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RD CONGO/PRÉSIDENTIELLE KINSHASA SOUS HAUTE TENSION

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2656 • du 4 au 10 décembre 2011

CPI

jeuneafrique.com

LE PLUS

de Jeune Afrique

Les secrets de l’opération Gbagbo

Mauritanie Attention, fragile! Spécial 16 pages

Transféré à la prison de La Haye moins de deux semaines avant les législatives du 11 décembre, l’ancien président ivoirien fait face à la justice internationale. Enquête

MAROC

L’islamiste de Sa Majesté

Premier ministre issu des urnes, Abdelilah Benkirane est désormais au pied du mur. Avec qui va-t-il gouverner ? Comment le roi compte-t-il le gérer ? Enquête sur un choc démocratique.

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 3 DÉCEMBRE

Ce Sahara qui relie plus qu’il ne sépare…

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OTRE MONDE ESTIL TOMBÉ SUR LA TÊTE ? Il en donne en tout cas l’impression. Il y a encore peu, les crises semblaient avoir une prédilection pour l’Afrique subsaharienne, qui représente les trois quarts du continent : elles y éclataient l’une après l’autre ou simultanément, étaient fort meurtrières la plupart du temps, toujours longues à se résorber. En cette fin de 2011, le sud du Sahara donne l’impression d’être devenu, pour un temps en tout cas, une oasis de calme et de stabilité. À l’exception de l’abcès somalien, les crises qui le défiguraient ont migré vers l’Afrique du Nord et vers l’Europe. ■

En paix, les 800 millions de Subsahariens observent de leur balcon le tumulte qui a saisi le nord de l’Afrique, du Caire à Rabat, et les nuages qui s’amoncellent dans le ciel européen, celui des dix-sept pays de la zone euro. Ils ne donnent pas l’impression de s’inquiéter outre mesure de ce qui se passe ou s’annonce chez leurs voisins du Nord. Et ils ont tort, car ce qu’on appelle la mondialisation a fait du monde un village. Quant au vaste Sahara, désormais, il relie plus qu’il ne sépare. ■

L’Afrique du Nord : six pays – si on inclut la Mauritanie, membre de l’Union du Maghreb et de la Ligue arabe, mais en réalité un pays charnière – et 170 millions d’habitants au total, pour un PIB annuel de l’ordre de 600 milliards de dollars. Les six pays ont quitté l’immobilisme pour la révolution ou le changement révolutionnaire. Ils se sont, en tout cas, mis en mouvement : vers quelle destination et à quelle cadence ? On ne le sait pas encore. L’islam politique, incarné par des formations structurées, est déjà devenu, ou bien est en train de devenir, dans les six pays, la force qui gouverne, et sans laquelle, de toute manière, on ne peut plus gouverner. Cela en émeut certains, en inquiète d’autres. Qu’ils se rassurent en songeant à ceci : dès la fin de la guerre de 1939-1945, dans chacun des trois grands pays de l’Europe occidentale que sont l’Allemagne, la France et l’Italie, un grand parti démocrate-chrétien a été JEUNE AFRIQUE

dominant, rassemblant près du tiers des électeurs. Ces partis chrétiens ont été pendant plus d’une génération la colonne vertébrale des gouvernements des trois pays. Les islamistes modérés des pays d’Afrique du Nord sont à ces pays ce que les partis chrétiens ont été à l’Europe. Quoi qu’il en soit, le paysage politique de l’Afrique du Nord, ses relations avec l’Europe, les États-Unis et le reste du monde sont en profond renouvellement. Dans trois ou quatre ans, lorsque la poussière sera retombée, l’on verra apparaître une autre Afrique du Nord, représentée par des hommes nouveaux, tenant un langage différent. L’ère des Moubarak, Kaddafi, Ben Ali nous paraîtra alors si éloignée que nous la penserons… terminée avec le XXe siècle. ■

Mais d’ici là, sans perdre un instant, il nous faut, de façon résolue et en y consacrant tous les moyens, éradiquer de la zone sahélienne qui s’étend entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest les bandes armées qui l’infestent. La guerre civile libyenne et la chute du régime de Kaddafi ont été pour ces bandes l’occasion – inespérée – de s’enrichir en hommes et de se doter d’une quantité phénoménale d’armes modernes. Ces bandes étaient déjà un facteur d’insécurité ; les voici devenues une force de déstabilisation. Tant qu’elles n’auront pas été éliminées, elles menaceront la sécurité et la stabilité du Mali, de la Mauritanie, du Niger et, au-delà, de l’ensemble de la région. Pour obtenir le plus vite possible un résultat probant, l’Europe et les États-Unis devront s’impliquer bien plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici. ■

Mais l’Europe et les États-Unis ne sont-ils pas hors course, enlisés dans la crise du surendettement qui les frappe ? L’Américain Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, nous dit pourquoi la zone euro est en crise : « Dès le départ, le projet de monnaie unique ne reposait sur aucune analyse économique objective. Les économies N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


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Ce que je crois des différents États membres étaient trop disparates pour s’accommoder d’une seule devise. Il était évident que certaines allaient couler tandis que d’autres poursuivraient leur envolée. D’autant qu’à l’inverse des États-Unis les pays européens n’avaient ni budget ni marché du travail communs. Pas même une langue unique. Mais alors, pourquoi les “technocrates” ont-ils tellement poussé à créer l’euro ? Il y a, pour partie, le rêve d’une Europe unie, tellement séduisant aux yeux des élites du continent qu’il suffisait à balayer les objections les plus évidentes. Il y a, aussi, une foi, un espoir dans la capacité des États à pratiquer de vertueuses politiques de stabilité des prix et de rigueur fiscale. C’est triste à dire, mais rien n’a fonctionné comme prévu. Récemment encore, on a vu la Banque centrale européenne (BCE) affirmer sa foi dans cette fable qui veut que les coupes budgétaires soient capables de relancer la croissance dans les pays en crise, parce qu’elles rétablissent la confiance des entrepreneurs et des consommateurs. Un raisonnement qui ne s’est jamais vérifié nulle part. » ■

Peut-on sauver la zone euro et la monnaie unique, qui est la marque et le ciment des dix-sept ? Les chefs d’État ou de gouvernement de cet ensemble,

leurs ministres des Finances et les dirigeants de la Banque centrale européenne l’affirment, s’y emploient avec détermination et compétence. Mais personne ne sait si l’euro – devenu en dix ans une grande monnaie internationale – passera l’année 2012, ni comment les pays de la zone feraient sans leur monnaie unique. Pour l’heure, l’Europe de l’euro en est réduite à demander au Fonds monétaire international (FMI) d’en faire plus pour la sauver de la déconfiture. Et ce dernier, s’adressant aux Européens, les appelle à plus d’austérité pour désendetter leurs États, leur demande de se plier à ces douloureux plans d’« ajustements structurels » qu’il a naguère imposés aux Africains. Ces derniers s’y étaient pliés et avaient consenti aux sacrifices qu’ils impliquaient. ■

Ils s’en sont bien trouvés. Mais, drogués aux « avantages acquis », les Européens de 2012 voudront-ils s’astreindre à la discipline imposée par le passé aux Africains, aux Asiatiques et aux Latino-Américains ? C’est parce que les créanciers des Européens en doutent que le sort de l’euro est en jeu. Et si la monnaie européenne était en perdition, que deviendrait le franc CFA qui lui est lié ? Qu’en serait-il de la zone monétaire du même nom ? ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì La responsabilité est le prix à payer du succès. Winston Churchill Ì Les Bourses ne traduisent pas l’état des économies, mais la psychologie des investisseurs. Françoise Giroud Ì Pourquoi nos jours sont-ils comptés et non pas, disons… additionnés ? Woody Allen Ì L’histoire de l’humanité est un mouvement constant du règne de la nécessité vers le règne de la liberté. Mao Zedong Ì Qu’est-ce que la beauté ? Une convention, une monnaie, qui n’a cours qu’en temps et lieu. Henrik Ibsen N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Ì L’art de gouverner consiste à ne pas laisser vieillir les hommes dans leur poste. Napoléon Bonaparte Ì Si tu possèdes des bananes, tu deviendras l’ami du singe. Proverbe africain Ì L’histoire d’une vie, quelle qu’elle soit, est l’histoire d’un échec. Le coefficient d’adversité des choses est tel qu’il faut des années de patience pour obtenir le plus infime résultat. Jean-Paul Sartre Ì Depuis Adam, il n’y a eu guère de méfaits en ce monde où une femme ne soit entrée pour quelque chose. William Thackeray

Ì La fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme. Georges Pompidou Ì Avec le voile, toutes les Arabes se ressemblent, c’est comme nous au ski avec le bonnet. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì Rien de plus pur que les rivières de diamants, rien de plus trouble que leur source. Hervé Bazin Ì La lune de miel est finie quand le mari cesse d’aider sa femme à faire la vaisselle et qu’il la fait tout seul. Robert Rocca Ì Une prophétie c’est le trait d’esprit d’un fou. Vladimir Nabokov JEUNE AFRIQUE


Une Afrique sans paludisme, est une Afrique pleine de ressources. Nous sommes l’un des plus importants investisseurs étrangers en Afrique, et nous sommes ainsi les mieux placés pour connaître l’impact sanitaire et économique que le paludisme peut avoir sur une communauté et sa main-d’œuvre. C’est l’une des raisons pour lesquelles ExxonMobil est si engagé dans la lutte contre le paludisme. D’énormes progrès ont déjà été réalisés — la mortalité due au paludisme a diminué de 20 pour cent au cours de la dernière décennie — mais il reste encore beaucoup à faire. ExxonMobil s’engage à apporter sa pierre à l’édifice. Qu’il s’agisse de prospection ou de production de nouvelles sources d’énergie, d’approvisionnement de nouveaux produits pétroliers ou d’investissement dans les collectivités, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous soutenons le développement futur de l’Afrique. Pour en savoir plus sur nos initiatives en Afrique, veuillez consulter exxonmobil.com


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Éditorial François Soudan

Le Napoléon du Qatar

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année 2011 aura été son année, avec en point d’orgue le triomphe attendu des Frères musulmans aux élections égyptiennes. Il aura été partout, au cœur de tout, tirant les ficelles de Benghazi au Caire et de Sanaa à Damas, cet émir dont Kaddafi raillait la corpulence. À commencer justement par la Libye, où les ex-rebelles, mais aussi l’Otan, doivent beaucoup à sa force de frappe financière et où il fut, pour le clan du « Guide » égaré, le nerf de la chute. C’est lui qui est derrière le brusque raidissement de la Ligue arabe contre le régime syrien, lui qu’Assad le petit soupçonne d’alimenter son opposition armée, lui dont la chaîne de télévision la plus regardée au monde arabe a joué le rôle que l’on sait dans les soulèvements de la place Al-Tahrir, de l’avenue Bourguiba et de la rue Az-Zubayri, lui enfin qui héberge, tous frais payés dans les hôtels de luxe de sa capitale climatisée, toute une smala pittoresque de dirigeants du Hamas et de mollahs du Hezbollah, de chefs talibans et d’opposants soudanais, d’imams radicaux et de généraux américains, d’agents israéliens et d’émissaires iraniens. Le Qatar est le centre du monde arabe, et Hamad Ibn Khalifa Al Thani, 59 ans, est son Napoléon – le complexe avec.

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RD CONGO ÉLECTIONS SOUS HAUTE TENSION Ils étaient 32 millions à être appelés aux urnes. Coup de projecteur sur les derniers jours de campagne, entre affrontements et bluff.

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Car jamais si petit État, dont la population pourrait à peine remplir un quartier du Caire, aura vu aussi grand. Richissime et malin, celui qui parvint au pouvoir il y a seize ans en écartant son propre père par une révolution de palais a perçu qu’il y avait, au tournant de la première décennie de ce siècle, une place à prendre dans la région : celle du leader. L’affaissement de l’Égypte, la frilosité des Saoudiens, le retrait des États-Unis d’Obama avaient créé un vide que son rêve de grandeur n’allait pas tarder à remplir.

On le dit certes philo-islamiste. À tort : il est pragmatique et dénué de toute idéologie. On pointe ses contradictions : comment peut-il s’ériger en défenseur du Printemps arabe, lui qui a soutenu l’intervention saoudienne chez ses voisins de Manama? On ajoute enfin qu’il prône à l’extérieur une démocratie quasi inexistante chez lui. Mais sur ce point, l’émir a une réponse toute prête : ses 225 000 sujets, qui jouissent du revenu par tête et du taux de croissance les plus élevés de la planète, ne lui en ont jamais fait la demande. Et le plus extraordinaire, c’est qu’il n’a pas tort… ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

PHOTOS DE COUVERTURES : VINCENT FOURNIER/J.A. ; ABDELJALIL BOUNHAR/AP/SIPA

Cet émir cathodique, dont Al-Jazira est le formidable outil d’influence, a aussi senti avant tout le monde que les islamistes allaient émerger comme la force dominante de cet univers refaçonné, à la fois plus démocratique, plus religieux et plus instable. Las d’être considéré comme un simple et inépuisable bailleur de fonds tout juste bon à empiler les buildings et les investissements, à l’étroit dans son micro-État coincé entre les deux puissants rivaux du Golfe – l’Arabie saoudite et l’Iran –, l’époux de la très glamour Cheikha Mozah a conclu de ce qui précède qu’il lui revenait d’enfiler un costume bien plus prestigieux : celui de grand médiateur entre l’Occident et le nouvel Orient.

SÉNÉGAL MACKY SALL : LES WADE ET MOI Candidat à la présidentielle de 2012, l’ancien fidèle du chef de l’État estime que ce dernier doit maintenant quitter le pouvoir.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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RD Congo Élections sous haute tension Donald Kaberuka BAD is back Tosi Mpanu-Mpanu Sur tous les fronts Tunisie Pourquoi ça coince Corruption C’est du propre ! Euro Au bord de la crise de nerfs Justice internationale Bensouda fait la loi Égypte Les Frères en tête Thierry de Montbrial « Le Printemps arabe était imprévisible » Tour du monde

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G RA N D A N G L E

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Côte d’Ivoire Les secrets de l’« opération Gbagbo »

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Sénégal Macky Sall : « À son âge, Wade mérite de prendre sa retraite » Mali Touareg Connection

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JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

CÔTE D’IVOIRE

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• Les secrets de l’«opération Gbagbo»

MAURITANIE ATTENTION, FRAGILE! • Panorama Aziz l’équilibriste • Politique Zizanie dans l’opposition • Économie Quelle reprise ? Spécial 16 pages

• Ouattara, acte II GRAND ANGLE

MAROC LES ISLAMISTES DE SA MAJESTÉ Après la victoire du PJD aux législatives, son leader, Abdelilah Benkirane, nommé chef du gouvernement, est au pied du mur.

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Nigeria L’homme par qui la guerre est arrivée Santé Très chers cerveaux Tribune Au Burundi, les symptômes de la rechute Togo Paroles de victimes

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M AG HREB & MOY E N-O R IE NT

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Maroc Les islamistes de Sa Majesté Printemps arabe Pendant ce temps-là, à Alger… Tribune La Constituante tunisienne est-elle représentative ? Israël Liberté sous surveillance Tunisie La torture en procès

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EU ROP E, AM ÉR IQ UE S, ASIE

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France Le lièvre et la tortue Pakistan - États-Unis Point de rupture ? Parcours Majida Khattari, la provocation douce États-Unis Les rois du rire Chine Dans les griffes des triades

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L E P L U S DE J E UNE AFR IQ UE

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Mauritanie Attention, fragile !

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ÉLECTIONS ARABES PENDANT CE TEMPS-LÀ, À ALGER… Comment le pouvoir algérien perçoit-il la percée des courants religieux chez ses voisins ?

ANNIVERSAIRE FRANTZ FANON, L’INTRANSIGEANT Mort à l’âge de 36 ans, il y a exactement un demisiècle, l’essayiste martiniquais a marqué son époque. Retour sur un symbole.

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Éthiopie Les fragilités d’un champion africain Transports urbains Bras de fer à Dakar Analyse Le franc CFA, arme anti-Ouattara Aérien IAS veut mettre les gaz Burkina Faso Pleins feux sur les PME Conso Shopping taille XXL au Morocco Mall Maroc Interview de Lahcen Daoudi, secrétaire national du PJD chargé de l’économie Agroalimentaire Nestlé souffre en Côte d’Ivoire, mais reste offensif Baromètre

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C ULTURE & MÉDIAS Anniversaire Frantz Fanon l’intransigeant Arts plastiques Les murs ont la parole La semaine culturelle de Jeune Afrique Danse Vénus et Amazones

V OUS & N OUS Le courrier des lecteurs Votre journal « Jeune Afrique » et les pilleurs du web Post-scriptum N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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VINCENT WARTNER

MAROC L’ÉMIR CHASSE À GUELMIM

POURIA AMIRSHAHI ET MARTINE AUBRY, en 2009, au siège du Parti socialiste, à Paris.

France Guerre de religions au PS

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OURIA AMIRSHAHI CONTRE FAOUZI LAMDAOUI. Un Français d’origine iranienne contre un Français d’origine algérienne. Un proche de Martine Aubry, par ailleurs secrétaire national à la coopération et aux droits de l’homme, contre le chef de cabinet de François Hollande, le candidat du Parti socialiste (PS) à la présidentielle. C’est en ces termes que, le 29 novembre à Paris, s’est déroulé le débat fratricide qui a agité le bureau national du PS consacré aux investitures pour les législatives de juin 2012. L’enjeu ? Qui des deux hommes sera le candidat du parti dans la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest) ? Aubry, qui contrôle l’essentiel du bureau national issu du congrès de Reims, a, on le sait, imposé son poulain Amirshahi, après de vifs échanges. Ce que l’on sait moins, c’est que Hollande a fini par claquer la porte et que la discussion a parfois pris un tour étrange. Aux « hollandais » qui lui faisaient remarquer que la candidature d’un musulman chiite pouvait poser problème dans des pays où l’islam sunnite est la règle, Aubry a répondu, selon un témoin : « Pouria est chiite, et alors ? Tout le Maghreb est en train de devenir islamiste, même le Maroc ! » Ce que la première secrétaire n’avait en revanche pas prévu, c’est la fronde des militants de la circonscription, furieux de ne pas avoir été consultés. Les sections du Sénégal, du Mali ainsi que celle d’Alger, toutes favorables à Lamdaoui, menacent ainsi de renvoyer les cartes de leurs adhérents si le bureau national ne revient pas sur sa décision (lire l’interview de Faouzi Lamdaoui, pp. 58-59). ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Contrairement aux allégations du site arabophone lakome .com, les autorités marocaines n’ont pas offert à Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani, l’émir du Qatar, une réserve de chasse près de Guelmim (Sud-Ouest), mais octroyé une « amodiation », soit le droit de pratiquer la chasse sur des terres dont l’État conserve la propriété. Ce droit est assorti d’un ensemble d’obligations en matière de surveillance, d’équipements (clôtures, etc.) et de respect de la biodiversité.

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LE CHIFFRE LE PLUS ABSURDE

veuves – soit 9 % de la population féminine – ont été recensées par le ministère irakien de la Planification, conséquence, pour l’essentiel, de la guerre déclenchée par l’administration Bush en mars 2003. Les derniers soldats américains quitteront l’Irak à la fin de ce mois. Mission accomplie ? Il faut le dire vite. Très vite. GABON L’ÉTAT RACHÈTE L’OKOUMÉ PALACE

Le gouvernement gabonais a racheté le Laico Okoumé Palace de Libreville à la Libyan Arab African Investment Company. Montant de la transaction : 12 milliards de F CFA (18,3 millions d’euros), soit 2 milliards de plus que le prix payé par le groupe libyen en 2007. Coorganisateur de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), le mois prochain, le Gabon n’a plus le choix : il lui faut d’urgence augmenter sa capacité d’accueil. D’autant que, lors de son acquisition, le repreneur libyen s’était JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

SAHEL Concertation par temps de crise LE PARTI POUR LA RENAISSANCE nationale (Parena), que dirigeTiébilé Dramé, ancien ministre malien des Affaires étrangères et gendre d’Alpha Oumar Konaré, organise les 10 et 11 décembre à Bamako une réunion consacrée aux crises dans le Sahel. Les 350 participants sont tous membres de partis politiques ou issus de la société civile (élus, leaders d’opinion, religieux, syndicalistes, etc.) et viennent d’une dizaine de pays: Algérie, Maroc, Mauritanie, Libye, Sénégal,Tchad, Niger, Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Guinée – une performance, sachant qu’il est habituellement très difficile de réunir l’ensemble de ces pays. Ils se pencheront évidemment sur le regain de tension très préoccupant dans la région: Aqmi, otages, conséquences de la révolution libyenne et de la dissémination des combattants et des armes, risque de rébellion au Nord-Mali, narcotrafic, etc. L’objectif est de ne pas laisser aux seuls gouvernants, services de sécurité et diplomates l’apanage de la résolution des crises en cours. L’ONU et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dépêcheront des observateurs. ●

LIBYE COMPTES ET MÉCOMPTES AFRICAINS

Le fonds d’investissement Libya-Africa Investment Portfolio (LAP) va-t-il renoncer à certaines de ses activités africaines ? Ce serait notamment lecaspourLapGreenNetwork, sa branche télécoms. Sur le terrain, les représentants libyens font entendre un autre son de cloche. Un pool d’avocats du LAPauquelparticipelecabinet Norton Rose s’apprêterait à se rendre sur place pour affiner l’analyse de la situation des différents avoirs, plusieurs États africains (Rwanda, Zambie, Niger) ayant procédé à des nationalisations unilatérales des activités télécoms pendant le conflit. Parallèlement, le LAP a mandaté le cabinet KPMG pour évaluer la rentabilité des différentes activités contrôlées par le fonds. MÉDIAS LE PRINTEMPS DE CANAL+

Canal+ présentera le 9 janvier à partir de 22 h 30 une soirée spéciale Printemps arabe : un an après. Trois documentaires ont été sélectionnés : Libye, JEUNE AFRIQUE

le blogueur et le dictateur, consacré au jeune opposant Mohamed Nabous, abattu le 19 mars ; Tunisie : la révolution… Et après ?, qui retrace les itinéraires croisés de la blogueuse Lina Ben Mhenni et du jeune chômeur Akram Gharbi ; enfin, Les Nouveaux Révolutionnaires de la démocratie, regard plus général sur le réveil arabe. RD CONGO KABILA SUR SES GARDES Depuis l’élection du 28 novembre, le président Joseph Kabila, qui a coupé tout contact téléphonique avec ses pairs, sait que, s’il est proclamé vainqueur, les Kinois qui ont voté Tshisekedi risquent de descendre dans la rue. Ses services de sécurité ont donc élaboré sept scénarios

de crise. Le plus dangereux pour lui : une marche des tshisekedistes sur le Palais de la nation. Pour y faire face, le chef de l’État sortant a déployé une ceinture de fer autour de la présidence : quatre mille hommes – pour la plupart katangais – de la garde républicaine, des chars lourds T-80 (achetés à l’Ukraine) et des canons bitubes montés sur véhicules rapides.

GUINÉE L’AFFAIRE BOLLORÉNECOTRANS RELANCÉE

C’est le 10 janvier au tribunal de Nanterre qu’aura lieu le prochain rebondissement du litige opposant les groupes Bolloré et NCT Necotrans à propos de la gestion du terminal à conteneurs du port de Conakry. Le 3 octobre, NCT a

ALGÉRIE AÏCHA ET LE CHARTER

Après des déclarations belliqueuses d’Aïcha Kaddafi à la chaîne de télévision syrienne Arraï, le 29 novembre, les autorités algériennes cherchent à se débarrasser de leurs encombrants invités libyens. Amar Belani, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a jugé la déclaration « inacceptable » et rappelé que les proches de Kaddafi (outre Aïcha : Safia, son épouse, Mohammed et Hannibal, ses fils) qui ont fui la Libye fin août ne sont que « pour un temps les hôtes de l’Algérie ». En septembre, déjà, Alger avait rappelé à Aïcha, qui avait qualifié les dirigeants du CNT de « traîtres », à respecter son « devoir de réserve ». L’avertissement de Belani pourrait être le dernier avant un transfert vers le Nicaragua ou le Venezuela.

VERS UN RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION CPIUA

Fatou Bensouda à Addis La Gambienne Fatou Bensouda se rendra au sommet de l’Union africaine, en janvier, à Addis-Abeba. Actuelle procureure adjointe, elle vient d’être nommée procureure générale de la Cour pénale internationale en remplacement de l’Argentin Luis Moreno-Ocampo (lire aussi p. 19). Son mandat ne débutant qu’en juin 2012, elle souhaite d’ici là renforcer les liens de coopération de la cour avec l’organisation panafricaine. À Addis, elle prévoit de rencontrer plusieurs chefs d’État africains et espère s’entretenir avec le nouvel exécutif élu à cette occasion.

THIERRY GOUEGNON/REUTERS

engagé à réhabiliter l’Okoumé Palace, ce qu’il n’a jamais fait en dépit des mises en demeure des autorités. Karim Mzali, le patron tunisien de l’établissement, pourrait néanmoins en conserver la direction.

relancé l’affaire en assignant son concurrent pour concurrence déloyale. Il réclame près de 100 millions d’euros de dommagesetintérêts,montant établi après audit du cabinet PricewaterhouseCoopers. L’affaire paraissait pourtant enterrée. Au cours de l’été, le parquet de Paris avait classé sans suite une plainte contre X déposée le 16 mars pour « corruption internationale ». Depuis, NCT a constitué un dossier de 113 pièces qu’il a remis au juge de Nanterre.

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La semaine de Jeune Afrique

REPORTAGE PHOTO : GWENN DUBOURTHOUMIEU

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RD CONGO

Élections sous

haute tension Ils étaient quelque 32 millions à être appelés aux urnes pour la présidentielle, le 28 novembre. Coup de projecteur sur les derniers jours de campagne, entre ferveur populaire, affrontements et bluff. CORRESPONDANCE PARTICULIÈRE, à Kinshasa

C

omme un tsunami. Quelque chose d’irrésistible. Ce lundi 28 novembre, tout un peuple va aux urnes. Des collines swahiliphones du Kivu, à l’Est, aux vallées kikongophones du BasCongo, à l’Ouest, 32 millions de Congolais prennent le chemin de l’école du quartier ou du camp de tentes installé par la Commission électorale

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nationale indépendante (Ceni), faute de bâtiment en dur. Tous ne peuvent pas voter. Il y a eu trop de défaillances dans l’enrôlement des électeurs. Mais tous veulent être là, au bureau de vote du quartier ou du village, pour prendre part à ce moment d’Histoire. Au terme de longues marches à pied, beaucoup finissent par retrouver leurs noms sur les listes. Élections patience, élections passion. Au centre de vote Saint-Michel, dans la commune de Bandalungwa, à Kinshasa, une vieille dame attrape le journaliste de passage : « S’il vous plaît, monsieur, aidez-moi à voter ici. Je suis inscrite à Masina. C’est trop loin. » Avec le « Blanc », c’est plus facile d’approcher la superviseuse du centre. Celle-ci accepte. La « maman » – comme on dit à Kinshasa – court voter. À la sortie du bureau, elle rayonne. Elle brandit son doigt tâché d’encre indélébile. C’est le doigt du « j’y étais ». Le doigt du « je suis congolaise ». JEUNE AFRIQUE


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3 ð 1 Opérations de dépouillement dans un bureau de vote de Kinshasa, le 28 novembre. f 2 L'opposant Étienne Tshisekedi, leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), vote dans la capitale. 3 Le président sortant, Joseph Kabila, dans un bureau de vote du quartier chic de La Gombe. ð 4 Un agent électoral, à Kinshasa.

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Pourquoi cet engouement ? Parce qu’ici, le vote reste exceptionnel. Les années de dictature de Mobutu (1965-1997) et de Kabila père (1997-2001) sont encore dans toutes les têtes. La politique, au Congo, ce n’est pas seulement une affaire de développement. Dans ce pays décimé par une longue guerre civile (1996-2003), c’est aussi une question de vie ou de mort. Le vote est un geste de survie. À partir du 23 novembre, dans les derniers jours de campagne, la fièvre monte. La « faute » à Étienne Tshisekedi, 78 ans. On disait le vieux tribun malade… Les foules le requinquent. Joseph Kabila multiplie les déplacements en province, mais « Tshitshi » – comme l’appellent ses partisans – fait jeu égal. Au rythme de trois meetings par jour, il sillonne le pays dans un avion à hélices Beechcraft loué en Afrique du Sud. Quand il le faut, le chef de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) se fait démagogue. Lors d’un meeting à Gemena, dans la province de l’Équateur, il salue l’enfant du pays, Jean-Pierre Bemba, actuellement détenu par la Cour pénale internationale, aux Pays-Bas. Et il clame : « Quand je serai président, je le ferai libérer. Il sera là avant la fin de l’année ! » Surtout, pour se distinguer des autres candidats de l’opposition, Tshisekedi cogne. Le président sortant, Joseph Kabila ? « Que ce bonhomme retourne au Rwanda ! » Les cinq chantiers ? « Du JEUNE AFRIQUE

vent. » Comment réagit Kabila? Un de ses proches confie : « Le président ne nous le montre pas, mais je sais qu’il ne supporte plus ces injures. Il ne va pas répliquer, car ce n’est pas dans son caractère, mais il va agir. » PIED DE GUERRE. Le samedi 26 novembre, action.

Tshisekedi rentre de sa tournée en province pour tenir son dernier grand meeting à Kinshasa. Kabila le fait bloquer pendant plus de huit heures à l’aéroport international. Des affrontements éclatent avec les forces de l’ordre. Au moins trois morts, selon l’ONU. L’Union européenne proteste : « C’est une grave entrave au droit de mener campagne et au principe d’égalité entre candidats. » Mais Joseph Kabila se frotte les mains. Il a réussi à empêcher son principal adversaire de rééditer le coup de Jean-Pierre Bemba, deux jours avant le premier tour de la présidentielle de juillet 2006: une marche triomphale de l’aéroport au centre-ville. Le lendemain, dimanche 27, Étienne Tshisekedi veut sa revanche. La campagne est terminée, mais il compte bien rassembler ses troupes dans la plus grande enceinte de Kinshasa, le Stade des martyrs. Les forces de l’ordre sont sur le pied de guerre, mais tant pis. Il est prêt à l’affrontement. Dans la maison du vieux chef, à Limete – une commune de la capitale –, les conseillers se pressent : « Président, c’est très dangereux. Il peut y ● ● ●

« C’est très dangereux, il peut y avoir des morts », avertissent ses proches. « Tshitshi » s’entête, puis renonce en grognant.

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


La semaine de J.A. L’événement

GWENN DUBOURTHOUMIEU

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AFFRONTEMENTS ENTRE DES PARTISANS DE TSHISEKEDI et les forces de l’ordre près de l’aéroport international de Ndjili, le 26 novembre.

avoir des morts. » « Tshitshi » s’entête, puis renonce en grognant… Pendant ce temps, au Palais de la nation, sur les bords du fleuve, Joseph Kabila convoque les ambassadeurs en poste à Kinshasa. « L’heure est grave, leur dit-il. Il y a risque de chaos et de sécession. » Certains diplomates se souviennent du temps où Mobutu disait déjà : « Moi ou le chaos. Moi ou la sécession du Katanga. » Et aux Occidentaux qui seraient tentés d’intervenir dans son pays, le président congolais lance cet avertissement : « Ici, ce n’est pas la Côte d’Ivoire. Ici, c’est la loi et l’ordre qui prévalent. » L’ambassadeur de Russie : « Bien sûr, monsieur le président, bien sûr »… Lundi 28. Jour J. La journée commence très mal à Lubumbashi. Des assaillants en civil, mais bien armés, attaquent deux centres de vote dans un quartier du chef-lieu du Katanga. La fusillade dure plusieurs heures. Le bilan est lourd : deux policiers, deux civils et huit « rebelles » sont tués. Qui a commandité l’attaque ? Au Katanga, les armes circulent dans l’armée, mais aussi chez les indépendantistes ou chez les fidèles du général Numbi, l’ex-chef de la police congolaise.

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COUP DE POUCE. ÀKinshasa,leprésident-candidat

suit la situation par téléphone, puis va voter. À 9 h 30, il se rend avec Olive, son épouse, et leurs deux enfants dans un bureau de vote de La Gombe, le quartier chic de la capitale, non loin du fleuve. Il paraît souriant et détendu. Il sait que la ville de Kinshasa lui est hostile, mais il compte sur ses fiefs du Katanga, de l’Est et du Bandundu (Ouest) pour passer.Ses adversairesajoutentqu’ilcomptesurtout sur un coup de pouce de Daniel Ngoy Mulunda, son ex-conseiller politique, devenu président de la Ceni. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

« Personne ne nous volera nos voix », disent les jeunes qui se bousculent aux fenêtres des bureaux de vote pour surveiller le dépouillement.

Preuve de son assurance : à son retour au Palais de la nation, il préside deux réunions à caractère économique, puis reçoit la cellule chargée de préparer le prochain sommet de la Francophonie, fin 2012 à Kinshasa. Visiblement, il ne doute pas qu’à cette date il sera toujours le maître de cérémonie… Fait marquant : la plupart des onze candidats à la présidentielle votent à Kinshasa. Le fief de Léon Kengo wa Dondo est dans l’Équateur, et celui de Vital Kamerhe dans les deux Kivus, mais les deux hommes accomplissent leur devoir civique dans la capitale. Pour ce jour symbole, Étienne Tshisekedi a bien envisagé de se rendre dans son village natal, à la frontière du Katanga et du Kasaï-Oriental. Mais il n’y a pas d’aéroport à proximité. Or il n’a pas intérêt à s’absenter de Kinshasa pendant plusieurs jours. L’opposant décide sagement de rester dans la capitale et d’aller voter dans un bureau de son choix, comme la loi le lui permet. MAYONNAISE. À la mi-journée, Tshisekedi tente

un coup médiatique : faire son devoir dans un bureau où la Ceni a oublié de distribuer les bulletins de vote. Ce serait une façon d’épingler Ngoy Mulunda, qu’il traite publiquement d’« escroc ». Il essaie de se rendre dans la commune de Masina. Son véhicule est bloqué en route par un barrage de police. Il doit se replier sur un bureau de sa commune de Limete. Le vieux pique une colère, mais pas trop longtemps. Il sait que l’essentiel est ailleurs. Depuis le début de la matinée, ses militants lui font remonter des échos de centres de vote où des manifestations spontanées éclatent en sa faveur. Il sent que la mayonnaise est en train de prendre non seulement dans ses fiefs de Kinshasa et des deux Kasaïs, mais aussi en Équateur et dans le Bas-Congo. Les candidats de l’opposition ont été incapables de s’unir, mais leurs électeurs sont plus avisés. Ils votent utile. Ils votent Tshisekedi. Fin politique, Kamerhe comprend très vite que ce réflexe peut le laminer. À 20 heures, il se rend sans prévenir au domicile de Tshisekedi. Il veut lui proposer de signer un document qui dénonce les nombreuses défaillances de la Ceni et réclame l’annulation de toutes les élections. Le vieux sent-il le piège? Il fait savoir à l’ex-président de l’Assemblée nationale qu’il ne peut pas le recevoir car il est déjà couché… Tshisekedi sent que la partie est bien engagée. Il n’a aucun intérêt à renverser la table. Au soir du 28, vaille que vaille, beaucoup de Congolais ont voté. « Personne ne nous volera nos voix », disent les jeunes qui se bousculent aux fenêtres des bureaux de vote pour surveiller le dépouillement. Gare au président de bureau qui voudrait frauder. Il risquerait d’être lynché. Ce soir-là, à Kinshasa et dans les grandes villes pro-Tshisekedi, comme Kananga, Mbuji-Mayi et Matadi, il y a de l’électricité dans l’air. Comme un avant-goût du jour de la proclamation des résultats… ● JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Les gens

Donald Kaberuka BAD is back

Dans un accord signé avec les autorités ivoiriennes le 27 novembre, le président de la Banque africaine de développement précise les conditions du retour de l’institution à Abidjan.

VINCENT FOURNIER/JA

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D

L’ANCIEN MINISTRE

l’État ivoirien offre la propriété onald Kaberuka RWANDAIS DES de deux terrains mitoyens à la est fidèle en ami- FINANCES, le 4 mars, à Paris. banque : l’un de 4 777 m2 qui tié. Au moins avec abrite son siège et l’autre de le président de la 5 360 m2 en prévision d’une extension République de Côte d’Ivoire, un ami future. Un accord couronné par un dîner de plus de vingt ans. En voyage officiel officiel donné par le président Ouattara de deux jours à Abidjan, le président en l’honneur de son ami rwandais. Les de la Banque africaine de développedeux hommes se sont rencontrés après ment (BAD) a signé, le 27 novembre, 1987, lorsque Donald Kaberuka est venu avec Daniel Kablan Duncan, ministre d’État et ministre des Affaires étrangères, occuper le poste d’économiste en chef l’« accord de siège révisé » de la BAD à de l’Organisation interafricaine du café Abidjan. En clair : le retour de la banque (OIAC), basée à Abidjan. Il y restera sept dans son pays d’origine. Et dans son siège ans. Et en profitera pour apprendre le historique, situé sur le Plateau, après un français, et tisser des liens avec le monde transfert – provisoire – à Tunis en 2003, politique et économique du pays. C’est à la suite des troubles nés de la tentative à ce moment-là qu’il se lie d’amitié avec de coup d’État de 2002. Du provisoire Alassane Ouattara. D’ailleurs, Donald qui dure… Kaberuka n’aurait manqué pour rien Dans l’accord qui vient d’être signé, au monde la cérémonie d’investiture la Côte d’Ivoire « confirme la pleine du président ivoirien, le 21 mai dernier. propriété de la BAD sur la parcelle de À cette occasion, ils ont évoqué le retour terrain où est situé l’immeuble de son de la BAD à Abidjan. Et déjà en avril, des siège à Abidjan, ainsi que sur une parémissaires de Ouattara avaient milité celle adjacente de terrain, qui vient d’être en coulisse, lors du sommet de la zone concédée à la banque par le gouvernefranc à N’Djamena, pour accélérer ce ment de Côte d’Ivoire ». Concrètement, rapatriement. Au début de juin, lors

des assemblées générales de la BAD, à Lisbonne (Portugal), Donald Kaberuka avaitévoqué,àlasurprisegénérale,notamment des Tunisiens, en colère, le retour « imminent » de la banque à Abidjan. Mais l’accord signé à Abidjan ne remet pas en cause le calendrier du retour arrêté à Lisbonne par le Conseil des gouverneurs. Un déménagement de Tunis n’est pas envisageable avant trois ans. S’y ajoute un préavis de un an. C’est donc, en théorie, en juin 2015 au plus tôt que la BAD retrouvera son siège historique. Si la Côte d’Ivoire est sécurisée avant ce délai, seule une décision du Conseil des gouverneurs peut anticiper le retour. Celle-ci se basera sur les travaux d’une commission mixte, composée de représentants de la BAD et des autorités ivoiriennes, qui prépare sur le terrain la réinstallation de la banque. Mais si le retour peut être anticipé, il ne peut être précipité. Bourrées d’amiante, les deux tours jumelles de dix-huit étages du siège de la BAD nécessitent de sérieux travaux de rafraîchissement. Des investissements informatiques et de communication sont impératifs. De même, les 200 logements de la « cité de la BAD », à Abidjan, ont besoin, eux aussi, d’un sérieux coup de pinceau. Au total, la facture est estimée à 80 millions de dollars (60 millions d’euros environ)… Qui paiera ? Autre volet complexe : les ressources humaines. De 50 % à 60 % des 1 800 salariés de l’institution n’ont en effet pas connu le siège d’Abidjan. Et, d’une manière ou d’une autre, ils feront le voyage. À Tunis, la colère du mois de juin a fait place à la résignation. Pour faire passer la pilule, la capitale tunisienne deviendra le bureau régional pour l’Afrique du Nord et emploiera de 150 à 200 personnes. ● JEAN-MICHEL MEYER

NOMINATIONS

OMAR AZZIMAN MAROC Le président de la Commission consultative de la régionalisation a été nommé, le 29 novembre, conseiller du roi Mohammed VI. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

CHRISTIAN KERANGALL COCAN GABON L’homme d’affaires français, issu de la Compagnie du Komo, a été nommé par le Gabon haut-commissaire chargé de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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HARRY ROSELMACK Selon un sondage publié le 26 novembre par Le JDD en ligne, le journaliste français d’origine martiniquaise, premier Noir à présenter le journal télévisé de 20 heures surTF1, est l’animateur préféré des Français. JACQUELINE MOUDEINA DR

CetteTchadienne de 54 ans, avocate des victimes de l’ancien président Hissène Habré, se verra remettre, le 5 décembre, à Stockholm, le prix Nobel alternatif (Right Livelihood Award) qui lui a été décerné le 30 septembre.

LE CONGOLAIS s’est aussi présenté aux législatives de son pays.

Tosi Mpanu-Mpanu Sur tous les fronts

RAZAN ZEITOUNEH

Banque mondiale, diplomatie, environnement, politique, le négociateur africain en chef au sommet sur le climat a plus d’une corde à son arc.

Le Parlement européen remettra, le 5 décembre, le prix Sakharov pour la liberté de pensée à cette avocate syrienne de 34 ans qui dirige des comités coordonnant la révolte dans son pays. Le 6 octobre, elle avait déjà reçu le prix Anna Politkovskaïa.

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JEUNE AFRIQUE

EN BAISSE

AÏCHA KADDAFI La fille de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kaddafi a appelé à renverser le Conseil national de transition (CNT) dans un message audio diffusé le 29 novembre par la chaîne de télévision Arraï, basée à Damas. CONRAD MURRAY Reconnu coupable le 7 novembre d’homicide involontaire pour le décès de Michael Jackson et maintenu en détention depuis, le médecin du roi de la pop a été condamné, le 29 novembre, à quatre ans de prison. WYCLEF JEAN Le chanteur des Fugees originaire d’Haïti est soupçonné d’avoir détourné deux tiers de l’argent récolté pour son association Yéle Haïti après le tremblement de terre de janvier 2010. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

DR, REUTERS

est peu dire que Tosi Mpanu-Mpanu est occupé. Ce Congolais de 37 ans, qui préside le Groupe Afrique des négociateurs (GAN) au sommet sur le climat de Durban (28 novembre-9 décembre), est d’ailleurs arrivé sur place cinq jours après le début des discussions. Il était jusque-là retenu à Kinshasa, où il s’est porté candidat aux législatives du 28 novembre sous les couleurs du Parti démocrate chrétien (PDC). La campagne n’a pas été de tout repos : membre du camp du président sortant, Joseph Kabila, il s’est efforcé de prendre ses distances avec un bilan gouvernemental mitigé. D’autant que son passé politique l’avait plutôt habitué aux slogans des opposants du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba. C’est sous cette bannière qu’il s’était présenté (sans succès) en 2006 dans le Bas-Congo. Au vu de la désorganisation qui a marqué le scrutin, l’attente des résultats n’a pas fini de lui donner la migraine, alors qu’il entre dans la dernière ligne droite de sa présidence du GAN, débutée à Copenhague en 2009. Fils de Raphaël Mpanu-Mpanu Bibanda, ex-journaliste devenu homme d’affaires, il est né à Paris, mais reste « un pur produit du Congo », tient-il à préciser. Diplômé du lycée belge de Kinshasa et de la George Washington University, il débute sa carrière à la Banque mondiale. Il y restera trois ans, avant de rentrer en RD Congo, en 2003, pour devenir conseiller du ministre des Affaires étrangères. Il est alors en liaison régulière avec les diplomates sud-africains – il coordonne les experts de la commission mixte RDC-Afrique du Sud – et américains – comme l’attestent plusieurs câbles diplomatiques partiellement dévoilés par WikiLeaks. Le ministère congolais de l’Environnement, auquel il est intégré en 2007, sera son tremplin vers la présidence du GAN. « Quand j’ai commencé, j’ai été très combattu par la vieille garde des négociateurs en raison de ma jeunesse, se souvient-il. Mais mon expérience diplomatique m’a été utile: aujourd’hui ce sont mes plus grands supporteurs. » Après le sommet de Durban, il passera le relais à un ressortissant d’Afrique australe. En espérant, entre-temps, avoir décroché un accord satisfaisant pour le continent. ● PIERRE BOISSELET

DR


La semaine de J.A. Décryptage ð RASSEMBLEMENT de protestation, le 30 novembre, devant le palais du Bardo, à Tunis, où siège l’Assemblée nationale constituante.

chef du gouvernement issu de ses rangs davantage de pouvoirs qu’au président de la République. « Il n’est pas question d’accepter une présidence formelle, rétorque Marzouki. Dans un régime d’Assemblée, il faut donner au chef de l’État des pouvoirs réels. » NIQAB. Second point d’achoppement :

la majorité requise en dernier ressort pour adopter la (grande) Constitution. Le triumvirat (qui dispose de 67 % des voix) propose la majorité simple, les partis minoritaires à l’ANC lui préfèrent celle des deux tiers. Malgré ces divergences, un compromis demeure très probable au sein du triumvirat, qui dispose d’une majorité confortable pour faire voter ses textes et faire fonctionner les institutions. Il Un triumvirat qui tire à hue et à dia sur la question de la répartition n’empêche : l’accouchement est difficile des pouvoirs, des manifestations en tout genre… La confusion règne. et ces désaccords pourraient avoir des prolongements à l’intérieur de l’ANC et au-dehors. Dans la minorité parlemenLa principale cause de ce retard est due e 2 décembre, à l’heure où taire, on accuse Ennahdha de vouloir aux tiraillements au sein du triumvirat nous mettions sous presse, et s’arroger tous les pouvoirs – « comme et de l’ANC à propos d’un projet de loi dix jours après le début des traBen Ali », disent certains de ses ténors. sur la « petite Constitution » organisant vaux de l’Assemblée nationale Ils sont soutenus par une partie des le fonctionnement des pouvoirs publics constituante (ANC) issue de l’élection associations de la société civile qui leur jusqu’à l’entrée en vigueur d’une noudu 23 octobre, la IIe République tunisont proches et dont les sitsienne est toujours dirigée par un chef in sont permanents, dans les d’État et un Premier ministre issus de La minorité parlementaire rues avoisinantes et à portée de la Ire République. Le triumvirat vainaccuse Ennahdha de vouloir voix de l’Assemblée. Au même queur du scrutin – le parti islamiste s’arroger tous les pouvoirs… moment, les manifestations Ennahdha et deux partis de gauche, organisées par de présumés comme Ben Ali ! le Congrès pour la République (CPR) salafistes sur le campus de la et Ettakatol – ne gouverne pas encore. faculté des lettres de la Manouba contre Pour mener leurs consultations, Moncef velle Constitution, dans un an environ. Premier point de désaccord : la répartil’interdiction du port du niqab pour six Marzouki (CPR), le président pressenti, tion des pouvoirs au sein de l’exécutif. ou sept étudiantes – ils auraient égaleet Hamadi Jebali (Ennahdha), le futur Inspiré par Ennahdha (partisan d’un ment molesté un universitaire – ont jeté Premier ministre, en sont réduits à se régime parlementaire pour ne pas retomun peu plus le trouble sur une situation réunir dans un bureau donnant sur la ber dans le système hyperprésidentiel déjà préoccupante. ● galerie des glaces du palais du Bardo, de Ben Ali), le projet de loi donne au ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis siège de l’ANC, dont ils sont membres. ONS ABID POUR JA

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Tunisie Pourquoi ça coince

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À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

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DÉCEMBRE Élections législatives au Gabon. Une partie de l’opposition et la plateforme de la société civile « Ça suffit comme ça » appellent au boycott et au report du scrutin. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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DÉCEMBRE 10e journée internationale des migrants, sous l’égide de l’Unesco. Plus de 200 millions de personnes vivent en dehors de leur pays, soit près de 3 % de la population mondiale.

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DÉCEMBRE 32e sommet du Conseil de coopération du Golfe, à Riyad. Au menu: un projet d’union douanière. Le CCG a refusé la tenue d’une réunion d’urgence sur la Syrie que réclamait Damas. JEUNE AFRIQUE


À PARTIR DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL/J.A.

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NOTE

Peu corrompu

Très corrompu

9 - 10 8 - 8,9 7 - 7,9 6 - 6,9 5 - 5,9 4 - 4,9 3 - 3,9 2 - 2,9 1 - 1,9 0 - 0,9 Non noté

Corruption C’est du propre! Transparency International a publié son classement, des États les plus véreux aux plus vertueux. Contrairement à une idée reçue, l’Afrique n’a pas le monopole des mauvaises pratiques.

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u’est-ce qui sépare la NouvelleZélande de la Somalie ? Cent quatre-vingt-deux places au classement de l’Indice de perception de la corruption (IPC), rendu public par l’ONG Transparency International, le 1er décembre*. Entre le plus vertueux et le cancre absolu, 7 milliards d’habitants sont confrontés, à des degrés divers, aux petites lâchetés du quotidien, voire, dans le pire des cas, à des détournements de fonds à grande échelle. Pots-de-vin, appels d’offres truqués, clientélisme, évasion fiscale… la liste est longue. Et contrairement à une éternelle antienne, l’Afrique n’a pas le monopole des mauvaises pratiques. Le JEUNE AFRIQUE

à cette région soulignait que le népotisme Mexique, le Venezuela, le Brésil, l’Argentine, l’Ukraine, la Syrie, l’Irak, l’Ouzbékisétait tellement ancré dans le fonctionnetan, la Russie, l’Inde, la Chine, la Birmanie ment des régimes et la vie des habitants et beaucoup d’autres font piètre figure sur que les lois anticorruption étaient souvent le chapitre de la probité. inefficaces. Depuis, des têtes sont tombées. Quant aux populations, toutes latiEn Afrique subsaharienne, les pouvoirs tudes confondues, elles semblent s’être en place dans les pays les plus mal classés donné le mot pour placer leurs dirigeants (Somalie, Soudan, Guinée équatoriale, devant leurs responsabilités et exprimer Burundi, RD Congo, Tchad, Angola, leur exaspération. Révolutionnaires de Guinée, Zimbabwe…) sont prévenus. Et l’avenue Bourguiba, révoltés de la place Al-Tahrir, Mexique, Brésil, Russie, Syrie, « indignés » de Wall Street, Inde, Chine… tous font piètre figure contribuables floués à sur le chapitre de l’honnêteté. Athènes… « Nous avons vu des manifestants riches ou pauvres brandir des banderoles dénonseraient bien inspirés d’observer le Liberia, çant la corruption. Que ce soit dans les passé du 137e rang en 2005 avec une note pays européens touchés par la crise de la médiocre de 2,2 au 91e rang avec un score dette ou dans les pays arabes qui entrent prometteur de 3,2. De quoi donner un dans une nouvelle ère politique, les dirinouvel argument aux partisans de la gougeants doivent prendre en compte ces vernance féminine… ● aspirations à une meilleure gouvernance », PHILIPPE PERDRIX souligne Huguette Labelle, présidente de * L’indice 2011 prend en compte 183 pays – l’organisation. contre 158 en 2005 – notés de 0 (extrêmement corrompu) à 10 (extrêmement intègre). L’étude Avant le Printemps arabe, un rapport de Transparency International consacré est fondée sur 17 indicateurs. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


La semaine de J.A. Décryptage

Euro Au bord de la crise de nerfs

Parlements nationaux à voter des budgets en équilibre, mais pas qu’une institution judiciaire en assure le contrôle – et la sanction – comme le souhaite Angela Merkel. La semaine s’annonce cruciale pour la survie de la monnaie unique Le deuxième problème est que Sarkozy – et la quasi-totalité de la communauté européenne. La France et l’Allemagne veulent la sauver. L’ennui, internationale – demande que la solidarité c’est qu’elles ne sont pas d’accord sur les moyens d’y parvenir… se manifeste au sein de la zone euro par l’intervention de la BCE et/ou par la créapas sur l’avenir de l’Europe, la panique a chancelière allemande et le prétion d’euro-obligations afin de soulager des marchés pourrait venir à bout de la sident français devaient se retroula dette des pays en difficulté, solution ver à l’Élysée le 5 décembre pour monnaie unique à brève échéance, ce que refuse absolument Merkel, pour qui mettre au point leur proposition qui plongerait l’économie mondiale dans ce serait un pousse-au-crime dispensant commune de réforme de la gouvernance une grave récession. les États laxistes de se serrer la ceinture. de l’Union européenne (UE), afin de sauLe discours que Nicolas Sarkozy a proLe troisième problème est fondamentaver l’euro, qui risque d’imploser sous noncé à Toulon, le 1er décembre, contient lement politique. Le président français a tous les éléments du bras de fer francoprôné la création d’un « véritable gouverl’effet de la crise de la dette. Rien ne dit allemand qui tétanise l’Europe. Certes, nement économique européen », position qu’ils parviendront à surmonter leurs Allemands et Français sont d’accord sur hexagonale classique, mais inadmissible divergences avant le sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE, qui doit pour les Allemands, qui y se tenir à Bruxelles les 8 et 9 décembre. voient la remise en quesSi le couple « Merkozy » Qu’importe la multiplication des rention de l’indépendance de ne s’entendait pas, la panique des contres au plus haut niveau à l’approche la BCE. Berlin propose de de la date fatidique (Sarkozy-Cameron marchés pourrait se révéler fatale. faire plutôt évoluer l’Europe le 2 décembre, Sarkozy-Merkel, le 5). vers le fédéralisme avec des l’objectif et déclarent vouloir refonder Qu’importe que Mario Monti, le nouabandons de souveraineté auxquels veau président du Conseil italien, rende l’Europe en la dotant d’une gouvernance Sarkozy a fait allusion. Mais Paris campe enfin publique, le 5 décembre, la liste des digne de ce nom. Ce sont les moyens pour sur une position d’inspiration gaulliste et sacrifices qui seront demandés à ses comy parvenir qui font débat. exige que la France « conserve la maîtrise patriotes. Qu’importe que le Parlement de son destin ». grec adopte un budget 2012 d’une ausPOUSSE-AU-CRIME. À Toulon, Sarkozy a Discipline contre solidarité, fédéralisme appelé à « plus de discipline et de solidacontre gouvernement économique… térité sans précédent, le 7 décembre. Qu’importe enfin si la Banque centrale rité », pensant pouvoir concilier ces deux Les oppositions sont redoutables, et le européenne (BCE) baisse ses taux, le 8, exigences, la première étant portée par suspense pourrait durer jusqu’à l’ultime pour secourir une économie européenne Berlin et la seconde par Paris. Le premier minute de la journée du 9 décembre. entrée en récession depuis un mois… problème est que le président français L’euro à quitte ou double ? ● Si le couple « Merkozy » ne s’entendait veut bien qu’une règle d’or oblige les ALAIN FAUJAS

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LE DESSIN DE LA SEMAINE

Sakurai • Westdeutsche Allgemeine Zeitung • Allemagne ÉGYPTE : DANS LE LABYRINTHE DE LA DÉMOCRATIE

THE NEW YORK TIMES SYNDICATION

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JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

«

Justice internationale Bensouda fait la loi SANS SURPRISE, la Gambienne Fatou Bensouda, 50 ans, sera la prochaine procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI). En lice avec le juge tanzanien Mohamed Chande Othman, son nom a fait consensus le 1er décembre, lors d’une réunion informelle de l’Assemblée des 118 États parties – dont beaucoup sont africains –, laquelle souhaitait en finir avec l’idée que la CPI ne juge que les dirigeants du continent. Sa nomination pour un mandat de neuf ans sera formellement entérinée lors de la prochaine session de l’assemblée, qui se tiendra à New York du 12 au 21 décembre. Grande favorite pour succéder au médiatique Luis Moreno-Ocampo – dont le mandat s’achève le 16 juin

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2012 –, Bensouda n’est pas une inconnue à la CPI. Elle en connaît parfaitement les rouages, puisqu’elle en était la procureure adjointe depuis 2004. Ex-conseillère juridique et substitut du procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda, elle fut aussi procureuregénéraleetministre de la Justice en Gambie. Libye, Soudan, Kenya, R D C o n g o, O u g a n d a , C e n t r a f r i q u e… Fa t o u Bensouda aura à régler tous ces dossiers. La procédure étant longue avant un éventuel procès, elle héritera aussi sans doute du cas ivoirien. Si l’extradition de Laurent Gbagbo a eu lieu juste avant sa nomination (lire pp. 24-30), c’est sans doute pour alléger la forte pression qui va peser sur ses épaules. ● JUSTINE SPIEGEL

Derrière les murs de Ben Ali, en Tunisie, on a trouvé des caisses de lingots, des milliers de paires de chaussures ! Les vrais voyous sont en costard. » MOKOBE Rappeur franco-malien

« Ce que vous racontez, ce sont des contes de fées. Que vous le vouliez ou non, l’immense majorité du peuple nous soutenait. » KHIEU SAMPHÂN Ex-président du régime khmer rouge, qui fit près de 2 millions de morts entre 1975 et 1979 (s’adressant aux procureurs du Tribunal international sur le Cambodge)

« COMME L’ON S’Y ATTENDAIT, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), organe politique de la confrérie des Frères musulmans, a remporté la première phase des élections législatives, avec au moins 40 % des voix, selon les résultats préliminaires. Pour la deuxième place, à l’heure où nous mettions sous presse, les salafistes du parti Al-Nour étaient au coude à coude avec la coalition libérale du Bloc égyptien. Quelque 17,5 millions d’électeurs se sont exprimés lors de cette première phase qui concernait le tiers des gouvernorats (9 sur 27), dont les villes du Caire et d’Alexandrie. Malgré un scrutin complexe – de liste, à la proportionnelle, pour les deux tiers des sièges, le dernier tiers revenant à des candidatures individuelles –, le taux de participation a dépassé les 70 %. Dans les circonscriptions individuelles, peu de candidats ont réussi à obtenir la majorité absolue. Un second tour est prévu les 5 et 6 décembre. La bataille opposera là encore Frères et salafistes. La dernière phase des législatives ne prendra fin que le 11 janvier, mais déjà les querelles partisanes concernant la formation du gouvernement font rage. Sûr de sa victoire, le PLJ réclame ce droit. Une prérogative que lui refusent les salafistes, qui reprochent aux Frères de vouloir se coaliser avec les libéraux. En réalité, les députés n’ont aucun pouvoir. Car la déclaration constitutionnelle adoptée en mars par le Conseil suprême des forces armées accorde à ce dernier un droit de regard sur tous les actes du pouvoir législatif. Et ce jusqu’à l’élection d’un président, prévue avant juin 2012. ● TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE

ÉDOUARD BALLADUR Ancien Premier ministre français

«

Je suis dans l’obligation de quitter l’équipe de crise à la demande pressante des médecins. » MASAO YOSHIDA Directeur de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, qui gérait la catastrophe du 11 mars

« Soyez vigilants avec ces bailleurs de fonds qui sont plus intéressés par l’exploitation de vos richesses que par votre développement. » HILLARY CLINTON Secrétaire d’État américaine (à propos de l’aide chinoise aux pays du Sud) N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

LEROUX-TV/SIPA, POOL FOR YOMIURI/NBC/AP/SIPA

Égypte Les Frères en tête

À gauche, ils ont Eva Joly ; à droite, nous avons Rachida Dati. Chacun a ses boulets et ses plaies. Il faut les gérer. »


La semaine de J.A. Décryptage

TONY GABRIEL

JEUNEAFRIQUE.COM

PHOTO Retrouvez notre diaporama : Quand la révolution égyptienne se lit sur les murs SONDAGE S’il est jugé en Libye, Seif el-Islam bénéficiera-t-il d’un procès juste et équitable ? * 1

2 3

* SONDAGE RÉALISÉ SUR JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 23 NOVEMBRE ET LE 1 ER DÉCEMBRE 2011. 1072 VOTES

1. Oui, la justice libyenne sera opérationnelle d’ici peu 6,8 % 2. Non, il doit être jugé par la Cour pénale internationale 73,2 % 3. Il faut attendre que la justice libyenne se réorganise 20 %

CETTE SEMAINE :

Après le transfèrement de Laurent Gbagbo, la Cour pénale internationale doit-elle émettre des mandats d’arrêt contre des pro-Ouattara ? À LIRE AUSSI Dévaluation du franc CFA La rumeur crée la psychose N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Thierry de Montbrial « Le Printemps arabe était imprévisible »

L

es enjeux de gouvernance liés aux bouleversements en Afrique du Nord seront les principaux thèmes de la 4e édition de la World Policy Conference, qui se tient à Vienne (Autriche) du 9 au 11 décembre. Entretien avec son initiateur.

L’Algérie peut-elle rester indéfiniment à l’abri ?

Sûrement pas. Mais elle présente deux singularités : le traumatisme de la guerre civile des années 1990 et un régime qui n’offre pas de prise, puisqu’on a du mal à identifier ceux qui détiennent la réalité du pouvoir. DIRECTEUR GÉNÉRAL Au Maroc, en revanche, JEUNE AFRIQUE : Lorsque la DE L’INSTITUT FRANÇAIS World Policy Conference de Mohammed VI a eu les bons DES RELATIONS Marrakech s’est terminée, réflexes au bon moment. La INTERNATIONALES (IFRI). contestation n’a pas disparu, en octobre 2010, on était mais le souverain a une stratégie de mouloin de se douter que le monde arabe vement. Et puis, la monarchie marocaine entrerait en ébullition… transcende tout, y compris le parti islaTHIERRY DE MONTBRIAL: Peut-on prémiste PJD. Cela étant, même les légitimités voir un tremblement de terre, même cinq les plus ancrées dans l’Histoire peuvent minutes avant qu’il ne se produise? Non. être fragilisées. Au début de l’année 1789, En politique, c’est exactement la même la monarchie capétienne était infiniment chose. Si vous reprenez la séquence du légitime, mais elle a multiplié les erreurs. Printemps arabe – un malheureux s’immole par le feu au fin fond de la Tunisie, L’Occident aura été intraitable avec la ce qui conduit, par effet de contagion, à Libye et attentiste avec la Syrie… la mort de Kaddafi et à une suite d’événeLa diplomatie est par nature à géométrie mentstoutaussiimprobables–,cetenchaîvariable. L’intervention en Libye s’appuyait nement était totalement imprévisible. surunerésolutiondel’ONU,aprèslefeuvert delaLiguearabe.S’agissantdelaSyrie,nous La comparaison avec l’effondrement n’avons à ce jour aucun de ces éléments. Et du bloc soviétique est-elle opportune ? pour avoir la moindre chance de succès, Non, car nous étions dans un contexte une opération militaire devrait être de tout de guerre froide et ces événements ont été autre ampleur que celle menée en Libye. précipités par les décisions de Mikhaïl Gorbatchev. La comparaison appropriée Se dirige-t-on vers de profondes modifiest celle du « printemps des peuples » de cations de la gouvernance mondiale aux 1848, en Europe, qui s’est achevé un peu dépens de l’Occident ? partout par des contre-révolutions. La montée des nations émergentes est en train de transformer le monde. Pour Le monde arabe n’est-il pas sous la menace autant, la Chine n’a guère d’expérience d’une contre-révolution islamiste? diplomatiqueàl’échellemondiale,etPékin Cette poussée islamiste était, elle, parne va pas se précipiter pour se substituer faitement prévisible. Les Occidentaux ont auxÉtats-Uniscommepremièrepuissance une attitude contradictoire – ils veulent la de la planète. C’est donc toujours aux démocratie mais en refusent souvent les Occidentauxd’assurerleleadership.Maisil conséquences – et sont naïfs, puisque son est vital d’élargir le cercle, d’où la nécessité implantation demande du temps. Cela de remettre de l’ordre dans nos affaires. À dit, je ne pense pas que les islamistes, au défaut, il y a risque de désordre, de guerres. Maghreb, cherchent la confrontation. Ils Ce qui est en jeu en Europe aujourd’hui, voudront avoir de bonnes relations avec au-delà de l’euro, c’est la paix. ● l’Occident tout en essayant de transformer Propos recueillis par PHILIPPE PERDRIX lasociétéendouceur,parlapressionsociale. VINCENT FOURNIER/J.A.

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JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Tour du monde

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BIRMANIE – ÉTATS-UNIS

ESPAGNE

Clinton en repérage

H

illary Clinton serait-elle comme saint Thomas, qui ne croyait qu’à ce qu’il voyait de ses yeux ? L’amorce d’une démocratisation du régime désormais civil, au moins en apparence, ayant suscité beaucoup d’espoir, la secrétaire d’État s’est rendue en Birmanie le 30 novembre pour sonder les intentions de ses dirigeants. Elle est le premier haut responsable américain dans ce cas depuis un demi-siècle. Elle y a rencontré plusieurs membres du gouvernement et de l’ex-junte militaire, mais aussi, bien sûr, l’opposante Aung San Suu Kyi, dont l’assignation à résidenceaétélevée en novembre 2010 et dont le parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), devrait être autorisé à participer aux prochaines élections législatives. ●

SAUL LOEB/AFP

ð LA SECRÉTAIRE D’ÉTAT AMÉRICAINE REÇUE PAR

AUNG SAN SUU KYI, l’illustre opposante, à Rangoon, le 2 décembre.

Franco: nouvelle polémique TRENTESIX ANS APRÈS sa mort, l’ancien dictateur Francisco Franco continue de faire parler de lui. Le 29 novembre, une commission mandatée par le gouvernement socialiste a recommandé d’exhumer sa dépouille enterrée au mausolée de Valle de los Caídos, près de Madrid. Les experts veulent « ôter toute connotation idéologique et politique » à ce lieu construit entre 1940 et 1958 par les franquistes à la mémoire des victimes de la guerre civile. Mais Mariano Rajoy, le Premier ministre de droite fraîchement élu, s’y oppose. Pour lui, « le chômage est plus important que Franco ». LE CHIFFRE QUI FAIT TACHE

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BANQUES OCCIDENTALES et non des moindres (JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup, Barclays, HSBC, UBS, etc.) ont été déclassées par l’agence de notation Standard & Poor’s le 29 novembre. Deux banques bénéficient à l’inverse d’une réévaluation de leur note : China Construction Bank et Bank of China. Ça vous étonne ?

JAPON-CORÉE DU SUD FRANCE

Vague antiélites LES CORÉENS ET LES JAPONAIS en ont assez des hommes politiques interchangeables, qu’ils surnomment les bungeoppang, du nom d’un gâteau en forme de poisson qui, où qu’on l’achète, a toujours le même goût. Très déçues par les élites traditionnelles, les nouvelles générations ont ainsi largement contribué à l’élection, le 26 octobre, d’un maire atypique à Séoul : Park Won-soon, un professeur affilié à aucun parti, mais connu pour son passé d’activiste et de militant. Et à celle, deux N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

jours plus tard, d’un avocat de 42 ans, Toru Hashimoto, à la tête d’Osaka, la troisième ville du Japon. Ancien animateur vedette à la télévision, Hashimoto a des projets assez inattendus pour « secouer » sa ville et stimuler son économie. Il le dit luimême : « Il n’y a pas au monde de cité plus obscène et vulgaire qu’Osaka. » De là à vouloir la transformer en capitale du vice, il n’y a qu’un pas que l’édile est disposé à franchir. Son passé l’y aidera sans doute : il est le fils d’un célèbre yakuza de la mafia nippone.

Vote des étrangers: 61 % sont pour L’UMP est contre, mais un sondage BVA-Le Parisien révèle que 61 % des Français sont favorables au droit de vote pour les étrangers non européens lors des élections locales. Du coup, à cinq mois de la présidentielle, l’opposition en fait un thème de campagne : le 8 décembre, le Sénat doit examiner une proposition de loi socialiste sur la question. Un texte qualifié de JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Sandy Huffaker • GETTY/AFP

MEXIQUE/ÉTATS-UNIS

Où s’arrêteront les narcos? ON SE CROIRAIT À REFAH, à la frontière israélo-égyptienne, mais non : jusqu’à sa découverte, le 30 novembre, par la police mexicaine, ce tunnel de 600 mètres de long reliait souterrainement les villes de Tijuana (Mexique) et de San Diego (États-Unis). Il permettait aux cartels de la drogue d’inonder le marché américain en toute tranquillité. C’est le second ouvrage de ce type découvert dans la région depuis un mois.

« hasardeux » par Nicolas Sarkozy, qui, en 2005, était pourtant partisan du vote des étrangers. BELGIQUE

Fin du feuilleton?

CETTE FOIS, C’EST PRESQUE SÛR : le socialiste Elio Di Rupo formera avant Noël le nouveau gouvernement. Six partis flamands et francophones ont, le 26 novembre, trouvé un compromis sur le programme de la future équipe, notamment en matière budgétaire : réduction du déficit public à 2,8 % du PIB et 11,3 milliards d’euros d’économies. ROYAUME-UNI

Manifs monstres

LONDRES, COMME PARIS ? Les manifestations contre la réforme des retraites dans la fonction publique ont rassemblé des foules considérables JEUNE AFRIQUE

dans la capitale et les principales villes du pays. Les fonctionnaires protestaient notamment contre le report à 67 ans (à partir de 2028) de l’âge légal de départ à la retraite, l’augmentation des cotisations et la baisse des pensions. Le mouvement aurait rassemblé 2 millions de grévistes, selon les Trade Unions, et 135 000, selon le gouvernement. Comme à Paris, on vous dit. NORVÈGE

Irresponsable

ANDERS BEHRING BREIVIK, l’extrémiste de droite auteur des tueries d’Utoya et d’Oslo, en juillet, n’ira probablement pas en prison. Le 29 novembre, deux experts psychiatres ont remis leur rapport au tribunal: souffrant de schizophrénie, il ne serait pas pénalement responsable de ses actes. Le tueur, qui avait justifié ses attaques par une prétendue croisade

contre l’« invasion musulmane », devrait être interné en hôpital psychiatrique. La décision revient in fine au tribunal, qui suit généralement l’avis des experts. ÉTATS-UNIS

La fille de Staline est morte  MON PÈRE A RUINÉ MA vie », confiait Svetlana Staline, en 2010, à un journal américain. La fille de Joseph Staline est décédée le 22 novembre aux États-Unis. Elle avait 85 ans. Née en URSS, elle s’était enfuie aux États-Unis en 1967 avec l’aide de la CIA. La publication de deux livres de souvenirs lui rapporta 1,7 million de dollars, qu’elle s’empressa de dilapider. D’abord rebaptisée Svetlana Allilouïeva afin d’effacer tout lien avec son père, elle avait par la suite pris le nom de son mari américain et se faisait appeler Lana Peters. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Grand angle

SIA KAMBOU/AFP

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Ouattara, acte CÔTE D’IVOIRE

II

Douze jours avant les élections législatives du 11 décembre, qui devraient donner une large majorité au chef de l’État, Laurent Gbagbo a été transféré à la Cour pénale internationale. Quelles peuvent être les conséquences de cette confrontation entre l’agenda politique et la chronique judiciaire? Enquête. MARWANE BEN YAHMED, envoyé spécial à Abidjan

«

L

a dernière fois qu’on nous a promis que les élections nous sortiraient de la crise, on a eu la guerre. Avec le transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI, j’ai peur que les législatives du 11 décembre dérapent, une nouvelle fois. » Thierry, jeune entrepreneur ivoirien

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

dans le secteur de la construction, n’a jamais caché que son président à lui, c’était Laurent Gbagbo, celui pour lequel il avait voté au premier comme au second tour de la présidentielle. Après la capture de Gbagbo, le 11 avril 2011, il avait décidé de mettre de côté sa rancœur et son acrimonie, admettant la défaite de son « héros » et reconnaissant que son obstination n’avait fait que provoquer mort et désolation. Comme l’écrasante majorité de ses compatriotes, Thierry n’avait plus qu’une idée en tête : tourner JEUNE AFRIQUE


Grand angle ð AU PALAIS PRÉSIDENTIEL, le 29 septembre.

mercenaires, explique Marcel, avocat au barreau d’Abidjan. Et encore, je ne parle que de la crise postélectorale, pas des escadrons de la mort, de Gueï, de Jean Hélène, de Guy-André Kieffer ou de la tentative de liquidation de Ouattara et de son épouse en 2002. Alors les leçons de morale sur la justice des vainqueurs ou l’impunité des comzones… Bien sûr que certains d’entre eux se sont livrés à des exactions et devraient rendre des comptes, mais renvoyer les deux camps dos à dos, comme s’ils étaient responsables à parts égales de tous ces crimes, c’est de la mauvaise foi. Pis, c’est aussi oublier les avanies subies des années durant par les gens du Nord, traités comme des sous-hommes et désignés à la vindicte populaire, comme les responsables de tous les maux du pays. »

Élan brisé ?

cette bien sinistre page. Pour retrouver sa vie d’avant cette satanée « décennie perdue ». Gbagbo détenu aux confins septentrionaux du pays, dans « les oubliettes de Korhogo », il avait fini par s’y faire. Puis la nouvelle de son extradition, le 29 novembre, vers La Haye est tombée. Le choc. Une nouvelle humiliation, cette incarcération chez « les Blancs », ceux-là mêmes qui avaient « précipité – sinon organisé – sa chute ». Et le retour présumé, pense-t-il, des vieux démons : jamais ses partisans, les vrais, ceux qui n’ont plus rien à espérer, donc à perdre, ne resteront les bras croisés. La réconciliation ? « Une farce ! Après ce qui s’est passé, il faudra des lustres pour que les uns et les autres oublient ou pardonnent. Cette justice est inique. Et ce n’est pas le comportement des vainqueurs, les “golden boys” de Ouattara, ni surtout ces soudards du Nord qui se croient tout permis qui vont apaiser les tensions… » Réaction inverse, évidemment, dans le camp d’en face: « Gbagbo a ruiné le pays, vidé ses caisses pour son propre compte, fait tuer, exécuter ou violer des centaines d’innocents, utilisé l’armée contre des civils pour défendre son pouvoir, recruté des JEUNE AFRIQUE

Cette incarcération chez « les Blancs » est une nouvelle humiliation pour les pro-Gbagbo.

Ainsi va la Côte d’Ivoire à l’orée des élections législatives du 11 décembre. Divisée, fiévreuse, et tenaillée par le désir de vengeance des uns et la rancune des autres. Jusqu’à l’annonce du transfèrement de Gbagbo à La Haye, pourtant, tout incitait à l’optimisme. Du moins dans la capitale économique, plus sûre, plus propre, en travaux. Les Abidjanais se déplaçaient de nouveau sans crainte. Le gouvernement donnait au plus grand nombre, même parmi ses opposants, l’impression de travailler d’arrache-pied pour rattraper le temps perdu. Les règlements de comptes diminuaient, comme les braquages ou le racket organisé par des hommes en armes censés assurer la sécurité des Ivoiriens. L’activité économique repartait, au point de revoir à la hausse les prévisions de « croissance » pour l’année 2011 (– 3 % du PIB environ, contre – 8 % envisagés au départ). L’élan sera-t-il brisé ? Malgré les inquiétudes exprimées par Thierry et bien d’autres, rien n’est moins sûr. Parce que le camp Gbagbo est laminé et s’est considérablement dépeuplé, entre l’exil des uns et l’embastillement des autres, le ralliement, aussi, de tous ceux qui, par opportunisme, conviction ou déception devant l’attitude suicidaire de l’ex-président, ont reconnu la légitimité du pouvoir d’Alassane Ouattara (ADO). Un pouvoir qui a rapidement tissé sa toile, installé ses hommes à la tête des institutions et façonné une nouvelle armée, en veillant tout de même à respecter un équilibre minimum entre Forces nouvelles et « forces anciennes ». Ouattara, s’il doit toujours composer avec ceux de son camp qui l’ont aidé à remporter l’élection de 2010 (le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, PDCI, de l’ancien président Henri Konan Bédié) puis à s’emparer du fauteuil présidentiel (les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, FRCI), n’a ni opposition ni contre-pouvoirs face à lui. Les puissants lobbies économiques, y compris ceux qui avaient pris fait et cause pour Gbagbo, se sont rangés en un tournemain derrière ADO. Les lumières ● ● ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Grand angle

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Enquête ● ● ● du pouvoir, peu importe son identité, attirent toujours les lucioles…

Des élections sans enjeu ?

Ü L’EX-PRÉSIDENT EN RÉSIDENCE

SIA KAMBOU/AFP

SURVEILLÉE, à Korhogo, le 2 mai.

Les législatives, présentées comme une simple formalité, n’en constituent pas moins le premier véritable test pour Alassane Ouattara et la nouvelle Côte d’Ivoire. « La priorité, au-delà des résultats, nous a expliqué le chef de l’État rencontré au palais présidentiel du Plateau, fin novembre, c’est qu’elles se passent bien. Sans heurts et sans accrocs dans le déroulement du scrutin. » 25 000 policiers et militaires seront ainsi déployés pour surveiller les opérations de vote. Deuxième enjeu, l’issue du bras de

fer, feutré pour l’instant, entre son Rassemblement des républicains (RDR) et le PDCI d’Henri Konan Bédié, le « grand frère » et faiseur de rois. Les deux formations présentent quasiment le même nombre de candidats et la bataille s’annonce âpre. Mais il fait peu de doutes que le RDR l’emportera. Parce que son fief du Nord, « emprunté » par le PDCI lors des élections de 2000 boycottées par le RDR, est un bastion inexpugnable qui donnera peu de voix aux autres formations. Mais aussi parce que le RDR a toujours recueilli des scores plus qu’honorables dans le Centre comme dans le Sud. Et enfin, comme l’explique cyniquement un vieux routier de la politique ivoirienne, « parce que celui qui est

D’Abidjan à Scheveningen 11 AVRIL

Laurent Gbagbo est arrêté dans sa résidence présidentielle, à Abidjan.

13 AVRIL

Il est transféré à Korhogo, dans le nord du pays. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

25 MAI

Amnesty International accuse toutes les parties d’exactions après l’élection présidentielle du 28 novembre.

10 JUIN

Une commission d’enquête de l’ONU

met en cause les forces armées de Gbagbo (FDS) et celles de Ouattara (FRCI).

de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

23 JUIN

La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) soutien la procédure.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, demande l’ouverture d’une enquête sur

29 JUIN

18 AOÛT

La justice ivoirienne JEUNE AFRIQUE


Côte d’Ivoire

ci

t

ex

cl

us

if

au pouvoir, en Afrique, gagne presque toujours ». Dernier enjeu, la participation. Entre la crainte de dérapages, les préoccupations quotidiennes des Ivoiriens, l’absence de suspense, et le boycott du scrutin par le Front populaire ivoirien (FPI) et ses petits alliés – même si nombre de candidats indépendants son issus de l’ex-mouvance présidentielle qui soutenait le « camarade » Laurent –, le spectre d’une forte abstention n’est pas à écarter. Ensuite ? Viendra le temps de la formation d’un nouveau gouvernement, même s’il ne faudra pas s’attendre à de profonds bouleversements, qui sera toujours dirigé par un Guillaume Soro candidat aux législatives sous les couleurs du… RDR. Puis,

peut-être, celui de la fusion du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) en un grand parti politique, projet auquel tient le chef de l’État, avec l’assentiment discret, semble-t-il,deBédié.Débarrassédesonpireennemi envoyé à la CPI, appuyé par une Assemblée nationale acquise à sa cause, équipé d’une armée mise au pas, soutenu par une communauté internationale et des institutions financières séduites par son profil de gestionnaire rigoureux peu enclin aux prurits souverainistes, Ouattara disposera alors de plus de pouvoir qu’aucun de ses deux prédécesseurs. Revers de la médaille, il n’aura aucune excuse en cas d’échec… ●

Les L secrets de l’« opération Gbagbo »

La remise rem par les autorités de l’ancien chef de l’État à la Cou Cour pénale internationale a été savamment orchestrée et rondement menée.

PASCAL AIRAULT

L

es images des portes du pénitencier de Scheveningen se refermant derrière le véhicule transportant Laurent Gbagbo ont fait le tour du monde. Comme un clap de fin. Elles marquent l’épilogue d’une folle semaine où les avocats du désormais prisonnier le plus célèbre du monde n’ont pu empêcher son transfert à la Cour pénale internationale (CPI). Le scénario, écrit dans le plus grand secret – notamment lors d’une rencontre à Paris le 26 novembre – par le président ivoirien Alassane Ouattara et le procureur argentin Luis Moreno-Ocampo, a parfaitement fonctionné. « Ils nous ont pris de vitesse pour nous empêcher de déposer des recours », confie, un brin amer, Me Emmanuel Altit, l’avocat français de l’ancien chef d’État. Autre son de cloche du côté d’Abidjan. « Nous avons

inculpe Gbagbo pour crimes économiques.

3 OCTOBRE

La CPI décide l’ouverture d’une enquête.

5 OCTOBRE

Human Rights Watch (HRW) met en cause JEUNE AFRIQUE

respecté toutes les procédures légales », affirme Me Jean-Paul Benoit, avocat de l’État ivoirien. Vendredi 25 novembre BRANLE-BAS DE COMBAT

Vers midi, les défenseurs de Laurent Gbagbo sont informés par le palais de justice d’Abidjan que leur client doit être entendu, le 28 novembre, par un juge ivoirien dans le cadre de l’enquête ouverte sur les crimes économiques commis durant la période postélectorale, entre novembre 2010 et avril 2011. Branlebas de combat au sein du collectif des avocats. Il faut rejoindre, au plus vite, Korhogo, à plus de 600 km, où se tiendra l’audience. Agathe Baroan, Serge Gbougnon et Toussaint Dako prennent rapidement la route pour la cité du Poro, où est détenu l’ancien président.

Samedi 26 et dimanche 27 novembre « SARKO M’A TUER »

Leur consœur franco-camerounaise, Lucie Bourthoumieux, a également fait le voyage. Conseil stratégique de Laurent Gbagbo, elle travaille avec les ténors du barreau français, Mes Roland Dumas et Jacques Vergès. Dans la matinée du samedi, elle rend visite à l’ex-chef de l’État, dans la villa du gouverneur de Korhogo, où il est détenu. Au cours de cet entretien en tête à tête sont abordées les questions politiques à l’approche des élections législatives du 11 décembre et les actions de lobbying. Les défenseurs ivoiriens les rejoignent ensuite pour une séance de travail visant à préparer l’audience du lundi. Leur client a le moral et se montre combatif. Reclus depuis plus de sept mois, il consacre son temps à la lecture, aux prières, et regarde aussi la télévision. Ce jour-là, il est en train de relire les Mémoires du général de Gaulle (Gallimard) après avoir avalé dernièrement Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (Éditions La Découverte), Le Visage de Dieu (Grasset), Mémoires du chef ● ● ●

13 dirigeants civils et militaires dans les violences, dont l’ex-chef de l’État.

délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Gbagbo.

entre Alassane Ouattara et Moreno-Ocampo.

15 OCTOBRE

23 NOVEMBRE

Visite de Moreno-Ocampo à Abidjan.

Ce mandat d’arrêt est rédigé et signé par les juges de la CPI.

25 OCTOBRE

26 NOVEMBRE

Le mandat d’arrêt est signifié à Gbagbo à Korhogo, il est transféré dans la nuit à la prison de Scheveningen, près de La Haye, où sont placés les détenus de la CPI.

Le procureur demande la

Rencontre à Paris

29 NOVEMBRE

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Grand angle

Enquête

SIA KAMBOU/AFP

TOUSSAINT KLUITERS/AFP

À LA TOMBÉE DE LA NUIT, LE 29 NOVEMBRE, LAURENT GBAGBO est emmené à l’aéroport de Korhogo, où l’attend un Grumman de l’État ivoirien.

des services secrets de la France libre (Odile Jacob). Et, surtout, Sarko m’a tuer (Stock), le livre au titre évocateur des deux journalistes français Gérard Davet et Fabrice Lhomme. On lui remet aussi Le Coup d’État (Duboiris), une enquête qui lui est totalement favorable, signée du journaliste camerounais Charles Onana. Il commande enfin à Me Bourthoumieux de nouveaux livres rares de Flavius Josèphe, historien du Ier siècle, sur les conflits entre Rome et Jérusalem. ●●●

Aucoursdecettevisite,leDrChristophe Blé, qui vit aux côtés de Gbagbo, est appelé pour examiner le général Bruno Dogbo Blé, l’ancien patron de la Garde républicaine, également détenu à Korhogo. Cette information, parvenue aux oreilles des partisans de l’ancien président, est à l’origine d’une rumeur qui va faire le tour de la blogosphère durant le week-end : « On retire à Gbagbo son médecin pour l’extrader. » Il n’en est rien. Le docteur est rapidement de retour. Gbagbo, avant

CE QUI ATTEND GBAGBO e iduelle en tant qu bilité pénale indiv sa on sp re ] sa [… gé bo a enga -3-a du Statut. […] Laurent Gbag sens de l’article 25 desdits crimes au » t ec dir in r teu « coau

LAURENT GBAGBO A RENDEZVOUS, le 5 décembre à 14 heures, avec la présidente de la 3e chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI), Silvia Fernández de Gurmendi, et ses deux assesseurs pour l’audience publique de comparution initiale. Les juges vérifieront son identité, lui signifieront ses droits et s’assureront qu’il a été informé des crimes dont il est soupçonné. Ce préambule sera on des charges suivi d’une audience de confirmation ques mois. dans quelques semaines, voire quelques -Ocampo et son équipe D’ici là, le procureur Luis Moreno-Ocampo réuniront les preuves de l’accusation. Les avocats de l’État ivoirien, les Français Jean-Pierre Mignard et Jean-Paul Benoit, se rendront à la CPI, le 8 décembre, pour étudier les modalités de leur collaboration. De son côté, Gbagbo préparera sa défense avec ses avocats, dont il devra rapidement communiquer la liste. Il pourra alors s’entretenir librement et confidentiellement avec ses défenseurs. À l’issue de l’audience de confirmation des charges, les juges auront soixante jours pour rendre leur décision : abandonner ou poursuivre. S’ils poursuivent, le procès ne devrait pas avoir lieu avant plusieurs mois. ● P.A. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

de se séparer de ses avocats, demande encore à Me Bourthoumieux de porter des nouvelles rassurantes à sa mère, 88 ans, qui vit à Accra. Lundi 28 novembre PIÈGE OU DIVERSION ?

Laurent Gbagbo est informé, dans la matinée, que le président de la chambre d’accusation d’Abidjan viendra examiner, le lendemain, ses conditions de détention. Une bonne nouvelle. Depuis plusieurs mois, il demande à pouvoir sortir dans la cour de sa résidence pour faire de l’exercice. Enfermé sept jours sur sept, il souffre de problèmes d’arthrose aux poignets et à l’épaule. Vers 15 heures, il rejoint ses avocats au tribunal d’instance de Korhogo pour répondre aux questions de la doyenne des juges d’instruction, Delphine Makoueni Cissé, dans le cadre de l’enquête sur les crimes économiques. Depuis les premières lueurs du jour, le bâtiment est fortement gardé par des militaires. Sur la porte principale, une affiche indique « fermeture au public jusqu’au 30 novembre ». L’interrogatoire va durer près de quatre heures avant que l’ex-président regagne sa villa. « Il a accepté de répondre aux questions », explique Me Gbougnon sans plus de détails. Gbagbo a rendez-vous le lendemain matin pour la poursuite de l’audition. Il ne se doute pas encore qu’il passe alors sa dernière nuit en Côte d’Ivoire. Mardi 29 novembre LA NASSE

À 7 heures du matin, le tribunal d’instance est bouclé par les hommes du commandant Fofié Kouakou, à la tête de la Compagnie territoriale de Korhogo (CTK). Le personnel est mis en congé jusqu’au lendemain. Les avocats de JEUNE AFRIQUE


Côte d’Ivoire

MICHAEL KOOREN/REUTERS

GEORGES GOBET/AFP

Destinations: l’aéroport de Rotterdam (Pays-Bas), après une escale à Abidjan, puis, par la route, la prison de Scheveningen, près de La Haye.

Gbagbo se rendent au palais de justice pour la poursuite de l’audience. Accompagné de magistrats ivoiriens et des greffiers de la CPI arrivés d’Abidjan, le procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio, entre alors en scène. Il notifie à Gbagbo son mandat d’arrêt à 13 h 35, avant de procéder à la vérification de son identité et de transmettre aussitôt le dossier à la chambre d’accusation, qui doit statuer sur l’extradition. Les avocats veulent s’y opposer en déposant un recours pour « arrestation, détention et transfèrement illégaux ». Refus catégorique. Après des discussions animées, Gbagbo met fin aux débats. Pour lui, c’est une décision politique et il ne sert à rien de la retarder. « Il était préparé psychologiquement. Depuis le mois de mai, il explique que Ouattara ne peut gouverner tant qu’il réside sur l e t e r r i toi re nati o na l , e x p l i q u e Me Gbougnon. Cette nouvelle épreuve n’est pas la fin de sa carrière politique. Il nous répète souvent que la prison e st u n c h e m i n p ou r a l l e r à l a présidence. » Vêtu d’un pantalon de couleur kaki et d’une chemise blanche, l’ex-président quitte alors le tribunal vers 18 heures au milieu d’un cortège de voitures aux vitres teintées escortées par les militaires ivoiriens et les Casques bleus. Direction : l’aéroport de Korhogo, où l’attend un Grumman de l’État de Côte d’Ivoire. Le site est entièrement quadrillé et impossible d’accès. À 18 h 21, l’avion décolle pour un vol à destination d’Abidjan. Durant une brève escale, le temps de faire le plein de carburant, certains prétendent avoir vu Gbagbo menotté au salon d’honneur de l’aéroport. Une version démentie par les autorités ivoiriennes, qui assurent l’avoir traité « avec dignité ». Accompagné JEUNE AFRIQUE

des greffiers et du personnel de sécurité de la CPI, et des représentants de l’État ivoirien, il remonte à bord du même Grumman. Sa prochaine destination : La Haye, aux Pays-Bas. Mercredi 30 novembre PREMIÈRES FORMALITÉS

Arrivé un peu après 4 heures du matin à l’aéroport de Rotterdam, Gbagbo est ensuite conduit à bord d’un van gris métallisé, escorté par une voiture de la police néerlandaise, au centre de détention de Scheveningen, dans la

banlieue de La Haye. Le nouveau pensionnaire y prend ses quartiers. Dans la matinée, il subit un examen médical, se voit signifier le règlement intérieur et se prête aux formalités administratives. Son avocat français, Me Emmanuel Altit, saute alors dans le premier avion pour Rotterdam. Lui aussi passe sa journée à la CPI afin de régler les détails liés à la procédure judiciaire et aux visites. « La comparution initiale de Laurent Gbagbo est programmée pour le lundi 5 décembre à 14 heures », annonce la CPI dans un communiqué. ●

Quotidien carcéral Parmi les codétenus de Laurent Gbagbo, le Congolais Jean-Pierre Bemba et le Libérien Charles Taylor.

L

e centre pénitentiaire de Scheveningen jouit d’un bon standing : cellules individuelles, salles à manger, possibilité d’avoir des plateauxrepas ou de se faire la cuisine. Laurent Gbagbo dispose aussi d’un bureau, de meubles de rangement, de toilettes, d’une télévision et d’un ordinateur. Il peut suivre des cours d’informatique. L’organisation de sa défense devrait lui prendre une bonne partie de son temps. Dès le lendemain de son arrivée, le 1er décembre, il a reçu la visite de son avocat, Me Altit, avec qui il a eu un premier entretien de trois heures. Son conseil l’a trouvé « épuisé, encore sous le choc, mais courageux et très lucide ». Sur son temps libre, Gbagbo peut effectuer une promenade quotidienne dans la cour de la prison, faire de l’exercice avec d’autres détenus dans la salle de sport (tennis, notamment…) et participer à des activités manuelles. Sa famille a un

droit de visite hebdomadaire. Plusieurs proches, dont sa belle-fille qui vit aux États-Unis, Marie Antoinette Singleton, ont d’ailleurs déjà prévu d’aller le voir. Très rapidement, le nouveau prisonnier devrait faire la connaissance des autres hôtes du pénitencier : l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba et ses trois compatriotes, Thomas Lubanga, Matthieu Ngudjolo et Gervais Katanga, les Serbes Ratko Mladic et Radovan Karadzic ou encore le Libérien Charles Taylor. La dernière rencontre entre les deux anciens chefs d’État s’était déroulée à Kara, au Togo, dans le fief nordiste de feu Gnassingbé Eyadema, en avril 2003. À l’époque, Gbagbo avait reproché à son homologue d’avoir envoyé ses généraux et des mercenaires pour appuyer les exrebelles ivoiriens, en septembre 2002. De quoi alimenter leur conversation… ● P.A. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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olivier pour J.A.

t Dans son bureau, à l’Assemblée nationale, en juin dernier.

Mamadou Koulibaly « Le fait du prince est érigé en système » « Ni Gbagbo ni Ouattara » est la ligne politique de celui qui fut un proche de l’ancien président. Sans complaisance avec ses ex-camarades du FPI, le président sortant de l’Assemblée nationale l’est également avec le nouveau pouvoir. Propos recueillis à Abidjan par

MArwAne ben yAhMed

P

ont commis des crimes. Il ne peut y avoir de réconciliation sans justice équitable…

Enfin, le président a décidé d’augmenter le nombre de députés, sans aucun critère précis, démographiques ou autres, et d’affecter ce surcroît à certaines circonscriptions sans explication ni justification. Comme il a supprimé, toujours sans la moindre consultation, le financement public des partis politiques. Le fait du prince est érigé en mode de gouvernance. C’est grave. quel est, selon vous, l’enjeu majeur des législatives du 11 décembre?

Ces élections auraient dû permettre de poursuivre le processus de réconciliation. Compte tenu des comportements que je viensd’évoqueretdufaitquetoutelaclasse politique n’y participe pas, je doute de l’intérêtdecescrutin.Onpeutsedemander d’ailleurs s’il n’aurait pas fallu inverser les priorités: la réconciliation et l’apaisement d’abord, les élections ensuite. et concernant Lider, votre formation politique, quels sont vos objectifs?

Nous présentons douze candidats dans huit circonscriptions. Nous voulons poursuivre l’implantation nationale de notre parti créé il y a quatre mois, nous tester lors d’une campagne électorale, aguerrir nos candidats qui vivent là, pour la plupart, leur première expérience politique. Pour être franc, si nous avons 1 député à l’Assemblée, ce sera déjà bien…

rogressivement écarté par l’ancien chef de l’État pour avoir dénoncé les excès du régime des refondateurs, exilé au Ghana pendant la crise postélectorale puis évincé, début juillet, du Front populaire ivoirien (FPI) après son retour au pays pour « trahison », le futur ex-président de l’Assemblée nationale a créé son parti, Liberté et Démocratie pour la République (Lider). Premier test : les législatives du 11 décembre. Horizon plus lointain, la présidentielle de 2015.

Le président Ouattara ne fait que violer les textes. Ainsi de notre loi fondamentale, lorsqu’il a pris un décret pour nommer le nouveau président du Conseil constitutionnel, Francis Wodié, en remplacement de Paul Yao N’dré, qui n’avait pourtant pas démissionné. Il a fait de même avec les membres de la Commission électorale, largement en sa faveur. Puis l’Assemblée nationale : notre

Jeune Afrique : que pensez-vous du transfert de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPi) ? MAMAdou KouLibALy: Pourquoi juger

les deux camps ont commis des crimes. pas de réconciliation sans justice équitable…

et punir le seul Gbagbo? La mission d’une classe politique n’est pas de conduire son pays à la guerre. Nous sommes tous, je dis bien tous, responsables de ce qui s’est passé. Mais là, nous sommes confrontés à la justice des vainqueurs, qui punit Gbagbo et les vaincus au nom des crimes qu’ils auraient commis et absout Ouattara et ses troupes au nom des crimes dont ils auraient été victimes. Or les deux camps n o 2656 • du 4 au 10 décembre 2011

Six mois après l’arrivée au pouvoir d’Alassane ouattara, quelle est votre perception de l’état général du pays ?

Constitution précise que son mandat expire après les élections législatives. Ouattara, lui, a décrété que le mandat avait expiré en 2005… C’est d’autant plus ubuesque que, depuis cette date, le Parlement a voté une quarantaine de lois qui sont en vigueur et utilisées par le pouvoir. L’Assemblée serait donc illégale, mais les lois qu’elle a adoptées, non…

Comment qualifieriez-vous votre formation? de droite? de gauche?

Cette compartimentation n’a aucune valeur en Côte d’Ivoire. Gbagbo était de gauche. A-t-il mené une politique en adéquationavecsesprincipes?Jepourraisdire la même chose de Bédié ou de Ouattara,

censés être de droite. Dans la pratique, ils font tous pareil: ils obéissent au pacte colonial hérité des accords de coopération signésaveclaFranceaprèsl’indépendance. Nous, nous défendons l’économie de marché, la liberté d’entreprise et la propriété privée en refusant qu’un tuteur nous guide en fonction de ses intérêts sur la voie de la mondialisation. l jeune afrique



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Afrique subsaharienne

Macky Sall

« À son âge, Wade mérite de prendre sa retraite »

Candidat à la présidentielle de février 2012 au Sénégal, le leader de l’Alliance pour la République estime qu’il est temps que le chef de l’État quitte le pouvoir. Entretien avec un homme qui fut longtemps un fidèle d’Abdoulaye Wade… et qui est aujourd’hui l’un de ses plus solides adversaires.

Propos recueillis par

ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

W

ade, c’est peutêtre la meilleure chose qui lui soit arrivée. Il ne le dira pas comme ça, bien sûr, mais c’est bien avec puis contre le chef de l’État que Macky Sall s’est forgé en politique. C’est Wade qui lui a donné sa chance au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS). C’est lui qui l’a nommé ministre des Mines et de l’Énergie, au début des années 2000, avant de lui confier l’Intérieur puis, en avril 2004, la primature et enfin la direction de sa campagne pour la présidentielle de 2007. Aujourd’hui encore, alors même qu’il est passé à l’opposition, Macky Sall détient le record de longévité pour un Premier ministre de Wade. La meilleure des choses aussi parce que le chef de l’État a fini par le prendre en grippe. Tout juste réélu, Wade refuse de reconduire son chef du gouvernement, pourtant reconnu pour son sérieux et sa fidélité. Il réduit ensuite la durée de son mandat à la tête de l’Assemblée nationale et lui retire le poste de numéro deux du PDS. Pour Macky Sall, c’en est trop. Wade, les humiliations, c’est terminé. Il claque la N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

porte du parti et crée, en décembre 2008, l’Alliance pour la République (APR), la formation dont il portera les couleurs à la présidentielle du 26 février. Des regrets ? Jamais, assure l’intéressé. « Je rends grâce à Dieu de ma disgrâce. » Interview. JEUNE AFRIQUE : Un sondage paru dans Le Pays au quotidien, le 22 novembre, donne le président Wade vainqueur dès le premier tour avec 53 %.Vous seriez, quant à vous, troisième… Cela vous inquiète, à trois mois de la présidentielle ? MACKY SALL : Non, parce que si l’on

parle de ce sondage, il faut mentionner aussi celui qui a été publié, le même jour, dansL’Observateuret quimedonneen tête devant Wade, avec 27,4 %. Il est évident qu’une enquête d’opinion qui donne une majorité absolue au président sortant dès le premier tour ne correspond à rien. Lors des élections locales de 2009, il a perdu Dakar, Thiès, Fatick, le Sine-Saloum… On ne peut pas perdre des régions et faire plus de 50 % au premier tour.

Votre parti, l’Alliance pour la République (APR), fait partie de la coalition Benno Siggil Sénégal. Benno a du mal à choisir qui, de Moustapha Niasse ou d’Ousmane

Tanor Dieng, portera ses couleurs en 2012. N’est-ce pas de mauvais augure pour l’opposition ?

Non. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut à tout prix une candidature unique. Moi, l’unicité, je l’accepte en religion, pas en politique. Dans une élection à deux tours, la diversité des candidatures équivaut à une primaire. En revanche, les membres de Benno devront signer un pacte de soutien pour le second tour. C’est une manière de justifier le maintien de votre candidature ?

Je l’ai toujours dit : le maintien de ma candidature ne dépend pas de Benno. Benno ne se réduit pas à Tanor ou à Niasse, malgré tout le respect que j’ai pour eux. Mais n’y a-t-il pas un risque que Wade l’emporte dès le premier tour ? JEUNE AFRIQUE


ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

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C’est impossible. Il y aura un second tour, si nous sommes dans chacun des 13 000 bureaux de vote. Mettez-vous en doute la transparence du scrutin ?

La transparence, nous devons l’exiger. Nous devons déjà faire en sorte que la distribution des cartes d’électeur se déroule normalement et, le jour du scrutin, nous devrons nous mobiliser pour être présents sur le terrain. Il va falloir être très vigilant. Et vous ne vous désisterez pas ?

Il n’en a jamais été question. Depuis que j’ai compris que je n’avais plus d’avenir au sein du PDS et que le projet que nous avions porté, le Sopi, avait été trahi, je me suis donné une nouvelle perspective. Je n’ai pas fait tout cela pour me retirer. JEUNE AFRIQUE

CRAIGNANT POUR SA SÉCURITÉ, il ne se déplace plus qu’avec des gardes du corps. « Avec les militants du parti, ils sont ma meilleure protection. » Quand avez-vous senti le vent tourner ?

En 2007, peu avant que je prenne la présidencedel’Assembléenationale.Wade venait de remporter la présidentielle. Pour son entourage, j’étais devenu un obstacle qu’il fallait éliminer. Tout était fait pour qu’on aille vers une « dynastisation » du pouvoir. Évidemment, aujourd’hui, le projet est à l’eau, mais ça ne veut pas dire qu’il a été définitivement abandonné. Je continue à penser qu’il y a une possibilité pour que Wade ne soit pas le vrai candidat du PDS, malgré tout ce tintamarre autour des constitutionnalistes à qui l’on a demandé de valider sa candidature. Tout cela ne pourrait être qu’un grand coup de bluff.

Mais en faveur de qui ?

De son fils, peut-être, ou d’un autre, je ne sais pas…

Le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur la candidature de Wade en janvier. Peut-il décider en toute indépendance ?

Je ne peux pas préjuger de leur attitude, mais les juges et le président du Conseil savent l’état de l’opinion. Ils connaissent les risques. Voulez-vous dire que, s’ils validaient la candidature présidentielle, on irait au clash ?

C’est clair. Une telle décision pourrait plonger le pays dans l’instabilité politique alors que ce dont il a besoin, c’est d’élections apaisées. La meilleure chose que puisse faire Wade, c’est de quitter le N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


Afrique subsaharienne pouvoir. Il mérite de prendre sa retraite, à son âge !

Craignez-vous pour votre sécurité ?

Oui. Je suis obligé de me protéger, sinon j’aurais été éliminé physiquement depuis longtemps par mes adversaires du PDS. Je ne mets pas en cause la hiérarchie ; les menaces dont je fais l’objet sont le fait d’illuminés.

Également candidat, Idrissa Seck. Vous êtes tous deux d’anciens Premiers ministres de Wade, d’anciens déçus du PDS… Vos candidatures ne sont-elles pas redondantes?

Non. Lui c’est lui, et moi c’est moi. Nous avons des parcours et des projets politiques différents. Je n’ai rien à dire de plus.

En juillet, vous aviez accusé Wade de recruter des mercenaires… À l’époque, beaucoup avaient souri. Maintenez-vous vos accusations ?

Si l’on en croit les câbles diplomatiques publiés par WikiLeaks, vous avez eu des propos très durs contre Seck en 2006, l’accusant de corruption et affirmant que sa place était en prison. Maintenezvous ces accusations ?

On ne parle peut-être plus de mercenaires, mais il est sûr que des nervis ont été recrutés, qu’ils sont armés, qu’ils ont des chiens d’attaque et qu’ils Je n’ai jamais tenu de tels n’appartiennent pas à la propos. gendarmerie. Ils sont déjà venus devant le domicile Les câbles sont erronés ? LE CHEF DE L’ÉTAT ET SON PREMIER MINISTRE, en novembre 2006, Oui. Je n’ai rien dit de tout de Tanor ou de Niasse, il y a à Dakar. À l’époque, Macky Sall a encore le vent en poupe. cela. quelques semaines… Quand on commence à recourir à C’est un oubli. Cela ne me paraissait Pourriez-vous travailler avec Idrissa des milices, je dis qu’il y a danger pour Seck ? la démocratie. pas extraordinaire. Avant lui, on avait reçu Pourquoi pas. Si demain je suis préd’autres ministres à l’Assemblée natiosident, il pourra contribuer à la marche Pourriez-vous rentrer dans le rang si nale : c’est normal dans une démocratie. du Sénégal au sein d’une équipe plurielle. Wade vous faisait une offre suffisamment ALIOU MBAYE/PANAPRESS

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Et si c’était à refaire ? Quelles sont vos relations avec Karim Wade ?

Ni hostiles ni cordiales: nous n’en avons pas. Il n’y a pas très longtemps, en revenant de Kaolack, il est allé chez moi, à Fatick. C’est gentil, mais j’étais à Dakar. Peut-être que la prochaine fois il me préviendra avant, pour que je sois là. Pourriez-vous envisager de travailler pour lui ?

[Rires] Non, impossible.

c ’e s t

Faut-il redouter un regain de tension avant l’élection ?

généreuse ?

Wade ne peut me faire aucune offre, sinon dire qu’il se retire. Alors là, malgré son bilan, je le féliciterais publiquement. Vous critiquez son bilan, mais en tant qu’ancien Premier ministre notamment, vous en êtes comptable…

C’est vrai, et j’assume tout ce que j’ai fait, mais ce n’est pas moi qui ai défini la

Travailler pour Karim Wade? Impossible! Mais il peut toujours rejoindre une équipe que je dirige…

Et avec lui ?

S’il est dans une équipe que je dirige, pourquoi pas. L’inverse est exclu.

Quand vous étiez au perchoir, vous aviez convoqué Karim Wade pour qu’il s’explique sur les comptes de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci). Pourquoi ne pas avoir d’abord prévenu son père ? N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Je le convoquerais de nouveau, mais je préviendrais le chef de l’État. Je l’aurais fait si j’avais pensé que c’était important. Toutefois, je ne regrette rien du parcours que j’ai eu. Je rends grâce à Dieu de ma disgrâce.

Oui, et la solution est entre les mains du président. S’il veut des élections apaisées, il faut qu’il montre le chemin. S’il veut aller à la confrontation, alors nous irons à la confrontation. Vous vous déplacez toujours avec des gardes du corps armés. L’année dernière, votre convoi a été attaqué…

politique de la nation. Cela dit, Wade a aussi fait de bonnes choses. Prenons le cas des infrastructures : il y a eu des réalisations, mais elles ont mis en évidence aussi une mauvaise gouvernance. Ce dont le Sénégal a besoin, c’est d’infrastructures de transports, de santé… pas de la plus belle corniche d’Afrique avec des palmiers et où 1 km aura coûté jusqu’à 5 JEUNE AFRIQUE


jeune afrique .com

ð Retrouvez l’interview de Macky Sall en vidéo

ou 6 milliards de F CFA [7,6 à 9,1 millions d’euros].

sur le terrain, et en 2009 nous avons aidé Bennoàl’emporterdansplusieursrégions.

L’APR a trois ans. Est-elle suffisamment implantée pour peser dans le scrutin?

Mais avez-vous un électorat solide en dehors de Fatick, votre fief ?

Notre parti est jeune, mais ses leaders ne lesontpas.Nousavonsfaituntravaildefond

Bien sûr ! À Matam et à Pikine, nous sommes très loin devant tous les autres. Il

Afrique subsaharienne y a Tambacounda, Saint-Louis aussi dans une moindre mesure… Le maire, Cheikh Bamba Dièye, est un partenaire. La force d’un parti n’est pas corrélée à son âge. On a vu des partis qui avaient plus de 30 ans faire moins de 5 % à l’élection. Attendons le 26 février. ●

Le match des fils perdus Ils ont connu des destins similaires, mais cela ne les a pas rapprochés. Tous deux libéraux, tous deux candidats, Idrissa Seck et Macky Sall ne s’entendent pas.

D

un côté comme de l’autre, on s’échine à faire semblant de s’ignorer. Macky Sall, le leader de l’Alliance pour la république (APR) ? « C’est le cadet de nos soucis », affirme Ousmane Thiongane, le responsable de la communication de Rewmi, le parti d’Idrissa Seck. Cela n’empêche pas les uns et les autres de fourbir leurs armes. Car ces deux dissidents de la famille libérale le savent : dans la perspective de la présidentielle de 2012 (et plus sûrement de la suivante, en 2019), ils chassent sur les mêmes terres et se disputent le même héritage, celui d’Abdoulaye Wade. La première banderille a été lancée par Seck à la mi-novembre. À une question d’un journaliste sur Karim Wade, le fils du président, qu’il exècre, il s’en est pris à Macky Sall: « Il faudra qu’il rende compte de cela, qu’il nous dise de quel compte est venu cet argent, dans quel compte il est allé », a-t-il asséné, en référence à une vieille histoire de fonds alloués par Taiwan au Sénégal lorsque Sall était Premier ministre. Les jeunes de l’APR ont immédiatement riposté. Mais leur leader, fidèle à sa réputation, a vite éteint l’incendie. Fin de la polémique. Nombre d’observateurs pensent que ce n’est que partie remise. Et pour cause : aujourd’hui, Seck, qui a été exclu du Parti démocratique sénégalais (PDS) en avril dernier, et Sall, qui en avait démissionné en novembre 2008, sont en concurrence directe. Dans les sondages, où ils se marquent à la culotte, comme dans les cœurs. Candidats à la prochaine élection, l’un comme l’autre tentent en effet de séduire les déçus du sopi, le JEUNE AFRIQUE

ALIOU MBAYE/PANAPRESS

L’EX-PREMIER MINISTRE « changement » promis par croit mériter un straponIDRISSA SECK, le 30 juin à Wade en 2000. Pour l’heure, tin ministériel, mais Seck, Dakar. En 2005, Mackysembleavoirunelonle tout-puissant directeur soupçonné de gueur d’avance. Plusieurs de cabinet de Wade, le lui corruption dans l’affaire sondages plus ou moins refuse. Lorsque finalement des chantiers de Thiès, il est incarcéré. fiables, distribués sous le Sall devient ministre dans manteau dans un pays qui le gouvernement de Seck, les a bannis, le placent devant Idy. Ce derleurs relations se tendent encore un nier, pense-t-on à l’APR, va donc tout faire peu plus. Le divorce est définitivement pour « salir l’image » de leur champion. consommé lorsque éclate l’affaire des chantiers de Thiès, en 2005. Pendant que D I V O R C E . Les deux hommes se Seck, soupçonné de corruption, croupit connaissent bien. Malgré leurs différences en prison (il sera blanchi en 2006), Sall, de caractère (Seck, 52 ans, c’est le feu ; qui lui a succédé à la primature, ne fait Macky, 50 ans, l’eau tiède), ils présentent le rien pour lui venir en aide. même CV. Tous deux ont été, à un moment L’entourage de Seck affirme qu’auou à un autre, le Premier ministre de Wade jourd’hui « tout est oublié ». Mais les deux (de 2002 à 2004 pour Seck, de 2004 à 2007 hommes cultivent leur non-relation. « La pour Sall) ou son directeur de campagne dernière fois qu’ils se sont vus en tête-à(à plusieurs reprises pour Seck, en 2007 tête, c’était en 2008 », glisse un conseiller pour Sall). Tous deux ont également connu de Sall. Et lorsqu’ils se croisent, par hasard, la disgrâce, les ennuis judiciaires puis le au domicile du calife général des mourides non-lieu. de passage à Dakar, en octobre, leur diaCe destin commun aurait pu les réulogue tourne court après les embrassades nir, il les a séparés. « Quand le PDS était de politesse… dans l’opposition, ils étaient très liés », Idy: « Je veux te voir. » Macky: « Patience. affirme un conseiller de Sall. Tout a changé Je t’appellerai au moment opportun. » Il en 2000. Après la victoire de Wade, Sall, ne s’y est toujours pas résolu. ● alors responsable des cadres libéraux, RÉMI CARAYOL N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Afrique subsaharienne quelesautoritésmaliennescherchentvraiment à les en empêcher, dans les collines de Tin-Assalak, au nord de Kidal, aux côtés d’ex-miliciens d’un autre rebelle touareg malien, Ibrahim Ag Bahanga, décédé en août dernier et connu notamment pour avoir pris en otages des militaires maliens en 2008. Les deux groupes ont fusionné pour créer le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), qui réclame l’autodétermination de cette zone désertique, oubliée de Bamako.

MALI

Touareg Connection Enquête sur ces hommes qui, anciens rebelles ou ex-kaddafistes, entretiennent des liens avec la nébuleuse islamiste dans le Nord.

DÉSERTEURS. Le deuxième, Iyad Ag

PATRICK ROBERT/CORBIS

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! TROIS NOMS SONT RÉGULIÈREMENT CITÉS. Parmi eux, celui d’Iyad Ag Aghaly (au centre en 2006). Autrefois proche du président, il a été écarté en raison de ses liens avec Aqmi.

À

Bamako,lechefdel’Étatmalien ne décolère pas. Ces derniers mois, Amadou Toumani Touré (ATT) avait multiplié les offensives diplomatiques pour rassurer les Occidentaux sur la situation sécuritaire dans son pays, et voici que deux rapts viennentsabotersesefforts.Le24novembre d’abord : deux Français (officiellement, des géologues) sont kidnappés dans leur hôtel de Hombori, dans l’Est. Le lendemain, trois touristes (néerlandais, suédois et sud-africain) attablés dans une auberge de Tombouctou (Centre) sont enlevés, un quatrième (allemand) est abattu. Tous les regards se tournent vers Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui a fait du kidnapping d’Occidentaux un fonds de commerce très lucratif, même s’il est probable que l’opération en ellemême ait été menée par un groupe de bandits, dont certains parlaient tamasheq. Les soupçons se portent donc vers les Touaregs, et notamment vers les ex-combattants de Mouammar Kaddafi, revenus N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Aghaly, est un ancien conseiller culturel de l’ambassade du Mali en Arabie saoudite. Militaire de formation, il a créé le Mouvement islamique pour la libération de l’Azawad (Mila). Il fut l’un des meneurs de la première rébellion touarègue dans les années 1990, avant de servir d’éminence grise à ATT auprès des tribus du Nord, puis de négociateur pour la libération du Français Pierre Camatte, début 2010. Écarté de Koulouba en raison de ses sympathies pro-Aqmi, il est retourné dans sa région d’origine accompagné du colonel M’Bah Ag Moussa, déserteur de l’armée malienne, et de plusieurs de ses hommes. Iyad Ag Aghaly est aussi un cousin d’Abdel Karim Targui, émir d’Aqmi de la région – le troisième homme dont le nom est régulièrement cité. Ag Aghaly est lui aussi tenté par la perspective d’un État indépendant de l’Azawad… et par quelques rapts pour se renflouer. À Koulouba, on redoute la montée des tensions avec ce peuple ombrageux, mais aussi, et surtout, de l’extension de la « zone rouge » (selon l’appellation du Quai d’Orsay) à toute la moitié nord du Mali. Le chef de l’État gère donc directement l’épineux dossier avec le colonel major Elhadji Gamou et Mohamed Ag Erlaf, deux Touaregs originaires de la

lourdement armés dans le nord du Mali, via l’Algérie ou le Niger, après la chute de leur mentor. Ils seraient 2 000, selon des sources diplomatiques bamakoises, mais le chiffre réel pourrait se situer plus près de 4000, et ils ambitionneraient d’y former une vaste zone autonome. Difficile d’y voir beaucoup plus clair. Au Nord-Mali, les alliances se font et se défont entre des personnages troubles, mi-trafiquants de drogue, mi-rebelles, parfois islaDeux enlèvements en deux jours… mistes, souvent opporUn coup dur pour le chef de l’État, tunistes. Dans la région de l’Azawad, trois noms qui espérait contrôler la situation. reviennent régulièrement : région de Kidal. Mais, à Bamako, on ceux de Mohamed Najim, d’Iyad Ag s’inquiète de la proximité de l’élection Aghaly et d’Abdel Karim Targui. présidentielle. Pourra-t-elle, si les condiLe premier, Mohamed Najim, est un tions de sécurité venaient à se dégrader ancien colonel de l’armée libyenne. Lui et davantage encore, se tenir comme prévu ses hommes ont combattu pour Kaddafi. en avril 2012 ? Certains commencent à Ils sont revenus de Libye avec des armes émettre des doutes. ● automatiques, des missiles sol-sol et solMALIKA GROGA-BADA, air, et peut-être même des lance-roquettes avec BABA AHMED, à Bamako multiples (LRM). Ils se sont établis, sans JEUNE AFRIQUE



Afrique subsaharienne NIGERIA

L’homme par qui la guerre est arrivée Ancien président autoproclamé du Biafra, Chukwuemeka Odumegwu Ojukwu est mort le 26 novembre.

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Balewa, un Nordiste – a été chassé du région riche en pétrole. S’ensuit une guerre on histoire se confond avec celle du Nigeria. Chukwuemeka pouvoir, en juillet 1966. Depuis, aussi, que meurtrière (1 million de morts, dont de très nombreuses victimes de la famine) Odumegwu Ojukwu avait été les Ibos sont victimes de persécutions. gracié en 1982, mais, chez lui, L’argument ethnique suffit-il à justiqui émeut l’opinion publique internatioil demeurait « Emeka », l’ancien chef de fier la sécession ? Bien sûr que non. Des nale. Le 15 janvier 1970, l’armée loyaliste la rébellion du Biafra, région d’origine intérêts financiers sont en jeu dans cette parvient à reprendre le Biafra. Quelques des Ibos. Il fut, pendant deux ans et jours plus tôt, Ojukwu avait fui en demi (du 30 mai 1967 au 8 janvier Côte d’Ivoire. 1970), le président autoproclamé de Après plus de douze ans d’exil, il cette région sécessionniste – au prix revient au Nigeria. En 2003, ce fils de de centaines de milliers de morts. Il riche transporteur, licencié en histoire s’est éteint à Londres le 26 novembre, contemporaine à Oxford et diplômé à l’âge de 78 ans. de l’école militaire d’Eaton (GrandeNous sommes le 30 mai 1967. Bretagne), se lance dans la course à la Gouverneur militaire de la région de présidentielle, mais échoue. Depuis, l’Est, le lieutenant-colonel Ojukwu il avait choisi de se faire discret, mais déclare « solennellement que le terrisa lutte avait inspiré les jeunes génétoire et la région connus sous le nom rations. Le Mouvement pour l’émand’‘‘Est du Nigeria’’, avec son plateau cipation du Delta du Niger (à majorité continental et ses eaux territoriales, ijaw, la deuxième ethnie de la région sont désormais un État souverain après les Ibos) lutte ainsi pour une indépendant du nom de ‘‘République meilleure reconnaissance du Sud-Est. du Biafra’’ ». À la mort d’Ojukwu, le président Pour le gouvernement fédéral du GoodluckJonathanasaluéunhomme général putschiste Yakubu Gowon, qui avait « un immense amour pour c’est une véritable déclaration de son peuple, pour la justice et l’égalité », guerre. Mais Ojukwu, lui, se rêve en mais pour beaucoup il reste celui par héraut de la cause ibo depuis que qui le premier drame humanitaire de Chukwuma Nzeogwu – un Ibo arrivé l’histoire postcoloniale de l’Afrique au pouvoir après avoir lui-même renest arrivé. ● EN 1968. À la tête de la rébellion contre l’État fédéral, il s’était fait le champion de la cause ibo. versé le gouvernement civil de Tafawa ANDRÉ SILVER KONAN KEYSTONE FRANCE/EYEDEA

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SANTÉ

Très chers cerveaux L’exode des médecins africains représente une perte sèche de plusieurs milliards de dollars pour le continent.

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eux milliards de dollars… C’est ce que perdent, chaque année, neuf pays d’Afrique subsaharienne à cause de l’émigration des médecins et personnels de santé qu’ils ont formés. Telles sont les conclusions de l’étude menée par un groupe de chercheurs canadiens et publiée le 25 novembre dans le British Medical Journal. Pour ne rien arranger, l’Éthiopie, le Kenya, le Malawi, le Nigeria, l’Afrique du N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Sud, l’Ouganda, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe sont les pays du continent les plus touchés par le virus du sida. MEILLEURS SALAIRES. « On savait que

les médecins africains émigraient vers les pays riches, en revanche on ignorait l’impact de tels mouvements sur leurs pays d’origine », explique Edward Mills, spécialiste de la santé mondiale à l’Université d’Ottawa, qui a dirigé cette étude. Tandis que la formation d’un médecin coûte 21 000 dollars en Ouganda, elle s’élève à 58700 dollars en Afrique du Sud, qui, avec le Zimbabwe, subit les pertes économiques les plus importantes liées à cette fuite des cerveaux.

Pour chiffrer ces coûts, les chercheurs se sont penchés sur les budgets consacrés aux enseignements primaire, secondaire et universitaire dans ces neuf pays. Ils ont aussi évalué le bénéfice que les destinataires de ces migrations – en l’occurrence l’Australie, le Canada, la Grande-Bretagne et les États-Unis – en tiraient. Ces départs accentuent les problèmes de santé publique au sud du Sahara. Ainsi, pour lutter contre le sida, l’Afrique du Sud devrait avoir trois fois plus de médecins et d’infirmières… Du coup, l’émigration du personnel de santé rend cet objectif difficile à atteindre. « Pour ces pays, la seule façon de stopper une telle fuite des cerveaux est d’offrir de meilleurs salaires aux médecins et d’améliorer leurs conditions de travail », conclut Edward Mills. ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Au Burundi, les symptômes de la rechute

DR

Q THIERRY VIRCOULON Directeur Afrique centrale d’International Crisis Group (ICG). Auteur du rapport « Burundi : du boycott électoral à l’impasse politique », février 2011.

UEL EST LE LIEN ENTRE HOUELLEBECQ et le Burundi ? Apparemment aucun, sauf que La Possibilité d’une île de l’écrivain pourrait s’intituler « la possibilité d’une rébellion » à propos de ce pays de l’Afrique des Grands Lacs. Depuis les élections législatives et présidentielle de l’été 2010, il y a un absent dans l’île burundaise: l’opposition. En piètre stratège, elle a boycotté les deux scrutins et s’est mise elle-même hors jeu d’un système politique pourtant taillé sur mesure pour rendre le partage du pouvoir obligatoire. Validées par les observateurs internationaux, les élections ont été un succès technique, mais un désastre politique. Avant même la fin du processus électoral, les principaux ténors de l’opposition se sont réfugiés à l’étranger, et Agathon Rwasa, le dirigeant du premier parti d’opposition (les Forces nationales de libération, FNL), a pris le maquis. Dans un pays sortant d’une longue guerre civile durant les années 1990-2000 qui a fait près de 300000 morts, les conséquences ne se sont pas fait attendre. Dès le mois de septembre, plus d’une dizaine de corps apparaissaient dans la rivière Rusizi et les meurtres ont succédé aux meurtres dans les collines de Bujumbura-Rural, de Cibitoke, de Bururi, etc.

prétendument proches du pouvoir dans un bar de Gatumba, à quelques kilomètres de la capitale (en 20 04, on y avait déjà massacré plus de 150 réfugiés). Gatumba aurait pu être un massacre comme les autres si une fuite des services de renseignements burundais n’était pas venue exposer ce que tout le monde sait depuis un an. Dans une lettre à ses homologues de la région, le chef des services explique qu’un « terrorisme domestique » s’est développé depuis les élections de 2010, qu’il est le fait de dirigeants de l’opposition et que ceux-ci entretiennent des groupes armés de l’autre côté de la frontière, en RD Congo. En des termes limpides, les services de renseignements écrivent donc ce que le gouvernement se refuse à admettre et ce que tout le monde chuchote dans les bars de Bujumbura: de l’impasse

Le feu est en train de couver à Bujumbura et il pourrait embraser toute la région.

Au début, le gouvernement a réagi par le déni: il s’agissait de « bandits armés ». Mais depuis, les affrontements entre les forces de sécurité et ces « bandits armés » n’ont cessé de monter en puissance, tandis qu’une répression sourde mais de moins en moins discrète s’abat sur l’opposition, et plus particulièrement sur les FNL (300 morts en cinq mois, selon deux ONG burundaises). La chronique morbide des assassinats et le discours officiel de déni auraient pu durer longtemps si, le 18 septembre dernier, des hommes n’avaient pas exécuté une quarantaine de personnes

politique a émergé une rébellion dont les ramifications régionales rappellent étrangement les alliances de l’époque de la guerre civile. Le Burundi est actuellement un pays postconflit qui présente tous les symptômes d’une rechute: le pouvoir est devenu un monopole ; l’opposition démocratique est aux abois ; de nouvelles ou anciennes rébellions se structurent (hier le Front national pour la révolution au Burundi, aujourd’hui les Forces pour la restauration de la démocratie); les réseaux logistiques dans les pays environnants sont réactivés; la violence s’amplifie. Tout le monde est prévenu. Le feu est en train de couver dans le sous-sol de la maison Burundi et il pourrait facilement embraser les maisons voisines. Les services de renseignements, qui sont généralement va-t-en-guerre, plaident eux-mêmes pour une sortie politique. C’est dire à quel point la situation est sérieuse. ●

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JEAN-CLAUDE ABALO

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TOGO

Paroles de victimes

LES MEMBRES DE LA COMMISSION n’avaient pas le pouvoir de forcer des personnes mises en cause à comparaître.

Chargée de faire la lumière sur les violences politiques perpétrées entre 1958 et 2005, la Commission Vérité, Justice et Réconciliation vient de terminer ses audiences itinérantes. Récits.

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Et les Forces armées togolaises (FAT) ont beaucoup à se faire pardonner… Elles sont citées dans le massacre de la lagune de Bê en avril 1991, dans le coup de force du 26 août 1991 pour exiger l’arrêt de la Conférence nationale, dans celui du 3 décembre de la même année, le plus meurtrier, contre le Premier ministre de transition, Joseph Koffigoh, dans la tentative d’assassinat de Gilchrist Olympio le 5 mai 1992, ainsi que dans la prise en otage du Haut Conseil de la République en octobre de la même année… Sans oublier l’épuration ethnique dont les FAT elles-mêmes ont été victimes le 25 mai 1993 (opération au cours de laquelle le général Ameyi et le colonel Koffi Tépé ont été tués dans une caserne), ni la tuerie des 25 et 30 janvier 1993, à Lomé, qui a entraîné l’exode de plusieurs centaines de personnes vers le Ghana et le Bénin. La liste est longue et le nombre de victimes incertain.

mois (du 7 septembre au 17 novembre), okodé, dans le centre du Togo. Le 10 octobre, Soussou Komlan la Commission chargée d’entendre les se présente devant les membres victimes de violences politiques de 1958 à de la Commission Vérité, Justice 2005 a écouté et compilé des récits parfois et Réconciliation (CVJR) et raconte insoutenables. Son mandat ne lui donnait d’une voix étranglée par l’émotion : « À pas le pouvoir d’obliger une personne l’approche des élections de 2003, des mise en cause à comparaître devant elle. militaires avaient bouclé mon village Pourtant, s’est félicité Mgr Nicodème [Diguina, dans la préfecture de Blitta, Barrigah-Benissan, son président, « l’une NDLR] pour arrêter des jeunes. Ils sont des réussites de la Commission a été entrés chez moi et ont frappé mes enfants. d’amener plusieurs éléments de la police Dans ma chambre, ils ont vu des photos de l’ancien régime [celui de Gnassingbé de leaders de l’opposition et m’ont arrêté moi aussi. Les La liste des exactions est longue militaires, qui avaient bu, et les forces armées ont nous ont ensuite conduits beaucoup à se faire pardonner. à Blitta, nous ont déshabillés et battus avant de nous jeter dans une cellule. Parce que nous Eyadéma] à confesser leurs agissements. étions 41 dans cette pièce qui ne pouvait FUSILLADE. Aux côtés des anonymes, Les rares témoignages que nous avons visiblement contenir qu’une dizaine de obtenus sont ceux de militaires qui ont quelques poids lourds politiques, dont au personnes, nous avons vite manqué d’oxyété mis en cause par des dépositions moins deux anciens Premiers ministres, gène. Les premiers décès sont survenus de policiers ayant participé avec eux à ont comparu volontairement. Acculé vers minuit. Au total 27 personnes sont des opérations coordonnées et qui, du par les témoignages de l’ancien prémortes asphyxiées. Mon fils en était. » coup, ont été contraints de déposer une sident de l’Assemblée nationale, Fambaré Devant les membres de la Commission, demande d’amnistie. » Natchaba, et de l’ex-ministre des Affaires cet homme est venu témoigner et demander aux autorités de lui dire où se trouve DEUX MOIS D’ENQUÊTE la fosse commune où les corps ont été inhumés. Le lieu est, à ce jour encore, tenu DU 7 SEPTEMBRE AU 17 NOVEMBRE 2011, la Commission Vérité, Justice et secret. Mais plusieurs semaines après Réconciliation a siégé dans les villes de Dapaong, Kara, Sokodé, Atakpamé, son audition, aucune information ne lui Tsévié, Aného et Kpalimé, pour quarante et un jours d’audiences. Au total, a été donnée et personne n’a exprimé le 7936 dossiers ont été retenus et ont bénéficié d’un deuxième examen, moindre regret. conformément aux critères élaborés par la Commission. Examen à l’issue Les audiences itinérantes se sont acheduquel elle en a sélectionné 508, présentés pendant 425 audiences vées mi-novembre. Pendant plus de deux publiques, 28 à huis clos, 51 en privé et 5 en vidéoconférence. ● G.D.

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses étrangères, Léopold Messan Gnininvi, Gabriel Agbéyomé Kodjo, ministre de l’Intérieur au moment des faits, a reconnu sa « responsabilité morale » dans la fusillade de Fréau Jardin, à Lomé. L’épisode coûta la vie à 19 manifestants de l’opposition le 25 janvier 1993. « Comme j’ai eu à le faire à plusieurs reprises, je réitère ma demande de pardon à toutes les filles et à tous les fils du Togo tout entier pour avoir été du mauvais côté… » S’agissant de Yawovi Agboyibo, chef du gouvernement entre 2006 et 2007, il s’est présenté devant la Commission le 15 novembre pour évoquer « l’assassinat », le 13 février 1994, du député Gaston Edeh Aziadouvo. Mais les militaires ne sont pas les seuls à avoir été montrés du doigt. Des milices privées se sont également livrées à des exactions.

Incarcéré, Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère du chef de l’État, aurait demandé à être entendu. Retour à Sokodé, ce même 10 octobre. Selon Abozi Batoma Kodjo, c’est parce qu’il est un Kabyè du Nord, comme la famille Gnassingbé, qu’il a été pris à partie en 1991. Il se souvient : « Un groupe de jeunes armés de bâtons, de machettes et de fusils nous dit : “On a arrêté Eyadéma. C’est fini pour vous.” Après avoir subi des violences, j’ai pu m’enfuir avec ma famille. Nous avons perdu tout ce que nous avions. Au cours de notre exode dans la forêt, j’ai perdu un enfant… » Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère du président, condamné à vingt ans de prison le 15 septembre dernier pour une tentative de coup d’État, aurait demandé à être entendu par la Commission pour des faits relatifs aux violences postélectorales de 2005. Ses propos auraient été recueillis à huis clos par Mgr Barrigah-Benissan. Les victimes se sont exprimées. Certaines ont hésité à venir témoigner, mais toutes admettent que parler leur a fait du bien. L’heure est à la réparation, dont les modalités restent à déterminer. « Je regrette que ni le président de la République ni celui de l’Assemblée nationale [Abass Bonfoh], qui fut président par intérim du 25 février au 4 mai 2005, n’aient témoigné », soupire un journaliste. ● GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

Afrique subsaharienne

NIGER LIBERTÉ, J’ÉCRIS TON NOM LE NIGER S’ACHEMINERAIT-IL vers la dépénalisation des délits de presse? La signature, le 30 novembre, de la Déclaration deTable Mountain sonne en tout cas comme un engagement des autorités. Classé par Reporters sans frontières (RSF) parmi les pays africains qui ont enregistré des avancées considérables en matière de liberté de la presse en 2010, le Niger est le premier pays à signer ce texte proposé par l’Association mondiale des journaux (Wan-Ifra) en 2007 et qui vise à encourager les États du continent à supprimer les lois liberticides. Réclamée par la plupart des organisations professionnelles et par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la dépénalisation des délits de presse ne rencontre pour l’instant que peu d’écho sur le continent. Si le Tchad l’a fait en 2010, le Cameroun voisin reste, selon le Committee to

ZIMBABWE MARIAGE ÉCLAIR Au Zimbabwe, la vie sentimentale du Premier ministre fait couler beaucoup d’encre.Trop, même, au goût de l’intéressé, qui deux semaines après son mariage avec la femme d’affaires Locadia Tembo, 39 ans, a décidé d’en rester là. À 59 ans, Morgan Tsvangirai, dont la première épouse est morte il y a deux ans, n’a pas apprécié que son union avec la sœur d’un député du parti de son rival, le président Mugabe, soit instrumentalisée par ses adversaires. « Je suis devenu un spectateur dans cette relation et tout va trop vite, devant les caméras, sans même que je sois au

Protect Journalists (CPJ), le deuxième pays africain qui emprisonne le plus les journalistes pour diffamation, injures, ou encore outrage aux autorités. Le Togo, lui, a commué les peines de prison en fortes amendes depuis 2004. ●

courant », s’est-il justifié. La dot (27000 euros et 15 bovins) avait pourtant déjà été versée. MALI TERRORISTE AMATEUR Bachir Sinoune paie cher son initiative malheureuse du 5 janvier 2011. Le 29 novembre, un tribunal malien a condamné ceTunisien de 25 ans à la peine de mort et à une amende de 10 millions de F CFA (environ 15000 euros) pour avoir lancé une grenade et tiré des coups de feu contre l’ambassade de France à Bamako, blessant deux personnes. Soupçonné d’appartenir à Al-Qaïda, le terroriste amateur a soutenu

avoir agi seul par « haine de la France ». La dernière exécution au Mali remonte à août 1980. JOURNALISME AUTOSATISFACTION Quelques semaines après avoir publié Raison d’État en Côte d’Ivoire, notre collaborateur André Silver Konan s’est vu décerner, le 25 novembre, un prix d’encouragement pour le journalisme d’investigation en Afrique par les organisateurs du Festival international de la liberté d’expression et de la presse (Filep) de Ouagadougou. Une récompense attribuée pour un article sur le trafic de drogue publié en 2010 dans Le Nouveau Réveil. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Maghreb & Moyen-Orient

MAROC

Les

islamistes

Après sa victoire aux législatives du 25 novembre, le parti d’Abdelilah Benkirane, nommé chef du gouvernement par le roi Mohammed VI, est désormais au pied du mur. Et sera attendu au tournant en matière de justice sociale et de lutte contre le chômage. FRANÇOIS SOUDAN

L

a veille du 25 novembre, alorsqu’il était en possession depuis des semaines des résultats répétés d’enquêtes d’opinion ne laissant aucun doute quant à la victoire programmée des islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) aux législatives, le palais royal accordait une grande importance à un tout autre chiffre. Ce jour-là, trois fonds d’investissement souverains du Golfe, pilotés par celui du Qatar, signaient à Rabat un accord de partenariat prévoyant d’injecter l’équivalent de plus de 2 milliards d’euros dans le plan « Vision 2020 », censé faire passer le nombre annuel de touristes au Maroc de 9 à 20 millions en dix ans. Le message est clair : si l’émir de Doha, qui n’est pas étranger aux bouleversements arabes de cette année, et ses collègues de Koweït et d’Abou Dhabi ont décidé d’investir aussi massivement dans le royaume, c’est qu’ils ont confiance à la fois dans sa stabilité politique et dans la poursuite de sa vocation touristique. Manière aussi de signifier que ce qui préoccupe le roi n’est pas tant la gestion intérieure de l’accession du parti d’Abdelilah Benkirane aux affaires – phénomène prévu et maîtrisé – que l’effet déformant, voire répulsif, que pourrait avoir aux yeux de la communauté des investisseurs l’image réductrice d’un Maroc « gouverné par les islamistes ». ÉVOLUTION. Quelles que soient les réserves qu’inspire l’idéologie conservatrice et par certains aspects profondément réactionnaire d’un parti comme le PJD, force est de reconnaître que sa victoire n’a rien de surprenant (il était déjà majoritaire en voix lors des législatives de 2007), qu’elle est méritée (il a su saisir son moment) et qu’elle est le produit de l’élection la plus transparente N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

REUTERS

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Un résultat en adéquation avec l’état de la société.

qu’ait jamais connue le Maroc. Loin d’être un sujet d’inquiétude pour les partenaires extérieurs du royaume, ce 25 novembre 2011 est donc une bonne nouvelle pour la démocratie : qui pourrait contester un résultat en adéquation, qu’on le veuille ou non, avec l’état actuel et manifestement très traditionaliste de la société marocaine – à tout le moins de sa minorité politisée, puisque moins d’un quart du corps électoral (et 45 % des inscrits) est allé voter et que le PJD a obtenu un tiers de ce quart ? JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

de Sa Majesté défenseurs des prérogatives royales lors des débats qui ont précédé l’adoption de la nouvelle Constitution, en juillet dernier. De son côté, sur les traces de son père Hassan II, qui avait su capter le profond désir d’institutionnalisation de ces militants mués en entrepreneurs politiques malins, Mohammed VI a parachevé leur intégration dans le processus d’ouverture et pris le risque calculé d’une gouvernance à leur profit. Certes, le fondamentalisme rétrograde de dirigeants qui n’avaient pas hésité à joindre leurs troupes à celles, nettement plus nombreuses, du cheikh Yassine ð Des PARTISANES pour manifester contre le DU « PARTI DE LA LAMPE » célébrant plan d’intégration de la le succès de femme au développement leurs favoris, et contre la réforme du code après la de la famille n’a pas totaproclamation lement disparu de l’ADN des résultats définitifs, du PJD. Et il se trouvera le 27 novembre, toujours des esprits chaà Rabat. grins pour déceler derrière l’apparence convenable de ces militants du Makhzen des arrière-pensées de conquête du pouvoir. Mais ce dernier argument est, pour le moins, réversible. Si tant est que les islamistes du nouveau Premier ministre ont toujours pour objectif caché d’investir l’État au nom de la religion, il est tout aussi probable que les idéaux démocratiques les aient en retour pénétrés et qu’ils soient devenus par rapport à leurs origines ce que les socialistes européens de l’entre-deux-guerres furent au mouvement communiste. TÂCHE DÉLICATE. Abdelilah Benkirane est désor-

L’intérêt, avec ces islamistes dits modérés, c’est qu’à l’instar des partis populistes issus de l’extrême droite en Europe ils ont su évoluer. Benkirane et ses amis viennent pour la plupart d’une matrice radicale où l’on n’avait pas plus de considération pour la démocratie formelle que les partis marxistes des années 1930 et guère de respect pour la sacralité royale. Du « Vive Dieu, à bas le Prince » des années 1970 et 1980, ils sont passés au « Vive Dieu et vive Sa Majesté », au point d’apparaître comme les plus fervents JEUNE AFRIQUE

mais au pied du mur. Outre la mise en œuvre des lois organiques prévues par la Constitution, son gouvernement, dont la gestation paraît d’ores et déjà bien délicate, est attendu au tournant de la justice sociale, de la lutte contre le chômage et de la poursuite des investissements. Or la force du PJD – et la clé de son succès – a été d’axer le débat avant tout sur le domaine des valeurs et de la morale plutôt que sur celui du taux de croissance. À charge pour lui de démontrer qu’il est capable d’islamiser la modernité, sous le regard vigilant d’un roi dont le principal mérite, en cette année historique, aura été d’avoir eu le courage et l’intelligence de donner la parole au peuple. ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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pas gouverner. Il reste le roi… » Bouclier, ultime recours pour le Maroc d’en haut.

YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS

QUI PERD? QUI GAGNE? Commesil’issue

La marche verte

Prévisible mais inédite, l’arrivée aux affaires des islamistes soulève un certain nombre de questions. Scénarios d’un changement. YOUSSEF AÏT AKDIM,

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envoyé spécial

Dans les provinces, les représentants des candidats assistent au dépouillement et communiquent l’évolution des résultats en direct. On parle quotient, nombre de sièges, projections concernant la liste nationale. Le secrétaire général, Abdelilah Benkirane, qui a fait une apparition au siège, ne fait aucun commentaire. Il en laisse le loisir à ses lieutenants. Numéro deux du parti, Lahcen Daoudi (lire p. 58), suivi depuis plusieurs jours par une équipe de télévision de 2M, partage son temps entre le QG de campagne du PJD et la soirée électorale du Souissi. « Nous allons faire un très bon score », nous confie-t-il,

eux Maroc qui s’ignoraient jusque-là se sont télescopés le vendredi 25 novembre. La collision n’a pas fait de dégâts, même si ses traces sont visibles jusque sur les chaînes de télévision internationales. Dans un premier temps, officiels, diplomates et journalistes se donnent rendez-vous dans un hôtel du quartier Souissi, à Rabat, pour recueillir les premières déclarations du ministre de l’Intérieur. Vers 21 heures, soit deux heures après la fermeture des bureaux de vote, Taïeb Cherkaoui annonce 45,4 % de taux de particiLe maintien de l’Istiqlal, classé pation, avant de s’éclipser, deuxième, devrait faciliter la coupant court aux questions des reporters. N’ayant formation d’une majorité. rien d’autre à se mettre sous la dent, les mêmes protagonistes avant une longue poignée de main et une commencent à deviser sur l’« exception accolade avec l’ambassadeur de France, marocaine », sur le « sursaut démocraBruno Joubert. À quelques mètres de là, tique », sur l’« inversion de tendance » Mustapha El Khalfi, responsable du pro(le scrutin de 2007 avait connu un record gramme électoral et l’un des proches de d’abstention, avec un taux de participation Benkirane, enchaîne les interviews. de 37 %). Autocongratulations et clins d’œil La nouvelle n’est pas officielle, mais convenus. Le « ouf de soulagement » est cela ne fait plus aucun doute : les islagénéral, tous les partis croient avoir réalisé mistes ont gagné. Dans le local du parti, un bon résultat. Tous, sauf un. les militants s’enflamment, aux cris de Le Parti de la justice et du développe« Vas-y, Benkirane, pour le gouvernement ment (PJD) n’est pas de la fête. La plupart et le Parlement ! ». De l’autre côté de la de ses dirigeants sont absents de l’hôtel. ville, l’heure est déjà au blues postélecTandis que l’on s’y empiffre de canapés, toral. Dans le bar branché de l’hôtel, la les frères du PJD, eux, carburent au café rumeur parvient aux oreilles de la jeunesse au siège du « parti de la lampe », quartier dorée: « C’est vrai, alors? J’ai lu un truc sur des Orangers. Ici, la nuit s’annonce longue. Facebook,maisilsnepeuventquandmême N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

était amère, même pour le ministère de l’Intérieur, l’annonce des résultats complets se fait par simple communiqué le dimanche27novembreausoir.Ladernière conférence de presse de Taïeb Cherkaoui, la veille, place le PJD en tête d’un décompte parð ABDELILAH BENKIRANE tiel, avec 80 sièges sur 288. sortant du Le Maroc est habitué aux bureau de couacs lors de l’annonce vote, le 25 des résultats. Mais la novembre, « divine surprise » du PJD à Rabat. éclipse totalement tout autre message. Avec, au final, 107 sièges sur 395 (un chiffre appelé à augmenter, les islamistes revendiquant au moins un siège supplémentaire), le PJD est le grand gagnant du scrutin. Dans le Parlement sortant, ils disposaient de 14 % des sièges. Ils doublent aujourd’hui leur représentation. La déferlante verte est à la fois contenue et confortée par le maintien de l’Istiqlal. Deuxième avec 60 sièges, le vieux parti nationaliste limite la casse. En proportion, il fait même aussi bien qu’en 2007 – les partisans d’Abbas El Fassi avaient alors remporté 52 sièges sur 325. Le résultat reste donc satisfaisant pour une formation à la tête du gouvernement sortant, dont le bilan est en demi-teinte. Cette deuxième position devrait faciliter la formation d’une majorité composée du PJD, de l’Istiqlal et du reste de la Koutla, l’alliance des partis de l’opposition sous Hassan II. Côtéperdants,deuxpôlessedistinguent. Au sein de la Koutla, d’abord, la gauche recule. Avec moins de 10 % des sièges (39 élus à la première chambre), le grand parti de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) voit son érosion se poursuivre. Même constat pour le Parti du progrès et du socialisme (PPS, ancien Parti communiste), qui passe sous la barre des 5 %. Fait important, la gauche gouvernementale a remporté moins de 15 % des sièges, avec un pourcentage encore plus bas en termes de voix. Alors qu’une fraction croissante de la gauche choisit la contestation et le boycott, l’USFP et le PPS continuent de payer leur participation aux gouvernements successifs depuis le cabinet d’alternance dirigé par Abderrahmane Youssoufi, en 1998. Les autres grands perdants du scrutin sont les formations du fameux « G8 », une alliance de huit partis « pour la JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient aussi Marrakech, Agadir et Oujda. La forte démocratie ». Cette coalition hétéroavance en termes de voix permet au parti clite, créée à la hâte à la veille des légisislamiste de décrocher plusieurs sièges latives, échoue doublement, n’ayant dans les circonscriptions à quatre sièges et réussi ni à constituer une majorité, ni à plus. « C’est un véritable raz-de-marée », porter un de ses membres en tête des s’extasie, tard dans la nuit du vendredi 25 élections. Les quatre grands partis du au samedi 26 novembre, l’un des jeunes G8 – Rassemblement national des indémilitants du PJD élu pour la première fois, pendants (RNI), Parti Authenticité et Modernité (PAM), Mouvement populaire reprenant les termes de Lahcen Daoudi. Ayant présenté des candidats aguerris, (MP) et Union constitutionnelle (UC) – totalisaient 47 % des sièges au sein de dont une trentaine de députés sortants, le la Chambre des représentants sortante. PJD élargit sa représentation en dépit du Ils n’en ont plus que 39 % (154 députés). mode de scrutin de liste à la proportionUne défaite cinglante pour Salaheddine nelle. Ses élus couvrent tout le Maroc, de Mezouar. Avec 52 sièges seulement, loin Tanger à Errachidia, de Dakhla à Oujda, derrière le PJD et juste après l’Istiqlal – les en passant par Marrakech et Fès. deux partis qu’il a pris pour cibles durant DanslesgrandesvillesdeSalé(Abdelilah sa campagne –, le président du RNI est Benkirane), Rabat (Réda Benkhaldoun), isolé, quasi condamné à l’opposition et/ Casablanca (Mohamed Yatim), Tanger ou à la démission. Continuant de jouer les doublures, Mezouar paie aussi Tanger-Tétouan 12 son alliance avec le PAM, derTazaGharb-Chrarda-Beni Hssen 5 nier venu parmi les grands Al HoceimaRabat-Salé-Zemmour-Zaer Taounat partis et ouvertement 13 Grand Casablanca 19 anti-islamiste. Chaouia-Ouardigha DoukkalaAbda

QUI A VOTÉ QUOI? Des

« Allah Akbar » et des cris de joie ponctuent l’annonce des bons résultats du PJD un peu partout et surtout dans les grandes villes : Casablanca, Tanger, mais

Marrakech-TensiftEl Haouz

TadlaAzilal

MeknèsTafilalet

10 11

4

Oriental

FèsBoulemane

Souss-Massa-Draâ GuelmimEs Semara

LaayouneBoujdourSakia El Hamra

Oued Ed-DahabLagouira

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RÉGIONS REMPORTÉES PAR LE PJD (en nombre de sièges)

Au lendemain des législatives de 2007, les islamistes du PJD étaient implantés principalement dans le Nord et le Centre, notamment dans les grandes régions urbaines : Tanger-Tétouan, Rabat-Salé, Grand Casablanca, Meknès-Tafilalet, Chaouia-Ouardigha. Le scrutin du 25 novembre confirme et élargit cette implantation. Détail significatif : le PJD place pour la première fois deux députés à Laayoune et à Dakhla.

(NajibBoulif),Meknès(AbdellahBouano), Oujda (Abdelaziz Aftati), les têtes de liste placent un deuxième, voire un troisième colistier. Le PJD réussit aussi à s’implanter dans les villes moyennes grâce à ses cadres connus du grand public, comme à Mohammedia (Saadeddine El Othmani) ou à Béni Mellal (Lahcen Daoudi). Après des années d’opposition, les islamistes se sont distingués en s’ouvrant, depuis les communales de 2003 et 2009, à de nouvelles catégories socioprofessionnelles, même si le recours à des notables, comme Ali Abdelmoula à Sidi Kacem, brouille un peu les pistes. Leur implantation suit désormais celle de l’USFP, qu’ils ont évincée de ses bastions: Casablanca ne compte plus aujourd’hui aucun député socialiste. Au Sahara, terre de l’Istiqlal par excellence, le PJD compte aujourd’hui deux élus, un à Laayoune et un à Dakhla. POURQUOI LE PJD A-T-IL GAGNÉ ? Créé

en 1996 sous le parrainage du résistant – et médecin du roi Hassan II – Abdelkrim Khatib, le PJD s’est implanté progressivement dans les centres urbains, remportant neuf sièges dès 1997. Mais, au-delà du parti, tourné vers la participation institutionnelle et la concurrence politique, les islamistes modérés marocains se sont d’abordappuyéssurleMouvementUnicité et Réforme (MUR), une organisation de prédication en prise directe avec la population. Le politique pour le PJD, la société pour le MUR. Or les activités du MUR ont essaimé dans tout le pays, préparant le terrain pour des victoires électorales. Dès le début des années 1980, sous la houlette d’un certain Abdelilah Benkirane, les anciens de la Chabiba commencent à se regrouper. L’organisation territoriale, le recrutement dans les universités et dans les associations professionnelles ont longtemps été éclipsés par une image de méchants barbus. Or, ces dernières années, le PJD a mis le paquet sur ● ● ●

COMPOSITION DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS (395 sièges) 107 60

39 18 17 JEUNE AFRIQUE

32 52 23 47

Autres PPS USFP Istiqlal PJD MP RNI UC PAM

Taux de participation

Nombre de femmes

45,4 %

67

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Maghreb Moyen-Orient sa communication à l’intérieur et à l’étranger. Lors de la dernière campagne, le parti a recruté une directrice de la communication expérimentée, venue du collectif Démocratie et Modernité, une ONG défendant des valeurs laïques. Handicapés par leur réputation passée, les cadres du PJD ont longtemps hésité entre deux attitudes publiques : la conciliation, avec le risque de l’affaiblissement, du temps où le secrétaire général Saadeddine El Othmani avait dû gérer la cabale anti-PJD consécutive aux attentats du 16 mai 2003 ; ou le franc-parler, avec

●●●

Benkirane est une bête politique qui ne laisse personne indifférent. Cette victoire est d’abord la sienne, plus qu’un effet de la contagion du Printemps arabe ou de l’automne islamiste. AVEC QUI VONT-ILS GOUVERNER ?

Reçu par Mohammed VI à Midelt le 29 novembre, le numéro un du PJD a été nommé Premier ministre et chargé de former un gouvernement qu’il soumettra au roi. L’audience a été brève et courtoise : « Il connaissait le Makhzen et sa police, il découvre Dar El Makhzen, le Palais et ses usages », commente un observateur. Plutôt que de tranUn distinguo habile entre cher la question des alliances à l’autorité incontestée du roi l’annonce des résultats, Benkirane et les abus de son entourage. a seulement écarté un parti, le PAM, qu’il considère comme une les risques de dérapages verbaux d’un machine de guerre créée contre le PJD par l’État. Le distinguo est habile entre Mustapha Ramid, avocat réputé et ancien chef du groupe parlementaire. Sans être l’autorité incontestée du roi et les abus un zaïm, un chef au sens traditionnel, de son entourage, symbolisé par Fouad Abdelilah Benkirane est le primus inter Ali El Himma et le PAM. pares. Surtout, il allie un populisme et des Confirmant une position antérieure (le qualités de tribun, d’une part, à un sens PJD avait d’abord accordé au gouvernedu pragmatisme, de l’ouverture et de la ment d’alternance son soutien critique communication, d’autre part. Lui-même avant de basculer dans l’opposition), ancien journaliste, il aime les médias et les islamistes tendent la main d’abord à sait jouer de la provocation. Invité dans la Koutla, et notamment à ses partis de les salons bourgeois par les militantes du gauche, l’USFP et le PPS. L’alliance est Women’s Tribune, il a séduit son auditoire. quasi assurée avec l’Istiqlal, en dépit des

Abdelilah Benkirane, un Premier ministre « normal » Depuis 2008, il n’avait qu’une obsession : faire du PJD un parti comme les autres. Mission accomplie.

S

«

i j’étais un arbre, je serais un oranger. J’aimerais dire quejeseraisunpalmier,ou même un olivier, mais ce sont des arbres trop nobles pour moi », raconte Abdelilah Benkirane, 57 ans, à notrecollaborateurHamidBarrada,lorsde l’émission Mais encore? sur 2M, le 14 janvier dernier. Chez le vainqueur des législatives, la modestie n’est pas une coquetterie, mais une arme politique. En trente ans, à force de patience et de pragmatisme, l’homme est passé de la clandestinité à la lumière puis de l’opposition au pouvoir, n’hésitant jamais à réviser ses idées et ses ambitions à l’aune des réalités politiques

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du pays. Monarchiste convaincu, démocrate revendiqué, le patron du Parti de la justice et du développement (PJD) est devenu le premier chef de gouvernement islamiste de l’histoire du Maroc. Reçu le 29 novembre au palais de Midelt par Mohammed VI, il a même arboré pour la première fois une cravate. Benkirane serait-il un politique comme un autre ? C’est pourtant au sein d’une organisation islamiste clandestine et violente, la Chabiba Islamiya, que le jeune Benkirane fait ses premières armes. Né en 1954 à Rabat dans une famille de la classe moyenne, l’étudiant en physique a d’abord approché l’Istiqlal, puis la gauche

protestations de certains ministres ciblés par des attaques du PJD. En revanche, le soutien des socialistes n’est pas acquis. Renvoyant la décision à une réunion du conseil national, le premier secrétaire de l’USFP, Abdelouahed Radi, tente de gagner du temps. Tiraillés depuis 2007 entre la participation au gouvernement et le retour à l’opposition, les socialistes ont peu d’atomes crochus avec les conservateurs du PJD, flanqués des nationalistes de l’Istiqlal. Mais un retour à l’opposition pendant la législature qui adoptera dixsept lois organiques serait coûteux pour un parti qui a voulu influencer la nouvelle Constitution. L’avance confortable du PJD lui permet en tout cas d’envisager un gouvernement sans l’USFP. Le Mouvement populaire fait déjà du pied pour y entrer, et l’Union constitutionnelle est prête à rompre avec le G8. Assurés de bénéficier d’un état de grâce, les islamistes marocains pourraient rapidement épuiser leur capital sympathie : l’opposition protestataire du Mouvement du20févriercontinue.Illeurfaudradécouvrir les « joies » de la gouvernance en période de crise budgétaire et surmonter l’hostilité d’une partie des milieux d’affaires. En contemplant le croissant de lune annonçant le nouvel an de l’hégire, samedi 26 novembre, Abdelilah Benkirane a-t-il aperçu son chemin de croix ? ● étudiante. Mais c’est dans l’organisation d’Abdelkrim Moutii qu’il s’engage en 1976. Le mouvement, qui pourfend un régime jugé impie, est à l’origine de l’assassinat, en 1975, d’Omar Benjelloun, l’une des grandes figures socialistes. « Ce meurtre a été un malheur pour la gauche, pour le Maroc et pour la mouvance islamiste. Un hadith dit : “Vous avez encore de l’espoir tant que vous n’avez pas touché au sang” », note Benkirane aujourd’hui. « Dans les années 1980, lui et ceux qui l’ont suivi ont entamé une autocritique. Ils ont revu les fondements idéologiques de leur mouvement et ont mis à jour le logiciel islamiste, reconnaissant la nature islamique de la société et de l’État », explique le chercheur Abdellah Tourabi. Convaincu que la violence et l’opposition à la monarchie sont des voies sans issue, Benkirane quitte la Chabiba et se lance dans une longue bataille pour la légalité. Aprèsdeuxansdeprison,ilcréelaJamaa el-Islamiyaen1981etdemande,envain,sa légalisation. En 1985, il adresse à Hassan II JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

Bio express 2 avril 1954 Naissance à Rabat

Réforme et Renouveau

1976 Rejoint la Chabiba Islamiya

1997 Élu député de Salé

1981 Fonde la Jamaa el-Islamiya 1985 Prend la tête du mouvement

20 juillet 2008 Élu secrétaire général du PJD 29 novembre 2011 Nommé chef du gouvernement

une lettre dans laquelle il donne des gages de bonne volonté. Le courrier reste sans réponse, mais un dialogue avec le pouvoir est entamé. Au début des années 1990, alors que l’Algérie plonge dans la guerre civile, Benkirane négocie sans relâche avec le Makhzen. « Dès 1992, nous avons tout fait pour intégrer la vie politique », rappelle le nouveau chef de gouvernement. À la recherche d’un parti pour l’héberger, lui et ses frères, il se tourne d’abord vers l’Istiqlal, puis vers l’Union nationale des forces populaires (UNFP). Mais c’est finalement chez Abdelkrim Khatib et son Mouvement populaire démocratique et constitutionnel (MPDC) qu’ils trouveront une adresse. « Nous avons subi un véritable examen de passage, ajoute-t-il. Le pouvoir nous a testés. » En 1996, il est autorisé à organiser son premier congrès. En 1997, Benkirane entre au Parlement. Son parti a gagné neuf sièges au cours d’élections peu régulières, mais le député de Salé regarde ailleurs. Le jeu en vaut bien la chandelle. Dans les années 2000, les Marocains apprennent à connaître ce personnage JEUNE AFRIQUE

MAP

ð Lors de son entrevue avec MOHAMMED VI, le 29 novembre, à Midelt.

a fait du PAM son ennemi juré raconte pourtant avoir reçu chez lui en 2009, pendant près de trois heures, Fouad Ali ElHimma.«Nousavonsbuducafé,mangé des gâteaux. Il sera toujours le bienvenu chez moi », assure-t-il. À l’approche des législatives de 2011, l’entreprise de banalisation est de plus en plus claire. Alors que les révolutions arabes ont contribué à dédiaboliser les mouvements islamistes, Benkirane se lance dans une opération séduction tous azimuts. Il rencontre la bourgeoisie de Casablanca et de Rabat, rassure les femmes, les élites économiques et les chancelleries. À la Bourse,iltientuneconférencedansunbon français et multiplie les traits d’humour. Quand on argue que le roi n’aime pas les islamistes, il répond, tout sourire : « Plus il nous connaîtra, plus il nous aimera ! » S’il multiplie les références au Prophète et au Coran, la religion n’est pas au centre de son programme, qui insiste surtout sur la justice sociale, la lutte anticorruption et la bonne gouvernance. « Si je viens au gouvernement, a-t-il déclaré au Parisien, ce n’est pas pour décider du nombre de centimètres des jupes des demoiselles. Ce n’est pas mon affaire. Le religieux est du ressort du roi. À nous de nous occuper de la corruption, de l’habitat, de l’enseignement. On se bat pour plus de démocratie, pour que l’entourage du roi lève la main

haut en couleur. La barbe bien taillée et le regard fougueux, ce père de six enfants qui se dit proche du peuple devient l’incarnation du conservateur populiste et antisystème. Tribun, parfois colérique, il s’en prend aux homosexuels, aux festivals ou aux films « indécents ». II pourfend l’élite occidentalisée, et mène une croisade contre la réforme du statut de la femme. Mais les attentats de mai 2003 à Casablancaviennentmettreunfreinàcette véhémence. S’il veut survivre, le PJD doit rassurer et faire profil bas. C’est d’ailleurs le psychiatre Saadeddine El Othmani, jugé plus conciliant, qui succède, en 2004, au docteur Khatib à la tête du parti. « Au sein du PJD, « Un animal politique qui sait se Benkirane n’a pas toujours montrer à la fois brut de décoffrage fait consensus. On lui a et extrêmement courtois. » reproché de vouloir tirer la couverture à lui. Tantôt on le juge trop radical, tantôt on lui reproche sur les affaires, le business et la politique. » ses compromis, le soupçonnant d’être un Le29novembre,faceàunMohammedVI agent du Makhzen », raconte un militant. souriant, Benkirane n’a pas fait le baisemain traditionnel, préférant embrasser OBSESSION. En 2007, le PJD conforte l’épaule du souverain. Raide, intimidé et son rôle de premier parti d’opposition, solennel, il a paru endosser son nouveau avec 47 sièges au Parlement. Élu secrérôle avec gravité. Car le plus dur est devant taire général en 2008, Benkirane n’a alors lui. Les espérances qu’il a soulevées sont qu’une obsession : faire du PJD un parti énormes et seront difficiles à contenter. comme les autres. « Il a continué à provoLa démocratie l’a amené au pouvoir, elle quer, commente un journaliste, mais ses pourrait aussi l’en chasser. Benkirane messages étaient rarement suivis d’effet prétend que les Turcs de l’AKP se sont et servaient surtout à rassurer les plus inspirés du nom de son parti et qu’ils ont radicaux. C’est un animal politique qui même repris le sigle de la lampe. « Même si la leur est plus moderne et la nôtre plus sait se montrer à la fois brut de décoffrage et extrêmement courtois. » Benkirane proche de celle d’Aladin », ajoute-t-il. ● ne craint pas la contradiction. Lui qui LEÏLA SLIMANI N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient PRINTEMPS ARABE

Pendant ce temps-là, à Alger… Comment le pouvoir algérien perçoit-il la percée des courants religieux en Libye, en Tunisie, au Maroc et en Égypte ?

R

ached Ghannouchi, président d’Ennahdha, grande vainqueur des élections du 23 octobre en Tunisie, a séjourné en Algérie du 19 au 21 novembre. Il y a été reçu comme un chef d’État : accueil à l’aéroport par Abdelkader Bensalah, président

du Conseil de la nation (Sénat) et deuxième personnage de l’État, audience accordée par le président Abdelaziz Bouteflika et par son Premier ministre, Ahmed Ouyahia, rencontre avec le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, première force politique du

pays) et longue séance de travail avec Bouguerra Soltani, patron du Mouvement de la société pour la paix (MSP, d’obédience Frères musulmans). Hébergé dans une résidence d’État avec le protocole que cela suppose, Ghannouchi a eu droit à tous les égards. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Le pouvoir algérien n’a pas sauté de joie à l’annonce des résultats des élections de la Constituante tunisienne, se contentant d’envoyer un message de félicitations… au peuple tunisien « pour la réussite de son processus électoral ». Pas la moindre allusion aux vainqueurs, ni un mot à l’adresse du président par intérim, Fouad Mebazaa, ni même au Premier ministre de la transition, Béji Caïd Essebsi. Impair diplomatique ? Bourde protocolaire ? Ni l’un ni l’autre. Même s’il s’efforce de n’en rien laisser transparaître, Alger est embarrassé par le succès des islamistes chez son voisin. D’autant que la vague verte déferle aussi sur la Libye nouvelle, promise à la charia, sur le Maroc, qui a donné une majorité relative au Parti de la justice et du développement (PJD), et sur l’Égypte, qui s’apprête à tomber durablement dans les bras des Frères musulmans. Phobie de la contagion ? « Pas du tout, répond un ministre qui requiert l’anonymat, les islamistes sont partie prenante du pouvoir chez nous puisqu’ils font partie de l’Alliance présidentielle. » À ceci près que les Frères musulmans, qui disposent de quatre portefeuilles

Certains redoutent un effet de contagion lors des prochaines législatives, en mai 2012.

OMAR SEFOUANE POUR JA

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! La classe politique S’EST GARDÉE DE COMMENTER l’actualité électorale des pays voisins. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

dans le gouvernement d’Ahmed Ouyahia, ne constituent qu’une force d’appoint pour les deux mastodontes nationalistes, le FLN et le Rassemblement national démocratique (RND), qui disposent à eux deux de 198 députés sur 389, soit la majorité absolue. La formulation de notre ministre anonyme est donc inappropriée, puisque les islamistes ne sont pas « partie prenante du pouvoir » mais seulement associés. En réalité, ce qui semble gêner Alger dans la montée de l’islamisme au JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient des prochaines législatives, prévues en mai 2012. Certes, la loi exclut tout retour des radicaux du Front islamique du salut (FIS, aujourd’hui dissous) et de tous ceux impliqués dans le terrorisme, mais l’islamisme algérien ne se réduit pas aux seuls Frères musulmans du MSP. Aux formations fondamentalistes viennent en effet se greffer des courants conservateurs au sein de formations politiques classiques, à l’image des « barbéfélènes », sobriquet désignant les cadres du FLN plus islamistes que Dans les mosquées, les imams nationalistes (le secrétaire prennent soin de ne pas afficher général du parti, Abdelaziz Belkhadem, ferait partie du leur enthousiasme. lot). Illustration de ce prointervenus car le caractère républicain pos : ce sont des députés FLN qui ont de l’État était menacé par un Parlement permis aux élus du MSP de remettre en question la réforme lancée par Abdelaziz à chambre unique promis à un parti qui, Bouteflika imposant un quota de 30 % au lendemain du premier tour, avait préde femmes sur les listes électorales pour venu les Algériens qu’ils allaient devoir les scrutins locaux et nationaux. Le seul changer d’habitudes alimentaires et parti politique affichant son engagement vestimentaires. Aujourd’hui, une telle pour la laïcité, le Rassemblement pour menace n’est plus possible pour une la culture et la démocratie (RCD, de raison bien simple : il existe une deuxième chambre (le Conseil de la nation, Saïd Sadi), avait fustigé le gouvernement pour sa tiédeur à l’égard des révolufaisant office de Sénat) qui empêcherait toute dérive ou tentation d’instaurer une tions arabes. Depuis la profession de République islamique. » Est-ce à dire foi du président du Conseil national de que l’armée exclut toute intervention transition (CNT) libyen, affirmant que « la charia sera la principale source du en cas de victoire islamiste en Algérie ? droit » dans la nouvelle Libye, suivie « En 2004, déjà, poursuit notre interlocuteur, le chef d’état-major de l’époque des victoires d’Ennahdha en Tunisie et du PJD au Maroc, le RCD se montre [le général Mohamed Lamari, NDLR] cependant moins péremptoire et a pris avait exclu cette possibilité. » ses distances avec l’actualité régionale. RETENUE. La classe politique (en dehors Contrôlées par le pouvoir, les mosdes partis islamistes) s’abstient de comquées – et leurs sermons du vendredi – ont pris soin de ne pas afficher leur menter l’actualité électorale des pays voisins. Et si elle parvient à dissimuler enthousiasme face à la vague verte au Maghreb, mais les fidèles sont convaincus son inquiétude, elle n’en redoute pas que le tour de l’Algérie viendra. « C’est moins un effet de contagion à l’occasion Maghreb est le précédent du 11 janvier 1992, quand l’armée algérienne a interrompu, entre les deux tours, les élections législatives pour éviter un raz-de-marée islamiste. Car ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie ou au Maroc prouve qu’il y a une autre manière de gérer une victoire électorale des fondamentalistes. « C’était il y a vingt ans, se défend un général des services de renseignements, une autre époque, un autre siècle. Nous sommes

LE POIDS DES ISLAMISTES MSP (Frères musulmans) : 4 ministres, 51 députés, une organisation estudiantine (Union générale des étudiants libres, Ugel) et une association caritative (El-Islah wal Irchad) rassemblant plus de 5 000 membres et présente sur l’ensemble du territoire ● Ennahda : 5 députés ● El-Islah : 3 députés ● « Barbéfélènes » : près de 30 % des 136 députés du FLN ● FIS : parti dissous, mais disposant de réseaux actifs en Algérie et en Europe, notamment en Suisse et en Grande-Bretagne ● Wafa : parti en attente d’agrément

dans l’ordre des choses, analyse l’universitaire Aziz Belhachemi. Aux succès électoraux chez nos voisins s’ajoutent les succès qu’enregistrent les islamistes de l’AKP de Recep Tayyip Erdogan. Les Algériens, qui vivent une islamisation rampante de leur société, découvrent un nouveau modèle : la démocratie musulmane turque. » Un gouvernement dirigé par le PJD au Maroc, une Constituante dominée par Ennahdha en Tunisie, une Libye promise à la charia, une Égypte entre les mains des Frères musulmans. Le tour de l’Algérie viendra-t-il un jour ? ● CHERIF OUAZANI, envoyé spécial

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Maghreb Moyen-Orient

TRIBUNE

Opinions & édito oriaux

La Constituante tunisienne est-elle représentative?

L HABIB SLIM Professeur émérite à la faculté de droit et des sciences politiques de Tunis

ES PARTIS POLITIQUES TUNISIENS seraient bien avisés de se demander s’ils n’ont pas tiré des conclusions hâtives après le scrutin du 23 octobre. Quel était en effet le choix qui s’offrait aux électeurs ? Nous avions, d’un côté, un parti, Ennahdha, bien organisé et largement implanté dans toutes les circonscriptions, parce que le mouvement a réactivé ses réseaux dormants. Au surplus, il a fait une campagne intelligente et efficace dont le point d’orgue a été la visite effectuée, au bon moment, par le Premier ministre turc RecepTayyip Erdogan, héraut d’un gouvernement islamiste modéré, celui du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir en Turquie depuis 2002. L’on sait que Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, a répété qu’il souhaitait réussir une expérience analogue en Tunisie. Et il a cherché à se couler dans le moule du pouvoir pour montrer que le programme politique de son mouvement, comme celui de l’AKP, est « islamo-compatible » avec le marché, la démocratie, le pluralisme et les droits de l’homme… et de la femme. En dehors de ce grand parti islamiste, les électeurs avaient le choix entre une myriade de petites formations et de listes indépendantes isolées, dont le nombre trop élevé est dû à une fragmentation des forces laïques et progressistes. Cette situation a eu pour effet une énorme dispersion, voire une déperdition des voix. C’est que 68,2 % des suffrages exprimés (soit 2,7 millions de voix) se sont portés sur les partis qui ont remporté des sièges à la Constituante. Par conséquent, 31,8 % des électeurs (soit 1,3 million de citoyens) ont voté pour des formations qui n’ont obtenu aucun siège. Ces électeurs ne sont donc pas représentés à l’Assemblée et ne pèseront pas dans l’élaboration de la future Constitution. C’est peut-être là l’une des plus grandes aberrations de l’application du mode de scrutin proportionnel pour l’élection de la Constituante. L’autre grande leçon, que tout le monde feint d’ignorer, est le fort taux d’abstention. Sur les 8,2 millions d’électeurs potentiels, 4,3 millions se sont inscrits volontairement, soit 52 % du corps électoral. Et sur les 3,9 millions d’inscrits

automatiques, 13 % seulement ont voté. Ce qui donne 3,5 millions d’abstentionnistes (42,6 % du corps électoral). Cela pose la question, qu’on le veuille ou non, de la représentativité de l’Assemblée constituante. La première explication de cette forte abstention est sans doute liée à l’absence de cartes d’électeur et à la mauvaise communication de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) quant aux procédures d’inscription sur les listes électorales. La seconde explication, beaucoup plus inquiétante, est qu’il s’agit d’une abstention volontaire de très nombreux jeunes pour exprimer leur mécontentement contre les hommes politiques de tous bords qui ont cherché à récupérer la révolution, leur révolution. Ces abstentionnistes protestataires sont en droit, eux aussi, de considérer que l’Assemblée ne les représente pas. Outre Ennahdha, quatre partis ont enregistré une performance honorable – le Congrès pour la République (29 sièges), la Pétition populaire (26), Ettakatol (20) et le Parti démocrate progressiste (16) – et totalisent même deux députés de plus que le mouvement islamiste, soit 91 sièges. Ensemble, ils auraient pu former une coalition de centre gauche et constituer une alternative à la majorité actuelle, dominée

On a tendance à l’oublier, mais 42,6 % des électeurs ne sont pas allés voter.

JEUNE AFRIQUE

par Ennahdha. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi le CPR et Ettakatol ont soutenu la thèse, défendue par les islamistes, selon laquelle il appartient au parti arrivé en tête à l’élection de former le gouvernement. À moins que ces deux partis ne considèrent leur alliance avec Ennahdha comme un pacte stratégique appelé à durer au-delà du mandat de la Constituante. Maintenant que le mal est fait, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? Y a-t-il un remède à ce déficit de représentativité ? Pour certains, la seule parade démocratique possible est de soumettre le futur projet de Constitution à un référendum, de manière à ce qu’il reçoive l’onction populaire. L’idée est séduisante pour les abstentionnistes, mais aussi pour tous ceux dont les voix se sont envolées le 23 octobre et qui veulent avoir leur mot à dire. ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient

BAZ RATNER/REUTERS

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! Manifestation pour LA DÉFENSE DE LA DÉMOCRATIE, le 22 novembre, à Tel-Aviv. ISRAËL

Liberté sous surveillance

Sous l’impulsion de la droite nationaliste, plusieurs projetsde loi menacent d’étouffer toute forme de contestation. Cibles désignées : les ONG de gauche et les médias.

E

n ce 22 novembre, ils sont plusieurs milliers à s’être rassemblés boulevard Rothschild, à Tel-Aviv. Au premier rang, des manifestants tiennent un flambeau et ont la bouche bâillonnée. « La droite ne nous réduira pas au silence », peut-on lire sur une banderole. Plus loin, la foule hue le nom des principaux ministres du gouvernement. À l’exception notable du Parti travailliste, tous les courants de la gauche sont représentés. « Ceux qui sont ici croient en la démocratie, la tolérance et la paix », s’écrie un militant, avant de fustiger la politique de Benyamin Netanyahou. Ce rassemblement est le premier du genre dirigé contre le chef du gouvernement. Et pour cause : plusieurs projets de loi, soumis par des partis issus de sa coalition ultranationaliste, menacent d’étouffer toute forme d’opposition démocratique. Deux d’entre eux visent directement les ONG qui défendent les droits des Palestiniens. Le premier entend plafonner à 3 940 euros par an les subventions accordées à ces organisations par des institutions étrangères ou des États. Le second veut taxer à 45 % chaque donation en faveur des ONG de gauche, coupables de vouloir

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« influencer la politique diplomatique et sécuritaire d’Israël ». Cette législation n’impose, en revanche, aucune restriction aux organisations financées par les évangéliques américains et les mouvements sionistes. AMENDE. Ces projets de loi embarrassent

60 000 euros. Sans même que les plaignants aient à prouver le dommage causé. « Il faut appeler un chat un chat : c’est une loi fasciste », s’est indigné Nitzan Horowitz, député du Meretz et ancien éditorialiste à la télévision. Adeptes du journalisme d’investigation, les médias israéliens dénoncent une atteinte flagrante à la liberté d’expression. La chaîne 10, qui a révélé de nombreux scandales financiers impliquant des personnalités de droite, est aujourd’hui menacée de fermeture. La commission des finances de la Knesset, dirigée par des membres du parti Israel Beitenou, vient de lui fixer un ultimatum impossible : s’acquitter, d’ici au 31 décembre, de 10 millions d’euros de redevances à l’État. En attendant, c’est la radio Kol Hashalom (« La Voix de la paix »), basée à Jérusalem-Est, qui a été contrainte de fermer. Bien que ses programmes en hébreu et en arabe cherchent à favoriser le dialogue, la station est accusée « d’inciter à l’hostilité envers Israël » et de ne pas posséder les licences requises pour émettre. DISSONANCES. Soumis à de vives critiques, Netanyahou assure que son pays « continuera d’être une démocratie exemplaire » tant qu’il sera au pouvoir. Mais devant les craintes émises par l’Union européenne et les États-Unis, auxquelles s’ajoutent quelques dissonances dans son propre camp, le Premier ministre a décidé de joindre l’acte à la parole en gelant les deux projets de loi visant les ONG. Reste que cette apparente dictature de la majorité touche à présent la justice. Un nouveau projet législatif

une large frange de la classe politique, même au centre droit. « Ils traduisent une tendance du gouvernement à étouffer toute critique interne et à confondre patriotisme et ultranationalisme », relève Tzipi Livni, Basée à Jérusalem-Est, la radio chef du parti Kadima. Le Kol Hashalom (« La Voix de la 23 mars, la Knesset avait déjà adopté une première paix ») a été contrainte de fermer. loi controversée pénalisant les groupes qui commémorent la Nakba modifie la composition de la commission – l’exode des Palestiniens lors de la créaqui nomme les juges de la Cour suprême, tion d’Israël, en 1948. Le 11 juillet, un ultime garante de la démocratie. La droite autre texte a été adopté, sanctionnant le veut faciliter la nomination de deux juges boycott des colonies juives en Cisjordanie. nationalistes dans ce qu’elle considère La presse n’est pas épargnée par cette comme un « bastion gauchiste ». D’autres offensive liberticide. Le 22 novembre, la tentatives d’amendement sont en cours, comme l’octroi aux députés d’un droit de Knesset passait en première lecture une loi antidiffamation visant les journalistes. veto dans la nomination des juges de la Désormais, toute publication accusaCour suprême, ou encore la limitation trice ou injurieuse contre des hommes du nombre de recours auprès de cette politiques, y compris sur les réseaux institution. ● sociaux, est passible d’une amende de MAXIME PEREZ, à Jérusalem JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

TUNISIE

ð HOSSEIN KAZEMEINI BOROUJERDI est emprisonné depuis 2006 pour avoir prôné la séparation du spirituel et du temporel.

La torture en procès Neuf ex-hauts responsables condamnés à des peines allant de trois à cinq ans de prison.

RETRAITE FORCÉE. Les faits remontent

à 1991, quand, au prétexte d’un complot imaginaire du mouvement Ennahdha, 150 militaires, dont des officiers, sont mis en état d’arrestation. Accusés d’avoir tenu une réunion à cet effet dans le lieu-dit « Baraket Sahel », près de Hammamet, qui donnera son nom à l’affaire, ils resteront en détention pendant quatre semaines dans les caves du ministère de l’Intérieur, où ils ont subi des actes de torture, avant d’être relâchés et mis à la retraite forcée. Habib Boularès, ministre de la Défense au moment des faits, dira, après la chute de Ben Ali, que l’affaire Baraket Sahel était destinée à « décapiter l’armée ». « Le procès est une victoire pour les victimes de la torture, a déclaré à J.A. le lieutenant-colonel Mohamed Ahmed, l’une des victimes. Mais les peines ne sont pas à la hauteur de ce que nous avons enduré. » ● ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis JEUNE AFRIQUE

VAHID SALEMI/AP

U

n tribunal militaire siégeant à Tunis a condamné en première instance, dans la nuit du 29 au 30 novembre, neuf ex-hauts responsables à des peines allant de trois à cinq ans de prison pour tortures et mauvais traitements. Parmi les quatre prévenus comparaissant en état d’arrestation figurent Abdallah Kallel et Mohamed Ali Ganzoui, respectivement ministre de l’Intérieur et directeur général de la sûreté de l’État au moment des faits. Tous deux ont nié avoir ordonné la torture, mais l’un de leurs subalternes, lui aussi poursuivi, a indiqué que les tortionnaires, au nombre de quatre, étaient ceux qui ne s’étaient pas présentés à la barre, la justice militaire n’ayant pas réussi à faire exécuter par le ministère de l’Intérieur les mandats d’amener lancés contre eux. Ces derniers, ainsi que l’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali, en fuite, ont été condamnés par contumace à cinq ans de prison chacun.

politique et de la religion, avait vivement critiqué la vilayet al-faqih, le « gouvernement du docte », qui place l’État sous la tutelle du plus éminent théologien, le Guide suprême. Une conviction qui lui a d’abord valu d’être condamné à mort pour « hostilité à Dieu ». Commuée en appel en onze ans de prison, sa peine s’apparente, selon ses proches, à une lente exécution. Boroujerdi souffre de graves problèmes de santé, mais il n’a pas accès aux soins élémentaires que la loi lui garantit. Détenu avec des criminels et des trafiquants, il aurait été victime d’une tentative de meurtre le 22 novembre. C’est la troisième agression qu’il a subie en cinq ans. ●

IRAN L’AYATOLLAH « LAÏC » Dans un communiqué en date du 28 novembre, Human Rights Watch s’alarme du sort de l’ayatollah Hossein Kazemeini Boroujerdi, emprisonné depuis 2006 en Iran. Le clerc, qui rejette la confusion de la

SYRIE CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ Le rapport rendu le 28 novembre par une commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU accuse le régime syrien de crimes contre l’humanité. Il décrit les violences commises sans discrimination par les forces de sécurité sur les civils désarmés. Depuis le 15 mars, 256 enfants auraient ainsi été tués. Enlèvements, exécutions, actes de torture, abus sexuels: les violations des droits de l’homme sont massives et obéiraient

à une stratégie décidée au plus haut niveau de la chaîne de commandement. KOWEÏT LE RÉGIME CÈDE L’opposition koweïtienne a obtenu, le 28 novembre, la démission du Premier ministre, Nasser Mohamed al-Ahmad Al Sabah, soupçonné d’avoir versé des centaines de millions d’euros de pots-de-vin à des députés progouvernementaux. À l’appel de l’opposition, des dizaines de milliers de Koweïtiens se sont rassemblés pour célébrer la nouvelle et

LAURENT DE SAINT PÉRIER

réclamer la dissolution du Parlement. YÉMEN PRÉSIDENTIELLE ANTICIPÉE Le 26 novembre, le vice-président yéménite, Abd Rabbou Mansour Hadi, a fixé par décret la date de la présidentielle, prévue initialement en 2013, au 21 février 2012. Jusqu’à cette date, Ali Abdallah Saleh restera président honorifique. Le 27 novembre, le chef de l’opposition, Mohamed Bassindoua, a été nommé Premier ministre et chargé de former un gouvernement d’union nationale. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Europe, Amériques, Asie

FRANCE

Le lièvre et la MAYA VIDON-WHITE/RESERVOIRPHOTO

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Entré tôt en campagne, François Hollande caracole en tête dans les sondages pour la présidentielle. Mais Nicolas Sarkozy grignote peu à peu son retard. Ira-t-il jusqu’à faire mentir La Fontaine et sa fable ?

HENRI MARQUE

R

esponsable du programme de Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire extrapole peut-être un peu vite les derniers sondages en assurant que le second tour de l’élection présidentielle se jouera « au coude à coude ». En réalité, Sarkozy, qui monte, est encore à des coudées de François Hollande, qui descend. L’important est que cette double évolution soit enregistrée au même moment par l’ensemble des instituts, avec des amplitudes dont la diversité traduit l’incertitude des temps : de 2 à 8 points de mieux en un mois pour le chef de l’État, de 3 à 7 points de recul pour François Hollande. Dans l’enquête qui lui est la plus défavorable (LH2 pour Yahoo!), le candidat socialiste dégringole de 9 points. Il n’aurait plus qu’une avance de N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Le président reste plombé par un rejet qualifié de « viscéral » par les instituts de sondage.

1 point au premier tour sur le chef de l’État, qui ne l’a jamais talonné d’aussi près. En octobre, il le devançait de 15 points. RÉSISTIBLE. Benoît Hamon, le porte-parole du PS,

ne s’inquiète pas outre mesure de cet « ajustement mécanique », inévitable, selon lui, après l’euphorie excessive de la primaire. Pierre Moscovici, le directeur de campagne de Hollande, achève de se rassurer en observant que l’attente de l’alternance reste puissante dans l’opinion, tandis que l’ascension de Sarkozy lui paraît « très résistible ». De fait, l’autre conclusion unanime des sondages est que le député de la Corrèze demeure nettement en tête des intentions de vote. Il est toujours la personnalité politique préférée des deux tiers des Français: 60 % croient à sa victoire et 55 % (– 5 points) la souhaitent. La même proportion ne fait toujours pas confiance à Sarkozy pour « affronter efficacement les problèmes du pays ». Bien que ce jugement soit en recul de 9 points sur celui d’octobre, le président sortant n’apparaît toujours pas en situation d’arriver en tête au soir du premier tour. Dans les partis, cependant, certains stratèges commencent à s’interroger : la campagne approcherait-elle de l’un de ces tournants encore indécis JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

tortue

impressionnantes : le plus capable de faire face à la crise financière et à une crise internationale (24 points de mieux) ; de prendre des décisions difficiles (+ 21) ; de mieux faire fonctionner l’Europe (+ 6) ; et même de diminuer l’insécurité, où il l’emporte de 10 points sur son rival malgré la virulence des attaques de la gauche contre sa politique sécuritaire. Pour couronner le palmarès, les Français sont 10 % plus nombreux (54/44) à lui reconnaître une « stature présidentielle », préférence suprême qui vaudrait à tout autre que lui une quasi-promesse de réélection.

JONATHAN REBBOAH/WOSTOK PRESS

PARADOXE. Mais voilà que sur deux seuls critères

Hollande vainqueur par:

62%/38% (Ipsos-Logica)

59%/41% (CSA)

58%/42% (LH2 et BVA)

57%/43% (Ifop)

JEUNE AFRIQUE

mais annonciateurs de retournements décisifs comme ceux qui sauvèrent François Mitterrand de la cohabitation, en 1988, puis Jacques Chirac des menaces de Balladur, en 1995? Sarkozy réussira-t-il à prolonger une embellie prometteuse, la première depuis les débuts de son mandat ? Pour y voir plus clair dans la prolifération parfois cacophonique des enquêtes et affiner la compréhension de ce qui se passe et pourrait évoluer dans la tête des Français, Le Monde a mis au point avec plusieurs partenaires* une « machine à sonder » exceptionnelle : 6 000 personnes seront régulièrement interrogées d’ici à mai 2012. La première consultation (par internet) de cette maxi-enquête a eu lieu tout exprès au lendemain du G20, où s’est distingué Sarkozy, mais aussi de l’annonce du plan de rigueur, où François Fillon a laissé quelques plumes. Le résultat principal est, là encore, largement à l’avantage de Hollande, seul de tous les prétendants à obtenir une majorité de « bonnes opinions », alors que Sarkozy n’en recueille que 37, derrière François Bayrou, à 45. Le chef de l’État reste plombé par un rejet qualifié de « viscéral ». Et faut-il qu’il le soit en effet pour persister après toute une série de satisfecit où Sarkozy supplante Hollande avec des marges

Sarkozy perd tous les avantages conquis sur les six autres. Hollande lui est préféré pour la « compréhension des problèmes des gens » et la gestion « des conséquences de la crise », ð NICOLAS avec une avance éloquente SARKOZY de 11 points, qui bondit à 58 ET FRANÇOIS pourlaréductiondesinégalités HOLLANDE. L’un monte, sociales. l’autre Le Monde s’étonne néandescend. moins d’un paradoxe où celui Finiront-ils qui fait figure de leader est taxé par se croiser d’impuissance, tandis que le dans l’escalier ? plus indécis apparaît le plus apte à changer les choses. Mais ne s’agit-il pas plutôt d’une fausse contradiction? Dès lors que les Français dissocient étrangement la lutte contre la crise, où excelle le chef de l’État, de la gestion de ses « conséquences », où il perd tout à coup leur confiance, il est assez logique qu’ils séparent en chacun des deux candidats les qualités de la personneetlescompétencesdudirigeant.Lesdeuxtiers d’entre eux jugent alors Hollande « sympathique, honnête, sincère, proche des gens et attentif à leurs préoccupations », tandis que moins de la moitié attribuent ces qualités à Sarkozy. François Mauriac aimait à dire que les Français ne savent pas toujours ce qu’ils veulent mais savent très bien ce qu’ils ne veulent pas. Tel sera l’enjeu de la campagne, et aussi son incertitude, quand les électeurs ont encore cinq mois pour réfléchir au choix de celui qui les gouvernera le mieux pendant cinq ans. Tout juste peut-on déduire aujourd’hui des sondages qu’il sera autrement plus difficile à Nicolas Sarkozy d’obtenir que les Français le veuillent de nouveau qu’à François Hollande d’empêcher qu’ils ne le veuillent plus. ● * Ipsos-Logica Business Consulting, le Cevipof, la Fondapol et la Fondation Jean-Jaurès. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Europe, Amériques, Asie

Faouzi Lamdaoui « Tout se jouera sur les convictions » Né à Constantine, c’est un fidèle parmi les fidèles de François Hollande. Pour la présidentielle française de 2012, c’est lui qui dirige le cabinet de campagne du candidat socialiste.

crise ne justifie pas tout! Où est la justice, quandoncontinued’allégerfiscalementles plus riches au détriment des plus pauvres? Nous voulons tenir un langage de vérité. Hollande dit que la période n’est pas facile et qu’il faudra faire un effort, mais que cet effort ne sera pas demandé toujours aux mêmes. Il faut rétablir une justice fiscale, c’est le nerf de la guerre, la base de toutes les réformes. Cette campagne se jouera sur les convictions. Les Français ne sont pas dupes, ils savent que les promesses de 2006 n’ont pas été tenues. Il n’y a qu’à voir les contradictions du président sur la question du vote des étrangers: en 2006 il était pour, maintenant il est contre. BRUNO LEVY/FEDEPHOTO

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! FAOUZI LAMDAOUI (au centre) AVEC VALÉRIE TRIERWEILER, compagne de François Hollande, et le député européen Stéphane Le Foll, à Paris, le 22 octobre.

O

n le dit secret, ambitieux et d’une fidélité à toute épreuve envers François Hollande, rencontré en 2002 après dix ans de militantisme au Parti socialiste, qui l’a propulsé secrétaire national à l’égalité quatre ans plus tard et qui vient de le nommer chef de cabinet de sa campagne présidentielle. Faouzi Lamdaoui (49 ans) est algérien d’origine. Souvent traité avec condescendance – « majordome » pour Le Parisien, « âme damnée » pour L’Express –, il a été candidat malheureux à l’investiture socialiste pour les élections législatives de juin2012 dans la 9e circonscription des Français de l’étranger. Ingénieur en logistique et, comme son mentor, passionné de foot, cet amateur de théâtre apprécie les livres « souvent très spirituels » de Jean d’Ormesson et les écrivains qui, comme Amin Maalouf, « font le lien entre les deux rives de la Méditerranée ». JEUNE AFRIQUE : Après une campagne pour la primaire socialiste réussie, François Hollande marque le pas et Nicolas Sarkozy remonte dans les sondages. Ce trou d’air vous inquiète-t-il ? N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

FAOUZI LAMDAOUI : Il s’agit d’un rééquilibrage normal. Le second tour de la primaire a eu lieu le 16 octobre. Depuis, nous avons formé nos équipes et nous nous sommes mis en ordre de marche. La vraie campagne commencera à partir de janvier, quand François Hollande présentera sa plateforme présidentielle. Vous êtes face à un adversaire qui ne se déclarera pas avant février…

C’est tout de même Sarkozy qui a nommé des ministres issus de la diversité…

Quand on est élu à 54 % comme Sarkozy en2007,onnesecontentepasdenommer: on « fait » des députés ou des conseillers régionaux. Cela n’a pas été le cas. Au PS, nous avions déjà en 2004 32 conseillers régionaux issus de la diversité, ainsi que des conseillers généraux. Pour les européennes, Hollande a choisi deux têtes de liste issues de cette diversité : Kader Arif dans le Sud-Ouest et Harlem Désir en Île-de-France. Hollande est entouré de plusieurs conseillers d’origine algérienne : vous-même, Kader Arif, Nacer Meddah… Pourquoi ce tropisme ?

Il a fait un stage en Algérie pendant un an quand il était élève à l’ENA, et

J’étais avec lui quand il était à 3 % dans les sondages. Nous n’étions pas très nombreux. Sarkozy avance masqué. C’est un président en campagne, qui utilise les moyens de l’État. Il est peut-être un bon candidat, mais c’est un très mauvais gestionnaire. Ne craignez-vous pas qu’il tire profit de la crise en opposant son expérience à l’inexpérience gouvernementale de Hollande ?

Sarkozy veut faire croire aux Français qu’il a appris le métier, et qu’il peut donc maintenant être un bon président. Mais la

son engagement politique est né avec la guerre d’Algérie. Mais il travaille aussi avec des personnes d’origine subsaharienne, comme Safia Otokoré. Cela dit, le seul critère qui entre en jeu, c’est la compétence. Quel a été votre parcours ?

Je suis né à Constantine en 1962, l’année de l’indépendance. Mes parents enseignaientl’unetl’autrelefrançais.Mononcle, Hadj Smaine, est une figure de la lutte pour l’indépendance et a été ministre de la JEUNE AFRIQUE


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Justice. J’ai été élève au lycée D’Aumale, à Constantine, et, en 1980, je suis parti pour la France, où j’ai fait des études de gestion. Et vous avez décidé d’y vivre ?

Vous témoignez à celui-ci une grande fidélité. Vous allez le chercher à la gare, vous tenez son agenda… Il a en vous une confiance absolue ?

Si j’ai choisi de le suivre, c’est parce qu’il auneapprochetrèshumaine.Ilécoutetout le monde, il est simple, sérieux. J’étais avec lui quand il était à 3 % dans les sondages. Nous n’étions que quelques-uns dans ce cas, après le congrès de Reims. Nous fonctionnions alors comme une petite entreprise, nous occupant de tout avec les moyens du bord.

C’est depuis cette époque qu’on vous surnomme « le chauffeur de Hollande »?

Ça ne me gêne pas, il n’y a pas de sousmétier. Pour moi, c’est plutôt flatteur, et je rends d’ailleurs hommage à tous les chauffeurs ! Les questions internationales sont-elles le point faible de votre candidat ?

Cet argument ne tient pas la route. François Hollande a été premier secrétaire du PS pendant onze ans. En cette qualité, il a rencontré de très nombreux chefs d’État et de gouvernement.

Y aura-t-il une nouvelle politique africaine et arabe de la France ?

Il y aura une politique d’État à État respectueuse, un partenariat plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui. Hollande va-t-il voyager ?

Une tournée en Afrique de l’Ouest et au Maghreb est prévue avant l’élection. Quel sera votre avenir s’il est élu ?

Monuniqueobjectifestqu’ilremportela présidentielle. Personne ne se positionne pour les postes pour l’instant. Cela viendra à un moment de cristallisation finale. Il faut d’abord gagner. ● Propos recueillis par JOSÉPHINE DEDET JEUNE AFRIQUE

KHURAM PARVEZ/REUTERS

Oui, comme beaucoup de personnes de ma génération à l’époque de l’arabisation. Mais je parle l’arabe, je le lis et l’écris. Je garde des liens forts avec l’Algérie. J’y ai toujours de la famille et des amis. Malheureusement, je n’ai pas souvent l’occasion de m’y rendre. La dernière fois, c’était avec François Hollande, il y a un an. ! MANIFESTATION ANTIAMÉRICAINE à Peshawar, le 29 novembre. PAKISTAN - ÉTATS-UNIS

Point de rupture? Une nouvelle bavure de l’armée américaine a fait vingt-quatre morts dans les zones tribales. Circonstance (très) aggravante, les victimes sont des militaires.

H

ina Rabbani Khar, la ravissante ministre pakistanaise des Affaires étrangères, n’a pas caché à Hillary Clinton, son homologue américaine, « le profond sentiment de fureur » qui s’est emparé du Pakistan à l’annonce de la dernière bavure de l’armée américaine à la frontière afghane, le 26 novembre. Vingtquatre militaires tués dans leur sommeil et treize autres blessés : un record dans la triste litanie des frappes aériennes et des tirs de drones qui endeuillent les zones tribales. Censées viser talibans et djihadistes d’Al-Qaïda, ces attaques ont fait depuis 2004 plus de 1 700 morts dans les rangs des insurgés et plusieurs centaines de victimes civiles. Mais cette fois, c’est la toute-puissante armée pakistanaise – elle tient, en coulisse, les rênes du pouvoir – qui a été frappée. On a donc assisté à une nouvelle flambée d’antiaméricanisme. Des manifestants ont brûlé des drapeaux de l’Otan, le Daily Times, un quotidien qui ne fait pas partie des plus hostiles, a titré « Les États-Unis nous poignardent dans le dos », et Ashfaq Kayani, le chef d’état-major, est apparu à la télévision en prière devant les cercueils et à l’hôpital, au chevet des blessés. Depuis des mois – notamment depuis le raid américain qui aboutit à l’élimination de Ben Laden sans que les

autorités pakistanaises en aient été averties –, le torchon brûle entre les deux alliés. Accusé de soutenir en sousmain les talibans afghans, le Pakistan ne supporte plus de voir sa souveraineté bafouée. Le 26 novembre, il a adopté des mesures de rétorsion que le général Martin Dempsey, chef d’état-major interarmes américain, a qualifiées de « graves » : – fermeture des voies de ravitaillement par lesquelles transite la majeure partie du matériel destiné aux troupes de l’Otan en Afghanistan ; – menace de boycottage de la conférence internationale sur l’Afghanistan, à Bonn (Allemagne), le 5 décembre, où l’on comptait sur son influence pour amener les talibans à la table des négociations ; – injonction faite aux militaires américains de se retirer de la base de Shamsi (Sud-Ouest), d’où s’envolent leurs drones. Très inquiets, les Américains, Obama en tête, se sont confondus en excuses et ont diligenté une enquête. « Les Pakistanais ont des raisons d’être furieux », a concédé Dempsey, qui fit la connaissance de Kayani dans les années 1980 sur les bancs de l’académie militaire de Fort Leavenworth, au Kansas. Pour lui qui suit le dossier depuis vingt ans, les relations bilatérales n’ont jamais été aussi mauvaises. ● J.D. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Majida Khattari La provocation douce Cette Marocaine s’est fait connaître avec des défilés de mode mettant en scène le voile islamique. Aujourd’hui, elle s’interroge sur les divers avatars de l’orientalisme.

L

A SCÈNE SE DÉROULE en 1989, à Paris, où la Marocaine Majida Khattari vient de débarquer. Ne la voyant pas rentrer, son frère s’inquiète tant qu’il finit par se rendre au commissariat pour déclarer sa disparition. Le mystère sera vite levé: elle était au Centre Pompidou, hypnotisée par les œuvres. « Ma première émotion artistique forte est antérieure à mon arrivée en France: je la dois à un numéro de BeauxArts Magazine que j’avais pu récupérer, se souvient la plasticienne. Après, il y a eu la découverte des Quatre Saisons du peintre français Nicolas Poussin, dans un dictionnaire de la peinture offert par ma sœur. » Née à Erfoud (Maroc), non loin de Meknès, Majida Khattari a montré très tôt un talent particulier pour le dessin. « Au collège, un professeur a repéré que je dessinais bien. Il m’a orientée vers les arts plastiques. » Même si une telle

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activité est alors considérée « comme un passe-temps », ses parents – son père est expert-comptable, sa mère femme au foyer – l’encouragent à persévérer. Au lycée, elle étudie l’histoire de l’art, pratique la terre cuite, se familiarise avec les matériaux, dans la perspective de devenir graphiste ou publicitaire… À 18 ans, elle entre aux Beaux-Arts de Casablanca, où l’on apprend le dessin avec des plâtres pour modèle. « Je savais que j’allais poursuivre mes études ailleurs, dit-elle. Je venais en France en vacances pour voir mes sœurs.Au Maroc, vous savez, on paie tout aux filles! » À Paris, elle prépare le concours de l’École nationale supérieure des beauxarts (ENSBA) et y entre pour devenir peintre. La première fois qu’elle se retrouve face à un modèle nu, elle est intimidée: « Je ne savais pas comment

regarder, ni par où commencer… » Plus tard, peu désireuse de suivre le chemin de certains camarades qui « font du sousmaître », elle va chercher l’inspiration dans les cours théoriques et au Louvre, à Orsay, Beaubourg… Soutenue par sa famille, elle travaille un peu dans un restaurant iranien tout en dessinant les fenêtres et les toits de Paris… « C’est l’actualité sur le voile islamique et la violence en Algérie qui m’ont poussée à travailler sur l’idée de culture et d’identité, raconte-t-elle. J’ai cherché la forme juste permettant un dialogue entre les Occidentaux et les Orientaux, et, au bout d’un an de discussions avec l’artiste polonais KrzystofWodiczko, j’ai opté pour le défilé de mode. » Elle crée alors plusieurs vêtementssculptures, dont une sorte de burqa en feutre cousu avec du fil de fer, la robe Kacha. Le jury des Beaux-Arts – nous sommes en 1995 – ne comprend pas sa démarche.Vêtement? Performance? « Ils ne voulaient pas voir le débat posé autrement ; ils ne connaissaient quasiment que des artistes occidentaux. » Son défilé sera néanmoins accueilli par la Maison JEUNE AFRIQUE


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Après cinq années de pause pour s’occuper de son enfant, l’artiste a repris son idée de défilé de mode avec VIP (voile islamique parisien), pour « désacraliser le voile et le pousser vers la mode ». C’est à ce moment qu’elle a opté pour la photographie, détournant des œuvres orientalistes et intégrant dans ses images des objets provenant de ses défilés – dont un fameux sac en forme de grenade… « L’Occident était autrefois fasciné par la beauté de cette culture, il est maintenant fasciné par l’angoisse et l’horreur. » Une démarche bien entendu politique : « Pour moi, tout art est politique. Les artistes doivent être engagés. Il faut prendre le pouvoir aux politiciens. Il faut aborder les problèmes de manière artistique et poétique. Les discours, les images agressives nous fatiguent, on veut être invités à réfléchir autrement, notamment sur le monde arabe. » Avec l’installation La Prière de l’absent, qu’elle présente actuellement à l’Institut des cultures d’Islam (ICI), Majida Khattari relève ce défi. Véronique Rieffel, directrice de l’ICI: « Son œuvre sur le 11 Septembre est une sorte de chapelle où chacun peut prier pour ses morts. Il n’est pas anecdotique de savoir que l’artiste l’a réalisée après la mort de sa grand-mère et l’a recouverte des roses du Maroc, où est enterrée son aïeule. Le choix de la calligraphie arabe pour écrire des prières juives, musulmanes et chrétiennes évite le choix gentillet du dialogue interreligieux qui associerait les trois écritures. C’est une façon subtile de dissocier l’écriture arabe, langue du Coran, du langage de la violence meurtrière. Et la présence discrète et inquiétante de deux hommes en prière dans la salle trouble la contemplation et empêche une lecture trop consensuelle… » Majida Khattari aime bousculer les certitudes. ● NICOLAS MICHEL Photo : VÉRONIQUE BESNARD pour J.A. JEUNE AFRIQUE

JIM BOURG/REUTERS

des cultures du monde, à Paris, et aux Rencontres photographiques d’Arles, dans le sud de la France, en 1998. « J’ai été éduquée dans une liberté totale au Maroc. Je respecte chacun, mais je ne comprends pas la régression totale que l’on constate concernant le voile », précise-t-elle.

ÉTATS-UNIS

PERRY, ROMNEY, CAIN, GINGRICH ET BACHMANN (de g. à dr.) lors d’un débat sur CNN, le 22 novembre.

Les rois du rire

Bourdes, gaffes, bévues et balourdises… Les candidats républicains à la présidentielle de 2012 font le show.

L

escandidatsauxprimairesrépubliavec le Mexique: plus de 3000 km, quand caines sont en train de faire oublier même. Le tollé a été tel qu’il a été contraint Sarah Palin, reine jusqu’ici inconde faire machine arrière. C’était « une testée des gaffeuses. Les débats qui blague », paraît-il. les opposent tournent souvent au numéro Quant à Michele Bachmann, elle soude comique involontaire. Surtout quand tient que le vaccin contre le cancer du Rick Perry, Herman Cain ou Michele col de l’utérus donne la trisomie 21. En Bachmann ouvrent la bouche. campagne dans l’Iowa, début juin, elle PartienflèchedanslacourseàlaMaison a félicité la bourgade de Waterloo – ça Blanche, le premier enchaîne depuis ne s’invente pas ! – d’avoir donné naisles prestations catastrophiques. Début sance à John Wayne. Sauf que le célèbre novembre, il a été incapable de répondre acteur est bien né dans l’Iowa, mais pas à au présentateur de la chaîne CNBC qui lui Waterloo, dont la seule célébrité recensée demandait quelle agence fédérale il souest un certain John Wayne Gacy, alias « le haiterait démanteler s’il venait à être élu. clown tueur », qui tua et viola trente-trois Face à la caméra, il est resté muet pendant adolescents dans les années 1970 ! cinquante-trois secondes, montre en main. Une éternité. Cain est inquiet : il soupçonne MaisHermanCainn’estpas la Chine de vouloir se doter en reste. Avant d’être rattrapé de l’arme nucléaire ! par diverses affaires de harcèlement sexuel, ce novice en politique était l’un des favoris des sonMême des candidats « sérieux » s’y dages. Et puis le festival de bourdes a commettent. Newt Gingrich, par exemple, mencé. Cain s’est par exemple inquiété l’ancien speaker de la Chambre des reprédes efforts entrepris par la Chine pour se sentants, y est allé de son couplet contre les doter de l’arme nucléaire – que ce pays dangers de la charia aux États-Unis. Il est possède depuis près d’un demi-siècle. vrai que personne n’est à l’abri d’une sortie Mal informé, de son propre aveu, de la de route. Obama lui-même, à l’époque où situation en Libye, dont il croit savoir il n’était encore que candidat, n’avait-il pas qu’elle serait tombée « aux mains des annoncé son intention de faire campagne talibans », il est en revanche intarissable dans les 57 (au lieu de 50) États amérisur la politique migratoire qu’il rêve de cains ? Mais chaque chose en son temps. mener. Sa muraille de Chine à lui, son mur Pour l’instant, ce sont les républicains qui de Berlin, c’est la barrière électrifiée qu’il font le show. ● souhaite construire le long de la frontière JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


Europe, Amériques, Asie cette règle, c’est s’exposer à être rapatrié d’urgence. Nous vivons isolés pour des raisons de sécurité (on nous explique que le pays est dangereux), mais aussi culturelles. Nous connaissons mal ces pays dont nous ne parlons pas la langue. Notre seule motivation, c’est l’argent. Alors, on préfère rester entre nous. Et quand on va voir les filles, ce sont toujours des compatriotes. » Les triades spécialisées dans l’émigration clandestine ont sauté sur l’occasion, avec le renfort de gangs angolais. On estime que 90 % des 4 millions de Chinoises qui se livrent à la prostitution

CHINE

Dans les griffes des triades

Recrutées comme femmes de chambre, dix-neuf jeunes Chinoises ont été séquestrées, battues et contraintes de se prostituer dans un hôtel de Luanda. La police angolaise a mis fin à leur calvaire.

L

e scénario est toujours le même : des femmes venues de la campagne à qui l’on fait miroiter un travail à l’étranger et un salaire de rêve – tout est relatif. En l’occurrence, c’était un emploi de femme de chambre dans un hôtel de Luanda à 600 euros par mois.SixfoisplusqueleursalaireenChine. Mais le rêve a tourné au cauchemar pour ces dix-neuf infortunées. À peine arrivées dans la capitale angolaise, elles ont été séquestrées dans un hôtel, privées de leur passeport et contraintes de se prostituer. Leur calvaire a duré six mois, jusqu’à ce que l’une d’elles réussisse à prévenir sa famille. Laquelle a alerté les autorités. Les jeunes femmes ont fini par être

libérées par la police de Luanda, aidée par des agents chinois. Onze personnes ont été arrêtées. L’une des victimes a raconté son calvaire au quotidien China Daily: les coups, les privations, les clients qui défilent… Ces derniers étaient presque tous chinois, Les expatriés restent entre eux. ouvriers, contremaîtres ou Quand ils vont voir les filles, commerçants.Plusde70000 de leurs compatriotes vivent ce sont toujours des compatriotes. en Angola, où la République populaire a investi 25 milliards de dollars le font contraintes et forcées. Un rapport (près de 19 milliards d’euros). du département d’État américain révèle qu’une grande partie d’entre elles traRAPATRIÉ D’URGENCE. « Les Chinois vaillent à l’étranger. Et de plus en plus n’ont pas le droit d’avoir des relations avec souvent en Afrique. ● des Angolaises, explique l’un d’eux. Violer STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin

RUSSIE

L’excentrique et les apparatchiks Écrivain d’avant-garde, héros de roman et agitateur national-bolchevique, Édouard Limonov veut défier Vladimir Poutine lors de la présidentielle de mars 2012 !

É

crivain russe au passé sulfureux, Édouard Limonov (68 ans) déclare la guerre à Vladimir Poutine et se lance dans la course au Kremlin. Et comme il ne fait jamais les choses à moitié, il renonce du même coup à la citoyenneté française, obtenue en 1987 lors de son exil parisien. « Mon front se trouve ici, mon destin est le destin de mon peuple », commentet-il non sans emphase. Se présenter à la présidentielle de mars 2012 est pour lui, paraît-il, un « devoir moral ». Cet excentrique déroutant de l’avantgarde littéraire russe de l’époque Brejnev était à vrai dire un peu oublié. Même en France, où ses prises de position proSerbes pendant la guerre des Balkans avaient choqué. Avec Limonov, le N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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ÉDOUARD LIMONOV annonce sa candidature, le 21 novembre, à Moscou.

romancier français Emmanuel Carrère l’a ressorti de l’ombre. « J’éprouve du plaisir, une joie et même une joie méchante », a-t-il déclaré lorsque, début novembre, le livre a été récompensé par le prix Renaudot.

Après avoir quitté l’URSS, il avait émigré à New York et sombré dans la marginalité, expérience qu’il raconte dans Le poète russe préfère les grands nègres, son premier succès. Il s’installe dans les années 1980 à Paris, où sa collaboration à L’Idiot international, de feu Jean-Edern Hallier, contribue à sa réputation de « rougebrun » (fasciste et communiste). Après la chute du mur de Berlin, il rentre en Russie, crée le Parti national-bolchevique (interdit en 2007 pour « extrémisme ») et, pour d’obscurs motifs, passe deux ans dans une prison sur la Volga. Sa bataille est perdue d’avance, et il le sait. D’abord, parce que Poutine a été investi par Russie unie, le parti majoritaire, pour la présidentielle – et que sa victoire ne fait guère de doute. Ensuite, parce que L’Autre Russie, le mouvement que Limonov dirige avec une poignée d’opposants ultralibéraux (notamment Garry Kasparov, l’ancien champion du monde d’échecs), n’est pas enregistré et a peu de chances de l’être un jour. Mais, au fond, peu lui importe : Édouard Limonov, c’est le Don Quichotte de la politique russe ! ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

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PANORAMA Aziz l’équilibriste POLITIQUE Zizanie dans l’opposition ÉCONOMIE BTP, banques, mines… Quelle reprise? URBANISME Cure de jouvence pour la capitale

MAURITANIE

Attention, fragile!

Les indicateurs sont au vert, le pays se modernise… À mi-mandat, le bilan de Mohamed Ould Abdelaziz semble plutôt positif. Pourtant, entre la pauvreté persistante, le climat social tendu et les dissensions au sein de l’opposition, l’année 2012 s’annonce périlleuse. JEUNE AFRIQUE

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! LE CHEF DE L’ÉTAT au lancement de la deuxième phase du programme de protection de Nouakchott, en septembre.



LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

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de Jeune Afrique

Attention, fragile!

Prélude

Tshitenge Lubabu M.K.

Ce que femme veut…

Évidemment, la fierté masculine en a pris un sacré coup. L’homme au foyer voit madame, qui tient un petit commerce, souvent informel, disposer comme elle l’entend du fruit de son travail. A-t-il besoin de quelque chose ? Il doit s’adresser à sa moitié, qui apprécie alors l’opportunité de la dépense envisagée. Et si elle dit niet, c’est niet. Pour éviter d’éventuelles représailles, l’homme a intérêt à se taire. À être sage. Il reste un domaine où l’association n’a pas encore réussi à inverser la tendance : les travaux ménagers. Eh oui, ces messieurs rechignent encore à descendre aussi bas. « Faire la vaisselle ou la cuisine ? Il n’en est pas question », tonnent-ils. Mais quand la femme chef de famille répond qu’elle a travaillé toute la journée pour gagner de quoi nourrir la maisonnée et qu’elle ne peut pas tout faire, les hommes deviennent

Par ailleurs, elles ont gagné la bataille de la retraite. Avant, même si elles travaillaient au même titre et aussi longtemps que les hommes, elles n’y avaient pas droit. Les veuves de moins de 50 ans non plus. Les temps ont changé. Avec 1 femme chef de parti, 3 au gouvernement, 21 à l’Assemblée nationale (22 %) et 8 au Sénat (14 %), la Mauritanie est encore loin d’une parfaite politique du genre. Qu’à cela ne tienne : c’est déjà une avancée indéniable sur le plan de la participation de la gent féminine à la gestion de la cité. Et c’est bien plus que chez les voisins algérien, marocain ou malien, même si certaines de ces dames ont horreur des quotas et des comparaisons. Car elles veulent s’imposer par leur seul mérite. Or, ce que femme veut… ●

PANORAMA Aziz l’équilibriste

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OPPOSITION Ils parlent mais ne s’entendent plus

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INTERVIEW Hamadi Ould Baba Ould Hamadi, ministre des Affaires étrangères p. 74 BANQUES Encore loin du compte p. 78 MATIÈRES PREMIÈRES De très bonnes mines p. 80 CONFIDENCES DE Ismail Ould Bedde Ould Cheikh Sidiya, ministre de l’Aménagement du territoire p. 83 URBANISME Cure de jouvence pour Nouakchott

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vec un seul doigt, inutile d’espéplus conciliants. « Bon, je peux le faire à rer laver un visage. Ce qui est une seule condition : que personne ne vrai lorsque l’on parle du corps me voie. » Ces messieurs ne tiennent pas humain l’est aussi quand il s’agit du tout à être vus exécutant des tâches du corps social. En Mauritanie, la société réservées aux… femmes ! est patriarcale. Fatalement, c’est la voix de Petit à petit, la femme mauritanienne l’homme qui prime. Mais qu’advient-il s’émancipe. Que 52 % de la population de ce principe lorsque la femme détient le pouvoir économique ? La tendance imposent de nouvelles règles, quoi de plus s’inverse sans autre forme de procès. normal. Progressivement, elles remettent Sans travail, l’homme est soumis. Une en question certaines pratiques, comme preuve? Il existe à Nouakchott une associacelle qui consiste, pour les femmes, à se tion dont le but est de défendre les intérêts gaver d’aliments riches en graisses pour des femmes chefs de famille. Rien que ça ! avoir des rondeurs. Signe de beauté et de On y trouve tous les profils : des femmes bonne santé, selon les hommes. Or les mariées, des célibataires, des divorcées, femmes ont compris que le gavage est des veuves. A priori, cela peut paraître un sérieux problème de santé publique. bizarre que des femmes portent la culotte au foyer. Si elle dit niet, c’est niet. Pour éviter Mais les pauvres hommes d’éventuelles représailles, l’homme sont tellement désarmés qu’ils n’ont pas le choix. a intérêt à se taire. À être sage.

SOCIÉTÉ Abdoul Birane Wane, le missionnaire p. 87 FRANCOPHONIE Une littérature des sables p. 89

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Le plus de Jeune Afrique

PANORAMA

Aziz

l’équilibriste D’un côté, une gestion maîtrisée, des investissements en hausse et les premiers frémissements de la croissance. De l’autre, la crise financière internationale, l’aggravation de la pauvreté et la menace terroriste. Quel bilan, à mi-mandat, pour Mohamed Ould Abdelaziz ?

Depuis deux ans, « Aziz » poursuit, très méthodiquement, les engagements pris lors de sa caml’aéroport international de pagne. Réputé très économe, l’ancien directeur du bataillon de la sécurité présidentielle du colonel Nouakchott, les retrouvailles et Maaouiya Ould Taya (renversé en 2005) sait se les adieux se font sur le parking. donner les moyens de ses ambitions. Seuls les voyageurs, munis de Il a promis la lutte contre la gabegie et la leur passeport, sont autorisés mauvaise gestion ? Depuis deux ans et demi, à entrer dans le terminal. Les les contrôles de l’Inspection générale d’État militaires qui en filtrent l’accès ont reçu de nou(IGE) sont aussi sévères que nombreux. Deux velles instructions… La menace Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pèse toujours. directeurs d’entreprises publiques, dont l’ancien patron de la Société nationale d’importation et Pourtant, la Mauritanie revient de loin. Depuis d’exportation (Sonimex), dorment aujourd’hui son élection, en juillet 2009, Mohamed Ould en prison. Abdelaziz a fait de la surveillance du pays l’un de La modernisation de Nouakchott et l’aménageses chevaux de bataille. Fusillades dans les rues ment des régions de l’intérieur ? Construction de de la capitale, meurtres d’agents de sécurité dans les quartiers résidentiels, trafiquants de drogue logements, d’équipements de base, de routes, de et d’armes circulant librecentres de santé, d’écoles, de ment… « Nous contrôlons stades… En 2010, quelque Une chose que le chef l’accès au territoire et avons 12 milliards d’ouguiyas de l’État contrôle plus (30 millions d’euros) ont été mis fin aux zones de nondroit », se félicite le ministre alloués par le ministère de que tout : son image. des Affaires étrangères et de l’Habitat et de l’Urbanisme la Coopération, Hamadi Ould Baba Ould Hamadi au financement des travaux (lire p. 83). Dans la (lire pp. 74-75). Un progrès notable et sur lequel capitale, partout, de nouvelles infrastructures s’accordent même les plus farouches détracteurs sortent de terre et pas moins de 300 km « de du chef de l’État. « La Mauritanie doit combattre goudron » ont été achevés. Aziz voit grand, avec le terrorisme et nous souhaitons tous défendre efficacité. Il aime aussi que les choses aillent le territoire. Mais, au sein de l’opposition, nous vite. Problème : « L’État a réalisé beaucoup refusons que des soldats mauritaniens soient tués d’économies, mais en ponctionnant le budget ou blessés en dehors de nos frontières », nuance de fonctionnement de l’administration, qui ne toutefois Mohamed Mahmoud Ould Weddady, peut plus être opérationnelle tant elle est devevice-président du Rassemblement des forces nue squelettique, lâche un haut fonctionnaire. démocratiques (RFD), principal parti d’opposition. De l’ordre de 100 milliards d’ouguiyas, il a été JUSTINE SPIEGEL,

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envoyée spéciale

3 août 2005 OuldTaya est renversé par un conseil militaire présidé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall. 25 mars 2007 Sidi Ould Cheikh Abdallahi est élu président. 6 août 2008 Coup d’État du général Mohamed Ould Abdelaziz. 18 juillet 2009 Mohamed Ould Abdelaziz remporte la présidentielle, avec 52,54 % des suffrages exprimés.

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réduit de moitié, afin d’être affecté à la création d’infrastructures. » Depuis son arrivée au pouvoir, par le coup d’État du 6 août 2008, Aziz a toujours promis un avenir meilleur aux Mauritaniens, blâmant la politique de ses prédécesseurs. Si sa méthode, bien entendu, divise, on lui sait gré d’avoir rompu avec l’immobilisme. CONTESTATION. À mi-chemin de son quinquen-

nat, le chef de l’État a cependant dû faire face cette année, pour la première fois de manière frontale, à la colère de ses concitoyens. Celle des Négro-Mauritaniens, d’une part, contre les conditions de l’enrôlement – en cours depuis mai, afin de doter le pays d’un état civil fiable basé sur la biométrie (lire p. 87). La tension est montée d’un cran en juillet, jusqu’à ce que les sit-in et manifestations dégénèrent en émeutes, entre fin septembre et début octobre. Des manifestants ont été arrêtés, plusieurs blessés, et un jeune de 19 ans est mort à Maghama (Sud). Autre front contestataire : celui des jeunes, qui, dans le sillage du Printemps arabe, ont manifesté dans tout le pays du 25 février au 25 avril, sous JEUNE AFRIQUE

! LE PRÉSIDENT à l’hôpital de l’Amitié, à Nouakchott, en avril dernier.

la bannière de la Coordination de la jeunesse, appelant au départ d’Aziz. Mouvements auxquels ce dernier a répliqué par l’envoi des forces de l’ordre, à grand renfort de gaz lacrymogènes. Bilan : dix-neuf jeunes arrêtés, une cinquantaine molestés… Finalement, le 1er août, le chef de l’État a reçu une délégation des jeunes protestataires au palais présidentiel et leur a demandé de lui soumettre des propositions. COUP DOUBLE. Quant à ses rapports avec l’opposition, le Dialogue national (prévu par l’accord de Dakar de juin 2009) a enfin été lancé, le 17 septembre dernier, et scellé, le 19 octobre, par un accord sur les réformes constitutionnelles. Parmi les propositions phares : la création d’une commission électorale indépendante et la criminalisation des coups d’État. Le premier résultat est, en tout cas, d’avoir exacerbé la zizanie dans les rangs de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), entre les quatre partis qui ont participé au dialogue et les dix autres qui l’ont boycotté (lire pp. 69-70). Coup double pour Aziz : il se pose en démocrate et divise ses détracteurs. ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


BANQUE CENTRALE DE MAURITANIE La Banque Centrale de Mauritanie (BCM) joue un rôle primordial

dans l’économie nationale. Outre son rôle d’institut d’émission et de garant du système des paiements, elle est chargée, entre autres, de : i) la mise en œuvre de la politique monétaire orientée principalement vers la stabilité des prix, ii) de veiller à la solidité du système financier et (iii) de conseiller le Gouvernement en matière de politique économique.

Communiqué

Afin de mieux remplir ces missions, la BCM a entrepris des chantiers importants avec la mise en place d’un Plan stratégique de développement 2012-2015. La BCM vise à améliorer la qualité de ses services et renforcer les liens avec ses différents partenaires. Politique monétaire : la politique monétaire prudente menée par la BCM axée sur la lutte contre l’inflation a permis de contenir son niveau à 5,4 % à fin septembre 2011 et ce en dépit de la hausse des cours internationaux des produits alimentaires et du pétrole. Toutefois les autorités monétaires demeurent prêtes à réagir à tout signal de tensions inflationnistes en resserrant les conditions de la politique monétaire. Système des paiements : en matière de paiement, en plus de l’émission de nouveaux billets répondant aux stan-

dards internationaux de sécurité, des efforts sont consentis dans le développement des paiements électroniques. La BCM envisage également de mettre en place un réseau national pour faciliter les paiements (compensation entre les Banques, transferts, etc.) et veiller à la sécurité et au bon traitement des billets de Banque. Secteur financier : la diversification et la modernisation du secteur financier se sont poursuivies avec l’ouverture aux banques étrangères et l’agrément de nouveaux établissements financiers. Une 4ème banque étrangère vient ainsi de démarrer son activité en 2011. L’ouverture du système financier à la concurrence étrangère contribue ainsi à faciliter l’accès aux services financiers, à en rehausser la qualité et à en réduire les coûts. En outre, grâce à une supervision efficace, le système financier a été préservé des effets de la crise financière internationale. Par ailleurs, le développement de la micro finance fait l’objet actuellement d’une attention particulière en vue d’étendre l’accès des populations à faible revenu aux services financiers. Politique de change : la politique de change menée par la BCM ces dernières années a permis de renforcer la confiance des agents économiques dans la monnaie nationale (Ouguiya). Siège de la Banque Centrale de Mauritanie

Sid’Ahmed Ould Raiss Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie Une telle confiance s’est manifestée par l’alignement du taux parallèle sur le taux de change officiel. Réserves extérieurs : le niveau de réserves extérieur a atteint 522 millions de dollars en fin septembre 2011. Ce montant équivalent à 3,8 mois d’importations est réalisé grâce à la gestion saine du portefeuille instaurée par la BCM. Modernisation et transparence : la BCM a mis en place un système d’information fiable et un répertoire des métiers pour se doter des ressources humaines de qualité. En matière de transparence, elle a enregistré des avancées significatives depuis la fin de l’année 2009, avec la mise en place du « portail BCM » sur lequel les principales publications de l’institution sont disponibles. Relations internationales : avec le renforcement des relations avec les partenaires économiques et financiers en particulier le Fonds Monétaire International, qui, est satisfait des avancées accomplies par la BCM.

BANQUE CENTRALE DE MAURITANIE

B.P. : 623 – Nouakchott Mauritanie Tél. (+222) 525 22 06 Fax (+222) 525 27 59

www.bcm.mr


Attention, fragile ! POLITIQUE

Ils parlent mais ne s’entendent plus L’opposition apparaît plus que jamais divisée. Entre ceux qui ont participé au Dialogue national et ceux qui l’ont boycotté, rien ne va plus.

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ans son grand bureau, Mohamed Mahmoud Ould Weddady se veut rassurant. « Certains disent que l’un des buts de ce Dialogue national, côté gouvernement surtout, était de créer des dissensions et de donner l’image d’une opposition désunie. Or nous sommes ensemble et nous restons ensemble », assure le vice-président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Pourtant, les tensions sont extrêmement vives au sein des coalisés, et la Coordination de l’opposition démocratique (COD), formée au lendemain de l’élection de Mohamed Ould Abdelaziz, semble n’avoir jamais été aussi près de voler en éclats.

MALGRÉ L’ABSENCE

d’une soixantaine de forma- d’une partie « censurés » et que « ce n’est pas un climat pour discuter ». tions proches de la majorité. des coalisés, la concertation Estimant que leurs conditions avec la majorité Une chose est sûre : le ZIZANIE. En cause, le Dialogue national, n’ont pas été respectées, les a enfin eu lieu. dialogue a semé la zizanie prévu par l’accord de Dakar de juin 2009 dix autres membres de la dans les rangs des coalisés. et lancé par le chef de l’État. Après plus COD ont fermement boycotté le diaL’opposition, qui peinait déjà à faire front de deux ans de blocage et d’aléas entre logue, notamment le RFD, d’Ahmed Ould commun, a désormais deux visages. ce dernier et l’opposition, ledit dialogue Daddah (qui, avec 16 députés et 7 sénaVersion Ould Daddah, celle qui a boycotté a repris mi-septembre et a même été teurs, est le principal parti d’opposition), le dialogue, et version Ould Boulkheir, scellé, le 19 octobre, par un accord sur l’Union des forces de progrès (UFP), de celle qui a dit oui. Le premier étant chef de l’opposition (un statut officiel en Mohamed Ould Maouloud, la formation « à référentiel Mauritanie) et le second président de Seuls quatre des quatorze partis islamique » Tawassoul, de l’Assemblée nationale. Tous deux avaient de la Coordination se sont assis pourtant mis leur vieille rivalité entre Jemil Ould Mansour, et à la table des négociations. l’Adil, de Yahya Ould Ahmed parenthèses pour dénoncer le retour des El Waghf. militaires après le coup d’État d’« Aziz », une série de propositions de réformes « Les médias publics ont été ouverts à en 2008, puis son élection. constitutionnelles. Le problème est l’opposition et les élections sont repousLe 20 novembre, au cours d’un meesées, lance Ladji Traoré, le secrétaire généque seulement quatre partis de la COD ting à Nouakchott, Messaoud Ould – l’Alliance populaire progressiste (APP) ral de l’APP. Il faudrait être de mauvaise Boulkheir a officiellement rouvert les de Messaoud Ould Boulkheir, El Wiam, foi pour ne pas admettre que c’est un hostilités contre Ould Daddah. « Nous Hamam et Sawab – ont accepté de s’aspréalable suffisant. » Jemil Ould Mansour avons entendu beaucoup de paroles seoir à la table des négociations, aux côtés assure quant à lui que les médias sont irresponsables et on a préféré ne pas ● ● ●

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Le Plus de J.A. Mauritanie y répondre parce que nous sommes des responsables, a lancé le leader de l’APP. Ceux qui sont partis courir derrière Mohamed Ould Abdelaziz sont connus et se connaissent, parce qu’ils cherchaient leurs intérêts personnels avant d’échouer. » La référence n’est pas explicite, mais il est clair que le chef de l’APP vise son homologue du RFD, qui n’avait pas, dans un premier temps, condamné le coup d’État du 6 août 2008.

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Bien que l’APP n’ait pas encore officiellement saisi la COD (« ce n’est pas à l’ordre du jour »), elle en est officieusement sortie etassureêtreindépendantedansseschoix. Depuis le 1er décembre, le parti organise une campagne à l’intérieur du pays afin d’expliquer les résultats du dialogue. La COD, elle, campe sur ses positions, continue d’organiser des manifestations populaires et multiplie les offensives contre le pouvoir, comme en témoigne

son forum organisé le 12 novembre sur le thème : « La Mauritanie aujourd’hui, entre la comédie du dialogue et la stratégie de la gabegie ». En attendant, les élections législatives (et municipales), initialement prévues le 16 octobre, ont été reportées sine die. Et, avec elles, la remise en jeu du fauteuil de président de l’Assemblée nationale et de la fonction de chef de l’opposition. ● JUSTINE SPIEGEL

ð FIDÈLE À SA RÉPUTATION, le président du Rassemblement des forces démocratiques refuse les compromis.

Pourtant, certains parlent déjà d’un complot ourdi contre lui par le chef de l’État et le patron de l’Alliance populaire progressiste, Messaoud Ould Boulkheir – qui, de son côté, réfute toute velléité d’attaque personnelle. SYMBOLE. À 69 ans, Ahmed Ould Daddah

GEORGES GOBET/AFP

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Pas de retraite pour Ahmed Ould Daddah Le chef de l’opposition n’a pas pris part au Dialogue. Et continue de monter au créneau pour critiquer le chef de l’État.

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l n’y est pas allé. En refusant de participer au Dialogue national, Ahmed Ould Daddah a rappelé qu’il était encore l’intraitable opposant d’hier, celui qui s’est toujours singularisé dans le petit cercle politique mauritanien en refusant les compromis. Le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), qu’il préside, avait fermement posé les conditions de sa participation. Elles n’ont pas été satisfaites. « Nous étions prêts à accueillir favorablement les résultats de ce dialogue s’ils étaient significatifs », ajoute-t-on au siège duRFD. Et puis, lesconclusionsdel’accord

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sont tombées. L’une d’elles prévoit que le chef de l’opposition sera désormais un élu – maire, député, sénateur –, visant ainsi directement Ahmed Ould Daddah, qui n’a jamais exercé de mandat électif. Mais il n’y accorde que peu d’importance. « Ahmed n’est pas très regardant sur ces détails, précise un proche. Le statut du chef de l’opposition est défini par une loi, donc cette décision est sans intérêt. »

a toujours, selon son entourage, la même ténacité et la même envie. Pieu et réputé intègre – il a déclaré tous ses biens et roule avec sa voiture personnelle –, il se veut un symbole d’honnêteté. Énergique, il continue de monter au créneau pour critiquer « Aziz », rappelant que le « fossé séparantlaminoritéprochedurégimeetle peuple continue à se creuser davantage » ou déplorant « l’indifférence des autorités mauritaniennes » face à la sécheresse qui ravage le pays. Alors que lui-même s’est toujours montré proche des Mauritaniens, et qu’il ne s’est pas éloigné des préoccupations d’un électorat désormais très jeune. « La moyenne d’âge de nos députés se situe autour de 35-40 ans, précise-t-on au RFD, et l’écrasante majorité de nos adhérents est composée de jeunes qui se reconnaissent en Ahmed Ould Daddah. » Lequel n’a d’ailleurs jamais envisagé sa retraite politique. « Il n’est pas usé par le pouvoir, puisqu’il n’a jamais été au pouvoir », sourit un proche. ● J.S.

PARCOURS D’UN IRRÉDUCTIBLE NÉ À BOUTIMILIT (SUD-OUEST) EN 1942, Ahmed Ould Daddah est un économiste de formation. Gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie à sa création, en 1973, il devient ministre des Finances quelques mois avant le coup d’État du 10 juillet 1978, qui balaie du pouvoir son demi-frère, Moktar Ould Daddah (président depuis 1961) et le pousse à l’exil jusqu’en 1991. Candidat à la présidentielle en 1992 (32,88 %), 2003 (6,89 %), 2007 (47,15 %) et 2009 (13,61 %), il a été désigné chef de l’opposition par le Conseil constitutionnel en mai 2007. ● J.S. JEUNE AFRIQUE


M. Mohamed Abdellahi OULD OUDAA ADMINISTRATEUR DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SNIM

« Nous devons atteindre 25 MT par an » Ministre de l’Industrie et de Mines, entre août 2008 et février 2011, Monsieur Mohamed Abdellahi OULD OUDAA a piloté la dernière réforme du secteur minier en Mauritanie. Ingénieur d’État en électromécanique, il dirige actuellement la SNIM (Société Nationale Industrielle et Minière), première entreprise du pays et deuxième producteur africain de minerais de fer. Vous venez d’adopter un nouveau cadre stratégique de développement (CSD) ; pourquoi maintenant ? M.A.O.O. : Le CSD adopté par notre Conseil d’Administration, le 7 octobre dernier, est une réponse à notre volonté de booster nos activités de production de minerais de fer, dans un contexte national, de plus en plus, marqué par la concurrence consécutive à l’affluence d’opérateurs miniers. Notre objectif est de porter notre niveau de production à 25 MT par an à l’horizon 2018. Déjà, le Programme de Développement et de Modernisation dont la mise en place des différentes composantes est en cours, permettra d’atteindre le seuil de 18 MT en 2014.

PUBLI-INFORMATION

Comment allez-vous réaliser ce grand bond en avant ? M.A.O.O. : Les leviers de mise en œuvre de ce nouveau CSD sont : le développement des compétences, la dynamisation de la recherche géologique, l’augmentation de notre capacité de production, l’amélioration de notre efficacité opérationnelle, le renforcement de notre positionnement sur le marché et le développement des partenariats. Quels sont les moyens de mise en œuvre de cet ambitieux cadre ? M.A.O.O. : Ce cadre cohérent intègre toutes nos actions dans les court, moyen et long termes. Sa principale force ce qu’il a été conçu en interne, à partir d’un diagnostic objectif de l’entreprise, mettant en évidence les points forts à renforcer et les points faibles à combattre. Aujourd’hui, nous disposons d’atouts majeurs pour sa réussite : • L’étendue de notre Programme de Développement et Modernisation bien démarré ; • La maîtrise de notre offre produit, correspondant bien aux possibilités de nos gisements et aux besoins de nos clients ;

• Notre introduction réussie sur le marché chinois ; • La disponibilité d’importants moyens matériels pour la recherche ; • L’accroissement de notre production minière (terrassements, + 21% en 2011 et +20% en 2012 par rapport à la tendance 2011) ; • Une bonne tenue de nos installations de traitement de minerais et du chemin de fer ; • Un fort potentiel humain ; La SNIM intègre-t-elle le développement des partenariats dans sa nouvelle vision ? M.A.O.O. : C’est une dimension stratégique déjà intégrée dans notre vision, notamment dans le domaine du minerai de fer où nous avons conclu des accords couvrant un potentiel important. Et en la matière, les domaines pouvant faire l’objet de partenariat sont nombreux : enrichissements, pelletisation, développement des mines souterraines, eau, métaux non ferreux, etc. Cependant, nous voulons aujourd’hui développer des partenariats garantissant une meilleure prise en compte de la valeur réelle de nos gisements et permettant une exécution conforme aux plans initiaux de mise en vigueur. Ces partenariats doivent surtout créer de la valeur ajoutée et promouvoir les investissements extérieurs en Mauritanie, sans pour autant remettre en cause le cœur de métier de la SNIM.


Quelle sera votre stratégie commerciale dans le futur ? M.A.O.O. : Nous sommes présents depuis près de 50 ans sur le marché où nos produits sont connus et appréciés des clients. Vu notre situation géographique et notre histoire, l’Europe demeure notre marché naturel. Néanmoins, nous sommes déterminés à renforcer notre présence sur l’Asie, notamment la Chine qui est le marché d’avenir du minerai de fer. Nous visons un équilibre basé sur une répartition de 60 et 40 % entre l’Europe et l’Asie. Naturellement, la qualité de nos produits et services sera le principal levier de notre stratégie commerciale à l’avenir. Peut-on parler de la responsabilité sociétale de la SNIM ? M.A.O.O. : Nous sommes conscients des implications sociales, environnementales et économiques de nos activités et notre responsabilité c’est de les maîtriser. Tous nos projets sont dotés d’un plan de gestion environnementale et sociale. Déjà certifié ISO 14001, notre système de management environnemental se renforce davantage par l’investissement dans des projets novateurs nous permettant de rester une entreprise socialement responsable et économiquement rentable. Nous nous orientons ainsi vers l’utilisation des énergies renouvelables. Notre première centrale éolienne de 4,5 MW vient de voir le jour à Nouadhibou. Quant à l’énergie solaire, une première centrale de 3MW sera installée à Zouerate en 2012.

Par ailleurs, notre organisation vient de se renforcer par une direction chargée de l’Environnement en vue de mieux promouvoir notre politique de maîtrise des impacts environnementaux générés par nos activités. La SNIM a également réussi dans la diversification ? M.A.O.O. : Aujourd’hui, notre Groupe compte neuf filiales opérant dans divers secteurs économiques. La plus part de ces filiales sont leaders dans leur domaine. Nous n’entendons pas nous arrêter là tant que notre Groupe peut apporter de la valeur ajoutée supplémentaire à l’économie nationale, et promouvoir l’industrialisation du pays. En Mauritanie, on dit que la SNIM est la première entreprise industrielle nationale ? M.A.O.O. : On peut continuer à le dire si on se réfère à notre contribution dans l’économie nationale, au volume de nos investissements et aux emplois que nous offrons (4748 emplois permanents ; 3500 emplois dans le cadre de la sous-entreprise en plus des 750 employés des filiales du groupe). En 2010, la part de la SNIM dans le PIB était de 24 % et nos exportations ont représenté 53 % du total national avec un chiffre d’affaires de plus d’un milliard 92 millions de dollars US. Nos investissements ont atteint 238 millions de dollars américains. Selon nos prévisions, ces performances vont sensiblement progresser en 2011 renforçant ainsi le rôle socioéconomique de la SNIM.

PUBLI-INFORMATION

FONDATION SNIM : ASSUMER NOTRE RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE La SNIM a su nouer des relations de confiance et de proximité avec les populations riveraines. Créée en 2007, la Fondation SNIM est venue entretenir et renforcer ces relations, servir de catalyseur au développement local. La Fondation SNIM, dont les cibles prioritaires sont les populations riveraines des installations de la SNIM et les retraités de l’entreprise, s’est assignée comme objectifs : - la lutte contre la pauvreté et la précarité ; - l’amélioration de l’accès des populations cibles aux services sociaux de base ; - la réinsertion socioéconomique des retraités SNIM ; - la promotion de la bonne gouvernance. Son bilan parle pour elle : construction et/ou réhabilitation de plusieurs écoles, de centres de santé,

Hôpital régional de Zouerate inauguré en novembre 2010, financement de la fondation Snim.

de mosquées, d’abattoirs, distribution d’équipements sanitaires et scolaires, d’ambulances, de camions-citernes, attribution de microcrédits, … Pour seulement 2010 et 2011, elle a investi près d’un milliard d’ouguiyas. Sur sa vision, l’Administrateur Directeur Général de la SNIM, M. Mohamed Abdellahi Ould Oudaâ est clair « notre volonté est de faire de la Fondation SNIM, un solide bras social au service du développement durable en Mauritanie. À partir de 2012, elle étendra ses interventions dans tout le pays dans le cadre du programme national de lutte contre la pauvreté. »


DES PROJETS POUR L’AVENIR Le programme de développement et de modernisation de la SNIM (PDM), d’un coût de plus d’un milliard de dollars américains se compose de projets couvrant toutes les opérations de l’entreprise, devant permettre à partir de 2014, la production annuelle de l’entreprise de grimper à 18 MT avant d’atteindre 25MT à l’horizon 2018. Pivot du PDM, le Projet Guelb II couvre notamment l’extension de la mine existante et la construction d’une usine d’enrichissement de minerais de fer d’une capacité annuelle de 4MT. D’autres projets importants font partie du PDM, comme le nouveau port minéralier pouvant, à terme, recevoir des minéraliers de 250 000 tonnes ;

Parc éolien de la SNIM de 4,5 MW à Nouadhibou.

un nouveau centre de formation professionnelle à Zouerate offrant sur le marché national, voire sous régional, une formation de qualité. Entreprise certifiée ISO 14001 et ISO 9001, la SNIM a initié des projets novateurs pour la production des énergies renouvelables. Une centrale électrique éolienne de 4,5MW vient

ainsi de voir le jour à Nouadhibou. A Zouerate, la première centrale solaire du pays d’une puissance de 3 MW sera installée en 2012. Déterminée à limiter les impacts de ses opérations sur l’environnement, la SNIM a aussi construit une usine de fabrication de traverses en béton opérationnelle en 2012.

FILIALES DU GROUPE SNIM

SAFA : SOCIETE ARABE DU FER ET DE L’ACIER

Opérant dans la fonderie pour la fabrication de pièces d’usure.

SOMASERT : SOCIETE MAURITANIENNE DE SERVICES ET DE TOURISME

Pionnière dans le tourisme, les services et l’hôtellerie en Mauritanie.

SOCIÉTÉ NATIONALE INDUSTRIELLE ET MINIÈRE Siège Social : B.P. 42 Nouadhibou – Mauritanie Tél. : +222 574 10 21 Fax : +222 574 53 96

Leader national dans la construction des routes, le génie civil, l’assainissement. COMECA : CONSTRUCTION MECANIQUE DE L’ATLANTIQUE

La référence nationale en matière de fabrication des pièces et ensembles mécaniques.

SAMIA : SOCIETE ARABE DES INDUSTRIES METALLURGIQUES

GMM : GRANITES ET MARBRES DE MAURITANIE

Elle produit des carreaux d’une grande qualité ornementale. GIP : SOCIETE DE GESTION DES INSTALLATIONS PETROLIERES

Gestion et exploitation d’installations de réception, de stockage et de distribution d’hydrocarbures.

DAMANE ASSURANCES :

Opère dans l’assurance et la réassurance.

Opère dans l’extraction et la vente du gypse, la production et la vente du plâtre.

Nouakchott :

Tél. : +222 525 22 54 Fax : +222 525 36 89

Zouerate :

Tél. : +222 544 03 12 Fax : +222 544 03 13

Succursale de Paris, France :

7, rue du 4 Septembre 75002 PARIS Tél. : +33 01 42 96 80 90 Fax : +33 01 42 96 12 28/26 E-mail : snim@snim.com

Site Web : www.snim.com

PUBLI-INFORMATION

Spécialisée dans l’acconage, la manutention portuaire et le transit.

ATTM : SOCIÉTÉ D’ASSAINISSEMENT, DE TRAVAUX, DE TRANSPORT ET DE MAINTENANCE

DIFCOM - Photos D.R.

SAMMA : SOCIÉTÉ D’ACCONAGE ET DE MANUTENTION EN MAURITANIE


Le Plus de J.A. Mauritanie

Hamadi Ould Baba Ould Hamadi « Notre diplomatie est ancrée dans notre identité arabe, africaine et musulmane » Après une longue absence, le pays fait son retour dans l’arène internationale. Avec quelles priorités ? Entretien avec le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

Nous avons redynamisé notre diplomatie, à la fois sur le plan régional et sur le plan international. Notre pays a certes trébuché, mais il poursuit son bonhomme de chemin et il ancre son expérience tout à fait originale de la démocratie en Afrique et dans le monde arabe. Le développement, la promotion de l’image de la Mauritanie, l’élargissement du champ de nos relations internationales et l’affirmation de notre positionnement dans nos espaces géopolitiques constituent désormais nos priorités. Pour cela, nous créons des ambassades et nous essayons d’améliorer notre présence dans tous les forums et les espaces de concertation. D’ailleurs, nous avons repris contact avec l’ONU, où nous siégeons toujours au Conseil des droits de l’homme.

tour, c’est plus que la moitié des pays membres. Jusqu’au troisième tour, nous avions 62 voix, là où certains pays n’en ont eu qu’une. Et, parmi les huit pays en compétition, nous avons obtenu le quatrième score. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de pays sont venus nous féliciter, y compris des membres permanents. Pour en revenir aux médiations, du 17 février jusqu’au décès de Mouammar Kaddafi, aucun accord n’a jamais pu être ébauché. Est-ce un échec de l’UA et de la mission LE 7 SEPTEMBRE À ALGER, lors d’une réunion sur la sécurité dans la zone sahélienne. de Mohamed Ould Abdelaziz à la présidence du panel de la paix ? agendas des acteurs impliqués, aussi bien FAROUK BATICHE/AFP

JEUNE AFRIQUE : Mohamed Ould Abdelaziz était l’un des médiateurs de l’Union africaine (UA) dans la crise ivoirienne, et il présidait aussi le panel de la paix sur la crise libyenne. La présence de la Mauritanie au cœur de ces négociations est-elle le signe de son retour en force sur la scène diplomatique ? HAMADI OULD BABA OULD HAMADI :

FAROUK BATICHE/AFP

74

Comme tout prestataire, nous étions

Je ne sais pas qui est Aqmi et je ne veux pas le savoir. Êtes-vous déçu de ne pas avoir obtenu le siège de membre non permanent au Conseil de sécurité le 21 octobre dernier ?

Nous avons le sentiment d’avoir fait une bonne campagne et d’avoir obtenu un résultat honorable: 98 voix au premier N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

tenus à une obligation de moyens et non de résultats. Or nous n’avons rien à nous reprocher car nous avons déployé tous les moyens politiques et diplomatiques pour parvenir à un accord. À un moment, nous étions à un cheveu d’y parvenir. Mais la conjoncture, les rapports de force, les

libyens que non régionaux, ont influé sur la suite des événements. Nous le regrettons pour la Libye. Le continent a été le premier à réagir, mais n’a pas eu la possibilité de poursuivre sa démarche.

La sécurité est l’une des grandes priorités de Mohamed Ould Abdelaziz. Quels sont les freins aujourd’hui dans la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ?

D’abord, je ne sais pas qui est Aqmi et je ne cherche pas à le savoir. Les bandes armées terroristes qui menacent JEUNE AFRIQUE


Attention, fragile ! la sécurité de notre territoire sont nos ennemis et c’est contre eux que nous luttons. Nous avons l’obligation morale et la responsabilité politique de sécuriser notre territoire parce qu’il n’y a jamais eu de base terroriste en Mauritanie, ni de camp d’entraînement ni de filière de recrutement. C’est pourquoi cela a été le premier défi du président Aziz. Et on y va avec nos moyens. Après avoir subi plus de trente attaques terroristes depuis 2005, quelle est votre stratégie ?

Nous avons compris que la défense statique est inefficace sur un territoire comme la Mauritanie. Il faut une défense dynamique et offensive. Le gouvernement a commencé par définir une stratégie en fonction de notre excellente connaissance du terrain. Nous avons mis fin aux zones de non-droit. Nous avons ensuite défini des points d’entrée du territoire mauritanien afin d’en contrôler l’accès et investi énormément d’argent dans la modernisation, l’équipement et la restructuration des forces armées. Les experts internationaux m’ont par ailleurs confié que cette stratégie est excellente. Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’il n’y a pas un terroriste fiché et connu en liberté en Mauritanie. Tout cela coûte très cher, mais la sécurité n’a pas de prix. La coopération régionale est-elle efficace ?

Nous sommes de toutes les réunions, de l’état-major conjoint de Tamanrasset à l’unité de fusion et de liaison d’Alger, mais nous allons assurer notre sécurité nous-mêmes. Nous n’avons pas d’autre choix. Si la coopération s’accroît, tant mieux. Mais tant que nos moyens nous le permettent, nous n’acceptons pas d’attendre que cela arrive. Les contestations de l’opération d’enrôlement par les Négro-Mauritaniens n’ont-elles pas terni les relations du pays avec ses voisins subsahariens ?

Absolument pas, et je ne vois pas pourquoi ce serait le cas. On n’a jamais donné d’indications aux autres pays sur la manière dont ils devaient recenser leur population. Personne ne peut nier l’opportunité de cette opération, car nous sommes dans une zone où les frontières sont artificielles et où l’on a des populations transfrontalières, au sud, au nord JEUNE AFRIQUE

et à l’est. On ne peut pas en vouloir à un gouvernement de souhaiter des statistiques fiables afin de doter le pays d’un état civil biométrique. Il n’y a aucun problème, à part peut-être des défauts de communication et de désinformation, de mauvaise foi et d’intoxication organisée. Le président Mohamed Ould Abdelaziz s’est rendu en Chine en septembre. Cela marque-t-il une volonté de se tourner vers de nouveaux partenaires ?

La Mauritanie ne définit pas une liste de partenaires. Elle est ouverte à tous ceux qui veulent aider à son développement et à la construction d’un État moderne, social et démocratique. Nous dévelop-

Nous sommes ouverts à tous ceux qui veulent aider à notre développement. pons une diplomatie tous azimuts, tout en étant ancrés dans le socle de notre identité arabe, africaine et musulmane. Ces derniers mois, les critiques à l’encontre de la diplomatie ont fusé au Parlement. On reproche aux ambassadeurs leur manque d’assistance envers les ressortissants étrangers, on les soupçonne d’enrichissement personnel… Que répondez-vous à ces attaques ?

Ce n’est pas de la démagogie, mais je crois que l’assistance apportée à nos ressortissants à l’étranger est des meilleures. Dèsqu’ilyaunproblèmenousensommes informés, et il est réglé rapidement. Ensuite, avant le président Mohamed Ould Abdelaziz, aucun chef de l’État mauritanien depuis l’indépendance n’a fait de la lutte contre la gabegie l’axe central de son programme. Il a prouvé que ce n’était pas un vain mot en envoyant en prison des gens qu’on croyait intouchables et en relevant des ambassadeurs. L’inspection des finances va enquêter dans toutes les ambassades, et, si quelqu’un a détourné ne serait-ce que 1 ouguiya, il le remboursera ou sera emprisonné. Ce n’est pas de l’autosatisfaction, mais nous commençons à redynamiser cette diplomatie et je crois que nous faisons des progrès. Il ne faut pas perdre de vue que nous ne sommes là que depuis deux ans. ● Propos recueillis à Nouakchott par JUSTINE SPIEGEL N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


76

Le Plus de J.A. Mauritanie DÉCRYPTAGE Alain Faujas

Sur le fil du rasoir

E

n parcourant les bons indicateurs de l’économie mauritanienne, on éprouve un malaise. Certes, ils ne sont plus truqués comme de 1993 à 2004. À l’époque du président déchu Maaouiya OuldTaya, 40 % des dépenses échappaient au budget et les chiffres officiels prétendaient que les réserves en devises du pays permettaient douze mois d’importations, alors qu’elles n’excédaient pas deux semaines ! Le communiqué publié le 24 octobre par la mission du Fonds monétaire international (FMI) à l’issue de sa visite en Mauritanie est laudateur. « Les données disponibles semblent indiquer une bonne performance de l’activité économique, notamment dans les bâtiments et travaux publics et les industries manufacturières », y lit-on.

Les signaux sont donc au vert. La croissance devrait atteindre + 4,8 % en 2011, après – 1,2 % en 2009 et + 5,2 % en 2010. L’inflation est contenue à 6 % et ne devrait pas excéder 7 % en 2012. Grâce à la production d’or notamment, l’amélioration du solde de la balance des paiements a porté les réserves en devises à 3,8 mois d’importations, un record. L’État mauritanien se porte bien, mais les Mauritaniens, dont la moitié disposent de revenus infé-

Car les stigmates de cette pauvreté sont omniprésents. La Mauritanie est ainsi 143e sur 178 pays selon l’indice 2010 de perception de la corruption de Transparency International, mais aussi 159e sur 187 pays selon l’indice de développement humain 2011 du Programme des Nations unies pour le développement, et enfin 159e sur 183 pays pour la facilité de faire des affaires selon le classement « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale. Le chômage frappe 32 % de la population active, et touche en particulier la moitié des jeunes, car la croissance est fort peu créatrice d’emplois. En effet, le secteur minier – qui assure les trois quarts des exportations – n’emploie que 3 % des salariés. Cette situation explique que le gouvernement ait été obligé de mettre en place des subventions pour les produits alimentaires de première nécessité (riz, blé, huile, pâtes, sucre) et les carburants. Ce qui a pesé lourd sur le budget de l’État, parce que cet effort n’était pas bien ciblé sur les populations les plus pauvres. L’année 2012 sera périlleuse. Le gouvernement a promis au FMI de remplacer ces subventions par des transferts en espèces réservés aux plus démunis. S’il n’explique pas à la population les règles d’équité qu’il entend instaurer, il pourrait affronter une colère populaire redoutable. Il lui faudra faire face aux conséquences de la sécheresse sévère. Au moins 90 millions de dollars (67 millions d’euros) seront nécessaires pour aider les éleveurs à acquérir des aliments pour leurs animaux (le cheptel constitue 13 % du produit national brut) privés de pâturage et pour approvisionner 800 000 personnes en produits alimentaires à prix réduit. Le budget national semble en mesure d’assumer ces dépenses, mais le Premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf a préféré lancer un appel à l’aide internationale, le 10 novembre, afin d’être sûr de pouvoir financer ce « Programme d’intervention espoir 2012 ». La Mauritanie demeure sur le fil du rasoir. ●

S’il n’explique pas les règles d’équité qu’il instaure, le gouvernement pourrait affronter une colère populaire redoutable. rieurs au seuil de pauvreté, sont moins bien lotis et cet écart exacerbe le mécontentement populaire. « Cela tient au contexte international qui fait monter les prix des produits alimentaires, relate un expert européen. Et aussi à la sécheresse, qui a un impact très important dans les zones rurales. En outre, la lutte contre la gabegie a eu pour effet paradoxal, depuis 2009, de supprimer certains avantages – le logement notamment – dont jouissaient des fonctionnaires et de contribuer à l’appauvrissement de la population. »

TOU T E S L E S M U S IQU E S D’A F R IQU E

AFRICA SONG Robert Brazza 19h10 -21h TU et sur

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CHAMBRE DE COMMERCE, D’INDUSTRIE ET D’AGRICULTURE DE MAURITANIE Un outil attractif, performant, au service du développement économique et social

Le Président du Bureau Exécutif, M. Mohamedou Ould Mohamed Mahmoud, ainsi que plusieurs membres de l’ancien bureau ont été reconduits à l’unanimité au vu d’un bilan hautement positif. Au plan national, notamment à travers les réalisations physiques et les prestations, comme au plan extérieur où la CCIAM est, aujourd’hui, membre de plusieurs importants réseaux consulaires, dont la Chambre de Commerce Franco-arabe, où elle assume une fonction de membre de bureau, la Conférence Permanente des Chambres Consulaires Africaines et Francophones où elle vient d’être réélue pour un second mandat de Vice-présidence pour la zone Afrique du nord. L’Institution s’est distinguée au cours des dernières années par un véritable dynamisme grâce auquel elle est ac-

tuellement membre élue de Conseils d’Administration des deux Chambres Euro-Arabes en plus de liens, fruit de protocoles d’accords de partenariats établis avec 47 Institutions Consulaires ou Organismes économiques importants. La nouvelle Assemblée Générale Consulaire est composée de 75 membres représentant tous les secteurs d’activités économiques. L’innovation est que douze commissions spécialisées ont été créées avec l’entrée d’une grande majorité de jeunes entrepreneurs qualifiés ainsi que de plusieurs grandes Sociétés Nationales ou Mixtes et de plusieurs opérateurs économiques étrangers qui sont désormais considérés comme partenaires à part entière. Ces sociétés publiques ou semi publiques et les opérateurs étrangers ont été cooptés au sein de toutes les instances de l’Institution, bureau exécutif inclus.

Parmi les projets à réalisation prévue à court et moyen terme figurent : La redynamisation du Centre spécialisé de la Chambre, le CIMDET-CCIAM et le site Internet de l’Institution qui ont pour mission de fournir aux visiteurs des informations fiables qui attestent que la Mauritanie, nantie de ressources naturelles nationales considérables et variées, est un pays d’opportunités économiques à climat d’affaires en voie d’amélioration. ● Le lancement des activités du Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Mauritanie (CIMAM) que la Chambre a mis en place pour rassurer davantage les partenaires et investisseurs étrangers en particulier, ● Le projet de construction d’un Centre International de Conférences et d’Expositions (CICE), une infrastructure qui fait défaut au pays et limite ses ambitions pour abriter d’importantes manifestations économiques et commerciales ; ● Le lancement du programme d’appui aux petites et moyennes entreprises, objet d’un accord que la CCIAM et l’AFD ont signé le 16 juin dernier. ● Le développement du partenariat établi avec « Foras Internationale » société mère de « Foras Mauritanie » où les actionnaires mauritaniens, CCIAM incluse, détiennent 40 % du capital. « Foras Mauritanie » a entamé ses activités par la réalisation d’un projet de fabrication de médicaments pour le marché régional. ●

CHAMBRE DE COMMERCE, D’INDUSTRIE ET D’AGRICULTURE DE MAURITANIE

303, avenue de l’Indépendance - BP 215 Nouakchott – Mauritanie Tél. (222) 45 25 22 14 / Fax (222) 45 25 38 95 E-mail: cciam2009@yahoo.fr - Site Web: www.chambredecommerce.mr

COMMUNIQUÉ

DIFCOM - Photos D.R.

Créée en 1958, la CCIAM a été restructurée en 2004 pour jouer un rôle d’Institution interface public-privé. Les travaux de sa deuxième Assemblée Générale Consulaire, tenue en octobre 2011, sont venus renforcer cette restructuration qui vise à en faire un outil national efficace au service du développement économique et social et une plateforme attractive de partenariats mutuellement avantageux et ouverts à l’international.


Le Plus de J.A. Mauritanie

78

BANQUES

Encore loin du compte

L

Évolution du nombre de comptes

Si les banques familiales – Banque pour le commerce et l’investissement (BCI), Banquemauritaniennepourlecommerce international (BMCI), Banque nationale de Mauritanie (BNM) et Générale de banque de Mauritanie (GBM) –, contrôlées par des opérateurs locaux, restent dominantes, avec une part de marché de 61 % sur les dépôts et de 72 % sur les agences, les lignes se redessinent. « Il n’y a pas si longtemps, BMCI avait quasiment toute la clientèle des salariés, mais Société généraleluienadésormaisprisunebonne part », explique un banquier. Le groupe français a développé des solutions adaptées au grand public, comme la Carte Salaire, une carte de retrait qui permet à l’entreprise de régler son employé par un transfert. « Nous avons également été les premiers à proposer des cartes Visa pour les locaux »,

165 3277 TOTAL DES + 10 BANQUES % 30 COMMERCIALES

20088 200

+

BMCI

Banque mauritanienne pour le commerce international

MALI

Nouadhibou Akjoujt

Rosso

Nouakchott

MAURITANIE

SÉNÉGAL

300 km

96

0

4 048

201 2010

2008

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

150

200

1 141 980 701 376 1 000

POPULATION 3,3 millions d’habitants

2 000

3 000

4 000

2010

important, souligne un banquier. En outre, la population active disposant de revenus est limitée aux villes, principalement Nouakchott et Nouadhibou. Tout l’enjeu pour les nouveaux entrants est de développer des produits ou des modes de distribution qui permettront de répondre à ces défis. »

Maroc Mali Algérie Sénégal Mauritanie Niger

94

0

5 000

50

146 148 154 159 173 100

150

200

Investissements (en % du PIB)

Niger Algérie Maroc Sénégal Mauritanie Mali

4 366

2 861

2008

Climat des affaires

155 159 175 186

100

13 262

(rang sur 183 pays classés)

PIB par habitant (en dollars)

Algérie Maroc Mauritanie Sénégal Mali Niger 0

SUPERFICIE 1 025 520 km2

50

130

Société générale Mauritanie

65257

(rang sur 187 pays classés en 2011)

Algérie Maroc Sénégal Mauritanie Mali Niger

+

227,6%

85 932

Développement humain

ALGÉRIE

2010 201

SGM

31,7%

FAIBLESSES ET SIGNES DE REPRISE

Océan an Atlantique

SOURCES : FMI, SEPT. 2011 ; BANQUE MONDIALE, OCT. 2011 ; PNUD, NOV. 2011 ; CNUCED, JUILL. 2011

e secteur bancaire mauritanien serait-il entré en phase de décollage ? Certes, le taux de bancarisation restait encore sous la barre des 5 % (avec 215 000 comptes ouverts) fin 2010. Cependant, le paysage s’est enrichi de 6 nouvelles agences (désormais au nombre de 84). Et, surtout, deux nouveaux opérateurs ont été agréés en 2010 et ont démarré leurs activités en 2011 : Attijari Bank Mauritanie (ABM), né du rachat de BNP Paribas Mauritanie par les marocains Attijariwafa Bank et Banque populaire du Les établissements familiaux, Maroc, ainsi que la banque contrôlés par des opérateurs d’affaires qatarie QNB (exlocaux, restent dominants. Qatar National Bank). De quoi doper un peu plus un ajoute Bastien Ballouhey, président du marché déjà remué par l’arrivée de Société générale (et de BNP Paribas) en 2007. conseil d’administration de Société géné« La sous-bancarisation a tendance à se rale Mauritanie (SGM). réduire, confirme Hassen Ouastani, directeur général d’Attijari Bank Mauritanie. CULTURE CASH. Le marché n’en reste pas Le nombre de comptes a progressé de moins difficile. « Ici, c’est la culture cash qui règne en maître, dans une économie 18,1 % de 2007 à 2008 et de plus de 30 % de 2008 à 2009. » où le secteur informel est extrêmement

MAROC

215 152

18,4 0

10

24,5 20

31,4

35

30

46 44,3

40

50

PIB PAR SECTEUR

# /-$!.$-% 20,5 % # ,%+01).$-% 34,7 % # *%-*$.$-% 44,8 % JEUNE AFRIQUE

SOURCE : ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES BANQUES DE MAURITANIE

Si le marché est très étroit, la venue d’opérateurs étrangers fait bouger les lignes. Derniers arrivés : le qatari QNB et le marocain Attijari.


Attention, fragile ! Outre auprès des salariés, la concurrence se fait également de plus en plus viveauprèsdescommerçantsimportateurs et de la filière pêche. Dans ce domaine, SociétégénéraleetAttijariBankMauritanie possèdent l’avantage d’appartenir à de grands groupes internationaux. « Nous tirons profit de la présence de notre groupe dans les pays limitrophes de la Mauritanie [Maroc, Mali et Sénégal], car cela nous permet de favoriser les échanges et le négoce des opérateurs mauritaniens dont le savoir-faire dans ce domaine n’est plus à démontrer », confirme Hassen Ouastani. La filière mines constitue également une source d’affaires croissante, même si le géant public, la Société nationale industrielle et minière (Snim), boucle ses principaux financements avec des banques internationales. « L’opérateur de la mine d’or de Tasiast, Kinross, et la Mauritanian Copper Mines font travailler les banques locales », se réjouit Mohamed Ould Sidi Oumar, directeur des relations clientèle de la Banque pour le commerce et l’investissement en Mauritanie (Bacim Bank), filiale du groupe ouest-africain Oragroup. Le développement des infrastructures devrait également permettre aux banques étrangères d’augmenter rapidement leurs opérations. En tout cas, le dernier arrivé, Attijariwafa Bank, se réjouit déjà de ses bons résultats: « En dix mois d’activité, les crédits à l’économie ont progressé de 53 %, souligne Hassen Ouastani. Les dépôts ont évolué de 25 % et le nombre de clients de 61 %. » Une preuve du nouveau dynamisme du marché. ● FRÉDÉRIC MAURY

PIB (en milliards de dollars, en prix courants, éch. de gauche) 5

2 1 0

(variation du PIB, en %, en prix constants, éch. de droite)

5,2

4 3

Croissance

3,5 3,5

2,8

3

3,6

5,1 4

5,6

6

4,3

4 2

* Prévisions

1

0

- 1,2 2007

2008

2009

2010

2011* 2012*

-2

INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

# &((" 338 millions de dollars # &((2 - 38 millions de dollars # &('( 14 millions de dollars

JEUNE AFRIQUE

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011


Le Plus de J.A. Mauritanie

Le site d’exploitation de la Snim À ZOUERATE (Nord). INDUSTRIES EXTRACTIVES

De très bonnes mines En deux ans, la découverte de nouveaux gisements et les investissements engagés par les opérateurs ont bouleversé le secteur.

D

epuis la fin de 2009, le secteur minier connaît un fort dynamisme. Les réformes engagées ont permis de découvrir des gisements, des minerais, et d’attirer des opérateurs dont les investissements conséquents promettent une croissance particulièrement forte des différentes filières à court et à moyen termes. Si ses activités n’ont augmenté que de 0,8 % en 2010, le secteur a contribué à près de 24 % du PIB (contre 20 % en 2009), grâce à l’augmentation considérable des prix des métaux sur les marchés internationaux : + 60 % pour le fer, + 46 % pour le cuivre, + 26 % pour l’or. L’événement qui a révolutionné le secteur minier mauritanien ces derniers mois reste l’acquisition du canadien Red Back Mining par son compatriote Kinross Gold Corporation, en septembre 2010, PRODUCTION D’OR

8 tonnes en 2010 N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

pour le développement du gisement aurifère de Tasiast (plus de 7 milliards de dollars, soit 5 milliards d’euros).

(Snim) a engagé quant à elle un grand programme de développement et de modernisation. Deuxième producteur de minerai de fer du continent, avec 11,2 millions de tonnes produites en 2010, la Snim a pour objectif d’augmenter sa production annuelle de 4 millions de tonnes à partir de 2013, pour atteindre 18 millions de tonnes en 2014 et 25 millions à l’horizon 2018. D’un coût de plus de 1 milliard de dollars, le programme de modernisation s’articule autour du projet Guelb II, qui couvre notamment l’extension de la mine existante, la construction d’une usine d’enrichissement des minerais de fer d’une capacité de 4 millions de tonnes par an, ainsi que celle d’un nouveau port minéralier à Nouadhibou. Il a également permis à la société d’obtenir, en mai 2011, la certification ISO 14001 pour son système de management environnemental. Concernant la production de cuivre (36 610 t en 2010), elle est entièrement assurée par la Mauritanian Copper Mines (MCM), qui a lancé en 2010 un plan d’investissement de 106 millions de dollars visant à doubler sa capacité de production. La société a par ailleurs produit 92 000 onces d’or (environ 3 t) l’an dernier. La société indienne Bofal Indo Mining Company (BIMC, dont l’État détient 30 %) développe les gisements de phosphates

LE FILON TASIAST. Après de premières études menées par l’Office mauritanien PRODUCTION de recherches géologiques (OMRG) dans DE FER les années 1990, ce gisement à ciel ouvert situé à 300 km au nord de Nouakchott a changé de mains à plusieurs reprises depuis son entrée en production, millions de tonnes millions de tonnes en 2008. En mai 2011, Kinross a lancé un en 2014 (prévision) en 2010 programme d’investissement de 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) sur trois ans (2011-2014) pour faire de cette de Bofal et de Loubeira. La production mine la plus importante du monde (ses initiale prévue est de 1 million de tonnes réserves prouvées sont de 7,6 millions par an à partir de 2012. BIMC est par d’onces d’or). De 160000 onces d’or (enviailleurs en train de construire une usine ron 5 tonnes) en 2010, la production de traitement d’acide phosphorique, devrait atteindre 275 000 onces (environ qui devrait être opérationnelle en 2013. 8 t) dès 2012, avec des perspectives de Enfin, la Mauritanian Minerals production de 32 t par an en 2014 et la Company (MMC, dont l’État détient 10 %) création de 3000 emplois en trois ans. lance la production de quartz à Oum Agneina (près de Nouadhibou), dont elle MODERNISATION. Première devrait extraire environ 300 000 t d’ici entreprise du pays (avec plus à 2014. Un minerai à très haute teneur de 4500 emplois directs et un en silice, dont le prix international a tonnes chiffre d’affaires de 1,9 milliard flambé en raison de ses multiples usages, de dollars en 2010), la Société notamment en microélectronique. ● en 2014 (prévision) nationale industrielle et minière CÉCILE MANCIAUX

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OLIVIER PAPAEGNIES

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Attention, fragile !

À l’école du génie La première promotion d’ingénieurs en géologie, exploitation minière et électromécanique sortira dans cinq ans. Made in Mauritania.

L

a peinture est encore fraîche. Le 13 novembre, 71 étudiants ont fait leur rentrée à l’École de mines de Mauritanie (EMiM), installée provisoirement dans la capitale, avenue Moktar-Ould-Daddah, en attendant d’emménager sur le campus en cours de construction à Akjoujt, ville minière de l’Inchiri (Centre-Ouest). Les élèves, qui ont tous passé un concours d’entrée fin mai (avant l’obtention de leur baccalauréat scientifique), bénéficient de bourses et logent à l’internat, situé à 300 m de l’école. « Les futures promotions seront de cinquante élèves-ingénieurs, mais nous avons fait une exception pour cette première rentrée », explique Mohameden Ould Ahmedou, coordinateur du projet et directeur de l’école.

Une étude de faisabilité conduite en 2009-2010 par l’École polytechnique de Montréal, partenaire du projet, a souligné les besoins de l’État et des opérateurs miniers en ingénieurs face à la montée en puissance du secteur et à la volonté de « mauritanisation » des cadres supérieurs. Depuis la signature de l’accord de partenariat, en décembre 2010, les choses sont allées très vite. DIPLÔME. Dotée du statut d’établisse-

ment public à caractère administratif et placée sous la tutelle du ministère du Pétrole et des Mines, l’école est financée par l’État à travers la Société nationale industrielle et minière (Snim) – avec un budget de 500 000 dollars (377 000 euros) pour les six premiers

mois de fonctionnement –, ainsi que par la contribution des opérateurs miniers. Au terme d’un cycle préparatoire intégré commun de deux ans, celui d’ingénieur, en trois ans, offre deux spécialités : l’une en gestion des ressources minières (géologie et exploitation minière), l’autre en électromécanique (génie électrique et génie mécanique), sanctionnées par la délivrance d’un diplôme d’ingénieur. « L’objectif est de fournir au tissu industriel mauritanien du personnel hautement qualifié, poursuit Mohameden Ould Ahmedou. C’est pourquoi nous avons créé une école d’excellence répondant aux standards internationaux, grâce au partenariat avec l’École polytechnique de Montréal et avec les opérateurs. » Dans cinq ans, les premiers diplômés ne risquent-ils pas de vouloir s’expatrier ? « Certains vont partir à l’étranger, d’autres feront des études doctorales, reconnaît le directeur de l’école. À nous de proposer des offres d’emploi attrayantes. » ● JUSTINE SPIEGEL

LA CAISSE NATIONALE DE SÉCURITE SOCIALE (CNSS) PLUS DE 50 ANNÉES AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE LA MAURITANIE Instituée par la loi n°67 039 du 03 Février 1967, le régime mauritanien de sécurité sociale est géré par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale « CNSS », établissement public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière placé sous la tutelle du Ministère chargé du Travail. AFFILIATION AU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE L’affiliation au régime de sécurité sociale est obligatoire.

Plafond des cotisations : 70 000 UM/mois Plancher des cotisations : 30 000 UM/mois depuis le 1er /09/2011

LES PRESTATIONS DE SÉCURITE SOCIALE La CNSS garantit aux travailleurs qui lui sont affiliés trois types de prestations prévues dans les branches suivantes : • branche des prestations familiales ; • branche des risques professionnels • branche des pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès.

QUELQUES CHIFFRES SUR LA CNSS (en Millions d’ouguiya) : • Recettes en 2010 : 4 382 • Dépenses 2010 : 3 372 • Excédent : 1 010

En plus de ces trois branches, la CNSS gère un Fonds d’action sanitaire et sociale (FASS) destiné au bien être des travailleurs et de leurs familles. À ce titre, elle met à leur disposition un réseau de PMI et un jardin d’enfants. LE FINANCEMENT DU RÉGIME DE SÉCURITE SOCIALE Le financement du régime de sécurité sociale est essentiellement basé sur les cotisations ouvrières et patronales au taux de 14%. Réseau d’agences En vue de se rapprocher des assurés sociaux la CNSS dispose de 8 agences dans neuf capitales régionales (Nouadhibou, Zouerate, Atar, Rosso, Kaédi, Aïoun, Sélibaby, Kiffa).

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Attention, fragile ! CONFIDENCES DE | Ismail Ould Bedde Ould Cheikh Sidiya

« Il n’y a pas une région sans chantier » Ì Pour le ministre de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, la lutte contre la précarité est prioritaire Ì Dans les régions, le regroupement de localités va faciliter leur équipement en services de base JEUNE AFRIQUE : Quelles sont les priorités de votre politique d’urbanisation ? ISMAIL OULD BEDDE OULD CHEIKH SIDIYA : L’objectif est de moderniser rapidement le pays afin d’améliorer le quotidien des citoyens, ce qui passe par la lutte contre la précarité. Une priorité sur laquelle le chef de l’État avait déjà mis l’accent dans son programme électoral en 2009. Plus du tiers de la capitale était constitué de bidonvilles et les pouvoirs publics n’avaient pas pris ce problème à bras-le-corps. Nouakchott est une ville jeune, dont la population est passée de 5000 habitants au début des années 1960 à près de un million aujourd’hui. En cause, l’exode rural massif dû à la sécheresse, ainsi que la recherche d’emploi et de services publics de base.

entièrement financés sur le budget de l’État. De nombreux chantiers sont d’ailleur s réalisés par des entreprises locales. Nous avons passé cette année pour près de 12 milliards d’ouguiyas [30 millions d’euros, NDLR] de marchés publics, auxquels plus de cinquante entreprises mauritaniennes ont pu accéder en toute transparence.

AMI

Quels étaient les autres chantiers à Nouakchott ? De grandes avenues ont été réalisées, l’éclairage public installé, les équipements réhabilités, et les réseaux d’eau potable et d’assainissement ne vont pas tarder à suivre. Nous avons lancé un programme de rénovation et de construction de plus de cinquante écoles, et, en matière d’éta SELON ISMAIL OULD BEDDE OULD CHEIKH SIDIYA, il y a deux ans, blissements de santé spéplus du tiers de la capitale était constitué de bidonvilles. cialisés, la capitale compte Comment cette lutte contre les quartiers précaires s’estdésormais un hôpital mèreelle organisée et quels sont les résultats Près de 100 000 ménages sont enfant, un centre de cardiologie et un obtenus ? concernés par cette action. Ils étaient centre national d’oncologie. Nous avons élaboré des plans, pour dans une situation foncière anormale, délimiter des rues, des espaces publics, Et à l’intérieur du pays ? que nous avons maîtrisée, et tous les définir les urgences en termes d’infrasPrès de 130 infrastructures (d’eau, secteurs de Nouakchott font l’objet tructures…Toutes les populations qui d’électricité, d’assainissement, de de plans de lotissement, qui sont s’étaient établies en zone précaire santé, d’éducation…) ont été réalisées approuvés en Conseil des ministres. en deux ans en Mauritanie, dont 20 % À ce jour, le niveau d’avanà Nouakchott, sur la base de la loi cement des travaux est relative à l’aménagement du territoire estimé à 75 %, alors qu’il adoptée en janvier 2010. Aujourd’hui, faut généralement dix ans il n’y a pas une région sans chantier. pour mener à bien un tel On essaie en effet d’offrir des services programme. de base aux populations à l’intérieur devaient être déplacées, ce qui nécesdu pays, afin de les encourager à rester sitait au préalable de viabiliser des Qu’en est-il sur le plan financier ? terrains d’accueil, en rendant acceschez elles. Une stratégie d’incitation Les programmes relatifs aux quarsibles les services d’eau, d’électricité, qui donne de très bons résultats tiers précaires et à leurs équipements de santé et d’éducation. Environ puisque nous avons beaucoup de (eau, électricité, éducation, santé), 10 000 nouvelles voies ont été créées demandes de regroupement. ● ainsi qu’aux villes nouvelles et aux Propos recueillis par JUSTINE SPIEGEL dans ces quartiers. regroupements de localités, ont été

Près de 100000 ménages sont concernés par la réhabilitation des quartiers.

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! LE CENTRE-VILLE DE LA CAPITALE, modernisé.

URBANISME

Cure de jouvence pour Nouakchott La bourgade d’hier compte désormais 1 million d’habitants, jeunes pour la plupart. Plongée dans une cité en pleine métamorphose.

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u milieu d’une étendue désertique et broussailleuse, la première mosquée trône, immaculée, comme sortie des sables. La photo des années 1960 a bien vieilli. Ce qui n’était qu’un poste militaire, « une dune où n’existent que quelques arbustes rabougris ensevelis sous le sable fin », selon les mots du premier président du pays, Moktar Ould Daddah, est devenu, en cinquante ans, une métropole de 1 million d’habitants, qui essaie de prendre aujourd’hui des allures de ville moderne.

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En ce mois de novembre, sous un soleil de plomb, les voitures filent à vive allure sur l’avenue Gamal-Abdel-Nasser, l’axe principal de Nouakchott, transformé en boulevard à deux voies. De chaque côté « du goudron », d’immenses réverbères. Depuis deux ans, la capitale fait peau neuve et, partout, le béton sort de terre : une grande voie encerclera bientôt toute la ville et coupera les grands axes (Nouadhibou, Rosso, L’Espoir…) ; les blocs, où étaient logés les jeunes fonctionnaires, emblématiques des premières constructions des années 1960,

ont été détruits, et le terrain, morcelé en lots en 2010, a été vendu aux enchères publiques. DÉSILLUSION. Forcément, la capitale

attire. Et sa population, elle aussi, offre un nouveau visage. Des milliers de jeunes Mauritaniens ont afflué vers Nouakchott ces dernières années pour s’y sédentariser, désertant l’intérieur du pays. Difficile pourtant d’y trouver un emploi et un logement. Sans parler de l’offre culturelle : la ville n’a ni cinéma ni théâtre, et les loisirs y sont rares. Le soir venu, les rues sont tout aussi peu animées. « D’accord, il y a une nouvelle maison des jeunes et un stade, mais, au niveau des infrastructures, rien n’est prévu pour la jeunesse », reconnaît un fonctionnaire.

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LES ARBRES, CONTRE VENTS ET MARÉES

Rien d’étonnant, donc, à rencontrer, chez nombre de jeunes Nouakchottois, une grande désillusion, des envies d’horizons lointains et autres rêves de visa Schengen, ainsi qu’une défiance envers les hommes politiques, qu’ils accusent volontiers de tous les maux. « Tout est trop cher et il n’y a pas d’emploi, surtout quand on n’a pas fait d’études », regrette un jeune taximan originaire de Nouadhibou (Nord-Ouest), qui exerce également dans le commerce de la ferraille. Car, ici, même s’il n’y a pas de travail, on s’active, on enchaîne les petits boulots informels, on cherche. Menacé d’un côté par les incursions marines et de l’autre par l’avancée du désert (lire encadré), Nouakchott est surtout miné, au niveau des services, par les difficultés d’approvisionnement en eau. « Grâce aux nouvelles usines de traitement, nous réussirons à couvrir les besoins de la population d’ici à 2030 », promet Birane H. Wane, directeur de l’aménagement du territoire et de l’action régionale. En attendant, les petites charrettes chargées de bidons d’eau, tirées par des ânes, sont encore nombreuses à se presser quotidiennement autour des bornes-fontaines du marché Cinquième. Elles font aussi partie du charme de la ville, derniers vestiges du petit bourg provincial devenu l’une des agglomérations les plus importantes du Sahara. ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE

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LOIN DES SIRÈNES MÉDIATIQUES, c’est un modèle du genre. L’opération de reboisement lancée en 2010 pour lutter contre l’avancée des dunes et les incursions marines qui menacent Nouakchott se poursuit, sans relâche, sous la houlette d’Amedi Camara, le ministre de l’Environnement. Sur la partie continentale, plus de 1 million d’arbres ont déjà été plantés, mobilisant un financement de 120 millions d’ouguiyas (305 000 euros), supporté par l’État. Sur 2 000 ha de fixation biologique (plants de prosopis) et mécanique (clôture), 1 500 ha ont été réalisés. Les 500 ha restants seront finalisés d’ici à la fin de l’année. Alors qu’elle devait initialement être réalisée entre 2010 et 2013, cette phase a été réduite à deux ans tant l’opération est devenue urgente sur la partie littorale. ● J.S.


Union Nationale du Patronat Mauritanien L’UNPM s’engage pour le développement du secteur privé L’État et les patrons travaillent en concertation pour améliorer la compétitivité des entreprises mauritaniennes.

Forte de ses onze fédérations professionnelles qui couvrent la quasi-totalité des secteurs d’activités économiques, l’UNPM représente, aujourd’hui, un paysage patronal d’un apport positif avéré au raffermissement de la concertation État/Secteur Privé et du Partenariat Public Privé, gages d’un environnement institutionnel de plus en plus attractif pour les investissements nationaux et internationaux, à même de faire de l’entreprise mauritanienne, moderne et citoyenne, le moteur du développement économique et social du pays. Fidèle à ses engagements, et en rapport avec le thème de son dernier congrès : « Pour un Secteur Privé économiquement fort et socialement responsable », l’UNPM œuvre à la préservation et à la consolidation du climat Ahmed Baba Azizi, Président de l’UNPM et Président d’un Groupe d’Entreprises

social serein qui caractérise ses relations de dialogue avec l’ensemble de ses partenaires sociaux. En matière de réalisations de programmes et projets strucrants l’UNPM prévoit dans son plan d’action : ◗ la création d’une clinique pluridisciplinaire privée fournissant des prestations de classe internationale, ◗ la réalisation de 3 000 logements sociaux et de moyen standing, ◗ la création d’une université privée, aux diplômes internationalement reconnus apte à répondre aux besoins cruciaux du pays et du secteur privé, ◗ la construction d’un abattoir moderne pour valoriser les importantes ressources animales du pays, ◗ et l’édification d’un nouveau siège offrant tous les services utiles à un secteur privé moderne. Au plan international, l’UNPM continue à consolider son positionnement au sein des Organisations régionales, continentales et internationales dont elle est membre, telles que l’UME, la FOPAO, la CPE, BUSINESSMED ou encore l’OIE. Union Nationale du Patronat Mauritanien 824 Avenue du Roi Fayçal, BP 383, Nouakchott, Mauritanie Tél. : (+222) 45 25 21 60 Fax : (+222) 45 25 33 01 www.unpm.mr

DIFCOM - Photos : WATT

À travers sa contribution au processus de construction nationale, l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM) s’est imposée comme le porte-voix du secteur privé mauritanien et l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, pour tout ce qui est relatif au développement économique et social du pays.


Attention, fragile ! SOCIÉTÉ

Abdoul Birane Wane, le missionnaire Dès le mois de juillet dernier, il a organisé des sit-in dans la capitale pour s’opposer à l’enrôlement qui, selon lui, vise à exclure une partie des Négro-Mauritaniens de leur droit à la nationalité pour « gonfler » la part de la population arabo-berbère. La contestation enfle, jusqu’à ce que le pays s’enflamme, fin septembre. Des affrontements avec les forces de l’ordre dans le sud du pays et dans la capitale font plusieurs blessés et un mort. Des manifestants sont arrêtés.

À la tête du collectif Touche pas à ma nationalité, il exige l’arrêt du recensement en cours. Il le juge discriminatoire à l’égard des populations noires.

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DR

as de femme, pas d’enfants. Abdoul Birane Wane est un ascète. Si, RUMEURS. Lui court toujours. Le à 35 ans, il est toujours 28 novembre, il a encore organisé célibataire, c’est par choix, dit-il. une marche à Nouakchott, répriDans le combat politique qu’il mée par les forces de l’ordre. Il mène depuis son adolescence, maintient donc la pression et est il ne veut subir aucune pression. désormais dans l’œil du cyclone. Or il le sait : la famille, en Afrique Le pouvoir, qui le considère plus qu’ailleurs, est le meilleur commeundangereuxboutefeu,l’a moyen de calmer les trublions. àl’œil.DesrumeursledisentsénéLe porte-monnaie aussi. C’est galais ou téléguidé par le Mossad, pourquoi l’enseignant a préféré l’agence de renseignements israéexercer dans le privé plutôt que lienne. Dans l’entourage du chef d’intégrer la fonction publique. ! Son engagement actuel n’a, selon lui, rien Dans la rue, il n’en impose pas. de l’État, on le soupçonne d’être de politique. C’EST UNE QUESTION D’ÉGALITÉ ET DE DROITS. Tout juste le remarque-t-on pour un cheval de Troie des Forces de grand empêcheur de tourner en rond du sa démarche boiteuse. Et jusqu’à il y a peu, libération africaines de Mauritanie (Flam), AbdoulBiraneWaneétaituninconnupour moment et par une partie de la commuun mouvement négro-mauritanien internauté négro-mauritanienne comme un la plupart des Mauritaniens. À part dans dit. Lui s’en défend: « Je n’en fais pas partie. le milieu politique. Ancien cadre du parti nouveau porte-parole. Mais je leur rends hommage. » d’Ibrahima Moctar Sarr, l’Alliance pour Quant à ses anciens compagnons de la justice et la démocratie/Mouvement COMBAT. Né à Aleg en 1976, Abdoul l’ADJ/MR, ils s’en méfient. Selon l’un d’eux, pour la rénovation (ADJ/MR), dont il a Birane Wane a fait très tôt de la poliil « n’est qu’un arriviste, qui compte se été exclu en 2008 pour ses divergences tique. À 15 ans, alors qu’il est scolarisé à servir du mouvement contre l’enrôlement avec le bureau, il s’était taillé une répuRosso – principal point de passage entre pour se faire un nom ». Le principal intétation de combativité. En revanche, son le Sénégal et la Mauritanie –, il intègre ressé rétorque que les partis traditionnels mouvement, l’Initiative mauritanienne l’Union des forces démocrapour l’égalité et la justice (Imej), passait tiques (UFD) d’Ahmed Ould « J’étais ado lors de la répression relativement inaperçu. Daddah, aujourd’hui le chef contre les Noirs. C’est impossible Depuis que, avec d’autres organisations de l’opposition. Plus tard, il citoyennes, il a lancé le collectif Touche rejointlespartisdéfendantla à accepter. » pas à ma nationalité (TPAMN) et qu’il causenégro-mauritanienne: se bat pour faire suspendre le processus d’abord l’Alliance pour une Mauritanie ont trahi la cause négro-mauritanienne d’enrôlement (lancé par l’État en mai nouvelle,puisl’ADJ/MR.Unesuitelogique, et qu’Ibrahima Sarr, comme d’autres, pour, officiellement, mettre en place selon lui. « Ma génération a grandi avec les est bon pour la retraite. S’il ne le dit pas un nouveau système d’identification événements de 1986 à 1991 et la ségrégaainsi, Abdoul Birane Wane se sent investi des citoyens), ses propos incendiaires tion. J’étais ado lors de la répression contre d’une mission. « Ma satisfaction, c’est à l’encontre d’un régime qu’il accuse de les Noirs. C’est impossible à accepter. » que nos parents nous disent que nous racisme et ses appels à manifester ont Depuis, il lutte pour en finir avec « ce sommes en train de réussir ce qu’ils n’ont fait mouche. Abdoul Birane Wane n’est système discriminatoire » que, selon lui, pas pu faire. Il faudra bien qu’un jour les pas loin d’être considéré par l’entourage « l’élection de Mohamed Ould Abdelaziz, Mauritaniens soient égaux entre eux. » ● du président Abdelaziz comme le plus en 2009, n’a fait que renforcer ». RÉMI CARAYOL, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

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Attention, fragile ! CLIN D’ŒIL Tirthankar Chanda

Une littérature des sables

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ourquoi se cache-t-elle ? Jusqu’à quand ? Elle n’est pas intégrée dans les programmes scolaires. La plupart des Mauritaniens n’en ont jamais entendu parler. Pourtant, il existe, en Mauritanie, une littérature francophone de qualité. Ce constat a conduit une poignée d’universitaires mauritaniens à lancer, l’an dernier, l’idée d’un colloque sur le sujet. L’université de Nouakchott a donné son feu vert pour accueillir la rencontre, qui se tiendra dans ses locaux les 14 et 15 décembre prochains et réunira des experts nationaux et étrangers. Un événement consacré à la littérature mauritanienne d’expression française et, donc, à son invisibilité inaugure un nouveau champ d’études dans les lettres francophones. Champ d’études en attente de reconnaissance et de vulgarisation.

ont pour noms Djibril Sall,TèneYoussouf Gueye, Moussa Diagana, Beyrouk, Abdoul Ali War, Harounna (dit Rachid) Ly ou Bios Diallo. « La francophonie mauritanienne souffre d’un paradoxe, explique Mamadou Kalidou Bâ, auteur du Roman africain francophone postcolonial : radioscopie de la dictature à travers une narration hybride (L’Harmattan, 2009) et maître de conférence au département de langue et de littérature française à l’université de Nouakchott, à l’origine du projet de colloque. Elle peut se targuer d’une production foisonnante, dont la qualité n’a rien à envier aux autres littératures nationales d’Afrique. Pourtant, aucun de nos auteurs ne figure dans les programmes d’enseignement primaire ou secondaire. Alors pourquoi s’étonner que le grand public mauritanien ignore la richesse de son patrimoine littéraire en français ?… » Pour le professeur Bâ, la responsabilité en incombe à la politique d’arabisation de l’éducation poursuivie depuis l’indépendance par la majorité arabo-berbère au pouvoir dans le pays. Au détriment du français, associé à l’affirmation identitaire de la population négro-africaine et accusé d’être plus proche des valeurs de la négritude que de l’arabité et de l’islam. Les organisateurs du colloque de Nouakchott espèrent sensibiliser les lecteurs à la « mauritanitude » des productions francophones, marquées du sceau de l’interculturalité et de la diversité constitutives de la « République des sables ». ●

Le français est associé à l’affirmation identitaire de la population négro-africaine. L’émergence d’une littérature mauritanienne francophone est un fait littéraire relativement nouveau comparé aux autres littératures africaines d’expression française, dont certaines seront bientôt centenaires. En effet, la parution de la première œuvre littéraire commise par un Mauritanien dans la langue de Voltaire date de 1966 : il s’agit de Presque griffonnages ou la francophonie, d’Oumar Bâ, considéré comme le pionnier de la francophonie mauritanienne. Le corpus francophone s’est depuis enrichi de plus de 300 volumes de poésies, nouvelles et romans, dont les auteurs les plus connus

Le goût du monde Le goût du monde pour Servair Mauritanie, c’est d’être respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration aérienne et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes des passagers de l’aéroport international de Nouakchott.

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Économie

TRANSPORTS URBAINS

Bras de fer à Dakar

AÉRIEN

IAS veut mettre les gaz

ÉTHIOPIE

Les fragilités

Politiquement et économiquement fermé, le pays affiche une forte croissance depuis 2004. L’année 2011 ne fera pas exception. Mais avec une pauvreté persistante, un taux de chômage élevé et une inflation galopante, ces bons résultats peuvent-ils durer ?

STÉPHANE BALLONG

C

omme prévu, 2011 aura été une bonne année, une de plus, en termes de croissance économique pour l’Éthiopie. Selon la Banque mondiale, après une progression de 8,8 % en 2010, le PIB devrait afficher cette année une hausse de 10,1 % – le Fonds monétaire international (FMI) table, lui, sur 7,5 %. Une performance bien supérieure à celle de l’Afrique de l’Est dans son ensemble, avec une croissance moyenne attendue de 6,7 %. Selon les projections de ses dirigeants, l’Éthiopie devrait conserver sur les cinq prochaines années le même rythme de progression (environ 10 %) que depuis 2004. Deuxième producteur africain de café (230000 tonnes), le pays a profité de la bonne tenue des cours de ce produit sur le marché mondial ces sept dernières années. De plus, « il fait ses premiers pas vers une diversification, avec la production et l’exportation de fleurs », explique Abdoul Mijiyawa, un économiste du cabinet de conseil African Center for Economic Transformation (Acet), basé à Accra. En 2009, l’horticulture a rapporté au pays 141 millions de dollars (98 millions d’euros). Et pour maintenir le cap, le gouvernement a lancé au second semestre 2010 un plan quinquennal visant à poser les bases d’une stratégie qui devra propulser ce pays pauvre (près de 40 % de la population vit avec moins de 1,25 dollar par jour) au rang de pays à revenu intermédiaire. Ce programme met un accent particulier sur le développement des infrastructures. À Addis-Abeba, la capitale, le BTP est en plein essor: des hôtels et des logements sortent de terre. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

À ADDIS-ABEBA, les chantiers se multiplient. La plupart d’entre eux sont confiés à des entreprises chinoises.

Mais aussi des routes: le pays veut porter son réseau de 49 000 km en 2010 à 136 000 km en 2015. Des projets qui, pour la plupart, sont confiés à des entreprises chinoises. L’empire du Milieu est devenu le principal partenaire commercial de l’Éthiopie; les échanges entre les deux pays ont dépassé le milliard de dollars en 2010, contre 100 millions en 2002. Mais c’est surtout au développement de l’agriculture (43 % du PIB)que le planquinquennal consacre une place de choix. Addis-Abeba s’efforce d’attirer des investissements dans l’agro-industrie. Les Indiens sont très actifs dans ce domaine. Karuturi Global, l’un des leaders mondiaux de la production de roses, qui a déjà injecté plus de 400 millions de dollars dans l’exploitation de 100 000 ha dans la province de Gambella, a ainsi levé en 2010 environ 100 millions supplémentaires pour louer des terres qui serviront à produire des denrées alimentaires destinées au marché est-africain. JEUNE AFRIQUE


INTERVIEW

CONSO

Lahcen Daoudi Secrétaire national

Shopping taille XXL au Morocco Mall

du PJD chargé de l’économie

AGROALIMENTAIRE

Nestlé souffre en Côte d’Ivoire, mais reste offensif

d’un champion africain Une croissance stable mais une inflation mal maîtrisée 40 % 35 % 30 % 25 % 20 % 15 % 10 % 5% 0

Croissance du PIB Taux d’inflation

18,1

11,7 8,6 2004

7,5 2005

2006

PIB par habitant (2011)

224 dollars

C’est encore avec des partenaires indiens que le pays développe ses capacités de production de sucre, dont il devrait devenir exportateur dès l’année prochaine, selon Ecobank. Un crédit de 640 millions de dollars obtenu auprès de l’Exim Bank of India en 2008 a permis la construction d’une nouvelle usine et l’expansion de quatre autres. Cet investissement portera ses premiers fruits dès 2012, avec une production de 1,3 million de tonnes de sucre, contre 300 000 t actuellement. MÉGABARRAGE. L’Éthiopie nourrit aussi de grandes ambitions dans le secteur énergétique. Parmi les projets d’envergure lancés dans ce domaine, la construction du barrage hydroélectrique Gibe III (1 870 MW) sur le fleuve Omo. Coût total : près de 1,7 milliard de dollars, que le gouvernement entend entièrement financer en mobilisant des ressources internes. Un diplomate JEUNE AFRIQUE

Climat des affaires

e 111 rang (sur 183) dans le rapport « Doing Business » 2012

Balance commerciale (2009)

– 6,6 milliards de dollars Investissements directs étrangers (2010)

184 millions de dollars (– 16 %) Dette extérieure (2010)

19,2 % du PIB

SOURCES : FMI, BAD, BANQUE MONDIALE

PER-ANDERS PETTERSSON/COSMOS

(contre 475 dollars pour le Kenya)

2007

2008

2009

2010

2011

basé à Addis-Abeba accuse : « Des fonctionnaires et salariés du secteur privé sont contraints de souscrire aux levées de fonds du gouvernement, au risque de subir des représailles en cas de refus. » Il n’empêche, certains économistes voient dans cette démarche des aspects positifs. D’abord, en s’autofinançant, le pays échappe aux conditions contraignantes posées par les institutions financières internationales. Ensuite, « si ce projet aboutit, il permettra de réduire considérablement le coût de l’électricité, ce qui favorisera l’industrialisation de l’Éthiopie via la transformation sur place de produits de base », explique Abdoul Mijiyawa. Le tableau n’est toutefois pas aussi idyllique qu’il y paraît. Dans ce pays qui a connu en 1984-1985 une grave famine, le spectre de la faim est toujours très présent. Pour ne rien arranger, les prix des denrées alimentaires et des autres produits de base ont doublé en cinq ans. « L’inflation, officiellement de 18 % en 2011 [selon le FMI, NDLR], dépasse largement ce niveau », affirme une source bancaire. « L’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser, alors que la démographie est galopante [85 millions d’habitants en 2010 contre 69 millions en 2002] », souligne un cadre de l’Union africaine. Le taux de chômage est estimé à plus de 60 %. Conséquence: la grogne monte et de nombreux observateurs craignent une explosion à la tunisienne. Mais d’après Eugénie Maïga, économiste du cabinet Acet, la situation est « assez différente ». En Tunisie, explique-t-elle, la révolte provient d’un taux de chômage stratosphérique chez les jeunes diplômés. Or en Éthiopie, l’éducation a longtemps été un maillon faible, et ce n’est qu’au cours des dernières années que les autorités ont redoublé d’efforts dans ce domaine. Le nombre d’étudiants d’université est passé de 52 000 en 1999 à 265 000 en 2009. Autrement dit, le problème tunisien ne N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Entreprises marchés se posera en Éthiopie que si le gouvernement ne trouve pas d’emplois à ses futurs diplômés dans les cinq prochaines années. Quoi qu’il en soit, le rapport « Perspectives économiques en Afrique », publié notamment par la Banque africaine de développement (BAD), est formel : « Au regard de tous ces problèmes structurels, la pérennité de la croissanceéthiopiennefaitdébat. Seuls secteurs ouverts […] Ce sera une grande réussite aux investisseurs si le pays parvient à concrétiétrangers : l’agriculture ser le simple scénario de base prévudanssonplanquinquennal et les infrastructures. pour 2011 et 2012. » Politiquement fermée – le Premier ministre, Mélès Zenawi, au pouvoir depuis vingt ans, a été reconduit lors des législatives de mai 2010 avec 99 % des voix –, l’Éthiopie n’est pas plus ouverte sur le plan économique. Les investisseurs étrangers ne peuvent avoir accès qu’aux secteurs de l’agriculture et des infrastructures. « Si les institutions du pays veillent à la bonne gouvernance et à une concurrence transparente, cette situation peut contribuer à l’émergence de grands acteurs locaux », tempère Mijiyawa. À l’image de la compagnie aérienne

nationale,EthiopianAirlines(121 millions de dollars de bénéfices en 2009-2010), qui s’est hissée parmi les leaders africains en ayant la quasi-exclusivité des liaisons entre le pays et le reste du monde. LICENCES 3G. Reste que ce succès est loin de se

retrouver dans la banque et les télécoms, pourtant vecteurs de croissance. Le secteur bancaire reste très peu développé et dominé par les groupes publics, notamment la Commercial Bank of Ethiopia. Conséquence ? L’Éthiopie compte 1 agence pour 130 000 habitants (14 000 en Tanzanie, 31 000 au Kenya et 70 000 en Ouganda). Danslestélécoms,enrevanche,lesprémicesd’une ouvertureseprécisent.En2010,Sofrecom,unefiliale de France Télécom, a conclu un accord d’assistance technique pour mettre à niveau l’opérateur public, Ethiopian Telecommunications Corporation. Deux licences3Gdevrontêtrevenduesàdesacteursprivés. De bonnes affaires en perspective? À condition que le climat des affaires, jugé « médiocre » par la BAD, évoluepourfavoriserl’émergenced’unsecteurprivé. Mais, classé 111e sur 183 dans le rapport « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale, le pays a reculé de sept places en un an. ●

La Corne de l’Afrique en vedette L’Éthiopie a vu son PIB progresser fortement en 2011, mais à l’échelle du continent, c’est le Ghana qui rafle la mise.

S

i la Corne de l’Afrique s’ i l l u s t re e n p l a ç a n t deux pays (l’Éthiopie et l’Érythrée) parmi les trois premières croissances du continent, c’est le Ghana qui domine, avec une progression de 13,5 % de son PIB, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI). Deuxième producteur mondial de cacao, producteur d’or et de diamants, l’ancienne Gold Coast est dopée par la mise en production, en décembre 2010, de Jubilee, le gisement pétrolier de 1,2 milliard de barils. À la différence de l’Éthiopie, qui, malgré sa forte croissance, présente de lourds problèmes structurels, Accra mène depuis plusieurs années des réformes pour transformer son économie et la hisser dans la catégorie supérieure des pays à revenu intermédiaire à l’horizon 2020. Outre le Ghana, en Afrique de N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

l’Ouest, c’est un autre producteur de pétrole qui tire la croissance de la sous-région vers le haut : le Nigeria (+ 6,9 %). Même si certains d’entre eux affichent des résultats honorables, à l’instar du Mali (+ 5,3 %), les États francophones du continent sont pour la plupart à la traîne. Tandis que

Les plus fortes croissances attendues en 2012

SIERRA LEONE NIGER

ANGOLA

2012

SOURCE : PRÉVISIONS FMI SEPT. 2011

92

la Côte d’Ivoire paie au prix fort la crise postélectorale, avec une croissance négative, le Bénin (+ 3,8 %) et le Togo (+ 3,8 %) peinent à décoller réellement. Toutefois, dopés par les cours favorables de l’or noir, le Tchad et le Congo devraient parvenir en 2012 à se hisser en tête de peloton en Afrique centrale, avec respectivement + 7 % et + 6,9 % attendus. Selon les institutions internationales, l’année prochaine s’annonce favorable pour les pays africains. Le FMI table sur une croissance de 10,8 % pour l’Angola, 12,5 % pour le Niger et… 51,4 % pour la Sierra Leone. Alors que les géants asiatiques, la Chine (+ 9 % prévus) et l’Inde (+ 7,5 %), devraient connaître une baisse de régime, l’Afrique subsaharienne apparaît comme un nouveau pôle de croissance pour les prochaines années. ● S.B. JEUNE AFRIQUE



Entreprises marchés TRANSPORTS URBAINS

Bras de fer à Dakar

Le renouvellement du parc de cars de la capitale sénégalaise exacerbe la concurrence entre la société publique et une association d’opérateurs privés. Cette dernière a pris l’avantage. Pour l’instant.

D

ans l’agglomération dakaroise, en matière de transports, on avait l’habitude que l’informel côtoieleformeldanslepluscomplet désordre. Aujourd’hui, aux côtés des taxis réguliers, les bus de Dakar Dem Dikk (DDD, une entreprise détenue à 73,33 % par l’État) et ceux aux couleurs de l’Association pour le financement du transport urbain (Aftu, sa concurrente privée, qui réunit 14 groupements d’intérêt économique de transporteurs ainsi que 300 indépendants) gagnent du terrain sur les taxis clandestins, les « cars rapides » et autres ndiagandiaye à bout de souffle. Et pour cause. Depuis 2005, l’État, avec le soutien de la Banque mondiale, du Fonds de promotion économique et de la China Exim Bank, a lancé un programme visant à renouveler les véhicules de transport urbain. Un tiers des 3 000 « cars rapides » et ndiagandiaye ont déjà été retirés de la circulation ; d’ici à 2013, les quelque 2000autresdevraientsubirlemême sort. Depuis six ans, 22 milliards de F CFA (33,5 millions d’euros) ont été

ERICK AHOUNOU/APA

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investis pour mettre hors circuit ces centaines d’épaves bleu et jaune et de minibus blancs agonisants et les remplacer par 907 nouveaux « Aftu » – comme on les appelle ici –, dont les 105 premiers cars Tata livrés, en 2005, par l’unité de montage de Senbus Industries de Thiès. SACCAGE. Une évolution qui n’est

pas sans faire de l’ombre à Dakar Dem Dikk (Dem Dikk signifiant « aller-retour »), l’entreprise née en 2001 des cendres de la Société des transports en commun du CapVert (Sotrac). Quand il a pris ses fonctions,en2010,dansuncontexte de fortes tensions sociales, Moussa Diagne,ledirecteurgénéraldeDDD, n’a trouvé que 90 bus (Tata et Volvo) enétatdemarchesurles405achetés

Un car de L’ASSOCIATION POUR LE FINANCEMENT DU TRANSPORT URBAIN.

D’ici à 2013, celle-ci comptera 907 nouveaux véhicules.

neufs par l’État en 2005 pour 17 milliardsdeFCFA.Encause:lemanque de maintenance, l’inadaptation des moteurs aux longues rotations, ainsi que les fréquents mouvements de contestation qui ont agité la capitale et conduit au saccage de plusieurs dizaines de cars. Actuellement, une centaine de véhicules circulent sur les 21 lignes que DDD opère entre Dakar et Diamniadio, à 40 km de la capitale. Cetteannée,lasociétépubliqueaura transporté 20 millions de passagers et enregistré plus de 3 milliards de F CFA de recettes. Pourtant, sans la compensation financière de l’État (2,8 milliards de F CFA en 2010 et 4,3 milliards en 2011), elle serait à l’arrêt, ses finances étant largement plombées par les coûts des salaires

LES CONSTRUCTEURS AFRICAINS PATINENT OUTRE SENBUS INDUSTRIES, l’Afrique de l’Ouest compte un autre fabricant de cars: la Société des transports abidjanais (Sotra), qui est aussi un transporteur. En grande difficulté, l’entreprise profite d’un plan de restructuration de 31 millions d’euros qui prévoit l’acquisition de 300 bus avant la fin de l’année et la rénovation de 150 autres. Le 23 novembre, la Sotra a réceptionné ses 24 premiers cars (des Renault R 312 d’occasion). Autre figure de proue du continent, elle aussi en restructuration: la Société nationale des véhicules N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

industriels (SNVI), en Algérie. Sur cinq ans, 125 millions d’euros doivent être investis dans l’entreprise, soutenue par des commandes publiques d’environ 3000 véhicules (civils et militaires) par an; un accord avec l’allemand Daimler et le fonds émirati Aabar devrait permettre de porter la production à 16500 camions, bus et 4x4 en 2016. EnTunisie, Setcar produit 400 bus et cars par an, tandis que le sort de l’ex-entreprise publique STIA, rachetée en 2008 par le groupe Mabrouk, est suspendu à l’enquête sur les biens mal acquis sous Ben Ali. ● J.-M.M. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés de ses 2300 employés (4,2 milliards deFCFAparan)etdugasoil(34millions de F CFA par semaine). Malgré tout, DDD doit recevoir, courant 2012, 485 bus acquis par l’Étataveclesoutienfinancierdeses partenaires indiens et chinois pour un montant d’environ 30 milliards

ANALYSE

Op piniionss & éditorriau ux Alain Faujas

Depuis 2005, 33,5 millions d’euros ont été investis pour remplacer les minibus agonisants. de F CFA, avec pour contrepartie de s’équiper auprès d’entreprises de leur pays. L’indien Tata livrera ainsi 250 bus, et Sunlong, un constructeur basé à Shanghai, 235. De quoi renforcer le réseau de DDD et faire face à la concurrence des « Aftu », devenus les rois du trafic routier à Dakar et en banlieue. « Le Cetud [Conseil exécutif des transports urbains de Dakar, NDLR] n’est pas assezsévèreavecl’Aftu,dontlescars ont les mêmes trajets que les nôtres dans plusieurs secteurs. Pis, ils utilisent nos arrêts et interpellent nos clients », s’insurge Moussa Diagne.

CÉCILE SOW, à Dakar JEUNE AFRIQUE

L

a rumeur est partie du Ghana. Elle a gagné Abidjan et, de proche en proche, plusieurs villes du continent: le décrochage de l’euro du franc CFA et la dévaluation de celui-ci seraient étudiés en France comme dans les capitales africaines. Couper le lien monétaire avec la zone euro en voie d’explosion serait une mesure de salubrité publique pour les pays africains. On sait qui a lancé le bruit: les milieux proches du président

fort complexe et économiquement injustifiée. En effet, pourquoi quitter la zone de la deuxième monnaie mondiale après le dollar ? Certains de ses membres, comme la Grèce, pourraient en sortir, bien sûr, mais elle ne disparaîtra pas pour autant. Les Africains ont-ils intérêt à un divorce et à une dévaluation? Pas le moins du monde. Les cours des matières premières sont hauts. Les réserves en devises des pays de la zone franc CFA sont en augmentation. La baisse de l’euro (1,33 dollar le 30 novembre) ravit les cultivateurs de coton, de café, de cacao, d’hévéa et de palme. On ne voit pas quel gouvernement prendrait le risque de faire peur aux investisseurs en se privant de la garantie de l’Europe. On ne voit pas quel homme politique aurait l’inconscience de décider une dévaluation qui déclencherait une inflation des produits alimentaires, déjà responsable de pas mal d’émeutes en 2008, de Bobo-Dioulasso à Douala. Oui, un jour, il conviendra de couper le cordon ombilical entre l’euro et l’Afrique subsaharienne, pour que la politique monétaire de celle-ci serve mieux ses intérêts économiques et sociaux. Mais cette prise de responsabilité suppose l’existence d’une vraie supranationalité économique dont on ne voit pas, pour l’heure, de signes éclatants. ●

La baisse de l’euro ravit les cultivateurs de coton, de café, de cacao et d’hévéa.

LE GASOIL FLAMBE. DjibrilNdiaye,

le secrétaire général de l’Aftu, ne s’en émeut pas. En six ans, ses véhicules ont transporté 90 millions de personnes et sont devenus indispensables pour des dizaines de milliers d’habitants de la banlieue. Il s’inquiète plutôt de la montée vertigineuse des prix du gasoil, dont le litre est passé de moins de 400 à près de 800 F CFA depuis la finde2005avec,évidemment, un impact sur les recettes : « Un [car] King Long brûle 60 000 F CFA de gasoil par jour pour une recette quotidienne de 90 000 F CFA. » Mi-octobre, l’Aftu, qui exploite 44 lignes avec près de 600 véhicules, avait même menacé de faire grève pour dénoncer la flambée du prix du carburant, menace finalement non mise à exécution. DDD n’aurait pas manqué d’en profiter… mais elle n’a pas encore assez de bus pour rafler la clientèle de sa rivale. ●

Le franc CFA, arme anti-Ouattara

NOMBRE DE LIGNES DE BUS DESSERVIES PAR :

DDD

(entreprise publique) : 21

AFTU

(transporteurs privés) : 44

ivoirien déchu Laurent Gbagbo. Leur motivation? Gêner l’actuel chef de l’État,Alassane Ouattara, Premier ministre lors de la préparation de la dernière dévaluation du franc CFA, en 1994, qui serait évidemment dévalué par une dévaluation… Il y a même un ministre d’État ivoirien, Albert Mabri Toikeusse, chargé du Plan et du Développement, qui n’a pas vu le piège et a cru bon de déclarer, le 28 novembre, qu’une « dévaluation n’[était] pas une catastrophe », accréditant l’idée que la rumeur était fondée! Or, comme le dit un haut responsable de la zone euro, « il n’y a pas l’ombre d’une discussion à ce sujet » entre Africains et Européens. Ceux-ci ont d’autres chats à fouetter que de s’embarrasser d’une opération

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Entreprises marchés

IAS

96

OPÉRATION D’ÉVACUATION SANITAIRE depuis une plateforme. AÉRIEN

IAS veut mettre les gaz

L’ivoirien International Aircraft Services est l’un des rares acteurs africains sur le marché du transport par hélicoptère. Il cherche à lever des fonds pour renforcer sa compétitivité face à ses concurrents occidentaux.

D

iscret sous-traitant de grands groupes, notamment dans le pétrole, International Aircraft Services (IAS) n’en est pas moins un phénomène dans son secteur. La société de services aériens, née en Côte d’Ivoire en 1981 sous le nom d’Ivoire Hélicoptère, est devenue un groupe fort d’une flotte de 23 appareils, dont 3 avions. Le holding, qui a affiché un chiffre d’affaires de 13 milliards de F CFA (19,8 millions d’euros) en 2010, est composé de trois sociétés: IAS, basé en Côte d’Ivoire et (depuis un an) au Liberia, la structure historique Ivoire Hélicoptère, et Volta River Aviation, installé en 2003 au Ghana. Les mines, l’agriculture, l’énergie (entretiendesréseauxélectriques)et, surtout, le pétrole (44,5 % du chiffre d’affaires)constituentlesprincipaux secteurs d’intervention du groupe, qui assure le transport de personnel, de minerai, ou l’épandage. Au Liberia, IAS travaille par exemple pour ArcelorMittal et ponctuellement pour Vale ou BHP Billiton. L’entreprise a aussi profité des découvertes d’or noir au large N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

d’Accra, notamment par la compagnie britannique Tullow Oil dans le champ Jubilee. « Nous avons travaillé avec eux durant les trois années de développement », explique ainsi Hugues Moreau, directeur général d’IAS. « Mais nous avons perdu le dernier appel d’offres, pour la phase de production, car nous ne disposions pas des appareils nécessaires », dit-il sans regret. C’est le belge NHV qui a remporté la mise ; il disposait de la dernière génération d’aéronefs Eurocopter (Dauphin N3) pour le transport d’une dizaine de passagers. GROUPE FAMILIAL. Si le chiffre d’affaires du groupe IAS progresse (+ 7 % attendus pour 2011), suivant le boom des secteurs pétrolier et minier dans la région, Hugues Moreau – fils du fondateur, Raymond Moreau, 76 ans – ne veut pasallertropvite.«Noussouhaitons d’abord répondre correctement aux besoins de nos clients. Pour cela, nous allons emprunter 10 millions de dollars [7,5 millions d’euros, NDLR] avant la fin de l’année

Une heure de vol coûte…

3euros 800 sur un hélicoptère Dauphin N3

915 euros sur un Alouette

[des négociations sont en cours auprès de trois établissements : Bicici, SGBCI et Africinvest]. Nous investirons dans deux hélicoptères Dauphin N3 et des équipements de sécurité, précise-t-il. Nous sommes l’une des plus importantes sociétés africaines du secteur, mais nous n’avons pas encore les moyens des américaines ou des européennes, qui viennent nous concurrencer. » À terme, pour trouver les fonds nécessaires à son expansion, IAS pourrait céder un tiers du capital, intégralement détenu par la famille, à une société de capitalinvestissement. « Nous sommes en discussion avec l’une d’elles », confirme Hugues Moreau. « BONS ESPOIRS ». Français « et

bientôt franco-ivoirien », le dirigeant met en avant « l’africanité » de la compagnie, qui fait face à une concurrence internationale dominée par le canadien CHC Helicopter: « 65 % de nos employés [une centaine en tout] sont africains – burkinabè, congolais, ghanéens, togolais… Nous avons récupéré beaucoup de compétences de chez Air Afrique [disparue en 2002]. » Prochainement, IAS devrait se développeràpartirduLiberiaversla Guinée et la Sierra Leone, où le secteur minier est en pleine expansion, notamment dans les monts Nimba. « Nous avons aussi de bons espoirs d’augmenternotrevolumed’affaires en Côte d’Ivoire, souligne Hugues Moreau, puisque le nouveau président [Alassane Ouattara] semble fermement décidé à relancer le secteur des mines et du pétrole. » Enfin, soucieux de préserver son « africanité », le groupe lancera courant 2012, une fois l’agrément de

Avec le boom des secteurs minier et pétrolier, le chiffre d’affaires devrait progresser de 7 % en 2011. l’aviation civile obtenu, son école de pilotage. D’abord destiné aux pilotes d’hélicoptère, le centre de formation, qui ouvrira en même temps à Accra et à Abidjan, aura aussi vocation à former des pilotes de ligne. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés BURKINA FASO

Pleins feux sur les PME

Ouagadougou accueillera en février la seconde édition du forum Africallia. Une vitrine pour le pays, qui mise sur les petites entreprises.

S

onmarchéintérieuretses infrastructures n’ayant guère retenu l’attention des multinationales, le Burkina Faso veut faire des petites et moyennes entreprises (PME) l’un desprincipauxmoteursdesonfutur développement. Une stratégie dont le pays fait la promotion au travers du forum Africallia, organisé tous les deux ans à Ouagadougou. Cet événementconsacréauxPME-PMI, tous secteurs confondus, permet aux décideurs de rencontrer leurs pairs, autant d’occasions pour établir des partenariats, jeter les bases de collaborations techniques ou décrocher des financements.

« En 2010, nous avions réuni 250 entreprises. Pour la seconde édition, les 23 et 24 février 2012, nous en attendons 400, avec pour chacune d’entre elles une quinzaine de rendez-vous répondant à leurs attentes », explique Gaspard Ouédraogo, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso. Une trentaine de pays seront représentés : « Nous avons même invité des entreprises du Ghana, du Nigeria, d’Afrique du Sud et du Kenya afin d’atteindre une masse critique et d’intéresser des sociétés chinoises ou indiennes », précise Gaspard Ouédraogo.

250

sociétés présentes en 2010

400 .

attendues en 2012 (venant de 30 pays)

L’événement a reçu le soutien financier (126600 euros) de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel et bénéficie du label d’Ubifrance, l’agence chargée du développement international des sociétés françaises. Du côté du gouvernement burkinabè, on attend beaucoup du forum, dont le budget de 700000 euros sera en partie financé par l’État. « Africallia s’inscrit parfaitement dans la réalisation de notre agenda économique. Il impulse une nouvelle dynamique afin de développer des industries locales, notamment dans l’agrobusiness, qu’il s’agisse des filières de transformation du beurre de karité, des produits issus du bétail, de la mangue ou, bien sûr, du coton, notre produit phare », indique Patiendé Arthur Kafando, ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat. ● JULIEN CLÉMENÇOT

Conférence de haut niveau PNUD-UNITAR sur L’Afrique et les partenaires émergents : Grands enjeux en matière de commerce et d’investissement Dakar, Sénégal, 13 - 14 décembre 2011 Veuillez vous inscrire en ligne sur http://www.unitar.org/tradeconference/fr Partenaire média Empowered lives. Resilient nations.

97


Entreprises marchés CONSO

Shopping taille XXL au Morocco Mall Le plus grand centre commercial d’Afrique du Nord ouvre à Casablanca. Il espère attirer 14 millions de visiteurs par an.

A

vec un investissement de 2 milliards de dirhams (176 millions d’euros), les deux promoteursduMoroccoMall–lemarocain Aksal, piloté par Salwa Idrissi Akhannouch, et le saoudien Nesk Investment – n’ont pas lésiné sur les moyens. C’est le plus grand centre commercial d’Afrique du Nord qui ouvre ses portes le 5 décembre à Casablanca. Employant 6000 salariés, il totalise une surface commercialede70000m2: plusquelecentre Bab Ezzouar d’Alger (45 000 m2), beaucoup moins que le Gateway de Durban (180 000 m2), le plus vaste du continent. Reste à attirer une clientèle plutôt aisée. Objectifs fixés par les promoteurs: 14 millions de visiteurs pour un chiffre d’affaires de 2 milliards de dirhams, soit un panier moyen de 142 dirhams. Une dépense relativement élevée. Mais d’après Aksal, la clientèle huppée (2 % des visiteurs), qui pourra se délasser dans des loges VIP entre deux emplettes, représentera 20 % des dépenses, la classe moyenne attirée par les marques grand public 40 %, et les visiteurs venus profiter de l’offre de loisirs 40 %. « Casablanca, avec sa position de hub, permettra de drainer une clientèle étrangère représentant 15 % des visiteurs, dont un tiers d’Africains », estime Jinane Laghrari, secrétaire générale d’Aksal.

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

98

Pour séduire les clients, les promoteurs misent sur la façade futuriste bombée, en verre bleu, qui s’étire sur 1 km face à l’Atlantique, à 10 km au sud-ouest du centre-ville. « Le bâtiment n’a que trois étages, il ne crée pas de coupure entre la ville, la mer et la petite île du mausolée de Sidi Abderrahmane », indique son architecte, l’italien Davide Padoa, patron du cabinet Design International. BALADE. Les promoteurs tablent aussi sur les loisirs. « Avec le front de mer,l’aquariumgéant,lesnombreux restaurants,leparcpourlesenfants, le cinéma Imax, nous voulons devenir un lieu de balade emblématique pour les Casablancais, qui pourront venir en tramway », annonceJinaneLaghrari,quijuge le management du Morocco Mall novateur: en plus de la gestion locative, le groupe marocain assure également l’animation du centre. Davide Padoa a pensé à tout pour doper les affaires des

! Dans les allées, LES ENSEIGNES INTERNATIONALES

sont les plus nombreuses.

70de000 m² surface commerciale

350

boutiques, un cinéma Imax 3D, un aquarium

TROP DE COMMERCE TUE-T-IL LE COMMERCE ? ENTROIS ANS, LA CAPITALE ÉCONOMIQUE marocaine devra absorber 300 000 m² de commerces supplémentaires, avec le lancement du Morocco Mall, mais aussi de Casablanca Marina, et l’aménagement de l’ancien aéroport d’Anfa. Un sacré challenge, alors que certains centres commerciaux de la métropole, comme leTwin Center, peinent à trouver preneurs pour toutes leurs boutiques, et que le Mega Mall de Rabat ou encore Almazar de Marrakech C.L.B. ciblent les mêmes clientèles. La concurrence promet d’être rude… ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

350commerces:«Nousavonsconçu unparcoursenformede8,quidonne l’illusion d’un shopping sans fin et quiintègreensonmilieudeux“îlots”. L’un abrite les Galeries Lafayette –c’estleurpremièreimplantationsur le continent –, l’autre rassemble les marquesdeluxe,avecLouisVuitton, Prada, Dior, Fendi et Gucci. » Aux deuxentrées,deuxlocomotivescommerciales:d’uncôté,laFnac,consacréeauxproduitsculturels,del’autre, un supermarché Marjane. Entre les deux, des boutiques internationales (Zara,H&M,Lacoste,Nokia,Jules…) et quelques rares marocaines (dont Marwa et Yatout home). L’opération séduction auprès des distributeurs a fonctionné: « Malgré un droit au bail de 55000 dirhams, contre 21000 dirhams en moyenne, le Morocco Mall a fait le plein, avec 90 % des emplacements lotis pour l’ouverture », indique le consultant Abdel Wahab Chaoui, de C&O Marketing, qui note toutefois que 45 % des magasins sont des franchises, propriétés des promoteurs: Zara, H&M et la Fnac sont gérés par Aksal, Mango et Stradivarius par Nesk. « Cette double casquette de gestionnaire du mall et de locataire, siellefaciliteleremplissage,pourrait créer un conflit d’intérêt », estime le consultant. Réponse à partir du 5 décembre. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises

ASSURANCES

Quelques semaines après l’entrée de la SFI à son capital, le groupe marocain reprend le numéro trois du marché angolais.

S

aham s’ouvre les portes de l’Angola. Via sa filiale Colina, acquise en 2010, le groupe marocain détenu par Moulay Hafid Elalamy a pris le contrôle de GA Angola Seguros le 1er décembre.Avecunquartdumarché angolais des assurances hors pétrole, il en est le troisième acteur. En 2010, il a encaissé 90 millions de dollars (68 millions d’euros) de primes brutes, pour un bénéfice net de 5 millions de dollars. « En Angola, le taux de pénétration est très bas, plus bas encore qu’en zone franc CFA, explique Raymond Farhat, directeur général de Colina. Mais la croissance est très rapide : plus de 15 % chaque année. » En activité depuis 2005, GA Angola Seguros appartenait au groupe sud-africain Global Alliance Insurance, qui poursuit ainsi son désengagement du secteur: il avait vendu en 2009 sa filiale ghanéenne au camerounais Activa avant de céder il y a quelques mois celle du Mozambique au sudafricain Absa. Alors que la Société financière internationale (SFI, groupe Banque mondiale) vient d’injecter 120 millions de dollars dans le capital du sous-holding Saham Finances, qui détient Colina et l’assureur marocain CNIA Saada, Saham est dans une position idéale pour poursuivre son déploiement géographique. Avec l’Angola, le groupe est désormais présent en assurances dans une dizaine de pays du continent. Et il devrait bientôt ajouter un autre nom à la liste : le Nigeria. ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

RGA/REA

Saham s’invite à Luanda PATRICK BUFFET, le PDG du groupe.

MINES ERAMET INVESTIT AU SÉNÉGAL Le français Eramet et l’australien Mineral Deposits Ltd ont créé la coentreprise TiZir, elle-même actionnaire à 90 % de Grande Côte Mineral Sands (10 % du capital détenus

marchés

par l’État), qui doit exploiter la mine sénégalaise d’ilménite et de zircon (très résistant à la chaleur) située à 50 km au nord-est de Dakar. Avant même de commencer, le joint-venture doit réhabiliter une voie de chemin de fer, construire un terminal ferroviaire, une centrale électrique de 36 MW, une usine de traitement et des installations portuaires. L’investissement, estimé à 520 millions de dollars (389 millions d’euros), est partiellement bouclé: un apport de 30 millions de dollars d’Eramet et un prêt d’actionnaires de 45 millions de dollars sont déjà assurés. Le français enverra une délégation sur place le 23 janvier 2012. À partir de 2013, le site produira pour vingt ans 600000 tonnes d’ilménite et 100000 t de zircon par an, soit 7 % de la production mondiale. ●

• BANQUE Le Crédit agricole se sépare de sa filiale sud-africaine, quatrième banque étrangère du pays avec un total de bilan de 2 G€

S•

M

AGROBUSINESS L’augmentation de capital de Guinness Ghana réservée

aux actionnaires a permis de lever 31,5 M€, 60 % serviront à payer des dettes

S•

TÉLÉCOMS L’opérateur koweïtien Zain a dépensé 45 M€ pour dissocier ses

opérations du Soudan de celles du Soudan du Sud • FINANCE Selon le cabinet

Ernst & Young, les actifs financiers islamiques atteindront 1100 G$ en 2012

ALGÉRIE LES ASSURANCES PROGRESSENT Selon le Conseil national des assurances, le marché algérien a progressé de 2,6 % au premier semestre 2011 par rapport à la même période en 2010, et pèse 46,4 milliards de dinars (465 millions d’euros). Avec 51 % du marché et un chiffre d’affaires (CA) de 23,7 milliards de dinars, la branche automobile domine. En revanche, le portefeuille des risques incendie, accidents et risques divers (IARD) a reculé de 2,4 % pour un CA de 15,7 milliards de dinars. Les assureurs privés font encore mieux avec un CA en hausse de 9,5 % (12,8 milliards de dinars) au premier semestre 2011. ● CÔTE D’IVOIRE KAGNASSI À L’ASSAUT DU BTP Après avoir géré le contrat controversé de 160 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) du système d’identification électorale en Côte d’Ivoire pour

Sagem, Sidi Kagnassi, lobbyiste du groupe français et ex-roi du coton, s’est reconverti dans les BTP. L’État ivoirien vient de lui confier le marché de la réhabilitation des bâtiments administratifs et des universités pour plus de 40 milliards de F CFA. Pour réaliser ces travaux, Sidi Kagnassi a scellé un partenariat avec la SIMD-CI de l’Ivoiro-Libanais Pixie Séklaoui. ● TOGO FERREX PLC FAIT UNE PERCÉE En finalisant mi-novembre l’acquisition de 85 % du permis d’exploration du manganèse de Nayega (nord duTogo), la compagnie minière Ferrex PLC fait une percée en Afrique de l’Ouest. Après l’Afrique du Sud et le Mozambique, leTogo est le troisième pays africain d’implantation de la junior minière. Ferrex PLC devrait démarrer l’exploration en 2012. Les réserves de Nayega sont estimées à 15 millions de tonnes pour une teneur en manganèse de 35 %. ● N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

99


Décideurs INTERVIEW

Lahcen Daoudi

S ECRÉTAIRE

NATIONAL DU

PJD

CHARGÉ DE L ’ ÉCONOMIE

« Le prochain gouvernement marocain sera un gouvernement de sacrifices » Le Parti de la justice et du développement est le grand gagnant des législatives. Infrastructures, investissements, fiscalité… Le numéro trois de la formation islamiste modérée présente son programme économique.

V

endredi 25 novembre, jour des législatives au Maroc, au QG du Parti de la justice et du développement (PJD), à Rabat, dans le paisible quartier des Orangers. Vers midi, les militants de la formation islamiste modérée s’activent. Convaincus de leur victoire, ils installent lampions et canapés en prévision des réjouissances électorales. Lahcen Daoudi, 64 ans, président du groupe parlementaire sortant, débarque de Beni Mellal, où il menait une « campagne de terrain dans les montagnes », explique-t-il. ÉconomisteforméàLyonetmariéàuneFrançaise,cet enseignant à la faculté d’économie de Salé est souvent présenté comme le visage lisse du « parti de la lampe », en comparaison avec son bouillonnant secrétaire général, Abdelilah Benkirane. Avec le député PJD de Tanger Mohamed Najib Boulif, dont il a dirigé la thèse d’économie, Lahcen Daoudi s’adresse aux hommes d’affaires par un discours direct et moraliste. Désormais aux affaires – Benkirane a été nommé chef du gouvernement le 29 novembre (lire pp. 44-49) –, le PJD n’a guère évolué, ces dernières années, sur ses propositions économiques, souvent taxées de populisme. Interrogé en 2000 par Jeune Afrique (no 20662067), Daoudi dénonçait déjà avec virulence la corruption, les inégalités. Et hormis un volet fiscal, il est aujourd’hui aussi peu précis qu’il y a onze ans sur les moyens financiers à mobiliser pour appliquer la politique économique de sa formation.

importantes que tout député élu en ayant promis l’impossible sera inévitablement sanctionné. Nous avons donc choisi d’aborder frontalement les problèmes et non de les éluder, en parlant du niveau réel du chômage, bien plus élevé que le taux officiel [de 9 %, NDLR], de la conjoncture économique internationale difficile, de l’état des finances publiques… Quel changement promettez-vous ?

Une rupture managériale. Il faut assainir la gestion du pays, gangrenée par la corruption, et promouvoir la transparence. Cela dit, nous n’avons pas promis que si le PJD était élu, tout changerait d’un seul coup. Le prochain gouvernement sera un gouvernement de sacrifices… Ce ne sera pas une partie de plaisir. Quelle est votre lecture de la société marocaine ?

Elle fonctionne à trois vitesses: les membres de la classe aisée et éduquée des grandes villes [qu’il surnomme les « TGV »], les périurbains, et les ruraux. Ces trois visages du

JEUNE AFRIQUE : Comment le PJD a-t-il fait campagne sur les questions économiques? LAHCEN DAOUDI : Nous

sommes allés devant les électeurs avec un discours réaliste : les doléances des Marocains sont tellement

TNIOUNI

100


Décideurs profitent vraiment des politiques menées par les précédents gouvernements. Je reviens du Moyen Atlas, près de Beni Mellal. Là-bas, les villageois ont le sentiment d’être oubliés : ils voient à la télévision les images dess investissements à Rabat ou Tanger, mais, pour our leur région, rien n’est prévu ! L’autoroute qui les reliera à Casablanca n’arrivera pas avant 2017. Dans les villes, le sentiment de frustration est encore plus grand : alors que la plupart des citadins ont du mal à se payer des chaussures à 20 dirhams [moins de 1,8 euro], ils voient dans leurs rues des voitures de luxe à 20 millions, et passent à côté de villas dont le salon – vide et glacial – fait 400 m2 ! Allez-vous remettre en question des projets structurants lancés depuis dix ans, comme le TGV ?

Nous ne reviendrons pas sur ce qui a déjà été lancé, mais il faudra mieux expliquer les grands projets aux Marocains, quitte à les ajuster. Ils n’ont pas compris l’intérêt d’investir 33 milliards de dirhams dans un TGV. Pour eux, c’est le train des pays riches, pas d’un pays pauvre comme le Maroc. Pour nous, il n’était pas la meilleure solution pour désenclaver le pays, mais nous n’allons pas remettre en cause un projet avancé. À côté de tels programmes, il faudra toutefois prévoir un accompagnement social.

Comme d’autres partis, le PJD a présenté son programme à la Confédération générale des entreprises du Maroc. Qu’avez-vous dit à l’organisation patronale?

Que l’entreprise est un partenaire pour l’emploi. Que, pour assainir le climat social, il faut favoriser l’investissement productif et décourager les dépenses ostentatoires. J’ai proposé d’ajouter une troisième tranche d’imposition sur les sociétés : au-delà de 20 millions de dirhams de bénéfices, nous voulons passer à un taux d’imposition de 30 % [contre 20 % actuellement au-delà de 5 millions]. Cela nous obligera à prouver aux entrepreneurs que leur impôt est productif, qu’il favorise la consommation et leurs entreprises. Nous

101

vo voulons ainsi que les entreprises marocaines – de BTP, notamment – profitent davantage des grands chantiers. Êtes-vous en faveur d’un impôt sur la fortune ? Êtes-v

En 2000, interviewé par Jeune Afrique, l’économiste déclarait:

L’État n’a pas à intervenir quand le secteur privé est capable d’agir. » Paru dans J.A. no 2066-2067 (du 15 au 28 août 2000)

Nous comptons relever légèrement les tranches com les plus élevées de l’impôt sur le revenu. Mais il n’y éle aura pas d’impôt sur la fortune, car il est complexe et coûteux à mettre en œuvre. En revanche, nous voulons taxer la consommation ostentatoire et les logements laissés vacants. Nous voudrions faire un geste sur la TVA, mais pas tout de suite, car cela nous priverait de ressources essentielles pour restructurer l’action de l’État.

Dans le budget de l’État, quels secteurs le PJD juget-il prioritaires ?

L’éducation et la santé, bien entendu ! Il nous faut installer à côté de chaque lycée des établissements de formation technique. C’est essentiel pour nos entreprises, qui manquent de personnel intermédiaire compétent, et cela permettra de lutter efficacement contre le chômage. Il faut aussi relever l’Éducation nationale et l’université. Il n’est pas normal que 25 % des élèves soient inscrits dans les écoles privées en raison du délitement du public ! Vous avez chiffré ces mesures ?

Au Maroc, il y a de l’argent! Nous estimons à 15 milliards de dirhams les sommes gaspillées du fait de la corruption. Par ailleurs, il n’y a pas que l’argent, le qualitatif compte beaucoup. Vous êtes-vous inspirés de ce qu’a fait en Turquie l’AKP, le parti islamiste modéré ?

La Turquie a fait des merveilles, c’est vrai, mais chaque pays doit trouver en interne ce qui lui est adapté. Il faut savoir être à l’écoute : les bonnes idées peuvent venir de partout, y compris d’un ouvrier ou d’un paysan ! ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC

EL AMIR AHMED EL AMIR YOUSIF EXPRESSO GHANA Jusque-là PDG de la filiale sénégalaise du groupe, il vient d’être nommé PDG au Ghana. Il succède à Hisham Ayoub, sanctionné pour avoir perdu près de 200 000 abonnés, soit la moitié de la clientèle. JEUNE AFRIQUE

ZOUHEIR BENSAÏD RMA WATANYA Bensaïd est le nouveau président du directoire de la filiale assurances de BMCE Bank. Il remplace Fouad Douiri, qui s’occupera de développer des activités d’assurances sur le continent à travers le réseau Bank of Africa.

GUNTER VAN BENEDEN ERICSSON CÔTE D’IVOIRE Après avoir travaillé en Belgique et en Roumanie pour le groupe suédois de télécoms, il est nommé responsable de la filiale ivoirienne et directeur des opérations pour les services gérés en Afrique subsaharienne. N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

DR ; DR ; ERICSSON

ON EN PARLE


Marchés financiers ð Le numéro un mondial dispose, dans la capitale économique ivoirienne, D’UN CENTRE DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT.

NESTLÉ

102

AGROALIMENTAIRE

Nestlé souffre en Côte d’Ivoire, mais reste offensif Conséquence de la crise postélectorale, le géant suisse enregistre une chute de 40 % de l’activité de sa filiale basée à Abidjan. Mais il poursuit ses investissements sur le continent.

F

filiale ivoirienne du numéro un mondial de l’agroalimentaire a connu une sévère baisse de régime. Sur les six premiers mois de l’année 2011, le chiffre d’affaires de Nestlé CI s’est établi à 37,8 milliards de F CFA (57,6 millions d’euros), en net recul (– 31,6 %) par rapport à la même période en 2010 (55,3 milliards de F CFA). Cours de l’action Chute identique des bénéfices, Nestlé à la BRVM, qui s’élevaient à 2,7 milliards de le 30 déc. 2010 : F CFA au premier semestre 2010 et passent cette année dans le rouge (– 4,2 milliards de F CFA). Un coup d’arrêt qui s’est ressenti sur l’action Nestlé, cotée à la Bourse régionale Avec la crise, des valeurs mobiNestlé doit suspendre La BRVM lières (BRVM) certaines activités. ferme ses portes d’Abidjan. Le Le titre chute à du 16 fév. au 1er mars. titre est desÀ la réouverture, le cendu jusqu’à marché est atone 48 148 F CFA en février, alors que son cours de référence, avant

ace à la crise postélectorale ivoirienne, même le géant Nestlé a posé un genou à terre. Selon les résultats du premier semestre 2011, certifiés le 24 octobre par les cabinets KPMG et Ernst & Young, la

55 925 F CFA

48 148 F CFA

la crise, se situait au-delà des 55 000 F CFA. La tendance s’est, depuis, améliorée: le 1er décembre 2011, la valeur était cotée à 50 000 F CFA. Lors de la crise politicomilitaire, de décembre 2010 à avril 2011, Nestlé CI avait dû interrompre, totalement ou partiellement, certaines de ses activités de distribution et de production, dans son usine de Yopougon (commune d’Abidjan) comme dans ses représentations à l’intérieur du pays. Mais la machine du géant suisse se remet en marche. « Malgré les difficultés économiques, nos activités reprennent progressivement sur le second semestre, a expliqué le groupe fin octobre. Au plan de la rentabilité, des actions spécifiques ont été initiées afin de maintenir les charges d’exploitation à un niveau raisonnable, notamment par un gel de certains frais de fonctionnement. » Avec l’amélioration de la situation sécuritaire et le retour à la normale dans le domaine économique, Nestlé CI envisage une reprise solide de sa croissance dans le pays en 2012. CIBLE PRIORITAIRE. Si le groupe

agroalimentaire réalise une contre-performance en Côte d’Ivoire, il gagne des parts de marché ailleurs sur le continent. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2011, la zone AfriqueAsie-Océanie a vu ses ventes progresser de 13,3 %. Sur le continent, Nestlé compte vingt-six usines. Il emploie directement 14 000 personnes et en fait vivre 50 000, pour un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros en 2009. Le groupe fait de l’Afrique, avec sa classe moyenne de quelque 300 millions de consommateurs potentiels, une cible

Une année perturbée à la Bourse régionale des valeurs mobilières N 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011 o

JEUNE AFRIQUE


Baromètre

Le groupe a ouvert une deuxième usine en Algérie et compte s’implanter en Angola. destiné à élaborer des plans de cacaoyer de meilleure qualité et à forte rentabilité. En Algérie, le groupe a inauguré le 18 octobre dernier sa deuxième usine, dans les faubourgs de la capitale. Coût de l’investissement: plus de 8 millions d’euros. Et en Égypte, Nestlé a annoncé en début d’année un plan d’investissement triennal de 124,6 millions d’euros pour renforcer les unités de production et de distribution existantes. De nouvelles implantations sont aussi à l’ordre du jour. La multinationale compte installer sa première usine en Angola (un projet de 8 millions d’euros). Elle devrait être opérationnelle en septembre 2012. ● ANDRÉ SILVER KONAN

Cours de l’action Nestlé à la BRVM, le 1er déc. 2011 :

50 000 F CFA

JEUNE AFRIQUE

Bérézina dans l’immobilier VALEURS

BOURSE

COURS au 30 novembre (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

Alliances UACN Property Dev. Co. Douja Prom. Addoha Cie gle immobilière Heliopolis Hous. & Dev. Talaat Moustafa Group Medinet Nasr Housing Amer Group Palm Hills Dev. Sodic

C ASABLANCA L AGOS C ASABLANCA C ASABLANCA L E C AIRE L E C AIRE L E C AIRE L E C AIRE L E C AIRE L E C AIRE

77,4 0,08 8,46 130,01 2,03 0,61 2,06 0,12 0,21 1,93

– 15,5 – 25,5 – 32,7 – 39,6 – 51,5 – 57,6 – 61,4 – 63,1 – 79,8 – 89,3

LES PRINCIPALES SOCIÉTÉS cotées du secteur ont vu leurs cours dévisser, notamment en Égypte, où les ventes se sont effondrées. Au premier semestre 2011, le numéro trois du secteur, Sodic, a ainsi enregistré davantage d’annulations que de nouvelles ventes, et le numéro un,Talaat Moustafa, a vu ses bénéfices divisés par deux. En Tunisie, si l’évolution a été tout aussi mauvaise, les sociétés ont été moins

sanctionnées par les marchés. Au Maroc, en revanche, les trois principales sociétés immobilières cotées ont réalisé jusqu’à aujourd’hui une année satisfaisante en termes de ventes, portées notamment par le segment social. Ce qui ne les a pas empêchées de voir leurs cours dégringoler, notablement la Compagnie générale immobilière, considérée comme très nettement survalorisée. ●

Valeur en vue SITS Les promesses de vente repartent BOURSE Tunis • CA 2011 (9 PREMIERS MOIS) 0,8 million d’euros (– 88 %)

COURS 3,4 dinars (30.11.2011) • OBJECTIF 3,48 dinars

DURANT LES NEUF PREMIERS MOIS de 2011 et suite aux perturbations que le pays a connues, le chiffre d’affaires (des contrats de vente) de la Société immobilière tuniso-saoudienne (SITS) a chuté de 88 %. La valeur ajoutée brute a enregistré un déclin de 83 % pour clôturer le mois de septembre 2011 au niveau de 820000 dinars (422000 euros). Au cours de la même période, l’EBE du promoteur immobilier a accusé un recul de 92 %.Toutefois, la reprise observée depuis le mois de mai s’est confirmée au cours du deuxième semestre 2011, d’après les principaux acteurs Abdelmonam de l’immobilier en Tunisie. SITS ayant adopté une Jebali Analyste chez MAC SA démarche permettant d’assurer la régularité des revenus, les promesses de vente déjà signées ont bondi, progressant de 27 % à fin septembre. La société, qui possède un portefeuille de projets bien diversifié, géographiquement et en termes de vocation, bénéficiera de son statut de pionnière et profitera inévitablement de la reprise du secteur. Pour ces raisons, nous recommandons de conserver le titre. ●

DR

prioritaire. En 2010, il a annoncé un programme triennal d’investissement de près de 900 millions d’euros destinés à l’ouverture de nouveaux sites de production sur le continent, de la petite usine de reconditionnement de café à la production de gros volumes (Maggi, Nescafé…). La Côte d’Ivoire, premier pays producteur de cacao, a déjà bénéficié d’un investissement de 13,5 milliards de F CFA. Nestlé y a notamment implanté un centre de recherche et développement (le premier du genre sur le continent)

Marchés financiers

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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104

Culture & médias

ANNIVERSAIRE

L’intransigeant Mort d’une leucémie, le 6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans, le Martiniquais Frantz Fanon a symbolisé la violence révolutionnaire comme mode de libération. Adulé ou décrié, cet essayiste virulent a marqué son époque.

TSHITENGE LUBABU M.K.

D

u haut de son mètre soixantecinq, Frantz Fanon était une boule de colère et de détermination, un modèle d’engagement. Défenseur de l’opprimé, du méprisé, du colonisé, il prônait la violence révolutionnaire comme unique recours pour briser les chaînes de la servitude. Excessif, cassant, intransigeant, peu porté sur la diplomatie, il avait le courage de ses idées, qu’il exprimait avec une agressivité et une rage contenues. Homme des ruptures définitives avec tout ce qui ne correspondait pas, ou plus, à sa vision du monde, Fanon était aussi bourré de paradoxes. Il pouvait réciter avec fierté des passages entiers du Cahier d’un retour au pays natal, d’Aimé Césaire, son ancien professeur au lycée Schœlcher de Fort-de-France, et rejeter le concept de négritude, ce « mirage noir ». Lui qui ne croyait ni en l’existence d’un peuple noir, ni en celle d’un passé à sublimer combattait l’aliénation des Noirs qui avancent le visage caché derrière un masque d’emprunt et s’apprécient, ou se déprécient, au travers du regard des autres. Fidèle à ses principes, il n’a reculé devant rien pour défendre ce qui était le plus important à ses yeux : la liberté, la justice, la dignité. Et s’il est devenu l’une des figures emblématiques de ce qu’on appelait, dans les années 1950-1960, le tiers-mondisme, avec, comme paradigme, le droit à l’autodétermination des peuples, c’est surtout grâce à la guerre d’Algérie. Il fut même un temps où certains n’hésitèrent pas à voir en lui un Che Guevara… Favorable au panafricanisme, il était opposé à la création d’États supranationaux, privilégiant les alliances entre États-nations. Très jeune, Frantz Fanon avait déjà l’âme d’un combattant. N’a-t-il pas pris, à 17 ans, alors que N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

la Martinique était contrôlée par des pétainistes, le chemin de la résistance gaulliste ? L’envie de défendre la liberté l’a poussé, en 1943, à s’enrôler dans un bataillon antillais appelé à combattre en métropole. Il sera blessé, cité à l’ordre de sa brigade, décoré de la Croix de guerre. Mais cette guerre l’a révolté. Il n’y a vu qu’une chose : le soldat Fanon, d’un côté, des soldats blancs, de l’autre. Il écrit à sa famille : « Je me suis trompé ! Rien ici, rien qui justifie cette subite décision de me faire le défenseur des intérêts du fermier quand lui-même s’en fout. » Après la guerre, il regagne la Martinique, mais revient dès 1946 en métropole, entreprend des études de médecine et se spécialise en psychiatrie. Il est affecté en 1953 à l’hôpital psychiatrique de Blida (Algérie). RUPTURES. À ce moment, Fanon a déjà pris une

décision irrévocable : rompre avec la Martinique, où il estime qu’il n’y a aucun combat à mener. Quand il arrive en Algérie, sa seule ambition

À la Martinique, beaucoup ne lui ont pas pardonné d’avoir épousé la cause algérienne. Frantz Fanon Fanon, une vie de David Macey, La Découverte, 602 pages, 28 euros

Œuvres de Frantz Fanon, La Découverte, 898 pages, 27 euros

est de faire, autrement, son travail de médecin. Mais la manière dont les Français traitent les indigènes ne lui échappe pas. Elle lui rappelle ce que lui-même a vécu en tant que Noir et Martiniquais. Et lorsque le Front de libération nationale (FLN) lance ses premières attaques, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, Fanon saisit l’importance des faits. Dès 1955, il prend contact avec le FLN. L’état psychique des Algériens victimes de la torture et d’autres violences le trouble. Fin 1956, il démissionne avant d’être expulsé d’Algérie. C’est la rupture, irrévocable, avec la France. Désormais, il se veut algérien. La nationalité n’est pas liée au lieu de naissance, mais à la volonté de chacun. Installé en Tunisie, il se met au service du FLN, dont il devient le porte-parole, avant d’être nommé ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne, à Accra (Ghana). Dans ce nouveau rôle, Fanon rêve de convertir l’Afrique subsaharienne à la violence révolutionnaire. En critiquant les leaders qui négocient l’accession à l’indépendance, il ne se fait guère JEUNE AFRIQUE


Culture médias ð RADICAL ET CONTROVERSÉ, le penseur décédé il y a cinquante ans à Bethesda, près de Washington, continue de susciter la polémique.

RUE DES ARCHIVES/BCA

– à l’exception de Jean-Paul Sartre – est favorable à une Algérie française. Aujourd’hui, les « nouveaux philosophes » devenus conservateurs le traitent même de « terroriste ». André Glucksmann voit dans sa démarche une « volonté d’éradiquer les Blancs », quand Pascal Bruckner l’accuse d’être un précurseur de Pol Pot… Déjà, en 1962, Gilbert Comte comparait Les Damnés de la terre à Mein Kampf ! À la Martinique, beaucoup ne lui ont pas pardonné d’avoir épousé la cause algérienne. « S’il est moins connu chez lui, c’est parce qu’il n’y a pas beaucoup vécu, nuance Serge Bilé, journaliste ivoiro-martiniquais. Mais les enseignants peuvent, à leur discrétion, en parler aux élèves. » En Afrique, Frantz Fanon, qui a dénoncé le « complexe de lactification » – plus on a la peau claire, plus on est beau –, n’est pas assez connu d e s j e u n e s g é n é rat i o n s. « Il interpelle moins que Césaire, reconnaît Philippe Biyoya Makutu, professeur de sciences politiques à Kinshasa. Ici, on n’enseigne pas l’histoire de la décolonisation. Même ceux qui enseignent la géopolitique africaine ne le mentionnent pas. » En Algérie, où il est inhumé, son rôle a été marginalisé. Son biographe, David Macey, écrit : « Fanon n’a jamais réellement fait partie du panthéon du nationalisme algérien. [… Les manuels d’histoire algériens contiennent des photographies et de courtes biographies des héros de la révolution du FLN ; Fanon n’y figure pas. » Boycotté en France, méconnu à la Martinique et en Afrique, c’est surtout dans le monde anglo-saxon que Frantz Fanon est toujours d’actualité. ●

d’amis. Il veut que la révolution algérienne devienne la tête de pont des changements sur le continent. D’où l’idée, acceptée à Accra en 1958, d’une légion africaine chargée d’aller combattre avec les Algériens. On le voit partout : Accra, Léopoldville, Bamako, Conakry, Addis Abeba… En France, une grande partie de la gauche JEUNE AFRIQUE

N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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Culture médias

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TRIBUNE

Opinion ns & éditoriaux

Frantz Fanon, la décolonisation et les dangers de la négritude

DR

E JACQUES CHEVRIER Professeur émérite à la Sorbonne (texte extrait d’une allocution prononcée en octobre 2011 à La Havane, Cuba)

N 1953, ses études de neuropsychiatrie achevées, Frantz Fanon accepte la proposition de Robert Lacoste, gouverneur général de l’Algérie, et devient médecin-chef de la clinique psychiatrique de Blida-Joinville. Il entreprend alors d’appliquer à ses patients des méthodes thérapeutiques destinées à leur permettre une meilleure réinsertion sociale. Mais en raison du climat qui règne à cette époque dans l’Algérie française, et en dépit de méthodes qui révolutionnent la pratique psychiatrique, l’expérience se solde par un échec. Un échec fructueux, pourrait-on dire, puisqu’il a permis à Fanon de comprendre que seules une lecture et une interprétation psychiatriques de l’univers morbide que constitue la société coloniale pouvaient permettre à tout individu, blanc ou noir, de s’assumer en tant qu’être humain et de s’ouvrir à l’universel. Mais s’il inscrit ses pas dans ceux de Freud, comme le note Sonia Dayan-Herzbrun, c’est pour aussitôt s’en écarter en faisant observer que l’aliénation du colonisé n’est pas une question individuelle et qu’elle relève avant tout du milieu dans lequel il évolue. « Nous pensons, écrit-il dans l’introduction à Peau noire, Masques blancs, que seule une interprétation psychanalytique du problème noir peut révéler les anomalies affectives responsables de l’édifice complexuel. » D’une pratique clinique individuelle, la démarche se voit donc déplacée sur le plan de l’engagement militant et transposée en méthode d’analyse des perversions de la société coloniale. Pour Fanon, la lutte anticoloniale passe nécessairement par tout un travail d’anamnèse (comme le fera plus tard son compatriote Édouard Glissant), en soulignant l’urgence pour les groupes opprimés qui la composent de se réapproprier leur histoire. Le repli sur les valeurs du passé (famille, religion, etc.) est selon lui une fausse solution, car suite à la colonisation ces valeurs ont été dégradées au niveau du folklore, si bien que le colonisé se trouve placé dans une double situation d’extériorité, par rapport à la société des Blancs, mais également par rapport à sa propre société privée de son dynamisme interne. Dans ces conditions, le colonisé se retrouve en dehors de l’Histoire, qui, dès lors qu’il ne la fait plus, devient pour lui fatalité. Ce n’est donc pas la

mémoire individuelle qui doit être réactivée, mais bien celle de l’ensemble des colonisés, non pour se complaire dans un passé « encapsulé », mais pour se projeter dans l’avenir et émerger à l’universel. La psychanalyse et la psychiatrie, armes de résistance et de combat, telle est sans doute la clé de voûte de l’édifice conceptuel édifié par Frantz Fanon, penseur de la Caraïbe et militant du FLN. En 1957, expulsé d’Algérie par les autorités coloniales, Fanon rejoint àTunis le gouvernement provisoire de la République algérienne. Disciple d’Aimé Césaire, contemporain de Jean-Paul Sartre, ami de Patrice Lumumba, Frantz Fanon inscrit son cheminement dans la mouvance des hommes de culture qui s’étaient réunis à Paris, en 1956, à la faveur du premier congrès des écrivains et artistes du monde noir. Lequel congrès a été une étape importante sur la voie de la décolonisation réclamée par les « pères » de la négritude, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon Gontran Damas. Fanon ne tarde pourtant pas à prendre ses distances vis-à-vis d’un concept qui lui paraît dangereux dans la mesure où le repli sur les valeurs traditionnelles aboutit à figer le nègre dans une forme de racisme qui représente une impasse. Sartre ne dit pas autre chose dans son « Orphée noir ». Comme le fait observer Jacques Coursil, professeur

La colonisation a dégradé les valeurs du passé au niveau du folklore.

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émérite à l’Université Cornell (États-Unis), au terme de « négritude » il convient d’opposer l’expression retenue par Aimé Césaire de « condition nègre » qui a l’avantage de faire voler en éclats le mythe de race pure, et de réintroduire la négritude dans son historicité. La négritude est avant tout une histoire de nègres et de Blancs, asymétrique certes, mais néanmoins commune, et dont chacun doit prendre sa part. Prospero et Caliban, le maître et l’esclave, occupent le même théâtre. Faut-il rappeler, pour tenter de conclure un débat qui se poursuit aujourd’hui, et dont l’auteur de Peau noire, Masques blancs avait eu la prescience, ce mot dénonçant le piège raciologique du lexique et répondant au compliment de l’une de ses interlocutrices par ce « gros mot » : « Le beau Noir vous emmerde, madame… » ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias ð IMPRIMÉS SUR DU PAPIER, les dessins des artistes disparaîtront, emportés par les intempéries…

jusqu’à disparaître. Leur art est éphémère, gratuit et biodégradable ! « Avant de coller une œuvre, nous rencontrons toujours le propriétaire du mur pour en discuter, explique Jérôme Désert. Nous intégrons parfois des phrases ou des

« Avant de coller une œuvre, nous rencontrons le propriétaire du mur pour en parler. » JÉRÔME DÉSERT, artiste

DKR

mots qu’ils nous ont dits sous forme de fragments découpés et collés sur place. » On l’aura compris : il s’agit avant tout d’instaurer un dialogue entre les artistes et la population. ARTS PLASTIQUES

RENCONTRE. Si les œuvres ont en grande

partie été préparées en atelier, le temps de collage in situ « est suffisamment long pour permettre le “frottement”, la rencontre avec les habitants environnants, De l’art éphémère, gratuit et biodégradable s’installe sur les et ne pas laisser une trace anonyme façades de Dakar, au vu et au su de toute la population… non comprise ». Réalistes, figuratifs, les dessins qui mesurent jusqu’à 8 m de haut sont censés coller au plus près des Pourtant, portés par l’enthousiasme aire parler les Dakarois, parler « fondamentaux visuels » du pays tels que de leur rencontre et l’énergie folle de avec les Dakarois : voilà une les artistes les perçoivent. Mis en place la ville, ils ont travaillé ensemble pour manière de résumer le projet dans la médina lors du festival urbain faire parler les façades. « Des peinDK-R (dk-r.com), qui, en ce XEEX, le projet DKR est financé par le tures électorales au Brésil en passant début de mois de décembre, donne la centre Wallonie-Bruxelles International par les campagnes d’affichage de proparole aux murs de la capitale sénégalaise. Voilà plus de un an, quatre artistes et la ville de Dakar… Les pagande russe des années œuvres des artistes seront – deux Français et deux Sénégalais – se 1920, jusqu’aux campagnes aussi visibles au Centre sont décidés à quitter l’ombre de leurs publicitaires des cités améculturel Blaise-Senghor (à ateliers respectifs pour placarder leur ricaines, les murs parlent », partir du 7 décembre) et à écrivaient-ils pour présentalent sur les murs « aveugles » de la la galerie Agora au Point E, ville, en lévitation au-dessus de la foule ter leur projet. Marchant près de la piscine olympique et des embouteillages. Ils s’appellent sur les traces d’artistes (à partir du 8 décembre). Jérôme Désert, Mamadou Sadio Diallo, comme Ernest PignonMais comme nos artistes Barkinado Bocoum et Jérôme Maillet, Ernest, Shepard Fairey ou n’aiment décidément pas JR, ils souhaitent « apposer dit Jeronimo. être enfermés, ils dessineIls viennent tous les quatre d’unides visions de dimensions ront et colleront en direct vers différents. Ils sont passés qui par urbaines, quotidiennes et les Beaux-Arts de Paris, qui par l’école poétiques » permettant de les 9, 10 et 11 décembre dans l’école de l’Acapes (quartier d’architecture de Nantes, qui par l’École « parler de la ville de Dakar des Parcelles-Assainies). nationale des arts de Dakar, et leurs à même les murs de cellePlus tard, en 2012, la galerie œuvres sont clairement distinctes. Désert ci ». Dit plus simplement, Le Manège accueillera peutaffectionne les couleurs vives et les couils placardent d’immenses Exposition DKR, être une rétrospective sur le lures, Maillet la sérigraphie et la linodessins imprimés sur du Jérôme Désert, travail réalisé – avant une gravure, Bocoum les toiles quadrillées papier, qui, avec le temps Jeronimo, Mamadou grande expo en Europe ? ● et colorées, Diallo les scènes de la vie et les intempéries, se fonDiallo, Barkinado Bocoum, à Dakar quotidienne revisitées façon Basquiat… dra dans la matière du mur NICOLAS MICHEL

Les murs ont la parole

F

JEUNE AFRIQUE

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Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

ESSAI

Le mystère Assad GRAND REPORTER AU FIGARO, JeanMarie Quéméner vient de publier Docteur Bachar, Mister Assad, livre d’une brûlante actualité. En 160 pages, il retrace le parcours du Syrien Bachar al-Assad, fils de président et président lui-même, aujourd’hui sous les feux de la rampe pour la brutale répression du printemps syrien. Citant de nombreuses études et interviews, il apporte un éclairage utile sur la personnalité trouble de ce médecin au tempérament modeste devenu l’héritier de la République après la mort accidentelle de son frère aîné. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

Docteur Bachar, Mister Assad, de Jean-Marie Quéméner, Encre d’Orient, 160 pages, 18 euros ■■■

CINÉMA

Péché d’hagiographie POUR SON GRAND RETOUR AU CINÉMA, Luc Besson n’a pas eu de chance! Son « biopic » sur l’opposante birmane Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991, a bien vieilli depuis son tournage, il y a à peine un an. Michelle Yeoh y incarne une femme recluse, isolée, empêchée par la junte de mener quelque activité que ce soit. Or le film sort au moment où la Birmane, libre de ses mouvements, envisage de se présenter aux prochaines élections organisées par le nouvel homme fort du pays, apparemment décidé à libéraliser la vie politique. Le côté hagiographique du film est rendu peu supportable par cette nouvelle situation. Même si le parcours de l’héroïne ne peut que susciter l’admiration. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

The Lady, de Luc Besson (sorti à Paris le 30 novembre) ■■■ N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

Moula Ahmed Moulay Alaoui. La passion et le verbe, d’Assia Bensalah Alaoui, diffusion privée, C/O Assia Bensalah Alaoui, 262 pages ■■■

DR

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L’HOMME DE PRESSE a été l’un des premiers à valoriser le potentiel touristique de son pays. DOCUMENT

Moulay Ahmed Alaoui, un Marocain dans le siècle Une collection de témoignages réunis par sa veuve rend hommage à l’ancien ministre de l’Information.

L

ors de ses funérailles, le 7 décembre 2002, les Marocains sont venus en masse saluer la mémoire d’un homme à part, Moulay Ahmed Alaoui. Pour donner la parole à tous ceux qui l’ont aimé, son épouse, Assia Bensalah, par ailleurs ambassadrice itinérante du royaume, a conçu un livre à sa mémoire, Moulay Ahmed Alaoui. La passion et le verbe. Observateur de la vie politique et de l’évolution de la société marocaine, Alaoui a marqué son époque. Né à Fès en 1919, élève du mythique collège Moulay-Idriss, il commence par étudier la médecine à Montpellier avant de se tourner vers la politique. Proche des milieux militants et étudiants, cet « agitateur d’idées », comme l’appelle affectueusement Jean Lacouture, est aussi un proche du roi Mohammed V et du futur Hassan II. Nommé à la tête du service de presse du Palais, ministre de l’Information en 1960, il s’installe au cœur du pouvoir. Dès les années 1970, il devient un homme de presse influent, à la tête de Maroc Soir puis du Matin du Sahara et du Maghreb. Il plaidera toute sa vie pour une modernisation de

la communication du Palais, n’hésitant pas pour cela à bousculer l’agenda royal. Moulay Ahmed Alaoui fut l’un des premiers à s’intéresser à la stratégie touristique du royaume, mais aussi à la défense de l’artisanat et de l’industrie moderne, côtoyant les personnalités les plus diverses. Les auteurs de ce recueil s’attachent à décrire sa personnalité. Les témoignages réunis sont issus de l’adaptation d’une émission spéciale de la chaîne 2M, d’allocutions prononcées en sa mémoire en 2003 et d’écrits sollicités par son épouse. Découvrir ces textes, c’est plonger dans l’histoire du Maroc moderne, depuis le protectorat jusqu’à l’alternance. Jean Daniel, Jean Lacouture, Abdelaziz Bouteflika, Henry Bonnier, Serge Berdugo, Béchir Ben Yahmed ou encore le prince Hassan Ibn Talal y saluent la mémoire de l’« homme au transistor », « Marocain atypique », « patriote indéfectible », ce Moulay Ahmed qui, selon Mahjoubi Aherdane, « personnifiait le Marocain dans tous les sens du terme, et se comportait de la même manière avec les petits et les grands ». ● LEÏLA SLIMANI JEUNE AFRIQUE


Culture médias TÉLÉVISION

Version américaine OBJECTIF : BEN LADEN, documentaire réalisé par Bruce Goodison pour History Channel et Channel 4, sera diffusé sur France Ô le 7 décembre. En la matière, difficile de faire plus spectaculaire dans le sens péjoratif du terme : interview minimale (mais « exclusive ») de Barack Obama, roulements de tambour, plans de coupe saccadés et répétitifs, mélange d’images d’archives, de séquences reconstituées et d’interviews où il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. Le tout pour appuyer la thèse du Pentagone : éliminer « Geronimo » était une cause juste… De ce film à la gloire des SEAL américains, on ne retiendra donc que le suspense, efficace. ● NICOLAS MICHEL

Objectif : Ben Laden, de Bruce Goodison, dans Planète Investigation, le 7 décembre à 20 h 35, France Ô ■■■

BEAU LIVRE

Le sel de la terre UNE  RÉVÉLATION de la solitude, de la beauté et de la mort », disait Joseph Kessel du Danakil, la région qui forme un triangle entre l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti. C’est la complexité de ce désert et du peuple qui l’habite, les Afars, qu’ont voulu explorer les auteurs de cette première monographie francophone sur le sujet. Dans cette perspective, ils sont partis pour un long voyage sur la route du sel et des hommes qui le récoltent, entre les failles des roches et la lave des volcans. Quiconque s’interroge sur « la dépression du Danakil » y trouvera certainement une réponse. ● ÉLISE COLETTE

Les Afars d’Éthiopie. Dans l’enfer du Danakil, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Franck Gouéry, Non Lieu, 168 pages, 29 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE

Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais

L’UNION FAIT LA FORCE

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ATHIEU LÉONARD, historien de formation, publie L’Émancipation des travailleurs, un livre qui illustre comment, au XIXe siècle, les prolétaires ont dû s’organiser pour contrer les appétits croissants du capitalisme. Dès les premières pages, l’auteur nous rappelle que, si nous percevons de nos jours « l’internationalisme » sous l’angle des marchés, de la finance et des multinationales, il a existé une Première Internationale, qui, elle, exprimait plutôt un élan d’espoir pour les travailleurs, un désir d’émancipation devant cette pieuvre assoiffée qu’est le capital. Comme le souligne Fredric Jameson, cité par Léonard : « Il est plus facile de penser la fin du monde que la fin du capitalisme. »

qu’émergeait la classe ouvrière à la faveur de la révolution industrielle. On voit défiler des personnages célèbres qui, comme Karl Marx, PierreJoseph Proudhon,Wilhelm Liebknecht, Mikhaïl Bakounine, incarnent la défense de cette classe ouvrière. Si cette Première Internationale chercha à répondre aux questions de son siècle, elle laissa en suspens « celle des peuples colonisés, celle

En ces temps de Printemps arabe, cet opus – à première vue décalé – tombe à pic. de la libération des femmes, celle de la paysannerie ». Comment pouvaitelle alors espérer fédérer la classe ouvrière mondiale ?

On pourrait penser que cet opus est un livre décalé par rapport à ce Les travailleurs de L’Internationale que nous vivons aujourd’hui. Ce serait estimaient à l’époque qu’ils avaient une erreur grave car, en ces temps un « devoir de violence » et qu’ils de Printemps arabe, de rage des devaient s’unir afin d’exprimer leur « indignés » dans les grandes villes force, voire d’incarner un du monde, de déréglecontre-pouvoir. Pour mentation des marchés cela, ils créèrent une financiers, L’Émanciassociation, à Londres, pation des travailleurs en 1864 (Association est au contraire un livre internationale des traqui tombe à pic. Il nous vailleurs, l’AIT), laquelle permet de comprendre se disloqua à la fin des l’origine de la colère des années 1870 en raison peuples et nous redit de dissensions internes. avec force ce que Fanon Cette quête d’émanciaffirmait dans Les pation est mise en Damnés de la terre : L’Émancipation É lumière par Mathieu « Les mains magides travailleurs. Léonard, qui retrace, ciennes ne sont en défiUne histoire dans un style accessible nitive que celles du de la Première Internationale, et fluide, pour un sujet peuple. » Ce peuple, de Mathieu en apparence austère, forçat de la faim, qui Léonard, La l’histoire détaillée de devra en tout temps Fabrique Éditions, cette Première Interrechercher l’union pour 416 pages, nationale née alors faire la force… ● 16 euros N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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AGATHE POUPENEY

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UNE MISE EN SCÈNE dérangeante mêlant le sublime au grotesque.

DANSE

Vénus et Amazones Avec ... Have You Hugged, Kissed and Respected Your Brown Venus Today?, la chorégraphe Robyn Orlin revient sur l’histoire de Saartjie Baartman, exhibée comme une bête de foire au XIXe siècle.

N

on pas une, mais cinq Vénus. Cinq femmes à la démarche chaloupée qui se baladent, costuméesetmaquillées,entre les spectateurs. Ann Masina, Dorothée Munyaneza, Angela Simpson, Elisabeth Tambwe Bakambamba et Dudu Yende, originaires d’Afrique du Sud, du Rwanda, de RD Congo, veulent toutes incarner Saartjie Baartman, cette Sud-Africaine issue du peuple khoïkhoï, exhibée telle une bête de foire au XIXe siècle pour son physique singulier. « Son histoire est notre histoire », soutient l’actrice Dudu Yende, qui joue dans le nouveau spectacle de la Sud-Africaine Robyn Orlin, actuellement en tournée française. Depuis ses débuts dans les années 1990, la chorégraphe engagée met un point d’honneur à puiser son inspiration dans le réel. Les drames qui ont façonné son pays – l’apartheid, le sida – sont abordés sans tabous, et parfois même avec un certain humour, à l’image de Daddy, I’ve Seen This Piece Six Times Before and I Still Don’t Know Why They’re Hurting Each Other…, qui a fait sa renommée en Europe. La force de ... Have You Hugged, Kissed N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

de leurs habits, amas de tulle aux couleurs criardes, le tout dans une danse pleine de nonchalance. Parfois violemment apostrophé, le spectateur devient un acteur à part entière : il doit prendre la parole, donner son avis, manger ces bananes et ces bonbons que distribuent les cinq femmes. Après tout, Saartjie Baartman, elle, n’a pas eu le choix… Entre rire et gêne, le public assiste à un spectacle dérangeant et fascinant, sublime et grotesque. Femme-objet, la Vénus de Robyn Orlin est capable du pire – vomir sur scène – comme du meilleur – chanter divinement. Et quand Saartjie-Dorothée chante la

and Respected Your Brown Venus Today? est d’être un spectacle pluriel où théâtre, chant, danse et vidéo s’entremêlent dans une atmosphère proche de celle du cabaret. Loin de s’arrêter à la simple histoire de la « Vénus hottentote », Robyn Orlin s’interroge sur la construction identitaire, le féminisme, le racisme. La première scène du spectacle est symptomatique: les Vénus discutent de la couleur de leur peau, plutôt « chocolat » que « noire », comme elles se plaisent à le Ultrasollicité, parfois violemment rappeler. Si voyeurisme il y a, apostrophé, le spectateur devient c’est toujours au service d’une cause. Comme ses actrices, un acteur à part entière. la chorégraphe pense que l’art doit être mis au service d’un certain douleur de ne pas revoir sa terre natale, militantisme. Pour Dorothée Munyaneza, c’est toute la salle qui pleure avec elle. La chanteused’originerwandaise,c’estmême Vénus que l’on qualifiait de « macaque » un combat. tient sa revanche. ● NATACHA BLANC Sur scène, la performance est donc physique et les provocations sont pousLe 6 décembre à la Maison de la musique, à sées. Ultrasollicité (timides s’abstenir), Nanterre ; le 13 décembre au Monaco Dance le spectateur est contraint de se plier aux Forum, à Monaco ; le 16 décembre à l’Aposexigences des Vénus: lever les bras, répéter, trophe, à Cergy-Pontoise. se laisser filmer… Jetant leur dévolu sur des À VOIR AUSSI : « Exhibitions, l’invention du hommes repérés au préalable dans la salle, sauvage », au musée du Quai Branly, à Paris, elles leur ordonnent même de les délivrer jusqu’au 3 juin 2012. JEUNE AFRIQUE



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Premier MENSUEL généraliste de langue française

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SCIENCES

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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

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Recrutement

PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL


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Annonces classées

Appel à propositions pour le recrutement d’un cabinet ou bureau d’étude pour l’appui à la mise en œuvre du système d’information sur le secteur agricole de la CEDEAO (ECOAGRIS) dans les 7 pays membres du Programme Régional de Facilité Alimentaire EU - FIDA - CEDEAO

AVIS D’APPEL A PROPOSITIONS INTERNATIONALES Projet 00079713 RFP 2 1. Dans le cadre de la Facilité alimentaire de l'Union Européenne, la CEDEAO et les institutions partenaires ont mis en œuvre le Programme régional de Facilité Alimentaire UE-FIDA, CEDEAO. A travers la composante C de ce programme, la CEDEAO met en place son système d'information sur le secteur agricole « ECOAGRIS ». L’UNOPS a été désigné par la CEDEAO comme agence d'exécution pour ce programme. 2. Les cabinets ou bureaux d’études intéressés à soumissionner peuvent obtenir des informations complémentaires et examiner le dossier d’appel d’offres sur le site de l’UNOPS à l’adresse URL suivante : http://www.unops.org/english/whatweneed/Pages/currentbusinessopportunities.aspx

3. Les offres doivent être déposées à l’adresse suivante : UNOPS Elizade Toyota Building Plot 596 Independence Avenue Cadastral Zone Opposite Bolingo Hotel, Central Business District Abuja, Nigeria - Tel +234 098761859

Appel d’offres - Appel à propositions

4. Votre soumission doit parvenir à l’UNOPS à l'adresse susmentionnée avant le 26 Décembre 2011 à 17h:00. Toute soumission reçue après cette date pourra être rejetée. L’UNOPS peut, à sa discrétion, proroger le délai de présentation en avisant par écrit tous les soumissionnaires. La prorogation du délai pourra s'accompagner d'une modification aux documents d'Appel de propositions préparés par l’UNOPS.

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com

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RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

Avis de report de la limite de remise des offres relatifs a l’Appel d’offres International N° 01/EMAM/2011 La Division Achat et transit de l’Armée de mer informe les fournisseurs ainsi que les représentants dûment mandatés intéressés par l’appel d’offres internationale N° 01/EMAM/2011 pour la vente, au plus offrant, d’un bateau de plaisance, que la date limite de réception des offres au bureau d’ordre de la DAT est reportée au 17/12/2011 dans les mêmes conditions.

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres Ouvert pour l’acquisition de diverses batteries destinées au fonctionnement de ses installations techniques. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre le paiement obligatoire d’une somme non remboursable de Cent Mille (100 000) Francs CFA, soit Cent Cinquante Deux Euros Quarante Cinq Centimes (152,45 €) à partir du 14/11/2011 au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar, BP 8163 Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal), à la Délégation de l’ASECNA à Paris – 75, Rue de la Boétie 75008 Paris Cedex 08 (France) ou dans les Représentations de l’ASECNA auprès des Etats membres. La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) à Dakar, BP 8163, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 22 décembre 2011 à 11 heures (T.U.). L’ouverture des offres en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour à 15 heures (T.U.). Le Directeur Général JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

Société APIX s.a.

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Avis d’Appel d’Offres International Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public (AGETIP)

Financement : Gouvernement du Sénégal/Banque Mondiale/Agence Française de Développement Référence : ID No du projet - P087304 - Projet d’autoroute à péage Dakar Diamniadio Appel d’offres No : 121/11 - Date : 1er décembre 2011 1. Cet avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés lancé par APIX, paru le 26 juin 2009 dans Development business en ligne et dans DGMarket, au quotidien national « LE SOLEIL » du 5 janvier 2011 et au Groupe SUD Communication du 4 janvier 2011. 2. Le Gouvernement du Sénégal a obtenu un crédit complémentaire de l’Agence Internationale pour le Développement (IDA) et de l’Agence Française de Développement (AFD) pour financer le coût du Projet d’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre des travaux de construction de la station d’épuration et de la station de pompage de la zone de recasement Keur Massar/Tivaouane Peulh. Le Gouvernement du Sénégal invite, par le présent Avis d’Appel d’Offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la réalisation des travaux de construction de la station d’épuration et de la station de pompage regroupés en un seul marché et comportent un seul lot indivisible à savoir : La construction d’une station d’épuration à boues activées par aération BNR d’une capacité nominale de 37 500 équivalent-habitants et d’une station de pompage. Le délai d’exécution est fixé entre dix et douze mois calendaires. N.B. : Pour ces travaux en un seul lot, il est prévu une tranche ferme et une tranche conditionnelle conformément aux Données Générales du Cahier des Prescriptions Techniques et Particulières (CPTP) joint au présent Dossier d’Appel d’Offres. La confirmation de la tranche conditionnelle sera notifiée, le cas échéant, au plus tard quatre mois avant la fin du délai contractuel de base. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives pour la passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA », Edition de Mai 2004, révisée en Octobre 2006 et en Mai 2010 et ouverte à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives.

5. Les exigences en matière de qualifications sont : (a) avoir effectué des travaux de construction pendant les cinq dernières années, pour un montant cumulé d’au moins 5 000 000 000 (cinq milliards FCFA). • Justifier ce montant par la production des états financiers certifiés desdites années (5 dernières années). (b) justifier d’un montant de liquidités et/ou facilités de crédit net d’autres engagements contractuels de 790 000 000 (sept cent quatre vingt dix millions de FCFA). (c) avoir une expérience d'entrepreneur principal de travaux correspondant au moins à deux travaux de même nature et de même complexité que ceux spécifiés dans le présent appel d’offres pendant les cinq dernières années avec une valeur minimum chacun de 2 000 000 000 (deux milliards FCFA) qui ont été exécutés de manière satisfaisante ; Les travaux de même nature et de même complexité porteront sur : • construction de trois réservoirs enterrés en béton de 1 000 m3 en un an ; • construction d’au moins 1 station de pompage en un an ; • 5 000 ml de canalisation PV DN 400 mm en un an ; • 5 000 ml de réseaux électriques en un an ; • 5 000 ml de voirie en un an. (d) disposer du personnel clé (voir dossier d’appel d’offres) ; et (e) disposer du matériel nécessaire (voir dossier d’appel d’offres). 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir le Dossier d’Appel d’Offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse ci-dessus mentionnée contre un paiement non remboursable de 200 000 FCFA. La méthode de paiement sera cash ou chèque de banque. Le Dossier d’Appel d’Offres sera remis en mains propres. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessus au plus tard le 18 janvier 2012 à 15 H 00 mn. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne ou à distance à la même adresse le même jour à 15 H 00 mn. Les offres devront être valides pour une période de cent vingt jours (120 j) et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de 24 000 000 (vingt quatre millions FCFA). Le Directeur Général JEUNE AFRIQUE

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Appel d’offres

4. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Agence d’Exécution des Travaux d’intérêt Public contre le sous-emploi (AGETIP), Bld Djily Mbaye x Béranger Ferraud – Tél : (221) 33 839 02 02 – Fax : (221) 33 821 04 78 – B.P. 143 Dakar (Sénégal) – email : hdiouf@agetip.sn– mdiarra@agetip.sn – edgnimassou@yahoo.fr - agetip@agetip.sn, et y prendre connaissance des documents d’Appel d’offres de 8 H 30 mn à 13 H et de 14 H à 17 H.


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Projet de développement des Marchés d’Electricité pour la consommation Domestique et à l’Export (PMEDE) Don IDA n ° H296-DRC - Programme de base

AOI n° 302/PMEDE/SNEL/BCECO/DPM/HMS/2011/MT Lot 2.1.2 – Réhabilitation des groupes G15 et G11 de la Centrale d’Inga I. Contrat Clef en Main pour étude, fabrication et essais en usine, transport, fourniture, montage et essais sur site, et mise en service.

Appel d’offres

AVIS D’APPEL D’OFFRES

1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation des marchés du projet PMEDE paru le 12 avril 2007 dans Dg Market et dans la presse locale ainsi que le 14 septembre 2008 dans Jeune Afrique, dans Dg Market et dans les journaux locaux. 2. La République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le Projet de Développement des Marchés d’Electricité pour la consommation Domestique et à l’Export (PMEDE). Elle se propose d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché intitulé : Réhabilitation des groupes G15 et G11 de la Centrale d’Inga I. 3. Le Bureau Central de Coordination (BCECO), pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL), invite les candidats admis à concourir à soumettre leurs offres sous pli scellé pour la fourniture et le montage des installations concernées. Les installations concernées par le marché « Lot 2.1.2 » sont celles de la centrale d’Inga I. 4. L’Appel d’offres se fera selon les procédures d’Appel d’offres international (AOI) définies dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA (Edition mai 2004, révisée en octobre 2006 et mai 2010). Le DAO type de la Banque mondiale est celui de « Passation des Marchés de Fourniture et Montage des installations ». Il est ouvert à tous les candidats/ aux entreprises admises à concourir. 5. Les critères de qualification des candidats sont les suivants : • Capacité technique : Avoir une Expérience de marchés de fourniture et installation à titre de Constructeur, de partie de groupements ou d’ensemblier au cours des 10 dernières années, depuis le 1er janvier 2001. Avoir une Expérience en un nombre minimal de marchés similaires de Fourniture & Installtion et Mise en Service, à titre de Constructeur, de partie de groupements, qui ont été exécutés de manière satisfaisante et achevés pour l’essentiel ou d’ensemblier entre le 1er janvier 2001 et la date limite de dépôt des offres : deux (2) marchés (y compris les attestations de bonne fin des travaux), chacun d’un montant supérieur ou égal à 30.000.000,00 USD portant sur la réhabilitation de turbines et alternateurs similaires aux installations d’INGA 1, dont un (1) marché exécuté au cours des cinq (5) dernières années en dehors du pays du Constructeur, dans un pays avec des conditions similaires à la RD Congo. Pour les marchés référencés ci-dessus ou pour d’autres marchés exécutés entre le 1er janvier 2001 et la date limite de dépôt des offres, hormis l’expérience minimale de fourniture et installation requise dans les principales activités des soumissionnaires, il est exigé entre autres une expérience avérée d’intervention dans une centrale en exploitation du type d’Inga I avec : • turbines type Francis pour des chutes de 25 m à 250 m, ou Kaplan pour des chutes de 10 m à 50 m, à arbre vertical, d’une capacité unitaire d’au moins : ✓ Puissance (mech) référence = 50 MWmech x (chute référence/chute d’INGA1=50m), • alternateurs à arbre vertical pour des vitesses jusqu’à 428 min-1 d’une capacité unitaire d’au moins : ✓ Puissance (el) référence = 50 MWel x (vitesse référence/vitesse d’INGA1=136,2 min), • régulateurs hydrauliques et électroniques, système d’excitation, • systèmes auxiliaires et équipements hydromécaniques. • Capacité financière : le candidat doit avoir atteint au cours de cinq (5) dernières années un chiffre d’affaires annuel pour des travaux similaires au présent projet dépassant 40.000.000,00 USD. La solidité financière est à prouver par les bilans certifiés pour les trois (3) dernières années et les attestations pour la ligne de crédit bancaire à hauteur de 10.000.000,00 USD. • Conformité de la proposition technique 6. Les candidats répondant aux critères de participation et qui le souhaitent peuvent obtenir tout renseignement complémentaire auprès du Bureau Central de Coordination (BCECO), et examiner les documents d’appel d’offres à l’adresse reprise ci-dessous, de 9h00’ à 16h00’ (heures locales, TU+1). 7. Un jeu complet du Dossier d’appel d’offres en Français peut être acheté par tout candidat intéressé sur présentation d’une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous et sur paiement d’un montant non remboursable de trois cents dollars des Etats-Unis (300 $US). Le paiement sera effectué par versement d’espèces au compte n° « 0240001145502 », intitulé PROJET BCECO auprès de la STANBIC BANK / Kinshasa, code SWIFT : SBICCDKX. Le Dossier d’appel d’offres sera envoyé aux soumissionnaires, contre présentation de la preuve de paiement, par courrier. Les frais d’envoi des dossiers aux acheteurs sont en sus et à charge de ces derniers. 8. Les offres doivent être remises à l’adresse ci-dessous au plus tard le mardi 28 février 2012 à 15H00’. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Toutes les offres doivent être assorties d’une garantie d’offre d’un million cinq cents mille dollars des Etats-Unis (1.500.000 $US). La garantie de soumission sera une garantie bancaire. Cette garantie de soumission demeurera valide pendant vingt-huit (28) jours au-delà de la date limite initiale de validité des offres, ou de toute nouvelle date limite de validité demandée par l'Acheteur et acceptée par le Soumissionnaire, conformément aux dispositions de la Clause 20.2 des IS. La période de validité initiale des offres est de cent-vingt (120) jours. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture qui aura lieu le mardi 28 février 2012, à 15H30’ à l’adresse ci-dessous. Bureau Central de Coordination (BCECO) - Avenue Colonel Mondjiba, n° 372, Concession Utexafrica - inshasa-Ngaliema (RDC) - Local 301 E-mail : bceco@bceco.cd, dpm@bceco.cd, bcecobceco@yahoo.fr, dpmbceco@yahoo.fr - Tél : (+243) 81 51 36 729 – (+243) 81 99 99 180 MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.i. du BCECO

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RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE HONNEUR – FRATERNITÉ – JUSTICE

MINISTÈRE DE L’ÉQUIPEMENT ET DES TRANSPORTS - DIRECTION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

AVIS D’APPEL D’OFFRES

1) Le Gouvernement de la République Islamique de MAURITANIE a obtenu l’accord de principe de la Banque islamique de Développement pour mettre à sa disposition un prêt afin de contribuer au financement des travaux de construction du tronçon Néma – Bangou (63 Km) : lot 1 de la route Néma – Bassiknou – Frontière du Mali. 2) Le Ministère de l’Equipement et des Transports de la République Islamique de MAURITANIE invite par le présent appel d'offres les candidats éligibles à présenter leurs offres techniques et financières, ainsi que leurs références et qualifications sous pli fermé pour l'exécution des travaux de construction de la dite route. La consistance des principaux postes du lot 1 est donnée à titre indicatif par le tableau ci-après : Désignation Déblais Remblais Couche de Fondation Couche de Base Accotements Enrobé (5cm)

Unité M3 M3 M3 M3 M3 M2

LOT 1 54029 530376 135260 96734 7374 452320

En complément de ces travaux, il est prévu la réalisation de divers autres travaux tels que : ❏ la construction des ouvrages hydrauliques ; ❏ le désensablement et le dégagement des emprises, ❏ la mise en place de bornes penta-kilométriques, ❏ la mise en place de la signalisation horizontale et verticale et ❏ la mise en place de bordures à ras dans la traversée des agglomérations ❏ l’aménagement de carrefour. La durée d'exécution des travaux ne peut excéder 24 mois. 3) L’Appel d’Offres est ouvert aux entreprises ou groupements d’entreprises originaires des pays membre de la Banque islamique de Développement ou de l’organisation de la Conférence Islamique. Les entreprises de pays membres de la Banque islamique de Développement devront satisfaire aux conditions suivantes : a) L’immatriculation ou la constitution légale a eu lieu dans un pays membre de la Banque islamique de Développement ; b) L’aire principale d’activité est située dans un pays membre de la Banque islamique de Développement ;

c) L’entreprise appartient à plus de cinquante pourcent (50 %) à une ou plusieurs firmes dans un ou plusieurs pays membres (lesquelles firmes devront justifier leur nationalité) et/ou à des ressortissants de ce pays membre ; d) Le personnel chargé d’assurer les services dans le cadre du contrat est constitué au plus de 80 % de nationaux de pays membre de la Banque islamique de Développement, qu’il s’agisse d’un personnel employé directement ou employé par un sous-traitant ; e) La majorité des cadres dirigeants et professionnels est constituée de nationaux de pays membres. 4) Les soumissionnaires éligibles intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires et examiner le dossier d'appel d'offres à l'adresse ci-après : Direction des Infrastructures des Transports Immeuble du Ministère de l’Equipement et des Transports B.P. 11967/11914 Sebkha - NOUAKCHOTT / MAURITANIE 5) Tout soumissionnaire éligible intéressé par le présent avis pourra acheter un jeu complet du dossier d'appel d'offres dès le 27 Novembre 2011 sur demande écrite adressée à la Direction des Infrastructures des Transports et moyennant le paiement d'un montant non remboursable de 200 000 UM (deux cent milles OUGUIYA) au TRESORIER GENERAL. 6) La visite des lieux prévue le 25 Décembre 2011 est obligatoire. Le lieu de rendez-vous est fixé à 09 heures locales au poste de police situé à l’entrée de la ville de Néma en provenance de Nouakchott. Elle sera suivie par une réunion d'information le 28 Décembre 2011 à 10 heures dans la salle de réunion de la Direction des Infrastructures de Transport. 7) La validité des offres est de 120 jours à compter de la date d’ouverture de celles-ci. 8) Chaque offre accompagnée d'un cautionnement provisoire de Cent vingt Millions d’Ouguiyas (120 000 000) UM doit être déposée à l'adresse ci-dessous le 25 Janvier 2012 avant 10 heures locales. Monsieur le Président de la Commission Centrale des Marchés Immeuble du Gouvernement - B.P. 184 - NOUAKCHOTT / MAURITANIE 9) Les offres seront ouvertes en séance publique en présence des représentants des soumissionnaires qui le souhaitent le 25 Janvier 2012 à 10 heures 30 , heure locale. 10) L’Administration se réserve le droit d'accepter ou d'écarter toute offre, et d'annuler la procédure d'appel d'offres et d'écarter toutes les offres, à un moment quelconque avant l'attribution du marché, sans, de ce fait, encourir une responsabilité quelconque vis-à-vis du ou des soumissionnaires affectés, ni être tenu d'informer le ou les soumissionnaires affectés des raisons de sa décision. 11) L’Administration se réserve également le droit de déclarer l'appel d'offres infructueux lorsqu'il est évident qu'il y a absence de concurrence ou lorsqu'il est constaté que les montants des offres sont trop élevés. Le Directeur des Infrastructures de Transport

Appel d’offres - Divers

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Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala

SERVICE DE CONSULTANTS Sollicitation de manifestation d’intérêt n°02/K pour les prestations d’études techniques, de contrôle et surveillance de travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable de la ville de Bamako, dans le cadre du Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala

Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Mali a l’intention de demander un crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA), et à l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant : prestations pour les études techniques, le contrôle et surveillance de travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable de la ville de Bamako, dans le cadre du Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala. 2. L’objectif visé par le projet est la couverture des besoins en eau de Bamako jusqu’à l’horizon 2030 par la construction d’une nouvelle station d’eau de 240 000 m3/jour sur le site de Kabala, à environ 12 Km en amont de Bamako sur la rive droite du fleuve Niger, en deux phases : - Phase I : production de 144.000 m3/jour ; - Phase 2 : augmentation de la production avec 96.000 m3/jour supplémentaires pour atteindre 240.000 m3/jour. Les prestations objet de la présente sollicitation de manifestation d’intérêt concernent les travaux de la phase I, qui comprend les composantes suivantes : • Une station de traitement d’eau de capacité de production de l44.000 m3/j ; • Des réservoirs de stockage d’eau traitée en béton armé des deux côtés du feuve Niger à Bamako ; • Une canalisation de refoulement de l’eau traitée en fonte DN>= 1200 mm ; • Des canalisations d’adduction/distribution de différents diamètres sur une longueur de plus de 375 Km sur les rives du fleuve Niger et Bamako ; • Des bornes fontaines publiques et des branchements individuels sur la base d’un programme promotionnel, dans les quartiers déficitaires des deux rives. 3. Les services comprennent : • les études techniques d’élaboration de l’APD et du DAO du réseau de distribution associé au projet de Kabala, en rive droite du fleuve Niger ; • l’assistance au recrutement des entreprises pour les travaux de construction des réservoirs et du réseau associé ; • le contrôle et la surveillance des travaux des composantes " stockage - transfert et distribution d’eau ". 4. Le Ministère de l’Energie et de l’Eau par délégation à la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable invite les candidats admissibles à manifester leur interêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des compétences nécessaires parmi le personnel permanent, etc.). Les consultants peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Les Consultants seront évalués sur la base des projets similaires réalisés (nature et montant). 5. La langue de soumission des dossiers est le français. 6. Un consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, édition courante. 7. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence pendant les jours ouvrables, à l'adresse ci-dessous, de 8 heures à 16 heures locales : SOMAPEP s.a. Siège Social Bamako, Quartier Magnambougou Faso Kanu, Rue de l’Hôtel les Colibris, Tél. +(223) 20 22 00 26 BP - 1528 Fax +(223) 20 22 02 00 8. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous plis fermés ou par courrier électronique (uniquement sous format non modifiable) avec la mention " Manifestation dintérêt pour les études techniques. le contrôle et surveillance de travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable de la ville de Bamako, dans le cadre du Projet d Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala " à l’adresse ci-dessus au plus tard le lundi 23 janvier 2012 à 15 heures locales précises. Le Président Directeur Général Adama Tiémoko DIARRA, Chevalier de l’Ordre National

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Avis international à manifestation d’intérêt N°125/DSG/SDSC/DG/2011 du 09/11/2011 pour la pré-qualification en vue du recrutement d’un cabinet pour réaliser l’Audit du réseau de câble à fibre optique de AES-SONEL FINANCEMENT : BUDGET AES-SONEL I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION Dans le cadre de la mise en œuvre de son système d’information et de contrôle, AES-SONEL a posé plus de sept cent (700) kilomètres de câble à fibre optique de 96 brins dans plus de 12 localités sur son réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique. Pour l’exploitation de ce réseau privé indépendant, AES-SONEL conformément à la loi régissant les communications électroniques au Cameroun, a sollicité auprès de l’Agence de Régulation des Télécommunications, une licence de troisième catégorie. Afin d’attribuer cette licence, le Ministre des Postes et Télécommunications demande que soit réalisé un audit pour mieux cerner les besoins de AES-SONEL en termes de capacités. A cet effet, AES-SONEL lance un avis international à manifestation d’intérêt pour la pré-qualification en vue du recrutement d’un cabinet pour réaliser l’Audit.

III. PROFIL DU CABINET Etre un cabinet ou un bureau d’études de renommée internationale ayant une compétence avérée dans : • l’évaluation et l’Audit des installations à fibre optique sur des infrastructures électriques aériennes haute et moyenne tension ; • l’évaluation des besoins en termes de flux d’informations à véhiculer dans les réseaux de communications électroniques et systèmes d’informations ; • l’audit et le design des réseaux de communications électroniques et des systèmes d’information ; • le monitoring et le contrôle des réseaux électriques. IV. COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Le dossier d’avis international à manifestation d’intérêt comprendra les documents suivants : a) lettre de motivation dûment signée du candidat ; b) copie, du titre de patente en cours de validité ; c) copie de la carte de contribuable ; d) copie du registre du commerce ; Les Cabinets non camerounais devront produire les documents équivalents, accompagnés d’une déclaration sur l’honneur attestant que lesdites pièces sont authentiques, le cas échéant ; e) la présentation du Cabinet ou Bureau d’études ainsi que les domaines d’action et d’intervention ; JEUNE AFRIQUE

V. CRITÈRES DE PRÉSÉLECTION Les candidats qui se seront manifestés seront évalués comme suit : ❖ L’expérience générale (60 points) • qualification technique dans le domaine de la mission 50 points ; • capacité de gestion financière : 10 points. ❖ recommandations professionnelles : 20 points ❖ la connaissance du contexte : 20 points Seuls les candidats ayant totalisé, à l’issue de l’évaluation, une note de 70/100, pourront participer à l’appel d’offre restreint. VI – DÉPÔT DES DOSSIERS Les manifestations d’intérêt doivent être transmises par voie électronique à l’adresse suivante moctar.mohamadou@aes.com ou déposées à la Direction des services Généraux, AES-SONEL, BP 4077 Douala, sis Rue Koumassi, Bâtiment B, porte 322 en quatre (04) exemplaires dont un (01) original et trois (03) copies marquées comme telles, sous pli fermé scellé contre remise d’un récépissé et comportant deux enveloppes distinctes au plus tard le 15 décembre 2011 à 15 heures 30 minutes, heure locale et devra porter la mention. « Avis International à Manifestation d’Intérêt » N°125/DSG/SDSC/DG/2011 du 09/11/2011 pour la pré-qualification en vue du recrutement d’un cabinet pour réaliser l’Audit du réseau de câble à fibre optique de AES-SONEL. « À n’ouvrir qu’en séance de dépouillement » VII. RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Les candidats intéressés peuvent obtenir des renseignements complémentaires auprès de Nadine Priso, messagerie : nadine.priso@aes.com. VIII. PUBLICATION DES RÉSULTATS Les candidats retenus seront notifiés par correspondance du Directeur Général de AES-SONEL et les résultats publiés par voie de presse. Directeur Général d’AES-SONEL

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Manifestation d’intérêt

II. OBJET Le présent avis international à manifestation d’intérêt a pour objet de pré-qualifier les cabinets ou bureaux d’études de renommée internationale, expérimentés et compétents, capables de mener à terme l’audit susvisé.

f) les références dans les prestations similaires réalisées avec les pièces justificatives (nom, client, objet et montant de la prestation) ; g) Les recommandations professionnelles.


Vous & nous

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Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

DEVRA BERKOWITZ/UN PHOTO

Bienvenue à la cour, M. Gbagbo ! Le  novembre, nous avons appris le transfèrement de Laurent Gbagbo, ancien président de Côte d’Ivoire, vers la Cour pénale

l’humanité. Dans un précédent courrier publié dans J.A. n° 2646, je dénonçais la partialité de la CPI. Si mon jugement est erroné, on peut donc s’attendre aux inculpations de responsables de la rébellion de 2002, de son financier, des donneurs d’ordres de l’armée française dans les massacres de patriotes, en 2004 et en 2010. Sans ces mises en cause, la réconciliation n’aura probablement pas lieu… ● GNAHORÉ DOUADJI, Paris, France

internationale (CPI). Cette mise en marche de la justice internationale est une grande victoire pour de nombreuses familles ivoiriennes endeuillées par sa faute. Au plus fort de la grave crise postélectorale, le président Alassane Ouattara, dans l’une de ses interventions, avait averti M. Gbagbo en ces termes : « Laurent, ne m’oblige pas à t’humilier ! » Les partisans de l’ancien homme fort avaient alors pris cette mise en garde du « président sans palais » pour la divagation d’un homme perdu et sans repères. Qu’il le veuille ou non, Laurent Gbagbo répondra de sa responsabilité dans les crimes atroces commis en Côte d’Ivoire. Seul, isolé, sans armée, et sans Jeunes patriotes, nous verrons si l’homme est la bête politique qu’il prétend être. Au mieux, il nous reviendra dans dix ans, au pire il y restera à jamais. Une chose est sûre, celui qui prenait la roublardise pour de l’art politique, sans y mettre une petite dose de sincérité, vient de se rendre compte qu’il a été le dindon de la farce du siècle en Côte d’Ivoire. ● YANOURGA SANOGO, Paris, France

La justice des vainqueurs Laurent Gbagbo vient d’être transféré à La Haye, où il a été officiellement inculpé de crimes contre N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

FATHI TOUNAKTI, Hammamlif, Tunisie

Messali Hadj, le vrai Je découvre dans J.A. no 26512652, du 30 octobre au 12 novembre, l’article sur le livre de Renaud de Rochebrune, en collaboration avec Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie vue par les Algériens. Résidant au Canada, je n’ai pas encore eu l’opportunité de le lire. Cependant, j’ai relevé dans votre texte des affirmations qui appellent des mises au point. Dans la partie « Répression »,

Cameroun : archives en danger

MALGRÉ DE LOUABLES EFFORTS sur le plan réglementaire, le fonds des Archives nationales tarde à sortir de l’ornière. Les grands débats le concernant se tiennent au sommet, loin des archivistes professionnels, qui devraient avoir voix au chapitre. Formés dans les universités de renom mais trop peu nombreux pour être entendus, ils LE SIÈGE DES ARCHIVES NATIONALES à Yaoundé. font face, sur le terrain, à un pédantisme et à un conservatisme d’arrière-garde de la part de ceux qui prétendent en savoir plus qu’eux. Depuis la création du service public des archives au Cameroun, en 1952, un seul archiviste de métier l’a dirigé, entre 1952 et 1957 : Claude Burgaud, paléographe. Cet archaïsme que constitue la mise à l’écart des professionnels, tout comme les tâtonnements relevés dans la gestion de cet organisme, occasionnent bien des désagréments. Il convient de rappeler qu’un bibliothécaire n’est pas un archiviste, un documentaliste non plus. S’ils sont tous des spécialistes des sciences de l’information documentaire, chacun utilise des techniques et des méthodes de travail qui lui sont propres. De fait, le bibliothécaire et le documentaliste ignorent tout des normes d’intégrité d’un fonds d’archives. Leur tentative d’ingérence dans la procédure de sauvegarde d’une collection de documents d’archives est, par conséquent, inappropriée. Hélas, au fonds des Archives nationales du Cameroun, ils prennent souvent les devants, au mépris de l’éthique professionnelle, dans un chantier qui leur est étranger. Attirés par l’appât du gain, ils accomplissent même la prouesse de délivrer des cours d’archivistique dans des universités du pays ! Si rien n’est fait pour contrer cette canaillerie, l’anarchie qui régnera au fonds des Archives nationales sera telle que retrouver un dossier relèvera fatalement de la gageure. ● PIERRE ESSOMBA MBIDA, archiviste DR

PRÉSENTATION DU RAPPORT ANNUEL DE LA CPI à l’ONU le 29 octobre 2010.

Quand arabe rime avec démocratie Je tiens à féliciter et à remercier Béchir Ben Yahmed pour son lumineux « Ce que je crois », intitulé « Le pouvoir aux islamistes » (J.A. no 2653 du 13 au 19 novembre).

Dans le cas tunisien, la classe politique vient de prouver que, dans un pays arabe, un gouvernement d’union nationale associant plusieurs partis ayant des idéologies différentes, voire opposées, est possible. L’équation arabe + démocratie est validée. On est loin des scénarios catastrophiques d’une république islamique tunisienne. Le Maghreb n’est pas l’Iran, eu égard à ses rapports avec l’Europe. ●

JEUNE AFRIQUE


Vous nous

vous écrivez : « Le groupe à l’origine de l’appel aux armes du 1er novembre a organisé sa gouvernance sur le principe de la collégialité. » Comme tous les spécialistes le savent, ce principe n’a jamais été appliqué. Le terme « collégialité » est mis en opposition avec les méthodes, dites-vous : « Des zaïms, les chefs charismatiques, à cause du précédent de leur ancien leader Messali Hadj, trop enclin à traiter le parti comme sa “chose”. » Vous reprenez là, en 2011, des affirmations éculées et galvaudées depuis cinquante ans par les chroniqueurs, provenant de la propagande du FLN et qui ont servi à falsifier l’histoire de l’Algérie. Je vous renvoie à la biographie de Messali Hadj, de Benjamin Stora, chez Hachette Littérature, qui consacre tout un chapitre à ces calomnies. Vous y retrouverez également un témoignage de Mohammed Harbi remettant en question l’idée d’un Messali despote. Plus explicite encore est la biographie de Messali Hadj, toujours de Mohammed Harbi, dans la collection « Les Africains » et éditée chez Jeune Afrique. ● DJANINA MESSALI-BENKELFAT, Montréal, Canada

Réponse Les comportements respectifs de Messali Hadj et des futurs dirigeants du FLN, tous issus du parti indépendantiste animé depuis de longues années par ledit Messali, au moment où, en 1954, se préparait le lancement de la lutte armée, sont un objet permanent de débats et de controverses entre historiens et commentateurs. Rien d’étonnant à ce que Djanina Messali-Benkelfat, fille de Messali Hadj et farouche gardienne de la mémoire de son père, exprime ici un point de vue sensiblement différent de celui de l’auteur de la critique, dans nos colonnes, du livre La Guerre d’Algérie vue par les Algériens. On peut noter cependant que le livre en question a pour préfacier Mohammed Harbi et pour coauteur Benjamin Stora, soit précisément… les deux historiens que convoque l’auteur de cette lettre à l’appui de sa « mise au point ». LA RÉDACTION JEUNE AFRIQUE

VOTRE JOURNAL

« Jeune Afrique » et les pilleurs du web Ì Un foisonnement de sites difficilement contrôlables Ì Plus de 245 articles reproduits sans autorisation par un seul site

C

EUX DE NOS LECTEURS qui parcourent la presse de leur pays le savent : la reproduction sauvage des articles de Jeune Afrique est une vieille habitude. Il arrive fréquemment à nos journalistes de découvrir leur travail indûment utilisé, parfois avec leur signature, toujours sans notre autorisation. À l’ère d’internet, du copier-coller et du foisonnement de sites difficilement contrôlables, ces « emprunts » ont atteint des proportions industrielles. Le site du groupe sénégalais Wal Fadjiri semble ainsi penser que mentionner jeuneafrique.com l’autorise à prendre tout ce qui l’intéresse. À l’heure où nous mettions sous presse, plus de 245 articles y étaient ainsi reproduits sans autorisation. Même thèse (apparemment assez répandue au Sénégal) pour dakaractu.com, avec, en plus, le vice de signer ses pillages d’un « avec Jeune Afrique », qui laisse supposer l’existence d’un accord. La palme de

articles. Espérons que ces quelques lignes mettent fin à toute ambiguïté. Mais comment excuser ceux que nos avertissements n’empêchent pas de faire de nos articles un business qu’on imagine très juteux ? Comment absoudre seneweb.com, « portail » qui vole les maisons auxquelles il prétend conduire ? En reprenant systématiquement et en intégralité les articles de Jeune Afrique (mais pas seulement) sur le Sénégal, il attire parfois plus de lecteurs sur notre travail que lorsque celui-ci paraît sur notre (unique) site internet : jeuneafrique.com. Sur abidjan.net, on fait presque pareil, mais avec hypocrisie : les articles de Jeune Afrique ne sont pas repris dans leur intégralité ; dans leur magnanimité, les copistes de ce site ne laissent généralement que les deux dernières phrases à lire en exclusivité sur les plateformes d’origine. La Toile a pourtant le formidable avantage de permettre à chacun de renvoyer vers les idées, textes et informations – sans les voler –, grâce au lien hypertexte. Copier-coller l’intégralité d’un document ne peut donc se justifier que par la volonté de s’approprier le travail d’autrui. Piller n’est pas partager. ●

Le Toile permet pourtant un renvoi vers des textes, sans les voler. l’inélégance pourrait être décernée à leral.net, qui ose parfois apposer, au bas des articles qui ne sont pas les siens, la signature de l’auteur… du recopiage. Cette page tout entière ne suffirait pas à recenser tous les petits sites internet ou les blogs qui utilisent ce procédé paresseux pour alimenter leurs colonnes numériques. À défaut de les excuser, on pourrait, à la rigueur, comprendre ceux qui se croient – (peut-être) de bonne foi – autorisés à reproduire ainsi nos

LA RÉDACTION N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Islamo-tourisme

RÉDACTION

L

A SEMAINE DERNIÈRE, le téléphone a commencé à sonner après l’annonce des résultats des législatives au Maroc. La presse cherchait des Marocains pour qu’ils leur expliquent le pourquoi du comment. Ce sont souvent des jeunes stagiaires, plutôt crédules, qui sont chargés d’appeler afin de fournir la matière première aux rédacteurs. Au début, j’ai donné des réponses sérieuses. Puis j’ai décidé de dire n’importe quoi. 1. Est-ce que désormais le voile sera obligatoire au Maroc ? Bien sûr. Mais seulement pour les femmes les plus belles. L’objet du voile n’est-il pas d’éviter la pagaille (la fitna, en arabe) que pourrait créer l’apparition sur la voie publique d’une créature de rêve ? Donc, seules 10 % des femmes, les plus belles, seront obligées de porter le voile. Après un flottement, le stagiaire me posa la question logique : qui décidera si une femme fait partie des 10 % ? Eh bien, le nouveau gouvernement va instituer des « commissions esthétiques » devant lesquelles défilera chaque femme une fois par an. Les commissions donneront des notes de 0 à 19/20 – la note 20/20 étant interdite puisque seul Dieu est parfait. La liste des femmes les plus sexy, donc obligées de porter le voile, serait affichée sur les murs de chaque mouqata’a. Comment écrivez-vous mouqata’a ? fut la réaction du stagiaire à cet exposé délirant. 2. Est-ce que les banques seront fermées ? Pourquoi cette question ? demandai-je à la stagiaire. Parce que l’islam interdit le prêt à intérêt, me rétorqua-t-elle. Bien vu, lui dis-je. Effectivement, toutes les banques du Maroc seront fermées à partir du 1er janvier mais ne vous en faites pas : elles ont vu venir le coup. Elles se sont transformées en briqueteries et en cimenteries. Désormais elles prêteront directement du ciment et des briques au lieu d’accorder des prêts immobiliers. Si vous avez emprunté trois cents briques pour construire votre maison, vous en rendrez quatre cents à la banque. Il n’y a pas eu échange d’argent, donc tout est halal.

3. L’alcool sera-t-il interdit ? Bien sûr, lui répondis-je. Mais pas le vin. Il n’est pas question de ruiner cette branche d’activité qui fournit des milliers d’emplois. Il suffira de trouver un imam expert en chimie organique qui fulminera une fatwa affirmant que seul le méthanol est vraiment haram puisque c’est le seul alcool totalement impropre à la consommation : on sait que Dieu veut épargner à l’homme ce qui lui est nocif. Les autres alcools, en particulier l’éthanol, sont inoffensifs donc permis. Il se trouve que le vin marocain ne contient que de l’éthanol. Heureux hasard ! À force de lire des interviews extravagantes, les rédacteurs en chef ont commencé à se méfier. L’un d’eux m’a rappelé : vous êtes sûr de ce que vous dites ? Je lui ai répondu : surtout, ne me croyez pas sur parole. Allez sur place, au Maroc, vérifier tout ce que j’avance. Restez-y le temps qu’il faut, descendez dans les meilleurs hôtels, mangez dans les meilleurs restaurants. Et c’est ainsi que la victoire du PJD peut être utilisée pour mieux stimuler le tourisme… ●

Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Cécile Sow (à Dakar), Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; rédaction : Camille Dubruelh, Vincent Duhem et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable ventes au numéro : Philippe Blanc ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Dhouha Boistuaud ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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N o 2656 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2011

JEUNE AFRIQUE

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