JA 2664 DU 29 JANVIER AU 4 FEVRIER 2012 DOSSIER MINES

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CENTRAFRIQUE FRANÇOIS BOZIZÉ S’EXPLIQUE

HEBDOMADAIRE HEBDOM OMAD OM ADAI AD AIRE AI RE INTERNATIONAL INT NTER ERNA ER NATI NA TIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2664 • du 29 janvier au 4 février 2012 TI

GABON ALI, ACTE II Spécial 24 pages

ALGÉRIE-MAROC

jeuneafrique.com

CAMEROUN FOTSO CONTRE FOTSO FRANCE POURQUOI SARKOZY A (PRESQUE) PERDU Par BÉCHIR BEN YAHMED

ET S’ILS S’ENTENDAIENT ? Après la visite-surprise du chef de la diplomatie marocaine à Alger, la désunion entre les deux voisins du Maghreb apparaît plus que jamais comme une absurdité économique, politique et humaine. Enquête sur une discorde fratricide.

ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285


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Dossier

Mines

ENCADREMENT

L’africanisation Si les groupes anglo-saxons restent dominants, de plus en plus d’entrepreneurs du continent investissent le secteur. À défaut de lancer leurs propres sociétés, ils accèdent à des postes stratégiques au sein des majors.

est en marche

CHRISTOPHE LE BEC

«

D

sud-africaine du Black Economic Empowerment visant à renforcer le poids des Noirs dans les entreprises. « Je vois de plus en plus d’Africains qui participent et gèrent de grands projets. Il y a une montée en puissance de décideurs locaux, c’est indéniable », observe l’avocat Thierry Lauriol, responsable des questions minières au sein du cabinet Jeantet (lire pp. 113-114). FORMATIONS « MAISON ». «Quandj’aicommencé

à travailler dans le secteur, chez le sud-africain Randgold Resources, j’ai été l’un des premiers ans le secteur minier, originaires du continent à être directeur pays, au nous sommes encore Mali. Aujourd’hui, tous les titulaires des postes de trop peu d’entreprece niveau sont africains », observe le Sénégalais Aziz neurs originaires du continent à avoir lancé Sy, vice-président de la junior canadienne Oromin nos propres compaExplorations pour les opérations au Sénégal (lire gnies », regrette le Congolais Kalaa Mpinga, prép. 117). « C’est dans l’intérêt des majors de faire sident de Mwana Africa. « Alors que dans certains émerger des cadres africains : ils connaissent le pays les ressources minières sont les principales milieu et les rouages de l’administration… et puis richesses [évaluées en RD Congo à 24 000 milils coûtent moins cher! » ajoute ce géologue formé liards de dollars, soit environ 18 500 milliards à l’Institut des sciences de la terre de Dakar. d’euros, NDLR], on ne compte Pour Igor Rochette, responpratiquement pas de sociétés sable en recrutement chez « J’ai eu envie de créer Michael Page pour le secteur minières privées africaines en ma compagnie. dehors des marocaines ou des minier, « certaines majors du sud-africaines », déplore le secteur [comme Vale, BHP Mais il me manquait patron, dont l’entreprise, fondes compétences pour Billiton ou Rio Tinto] préfèrent dée en 2003, réalise 31 millions souvent un cadre africain, lever des fonds. » d’euros de chiffre d’affaires quitte à être moins exigeantes dans l’or et le nickel en Afrique AZIZ SY, vice-président d’Oromin sur certaines compétences, et australe et en RD Congo. misent ensuite sur des formaSi les pays anglophones de tradition minière tions “maison”. Elles favorisent aussi leur mobilité, les envoyant dans leurs différentes filiales pour les comptent quelques grands entrepreneurs (lire faire monter en compétence », indique-t-il. « Chez p. 110) tels le Ghanéen Sam Jonah, patron chaVale, en 2009, il n’y avait que six responsables rismatique d’Ashanti Goldfields (fusionné avec africains au sein de la direction Afrique australe et AngloGold en 2004), ou le Sud-Africain Patrice pas un seul directeur général. Aujourd’hui, nous Motsepe, président d’African Rainbow Minerals, ailleurs, ils se font rares. Mais les choses pourraient sommes deux directeurs généraux et treize reschanger, avec l’africanisation des cadres du secteur, ponsables de secteur mozambicains », se félicite un mouvement lancé dans le sillage de la politique Amado Mabasso, directeur général en charge des

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JEUNE AFRIQUE


ISSOUF SANOGO/AFP

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activités support pour le groupe brésilien à Maputo, qui doit être prochainement envoyé en formation au Massachusetts Institute of Technology. Reste que, entre cette africanisation de l’encadrement des groupes internationaux et l’émergence de sociétés locales, il y a un grand pas. « La prépondérance des sociétés étrangères dans le secteur minier perdure, car elles ont les financements et la technologie. Les intérêts africains se manifestent dans la prise de permis, mais ils recherchent ensuite très vite des partenaires. Il faudra du temps pour voir émerger des champions continentaux », estime Me Lauriol. GISEMENTS GELÉS. « Malheureusement, les entre-

preneurs miniers africains s’aventurent bien souvent sans connaître les bases du métier. Certains détenteurs de permis, inconscients de la valeur de leurs titres, se font rouler par des juniors venues de l’étranger, leur revendant leurs titres à des prix très bas au lieu de prendre le temps d’en évaluer la valeur », regrette Boubacar Bocoum, responsable de l’appui au secteur minier à la Banque mondiale. « Pis, certains gisements, pourtant prometteurs, restent gelés car leur détenteur n’a pas le réseau nécessaire ou la crédibilité dans le milieu », ajoute ce Malien, pour qui il est urgent d’améliorer les filières minières en Afrique francophone. « À l’instar de ce qu’ont fait les universités sud-africaines, mais aussi ghanéennes, dont les formations se sont JEUNE AFRIQUE

étoffées, il faut des écoles reconnues à l’échelle internationale, moins nombreuses mais d’un meilleur niveau. » Pas seulement en géologie ou en ingénierie, mais aussi et surtout en matière financière. « Avec mon expérience chez Randgold Resources, Lonmin puis Oromin Explorations, où j’ai exercé des responsabilités opérationnelles, j’ai eu envie, moi aussi, de créer ma propre compagnie, indique Aziz Sy. Au Sénégal, il est relativement facile pour un ressortissant d’obtenir un permis. Mais pour réussir, il me manque des compétences ou un associé pour lever des fonds sur les marchés. Dans la filière aurifère, il faut des dizaines de millions de dollars pour lancer un projet… » Pour réussir, il manque en effet souvent aux Africains une capacité à se mettre en réseau avec les décideurs mondiaux, qui investissent à Toronto, Londres, Sydney… et, plus rarement, Johannesburg (lire p. 122). « Si je n’avais pas gravi les échelons en Afrique du Sud, au sein d’Anglo American, dont je suis devenu, à 36 ans, le plus jeune administrateur et dont j’ai repris des gisements non stratégiques, je n’aurais jamais sauté le pas, explique Kalaa Mpinga, formé à l’université McGill de Montréal. Quand j’ai lancé Mwana Africa, j’ai pu lever 5 millions de dollars auprès de six grands investisseurs angolais, zimbabwéens et zambiens, avant d’aller à la Bourse de Londres. Jamais je n’aurais été suivi sans mes références, notamment en matière financière. » ●●●

L’INDUSTRIE RECRUTE DEPUIS LONGTEMPS SA

MAIN-D’ŒUVRE

(ici à Essakane, au Burkina Faso). Mais l’apparition de décideurs locaux au plus haut niveau date des années 1990. SUR PLACE

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MIKE HUTCHINGS/REUTERS

JÉRÔME CHATIN/EXPANSION-REA

JOHN ROBINSON/SOUTH-REA

Dossierr M Mines ines es

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LES FIGURES DE PROUE KALAA MPINGA PRÉSIDENT EXÉCUTIF DE MWANA AFRICA

SAM JONAH EX-PRÉSIDENT NON EXÉCUTIF D’ANGLOGOLD ASHANTI

PATRICE MOTSEPE PRÉSIDENT EXÉCUTIF D’AFRICAN RAINBOW MINERALS

51 ans, congolais (RD Congo)

61 ans, ghanéen

49 ans, sud-africain

Originaire du Kasaï-Oriental et formé au Canada, il s’installe en 1997 à Johannesburg, où il rejoint la branche construction d’Anglo American. En 2003, il crée Mwana Africa, cotée à Londres. Présente dans l’or et le nickel en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Botswana et en RD Congo, la compagnie a une capitalisation boursière de plus de 40 millions d’euros.

Entré chez Ashanti Goldfields comme ingénieur en 1979, ce géologue en est devenu le président en 1986. Il a été l’architecte de sa relance (portant la production de 240 000 onces d’or à 1,6 million d’onces par an) et a conduit la fusion avec AngloGold, donnant naissance en 2004 au premier groupe aurifère du continent, dont il est alors nommé président non exécutif. Il a démissionné en septembre dernier.

Né à Soweto, ce self-made-man est à la tête d’une société dont le chiffre d’affaires atteignait 1,07 milliard d’euros en 2011. Critiqué pour ses liens avec le pouvoir, qui lui ont facilité l’obtention de permis, il est néanmoins respecté pour son sens des affaires et sa compréhension du secteur. Présent dans le platine, le fer et le charbon, il veut se développer à l’étranger.

●●● Le développement du patronat africain serait-il une tendance émergente ? « Avec la peur du risque, la majorité des cadres préfère faire carrière dans les grands groupes, mais il y a quelques pionniers subsahariens francophones qui connaissent bien le secteur et vont au-delà de l’achat et de la revente de permis », estime Boubacar Bocoum. Pour lui, « ce sont des personnalités comme Kalaa Mpinga ou le Congolais Richard Ondoko qui font, avec leurs projets miniers, évoluer les mentalités. »À cette liste, on pourrait ajouter le Mauritanien Ahmed Baba Ould Azizi, le Sénégalais Ousmane Ndiaye ou l’ex-Premier ministre guinéen Kabiné Komara. Pour le responsable de la Banque mondiale, l’africanisation du patronat va nécessairement suivre celle des cadres du secteur, même si cela prendra du temps.

Seule solution pour accélérer ce processus : un appui politique fort des États du continent à leurs entrepreneurs. « Je ne connais aucune banque basée en Afrique qui accepte de financer des projets miniers. Les financements viendront toujours de l’extérieur, affirme Kalaa Mpinga. Mais pour limiter ce contrôle, les gouvernements ne doivent pas craindre de s’appuyer sur les actifs miniers pour imposer une part locale dans les capitaux des sociétés, et même d’en faciliter la prise de contrôle par des privés africains. » Un appel que le Sénégal, la Guinée ou la RD Congo, qui ont récemment modifié leur code minier en intégrant de telles mesures, ont entendu. Sur place, reste aux cadres africains du secteur, mieux formés et favorisés par les législations, à saisir les opportunités. ●

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Dossier INTERVIEW

Thierry Lauriol

A SSOCIÉ

AU SEIN DU CABINET

J EANTET A SSOCIÉS

« Les États veulent de plus en plus avoir accès à la ressource » L’avocat spécialiste des industries extractives analyse les grandes évolutions de la législation du secteur. Malgré les tensions, autorités et concessionnaires peuvent, selon lui, trouver des intérêts communs.

JEUNE AFRIQUE: Quel est le climat dans le secteur minier ? THIERRY LAURIOL : Si ces der-

nières années les financiers couraient après les projets, la tendance actuelle est à un rééquilibrage. La crise mondiale est passée par là. Est-il plus difficile de travailler en Afrique qu’ailleurs ?

Les codes miniers sont révisés beaucoup plus régulièrement sur le continent qu’ailleurs dans le monde. Si les conditions dans lesquelles un contrat a été signé survivent généralement aux changements législatifs et réglementaires, on note une volonté récurrente des États de renégocier les conditions contractuelles en fonction de l’évolution de la fortune des miniers qui se trouvent sur leur territoire. JEUNE AFRIQUE

Quel est le rapport des forces ?

Nous avons constaté, un temps, desvelléitésdenationalisation,mais souvent l’exploitation ne survivait pas au départ de la société étrangère, faute de ressources financières et parfois technologiques. Aujourd’hui, l’ambition est d’augmenter la participation de l’État et des intérêts locaux. Nous avons l’exempleducodeminiersénégalais [lire p. 117] – nous avons d’ailleurs participé à sa rédaction –, qui comporte une disposition permettant à l’État de négocier pour lui et le secteur privé national une participation au capital de la société d’exploitation, en sus des 10 % d’actions gratuites dont il dispose. Autre tendance: les États veulent avoir accès à la ressource brute extraite et, de plus en plus, à la ressource transformée pour devenir des acteurs du marché mondial. Les sociétés minières ne profitentelles pas de l’incertitude juridique pour obtenir des passe-droits ?

Il faut savoir que bien souvent les règles régionales prévalent sur les règles nationales; c’est le cas dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA, NDLR], qui s’est dotée d’un code minier à valeur supranationale. Par ailleurs, aufuretàmesurequel’Étatacquiert de l’expérience, les textes s’améliorent, se développent et se complètent. Plus le secteur minier prend de l’importance dans un pays, plus cederniervacontraindrel’exploitant et mieux il va encadrer ses contrats.

VINCENT FOURNIER/J.A.

B

asé à Paris et Casablanca, l e c a b i n e t Je a n t e t Associés possède un département énergie, mines, infrastructure comprenant une dizaine d’avocats ; 20 % de ses activités concernent des dossiers d’arbitrage (essentiellement en Afrique, et au Proche et MoyenOrient), 5 % à 10 % la rédaction de réglementations relatives aux secteurs des mines et de l’énergie (les opérations transactionnelles occupent le reste). Responsable du département, Thierry Lauriol, spécialiste du pétrole et des mines, est entré au cabinet Jeantet Associés en 1993.

Ce docteur d’État en droit est PRÉSIDENT DE

L’ASSOCIATION

AFRIQUE

DU BARREAU DE

PARIS.

Les exploitants sont accusés de piller les ressources, avec trop peu de contreparties…

Les sociétés minières participent pourtant à l’amélioration des codes, à l’encadrement des contrats; elles proposent des projets de développement local auxquels les États n’auraient pas forcément pensé. Citons Madagascar, avec le projet de pôle intégré de croissance dans la région de Fort Dauphin [plus de 925 millions d’euros d’investissements]: l’État et le minier ont trouvé des intérêts convergents. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

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Dossier Mines L’alternance politique n’est-elle pas, bien souvent, synonyme d’annulations de permis ?

Les conventions et les permis miniers ne sont pas systématiquement remis en question lorsqu’il y a une alternance. Qu’est-ce qu’un bon accord ?

Un bon accord anticipe les évolutions. Les juristes doivent proposer un outil flexible, qui s’adapte sur les vingt à trente années à venir. Quant à la répartition des bénéfices, rappelons que les exploitants investissent souvent en pure perte. Il ne faut donc pas seulement regarder les mines qui génèrent des profits. Tout le monde doit s’y retrouver. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) ou les ONG n’ont-elles pas

immédiatement nos interventions. La jurisprudence internationale sanctionne fermement de telles pratiques. On peut citer une sentence rendue sous l’égide du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investisse-

obligé les sociétés à devenir plus responsables ?

La pression est plus forte aujourd’hui qu’avant. Le développement des normes internationales s’impose aux miniers. Globalement, l’approche locale des projets est

Un bon accord doit pouvoir anticiper les évolutions sur les vingt à trente années à venir. meilleure que par le passé. Ceux-ci se fondent plus facilement et de façon plus pérenne dans la zone d’exploitation.

ments (Cirdi) – nous défendions les intérêts de l’État du Burkina Faso – condamnant des comportements douteux au moment de la signature d’une convention. Je veux cependant souligner que la corruption n’est pas toujours initiée par la partie étatique et n’est pas l’apanage de l’Afrique. ●

D’aucuns estiment que la corruption dans le secteur est une fatalité en Afrique. Qu’en pensez-vous ?

À deux reprises, nous avons été sollicités et avons décidé d’arrêter

Propos recueillis par MICHAEL PAURON

MINERAI DE FER

Bilan mitigé pour Vale Le brésilien, qui enregistre des succès au Mozambique, prévoit d’importants investissements sur le continent. Pourtant, en Guinée, l’heure est à l’attentisme.

D

es visages qui s’illuminent à la seule mention de Vale, des habitants de la vallée du Zambèze, au Mozambique, énumérant tous les avantages que le groupe a apportés à la communauté… La diffusion de cette vidéo promotionnelle lors d’une présentation aux investisseurs, en décembre dernier à Londres, illustre à quel point l’Afrique est importante pour la firme brésilienne. L’an dernier, Roger Agnelli, alors PDG, avait N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

GIANLUIGI GUERCIA

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annoncé son intention d’y investir 15 à 20 milliards de dollars (11,5 à 15,4 milliards d’euros) d’ici à 2015. Malgré les restrictions budgétaires imposées par son successeur, MuriloFerreira,leminiernecompte pas renoncer à sa promesse. Même

Un salarié du groupe présente la concession sur LE GISEMENT

si le succès de Vale au Mozambique fait un peu figure d’exception dans un continent où le groupe est confronté non seulement à d’énormes problèmes d’infrastructures, mais aussi à des troubles politiques et à une intense concurrence des entreprises chinoises. La compagnie possède ainsi une moitié de la mine de fer de Simandou, en Guinée. Mais l’exploration de ce gisement de classe mondiale a progressé beaucoup plus lentement que prévu. Vale y a freiné ses investissements le temps d’évaluer l’impact du nouveau code minier mis en place par le président Alpha Condé. Dans son budget 2012, la compagnie n’a affecté que 380 millions de dollars à des investissements sur une partie de sa concession, alors que Rio Tinto, minieraustralienégalementprésent sur le gisement, prévoit d’y investir 1,3 milliard de dollars. « La plupart des compagnies minières présentes enGuinéesonttrèspréoccupéespar la nouvelle loi. Nous avons besoin de plus de précisions », explique Murilo Ferreira. ● SAMANTHA PEARSON, à Rio de Janeiro,

DE CHARBON

et WILLIAM MACNAMARA, à Londres

DE

© Financial Times et Jeune Afrique 2012.

MOATIZE.

Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE



An Affiliate of Freeport-McMoRan Copper & Gold


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SÉNÉGAL

Le nouvel eldorado

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lambée du cours de l’or oblige (1 664 dollars l’once au 25 janvier, soit 1 279 euros), les représentants de sociétés minières du monde entier se bousculent au ministère des Mines et de l’Industrie pour obtenir des permis. À Kédougou, dans le sud-est du pays, deux compagnies sont actuellement à l’œuvre. La coentreprise canadienne Oromin Joint Venture Group est en phase d’exploration. Quant à Sabodala Gold Operations (SGO), une société de droit sénégalais détenue à 90 % par le canadien Teranga Gold Corporation, elle a déjà lancé l’exploitation. Le sud-africain Randgold Resources, l’australien Bassari Resources Ltd et le canadien Axmin disposent également de permis de recherche dans cette région aurifère. Très proches l’un de l’autre, les sites miniers d’Oromin et de SGO sont situés respectivement à Golouma et à Sabodala, à quatre heures de piste de Kédougou, la principale ville du Sénégal oriental. Près du village de Sabodala, de gigantesques camions effectuent des allers-retours incessants entre les différents cratères creusés dans le sol. SGO dispose également d’un poste de recherche près de Diabougou, à quelques kilomètres de la frontière malienne, là où se trouve le plus gros village d’orpailleurs au Sénégal. De son côté, à Golouma, Oromin a découvert un gisement de 120 tonnes d’or, dont 45 t sont JEUNE AFRIQUE

ADOUCOUR/APANEWS

La zone aurifère de Kédougou, dans le sud-est du pays, attire des opérateurs du monde entier. Ses atouts : des gisements prometteurs, mais aussi un code minier très avantageux. exploitables. « Nous avons dépensé 140 millions de dollars dans les activités de prospection et de développement. Nous évaluons à 300 millions de dollars l’investissement supplémentaire à réaliser avant de pouvoir sortir le premier lingot d’or », souligne Aziz Sy, vice-président de l’entreprise pour les opérations au Sénégal.

L’USINE DU SITE DE SABODALA le 3 juin 2009, jour de son inauguration.

EXONÉRATIONS. « Presque tous

les permis de recherche – une trentaine – ont été octroyés. C’est : premier venu, premier servi », précise Ousmane Cissé, directeur des mines au ministère des Mines et de l’Industrie. Le cadre législatif attrayant explique largement cette ruée vers l’or : jusqu’à sept ans d’exonération fiscale pour les permis d’exploitation et des conditions avantageuses en matière d’impôt sur les sociétés. Autre mesure alléchante pour les opérateurs : la possibilité de rétention de titres miniers. « Quand les sociétés découvrent de l’or et que les conditions économiques et techniques du moment ne permettent pas l’exploitation du gisement, la loi permet une période de rétention de deux ans. » Grâce à la loi de 2003 qui encourage l’investissement privé national dans le secteur des mines, cinq compagnies sénégalaises sont actuellement présentes sur le terrain de l’exploration : Rokamco, Watic, Nafpec, Sen Gold et Sored Mines. Elles opèrent dans le cadre de coentreprises formées avec

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tonnes d’or

ont été extraites en 2010 dans le pays, ce qui le place au 13e rang en Afrique

des compagnies étrangères. Une option « facilitée par le fait qu’il n’y a pas de discrimination vis-à-vis de la nationalité de l’entreprise dans l’accès aux titres ; en outre, en phase d’exploitation, la société privée nationale peut négocier jusqu’à 25 % des parts de la société étrangère au prix du marché », explique le directeur des mines. L’État, qui détient une participation gratuite de 10 % dans le capital de chaque société minière, est rémunéré dès l’entrée en production via une redevance fixée à 3 % de la valeur marchande du produit. Les entreprises doivent s’acquitter d’un droit d’entrée de 750000 F CFA (1140 euros) pour un permis de recherche et de 7,5 millions de F CFA pour exploiter le sous-sol. « Le système d’exonération nous permet de récupérer notre investissement. Le régime fiscal est très attrayant, comparé aux autres codes miniers de la sous-région », note Aziz Sy. Le sous-sol sénégalais attire tellement que les autorités ont décidé de revoir leur cahier des charges. « Nous souhaitons qu’il y ait un partage de production [à hauteur de 10 % de la production] sur tous les contrats négociés, afin que nous puissions gagner de l’argent, que les sociétés minières fassent du profit ou pas, explique Ousmane Cissé. De plus, nous nous dirigeons vers moins d’exonérations fiscales, car il faut que l’exploitation rapporte au peuple. » ● AURÉLIE FONTAINE, à Dakar N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012


Dossier Mines GUINÉE

Des gisements en sommeil Le pays recèle d’importantes réserves de bauxite, de fer et d’or. Pourtant, il attire peu. En cause, les réformes inachevées, des licences gelées et un code peu adapté… Alpha Condé a fort à faire pour y remédier.

A

prèsl’investitureduprésident Alpha Condé, le 21décembre2010,mettant fin à trois années d’instabilité politique en Guinée, la plupart des groupes miniers se sont penchéssurlespotentialitésdupays, longtempsnégligées.En2011,ilsont affiché leur intérêt pour la bauxite (les deux tiers des réserves mondiales sont guinéennes), le fer et l’or du pays. Signe de cet engouement d’alors, le nouveau ministre des Mines, Mohamed Lamine Fofana, était l’une des personnalités les plus courtisées de la conférence Mining Indaba au Cap, en février 2011, le rassemblement annuel des miniers du continent. Un an plus tard, l’enthousiasme pour la Guinée s’est nettement émoussé. « Après les discours volontaristes des nouvelles autorités, on est toujours dans l’attente d’orientations claires pour le secteur minier, notamment en matière d’infrastructures. On espère aussi des procédures d’attribution des permistransparentesetéquitables», indique Boubacar Bocoum, responsable du secteur minier à la Banque mondiale, qui a effectué denombreusesmissionsàConakry. «Alorsquel’urgenceestdedémarrer l’exploitation de gisements exceptionnels,commeceuxduSimandou [le gisement de fer le plus important d’Afrique, NDLR], qui attendent depuis cinquante ans, on s’est lancé dans des réformes tous azimuts et non abouties, sans autre résultat que d’effrayer les investisseurs. Du coup, les miniers présents dans le pays sont dans une position d’attentisme, et les autres se détournent de la Guinée », s’insurge MamadyYoula,directeurgénéraldu N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

projet de raffinage Guinea Alumina Corporation (GAC), issu du consortium de Global Alumina, BHP Billiton et Dubai Aluminium. BLOQUÉ. Pour le directeur général de GAC, le fait qu’il y ait, du côté de l’État, deux interlocuteurs différents nuit à la bonne marche du secteur: « D’un côté, il y a le ministre des Mines, Lamine Fofana, qui doit faire appliquer la réglementation déjà existante. De l’autre, il y a Ahmed Kanté, le conseiller du président chargé des questions minières, qui prépare les réformes. Mais, dans la réalité, le ministre est pratiquement absent, car il attend des décisions de la présidence. Aucune compagnie n’obtient de réponse à ses questions et les attributions de nouvelles licences sont gelées. Tout est bloqué! » s’insurge le directeur général de Guinea Alumina, qui regrette que les décideurs publics

GEORGES GOBET/AFP

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À KAMSAR, AU NORD DE

CONAKRY, l’usine de la Compagnie des bauxites de Guinée.

Deux interlocuteurs différents du côté de l’État, cela nuit à la bonne marche du secteur. n’aient guère changé ces dernières années. Ahmed Kanté était ministre de 2007 à 2008, sous Lansana Conté, période où il s’est fortement heurté aux professionnels du secteur, en particulier lors des grèves de 2007. Lamine Fofana, ancien responsable des questions minières à la primature, est resté très proche de son prédécesseur, Mahmoud Thiam (ministre de 2007 à 2011). Quant à l’ancien Premier ministre Kabiné Komara (sous Dadis Camara), il a lancé sa propre compagnie minière. Le nouveau code minier guinéen, voté le 9 septembre 2011 par le

Conseil national de transition (CNT, qui fait office de Parlement), était censé simplifier les règles et renforcerlerôledel’État(avecuneprisede participation gratuite de 15 %). Mais à peine voté, il a suscité une levée de boucliers: « Le texte comprend des passages en contradiction avec la loi guinéenne,c’estuncauchemarpour les juristes! » affirme maître Thierry Lauriol, avocat au sein du cabinet Jeantet. « Le code a été élaboré trop rapidement par Ahmed Kanté, appuyé par quelques experts [dont ceux du Revenue Watch Institute, financé par George Soros], mais sans consultation des dirigeants et professionnels du secteur », regrette desoncôtéMamadyYoula,pourtant vice-président de la chambre des mines et pour qui la version précédente (datant de 1995) n’était pas si mauvaise et permettait de prendre son temps. Le président Alpha Condé, conscient de la nécessité de redresser la barre, a annoncé fin décembre son intention de s’impliquer davantage dans ces dossiers en 2012, notamment pour accélérer la révision des grands contrats et faire œuvre de transparence. Il est attendu de pied ferme par les miniers. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


Dossier EXPLOITATION AURIFÈRE

Semafo plie mais ne rompt pas Ébranlée par des émeutes sur son site guinéen, la junior canadienne a néanmoins rempli ses objectifs en 2011.

L

a minière québécoise présente au Burkina Faso, au Niger et en Guinée peut se frotter les mains: le volume de sa production d’or a augmenté de 175 % ces cinq dernières années, et ses bénéfices ont connu une forte croissance en raison de la flambée du prix du métal jaune (+ 26 % en 2011). Semafo a annoncé le 11 janvier avoir atteint ses objectifs en 2011 avec une production de 250 100 onces. « Les ventes ont totalisé 249 600 onces, permettant à la société d’afficher sa meilleure performance à ce jour en termes de revenus annuels, à 396 millions de dollars [US, soit près de 306 millions

d’euros] », précise Benoît La Salle, président et chef de la direction. VIOLENCE. Après le record de 261100 onces établi en 2010, le léger ralentissement de la production en 2011 s’explique par des incidents survenus sur le site guinéen de Kiniero en septembre 2011. Une manifestation de villageois a évolué en une émeute durant laquelle ils ont saccagé les locaux des soustraitants de Semafo et pris d’assaut les résidences de ses employés expatriés. À l’origine de cette flambée de violence: le sentiment des habitants d’être les laissés-pour-compte du

4 millions de dollars C’est le budget

du programme de forage lancé à Kiniero. L’exploration a repris fin octobre 2011

recrutement, mais surtout la dissolution,parleministèredel’Administration du territoire, du Comité local de médiation et de suivi, qui gérait le fonds de développement local alloué par Semafo (estimé à 0,4 % de son chiffre d’affaires). Résultat : « Le site est toujours fermé, dans l’attente de négociations », explique Fofana Haphy, chargé des relations extérieures de la compagnie. « Il est impossible de déterminer une échéance concernant la reprise des activités de production, celle-ci étant suspendue à la mise en place d’un environnement sécuritaire permettantunretourauxopérations normales », indique Jean-Paul Blais, vice-président chargé des affaires institutionnelles. En revanche, l’exploration a repris fin octobre. ● FANNY REY

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Dossier Mines BOURSE

Toronto plutôt que Jo’burg Pour lever des fonds, les sociétés du continent préfèrent les grandes places internationales aux marchés financiers locaux. Explications.

«

L

a Bourse de Toronto est populaire parmi les compagnies minières juniors, car c’est un marché liquide, avec de la profondeur et dont les investisseurs sont familiers des risques associés à l’activité d’exploration. » Adrian Macartney, directeur chez Ernst & Young à Johannesburget consultant pour le secteur des mines, le reconnaît: si la multitude de sociétés opérant en Afrique lève des fonds à longueurd’annéeàLondres,Sydney ou Toronto (lire encadré), c’est parce que celles-ci y trouvent de quoi assurer le financement de leurs activités d’exploration mais aussi une communauté d’affaires – des grandes banques aux meilleurs avocats – rompue aux opérations boursières. Les exemples abondent, parmi lesquels First Quantum et IamGold, qui levaient en 2009 à Toronto 345 millions de dollars canadiens chacun (208 millions d’euros à l’époque), le premier pour financer ses activités situées entre la RD Congo et la Zambie ainsi qu’en Mauritanie; l’autre, ses recherches au Burkina. L’année suivante, la principale entrée en Bourse d’une société minière africaine se déroulait à la City londonienne, avec

NADINE HUTTON/BLOOMBERG GETTY IMAGES

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Seuls 59 miniers étaient cotés au JOHANNESBURG STOCK EXCHANGE fin 2010.

l’introduction d’African Barrick Gold, qui opère plusieurs mines en Tanzanie, pour près de 900 millionsdedollars(660millionsd’euros d’alors). ALTERNATIVE. Pendant ce temps,

les places financières africaines restaient largement boudées et inactives. « Malheureusement, le succès de ces marchés internationaux s’est fréquemment fait au détriment de la Bourse de Johannesburg », pointe Adrian Macartney. Sur le papier, en termes de liquidité et de profondeur demarché,laPlacesud-africaineest la seule du continent à pouvoir réellement espérer offrir aux sociétés minières une alternative locale aux grandes Bourses internationales,

36%

des fonds levés entre 2000 et 2010 par des sociétés du secteur l’ont été à Toronto

qui, de leur côté, mettent toute leur énergie à attirer les explorateurs africains.Elleadesurcroîtl’avantage d’être le lieu de cotation historique de plusieurs poids lourds miniers nés dans le pays, d’AngloGold Ashanti à Kumba Iron Ore. Mais elle souffre – comme l’ensemble du continent – d’une activité trop faible : à peine une quinzaine d’introductions par an depuis deux ans, quand une Place comme Toronto attire au minimum 150 à 200 nouvelles entreprises. Résultat: Johannesburg s’est fait doubler et comptait59sociétésminièrescotées fin 2010, contre 180 à Toronto… En Afrique de l’Ouest, l’autre grand pôle minier du continent, la situation est plus critique encore.

MATCH AU SOMMET EN RAISON DE SES IMMENSES BESOINS DE FINANCEMENT, le secteur est l’un des plus représentés en Bourse et, surtout, l’un des plus actifs. En 2010, 330 entreprises minières ont fait leur entrée sur l’un des six grands marchés internationaux actifs dans ce domaine et plus de 22 milliards d’euros ont été levés à travers le monde par des sociétés du secteur. Si NewYork reste la première Bourse minière en termes de capitalisation, notamment parce que les grandes multinationales, de Rio N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

Tinto à AngloGold Ashanti, y sont cotées,Toronto devient incontournable. La Place canadienne, qui inclut en réalité deux Bourses (Toronto Stock Exchange etTSX Venture Exchange), est désormais la première au monde par le nombre de miniers cotés (1531, fin 2010). Surtout, elle est loin devant ses concurrentes en termes d’activité: entre 2000 et 2010, 36 % des fonds levés à travers le monde par des sociétés du secteur l’ont été dans cette ville canadienne. ● F.M. JEUNE AFRIQUE


Dossier

Illustration : H5 –

Malgré l’émergence de plusieurs groupes sur la scène régionale, dont Randgold Resources (coté à Londres), aucun minier n’est inscrit à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, basée à Abidjan). « C’est un investissement de spécialistes, particulièrement risqué, souligne Kadi FadikaCoulibaly, directrice générale du courtier ivoirien Hudson & Cie. Car, avantquelacompagnienedécouvre un gisement, sa valorisation est négative, et elle augmente de façon exponentielle à la minute où une découverte est réalisée. Il faudrait un compartiment spécialisé pour les industries de ce type, permettant aux investisseurs sophistiqués d’y investir. » COTATION MULTIPLE. La déci-

sion de la Namibie d’ouvrir un marché « secondaire », baptisé Development Capital Board, pour les jeunes sociétés ayant peu ou pas de revenus a par exemple permis d’attirer près d’une dizaine de sociétés minières déjà cotées sur des places internationales mais opérant dans le pays. À l'instar de ces compagnies, les entreprises en développement du secteur apprécient de plus en plus la cotation multiple, car elles y trouvent une chance de lever plus

En 2010, la principale introduction d’une compagnie africaine du secteur s’est déroulée à Londres. facilement des fonds. S’introduire sur une place africaine permet aussi de s’ancrer davantage dans le paysageéconomiquelocal.C’estnotamment pour cette raison qu’African Barrick Gold a fait ses premiers pas sur la place boursière tanzanienne en décembre dernier. « Nous pensons que les cotations croisées donnent une opportunité unique d’améliorer la connaissance locale de notre société, de ses opérations et de ses projets, tout en agissant pour développer la liquidité et la propriété de ses titres en Tanzanie », expliquait alors le groupe minier. Le début d’une nouvelle tendance ? ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

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NICOLAS FAUQUE

ð Conséquence des grèves et sit-in, LES BÉNÉFICES DE LA CPG ONT ÉTÉ DIVISÉS PAR QUATRE EN 2011.

TUNISIE

Gafsa, éternelle poudrière

Un an après la révolution, le bassin minier reste une région déshéritée. Les mouvements sociaux, qui ont fait chuter la production de phosphate, n’ont pas apporté de réelles améliorations, et la situation est tendue.

Q

uand le bassin minier de Gafsa, au sud du pays, s’insurge, c’est toute la Tunisie qui vacille. Les politologues Vincent Geisser et Larbi Chouikha ont ainsi considéré que le soulèvement de la région en 2008 était un « mouvement social emblématique de la crise du “système Ben Ali” ». Mais depuis, les espoirs d’embauche et de développement, qui avaient flambé comme le cours mondial du phosphate, se sont évanouis. Et la révolution ne les a pas davantage concrétisés. La région, avec 40 % de chômeurs, reste l’une des plus sinistrées du pays. En novembre dernier, la proclamation des résultats opaques du concours de recrutement à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) est venue aggraver les tensions sociales jusqu’à paralyser le bassin minier. Cette situation chaotique, émaillée de grèves, sit-in et débrayages ayant entraîné l’arrêt de la production, a fait chuter l’an dernier les bénéfices de la CPG à environ 100 millions d’euros, contre 427 millions en 2010. Les stocks ont permis de faire face à certaines commandes, mais les donneurs d’ordre se sont ensuite tournés vers le Maroc. « En 2011, la compagnie aurait pu dépasser les 500 millions d’euros », affirme Kaïs Daly, son PDG. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

Ruée vers l’emploi Pour

3 800

postes proposés par la Compagnie des phosphates de Gafsa et ses filiales,

17 000

candidats se sont présentés. L’annonce des résultats, en novembre, a déclenché des soulèvements

M’dhilla, le groupe est géré depuis Tunis. En outre, pour répondre à la demande pressante d’emplois, la CPG a créé des sociétés chargées du transport et du nettoyage, dont la masse salariale mensuelle dépasse 250 000 euros mais dont l’action n’est guère visible. Autre point noir: l’exploitation du phosphate consomme beaucoup d’eau. Pour produire 8 millions de tonnes, 10 millions de m3 doivent être pompés dans des nappes fossiles – et n’approvisionnent donc pas les nappes phréatiques, indispensablesauxcultivateurs.Enoutre, les eaux de lavage, déversées dans le milieu naturel, engendrent une pollution par le fluor. Des pratiques quiprovoquentlacolèredesagriculteurs et inquiètent les écologistes. « Les problèmes récurrents paralysant l’activité de la CPG et du GCT s’expliquent par l’abandon par l’État de ses prérogatives et attributs dans le bassin minier », affirme

Depuis 1896, la CPG exploite le phosphate, principale ressource minière du pays (cinquième producteur mondial, avec 8 millions de tonnes en 2009). Installé à l’entrée de Gafsa, son siège domine la ville, comme le symbole de son hégémonie. Mère nourricière de toute la région, la CPG a longtemps été un État dans l’État. Elle gérait les lignes de che« Il faut que les populations min de fer, assurait la aient le sentiment que leurs distribution de l’eau, du problèmes sont enfin pris en gaz et de l’électricité, premain par Tunis. » nait en charge les soins, KHALIL ZOUIA, ministre des Affaires sociales l’éducation des enfants, et organisait même les Abderrazak Lejri, chef d’entreprise loisirs. Avec l’effondrement des natif de la région. Il suggère que la cours dans les années 1990 et sa « CPG se recentre sur son métier fusion avec le Groupe chimique de base et son activité principale, tunisien (GCT, qui valorise le phostout en maintenant son apport phate qu’elle extrait), l’entreprise logistique et financier aux projets a dû réduire la voilure et passer de développement ». En visite sur en quelques années de 15 000 à place début janvier, le ministre tuni5000 emplois. « Depuis cent quinze sien des Affaires sociales, Khalil ans, la compagnie est comme une Zouia, s’est prononcé en faveur vache à lait qui laisse sa bouse à d’une « task force » regroupant des Gafsa et dont le lait va ailleurs, laisreprésentants des ministères de sant ses veaux affamés », résume le l’Emploi, des Affaires sociales, de journaliste Lakhdar Souid. la Santé, de l’Environnement ainsi que du Développement régional. POLLUTION. Les crises successives « Il faut que les populations des dévoilent les dysfonctionnements gouvernorats de Gafsa, Sidi Bouzid du GCT et, surtout, de la CPG. Côté et Kasserine aient le sentiment que management, alors que le mineleurs problèmes sont enfin pris en rai provient des sites de Metlaoui, main par Tunis », a insisté Zouia. ● Redeyef et Oum el-Arayes et que FRIDA DAHMANI, à Tunis l’engrais est produit à l’usine de JEUNE AFRIQUE


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Le Groupe


Dossier Mines de tep en 2030. Selon le groupe pétrolier BP, « la plus grande part de la croissance de la production d’énergie nucléaire viendra de la région Asie-Pacifique ».

URANIUM

Pékin, chevalier blanc du minerai jaune

PATIENCE. Avec le plus grand

Avec un programme de 27 réacteurs nucléaires, la Chine permet au secteur de ne pas déprimer. Si bien que, malgré la catastrophe de Fukushima, les experts prévoient une hausse de la demande.

JACQUES TORREGANO

124

O

ù va la filière uranium ? Certes, l’accident de Fukushima, en mars 2011, au Japon, et la fin programmée du nucléaire en Allemagne – notamment – ont fait chuter les prix du minerai de 70 dollars la livre avant la catastrophe à 50 dollars en fin d’année. Certes, le français Areva, empêtré dans le scandale du rachat d’Uramin (lire encadré), a décidé de suspendre ses projets en Namibie et en Centrafrique pour au moins deux ans. Certes, sa mine d’Imouraren, au Niger, l’une des plus importantes du monde, pourrait par ailleurs ne pas démarrer avant 2016… PÉNURIE. Mais, à y regarder de plus

près, il y a des signes encourageants. Et l’un des plus significatifs vient de Chine. Le géant asiatique prévoit la construction de 27 réacteurs nucléaires, et d’aucuns prédisent N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

Usine du français AREVA, à Arlit (Niger). Le groupe a décidé de suspendre ses projets en Namibie et en Centrafrique.

même une pénurie de combustible à moyen terme. Pour Steve Kidd, directeur général adjoint de l’Association mondiale du nucléaire, « l’impact sur l’approvisionnement se fera sentir dans cinq ans ». La production d’énergie nucléaire devrait ainsi atteindre 777,8 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2020 et plus de 1 milliard

programme nucléaire mondial, la Chine cherche à sécuriser ses approvisionnements. Chargée de ce plan, la firme publique China Guangdong Nuclear Power Corporation (CGNPC) a ainsi finalisé en décembre, après presque un an de tractations, le rachat de Kalahari Minerals (basé et coté à Londres), pour 989 millions de dollars (près de 750 millions d’euros). La patience du groupe chinois a payé : avant Fukushima, CGNPC avait fait une proposition de 1,23 milliard de dollars… Surtout, Pékin s’offre, à travers cette acquisition, 42,5 % d’Extract Resources, une société australienne qui développe la mine d’uranium namibienne de Husab et dont l’autre actionnaire principal n’est autre que Rio Tinto, avec 14 %. Faute d’expérience dans les mines (il est davantage un producteur d’énergie), il est fort probable que CGNPC désigne Rio Tinto comme opérateur. Extract Resources a peut-être eu de la chance en voyant arriver les Chinois. Ces derniers pourraient bien être, en cette période d’incertitude, les seuls à vouloir encore investir sur le long terme. Jonathan Leslie, patron de la société australienne, ne cachait d’ailleurs pas son pessimisme au lendemain de la catastrophe japonaise : « Les nouveaux projets auront du mal à trouver des financements », disaitil. C’était compter sans l’empire du Milieu. ● MICHAEL PAURON

AREVA EMPÊTRÉ AVEC URAMIN LE SECTEUR A EU SON DRAME AVEC FUKUSHIMA, et son scandale avec Areva : en rachetant en 2007, pour 1,8 milliard d’euros, la société canadienne Uramin, propriétaire de trois sites en Afrique du Sud, en Centrafrique et en Namibie, le groupe français a fait la plus mauvaise affaire de son histoire. Surévaluées, les mines se révèlent décevantes et chères à développer. Un rapport de 2010 établissait déjà clairement qu’il s’agissait d’une « opération douteuse » et « potentiellement frauduleuse ». L’ancienne patronne, la charismatique Anne Lauvergeon, est-elle coupable ? Une nouvelle enquête devrait déterminer la chaîne des responsabilités. ● M.P. JEUNE AFRIQUE


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Dossier Mines EN BREF MADAGASCAR

Production de nickel en vue

MABOUP

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LE SITE DE MBALAM recèle la première réserve du pays. Plus pour longtemps ? CAMEROUN

Afferro Mining passe à la vitesse supérieure Le groupe britannique déplace son siège africain pour se rapprocher de son gisement de Nkout. Toujours en phase d’exploration, il y a déjà détecté 2 milliards de tonnes de minerai de fer.

S

pécialisé dans le minerai de fer, Afferro Mining transfère sa base africaine du Liberia au Cameroun pour se rapprocher de sa concession de Nkout (Sud). Coté aux Bourses de Toronto et de Londres (AIM), le groupe anglais opérait jusqu’à présent dans le pays par le biais de sa filiale Cameroon Mineral Exploration (Caminex), une société de droit local créée en 2006. À l’origine de sa décision : la mise en évidence des réserves de 2 milliards de tonnes de fer à Nkout, d’autant que ce chiffre pourrait être porté à 4 milliards au terme de l’exploration. De quoi devancer la réserve de Mbalam, qui, avec son potentiel de 3 milliards de tonnes, occupait jusqu’ici le premier rang national.

Selon Peter Taylor, directeur des opérations, 300 emplois directs ont déjà été créés. En phase d’exploitation – prévue d’ici à sept ans –, le nombre de postes devrait décupler. Cette deuxième étape des opérations requiert d’autres investissements, au premier rang desquels la construction d’une ligne de chemin de fer entre Kribi et Mbalam, d’un terminal consacré au fer sur le site du futur port en eau profonde de Kribi et du barrage de Memve’ele pour assurer l’alimentation électrique. Selon les responsables de la compagnie minière, le gisement sera exploité pendant soixante-dix ans avant son épuisement. Pour l’instant, après seize mois d’exploration, l’investissement d’Afferro Mining s’élève à 10 milliards de F CFA (15,2 millions d’euros). ● FANNY REY

DANS LE DISTRICT de Moramanga, à l’est de l’île, l’exploitation du projet Ambatovy devrait être lancée d’ici à la fin du premier trimestre de cette année. Un tournant pour Madagascar, qui intégrera alors le cercle des pays producteurs de nickel et de cobalt. En 2013-2014, lorsque la production atteindra son rythme de croisière (60000 tonnes de nickel raffiné, 5600 t de cobalt raffiné et 210000 t d’engrais, sous forme de sulfate d’ammonium, par an), le nickel deviendra l’un de ses produits d’exportation phares. Fruit d’un partenariat entre les canadiens Sherritt International Corporation et SNC-Lavalin, le japonais Sumitomo Corporation et le coréen Korea Resources Corporation, ce projet a mobilisé 5,5 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros), le plus important investissement étranger jamais réalisé à Madagascar – et l’un des plus grands en Afrique subsaharienne. ●

RD CONGO

Statu quo fiscal pour le secteur LA MISE EN ŒUVRE, le 1er janvier dernier, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA, qui remplace l’impôt sur le chiffre d’affaires) ne remet pas en question le régime fiscal applicable dans le secteur minier tel que fixé par le code de 2002. C’est ce qu’ont indiqué Carol Lutaladio Mbuta et Vincent Kabwa Kanyampa, directeurs généraux adjoints respectivement de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et de la Direction générale des impôts (DGI), au cours d’une mission de clarification au Katanga, du 12 au 14 janvier. ●

La date très attendue

2014

LE DÉBUT DE LA PRODUCTION D’OR À KIAKA

N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012

AU BURKINA FASO, VOLTA RESOURCES POURSUIT L’EXPLORATION sur le site aurifère. En deux ans, 22,9 millions d’euros ont été injectés, et une réserve estimée à 125 tonnes décelée. Le chef géologue du site de Kiaka, Didier Kaboré, compte faire la demande d’exploitation début 2013, pour une mise en production prévue en 2014. ● JEUNE AFRIQUE



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