Mouvement du 20 février. Minoritaire, on l’a dit, voire marginal, mais symbolique et surtout à forte teneur médiatique. L’analyse du pouvoir

est, à ce sujet, linéaire : le mouvement a rempli son rôle historique, place maintenant aux choses sérieuses. Chiffres – leurs chiffres – à l’appui, les « sécurocrates » estiment que le 20 février est victime d’une triple évolution : raréfaction, radicalisation et préemption. Selon eux, la dernière démonstration nationale, le 5 juin, a certes touché 180 villes du pays, mais elle n’aurait pas rassemblé plus de 20 000 manifestants au total, huit fois moins qu’il y a trois mois. Même si son ampleur varie suivant les sources, cette baisse de la mobilisation est confirmée par la plupart des observateurs, ainsi que par les diplomates en poste à Rabat. Enmêmetempsqu’ils’étiole,lemouvementserait progressivement pris en main par les islamistes d’Al Adl wal Ihsane (l’association Justice et Bienfaisance, non reconnue, du cheikh Abdessalam Yassine), désormaismajoritaireauseindecortègesoùfigurent aussi quelques militants salafistes, et par le parti d’extrême gauche Annahj Addimocrati (La voie démocratique), lequel contrôle pour l’essentiel l’Associationmarocainedesdroitsdel’homme(AMDH). UnedoubleOPAassezpeuconsensuelle–lesfrictions entre islamistes et gauchistes, que tout ou presque sépare idéologiquement, sont fréquentes – qui ne laisserait que peu de place à la pureté originelle des révoltés du 20 février, parmi lesquels les altermondialistes d’Attac-Maroc, présents notamment à Tanger, tentent de se faire une place. Là encore, cette évolution est accréditée par la majorité des analystes. « Déplacement du lieu et de l’horaire des manifestations afin de les faire

Le pouvoir fait tout pour éviter un Bouazizi marocain. Le cheikh Yassine n’attend que cela. coïncider avec la sortie des mosquées dans les quartiers populaires, radicalisation des slogans, recherche de martyrs… Al Adl wal Ihsane a pris en otage le 20 février », assure un ambassadeur européen pour qui l’explication est simple : « Les disciples du cheikh cherchent à remplir le vide organisationnel du 20 février et ils savent qu’une réussite des réformes consacrerait leur exclusion du jeu politique. » Cette contraction progressive du mouvement de protestation induisant son inéluctable marginalisation, la tâche du pouvoir en est apparemment facilitée. Mais rien n’est aussi simple. Tout cela se déroule en effet sous l’œil attentif de la communauté

Les 100 jours du Mouvement 20 FÉVRIER Premières manifestations principalement à Tanger, Rabat, Casablanca, Marrakech et Agadir. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

9 MARS Discours du roi Mohammed VI annonçant une réforme de la Constitution.

20 MARS Le Mouvement prend de l’ampleur. À Casablanca, les organisateurs revendiquent plusieurs dizaines de milliers de manifestants.

24 AVRIL Troisième grand rendezvous depuis le début du Mouvement. La contestation s'étend dans près de 80 localités.

28 AVRIL L’attentat du café Argana à Marrakech fait 17 morts. Le roi ordonne une enquête « rapide et transparente ». JEUNE AFRIQUE


Le roi, le peuple et la révolution se contentent d’observer. « J’ai reçu des coups de fil de journalistes européens qui me demandaient: “Mais que fait la police ?” s’amuse un responsable du ministère de l’Intérieur. Ils semblaient désagréablement surpris par l’absence d’affrontements, vous vous rendez compte? » Signe des temps, dans un pays où la proportion d’internautes atteint les 32 % – soit environ autant qu’en Tunisie et en Turquie, près de trois fois plus qu’en Algérie – et où les vidéos postées sur YouTube font florès, manifestants et policiers se filment abondamment et réciproquement, ces derniers ayant même reçu l’ordre d’enregistrer leurs propres interventions musclées afin de démontrer au besoin que leurs coups de matraques n’avaient rien de létal.

HASSAN OUAZZANI

NE PAS FAIRE DE MARTYRS. Le pouvoir a en effet

internationale et le prisme souvent déformant des médias étrangers. Le Palais, qui accorde une grande importanceaujugementdesespartenairesoccidentaux, marche donc sur des œufs, d’où l’alternance de chaud et de froid, de laxisme et de fermeté observée depuis quatre mois dans le comportement des forces de l’ordre. Au début, elles ont laissé faire, y compris la casse et les quelques pillages survenus en marge des manifestations. Fin avril, changement de ton. Les islamistes commencent à tenir le haut du pavé, et le ministre des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, fait savoir aux diplomates accrédités au Maroc que la récréation est terminée. Sa Majesté a défini le 9 mars une feuille de route qui répond largement aux revendications de la rue, dit-il en substance, nous comptons sur vous pour expliquer à vos gouvernements que réforme et désordre sont incompatibles. Les 15, 22 et 29 mai, trois manifestations interdites sont violemment réprimées par la police, surtout à Casablanca, Tanger et Rabat. Il y a des blessés, des interpellations, souvent de courte durée, et l’hebdomadaire TelQuel titre: « Le Makhzen contre-attaque ». Le 5 juin par contre, rien. Les manifestants ayant évité les quartiers populaires, les forces de l’ordre

15 MAI Les forces de l’ordre empêchent la tenue d’un sit-in prévu devant le siège de la DST àTémara (au sud de Rabat). JEUNE AFRIQUE

29 MAI Comme le dimanche précédent, les rassemblements sont dispersés dans les grandes villes.

LE 20 MARS, 150 000 PERSONNES AURAIENT DÉFILÉ

dans tout le pays (ici, à Rabat).

2 JUIN Mort d’un militant, Kamal Amari, dans des circonstances non élucidées, à Safi.

une obsession: surtout pas de mort, l’hypothèse d’un Mohamed Bouazizi marocain tombant sous les balles des forces de l’ordre étant à ses yeux aussi potentiellement dommageable que l’attentat de Marrakech. Depuis le 20 février dernier, une demi-douzaine de rumeurs ont tenté d’imputer à la répression policière des décès ou des exactions dont elle n’était pas responsable. Cinq pilleurs de banque carbonisés à Al-Hoceima, une mère célibataire en conflit avec ses parents qui s’immole par le feu à Souk Sebt, le faux enlèvement d’un adolescent en mal de publicité à El-Jadida, un jeune mort des suites d’un tabassage policier à Sefrou… en 2010, un salafiste de la prison de Salé dont les tortures infligées aux parties intimes se sont avérées être de simples hémorroïdes, etc. Le décès à l’hôpital Mohammed-V de Safi, le 2 juin, de Kamal Ammari, proche des islamistes d’Al Adl wal Ihsane, en a-t-il fait le premier martyr du 20 février ? Pour les membres du mouvement qui brandissaient trois jours plus tard son portrait dans les rues des grandes villes du Maroc, c’est une évidence. À leurs yeux, comme pour la plupart des médias étrangers, ce jeune agent de sécurité, dont l’agonie a été filmée à l’hôpital par des infirmiers et aussitôt postée sur des sites internet militants, est une victime de la manifestation réprimée du 29 mai à Safi. La police marocaine ayant acquis sous le règne de Hassan II et même un peu au-delà la réputation que l’on sait, point n’est besoin de preuves : un corps tuméfié suffit. Or force est de reconnaître qu’il existe une autre version, au moins aussi crédible (à défaut d’être politiquement ● ● ●

5 JUIN Nouvelles marches dans l’ensemble du pays, la mobilisation tente de retrouver du souffle. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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Maroc

correcte) que celle-là, et que développe le ministère de l’Intérieur à Rabat. Ammari serait mort des suites d’un accident de cyclomoteur, survenu le 29 mai. D’abord transporté chez un médecin généraliste qui l’aurait mal soigné, il aurait été admis aux urgences de l’hôpital le 2 juin à 8 heures avant de succomber à ses blessures. Quant à la manifestation du dimanche, il n’y aurait tout simplement pas participé. « Dans la liste des blessés et interpellés du 29 mai à Safi rendue publique le lendemain par les islamistes, son nom ne figure pas », assure un haut fonctionnaire. Les multiples enquêtes – police judiciaire, Conseil national des droits de l’homme, ONG… – ouvertes depuis sur le « cas Ammari » finiront sans doute par dire le vrai. Mais une chose est sûre : dans la batailledecommunicationquisejouedepuisquatre mois autour des victimes réelles ou supposées du mouvement de protestation, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) n’entend pas être en reste. Alors que le Mouvement du 20 février « revendique » plusieurs dizaines de blessés lors des manifestations de mai et désormais un mort, la police avance ses propres chiffres. « Nous tenons un décompte précis depuis quinze semaines, explique un haut responsable de la DGSN: 269 policiers ont été blessés lors des manifestations, dont 48 à Tanger, 31 à Marrakech, 16 à Al-Hoceima, 12 à Fès et 123 à Khouribga, la ville phosphatière. Tous ou presque ont été atteints par des jets de pierres à distance, ce qui signifie qu’ils n’étaient pas au contact. » Histoire de démontrer que les forces de l’ordre n’ont pas le monopole de la violence, notre interlocuteur exhibe des photos, prises par la police, d’émeutiers s’affairant autour de bonbonnes de gaz, « comme à Gdeim Izik, au Sahara, il y a sept mois. Nous avions alors perdu onze hommes. Qui, à l’étranger, s’en est soucié ? »

HASSAN OUAZZANI

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Les manifestants restent très minoritaires, MAIS DISENT TOUT HAUT CE QUE BEAUCOUP PENSENT TOUT BAS, réclamant liberté, dignité et justice sociale.

Le message est ici plus important que le médium et c’est avec trois proches collaborateurs réputés pour leurs capacités d’ouverture que Mohammed VI en a analysé l’essentiel. Le juriste Mohamed Moatassim, conseiller au Palais, est ainsi apparu depuis le discours du 9 mars – dont il a été le rédacteur principal – comme un élément clé du dispositif royal : c’est lui qui dialogue avec les partis politiques sur la réforme de la Constitution. Idem pour Mohamed Yassine Mansouri, patron de la Direction générale des études et de la documentation depuis 2005 et premier responsable sécuritaire du pays,

EN CERCLE RESTREINT. Reste que le Mouvement

du 20 février, au-delà de la polémique sur ses capacités réelles de mobilisation, ne se réduit ni à la violence de casseurs marginaux, ni à l’agenda d’islamistes en mal de qawma (« soulèvement »).

PHOTOS : TNIOUNOU ; D.R. ; AFP

En forme

MOHAMED MOATASSIM

MOHAMED YASSINE MANSOURI

En panne

MOHAMED ROCHDI CHRAÏBI

Ces trois proches collaborateurs du roi sont réputés pour leurs capacités d’ouverture. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

FOUAD ALI EL HIMMA

MOHAMED MOUNIR EL MAJIDI

Leur surexposition médiatique négative se paie d’une mise à l’ombre. JEUNE AFRIQUE


Le roi, le peuple et la révolution discret, minutieux et pondéré. Mohamed Rochdi Chraïbi, directeur de facto du cabinet royal et ancien condisciple de M6 au Collège royal comme Mansouri, complète le trio. Ce Fassi travailleur et disponible qui a connu des aléas semble être pour de bon revenu en grâce depuis juillet 2010, et il est omniprésent derrière le roi. Aucun de ces trois-là n’a été conspué par les manifestants du 20 février, ce qui n’est pas le cas évidemment de Fouad Ali El Himma, « l’ami du roi », ni de Mohamed Mounir El Majidi, secrétaire particulier du souverain et gestionnaire de la fortune du Palais. Même si le premier demeure proche du « boss » et si le second a, de l’avis général, réussi fin mai à organiser avec succès un festival Mawazine, qu’il coache depuis l’origine, leur surexposition médiatique négative se paie d’une mise à l’ombre aux allures de traversée du désert.

Les chefs des partis politiques ont été pris de vitesse par l’accélération de l’Histoire. C’est donc en cercle restreint que M6 fait face à une situation d’autant plus complexe qu’il n’a guère d’interlocuteurs : les chefs des partis ont été pris de vitesse par l’accélération de l’Histoire, et ce qui reste du 20 février est soit noyauté par des forces situées hors du champ politique, soit désespérément acéphale. JUSTICE. Le roi, qui vient d’achever une tournée

triomphale dans l’Oriental, est sorti intact de ces mois de turbulences. Même si la fronde n’a pas épargné son entourage, il est toujours aussi populaire et ce n’est pas là le moindre des paradoxes marocains. Le peuple veut la révolution avec lui et, dans la tourmente du « printemps arabe », M6 fait sa révolution autrement, réactif, à l’écoute, mais aussi sur le long terme. À ce sujet, une information riche de conséquences est passée inaperçue hors du royaume. Le 10 mai, les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe ont officiellement invité le Maroc à rejoindre leur club. Une adhésion en forme de donnant-donnant, Rabat apportant son expertise sécuritaire en échange d’un pétrole moins cher et surtout de vastes perspectives d’emplois, bien au-delà des milliers d’émigrés marocains revenus de Libye. Mohammed VI n’a évidemment pas dit non à cette opportunité. Une Constitution, fût-elle plus démocratique, et des élections, fussent-elles transparentes, ne créent pas de travail. C’est sur le terrain du développement, du social (pour lequel l’équivalent de plus de 2 milliards d’euros de crédits supplémentaires a été débloqué ces trois derniers mois) et de la justice sociale que se joue vraiment l’avenir du Maroc. Il l’a toujours pressenti. Depuis le 20 février, il le sait. ● JEUNE AFRIQUE

Sans crainte, sans trêve et sans leader Près de quatre mois après leur première marche, les protestataires refusent de désarmer. Retour sur un mouvement qui fait écho au « printemps arabe » tout en affirmant une singularité marocaine.

AMINE BOUKHRISS,

à Rabat

E

n cent jours, la rue s’est imposée, parvenant à structurer le débat politique.Étudiants,chômeurs, militants – improvisés ou politisés –, utilisateurs de Facebook, petits-bourgeois des beaux quartiers, cadres aux profils lisses, gauchistes encartés ou encore barbus dogmatiques… Leurs parcours n’ont rien en commun, mais leur cri de ralliement est le même : « Mamfakinch ! » (« Pas de répit ! »). Comment la mobilisation a-t-elle débuté ?

Née autour d’un slogan lancé sur la Toile, « Liberté, dignité, justice sociale ! », une coalition de militants de gauche, d’islamistes, de jeunes et d’indépendants appelle à manifester le 20 février. Forte du succès de cette première marche, qui lui donnera son nom, elle décide très vite de poursuivre la mobilisation « jusqu’à la satisfaction des revendications » et fixe un nouveau rendez-vous un mois plus tard. Entre-temps, des coordinations fleurissent un peu

(USFP), parti gouvernemental, qui apporte un soutien logistique. Dimanche 24 avril, les marcheurs maintiennent la pression dans plus de 80 localités. Mais quatre jours plus tard, l’attentat contre le café Argana, à Marrakech, rebat les cartes. L’agitation sociale a-t-elle favorisé les salafistes ? Y a-t-il risque de confiscation du mouvement par les islamistes d’Al Adl wal Ihsane (Justice et Bienfaisance) ? Le 15 mai, la police disperse violemment un sit-in devant le siège de la Direction de la surveillance du territoire (DST), à Témara. Les 22 et 29 mai, les manifestations projetées dans les grandes villes sont étouffées dans l’œuf, et par la force. Depuis, les mobilisations ont renoué avec l’esprit bon enfant des débuts. Pourquoi aucun leader n’émerge-t-il ?

Parti de Facebook, le Mouvement du 20 février n’a pas cherché à formerdestructurelégaleouhiérarchique. Ses militants revendiquent cet esprit libertaire, condition d’existence, pour eux, de cette très large coalition couvrant tout le spectre politique, des Un seul cri de ralliement : conservateurs islamistes « Mamfakinch ! » (« Pas d’Al Adl wal Ihsane aux républicains de gauche de répit ! »). d’Annahj Addimocrati partout à travers le royaume, et le (La voie démocratique). « Tous roi, Mohammed VI, annonce une ceux, partis ou associations, qui nous ont soutenus se sont engaréforme constitutionnelle dans son discours du 9 mars. gés à mettre de côté leur étiquette, Cette promesse ne met pas explique Hakim Sikouk, membre fin au mouvement, qui rassemde la coordination de Rabat. C’était ble de plus en plus de monde, y notre condition. Ils l’ont respectée. » compris des membres de l’Union L’union s’est faite autour d’une plasocialiste des forces populaires teforme sommaire que résume le N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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Grand angle

Maroc

jeune professeur de philosophie : « Nous voulons une Constitution démocratique, la fin de l’impunité. Nousvoulonsungouvernementqui serve nos intérêts et un Parlement qui nous représente. » Ces revendications sont exprimées, d’abord, dans une vidéo diffusée sur YouTube quelques jours avant le 20 février. Véritable acte de naissance médiatique, la vidéo fait le buzz sur les réseaux sociaux. Les militants qui y appa-

L’acte fondateur : une vidéo sur YouTube qui a fait le buzz sur internet. raissent deviennent des stars, vite proclamées leaders par des médias en quête de figures de proue. Aujourd’hui, si les membres de la coalition se défendent de tout carriérisme, la concurrence des ego attise les tensions, visibles à chacune des assemblées générales et déclinées dans les quelque 120 antennes locales. Sans leader identifié, l’organisation ne fait cependant pas défaut pour éviter les débordements, qui sont restés limités. Les marcheurs ont ainsi formé un service d’ordre chargé d’expulser les casseurs. Ces chaînes humaines protégeant vitrines et agences bancaires ont même un côté ostentatoire, folklorique.

HASSAN OUAZZANI

Comme dans les autres pays arabes, FACEBOOK A JOUÉ UN GRAND RÔLE dans la mobilisation.

Qui sont les marcheurs ?

Derrière les quelques têtes connues, des milliers de soldats inconnus forment la piétaille du mouvement, qui brasse large en termes de recrutement : beaucoup de jeunes, d’étudiants et de représentants de cette classe moyenne disparate (fonctionnaires, commerçants, employés…) ont répondu à l’appel des internautes. Tous ne sont pas militants au sens classique du terme, tous n’ont même pas lu la dizaine de points qui fait office de cahier de doléances de la coordination. Dimanche 20 février, les premiers manifestants étaient timides, tout comme les forces de l’ordre chargées de les encadrer. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

HASSAN OUAZZANI

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Présents dès ses origines, LES ISLAMISTES D’AL ADL WAL IHSANE auraient progressivement pris en main la contestation.

Recyclage d’activistes ou nouvelle génération? Les avis sont partagés; les itinéraires personnels aussi. « C’est la première fois que je vis une vraie expérience politique »,

confie Ahmed. Le cœur de cet étudiant casablancais bat à gauche, mais il n’est pas allé voter lors des législatives de 2007. « Je n’y croyais pas. Maintenant, le changement est JEUNE AFRIQUE


Le roi, le peuple et la révolution possible. » Autre son de cloche du côté de cette quadragénaire voilée, qui revendique un passé militant à la fac : « Ce qui se passe n’est que le résultat de décennies de luttes. Les gens se sont libérés de la peur, mais ils en avaient marre depuis longtemps. »

L’AMDH ouvre aux contestataires son siège central à Rabat pour la conférence de presse du 20 février. À Casablanca, c’est le siège local du PSU qui accueille leurs premières assemblées générales. Au-delà des officines, les leaders de la gauche non gouvernementale multiplient les prises de position, communiqués et tribunes pour défendre le changement, comme le fera l’appel « Pour une monarchie parlementaire maintenant ! », lancé le 29 mai.

Faut-il craindre une récupération par les islamistes ?

Quels sont les liens avec l’extrême gauche ?

Contrairement à celle des islamistes, la présence de l’extrême gauche au sein du mouvement ne suscite pas de réelles craintes. Mais JEUNE AFRIQUE

Pourquoi le Sahara reste-t-il en marge ?

HASSAN OUAZZANI

La rumeur accusant une main invisible de tirer les ficelles est une constante des mobilisations politiques et populaires. Cette fois, elle cible spécifiquement Al Adl wal Ihsane. L’association (non reconnue) a soutenu le mouvement par la voix de son porteparole Fathallah Arsalane, mais, selon ses détracteurs, elle avance aussi masquée. Son leader charismatique, le cheikh Abdessalam Yassine prédisait un soulèvement, une qawma, en 2006. Cinq ans plus tard, nombre de ses disciples estiment l’heure venue. Al Adl wal Ihsane a saisi l’occasion d’exhiber le nombre et la discipline de ses adeptes, rompus au harcèlement policier et à l’action de terrain. Son travail a payé là où son activisme social lui a fait gagner le soutien des milieux populaires. Pourtant, pour certains analystes, cette alliance de circonstance entre laïcs et barbus ne serait pas le résultat d’une manipulation, mais plutôt les prémices d’une coexistence moins dogmatique. « Le mouvement du 20 février a montré que la gauche et les islamistes sont capables de mettre de côté leurs divergences, dans un moment de transition. Il s’agit de se mettre d’accord sur les règles d’une compétition politique démocratique », estime Youssef Belal, auteur de l’ouvrage Le Cheikh et le Calife, Sociologie religieuse de l’islam politique au Maroc (ENS Éditions, mai 2011).

Pour un grand coup de balai (à Rabat, le 20 mars) : LA FOULE MET EN CAUSE DES PROCHES DU ROI comme Fouad Ali El Himma ou Mohamed Mounir El Majidi.

elle fournit une occasion de plus de le critiquer en accusant une partie (infime) de ses troupes d’agir au service d’un agenda républicain. Or l’hostilité au régime monarchique, si elle existe, est minoritaire même au sein de l’extrême gauche marocaine. « Plus intéressant est le rôle d’intermédiaire qu’a joué cette gauche non gouvernementale dans l’encadrement, l’accompagnement, voire la protection des “jeunes du 20” », comme les appelle affectueusement une militante des droits de l’homme. Et de rappeler le rôle de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), du Parti de l’avant-garde démocratique socialiste (PADS), du Parti socialiste unifié (PSU) et d’Annahj Addimocratiquiontétélespremiers à soutenir l’appel du 20 février. Ces formations – rejointes par d’autres ONG de la galaxie « droit de l’hommiste » – forment dès le mois de février le Comité national d’appui au Mouvement du 20 février. Une façon de soutenir les « jeunes » sans empiéter sur leurs décisions.

Aucune manifestation d’envergure dans les provinces du Sud depuis le début de l’année. Aucune antenne de la coordination à Laayoune, ville de 200 000 habitants où, il est vrai, les libertés associatives et politiques sont restreintes. Pourquoi le Sahara reste-t-il ainsi à l’écart de ce « printemps marocain » ? L’économiste Fouad Abdelmoumni, qui a travaillé comme expert sur la région, a une petite idée sur cette question, occultée par la couverture nationale et internationale du mouvement social. D’après lui, cette situation est le résultat d’une négociation entre Sahraouis et

« Tous ceux qui nous ont soutenus se sont engagés à mettre de côté leur étiquette. » HAKIM SIKOUK, membre de la coordination de Rabat

membres de la coalition. « Certains militants sahraouis projetaient de manifester à Agadir, explique-t-il. Après discussion avec les militants du 20 février sur place, ils ont accepté de se retirer parce que leur présence posait problème. » Comprenez : les indépendantistes sahraouis ont tout à gagner si le mouvement de protestation réussit, ils restent donc en marge pour éviter d’endosser le rôle d’épouvantail. En novembre 2010, les images des violences qui ont accompagné le démantèlement du campement de Gdeim Izik ont traumatisé les Marocains. Personne n’a intérêt à répéter ce scénario. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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Qui est visé par les slogans ?

Même si le roi n’est pas ciblé par les manifestants, de proches collaborateurs de Mohammed VI sont ouvertement visés, dont Mohamed Mounir El Majidi, secrétaire particulier du souverain et patron du festival de musique Mawazine de Rabat, très critiqué dans des slogans aux relents populistes – « Où est parti l’argent du peuple ? Dans Mawazine et les fêtes ! » Les manifestants n’ont pas non plus épargné Fouad Ali El Himma, ami d’enfance du roi et

fondateur du Parti Authenticité et Modernité (PAM). Accusé d’avoir voulu transposer le modèle du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) tunisien, il est devenu l’ennemi public numéro un du mouvement, qui lui a très tôt opposé un net : « El Himma, dégage ! » Depuis, l’homme a disparu de la scène publique et a même démissionné de ses responsabilités au sein de son parti. Très proche d’El Himma, Ilyas El Omari a aussi été stigmatisé. Le rejet du Premier ministre, Abbas El Fassi,

ne mobilise plus autant depuis que ce dernier a lui-même appelé à des élections législatives anticipées. Tout le contraire de son ministre de la Jeunesse et des Sports, Moncef Belkhayat. Pour avoir, sur Facebook, traité les manifestants d’« ennemis de notre nation », il s’est créé des inimitiés tenaces. Depuis des semaines, blogueurs et militants se délectent des dénonciations de contrats et de marchés publics passés par son ministère, avec moult détails sur leurs bénéficiaires. Qui s’y frotte s’y pique. ●

Karim Tazi, le patron rouge À la tête d’une entreprise de 1 200 salariés, ce quinquagénaire affiche son soutien aux manifestants. Y compris sur le plan matériel.

«

T

ous les hommes d’affaires qui ont une cabine de première classe devraient se poser une question : serions-nous sur le Titanic ? » Karim Tazi aime répéter cette boutade à ses intervieweurs. Elle fait mouche depuis que le directeur général de Richbond, société leader dans le textile d’ameublement, la création et la vente de salons marocains, soutient ouvertement le Mouvement du 20 février. Le dirigeant d’une société de 1 200 salariés encourageant des manifestations, n’est-ce pas un paradoxe? Lorsqu’on le taquine à ce sujet, il réagit vivement : « Ce qui a tué l’économie nationale, ce sont les fonctionnaires en grève depuis des années et dont l’État paie les journées chômées. Au moins, les jeunes manifestent le week-end ! » Cet entrepreneur de 50 ans, qui n’a pas la langue dans sa poche, a hérité des responsabilités de papa, membre du Parti démocratique de l’indépendance (PDI) puis du Parti communiste marocain (PCM), et de la fibre sociale de maman, féministe, cheville ouvrière de la Ligue marocaine pour la protection de l’enfance. « Un peu comme Obélix », Karim Tazi est tombé très tôt dans la marmite – politique –, mais son engagement dénote un esprit plus casse-cou. Électron libre, il crée la Banque alimentaire en 2002 et participe à la fondation du Réseau N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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HOMME ENGAGÉ,

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL des associations de quartier Accusé de financer le mouDE RICHBOND (Resaq) en 2003. Président vement, il ne s’en cache pas : a notamment de l’Amith, fédération des « Oui, j’ai aidé. Je l’ai fait par créé la Banque professionnels du textile, conviction. Je n’ai pas donné alimentaire en 2002. entre 2004 et 2007, il sait d’argent, mais du matériel, aussi défendre bec et ongles l’équivalent de 5 000 euros une industrie nationale fragile « face à en ordinateurs et clés internet 3G. » Fin une compétition mondialisée féroce ». mai, un courrier préfectoral lui notifie C’est clair, Karim Tazi aime le combat. Et une interdiction de manifester. « On m’en la culture. Mécène, il a aidé les groupes veut de dire tout haut ce que d’autres de la nouvelle scène musicale, la fameuse pensent tout bas. Dans les salons, les Nayda, alors qu’il avoue « détester le rap patrons pensent tous le plus grand mal et la musique urbaine ». du système, mais ils sont souvent dépenSon engagement aux côtés des manidants des marchés de l’État. » ● festants lui a valu quelques ennuis. AMINE BOUKHRISS JEUNE AFRIQUE





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BURKINA

La

manière for

Trop, c’est trop. Confronté à la crise la plus grave qu’il ait jamais connue, le régime Compaoré s’est enfin résolu à agir. Il a annoncé des mesures pour calmer la grogne sociale, tout en réprimant les mutineries. Pas sûr que cela suffise. RÉMI CARAYOL

I

ls y sont allés, finalement. Après trois jours de chienlit à Bobo-Dioulasso, les soldats d’élite sont intervenus le 3 juin au matin. Il n’a fallu que quelques heures aux meilleurs éléments du pays – des membres du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) et du Régiment para-commando (RPC), secondés par la gendarmerie mobile – pour rétablir l’ordre dans la ville du sud-ouest du Burkina secouée, depuis le 31 mai, N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

par une nouvelle mutinerie. Le pays en a subi une dizaine depuis deux mois, mais celle-là est de loin la plus grave. Et pas seulement parce que Bobo, qui était jusqu’à présent la seule ville à avoir été épargnée par le bruit des armes, était citée en exemple par les autorités. Sous couvert de revendications sans fondements, les mutins du camp Ouezzin-Coulibaly se livrent, trois jours durant, à un véritable pillage. Commerces et stations dévalisés, maquis saccagés, civils attaqués et blessés, souvent touchés par les balles… Même le centre hospitalier, où affluent déjà de nombreux blessés, est visité. Objectif : la caisse du service de recouvrement. CHANTAGE. Cette fois, trop, c’est trop. La veille

déjà, le porte-parole du gouvernement, Alain Édouard Traoré, avait rompu le silence de mise lors des précédentes mutineries. « Il y a un JEUNE AFRIQUE


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Depuis la mi-mai, les mouvements chantage de la part des gens qui ont des armes de colère se sont multipliés et qui croient que l’État n’a pas la capacité de maintenir l’ordre », avait-il lancé. Mais ce qui a décidé le président Blaise Compaoré, également ministre de la Défense depuis le dernier remaMALI niement gouvernemental, à mater les indélicats, Inata Dori NIGER ce sont les informations qui lui sont parvenues. Parmi les mutins, il y a encore et toujours ces Taparko jeunes recrues indisciplinées – essentiellement Kalsaka Kaya les promotions 2008 et 2009, mal recrutées et mal formées, qui sont à l’origine des premièDédougou res mutineries du mois de mars (lire encaOUAGADOUGOU dré). Mais il y a aussi des anciens soldats Tenkodogo aujourd’hui à la retraite, des hommes Diébougou Bobovenus d’autres camps du pays, et même, Dioulasso GHANA BÉNIN assurent les informaÝ BOBO-DIOULASSO teurs du chef de l’État, TOGO Mutineries des étrangers. « Jusqu’à a connu trois 100 km jours de CÔTE D'IVOIRE présent, le président s’était Mouvements sociaux violences toujours refusé à utiliser la avant force face aux mutins. Mais l’intervention là, il n’était plus question de de Kalsaka de réclamer de meilleures conditions des unités revendications corporatistes. d’élite. de travail. C’étaient des pillards », affirme « Les mutineries ont joué contre le mouvement un proche collaborateur de Compaoré. social, estime un observateur indépendant. Les Le 2 juin, une grosse centaine d’hommes sont gens, apeurés, craignent que cela ne dégénère. » envoyés à Bobo. Le lendemain, dans la matinée, Voire… Selon Sagado Nacanabo, le secrétaire la sirène de l’hôtel de ville retentit : elle appelle confédéral de la Confédération générale du trales habitants à rester chez eux. Les soldats d’élite, vail du Burkina (CGT-B), ce sont les mesures lourdement armés, investissent alors les quartiers, annoncées par le gouvernement qui ont calmé encerclent le camp des mutins et tirent. Trois heures les esprits. « Il y a eu des avancées, reconnaît-il. après l’assaut, la ville est sous contrôle. Bilan : sept Ce que nous réclamions depuis des années, qui nous avait encore été refusé en février, nous a été morts (six parmi les mutins, la septième étant une fillette touchée par une balle perdue), une vingpromis en mai. Certes, nous n’avons pas obtenu taine de blessés et cinquante-sept arrestations. Les d’augmentation des salaires, mais le gouvernement inculpés seront jugés par la justice civile. a répondu à nos autres attentes. Maintenant, nous Cette intervention a été unanimement saluée. attendons de voir si les promesses sont tenues. » Même les médias, souvent critiques à l’égard du Si rien n’est fait, le syndicaliste renvoie au mois régime, s’en sont félicités. « Enfin, le président d’octobre un éventuel mouvement. prend ses responsabilités », souffle un éditorialiste, qui rappelle que les mutins n’ont jamais eu bonne ÉTUDIANTS CHOYÉS. Il faut dire que la liste des presse. Dans l’entourage de Compaoré, le ton est promessesestlongue,etlesbénéficiairesnombreux. affirmatif. « C’est fini maintenant. Les soldats ont Les cotonculteurs ont obtenu la baisse du prix peur. Les mutins arrêtés vont être jugés et certaides intrants; les sociétés cotonnières, la prise en nement radiés de l’armée », charge d’un endettement affirme un conseiller. La liste des promesses est vieux de dix ans. Fin avril, Il faut le croire : l’heure legouvernementaannoncé longue, et les bénéficiaires la suppression de la taxe de est à l’apaisement – même développementcommunal si, comme le remarquent nombreux. plusieurs diplomates, l’on – l’une des revendications va au Burkina de surprise en surprise depuis trois phares du CCVC –, et une baisse de 10 % de l’impôt mois. Sur le front social aussi, l’agitation est en sur le revenu. Il s’est également engagé à accélérer voie d’extinction. Le Collectif contre la vie chère l’avancement des fonctionnaires, en panne depuis (CCVC) n’appelle plus à manifester. Les magistrats plusieurs années. Dix jours plus tard, il a annoncé la sont rentrés dans le rang. Les enseignants ont pour baissedesprixdequatreproduitsdegrandeconsomla plupart repris le travail. Les cotonculteurs, qui mation (le riz importé, le riz local, le sucre en poudre menaçaient de boycotter la récolte, sont retouretl’huilealimentaire),lasuspensiondelatarification nés aux champs. Seul le secteur minier reste en des actes médicaux et des pénalités de retard sur les ébullition : après des grèves dans les mines d’or factures d’électricité. Les enseignants, quant à eux, de Taparko et d’Inata, c’est au tour des mineurs ont gagné des indemnités spéciales. Même les ● ● ●

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étudiants, toujours prompts à descendre dans la rue, ont été choyés: le 28 avril, le gouvernement a annoncé le retrait avec effet immédiat de la police universitaire, mise en place en 2004. La justice n’est pas en reste. Le nouveau garde des Sceaux, Jérôme Traoré, a assuré que le dossier Justin Zongo, cet élève dont le décès, en janvier, est à l’origine de la révolte, serait traité avec diligence. « D’autres cas jusque-là en sommeil seront réveillés », affirme un collaborateur du Premier ministre Luc Adolphe Tiao. Et pas seulement les crimes de sang. Cette semaine doivent se tenir, au tribunal de Ouagadougou, des assises un peu particulières. Du 14 au 17 juin, la Chambre criminelle de la cour d’appel doit juger une quinzaine de prévenus accusés de détournement de fonds publics (pour un total de 400 millions de F CFA, 610 000 euros). En soi, rien d’exceptionnel : ces assises se tiennent régulièrement. Mais, pour la première fois, elles ne concernent que des crimes économiques. « D’habitude, ces affaires sont noyées dans la masse des crimes de sang. L’idée est de montrer que, contrairement à ce que l’on entend, l’impunité en matière de corruption n’est pas totale », affirme un magistrat. ●●●

LE 23 MAI, DES ÉTUDIANTS EN COLÈRE

ont saccagé le ministère de l’Enseignement, à Ouagadougou.

Communiquer. C’est pour cela que l’ancien journaliste qu’est Luc Adolphe Tiao a été nommé à la primature, le 18 avril. Depuis, sur ce point, c’est un sans-faute. Pas une semaine ne passe sans que lui ou l’un de ses ministres parcoure le pays à la rencontre des commerçants, des paysans, des enseignants… Quand il y a mutinerie, le cortège gouvernemental ne tarde pas à aller présenter ses condoléances aux victimes et aux chefs coutumiers. Les conférences de presse gouvernementales, auparavant précieuses car rares, sont devenues hebdomadaires. Lors de ces rencontres, deux voire trois ministres prennent le temps d’expliquer les réformes. « Nous ne faisons que mettre en œuvre les consignes du président, qui nous a demandé d’ouvrir un dialogue direct avec nos concitoyens », indique un collaborateur du Premier ministre. Cela suffira-t-il à calmer les Burkinabè ? Les observateursétrangersenposteàOuagaaccueillent avec enthousiasme ces annonces, à l’image d’Amos Tincani. Sur le départ, le chef de la délégation de l’Union européenne a fait part de ses regrets lors de son pot d’adieu, le 3 juin : « C’est maintenant que la période excitante commence. J’ai attendu trois ans et demi mais c’est vous qui allez vivre la saison des réformes. » Les syndicalistes comme la classe politique, eux, en doutent. « Je ne suis pas convaincu par ces annonces », grogne le chef de file de l’opposition, Bénéwendé Sankara. « Elles permettent de tempérer la situation, mais pour un temps seulement.

Pour les syndicats, les mesures annoncées ne règlent pas les problèmes de fond. Nous avons affaire à un gouvernement de crise. Mais les problèmes de fond ne sont pas résolus. » En écho, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo, rappelle que le problème n’est pas conjoncturel, mais structurel. SENTIMENT D’INJUSTICE. Comme lui, de nombreux diplomates et observateurs estiment que la crise qui secoue le pays a des fondements qui remontent loin dans le temps. Amos Tincani a également fustigé le sentiment d’injustice partagé par

RÉFORMER L’ARMÉE, OUI. LA PURGER, NON À OUAGA, tout le monde se pose la question : que faire de cette armée dont certains des membres se comportent en voyous ? Le malaise est profond, comme l’ont démontré les mutineries et leur lot de pillages, viols et blessés par balles. Les derniers engagés, à l’origine des soulèvements, ont été mal recrutés (« on a pris n’importe qui, il fallait faire du chiffre pour étoffer l’armée », aujourd’hui forte de 12 000 hommes, explique un officier) et mal formés (« il y a un déficit de personnel encadrant »). Y aura-t-il une purge pour écarter les brebis galeuses ? De nombreux observateurs N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

le réclament, estimant que l’armée doit se professionnaliser, quitte à clairsemer ses rangs. Mais selon un collaborateur du président, ce n’est pas d’actualité. « Il n’y aura qu’une réorganisation. Et on va changer les méthodes de recrutement et d’encadrement. » L’enseignement du civisme et des principes de la démocratie pourrait être remis au goût du jour. La célèbre phrase de Thomas Sankara – « un militaire sans formation politique est un criminel en puissance » – aussi. ● RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne de nombreux Burkinabè. « La réforme du secteur de la justice est le dénominateur commun de toutes les revendications. » Plus tôt, il avait dénoncé « le paradoxe burkinabè », un terme employé par les institutions internationales pour qualifier le fossé entre la croissance soutenue du pays (entre 3 % et 6 % depuis cinq ans) et son faible impact sur la réduction de la pauvreté (le Burkina, 161e sur 169, végète dans les profondeurs du classement de l’Indice de développement humain établi par le Pnud. Dans ce contexte, « se contenter de mesurettes et d’un plan com’ serait suicidaire », estime un diplomate. ●

D’une crise à l’autre

La Côte d’Ivoire suit avec attention – mais sans trop d’inquiétudes – les soubresauts qui agitent le voisin burkinabè.

«

L

a crise burkinabè, on Joseph Simporé est un entrepreneur l’a suivie de près, mais burkinabè installé à Abidjan. Comme sans en faire des tonnes, nombre de ses compatriotes, il a suivi déclare un journaliste cette crise par coups de fil interposés. ivoirien. La presse internationale en Une partie de sa famille vit encore à a fait suffisamment. » Et quand on lui Ouagadougou et l’a tenu informé de oppose que jamais le Burkina n’avait ses moindres développements. Il avoue avoir eu quelques inquiétudes lors de connu une telle crise militaire, il se contente de répondre que tous les pays, l’intervention musclée des forces spéà un moment ou à un autre de leur ciales au camp Ouezzin-Coulibaly de histoire, passent par des moments de Bobo-Dioulasso, tout en supputant troubles. qu’il n’y avait pas d’autres solutions. En Côte d’Ivoire, cette idée est large« Ils se sont permis de piller les magament partagée. La presse locale, encore sins, de voler des honnêtes gens qui ne dans l’euphorie de la prestation de sercherchent qu’à nourrir leurs familles, ment du président Alassane Ouattara, alors que c’est contre leur hiérarchie s’est contentée de quel« Les tirs ne nous empêchent ques entrefilets sur les mutineries et de courtes pas de faire des affaires. » analyses sur la longévité SALIMATA, commerçante à Korhogo au pouvoir du chef de l’État burkinabè. Il faut dire que les qu’ils ont des griefs. C’est vraiment relations entre les deux pays sont au inadmissible », s’indigne-t-il. beau fixe depuis la chute de l’ex-présiMalgré tout, le business se porte dent Gbagbo, et qu’on a ici le sentiment plutôt bien. « Les tirs ne nous ont pas que relayer le trouble dans la maison empêchés de faire des affaires, affirme du voisin s’apparenterait à un acte de Salimata Diomandé, une commerçante trahison. ivoirienne qui importe du beurre de karité du Burkina. J’ai été inquiétée INTERVENTION MUSCLÉE. Dans la quand les problèmes ont touché Bobocommunauté burkinabè, en revanche, Dioulasso, mais ça n’a duré que quelle sujet a été largement commenté. On ques jours, et ma marchandise n’a pas se rappelle d’un certain 24 décembre souffert. » « Tant que les frontières entre 1999, où une mutinerie dans l’armée les deux pays ne sont pas fermées, il n’y a ivoirienne a abouti à l’éviction d’Henri aucun souci », renchérit un commerçant Konan Bédié et à la transition militaire. à Korhogo, à quelques heures seulement Tout en se disant que ce scénario est de la frontière avec le Burkina. ● « impossible » dans le pays de Blaise MALIKA GROGA-BADA, Compaoré. envoyée spéciale JEUNE AFRIQUE

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TRIBUNE

D.R.

Éd Clément Abaifouta Président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH)

« Cessons de jouer le jeu du Sénégal. Extradons Hissène Habré! »

A

U TCHAD, pendant le régime de Hissène Habré, j’étais connu comme le « fossoyeur ».Tous les jours, pendant quatre ans, j’ai été contraint d’enterrer mes compagnons de cellule, morts dans les geôles de la dictature. Vingt et un ans se sont écoulés, pendant lesquels je n’ai vécu que pour que justice soit rendue. En décidant de reporter sine die les discussions qui devaient se tenir du 30 mai au 3 juin avec l’Union africaine (UA) sur la création de la juridiction chargée de juger l’ex-dictateur tchadien, le Sénégal a dit clairement son refus de rendre justice aux victimes. Depuis plus de vingt ans, nous nous battons sans relâche contre l’impunité. Mais au lieu de voir notre cause entendue, nous avons eu droit à ce que l’archevêque sudafricain et Prix Nobel de la paix DesmondTutu a qualifié d’« interminable feuilleton politicojudiciaire ».

L’Union africaine est trop indulgente. Juger l’ancien dictateur tchadien est une exigence juridique aussi bien que morale.

Retour en arrière. En 2000, un juge d’instruction sénégalais a inculpé Hissène Habré, mais les Nations unies ayant dénoncé certaines ingérences politiques, les tribunaux sénégalais se sont déclarés incompétents. Nous nous sommes donc tournés vers Bruxelles et, après quatre ans d’enquête, un juge belge a lancé, en 2005, un mandat d’arrêt international contre Habré. Le Sénégal, pourtant, a refusé de l’extrader. En 2006, le Comité des Nations unies contre la torture a condamné l’immobilisme de Dakar et lui a demandé de choisir entre poursuivre ou extrader Habré. La même année, l’UA a donné mandat au Sénégal pour juger Habré « au nom de l’Afrique ». Pourtant, jusqu’en 2010, le Sénégal a refusé de commencer l’instruction judiciaire tant que les fonds nécessaires au démarrage du procès ne seraient pas débloqués. La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait demandé au Sénégal de juger Habré dans le cadre d’un tribunal « ad hoc à caractère international ». En réponse, l’UA a présenté, en janvier 2011, un projet de création de « chambres extraordinaires », composées de juges sénégalais et internationaux sur le modèle du tribunal qui juge les Khmers rouges au Cambodge. Ce projet N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

a été rejeté par le Sénégal, qui entend faire juger Hissène Habré par un tribunal international déconnecté de son système judiciaire, alors qu’il est évident que le budget arrêté par la communauté internationale (8,59 millions d’euros) ne permet pas de couvrir la mise en place d’une telle juridiction. Et voilà qu’au moment où l’UA présentait un nouveau projet qui tentait de satisfaire ses exigences, la délégation sénégalaise a coupé court aux discussions ! Maintenant, il faut dire stop. Cessons de jouer le jeu du Sénégal ! Comment serait-il encore possible de nier que nos doutes étaient fondés et que le Sénégal n’a, en réalité, jamais eu l’intention de

juger Habré ? Comment pourrait-il en être autrement, dès lors que Habré a utilisé les millions qu’il a dérobés dans les caisses de l’État tchadien pour s’offrir un confortable réseau de protecteurs au Sénégal ? Que deux de ses anciens avocats occupent aujourd’hui des postes clés dans le gouvernement sénégalais ? Si le Sénégal ne juge pas Habré, il doit, en vertu de ses engagements internationaux, procéder à son extradition vers la Belgique. Le système judiciaire belge a déjà rassemblé suffisamment de preuves pour poursuivre l’ancien tyran et ainsi rendre justice aux victimes. Les manœuvres dilatoires du président sénégalais, AbdoulayeWade, ne peuvent plus échapper ni à ses homologues africains ni à la communauté internationale. L’UA doit cesser d’être aussi indulgente. Évidemment, nous aurions tous préféré que Habré soit jugé en Afrique. Mais le Sénégal refuse de le poursuivre et leTchad ne peut pas lui garantir un procès équitable. Qu’on ne nous dise pas que les Blancs doivent juger les Blancs et les Noirs les Noirs. Ce n’est plus tenable au XXIe siècle, la justice n’a pas de couleur ! La Belgique a certes un passé colonial regrettable, mais elle a les moyens d’organiser un procès équitable. Après vingt et une années d’attente, le Sénégal et l’UA doivent nous permettre de nous retrouver un jour devant un tribunal. C’est une exigence juridique. C’est une exigence morale. ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

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RD CONGO

Kinshasa promet la transparence Un décret annonce la publication des nouveaux contrats miniers, pétroliers et forestiers. Une opération de marketing politique avant les élections ?

MARTA NASCIMENTO/REA

S

elon un décret ministériel en date du 20 mai, la RD Congo va désormais publier les contrats signés dans les secteurs minier, pétrolier et forestier. Un effort à première vue louable. Mais suffira-t-il à répondre aux attentes du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’opinion publique congolaise, qui, depuis des mois, réclament davantage de transparence?Àvoir.Carsicedécretoblige la publication de tout contrat ayant pour objet les ressources naturelles « dans les soixante jours francs qui suivent la date de son entrée en vigueur », il reste muet sur un certain nombre de points. Il ne dit rien des contrats signés avant mai 2011 et ne prévoit pas non plus de sanctions en cas de non-publication. Pour José Endundo, ministre de l’Environnement, de la Conservation de la nature et du Tourisme, l’effet rétroactif ne ferait pas de doute. « La transparence est un engagement que nous avons pris vis-à-vis du FMI et de la Banque mondiale. Pour ma part, je publierai prochainement sur notre site internet tous les contrats de concession forestière signés », affirme-t-il. Est-ce que ce sera aussi le cas pour les contrats miniers et pétroliers? Là encore, à voir. Et la consultation du Journal officiel et des sites ministériels, dont certains ne sont pas opérationnels, ainsi que l’achat de revues spécialisées, dans lesquelles devraient être publiés les contrats, sont de toute façon problématiques pour la plupart des Congolais. Pour René Ngongo, chargé des campagnes « forêt » pour Greenpeace à Kinshasa,

KINSHASA DIT VOULOIR MOINS D’OPACITÉ dans la gestion des ressources naturelles.

le texte est destiné à une « consommation extérieure ». Il vise, selon lui, à satisfaire les exigences des bailleurs de fonds. D’autres y voient une opération de marketing politiqueàquelquesmoisdesscrutinsprésidentiel et législatif. « Le régime veut paraître vertueux pour tenter de gagner des voix aux prochaines élections », résume un militant de la société civile. AU COMPTE-GOUTTES. La question de la

publication des contrats miniers, pétroliers et forestiers renvoie plus largement à celle de l’accessibilité des informations, notamment économiques, détenues par les services publics. Jusqu’à présent, ces informations étaient données au compte-gouttes. Ainsi, après la « revisitation » des contrats miniers, décidée en novembre 2007, quelques avenants ont été publiés sur le site du ministère des Mines. Pas tous. Même tri sélectif pour les contrats signés par la suite. Exemple avec la version révisée, en octobre 2009, de la convention de joint-venture passée entre l’entreprise publique Gécamines et

un consortium d’entreprises chinoises, qui n’a pas été rendue publique. Et alors que la RD Congo adhère, depuis 2005, à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), elle n’a publié jusqu’à présent que le rapport 2007. Face à cette opacité, la société civile congolaise accentue sa pression. En mai, un atelier regroupant vingt et une coalitions africaines de la campagne « Publiez ce que vous payez » s’est tenu à Kinshasa. Objectif: obtenir une publication trimestrielle ou annuelle des impôts et taxes générés par les contrats portant sur les ressources naturelles. En revanche, l’opposition reste pour l’instant relativement discrète. Elle n’a pas réagi à l’annonce de la signature du décret, pas plus que les parlementaires. Il est vrai que le texte est sorti « alors que le débat sur la loi électorale capte toute l’attention de la classe politique et des parlementaires », explique un membre du Sénat. À Kinshasa, certains pensent que ce timing pourrait bien ne pas être le fruit du hasard. ● MURIEL DEVEY


ISSOUF SANOGO/AFP

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CELLOU DALEIN DIALLO (à g.) ET SIDYA TOURÉ (en novembre dernier) dénoncent des atteintes à la Constitution. LÉGISLATIVES EN GUINÉE

De l’orage dans l’air C’est en novembre que les électeurs devraient choisir leurs députés. Mais l’organisation du scrutin est un casse-tête qui met à nu les tensions entre les partisans du chef de l’État et ses opposants.

L

es semaines à venir s’annoncent difficiles. Impatiente de se positionner sur l’échiquier politique et de jouer un véritable rôle, l’opposition guinéenne n’en peut plus d’attendre les élections législatives annoncées par Alpha Condé pour la fin du mois de novembre (voir J.A. no 2628). Surtout, les adversaires du nouveau chef de l’État voient d’un très mauvais œil le fait que le pouvoir ait décidé de reprendre intégralement le recensement des électeurs à partir de la mi-juin.

Le 1er juin, un collectif de partis regroupés autour de l’Union des forces démocratiquesdeGuinée(UFDG)deCellouDalein Diallo (candidat malheureux au second tour de la présidentielle) et de l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré (arrivé, lui, troisième au premier tour) s’est publiquement opposé au nouveau recensement, jugé contraire à la Constitution et au code électoral. Le processus vise, selon eux, à élaborer des listes favorables au Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir). « Faux », s’insurge le

ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD), Alhassane Condé. « Le fichier avec lequel nous sommes allés à la présidentielle est inutilisable, explique-t-il. Il compte des doublons, des approximations… Il n’est pas représentatif de l’électorat. Beaucoup de paysans, par exemple, ne s’étaient pas inscrits pour ne pas être soumis à l’impôt de capitation qui, depuis, a été supprimé. » Sur 4 297 688 inscrits en 2010, 491 241 présentaient des « anomalies ». Pour Alhassane Condé, ces irrégularités ne remettent pas en question la validité de l’élection d’Alpha Condé (« tout le monde était d’accord pour aller aux urnes avec ce fichier ») mais justifient que l’on reparte de zéro pour les législatives. Un argument qui ne convainc ni l’opposition ni la communauté internationale. Selon un observateur électoral, qui a suivi de près

CE QU’EN DISENT LES TEXTES LES MODALITÉS DE L’ORGANISATION de l’élection présidentielle en Guinée figurent dans la déclaration conjointe de Ouagadougou du 15 janvier 2010, qui pose les bases de la transition. Mais les législatives, censées marquer un retour définitif à l’ordre constitutionnel, n’y sont pas mentionnées. Pas plus que la nécessité de les organiser dans un délai de six mois après la présidentielle, contrairement à ce qui est souvent écrit. La Constitution guinéenne stipule que les législatives N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

doivent se tenir six mois après l’adoption de cette même Constitution, mais en l’absence d’Assemblée nationale, la Loi fondamentale a été promulguée, et non pas adoptée (en mai 2010). Quant au code électoral, il indique simplement que « les électeurs sont convoqués par décret du président de la République […] soixante-dix jours avant le scrutin pour les élections législatives ». La date reste donc à la discrétion du chef de l’État. ● C.S. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne l’organisation de la présidentielle l’année dernière, « rien ne justifie la reprise du recensement. Le fichier existe, il suffit de le corriger ». À Conakry, l’État a tout de même débloqué 20,5 millions d’euros pour ce nouveau recensement, qui prendra deux mois, et a commandé les 2 000 kits nécessaires à l’opération. L’opposition aura du mal à l’empêcher. Elle espérait que « les populations constater[aient]

cinq que compte Conakry. Ceux-ci sont désormais dirigés par des délégations spéciales, pro-Condé si l’on en croit l’opposition. « Ces communes étaient mal gérées, défend Alhassane Condé, et leur mandat est arrivé à expiration en 2009. » Les adversaires du chef de l’État s’inquiètent également du fait que le gouvernement voudrait organiser les législatives, au détriment de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Le ministre Condé « Rien ne justifie une reprise a une nouvelle fois du recensement. Le fichier peut démenti, mais un être corrigé. » projet de décret en ce UN OBSERVATEUR ÉLECTORAL. sens a bien été rédigé à la mi-mai. par elles-mêmes la volonté du pouvoir Pour ne rien arranger, le Conseil de prolonger l’état d’exception », mais national de transition (CNT), présidé elle peine à unir ses forces pour mener par Rabiatou Sérah Diallo, envisage sa première bataille de l’ère Condé. de demander la mise sur pied d’une Certains voient en Cellou Dalein Diallo nouvelle Ceni, pour couper court aux l’homme de la situation, quand d’autres accusations d’incompétence et de malpréfèrent miser sur Sidya Touré. Mais versations financières. La syndicaliste se si tous deux font en apparence front dit également « rongée » par l’absence commun, ni l’un ni l’autre n’est disposé de dialogue entre les différents acteurs à faire de la figuration. de la transition. « Si le ministère de l’Administration territoriale, les partis, la DES MÉTHODES CAVALIÈRES. Du côté Ceni et le CNT ne se retrouvent pas pour du RPG et de l’Alliance Arc-en-Ciel (qui consolider les acquis, nous perdrons a soutenu Alpha Condé au second tour), beaucoup », prévient-elle. quelques défections de taille sont posMais Rabiatou Sérah Diallo peine à se sibles, notamment celles de Lansana faire entendre. Début juin, le dialogue Kouyaté et d’Ibrahima Kassory Fofana, paraissait impossible. Et les populaqui, en coulisses, se montrent très cri- tions observaient, un brin agacées, ces tiques à l’égard du nouveau régime, nouveaux tiraillements. « Cela n’augure auquel ils reprochent des méthodes rien de bon pour l’avenir, et les enjeux cavalières et des « maladresses » vis-à- électoraux pourraient faire resurgir les tensions ethniques de la campagne vis de la communauté peule. Dans leurs interventions, les forma- pour la présidentielle », s’inquiète un tions réunies autour de Diallo et Touré étudiant. À Conakry, la saison des pluies dénoncent en outre la dissolution de sera orageuse. ● quatre conseils municipaux sur les CÉCILE SOW, envoyée spéciale

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ÉNERGIE

Black-out continental En 2050, une personne sur deux dans le monde privée d’électricité vivra en Afrique.

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e scénario fait froid dans le dos. D’ici à 2050, la moitié de la population mondiale vivant sans électricité pourrait résider en Afrique subsaharienne. Du coup, autorités, producteurs et distributeurs du secteur se sont réunis du 6 au 8 juin à Brazzaville. Organisé par le Pool énergétique de l’Afrique centrale (Peac), en partenariat avec l’Union européenne, le forum ElectriCA 2011 avait un objectif: développer les investissements. « Nous avons présenté aux bailleurs de fonds des projets intégrateurs et transfrontaliers, qui n’attendent plus qu’un financement », explique David Mbadinga, coordonnateur de l’étude sur l’interconnexion des réseaux électriques des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac). L’Afrique ne représente que 3 % de la consommation électrique mondiale, alors qu’elle héberge près de 15 % de la population du globe. Et l’Afrique centrale compte 125 millions d’habitants pour seulement 1,7 million d’abonnés, alors que la capacité de production de la sousrégion pourrait atteindre 144 000 MW, soit 58 % de celle du continent. « C’est inacceptable que ce potentiel soit aussi important et quasi inexploité. Il faut lancer un cri d’alarme ! » ● JUSTINE SPIEGEL

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Afrique subsaharienne

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CAMEROUN

Shakespeare contre Molière FRANCK FIFIE/AFP

Des anglophones peu élégants, des francophones hautainset corrompus... Entre les deux communautés, les clichés ont la vie dure.

TCHAD

Sitôt rentré, sitôt arrêté L’ex-rebelle Abderamane Koulamallah a été interpellé le 8 juin, à N’Djamena.

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ifficile retour au bercail pour l’ex-rebelle tchadien Abderamane Koulamallah. Rentré de son plein gré à N’Djamena, le 7 juin, l’ancien directeur de la communication de la présidence devenu porte-parole de l’Union des forces de la résistance (UFR) a été interpellé dès le lendemain par la police et présenté à un juge. Il avait été condamné en 2008 pour atteinte à la sûreté de l’État et faisait l’objet d’un mandat d’arrêt. À sa descente de l’avion, Abderamane Koulamallah avait déclaré vouloir participer à la construction de la démocratie au Tchad et rompre définitivement avec les années de lutte armée au sein de la rébellion qui voulait renverser le président Idriss Déby Itno. Une semaine avant son arrivée, il avait également invité tous les militants de l’UFR à cesser le combat, estimant que les élections législatives de février constituaient « une relative avancée ».

S

«

apé comme un “anglo” » : une moquerie bien connue sur les campus camerounais. Hérités de la colonisation, le français et l’anglais ont structuré mentalités et comportements. Et entre les deux groupes linguistiques, les stéréotypes ont la vie dure. C’est ce que démontre une étude menée par Innocent Fassé Mbouya (de l’université de Douala) et Augustin Simo Bobda (de l’université de Yaoundé), dont certains résultats ont été publiés, en mai, par le quotidien camerounais Le Jour. STÉRÉOTYPES. Les professeurs ont

interrogé 209 étudiants, âgés de 25 ans à 35 ans, sur leur perception des deux communautés au sujet de la corruption, l’ardeur au travail ou le manque d’élégancesisouventreprochéauxanglophones. « Ce cliché est largement répandu, confirme Valentin Zinga, rédacteur en chef de La Nouvelle Expression. Mais ça relève plutôt de l’humour camerounais. Et puis, les anglophones se sont adaptés aux habitudes vestimentaires des francophones. » Simo Bobda, lui, se souvient bien « des bermudas et des grandes chaussettes que portaient les anglophones » lorsqu’il était petit. « Les manières peuvent avoir changé, mais les stéréotypes non », ajoute-t-il. Les francophones ne

sont pas épargnés. Leurs compatriotes de langue anglaise les jugent globalement « hautains ». Ils sont aussi perçus comme « corrompus » : c’est l’avis de 87,4 % des anglophones sondés, alors que 58 % des francophones estiment « honnêtes » les membres de l’autre communauté. BRASSAGE. Detelsstéréotypespourront-

ilsperdurer,alorsquelafrontièreentreles deuxgroupessebrouille?Lesfrancophones sont de plus en plus nombreux à suivre des cursus en anglais : pour 95 % des personnes interrogées, cela garantit une meilleure éducation et donne la possibilité de partir faire des études à l’étranger. «Beaucoupdefrancophonesgrandissent comme des anglophones aujourd’hui », fait remarquer Mirabelle Afah, étudiante en cinquième année à l’École normale supérieure (ENS) de Yaoundé. « Avec les mariages mixtes et le brassage des populations,lesdifférencesentrelesdeux groupes sont moins nettes qu’avant », confirme Simo Bobda. Selon son étude, cependant, les francophones sont « plus disposés » à contracter des unions avec des anglophones que ces derniers avec desfrancophones.Leprofesseursouhaite désormais étendre l’enquête à tout le Camerounetimpliquerd’autrestranches d’âge et catégories sociales. ● MARIE VILLACÈQUE

GRÂCE PRÉSIDENTIELLE. Ses propos

n’ont donc pas totalement convaincu. À moins qu’il n’ait reçu des garanties avant son départ de Libreville. Car ce n’est pas la première fois qu’un ex-rebelle est ainsi arrêté. D’autres sont, avant lui, revenus au pays alors qu’ils étaient sous le coup d’une condamnation. Ils ont été appréhendés, avant de bénéficier d’une grâce présidentielle. Parmi eux, le colonel Ahmat Hassaballah Soubiane, alias Bavure, ancien ministre de l’Intérieur et ambassadeur du Tchad à Washington. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne ADIEU

Albertina Sisulu, avec les honneurs

Figure de la lutte antiapartheid et amie de Nelson Mandela, « Ma Sisulu » est morte, le 2 juin, à 92 ans. L’Afrique du Sud lui a rendu un hommage ému.

Y

ROBBEN ISLAND. Avec Walter, la

vie n’est pas un long fleuve tranquille. Il est régulièrement arrêté, puis condamné, en 1964, à la prison à vie. Incarcéré à Robben Island aux côtés de Mandela, il n’est libéré qu’en 1989 et décède en 2003. Pendant toutes ces années, Albertina milite au sein de la Fédération des femmes sud-africaines pour la cause des femmes et des enfants. Dans les années 1980, elle se rend en Europe et aux États-Unis pour rencontrer les dirigeants politiques occidentaux à qui elle demande de faire pression sur le régime d’apartheid. En 1994, Albertina Sisulu siège au Parlement issu des premières élections démocratiques, avant de se retirer de la vie publique. Très écoutée, elle n’hésitait pas à critiquer la dégradation des mœurs politiques… Ironie de l’Histoire, elle est, selon la BBC, décédée en regardant un reportage télévisé sur les chamailleries qui opposent les dirigeants de l’ANC dans la province du Kwazulu-Natal. ● JILLIAN EDELSTEIN/CAMERAPRESS/GAMMA

«

ou strike a woman, you strike a rock. » « Quand vous frappez une femme, vous frappez un roc. » Le 9 août 1956, c’est au rythme de ces mots que 20 000 femmes noires manifestaient dans les rues de Pretoria pour protester contre la loi qui les obligeait à se munir d’un laisser-passer pour se déplacer en ville. À leur tête, Albertina Sisulu. Épouse de Walter Sisulu (l’un des piliers du Congrès national africain – ANC, aujourd’hui au pouvoir), amie de l’ancien président Nelson Mandela, figure de la lutte contre l’apartheid, Albertina Sisulu s’est éteinte COMME ICI, EN 1983, elle a milité toute sa vie le 2 juin, à 92 ans. L’Afrique du contre le régime ségrégationniste. Sud lui a rendu un hommage avait activement participé à la résistance national. Le pays « restera éternellement contre le régime ségrégationniste, faireconnaissant et endetté envers ce pilier de la libération », a déclaré le président sant l’objet de nombreuses interdictions Jacob Zuma. administratives et arrestations. Avec la disparition de « Ma Sisulu », Rien ne l’avait préparée pourtant pour comme l’appelaient affectueusement ses cette vie de militantisme politique. Née en compatriotes, c’est une page de l’ère post1918 dans une famille pauvre de la région apartheid qui se tourne. Albertina Sisulu du Transkei, elle perd tôt ses parents

et doit interrompre ses études pour s’occuper de ses frères et sœurs. C’est à Johannesburg, où elle va finalement suivre une formation d’infirmière, dans les années 1940, qu’elle rencontre son futur mari, Walter Sisulu. Nelson Mandela est l’un des témoins du mariage.

TIRTHANKAR CHANDA

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SUNDAY ALAMBA/AP/SIPA

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LE CANDIDAT DU PDP a facilement gagné le scrutin présidentiel du mois d’avril.

NIGERIA

Les douze travaux de Goodluck Jonathan

Le chef de l’État devra rassurer le Nord tout en ménageant le Sud, qui l’a porté au pouvoir. Mais l’élection a exacerbé les tensions.

G

oodluck Jonathan a remporté l’élection présidentielle haut la main en avril dernier, mais il va devoir redoubler d’efforts pour engager des réformes de fond. Son gouvernement n’aura pas le temps de se reposer sur les lauriers que lui a tressés la communauté internationale, saluant le travail d’Attahiru Jega et de la commission électorale chargée de la supervision de ce scrutin décrit comme le plus transparent depuis 1999. « Une étape importante a été franchie au Nigeria », s’est réjoui Festus Mogae, l’ancien président du Botswana à la tête desobservateursduCommonwealth.Mais si Goodluck Jonathan ne parvient pas à séduire les turbulentes provinces du Nord, les divisions régionales risquent encore

de se creuser et le People’s Democratic Party (PDP, au pouvoir) pourrait en sortir fragilisé. Certes, les sudistes dominent encore le système politique nigérian. Mais cette hégémonie s’explique notamment par le succès d’Action Congress ofNigeria (ACN). Nombreux sont ceux qui pensent que ce parti,trèspuissantdansle(riche)sud-ouest du pays, a passé un accord secret avec Goodluck Jonathan pour empêcher un rapprochemententrelePDPetleCongress for Progressive Change (CPC), du nordiste Muhammadu Buhari, candidat malheureux à la présidentielle. Depuis l’élection, le clivage Nord-Sud est encore plus marqué. Un coup d’œil à la carte électorale suffit pour s’en convaincre: le PDP a remporté facilement les provinces

du Centre et du Sud-Ouest, tandis que les États du Nord ont apporté leur soutien au généralBuhari.ÀKaduna,BauchiouKano, des dizaines de milliers de jeunes sont descendus dans les rues pour protester contre la victoire de Jonathan. Dans un chaos en partie instrumentalisé, près de 50000 personnes ont fui leurs maisons, et les violences ont fait près de 1000 morts. Reste à voir si Goodluck Jonathan parviendra à combler le fossé économique qui sépare le Nord et le Sud. Selon une étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), dans les dix-huit États qui se sont prononcés pour Buhari, le revenu annuel moyen s’établit à 718 dollars – c’est deux fois moins que dans le Sud. DÉSAFFECTION. Bien sûr, le dynamisme

du Sud et le déclin du Nord ont commencé bien avant l’arrivée de Jonathan au pouvoir. Au cours des dix dernières années, alors que le Sud bénéficiait de politiques de libéralisation économique, que 90 % des industries extractives et de

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JEUNE AFRIQUE

PIUS UTOMI EKPEI/AFP

A

/RE

BABATUNDE RAJI FASHOLA La transformation de Lagos, c’est lui. Le gouverneur de l’État l’É du même nom (affilié à l’ACN) est l’un des hommes politiques les plus populaires du pays – même ses opposants saluent le travail qu’il a accompli.

NIS

NUHU RIBADU L’ex-président de la Commission de L’e lutte contre les crimes économiques et financiers et candidat malheureux de l’ACN à la présidentielle n’a aucune intention de se retirer de la politique. Il pourrait faire son entrée au gouvernement.

R OTIMI AMAECHI Orateur hors pair, il a été confortablement réélu à la tête de l’État de Rivers en portant les couleurs du PDP. S’il parvient à moderniser Port-Harcourt, il y a fort à parier qu’il ne se contentera plus de la politique locale. DE

THE NEW YORK TIMES/REA

Ces hommes avec qui il va falloir compter


très nombreuses banques et compagnies d’assurances s’installaient dans le Sud, le Nord devait faire face à l’effondrement des anciennes entreprises publiques. Un fossé que le chef de l’État ne peut pas se permettre d’ignorer. Comment va-t-il gérer cette désaffection grandissante qu’il suscite dans le Nord? La réponse reste incertaine. Il peut faire appel à quelques personnalités politiques et hautsfonctionnairesnordistespourformer son gouvernement. Et pourquoi pas offrir au gouverneur fraîchement réélu de Kano, Rabiu Kwankwaso, un poste important, voire la vice-présidence. Mais l’ouverture a ses limites. Deux des plus solides adversaires de Goodluck Jonathan à la présidentielle, Buhari et Nuhu Ribadu, l’ancien chef de la lutte anticorruption, ont déjà refusé de faire leur entrée au gouvernement. Et le projet de former une équipe « de tous les talents », cher au président, risque de se heurter à la tradition, qui veut que chacune des

Le déclin économique du Nord présente un vrai risque politique. 36 provinces du Nigeria fasse ses propositions pour le choix des ministres. Pendant la campagne, Jonathan avait promis que la liste des ministres serait minutieusement étudiée, mais, cette fois encore, la tâche s’annonce difficile. Car si les portefeuilles delaFinance,duPétrole,desAffairesétrangères et de la Sécurité nationale devraient être attribués aux plus méritants, il ne fait aucun doute que les richissimes financiers du PDP comptent avoir leur mot à dire pour les autres ministères. Jonathan devra traiter toutes ces questions tout en gérant une autre crise, judiciaire celle-ci. Le chef de la Justice, le bien nommé Justice Aloysius Katsina-Alu, et le président de la cour d’appel, Ayo Isa Salami, s’accusent mutuellement de partialité. Ils ont été suspendus en attendant les conclusions de l’enquête qui a été ouverte. Des conclusions d’autant plus attendues que les partis de l’opposition ont déposé de nombreuses plaintes pour fraude électorale devant les tribunaux. Et si la justice se trouvait dans l’incapacité de traiter équitablement ces recours, de nouveaux troubles politiques pourraient voir le jour, et la légitimité de Goodluck Jonathan en serait ébranlée. ● PATRICK SMITH, à Abuja JEUNE AFRIQUE

Afrique Subsaharienne

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AP/SIPA

Coulisses

ZIMBABWE FANTÔMES D’ÉLECTEURS Difficile de mettre la main sur les très secrètes listes électorales au Zimbabwe. Richard Johnson, professeur à l’Institut sud-africain des relations raciales, y est pourtant parvenu. Et ses conclusions sont stupéfiantes ! Plus de 41 000 centenaires sont ainsi inscrits (c’est plus qu’au Royaume-Uni), alors que l’espérance de vie au Zimbabwe est de 49 ans. Interrogé par la BBC, Johnson ajoute qu’il a repéré un grand nombre de personnes décédées qui n’ont pas été

MALI L’AFFAIRE QUI FAIT PSCHITT? Au Mali, la directrice de la Pouponnière de Bamako, l’organisme public auquel sont confiés les jeunes orphelins, est officiellement poursuivie pour manque de transparence dans les procédures d’adoption. En revanche, aucune plainte n’a été déposée concernant la mort d’une trentaine d’enfants, décédés entre août 2010 et février 2011. Ce sont pourtant ces morts suspectes qui ont fait les gros titres de la presse malienne. La

rayées du fichier, que 16 800 autres noms partagent la même date de naissance, et que plusieurs centaines d’électeurs sont mineurs. Les listes auxquelles Johnson a eu accès sont datées d’octobre 2010, mais sont basées sur celles de 2008, année de la dernière présidentielle. « Ce vote fantôme est plus que suffisant pour sceller l’issue de n’importe quel scrutin », assure Johnson. Il y aurait, selon lui, 2,6 millions d’électeurs de trop… Le président Mugabe s’est dit déterminé à organiser, dès cette année, une présidentielle anticipée. On comprend pourquoi. ●

directrice de la pouponnière a été incarcérée. Elle est la seule inculpée dans l’affaire. GABON LÉGISLATIVES À L’ANCIENNE Le gouvernement gabonais a tranché. Après avoir envisagé de compiler un fichier électoral biométrique, avec empreinte digitale et photo numérique, le Premier ministre, Paul Biyoghe Mba, a annoncé, le 7 juin, que l’idée était pour l’instant abandonnée. Au grand dam de l’opposition, qui y voyait un gage de

transparence pour les législatives de la fin de l’année. SANTÉ VACCINS « LOW COST » Plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques ont fait savoir, le 6 juin, qu’ils allaient réduire le prix de certains vaccins pour les rendre plus accessibles. Parmi eux, Merck, Sanofi-Aventis ou encore GlaxoSmithKline, dont l’injection contre le rotavirus (à l’origine de diarrhées aiguës), très répandu en Afrique, va baisser de 67 %, pour être vendue 2,50 dollars. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011


Maghreb & Moyen-Orient

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ALGÉRIE

Dans les coulisses du dialogue

D’ici au 20 juin, la commission chargée de conduire les consultations autour des réformes politiques recevra quelque 250 personnalités et une cinquantaine de mémorandums. CHERIF OUAZANI

E

ntamées le 21 mai, les consultations autour des « réformes politiques profondes » annoncées le 15 avril par le président Abdelaziz Bouteflika devraient s’achever le 20 juin. La commission chargée de recueillir les propositions des partis politiques, des personnalités nationales, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile disposera alors d’une dizaine de jours pour remettre un rapport final au chef de l’État.

QUI BOYCOTTE ? Emmenée par Abdelkader Bensalah, président du Sénat, assisté de deux conseillers de la présidence, Mohamed Touati, général à la retraite, et Mohamed Boughazi (voir J.A. no 2628), la commission devrait recevoir quelque 250 personnes et une cinquantaine de mémoranÐ LOUISA HANOUNE dums et plateformes de propositions. L’écrasante et ses proches majorité des personnalités conviées a répondu collaborateurs sortant favorablement à l’invitation. Parmi ceux qui l’ont du palais d’El-Mouradia, déclinée, on retrouve les frères ennemis du courant le 23 mai. démocratique : le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, de Saïd Sadi) et le Front des l’instauration d’une période de transition dont forces socialistes (FFS, de Hocine Aït Ahmed). Mais aussi d’anciens Premiers ministres, tels qu’Ahmed u’Ahmed les contours seraient esquissés par consensus au Benbitour et Mokdad Sifi, ou encore des sein de la classe politique. Quant à l’élaboration ions d’une nouvelle Constitution, elle devrait être militants des droits de l’homme, comme Proposit AliYahiaAbdennour,ancienministredela confiée exclusivement à une Assemblée élue phares Justice, ou Me Mustapha Bouchachi, présiau suffrage universel. Mais les partisans d’une re Ouvertu suel dent de la Ligue algérienne de défense des Constituante n’ont pas tous boudé le processus vi de l’audio droits de l’homme (LADDH), deux des inien cours, à l’instar de Louisa Hanoune, secrétaire vé ri p au tiateurs de la Coordination nationale pour générale du Parti des travailleurs (PT, trotskiste), on le changement et la démocratie (CNCD), qui a soumis ses propositions à Bensalah, même Inscripti rité é de la berb qui a vainement tenté de mobiliser la ruee si elle a déploré que la commission invite « man me m co e dans le sillage des révolutions arabes. habb wa dabb », littéralement « tout le monde et d te composan ionale nat Convaincus qu’il n’est pas possible dee n’importe qui ».Un argument que rejette Mohamed té ti n e d l’i réformer avec le système en place, ceux qui Boughazi, qui insiste sur « l’élargissement du e d o du m Révision nement boycottent la commission Bensalah militent nt champ des consultations à toutes les composantes n de fonctio ie pour un départ préalable du pouvoir actuel, el, de la société, qu’elles soient grandes ou petites, m o con

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de l’é

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient de l’Alliance présidentielle. Le Rassemblement national démocratique (RND, du Premier ministre Ahmed Ouyahia) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, d’obédience Frères musulmans) préconisent ainsi un retour à la limitation des mandats présidentiels deux ans après avoir fait campagne pour sa levée afin de permettre à Bouteflika de faire la passe de trois. « Ce n’est pas un reniement, se justifie Bouguerra Soltani, président du MSP. En 2008, il s’agissait de parachever une œuvre de réconciliation nationale et donc d’accorder du temps à son initiateur. Aujourd’hui, l’Algérie amorce une autre étape, et la limitation du nombre de mandats électifs, à tous les niveaux, est devenue une nécessité. » Le troisième partenaire de l’Alliance, le Front de libération nationale (FLN, d’Abdelaziz Belkhadem), est plus prudent. Pour son secrétaire général, « la démocratie, c’est accorder au peuple la possibilité de reconduire son président autant de fois qu’il le souhaite ». Mais plusieurs voix au sein des instances du parti se sont élevées contre cette idée. Faute de consensus, Belkhadem a mis la question en délibéré, en attendant la session ordinaire du Comité central prévue en septembre 2011. Un peu tard…

national

SAMIR SID

CORPORATISME. À mi-chemin de ses travaux,

l’essentiel étant le contenu des propositions ». Comment se passent les consultations ? CAPACITÉ D’ÉCOUTE. Selon Me Miloud Brahimi,

militant des droits de l’homme, « les membres de la commission font preuve d’une grande capacité d’écoute. Ils font tout pour mettre à l’aise l’intervenant, qui n’est soumis à aucune contrainte de temps ou de thèmes abordés ». La couverture médiatique du processus de dialogue a créé un véritable débat national sur l’avenir constitutionnel de l’Algérie : régime présidentiel ou parlementaire, limitation ou non du nombre de mandats présidentiels, équilibre des trois pouvoirs, statut de l’armée… Le dialogue a été marqué par quelques retournements de veste assez cocasses au sein des membres JEUNE AFRIQUE

Parmi les questions clés débattues : la limitation des mandats électifs.

la commission a reçu des propositions fort intéressantes en matière de pratique démocratique : ouverture de l’audiovisuel au privé (RND), inscription de l’amazighité (berbérité) comme composante de l’identité nationale au même titre que l’arabité et l’islamité (une recommandation de l’ancien Premier ministre Smaïl Hamdani), profonde révision du mode de fonctionnement de l’économie (Réda Hamiani, patronat). En dehors de la classe politique, chaque catégorie plaide pour sa chapelle : parité hommes-femmes pour les féministes, statut social de la jeunesse pour la dizaine d’associations estudiantines et de jeunes. Lesquels exigent également l’abaissement de l’âge d’éligibilité de 28 à 23 ans. « Si on est en âge de voter à 18 ans, argumente Riad Sekkal, président de l’Organisation nationale pour la promotion de la jeunesse (ONPJ), il semble logique de pouvoir prétendre à un poste électif à 23 ans, à l’exception de celui de président de la République. » Outre « la mère des réformes », selon l’expression de Miloud Brahimi pour désigner la révision de la Constitution, la démocratisation selon Bouteflika comporte un volet économique visant à mettre l’entreprise au cœur de la stratégie de développement et un volet social avec une plus grande implication de la société civile. Ces deux points ont été confiés pour le premier à la tripartite (gouvernement, patronat et syndicats) convoquée en septembre, pour le second au Conseil national économique et social (Cnes), qui organise, les 14 et 15 juin, les états généraux de la société civile. ● N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

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Ð Sur les hauteurs de SIDI BOU SAÏD, au nord de Tunis, le 18 mars. TUNISIE

Boris l’Oriental

En février, son entrée en matière fracassante avait surpris et irrité. Mais à force d’écoute et de disponibilité, l’ambassadeur de France est désormais comme un poisson dans l’eau.

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n n’échappe jamais tout à fait à son enfance. Les souvenirs ensoleillés de ce fils de piedsrouges – Français de gauche arrivés en Algérie après l’indépendance – ont fait de lui un inconditionnel de la Méditerranée. Arabisant, Boris Boillon, 41 ans, père de deux petites filles, apprécie autant les subtiles envolées de la poésie de Nizar Kabbani que les chansons de la Libanaise Majda Roumi, qu’il fredonne volontiers. Mais l’ambassadeur de France à Tunis est surtout un fin connaisseur des pays arabes pour avoir passé plus de la moitié de sa vie entre Alger, Le Caire, Damas, Ramallah, Jérusalem et Bagdad – où il est resté dix-huit mois. En février, son entrée en matière fracassante en Tunisie – il avait apostrophé des journalistesde manière par trop familière – avait surpris et fait craindre que le nouveau représentant de la France ne devienne « l’impossible monsieur BB ». D’autant que le tardif soutien officiel de Paris à la révolution tunisienne lui avait valu un surcroît de critiques. Mais, animé d’un mental de sportif, Boillon, tout en reconnaissant ses maladresses, essuie les plâtres sans regimber et maintient le cap des relations tuniso-françaises,égalementfragiliséespar la crise des migrants clandestins.

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les déséquilibres entre les rives nord et sud estunepartieimportantedemontravailen Tunisie.»UneapprochequifaitdireàKhelil Zaouia, du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) : « Même si la politique de la France reste en deçà de nos attentes, Boris Boillon fait tout pour apporter des changements positifs. » En cent jours, l’ambassadeur de France aura maintenu et renforcé les relations économiques et politiques entre les deux pays et fait la promotion de la Tunisie auprès de dix ministres français, tout en suscitant des actions de rapprochement et d’échange autour de thématiques telles que la citoyenneté et la bonne gouvernance, l’environnement, mais également la solidarité et le microcrédit.

À la tête d’une équipe de moins de dix personnes, sans gros budget, il gère des journées-marathons,enchaînelesréunions et jongle avec les appels téléphoniques tout en donnant à chacun de ses interlocuteurs l’impression qu’il est unique au monde. Bien que décontracté, Boillon est un hyperactif pointilleux qui prend note des moindres détails. Pour convaincre, il n’use pas de ses airs de technocrate à l’allure impeccable, mais avoue simplement « être un amouSa recette : un savant dosage reux du monde arabe et de entre « pessimisme de la raison la Méditerranée, et croire en l’UnionpourlaMéditerranée et optimisme de la volonté ». [UPM] comme une vision pour les cinquante prochaines années ». À Diplomate atypique, ce Sarkoboy que l’on a cru trop fougueux a finalement réussi l’écoute d’un pays en mutation, il constate, dans la continuité de l’historien Fernand à séduire Tunis en pratiquant, à l’instar Braudel, qu’« après les colonisations puis du penseur marxiste italien Gramsci, un les dictatures, l’accès à la citoyenneté clôt savant dosage entre « pessimisme de la un cycle de l’histoire ». raison et optimisme de la volonté ». Depuis qu’ilaencadrélavisitedeBéjiCaïdEssebsi, EFFICACE. Devenu familier des nouveaux Premier ministre tunisien, à l’Élysée, on se acteurs de la scène politique tunisienne, demande même si la Tunisie n’a pas un ainsi que des représentants de la société nouvel ambassadeur à Paris. « Son arrivée civile, il est en passe de concrétiser l’un de cow-boy nous a peut-être permis de de ses objectifs: « C’est une opportunité mieux le connaître ; il fait un travail qui historiquepournouerdeslienstrèsforts,de profite à la Tunisie », reconnaît Haythem société civile à société civile, entre ONG et el-Mekki, journaliste et blogueur. ● avec les collectivités territoriales. Résorber FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient CONFIDENCES DE | Mohamed Sahbi Basly

« J’ai servi la Tunisie, pas le régime » Ð Il a créé, le 9 mars, Al-Mustakbal (« le Parti de l’avenir »), une formation centriste libérale Ð Opposé à une Constituante, il propose plutôt un référendum et des élections générales

Quelle est la priorité des priorités? Achever la révolution. Et c’est le peuple qui est le mieux placé pour le faire. Le gouvernement provisoire essaie de restaurer l’autorité de l’État, mais l’esprit du « Dégage! » régnant encore, il n’arrive pas à imposer ceux qu’il nomme. En revanche, il a presque réussi le pari de la sécurité. Surtout, il tâche de faire aboutir le processus électoral. Mais la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution me dérange; elle parle au nom du peuple sans en être issue et ne rassemble qu’une dizaine des quelque 80 partis politiques. Que pensez-vous du report de l’élection de la Constituante à octobre? Je le regrette. Les institutions transitoires risquent de rester en place des années. On est à côté de ce que souhaitent les Tunisiens. J’espère que l’élection de la Constituante n’aura pas lieu. Je propose plutôt un référendum: « Quel type de régime souhaitez-vous? Voulez-vous amender la Constitution ou en écrire une nouvelle? » L’on pourrait ensuite fixer au 14 janvier 2012, un an après la révolution, la tenue d’élections municipales, législatives et présidentielle. Et il y aura beaucoup de surprises. Ceux qui se croient populaires vont vite déchanter. JEUNE AFRIQUE

HICHEM

JEUNEAFRIQUE: Comment jugez-vous la transition? MOHAMED SAHBI BASLY : Nous avons assisté à un grand cafouillage et à la déliquescence de l’État les six premièressemaines.MohamedGhannouchi n’était pas l’homme de la situation. Aujourd’hui, Béji Caïd Essebsi fait mieux, mais il a l’âge de ses artères… Pour moi, le principal maillon faible est la justice, dont la réforme est trop lente. Il faut au plus vite juger les spoliateurs des richesses du pays et les meurtriers des martyrs de la révolution, notamment BenAli. C’est ce que le peuple demande, et moi aussi.

L’ANCIEN AMBASSADEUR ET SÉNATEUR espère rassembler 15 000 adhérents d’ici au congrès constitutif de son parti, les 16 et 17 juillet.

Vous pensez aux islamistes? Ennahdha a été légalisé, il n’y a pas à revenir là-dessus. Mais je suis contre l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques. Je tiens à l’article 1 de la Constitution, à la séparation de la religion et de l’État. Or ceux qui réclament une Constituante rapide veulent prendre le peuple en otage sur ce sujet tant qu’ils se sentent en position de force. Fallait-il dissoudre le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD)? C’était nécessaire, parce que le peuple voulait en finir avec cet instrument d’un pouvoir scélérat. Ce qui est arrivé est déplorable. Le RCD était l’héritier du parti de l’indépendance, le Parti socialiste destourien [PSD]. Je suis triste, car un pan de notre passé a été souillé. Comprenez-vous que la loi électorale interdise à ses ex-hauts responsables de se présenter à la Constituante? Oui, mon parti a été le premier à approuver cette mesure, ce qui m’a valu d’être attaqué par la mouvance des anciens partis du pouvoir. Cette

mesure peut aider à la réconciliation. Mais en ce qui me concerne, j’ai été un commis de l’État et un simple membre du RCD. Depuis 1997, j’étais ambassadeur : on m’avait éloigné à cause de mon franc-parler. J’ai servi mon pays, pas le régime, et j’en suis fier. Aujourd’hui, on assiste à une chasse aux sorcières, alors que la plupart des anciens du RCD ont consenti à cette révolution par leur silence approbateur. Je suis très inquiet pour l’avenir. L’avenir justement : que propose Al-Mustakbal? Nous sommes un parti centriste libéral qui veut que laTunisie s’appuie sur son tissu de petites et moyennes entreprises. Je veux aider les gens à devenir riches honnêtement. Je mise beaucoup sur la décentralisation. Il faudrait créer six régions rassemblant chacune des zones industrielles, agricoles et touristiques. Elles conserveraient 10 % de leurs richesses et donneraient le reste à l’État. Nos piliers: le respect, la famille, la protection des acquis sociaux et le consensus. ● Propos recueillis par CONSTANCE DESLOIRE N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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IRAN

Bras de fer au sommet

Depuis la mi-avril, la guerre fait rage entre les partisans du Guide suprême et les alliés du président. Sur fond d’accusations de sorcellerie…

Mais les parlementaires ont aussi et surtout dans leur viseur Esfandiar Rahim Mashaie, dont la fille a épousé le fils d’Ahmadinejad et qui fut un premier vice-président éclair en 2009, avant que Khamenei n’obtienne sa tête, comme il a obtenu, en avril, sa démission du poste de directeur de cabinet de la présidence. Mais Mashaie est resté conseiller spécial d’un président qui l’« aime pour mille raisons ». Millénariste appelant les Iraniens à se préparer à la venue imminente de l’imam caché (le Mahdi), Mashaie Ý ALI KHAMENEI (à g.) ET concentre sur lui la MAHMOUD haine des religieux, qui AHMADINEJAD, le soupçonnent de voule 3 août 2009 loir les mettre à l’écart et à Téhéran. l’accusent d’utiliser des pouvoirs occultes. Ils lui reprochent également son tropisme nationaliste, qu’ils qualifient de « déviationnisme ».

HO/AFP

SUEURS FROIDES. En prônant un cer-

L

ongtemps fervent soutien de Mahmoud Ahmadinejad, dont il a validé la réélection contestable en 2009, Ali Khamenei, Guide suprême depuis 1989, est aujourd’hui à couteaux tirés avec le président dans ce qui s’apparente à une guerre ouverte entre deux courants conservateurs – les réformateurs étant hors jeu depuis 2009. En point de mire, les législatives de 2012 et la présidentielle de 2013. Tout a commencé à la mi-avril, quand Ahmadinejad obtient la démission du ministre des Renseignements, Heydar Moslehi, qu’il soupçonne d’espionner son directeur de cabinet et ami de trente ans, Esfandiar Rahim Mashaie. Dès le lendemain, Khamenei rejette la démission de Moslehi, un allié précieux à la tête d’un ministère dont l’une des fonctions est d’affaiblir des adversaires politiques. Pendant plus d’une semaine, à la fin d’avril, Ahmadinejad s’emmure dans le silence et envisage même de démissionner. Le 1er mai, le président finit par renouveler son allégeance à Khamenei, mais en des termes soigneusement choisis : « J’obéis au Guide suprême comme un fils à son père. » Une formule insidieuse qui ramène

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tain libéralisme vis-à-vis des femmes et en déclarant, en 2008, que « l’Iran est l’ami du peuple israélien », Mashaie avait déjà excédé les ultraconservateurs et une partie de l’opinion publique. La possibilité qu’il soit candidat – ou pis, élu – à la présidentielle de 2013 donne des sueurs froides à Khamenei et à ses alliés, qui ont fait arrêter plusieurs proches d’Ahmadinejad. Ce dernier n’ayant pas le droit d’effectuer un troisième mandat consécutif, il aurait pu s’appuyer sur Mashaie pour rester dans le cercle du pouvoir dans la perspective d’une candidature… en 2017. Les deux prochaines élections ayant

Khamenei au rang de simple mortel… Le 15 mai – alors que Téhéran assure la présidence tournante de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) –, le président contre-attaque en annonçant qu’il va prendre provisoirement la tête du ministère du Pétrole (60 % du PIB), dont il limoge le titulaire. Jugeant cette initiative contraire à la Constitution, le Parlement, dominé par les pro-Khamenei, décide de saisir l’autorité judiciaire. Dans le viseur du clergé : Cédant aux pressions, Rahim Mashaie, conseiller et ami Ahmadinejad nomme, le 2 juin, Mohammad de trente ans d’Ahmadinejad. Aliabadi, l’un de ses proches, ministre du Pétrole par intérim. toutes les chances d’être truquées, « Khamenei ne craint pas un mouvement Les menaces de poursuites judiciaires d’en bas, mais plutôt un coup d’État brandies par le Parlement ont payé. Les députés sont tellement remontés rampant qui remettrait en question contre la présidence qu’Ali Khamenei, son statut au sein de la République islamique », estime le sociologue Farhad craignant sans doute une crise de Khosrokhavar. Nul doute que les partirégime, se sent obligé d’intervenir sans du Guide suprême maintiendront en personne pour appeler à « l’amitié entre le Parlement et le gouvernement ». la pression sur le camp d’AhmadinePour le politologue allemand Matthias jad pour l’empêcher de parvenir à ses Küntzel, « la chute du président avant fins. Il y va de leur avenir. Et de celui d’une théocratie désormais menacée 2013 perturberait un régime déjà en proie à une crise économique et qui n’est de l’intérieur. ● pas à l’abri du “printemps arabe” .» CONSTANCE DESLOIRE

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Maghreb Moyen-Orient Ý DES MANIFESTANTS PALESTINIENS évacuant l’un des leurs, blessé par Tsahal, près du village druze de Majdal Shams, le 5 juin.

RONEN ZVULUN/REUTERS

tenaient prêts à intervenir. À l’arrivée, le face-à-face meurtrier tourna le plus souvent à une miniguerre de position. D’un côté, les manifestants, déterminés à rééditer leur exploit du 15 mai, progressaient centimètre par centimètre en direction du territoire israélien. De l’autre, les soldats de Tsahal, qui avaient pour consigne de faire preuve de retenue, ouvraient le feu sur chaque mouvement hostile. « C’était comme le tir au pigeon », résume Wajdi Mahmoud, un habitant de Majdal Shams. À la frontière israélo-syrienne, la situation est restée tendue tout au long de la semaine. Et si le calme est finalement revenu, l’État hébreu craint de voir se multiplier ce type de rassemblements, ISRAËL-SYRIE que les réfugiés palestiniens nomment « processions du retour » et qui s’inspirent des « marches vertes » organisées dans Enjeu d’un éventuel accord de paix entre Tel-Aviv et Damas, les années 1970 au Sahara occidental. Les événements sanglants de la Naksa le plateau du Golan a été le théâtre d’incidents sanglants suscitent l’inquiétude de la communauté à l’occasion de l’anniversaire de la défaite arabe de 1967. internationale, déjà préoccupée par les troubles intérieurs en Syrie. Précisément, uiconque s’approche de la d’autres blessés. Un bilan contesté par Israël accuse le régime de Bachar al-Assad clôture met sa vie en danles autorités israéliennes, qui affirment d’encourager une dégradation de la situager. » Chaque fois qu’une tion dans le Golan pour faire diversion. qu’à Kouneitra au moins dix personnes vague de manifestants se « La Syrie n’a pas empêché les manifesont trouvé la mort en provoquant l’exruent sur la frontière, ce message en arabe tants d’atteindre la ligne de démarcation plosion de mines par jets de cocktails est émis par haut-parleurs depuis les et de tenter de la franchir, a déploré merMolotov. credi Haïm Waxman, chef de la délégation jeeps Hummer de l’armée israélienne. « PROCESSIONS DU RETOUR ». Il n’emisraélienne à l’ONU. Cela reflète une Déployés le long des barbelés, en ordre de bataille, les soldats effectuent quelques pêche que c’est la deuxième fois en l’esvolonté flagrante de détourner l’attention tirs de semonce, ajustent leur fusil M-16, pace de trois semaines que la frontière de la violente répression qu’elle exerce puis visent les jambes des meneurs. Le israélo-syrienne s’embrase. Lors de la sur son propre peuple. De telles provocaclaquement des balles résonne dans la tions peuvent entraîner une vallée. Les premières victimes tombent escalade et doivent cesser Des milliers de Palestiniens et sont évacuées à la hâte au cri de « Allah immédiatement. » ont tenté de franchir en force Akbar ! » En quelques secondes, la situaPour nombre d’observation a dégénéré. Et Majdal Shams, petite teurs, une nouvelle guerre la ligne de cessez-le-feu. bourgade druze située à l’extrême nord du israélo-syrienne n’est pas à plateau du Golan, du côté israélien de la commémoration de la Nakba – l’exil palesexclure, d’autant que le plateau du Golan, frontière avec la Syrie, perdait sa tranquiltinien de 1948, consécutif à la création que l’État hébreu a annexé en 1981 – après lité pour devenir une ligne de front. de l’État hébreu –, la foule était parvel’avoir conquis aux Syriens en 1967 –, Dimanche 5 juin, à l’occasion de la nue à transpercer les lignes de défense demeure un enjeu stratégique crucial, Naksa – la défaite arabe de 1967 –, des israéliennes : quatre Syriens avaient été notamment du fait de ses ressources milliers de Palestiniens vivant en Syrie abattus dans le chaos ambiant. Cette fois, en eau. Le quotidien Haaretz avertit : se sont rassemblés en masse pour tenter Tsahal n’a pas été prise de cours. Plusieurs « Les négociations ne peuvent revenir à de franchir la ligne de cessez-le-feu avec tranchées avaient été creusées le long des la vie en plein crépuscule du régime de Israël. Leurs tentatives ont été durement barbelés, ultime rempart avant le champ Damas. Mais Israël ne pourra pas nier indéfiniment la nécessité de s’ouvrir au réprimées. D’après des sources médicade mines qui s’étend jusqu’au grillage les à Damas, vingt-trois manifestants processus de paix. » ● frontalier. Plus loin, trois bataillons de auraient été tués et plusieurs centaines MAXIME PEREZ, à Jérusalem parachutistes, placés en état d’alerte, se

L’Intifada des frontières

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Maghreb Moyen-Orient

STUART FORSTER/REX FE/REX/SIPA

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Ý L’HÔTEL RADISSON BLU, où des dizaines de ressortissants libyens seraient descendus. LIBYE

Djerba, refuge cinq étoiles

Située à deux heures de la frontière, l’île tunisienne accueille de plus en plus de nantis libyens fuyant la guerre. Reportage.

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eu avant l’heure du déjeuner, un verre de chardonnay à la main, Absi et son ami Omar racontent comment ils ont fui la Libye pour atterrir dans cet hôtel de luxe tunisien, où ils lézardent au bord de la piscine au milieu des chaises longues. Omar, originaire de Benghazi, foyer de la rébellion, explique dans un anglais parfait comment il a débarqué sur l’île de Djerba pour échapper à « l’horrible épreuve » qu’est la vie sous le régime de Mouammar Kaddafi. « Le pays n’a pas l’air d’aller très bien en ce moment », ironise-t-il, avant de s’excuser et de prendre congé. EXODE MASSIF. Il est facile de deviner

pourquoi Djerba, située à deux heures de route et de pont de la frontière libyenne, attire autant les élites cultivées, aisées et mobiles à la recherche d’un refuge

confortable pour fuir la guerre civile. Sur l’île des mangeurs de lotus de la mythologie classique, villas, hôtels et discothèques rassemblent désormais opposants, partisans et responsables du régime libyen pour un étrange jeu de rôle sur fond de fin de conflit. « Il y a beaucoup de Libyens qui viennent ici à cause de la crise, explique Oussama, un technicien arrivé de Tripoli. Certains pour se faire hospitaliser parce qu’il n’y a plus de services de santé en Libye, d’autres pour se ravitailler, d’autres encore parce qu’ils ont peur de rentrer chez eux. » L’afflux vers Djerba est le résultat de l’exode massif vers l’étranger de plus de 100 000 Libyens, selon des chiffres de l’ONU. Ceux qui ont choisi de venir à Djerba ne sont pas tous riches, mais l’île est un lieu attrayant pour quiconque a un peu d’argent, en raison de sa

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proximité, des vols internationaux et des services de qualité destinés au marché touristique occidental. Aujourd’hui, les groupes de vacanciers européens avides de soleil qui se pressent dans les hôtels de Djerba ont été rejoints par une nuée de Libyens plutôt aisés, reconnaissables à leurs voitures haut de gamme aux plaques minéralogiques blanches. « Toutes les belles voitures sont libyennes », fait remarquer un Tunisien qui contemple rêveusement le parking d’un hôtel bondé de véhicules venus de l’autre côté de la frontière. PROFIL BAS. Beaucoup de Libyens affir-

ment qu’ils pourraient prolonger leur séjour à Djerba en attendant la fin des frappes de l’Otan. Certains envisagent même de faire venir leurs proches. Un homme assure vouloir exfiltrer ses jeunes fils, au cas où ils seraient obligés d’aller se battre. Dans le hall de l’hôtel Radisson Blu, Ahmed, un importateur de produits électroniques, explique qu’il songe lui aussi à faire venir ses deux enfants. Il a réalisé que la guerre entre le régime et les rebelles pouvait encore

Format total (avec débords de coupes) L = 200 x H = 45 Surface utile (déllimitée en noir) L = 185 x H = 35


Coulisses

OISEAUX DE NUIT. Des habitants de l’île

et des Libyens prétendent que des personnes aisées proches du régime préservent leur intimité en louant des villas, tandis qu’un homme affirme que les partisans du colonel Kaddafi sont des noceurs que

Certains sont là pour se ravitailler, d’autres parce qu’ils ont peur de rentrer chez eux. l’on croise rarement dans la journée : « Ils ne sortent que la nuit pour noyer leurs soucis dans l’alcool. » C’est au casino, où les machines à sous ont été installées à l’entrée, près de la sécurité, que nous avons croisé les premiers Libyens loquaces. Ce sont deux opposants au régime qui insistent pour régler leurs boissons. Alors que l’air de Killing Me Softly With His Song résonne en arrière-fond, l’un des hommes, prénommé Omar, laisse entendre qu’il rechigne autant que la plupart de ses compatriotes à quitter ce petit coin de paradis pour retourner à Tripoli : « Kaddafi va y faire couler beaucoup de sang avant de s’en aller. Je ne m’y sens guère en sécurité. » ● MICHAEL PEEL © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE

ISRAËL-PALESTINE CONFÉRENCE DE PAIX MORT-NÉE PROPOSÉE LE 2 JUIN par Alain Juppé, lors d’une visite à Jérusalem et à Ramallah, l’idée d’une conférence de paix sur le Proche-Orient paraît compromise. Malgré l’accord du président palestinien, Mahmoud Abbas, les États-Unis ont opposé au ministre français des Affaires étrangères une fin de non-recevoir. La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a jugé qu’une telle conférence ne serait pas « productive », affirmant que les parties « ne souhaitent pas s’engager dans un processus qui pourrait ne pas aboutir ». À l’évidence, Washington n’apprécie guère que la France marche sur ses plates-bandes. Alors que l’État hébreu étudie sans enthousiasme la proposition du Quai d’Orsay, la position des États-Unis arrange le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui privilégie une médiation américaine. Ses conseillers laissent même entendre que des contacts auraient été établis avec le nouvel émissaire au Proche-Orient que s’apprête à nommer Obama en remplacement de George Mitchell. ● MAXIME PEREZ, à Jérusalem

Ý LAMIA CHAKOUR, ambassadrice de Syrie à Paris.

AMMAR ABD RABBO/ABACAPRESS.COM

durer un an. « Les bombardements vont s’intensifiant, souligne-t-il. Je ne suis ni pour ni contre Kaddafi, je veux juste être en sécurité. » Devant le Radisson, une voiture du gouvernement libyen vient rappeler les rumeurs qui ont circulé à propos de l’arrivée de hauts fonctionnaires de la Jamahiriya et même de la femme du colonel Kaddafi, Safia, ainsi que de sa fille, Aïcha. Dans les hôtels et cliniques où des figures du régime seraient descendues, la méfiance et le déni sont de mise. Vu les spéculations insistantes sur la présence de riches et puissants acolytes de Kaddafi, il est en tout cas surprenant de ne pas en croiser sur place. Le directeur d’un hôtel affirme que des dizaines de clients libyens – notamment des partisans du régime – font profil bas parce qu’ils sont en territoire inconnu et redoutent que des ennemis politiques ne les repèrent. « Certains disent qu’ils sont contre Kaddafi, raconte-t-il. Mais quand on les entend parler entre eux, les mêmes disent qu’ils le soutiennent. »

Maghreb & Moyen-Orient

SYRIE-FRANCE À QUI PROFITE LE CANULAR ? La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre, mais c’était un canular. Le 7 juin, s’exprimant par téléphone sur la chaîne d’information France 24, une femme se faisant passer pour Lamia Chakour, ambassadrice de Syrie à Paris, a déclaré qu’elle démissionnait de son poste en raison de la violence de la répression dans son pays. Dès le lendemain, la vraie Lamia Chakour, dont la famille est

étroitement liée au régime syrien, démentait catégoriquement sur le plateau de BFM TV et dénonçait une campagne de désinformation. Qui est l’auteur de la manipulation ? L’opposition syrienne, qui disposerait de taupes à l’intérieur de la chancellerie ? Les hackers d’Anonymous ? Ou les services syriens eux-mêmes dans le but de riposter au durcissement de ton de la France à l’égard de Damas ? Le mystère est entier. YÉMEN LE SPECTRE D’AL-QAÏDA Trois militaires et dix activistes présumés d’Al-Qaïda ont péri, le 8 juin, lors de violents accrochages dans le sud du Yémen. Depuis le 29 mai, la ville de Zinjibar est contrôlée par des extrémistes

armés présentés comme des djihadistes. Le 7 juin, trente d’entre eux, dont un chef local, sont morts durant des combats aux abords de la ville côtière. ÉGYPTE CAMPAGNE EUROPÉENNE Les leaders politiques égyptiens n’oublient pas la diaspora. Plusieurs d’entre eux sont allés à la rencontre de leurs ressortissants installés en Europe. C’est le cas de Naguib Sawiris, homme d’affaires et fondateur du Parti des Égyptiens libres, qui était à Londres le 22 mai après être passé par Paris le 16. Amr Moussa, candidat à la présidentielle, était en France du 8 au 10 juin, tandis que le magistrat Hicham el-Bastawissi, également candidat à la magistrature suprême, a fait savoir qu’il envisageait une tournée, notamment en France. N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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Europe, Amériques, Asie

FMI

Lagarde,

dans un fauteuil En dépit de quelques soucis judiciaires, l’actuelle ministre française des Finances reste la grande favorite pour succéder à Dominique Strauss-Kahn. Incapables de s’entendre, ses adversaires des pays émergents iront à la bataille en ordre dispersé. ALAIN FAUJAS

C

hristine Lagarde devrait succéder avant le 30 juin à Dominique Strauss-Kahn, inculpé pour tentative de viol, à New York, et démissionnaire, à la tête du Fonds monétaire international (FMI). Mais le succès de la ministre française de l’Économie et des Finances n’est pas encore définitivement assuré. Le 10 juin, lors de la clôture des

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candidatures (et du bouclage de ce numéro), nul ne savait si elle serait déférée devant la commission des requêtes de la Cour de justice de la République française pour avoir choisi la procédure arbitrale qui, en 2008, aboutit à l’attribution de 403 millions d’euros à Bernard Tapie et à son épouse. Un boulet judiciaire non négligeable. Àcejour,lalistedeseschallengeursn’estpasclose. Seuls Agustín Carstens, gouverneur de la Banque centraleduMexiqueetancienministredesFinances, et Grigori Martchenko, gouverneur de la Banque centrale kazakhe, se sont officiellement déclarés. Mais d’autres pourraient suivre. Par exemple, Trevor Manuel, le ministre sud-africain du Plan. Pourtant, les jeux semblent faits. Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, a affirmé sur Canal+, le 29 mai, que « parmi les huit chefs d’État et de gouvernement, plus le président de la Commission européenne et le président du JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie Ý AVEC PRANAB MUKHERJEE, le ministre indien des Finances, le 7 juin, à New Delhi.

Conseil européen, qui étaient là [au sommet du G8 à Deauville, le 27 mai, NDLR], il y avait unanimité pour soutenir Christine Lagarde ». Les pays du G8 contrôlant une large majorité des suffrages au FMI, l’élection de celle-ci devrait se faire « dans un fauteuil ». Ce schéma est d’autant plus surprenant que le G20 avait, à plusieurs reprises, estimé que la désignation du directeur général du FMI, poste tacitement réservé à un Européen, et celle du président de la Banque mondiale, qui échoit depuis toujours à un Américain, ne devraient plus à l’avenir reposer sur un critère d’origine géographique, mais sur la seule compétence. DSK lui-même avait déclaré qu’il serait vraisemblablement le dernier Européen à diriger le FMI. Et les pays émergents ne faisaient plus mystère de leur volonté de voir l’un des leurs occuper le poste.

les Indiens d’un Chinois. En plein conflit douanier, Argentins et Brésiliens n’avaient pas la moindre intention de se faire de cadeau, et Tharman Shanmugaratnam, le ministre singapourien des Finances, promu vice-Premier ministre, a tout bonnement refusé d’entrer en lice. À dire le vrai, chaque pays émergent a négocié en coulisses avec les Européens et les Américains. Mais pour son propre compte. Qui espérant obtenir un poste de numéro 2 ou 2 bis du FMI, qui un appui pour un poste de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qui une promesse en vue de la succession de Pascal Lamy à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)… CHOUCHOU. Pour finir, la personnalité de Christine

SAURABH DAS/SIPA

Lagarde a fait la différence. Son entregent, son anglais parfait, ses vingt-cinq années passées aux États-Unis et le fait qu’elle soit une femme en ont fait le chouchou des ministres des Finances de la planète. Elle rassure les Américains et arrondit les angles avec les Allemands et les Chinois, souvent exaspérés par les foucades de Nicolas Sarkozy. DÉTERMINATION SANS FAILLE. MaislesEuropéens Bien que de droite, elle apparaît moins libérale ont tiré les premiers et affiché une détermination qu’un Agustín Carstens, qui, tout mexicain qu’il sans faille depuis des mois. Sentant qu’il leur soit, n’en est pas moins un ex-« Chicago Boy », fallait lâcher du lest et concéder une place plus longtemps adepte de l’orthodoxie du « consensus de grande aux économies à croissance rapide, ils Washington».Satournéeélectoralel’adéjàconduite ont accepté de perdre des voix et deux sièges au au Brésil, en Inde, en Chine et au Portugal, où elle conseil d’administration. Mais ils ont mis un point a rencontré les ministres africains des Finances. d’honneur à être les principaux contributeurs d’une Elle devrait prochainement se rendre en Arabie récente augmentation de 500 milliards de dollars saoudite,en Russie et en Égypte. des réserves du FMI. Ce qui Son discours de campaleur permet aujourd’hui de gne est dans le droit fil de Les Chinois ne veulent présenter la candidature de la politique de DSK. Elle à aucun prix d’un Indien. entend donner plus de l’un des leurs à la direction générale comme légitime. Ni les Indiens d’un Chinois. poids aux pays émergents Et de sécuriser l’aide que le dans le fonctionnement de Fonds apporte aux pays de l’Union européenne l’institution; souhaite que le FMI assure « une coor(UE) au bord de la banqueroute (92 milliards de dination monétaire » afin d’éviter « une volatilité dollars à ce jour). excessive » des changes ; préconise que ce même Ils sont très vite tombés d’accord sur le nom du FMI aille au-delà de son rôle de protecteur des remplaçant de DSK. Angela Merkel, la chancegrands équilibres macroéconomiques et se soucie lière allemande, n’a pas défendu la candidature aussi de l’emploi. Un programme que les 187 États du social-démocrate Peer Steinbrück. Ni David membres ne peuvent qu’applaudir. Cameron, le Premier ministre britannique, celle Dernier élément déterminant : la volonté des de Gordon Brown, son prédécesseur travailliste. États-Unis de conserver la présidence de la Banque Dès le 19 mai, le président de l’Eurogroupe, le mondiale. Robert Zoellick, l’actuel président de Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude l’institution, s’est félicité que chacun de ses trois Juncker, pouvait déclarer que Mme Lagarde serait directeurs généraux – Mahmoud Mohieldin « la candidate idéale ». (Égypte), Ngozi Okonjo-Iweala (Nigeria) et Sri En face, les pays en développement se sont Mulyani Indrawati (Indonésie) – soit en mesure montrés incapables de désigner un candidat. Les d’assurer sa succession à la fin de son mandat, Chinois ne voulaient à aucun prix d’un Indien, ni en juin 2012. Mais il s’agit d’un leurre. Plusieurs congressistes américains de poids ont fait savoir qu’il n’était pas question de renoncer au poste. Pour cela, les États-Unis (16,7 % des droits de vote) le soutien un de droite, de toute auront absolument besoin des voix européennes anglais mais l’Europe et (ensemble, 30,9 % des droits de vote). Un prêté parfait pas trop des États-Unis pour un rendu, en somme. ●

Ses atouts Une femme, diplomate de surcroît

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Europe, Amériques, Asie

Abdelaziz Bouteflika

BONNES FEUILLES

Chirac, tout miel, tout fiel Dans le deuxième tome de ses Mémoires, l’ancien président français multiplie les portraits de dirigeants africains et proche-orientaux. Certains pleins d’empathie. Et d’autres beaucoup moins.

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rapide et décidée, ton péremptoire… « Bibi », comme le surnomment ses compatriotes, a toutes les apparences d’un « dur ». Son allure militaire et son physique épanouiexprimenttoutautantlaconfiance en soi qu’une profonde méfiance vis-à-vis de ceux qui ne lui ressemblent pas.

aru le 13 juin à Paris, le second tome des Mémoires de Jacques Chirac a ce petit côté jubilatoire qui faisait cruellement défaut au premier. Consacré à sa période présidentielle (1995-2007), évidemment autosatisfait comme tous les ouvrages de ce genre, l’exercice vaut avant tout pour ses esquisses de portraits parfois surprenants et ses coups de griffe à l’encontre de son successeur, Nicolas Sarkozy, dont la presse française a fait ses gorges chauLe Temps des. Une bonne partie présidentiel, traite des questions Mémoires de politique étranPar Jacques Chirac gère dans lesquelles Nil (2011), l’Afrique et le Proche608 pages, Orient ont leur part. 22 euros Point ici de révélations ni de secrets d’État, mais des croquis, souvent à l’encre amère, dont nous vous donnons à lire quelques extraits. ● F.S.

Yasser Arafat

La grande faiblesse d’Arafat réside dans le fait d’en vouloir toujours plus, une fois l’accord conclu. « Vous ne savez pas taper dans la main, lui ai-je souvent dit. Vous voulez toujours

obtenir un petit peu plus. » L’homme est pourtant intelligent, voué corps et âme à la défense de son peuple et respectable sur bien des plans. Mais il est dans sa nature profonde de ne pas savoir mettre un terme à un débat ou à une revendication et de revenir sans cesse sur ce qu’il a déjà obtenu pour exiger davantage. Rien avec lui n’est jamais tout à fait acquis.

Benyamin Netanyahou

BenyaminNetanyahouademandé à me parler en tête à tête. Il commence par s’excuser auprès de moi des incidents de la matinée [une bousculade dans la vieille ville de Jérusalem, en 1996, NDLR], tout en s’efforçant de les minimiser. Ils ne seraient dus, selon lui, qu’à un excès de zèle d’« une sécurité trop présente » qui le gênerait lui-même dans ses propres déplacements. « Jacques, je suis vraiment désolé, me dit-il, l’air un peu roublard, mais si tu savais comment “ils” me traitent moi aussi. Je reçois des coups dans les côtes en permanence ! » En l’observant à ce moment-là, je me dis pourtant qu’il ressemble à un de ces gardes du corps dont sont habituellement flanquées les personnalités israéliennes: épaules carrées, cheveuxcourts,démarche N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

Il fallut l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, en 1999, et sa visite d’État en France l’année d’après pour amorcer une réconciliation que le nouveau président algérien est venu prôner devant notre Assemblée nationale. Charmeur, habile et pragmatique, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Houari Boumédiène avait acquis une expérience des relations internationales qui le distinguait du style froid, rigide et théorique de ses prédécesseurs. […] Nous nous sommes spontanément très bien entendus. L’Algérie avait rarement connu dirigeant aussi ouvert et désireux de bien faire, même si ce dernier restait lui-même marqué par la complexité de notre histoire commune. […] Le 1er décembre [2001, NDLR], lors d’une brève visite que j’effectue dans ce pays, je tiens à venir sur place, en compagnie du président Bouteflika, pour témoigner aux habitants du quartier [de Bab el-Oued, NDLR] l’émotion et la soli-

Alger exige de nous la reconnaissance officielle d’une culpabilité. Je ne l’ai pas acceptée.

PATRICK KOVARIK/AFP

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darité de la France. Après m’être réconcilié aux côtés de mon homologue algérien à la mémoire des victimes de la catastrophe, je le prends par la main et l’entraîne vers la foule tenue à distance. Je le sens d’abord étonné et moins à l’aise que je ne le suis dans ce genre d’exercice, mais il se laisse vite emporter par mon élan. […] Dans la « Déclaration d’Alger » que je signe avec le président Bouteflika au terme de cette visite triomphale [celle de mars 2003, NDLR], la France et l’Algérie s’engagent à élaborer et conclure un traité d’amitié qui consacrera leur volonté de mettre en œuvre ce « partenariat d’exception ». Cependant, en dépit du nouvel élan qui sera effectivement donné à nos échanges dans tous les domaines, la rédaction de ce traité se heurtera à de telles difficultés qu’il ne verra jamais le jour en définitive, le président algérien paraissant reculer au cours de l’année qui suit. Leprincipalobstacleviendra del’actede repentance que le gouvernement algérien Ý LORS DU SOMMET DU G8 À SEA ISLAND, AUX ÉTATS-UNIS, EN JUIN 2004 : « Nous nous sommes spontanément très bien entendus. » JEUNE AFRIQUE


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Nelson Mandela

Ý LORS D’UNE VISITE EN AFRIQUE DU SUD, EN JUIN 1998 : « Un homme aux allures de prince. »

CHESNOT/SIPA

nous demande quelques mois plus tard de faire figurer dans le préambule. […] Ce qu’exigent de nous les autorités d’Alger n’est rien d’autre que la reconnaissance officielle d’une culpabilité. Je ne l’ai naturellement pas accepté, consentant tout au plus à souligner, dans une déclaration parallèle et distincte du traité, « les épreuves et les tourments » que l’Histoire avait imposés à nos deux pays.

J’ai rencontré Nelson Mandela à plusieurs reprises lorsque j’étais maire de Paris et qu’il rendait visite au président Mitterrand. […] Je m’étais moi-même engagé en sa faveur au début des années 1970, en participant au financement de son organisation politique, l’ANC, à la demande du roi du Maroc. Hassan II avait constitué un réseau à cet effet, auquel j’apportais discrètement mon aide personnelle. C’était l’époque où les autorités sud-africaines exerçaient d’énormes pressions sur les ministres français pour qu’ils acceptent de venir dans leur pays. Certains y ont

consenti. Je suis de ceux qui ont toujours décliné cette invitation, m’étant fixé pour principe de ne jamais y répondre jusqu’à ce qu’on reconnaisse à Nelson Mandela sa qualité d’homme et de citoyen. Le 14 juillet 1996, j’ai reçu Nelson Mandela à Paris à l’occasion de sa première visite d’État en France depuis son élection à la présidence de la République d’Afrique du Sud. Je me souviens très bien du moment où il est entré dans la cour de l’Élysée : tout le monde était aux fenêtres pour assister à son arrivée, bouleversé par l’apparition de cet homme

aux allures de prince, qui avait sacrifié à son idéal trente années de son existence. Je ne cessais, en le regardant, de penser à cette longue période de silence et de claustration qu’il avait dû subir. J’étais impressionné, dans le même temps, par le fait que cette terrible épreuve n’avait visiblement affecté en rien la grande sérénité qui se dégageait de sa personne. Son goût du rire et son amour de la vie étaient restés l’un et l’autre comme inépuisables. Le chef d’État que j’accueillais était bien plus que cela : un symbole universel de vérité, de justice et de tolérance. ●

LAURENT GBAGBO

MICHEL EULER/AP/SIPA

Le 22 octobre [2002, NDLR], Je le reçois à l’Élysée [après un accord de cessez-le-feu est la signature des accords de signé entre les insurgés et le pouvoir Marcoussis, en janvier 2003, NDLR] légal, à l’instigation de la et retire une impression plus que Communauté économique des États mitigée de notre entretien. L’homme de l’Afrique de l’Ouest, la Cedeao. est comme toujours enveloppant Laurent Gbagbo m’écrit le même jour de chaleur et de cordialité, mais pour m’informer de l’accord qui vient sa franchise ne me paraît pas d’être scellé et par lequel les mutins garantie. «Tout est négociable, se déclarent prêts à engager le sauf le président ! » m’a-t-il prévenu dialogue avec le gouvernement. au téléphone avant son arrivée. En vue de faire respecter cet accord, J’essaie de lui faire comprendre le président ivoirien « sollicite que Marcoussis est sans doute l’aimable et urgente contribution des sa seule chance de survie politique forces françaises à Abidjan ». […] et qu’il peut sauver la face et même « Je sais, conclut-il, que l’aide de la sortir « par le haut » en exprimant, France qui n’a jamais fait défaut à au nom de l’intérêt supérieur de mon pays lui sera encore une fois son pays, sa libre adhésion au acquise dans cette épreuve. » plan de réconciliation qui vient À L’ÉLYSÉE, EN FÉVRIER 2004 : « Il ne m’a Cette lettre ne me dit rien qui d’être obtenu. Il acquiesce, puis, jamais inspiré grande confiance. » vaille, connaissant le caractère à son retour en Côte d’Ivoire, tortueux et manipulateur de son signataire, lequel, pour s’empresse de proclamer que je lui ai, en réalité, tout dire, ne m’a jamais inspiré grande confiance. […] forcé la main, en lui imposant un compromis indépendant Mon seul objectif dans l’immédiat est de favoriser en Côte de sa volonté. […] d’Ivoire une réconciliation dont curieusement Laurent Gbagbo Dès lors, je ne verrai plus d’autre issue au drame ne parle à aucun moment dans son message, sinon pour ivoirien que le départ du principal fauteur de troubles, rappeler l’engagement des insurgés à dialoguer avec lui, en espérant que son peuple soit en mesure de l’obtenir comme s’il ne se sentait pas lui-même tenu de le faire. […] le plus rapidement possible. » ● JEUNE AFRIQUE

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AP PHOTO/SOUTHERN MONGOLIAN HUMAN RIGHTS INFORMATION CENTER

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CHINE

À Hohhot, les Hans n’ont pas la cote

MANIFESTANTS MONGOLS FACE AUX FORCES DE SÉCURITÉ, le 23 mai, dans la ville de Xilinhot.

loin la ligne de chemin de fer ouverte il y a trois ans. Les trains de marchandises y défilent sans discontinuer, empêchant les Après deux semaines de loi martiale, la « capitale » de la province moutons, dont la laine sert à la fabrication autonome de Mongolie-Intérieure a retrouvé un semblant du cachemire, de paître librement. de calme. Mais les raisons du récent coup de colère demeurent. En quelques années, la MongolieIntérieure est passée d’une économie d’autosubsistance au capitalisme sauvage. de tonnes par an, deux fois plus qu’en e calme est revenu dans les rues de Les grandes mines de la région sont entre les mains de sociétés d’État ou de riches 2005. Le charbon, c’est l’indispensable Hohhot. Un calme apparent. Dans propriétaires chinois. Les Mongols, qui carburant de « l’usine du monde » : il son petit restaurant du centre-ville, vivent ici depuis deux siècles, en sont ce patron mongol reste prudent. fournit plus de 70 % de l’électricité qu’elle exclus. « Nous étions plusieurs milliers à manifesconsomme. Une manne dont les Mongols C’est un banal fait divers qui a mis le ter aprèslamortdeMergenetdeYalataihu, aimeraient bien profiter, eux aussi. explique-t-il, les yeux aux aguets comme feu aux poudres : la mort de Mergen et s’il craignait une descente de la Sécurité de Yalataihu (les Mongols ne portent MINES CLANDESTINES. Dans les faugénéralement qu’un simple prénom). publique. On n’en peut plus de voir notre bourgs de Hohhot, la steppe fait place terre pillée par les Hans [l’ethnie majoriL’un a été tué par un chauffard han aux terrils et aux mines géantes à ciel taire, NDLR]. Mais la police a débarqué qui conduisait un camion de charbon. ouvert – pas toutes légales, d’ailleurs. en force. Depuis, on a peur. » L’autre, après une manifestation contre On y extrait les fameuses « terres rares », À une heure d’avion de Pékin, la capitale la pollution. Comme un seul de la province autonome de Mongoliehomme, les Mongols sont Très vite, la province est passée Intérieure a retrouvé son agitation habidescendus dans les rues d’une économie d’autosubsistance de Hohhot pour réclamer tuelle. La noria des camions chargés de charbon a repris. Pourtant, sur cette route au capitalisme sauvage. justice et, accessoirement, stratégique reliant Pékin à Oulan-Bator, une meilleure répartition la capitale de la Mongolie dite extérieure, indispensables aussi bien à la fabrication des richesses de la province. les véhicules militaires ne sont jamais très des iPad qu’à celle des missiles dernier cri Après la répression policière des deux loin. De temps en temps, on tombe sur de l’armée américaine. La Chine assure dernières semaines, le gouvernement un barrage de blindés ou une patrouille 97 % de la production mondiale. local a promis de fermer les mines clande policiers antiémeute… « L’hiver, on est totalement coupés du destines et de partager plus équitableLes autorités chinoises n’entendent monde, raconte un fermier. Moi, j’élève ment les richesses du sous-sol. Mais pas relâcher la pression sur ces plaines des moutons. Mes revenus avoisinent les bergers mongols regardent passer immenses balayées par de fréquents vents 3000 yuans par mois [environ 300 euros]. le « train de l’enfer » et hochent la tête. de sable. Un quart du charbon chinois Pas assez pour faire vivre ma famille. » Les Avec scepticisme. ● est extrait ici. Soit près de 800 millions joues brûlées par le soleil, il montre au STÉPHANE PAMBRUN, envoyé spécial

L

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AFFAIRE STRAUSS-KAHN

Un cador entre en scène

I

l a fait une entrée fracassante, le 6 juin, dans l’affaire Dominique StraussKahn. Kenneth P. Thompson, le nouvel avocat choisi par Nafissatou Diallo, la victime présumée, est devenu la voix de celle qui n’a toujours pas de visage. « Ni le pouvoir ni l’argent de DSK n’auront d’influence sur la manifestation de la vérité. Ma cliente se bat pour la dignité des femmes et des enfants abusés sexuellement. C’est une femme très courageuse », a-t-il expliqué. L’arrivée de cet avocat réputé – en même temps que celle de Norman Siegel, un autre ténor du barreau – est un renfort de poids pour le camp de Nafissatou Diallo, qui souffrait jusqu’ici de la comparaison avec les avocats de DSK, les redoutables Benjamin Brafman et William Taylor. Ancien procureur fédéral, Ken Thompson, la quarantaine, a créé en 2003 son propre cabinet d’avocats. Africainaméricain, il s’est spécialisé dans la défense des minorités et les demandes de dommages et intérêts. Les affaires sensibles, il connaît. BRUTALITÉS POLICIÈRES. En 1997, à

l’époque où il était procureur, il a joué un rôle essentiel dans la poursuite et la condamnation des policiers responsables du passage à tabac et du viol de l’immigré haïtien Abner Louima. Cette pénible affaire, qui révéla l’exceptionnelle brutalité de la police new-yorkaise, a beaucoup marqué les esprits. En 2010, Thompson fut l’avocat d’une jeune femme noire du Bronx battue par le chef de cabinet du gouverneur de l’État de

NewYork,DavidPaterson. Celui-ci tenta d’abord de couvrir les agissements de son collaborateur, puis, devant l’ampleur du scandale, finit par le licencier. Et par renoncer à briguer un second mandat. Enfin, Thompson a obtenu l’acquittement du gérant d’un magasin de vidéos accusé, à tort, de harcèlement sexuel par six employées. APPEL THÉÂTRAL. Si le procès a lieu, Thompson LORS D’UNE CONFÉRENCE DE PRESSE, le 6 juin, ne plaidera pas. La notion à la cour criminelle de Manhattan. de partie civile n’existant pas aux États-Unis, Nafissatou Diallo sera Il rendait ainsi coup pour coup à entendue comme simple témoin. Son Brafman et Taylor, qui, la veille, avaient défenseur transmettra en revanche tous demandé au procureur la transmission les éléments à charge au procureur Cyrus de documents témoignant de « handicaps Vance Jr, qui mènera la bataille judiciaire mentaux ou physiques », de « troubles émotifs » ou d’une « dépendance à la drogue » chez C’est un spécialiste de la défense la femme de chambre du des minorités. Et des demandes Sofitel. Enfin, Kenneth de dommages et intérêts. Thompson pourrait engager une procédure au civil – distincte contre Strauss-Kahn. Thompson sera égaaux États-Unis du procès pénal – afin lement chargé d’occuper le terrain médiatique – un rôle évidemment crucial. d’obtenir pour sa cliente de substantiels dommages et intérêts. C’est, on l’a vu, Dans ce registre, il est déjà passé à l’attaque, comme en témoigne l’appel l’un de ses points forts. Dans une affaire un rien théâtral lancé le 7 juin à la télésimilaire, il avait obtenu près de 8 millions vision française aux « femmes de France de dollars. Largement de quoi payer ses et d’Afrique qui auraient été agressées très confortables honoraires ! ● JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York par Dominique Strauss-Kahn ».

TOU T E S L E S M U S IQU E S D’A F R IQU E

AFRICA SONG Robert Brazza 19h10 -21h TU et sur

www.africa1.com

ANTHONY BEHAR/SIPA

Il se nomme Kenneth P. Thompson. C’est lui qui, désormais, dirige la défense de la victime présumée de l’ancien patron du FMI. Ce dernier a du souci à se faire.


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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

ELLE AURAIT PU RÉUSSIR dans le marketing pour une grande entreprise de jouets, mais elle a préféré monter sur scène.

Layla Metssitane Par amour du jeu D’origine marocaine, cette ancienne sans-papiers vient d’adapter au théâtre, à Paris, le best-seller de l’écrivaine belge Amélie Nothomb, Stupeur et Tremblements.

L

EVER DE RIDEAU. Dans un halo de lumière apparaît une femme en niqab, agenouillée devant une table basse. Avec lenteur, elle commence à se dévêtir, dévoilant son visage au teint mat et ses longs cheveux noirs. Puis, cérémonieusement, elle entreprend de se maquiller et se transforme en délicate geisha au teint blanc et aux lèvres rouge sang. La comédienne et metteuse en scène Layla Metssitane entraîne le public vers cet archipel nippon qui l’a tant fascinée sous la plume de la romancière belge Amélie Nothomb. C’est son best-seller Stupeur etTremblements que Metssitane a adapté et joué au théâtre du Petit Hébertot (Paris) jusqu’au 22 mai dernier. « Je voulais partir de ma propre culture, explique-t-elle en évoquant le niqab porté sur scène. Je ne me sentais absolument pas d’interpréter une Japonaise

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d’entrée de jeu. » Cette Franco-Marocaine de 33 ans a commencé à travailler le texte en 2001, alors qu’elle suivait l’enseignement du cours Florent tout en préparant l’École nationale de la magistrature et l’École nationale d’administration. Elle avait décidé de présenter un extrait du roman à ses professeurs. Il a fallu attendre neuf années de plus pour qu’elle adapte la pièce dans le cadre du Festival d’Avignon off. Traitant des interdits pesant sur les femmes japonaises, le roman raconte une déchéance sociale au sein d’une entreprise nippone. L’héroïne dégringole les échelons jusqu’à finir reléguée au poste de dame pipi. L’histoire rappelle à Layla Metssitane son propre parcours… en sens inverse. Fille de Marocains, elle a vu le jour en Bourgogne, en 1978, avec sa jumelle Nadia. Ses parents venaient de se séparer. Durant l’été 1985, elle est

partie en vacances au Maroc avec sa mère et sa sœur, loin de se douter qu’elle n’en reviendrait qu’un an plus tard. Elle raconte qu’en arrivant, après une intervention de son père, sa mère a été arrêtée pour complot contre le roi Hassan II. Son passeport confisqué, elle a été emprisonnée, puis s’est cachée dans un bidonville de Casablanca avec ses filles. Pour finir par rejoindre la France via l’Espagne. « Je ne saurais pas qui je suis si je n’avais pas fait ce parcours-là », souligne Layla Metssitane. Le retour en France n’est pas facile. Leur mère a tout perdu et les jumelles n’ont pas encore la nationalité française. Adolescente, la jeune femme enchaînera les petits boulots – serveuse, laveuse de voitures, vendeuse de muguet, femme de ménage. « Ce qui m’a fait rire dans le roman d’Amélie Nothomb, c’est qu’elle était choquée de faire des ménages parce qu’elle était fille de diplomate! » Cette période difficile lui a appris à elle, fille de Berbère, « l’endurance » et « la connaissance de [ses] limites ». Devenue française en 1992, Layla Metssitane est admise en deuxième JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Elle travaille alors sous la direction de la metteuse en scène et écrivaine française Anne Delbée dans Phèdre, de Racine, et Le songe d’une nuit d’été, de Shakespeare. « Quand elle est sur scène, c’est l’artiste avec un grand A », commente son ami, le comédien Xavier Carrar, avec qui elle partage souvent la scène. Ensemble, ils ont fondé la compagnie Théâtre des Hommes en 2006. Leur premier projet est sans doute celui qui a le plus marqué Layla. Sans doute parce qu’elle l’a porté seule, mais aussi parce qu’il est le fruit d’une rencontre décisive, celle d’Aimé Césaire, lors du 94e anniversaire du poète. C’est grâce à son soutien qu’elle a pu réaliser sa première mise en scène, Palabre en négritude, jouée à la Scène nationale de Fort-de-France, puis à la maison de l’Unesco. « C’est une personne qui m’a réconciliée avec mes identités », explique Layla Metssitane. Avec Xavier Carrar, ils montent et interprètent ensuite la pièce Vivre ! autour des poèmes de la Bangladaise Taslima Nasreen, adaptent Haute Surveillance, du Français Jean Genet. « Layla porte les projets avec une vraie ténacité », confie le comédien. Layla a réalisé son rêve de théâtre. Elle est aussi retournée au Maroc, en 2004, lors d’un hommage rendu à l’auteur Mohamed Choukri. Aujourd’hui, sa vie est ancrée dans l’Hexagone, avec un compagnon français. Mais la comédienne revendique ses deux héritages et ressent « une grande fierté » face aux révoltes arabes.Après avoir adapté Où on va, papa? de l’écrivain français Jean-Louis Fournier au Festival d’Avignon, elle entamera, en janvier 2012, une tournée enAfrique et enAmérique latine avec l’Alliance française. Mais avant, elle caresse l’idée d’un tournage à Dakar (Sénégal) avec un réalisateur dont elle tait le nom. Inch’Allah. ● MARIE VILLACÈQUE Photo : CAMILLE MILLERAND JEUNE AFRIQUE

PAKISTAN

Le cri de détresse d’Asia Bibi

Chrétienne, elle a été condamnée à mort pour blasphème. Au nom d’une loi inique. Dans un livre qui vient de sortir en Europe, elle appelle au secours la communauté internationale.

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e n’ai ni tué ni volé. Mais pour la justice de mon pays, j’ai fait bien pire : je suis une blasphématrice. Le crime des crimes. On m’accuse d’avoir mal parlé du Prophète. […] Mais je n’ai jamais blasphémé ! Je suis innocente ! » Ainsi parle la chrétienne pakistanaise Asia Bibi. Condamnée à mort dans son pays, elle clame son innocence dans un livre poignant publié en collaboration avec une journaliste française. Blasphème*, c’est son titre, est un SOS lancé à la communauté internationale. Écrit à la première personne, il évoque la journée fatidique du 19 juin 2009. Ouvrière agricole sans terre, Asia Bibi, qui participe ce jour-là à la cueillette des baies, décide de se désaltérer au puits le plus proche, réservé aux musulmans. Une violente altercation avec d’autres villageoises s’ensuit. Chez les musulmans convertis du Pakistan profond, le système des castes hérité de l’hindouisme reste ancré dans les mentalités. Ils vivent dans la crainte d’être souillés par les chrétiens, historiquement issus des basses castes. Dès le lendemain, Asia est jetée en prison :

1996-98 ACCUSOFT INC.

année à l’École du Théâtre national de Chaillot. En parallèle, elle suit des études de droit et de gestion à l’université de Paris-Sud XI. Après un passage à la banque Indosuez, puis chez Lego comme chef de projet marketing, elle décide, il y a trois ans, de se consacrer entièrement à sa passion des planches.

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ASIA BIBI : « Je n’ai jamais blasphémé, je suis innocente ! »

Bibi et militait pour l’abrogation de la loi scélérate, puis, pour les mêmes raisons, le ministre chargé des minorités dans le gouvernement Zardari. Depuis, tout est bloqué. « Nous espérons que la sortie du livre incitera l’opinion internationale à faire pression sur les autorités pakistanaises pour qu’elles libèrent Asia », commente la journaNombre de musulmans convertis liste Anne-Isabelle Tollet, restent prisonniers du système coauteure de Blasphème (sorti presque simultanédes castes hérité de l’hindouisme. ment dans plusieurs pays elle a osé comparer Jésus au prophète d’Europe). Cette dernière n’a jamais Mohammed. En novembre 2010, un rencontré son héroïne, mais elle lui tribunal local la condamne à la peine a transmis des questions par l’intercapitale. Depuis, elle croupit dans la médiaire d’Ashiq, son mari. Lequel a prison de Sheikhupura en attendant que recueilli les réponses lors de ses visites la Haute Cour statue sur son appel. à la prison, puis les a fait traduire en anglais. La version en ourdou a été valiRÈGLEMENTS DE COMPTES. Promulguée dée, page par page, par Asia Bibi. en 1986 par le dictateur Zia ul-Haq, la loi Ashiq et Sidra (16 ans), l’une des filles antiblasphème est souvent utilisée pour du couple, viennent de séjourner penrégler des comptes de voisinage. L’élite dant quatre jours à Paris. Ils ont été reçus progressiste demande son abrogation, au Quai d’Orsay, à la nonciature apostomais les partis islamistes s’y opposent lique et à la Grande Mosquée. ● farouchement. Au début de l’année, TIRTHANKAR CHANDA ils ont fait assassiner le gouverneur du Pendjab, qui s’était ému du sort d’Asia * Oh ! Éditions, 190 pages, 16,90 euros N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011


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Économie

Les

CATERING AÉRIEN

Servair nourrit de nouvelles ambitions

7défis capitaux TUNISIE

Insécurité, mouvements sociaux, conflit libyen… L’économie du pays est mise à rude épreuve. J.A. fait le point sur les dossiers chauds traités par le gouvernement provisoire. JULIEN CLÉMENÇOT

D

ébutjuin,leschiffresdelacroissance tunisienne sont tombés, dressant un implacable constat: sur les quatre premiers mois de 2011, le PIB enregistre un recul de 7,8 % par rapport au dernier trimestre 2010. Un manque à gagner de 5 milliards de dollars (environ 3,4 milliards d’euros) se profile déjà pour la fin de l’année. Si le gouvernement provisoire, dont la mission vient d’être prolongée jusqu’au 23 octobre, a

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déjà mobilisé 2 milliards de dollars auprès de divers bailleurs – Banque mondiale, Banque africaine de développement (BAD), Agence française de développement, Union européenne… –, le Premier ministre Béji Caïd Essebsi a avoué, le 8 juin, être à la recherche d’un soutien immédiat de plus de 1 milliard de dollars. Une situation financière délicate qui n’empêche pas les observateurs d’envisager l’avenir avec optimisme. « Dans les deux à quatre ans, le potentiel du pays peut être exceptionnel », assure Jacob Kolster, directeur des opérations en Afrique du Nord à la BAD. JEUNE AFRIQUE


TÉLÉCOMS

Pour Android, le mobile ne suffit pas

INTERVIEW

MARCHÉS FINANCIERS

Zakaria Fahim

Président du Centre des jeunes dirigeants

Ý

Fonds d’investissement : des critères de choix

Le Premier ministre BÉJI CAÏD ESSEBSI, le 27 mai, au sommet du G8 de Deauville (France), entouré du ministre des Finances, Jelloul Ayed (à g.), de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel.

par an depuis une décennie. En 2010, 22,9 % des diplômés de l’enseignement supérieur étaient au chômage, selon le Bureau international du travail. Six mois après, la situation est pire que jamais : le ralentissement économique qui a suivi la fuite de Ben Ali, le 14 janvier, aura produit environ 200 000 chômeurs supplémentaires. Les demandeurs d’emploi seront plus de 700 000 en juillet, soit plus de 19 % de la population active. Face à l’urgence, le gouvernement entend créer 20000 postes dans la fonction publique, cr et le secteur privé devrait en produire autant. L’État a en outre annoncé, fin février, la personnes création d’un programme d’accompagneseront sans emploi ment des primo-demandeurs d’emploi en juillet diplômésdel’enseignementsupérieurdepuis moins d’un an, comprenant une allocation mo de 200 dinars (100 euros) par mois pendant une année et un suivi personnalisé. En mai, 150000 personnes étaient déjà inscrites pour bénéficier de ce dispositif. « Les PME doivent être soutenues, car elles représentent un important réservoir d’emplois », estime Jacob Kolster, de la BAD. La gestion des revendications des salariés constitue un autre casse-tête pour le gouvernement et les entreprises. « Certaines sociétés recouraient de manière massive à des sous-traitants pour payer leurs salariés au rabais, reconnaît l’économiste Elyes Jouini, ancien ministre des Réformes économiques. Mais les syndicats doivent comprendre que la priorité est de donner du travail à ceux qui n’en ont pas. » VIRGINIA MAYO/AP PHOTO

700 000

Pour sa politique de relance, le gouvernement tunisien estime ses besoins sur les cinq prochaines années à 125 milliards de dollars. Un montant qui comprend une aide extérieure de 25 milliards de dollars dont le principe a été défendu par Béji Caïd Essebsi lors du G8 organisé en France en mai. Message entendu : 40 milliards de dollars devraient être débloqués au profit de l’Égypte et de la Tunisie sur la période 2011-2013. Reste maintenant à entériner cet accord de principe, sur la base de propositions concrètes qui seront examinées le 12 juillet à Bruxelles, lors d’une réunion regroupant les ministres des Finances et les ministres des Affaires étrangères du G8.

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Satisfaire les attentes sociales

Le 17 décembre 2010, le sacrifice de Mohamed Bouazizi marque le début d’une révolution portée par la jeunesse. Au cœur des revendications : davantage de dignité et, surtout, des emplois, que la Tunisie est incapable de fournir malgré une croissance moyenne de 4 % à 5 % JEUNE AFRIQUE

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Surmonter le conflit libyen

« La guerre en Libye est le plus grand accident qu’ait connu la Tunisie cette année », affirme Jacob Kolster. Le voisin est le deuxième affirm partenaire économique du pays, derrière la pa France. L’enlisement du conflit pénalise forFr La chute des tement le rythme des exportations tuniexportations siennes, et ce au plus mauvais moment. vers la Libye Industries mécaniques, phosphates, ciment, In textile… Tous les secteurs sont touchés. Sur text les qu quatre premiers mois de 2011, le commerce vers la Libye a chuté de 32 %. Une quarantaine de groupes tunisiens implantés de l’autre côté de la frontière, dont l’agro-industriel Poulina, sont concernés. Face à Sur le plan intérieur, les conséquences ne sont l’urgence, pas moins importantes : ce sont près de 2 millions l’État entend de visiteurs libyens – et notamment les adeptes du tourisme médical – qui ne se rendront pas en créer 20 000 Tunisie cette année. Sans parler des 80000 réfugiés postes dans à gérer et du retour de près de 120 000 expatriés, la fonction désormais à la charge de leurs familles, notamment dans les régions les plus pauvres. publique.

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Entreprises marchés Mais l’horizon pourrait s’éclaircir dans les mois à venir si la Libye s’engage, après le départ inéluctable de Kaddafi, vers une transition démocratique. « Un changement de régime offrira de nombreuses opportunités aux sociétés tunisiennes dans le secteur des biens et services », juge l’économiste Moncef Cheikh-Rouhou. Entreprises du bâtiment, sociétés médicales et informatiques pourraient en effet trouver chez le voisin un réservoir de croissance encore largement inexploité.

4

Relancer le secteur touristique

Insécurité, mouvements sociaux, conflit libyen et attentat de Marrakech… Rien n’aura été épargné cette année au secteur touristique tunisien. Les réservations seraient en repli de 60 % pour la saison estivale. Pis, selon Elyes Jouini, les recettes accuseraient une chute dramatique de 80 % par rapport à 2010. Une catastrophe sans précédent pour une industrie qui fait vivre directement et indirectement plus de 1,5 million de Tunisiens. Au centre des récriminations des Désenclaver professionnels : la lenteur du gouvernement à les régions Jadis grenier de l’empire romain, le centre débloquer des aides pour assurer la survie des de la Tunisie fait aujourd’hui pâle figure. Ses habientreprises. « Sur 104 hôtels à Sousse et Port el-Kantants ont été les principales victimes de la politique taoui, 30 ont fermé ; 5 000 emplois sont menacés, de l’ex-président Ben Ali, qui ne leur consacrait que alors que 5 000 autres personnes n’ont toujours pas repris le travail à cause de la conjonc20 % du budget de l’État. Routes défoncées ture ou inexistantes, hôpitaux à l’abandon, tu », affirme Boubaker Bouzrara, de la Fédération régionale de l’hôtellerie. Et accès à l’eau potable non généralisé… du budget ce malgré les campagnes de promotion Les gouvernorats de Kasserine, de Sidi de l’État était de l’Office national du tourisme tunisien Bouzid ou du Kef vivent une incurie réservé aux permanente.Déjàen2008,lapopulation (30 millions d’euros en 2011). régions du bassin minier de Gafsa avait coura« Le secteur touristique est à revoir de côtières geusement manifesté son ras-le-bol. fond en comble », avoue Mehdi Houas, fo ministre du Commerce et du Tourisme. Conscient du retard pris par les provinces mini L’industrie touristique tunisienne souffre d’une intérieures et de l’exaspération de leurs habitants, le gouvernement provisoire a annoncé au printemps maladie chronique. Concentrée sur les activités qu’il allait inverser dès cette année l’ancienne réparbalnéaires, elle n’a cessé, au cours des dernières tition des deniers publics. Mais à plus long terme, années, de montrer ses limites en proposant seule une décentralisation du pouvoir semble en une offre low cost. Incapable de se réformer, mesure de changer les choses. Pour Elyes Jouini, « ce elle a vu sa rentabilité se dégrader, plaçant La chute des principe pourrait être inscrit dans la Constitution les hôteliers sous la coupe des voyagistes revenus pour que les régions puissent se prendre en main ». internationaux, toujours prompts à demander touristiques Quant à favoriser l’implantation de nouvelles entrede plus fortes réductions. Diversifier l’offre en prises grâce à des cadeaux fiscaux, « cela ne suffira proposant des séjours à plus forte valeur ajoutéee pas », prévient-il. Pour l’ancien ministre, la priorité et intégrer une dimension culturelle aux circuits doit être donnée au désenclavement des zones touristiques sont devenus des priorités. Un chantier défavorisées. Un chantier soutenu notamment dont les premiers effets sont espérés dès 2012. par la BAD, dont les financements serviront à la construction de l’autoroute entre Gabès et Ras Rassurer el-Jdir, à la frontière libyenne. Pour Mehdi Tekaya, les investisseurs associé de la société d’informatique Oxia, « il faut Secoué par l’onde de choc de la révolupeut-être réfléchir à une spécialisation par région. tion, le pays n’a pas encore donné tous les gages Pour nos métiers, s’implanter en pionnier dans une de stabilité attendus par les entreprises étrangères zone reculée est impossible. Nous avons besoin de en quête de nouvelles opportunités. Sur les quatre tout un écosystème ». premiers mois de 2011, les investissements directs

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80 %

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LA TRAQUE DES AVOIRS DE BEN ALI S’INTENSIFIE DÉBUT JUIN, le Qatar et les Émirats arabes unis ont annoncé avoir gelé les avoirs de l’ex-président et de ses proches. L’Arabie saoudite examine l’opportunité de leur emboîter le pas. L’étau se resserre sur Ben Ali, réfugié à Djeddah où il pensait avoir trouvé un repaire inviolable. Les pays du Golfe rejoignent la longue liste des États où les biens du clan sont confisqués: France (12 millions d’euros et une trentaine de biens identifiés), Belgique (30 millions d’euros), Italie (un yacht), Suisse (49 millions d’euros), Canada (qui a adopté une nouvelle loi pour l’occasion)… N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

Estimée entre 5 milliards et 10 milliards d’euros, la fortune du clan Ben Ali est dispersée aux quatre coins de la planète. Des avoirs auraient été repérés aux Seychelles, en Argentine et au Monténégro. Mais le plus gros du butin est probablement resté enTunisie. Les enquêteurs y ont identifié plus de 180 entreprises appartenant à l’entourage de l’autocrate, 342 comptes bancaires et plus de 400 titres de propriétés foncières. Un état des lieux exhaustif devrait être communiqué à la mi-septembre. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

fonds prévus pour les investissements est actuellement utilisée pour payer des dépenses courantes, dont la dette. D’où la nécessité de bénéficier d’une aide extérieure – 5 milliards de dollars par an pendant cinq ans – pour financer, entre autres, les grands projets d’infrastructures, estimés entre 10 milliards et 15 milliards de dollars. Une perspective qui devrait permettre à l’État de respecter un ratio d’endettement satisfaisant, d’environ 50 % du PIB (contre 82 % pour la France). Selon Jacob Kolster, « le déficit budgétaire ne devrait pas excéder 5 % du PIB » (contre 4,5 % milliards pour le Maroc). En outre, la Tunisie de dollars par devrait aussi pouvoir compter sur an seront la réorientation sur le bassin médinécessaires terranéen des activités de la Banque européenne pour la reconstruction n et le développement. Enfin, pour gérer de manière plus dynamique l’argent public et favoriser la mise en place de partenariats publicprivé, le ministre des Finances Jelloul Ayed élabore actuellement le cadre réglementaire d’une future caisse des dépôts tunisienne.

JONATHAN ALPEYRIE/POLARIS/STARFACE

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DANS LES HÔTELS

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(ici à Zarzis), étrangers ont enregistré une chute sans précédent les réservations de 24,5 % par rapport à la même période l’an passé, Reconnecter sont en repli alors que les entreprises étrangères emploient les banques de 60 % Avec environ 20,5 milliards de dollars d’acplus de 300 000 salariés. Mais pour les dirigeants par rapport à l’été dernier. tifsen2010,lesprincipalesbanquestunisiennessont tunisiens, la situation n’est que transitoire. Après une période de flottement, le retour de la sécurité loin derrière leurs consœurs égyptiennes (137 milaurait rassuré nombre d’entreprises. « Je reçois liards) et marocaines (102 milliards). Le secteur tous les jours des appels de l’étranger pour me est de plus très atomisé, avec 21 établissements, quand le Maroc en compte 25 pour une population demander quelles sont les perspectives », trois fois supérieure. Compte tenu de leur taille, assure Jacob Kolster, de la BAD. D’ailleurs, La chute des 65 sociétés à capitaux étrangers auraient les banques se sont davantage concentrées sur le investissements entamé des projets d’extension. développement des crédits aux particuliers (+ 19,5 % directs Un enthousiasme que ne partage pas par an sur la période 2003-2011) que sur le finanétrangers totalement Moncef Cheikh-Rouhou, inquiet cement des entreprises (+ 4,8 % par an), explique et des conséquences du report de la date de l’élection l’ex-banquier Mohamed Chawki Abid. En outre, de l’Assemblée constituante au 23 octobre : « Les une partie d’entre elles ont privilégié des sociétés investisseurs réclament de la visibilité, ils ont besoin appartenant à l’entourage de l’ex-président Ben Ali d’avoir face à eux un pouvoir légitime, élu par le et dont les mauvais résultats pèsent aujourd’hui peuple, pour sécuriser leur argent. Personne n’a sur le cours de la Bourse de Tunis, en repli de envie de voir ses intérêts à la merci de juges cor19 % sur un an. rompus. Et toutes les scories de l’ancien système La rentabilité des projets soutenus pose n’ont pas encore disparu. » L’économiste estime aussi une question. « De gros investisseen outre qu’il est urgent de stimuler l’entreprements dans le secteur touristique n’ont pas Le nombre neuriat local. apporté les retours attendus », explique d’institutions bancaires Jacob Kolster, qui pointe également le Renflouer manque de financements apportés aux ma les caisses de l’État PME. « Le secteur bancaire est devenu un PM Ralentissement économique, cadeaux secteur rentier. Il ne prend pas suffisamment de fiscaux, embauches dans la fonction publique… Le risques », regrette l’économiste Moncef Cheikhbudget de l’État est mis à rude épreuve. « D’autant Rouhou. « Il est parfois difficile de faire financer que le gouvernement a permis aux entreprises de des formations ou du matériel informatique, car réduire fortement le montant de leurs impôts préles banques exigent des garanties immobilières, visionnels, face à la perspective d’une croissance alors qu’en France, par exemple, une entreprise négative. Du coup, l’impact sur les rentrées fiscales peut lever de la dette uniquement sur la base est immédiat », précise Elyes Jouini. Autre sujet de son business plan », confirme Mehdi Tekaya, d’inquiétude pour l’économiste : une partie des d’Oxia. ●

- 24,5 %

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LUDOVIC/REA

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CATERING

Servair nourrit de nouvelles ambitions La filiale d’Air France spécialisée dans le service aux compagnies aériennes multiplie ses implantations sur le continent. Dernière annonce : la création d’une coentreprise au Ghana.

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opé par la croissance du secteur aérien sur le continent (+ 13 % en 2010), Servair, le spécialiste français du catering et de la logistique du transport aérien, numéro trois mondial du secteur derrière l’allemand LSG Sky Chefs (filiale de Lufthansa) et le suisse Gate Gourmet, accélère l’expansion de son réseau africain. Présente sur le continent depuis 1989, la filiale à plus de 90 % d’Air France affirme viser, pour la fin de 2011, une vingtaine d’implantations, contre seize actuellement. « Nous allons dans les pays où il existe une vraie demande ou un potentiel réel en matière de catering », explique son PDG, Patrick Alexandre. Début mars, le groupe a ainsi annoncé la création d’ici fin août, avec Ghana Airport Company, gestionnaire de l’aéroport international de Kotoka (Accra), d’une coentreprise dont il détiendra la majorité du capital. Le Ghana étant en plein boom économique, son aéroport est en passe de devenir l’un des plus pratiqués de la sous-région. De fait, Servair Ghana prévoit une capacité quotidienne de 4 000 prestations N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

(restauration, manutention, nettoyage d’avions…). En Guinée, pays riche en ressources minières où les conditions semblent désormais réunies pour un redémarrage de l’économie, la société a ouvert en mars une boutique duty free et un snack à l’aéroport international de Gbessia (Conakry). Elle devrait y lancer, en octobre, une structure de catering. Au Cameroun, la direction du groupe indique être en discussion « avec la nouvelle compagnie Camair-Co pour la mise en place d’un service duty free à bord sur les liaisons nord-sud ». Enfin, début 2011, pour renforcer sa présence dans l’océan Indien, le groupe français a signé avec Sofitrans, une société malgache spécialisée dans la restauration aéroportuaire et le

EN AFRIQUE Plus de

60

TRANSPORTEURS SERVIS

Plus de

2 500 SALARIÉS

Parmi ses principaux clients : Kenya Airways, Asky Airlines, Sénégal Airlines… catering aérien, une lettre d’intention sur une prochaine prise de participation dans le capital de celle-ci. Servair est également en cours d’installation à Malabo, Lagos et

Praia (Cap-Vert)… « De façon générale, l’absence de solution locale en matière de catering dans les pays afriÝ La société cains favorise une veut être implantation de la présente société », analyse dans UNE un spécialiste du VINGTAINE DE secteur aérien afriPAYS AFRICAINS d’ici à la fin cain. Et systémade l’année, tiquement, pour contre seize actuellement faciliter son installation, Servair (ici à crée avec des parAbidjan). tenaires locaux des filiales qu’il détient majoritairement. Sauf au Togo, où le groupe est minoritaire dans Servair Togo, et au Nigeria, où il ne s’occupe que de la gestion et de la commercialisation d’une société à capitaux 100 % nationaux. POSITION DOMINANTE. Même si

la société, qui sert plus de 75 millions de plateaux-repas par an à travers le monde, affirme que la contribution de l’Afrique à son chiffre d’affaires global est encore marginale – 51,5 millions d’euros sur 757 millions pour l’exercice 2010 –, le PDG reconnaît que cette part est « en progression constante depuis quelques années ». Parmi ses principaux clients africains, le groupe compte des leaders comme Kenya Airways (une trentaine de destinations sur le continent), mais aussi de nouvelles compagnies comme Asky Airlines (seize destinations), Sénégal Airlines (bientôt quatorze destinations)… Mais si le groupe français dispose d’une position dominante en Afrique subsaharienne, il doit désormais compter avec la concurrence, qui monte. Depuis 2009, LSG Sky Chefs s’est engagé dans la conquête du marché africain en prenant des participations et en signant des contrats de gestion en Égypte, au Nigeria, en Angola ou encore en Afrique du Sud. Autre concurrent à prendre au sérieux : le français Newrest, son rival direct sur l’aéroport de Roissy-Charlesde-Gaulle (Paris), nourrit également de grandes ambitions en Afrique. ● STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Au chevet d’Air Ivoire Air France a été sollicité pour restructurer la compagnie nationale.

L

a crise postélectorale en Côte d’Ivoire a eu raison de la santé financière de la compagnie nationale. Déjà en difficulté en 2010, Air Ivoire, détenu à 50,5 % par le Groupe Atlantique, de Bernard Koné Dossongui, et à 49,5 % par l’État, est en cessation d’activité depuis la fin mars… et au bord du dépôt de bilan. « Dans son état actuel, Air Ivoire est incapable de redécoller », indique un cadre d’Air France. De fait, la compagnie ivoirienne a sollicité le soutien de son homologue française – son ancien actionnaire. Pierre Descazeaux, directeur général Afrique chez Air France, affirme que des discussions sont en cours entre les deux directions pour la restructuration d’Air Ivoire. « Un audit est en train d’être mené pour déterminer la situation économique et financière réelle de la compagnie », affirme-t-il. Plusieurs sources estiment que la dette de la compagnie ivoirienne s’élève à plus de 45 millions d’euros. RÉDUCTION D’EFFECTIFS. Les

négociations portent notamment sur la redéfinition de la flotte d’Air Ivoire, aucun des trois Boeing 737 du transporteur n’étant opérationnel : Air France n’exclut pas la possibilité de mettre des avions à la disposition d’Air Ivoire. En outre, sa restructuration devrait aussi passer par la réorganisation de son management, la réduction de ses effectifs pléthoriques et l’obtention de la certification Iata Operational Safety Audit, grâce à l’appui d’Air France Consulting. Fin 2010, Pierre Descazeaux indiquait à Jeune Afrique : « Un retour au capital d’Air Ivoire n’est pas envisagé. » Cela pourrait changer. ● S.B. JEUNE AFRIQUE

AFRIPICS.COM/ALAMY/PHOTO 12

AÉRIEN

TÉLÉCOMS BAMAKO VEUT PLUS DE CONCURRENCE LE GOUVERNEMENT MALIEN a annoncé qu’une nouvelle licence de téléphonie mobile serait attribuée d’ici à la fin de l’année. « Nous voulons optimiser deux choses : la concurrence entre les opérateurs, pour qu’elle profite aux consommateurs, et les

Entreprises

marchés

recettes de l’État », a déclaré Modibo Ibrahim Touré, ministre des Nouvelles Technologies. Actuellement, le marché malien est dominé par Orange Mali, filiale du sénégalais Sonatel (groupe France Télécom), avec près de 70 % de part de marché, devant Sotelma, filiale de Maroc Télécom. Fin mars, le pays comptait 6,9 millions d’abonnés, soit une pénétration du téléphone portable de 52 %. Le prix de la licence fixé par les autorités maliennes sera compris entre 45 millions et 60 millions d’euros. Le sud-africain MTN et l’indien Bharti Airtel devraient faire partie des prétendants. L’arrivée d’un troisième opérateur permettra également, selon le gouvernement, de développer de nouvelles activités de services dans le domaine des télécommunications. ●

• FINANCE Le Cameroun veut souscrire à un nouvel emprunt obligataire de 305 M€ sur le marché de l’Afrique centrale • ÉNERGIE Le sénégalais Itoc

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M

S

a remporté l’appel d’offres pour l’approvisionnement de la Senelec en fuel pour les 3 prochains mois, un contrat de 3,2 M$ • TRANSPORT Alstom et Nexans vont créer une coentreprise pour la production d’équipements électriques au Maroc • MÉTALLURGIE L’indien Essar compte finaliser l’acquisition de 54 % de Zisco (Zimbabwe) pour 750 M€ dans les 3 semaines • AGRO-INDUSTRIE Le brasseur Diageo a conclu l’achat de 20 % de Kenya Breweries pour 225 M$ à son concurrent SAB Miller

BOURSE OPHIR BIENTÔT COTÉ JUNIOR PANAFRICAINE détenue à 21,1 % par l’Indien Lakshmi Mittal et à 17,8 % par le Sud-AfricainTokyo Sexwale, Ophir Energy devrait faire son entrée à la Bourse de Londres en juillet. Actif dans l’exploration gazière et pétrolière au large de huit pays africains, dont le Sénégal, la Guinée équatoriale et le Gabon, Ophir entend lever entre 240 millions et 270 millions d’euros afin de forer onze puits d’ici à un an et demi. ● PRIVATISATION KIGALI CÈDE DES PARTS LE GOUVERNEMENT RWANDAIS compte financer à hauteur de 29 millions d’euros son budget 2011-2012 en cédant une partie de ses

parts dans la Banque de Kigali et MTN Rwanda. L’État compte vendre à des privés 20 % du plus grand établissement financier du pays, dont il détient 75 % du capital, et 10 % de la filiale locale de l’opérateur télécoms sud-africain (sur 45 % détenus). ● CAPITAL - INVESTISSEMENT NOUVEAU FONDS POUR SAMENA SOCIÉTÉ BASÉE À HONG KONG, Samena Capital vient de lancer un nouveau fonds visant à lever 700 millions de dollars (480 millions d’euros) qui seront investis notamment dans des acquisitions stratégiques et des émissions préférentielles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Créé en 2008, Samena avait pour sa première levée de fonds récolté 200 millions de dollars et reversé un surplus de 20 % aux investisseurs. ● N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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International lui a rapporté environ 700 millions d’euros en 2010. Cette approche « ouverte » a aussi permis de sensibiliser les programmeurs indépendants pour qu’ils imaginent quantité d’applications compatibles. Réunis au sein de l’Android Market, 300 000 logiciels sont ainsi disponibles. Selon les prévisions du cabinet Research2guidance, l’univers créé par Google offrira même à partir d’août plus de choix que son rival Apple (381 000 applications). KIM KULISH/REA

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LORS DE LA CONFÉRENCE GOOGLE I/O 2011, le 13 mai à San Francisco. TÉLÉCOMS

Pour Android, le mobile ne suffit pas Grâce à ses partenaires et à sa philosophie collaborative, le système d’exploitation de Google est devenu une référence. Après les smartphones, il s’attaque aux tablettes numériques.

E

n 2011, les ventes mondiales de smartphones atteindront 468 millions d’exemplaires, soit une augmentation de 57,7 % par rapport à 2010, selon le cabinet d’intelligence économique Gartner. Géolocalisation, jeux vidéo, internet… Ces ordinateurs de poche transgressent les frontières technologiques et révolutionnent notre relationautéléphone.Unmarchéoù les stars ne sont plus les constructeurs comme Nokia ou Samsung, mais les operating systems (OS), ces systèmes d’exploitation toujours plus puissants capables de combiner des dizaines d’applications, sans à-coups et de manière intuitive pour l’utilisateur. Sur ce créneau, un acteur assoit sa domination : il s’agit du système Android. Deux ans et demi après son lancement, il devrait détenir, en 2011, 39 % du marché des OS, avec prèsde180millions d’appareils vendus, loin devant iOS (Apple, 19,4 %), qui équipe l’iPhone, et Symbian N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

(Nokia, 19,2 %). L’origine de ce succès tient en un concept: la collaboration. Selon une philosophie très en vogue dans le monde d’internet, Google, propriétaire de la start-up à l’origine d’Android, a décidé de faire de cet OS un logiciel open source, c’est-à-dire utilisable et modifiable par tous gratuitement ; et donc amélioréenpermanencepardesmilliers de génies en informatique.

LE MOT QUI BRISE LES CODES

CONCOURS AFRICAIN. L’Afrique ne devrait pas rester en marge de ce phénomène, même si les ventes de smartphones y sont encore marginales (4,1 % des ventes de téléphones) et le marché dominé par l’OS maison du canadien RIM, constructeur des BlackBerry. Pour conquérir le continent, Google a annoncé sa volonté d’accroître son soutien technique pour la conception d’applications payantes dans 26 pays africains. Par ailleurs, le 12 mai, Google a lancé à destination des informaticiens subsahariens un concoursintituléAndroidDeveloper Challenge. À la clé, 17 500 euros pourlelogicielgagnant,dontlenom sera dévoilé le 12 septembre. Les ambitions d’Android ne se limitent pas au téléphone portable. Une version existe déjà pour les tablettes, par exemple pour le modèle Galaxy Tab 10 de Samsung. Baptisé Honeycomb, cet OS fait débat car son code informatique n’a pas été divulguéauxprogrammeurs.Google s’est justifié en expliquant qu’il souhaitait éviter que des produits low cost comportant de nombreux bugs ne soient commercialisés. Après les tablettes, Android prévoit d’autres évolutions dont l’objectif est de permettre à l’OS de communiquer vers toute une série d’objets, comme des consoles de jeux, des appareils hi-fi, électroménagers, et même des ampoules. En fin d’année, une première lampe pouvant être allumée à distance grâce au logiciel devrait être commercialisée. Android, et la lumière fut, pourra-t-on dire. ●

OPEN SOURCE

PARI GAGNÉ. Mieux: le géant amé-

ricain a créé autour de son projet une alliance d’une trentaine de partenaires parmi les leaders du secteur des nouvelles technologies: des fabricants (LG, Samsung, ZTE, Huawei, Sony Ericsson…), mais aussi des opérateurs (Telefónica, Vodaphone…) et des éditeurs de logiciels. Autant d’industriels qui ont pu intégrer l’OS dans leurs produits, développer de nouvelles fonctionnalités et favoriser sa distribution. Pari gagné pour Google, qui considère qu’Android

Licence qui autorise la modification et la redistribution gratuite d’un logiciel par tout un chacun

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


International ANALYSE

Opinio ons & édit éditoriaux toria auxx

Ý SALON DU

MILLIONNAIRE,

à Cannes (France), en 2006. FORTUNE

Les richissimes, un marché en hausse SELON LE DERNIER RAPPORT Global Wealthducabinetaméricain Boston Consulting Group (BCG), publiéle31mai,lenombredefoyers millionnaires dans la population mondialeaconnuunebelleenvolée, avec une progression de 12,2 % l’an passé. Ce qui représente un total de 12,5 millions de foyers richissimes. Malgré une économie qui tourne au ralenti, les États-Unis en comptent le plus grand nombre (5,2 millions de foyers). Trois des six pays à la plus forte densité de millionnaires setrouventauMoyen-Orient(Qatar, KoweïtetÉmiratsarabesunis).L’AsiePacifique,portéparl’enrichissement rapide de particuliers en Inde et en Chine, verra grimper sa part dans la fortune privée mondiale de 18 % en 2010 à 23 % en 2015. Par ailleurs, le pays de Barack Obama possède également la plus

importanteconcentrationde«supermillionnaires », avec 2 692 foyers à la tête d’un pactole de plus de 100 millions de dollars. L’Allemagne (839 foyers), l’Arabie saoudite (826) et le Royaume-Uni (738) arrivent ensuite,tandisquelaChineenregistrelaplusfortehaussedecesgrosses fortunes, avec un bond en avant de plus de 30 % l’an passé du nombre de super-riches (393 foyers). Elle dépasse ainsi la France (377). Une clientèle qui fait le bonheur des gestionnaires de fortune. Selon BCG, le marché mondial de la richesse privée sous gestion a été évalué à 121800 milliards de dollars en 2010, en hausse de 8 % sur un an. Ce qui représente près de 120 fois le PIB de l’Afrique subsaharienne (estimé à 1 024 milliards de dollars par le Fonds monétaire international)… ● JEAN-MICHEL MEYER

ÉNERGIE

Riyad s’éclairera au nucléaire ALORS QUE DES PAYS COMME L’ALLEMAGNE ont décidé de tirer un trait sur le nucléaire, l’Arabie saoudite, par la voix d’Abdel Ghani Malibari, le coordinateur du King Abdullah City for Atomic and Renewable Energy, l’organisme public chargé du nucléaire civil, a annoncé un vaste programme d’investissement du pays dans ce domaine. Même si son sous-sol reste gorgé de pétrole, le royaume investira 55 milliards d’euros dans la construction de seize réacteurs nucléaires d’ici à 2030. Selon Abdel Ghani Malibari, deux premiers réacteurs seront prêts dans dix ans et deux autres seront ensuite construits chaque année. Selon les spécialistes, Riyad suivrait l’exemple d’Abou Dhabi, seul pays de la région à s’être lancé dans le nucléaire, en 2009. L’Arabie saoudite utiliserait cette source d’énergie pour répondre à la forte demande nationale, qui devrait tripler d’ici à 2050 pour atteindre 120 GW, notamment en raison d’une forte poussée démographique. Le pays conserverait l’or noir pour assurer ses recettes à l’exportation. ● J.-M.M. JEUNE AFRIQUE

VALÉRY HACHE/AFP

Alain Faujas

Trop cher pétrole!

L

AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE, qui représente les intérêts des pays industrialisés, s’est dite mercredi 8 juin « déçue » par la décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de ne pas relever ses quotas de production, mettant en garde contre une hausse des prix. Un comité de l’Opep avait préconisé un relèvement de 1 million à 1,5 million de barils par jour supplémentaires, afin de compenser la perte des trois quarts de la production libyenne et d’éviter une nouvelle hausse du prix du baril – aujourd’hui au-dessus de 100 dollars – qui pourrait casser la reprise mondiale. L’Iran, leVenezuela et l’Algérie se sont opposés à une telle mesure, qui risquait de provoquer un recul des prix pétroliers, donc des recettes dont ils ont grand besoin pour poursuivre des politiques sociales extrêmement généreuses destinées à éviter la grogne populaire – on a vu ses effets ravageurs sur les pouvoirs tunisien et égyptien. Qu’on se rassure: la pénurie n’est pas pour demain, comme l’a rappelé le 6 juin le patron deTotal, Christophe de Margerie. Les pays de l’Opep dépassent allègrement leurs quotas et l’Arabie saoudite fournit une bonne partie des barils libyens manquants depuis le mois d’avril. Reste que les marchés ne sont pas bêtes et qu’ils savent que la demande mondiale de pétrole progresse à peu près trois fois plus vite que l’offre de barils. C’est dire si les cours demeureront animés de mouvements erratiques, avec des poussées de fièvre suivies d’effondrements en panique de la part des fonds d’investissement, au gré des nouvelles sur la croissance des États-Unis ou de l’Europe, ou encore sur le refroidissement en cours de l’économie chinoise. Ces hoquets ne sont pas bons non plus pour l’alimentation des pays en développement, si l’on en croit la Banque mondiale, qui vient de calculer qu’un doublement du prix du pétrole provoque, via les engrais, la mécanisation, le transport et le stockage réfrigéré des récoltes, une hausse de 20 % à 30 % des prix des produits agricoles. Pour son malheur, l’homme se « nourrit » aussi de pétrole. ● N o 2631 • DU 12 AU 18 JUIN 2011

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