MALI GUERRE À HUIS CLOS
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2666 • du 12 au 18 février 2012
jeuneafrique.com
SÉNÉGAL « PERSONNE NE PEUT BATTRE WADE » Une interview du Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye
REPORTAGE LA TUNISIE VUE D’EN BAS FRANCE LE CAS GUÉANT
JUSQU’OÙ IRA LE QATAR ?
Le pays le plus riche au monde a mis à profit les révolutions arabes pour nourrir son ambition globale. MAROC, ALGÉRIE, TUNISIE, LIBYE, MAURITANIE… Partout, cet émirat insatiable fascine et inquiète. Enquête sur la petite grande puissance de demain.
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 11 FÉVRIER
Ne fais pas ce que je fais…
I
LS NOUS PRENNENT pour des imbéciles ou des demeurés, en tout cas, pour des gens sans culture ni mémoire. Ils ? Ce sont les puissances dites occidentales avec, à leur tête, les États-Unis, dont l’actuel président, Barack Obama, porta pourtant nos espoirs en 2008. Nous ? C’est tout simplement vous et moi. Je ne rappellerai pas les exemples des dernières années, mais vous parlerai de ce qu’ils ont fait, une fois de plus, qui ne sera malheureusement pas la dernière, au début de ce mois de février. C’est donc on ne peut plus récent. ■
Élaboré par quelques pays arabes et euro-américains, un projet de résolution sur la Syrie a été soumis, samedi 4 février, au vote des quinze pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU. La Russie et la Chine ont utilisé leur droit de veto pour s’y opposer. Ce faisant, elles protégeaient le régime dictatorial de Bachar al-Assad, que les auteurs de la résolution accusaient, à juste titre, de « massacrer son propre peuple depuis plus de dix mois ». Moscou et Pékin estimaient qu’il était de leur intérêt d’empêcher les auteurs de la résolution de procéder à un nouveau « changement de régime », de s’en prendre après la Libye à la Syrie et, au-delà, à l’Iran. Ils entendaient aussi leur signifier urbi et orbi que « le monopole occidental sur le monde avait assez duré ». ■
L’attitude des Russes et des Chinois a déclenché contre eux une campagne euro-américaine de stigmatisation si violente que le chef de la diplomatie russe l’a qualifiée d’« hystérique ». L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Susan Rice, s’est dite « écœurée de voir le Conseil de sécurité pris en otage par deux de ses membres avec des arguments creux ». Elle a parlé « d’intransigeance honteuse de la Russie, qui continue d’ailleurs de livrer des armes à la Syrie… » De son côté, sa patronne, Hillary Clinton, a parlé de « cynisme », de « parodie », de « responsabilité pleine et entière de ceux qui maintiennent un soutien excessif au régime dictatorial qui opprime la Syrie ». JEUNE AFRIQUE
Quant à l’ambassadeur de France à l’ONU, Gérard Araud, il a parlé de « triste jour pour le Conseil de sécurité et pour tous les amis de la démocratie ». ■
Il est tout à fait exact, et nous le constatons nous aussi, que la Russie et la Chine aident un régime oppresseur à se maintenir au pouvoir. Ce n’est pas bien, nul n’en disconvient. Mais Hillary Clinton et Susan Rice ont-elles la moindre légitimité pour faire la leçon aux auteurs du veto ? Aucune, et pas le moindre droit d’utiliser à leur encontre les termes cités ci-dessus. Voici pourquoi. Le 18 février 2011, il y a tout juste un an, dans la même enceinte du Conseil de sécurité de l’ONU, pour la première fois depuis le départ de George W. Bush et l’arrivée de Barack Obama, les États-Unis opposaient leur veto à un projet de résolution. Ce projet était présenté non pas par quelques pays arabes, mais par la totalité des vingt-deux membres de la Ligue et par plus de cent autres pays sur les cinq continents : cent trente pays au total, les deux tiers des membres de l’ONU ! Quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité, y compris de proches alliés de l’Amérique – France, Portugal, Royaume-Uni et Irlande – ont voté « oui » et indiqué avec force qu’ils souhaitaient l’adoption du projet. Les États-Unis ont été seuls à voter « non » et ont ainsi empêché qu’il soit adopté ! ■
Ce projet de résolution était-il subversif ? Était-il seulement contraire aux vues et aux intérêts américains ? Pas le moins du monde. Il rappelait simplement que « les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé l’ont été en méconnaissance du droit international » et appelait, comme le faisaient auparavant les États-Unis eux-mêmes, à l’arrêt de cette installation. Écœurée ou non, la même Susan Rice a levé la main pour indiquer le veto américain. Pour tenter de justifier son geste, elle a soutenu que « les colonies détruisaient, certes, la confiance entre les parties, N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Ce que je crois mais que la résolution, si elle avait été votée, aurait encouragé les mêmes parties à demeurer hors des négociations ». Tout le monde sait que le veto américain a été, en réalité, exigé et obtenu par le Premier ministre israélien, qui a d’ailleurs remercié Washington. Hormis Benyamin Netanyahou, la droite et l’extrême droite israéliennes, le monde dans sa totalité a vu dans le geste de l’administration américaine de Barack Obama « un soutien abusif à une politique illégale et illégitime ». ■
Parlons de ce droit de veto : c’est l’apanage, depuis soixante ans que l’ONU existe, des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Comment a-t-il été utilisé et par qui ? Principalement par les États-Unis, et presque toujours en faveur d’Israël et à sa demande. Tout se passe donc comme si ce petit pays, par ailleurs puissance nucléaire non déclarée, était le sixième membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU : il a bénéficié du veto quarante-deux fois en quarante ans, soit une fois par an. Mais ne remontons pas au siècle dernier : depuis le début du XXIe siècle, ce droit de veto a été utilisé vingt fois, soit, en moyenne, deux fois par an. Les États-Unis à eux seuls l’ont exercé dix fois (dont neuf pour Israël).
La Russie en a fait usage six fois, dont deux fois pour la Syrie, une fois pour le Zimbabwe et une fois pour la Birmanie. La Chine, elle, ne l’a utilisé que quatre fois (deux fois pour la Syrie, une fois pour le Zimbabwe et une fois pour la Birmanie). Comme on le voit, la Russie et la Chine votent souvent de la même manière, comme si elles étaient encore communistes et alliées. Quant aux États-Unis, ils disent en somme : « Faites ce que je dis, mais, surtout, ne faites pas ce que je fais », comme du temps où ils étaient « l’hyperpuissance » ! ■
En guise de conclusion, je dirai au président Obama qu’il ne peut pas, sans dommage, continuer de mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur George W. Bush. Même pour se faire réélire, il ne peut pas – ne doit pas en tout cas – soutenir Benyamin Netanyahou les yeux fermés, quoi qu’il fasse, a fortiori lorsque ce dernier sabote sciemment le processus de paix israélo-palestinien. Que Barack Obama s’insurge lorsque Vladimir Poutine obtient le renfort de la Chine pour, lui aussi, voler au secours de ses derniers alliés au Moyen-Orient est de bonne guerre, peut-être. Obama peut le faire, s’il pense qu’il ne lui est pas possible de faire autrement. Mais alors, qu’il n’attende pas de nous d’être « sans mémoire »… ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Tout chef politique doit avoir l’instinct du tueur ! Françoise Giroud
Ì Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. Marcel Proust
Ì Il y a deux cas dans lesquels un homme ne devrait pas spéculer en Bourse : quand il n’en a pas les moyens et quand il en a. Mark Twain
Ì Les critiques peuvent donner l’impression de blâmer l’auteur de ne pas avoir écrit le livre qu’ils voulaient lire ; mais en vérité ils le blâment d’avoir écrit le livre qu’ils voulaient, mais étaient incapables d’écrire. Nassim Nicholas Taleb
Ì Dans cent ans, qu’aimeriez-vous que l’on dise de vous ? J’aimerais que l’on dise : « Il se porte bien pour son âge ! » Woody Allen Ì Quand au moment de la séparation entre deux individus personne ne ressent de regret, la séparation est arrivée trop tard. Ahmadou Kourouma N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Ì Même un film génial, tu peux en enlever la moitié. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì Attends d’avoir traversé la rivière pour dire au crocodile qu’il a une bosse sur le nez. Proverbe africain
Ì Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent. Napoléon Bonaparte Ì Il est significatif que le statut de la femme demeure à peu près inchangé là où les religions sont encore très puissantes. Partout ailleurs, il est remis en question. Hervé Bazin Ì L’exercice de la bicyclette est une activité où toutes les fonctions naturelles, hormis celles de la reproduction, sont appelées à jouer un rôle. Antoine Blondin JEUNE AFRIQUE
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Éditorial
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Marwane Ben Yahmed
FRANCE GUÉANT, LA TACTIQUE DU GENDARME Depuis plusieurs mois, le ministre de l’Intérieur multiplie les déclarations polémiques. Un rôle à l’opposé du tempérament de ce commis de l’État, discret et pétri de culture républicaine… mais prêt à tout pour sauver le soldat Sarkozy.
Wade: le combat de trop
L
Il y a véritablement quelque chose de fascinant et de déroutant chez Abdoulaye Wade. « Gorgui », au fond, est un joueur de poker ; il tente des coups en permanence. Mais ceux qui pensent encore qu’il pourrait renoncer à son dernier combat le connaissent mal. Cinquante ans d’engagement politique, dont quarante dans l’opposition, ont fait de ce bretteur parfois emporté et de ce tribun hors pair à l’ego surdéveloppé un chef qui cherche plus souvent les preuves de ses certitudes que les reflets de ses doutes. Nourrie dans son adolescence de catégories mathématiques, de préceptes juridiques et de formules assénées, son action ne souffre aucune contestation. D’autant que l’homme est rancunier : il a ainsi repoussé notre demande d’interview, dans le cadre de l’élection présidentielle – laissant à son Premier minsitre, Souleymane Ndéné Ndiaye, le soin de s’exprimer à sa place (voir p. 36) –, au motif que « J.A. [l]’a trop malmené »… Son âge avancé lors de son accession au pouvoir fera le reste : il incarnera éternellement l’homme pressé, toujours dans l’urgence, sans cesse en mouvement, jamais à court d’idées, des plus intéressantes aux plus saugrenues. Pour un bilan global contrasté. À son actif, des routes, des infrastructures – indispensables au développement –, de nouveaux partenaires économiques, un pays qui pèse plus sur la scène africaine et internationale que ce que son potentiel ou sa démographie laissaient présager. Côté passif, des libertésfondamentalestropsouventmalmenées,uneéconomiesous perfusion permanente, une gouvernance erratique, des scandales à répétition, de graves problèmes sociaux jamais pris en charge sur le fond, mais traités superficiellement, comme si l’on appliquait de simples bandages sur de profondes blessures. Enfin, comme d’autres opposants au long cours parvenus au pouvoir, Wade a développé une inclination pour l’autocratie. Il est persuadé d’être le seul à savoir, à pouvoir, à vouloir. Il n’écoute plus grand monde en dehors de son cercle très intime, élabore lui-même les règles du jeu et ne s’en cache même plus. Pis, il est dans l’incapacité aujourd’hui, contrairement à 2007, d’expliquer à ses concitoyens pourquoi ils devraient voter pour lui. Comme il a été incapable de préparer sa succession. Autant de signes d’une fin de règne qui, si elle s’éternisait, ne ferait que faire perdre un temps précieux au Sénégal. Un luxe que le pays ne peut s’offrir. Le 1er avril 2000, quand Wade gravit enfin les marches du palais présidentiel pour succéder à son antithèse, le très placide Abdou Diouf, il incarnait l’espoir et la solution. Douze ans plus tard, il est devenu le problème… ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
PHOTOS DE COUVERTURES : VÉRONIQUE DE VIGUERIE/GETTY IMAGES ; AFP PHOTO/ISHARA S. KODIKARA AUDE OSNOWYCZ/SIPA PRESS
E CONSEIL CONSTITUTIONNEL a tranché le 28 janvier: Abdoulaye Wade peut briguer un troisième mandat. La candidature de l’outrecuidant Youssou Ndour, elle, a été invalidée. Allez comprendre… Tour de passe-passe juridique ou non, la question n’est plus de savoir si Wade peut se présenter, mais s’il le doit. Pour un Sénégal au bord de l’abîme, confronté à un choix cornélien : poursuivre l’aventure avec un capitaine de bientôt 86 ans, dont tout le monde connaît les qualités mais aussi les défauts, ou confier les rênes à un homme neuf, plus jeune de vingt ou trente ans.
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MALI GUERRE À HUIS CLOS Ils ne sont que quelques centaines, mais menacent la stabilité de tout le nord du pays. Mieux équipés et plus déterminés que jamais, les rebelles touaregs ont pris tout le monde de court.
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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed
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Confidentiel
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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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France Guéant, la tactique du gendarme
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Tiégboro Camara L’étau se resserre Asma al-Assad La femme fidèle Homosexualité Pas très gay, la situation !
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Somalie Revoilà les Anglais
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Francophonie Des poids lourds pour l’environnement
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Excision En voie d’extinction
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États-Unis Les dernières frasques de JFK
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Miss Maroc Sara Ire
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Tour du monde
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G RA N D A N G L E
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Qatar L’émirat insatiable
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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
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Mali Guerre à huis clos JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
QATAR L’émirat insatiable
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Présent sur tous les fronts (diplomatie, business, culture, sport), le pays confirme ses ambitions africaines, notamment au Maghreb. GRAND ANGLE
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SÉNÉGAL
PRÉSIDENTIELLE 2012
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LA TUNISIE ET POURTANT, ELLE TOURNE De Sejnane à Sfax, de Tunis à Makthar, reportage au cœur du pays profond, un an après la chute de Ben Ali.
MAROC À LA GRÂCE DU ROI C’est une pratique ancestrale qui illustre la toute-puissance du monarque. Mode d’emploi.
• « Personne ne peut battre Wade » Une interview du Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye • Économie Pour qui voteraient les patrons ?
74 MÉDIAS LES CHINOIS PARLENT AUX AFRICAINS L’inauguration des bureaux de CCTV Africa, au Kenya, est la pièce la plus récente du puzzle géant que les médias chinois construisent sur le continent.
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Côte d’Ivoire Journalistes sous surveillance
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Sénégal Interview de Souleymane Ndéné Ndiaye, Premier ministre
Interview Lucien Marie Noël Bembamba, ministre burkinabè de l’Économie et des Finances
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Gabon Poker menteur à Belinga
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Bois Guitares hors la loi
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Bière SAB Miller prend de la bouteille
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Banque Entretien avec Jean-François Fichaux, responsable Afrique de BNP Paribas
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Maroc Delta Holding force le respect des investisseurs
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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T
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Tunisie Et pourtant, elle tourne
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Maroc À la grâce du roi
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Israël-Iran Coup de bluff ou veillée d’armes ?
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Baromètre
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EUROPE, AMÉR I Q U E S, A SIE
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L E D O SSIER
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États-Unis Mitt Romney, money, money
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Assurances Seuls contre tous
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France Votez allemand!
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C U LT U RE & M ÉD IA S
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Parcours Samia Orosemane, rires voilés Chine Dix mille euros le bébé !
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Médias Chine : Good Morning Africa !
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Exposition L’islam dans tous ses états d’art
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ÉCON OMIE
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La semaine culturelle de Jeune Afrique
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Présidentielle au Sénégal Pour qui
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VOUS & NOUS
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Le courrier des lecteurs
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Post-scriptum
voteraient les patrons ? 57
Afrique du Sud Pretoria cherche sa voie
JEUNE AFRIQUE
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! AVEC NICOLAS SARKOZY sur le perron de l’Élysée, le 8 février.
REMY DE LA MAUVINIERE/AP/SIPA
CASAMANCE SANT’EGIDIO S’EN MÊLE
Congo-Brazza-France Sassou très courtisé
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«
ENIS, comment fais-tu pour rajeunir sans cesse ? Donne-moi ton secret » : c’est par cette petite phrase badine que Nicolas Sarkozy a accueilli Denis Sassou Nguesso (DSN), son homologue congolais, le 8 février, à l’Élysée. Décidément ravi de le recevoir, le président français a poursuivi sur le même ton lorsque son hôte s’est aperçu que l’agent du protocole chargé de porter ses documents de travail nécessaires à l’entretien était resté à la porte du Palais, faute d’être inscrit sur la liste officielle : « Denis, si tu commences à laisser tes collaborateurs filer avec tes documents, tu es mal barré ! » Lors de la discussion de une heure qui a suivi, Sarkozy s’est efforcé de faire bonne figure quant à ses chances de réélection, face à un interlocuteur parfaitement informé de sa position délicate dans les sondages. Au cours de sa visite officielle à Paris, DSN a reçu à l’hôtel Bristol la visite d’une demi-douzaine de ministres, dont Claude Guéant (Intérieur) et François Baroin (Économie et Finances). À la tête d’un pays dont les finances – et les réserves en devises – se portent bien, mieux en tout cas que celles de la plupart de ses voisins d’Afrique centrale, le chef de l’État congolais a été très courtisé. ● FRANCE-MAROC APRÈS JOUBERT, PARANT ?
Lepostetrèsconvoitéd’ambassadeur de France au Maroc, que Bruno Joubert, nommé au Vatican, quittera prochainement, a déjà un candidat : André Parant, successeur de ce même Joubert dans le vaste N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
bureau réservé au conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy. Ambassadeur de France au Sénégal avant d’intégrer, en septembre 2009, le 2, rue de l’Élysée, Parant connaît le Maroc pour y avoir été secrétaire d’ambassade au milieu des années 1980. Reste que la
chancelleriedelarueSahnoun, à Rabat, fonctionnelle quoique plutôt lugubre, est l’une des plus recherchées de la diplomatiefrançaise.MêmesiParant tient la corde, il n’est donc pas exclu que Sarkozy la réserve in fine à l’un de ses amis politiques.Àtitrederemerciement.
Matteo Zuppi et Mario Giro, chargés des crises africaines au sein de la communauté de Sant’Egidio, s’efforcent d’organiser une rencontre entre les autorités sénégalaises et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Le 31 janvier, Salif Sadio, le chef militaire du mouvement indépendantiste, s’est déclaré prêt à accepter une médiation, à condition qu’elle ait lieu hors d’Afrique. Celle-ci pourrait se tenir au mois de mars au siège de Sant’Egidio, dans l’ancien couvent du Trastevere, à Rome. Il faudra pour cela que les autorités sénégalaises facilitent les déplacements des négociateurs du MFDC. Et que le mouvement indépendantiste libère les militaires sénégalais qu’il détient. LE CHIFFRE QUI PLOMBE
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C’est le coût DOLLARS d’une traversée aller-retour du fleuve Congo entre Kinshasa et Brazzaville, par le Pool Malebo. Soit entre 40 % et 80 % du revenu mensuel moyen des habitants de Kinshasa, selon un rapport consacré par la Banque mondiale à la faiblesse des échanges régionaux en Afrique. DIPLOMATIE CHÂTAIGNER DE RETOUR AU QUAI
Après trois ans à Madagascar, l’ambassadeurdeFranceJeanMarc Châtaigner rejoindra en avril le ministère des Affaires étrangères, où il remplacera Georges Serre (récemment nommé à Abidjan) en tant que directeur général adjoint de la mondialisation, du développement et des partenariats. Ancien élève de l’École nationale d’administration et JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société
Libye Moussa Koussa non grata au Qatar? ANCIEN PATRON des services spéciaux de Mouammar Kaddafi et ex-ministre des Affaires étrangères, le Libyen Moussa Koussa avait, on s’en souvient, trahi son chef pour se réfugier à Londres, fin mars 2011. Après quelques semaines de débriefing, il s’était par la suite installé à Doha, où les autorités qataries l’avaient pris en charge dans un hôtel cinq étoiles, le Four Seasons. Mais au fil des mois, l’intérêt pour Moussa Koussa a fini par s’émousser aux yeux de ses hôtes, qui semblent le trouver d’autant plus encombrant que la justice libyenne le réclame pour qu’il réponde de ses activités passées. Après lui avoir interdit de s’installer dans le lobby de l’hôtel où il passait ses journées, une cigarette à la main, ses anges gardiens qataris ont fini par le déménager. Sans doute la découverte de la présence fortuite dans une chambre voisine de la sienne d’un ex-fonctionnaire américain de la CIA, qui l’a reconnu et l’a fait savoir, a-t-elle précipité cette décision. Koussa a donc été, fin janvier, relogé dans une discrète et modeste villa de la banlieue de Doha.Toujours aux frais de l’émirat, mais avec la crainte désormais que ses protecteurs le laissent tomber comme un kleenex usagé – et l’expédient àTripoli. ●
… et Mahmoudi Baghdadi bientôt à Bangui? RÉFUGIÉ DEPUIS près de six mois enTunisie, où il est détenu à la prison de Mornag, Mahmoudi Baghdadi, le dernier Premier ministre de Kaddafi, pourrait aller s’exiler en Centrafrique si les autorités tunisiennes y consentent. Cette information rendue publique le 8 février par l’un de ses avocats a été confirmée à J.A. par la présidence, à Bangui. Selon une source proche du chef de l’État, c’est à la suite d’une démarche de Baghdadi auprès de lui que François Bozizé, qui connaît bien l’ex-Premier ministre, a donné son accord de principe pour l’accueillir. « Il n’est pas poursuivi par la Cour pénale internationale, le président n’y voit donc pas d’inconvénient », précise cette source. Reste que l’affaire pourrait se révéler complexe. D’une part, Baghdadi est sous le coup d’une demande d’extradition du nouveau gouvernement libyen, et son procès enTunisie doit reprendre le 14 février. D’autre part, son comité de défense a fait parvenir au président Bozizé une série de documents juridiques à remplir et de demandes de garanties que ce dernier juge exagérées. ●
RD CONGO DISCRÈTES RENCONTRES À ADDIS
Les délégués de l’opposition congolaise venus le 28 janvier à Addis-Abeba à l’occasion du sommetdel’Unionafricainese sontdiscrètementtenusàl’écart du centre de conférences. Vital Kamerhe, arrivé en troisième position à la présidentielle, Félix Tshisekedi, fils du chef de l’opposition, Samy Badibanga, l’un des quarante-deux nouveaux députés tshisekedistes, et Martin Fayulu, député provincialdeKinshasa,ontarpenté JEUNE AFRIQUE
les grands hôtels de la capitale éthiopienne pour remettre aux délégations officielles un plan de sortie de crise en RD Congo dont le point essentiel est le recomptage des voix obtenues
par les candidats à la présidentielle et aux législatives du 28novembre.Surtout,plusieurs chefsd’Étatleurontaccordédes rendez-vous, dont le président d’un pays d’Afrique centrale.
UNION AFRICAINE ET SI C’ÉTAIT RAWLINGS ? Un comité de sept chefs d’État dira au mois de mars si le Gabonais Jean Ping et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma seront autorisés à briguer de nouveau la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA), fin juin. Certains pays, comme l’Éthiopie et le Nigeria, maintiennent leur soutien à Ping. D’autres, en Afrique australe notamment, sont favorables à de nouvelles candidatures et, bien sûr, une modification des règles de l’élection afin d’éviter la réédition du fiasco d’Addis-Abeba. Jerry Rawlings, l’ancien président ghanéen, ne cache pas son intérêt pour le poste, mais il a besoin de soutiens – dans son pays en premier lieu. Le fait que Nana, son épouse, ait contesté le leadership du président Atta-Mills à la tête du parti au pouvoir ne plaide pas forcément en sa faveur.
L’HOMME D’AFFAIRES FRANCOLIBANAIS PUBLIE SON AUTOBIOGRAPHIE
Quand Takieddine règle ses comptes Accusé d’avoir servi d’intermédiaire pour le paiement de rétrocommissions dans l’affaire Karachi, l’homme d’affaires francolibanais Ziad Takieddine se défend bec et ongles et renforce son staff d’avocats, désormais piloté par Me Samia Maktouf. Surtout, il publiera le 8 mars – six semaines avant la présidentielle ! – aux Éditions du Moment un livre autobiographique intitulé L’Ami encombrant. Il y évoque les très discrètes négociations que, vingt années durant, il a menées pour le compte de la France : de la conclusion de faramineux contrats avec l’Arabie saoudite à la libération des infirmières bulgares détenues en Libye, en passant par la visite de Bachar al-Assad en France. Takieddine refuse, dit-il, d’être le « bouc émissaire d’une guerre qui n’est pas la sienne ». Mais il n’hésite pas à lancer un sacré pavé dans la mare ! N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
REMY DE LA MAUVINIERE/AP/SIPA
diplômé de l’institut d’études politiques de Bordeaux, il a fait l’essentiel de sa carrière à la coopération et au Quai d’Orsay, où il fut notamment directeur de cabinet adjoint de Bernard Kouchner.
Lequel? « On ne peut pas vous le dire, s’excusent les députés congolais. Il ne nous a reçus qu’à la condition que nous ne révélions pas son nom. »
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La semaine de Jeune Afrique
FRANCE
Guéant,
la
tactique
du gendarme
Depuis plusieurs mois, le ministre de l’Intérieur multiplie les déclarations polémiques. Un rôle à l’opposé du tempérament de ce commis de l’État, discret et pétri de culture républicaine… mais prêt à tout pour sauver le soldat Sarkozy. quitte avec fracas le 7 février après l’intervention du député Serge Letchimy (lire p. 13). Le président mpassible et discret sous ses airs de cardinal, Sarkozy, lui, soutient son ministre et parle de propos Claude Guéant, 67 ans, est un chasseur de « bon sens ». émérite. Minutieux, appliqué, il repère ses Calme, le sourire goguenard, Guéant assume. Il proies, calcule son coup et sait faire preuve n’en est pas à son coup d’essai. Avant cela, n’avait-il de patience, attendant le moment opporpas affirmé que « les Français, à force d’immigratun pour appuyer sur la détente et laisser tion incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne se répandre la poudre de la polémique. Au Front plus être chez eux » ? À propos de l’intervention national, on a beau le traiter de de l’Otan en Libye, ne s’est-il pas Un raciste ? braconnier, Guéant n’en a cure. réjouiqueleprésidentSarkozylance Il est en service commandé. Sa cette « croisade », tout en sachant Un xénophobe pertinemmentcombiencetermeest mission : ramener dans le giron patenté ? sulfureux? En avril 2011, il souligne de l’UMP les électeurs les plus à Un islamophobe droite, qui pourraient être tentés que « l’accroissement du nombre de voter pour Marine Le Pen lors de fidèles musulmans pose proassumé ? de la présidentielle d’avril-mai. blème »: nouveau scandale. Il ne s’est excusé qu’une seule fois, après un dérapage sur Depuis qu’il a été nommé au ministère de l’Inté« l’immigration comorienne », selon lui « la cause de rieur il y a tout juste un an, celui que le quotidien beaucoup de violences, notamment à Marseille ». Libération a appelé « la voix de Le Pen » multiplie provocations et appels du pied en direction de HOMME D’ORDRE. On pourrait s’arrêter là et être la droite dure. Ses derniers propos polémiques tentés, comme beaucoup, d’en tirer des conclusions remontent au 4 février. S’exprimant devant des hâtives, voire de tomber dans la caricature. Guéant, étudiants membres de l’UNI, un syndicat de droite, unracisteauministèredel’Intérieur?Unxénophobe le ministre déclare : « Contrairement à ce que dit patenté,unislamophobeassumé?Tropfacile,disent l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. » Et de citer à l’appui tous ceux qui ont fréquenté cet ancien préfet pétri de culture républicaine. Né en 1945 à Vimy, dans le de ses dires les prières de rue et le port du voile, Nord, Claude Guéant est aussi un homme d’ordre. visant explicitement l’islam… La réunion n’est pas En 1968, il fait son service militaire pendant que ouverte aux médias, mais Guéant, qui n’est pas un la jeunesse étudiante lance des pavés. Un an plus béotien, n’ignore pas que cette « petite phrase » sera tard, il intègre l’École nationale d’administration très vite rendue publique. La gauche s’indigne, le Front national se gausse… La polémique enfle et (ENA). Il en sort dix-septième et, après avoir hésité entre la diplomatie, le Trésor et la préfectorale, opte s’invite jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée pour cette dernière. nationale, que la majorité, Premier ministre en tête, ●●● LEÏLA SLIMANI
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! CLAUDE GUÉANT à l’Assemblée nationale, le 8 février. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
JEUNE AFRIQUE
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« J’ai fait faire à M. Guéant sa carte d’adhérent de prestige. Il mérite d’être adhérent d’honneur du FN. » Marine Le Pen, mars 2011
« Depuis que j’ai Guéant à l’Intérieur, je peux être moins dur. J’aime ce monsieur… Il a beaucoup souffert. »
« C’est un vrai républicain, un bon ministre. Évidemment, il est meilleur ministre qu’ethnologue. » Jean-Pierre Raffarin, février 2012
Nicolas Sarkozy, septembre 2011, à propos des attaques dont il est l’objet
« Claude Guéant a fait un dérapage contrôlé et parfaitement volontaire, qui porte atteinte à l’image de la France. »
PIERRE VERDY/AFP
Ségolène Royal, février 2012
JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. L’événement En 1977, il devient conseiller à la sécurité de Christian Bonnet, alors ministre de l’Intérieur de Valéry Giscard d’Estaing. En 1981, il est secrétaire général de la préfecture de l’Hérault, puis des Hauts-de-Seine, avant d’être nommé préfet des Hautes-Alpes en 1991. Charles Pasqua le repère et lui propose de devenir son directeur de cabinet adjoint à l’Intérieur. Auprès du ministre corse, dont la faconde méridionale tranche avec sa légendaire discrétion, le sphinx du Nord se révèle efficace et travailleur. En 1994, il devient directeur général de la police nationale. Pasqua lui a présenté Nicolas Sarkozy. À partir de 2002, les deux hommes ne se quitteront plus. Directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, il suit Sarkozy à Bercy, au ministère du Budget, avant de revenir Place Beauvau. En 2007, il est le directeur de campagne du candidat UMP. Nommé secrétaire général de l’Élysée en mai, il voit son pouvoir et son influence grandir. Véritable « viceprésident » ou « Premier ministre bis », il marginalise un François Fillon réduit au rang de « collaborateur ». « Voyez ça avec Claude », répète le chef de l’État à ses interlocuteurs. Car c’est « Claude » qui est chargé de déminer l’affaire Clearstream, ●●●
« Il met en musique ma politique. Je perce le trou, il taille le tunnel », confie Sarkozy.
Claude qui s’occupe des dossiers de l’armement et du nucléaire, Claude encore qui a pris la tête d’une véritable diplomatie parallèle, sillonnant les capitales de la Françafrique et les pays du Golfe. La comparaison avec Jacques Foccart, qu’a d’ailleurs osée l’ancien ambassadeur Jean-Christophe Rufin, devient de plus en plus évidente. Avare de confidences, Guéant ne s’épanche ni sur ses goûts ni sur sa vie privée. Tout au plus sait-on qu’il aime Mozart, Camus et les peintres impressionnistes. Raide, peu enclin à la fantaisie, il incarne, parfois jusqu’à la caricature, la figure du commis de l’État entièrement dévoué à l’intérêt général et toujours prêt à appliquer les ordres. Au risque de se faire traiter de porte-flingue ou d’homme des basses œuvres de Sarkozy… GOUROU. La relation qui lie ces deux hommes
au tempérament diamétralement opposé fascine les observateurs. L’un est agité, impulsif ; l’autre est mesuré, réfléchi. Dans une interview à l’hebdomadaire Le Point, Sarkozy précisera : « Claude m’accepte tel que je suis alors que nous sommes très différents. On parle tous les jours ensemble, on évolue ensemble, on prend des virages ensemble. C’estunami,pasungourou.Guéantmetenmusique
HUMEUR
François Soudan
Ci-vi-li-sé
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ES CAMPAGNES ÉLECTORALES, chacun le sait, sont propices à toutes les surenchères. Mais elles sont aussi un formidable révélateur de l’état d’une société et du poids que pèse chaque secteur de l’opinion dans les calculs de chaque candidat. Si Claude Guéant avait prononcé la même phrase en employant le mot régime (politique) à la place du mot civilisation, nul n’aurait remarqué ce quasi-truisme. Mais le but recherché par un ministre intelligent qui contrôle le moindre de ses dérapages n’aurait pas été atteint. Susciter une polémique en confortant sans le nommer le fantasme islamophobe qui habite une bonne partie des Français de souche, puis faire mine de s’en étonner, relève de la pure tactique politicienne. Si d’ailleurs, au lieu de l’envoyer chasser sur les terres de Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy avait instruit l’homme qui murmure à son oreille de braconner sur celles de François Hollande, Claude Guéant l’aurait fait avec la même assurance. Les serviteurs du pouvoir n’ont pas d’états d’âme. Dans la France enfiévrée de ce début de 2012, nier la Shoah et bientôt le génocide arménien est passible des tribunaux. Mais n’importe qui peut à loisir contester le génocide des Tutsis du Rwanda même s’il est reconnu par l’ONU, glorifier l’œuvre « civilisatrice » (!) de la colonisation, exalter l’Algérie
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française, expurger des livres scolaires les pacifications sanglantes de Madagascar et du Cameroun, dire que l’homme africain n’est pas entré dans l’Histoire, relativiser la traite négrière et considérer comme relevant d’une civilisation inférieure devant un parterre d’étudiants ébaubis des pays dont les dirigeants sont reçus à Paris avec des honneurs proportionnels à la taille de leurs fonds souverains. En période électorale, il est vrai, seules comptent les voix et l’influence. Or le vote « africain » ou « musulman » n’existe pas en France, ou plutôt, s’il existe aux yeux de certains, c’est à titre de repoussoir, pour mieux capter les faveurs de ceux à qui l’islam et les banlieues font peur. En faut-il une preuve? Mercredi 8 février, l’essentiel de la classe politique, Sarkozy, Guéant, Hollande en tête, se pressait au très chic pavillon d’Armenonville pour assister à ce must mondain qu’est le dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France, « place to be » incontournable pour tout candidat respectable. Quelques heures plus tôt, métro Charonne, un demi-millier de militants, mais pas un seul sous-ministre, battait le pavé glacé pour commémorer le cinquantième anniversaire du massacre des Algériens à Paris.Tout est dit. ● JEUNE AFRIQUE
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ma politique. Je perce le trou, il taille le tunnel. » En un mot, il se salit les mains. En devenant ministre de l’Intérieur, l’éternel homme de l’ombre entre dans l’arène politique, avec son lot d’exposition médiatique et de controverses. Et semble étonnamment à l’aise. « Après avoir été un grand préfet, Claude est un grand ministre », aurait confié Sarkozy. Il remet aujourd’hui au centre du débat les thèmes qui, depuis 2002, dominent,
voire polluent toute campagne présidentielle : la sécurité et l’immigration. Guéant, qui se moque de sa popularité et de son image, endosse sans états d’âme ces sujets sensibles, au cœur du clivage droite-gauche. Et s’il jure que « les thèses de Marine Le Pen ne sont pas du tout » les siennes, il ne recule devant aucun excès de langage. Au risque d’assombrir cet esprit républicain qu’il a toujours voulu incarner. ●
Letchimy, l’héritier de Césaire Le député de la Martinique a riposté aux propos de Guéant. Poussant le gouvernement à quitter l’Assemblée nationale…
JEUNE AFRIQUE
CHARLES PLATIAU/REUTERS
U
nfortengueule,SergeLetchimy. Il n’allait pas laisser les propos de Claude Guéant sur les civilisations sans réponse. Le 7 février, sur les bancs de l’Assemblée nationale, le député martiniquais a interpellé le ministre de l’Intérieur : « Vous déclarez du fond de votre abîme, sans remords ni regret, que toutes les civilisations ne se valent pas. […] Vous nous ramenez, jour après jour, à des idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration au bout du ! SERGE LETCHIMY (apparenté PS) long chapelet esclavagiste et colonial. Le interpellant le ministre de l’Intérieur, régime nazi, si soucieux de purification, au Palais-Bourbon, le 7 février. était-ce une civilisation ? La barbarie de l’esclavage et de la colonisation, était-ce science de l’urbanisme, « sa perception une mission civilisatrice ? » Une déclade la dynamique entre passé, présent et ration dans la lignée du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire, son mentor. futur, patrimoine et création, tradition et Né en 1953 à Gros-Morne (au nord modernité, identité et ouverture ». de Fort-de-France) dans un milieu très pauvre, Serge Letchimy a grandi à HÉGÉMONIE. Letchimy est élu conseiller Trénelle, l’un des bidonvilles de la capitale général en 1992. Moins de dix ans plus martiniquaise. « Courageux, volontaire, tard, en 2001, Aimé Césaire le choisit doué d’une très grande capacité de révolte pour lui succéder à la mairie de Fort-deou d’indignation face aux injustices » d’après l’écriSa « vision créole » a inspiré vain Patrick Chamoiseau, Patrick Chamoiseau, qui en a fait il fait de brillantes études. le héros de son roman Texaco. Titulaire d’un doctorat en urbanisme obtenu à la Sorbonne, il dirige la réhabilitation France, puis, en 2005, à la tête du Parti du quartier Texaco de Fort-de-France. progressiste martiniquais. Dès lors, il Son travail et son engagement ont inss’efforcera d’être « à la hauteur de ce que piré Chamoiseau au point qu’il en a fait Césaire lui a légué ». Il est élu député en l’un des personnages principaux de son 2007 et prend la tête du conseil régional roman Texaco, récompensé par le prix trois ans plus tard. Un parcours sans faute Goncourt en 1992. L’écrivain a été séduit et une hégémonie sur l’île qui n’est pas par « sa vision créole » qui sous-tend sa sans en froisser quelques-uns.
À l’instar du chantre de la négritude, qui, en 2005, avait refusé de recevoir Nicolas Sarkozy – alors ministre de l’Intérieur – au moment où les parlementaires de droite entendaient inscrire dans la loi le « rôle positif » de la colonisation, Letchimy a annoncé, le 6 février, qu’il ne recevrait pas Claude Guéant lors de son prochain déplacement en Martinique. « Il a raison, soutient Chamoiseau. Quand on commence à hiérarchiser les civilisations, on entre dans une dérive majeure. Chaque fois qu’un pouvoir politique ou religieux a cru appartenir à une civilisation “supérieure”, cela a entraîné de grands crimes d’État. Ce n’est pas une mince affaire ! » « Pour autant, rappelle le journaliste ivoiro-antillais Serge Bilé, il ne faut pas non plus perdre de vue que Letchimy est un soutien de François Hollande, que les législatives approchent, et qu’il devra mettre en place l’assemblée unique d’ici à 2014. Il en tirera forcément un bénéfice au niveau local. Ça va galvaniser ses troupes ! » ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
La semaine de J.A. Les gens
Tiégboro Camara L’étau se resserre Soupçonné d’être impliqué dans le massacre perpétré au stade de Conakry en septembre 2009, le lieutenant-colonel a finalement été inculpé par la justice guinéenne.
M
à la tête de l’Agence nationale chargée ontré du doigt par les de la lutte contre la drogue, le crime enquêteurs de l’ONU dès organisé et le terrorisme, avec rang de décembre 2009, le lieusecrétaire général à la présidence. De tenant-colonel Moussa fait, Tiégboro Camara n’était responTiégboro Camara n’avait jamais été vraisable que devant le chef de l’État. Le ment inquiété. Le 1er février, deux ans et 1er février, il s’est donc vu signifier pludemi après les faits, il a finalement été sieurs chefs d’accusation (« présompinculpé par la justice guinéenne pour tions graves d’assassinat, meurtre, viol, son rôle présumé dans les massacres perpétrés au grand stade de Conakry, le pillage, incendie volontaire, vols à main 28 septembre 2009 (au moins 157 morts). armée, […] tortures, détentions arbiUne manière peut-être de signifier à la traires, violences sexuelles et complicité de toutes autres infractions que l’inforCour pénale internationale (CPI) que la justice nationale s’occupe bien du dossier. mation relèvera »). Mais dix jours plus Chargé de la lutte contre le trafic de tard, il était toujours en liberté. À noter drogue sous la présidence de Moussa que trois autres militaires, ainsi qu’un Dadis Camara, avec rang de ministre, milicien, anciens proches de Dadis (dont le sous-lieutenant Marcel Koivogui), ont Tiégboro Camara était l’un des piliers du Conseil national pour la démocratie également été inculpés. En revanche, à et le développement (CNDD). Propulsé l’heure où nous mettions sous presse, la à la tête de la commission d’enquête justice n’avait pas décidé de poursuivre mise en place par la junte, il s’était appliqué à dédouaLe président Alpha Condé n’a ner Dadis, affirmant qu’il jamais caché sa volonté de faire n’était pas venu au stade juger les responsables de la tuerie. ce fameux 28 septembre et qu’il n’était donc « responsable de rien ». Habile, il avait ensuite fait Aboubacar « Toumba » Diakité, aide de allégeance au général Sékouba Konaté, camp de Dadis au moment des faits, le président de la transition, qui pourtant mis en cause par l’ONU et auteur d’une n’appréciait guère de devoir garder à ses tentative d’assassinat sur son patron en côtés un fidèle de son prédécesseur. Il décembre 2009. Elle ne s’était pas non avait aussi conservé la coordination de plus intéressée à l’ex-chef de la junte. la lutte contre le trafic de drogue, avec des méthodes qualifiées à l’époque TOUMBA INTROUVABLE. Recherché par d’expéditives. Interpol, Toumba demeure introuvable. Arrivé au pouvoir en décembre 2010, Quant à Dadis, il est à Ouagadougou, Alpha Condé, soucieux lui aussi de ne officiellement en convalescence, officieupas contrarier les partisans – encore sement en exil doré. Natif de la région de nombreux – de Dadis, l’avait nommé la Guinée forestière, où il jouit encore
TOURE BABACAR/PANAPRESS/MAXPPP
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! Jusque-là, IL AVAIT RÉUSSI À PASSER entre les mailles du filet.
d’une réelle popularité, il a discrètement soutenu la candidature d’un autre Forestier, Papa Koly Kourouma, qui a rallié Alpha Condé au second tour de la présidentielle et a été nommé ministre par la suite. L’impunité accordée à Dadis faisait-elle partie de l’accord ? « Non », martèlent les proches de Condé. Une chose est sûre: ce dernier n’a jamais caché sa volonté de faire juger en Guinée les responsables des massacres, même s’il a nommé Tiégboro à un poste important. Annoncé à Ouagadougou en mars, Condé pourrait rencontrer Dadis. Comme l’a fait, à la fin de novembre dernier, l’opposant Cellou Dalein Diallo, qui privilégie aussi la justice nationale. Souvent critiquée pour sa propension à céder aux pressions politiques et militaires, la justice guinéenne joue sa crédibilité. Ira-t-elle jusqu’au bout ? La suite de l’instruction dira si les 192 victimes qui se sont constituées partie civile ont été entendues. ● ANDRÉ SILVER KONAN
NOMINATIONS
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RENÉ KARSENTI SANTÉ Le patron de l’Association internationale des marchés de capitaux a été nommé, le 3 février, président du conseil de la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm). N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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MALAM NUHU RIBADU NIGERIA L’ancien président de la Commission nigériane contre les délits économiques et financiers a été nommé, le 7 février, à la tête de l’agence nigériane de contrôle des revenus du pétrole. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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CARLOS GOMES
Asma al-Assad La femme fidèle
Le 4 février, le Premier ministre bissau-guinéen a été investi par son parti, le PAIGC (au pouvoir), pour la présidentielle anticipée de mars, après le décès du chef de l’État, Malam Bacai Sanha, le 9 janvier.
Dans un e-mail transmis au Times, l’épouse du président syrien sort de sa réserve pour apporter son soutien à son mari.
MONA KHAZINDAR
le 11 janvier, à Damas.
LAURENT DE SAINT PÉRIER
La directrice générale de l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, première femme et première Saoudienne à occuper ce poste, a été élue Femme de l’année 2012 par le Forum de la femme arabe, le 4 février, à Beyrouth. ALAIN GOMIS
DR
Le réalisateur franco-sénégalais a vu son dernier long-métrage, Aujourd’hui, retenu pour concourir en sélection officielle de la 62e édition du Festival international du film de Berlin, en Allemagne, du 9 au 19 février. EN BAISSE
JULIUS MALEMA Le 4 février, le chef de la Ligue de la jeunesse du Congrès national africain (ANC) a été reconnu coupable en appel d’atteinte à l’image et à la cohésion du parti au pouvoir en Afrique du Sud. KASE LAWAL Le conseiller de Barack Obama au commerce extérieur est soupçonné d’avoir participé à un trafic d’or et d’avoir versé des millions de dollars au chef rebelle congolais Bosco Ntaganda, entre décembre 2010 et février 2011. MOHAMED NASHEED Le président des Maldives a été contraint de quitter le pouvoir le 7 février après une mutinerie de policiers et des manifestations d’opposants qui accusent son gouvernement de corruption et de mauvaise gestion. DR
REUTERS
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lle ne s’était pas exprimée depuis près de un an. Asma al-Assad, 36 ans, a enfin rompu le silence. Le 7 février, le quotidien britannique The Times a publié un e-mail envoyé par son bureau : « Le président est le président de la Syrie, non d’une faction de Syriens, et la première dame l’appuie dans ce rôle. » Le 11 janvier, Asma avait fait une timide apparition à une manifestation, peu spontanée, de soutien à son mari, Bachar. En pull et anorak, les boucles dorées de sa chevelure ramenées sous un bonnet, celle qu’on disait la plus glamour des premières dames arabes était l’ombre d’elle-même. Son regard, naguère pétillant, semblait perdu dans le vide, et son sourire forcé paraissait exprimer une angoisse muette. « Elle s’occupe également d’encourager le dialogue. Elle est à l’écoute et réconforte les familles victimes de la violence », poursuit l’e-mail. Est-elle allée à Homs, sa ville d’origine, consoler les proches de ses coreligionnaires sunnites tués par centaines ces dernières semaines ? Cette compassion affichée s’accorde mal avec l’indifférence qu’elle manifesterait face à la tourmente, selon les rares témoins qui ont pu l’approcher. On la dit détachée, insensible, comme anesthésiée. Au début des manifestations, en mars 2011, certains la voyaient comme un ange parmi les démons, convaincus de son rôle modérateur auprès du despote. Mais 6 000 morts plus tard, son soutien infaillible aux agissements de son mari la fait paraître sous un jour plus sombre. Née en Angleterre dans une famille de la bourgeoisie sunnite syrienne, Emma – comme on la surnomme alors – s’occupait de fusions-acquisitions quand Bachar, étudiant en ophtalmologie à Londres, a jeté son dévolu sur elle. Il voulait être médecin, mais il a dû prendre la succession de son père, Hafez. Elle s’était alors vue en Lady Di du Levant. Quand les deux jeunes fiancés se sont mariés, en 2000, quelques mois après la mort de Hafez, elle était en effet la plus belle fleur du printemps de Damas, cette période d’espoirs démocratiques qui a suivi l’accession de Bachar à la présidence. Isolée dans sa tour d’ivoire, à quoi peut bien rêver aujourd’hui l’épouse du Avec ses deux enfants lors paria des nations ? ● d’une MANIFESTATION PRORÉGIME, JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. Décryptage
Discrimination Pas très gay, la situation! Plusieurs responsables occidentaux font la leçon aux pays africains pour qu’ils respectent les droits des homosexuels. Mais, au fait, où en est le continent ?
«
Algérie
Mauritanie Sénégal Gambie Guinée-Bissau Guinée
Mali
Libye
Égypte
Niger
Tchad Érythrée Soudan Burkina Djibouti Faso Bénin Côte Sierra Leone Soudan Nigeria Éthiopie d’Ivoire du Sud Centrafrique Togo Liberia Cameroun Guinée Somalie Congo Ouganda équatoriale République Ghana Gabon Rwanda Kenya démocratique Statut législatif du Congo Burundi Illégal Tanzanie Légal Angola Peu clair Zambie Malawi Pénalisation
I
l faut en finir avec les discriminations liées à l’orientation sexuelle, ignorées et parfois approuvées par de nombreux États », a lancé Ban Ki-moon le 29 janvier, lors du dernier sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba. Le secrétaire général des Nations unies a ainsi exhorté les pays africains à respecter les droits des homosexuels, « souvent traités comme des citoyens de seconde classe, voire comme des criminels ». Le 10 décembre déjà, lors de la Journée mondiale des droits de l’homme, Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, avait elle aussi prononcé un vibrant plaidoyer en ce sens. Un mois plus tôt, David Cameron, le Premier ministre du Royaume-Uni, avait menacé d’exclure des programmes d’aide britanniques les pays qui bafouent les droits des homosexuels. Il n’est pourtant pas certain que ces interventions successives rencontrent un large écho sur le continent. Plusieurs exemples récents démontrent qu’on est, au contraire, très loin des avancées escomptées. Non seulement l’homosexualité est punie par la loi dans la plupart des États du continent, mais des pays comme l’Ouganda envisagent de durcir leur législation, prévoyant jusqu’à la peine de
Tunisie
Maroc
Mort Emprisonnement de dix ans ou plus
Mozambique Zimbabwe
Namibie
Botswana
Emprisonnement de moins de dix ans Amendes ou restrictions
Madagascar Swaziland
Afrique du Sud
Pas de données
SOURCE : ILGA
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Lesotho
Les relations sexuelles entre hommes en Afrique mort en cas de « récidive » ou d’« homosexualité aggravée ». Au Nigeria, un projet de loi vise à interdire les organisations de défense des droits des homosexuels ainsi que toute manifestation publique d’affection entre personnes du même sexe. « PIRE QUE DES CHIENS ». Certaines
déclarations laissent augurer du pire. Comme celle de Yahya Jammeh, le président gambien, qui promet d’expulser les homosexuels de leur domicile. En Tunisie, Samir Dilou, le ministre des
Droits de l’homme, a menacé d’interdire Gayday, le premier magazine gay du pays. Pour lui, « la perversité n’a rien à voir » avec la liberté individuelle. Le Zimbabwéen Robert Mugabe, lui, se plaît à répéter que les homosexuels sont « pires que des chiens ». Un espoir tout de même : Morgan Tsvangirai, son Premier ministre, promet d’inscrire leurs droits dans la prochaine Constitution. Comme l’Afrique du Sud, qui peut se vanter d’avoir l’une des législations les plus libérales au monde. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
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FÉVRIER Présidentielle au Yémen, organisée par les autorités de transition, Ali Abdallah Saleh s’étant résigné à quitter le pouvoir en vertu d’un accord conclu à Riyad le 23 novembre. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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FÉVRIER Dixième anniversaire de la mort de Jonas Savimbi. En guerre depuis vingt-cinq ans contre le régime de Luanda, le chef de l’Unita avait été tué dans un maquis.
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FÉVRIER Cérémonie des oscars, à Hollywood. Parmi les acteurs nominés, George Clooney, Brad Pitt, Meryl Streep, Glenn Close, et les Français Jean Dujardin et Bérénice Bejo. JEUNE AFRIQUE
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Somalie Revoilà les Anglais
JEUNEAFRIQUE.COM
Un nouvel ambassadeur, une conférence à Londres… Les Britanniques reprennent pied dans ce pays de l’Afrique de l’Est.
Francophonie Des poids lourds pour l’environnement DENIS SASSOU NGUESSO, le président du Congo-Brazzaville, Mahamadou Issoufou, celui du Niger, Jean-Pierre Raffarin, l’ancien Premier ministre français… Représentée par Abdou Diouf, son secrétaire général, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a réussi son pari : réunir des personnalités de premier plan à l’hôtel de ville de Lyon (centre-est de la France), le 8 février, pour son forum préparatoire à Rio+20, le sommet sur le développement durable qui doit se tenir en juin au Brésil, vingt ans après le sommet de la Terre. Les futurs négociateurs, universitaires et responsables associatifs francophones, s’y sont préparés, échangeant deux jours durant leur expertise. Mais la photo de famille masque des intérêts divergents entre pays industrialisés et pays en voie de développement. « Il n’y a pas de position commune », rappelle Fatimata Dia Touré, directrice de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la francophonie. Denis Sassou Nguesso, qui sera le porte-parole des chefs d’État africains à Rio, a ainsi appelé les pays industrialisés à respecter leurs engagements. Par exemple, celui d’allouer 0,7 % de leur PIB à l’aide publique au développement – niveau que la France n’a toujours pas atteint. Pour Brazzaville, dont le principal chantier écologique est la préservation des forêts du bassin du Congo, comme pour Niamey, qui tente de mettre en place un programme contre les conséquences de la sécheresse, de nouveaux financements du Nord ne seraient pas superflus. ● PIERRE BOISSELET, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Ballaké Sissoko, musicien malien : «Traditionnelle ou moderne, la musique fait partie de notre culture »
SONDAGE RD Congo : Étienne Tshisekedi a-t-il encore un avenir politique ?* 1 3
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1. Oui, il est le président légitime 86,2 % 2. Oui, il a encore un rôle d’opposant à jouer 4,9 % 3. Non, s’autoproclamer « président élu » l’a discrédité 8,9 % Votre participation a atteint un record, cette semaine. La mobilisation en faveur de Tshisekedi ne faiblit pas… en tout cas sur la Toile ! CETTE SEMAINE :
Quel bilan faites-vous de la CAN 2012 ? À LIRE AUSSI Excision : Dix ans de lutte
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* SONDAGE RÉALISÉ SUR JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 3 ET LE 8 FÉVRIER. 2 648 VOTES
à l’hôtel Kempinski de Djibouti, cette intérêt croissant de la GrandeBretagne pour la Corne de rencontre a confirmé le 31 août comme l’Afrique se confirme. À l’inidate butoir pour la fin de la transition, tiative de David Cameron, qui doit conduire à l’élaboration d’une le Premier ministre britannique, une Constitution.Lesparticipantssesontféliciconférence internationale consacrée tés des succès remportés par l’armée gouvernementale, appuyée par l’Amisom, une à la Somalie doit se tenir à Londres le force de l’UA. Mais, deux jours plus tard, 23 février. William Hague, le chef de la diplomatie, s’était déjà rendu, le 2 février, un terrible attentat kamikaze a endeuillé en visite-surprise à Mogadiscio. C’était Mogadiscio, faisant au moins onze morts le premier déplacement d’un responet des dizaines de blessés. sable européen de ce niveau depuis plus de vingt ans. Il Les menaces des milices Shebab était accompagné de Matt contre les Jeux olympiques sont Baugh, qui a présenté ses prises très au sérieux. lettres de créance au président,CheikhCherifCheikh Ahmed, en tant qu’ambassadeur de la Le regain d’intérêt britannique pour la Somalie répond à des préoccupations Grande-Bretagne en Somalie. d’ordre politique et sécuritaire. D’abord, De nombreuses personnalités sont attendues à Londres, parmi lesquelles Jean la crise dans laquelle se débat ce pays Ping, le président de la Commission de affecte l’ensemble de la zone d’influence l’Union africaine (UA), et trois chefs d’État britannique en Afrique de l’Est. Ensuite, la de l’Afrique de l’Est : Yoweri Museveni piraterie au large du Golfe d’Aden prend des proportions inquiétantes. Enfin, les (Ouganda), Mwai Kibaki (Kenya) et Ismaïl Omar Guelleh (Djibouti). Au préalable, menaces des milices Shebab de perpétrer ce dernier avait convoqué une réunion des actes terroristes lors des Jeux olymdu Groupe de contact international piques de Londres sont prises d’autant (GCI) pour la Somalie afin de faire le plus au sérieux qu’une importante compoint sur la situation militaire, politique munauté somalienne réside sur les bords et humanitaire. Organisée le 6 février de la Tamise. ● CHERIF OUAZANI
KOWALSKI/SIPA
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La semaine de J.A. Décryptage
Excision En voie d’extinction
! SISTER FA, la rappeuse sénégalaise, fait partie des stars qui se battent contre l’excision.
Lentement mais sûrement, les mutilations génitales reculent un peu partout en Afrique, comme le montre un rapport de deux agences onusiennes.
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excision, bientôt pratique d’un autre temps ? Les agences onusiennes qui se consacrent au bienêtre de la population (Fnuap) et à l’enfance (Unicef ) se disent optimistes. Dans leur rapport conjoint, publié le 6 février, on apprend que, depuis la mise en œuvre d’un programme de suivi et de coordination par les Nations unies en 2008, quelque 8 000 communautés ont renoncé à cette pratique en Afrique, dont près de 2 000 pour la seule année 2011. Toujours selon ce rapport, la prévalence des actes de mutilation et d’ablation génitales est en baisse chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans (de 25,2 % au Kenya, de 21,4 % au Burkina). Le nombre des excisions a chuté de 8,9 % au Sénégal entre 2005 et 2010 ; de 6,1 % en Érythrée entre 1995 et 2002. Sur un continent où 3 millions de LE DESSIN DE LA SEMAINE
MIGUEL MEDINA/AFP
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fillettes courent chaque année le risque d’être excisées, ces progrès, certes lents et inégaux d’un bout à l’autre du continent, témoignent d’un véritable changement socioculturel. TOP-MODÈLES. L’implication de plusieurs stars africaines n’est pas étrangère à cette évolution. Des top-modèles, comme la Somalienne Waris Dirie ou la Guinéenne Katoucha Niane, ont été parmi les premières, au début des années CHAPPATTE • Le Temps • Suisse
2000, à évoquer publiquement leur mutilation et à attirer l’attention de la communauté internationale sur cet acte cruel. Depuis, la jeune génération a repris le flambeau, à l’instar de la rappeuse sénégalaise Sister Fa – Fatou Mandiang Diatta de son vrai nom –, qui, excisée dans son enfance, multiplie les messages de sensibilisation dans son pays. Mais aucune évolution notable ne serait possible sans le travail de fourmi des associations sur le terrain, qui sont parvenues à associer à leur lutte chefs traditionnels et leaders religieux. À Bamako, le Centre Djoliba, qui s’active depuis 1983, se réjouit des progrès accomplis. « À l’époque, il était impossible d’aborder ce sujet, se souvient Virginie Moukoro, une formatrice. Aujourd’hui, il nous arrive même de réunir des groupes de discussion mixtes. » En Côte d’Ivoire, l’association Acza, mise sur pied par la chorégraphe Martha Diomandé, tente de trouver des « métiers » de substitution aux matrones. « En les aidant à monter des coopératives agricoles, on multiplie les chances de les convaincre d’abandonner leurs outils d’exciseuses, qui sont aussi leur gagne-pain », explique Mathilde Leroy, membre de l’association. ● MALIKA GROGA-BADA
LE MOT CHOISI
LISTE ROUGE
Le 6 février, le Conseil international des musées (Icom) a publié une liste rouge d’urgence des biens culturels égyptiens en péril, un an après la chute de Moubarak.Tirée à 10 000 exemplaires et traduite en quatre langues, distribuée aux officiers de police et des douanes, ainsi qu’aux professionnels du patrimoine, du marché de l’art et des antiquités, elle permet une meilleure identification des objets protégés (périodes prédynastique, pharaonique, nubienne, grécoromaine, copte et islamique). N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
«
La sélection d’un candidat républicain à la présidence de l’empire américain donne lieu au plus grand concours d’idioties et d’ignorance de tous les temps. »
qu’elle accepta la première proposition, mais déclina la seconde. « Nous passions un temps fou dans la baignoire, à jouer avec deux canards jaunes en plastique », raconte Mimi. JFK lui parut moins serein lors de la crise des missiles de Cuba, lui confiant préférer voir ses enfants communistes que morts. Après son retour à l’université, le président continua de l’appeler, en utilisant le pseudonyme de « Michael Carter », et envoya des voitures la chercher pour l’amener à la Maison Blanche. Mimi le vit pour la dernière fois une semaine avant son assassinat, alors qu’elle était sur le point de se marier. Il lui promit qu’il l’appellerait « quand même ». ● MARIE VILLACÈQUE
ELLE A 19 ANS, est trilingue et fait des études de commerce et de gestion. Le 4 février, la Casablancaise Sara Mouatamid a été élue Miss Maroc face à dixsept concurrentes âgées de 18 à 25 ans. Organisée par la société de production Night Star Maroc, la cérémonie s’est déroulée dans un grand hôtel de la cité balnéaire d’El Jadida. Les jeunes filles ont défilé en robe du soir et en tenue traditionnelle – et non en maillot de bain, afin d’éviter toute polémique. En 2002, on s’en souvient, l’activiste Anas Jazouli s’était attiré les foudres des islamistes LA CASABLANCAISE pour avoir voulu organiser un Sara Mouatamid, élue le 4 février. concours où les miss devaient défiler en petite tenue. Night Star Maroc, qui travaille sur le projet depuis plus de deux ans, s’est fixé comme objectif de « redorer l’image de la femme marocaine et maghrébine en général ». Son casting, organisé dans tout le royaume, a attiré plus de 2 000 candidates. Outre son titre, l’heureuse élue a gagné une voiture, une parure en or et un voyage aux Seychelles ; enfin, pendant un an, elle percevra l’équivalent d’un salaire de cadre. ● LEÏLA SLIMANI
« Sans nous en rendre compte, nous vivons aujourd’hui quelque chose de comparable à la chute de l’URSS. » GEORGE SOROS Financier et milliardaire américain (à propos de la crise de l’euro)
«
Les nations qui empêchent les femmes d’assister à un match de football n’ont aucune légitimité pour se prononcer sur la démocratie en Syrie. »
BACHAR JA’AFARI Ambassadeur de la Syrie aux Nations unies (visant les pays du Golfe)
« Il n’y a pas, en France, de musée de la colonisation, alors qu’il existe quelque vingt-trois musées du sabot… » MICHEL WIEVIORKA Sociologue français
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La meilleure façon de résumer le travail accompli par le président : Ben Laden est mort rt et General Motors est vivant. » JOE BIDEN Vice-président des États-Unis (en campagne pour la réélection d’Obama)
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Miss Maroc Sara Ire
FIDEL CASTRO Ancien président de Cuba
REUTERS
États-Unis Les dernières frasques de JFK ÉTÉ 1962. Mimi Alford est stagiaire au service de presse de la Maison Blanche depuis quatre jourslorsqu’ellerencontreJohn F. Kennedy. Après quelques brasses dans la piscine présidentielle et une soirée, ce mari volage la renverse sur le propre litdesonépouse,Jackie.Mimia 19 ans, il en a 45, et leur liaison durera jusqu’à la mort de ce dernier, en novembre 1963. À 69 ans, Alford publie aux États-Unis Once Upon a Secret (en français, Une singulière histoired’amour,Oh!Éditions).On y apprend notamment que JFK ne l’embrassa jamais et qu’elle devait l’appeler « monsieur le président »; qu’il la pria un jour d’accorder ses faveurs à l’un de ses collaborateurs, ainsi qu’à son frère cadet, Ted Kennedy;
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La semaine de J.A. Tour du monde
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ESPAGNE
SERGEI KARPUKHIN/REUTERS
Rubalcaba en reconquête
! LES CANDIDATS À LA PRÉSIDENTIELLE DU 4 MARS : politique et merchandising. RUSSIE
Les fous du roi
V
LADIMIR POUTINE est assuré de retrouver la présidence de la Fédération de Russie, qu’il occupa déjà de 2000 à 2008, à l’issue du scrutin du 4 mars. Parce qu’il reste populaire dans une fraction non négligeable de la population. Et parce qu’il a pris soin d’écarter tous les candidats susceptibles sinon de lui faire de l’ombre, du moins d’incarner une franche opposition à sa politique. Les quatre hommes autorisés à concourir sont de simples faire-valoir. Spécialistes des déclarations à l’emporte-pièce, Vladimir Jirinovski et Guennadi Ziouganov sont les éternels duettistes de la politique russe, l’un d’extrême droite, l’autre d’extrême gauche : ils obtiendront à peu près leurs scores habituels. Sergueï Mironov (Russie juste) est quant à lui une énigme : personne n’a encore réussi à démêler s’il est pro- ou anti-Poutine. Quant à l’oligarque Mikhaïl Prokhorov, son rôle consiste apparemment à dissuader les classes moyennes de manifester dans la rue leur hostilité grandissante au régime. Comme elles viennent de le faire le 4 février. ● PHILIPPINES
Terroristes abattus UNE QUINZAINE de militants islamistes liés à Al-Qaïda ont été tués le 2 février sur l’île de Jolo au cours d’un raid de l’aviation philippine auquel l’armée américaine a prêté son concours. Parmi eux, Umbra Jumdail, l’un des chefs du mouvement Abou Sayyaf reconverti en médecin au grand cœur, et deux responsables N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
des attentats de Bali, en 2002 : le Singapourien Muhamda Ali, alias Muawiya, et le Malaisien Zulkifli Bin Hir, alias Marwan. Expert en explosifs éduqué aux États-Unis, ce dernier figurait sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI. Sa tête avait été mise à prix 5 millions de dollars (3,8 millions d’euros).
LORS DU 38e CONGRÈS du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le 4 février, l’ancien ministre de l’Intérieur Alfredo Pérez Rubalcaba (60 ans) a été élu secrétaire général en remplacement de José Luis Rodríguez Zapatero, chef du gouvernement de 2004 à 2011. Lors des législatives du mois de novembre, ce brillant orateur n’était pas parvenu à éviter à sa formation une déroute face au Parti populaire de Mariano Rajoy. Il va devoir à présent restaurer l’unité d’un parti en proie aux divisions. LE CHIFFRE QUI BRÛLE
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C’EST LE NOMBRE de Tibétains qui se sont immolés par le feu l’an passé pour protester contre la répression chinoise. Seize d’entre eux auraient trouvé la mort. Début février, quatre autres se sont aspergés d’essence avant de s’exposer à une flamme. ARGENTINE - ROYAUME-UNI
Le ton monte à Port Stanley À L’APPROCHE du trentième anniversaire de la guerre des Malouines, archipel de l’Atlantique Sud occupé par le Royaume-Uni depuis 1833 mais revendiqué par l’Argentine, les tensions restent vives. Le 2 février, l’arrivée à Port Stanley du prince William « en uniforme de conquérant » (selon la presse argentine) a été ressentie à Buenos Aires comme une provocation. Londres évoque une mission de routine destinée à parfaire la formation du prince en tant que pilote d’hélicoptère. Cristina Kirchner a annoncé le dépôt d’une plainte devant l’ONU et dénonce le « militarisme » britannique. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
REUTERS
TURQUIE
Tirage de cravates au Parlement À MA DROITE, MUHYETTIN AKSAK, de l’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir à Ankara. À ma gauche, Mahmut Tanal, du CHP, un parti de centre gauche. La volonté des autorités de modifier le règlement intérieur du Parlement a déchaîné l’ire de l’opposition, qui s’indigne d’une tentative visant, selon elle, à la réduire au silence. Le 8 février, ses députés ont donc tenté d’occuper la tribune de l’Assemblée. L’affaire a été chaude.
ARTS
Mort d’un génie LE PEINTRE ET SCULPTEUR espagnol Antoni Tàpies s’est éteint le 6 février à Barcelone à l’âge de 88 ans. Ancien résistant au franquisme, il avait accédé à la notoriété internationale avec des toiles et des compositions étonnantes, parfois réalisées avec des matériaux de récupération : ficelle, fil de fer, paille ou terre. Son œuvre est aujourd’hui exposée dans les plus grands musées du monde. BRÉSIL
Grand nettoyage EN UN PEU PLUS DE UN AN, sept membres du gouvernement accusés de corruption ont été acculés à JEUNE AFRIQUE
la démission. Le dernier en date, le 2 février, se nomme Mário Negromonte. Ministre des Villes, il était chargé de contrôler les projets de « mobilité urbaine » en vue de la Coupe du monde de football 2014. Depuis des mois, il était soupçonné d’irrégularités par la presse. Du coup, la popularité de la présidente Dilma Rousseff s’envole : 72 % d’opinions favorables. FINLANDE
Échec des populistes LA VAGUE POPULISTE et xénophobe qui a balayé l’Europe ces derniers temps est-elle en train de s’essouffler ? Timo Soini, le leader des Vrais Finlandais, ne s’est pas qualifié pour le second tour de la présidentielle finlandaise (22 janvier-5 février), alors que l’an dernier son parti avait réalisé
une percée aux législatives. C’est le conservateur Sauli Niinistö qui l’a largement (62,6 %) emporté, devant l’écologiste Pekka Haavisto. ROUMANIE
Premier ministre en trompe-l’œil MANIFESTATIONS dans tout le pays pour dénoncer l’austérité et la corruption, boycott du Parlement par l’opposition… Après des semaines d’agitation politico-sociale, les contempteurs du régime n’ont pas obtenu la tête du président, Traian Basescu, mais celle d’Emil Boc, son Premier ministre, promptement remplacé par Mihai Razvan Ungureanu, jusqu’ici chef des services de renseignements extérieurs (SIE) – expérience qui pourrait se révéler utile en ces temps troublés. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Grand
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QATAR
L’émirat
Diplomatie, business, culture… Le minuscule pays est présent sur tous les fronts. Son rôle durant les révolutions arabes a confirmé ses ambitions africaines, notamment au Maghreb.
LAURENT DE SAINT PÉRIER,
I
envoyé spécial
l était une fois, dans l’Orient compliqué, un très petit royaume perdu entre mer et désert. Si petit que personne n’aurait dû le connaître. Mais dans le monde entier, des ambassades aux états-majors, des conseils d’administration aux cercles philanthropiques, des musées aux stades de foot, des salons aux bistrots, le nom de cette péninsule grande comme la Corse sonne comme une formule magique. En une décennie, le Qatar est devenu incontournable : il est partout, et tous les chemins mènent à Doha. Les douzièmes Jeux panarabes, le Congrès
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mondial sur le pétrole, le premier sommet du Forum des pays exportateurs de gaz, le Sommet mondialsurl’innovationenéducation,lequatrième Forum de l’ONU sur l’alliance des civilisations, etc., sont autant d’événements qu’il a accueillis au cours du dernier trimestre de 2011. Petit village de pêcheurs au début du siècle dernier, Doha est devenu en ce IIIe millénaire une métropole ultramoderne à l’horizon sans cesse redessiné par les meilleurs architectes internationaux. Dans la périphérie de la capitale, une armée d’engins de chantier arase le sol, élève des collines, creuse des fondations dans un brouillard opaque: une ville nouvelle germe dans le désert. Sur la clôture qui cercle le périmètre, le slogan proclame : « Lusail City : la vision se réalise. Née d’une seule inspiration, une nouvelle ère a commencé ». À quelques encablures de là, les ensembles luxueux de l’archipel artificiel The Pearl émergent, comme un mirage de béton et d’acier. Architecte de la pyramideduLouvre,l’Américaind’originechinoise Ieoh Ming Pei a offert à Doha son emblème : le Musée d’art islamique de Doha, réputé le plus beau au monde avec ses lignes cubistes. Doha se JEUNE AFRIQUE
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insatiable
BON GÉNIE. Le secret de cette fabuleuse fortune ? Les troisièmes réserves mondiales de gaz, qui gisent au large de ses côtes et lui donnent une puissance de frappe financière colossale. Le bon génie de cette contrée ? Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani, qui a mis la main sur le trône en 1995, alors que son émir de père était en villégiature au bord du lac Léman, en Suisse. Visionnaire, le monarque a d’abord su garantir l’avenir de son pays en développant la technologie du gaz naturel liquéfié (GNL) pour exporter son trésor dans le monde entier. Mais, dès son couronnement, la première obsession de Cheikh Hamad a été de placer son domaine au cœur du monde et de l’actualité. Alors qu’il était encore jeune prince, un agent de l’immigration britannique lui aurait un jour demandé : « Mais le Qatar, où est-ce? » Piqué au vif, l’héritier a fait le vœu qu’à l’avenir plus personne n’ignorerait où se situe sa patrie. JEUNE AFRIQUE
Sa tactique: exporter dans le monde entier l’image de marque du Qatar. Ne pouvant prétendre au hard power (la coercition) d’un grand État, l’émir a tout misé sur le soft power (l’influence), avec la chaîne Al-Jazira comme armée des ondes (lire p. 28). Autre arme de séduction : la belle et islamiquement moderne Cheikha Mozah, sa seconde épouse, offre à l’opinion internationale un portrait glamour et séduisant du royaume (lire p. 26). La stratégie marketing a porté ses fruits : le Qatar occupe aujourd’hui toutes les arènes et génère un bruit médiatique sans proportion avec sa taille. Le souci de l’apparence n’est pourtant pas la première préoccupation de l’émir. Si le David qatari veut se donner une dimension globale, c’est plus sûrement pour faire le poids face aux deux Goliath qui l’entourent, l’Arabie saoudite et l’Iran. Certes, le différend frontalier avec les Saoudiens a été résolu en 2008, mais l’émir n’oublie pas que le roi d’Arabie se considère souvent comme le suzerain des seigneurs du Golfe et qu’il n’avait pas du tout apprécié le coup d’État de 1995. Côté iranien, le Qatar partage son champ gazier offshore N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
BRYAN DENTON/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
veut une nouvelle Athènes, protectrice des arts, des sports, des sciences et de l’éducation.
Sur la promenade de DOHA, la capitale. Expression des rêves de grandeur qui se « RÉALISENT ».
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Qatar
avec la république des mollahs, laquelle menace régulièrement l’émirat, dont elle juge les extractions abusives (lire p. 25). Pour se mettre à l’abri, Doha a multiplié les alliances, diversifié au maximum ses partenariats, et veut se rendre indispensable au monde pour qu’il ne reste pas indifférent à une éventuelle ventuelle agression. Depuis 2003, le transfert des forces américaines stationnées en Arabie saoudite te vers la base d’ElOudeid l’a doté du plus puissant nt des boucliers. « Le Qatar a tellement misé sur l’international ernational qu’il est devenu très difficile pour ses deux eux gênants voisins de le contrôler », commente Fatiha Dazi-Héni, politologue spécialiste de la péninsule éninsule arabique, cofondatrice du think-tank Capmena. apmena. Conquérant, l’émirat investitt dans tous les secteurs et s’octroie des parts substantielles stantielles de multinationales aussi rentables que ue stratégiques pour son développement. Créé il y a moins de sept ans IRAK
un accord pour le fermage de 40000 hectares. En septembre, au Gabon, une délégation d’hommes d’affaires qataris s’est notamment intéressée au gisement de fer géant de Belinga, un temps promis aux Chinois. Enfin, en décembre, le président soudanais Omar el-Béchir a conclu à Doha des accords dans les domaines minier et agricole. UNE PUISSANCE CONCENTRÉE Superficie : 11 437 km2 (166e rang mondial) Population : 1,76 million d’habitants, dont 250 000 nationaux PIB par habitant : 102 700 dollars en 2011 (2e rang mondial)
QATAR
KOWEÏT EÏT
Ko Koweït City
Exportations de gaz naturel : 94,8 milliards de m3 en 2010 (3e rang mondial)
Golfe Persique
SOURCES : BANQUE MONDIALE ; CIA WORLD FACTBOOK
ARABIE SAOUDITE
BAHREÏN
IRAN
ma Manama OMAN
Doha ha
Riyad
Gisement de gaz de North Dome
Abou ou Dhabi Dha habi bi ÉMIRATS ARABES UNIS 100 km
et doté de 65 milliards d’euros, Qatar Investment Authority (QIA) est l’un des fonds souverains les plus ambitieux du Golfe, avec de nombreuses participationsàtraverslemonde(Veolia,Lagardère,Suez Environnement, Barclays, Volkswagen, Porsche…). Et l’Afrique n’est pas en reste : le Qatar y est très présent dans le Nord, notamment dans les secteurs de la téléphonie mobile, avec Nedjma (Algérie) et Tunisiana (Tunisie), de l’immobilier et du tourisme (lire p. 27). Fin octobre 2011, Qatari Diar, filiale de QIA, s’est engagé à investir 426 millions d’euros dans des projets au Caire et à Charm el-Cheikh, en Égypte. Et le reste du continent figure au menu du petit ogre, qui lorgne avec intérêt ses terres agricoles et ses mines. Dès 2008, le Qatar a signé avec le Kenya N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Dubaï Du
Golfe d’Oman
OMAN
En Afrique, il lorgne avec intérêt les mines et les terres agricoles.
DIPLOMATIE DU CHÉQUIER. Son hyperactivité
diplomatique a aussi fait du micro-État un pion indispensable sur l’échiquier international. Avant de se porter en première ligne des révolutions arabes, Doha a été un médiateur décisif dans de nombreux conflits. Une politique étrangère parfois qualifiée de « diplomatie du chéquier » ou de « diplomatie du téléphone ouvert », qui a donné de belles victoires au Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, le puissant Hamad Ibn Jassim Al Thani. En bons termes avec le Hamas et avec Israël, le Qatar a souvent joué l’intermédiaire entre les deux ennemis, notamment sur le dossier du caporal Gilad Shalit, relâché en octobre 2011. Et le 6 février, c’est dans la capitale de l’émirat que le président de l’Autoritépalestinienne,MahmoudAbbas,etKhaled Mechaal, du Hamas, ont signé la « déclaration de Doha»prévoyantlaconstitutiond’ungouvernement d’union pour préparer les prochaines élections législatives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. En 2007, Nicolas Sarkozy s’est tourné vers l’émirat pour obtenir la libération des infirmières bulgares emprisonnéesenLibye.ProcheduHezbollahcomme de ses opposants, le Qatar a permis, par ses bons offices, d’enrayer une crise armée au Liban en 2008. En 2009, c’est à Doha qu’a été signé l’accord de paix entre le Soudan et le Tchad. Et c’est naturellement à Doha que les Talibans afghans viennent d’ouvrir leur représentation internationale, à quelques kilomètres de la base américaine. Enfin, s’il se méfie de ses deux puissants voisins, l’émirat garde toutes les portes ouvertes à Riyad autant qu’à Téhéran… « Les leaders qataris ont probablement une vision et une position stratégique plus avancées que les autres leaders arabes: ils prennent plus de risques qu’eux, mais des risques bien calculés », constate MuhammadFaour,analysteauCarnegieMiddleEast Center, pôle beyrouthin du think-tank américain. « C’est avec les événements arabes de 2011 que le Qatar a pris sa vraie dimension internationale », précise l’intellectuel libanais Samir Frangieh. Après la victoire du parti islamiste Ennahdha aux élections qui ont suivi la révolution tunisienne, c’est à Doha que son leader, Rached Ghannouchi, a fait sa première visite à l’étranger. En Libye, l’émirat a été le premier pays arabe à reconnaître le Conseil national de transition (CNT), et sa participation aux opérations militaires de l’Otan lui a donné une légitimité régionale. En Syrie, son action a été décisive pour amener la Ligue arabe à isoler et à sanctionner le régime de Bachar al-Assad. Mais c’est surtout par le biais d’Al-Jazira, la « chaîne ● ● ● JEUNE AFRIQUE
jeune afrique .com
ð Lire aussi la tribune d’Anie Montigny
L’émirat insatiable
sur l’identité qatarie
QUESTIONS À | Francis Perrin
« Doha agace prodigieusement Téhéran » JEUNE AFRIQUE : Que fait le Qatar de son gaz ? FRANCIS PERRIN : Le pays a mis en œuvre une vraie stratégie de diversification. Tous les moyens pour valoriser le gaz ont été étudiés. Il en exporte chez ses voisins via le gazoduc Dolphin, et le projet Barzan alimente ses besoins énergétiques domestiques. Cette disponibilité d’importants volumes de gaz à des coûts compétitifs permet au Qatar de développer des industries annexes, comme celles des engrais et de la pétrochimie. Il est ainsi devenu le pionnier mondial en matière de technologie « Gas to liquids », qui permet de produire des produits pétroliers à partir de gaz. Mais, surtout, le Qatar s’est hissé au premier rang des exportateurs de GNL [gaz naturel liquéfié, NDLR]. Comment est ressentie cette montée en puissance ? Le Qatar a conquis très vite de grosses parts de marché, ce qui n’est pas toujours bien perçu par les autres exportateurs. L’Algérie se sent menacée sur le marché européen, son débouché naturel, et on lit régulièrement dans la presse des articles critiques sur les manières d’agir qataries. En Libye, le Qatar avait proposé au Conseil national de transition d’aider à la commercialisation du pétrole pendant le conflit. Cela n’a pu se faire, mais il s’est bien positionné pour développer les ambitions gazières du pays, dont le potentiel est largement sousexploité : l’exploration pourrait révéler des réserves importantes débouchant sur des projets majeurs, notamment dans le secteur du GNL, où le Qatar est expert.
La présence d’une base américaine peut être considérée comme une police d’assurance.
Comment le Qatar gère-t-il le partage de ses réserves avec l’Iran ? Les champs gaziers de North Dome au Qatar et de South Pars en Iran font partie du même supergisement, que les deux pays doivent se partager. Or l’Iran n’a pas été en mesure de développer ses projets d’exportations gazières du fait des sanctions américaines et européennes. Ayant beaucoup plus de puits, le Qatar puise mécaniquement dans les réserves de son voisin. Et cela agace prodigieusement Téhéran. On lit régulièrement dans les médias locaux des menaces plus ou moins voilées contre le Qatar. Vu le caractère stratégique du gaz et la relation qataro-iranienne, le fait que l’émirat accueille une base américaine de grande importance peut ainsi être considéré comme une police d’assurance. ● Propos recueillis par LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
DR
Directeur de la rédaction de Pétrole et Gaz arabes
du Printemps arabe », que le Qatar a influé sur le cours des événements, en couvrant intensivement les révolutions. « Il a suffi d’une chaîne de télévision pour tout bouleverser: c’est un nouveau monde issu d’un État de l’ancien monde », conclut Samir Frangieh. Ces bouleversements finissent en effet par trahir les contradictions de la politique qatarie. Révolutionnaire loin de chez lui, l’émir est vite devenu réactionnaire quand la contestation a fait tremblersonvoisinduBahreïn.Sesforcesdesécurité se sont jointes à celles du Conseil de coopération du Golfe pour aller défendre le roi menacé, Hamad Ibn Issa Al Khalifa, et Al-Jazira a fait le black-out sur les événements. « Plus les troubles se rapprochent de ses frontières, plus le Qatar se rétracte et devient profondément conservateur », explique Fatiha Dazi-Héni. Une attitude qui, pour ses détracteurs, démontre sa duplicité. Souvent accusé de déstabiliser les pouvoirs en place, l’émirat est soupçonné d’obéir à un agenda ambigu. Des antennes locales d’Al-Jazira sont régulièrement fermées, comme au Caire en septembre 2011. En Syrie, les partisans du régime voient dans le Qatar le maître d’œuvre du « complot étranger ». Et l’émir a apporté de l’eau à leur moulin quand il a plaidé pour une intervention militaire arabe, le 15 janvier, sur la chaîne américaine CBS. « Nous nous impliquons beaucoup diplomatiquement, et il est naturel qu’un tel engagement suscite des oppositions », explique Fahad al-Attiya, proche conseiller du prince héritier. ●●●
SOUPÇONS D’INGÉRENCE. Les Qataris semblent
confirmer parfois sans retenue les soupçons d’ingérence. En septembre 2011, à Paris, Cheikh Hamad se vantait : « Je suis chez moi en Libye, je peux vous y inviter moi-même ! » Deux mois plus tard, le représentant du CNT à l’ONU, Abderrahmane Chelgham, répliquait : « La Libye ne sera pas un émirat dirigé par le calife du Qatar. » En octobre, avant la tenue des élections tunisiennes, le prêche très suivi sur Al-Jazira de l’imam Youssef al-Qardaoui appelait à voter pour les islamistes d’Ennahdha, déjà soupçonnés d’être financés par Doha. « Le Qatar, plutôt bien vu en Occident, exaspère dans les pays arabes », explique Fatiha Dazi-Héni. Invité à Tunis pour la célébration du premier anniversaire de la chute de Ben Ali, le 14 janvier, l’émir a été chaleureusement accueilli par les nouvelles autorités, mais beaucoup plus fraîchement par les militants laïques, qui dénoncent le soutien du Qatar à Ennahdha. Quant aux Libyens, ils restent perplexes devant l’asile accordé à l’ex-tout-puissant ministre des Affaires étrangères de Kaddafi, Moussa Koussa, par le sponsor de leur révolution. Sur le plan intérieur, Cheikh Hamad a annoncé en novembre la tenue des premières élections législatives en 2013 ; mais pour Fatiha Dazi-Héni, « le Qatar est un État ultra-autocratique ». Une N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Qatar
Quand de rares voix s’élèvent, c’est pour dénoncer une surmodernité de façade mal perçue.
membres de la famille régnante sont assignés à résidence. Des événements similaires s’étaient déjà produits en juillet 2009. En septembre dernier, un bruit court sur internet et dans les rues de Doha : le convoi de l’émir aurait été la cible d’un attentat. La rumeur est tout de suite démentie, mais elle révèle une certaine anxiété intérieure. Pays ambigu derrière une façade dorée à la feuille, le Qatar continue de fasciner et d’être courtisé. Mais il jongle sur un terrain miné et, à oublier le sens des proportions, il pourrait bien perdre l’équilibre. Le très petit royaume ferait-il partie de ce monde où « tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, tout prince a des ambassadeurs », comme le décrivait Jean de La Fontaine dans sa fable sur La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ? ●
JANE MINGAY/WPA/GETTY IMAGES
chance : sa population très réduite et la redistribution de sa rente phénoménale ne sont pas propices à l’éclosion d’une contestation intérieure. Assis dans sa djellaba immaculée au Starbucks Coffee du City Center, le grand mall du quartier d’affaires de la capitale, le jeune Abdel Rahman confirme : « Les Qataris n’ont pas de culture politique, d’ailleurs les élections sont dans un an et très peu de gens s’étonnent de ne voir aucun candidat, aucun débat, aucune campagne… » À Doha, quand de rares voix s’élèvent, c’est surtout pour appeler au respect du conservatisme wahhabite et contre une surmodernité de façade mal perçue. « S’il y a une opposition, elle se situe au sein de l’establishment wahhabite et surtout de la famille régnante », précise Fatiha Dazi-Héni. Fin février 2011, trente officiers sont arrêtés et seize
Cheikha Mozah, l’atout charme Fille d’opposant et épouse de roi, élégante, engagée… et redoutable femme d’affaires. La princesse a acquis une influence considérable.
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nracontequelamariéeétaittriste, en ce jour de 1977 où elle devint la deuxième épouse de l’émir Hamad Ibn Khalifa Al Thani. Peut-être la jeune diplômée de sociologie songeaitelle à son père, Nasser Al Misnad, figure de l’opposition réformiste, emprisonné puis banni par celui qui devenait, de facto, son beau-père ? Comme dans les contes orientaux, la belle aurait été offerte dans le cadre d’un compromis scellant la réconciliation entre les familles ennemies. Depuis, Cheikha Mozah, 52 ans, a séché ses larmes et gagné en assurance. Celle que le magazine Forbes a classée comme la femme arabe la plus influente affiche une complicité sans faille avec son époux N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
et use toujours du « nous » plutôt que du « je ». Ensemble, ils poursuivent un objectif : réformer en profondeur le petit émirat gazier et en moderniser l’image. « J’ai vécu avec mon mari plus longtemps qu’avec mes parents. Je vis à ses côtés, je partage ses inquiétudes, ses espoirs et ses rêves pour le pays. Nous pensons qu’il faut concevoir de grands projets plutôt que d’agir de manière arbitraire. Et qu’il est de notre devoir de faire que les choses se réalisent », a-t-elle confié au Christian Science Monitor, un grand magazine américain. ELLE DÉRANGE. Élégante et altière, por-
tant un léger foulard qui renvoie plus au turban qu’au niqab traditionnel, Cheikha
Mozah est l’atout charme de ce couple qui fascine et agace à la fois. Car si elle séduit partenairesétrangersetmagazinespeople, chez les conservateurs qataris, elle fait grincer des dents. Icône du libéralisme qatari, la première dame Cheikha Mozah semble avoir été astreinte à une certaine réserve. On était habitués à la voir en tailleurs colorés, coiffée d’une simple toque, mais elle apparaît maintenant en tunique et voile noirs, bien que son cou et ses chevilles restent exposés. Ses interventions se font plus rares et discrètes. Son influence sur son mari n’est un secret pour personne, et ð LE COUPLE on l’accuse même d’être ROYAL, à l’origine du coup d’État en 2010, à Londres. qui l’a porté au pouvoir en 1995. Dans cette société bédouinetraditionnelle,sesprisesdeposition sur la place des femmes dérangent. De fait, elle est loin d’être étrangère à l’adoption, en 2006, d’un code de la famille qui leur donne plus de droits. Mère de sept enfants sur les vingt-sept de l’émir – dont l’héritier, Cheikh Tamim, 31 ans, qui a évincé Cheikh Jassim, issu d’un autre mariage –, Cheikha Mozah est une princesse engagée et une redoutable femme d’affaires. Présidente du Conseil suprême pour les affaires familiales, vice-présidente du Conseil suprême de l’éducation et ambassadrice de l’Unesco, elle est aussi à la tête de la Fondation du Qatar, qui investit massivement dans l’excellence universitaire, et du groupe Qatar Luxury, qui a racheté en août la marque française Le Tanneur et dont elle veut faire un géant international du luxe, au même titre que LVMH. ● LEÏLA SLIMANI JEUNE AFRIQUE
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FETHI BELAID/AFP
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De g. à d. : CHEIKH HAMAD IBN KHALIFA AL THANI en compagnie du Tunisien MONCEF MARZOUKI (le 13 janvier 2012), du Marocain MOHAMMED VI (le 24 novembre 2011), du Libyen MUSTAPHA ABDELJALIL et de l’Algérien ABDELAZIZ BOUTEFLIKA (le 15 novembre 2011). INVESTISSEMENTS
Cap sur le Maghreb Profitant notamment de la nouvelle donne en Tunisie, l’émirat accélère son offensive dans la région.
LAURENT DE SAINT PÉRIER
S
et
LEÏLA SLIMANI
i Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani, invité pour les célébrations du premier anniversaire de la révolution tunisienne, le 14 janvier, a été malmené par des manifestants dénonçant sa proximité avec les islamistes d’Ennahdha, il a aussi été la personnalité la plus choyée par les autorités. Et pour cause : douze épais documents ont été signés à cette occasion. Le Qatar s’est engagé à acquérir pour 380 millions d’euros de bons du Trésor et à financer une série de projets dans l’énergie, l’environnement, l’eau, l’immobilier, l’humanitaire et le social. Proposant sa contribution à une Caisse de soutien aux familles des martyrs et des blessés de la révolution, l’émir a assuré : « Vos martyrs et vos blessés sont aussi les nôtres. » « Grâce à leur proximité avec Ennahdha et à leur chéquier, les Qataris avancent leurs pions en Tunisie. Ils vont vite et sont à présent des concurrents », explique un bailleur européen. Il faut dire que le Qatar avait déjà posé quelques jalons, début 2011, en acquérant 75 % du capital de l’opérateur téléphonique Tunisiana – les 25 % restants, qui étaient entre les mains du gendre de Ben Ali, ayant été récupérés par l’État. JEUNE AFRIQUE
En Algérie, les relations sont plus compliquées. Les deux pays sont en concurrence directe dans le secteur du gaz, notamment sur le marché européen. Surtout, l’activisme du Qatar en faveur des contestations arabes a profondément irrité Alger, où l’immobilisme relève tout à la fois du mode de gestion et de l’assurance vie. Le 18 mai 2011, Cheikh Hamad n’est resté qu’une journée à Alger, pour un voyage d’État aussi bref que silencieux. GALOP D’ESSAI. Les relations bilatérales
ont repris un cours normal lors de la venue du président Abdelaziz Bouteflika au Forum des pays exportateurs de gaz, le 15 novembre, à Doha. Accolades, embrassades, discussions dans les suites des plus beaux hôtels de la capitale… Quelques jours plus tard, le ministre qatari de l’Énergie se rendait en Algérie pour signer un mémorandum de coopération qualifié d’« important ». À la clé, la création de sociétés d’investissements dans les mines, l’énergie, la pétrochimie, l’agriculture et les transports. En 2007, l’acquisition par Qatar Telecom de 80 % de Wataniya Telecom Algérie, devenu Nedjma, était un galop d’essai. Depuis, l’étalon accélère. Et traverse les frontières, même s’il reste
encore derrière les cracks des investissements directs étrangers au Maghreb (Chine, Émirats arabes unis, France…). Exemple en Mauritanie, où Qatar Steel est notamment partenaire du projet minier de Guelb el-Aouj depuis 2007. Sur le tarmac de l’aéroport de Rabat, le 24 novembre 2011, le roi Mohammed VI et l’émir ont échangé une longue poignée de main. Les deux pays entendent relancer leurs échanges commerciaux, qui ne dépassent pas les 50 millions d’euros par an. Au menu, la création d’une société d’investissement commune et la coopération dans le tourisme et les mines. Un page se tourne. En 1995, Hassan II avait blâmé le coup d’État de Cheikh Hamad contre son père. Sous le règne de Mohammed VI, le ton critique d’AlJazira a entraîné en 2010 la fermeture du bureau de la chaîne qatarie à Rabat, qui n’a toujours pas rouvert ; mais les journalistes ont de nouveau l’autorisation de travailler dans le royaume. En période de crise, difficile de tourner ledosaurichissimeémirat.Dotédeplusde 2 milliards d’euros et financé en partie par le fonds souverain qatari, Wessal Capital, un fonds d’investissement touristique créé en novembre, est une aubaine pour le Maroc. Doha prévoit aussi l’implantation de deux banques islamiques via Qatar International Islamic Bank, et Qatar National Bank envisage d’entrer au capital d’Attijariwafa Bank. Dans l’immobilier, l’émirat va financer la construction de deux parcs d’attractions à Casablanca et à Marrakech. C’est d’ailleurs dans la Ville ocre que l’émir et son épouse ont passé les fêtes de fin d’année. Tout un symbole, dans cette cité habituée à recevoir les amis du royaume. ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Grand angle
Qatar
INFLUENCES
Médias, sport et culture: le tiercé gagnant Le pays ne manque pas d’atouts pour rayonner dans le monde et rivaliser avec les plus grandes nations. YOUSSEF AÏT AKDIM et LEÏLA SLIMANI
Aucune stratégie de conquête diplomatique d’envergure n’est possible sans avoir pour relais un puissant empire médiatique. Le Qatar l’a compris mieux que tout autre. En 1996, après avoir renversé son père, Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani crée Al-Jazira (« la péninsule »). La nouvelle chaîne, qui émet dans 35 pays et 24 heures sur 24 à partir de 1998, se veut indépendante et prétend incarner la voix de la rue arabe plutôt que celle de ses élites gouvernantes. Grâce à sa couverture de la guerre en Afghanistan, d’Al-Qaïda, puis, plus récemment, du Printemps arabe, Al-Jazira est devenu un concurrent des plus grandes chaînes internationales d’informations et a fait émerger toute une génération de journalistes arabes pointus. En 2006, le lancement d’Al-Jazira English a placé le groupe qatari au même niveau que les célèbres CNN ou BBC. Après Al-Jazira Balkans en 2011, seront bientôt lancées une chaîne en turc et une autre en swahili. En février 2011, Al-Jazira Satellite Network a acquis la chaîne turque Cine 5, pour un montant de 30 millions d’euros ; le groupe entend bien, selon le chercheur Hasni Abidi, se faire une place « dans ce pays pivot entre l’Europe et le monde arabe. La Turquie est une puissance régionale qui inspire les nouvelles démocraties d’Afrique du Nord ». Quant au swahili, cela permet de mettre un premier pied en Afrique, terrain de jeu encore peu concurrentiel mais déjà convoité par les investisseurs chinois (lire pp. 74-76), américains et français (TV5 et France 24). Des rumeurs annoncent pour bientôt des chaînes en espagnol, en portugais et… en français. Cela paraît logique. L’Afrique francophone constitue un marché en devenir, et, en France, la population d’origine maghrébine s’intéresse à l’actualité du Maghreb et du Moyen-Orient. L’offensive ne fait que commencer… N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
BENJAMIN LOWY/GETTY
Al-Jazira L’étendard sur écran
AYMAN MOHYELDIN, correspondant d’Al-Jazira English au Moyen-Orient, couvrant les événements de la place Al-Tahrir, au Caire, en mars 2011.
LAHALLE/PRESSESPORTS
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L’ex-footballeur LEONARDO (g.), directeur sportif du PSG, et NASSER AL-KHELAÏFI (d.), président du club français, directeur général d’Al-Jazira Sport… et proche de l’émir.
Football, moto, hippisme… Dans la cour des grands
Il y a quelque temps encore, le sport qatari ne suscitait qu’indifférence et raillerie. Point de chute pour footballeurs vieillissants – le Brésilien Sonny Anderson, l’Argentin Gabriel Batistuta – au début des années 2000, la Qatar Stars League ne passionnait guère les amoureux du ballon rond. Les ambitions de puissance du petit émirat prêtaient également à sourire
quand le Qatar recrutait des athlètes, notamment kényans. Mais depuis, les règles de changement de nationalité ont été revues par la Fédération internationale d’athlétisme. Et une nouvelle image du sport qatari s’est imposée. Point d’orgue, l’attribution de la Coupe du monde de football 2022, avec comme flamboyant ambassadeur un certain Zinédine Zidane. Les mauvaises langues, parmi les candidats perdants, ont JEUNE AFRIQUE
L’émirat insatiable avec pour ambassadeur Nasser Saleh al-Attiyah, vainqueur du rallye Dakar 2011. Enfin, au-delà des perspectives d’affaires qu’ouvre le foot-business, l’émir entretient une passion sincère pour les pur-sang. Son haras d’Al Shaqab est l’un des plus réputés au monde. Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani s’est même offert le luxe de sponsoriser, jusqu’en 2022, le prix de l’Arc de Triomphe à Paris, la plus chic des courses équestres.
NICOLAS KRIEF/FEDEPHOTO
Musées Des projets pharaoniques
Œuvre de l’architecte américano-chinois Ieoh Ming Pei, LE MUSÉE D’ART ISLAMIQUE DOHA, dont le coût est estimé à 350 millions de dollars, a été inauguré en 2008.
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relayé les rumeurs de corruption. Mais on retiendra que ce Mondial se jouera dans des arènes climatisées et que, après la compétition, des stades seront démontés pour être rebâtis dans des pays d’Afrique. Qui arrêtera le formidable appétit du Qatar? En décrochant, en décembre 2011, les droits de retransmission en France de la majorité des matchs de la Ligue des champions européenne – après avoir déjà raflé la Ligue 1 française –, JEUNE AFRIQUE
Al-Jazira a suscité la polémique. L’émirat a récemment racheté le club du Paris Saint-Germain, promettant des titres et des stars à grand renfort de pétrodollars. Doha déploie aussi son ambition sur les circuits de sports mécaniques. Depuis 2004, le Qatar accueille une étape du championnat du monde Moto GP, devenue en 2008 la première course de nuit de l’histoire de cette compétition. L’objectif à terme est d’accueillir la Formule 1,
Faire de Doha un carrefour de la culture au milieu du désert… C’est le projet fou – mais en passe de se réaliser – des autorités. Contrairement à Abou Dhabi, qui attire sur son sol les prestigieux musées du Louvre ou du Guggenheim, le Qatar mise sur la culture arabo-islamique. Au départ, c’est Saoud Ibn Mohammed Al Thani, cousin de l’émir et ancien ministre de la Culture, qui a lancé une pharaonique politique des musées. Ce grand collectionneur d’art a recruté le célèbre architecte américano-chinois Ieoh Ming Pei pour imaginer le Musée d’art islamique de Doha, inauguré en 2008 pour un coût estimé à 350 millions de dollars. Inspiré de la mosquée d’Ahmad Ibn Touloun, au Caire, il s’étend sur 45000 m2 et couvre treize siècles d’art islamique. Pour Cheikha Al Mayassa Bent Hamad Al Thani, présidente de l’Autorité des musées du Qatar et fille de l’émir, « ce musée met en relief le rôle de la civilisation musulmane dans le rapprochement entre les cultures ». En 2010, c’est le Mathaf, le Musée arabe d’art moderne, qui a été inauguré. Pour la première fois, une institution rassemble les œuvres des plus grands peintres arabes, jusque-là disséminées entre des collections de particuliers et quelques musées nationaux. Le Mathaf a reçu en don une partie de la collection de la famille régnante – notamment celle de Hassan Al Thani, neveu de l’émir –, mais a aussi acquis à prix d’or des centaines d’œuvres, faisant exploser le marché de l’art arabe contemporain. Enfin, en 2013, le Musée national du Qatar, dessiné par l’architecte français Jean Nouvel, devrait ouvrir ses portes. Il occupera un site de 140 000 m2 et aura la forme d’une rose des sables. D’autres projets culturels sont en cours, dont un muséum d’histoire naturelle, une bibliothèque nationale et un musée de la photographie. ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Afrique subsaharienne
MALI
Guerre à huis Ils ne sont que quelques centaines, mais menacent la stabilité de tout le nord du pays. Mieux équipés et plus déterminés que jamais, les rebelles touaregs ont pris tout le monde de court.
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MALIKA GROGA-BADA, avec BABA AHMED, CHRISTOPHE BOISBOUVIER
à
Bamako, et
L
es rébellions touarègues, le Mali en a l’habitude. En 1963, puis en 1990, puis à nouveau en 2006, les « hommes bleus » ont pris les armes. Mais jamais Bamako n’avait à ce point été pris au dépourvu. Depuis que Ménaka a été attaqué, le 17 janvier, par les hommes du colonel Assalat Ag Habbi, un déserteur de l’armée malienne, les combats se multiplient et les villes tombent, pour ensuite être reprises – mais pas toujours. Tessalit, Aguelhok, Leré, Niafunké, Goundam, Anderamboukane, Tinzawaten… La liste est longue et fait la fierté du Mouvement national de libération JEUNE AFRIQUE
clos
de l’Azawad (MNLA), créé en juillet 2011. Pour la première fois, c’est la stabilité de tout le Nord qui est menacée. Dans la classe politique et la société civile maliennes, les appels au cessez-le-feu se sont multipliés. Mais même si une solution politique devait être trouvée, le fond du problème (l’irrédentisme touareg, alimenté par un sentiment de marginalisation économique, politique et communautaire et par la non-application des accords conclus en 2009) ne sera pas résolu dans l’immédiat. Enquête suruneguerrecachée,sanstémoinsniobservateurs, qui fait peur à toute la région.
Que fait ATT ?
Le chef n’est jamais inquiet. Il n’empêche que, chaque jour, le président Amadou Toumani Touré JEUNE AFRIQUE
VERONIQUE DE VIGUERIE/GETTY IMAGES
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(ATT) appelle le QG de l’armée à Gao, où il a placé des hommes de confiance, et il n’a pas cru bon de s’éloigner du pays pour assister au sommet annuel de l’Union africaine, à la toute fin du mois de janvier. Plutôt que de le remplacer à AddisAbeba, Soumeylou Boubèye Maïga, son ministre des Affaires étrangères, a été envoyé négocier avec une délégation touarègue, le 2 février, à Alger. Sans succès. ATT, enfin, a procédé à un léger remaniement ministériel, remplaçant Natié Pléah, à la Défense, par Sadio Gassama, jusque-là chargé de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. À Bamako, les informations sur l’état d’esprit du chef de l’État et sur le dispositif militaire mis en place sont distillées au compte-gouttes. Aucun élément non plus sur le coût de cette guerre, chère
UN COMBATTANT MOUVEMENT NATIONAL
DU
DE LIBÉRATION DE L’AZAWAD
(MNLA) dans le nord du Mali, en décembre dernier.
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Afrique subsaharienne qui ont aidé à mater la rébellion touarègue de 2006 dans la région de Kidal: les colonels-majors El Hadj Gamou et Mohamed Ould Meidou. Le premier a l’avantage d’être un Touareg, de la tribu Imghad, et a été le commandant de la région militaire de Gao. Le second est un Maure, ancien commandant de la région militaire de Mopti, et lui aussi est un familier des missions de rétablissement de l’ordre dans le nord du pays. Sous leurs ordres, un peu plus de 1000 hommes, déployés sur place à la fin décembre, alors que Bamako percevait les premiers frémissements de la rébellion. Ils sont venus épauler les garnisons de Kidal et de Gao, et ont reçu le soutien de milices arabesettouarèguesralliéesaupouvoircentral(près de 400 hommes, estime-t-on de source militaire). Ils ont à leur disposition des 4x4, des blindés de reconnaissance de type BRDM, des véhicules de transport de troupes de fabrication sud-africaine (RG-31 Nyala) et des blindés légers. Sans compter le soutiend’hélicoptèresdecombat(desMi-24achetés à la Bulgarie, entretenus et pilotés, pour certains, par des Ukrainiens) et d’avions de reconnaissance. Néanmoins, l’armée malienne peine à contenir les assauts des rebelles, moins nombreux certes, mais bien équipés – et extrêmement motivés. Le MNLA, lui, a pris ses quartiers dans les collines autour de Zakake, au nord de Kidal, et revendique un millier d’éléments. Il y a là d’anciens soldats de l’armée libyenne revenus au pays et emmenés par Mohamed Ag Najem, ex-colonel de Kaddafi ; ils seraient un peu moins de 400. Dans le nord du Mali, ils ont retrouvé les hommes d’Ag Bahanga.
en munitions, en équipements militaires et en carburant. Le bilan humain lui-même est difficile à vérifier. Officiellement, l’armée aurait perdu une quarantaine d’hommes, mais, de source proche de l’état-major, on laisse entendre que la réalité serait plus proche des 120 victimes.
Poudiougou le fidèle
Aulendemaindel’attaquecontreMénaka,ils’était installé à Gao. Depuis, il est revenu à Bamako, mais coordonne toujours la lutte contre la rébellion. « Il », c’est le général Gabriel Poudiougou, 57 ans, nommé en 2008 au poste de chef d’état-major général des armées. Originaire de Dana, dans la régiondeMopti(Centre),c’estunfidèleduprésident ATT, auquel il doit son grade actuel. Issu de l’École militaire interarmes (Emia) de Koulikoro, il a parfait sa formation d’officier en Union soviétique, puis sur les bancs de l’École de guerre, à Paris, avant de prendre la direction de la garde nationale, de 1994 à 2001. Longtemps en poste dans la région de Kidal, il connaît le terrain et ses difficultés, et, à l’époque où il était simple colonel, il avait déjà eu affaire aux hommes d’Ibrahim Ag Bahanga, figure de la rébellion touarègue, mort en août 2011.
Près de 400 Touaregs ont quitté la Libye après la chute du « Guide » et ont rejoint l’insurrection.
Les forces en présence
C’est à Gao que l’armée malienne a installé son quartier général. Poudiougou n’y est plus depuis le 30 janvier, mais il a laissé sur place les généraux Kalifa Keïta, chef d’état-major de l’armée de terre, et Wali Sissoko, adjoint au chef d’état-major de l’armée de l’air. Eux-mêmes s’appuient sur deux officiers
Bamako perd-il le Nord ? SOURCE : JEUNE AFRIQUE
Attaques des rebelles
300 km
QG de l’armée à Gao Aza Azawad, région dont le MNLA revendique l’in l’indépendance Populations déplacées
LIBYE
ALGÉRIE
Tessalit Aguelhok
MAURITANIE
Tinzawaten Kidal
Zone de peuplement touareg
NIGER
Tombouctou
Goundam Gaoo Ga Niafunké Leré
Ménaka Anderamboukane
SÉNÉGAL Bamako GUINÉE SIERRA LEONE
BURKINA FASO GHANA
CÔTE D’IVOIRE
TOGO
BÉNIN
NIGERIA JEUNE AFRIQUE
BABA AHMED
Afrique subsaharienne
RAPPELÉ À BAMAKO LE 30 JANVIER DERNIER, LE GÉNÉRAL POUDIOUGOU, CHEF D’ÉTATMAJOR GÉNÉRAL DES ARMÉES (ici, à dr., avec le président Amadou Toumani Touré, à Kati, en janvier 2011) demeure un homme clé du dispositif militaire.
Leurs armes sont des fusils d’assaut, des missiles (sol-sol et sol-air), des lance-roquettes multiples BM-21 (« orgues de Saline ») et des mortiers, tout droit venus des arsenaux libyens. « Les rebelles, fait-on remarquer à Bamako, sont presque mieux équipés que nos soldats. Pas étonnant qu’il y ait des désertions. »
Ag Najem, l’ennemi public numéro 1
Le cerveau des attaques de la mi-janvier, c’est lui : Mohamed Ag Najem. Âgé d’une cinquantaine d’années, originaire de l’Adrar des Ifogha, il a servi dans l’armée libyenne avec le grade de colonel-major jusqu’en juillet 2011 (lire J.A. no 2663). Positionné à Sebha, dernière grande ville du Sud, au croisement des axes qui mènent à l’Algérie, au Niger et au Tchad, il était affecté à « la surveillance des voies de passage pour lutter contre les trafiquants », précise le MNLA. À Bamako, on fait valoir que le poste lui a très certainement permis de rentrer au pays les poches pleines.
Le blues de l’armée
En pleine restructuration, enchaînant encore des programmes de formation avec des militaires français, américains ou algériens, l’armée malienne n’était pas préparée à affronter un ennemi aussi aguerri. Certes, la hiérarchie a pris soin d’intégrer à chaque unité des Touaregs et des Arabes, qui parlent les langues de l’Azawad (c’est-à-dire le tamasheq, la JEUNE AFRIQUE
langue des Touaregs, mais aussi le songhaï, l’arabe ou le peul). Mais en face, les rebelles sont organisés enpetitesunitésetharcèlentlespositionsdel’armée. Chaque semaine, des militaires touaregs désertent pour rejoindre les rangs du MNLA. « Leurs frères d’armes se méfient d’eux, explique Hama Ag Sid Ahmed, porte-parole de la rébellion. [Les Touaregs de l’armée régulière] craignent pour leur vie, alors ils préfèrent partir. » Communication de guerre? Oui, mais pas seulement.Plusieursofficiersontbeletbienfaitdéfection. Là aussi, l’armée répugne à communiquer, mais le lieutenant-colonel Mbarek Ag Akly et le colonel Iba Ag Moussa sont passés à l’ennemi. Même chose, début février, pour le colonel Hassan Ag Mehdi, jusque-là haut fonctionnaire au ministère malien de la Défense. Dans un communiqué, il dénonce l’attitude de Bamako « qui a jeté sur les routes de l’exil des cadres, des officiers, des diplomates, des députés et même des ministres [allusion au ministre de l’Agriculture, Aghatam Ag Alhassane, qui a mis sa femme à l’abri à Ouagadougou, et à Ahmed Mohamed Ag Hamani, ancien Premier ministre d’ATT, qui a envoyé ses proches au Sénégal, NDLR] à cause de leur couleur de peau et de leur appartenance ethnique ». De fait, le 1er et le 2 février, à Bamako et à Kati (ville garnison proche de la capitale), des commerces tenus par des Touaregs ou d’autres Maliens à la peau claire ont été saccagés, faisant craindre une résurgence des tensions ethniques.
Avec Aqmi, même combat ?
S’il y a une chose dont se défend le MNLA, c’est d’entretenir des liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). « Au contraire ! On veut débarrasser nos terres de ces gens, martèle Hama Ag Sid Ahmed. Nous avons déjà sorti des mains d’Aqmi une vingtaine de jeunes Touaregs. » Sur le terrain, les choses ne sont pas si simples. Les rebelles n’ont-ils pas planté leur drapeau sur certaines villes du Nord en criant « Allah Akbar ! » (« Dieu est grand ! ») ? On sait aussi que Iyad Ag Ghali, le meneur des rébellions touarègues de 1990 et 2006, est un parrain tacite du MNLA. Or il entretient des liens – familiaux, selon certaines sources – avec un émir touareg d’Aqmi, Abdelkrim Targui, connu pour ses méthodes expéditives. Certains n’ont pas manqué de faire le lien avec les corps de soldats mutilés retrouvés à Aguelhok, en janvier. « C’est de la manipulation, déclare-t-on au MNLA. Les soldats n’ont pas été massacrés et ces photos sont de vieilles images qui visent à discréditer notre action. »
Des Occidentaux attentifs
Depuis le début de l’offensive touarègue, ATT a eu deux conversations téléphoniques avec Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères. Lui a-t-il demandé de l’aide ? « Au minimum, ATT N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Afrique subsaharienne a dû demander aux Français et aux Américains de partager avec lui les renseignements de leurs satellites sur tout ce qui bouge dans le nord du Mali, confie une source sécuritaire. Et pour Paris et Washington, il est difficile de dire non. » Plus que les États-Unis la France est impliquée dans les événements du nord du Mali. À cause, bien entendu, des six otages français que détient Aqmi dans cette région. Fin 2011, des notables touaregs proches du MNLA sont venus à Paris pour tenter une opération séduction. Moyennant une attitude bienveillante à l’égard du mouvement rebelle, ils se sont dits prêts à aider la France dans ses efforts pour combattre les salafistes. Réponse des Français: « Si vous voulez régler son compte à Aqmi, c’est
Approché par le MNLA, Paris a répondu : « Pas touche à l’intégrité territoriale du Mali. »
très bien, mais ce n’est pas une raison pour qu’on vous soutienne contre le gouvernement malien. » Paris a quelques griefs contre ATT : « Dans le dossier Aqmi, il a mis la tête dans le sable. Et dans celui du code de la famille, son recul n’est pas glorieux. » Mais les Français reconnaissent que c’est un président démocrate, qui ne s’accroche pas au pouvoir. Surtout, ils ne veulent pas entendre parler de l’indépendance de l’Azawad. « On l’a dit aux proches du MNLA, précise un haut fonctionnaire. Pas touche à l’intégrité territoriale du Mali. Si vous demandez l’indépendance, on ne pourra pas vous soutenir. En revanche, si un dialogue s’instaure pour une régionalisation ou une autonomie du Nord, on est prêts à aider, mais pas en première ligne. » ●
Mauvais voisinage L’afflux de réfugiés inquiète les pays frontaliers. Ils redoutent une extension du soulèvement.
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l suffit d’une carte pour comprendre. Moins de 50 km séparent Ménaka, première ville attaquée par les rebelles, et la frontière avec le Niger. Il suffit ensuite d’avoir quelques notions de géographie pour constater que la région de l’Azawad s’étend jusqu’aux contreforts de l’Aïr. Il suffit enfin d’avoir quelques connaissances historiques pour se rappeler que les Touaregs nigériens ont fait parler la poudre dans les années 1990et,plusrécemment,entre2007 et 2009. « Les risques de contagion sont réels et il faut agir d’urgence. Cela passe par la prise en compte des revendications économiques et sociales. Au Niger, ce travail est effectif », explique Moustapha Kadi, l’un des leaders les plus écoutés de la société civile. Et ce Touareg natif de Tahoua d’ajouter : « Tout le monde comprend maintenant pourquoi le président Issoufou a choisi un Premier ministre touareg [Brigi Rafini, NDLR]. » EXPLOSIVE. Si cette nomination est de
nature à apaiser les éventuelles revendications identitaires, Niamey a préféré prendre les devants face à cette guerre de l’Azawad. Renforcement du dispositif militaire à la frontière, visite du ministre de la Défense… Il y a urgence. D’autant qu’une crise humanitaire menace de s’ajouter à la pénurie alimentaire qui sévit déjà. Début N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
février, 10 000 personnes, venues en charrette, à dos de chameau ou même à pied, s’entassaient déjà autour de Chinegodar, sans eau ni nourriture. Cette migration du désespoir touche toute la bande saharienne. En Algérie, des milliers de réfugiés affluent dans la région de Bordj el-Mokhtar, au beau milieu du désert du Tanezrouft. Au Burkina Faso, les autorités, qui ont dépêché sur place deux hélicoptères et des patrouilles terrestres pour surveiller la frontière, recensaient, le 8 février, 3 000 personnes, principalement dans la région de Djibo. Et en Mauritanie, c’est autour de Fassale que les arrivées sont le plus massives. La situation est explosive. « Nous sommes impatients de voir à l’œuvre le successeur d’Amadou Toumani Touré, car ce dernier n’a pas montré beaucoup d’efficacité sur les questions sécuritaires », lance un ministre ouest-africain des Affaires étrangères. Les griefs portent
tout à la fois sur la gestion d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), les prises d’otages et les rançons versées pour leur libération, ainsi que sur le récent retour au pays des desperados kaddafistes. « Les accusations de collusion de certains hauts gradés maliens avec les terroristes et les trafiquants prospérant dans le Nord-Mali sont parfaitement crédibles », estime un expert de la région. RISQUÉE. Que faire dans ces conditions?
Attendre la présidentielle malienne, en avril prochain? Une solution trop tardive, donc trop risquée. Les capitales régionales plaident pour un « plan global » impliquant l’ensemble du Sahel et placé sous l’égide des Nations unies. Ce sera à l’ordre du jour du prochain sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le 16 février à Abuja. ● PHILIPPE PERDRIX JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne CÔTE D’IVOIRE
Journalistes sous surveillance
«
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ientôt, nous allons lutter contre ce genre d’articles. Ce ne sont pas les moyens qui nous manquent. On est fatigués de vous. » La menace est claire et l’auteur, anonyme. Ce jour-là, Le Quotidien d’Abidjan, proche du Front populaire ivoirien (FPI, de Laurent Gbagbo), publie une liste de cadres du Nord nommés dans l’administration par Alassane Ouattara – lui-même originaire du Nord –, et le téléphone d’Allan Aliali, directeur de la publication, n’arrête pas de sonner. Souvent marqués politiquement, les journalistes ivoiriens sont habitués aux menaces. La spectaculaire chute de leur pays dans le classement de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse ne les a pas surpris. Dans son palmarès 2011-2012, dévoilé le 25 janvier, l’ONG place la Côte d’Ivoire au 159e rang sur 179, alors qu’elle était 118e sur 178 en 2010. Pour RSF, ce recul est lié au conflit postélectoral. Les violations ont atteint leur paroxysme entre décembre 2010 et
« Plus rien ne sera comme avant », avait prévenu, le 3 mai, Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur – et fondateur du quotidien Le Patriote. « La liberté a une certaine frontière. On ne parle plus de liberté quand elle transcende certaines valeurs. Des gens avaient pensé que l’impunité était sans limite. » Un blanc-seing aux forces de l’ordre et aux hommes de loi? En tout cas, les interpellations se sont multipliées. Arrêté le 31 janvier, le directeur de publication du Patriote, Charles Sanga, a ainsi été Le 30 novembre 2011, à Abobo. À LA UNE DE LA PRESSE : le transfert de Laurent Gbagbo à La Haye. détenu une journée dans les locaux de la Direction de la avril 2011 : attaques armées contre les surveillance du territoire. Les enquêteurs voulaient identifier une de ses sources. médias d’État, suspension forcée de jourEn dépit de ces pratiques, la tension naux pro-Ouattara, meurtre d’un employé a baissé et Mam Camara, président de de Notre voie (pro-FPI), etc. Mais elles l’Union nationale des journalistes de Côte n’ont pas cessé après la capture de Laurent d’Ivoire (UNJCI), se veut optimiste. « Ce Gbagbo. Accusées d’avoir éliminé Sylvain recul [dans le classement de RSF, NDLR] Gagnétaud, un journaliste favorable au est un signal en direction des autorités, président sortant, les Forces républicaines qui doivent veiller à ce que la presse soit de Côte d’Ivoire (FRCI) ont saccagé plulibre et indépendante, estime-t-il. Le chef sieurs rédactions et occupé longuement de l’État s’y est engagé lors des échanges le siège de Notre voie. Comme ce dernier, de vœux avec la presse. J’ai bon espoir. » introuvable entre le 11 avril et le 23 mai, Rendez-vous donc en 2013. ● les titres pro-Gbagbo n’ont pas pu paraître ANDRÉ SILVER KONAN, à Abidjan pendant plusieurs semaines. ISSOUF SANOGO/AFP
Le pays perd 41 places dans le classement de Reporters sans frontières. Le conflit postélectoral y est pour quelque chose, mais pas seulement.
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Afrique subsaharienne SÉNÉGAL
Souleymane Ndéné Ndiaye « Personne ne peut battre Wade »
Le président sortant a le droit de briguer un troisième mandat. Pour le Premier ministre, c’est une évidence. Selon lui, la victoire du chef de l’État ne fait guère de doute.
C
omme Macky Sall avant lui – « un ami » dit-il, avec qui il a partagé sa chambre d’étudiant dans les années 1980 –, Souleymane Ndéné Ndiaye (53 ans) cumule les fonctions de Premier ministre et de directeur de campagne d’Abdoulaye Wade.Hommedecaractère,impulsifselon ses proches, cet avocat de formation est un « historique » du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), qu’il a rejoint au début des années 1980 après une brève expérience trotskiste. Porte-parole puis ministre du président Wade, il a gravi les échelons un à un jusqu’à obtenir la primature en avril 2009. « Ce n’est pas le plus brillant des libéraux, dit de lui un ancien ministre, mais c’est de loin le plus fidèle. » Le chef de l’État sénégalais n’ayant donné suite à aucune des sollicitations de Jeune Afrique, il était logique de se tourner vers lui pour porter la parole du camp Wade.
JEUNE AFRIQUE : À l’heure où nous parlons, quatre personnes sont mortes à la suite des protestations contre la candidature d’Abdoulaye Wade. Le président a comparé ces événements à une simple « brise ». N’est-ce pas insultant ? SOULEYMANE NDÉNÉ NDIAYE : Il ne
faut pas s’attacher aux mots employés. Le président Wade voulait dire que ce ne sont que des manifestations passagères, mais nous regrettons beaucoup ces décès. Craignez-vous que la campagne électorale dégénère ?
Je ne le souhaite pas. Il faut que les hommes politiques retrouvent la raison, qui doit l’emporter sur les ambitions personnelles – je dirais même sur les prétentions personnelles ! J’espère que les gens comprendront qu’il faut aller faire campagne, plutôt que d’installer le chaos. Les opposants dénoncent la validation N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
de la candidature d’Abdoulaye Wade. Ils parlent d’un Conseil constitutionnel « aux ordres »…
Je regrette qu’on puisse caricaturer ainsi le Conseil constitutionnel. Regardez le CV des cinq membres : vous vous rendrez compte de la valeur de chacun d’entre eux.
Ils ont tous été nommés par le président. N’est-ce pas un facteur de suspicion ?
Le Conseil actuel est issu de la réforme du système judiciaire de 1992, voulue par les socialistes. Si on doit changer, pourquoi pas ! Mais le président n’a aucune relation avec aucun des membres du Conseil constitutionnel, ni de près ni de loin.
Deux jours avant la décision des cinq « sages », Wade a déclaré à des journalistes: « La Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée. Tout seul. » Est-ce le rôle d’un président de rédiger la Constitution ?
En disant cela, il a voulu battre en brèche les innombrables individus qui se targuent d’avoir participé à la rédaction de ce texte
promesse. En 2007, après sa réélection, il l’a réitérée.Aujourd’hui, il brigue pourtant un troisième mandat…
Le chef de l’État est revenu plusieurs fois sur la valeur des propos qu’on lui prête. La réalité, c’est que la Constitution lui permet de briguer un autre mandat. Le président a été élu en 2000 sur la base de la Constitution de 1963, pour sept ans. Aussitôt élu, il a fait voter une Constitution qui a réduit le mandat à cinq ans [repassé
Nous, nous étions sur le terrain pendant que les opposants occupaient les médias. alors qu’il n’en est rien. Le président avait une certaine vue de ce qu’il fallait faire pour rénover la Constitution. Il a couché sur le papier sa vision et ses objectifs. Puis il a remis le document à la disposition de juristes qui ont validé son travail. Le présidentSenghorn’auraitjamaispurédigerla Constitution, car c’était un littéraire. Mais le président Wade est un juriste. L’idée phare de cette révision était de limiter à deux le nombre de mandats du président. Il s’agissait d’un engagement politique. En 2000, Wade a été soutenu par une coalition sur la base de cette
à sept ans depuis, NDLR] et en a limité le nombre à deux. Mais cela ne s’appliquait pas à son premier mandat. Il n’a donc fait qu’un mandat sur la base de la Constitution de janvier 2001. Mais d’un point de vue éthique, n’est-ce pas choquant de revenir sur sa parole ?
Il ne faut pas mélanger morale et droit. La violation d’une règle de droit appelle la sanction, mais la violation d’une règle de morale n’appelle que la réprobation.
Abdoulaye Wade a officiellement 85 ans. En 2019, à la fin de son mandat s’il est JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne ð AUJOURD’HUI ÂGÉ DE 53 ANS, il est à la tête du gouvernement depuis avril 2009. Envisagez-vous la défaite ?
Je crois que personne ne peut battre Wade. Mais si la défaite survient, nous l’accepterons.
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
De nombreux Sénégalais se plaignent de la cherté de la vie et du chômage, et tiennent le président pour responsable…
réélu, il en aura 92. Est-ce un âge pour diriger un pays ?
Contrairement à l’Occident, où l’âge est un handicap, chez nous en Afrique, c’est un atout. L’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ nous rappelait qu’un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle. Wade est devenu un sage. Pour le voir tous les jours, je peux vous assurer qu’il est en pleine possession de ses moyens. N’a-t-il pas été pris à son propre piège en éliminant, au fil des années, tous ses successeurs putatifs, en l’occurrence Idrissa Seck et Macky Sall ?
Wade n’a éliminé personne. Qu’ont fait ces gens qui étaient à ses côtés pour qu’il s’en sépare? Il faut se poser cette question. Qu’ont-ils fait ?
À la place de Wade, moi aussi j’aurais viré Idrissa Seck, parce qu’il ne travaillait pas pour le chef de l’État, il travaillait pour lui. La preuve: juste après avoir été chassé de l’entourage de Wade, il s’est présenté à la présidentielle. On lui prête l’intention d’imposer son fils, Karim…
Je ne crois pas que le président Wade se soit séparé de ces hommes pour imposer son fils. Chacun sait que la dévolution JEUNE AFRIQUE
monarchique est impossible au Sénégal ! Ceux qui sont partis le sont parce que leur loyauté a été prise en défaut. L’entourage du président parle d’une victoire dès le premier tour. Est-ce un espoir ou une certitude ?
On ne va pas à une élection avec des certitudes. Par contre, ce que nous savons, c’est que nous avons bien travaillé et que nous étions sur le terrain pendant que les opposants occupaient les radios et les télévisions. Sur les quarante-cinq départements du pays, je n’en connais pas un où nous sommes susceptibles de perdre. L’opposition parle déjà d’une élection truquée…
On ne peut pas truquer une élection au Sénégal. D’abord parce que nous sommes honnêtes. Ensuite parce que tout est fait pour qu’il y ait un contrôle le plus strict possible.Leprésidentademandéàl’Union européenne, à l’Usaid [Agence des ÉtatsUnis pour le développement international] et à tous nos partenaires d’intervenir en tant qu’observateurs, pour que cette présidentielle soit la plus observée du monde. L’époque où l’on pouvait truquer des résultats est dépassée. C’était le temps des socialistes.
C’est vrai, mais bien des prix nous échappent, comme celui du riz, du blé… C’est le marché international qui fixe le cours de ces produits que nous importons. Le président a fait beaucoup pour développer l’agriculture du Sénégal. Quand il est arrivé, le pays manquait d’infrastructures. Le président a estimé que la priorité se situait à ce niveau. Là et dans l’agriculture. Nous avons également beaucoup fait pour l’éducation, la santé, l’emploi… Ses deux mandats ont été entachés par de nombreux scandales politico-financiers: les comptes de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), l’affaire Segura…
Il n’y a pas de scandale Anoci ! Quant à M. Segura, bon, nous avons en Afrique nos traditions. À l’étranger aussi, on fait des cadeaux. Peut-être que nous n’avons pas la même culture. Ce qui peut être présenté comme un cadeau ici peut être perçu chez vous comme de la corruption.
Récemment,Wade a déclaré: « J’ai besoin de trois autres années pour terminer quelques grands chantiers qui vont achever [de] faire [du Sénégal] un pays émergent. » Est-ce à dire qu’il compte passer la main en cours de mandat, s’il est élu ?
Non. Il faut distinguer les projets du président, qui restent à finir, comme l’autoroute à péage, l’aéroport, le port, et ses très grands projets: les autoroutes qui relieront Dakar à Saint-Louis, à Kolda, à Ziguinchor, le maillage du pays en stades régionaux, etc. Il voulait juste dire qu’il a besoin de trois ans pour finir les projets en cours. Il ira jusqu’en 2019 ?
Inch’Allah.
Quel est votre principal adversaire ?
On n’a pas de principal adversaire. Il y a Wade et les autres. ● Propos recueillis à Dakar par RÉMI CARAYOL N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Afrique subsaharienne TRAFIC
Guitares hors la loi
Ü LA LES PAUL, CONÇUE EN 1952, a été l’instrument de Keith Richards, Jimmy Page ou encore Eric Clapton.
Soupçonné d’utiliser du bois précieux d’origine illégale, le célèbre luthier Gibson clame son innocence. Il cherche désormais à modifier la loi.
L
a protection de l’environnement va-t-elle tuer le rock’n’roll ? En dramatisant un tantinet, c’est la question que l’on pourrait formuler tant la querelle opposant le fabricant américain de guitares Gibson aux militants écologistes prend un tour épique. Imagine-t-on, en effet, Keith Richards (Rolling Stones) ou Jimmy Page (Led Zeppelin) privés de leurs légendaires Les Paul ? Et pourtant ! Le Lacey Act, loi de 1900 amendée en 2008, interdit l’importation de bois coupé, transporté ou vendu de manière illégale. Certains instruments, comme la Les Paul, contiennent des éléments – les touches – en ébène ou en bois de rose qui leur confèrent une sonorité particulière. Selon la loi américaine, un fabricant tel que Gibson, qui produit quelque 700 guitares par jour et en vend pour 500 millions de dollars (380 millions d’euros) par an, se doit de maîtriser l’ensemble de la chaîne de fournisseurs qui garantit ses approvisionnements en bois
DR
précieux. Gibson respecte-til cette obligation ? Selon la chanteuse malgache Razia Saïd, non. Née à Antalaha, un centre névralgique de l’exportation illégale du bois de rose, à Madagascar, à l’origine de la pétition Musicians Against Illegal Logging et d’une campagne de reboisement à Masoala, l’artiste a violemment dénoncé, le 19 janvier dernier, les profits énormes engrangés par les compagnies étrangères sur le dos de ses concitoyens. Aux États-Unis, les fédéraux du US Fish and Wildlife Service et du Department of Homeland Security prennent le sujet très au sérieux. Après une première descente en 2009 dans l’usine Gibson de Nashville, ils ont
remis le couvert en août 2011, à plus de trente, embarquant instruments, manches, réserves de bois et milliers de documents. Le patron du luthier, Henry Juszkiewicz, a aussitôt réagi, dénonçant une attitude disproportionnée et assurant que les bois indiens et malgaches utilisés dans ses ateliers étaient « certifiés ». RECUL. Gibson affirme que l’intervention
fédérale l’a obligé à changer de fournisseur : « Après plus de deux ans, aucune plainte n’a été déposée. Cette enquête a souligné l’importance et la continuité de l’engagement de Gibson en faveur du développement durable. » Des affirmations qu’il convient de prendre avec recul. Non seulement Gibson a sous-entendu que tout musicien voyageant avec sa guitare pourrait être inquiété pour trafic de bois précieux – ce qui est faux –, mais en outre, au sein de la National Association of Music Merchants (NAMM), le luthier milite ardemment en faveur du Relief Act, proposé par le démocrate Jim Cooper afin de réduire la portée du Lacey Act. Sous contrat avec Gibson, le cabinet d’avocats Crowell & Moring travaille dans ce sens. Cherchez la fausse note. ● NICOLAS MICHEL
Coulisses KENYA DES BLEUS ET DES BOSSES Plus de peur que de mal pour Sarah Obama, la grand-mère du président américain (ou, plus précisément, la seconde femme de son grandpère). À 91 ans, elle a été victime d’un accident de la route, le 4 février, dans l’ouest du Kenya, mais n’a souffert que de quelques contusions. Barack Obama l’avait rencontrée en 1988, lors d’un voyage au pays N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
de son père. Il a raconté, dans un livre, la maladresse des premiers échanges avec cette « granny » dont il ne parlait pas la langue. NIGERIA À BON ENTENDEUR… Cela fait un an qu’il n’avait pas fait parler de lui. Le 5 février, le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (Mend) a revendiqué la destruction d’un pipeline de la
compagnie pétrolière italienne ENI, dans le sud du Nigeria. Le préjudice est minime, mais le Mend, dont la dernière attaque confirmée remonte à novembre 2010, tient à rappeler aux autorités, par ailleurs confrontées aux violences de la secte Boko Haram, son pouvoir de nuisance. SOUDAN LIBRES Les 29 travailleurs chinois enlevés dans le SudKordofan ont été libérés le
7 février. Ils étaient entre les mains de la branche Nord du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N) depuis le 28 janvier. C’était la troisième fois depuis 2004 que des Chinois étaient kidnappés dans le pays. Ces enlèvements récurrents compliquent les relations entre Khartoum et Pékin, l’un des principaux soutiens du Soudan à l’étranger et l’un de ses principaux partenaires commerciaux. JEUNE AFRIQUE
ONS ABID
Maghreb & Moyen-Orient
Depuis le 26 janvier, l’avenue Habib-Bourguiba est débarrassée de toute PRÉSENCE MILITAIRE.
TUNISIE
Et pourtant,
elle tourne
Malgré la multiplication des mouvements de protestation et la pression des islamistes radicaux, le pays résiste et parvient tant bien que mal à échapper au chaos postrévolutionnaire. Grand reportage.
CHERIF OUAZANI,
L
envoyé spécial
e 25 janvier, un communiqué du ministère tunisien de l’Intérieur diffusé par les chaînes de télévision locales surprend les téléspectateurs : « Compte tenu de l’amélioration notable des conditions de sécurité, décision a été prise de lever le dispositif policier et militaire établi sur l’avenue Habib-Bourguiba. » Depuis la révolution du 14 janvier 2011, la circulation dans l’artère centrale de la capitale était interdite aux voitures JEUNE AFRIQUE
et aux piétons du côté du siège du ministère de l’Intérieur, devenu la cible privilégiée des contestataires de tous bords. Le dispositif mis en place pour protéger ce site « sensible » se prolongeait jusqu’au bout de l’avenue afin de sécuriser la cathédrale de Tunis et, en face, le siège de l’ambassade de France. Fils barbelés, blindés et uniformes de toutes les couleurs (policiers, militaires et forces antiémeutes de la Brigade de l’ordre public, BOP) avaient porté un sacré coup au charme de l’avenue commerçante, espace convivial par excellence avec ses multiples terrasses à l’ombre des ficus, son théâtre et ses nombreuses enseignes de marques prestigieuses. Le communiqué des services d’Ali Larayedh, grande figure du parti islamiste Ennahdha et titulaire du portefeuille de l’Intérieur, a surpris, au moment où la sécurité constitue le premier motif d’inquiétude des Tunisiens. Multiplication des mouvements de protestation et des revendications N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Maghreb Moyen-Orient socioéconomiques sur l’ensemble des vingt-quatre gouvernoratsdupays–accompagnésleplussouvent d’actes de violence, de coupures d’axes routiers et de voies ferrées –, paralysie de l’administration locale, opérations coup-de-poing du courant salafiste, effets collatéraux de la crise libyenne avec la dissémination d’armes légères en provenance des arsenaux de feu Mouammar Kaddafi… Autant de facteurs qui ont favorisé un inquiétant développement de la criminalité. « Ce n’est pas obsessionnel, témoigne Souad, étudiante à la fac de médecine, mais depuis que j’ai été agressée en plein jour à bord d’une rame de métro [en fait, le tramway de Tunis, NDLR], pourtant bondé, pour une chaîne en or, je suis tombée dans une totale paranoïa. Je me surprends à trouver aux personnes que je croisais tous les jours auparavant des mines patibulaires. Une peur tenace m’a assaillie. »
Ì BARRAGE ROUTIER lors d’un mouvement de protestation civile, à Makthar, à 160 km au sud-ouest de Tunis, le 17 janvier.
APRÈS L’EUPHORIE. Ces appréhensions n’ont pas
empêché les Tunisois de savourer, ce 26 janvier, le plaisir de voir leur avenue Bourguiba débarrassée de toute présence militaire. Ils peuvent à nouveau siroter un thé à la menthe sur la terrasse du Café de Paris, attenant au ministère de l’Intérieur, et déambuler sur les larges trottoirs des ChampsÉlysées locaux. Car la Tunisie ne s’est pas non plus transformée en un coupe-gorge où l’employé serait en permanence en rébellion contre son employeur, et l’État, assailli de toutes parts, en situation de faillite. L’euphorie révolutionnaire retombée après le premier scrutin démocratique de l’histoire du pays, la population s’est scindée en deux catégories distinctes et asymétriques. Non pas entre laïques et islamistes, comme l’actualité le laisserait à penser, ou entre nantis et pauvres, mais plutôt entre, d’une part, ceux qui sont convaincus que la révolution
Points chauds
Tunis Décembre 2011 Proclamation d’un éphémère émirat islamique 13-18 janvier Grève générale 2 février Neutralisation d’un groupuscule armé
ALGÉ GÉRIE
Sejnane Sejnan Sejnane Maktha Ma Makt ktharr Sfax Sfax
Mer Méditerranée
TUNISIE LIBYE 150 km
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a pris fin avec la chute du système Ben Ali et la tenue d’élections démocratiques, et, d’autre part, les partisans de la poursuite de la révolution. Ces derniers se recrutent au sein d’une jeunesse frappée de plein fouet par un chômage endémique (800 0000 sans-emploi pour une population active de 3,5 millions de personnes), notamment en milieu rural ou semi-rural, où les disparités de développement sont particulièrement criantes. « Mes fonctions passées, témoigne, ému, Mansour Moalla, ancien ministre de Habib Bourguiba et ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), m’ont permis de sillonner à plusieurs reprises le pays en long et en large. Jamais je n’ai vu la misère que je découvre aujourd’hui en regardant les reportages que consacrent les chaînes de télévision nationales au pays profond. On ne mesurera jamais assez les dégâts provoqués par le clan maffieux du règne précédent. » Couplés à la révolution, dénuement, extrême pauvreté et retards de développement engendrent une soif de justice sociale et une impatience qui confinent parfois à l’irrationnel. Les « militants de la révolution inachevée » estiment, pour des raisons parfois divergentes, avoir été spoliés de leur victoire et ne pas avoir encore vu la couleur de ses acquis. Ils manifestent leur mécontentement, les uns, les plus nombreux, pour des revendications socioéconomiques, les autres pour leurs libertés fondamentales, que menace une minorité agissante : les salafistes. L’ancien Premier ministre du gouvernement provisoire, Béji Caïd Essebsi, se veut plus nuancé s’agissant de la situation économique : « Je n’en tire aucune gloire, mais je vous rappelle que les JEUNE AFRIQUE
KHALIL/AFP
Maghreb Moyen-Orient
JEUNE AFRIQUE
AU BOUT DU ROULEAU. Le sous-développe-
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Fusillade entre les forces de sécurité nationale et un groupe d’individus armés à Sfax
Néjib Chebbi à La Presse:
Tolérance zéro de la violence aveugle
«Iln’a jamaisétéquestion d’un gouvernementdesalut national»
Saisied’armesetdemunitions,arrestationsd’autrespersonnes
La Presse — A l’initiative de M. Hamadi Jebali, chef du gouvernement, un groupe d’hommes politiques, dont M. Néjib Chebbi, a été reçu à La Kasbah. Pour en savoir plus sur la portée et la teneur de cette rencontre de dialogue, le président d’honneur du PDP a bien voulu éclairer les lecteurs de La Presse sur cette question. Entretien.
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Levée du sit-in du Syndicat national des forces de sécurité intérieure
Place au dialogue
— Inadmissible. Révoltant et inadmissible. Les fusillades survenues avant-hier en milieu d’après-midi jusqu’à hier à l’aube à Bir Ali Ben Khlifa interpellent. Un groupe armé surpris en flagrant délit de contrebande d’armes. Ils refusent d’obtempérer aux forces de l’ordre. 5
L
Enquêtede«statut avancé»…
a bonne gestion de la question macroéconomique, et économique tout court, semble focaliser toute l’attention de l’arrière-boutique de l’action de prospective du gouvernement. Ce n’est guère un mauvais choix dans une perspective de long terme. A court et moyen termes, le social n’attend hélas pas l’économique. Et c’est bien dommage ! L’économie est avant tout la culture du bon sens et un réalisme dicté par des contraintes et des pressions aussi bien nationales qu’internationales. Qu’on en juge : le chef du gouvernement multiplie les visites à l’étranger et c’est tout à son mérite que de porter haut la voix de l’enseigne Tunisie. Seulement, les messages qu’il est allé sincèrement porter à Davos ou le discours rassurant qu’il a sans doute tenu hier à Tunis à la Directrice générale du Fonds monétaire international quant au respect d’une certaine discipline budgétaire et la promesse d’une non-interférence dans la politique monétaire du pays n’ont, pour l’instant, encore rien généré en termes de «regain de sympathie» pour la Tunisie en tant que site d’investissement. Ce regain de sympathie viendra-t-il enfin de cet ultime effort de réconciliation du gouvernement de la Tunisie avec son principal partenaire économique, l’Union européenne ? Accompagné d’une forte délégation, le chef du gouvernement s’est rendu hier à Bruxelles dans une tentative de réactiver la coopération entre la Tunisie et l’Union européenne. Sans doute, la question du statut avancé de la Tunisie auprès de l’Union européenne sera-t-elle évoquée. Bien sûr, la Révolution tunisienne a, en principe, fait sauter les derniers verrous ouvrant grande la voie à l’acceptation de la Tunisie au rang de partenaire «avancé» de l’Union européenne. Seulement, du point de vue européen, cette voie semble être encore sinueuse et hasardeuse. Vis-à-vis de la Tunisie post-révolutionnaire, l’Europe donne en effet l’impression de vouloir s’en tenir à une solidarité technique, financière et commerciale conventionnelles, en attendant de voir l’évolution de la conjoncture tunisienne et régionale. Il appartient et revient, à cet égard, au chef du gouvernement en visite à Bruxelles, de développer un discours manifestement rassurant et optimiste. Politiquement et moralement provisoire, l’actuel gouvernement est tenu, devant le peuple, par une obligation de résultat.
La Presse — L’inter vention de quelques asso ciations et représentants de la société civile a été déterminante pour aboutir, hier, à la levée du sit-in des syndicalistes de la sécurité inté r i e u r e e t l ’é l a b o r a t i o n d ’une déclaration comprenant leurs reven di cations.
Marzouki reçoit des responsabes de la sécurité civile et militaire
Tunisie ouTunistan
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Les frontières sous haute surveillance
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Union sacrée contre le terrorisme
La Presse
Condamnation unanime de la société civile
Mme Christine Lagarde, Directrice générale du FMI
(Photo S. KOCHBATI)
Les membres du Syndicat national des forces de sécurité intérieure ont
Un rude «quart» contre les Black Stars
FMI version 2012
La Presse — La coopération entre la Tunisie et le Fonds monétaire international s’est limitée jusqu’à présent à l’assistance technique. Mieux, cette assistance ne dépassait pas les équilibres globaux de l’économie et le volet macroéconomique. «Ce n’est plus le cas», affirme Mme Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, lors d’un entretien exclusif accordé à La Presse à l’occasion d’une visite de deux jours en Tunisie. Mme Lagarde souligne que le FMI version 2012 rompt avec une certaine image du passé. Elle explique à propos de la croissance qu’«on est très soucieux que cela se passe dans la stabilité sociale et avec, en particulier, l’objectif de créer des emplois».
A U GRÉ DU JOUR
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annoncé, hier à 13h30, qu’ils ont décidé de mettre fin au sit-in qu’ils observent depuis avant-hier, à la place de La Kasbah. La décision de lever le sit-in a été annoncée par Olfa Ayari, membre du bureau exécutif du syndicat, qui a affirmé que cette décision «vient renforcer la primauté de l’intérêt général par rapport à toute autre chose dans le travail syndical des forces de sécurité intérieure». 7
Epreuve de force
C’est une finale avant la lettre qui attend le onze national, dimanche prochain (20h00) à Franceville, face au Ghana.
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Issam Jemaâ et Youssef Msakni traduisent les ressources offensives du team national
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Pour un juste milieu
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Terrorisme dans nos murs ÿ
En dépit de la défaite concédée devant le Gabon, les Tunisiens ont présenté un football intéressant. Toutefois, des retouches s’imposent. ––––ooOoo––––
Attouga,AdelChedlyet… lesapprentissorciers 18 et 19
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exportations ont crû de quelque 7 % en 2011. En outre, la croissance négative ne nous a pas empêchés de créer 50 000 emplois. C’est certes insuffisant, mais, au vu de la conjoncture postrévolutionnaire, la performance n’est pas banale. » Si son successeur, Hamadi Jebali, est encore plus optimiste, annonçant « une croissance de 4,5 % pour l’année en cours », son gouvernement ne tresse pas de lauriers à l’exécutif sortant. Selon Moncef Ben Salem, ministre de l’Enseignement supérieur et faucon d’Ennahdha, « le gouvernement de Béji Caïd Essebsi ne nous a pas facilité la tâche. Avant de quitter la Casbah, il a augmenté les salaires des seuls fonctionnaires du Premier ministère. Depuis, nous faisons face à une protestation des syndicats de la fonction publique, qui exigent que les salaires soient alignés sur ceux de la primature. Cela a créé un front social que nous aurions pu éviter. » Ledit front social est en ébullition permanente avec une généralisation du « tout et tout de suite ». Illustration de cette nouvelle mentalité : « la révolte des Ouled Ayar », comme l’opinion a qualifié le mouvement de désobéissance civile ponctué par une grève générale, entre le 13 et le 18 janvier, à Makthar, une ville de 30000 âmes située à 160 km au sud-ouest de Tunis. Héritière de l’antique Mactaris, cité de villégiature sous l’Empire romain, Makthar est la capitale des Ouled Ayar, une tribu berbère totalement arabisée. Selon Sami Tahri, tout nouveau secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), « près de un Tunisien sur trois est un Ayar. [Leur] vocation migratoire a fait que chaque ville et village abrite au moins une famille des Ouled Ayar ». Mal aimée de Habib Bourguiba,
qui lui reprochait son alignement sur son irréductible rival, Salah Ben Youssef, Makthar n’a jamais eu les faveurs du pouvoir. « C’est pourquoi, lors du découpage territorial, raconte Ezzeddine Chelbi, animateur du mouvement de désobéissance civile, le statut de chef-lieu de la région a été accordé à une ville de moindre importance : Siliana. Si Makthar a été marginalisée par Bourguiba, le pouvoir de Ben Ali a accentué notre isolement. Résultat : un chômage rampant, un sous-développement total avec l’absence de toute activité industrielle et des ressources naturelles négligées [un important gisement de marbre est laissé à l’abandon]. » La situation n’est pas plus catastrophique qu’ailleurs, mais Makthar vit très mal l’injustice historique dont elle estime avoir été victime de la part des gouvernements successifs avant la révolution. « Nous avons un formidable argument touristique avec un fabuleux site archéologique de 100 ha et pas le moindre hôtel en ville pour accueillir des touristes », déplore Ammar, 29 ans, titulaire d’un master en mathématiques et d’un diplôme d’ingénieur agronome, mais au chômage depuis 2009. L’association des diplômés-chômeurs, que préside Maher Ben Ammar, architecte sans emploi, compte près de 2000 membres à Makthar. « La ville a six lycées, mais à quoi servent-ils si au bout il y a le chômage ? s’interroge Ammar. Un diplôme de troisième cycle ne constitue pas une garantie pour les banques, qui refusent de financer les projets des jeunes promoteurs, ici plus qu’ailleurs. »
« Tunisie ou Tunistan », s’interroge en première page le quotidien La Presse au lendemain de la fusillade entre les forces de sécurité et un groupe d’individus armés, le 2 février, à Sfax.
ment saute aux yeux dès que l’on pénètre dans la ville. Nichée à 900 m d’altitude, Makthar, où l’on enregistre en hiver des températures polaires, est cruellement dépourvue de gaz de ville, alors que le gazoduc transméditerranéen par lequel est acheminé le gaz algérien vers l’Italie et la Slovénie n’est distant que de quelques encablures. Après deux marches pacifiques, la protestation s’est durcie pour se muer, dès le début de 2012, en désobéissance civile. « Le jour où les Ouled Ayar se réveilleront… », n’a cessé de marteler le vieil Ali Ben Ammar, grande figure locale du mouvement nationaliste. Mais le feu est partout, aucune région n’est épargnée, et le pouvoir ne peut répondre à toutes les sollicitations. Le 13 janvier, le mouvement se radicalise un peu plus. La grève générale est décrétée. Tous les accès de la ville sont fermés, mais aucune action violente n’est engagée. Contrairement à ce qui s’est passé à Sidi Bouzid, Kasserine ou Le Kef, aucun bâtiment public n’est saccagé. La population soutient le mouvement. Mais au bout de cinq jours d’isolement total, sans possibilité de ravitaillement, elle est au bout du rouleau. Le gouvernement prend conscience de la gravité de la situation. Grâce à l’entregent du colonel N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Maghreb Moyen-Orient Dans l’heure qui suit, les barrages routiers sont levés, les établissements scolaires rouvrent leurs portes et l’hôpital reprend ses activités. La ville attend « siyadatouhou », comme l’appellent les émissaires en rendant compte de leur mission à la population. « Si, par malheur, Marzouki ne tient pas ses engagements, prévient Ammar, il y aura forcément une dérive vers des actions violentes. » Un exemple? « On procédera à la fermeture de tous les axes routiers menant vers l’Algérie », menace Ammar. Les échanges avec le voisin algérien sont vitaux pour la partie occidentale de la Tunisie.
commandant de la garnison de Makthar, le président Moncef Marzouki consent, le 18 janvier, à recevoir une délégation des protestataires à Carthage. La ville frondeuse dépêche dix-huit émissaires. Trop pour le protocole. « Le président ne peut recevoir que cinq personnes », assure un préposé du Palais. « Pas question », rétorque Maher, chef de la délégation. Finalement, ce sera le président qui ira à leur rencontre, sur l’esplanade de la mosquée El-Abidine, à Carthage. Patient, le chef de l’État écoute attentivement les délégués égrener les revendications de Makthar : statut
MATURITÉ. À terme échu, Moncef Marzouki n’est
NICOLAS FAUQUÉ
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de chef-lieu de région pour la ville, constitution d’un groupe industriel public pour l’exploitation du marbre, construction d’un hôpital régional, amélioration du cadre de vie des populations à travers des projets structurants… Le président Marzouki prend note sur une feuille blanche de toutes ces revendications, la date, la signe et la remet au chef de délégation, en précisant que toutes ces demandes seront satisfaites « dans la mesure du possible », s’engageant même à apporter lui-même de bonnes nouvelles à la population. « Donnez-moi quinze jours », leur demande-t-il.
En décembre 2011, quelque deux cents salafistes ont pris le contrôle de Sejnane et proclamé UN ÉMIRAT ISLAMIQUE.
pas venu, mais Makthar ne s’est pas embrasée. Il faut dire que la visite était programmée pour le 2 février. Ce jour-là, près de Sfax, à 270 km au sud de Tunis, trois hommes armés sont signalés à bord d’un véhicule. Pris en chasse par les forces de sécurité, ils font feu, blessant quatre soldats, dont un grièvement. Au bout d’une course-poursuite de quelques heures, une unité de l’armée neutralise les fuyards, abattant deux d’entre eux et arrêtant le troisième. Le président Moncef Marzouki annule sa visite à Makthar et convoque les ministres de la Défense et de l’Intérieur, ainsi que le chef d’état-major, le général Rachid Ammar, et les patrons des services de renseignements et de la police nationale. Bref, un conseil de guerre. Un motif jugé recevable par les habitants de Makthar, preuve d’une maturité insoupçonnée. Cette pondération ne surprend pas Béji Caïd Essebsi : « Au plus fort des antagonismes, le Tunisien a toujours fait preuve de mesure, dit-il fièrement. Le peuple exècre les extrêmes et les positions radicales. » Pourtant, l’extrémisme est bien là et il a pour nom salafisme. Courant minoritaire dans la mouvance islamiste, largement dominé par Ennahdha, au pouvoir depuis les élections du 23 octobre 2011, les salafistes tunisiens sont, comme ailleurs, scindés en deux groupes distincts : les quiétistes, qui prônent un islam rigoriste de type wahhabite mais n’entreprennent aucune action à l’encontre des gouvernants, et les djihadistes, adeptes de la lutte armée et de l’excommunication de quiconque refuse de les suivre dans leur ambition d’instaurer
600 000 JOURS DE GRÈVE AUDITIONNÉ le 24 janvier par l’Assemblée constituante dans le cadre d’un débat général sur la situation sécuritaire, le Premier ministre, Hamadi Jebali, a dévoilé quelques chiffres qui font froid dans le dos. Au cours des douze mois qui ont suivi la fuite du dictateur, on a comptabilisé plus de 22 000 mouvements de protestation, avec à la clé plus de N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
600 000 jours de grève (en chiffres cumulés). Une catastrophe pour l’économie, qui a enregistré des pertes de l’ordre de 2,5 milliards de dinars (1,25 milliard d’euros) et une croissance négative de 1,8 %. « C’est un record absolu, assure Mansour Moalla, ex-gouverneur de la Banque centrale. Nous n’avons connu que deux précédents. En 1966, l’économie s’était rétractée de
1 % et de 0,8 % l’année suivante. C’était dû à la politique “coopérativiste” du socialisant Ahmed Ben Salah. Mais l’économie tunisienne a alors montré – comme aujourd’hui – ses capacités de résistance, puisque après cette période délicate le pays a connu pendant trois années consécutives une croissance à deux chiffres. » ● CH.O. JEUNE AFRIQUE
AUGUSTIN LE GALL
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Manifestation
contre LA VIOLENCE et LA un émirat. Sévèrement réprimés sous Ben Ali, MONTÉE DE L’EXTRÉMISME les salafistes ont bénéficié des bienfaits de la RELIGIEUX, le 28 janvier, révolution, notamment de l’amnistie générale, à Tunis. promulguée en février 2011, qui a permis l’élargissement d’une centaine de cadres dirigeants et d’apprentis terroristes incarcérés après des séjours en Algérie ou en Irak, où ils ont subi des formations militaires et de guérilla urbaine. Proche d’Al-Qaïda, les salafistes tunisiens n’en partagent cependant pas la vision internationaliste et penchent plutôt pour les thèses du Front islamique du salut (FIS) algérien, qui préconisait, avant sa dissolution, un islam radical dans un cadre national. Selon une étude publiée par l’hebdomadaire tunisien arabophone Al-Hadeth dans son édition du 25 janvier, les salafistes sont implantés en milieu urbain, Une centaine d’intégristes avec une présence importante libérés à la faveur de dans la région de Bizerte, à une l’amnistie générale. soixantaine de kilomètres au nord de Tunis. La première proclamation d’un éphémère émirat islamique en Tunisie a eu comme cadre Sejnane, à 80 km à l’ouest de Bizerte. À quelques jours de la fin de 2011, environ deux cents salafistes en avaient pris le contrôle, établissant des tribunaux islamiques, transformant des bâtiments publics en geôles pour les citoyens pris en flagrant délit de péchés, notamment les adeptes de Bacchus, qui, en guise de dégrisement, ont reçu des coups de bâton. Le seul vendeur de boissons alcoolisées a vu son magasin saccagé et son stock de marchandises détruit, avant de se voir notifier, après quelques jours en « prison », un bannissement de la ville. Un JEUNE AFRIQUE
traitement identique a été réservé au marchand de musique, qui gagnait sa vie en gravant des CD de chansons occidentales ou arabes à succès. « Cette fois, nous avons brûlé ton échoppe. Si tu reprends cette activité qui détourne le musulman de la mosquée, ce sera ta maison et tous ceux qui s’y trouvent qui brûleront », l’a menacé un “cadi” (juge islamique] autoproclamé. Mais que fait la police ? Petite bourgade, Sejnane ne dispose que d’un commissariat gardé par cinq agents des forces de l’ordre. Insuffisants pour faire face aux assaillants. Les multiples demandes de renfort sont restées lettre morte. « Le ministère de l’Intérieur reçoit quotidiennement des centaines de sollicitations de ce genre », se justifient les intéressés. « Nous n’avons plus aucun doute, rétorquent les détracteurs d’Ennahdha, le gouvernement protège les salafistes. » OPÉRATIONS COUP-DE-POING. Toujours est-il
que l’épisode de l’émirat de Sejnane n’a pris fin qu’après la médiatisation des événements de la région de Bizerte. Des militants d’ONG et de partis laïques s’y sont massivement rendus pour en avoir le cœur net. Très vite, les meneurs salafistes se sont évanouis dans la nature. Mais Sejnane a été traumatisée. Le niqab s’y est généralisé et les jeunes chômeurs se laissent désormais pousser la barbe et adoptent la tenue de combat ou l’ensemble seroual-qamis afghan. Selon le journaliste Zied Krichen, directeur du quotidien Le Maghreb, la révolution a provoqué une véritable guerre des mosquées. « Aujourd’hui, explique-t-il, le courant salafiste, à travers ses N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Maghreb Moyen-Orient deux déclinaisons, quiétiste et djihadiste, contrôle quatre cents mosquées, soit un lieu de culte sur cinq. » Les salafistes surfent sur la vague de liberté provoquée par la révolution. C’est au nom de cette liberté qu’ils mènent des ghazoua (« raids ») pour la conquête du niqab à l’université de la Manouba (lire ci-dessous), qu’ils multiplient les opérations coups-de-poing contre les lieux de débauche et les maisons closes et s’en prennent aux intellectuels et journalistes qui osent dénoncer en « Cette fois, si les salafistes public leur stratégie vous provoquent, on leur rentre de la terreur. Leur dedans. Ce sont les ordres. » premier coup de UN POLICIER force a été l’attaque, le 26 juin 2011, du cinéma Afric’Art, qui diffusait le long-métrage de la réalisatrice tunisienne Nadia el-Fani, Ni Allah, ni maître ! Quelques mois plus tard, ils s’illustrent à nouveau après la télédiffusion du film d’animation Persepolis par Nessma TV. Le 23 janvier, l’ouverture à Tunis du procès de Nabil Karoui, le patron de la chaîne, poursuivi pour avoir programmé « un film contraire aux valeurs du peuple », a fourni une nouvelle occasion aux salafistes de terroriser « les mécréants et apostats, passibles de la peine de mort ».
TRIBUNE
Op pinions & éditoriiaux éditoriaux
AUGUSTIN LE GALL
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AMEL GRAMI Titulaire de la chaire des études islamiques à l’université de la Manouba
Lors de ce triste rassemblement, ils ont sauvagement agressé Zied Krichen et l’universitaire Hamadi Redissi. Les images de cette agression, diffusées sur le net et sur les réseaux sociaux, ont suscité un grand émoi dans l’opinion. Cinq jours plus tard, à l’appel de plusieurs partis laïques ou de gauche, près de 10 000 marcheurs ont défilé contre la montée de l’extrémisme dans les artères de Tunis et dans plusieurs villes de province. Un officier de police chargé de canaliser la foule de manifestants l’assure : « Cette fois, nous avons reçu des ordres. Si les salafistes tentent de provoquer les marcheurs, on leur rentre dedans. » L’auteur de ces instructions ? Hamadi Jebali en personne, Premier ministre et secrétaire général d’Ennahdha. Faut-il pour autant, à la lumière de ces événements, désespérer de la Tunisie ? « Pas du tout, répond Bessam Khlef, patron de PME à Tunis. Au plus fort de la crise, les services de l’État, que l’on dit faible, n’ont pas été défaillants. Aucun délestage, aucune rupture dans l’approvisionnement en eau potable, aucune fermeture d’hôpital. La révolution a emporté un régime, et si la République a mis un genou à terre, l’État est resté debout. Vacillant mais debout. » C’est l’une des raisons pour lesquelles la Tunisie a été épargnée par la violence extrême et le chaos qui règnent en Égypte, en Libye ou au Yémen. ●
Impossible dialogue «
T
OUT A COMMENCÉ en septembre 2011. C’était la première rentrée universitaire depuis la fuite de Ben Ali. Inscrite au département arabe, une fille s’est présentée dans l’amphi en niqab. Son professeur lui a demandé de se découvrir le visage en cours. Elle s’est exécutée. Le 28 octobre, elle a changé d’attitude : “Plus question d’enlever mon niqab, désormais nous sommes au pouvoir !” Il est vrai que le parti religieux Ennahdha avait remporté les élections quelques jours auparavant. Refus du corps professoral. Elle s’est absentée des cours durant une semaine, puis elle est revenue accompagnée d’une cinquantaine de salafistes en tenue afghane, la plupart étrangers à l’institution. Au début, ils ont été plutôt mielleux avec les professeurs et les étudiants, arguant des “libertés individuelles” pour les filles ayant choisi de porter le voile intégral. Mais très vite, la tension est montée. D’auguste institution du savoir et du débat contradictoire, l’université de la Manouba est devenue une curiosité pour les badauds et un fonds de commerce pour les politiques. Les professeurs sont pris à partie par les “envahisseurs”, qui se sont installés,
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avec armes (sabres en tous genres) et bagages (matelas pour dormir et sono pour diffuser du Coran). Le doyen a amorcé un dialogue avec eux. En voyant la liste des revendications, il a compris qu’il ne s’agissait plus du droit de porter le niqab mais d’un choix de société : séparation des étudiants et des étudiantes, professeur exclusivement masculin pour les étudiants. En cas d’impossibilité, prévoir un paravent entre la professeure et ses étudiants. Le dialogue n’était plus possible. Les salafistes sont passés de la violence verbale (j’ai entendu plus de “sale pute” que de “dégage” !)
Plus question d’enlever mon niqab. Désormais, nous sommes au pouvoir ! » UNE ÉTUDIANTE
à la violence physique. J’ai alors compris que nous étions en train de perdre notre espace pédagogique. Ils ont reçu les encouragements de Sadok Chourou, élu d’Ennahdha, et des deux fils d’Ali Larayedh, ministre de l’Intérieur. Mais pas question de leur laisser la Manouba. Nous nous battrons jusqu’au bout. » ● JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
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MAROC
À la grâce du roi Mohammed VI a ordonné, le 4 février, la libération de détenus, dont trois cheikhs de la Salafiya Jihadiya. Une pratique ancestrale qui illustre la toutepuissance du monarque.
À
l’occasion de [ajouter une fête religieuse ou nationale], Sa Majesté le roi Mohammed VI, que Dieu perpétue sa gloire, a bien voulu accorder sa grâce à [ajouter un nombre] personnes. » Laconiques, mais toujours très attendus, ces communiqués du ministère de la Justice se ressemblent et jalonnent le calendrier politique à Rabat. Le rituel s’est répété le 4 février, à la veille de l’Aïd al-Mawlid an-Nabawi, la fête commémorant la naissance du Prophète. Parmi les 458 bénéficiaires du pardon royal, emportant réduction ou annulation de peines de prison et/ou d’amendes, quelques têtes d’affiche : les cheikhs salafistes Hassan Kettani, Abdelwahab Rifki (dit Abou Hafs) et Omar Haddouchi, condamnés à de lourdes peines de prison dans la foulée des attentats du 16 mai 2003, le banquier Khalid Oudghiri, expatron d’Attijariwafa, ou encore le boxeur franco-marocain Zakaria Moumni. D’une signature, Mohammed VI a mis fin à leur épreuve derrière les barreaux, ou en exil. Une prérogative royale, incontestée au Maroc, et qui prolonge dans le droit positif une tradition ancestrale. Les historiens du droit font remonter la pratique de la grâce à l’époque de la justice déléguée, avec comme images d’Épinal saint Louis sous son chêne et le roi Salomon. Au Maroc, cette figure du passé s’accommode aujourd’hui de la modernité légale-rationnelle. L’article 58 de la Constitution précise en effet que le roi « exerce le droit de grâce ». Le ministère de la Justice ne fait qu’instruire les dossiers, confiés à une commission des grâces présidée par le ministre, en vertu du dahir du 6 février 1958 relatif aux grâces. Ce texte n’a pas été modifié depuis 1977. Son article premier est explicite : « La JEUNE AFRIQUE
TALINE MOUMNI/AFP
«
Parmi les 458 bénéficiaires du pardon royal, le boxeur ZAKARIA MOUMNI.
grâce, soumise à la décision de Notre Majesté, peut être accordée soit avant la mise en mouvement ou au cours de l’exercice de l’action publique, soit après une condamnation devenue irrévocable. » En clair, le roi peut intervenir à tout moment, et même avant une décision de justice. Dans ce dernier cas, la grâce a pour effet d’éteindre l’action publique.
mouvement Ilal Amam, Abraham Serfaty etAbdellahElHarifnotamment)ontrefusé de demander le pardon, mais l’usure et la maladie ont eu raison de la majorité. Aujourd’hui encore, les détenus salafistes ont aussi dû montrer patte blanche à travers des révisions idéologiques. La grâce n’est d’ailleurs accordée qu’au compte-gouttes, officiellement après examen des antécédents, du comportement et de la capacité de réinsertion des condamnés. Un travail fastidieux pour le ministère de la Justice. « La qualité des rapports établis par les procureurs généraux près des cours d’appel laisse souvent à désirer », explique une source
AU COMPTE-GOUTTES. Pratique quand il faut faire cesser une injustice, le pardon n’efface pas la condamnation et ne réhabilite pas le condamné. « C’est l’expression d’un pouvoir absolu », explique le sociologue Mohammed Ennaji, auteur d’un livre de référence sur les mœurs sultaniques, Le Sujet et Trois critères : les antécédents, le Mamelouk (éd. Mille et Une le comportement et la capacité Nuits, coll. « Essai », 2007). Pour ce chercheur, la grâce de réinsertion du condamné. s’insère dans un rapport de domination dans lequel la liberté accorjudiciaire. La décision revient toujours dée et acceptée maintient une relation au cabinet royal. Ainsi, le ministre de de dépendance ancestrale. En déliant la Justice, El Mostafa Ramid, du Parti un prisonnier, le souverain s’assurait la de la justice et du développement (PJD, reconnaissance de celui-ci et raffermissait islamiste), n’a pu obtenir la libération sa propre autorité. Le pouvoir s’exerce de la du journaliste Rachid Niny, condamné manière la plus brute comme un contrôle à un an de prison et détenu depuis le exercé sur les corps de ses sujets. « C’est 28 avril 2011. L’argument du roi, selon flagrant dans le cas des grâces politiques. lequel Niny se serait rendu coupable Le seul moyen de se soustraire à cette relad’offenses aux institutions et non à sa tion serait de refuser le pardon du prince », propre personne – auquel cas il l’aurait, précise Ennaji. Sous Hassan II, seule assure-t-il, gracié –, « nous a convaincus », une poignée de gauchistes (les chefs du a confié Ramid. ● YOUSSEF AÏT AKDIM N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Maghreb Moyen-Orient ISRAËL-IRAN
Turkmenistan
Turq rquie
Coup de bluff ou veillée d’armes ? Chypre
Syrie Sy
L’État hébreu s’apprêterait à Liban Li lancer des frappes aériennes contre les installations Jo Jordanie nucléaires de la République islamique. Laquelle promet des Égypte représailles douloureuses.
L
TÉHÉRAN Centre de recherche nucléaire
MASHHAD Fabrique de pièces pour centrifugeuses QOM Usine d’enrichissement d’uranium (secrète et souterraine) NATANZ Usine d’enrichissement d’uranium (partiellement souterraine)
ARAK Réacteur à eau lourde (en cours de construction)
Ir Irak
Ko ït Koweït
ISPAHAN Centre de technologie nucléaire BUSHEHR Centrale nucléaire (produit de l’électricité depuis 2010)
a controverse sur le programme nucléaire iranien affole l’arène Arabie saoudite médiatique internationale. Le Mer 2 février, rouge David Ignatius, dans un Qata Qatar éditorial du Washington Post, a suscité une onde de choc en citant le ministre Les 8 sites nucléaires qui américain de la Défense, Leon Panetta, selon qui « les Israéliens attaqueraient par Khomeiny, il a été relancé pendant très vraisemblablement l’Iran en avril, mai ou juin ». Quelques jours auparavant, la guerre Iran-Irak, car l’Iran ne dispose le 25 janvier, l’Israélien Ronen Bergman, pas de capacités de raffinage suffisantes spécialiste de la question nucléaire irapour couvrir ses besoins énergétiques. nienne, s’interrogeait dans le New York Comme bien d’autres, il a fait le choix du Times : « Israël va-t-il attaquer l’Iran ? » nucléaire et veut acquérir l’autonomie « On nous l’a déjà faite », a ironisé Robert dans ce domaine. « Après 1979, rappelle Fisk dans The Independent le même Ardavan Amir-Aslani, avocat en droit jour, avant de rappeler que « le Premier international et spécialiste de l’Iran, la ministre actuel, Benyamin Netanyahou, France a refusé de traiter l’uranium iraavait déclaré en 1992 que l’Iran aurait la nien, contrairement à ses engagements bombe en 1999 ». dans le consortium Eurodif, et les Russes Cette surenchère verbale n’est pas ont mis des années à terminer la centrale sans rappeler les gesticulations anglode Bushehr. Les Iraniens ne veulent plus américaines sur les armes de destruction dépendre de la technologie étrangère. » massive de l’Irak, prélude à l’invasion du pays, en 2003. Certes, l’administraAMBIGUÏTÉ. Le 8 novembre dernier, tion Obama privilégie la voie diplomaun rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) révélait tique, mais les États-Unis n’ont cessé de répéter que « toutes les options toutefois que l’Iran « a mené des activités restent sur la table ». Se voulant rassuvisant à développer un dispositif explosif rant, le président américain a indiqué, nucléaire », confortant les soupçons le 5 février, sur NBC : « Je ne pense pas que les Israéliens Une surenchère verbale qui aient pris de décision sur n’est pas sans rappeler ce qu’ils doivent faire. […] les gesticulations sur l’Irak. Nous allons faire tout ce qui est possible pour empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. » israéliens. Des doutes renforcés par l’attiLa République islamique, signataire tude ambiguë de Téhéran: bunkérisation du traité de non-prolifération (TNP), de ses installations nucléaires, fabrication contrairement à Israël, continue de réafde missiles à longue portée, discours firmer le caractère civil et médical de son antisioniste… L’annonce, le 2 février, par programme, débuté sous le Chah avec le président Mahmoud Ahmadinejad la bénédiction de ses alliés occidentaux. d’une forte augmentation du budget Interrompu après la révolution de 1979 défense (+ 127 %) et la mise en orbite, N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Afghanis istan
Pakistan Pa
BANDAR ABBAS Usine de production d’uranium
dérangent le 3 février, d’un satellite ont été perçues comme de nouvelles provocations. Mais quand bien même l’Iran aurait des intentions secrètes, des experts des relations internationales s’interrogent : comment lui interdire ce que l’on a permis à Israël, dont l’arsenal de 200 à 300 ogives n’est plus un mystère ? Comme le souligne le politologue français Bertrand Badie, « cette région est le cratère du monde, et Israël, la seule puissance moyen-orientale dotée du feu nucléaire. Une connaissance minimum de la stratégie de la dissuasion suffit pour comprendre que l’Iran songe à l’acquérir ». En outre, le pays est cerné par des puissances nucléarisées : Israël à l’ouest, la Russie au nord, le Pakistan à l’est et les sous-marins américains au sud. Pour l’Iran, l’arme atomique serait surtout défensive, car il sait qu’une attaque nucléaire sur l’État hébreu entraînerait sa destruction immédiate. Mais le gouvernement israélien ne l’entend pas de cette oreille. Il mène une véritable guerre secrète contre Téhéran : virus informatique Stuxnet, destruction d’une base où, selon Tel-Aviv, un missile capable d’atteindre les États-Unis était en cours de fabrication, assassinats ciblés de scientifiques. Mais les opérations de sabotage ne suffisent plus. Le 2 février, Aviv Kochavi, chef du renseignement militaire israélien, affirme que l’Iran a désormais la capacité de produire quatre bombes. Pour les JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Maghreb & Moyen-Orient
RÉUNION DÉCISIVE. En retour, le Guide
suprême, Ali Khamenei, multiplie les menaces : fermeture du détroit d’Ormuz par lequel transite le tiers du pétrole mondial, attaque de navires et de bases américaines, bombardement d’Israël, direct ou par ses alliés du Hezbollah et du Hamas interposés. De source israélienne, les représailles contre l’État hébreu pourraient faire entre 5 000 et 10 000 morts. Mais à Tel-Aviv, l’option militaire ne fait pas l’unanimité. Beaucoup multiplient les mises en garde.
Des bombes antibunkers de 13,6 tonnes pour détruire les complexes souterrains. Pour le journaliste et historien Dominique Vidal, « le gouvernement israélien, le plus extrémiste que l’on ait connu, tente de faire alourdir les sanctions contre l’Iran et de faire diversion alors que sa position diplomatique régionale est fragilisée et qu’il est ébranlé à l’intérieur par le mouvement des indignés ». Mais dans cette partie de poker menteur, il est encore impossible de savoir qui bluffe et qui dit vrai. Washington cherche pour l’instant à retenir son allié et à le convaincre que les sanctions économiques, qui doivent être mises en œuvre en juillet, ne tarderont pas à faire plier le régime. Le 5 mars, la réunion du conseil des gouverneurs de l’AIEA, qui examinera le rapport de la mission prévue les 21 et 22 février, sera sans doute déterminante. Pour Dominique Vidal, « la fin de cette escalade de la terreur passe par la dénucléarisation totale du Proche-Orient ». Israël donnera-t-il un jour l’exemple ? ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
COURTESY OF BREBESH FAMILY
faucons de l’État hébreu, la fenêtre de tir se réduisant au fil du temps, l’attaque doit être lancée avant l’été, mais elle sera d’une tout autre ampleur que les raids effectués en Irak et en Syrie ; des dizaines de sorties seraient nécessaires pour détruire les huit sites principaux, mais il est possible que les Massive Ordnance Penetrator, bombes antibunkers américaines de 13,6 tonnes, ne parviennent pas à atteindre les complexes souterrains. En outre, cette opération ne ferait, au mieux, que retarder de quelques années le programme iranien.
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OMAR BREBESH, ancien ambassadeur libyen à Paris.
LIBYE MORT SOUS LA TORTURE Selon les éléments rassemblés par l’ONG Human RightsWatch et adressés au gouvernement libyen, Omar Brebesh, 62 ans, est mort sous la torture aux mains de miliciens de Zintan, dans la nuit du 19 au 20 janvier. Diplomate de métier, Brebesh avait été notamment ambassadeur par intérim à Paris de 2007 à 2008, avant de rejoindre l’administration centrale sous Kaddafi. Il continuait de
travailler pour le ministère desAffaires étrangères àTripoli.Après s’être rendu volontairement à la convocation adressée par la 10e brigade des martyrs de Zintan, dans la capitale, le 19 janvier, il avait disparu. Son corps, portant des marques de coups et de tortures, a été retrouvé devant un hôpital de Zintan, le lendemain. Un procureur a depuis entendu huit suspects, dont le commandant de la brigade, qui s’est rendu. Ils ont nié avoir eu l’intention de donner la mort. Si un procès a lieu, ils devront néanmoins se justifier. ●
ÉGYPTE ADEL IMAM EXCOMMUNIÉ
déposée par un avocat proche des milieux salafistes.
« Ce verdict menace la liberté de création », a déclaré le comédien égyptien Adel Imam, condamné, le 1er février, à trois mois de prison pour « outrage à l’islam ». En cause, certains films, comme Al-Irhabi (« LeTerroriste »), dans lesquels Imam tourne en dérision la barbe et le qamis. L’acteur de 71 ans, célèbre pour ses œuvres satiriques à l’égard des dictateurs et des extrémistes, va faire appel. La plainte qui a mené à sa condamnation a été
PALESTINE UNITÉ RETROUVÉE ? Neuf mois après la signature d’un premier accord, la réconciliation du Hamas et du Fatah a été scellée, le 6 février, à Doha, au Qatar. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (Fatah), et le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, se sont entendus pour former un gouvernement d’union nationale. Abbas cumulera les fonctions de président
et de Premier ministre, le Hamas ayant exigé le départ du précédent chef du gouvernement, Salam Fayyad. KOWEÏT VICTOIRE ISLAMISTE L’opposition koweïtienne, dominée par les islamistes, a remporté 34 sièges sur 50 aux législatives anticipées du 2 février. Les islamistes disposent désormais de 23 sièges, contre 9 auparavant. Aucune des quatre députées sortantes n’a été réélue dans cette nouvelle chambre, exclusivement masculine. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Europe, Amériques, Asie
ÉTATS-UNIS
MITT
Romney, money,
MONEY
Très riche, discret, austère et… terriblement ennuyeux, il sera, selon toute vraisemblance, l’adversaire de Barack Obama lors de la présidentielle de novembre.
Romney vient de récidiver en affirmant abruptement qu’il « ne se souciait pas des plus pauvres ». Devant le tollé qui s’est ensuivi, il a été contraint de préciser que, bien sûr, son propos avait été sorti de son contexte. C’était d’ailleurs un peu vrai : il avait ajouté que, s’il était élu président, il concentrerait son action sur les 95 % d’Américains qui luttent pour s’en sortir. Avait-il oublié – mais l’a-t-il jamais su ? – que le taux de pauvreté aux États-Unis est de 15,1 % ?
JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York
« VAUTOUR ». Il faut dire que Romney est un
E
st-il seulement humain ? Avec sa coiffure impeccable, il ressemble au cow-boy de Marlboro. En plus coincé. Grand favori pour défendre les couleurs du Parti républicain lors de la présidentielle du mois de novembre, Mitt Romney évoque irrésistiblement une publicité sur papier glacé. Et son physique n’est pas seul en cause. Car ce fervent mormon de 64 ans, businessman richissime, connu pour sa rigueur et son efficacité – sa campagne des primaires est impeccablement huilée –, semble, à en juger par certaines de ses déclarations, totalement inapte à la pitié et à la compassion. Un exemple ? Dans une Amérique qui compte 13 millions de chômeurs, il a un jour déclaré ne rien aimer tant que de « licencier les gens qui lui rendent service ». Auparavant, lors d’un débat télévisé, il avait nonchalamment proposé à Rick Perry, le gouverneur du Texas alors en lice pour l’investiture, un pari à… 10 000 dollars. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Américain atypique. Diplômé de Harvard, il vient d’une de ces grandes familles d’industriels – son père fut président d’American Motors et gouverneur du Michigan – pour lesquelles le pouvoir n’est que le prolongement naturel de la réussite professionnelle. Autrement dit, de l’argent. C’est l’anti-self-made-man par excellence. À la tête de Bain Capital, un fonds d’investissement spécialisé dans le rachat des entreprises en difficulté, il a transformé tout ce qu’il a touché – ou détruit, c’est selon – en or. S’il est parvenu à redresser certaines entreprises comme Staples, une chaîne de fournitures de bureau, il en a démantelé beauDans sa famille, coup d’autres, comme Domino’s le pouvoir a toujours été Pizza, multipliant du même le prolongement naturel coup les licenciements. Même s’il prétend avoir sauvé de la réussite sociale. 100 000 emplois – chiffre invérifiable –, la seule boussole de Romney au cours de ses années chez Bain Capital a été la recherche du profit maximal. Ce qui, au passage, lui a permis d’empocher quelque 200 millions de dollars et JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
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lui vaut aujourd’hui une solide réputation de « vautour », comme dit Newt Gingrich, son rival le plus sérieux chez les républicains. Il est l’adepte d’un capitalisme pur, dur et sans états d’âme. N’a-t-il pas déclaré qu’il fallait laisser l’industrie automobile américaine – sauvée par Obama en 2010 – faire faillite, malgré les conséquences sociales catastrophiques d’une telle banqueroute – notamment dans son Michigan natal ? N’a-t-il pas prétendu qu’il fallait laisser le marché immobilier « toucher le fond » et espérer un hypothétique rebond, alors que le pays a le plus grand mal à se relever de la crise des subprimes ? Il est sans doute plus facile d’être favorable au darwinisme économique quand on est, comme Romney, dans le camp des vainqueurs. JEUNE AFRIQUE
BREF MOMENT DE DÉTENTE POUR LE CANDIDAT RÉPUBLICAIN
dans son avion de campagne, le 30 janvier, en Floride.
S’il est élu en novembre, Romney ne fera assurément pas de quartier: démantèlement de la protection sociale, privatisation partielle de Medicare (l’assurance santé pour les plus de 65 ans), octroi à tout-va de permis de forage pétrolier… Pour y parvenir, il fait valoir ses qualités de manageur, censées lui permettre de redresser l’économie américaine et de créer des emplois. Il peut également s’appuyer sur son bon bilan en tant que décideur public. PINGRE. En 2002, il a en effet sauvé de la fail-
lite les Jeux olympiques de Salt Lake City. Élu peu après gouverneur du Massachusetts, il a fait adopter une loi très progressiste instituant un accès universel aux soins médicaux, dont N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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l’administration Obama s’est inspirée pour concevoir son Affordable Care Act. Propriétaire entre autres de propriétés en Californie et dans le New Hampshire (valeurs respectives : 12 millions et 4 millions de dollars), il fait partie des 0,1 % des Américains les plus riches. On le dit économe jusqu’à la pingrerie, ceci expliquant peut-être cela. Il est par exemple connu pour accumuler des points afin de gagner des vols gratuits sur JetBlue, une compagnie low cost. Comme le dit Tagg, l’un de ses fils, « rien n’agace plus mon père que de jeter l’argent par les fenêtres ». C’est donc en montre Seiko et en jean Gap que Romney sillonne les États-Unis pour les besoins de sa campagne, tweetant à tour de bras, se nourrissant de Burger King et ne dédaignant pas, à l’occasion, se faire offrir un petit-déjeuner dans quelque motel. PACTOLE. Mitt Romney dépense en revanche sans
compter pour Ann, son épouse (lire ci-dessous), et pour l’église mormone, à laquelle, depuis 1999, il a fait don d’un joli pactole : 4,7 millions de dollars. Peu doué pour la séduction, cet homme austère qui ne boit ni alcool ni café et cultive la discrétion a le plus grand mal à susciter l’empathie – fâcheux pour un homme politique. Les deux livres qu’il
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% C’est le faible taux d’imposition appliqué aux revenus de Romney (contre 26 % à ceux d’Obama). Deux raisons à cela. Les réductions fiscales découlant de ses dons à l’Église mormone. Et le fait que les comptes sur lesquels sa fortune est placée ne sont pas tous identifiés.
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CHERCHEZ LA FEMME QUI A DIT QUE derrière tout (grand) homme se cache une femme ? En tout cas, c’est le cas de Mitt Romney : Ann, son épouse, est sa plus fidèle alliée. C’est elle qui, après son cuisant échec de 2008, l’a convaincu de tenter de nouveau sa chance aux primaires républicaines. Protestante convertie au mormonisme, elle tente depuis peu d’« humaniser » son mari, avec lequel, jure-t-elle, elle ne s’est jamais disputée en ANN ET MITT ROMNEY dans quarante-deux années le New Hampshire, le 13 janvier. de mariage. Avec leurs cinq fils et leurs seize petits-enfants, ils offrent toutes les apparences d’une famille unie. Atteinte de sclérose en plaques, Ann peut compter sur le soutien indéfectible de Mitt, qui, en guise de thérapie, lui a offert plusieurs pur-sang. Et Ann de raconter leurs longues promenades équestres dans leur propriété du New Hampshire, avec Mitt chantant à tue-tête… « Il n’a pas laissé tomber sa femme, il ne laissera pas tomber le pays », conjecture une sympathisante J.-É.B. républicaine. Si elle le dit… ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
a écrits sont d’impressionnants catalogues de poncifs. On se permettra de déconseiller fermement la lecture du dernier : No Apology (« pas d’excuses »). Pour les pauvres, sans doute ? Romney souffre d’un autre handicap : sa foi mormone, pratiquée par seulement 2 % des Américains. Beaucoup ne sont pas loin de considérer cette église comme une secte. Selon un récent sondage, près de 20 % des électeurs indépendants jurent qu’ils ne voteraient en aucun cas pour un candidat issu de cette obédience. On comprend donc la discrétion du candidat républicain sur le sujet, sauf lorsqu’il s’agit de fustiger le modèle social européen. Il fut jadis missionnaire de sa foi en Europe et séjourna deux ans et demi durant à Limoges, dans le centre de la France, où il réussit, s’il faut en croire une récente biographie, à convertir une poignée d’autochtones. C’est à cette époque qu’il aurait pris conscience de la malfaisance de la socialdémocratie à l’européenne. Celle-là même que ce dangereux gauchiste de Barack Obama rêve d’introduire en Amérique… En revanche, sur nombre de sujets de société, Romney se montre étrangement fluctuant. Pour flatter la base ultraconservatrice du Parti républicain, il n’hésite pas à durcir artificiellement ses positions. Voire à les jeter par-dessus bord. L’avortement? Il y était favorable, il y est désormais très opposé. La limitation des gaz à effet de serre ? L’assurance maladie obligatoire ? Même chose. Sur le dossier de l’immigration, il passa longtemps pour un modéré. Désormais, il réclame à cor et à cri l’expulsion des 11 millions de clandestins que compte le pays. Sauf en Floride, bien sûr, où l’électorat latino est majoritaire. Bref, une vraie girouette. SANG FROID. S’il arrive à se sortir du piège des
primaires, les chances de Romney de battre Obama en novembre paraissent a priori plutôt minces – mais sait-on jamais. Les deux hommes sont des animaux politiques à sang froid, mais le président sortant est bien meilleur orateur. Le républicain peut toujours se rassurer en se disant que le scrutin risque de tourner au référendum sur le bilan de son adversaire démocrate. À charge pour lui, le futur « PDG de l’Amérique », comme dit l’hebdomadaire The Economist, de présenter aux électeurs une alternative crédible. Problème : le taux de chômage ne cesse de baisser et a atteint au mois de janvier son plus bas niveau depuis trois ans : 8, 3 %. Au cours des douze derniers mois, près de 2 millions d’emplois ont été créés. Ce qui prive le sauveur autoproclamé de l’économie américaine de son plus sérieux argument. D’autant que, d’ici au mois de novembre, le « superhéros le plus ennuyeux du monde », comme l’a surnommé un commentateur, a largement le temps de multiplier les bourdes. ● JEUNE AFRIQUE
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ð MOMENT DE DÉTENTE POUR LE COUPLE « MERKOZY », à Strasbourg, en novembre 2011.
FRANCE
Votez allemand!
Nicolas Sarkozy affiche sa fascination pour l’insolente réussite économique du voisin d’outre-Rhin. Or celle-ci est le fruit d’une terrible cure d’austérité lancée au début des années 2000…
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out mon travail, c’est de mettre les pas de la France dans ceux d’un système qui marche, celui de l’Allemagne », avait déclaré Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée du 27 octobre dernier. Il a confirmé cette feuille de route en conviant Angela Merkel à un entretien télévisé conjoint, le 6 février sur France 2 et la chaîne allemande ZDF, histoire de conforter son image vacillante par une proximité avec la chancelière triomphante, qui, elle, obtient 64 % d’opinions favorables dans son pays. Du coup, il contraint ses adversaires, François Hollande ou François Bayrou, à se positionner par rapport à ce fameux modèle allemand. Il faut dire que les sondages expriment la fascination des Français pour ce pays « qui marche ». Selon un sondage Ifop publié le 23 janvier par l’ambassade d’Allemagne à Paris, 74 % des personnes interrogées jugent que le pays d’Angela Merkel fait mieux que la France en matière de gestion de l’économie, 64 % qu’il lutte mieux contre le chômage, et 57 % qu’il a un meilleur niveau de vie. Tendance confirmée par une enquête JEUNE AFRIQUE
Harris Interactive mise en ligne par le site Jolpress le 5 février : 50 % des sondés, contre 42 %, estiment que l’Allemagne pourrait être un modèle économique et social pour la France. DÉCROCHAGE. De fait, avec une crois-
eu du mal à digérer sa réunification, l’Allemagne accumulait les déficits, et sa main-d’œuvre était, selon l’hebdomadaire britannique The Economist (décembre 2002), « la plus chère, la moins flexible et la mieux protégée au monde ». En 2003, le chancelier socialiste Gerhard Schröder entreprit un traitement de choc qui durera cinq ans et sera poursuivi par Merkel : report à 67 ans de l’âge de la retraite, augmentation de trois points de la TVA, réduction de l’indemnisation du chômage… Entre 2000 et 2009, le salaire moyen recula de 4,5 %, alors qu’il augmentait de 8,6 % en France. Cette sagesse salariale permit aux entreprises de ne pas licencier massivement pendant la crise, mais de pratiquer un chômage partiel grâce auquel elles purent conserver leur personnel qualifié et repartir dès la reprise des exportations. Parallèlement, les gouvernements successifs taillèrent dans les dépenses publiques de telle sorte que l’Allemagne aborda la crise de 2008-2009 avec des finances en équilibre. MINIJOBS. Une potion aussi amère serait-elle du goût des Français ? On peut douter qu’ils apprécient beaucoup la création de « minijobs » payés moins de 400 euros par mois pour cinquante heures de travail par semaine. Pas plus que le non-remboursement des soins dentaires par l’assurance maladie ou la fin des avantages fiscaux des retraités. Le
sance de 3 % en 2011 (contre 1 % pour la France), un chômage à moins de 7 % (contre 9,3 %) et un excédent commercial de 158 milliards d’euros (contre un déficit Il y a dix ans, la main-d’œuvre de 70 milliards), l’éconoallemande était « la plus chère mie allemande peut faire envie. Les responsables et la mieux protégée au monde ». français rêvent donc de corriger le décrochage économique entre taux de pauvreté n’est-il pas plus élevé les deux pays, dont les conséquences chez le voisin germanique ? politiques sont désormais patentes : le On comprend que Sarkozy cite l’Allecouple « Merkozy » a volé en éclats et magne en exemple pour mettre en difl’Allemagne est seule en scène. Berlin a ficulté face à l’opinion son adversaire imposé sa « règle d’or » budgétaire, tancé socialiste, qui rechigne à ce traitement la Grèce pour sa mauvaise gestion et tenu de cheval. Mais tout indique qu’il a tête au FMI qui le pressait de relâcher choisi d’en appliquer – et le plus tard sa discipline budgétaire pour ne pas possible – une version « light ». Normal, accroître la crise de compétitivité entre il ne souhaite pas connaître le même sort le nord et le sud de l’Europe. que Schröder, renvoyé dans ses foyers Au début des années 2000, la situaen 2005 par les électeurs en colère ! ● tion était exactement inverse. Ayant ALAIN FAUJAS N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
MUSULMANE PRATIQUANTE, l’humoriste a un temps craint que le port du voile ne la prive d’opportunités artistiques.
Samia Orosemane. Rires voilés. Française d’origine tunisienne, la jeune femme adepte de l’autodérision défend sur scène les valeurs de l’islam.
L
ESTHÉÂTRESPARISIENSregorgent de talents en gestation. Samia Orosemane le sait bien, elle qui a passé des années à les sillonner en quête d’artistes pour les spectacles Oriental Comic et Samia et les 40 comiques, plateaux d’humour « sans injure ni vulgarité » imaginés il y a cinq ans. Elle est fière d’avoir été parmi les premières supportrices de Kyan Khojandi, antihéros de la série Bref, quand elle cherchait à débusquer des troubadours modernes… Depuis quelques mois, c’est enfin sur son propre one-woman-show que se lève le rideau. Dans Femme de couleurs, l’humoriste aux flèches acides, mais au cœur pétri de (trop) bonnes intentions raconte le quotidien, joue de sa liberté de ton et s’engage. Pas donneuse de leçons pour un sou, elle alterne piques autocritiques et tournée générale de taquineries. Ses formes rebondies?
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Les Sénégalaises aux cheveux interchangeables ? Les Marocaines « marabouteuses »? Et son père alors? « Il n’y a plus rien à en tirer », blague-t-elle avant d’entamer une hagiographie du paternel, épicier tunisien méritant et fournisseur officiel de répliques cultes. À 31 ans, celle qui rêve de la scène depuis le collège n’a pas changé. Lors de son premier cours de théâtre, à l’âge de 12 ans, elle improvise le rôle d’une jeune fille endeuillée et parvient à faire jaillir les larmes. « C’était tellement fort et beau que je me suis dit que c’était ce que je voulais faire. Et rien d’autre. » Au lycée, à la fac, elle se perfectionne, passe mercredis après-midi et samedis à répéter. « Mes parents disaient : “Le spectacle ne sert à rien, on ne gagne pas sa vie en jouant, va faire des études !” » Au lieu de suivre les cours de sociologie
et de sciences politiques, auxquels elle s’était inscrite pour toucher une bourse, elle intègre à 20 ans le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, à Paris. « Un monde à part où l’on considère d’emblée que tu as les moyens financiers de ton ambition. On était trois Maghrébins, le prof faisait sans cesse allusion à mes origines, j’étais abonnée aux rôles de servante. Ça m’allait bien, cela dit, ce sont toujours les plus exubérants et les plus attachants. » Quant aux stéréotypes sur le « 9-3 » de ses camarades, ils l’amusent, elle qui loue le métissage culturel. « Dans le 19e, où je suis née, puis à Clichy-sous-Bois, où j’ai grandi, j’ai rencontré les accents et les couleurs que je raconte aujourd’hui », dit-elle, radieuse dans sa tunique rouge et son foulard aux imprimés assortis. Après deux ans de conservatoire, elle est recalée. Pas assez assidue – elle travaille à l’usine en parallèle –, et le talent ne fait pas tout. Elle épouse « un Antillais converti » rencontré dans un atelier théâtral, et renonce à la scène, supposant JEUNE AFRIQUE
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Mais sous son turban, le théâtre continue de la démanger. Alors, après s’être cherchée quelques années durant, elle part à la recherche de nouveaux talents et monte des spectacles collectifs, tous publics, qui se jouent à guichet fermé aux théâtres de La Reine blanche, de la Main d’or et du Gymnase. De succès en déconvenues, elle donne plus qu’il ne faudrait. Son frère Mounir lui reproche une sociabilité exacerbée et voudrait « qu’elle se consacre à elle-même et moins naïvement aux autres ». Défi relevé. Depuis qu’elle joue seule, la petite sœur montre enfin les dents… avec le sourire et tout en défendant les valeurs de l’islam. Elle assume le port du turban et du col roulé « pour cacher ce qu’il faut, sans faire peur ». Ce compromis lui permet d’être en phase avec sa foi sans froisser ceux qui se ferment lorsqu’elle est trop « couverte ». Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est l’échange. En véritable professionnelle, elle multiplie les projets, des web-séries aux rendez-vous hebdomadaires sur OummaTV. Son second spectacle en tête, elle veut prolonger l’actuel tant qu’il lui fera du bien. « Au fond, je suis une grande dépressive, dit-elle. Exprimer mes souffrances avec humour me soulage face à ceux qui ne comprennent pas qui je suis. » Parfois, elle prend le large enTunisie. « À Djerba, les villages sont patriarcaux. C’est formidable : dans les moments de joie et de peine, tous tes voisins sont des cousins, frères, tantes, des gens sur qui compter. » Et comme elle ne peut pas garder son sérieux : « C’est aussi insupportable : le commérage, sport national, va encore plus vite avec cette organisation. Si les Tunisiens avaient breveté le téléphone arabe, on serait déjà millionnaires ! » ●
CHINE
Dix mille euros le bébé!
Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’enfants – surtout des garçons – sont enlevés pour être revendus. Dans le meilleur des cas, ils deviendront mendiants ou agriculteurs.
P
our la première fois depuis trois ans, Peng Gaofeng, un petit commerçant de Shenzhen, dans le sud du pays, a pu célébrer le nouvel an chinois avec son fils de 6 ans. Le bambin avait été enlevé en pleine rue, en mars 2008. Trois années durant, son père a remué ciel et terre pour le retrouver. « C’est grâce à internet que j’y suis parvenu, raconte-t-il. J’ai créé un blog et publié des photos. C’est un étudiant qui l’a reconnu. » Son histoire a ému toute la Chine et passionné les médias du monde entier. Peng Gaofeng est aujourd’hui un symbole. Chaque année en Chine, entre 10000 et 15 000 enfants sont kidnappés. En tout cas selon les chiffres officiels, car cet odieux trafic serait en réalité deux fois plus important. Souvent démunie, la police rechigne à enregistrer les plaintes, quand elle n’est pas carrément complice. Il y a des cas extrêmes de trafic d’organes, mais la plupart des victimes sont de jeunes garçons qui viennent alimenter des réseaux mafieux de mendicité. D’autres sont revendus dans les campagnes, où les familles d’agriculteurs sont très demandeuses de descendants mâles capables de travailler la terre. En vertu de la loi sur l’enfant unique, les
familles ne peuvent en effet avoir qu’un seul bébé. « Je conseille à tous les parents de publier sur internet, qui est un outil formidable, des photos de leur enfant disparu, explique Peng Gaofeng. Il ne faut jamais baisser les bras. Je reçois beaucoup de témoignages et de demandes d’aide, je continuerai à me battre pour tous ces enfants. » LE SALUT PAR INTERNET. Dans son sillage, l’universitaire Yu Jianrong, de l’Académie des sciences sociales de Pékin, a lancé un grand mouvement national pour demander à ses compatriotes de photographier les petits mendiants dans les rues et de mettre leurs photos sur internet afin d’identifier ceux qui auraient été enlevés. Ainsi mises sous pression, les autorités ont fini par réagir : 178 enfants ont été libérés et 608 kidnappeurs arrêtés. Les provinces industrielles du SudEst, où vivent des millions d’ouvriers migrants comme Peng Gaofeng, sont un vivier pour les trafiquants, qui revendent les enfants près de 10 000 euros. Le petit Wenle a par exemple été retrouvé à des milliers de kilomètres de chez lui. « Sans internet, je ne l’aurais sans doute jamais revu », commente son papa. ● STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin
Ü FOU DE BONHEUR, UN FERMIER de la province du Guizhou retrouve son fils, kidnappé par des trafiquants en octobre 2009.
CHINA DAILY CHINA DAILY INFORMATION CORP – CDIC/REUTERS
que le voile qu’elle décide de porter la privera d’opportunités artistiques. Elle choisit l’option « câlins, bisous, doudou » et devient nounou.
LAURANNE PROVENZANO Photo : BRUNO LEVY POUR J.A.
Femme de couleurs, tous les mardis, à 20 heures, au Théâtre popul’air du Reinitas, 36, rue Henri-Chevreau, 75020 Paris. JEUNE AFRIQUE
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Économie
AFRIQUE DU SUD
Brainstorming à Pretoria
INTERVIEW
Lucien Marie Noël Bembamba Ministre burkinabè des Finances
SÉNÉGAL - PRÉSIDENTIELLE 2012
Pour qui voteraient
les patrons ? À deux semaines du premier tour, ils sont encore indécis sur le choix du prochain chef de l’État. Mais tous attendent des réformes. Le point sur leurs aspirations.
MICHAEL PAURON,
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envoyé spécial à Dakar
certitude sur la durabilité des mesures prises », dit un patron du tertiaire. Les dépenses énergétiques représentent pour lui jusqu’à 40 % de ses charges; et plus largement un point de PIB au niveau national. À deux semaines du scrutin, les patrons sont quasi unanimes : quel que soit le candidat élu (ils sont quatorze à se présenter), il devra davantage soutenir leurs intérêts. Pour eux, trop de contrats et trop d’industries ont été donnés aux étrangers. Ce futlecaslorsdesgrandesprivatisations,notamment celles des Industries chimiques du Sénégal (ICS, détenues à 85 % par l’indien Iffco depuis 2008) et de la Société africaine de raffinage (SAR, propriété à 34 % de Saudi Binladin Group depuis 2010).
rofil bas. Habitués à être malmenés par l’administration fiscale, échaudés par les affaires politico-économiques, les patrons sénégalais ont du mal à se prononcer en cette période électorale – le premier tour de la présidentielle est prévu pour le 26 février. PLUS DE PATRIOTISME… « Nous devons recourir au patriotisme économique », indiquait dans nos Interrogés sur leurs attentes et leur opinion politique, tous ou presque requièrent l’anonymat. colonnes le président du patronat, Baïdy Agne, en Agrégé d’économie, le président sortant, janvier 2011. Un sentiment partagé par le dirigeant d’uneentreprisepharmaceutique:«Ildevraityavoir Abdoulaye Wade, libéral dans l’âme, pourfendeur de l’intervention de l’État et candidat pour des appels d’offres réservés aux acteurs locaux, car il nous est encore difficile d’être compétitifs face un troisième mandat, avait rassemblé les espoirs aux multinationales, notamment chinoises et des entrepreneurs en 2000, lors de son arrivée au indiennes… » Pour d’autres, le manque de transpouvoir. Le Sénégal sortait alors d’une période de parence dans l’attribution des marchés publics vaches maigres, à la suite des ajustements structuest aussi un obstacle. « Nous avons besoin de rels des années 1990. Depuis, le pays s’est largement ces marchés pour nous développer, les clients de ouvert au privé, sous l’impulsion du Parti démoo Proposition n 1 taille importante étant encore peu nombreux au cratique sénégalais (PDS). « Il a réconcilié le pays Sénégal », remarque un jeune entrepreneur des avec l’investissement privé », estime un patron, Améliorer technologies de l’information et de la communicaancien militant. Mais les temps changent, et le la fourniture tion (TIC). Pour lui, le clientélisme doit disparaître. portrait chinois du candidat idéal a davantage le d’énergie Les patrons de centres d’appels, qui avaient profil d’un homme d’affaires quadragénaire que nourri beaucoup d’espoirs avec l’arrivée de celui d’un vieux briscard de la politique. l’Agence nationale chargée de la promoPonts, routes, monuments… Les BTP ont tion des investissements et des grands largement profité des réformes de Wade, Prop o 3 ositio n n travaux(Apix),dontl’unedesmissions lesquelles ont permis d’injecter de l’argent io it s o n n o2 p Pro A l lé s e consistait à les soutenir via la créafrais dans les rouages d’une économie d r e v r la f ger Rése ’of f re s tion de plateformes précâblées, des endormie. L’énergie reste en revanche is c a de s l app e ls d te u rs tarifs télécoms avantageux et une son grand échec. Et même si la situaP M i té aux ac x E fiscalité allégée, sont de leur côté tion s’est améliorée depuis quelques u a c lo dubitatifs. Presque aucune de ces semaines, « nous avons dû investir dans promesses n’a été tenue : « Il n’y desgénérateurscarnousn’avonsaucune N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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BIÈRE
DÉCIDEURS
Jean-François Fichaux
Responsable Afrique de BNP Paribas
MARCHÉS FINANCIERS
Delta Holding force le respect des investisseurs
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GEORGES GOBET/AFP
SAB Miller prend de la bouteille
! ABDOULAYE WADE a lancé en 2008 la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance. Sans beaucoup de succès…
a aucun cadre, nous sommes toujours plus chers que le Maroc alors qu’il n’y a aucune raison! » juge l’un deux. En 2002, Wade affichait pourtant des ambitions pour le pays, qualifiant alors le premier centre d’appels délocalisé à Dakar, PCCI, de « jalon d’envergure qui marque le positionnement du Sénégal dans l’espace économique du télétravail ». Le secteur des services s’estime délaissé, alors que le pays, dépourvu de matières premières, aurait « tout intérêt à miser sur lui » pour se développer. Le tourisme piaffe, lui aussi. Alors que le Sénégal compte à peine 400000 visiteurs par an (il s’est fixé un objectif de 1,5 million de touristes en 2015), les hôteliers restent sceptiques quant au nouvel aéroport international Blaise-Diagne de Diass, avec lequel « il n’existe aucune perspective de business, car il n’y a aucun projet d’agglomération à moins de 10 km », analyse l’un d’entre eux. « Le tourisme a chuté de 204 % en trois ans… Même avec le Printemps arabe, le gouvernement n’a pas réussi à faire des offres attrayantes. C’était JEUNE AFRIQUE
pourtant l’occasion de redevenir une alternative au Maghreb. » Et si le tourisme d’affaires se porte bien, « c’est totalement subi, il n’y a pas eu de stratégie », dit-il. … ET MOINS DE TAXES. Confrontées à un taux
d’imposition annuel unique de 25 %, les PME souhaiteraient quant à elles une réforme de la fiscalité. Elles attendent un allègement de 10 points de cette taxe, pour atteindre 15 %. « Un taux raisonnable qui nous permettra de trouver de nouvelles sources de financement pour nous développer, vu que l’accès aux ressources bancaires reste un parcours du combattant », explique Ousmane Sy Ndiaye, secrétaire permanent de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois). Pour lui, la fiscalité doit aussi prendre en compte le secteur informel. « Il faut identifier ces microentreprises et les accompagner. On peut ensuite imaginer un impôt transitoire avant qu’elles ne basculent vers le système formel », préconise-t-il. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Entreprises marchés Danslesecteurprimaire,lesrésultatsdelaGrande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana), lancée en 2008, se font toujours attendre. Faible pluviométrie, appauvrissement des sols, manque de semences certifiées… La production d’arachides sur la saison 2011-2012 dépassera difficilement les 120000 tonnes, contre 800000 dans une année normale. Ousmane Ndiaye, directeur de l’Association sénégalaise pour la promotion du développement à la base (Asprodeb), souligne : «Nousfaisonsdeseffortspourcertifiernossemences,
! LA PRODUCTION D’ARACHIDES dépassera difficilement les 120 000 tonnes en 2011-2012, contre 800 000 t dans une année normale.
SEYLLOU DIALLO/AFP
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augmenter l’utilisation des engrais et améliorer la collecte, afin d’accroître notre rentabilité, mais le gouvernementdoitimposerauxindustrielsd’investir dansdesoutilsdeproductionperformantspourbaisser le prix de l’huile sur le marché. » Le litre d’huile d’arachide est souvent vendu de 300 à 600 F CFA au-dessus de l’huile importée (de 1000 à 1100 F CFA le litre). « Le complexe agroalimentaire de Touba a pourtant prouvé l’année dernière qu’il était possible d’abaisser le prix, poursuit Ousmane Ndiaye. Il a vendu une huile d’arachide certifiée 900 F CFA le litre! » De fait, les patrons attendent de l’État qu’il organisemieuxlesfilièresagricoles.Àtitred’exemple, alors que le pays a un potentiel de production de 200 millions de litres de lait, une bonne partie est perdue et non collectée par « manque d’organisation », soutient un transformateur. La création d’une interprofession entre producteurs, transporteurs, commerçants et industriels est plébiscitée. Un retour modéré de l’État dans l’économie semble ainsi sollicité, notamment « à travers des partenariats public-privé », estime Ousmane Sy Ndiaye, de l'Unacois. « Le privé ne peut pas tout faire », admet un grand patron. En libéralisant l’économie, politique amorcée par son prédécesseur et encouragée par les institutions de Bretton Woods, Abdoulaye Wade a peut-être oublié de protéger ses entreprises. Il pourrait de ce fait perdre le soutien de ceux qui jadis l’avaient suivi. ●
« Je choisirai le moins pire » Beaucoup ont été déçus par Wade, et l’opposition peine à convaincre. À quoi ressemblerait le candidat idéal des chefs d’entreprise ?
D
ifficile de trouver un patron qui votera avec enthousiasme pour le président sortant. Pour ce dirigeant sexagénaire, ce sera « Wade, faute d’alternative crédible ». Une opinion diamétralement opposée à celle de ses cadres. Le Sopi (« changement » en wolof, slogan de campagne d’Abdoulaye Wade en 2000) a ses déçus. « Manque de vision », « pas de création de valeur », « bilan mauvais »… Le candidat à un troisième mandat, 85 ans, est sévèrement jugé par les acteurs économiques. Pour autant, l’opposition – principalement incarnée par Moustapha Niasse, Idrissa Seck, Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng – n’insuffle pas plus d’espoir. Des « vieux » passés aux affaires (les trois premiers N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
ont été Premiers ministres de Wade, le quatrième, le bras droit de son prédécesseur Abdou Diouf) et dont on doute « qu’ils ne fassent demain ce qu’ils n’ont pas fait hier ». CLIVAGE. « Je voterai pour le moins
pire », confie un jeune patron des TIC, militant du candidat invalidé Kéba Keindé (un banquier d’affaires
Le profil recherché allierait l’intégrité de Cheikh Bamba Dièye et le charisme de Khalifa Sall. de 45 ans, initiateur du mouvement Sénégal 2.0). Un autre, quinquagénaire, aurait bien aimé mettre dans l’urne le bulletin du maire de Dakar, Khalifa Sall, 56 ans, grand absent de cette élection, mais d’autant
plus « sympathique » qu’il a battu le fils du président, Karim Wade, aux municipales de 2009. Le clivage générationnel est bien réel. Pour les trentenaires ou moins, le candidat idéal aurait le charisme politique de Khalifa Sall, l’intégrité du candidat Cheikh Bamba Dièye (député-maire de Saint-Louis de 47ans,réputéincorruptible),lafibre économique de l’homme d’affaires millionnaire Yérim Sow (45 ans) et l’âge moyen des trois. « J’ai envie d’entendre un président qui a des perspectives, qui veut encourager l’entrepreneuriat et investir dans l’éducation », précise un haut cadre d’un groupe international formé à l’étranger. « Avec internet et les voyages, tout le monde voit comment cela se passe en Europe ou aux États-Unis », dit-il, persuadé qu’il faut « tout reprendre de zéro » et qu’il ne verra sans doute jamais le « Sénégal émergent » promis par Abdoulaye Wade. ● M.P. JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
Dans ce contexte, le rôle de l’État reste à définir. Enoch Godongwana considère qu’il faut que les autorités concentrent leur attention sur les secteurs stratégiques. L’industrie minière, en l’occurrence, pourrait servir de support à une industrie manufacturière mal en point, mais l’économiste doute que l’État gagne à être davantage actif dans les mines. Une entreprise publique, African Exploration Mining and Finance Corporation, a déjà été créée dans ce but l’an dernier. À Johannesburg, des CHÔMEURS offrent leurs services. AFRIQUE DU SUD
Pretoria cherche sa voie
Face à une croissance en berne et à un chômage élevé, l’ANC réaffirme l’importance du rôle de l’État dans l’économie. Il tente de s’inspirer des expériences étrangères pour définir un nouveau modèle de développement.
JEUNE AFRIQUE
2020 et de réduire le taux de chômage des jeunes (50 %). Les discussions au sein de l’ANC se tiennent sur fonds de polémiques, à la suite de l’appel à la nationalisation des mines lancé l’été dernier par Julius Malema, leader de la Ligue des jeunes de l’ANC (Ancyl). Peu pensent qu’une telle décision serait souhaitable ou même viable. Mais les déclarations tapageuses de Malema, suspendu depuis par son parti, ont inquiété les investisseurs et créé un certain émoi en laissant entendre que les richesses minières à la base de l’économie nationale ne profitent qu’à une élite blanche. « Nous sommes en profond désaccord avec l’Ancyl. Néanmoins, je reconnais que ces ressources ne bénéficient pas à l’ensemble des Sud-Africains », admet Enoch Godongwana, responsable des questions économiques au sein de l’ANC.
Taux de chômage
24 %
Un ton en dessous Taux de croissance (en %) 6 5
Afrique subsaharienne
4 3 2
Afrique du Sud
plutôt se pencher sur les secteurs verrouillés par des monopoles ou des oligopoles: l’acier, par exemple. Des intentions qui, à nouveau, suscitent un certain malaise dans les milieux d’affaires. Ce sentiment est renforcé par la multiplication des courants au sein du parti au pouvoir, même si, sur la question de la fiscalité, le camp des modérés a pour le moment pris le dessus sur l’aile gauche. Une chose est sûre : pour les entrepreneurs, les priorités consistent à éliminer les goulots d’étranglement en matière d’infrastructures, à améliorer la flexibilité du marché de l’emploi et le niveau de qualification des travailleurs. Àlalisièredubidonvilled’Alexandra, à Johannesburg, l’usine ATS 2000, spécialisée dans la fabrication de pièces en aluminium, apporte la preuve que le défi peut être relevé. Au cours de la dernière décennie, l’effectif est passé de 18 à 118 salariés, offrant des emplois à une main-d’œuvre peu qualifiée. Mais à entendre Glenton Rebello, directeur général, il ne faut guère attendre de miracle de l’ANC : « Si le gouvernement veut changer les choses, il doit reprendre l’ascendant sur les syndicats. Hélas ils partagent depuis trop longtemps le même lit ! » ● ANDREW ENGLAND © Financial Times et Jeune Afrique 2012. Tous droits réservés.
4,9 5,5
5,3 2,9
3,1
2010
2011
5,3
2,5 2012*
3,4 * projections
2013*
SOURCE : FMI
E
n Afrique du Sud, le débat sur la meilleure façon de combattre les inégalités sociales – parmi les plus importantes au monde – et le taux de chômage des jeunes prend de l’ampleur. Contraint de se saisir de cette question, le Congrès national africain (ANC, au pouvoir) réaffirme l’importance du rôle de l’État dans l’économie et la nécessité de trouver un modèle plus efficace pour créer des emplois. Lors de son comité exécutif organisé début février, un groupe de travail a passé au crible les expériences de treize pays, de la Norvège au Venezuela. En juin, une conférence prolongera cette réflexion devenue incontournable au vu des perspectives économiques. Les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), livrées début 2012, tablent sur une croissance de 2,5 %, soit un recul de 1,1 point par rapport à ses estimations du mois de septembre. Une situation qui contraste avec la forte hausse du PIB attendue en Afrique subsaharienne cette année (+ 5,5 %) et, surtout, avec l’objectif de croissance fixé par le gouvernement sud-africain : Pretoria veut atteindre les 7 % en 2012 afin de créer 5 millions d’emplois d’ici à
PAS DE MIRACLE. L’ANC souhaite
N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Entreprises marchés BURKINA FASO
Lucien Marie Noël Bembamba M INISTRE
DE L ’É CONOMIE ET DES
F INANCES
« Nous visons les 10 % de croissance » L’État doit apporter 7,4 milliards d’euros sur cinq ans pour financer la Scadd. C’est énorme…
En tournée à Paris pour convaincre les bailleurs de fonds de financer son plan de développement, le grand argentier est reparti avec 4 milliards d’euros d’engagements.
Nous voulons financer 63 % de la Scadd avec nos propres ressources. C’est un signal fort que nous voulons donner [la Scadd 2000-2010 avait été financée à 80 % par l’extérieur].
D
u 1er au 3 février, au siège parisien de la Banque mondiale, une délégation gouvernementale est venue convaincre des investisseurs, institutionnels et privés, de contribuer au financement de la politique de développement du Burkina Faso d’ici à 2015. La Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (Scadd) doit mobiliser 11,4 milliards d’euros.
JEUNE AFRIQUE : Vous venez de réunir les bailleurs de fonds à Paris pour financer en partie votre plan de développement. Quel bilan en tirez-vous ? LUCIEN MARIE NOËL BEMBAMBA:
L’objectif était de montrer à nos partenaires que nous avons une vision pour notre développement, puis de la leur faire partager pour qu’ils nous accompagnent financièrement. Malgré la crise, ils ont maintenu leurs engagements. Sur un objectif de 4,2 milliards d’euros de financements extérieurs, nous avons atteint 96 % de nos besoins. Soit environ 4 milliards d’euros. Les principaux donateurs sont l’Union européenne, avec 650 millions d’euros, la Banque mondiale et les ÉtatsUnis, avec 611 millions chacun. L’agriculture et les mines sont les piliers de ce plan 2011-2015…
Nous avons en effet ciblé des secteurs prioritaires qui ont un fort potentiel de croissance et pour lesquels nous avons un avantage N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Cela veut-il dire que les impôts vont flamber ?
BRUNO LEVY
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comparatif. C’est d’abord l’agroindustrie. Nous avons beaucoup de terres en déficit d’exploitation, que nous voulons utiliser pour assurer la sécurité alimentaire, exporter dans la sous-région et faire de la transformation. Et les mines ?
L’orestnotreressourceprincipale. De 35 tonnes en 2011, nous visons 42 t en 2012. Nous avons aussi du zinc et du manganèse en exploitation. Et le site de manganèse le plus important,celuideTambao,unvieux projet,estrelancé.Nousdésignerons un exploitant dans les semaines à venir. Maintenant, notre plus grand défi est d’en tirer des bénéfices. Vous visez une croissance à deux chiffres. N’est-ce pas ambitieux ?
Nous visons 10 % de croissance par an. En 2010, nous avons fait 7,9 %. Donc ce n’est pas hors de portée. Avec la mise en œuvre du plan, nous espérons une hausse de 7 % à 8 % du PIB en 2012.
Pour augmenter les recettes de l’État, le ministre veut mettre l’accent « SUR LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
ET L’ÉVASION FISCALES
».
Non, cela signifie une meilleure organisation en matière de gestion des ressources internes. Nous mettrons l’accent sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Au Burkina Faso, les recettes fiscales représentent 13 % du PIB, contre 17 % au niveau communautaire. Depuis deux ans, nous avons fait des efforts. En 2011, nos ressources propres ont atteint 800 milliards de F CFA [1,2 milliard d’euros], contre 720 milliards prévus. Ces efforts seront-ils suffisants ?
Nous comptons aussi mobiliser l’épargne. Nous avons la chance d’avoir un marché financier régional que nous souhaitons solliciter à travers des emprunts obligataires. En 2012, nous avons prévu de lever 35 milliards de F CFA. Enfin, la stabilité est une donnée clé pour un investisseur. Les troubles qui ont agité le Burkina Faso en 2011 sont-ils éteints ?
Concernant le climat politique et social, nous avons connu des remous au premier semestre 2011. Ils ont été circonscrits. Il n’y a pas eu de répression, mais une attitude d’écoute et de dialogue de la part du chef de l’État pour mieux comprendre ceux qui ont manifesté. Cela a permis de faire baisser la tension. Et pour les réformes politiques, un cadre de concertation est en place. ● Propos recueillis par JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés GABON
Poker menteur à Belinga Qui remportera l’exploitation du gisement de fer ? BHP Billiton, Vale ou Cmec ? Ce dernier reste en lice malgré ses démêlés avec les autorités.
C
ontrairement à ce qu’indiquait l’agence Re u t e r s d a n s u n e dépêche du 4 février, BHP Billiton n’a pas mis la main sur la mine de Belinga. Depuis que l’État gabonais a suspendu, en décembre 2011, la convention le liant à China Machinery Engineering Corporation (Cmec) pour l’exploitation du deuxième gisement de fer africain (les réserves sont évaluées à 1 milliard de tonnes), les rumeurs enflent. « L’information sur un accord conclu avec BHP sur Belinga est totalement fausse », confirmait le 8 février Francis Mayaga-Mikolo,
directeur général du ministère gabonais des Mines, sans vouloir préciser si des négociations avaient lieu avec BHP. Prudence identique du ministre des Mines et du Pétrole, AlexandreBarroChambrier.Présent à la conférence Mining Indaba, du 6 au 9 février au Cap (Afrique du Sud), il faisait profil bas. Chez BHP, Jean-Jacques Jung, président de la filiale gabonaise, confiait en janvier « être intéressé par les gisements de fer », en plus de sa mine de manganèse de Franceville. Depuis, le géant australien se tait. « Cette fausse rumeur met le projet en danger. Elle risque de braquer Cmec, seul détenteur légal de la
59
licence minière. Le gouvernement ne peut annuler la convention unilatéralement et signer avec un autre partenaire sans aller à un conflit juridique à l’international. Or un arbitrage gèlerait le projet pendant plusieurs années », indique un haut responsable gabonais. À L’ARRÊT. « Le gouvernement est
bloqué, il faudra trouver un accord avec Cmec. Une voie de sortie est possible avec l’arrivée d’un tiers, mais il devra y avoir des intérêts croisés avec le groupe chinois », poursuit notre interlocuteur, pour qui BHP Billiton n’est pas seul en lice. Le brésilien Vale – même s’il concentre ses efforts sur le gisement guinéen du Simandou –, d’autres groupes chinois ou des majors minières pourraient se manifester. En attendant, Belinga, qui devait entrer en production en 2011, est à l’arrêt. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial au Cap
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Entreprises marchés BIÈRE
Grâce à sa vaste gamme de produits, le brasseur sud-africain voit son chiffre d’affaires exploser en Afrique. Au vu des investissements prévus sur le continent, cela n’est pas près de s’arrêter.
JASON ALDEN/ONEREDEYE
SAB Miller prend de la bouteille
Les profits de la FILIALE TANZANIENNE se sont envolés de 77 % au premier semestre 2011.
L
a stratégie africaine de SAB Miller a deux facettes, a priori opposées. La première consiste à réduire certains prix de moitié ; la seconde à les doubler sur d’autres produits ! « Proposer des prix abordables est vraiment très important pour nous dans l’entrée de gamme… tout comme avoir des tarifs plus élevés pour les produits haut de gamme », justifie Mark Bowman, n, directeur pour l’Afrique du brasasseur, basé à Johannesburg.
En chiffres
201
marques de bière, vendues dans
75 pays
Chiffre d’affaires Afrique en 2011 :
9,2 milliards
de dollars (sur un total de 28,3 milliards)
SORGHO, MAÏS, MANIOC… L’offre fre
très étoffée du groupe démarre arre avec la Chibuku, en Zambie, bière ère traditionnelle au sorgho et au maïs aïs qui fermente dans des emballages ages en carton et est vendue 0,50 dolollar la bouteille, continue avec vec des bières au manioc et au sororgho commercialisées autour de
FOTOLIA
60
70 000 salariés
0,80 dollar, avant d’atteindre des bières blondes haut de gamme, qui coûtent plus de 1 dollar. qu « Nous parvenons à maintenir nos marges sur tous nos produits en évitant que nos marques ne se cannibalisent », explique Mark Bowman. S’il se réjouit ainsi des ventes de sa marque d’entrée de gamme, la Castle, qui ont progressé entre 30 % et 35 % au cours des deux dernières années, le directeur Afrique attend avec di impatience les premiers résulim tats du lancement d’une bière au ta ma manioc au Mozambique, Impala Cervejas, qu'il qualifie de « proCe duit à forte valeur ajoutée et très du prometteur ». pr Cette stratégie tous azimuts semble payante. Sur le continent se (hors Afrique du Sud), les ventes (h du brasseur ont augmenté de 19 % entre mars 2010 et mars 2011, pour
atteindre 3,2 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros). Sur son marché domestique, le chiffre d’affaires a grimpé de 17 %, à 6 milliards de dollars. L’Afrique du Sud devient ainsi le deuxième marché de SAB Miller, juste derrière l’Amérique du Sud, dépassant l’Europe et les États-Unis. Mais si environ 12 % des bénéfices sont réalisés en Afrique, leur croissance reste encore inégale selon les pays. À PLEIN RÉGIME. « Nous aimerions que le continent contribue davantage aux résultats du groupe », assure Mark Bowman. Déjà, la filiale de SAB Miller en Tanzanie a vu ses profits s’envoler de 77 % au premier semestre de 2011, et sa nouvelle brasserie de Mbeya tourne à plein régime. Au Ghana, la bière blonde Club Premium Lager a vu ses ventes bondir de 80 % durant la même
CASTEL DANS LE VISEUR LES QUATRE BRASSEURS qui dominent le monde se livrent une sévère concurrence sur le continent. En 2011, le néerlandais Heineken a gonflé d’un tiers sa capacité de production au Nigeria en rachetant cinq brasseurs locaux, et a remporté la privatisation de deux sociétés éthiopiennes pour 115 millions d’euros. Le britannique Diageo (Guinness) réoriente quant à lui ses investissements vers les pays émergents (Chine, Amérique latine et Afrique), où il compte réaliser 32 % de ses ventes dans les quatre ans, contre 10 % en 2010. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Dans ce contexte, l’éventualité d’un rachat par SAB Miller des activités africaines de Castel dans la bière revient en force. Le groupe français dément. Une alliance associe depuis 2001 les deux firmes : SAB Miller détient 20 % de la branche bières et boissons non alcoolisées de Castel en Afrique… lequel possède 38 % de la filiale africaine de SAB Miller. Mais le brasseur sud-africain ne cache guère sa volonté de mettre la main sur l’ensemble des activités africaines de Castel, dont le montant pourrait atteindre 4,7 milliards d’euros. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
période. Et au Nigeria, le groupe a d’importants projets : acteur mineur dans ce pays comparé aux Heineken et Diageo, SAB Miller ouvrira ainsi une brasserie à Onitsha en septembre 2012. Autant de programmes menés par Mark Bowman, 45 ans, qui dirige le département Afrique depuis 2007. En novembre dernier, il a annoncé des investissements de 260 millions de dollars pour augmenter les capacités sur le continent, dans la continuité des 1,5 milliard de dollars débloqués au cours des cinq dernières années. « Le défi sur le marché de la bière, c’est qu’il s’agit d’une industrie très capitalistique », explique-t-il. De fait, une nouvelle brasserie coûte entre 70 millions et 90 millions de dollars. TRAVAIL DE PROXIMITÉ. En paral-
lèle à l’augmentation des capacités de production, le département Afrique du brasseur accroît ses approvisionnements en matières premières auprès d’agriculteurs. Ainsi, 7 500 cultivateurs ougandais sont sous contrat, et le groupe envisage d’en doubler le nombre pour alimenter une malterie d’un coût de 20 millions de dollars. Pour lui, ce travail de proximité « augmente le revenu des agriculteurs, donc
Pour augmenter les capacités de production, 260 millions de dollars vont être débloqués. celui des consommateurs ». D’ailleurs, Mark Bowman est très optimiste. « Au fur et à mesure que le revenu par habitant croît en Afrique, nous vendons plus de bière. Nous ne voulons pas attirer ceux qui ne boivent jamais d’alcool, mais ceux qui boivent déjà d’autres produits alcoolisés. » Et d’ajouter, pensant aux jeunes : « La démographie joue en notre faveur. Si vous regardez sur le long terme, nous avons devant nous entre dix et vingt ans de croissance. » ● GEMMA WARE
JEUNE AFRIQUE
RENAULT
Coulisses
MAROC RENAULT DÉMARRE Le roi Mohammed VI et le PDG de Renault, Carlos Ghosn, ont inauguré le 9 février à Tanger la nouvelle usine du constructeur (voir photo). Elle s’étend sur 314 ha à Melloussa, près de Tanger, face aux côtes espagnoles. D’un coût de 1,1 milliard d’euros, c’est
S
M
S
Entreprises
marchés
la deuxième base industrielle de véhicules à bas coût de la marque hors de France, après le site roumain de Pitesti. Le Dacia Lodgy, un monospace compact vendu 12000 euros à partir d’avril, sera la première voiture à sortir des chaînes d’assemblage marocaines. La montée en puissance du site sera très rapide, avec une production de 70000 véhicules dès cette année, pour atteindre les 250000 après la mise en route d’une deuxième ligne d’assemblage, prévue pour miavril 2013. L’usine marocaine, qui a déjà recruté 1600 salariés, est pilotée par le Turc Tunç Basegmez, qui a dirigé l’usine du constructeur à Bursa, en Turquie. ●
• IMMOBILIER Le marocain Involys décroche 1 contrat de 5,4 M€ pour gérer le patrimoine de l’État gabonais • BANQUE La BOAD souscrit pour 1,5 M€ au capital de la Banque nationale de développement économique, en création au Sénégal • RESTAURATION KFC ouvrira 130 restaurants en 2012 (Angola, Ouganda, RD Congo, Madagascar…), portant leur nombre à 1 000 en Afrique
• RAIL Le Cameroun envisage de construire 4 lignes, pour environ 17 G$
CÔTE D’IVOIRE « ROADSHOW » ÉNERGÉTIQUE La nouvelle stratégie énergétique et minière ivoirienne va être présentée ces prochains mois aux investisseurs lors d’un roadshow allant de l’Europe à l’Asie, en passant par l’Amérique. Au total, 170 projets ont été identifiés, soit 21 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2030. En parallèle, AdamaToungara, ministre des Mines et de l’Énergie, a chargé le cabinet AfricSearch de convaincre les talents expatriés de l’opportunité d’un retour au pays. ● GABON SALVE D’INVESTISSEMENTS Ali Bongo Ondimba a annoncé le 6 février, à l’issue du conseil d’orientation de l’Agence nationale des grands travaux, que 12 000 milliards de F CFA (18,3 milliards d’euros) vont
être investis dans des projets d’infrastructures d’ici à cinq ans. Le président gabonais a assuré que « 287 contrats ont été conclus en 2011 pour un montant de 368 milliards de F CFA, dont 230 milliards imputables directement à la Coupe d’Afrique des nations ». ● TCHAD LA SRN ROUVRE Fermée par le gouvernement le 19 janvier, la Société de raffinage de N’Djamena (SRN) a rouvert le 7 février. Cette décision fait suite aux nouvelles négociations entamées deux jours plus tôt entre l’État et les responsables de CNPCI, la société chinoise qui détient 60 % de la SRN. N’Djamena a demandé aux Chinois de s’engager à assurer la régularité de l’approvisionnement des marchés extérieurs et de garantir un prix accessible aux populations tchadiennes. ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Décideurs BANQUE
Jean-François Fichaux
R ESPONSABLE A FRIQUE
DE
BNP P ARIBAS
« Le réseau de BNP Paribas au sud du Sahara n’est pas à vendre » Le groupe français, qui s’est désengagé de Mauritanie et de Madagascar, n’a pas l’intention de quitter l’Afrique. La preuve ? Il vient de lancer un nouveau produit dans quatre pays du continent.
C
onfronté à des rumeurs annonçant son départ de certains pays subsahariens, BNP Paribas veut montrer qu’il est bien présent sur le continent : alors que le groupe ne s’intéressait qu’au marché des entreprises, il lance des produits pour attirer les particuliers qui n’ont pas accès aux services bancaires. Après avoir dirigé ses filiales au Sénégal puis en Côte d’Ivoire, Jean-François Fichaux, responsable Afrique depuis octobre 2010, réaffirme les ambitions africaines de la banque.
JEUNE AFRIQUE: Après la cession de vos filiales en Mauritanie et à Madagascar, les commentaires oscillent entre votre départ du continent et l’élaboration d’une nouvelle stratégie au sud du Sahara. Où en êtes-vous exactement? JEAN-FRANÇOIS FICHAUX: Notre
stratégie actuelle est de nous renforcer dans nos six pays d’implantation, en élargissant notre offre pour toucher de nouvelles clientèles [le groupe, qui ne veut pas communiquer sur ce sujet, a cédé certaines filiales parce qu’il n’y était pas majoritaire et ne pouvait donc pas appliquer sa stratégie, NDLR]. Pourtant, il était récemment question de discussions pour la cession de certaines de vos filiales subsahariennes… N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
VINCENT FOURNIER/J.A.
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Non, nous n’avons plus de programme de vente de notre réseau. Nousdisposonsaujourd’huid’unbel ensemble subsaharien homogène qui donne des résultats satisfaisants et présente de réelles opportunités. La preuve : nous lançons de nouveaux produits innovants qui paieront dans deux ou trois ans.
Ancien directeur des FILIALES SÉNÉGALAISE
ET IVOIRIENNE,
il a succédé au Sénégalais Amadou Kane en 2010.
Notre stratégie actuelle est de nous renforcer dans nos six pays d’implantation. Vous venez en effet de lancer, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, Pack Trankil, un produit destiné aux populations non bancarisées. Quelle logique suivez-vous ?
C’est un produit simple qui consiste en un compte courant et une carte de retrait à un prix très compétitifde1000FCFA[1,52euro]. L’offre est destinée aux populations qui ont un revenu modeste et qui
ont rarement accès à des services bancaires. Ce nouveau produit va élargir considérablement le nombre de nos clients sur ces marchés. Pourquoi ne lancer ce produit que dans quatre pays ?
Parce que ces pays sont dans une zone économique homogène, avec unmêmesystèmemonétaire,etque notre ancrage y est ancien. Nous avons donc jugé judicieux d’y tester notre nouvelle approche, mais il sera possible de l’étendre ensuite.
BNP Paribas était jusque-là plutôt tourné vers les grands clients commerciaux et leurs salariés. N’est-ce pas là un changement de stratégie ?
Nous sommes une banque universelle, notre démarche consiste à atteindre la plus large clientèle possible avec des produits et des services adaptés. C’est vrai, jouer sur le nombre est nouveau pour nous en Afrique, mais c’est en droite ligne avec ce que nous faisons déjà au niveau mondial en matière de JEUNE AFRIQUE
Décideurs banquededétail.Monprédécesseur, Amadou Kane, avait commencé à revisiter notre business model; c’est sur la base de son travail que nous avonsdécidéderenforcernosoffres. Vous repositionnez-vous aussi pour vous démarquer de la concurrence, qui devient de plus en plus rude ?
On ne peut pas rester statique dansunmarchéquibouge,sinonon régresse. Nous avons des positions solides, puisque nous comptons parmi les trois premiers de chaque marché où nous sommes présents. Pour conserver nos positions, il nous faut rester innovants. Les taux de croissance annoncés sur nos marchéssontbons–entre5%et6%, voire même 8 % en Côte d’Ivoire –, la gestion des économies s’est nettement améliorée ces dernières années, l’inflation est maîtrisée. Nous ne faisons que nous adapter à ces évolutions.
BNP Paribas en Afrique subsaharienne
• Six pays : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Mali, Sénégal • Total de bilan 2010 : 2,03 milliards d’euros (1 998 milliards d’euros pour le groupe) • 120 agences, 200 distributeurs automatiques de billets
Allez-vous étendre votre réseau pour vous rapprocher de la nouvelle clientèle visée ?
Nous allons le compléter. Nous avons déjà une centaine d’agences dans ces quatre pays. Ce chiffre va probablement être augmenté de quelquesdizainesdepointsdevente dans les deux ans qui viennent. Pour une meilleure couverture du territoire, nous pourrons être amenés à opérer des ajustements en termes d’organisation, parce que nous allons vers une clientèle dont il faut rester proche. Il nous faudra
aussi adapter nos équipes dévolues à ce type de clientèle. Comptez-vous réaliser des acquisitions sur ces marchés pour aller plus vite ?
Notreobjectifpremierestdenous développer par croissance interne, aussi bien dans les services aux clients particuliers et professionnels que vers les entreprises. Cela dit, si des opportunités nous paraissent intéressantes et complémentaires à ce que nous faisons déjà, nous les étudierons. Quel retour attendez-vous de votre nouvelle approche ?
Nous travaillons pour l’avenir. Certes, avec Pack Trankil, on ne va pas perdre de l’argent, mais on n’attend pas un retour très important non plus, du moins dans l’immédiat. Ce que nous espérons, c’est qu’avec l’amélioration du niveau de vie, ces nouveaux clients, d’ici deux ou trois ans, seront ouverts à d’autres produits qui seront adaptés à leurs besoins. En 2008, vous avez lancé un service de paiement mobile, Orange Money. Quel bilan dressez-vous quatre ans plus tard ?
En termes d’ouvertures de comptes, on a dépassé les objectifs qu’on s’était fixés [2,4 millions de comptes ont été ouverts en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Mali]. En revanche, au niveau des transactions, cela ne progresse pas comme
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dans certaines zones du monde – Philippines, Kenya ou encore au Botswana. Mais nous avançons. LancéenCôted’Ivoire,leproduitest désormais disponible au Sénégal et auMali,et,dansquelquessemaines, en Guinée ! Des réformes ont été menées dans les secteurs bancaires de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment au Nigeria. Avez-vous été tenté par des opportunités ?
Nous avons été, à une certaine époque, l’actionnaire de référence de United Bank for Africa [jusqu’en 1998]. Le Nigeria est donc un marché que nous connaissons très bien. Mais nous ne sommes plus dans une démarche d’acquisition. Pour l’instant, nous observons de loin des pays comme le Ghana et le Nigeria. Mais il n’est pas exclu qu’on s’y intéresse de près dans l’avenir. En raison de la crise, les banques occidentales sont soumises à des règles plus contraignantes les obligeant à renforcer leurs fonds propres. Quel impact auront ces nouvelles mesures sur vos activités en Afrique ?
Il n’y en aura pas vraiment. Le groupe n’est pas engagé dans des opérations se chiffrant en centaines de milliards en Afrique. Notre réseau sur le continent est important en termes de devenir, mais pour l’instant son poids est réduit par rapport à la taille du groupe. ●
Propos recueillis par STÉPHANE BALLONG
JEAN-MARC AUVERLAU L’ORÉAL MAROC Il prend la direction générale de L’Oréal Maroc. À 43 ans, Jean-Marc Auverlau, qui a débuté sa carrière dans le groupe, connaît bien le pays pour y avoir été le directeur marketing de la marque de 1998 à 2002. JEUNE AFRIQUE
ISHMAEL YAMSON CONSEIL ÉCONOMIQUE DU GHANA Président du conseil d’administration d’Unilever Ghana et de Standard Chartered Bank Ghana, il vient d’être nommé président du Conseil économique consultatif par le président John Atta Mills.
KAIS BEN AMAR INSTITUT EL AMOURI Diplômé de Paris-Dauphine, il a été nommé directeur général de l’Institut El Amouri. Depuis sept ans, il était chargé d’affaires au sein de ce bureau d’études marketing et de sondages pionnier enTunisie. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
DR ; HICHEM
ON EN PARLE
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UN GROUPE DIVERSIFIÉ
DELTA HOLDING
Delta Holding affiche un chiffre d’affaires 2010 de 196 millions d’euros et compte près de 30 filiales et participations, réparties dans trois domaines principaux: • travaux publics et équipements (Bituma, Egec, Ligne blanche…) • parachimie (Chromacolor, Oxair, Sotrameg…) • eau et assainissement (Sogetrama, Camerounaise des eaux…) MAROC
Delta Holding force le respect des investisseurs
croissance interne, est un coup d’éclat bienvenu qui séduit les investisseurs. Elle a changé l’image d’une société bien gérée mais jusque-là timide dans ses ambitions », juge Hicham Saadani, anaAvec le rachat de la Société de sel de Mohammedia et le doublement de lyste à BMCE Capital. L’entrée de la son capital, le conglomérat a marqué les esprits en 2011. Désormais, SSM dans le giron de Delta Holding n’est toutefois pas une révolution il veut percer dans la délégation de service public à l’international. stratégique : le groupe reste dans une logique de développement par diversification dans des activités Société de sel de Mohammedia e marocain Delta Holding, proches de ses métiers de base. coté depuis 2008 à (SSM), payée 655 millions de Dans le passé, il était ainsi passé Casablanca, réalise un dirhams (57,8 millions d’euros à de la conduite de travaux publics début d’année 2012 en l’époque) à l’État marocain. Une à la fourniture d’accessoires roufanfare. L’action du groupe, qui emplette jugée cohérente pour tiers, puis de produits chimiques, détient un portefeuille diversiles synergies dégagées avec les et enfin à la parachimie, devenant fié dans les secteurs des travaux activités existantes du groupe. le premier producteur d’éthanol publics, de l’environnement et de la « Nous renforçons ainsi à la fois du royaume. nos pôles parachimie et travaux parachimie, a gagné 9,75 % depuis Seconde décision, le doublele 1er janvier. Une performance publics : la SSM approvisionne les ment du capital a lui aussi été à laquelle le conglomérat n’avait grands industriels qui utilisent du sel dans leur processus de fabriapprécié des analystes. Il est passé pas habitué les marchés, qui le cation, mais aussi les sociétés considéraient plutôt comme une début décembre de 438 millions valeur défensive, avec un cours d’autoroutes, pour le déneigement à 876 millions de dirhams, à trapeu agité. Mais leur percep[notamment en France, NDLR]. vers une incorporation des primes tion change peu à peu, Deux types de clients dont nous d’émission et des reports de 12 octobre 2011 après une année 2011 sommes déjà fournisseurs », se résultats des années passées. 8 février 2011 marquée par deux réjouit Fouad Fahim, président du « Une mesure en ligne avec décisions importantes. conseil d’administration. Annonce La première : l’ac« Cette opération, pour une du doublement quisition, en juin, de la entreprise qui privilégiait la
L
43,45 DH
44,98 DH du capital
14 juin 2011
Cours de l’action à la Bourse de Casablanca N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
43,45 DH Annonce du rachat de la SSM
2 décembre 2011
41 DH Recapitalisation effective
Baromètre
TRANSITION. Côté management,
Fouad Fahim a pris la suite de son père, Hadj, à la tête du conseil d’administration en octobre – leur famille détient 67,6 % des parts. « La transition générationnelle se fait en douceur, car Hadj Fahim reste administrateur et accompagne son fils. Contrairement à d’autres entreprises familiales, Delta Holding a opté pour la transparence et évite une succession brutale », observe Hicham Saadani. L’avenir de Delta Holding, son patron le voit à l’international : « Nous voulons nous développer en Europe sur le pôle travaux publics et en Afrique subsaharienne dans l’environnement », explique-t-il. Sur le continent, le groupe détient notamment un tiers des actions de la Camerounaise des eaux, en partenariat avec l’Office national de l’eau potable (Onep) marocain. « La délégation de service public nous intéresse, car elle apporte des revenus réguliers et complémentaires à ceux, cycliques, de nos métiers de base », annonce Fouad Fahim. En 2012, le président est à l’affût d’acquisitions dans ce domaine. ● CHRISTOPHE LE BEC
3 février 2012
43,90 DH JEUNE AFRIQUE
Banques : après la dégringolade… VALEUR
Amen Bank Attijariwafa Bank BCP – Banque populaire Banque de Tunisie Ecobank Crédit du Maroc CIH BMCI BIAT BMCE
BOURSE
COURS au 7 février (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de 2012 (en %)
TUNIS
49,14
+ 13
CASABLANCA
44,98 24,07 7,15 0,08 91,53 31,81 106,06 48,61 23,83
+ 7,8 + 1,8 + 0,3 0 – 0,3 – 0,8 – 1,7 – 2,5 – 6,3
CASABLANCA TUNIS ABIDJAN CASABLANCA CASABLANCA CASABLANCA TUNIS CASABLANCA
CALME PLAT pour Ecobank. Le cours du groupe bancaire panafricain, qui vient d’être maintenu sous surveillance négative par Fitch Ratings à la suite de l’acquisition du nigérian Oceanic Bank, s’est stabilisé en 2012 après avoir nettement baissé en 2011. Autre valeur bancaire francophone affectée ces derniers temps, BMCE est particulièrement volatile, avec des journées à + 6 % et
d’autres à – 6 %. Mais le groupe affiche toujours un ratio coursbénéfices nettement plus élevé que celui de ses concurrents. Parmi les grands gagnants de ce début d’année, Attijariwafa Bank et Amen Bank. Le premier reprend quelques couleurs après la dégringolade boursière de 2011 (– 12 %), tandis que le second a quasi retrouvé son niveau d’avant la révolution tunisienne. ●
Valeur en vue BANQUE DE TUNISIE Dernier trimestre médiocre BOURSE Tunis • PNB 2011 78,5 millions d’euros (+ 3,5 %) COURS 10,75 dinars (7.2.2012) • OBJECTIF 9,3 dinars
Le dernier trimestre 2011 a été difficile pour Banque deTunisie (BT), avec un produit net bancaire (PNB) en baisse de 5,6 % à la suite de l’effondrement de 17,1 % de la marge d’intérêt. La baisse des taux et le ralentissement de l’activité économique ont fortement pesé sur les réalisations de la banque. Malgré cela, le PNB sur l’ensemble de l’année 2011 progresse de 3,5 % (à 152,95 millions de dinars, soit 78,5 millions d’euros), soutenu par les revenus du portefeuille commercial et d’investissement. Les crédits ont augmenté de 10,9 %, alors que les dépôts ont diminué de 0,7 %. Ranya Gnaba Les encours des dépôts les plus coûteux ont été réduits Analyste (de 11,8 % pour les dépôts à terme) afin de réduire le chez AlphaMena coût des ressources. Par ailleurs, BT conteste le résultat du contrôle fiscal approfondi relatif à l’exercice 2007 (près de 18 millions de dinars). Pour 2012, la banque devra faire face à deux défis: la maîtrise du coût des ressources – une tâche ardue en raison d’un faible réseau commercial – et le contrôle des risques dans un contexte de montée du risque de défaut enTunisie. » ●
DR
notre stratégie, prudente, qui consiste à nous donner les moyens de continuer à croître en gardant un faible niveau d’endettement », indique Fouad Fahim. Hicham Saadani est séduit : « Avec une marge opérationnelle de 15,9 % sur les trois dernières années, une rentabilité des capitaux engagés de 15 % et un endettement représentant seulement 10 % des fonds propres, même après le rachat de la SSM, les fondamentaux sont bons », indique-t-il. Le ratio cours-bénéfices de l’action, de 15,3 en 2011, est jugé correct pour le secteur des infrastructures.
Marchés financiers
N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Dossier
Assurances
Seuls contre tous STRATÉGIE
De moins en moins nombreux, quelques indépendants installés dans un unique pays résistent au rouleau compresseur des groupes et des réseaux. Jusqu’à quand ?
FRÉDÉRIC MAURY
N
SIA, Axa, Colina, Allianz, Sunu, Globus, Saar, Amsa… Les groupes panafricains, qu’ils soient intégrés capitalistiquement ou organisés en réseau, écrasent-ils le marché des assurances ? « Ils représentent 80 % de l’activité dans la zone Cima [Conférence interafricaine des marchés d’assurances, NDLR] », témoigne un spécialiste du secteur. Dans plusieurs pays, au fur et à mesure de la formation de ces groupes mais aussi de l’émergence du réseau Globus, leur domination est devenue étouffante. C’est le cas en Côte d’Ivoire. Les « géants » y réalisent entre 85 % et 90 % du chiffre d’affaires de l’assurance vie, la concurrence étant un peu plus vive dans l’activité dommages incendie, accidents et risques divers (IARD). Au Sénégal, les indépendants ont été largement marginalisés, tant en assurance dommages qu’en assurance vie. Au Cameroun, le schéma est le même. Groupes et réseaux y réalisent entre 75 % et 80 % du marché vie. Sur l’ensemble de la zone Cima, une seule société parmi les dix plus importantes en assurance vie et deux parmi les dix principales en IARD ne sont encore implantées que dans un unique pays. Ces irréductibles ont pour nom Sonam (Sénégal), Ogar (Gabon)ouUAB(BurkinaFaso)…Maisleurnombre se réduit chaque année davantage (lire encadré). RÉSISTANTS. Le gabonais Ogar fait figure de
vaillant résistant. Profitant de l’entregent de son principal actionnaire, Édouard Valentin, beau-père de l’actuel chef de l’État, l’assureur reste nettement dominant sur l’IARD et assure également le leadership, face à la filiale locale du groupe Sunu, dans l’assurance vie. Il s’offre même le luxe de figurer parmi les six premières sociétés vie et non-vie en zone Cima. À Ouagadougou, l’Union des assurances du Burkina (UAB) reste numéro un dans l’assurance vie, avec 40 % de part N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Bien placés (Rang et total de primes nettes en 2010)
de marché. Le groupe d’Apollinaire Compaoré a reçu en 2010 le soutien financier et capitalistique du fonds Africinvest. Quant à la Société nationale d’assurances mutuelles (Sonam), fondée par Diouldé Niane, elle revendique une position de numéro deux sur le marché sénégalais – tous segments confondus – grâce aux cinq sociétés qui la composent. Sur la période 2008-2010 et malgré la pression croissante des groupes multipays et des réseaux, « notre composante “vie” a consolidé sa place de leader, avec un chiffre d’affaires en croissance de 29 %, contre une régression de 4,38 % pour le marché, souligne Mamadou Diop, directeur général. Notre composante “non-vie” a enregistré une progression de 16 %, contre 12 % pour le marché ». IDÉES REÇUES. Pour certains indépendants, la
nº 1 au Gabon
48,2 M€ nº 2 au Sénégal
19,6 M€
nº 1 au Burkina Faso dans l’assurance vie
12 M€
centralisation parfois excessive rencontrée dans certains groupes les éloignerait du terrain. « Par exemple, explique l’un d’entre eux, avoir une marque unique dans divers pays, même si cela facilite une politique marketing et de communication unifiée, peut parfois se faire au détriment de l’efficacité commerciale. Les clients peuvent en effet être attachés à certaines marques locales dont l’histoire est davantage ancrée dans le territoire. » Cette critique, les groupes eux-mêmes l’ont comprise. En Côte d’Ivoire, Sunu opère ainsi sous plusieurs marques, pour des raisons historiques et de positionnement commercial. Ailleurs, il a également conservé quelques marques locales, comme Raynal au Burkina Faso ou Avie au Bénin. De la même manière, au Cameroun, la Société africaine d’assurances et de réassurance (Saar) n’a pas comme politique systématique de recourir à une seule marque. « Lorsque vous rachetez une entreprise qui a déjà une base commerciale locale, cela n’a pas forcément de sens », souligne Georges Léopold Kagou, directeur général. À l’inverse, une autre idée reçue voudrait que les grands indépendants soient forcément désavantagés en matière de force capitalistique. Au final, ce n’est que rarement le cas ; Ogar, Sonam et UAB affichent une solidité aussi bonne que leurs « grands » concurrents. De surcroît, les exigences en matière de capital minimum requis pour exercer restent faibles. Des synergies commerciales et marketing à la puissance de négociation avec les clients comme JEUNE AFRIQUE
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
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avec les réassureurs, les avantages des groupes semblent innombrables sur le papier. Les indépendants les plus sérieux le reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes : « La taille constitue un atout sur le plan économique en ce qu’elle permet une plus grande mutualisation des coûts et des économies d’échelle, confirme Mamadou Diop. À cette donnée objective s’ajoute le fait que les entreprises à assurer sont de plus en plus présentes dans plusieurs pays de notre sous-région. » EFFETS DE SYNERGIE. Même son de cloche du côté d’UAB : « Dans un environnement globalisé, il est préférable d’être un groupe, souligne Jean Damascène Nignan, directeur général de la branche IARD. C’est d’ailleurs cela que nous voulons construire progressivement dans le cadre de notre stratégie de développement. » UAB a ainsi dans son cahier des charges une extension de ses activités dans la sous-région, et la rumeur prête les mêmes intentions à Ogar. Sans être précis sur la liste des pays où UAB pourrait s’implanter, Jean Damascène Nignan est clair : « Au regard de l’évolution de l’environnement économique et juridique, il est nécessaire d’étendre le champ géographique des activités et de profiter des effets de synergie entre sociétés d’un même groupe. » Du côté de Sonam, la réflexion semble aussi largement avancée. « Nous avons déjà entamé JEUNE AFRIQUE
LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES, au Sénégal, songe à se transformer en un groupe multipays.
des actions dans le sens de la constitution d’un groupe multipays, précise Mamadou Diop. Par le statut des sociétés mutuelles qui le composent, Sonam détient un cumul de fonds propres dont le niveau lui permet de mener des actions de développement et d’extension de ses activités dans les pays de la zone Cima. » Sonam, UAB, Ogar… Quand ces trois derniers « résistants » auront effectivement basculé dans l’aventure panafricaine, c’est l’histoire même des indépendants qui prendra fin. Ou presque. ●
ILS ONT FRANCHI LE PAS « ÊTRE INDÉPENDANT, c’est une étape naturelle avant de devenir un groupe multipays. » L’aveu, fait par un indépendant lui-même, ne semble démenti par personne. Ils sont ainsi nombreux à s’être lancés, ces dernières années, dans l’aventure régionale, espérant connaître la même réussite que les ivoiriens Colina et NSIA. Le camerounais Saar est désormais présent dans huit pays, du Tchad au Sénégal, où il a repris la société locale Ilico, qu’il restructure. Son compatriote Chanas Assurances, qui domine le marché de l’assurance dommages, s’est aussi lancé dans l’aventure, mais plus modestement pour l’instant : il n’est officiellement présent que dans un autre pays, la Guinée équatoriale, et les débuts sont pour l'instant très timides. Toujours au Cameroun, Activa a de son côté non seulement cofondé le réseau Globus, mais aussi acquis F.M. directement un assureur au Ghana. ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Dossier Assurances ALGÉRIE
Abdelhakim Benbouabdellah S ECRÉTAIRE
PERMANENT DU
« Le marché algérien est ouvert à tout opérateur » Pour attirer les investisseurs étrangers, les autorités ont récemment allégé les procédures d’installation.
La loi de février 2006 a obligé les assureurs à créer des filiales pour la branche vie, dans un délai de cinq ans. Les compagnies qui n’ont pas procédé à cette séparation ne peuvent plus proposer de contrats d’assurance-vie, mais peuvent continuer à gérer les dossiers qui ne sont pas encore arrivés à échéance. Le processus a donné des résultats satisfaisants, puisque le payscompteaujourd’hui sixcompagniesd’assurance-vie[suruntotal de 19 compagnies d’assurances].
ont-ils manifesté leur intérêt ?
Effectivement, le règlement de ce contentieux [né en 1966 avec la nationalisation des assurances] a permis à la Macif et à Axa d’engager des partenariats avec des entités publiques algériennes, ce qui a eu pour effet d’intéresserd’autresinvestisseurs étrangers. Des investisseurs belges, britanniques et moyen-orientaux sont prêts à s’installer en Algérie. Le marché est ouvert à tout opérateur, à condition qu’il respecte la réglementation en vigueur. À ce propos, les pouvoirs publics ont récemment mis en place une procédure pour faciliter l’installation des nouvelles compagnies. À l’avenir, elles ne seront plus tenues de passer par le Conseil national de l’investissement. Leurs dossiers seront
Notre challenge: mettre en place une culture de l’assurance vie. on constate un problème de disponibilité de la ressource humaine : nos cadres sont certes compétents, mais pas assez nombreux. En 2008, le règlement du litige entre Alger et les groupes français présents avant l’indépendance a permis la création de partenariats solides entre les deux pays. D’autres opérateurs étrangers N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
NATIONAL DES ASSURANCES
Le processus de séparation entre les activités vie et dommages estil achevé ?
JEUNE AFRIQUE : Comment expliquez-vous l’essor du marché algérien des assurances ces dernières années ? ABDELHAKIMBENBOUABDELLAH:
La levée du monopole sur les assurances, en 1995, a permis la création de compagnies privées, à capitaux algériens ou étrangers. Celles-ci représentent aujourd’hui 26 % du marché. À titre indicatif, en 2011, le chiffre d’affaires du secteur s’est situé autour de 90 milliards de dinars [environ 910 millions d’euros, NDLR], et nous nous attendons à une progression de 8 % à 10 % en 2012. Le marché algérien est vierge, c’est son principal point fort. Autre atout: l’expérience acquise par nos cadres au sein des compagnies publiques historiques. Côté points faibles, il existe un déficit important en matière de communication, et
C ONSEIL
gérés directement par le ministère des Finances, ce qui permettra un gain de temps appréciable.
LAHCÈNE ABIB POUR J.A.
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À la tête du CNA depuis mars 2009, il s’attend à une CROISSANCE DU
8% 10 % en 2012.
SECTEUR DE À
Comment expliquer que certaines compagnies aient refusé de s’engager dans l’assurance vie ?
Certaines compagnies n’ont peut-être pas les moyens financiers de créer une filiale vie. C’est une action qui relève avant tout d’une stratégie d’entreprise. Certains pensent aussi que le marché de l’assurance-vie n’est pas assez développé [7 % du chiffre d’affaires du secteur], à cause de la solidarité familiale et de la qualité de la couverture sociale en Algérie, qui reste relativement efficace. Le défi consiste justement à mettre en place une culture de l’assurancevie. Pour cela, les compagnies devront innover afin de proposer des produits adaptés en matière de couverture santé et retraite. ● Propos recueillis par TAREK HAFID, à Alger
Le CNA, c'est quoi ? Cadre de concertation entre assureurs, assurés, pouvoirs publics et personnel du secteur, le Conseil national des assurances est un organe consultatif, présidé par le ministre des Finances. Son avis est notamment requis pour l’étude des demandes d’agrément des compagnies. JEUNE AFRIQUE
NOTRE MÉTIER, L’ASSURANCE
SUNU ASSURANCES HOLDING SA 59 bis, avenue Foch 94100 Saint-Maur des Fossés France Tél. : + 33 (0)1.48.86.62.66 Fax : + 33 (0)1.48.86.62.55 sunu-assurances@sunu-group.com www.sunu-group.com
Le réseau SUNU en Afrique CÔTE D’IVOIRE Union des Assurances de Côte d’Ivoire Vie (UA-Vie) (225) 20.31.04.00 info@uavie.ci
NIGER Union Générale des Assurances du Niger-IARD (UGAN-IARD) (227) 20.73.40.71 ugan-iard@ugan-iard.com
BENIN Union Béninoise d’Assurance Vie (UBA-Vie) (229) 21.30.02.12 uba@ubavie.com
Le Millénium Assurances Internationales-IARD (LMAI-IARD) (225) 20.25.18.18 lmai-iard@lmai-iard.com
Union Générale des Assurances du Niger-Vie (UGAN-Vie) (227) 20.73.41.75 ugan-vie@ugan-vie.com
AVIE (229) 21.31.83.55 infos@avieassur.com
Le Millénium Assurances Internationales-Vie (LMAI-Vie) (225) 20.25.44.44 lmai-vie@lmai-vie.com L’Alliance Africaine d’Assurances Vie (3A-Vie) (225) 20.33.98.20 aaavie@aaavie.com SENEGAL Union des Assurances du Sénégal-Vie (UASen-Vie) (221) 33.889.00.40 uasenvie@uasen.com
TOGO Union des Assurances du Togo-IARD (UAT-IARD) (228) 221.10.34 uat.iardt@uat.tg Union des Assurances du Togo-Vie (UAT-Vie) (228) 222.51.95 uatvie@uatvie.com BURKINA-FASO RAYNAL S.A. (226) 50.30.25.12 raynalsa@fasonet.bf
CAMEROUN Union des Assurances du Cameroun Vie (UA Cam-Vie) (237) 33.42.12.46 contact.uacam@uacamvie.com CENTRAFRIQUE Union des Assurances Centrafricaines-IARD (UAC-IARD) (236) 21.61.31.02 uac-iard@uac-iard.com GABON Union des Assurances du Gabon-Vie (UAG-Vie) (241) 74.34.34 uagvie@uagvie.com
Dossier Assurances RISQUE-PAYS
La Banque mondiale apporte ses garanties Filiale de l’institution de Bretton Woods, l’Agence multilatérale de garantie des investissements doit répondre à l’intérêt croissant du secteur privé pour l’Afrique.
A
gitée par les soubresauts du Printemps arabe, exposée aux incertitudes entourant la naissance d’une démocratie, la Tunisie a perdu ces derniers mois une partie de son attrait pour les investisseurs. De nombreux projets pourtant déjà actés sont restés dans les cartons, et 2011 aura été marquée par un recul de 29,2 % des investissements étrangers. À contre-courant de cette tendance, le fonds espagnol Fons Mediterrània Capital (FMC) a pourtant décidé d’y poursuivre sa stratégie de développement en finançant, entre autres, l’entreprise Bitaka, spécialisée dans la production de cartes de recharge et de puces pour l’industrie des télécoms.Notammentparcequ’une partie des risques a pu être prise en charge par l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI, ou Miga en anglais), filiale
VINCENT FOURNIER/J.A.
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L’opérateur de télécoms français ORANGE a eu recours à l’agence pour s’implanter en CENTRAFRIQUE.
expropriation, mais aussi inconvertibilité des devises locales ou restriction de transfert de fonds. Nos contrats valent pour une prise de participation, un prêt ou une garantie donnée sur un prêt », explique Olivier Lambert, directeur Europe. Des accords dont la « Nous prenons en charge signature est toujours toute une série d’événements précédéed’uneenquête approfondie pour s’asnon commerciaux : guerre, surer de l’origine des terrorisme, expropriation… » investissements. OLIVIER LAMBERT, directeur Europe de l’AMGI Télécoms, énergie, finance, agriculture, de la Banque mondiale. Une « couservices… Tous les secteurs d’activerture essentielle pour rassurer vité sont concernés. Depuis 2010, nos investisseurs le temps de la même les projets déjà réalisés transition », indique Albert Alsina, peuvent être assurés, à condition directeur général du FMC. que leur impact sur le dévelopEncore mal connue en Afrique, pement local soit significatif. En l’AMGI offre aux entreprises une Afrique, les primes annuelles assurance politique dans le cadre payées par les sociétés oscillent de projets transfrontaliers. « Nous entre 3 % et 5 % des sommes assuprenons en charge toute une série rées. Dans certains pays considéd’événements non commerciaux : rés comme très instables, comme guerre, guerre civile, terrorisme, la RD Congo, la couverture de N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Fiche d’identité
• Date de création : 1988 • Direction : Izumi Kobayashi (Japon) • Garanties accordées en 2011 : 2,1 milliards de dollars
l’AMGI, qui peut courir sur une période allant de un à vingt ans, est la seule à prendre en charge le risque politique. Dans d’autres, elle est combinée à des contrats passés avec des assureurs privés. Depuis cinq ans, l’agence a vu son activité fortement augmenter, proportionnellement au nouvel intérêt des multinationales pour les marchés émergents. De nombreux investisseurs, comme Orange au Mali ou en Centrafrique, y ont déjà recours. « Nos services ne sont pas réservés aux grandes entreprises », précise toutefois Yann Burtin, spécialiste télécoms. Un programme offrant une exemption de certains frais est d’ailleurs réservé aux PME, si le montant des actifs à assurer n’excède pas 15 millions de dollars (11,4 millions d’euros). PRESCRIPTEURS. Durant l’exercice
2011, l’AMGI a fourni 2,1 milliards de dollars de garanties (+ 50 % sur un an). « Et il y a encore beaucoup de capacité d’assurance disponible pour les entreprises », assure Olivier Lambert.Pourfairesapromotionsur le continent, l’agence peut compter sur une série de prescripteurs, comme Ecobank ou Standard Bank. Sa présence est en effet un gage de sécurité apprécié par les établissements financiers. Car le plus grand atout de l’AMGI réside avant tout dans sa capacité à désamorcer les conflits entre les investisseurs privés et les pouvoirs publics. « Quand nous discutons avec les États, nous profitons de la relation privilégiée qui existe entre eux et la Banque mondiale»,indiqueOlivierLambert. Sur les 600 projets assurés, seuls six ont in fine débouché sur une indemnisation, notamment au Kenya et à Madagascar en 2009. Si elle a depuis suspendu ses activités sur la Grande Île, l’AMGI envisage la possibilité d’y intervenir à nouveau, tout comme elle étudie l’opportunité d’intégrer le Soudan du Sud dans son portefeuille de pays. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
ECOUTER
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Dossier Assurances ENTREPRISE
Africa Re a la cote Le groupe panafricain basé à Lagos affiche de belles performances. Avec la création d’une filiale de réassurance islamique, il compte s’imposer un peu plus comme un acteur de référence.
A
près la finance et l’assurance islamiques, voici la réassurance islamique ! Nom de code : African Takaful Reinsurance Company (Africa Retakaful). L’annonce a été faite en novembre 2011, un peu plus d’un an après le lancement de ses activités, lesquelles sont « en conformité avec les règles et les normes de la charia », selon Bakary Kamara, président du conseil d’administration d’Africa Retakaful et directeur général de sa maison mère, Africa Re (actionnaire à 100 %). Et de préciser : « Africa Retakaful accepte les affaires de toute l’Afrique, du Moyen-Orient – et en particulier des pays du Conseil de coopération du Golfe – et de l’Asie. » RECAPITALISATION. Cette nou-
velle filiale permet à Africa Re de s’imposer un peu plus comme l’acteur de référence dans la réassurance africaine. Depuis 2000, son chiffre d’affaires a été multiplié par huit, pour atteindre en 2010 quelque 627,5 millions de dollars (473,5 millions d’euros). Le groupe profite pleinement de la croissance économique du continent, mais la concurrence est vive : selon Junior
John Ngulube, directeur exécutif de Munich Reinsurance Company of Africa, « avec une croissance soutenue malgré les crises, l’Afrique subsaharienne offre une alternative à tous les réassureurs ». Créée en 1976 à Yaoundé sous l’impulsion de la Banque africaine de développement (BAD), la Société africaine de réassurance (Africa Re) compte à son tour de
UN DIRECTEUR VISIONNAIRE NÉ EN 1948 EN MAURITANIE, Bakary Kamara a été nommé le 1er juillet 2011 directeur général d’Africa Re, après vingt-sept années passées au sein de l’institution.Titulaire d’un master de droit civil obtenu à l’université CheikhAnta-Diop de Dakar en 1975 et d’un DESS en droit des assurances décroché à l’université François-Rabelais deTours (France) deux ans plus tard, il a débuté sa carrière au sein de la Société mauritanienne d’assurance et de réassurance (Smar). En 1984, il a intégré Africa Re en tant que secrétaire général. Il a été l’architecte d’une série de réformes – notamment la mise en place d’un plan stratégique de cinq ans à partir de 1993 – qui ont conduit la compagnie à passer d’un chiffre d’affaires de 38,6 millions de dollars en 1993 à 627,5 millions en 2010. ● M.P. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
table 41 États membres de l’Union africaine, 107 sociétés d’assurance et de réassurance de droit national, ainsi que 5 institutions de financement du développement (BAD, SFI, DEG, FMO, Proparco). Après avoir porté son capital à 100 millions de dollars, Africa Re envisage aujourd’hui une nouvelle recapitalisation pour atteindre les 300 mill i o n s. P ro chain objectif: 500 millions de dollars en 2015. Basé à Lagos, au Nigeria, le groupe jouit d’une part de marché d’environ 9 % sur le continent et possède des bureaux régionaux à Casablanca, à Nairobi, à Abidjan, à Port-Louis et au Caire, ainsi qu’une filiale à Johannesburg. Lors de son évaluation fin 2010, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) relevait:«Cesatoutssonttoutefois atténués par la structure de la gestion intégrée des risques de la société, qui, bien que satisfaisante, n’est pas à la hauteur de celle de ses concurrents mondiaux. » L’agencemettaitenavantlesrisques politiques et économiques liés aux marchés sur lesquels exerce Africa Re, lequel n’en demeurait pas moins, toujours selon S&P, une société bien capitalisée, solide et d’une « bonne souplesse financière ». En conclusion, elle décidait de relever la note d’Africa Re d’un cran, de BBB+ à A–. « Cette décision annonce le meilleur pour notre institution, dans une période où plusieurs firmes financières mondiales ont été dégradées », s’était alors félicité l’assureur. Ce bon présage aura-t-il été suivi d’effets? Réponse en mars, à Casablanca, lors de la 34e assemblée générale d’Africa Re, au cours de laquelle seront présentés les résultats 2011. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE
Culture & médias
MÉDIAS
(Good Morning
Africa!)
La Chine investit en Afrique et se lance aussi dans la bataille médiatique. Une manière de donner une image positive de l’empire du Milieu.
À
PIERRE BOISSELET
première vue, cela ressemble étrangement à Al-Jazira English et à BBC World. Le présentateur a tout l’air d’un AfricainAméricain de CNN. Rien de tout cela en réalité. Mark Masai, le journaliste qui présente l’édition de Africa Live de ce dimanche 5 février, est kényan, et la chaîne qui l’emploie est… chinoise. Depuis le 12 janvier dernier, l’émission est diffusée chaque jour à 17 heures GMT (20 heures au Kenya) sur CCTV Africa, la nouvelle filiale de la Télévision centrale de Chine sur le continent. Pour l’instant, celle-ci ne diffuse que une heure de programmes destinés au public africain, sur le canal anglophone du réseau. Mais cet embryon est destiné à devenir, à terme, une chaîne d’information à part entière. Le siège, installé à Nairobi, est doté de son propre centre de production d’information (le premier du genre à voir le jour hors de Chine). Tous ses programmes y sont fabriqués, et les images proviennent du réseau de correspondants mis en place pour l’occasion. Depuis décembre, une équipe comprenant un cadreur et un rédacteur est ainsi positionnée à Dakar et prête à se déployer partout N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
en Afrique de l’Ouest… À moins que la mission ne soit confiée à leurs homologues du Ghana ou du Nigeria. À terme, la chaîne compte déployer pas moins de quatorze bureaux en Afrique, Maghreb compris. Mais déjà, Africa Live propose chaque jour trente minutes d’informations généralistes suivies de vingt minutes sur l’actualité des affaires, et consacre le reste de la tranche horaire aux sports. À la manière des grands réseaux de télévision, ses envoyés spéciaux interviennent en duplex depuis Le Caire, Lagos ou Johannesburg tout au long de l’édition. Le week-end, la place accordée à l’actualité est réduite pour proposer des shows hebdomadaires: Talk Africa, une grande interview (pas toujours des plus impertinentes) et Faces of Africa, un magazine de reportages.
SVEN TORFINN/PANOS-REA
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RUPTURE. Selon l’un des responsables kényans,
CCTV Africa devrait passer à « deux heures de programmes quotidiens d’ici à trois ou quatre mois » et devenir une chaîne émettant « 24 heures sur 24 » à « l’horizon 2015 ». À l’heure où les Britanniques de la BBC réduisent la voilure et alors que l’Audiovisuel extérieur de la France se prépare à une fusion entre sa chaîne de télévision France 24 et sa radio RFI pour réduire ses coûts, la Chine se lance dans la bataille médiatique. Avec l’inauguration, presque simultanée, du siège flambant neuf de l’Union africaine à Addis-Abeba fin janvier, le message est on ne peut plus clair : la politique africaine de Pékin ne se cantonnera pas à la sphère économique. L’ambassadeurchinoisauKenya,LiuGuangyuan, n’a d’ailleurs pas fait mystère de ses intentions lors de son discours d’inauguration de l’antenne. JEUNE AFRIQUE
Culture médias
« Un grand nombre de médias ne donnent pas une vision de la Chine sous tous ses aspects. Le centre de production d’information de CCTV Africa se donnera pour mission de dire la bonne vérité à propos de la Chine […] et de présenter les expériences réussies de son développement économique. » Pour Renaud de Spens, ancien attaché de presse de l’ambassade de France à Pékin et spécialiste du paysage médiatique chinois, il s’agit d’une véritable rupture dans la tradition du pays. Jusque très récemment, il ne cherchait pas à exporter sa culture. Le basculement a eu lieu au cours de l’année 2008. L’année précédente, déjà, le président Hu Jintao avait employé, pour la première fois, le concept de soft power, en liant la dissémination de la culture chinoise et l’influence de Pékin dans le JEUNE AFRIQUE
DANS LES CUISINES D’UNE SOCIÉTÉ CHINOISE, à Kampala (Ouganda).
monde. Mais c’est surtout avec le désastreux parcours de la flamme des Jeux olympiques chinois, notamment à Paris, que s’est produit le déclic. « Les images des porteurs bousculés, qui ont été mal contrôlées par la censure, furent un choc pour beaucoup de Chinois, qui ne se rendaient pas compte qu’ils pouvaient être haïs à l’étranger, se souvient Renaud de Spens. Et c’est en réalité plutôt par crainte que les images venues de l’extérieur aient des conséquences négatives sur sa propre population que le régime a décidé de réagir. » Après cette prise de conscience brutale, il décide de porter lui-même sa voix à l’étranger, et l’État débloque la somme colossale de 45 milliards de yuans (environ 5,4 milliards d’euros) à investir dans le développement de ses médias internationaux. Outre la CCTV, ces fonds bénéficient également ● ● ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Culture médias des rédactions de l’empire du Milieu sous forme de lettres à en-tête rouge, ils doivent s’adapter aux pratiques du « reportage positif ». « Nous avons tous une liste de mots et d’expressions que nous n’avons pas le droit d’employer, indique ainsi un journaliste de la chaîne arrivé il y a peu. Récemment, nous avons reçu un e-mail de rappel pour que nous évitions le mot “régime” pour parler d’un gouvernement. » MANQUE DE SUBTILITÉ. Comme un écho à la
non-ingérence de Pékin dans les affaires intérieures des pays du continent, le journalisme « à la chinoise », qui fait la part belle aux sources officielles, présente peu de risques d’indisposer les chefs d’État du continent mais pourrait être
En dépit des sommes investies, aucun média chinois n’a rencontré de succès populaire. LOUGUÉ
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REPORTAGE DE CCTV AFRICA, lors de la Coupe d’Afrique des nations, le 9 février, à Libreville. ● ● ● à Xinhua (« Chine nouvelle »), l’agence de presse du régime, qui emploie une centaine de salariés à Nairobi et se met à recruter à tour de bras, notamment des Africains, en leur proposant des salaires souvent plus attrayants que ses homologues occidentales. Grâce aux subventions, elle peut proposer des abonnements à ses fils de dépêches à des prix défiant toute concurrence – quand ils ne sont pas purement et simplement offerts. C’est sur cette base qu’a par exemple été signé, en décembre dernier, un accord avec le quotidien gouvernemental ivoirien Fraternité Matin. « Le correspondant à Abidjan est venu nous proposer de mettre leurs dépêches à notre disposition, raconte son directeur général, Venance Konan. Nous n’avons pas rompu nos abonnements à Reuters ou à l’AFP, mais, comme c’était gratuit, nous nous sommes dit: pourquoi ne pas essayer? » Mais, avec CCTV Africa, l’offensive a changé de nature. Les médias africains n’ont, à l’évidence, ni la puissance ni l’agressivité qui justifieraient une réaction défensive de Pékin. Or, avec cette aventure, il ne s’agit plus seulement de sensibiliser les journalistes au regard chinois sur le monde, mais bien de s’adresser directement au public africain, avec une antenne à l’allure plus locale : 90 % des journalistes recrutés par CCTV Africa sont kényans et, pour certains, comme Béatrice Marshall, déjà connus du grand public. Pour autant, ils n’échappent pas aux règles imposées à tous. Outre la censure, qui arrive plusieurs fois par semaine dans la quasi-totalité
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Installée à Nairobi, la chaîne compte déployer 14 bureaux à travers tout le continent
L’agence de presse dispose de 150 correspondants en Afrique
moins apprécié des oppositions. Surtout, le regard chinois sur l’actualité internationale est imprimé d’un étonnant manque de subtilité, en dépit de la forme similaire (à l’exception des reportages, plus longs) à celle des autres grands médias internationaux. Concernant le vote au Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution condamnant le régime syrien, l’édition du 5 février de Africa Live n’a diffusé que l’intervention du diplomate chinois. Pas un mot sur le vote des Africains présents. Le sujet sur la reconstruction de la Libye aura-t-il été plus intéressant ? Pas vraiment : il s’est borné à énumérer les contrats signés par la Chine avec le régime de Kaddafi et peut-être perdus depuis la révolution. Sans une plus grande liberté de ton, la multiplication des canaux de transmission ne sera peut-être pas suffisante pour que le message passe. De fait, en dépit des sommes investies, aucun média chinois n’a, pour l’instant, rencontré de véritable succès populaire hors du pays. À la rédaction de Fraternité Matin, depuis l’accord signé avec Xinhua, il se murmure que les codes d’accès gracieusement confiés n’ont – pour l’instant – pas beaucoup servi. ●
AL-JAZIRA EN EMBUSCADE IL N’Y A PAS QUE LA CCTV qui s’intéresse au continent. Autre média aux moyens quasi illimités, la chaîne de l’émirat du Qatar, Al-Jazira, déjà très populaire dans le nord du continent, s’apprête à lancer une version en kiswahili. Elle compte ainsi toucher la centaine de millions d’habitants d’Afrique de l’Est qui parlent cette langue. C’est la capitale kényane qui doit abriter le siège de cette nouvelle entité. Le recrutement est déjà lancé depuis août 2011, et la chaîne devrait émettre ses premières images dans le courant de l’année. ● P.B. JEUNE AFRIQUE
Culture médias EXPOSITION
L’islam dans tous ses états d’art
L’Institut du monde arabe, à Paris, présente les œuvres des dix finalistes du Jameel Prize, créé à Londres en 2009. Leurs travaux oscillent entre art contemporain et tradition islamique.
Art contemporain d’inspiration islamique
Hayv Kahraman, Migrant 8, 2009 – Courtesy of the Artist, The Third Line and the Collection of Mr & Mrs Tarek Damerji × Conception graphique – www.grandatelier.fr
Exposition du 6 décembre 2011 au 26 février 2012 Rachid Koraïchi lauréat 2011 Noor Ali Chagani Monir Farmanfarmaian Bita Ghezelayagh Babak Golkar Hayv Kahraman Aisha Khalid Hazem El Mestikawy Hadieh Shafie Soody Sharifi Institut du monde arabe 1, rue des Fossés-Saint-Bernard Place Mohammed V — 75005 Paris 01 40 51 38 38 — www.imarabe.org Billetterie à l’IMA, réseau Fnac / France Billet, Ticketnet.
I
JONATHAN_GREET@DUMDUM.CO.UK
ls sont originaires du Pakistan, des États-Unis, Jameel Prize, art d’Égypte ou d’Iran. Leur contemporain d’inspiration islamique, point commun : la culture jusqu’au 26 février à l’Institut islamique. Leurs œuvres allient du monde arabe, à Paris. traditionsartisanalesdel’islamet art contemporain. Sculptures de briques en terre cuite, mosaïque de miroirs, maquettes urbaines justifier et à réaffirmer que l’on superposées sur des tapis artin’est pas islamistes. » sanaux jalonnent l’exposition Diplômé de l’École nationale des beaux-arts d’Alger, puis de du Jameel Prize, présentée à l’Institut du monde arabe (IMA) l’École nationale supérieure jusqu’au 26 février. Créé en 2009 des beaux-arts de Paris, Rachid par un homme d’affaires saouKoraïchi présente dans le cadre dien, Mohamed Abdul Latif du Jameel Prize 7 pièces sur Jameel, ce prix international 99 d’un ensemble appelé Les récompense, tous les deux ans, Maîtres invisibles – exposé au dix candidats. Après un passage musée de Munich en 2010 et habituel par un musée londodatant de 2008 –, qui rend homnien, leurs œuvres sont, pour mage à des figures importantes du soufisme, courant sur lequel la première fois, regroupées au LES MAÎTRES INVISIBLES (extrait), de Rachid Koraïchi (2008), sein d’une exposition en France. il travaille depuis quarante-cinq un hommage rendu aux figures importantes du soufisme. En entrant dans le Mobile Art, ans. Pour réaliser cet immense une installation conçue par l’architecte 2007 afin de les sensibiliser à la préservaouvrage (des bannières mariant numéroZaha Hadid, deux miniatures persanes de tiondupatrimoinearchéologique.L’affiche logie et symboles mystiques), Koraïchi est l’Iranienne Soody Sharifi attirent l’œil. En de l’événement a d’ailleurs repris l’une parti s’installer au Caire, afin de travailler y superposant ses propres photographies, d’elles, représentant un homme en turban. le coton cultivé dans le delta du Nil. Il l’artiste a choisi d’évoquer la société de Un choix malheureux, selon le Francos’est inspiré des bandes textiles dont les son pays d’origine, tiraillée entre tradiAlgérien Rachid Koraïchi, lauréat de l’édiprêtres égyptiens embaumaient les morts tion et modernité. Sa compatriote Bita tion 2011, pour qui cette figure rappelle au temps des pharaons, mais aussi des Ghezelayagh et la Pakistanaise Aisha celle des talibans. manteaux de rois africains pour réaliser Khalid se sont, elles, inspirées de l’artides appliqués de bandes, sans rien broder. sanat de leurs pays respectifs: tuniques en TRAVAIL GRAPHIQUE. Koraïchi regrette Les œuvres de Koraïchi empruntent feutre constellées de petits signes religieux également l’intitulé de l’exposition beaucoup à l’islam et au Coran. « Mais en métal identiques à ceux des chemisesparisienne évoquant un art contemde façon indirecte, souligne-t-il. J’évite au talismansqueportaientlessoldats,etchâle porain « d’inspiration islamique ». maximum d’en mettre des phrases, je ne aux motifs dorés formés par des épingles « Malheureusement, aujourd’hui, les fais que citer, par respect. » Enfin, il espère en acier plaqué or piquées dans l’étoffe. que les non-musulmans ne resteront pas médias ont fait un tel mal au monde de Dans la deuxième partie de l’exposition, l’islam que, lorsque l’on parle de culture hermétiques à son art, car, dit-il, « c’est un de larges huiles sur bois de l’Irakienne islamique, les gens deviennent fous, s’intravail graphique ». « Ce qui compte, c’est Hayv Kahraman font allusion au jeu de digne-t-il. Parce qu’on est musulmans, on ce qui s’en dégage. Le plus important est cartes qui avait été distribué aux soldats nous demande dix fois plus d’efforts pour de rentrer dans le mystère. » ● américains en Irak et en Afghanistan en convaincre. Il faut passer son temps à se MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE
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Culture médias En vue
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
ROMAN
Unies par la vie L’UNE, DOUCE ET PRESQUE BELLE, ne rêve que d’amour; l’autre, révoltée et pleine d’esprit, s’imagine un avenir politique. La première croit en Allah et en la fatalité ; la seconde ne cesse de blasphémer et se veut seule maîtresse de sa vie. Problème: Hawa et Toumbou sont sœurs… siamoises. Dans ce roman – son cinquième – situé dans la Guinée des années 1970, Libar M. Fofana sonde les thèmes de l’identité et de la destinée. Comment, malgré tous les obstacles physiques et moraux, parvenir à s’émanciper, à « se réinventer pour renaître en quelque chose d’achevé »? La réponse, on s’en doute, oscille entre l’amour et la mort. Un conte cruel et facétieux qui, sur la forme, souffre hélas d’un excès de linéarité. ● FABIEN MOLLON
L’Étrange Rêve d’une femme inachevée, de Libar M. Fofana, Gallimard, 208 pages, 17,50 euros ■■■
TÉLÉVISION
Paroles de jeunes Ils sont danseur, cyberactiviste, styliste, plasticien… et, face à la caméra de l’ancienne égérie de Jean Paul Gaultier, Farida Khelfa, ils évoquent l’enchaînement des événements qui ont précédé la fuite de Ben Ali, le 14 janvier 2011. Leurs témoignages, et en particulier celui de Slim404, disent l’évolution de leurs sentiments, leurs espoirs, leurs désirs pendant cette révolution tunisienne annonciatrice d’un Printemps bien plus vaste. Mais ces jeunes urbains et laïques représentent-ils la jeunesse tunisienne dans son ensemble ? Si la réalisatrice avait promené sa caméra dans les campagnes, auprès d’anonymes, sans doute aurait-elle pu faire entendre un autre son de cloche, plus en phase avec l’actualité et la réalité (lire aussi pp. 39-44). ● N.M.
Une jeunesse tunisienne, de Farida Khelfa, 52 minutes, diffusé sur France Ô le 15 février 2012 à 20 h 35, en ouverture du magazine Investigation consacré au Printemps arabe ■■■ N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
DR
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DANNY GLOVER (à dr.) incarne un prêtre pacifiste. DVD
Le long combat de Sam Nujoma
Dans un film assez scolaire, Charles Burnett retrace les années de lutte qui précédèrent l’indépendance de la Namibie en mars 1990.
D
longtemps de désavouer la politique epuis 2005, le président sud-africaine. Bien qu’alimentés en de la Namibie s’appelle armes et soutenus par l’Angola, Cuba Hifikepunye Pohamba. Il etlaRépubliquedémocratiqueallemande semblerait néanmoins que son prédécesseur à ce poste, Sam Daniel (RDA), les militants de l’Organisation du Shafiishuna Nujoma, continue, à 82 ans, peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), d’exercer une forte influence sur les dirigée par Nujoma, n’ont pas remporté orientations politiques de son pays… la victoire par les armes. Ce sont surtout Namibia, la lutte pour la liberté est un l’action diplomatique et la résolution 435 film de l’Américain Charles Burnett qui des Nations unies, adoptée en 1978 et retrace les longues années de lutte qui mise en œuvre en 1988, qui permirent précédèrent l’indépendance du pays, l’indépendance. en mars 1990. Linéaire et assez scolaire, Namibia Hagiographie ayant pour fil direcn’évoque ni les dissensions au sein de la teur la vie et le combat de Nujoma, le Swapo,nilamétamorphosedulibérateur long-métrage décrit l’évolution polienprésident.Commebeaucoup,Nujoma tique d’un jeune homme révolté par fitluiaussimodifierlaConstitutiondeson les pratiques racistes du pays afin de pouvoir effeccolon sud-africain, et sa tuer un troisième mandat, conversionprogressiveàla avant de céder la place. lutte armée. Incarné avec Présent au générique (et talent par l’acteur africainsur la pochette du DVD), américain Carl Lumbly, l’acteur Danny Glover le destin de Sam Nujoma incarne un prêtre pacifiste croise celui du Ghanéen dans un rôle secondaire Kwame Nkrumah, celui qui décevra ses fans. En du Congolais Joseph dépit de ces faiblesses, Kasa-Vubu, celui du Namibia demeure un MartiniquaisFrantzFanon, film instructif sur la perNamibia, la lutte mais aussi ceux des représistance, jusqu’à la fin du pour la liberté, sentants des puissances XXe siècle, de l’idéologie de Charles Burnett, occidentales, qui, pour coloniale. ● avec Carl Lumbly et Danny Glover certaines, refusèrent NICOLAS MICHEL (AAA)
■■■
JEUNE AFRIQUE
Culture médias CINÉMA
LIVRE
Apprenti kamikaze
Icônes malgaches
ALI, BIEN INTERPRÉTÉ PAR Rashid Debbouze, le frère de Jamel, est révolté par l’injustice qui lui est faite. Bien que fort diplômé, il ne trouve pas de travail dans son pays, la France. Manifestement à cause de ses origines. Avec Nasser et Hamza, des jeunes d’une vingtaine d’années aussi frustrés que lui, il tombe alors sous la coupe d’un aîné qui les convertit au discours islamiste, puis, petit à petit, les entraîne à préparer une action terroriste contre le siège de l’Otan à Bruxelles. Un film sobre sur la mécanique implacable La Désintégration, qui peut mener des individus exclus, marde Philippe Faucon qués par l’échec du modèle d’intégration dans (sortie à Paris le l’Hexagone, à rejoindre les rangs des isla15 février) ■■■ mistes radicaux. Réalisée par un bon connaisseur du sujet, auteur d’un excellent film sur la guerre d’Algérie (La Trahison, en 2005), La Désintégration manque pourtant un peu de complexité pour emporter totalement l’adhésion. ●
EN 1972, alors que Madagascar est dans la tourmente révolutionnaire, un chant nouveau s’élève à Antsirabe, tel un signe de ralliement, pour adoucir les durs instants de la vie qui passe. Sept jeunes gens, la poitrine gonflée par l’amour de la patrie, créent un groupe, Mahaleo, c’est-à-dire « libre », qui va rythmer sans discontinuer les joies et les peines des habitants de l’Île rouge. Dans ce livre d’entretiens avec la journaliste Fanny Pigeaud, les fondateurs du groupe, véritables icônes nationales, racontent leur long parcours. ●
RENAUD DE ROCHEBRUNE
BANDE DESSINÉE
Aventures initiatiques
TSHITENGE LUBABU M.K.
Mahaleo, 40 ans d’histoire(s) de Madagascar, Entretiens avec Fanny Pigeaud, éd. Laterit, 464 pages, 23 euros. Préface de Jean-Luc Raharimanana ■■■ FILM
GAËL SÉJOURNÉ
De l’épicerie au 10 Downing Street
Après avoir été serveuse à Harlem, Anna, la belle métisse devenue actrice, part à la recherche de son père au Kenya… où elle découvre la société raciste des colons et la difficulté de se faire accepter par ceux dont elle se sent proche. Nairobi, tome 2 de la bande dessinée L’Appel des origines, est un récit qui mélange allègrement les genres : histoire d’amour, chronique historique et sociale, et aventures initiatiques présentées comme étant « au croisement de Out of Africa et des romans de Joseph Conrad ». Ce n’est pas tout à fait ça, mais, malgré JEUNE AFRIQUE
un dessin parfois un peu rapide, il est possible de se laisser séduire par les yeux verts de l’héroïne. ● N.M.
L’Appel des origines, Nairobi (tome 2), de Joël Callède et Gaël Séjourné, éd. Vents d’Ouest, 60 pages, 13,90 euros ■■■
Margaret Thatcher, âgée de plus de 80 ans, commençant à être atteinte par la maladie d’Alzheimer, erre dans son La Dame appartement de fer, de londonien où elle se Phyllida Lloyd retrouve seule depuis (sortie à paris le 15 février) la disparition de son ■■■ mari. Elle se remémore comment, fille d’un couple d’épiciers, elle a réussi à devenir la première – et dernière – femme locataire du 10 Downing Street. On attendait « le » film sur la vie et, surtout, la carrière de celle qui fut surnommée à juste raison la Dame de fer. Le film, malgré l’extraordinaire interprétation de Meryl Streep, souffre d’être aussi raide, voire simpliste, que son héroïne d’un point de vue politique. Presque entièrement dénué de réflexion, même au second degré, sur les effets de ses convictions et de leur mise en application, il finit par faire, sans doute involontairement, l’éloge d’une femme dont il ne cache pourtant pas les défauts. ● R.R. N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Démocraties en péril DANS J.A. N° 2663 (du 22 au 28 janvier), Béchir Ben Yahmed fait part de son pessimisme quant à la pérennité de la démocratie en Turquie et en Afrique du Sud. Pour lui, l’absence d’une opposition forte capable de provoquer une alternance peut transformer ces UNION AFRICAINE deux Duel au sommet démocraties en NIGERIA dictatures. En La bombe Turquie, la à retardement mutation d’une dictature militaire ! J.A. N 2663, déguisée en une du 22 au démocratie 28 janvier 2012. islamique modérée s’est faite sans intervention directe de l’extérieur. Les facteurs qui y ont contribué sont, d’une part, le niveau d’éducation de la société turque, de l’autre, la perspective d’une éventuelle adhésion à l’Union européenne et la préservation des intérêts économiques. En ce qui concerne l’Afrique du Sud, il faut reconnaître que le vote est encore déterminé par l’apartheid passé. Mieux éduquées, les générations postapartheid vont progressivement rompre avec ce réflexe racial. L’hégémonie actuelle de l’ANC pourrait ainsi laisser la place à l’émergence de nouveaux partis plus à même de proposer une alternance. Il me semble que ces démocraties iront se renforçant, contrairement à ce que laisse entendre Béchir Ben Yahmed. ● HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2663 • du 22 au 28 janvier 2012
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CÔTE D’IVOIRE ENQUÊTE FAUT-IL CROIRE POURQUOI LE MALI AUX GRANDS TRAVAUX ? PERD LE NORD
Les dessous du match Jean Ping-Nkosazana Dlamini-Zuma pour la présidence de la Commission.
l’Union africaine. Certes, des avancées ne sont pas à exclure. Mais elles dépendent avant tout de la volonté de chacun des Africains et plus particulièrement encore des dirigeants. C’est-à-dire de leur capacité à prendre leurs responsabilités, à assumer leurs engagements. En l’absence de ces paramètres, la baguette magique de Thomas Boni Yayi – s’il en avait une – resterait inopérante. Prenons-en conscience et œuvrons en ce sens. Nous en sommes capables. ● LAGRANGE AGNANKPE SINMENOU,
• Grogne sociale, tensions religieuses, Boko Haram… Le président, Goodluck Jonathan, affronte une crise sans précédent.
Cotonou, Bénin
• Cameroun, Bénin, Tchad, Niger : les conséquences.
ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE
France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €
Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 €
Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
O
JEAN-MARIE TOURÉ, Bonoua, Côte d’Ivoire
Pas de miracles à l’UA OUI, LE BÉNIN, par le biais de son président, assure la présidence de l’Union africaine. Oui, il peut se prévaloir d’une solide expérience en matière de démocratie. Le pays de Boni Yayi est aussi sur orbite. Pour autant, n’attendons pas de miracles pour N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Question de nationalité DANS LA RUBRIQUE « Ils ont dit » de J.A. n° 2664 (du 29 janvier au 4 février), vous citez Daniel CohnBendit, qui affirme : « Ne pas avoir la nationalité française, c’est peut-être un garde-fou, une protection contre
l’enflure de la vanité. » De tels propos méritent, bien sûr, une réponse, car ils démontrent bien l’imbécillité de leur auteur, qui se trouve être député au Parlement européen. Sa nationalité à lui constitue-t-elle un rempart contre « la connerie » ? Et dire que c’est ce genre de gouailleur braillard qui est censé s’occuper des affaires d’une Europe « unie (?) » au Parlement… ● JACK DUCHER, Audenge, France
Les raisons de l’insécurité LE GOUVERNEMENT provisoire de Hamadi Jebali est le premier responsable de l’insécurité qui prévaut en Tunisie. Il lui appartient donc de corriger les dysfonctionnements relevés. Si ce fléau découle du manque de maturité de certains médias et partis politiques, il est également lié à son inexpérience et au silence assourdissant de la société civile. Déconnecté des réalités locales, uniquement préoccupé par sa communication, le gouvernement perd progressivement la confiance des Tunisiens, qui attendent des actes.
Qu’attendons-nous de vous, M. Boni Yayi ? ELMOND JIYANE/EPA/MAXPPP
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NOTRE RÊVE, M. LE PRÉSIDENT en exercice de l’Union africaine, c’est celui d’une Afrique unifiée, pacifiée, tournée vers le développement, et non celui d’un continent en perpétuelle lutte contre la néocolonisation conduite par des dirigeants politiques contre leurs propres peuples. Ainsi, au regard de la crise politique au Sénégal, nous souhaitons : ! THOMAS BONI YAYI ET JACOB ZUMA, Que la limitation constitutionnelle des le 30 janvier à Addis-Abeba. mandats se conçoive, dans le texte mais aussi dans l’esprit, comme une promesse de transition générationnelle et de renouvellement des classes politiques. Qu’aucune manipulation constitutionnelle ne puisse porter atteinte à ce principe inné et sacro-saint d’alternance. Vous devez savoir, Monsieur Boni Yayi : Que la jeunesse africaine ne peut plus se permettre le luxe de subir exil et perte physique de bras valides, en raison d’affrontements fratricides comme ceux observés en Côte d’Ivoire, en Égypte, en Tunisie, en Libye et déjà au Sénégal. Que l’Afrique ne peut continuer de détenir le record des clients de la Cour pénale internationale, notamment à la suite de chaque crise électorale. ● NOUROU-DINE SAKA SALEY, Paris, France JEUNE AFRIQUE
Vous nous
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ENQUÊTE RÉVOLUTION À LA MAROCAINE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2661 • du 8 au 14 janvier 2012
ALGÉRIE VOYAGE AU CŒUR DE L’ARMÉE
jeuneafrique.com
LE PLUS
de Jeune Afrique
MAURITANIE L’AFFAIRE MOUSTAPHA CHAFI
SANTÉ
L’Afrique contre le cancer
Spécial 10 pages
Par leur agitation, les jeunes « casseurs » mettent indirectement en évidence le laisser-aller dont se rendent coupables les fonctionnaires actuels de l’État et affichent leur manque de considération pour des forces de l’ordre corrompues, tant avant qu’après la révolution. Faute sans doute de moyens, le gouvernement de monsieur Jebali se montre incapable à la fois de répondre aux revendications sociales des plus nécessiteux et d’assurer la sécurité des populations. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne brille pas par son courage. On ne lui demande pas de prendre des risques inutiles, mais d’être rayonnant et représenté sur tout le territoire. Le peuple voudrait, par le biais des revendications et des sit-in, exprimer plutôt un besoin d’assurance, d’optimisme et de courage. ●
La Tunisie n’est pas si arabe… JE SUIS CITOYEN TUNISIEN et fier de l’être. Mon père avait des origines turques datant du XIXe siècle. Quant à mes deux grands-mères, paternelle et maternelle, elles avaient des origines anglaises, tandis que du sang marocain coule dans les veines de ma mère… Voilà, je suis un « pur » produit tunisien. Mon beau pays a été « arabisé » (670 ap. J.-C.), « byzantisé » (530 ap. J.-C.), « romanisé » (146 ap. J.-C.), « ottomanisé » (1570 ap. J.-C.), « vandalisé » (440 ap. J.-C.), « carthaginoisé » (820 av. J.-C.), « andalousé », « francisé », « phénécisé »… C’est à l’issue de ce mélange si riche des différentes cultures méditerranéennes qu’est née la Tunisie. Mon beau pays est unique. ●
Mystère à la poste de Gafsa TUNISIE Ben Jaafar : DANS UNE « Pourquoi nous LETTRE allons réussir » OUVERTE adressée au président ! J.A. N 2661, Moncef Marzouki du 8 au 14 janvier (J.A. n° 2661, du 8 2012. au 14 janvier), l’un de vos lecteurs faisait état de l’indélicatesse d’agents de la poste de Gafsa lors de la distribution du courrier. À mon tour, je relaie cette information. Originaire de la même région, je reçois régulièrement des missives et des paquets de l’étranger. Comme votre autre lecteur, ces envois sont systématiquement réemballés, une partie de leur contenu s’est envolée et l’adresse de l’expéditeur est effacée. Curieux, non ? Les autorités devraient prendre les mesures permettant d’y remédier… ●
COLONEL KILANI BENNASR, Tunisie
SELIM BALLEGI, Kelibia, Tunisie
AKERMI TAÏEB, Gafsa, Tunisie
Ennahdha, Congrès pour la République, opposition, gouvernance, avenir… Une interview exclusive du président de l’Assemblée constituante.
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Je te quitte, toi que je n’ai jamais vu
L
ES SAVANTS AFFIRMENT que l’homme est profondément influencé, dans son corps et dans son âme, par la technique qui l’environne. Les innovations ne sont pas innocentes : elles ont des conséquences sur notre comportement, elles nous modifient jusqu’au tréfonds. Par exemple, maintenant que Google constitue une sorte de mémoire universelle, il semble que la capacité de l’homme à mémoriser soit en régression. Il y a une ou deux générations, on apprenait par cœur la liste de toutes les capitales des pays du monde. Je me souviens, sur la plage d’El-Jadida, quand j’étais petit, on faisait assaut de mémoire, on se lançait, mes amis et moi, des défis du genre : « Quelle est la capitale du Honduras ? » (Tegucigalpa, si je me souviens bien…). Ou encore : « Quelle est la capitale de la Mongolie-Extérieure ? » J’ai essayé d’intéresser des jeunes d’aujourd’hui à ce jeu instructif, innocent et qui stimule les neurones. Ils m’ont ri au nez. Quel intérêt d’apprendre quoi que ce soit par cœur, m’ont-ils moqué, puisqu’en deux clics et trois secondes on peut avoir la liste de toutes les capitales du monde, leur latitude, leur population et le meilleur endroit pour y manger des frites ?
Toujours dans le cadre de cette idée selon laquelle nous sommes influencés par la technique, la fac de psycho de Louvain vient de publier une étude montrant que la majorité des ruptures amoureuses, en Belgique, se fait désormais sur les réseaux sociaux. C’est fini, les rendez-vous solennels dans un café ou dans un parc où l’on annonce au partenaire éploré que c’est terminé, qu’on se sépare et qu’on garde le chat… Non. Selon les collègues, le tiers des ruptures se fait maintenant par SMS, ce qui est plutôt lâche. Un autre tiers se fait sur Facebook, ce qui est extraordinaire. N’étant membre d’aucun réseau social, je ne sais comment ils fonctionnent, mais j’avais cru comprendre que beaucoup de gens ont accès à ces données : en d’autres termes, on largue Simone ou Abdelmoula en direct, en présence d’une foule amassée devant l’écran de l’ordinateur. Intel inside… Quelque part, ça manque de dignité. Les choses étant ce qu’elles sont, on assistera bientôt à des ruptures sur Facebook de relations commencées sur Facebook. Et vu que notre petit monde s’est globalisé, on s’étonne à peine de lire dans la presse anglaise qu’une relation virtuelle s’est ébauchée entre un p’tit gars d’Agadir et une actrice londonienne, le tout allant jusqu’aux déclarations enflammées. Le fait que les deux tourtereaux ne se sont pas encore rencontrés ne semble déranger personne. Et si l’Anglaise, dégrisée, mettait fin d’un clic de souris à cette relation, ce serait le comble : ils auraient vécu les joies de la rencontre, du « tomber amoureux », puis la désillusion, puis la rupture… sans jamais s’être touchés, ni même humés. D’où la question fondamentale que je lance dans ces colonnes en espérant qu’un mufti éclairera ma lanterne : tout cela est-il bien halal ? ● N o 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année)
JEUNE AFRIQUE
Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Frédéric Maury, Nicolas Michel, PierreFrançois Naudé, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Fanny Rey, Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; rédaction : Camille Dubruelh, Vincent Duhem et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Dhouha Boistuaud ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●
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Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.
Ne soutenez pas le nettoyage ethnique et l’occupation
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La Russie essaie de faire pression sur vos gouvernements afin qu’ils reconnaissent l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, deux régions de Géorgie occupées par la Russie. Les Nations Unies, l’Union européenne, les Etats-Unis et la communauté internationale dans son ensemble, à l’exception de la Russie, refusent de reconnaître l’Abkhazie et l’Ossétie du sud — cela reviendrait à légitimer un nettoyage ethnique, l’occupation du territoire d’un pays voisin, la modification des frontières à travers l’usage illégal de la force, et la violation de principes et de normes fondamentaux du droit international. EcoutEz cE quE dit lE mondE :
Les NatioNs UNies ont déclaré qu’un « nettoyage ethnique de grande ampleur » a été perpétré en Abkhazie, et l’Assemblée Générale a, de façon répétée, demandé que l’occupant russe permette le retour de plus de 400 000 réfugiés internes. L’UNioN eUropéeNNe a également dénoncé le « nettoyage ethnique » en Abkhazie et elle exige que la Russie quitte les 20% du territoire géorgien qu’elle occupe aujourd’hui. L’assembLée parLemeNtaire de La FraNcophoNie a condamné la reconnaissance, par la Russie, de ces deux régions; l’Assemblée a également dénoncé « le renforcement de la présence militaire russe, ainsi que la construction par la Fédération de Russie de bases militaires et aériennes dans les zones occupées de la Géorgie. » L’osce dit que le « nettoyage ethnique » en Abkhazie a mené à « l’extermination massive » et à « l’expulsion forcée de la population géorgienne de souche. »
hUmaN rights Watch a estimé que les agissements russes en Géorgie constituaient des « crimes contre l’humanité. » [ B H ] En 2008, la Russie a envahi et occupé 20% de la Géorgie ; cela a été reconnu comme une occupation militaire illégale par la communauté internationale. Depuis 1991, année où la Géorgie a obtenu son indépendance de l’URSS, la Russie a perpétré un nettoyage ethnique à l’encontre de 400 000 habitants d’Abkhazie. L’ONU estime qu’en 1991, 525 000 personnes vivaient en Abkhazie, dont 46% de Géorgiens de souche, et 29% d’Abkhazes ; la population de souche géorgienne constituait à la même époque 30% de la population d’Ossétie du sud. Aujourd’hui, les Géorgiens de souche ne représentent que 5% de la population dans ces deux régions. Ceux ayant fait le choix de rester vivre en Abkhazie vivent dans la peur constante de la violence et des violations des droits de l’homme. Pour plus d’information, rendez-vous sur www.cfj.ge N . Ne récompensez pas l’occupation et le nettoyage ethnique ! Les peuples africains ne doivent pas être du mauvais côté de l’histoire et du droit international !
Denoncez le nettoyage ethnique et l’occupation La Coalition pour la Justice – car en Géorgie, une personne sur 11 est un déplacé interne
Leadership en matière de technologie. Le monde est en pleine croissance. Chaque jour, plus de personnes, véhicules, maisons et usines sont à l’origine d’une demande toujours croissante en énergie. C’est pourquoi ExxonMobil investit plus de 1 milliard d’USD par an dans la recherche, le développement et l’application de technologie. Cela fait partie de notre engagement à développer les nouvelles technologies nécessaires pour répondre aux besoins toujours croissants en énergie dans le monde. Par exemple, pour les projets Kizomba en eaux profondes au large de l’Angola, ExxonMobil a développé un programme de forage à long déport, l’un des plus difficiles jamais entrepris. Qu’il s’agisse d’investissement en recherche et développement, d’approvisionnement de nouveaux produits pétroliers ou d’investissement dans les collectivités, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous contribuons au développement futur de l’Afrique. En savoir plus sur notre travail sur exxonmobil.com
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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
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L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est l’institution spécialisée des Nations Unies chargée de la santé. L’OMS sollicite des candidatures à des sièges au Comité consultatif indépendant d’experts de la surveillance. La principale fonction du Comité est de fournir des avis d’experts sur la politique financière et comptable, la gestion des risques et l’efficacité des dispositifs de surveillance. Le fait de siéger au Comité ne donne droit à aucune indemnisation à l’exception des frais de voyage et des indemnités journalières. Les membres devront assister en moyenne à trois sessions par an. Les candidats doivent être indépendants vis-à-vis du Secrétariat de l’OMS comme du Conseil exécutif. Les membres siègent à titre personnel et ne doivent ni demander ni recevoir d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité. Les candidats doivent posséder les compétences professionnelles requises dans le domaine financier ainsi qu’une expérience récente de haut niveau en matière de comptabilité, vérification des comptes, gestion des risques et autres questions administratives pertinentes. Les personnes intéressées sont invitées à soumettre leur candidature par courriel adressé à IEOACapplic@who.int. On trouvera de plus amples informations sur l’OMS ainsi que le mandat complet du Comité sur le site Web suivant : http://apps.who.int./gb/ebwha/pdffiles/eb125/eb125.R1_fr.pdf. Date limite pour le dépôt des candidatures : 5 mars 2012 L’OMS est un espace non fumeur N° 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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CODER
Compagnie des Énergies Renouvelables BP 12 334 LIBREVILLE GABON
Appel d’offres international Aménagement hydroélectrique des Chutes de Fe2 Dans le cadre de la réalisation en concession d’un aménagement hydroélectrique au fil de l’eau au Gabon, la CODER, lance un appel d’offres international pour la fourniture des matériels suivants : 1) 2000 mètres de conduite en diamètre 3900 mm – PN4 2) 800 mètres de conduite en diamètre 2200 mm PN 12 Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir les modalités d’obtention du dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite auprès de notre maître d’œuvre SEDEP à l’adresse email suivante : ao@sedep-gabon.com Les offres, en français uniquement, devront être déposées à : IMAD 16 rue Alphonse de Neuville 75017 Paris - France – au plus tard le 05 mars 2012 à 18 H, contre récépissé, selon la procédure prévue dans le dossier de consultation. L’envoi par mail, contre accusé de réception, est autorisé à l’adresse suivante : ao@sedep-gabon.com Les soumissions remises hors délais seront rejetées. Des informations complémentaires sur les projets sont disponibles sur www.coder-gabon.com
Area Sales Manager (vehicule department) Passionné par le secteur automobile et par l’Afrique Votre mission • Gestion et développement d’un territoire commercial et d’un portefeuille de clients. • Création et mise en place de plans d’actions (mailings, foires, missions économiques,..) • Entretien et développement des contacts auprès des ambassades, consulats, chambre de commerce, etc. • Accueil clientèle (Bruxelles et Anvers) • Rédaction des offres & relance et suivi des propositions • Finalisation des commandes en optimisant les marges et la rotation des stocks • Clôture du dossier commercial & suivi du bon déroulement de la livraison • Support d’autres membres de l’équipe lors de missions ou déplacements à l’étranger. Votre profil • De formation supérieure, de préférence à orientation commerciale • Expérience réussie d’au moins 5 ans dans une fonction commerciale et/ou d’exportation dans le domaine de l’automobile • Bilingue français et anglais, la connaissance d’autres langues (dont l’espagnol) sont des atouts. • Maitrise de MS office ainsi que des Incoterms. • Mobile pour déplacements ponctuels à l’international • Engagement, Performance, Intégrité et Travail d’Equipe font partie de vos valeurs clés Adressez dès aujourd’hui votre lettre de motivation et curriculum vitae à Demimpex Motors, Rue Arthur Maes 100 à 1130 Haren, à l’attention de Olivia Gaw ou envoyez un e-mail à hr@demimpex-motors.com N’oubliez pas de mentionner la référence DM/ASM VEH. Consultez également notre site www.demimpex-motors.com JEUNE AFRIQUE
Dans le cadre de son programme d’assistance aux personnes vulnérables au VIH Sida, la Croix-Rouge Française (en partenariat avec le Croissant Rouge Mauritanien et le Fonds Mondial) souhaite acheter les biens décrits ci-dessous : LOT N° 1 : Riz et Légumineuses LOT N° 2 : Huile, Sucre et Sel Nous invitons les entreprises souhaitant soumissionner à l’un ou plusieurs de ces lots à venir retirer un dossier à la Croix-Rouge Française avant le 23 février 2012 à 16 h 00 à l’adresse suivante : Délégation de la Croix-Rouge française 441, rue 23-041, Ilot C BP 2074 Nouakchott La remise des dossiers d’appel d’offre est fixée au 13 mars 2012 à 16 H 00.
AVIS DE REPORT DE DATE DE DÉPÔT DES OFFRES RELATIVES À L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL SUR L’AUDIT ORGANISATIONNEL ET DE FONCTIONNEMENT DE L’ARM L’Autorité de Régulation Multisectorielle (ARM) porte à la connaissance des soumissionnaires intéressés, que la date limite de dépôt des offres concernant l’appel d’offres ci-dessus indiqué, initialement prévue pour le 09 février 2012 à 9 h 00 est reportée au mercredi 29 février 2012 à 9h 00 au secrétariat de l’Autorité de Régulation Multisectorielle, 64 Rue des bâtisseurs, BP 13 179 Niamey. L’ouverture des offres aura lieu le même jour à 10 heures dans la salle de réunion de l’Autorité de Régulation Multisectorielle. Des renseignements complémentaires pourront être obtenus au Secrétariat de l’ARM (Tel : 20 73 90 08, Fax 20 73 85 91) et sur le site web de l’ARM www.armniger.org N° 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
Appel d’offres - Recrutement
DEMIMPEX Motors (www.demimpex-motors.com) est une société spécialisée dans la vente directe à l’exportation de véhicules neufs et de pièces de rechange en Afrique.
AVIS D’APPEL D’OFFRE OUVERT INTERNATIONAL Réf : MR/408/NKT/001
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Annonces classées Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie
Le présent avis annule et remplace celui publié dans « Jeune Afrique » du 30/01/2012
République du Sénégal Un Peuple – Un But – Une Foi
PROGRAMME DE MODERNISATION DE LA VILLE DE TIVAOUANE APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT CAS SANS PRÉ QUALIFICATION LANCÉ POUR LES TRAVAUX ROUTIERS DE CONSTRUCTION/RÉHABILITATION DE LA VOIRIE DE TIVAOUANE - N° D / 759 / A3
1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal « Le Soleil » en date du 04 Janvier 2012. 2. L’Etat du Sénégal dans le cadre du Budget Consolidé d’Investissement a décidé de financer le programme de modernisation de la ville de Tivaouane et a l’intention d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer des paiements au titre du marché pour des travaux de réhabilitation, d’élargissement, de construction de routes, d’assainissement des eaux pluviales, de déplacements de réseaux divers dans le cadre dudit programme. 3. L’AGEROUTE SÉNÉGAL (Agence des Travaux et de Gestion des Routes), agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie, sollicite des offres fermées de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour effectuer lesdits travaux. Le délai prévisionnel de réalisation de ces travaux est de soixante (60) mois.
Appel d’offres
4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres ouvert à tous les candidats éligibles selon les règles de procédure du décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant code des marchés publics du Sénégal. Les entreprises non communautaires sont admises à soumissionner mais doivent être en groupements avec des entreprises communautaires ou entreprises issues d’Etats membres appliquant le principe de réciprocité. 5. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’AGEROUTE SÉNÉGAL – Direction Générale – auprès de M. Ndiaye Diouf NDIAYE (courriel : ndndiaye@ageroute.sn) ou Bocar Malick MBOW (courriel : bmmbow@ageroute.sn) et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’AGEROUTE SÉNÉGAL sise à la Rue David Diop x Rue F Fann Résidence Dakar à compter du 13 Février 2012 pendant les heures d’ouverture 8 heures à 13 heures 30 minutes et 14 heures 30 minutes à 17 heures (heures locales). 6. Les exigences en matière de qualifications sont : 6.1. Conditions techniques a) Avoir une expérience générale de marché de construction, en tant qu’entrepreneur au cours des dix (10) dernières années. b) Avoir réalisé au cours des dix (10) dernières années au moins : • un (1) projet d’un montant d’au moins 32,5 milliards comportant des travaux de routes, d’assainissement des eaux pluviales en milieu urbain suivant une approche « programme » sur au moins trois (3) ans. • et un (1) projet routier d’un montant d’au moins 7 milliards de F CFA. Les Candidats devront fournir les attestations de travaux. Les prestations qui ne sont pas accompagnées d’une attestation ne seront pas comptabilisées. De plus, ne seront pris en compte que les travaux réalisés à hauteur de 80 % au minimum. c) Disposer du matériel minimum défini dans les critères de qualification figurant dans les DPAO, en parfait état de marche. d) Disposer du personnel clé défini dans les critères de qualification figurant dans les DPAO. 6.2. Conditions financières a) a-1) Le soumissionnaire doit avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel moyen concernant l’exécution de travaux de construction pour les trois dernières années précédentes (2008, 2009 et 2010) supérieur ou égal à : Vingt Trois milliards de francs (23 00 000 000 FCFA). N° 2666 • DU 12 AU 18 FÉVRIER 2012
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a-2) En cas de groupement, les chiffres d’affaires annuels moyens concernant l’exécution de marchés de travaux de construction pour les trois années précédentes (2008, 2009 et 2010) de chacun des membres du groupement, jointventure/consortium autres que le chef de file doivent être supérieurs à : Six Milliards Neuf Cent Millions de francs (6 900 000 000 FCFA). a-3) Le mandataire du groupement (chef de file) devra quant à lui, réaliser un chiffre d’affaire annuel moyen de: Treize Milliards Huit Cent Millions de francs (13 800 000 000 FCFA) pour les trois années précédentes (2008, 2009 et 2010). b) Le soumissionnaire doit pouvoir justifier de liquidités et/ou de facilités de crédits d’un minimum de Quatre milliards Cinq Cent millions de francs (4 500 000 000 FCFA), auprès d’un établissement financier. Voir le Document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. 7. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse de l’AGEROUTE SÉNÉGAL mentionnée ci-dessus contre paiement d’un montant non remboursable de Deux cent mille (200 000) F CFA par chèque certifié et barré émis au nom de l’AGEROUTE SÉNÉGAL ou par versement au compte n° 022007105706.54 ouvert au nom de l’AGEROUTE SÉNÉGAL auprès de la banque SGBS sise à l’Avenue du Président Léopold Sédar SENGHOR à Dakar. 8. Les offres devront être soumises à l’AGEROUTE SÉNÉGAL sise à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 05 Avril 2012 à 10 heures 30 minutes précises (heures locales). Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. 9. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à l’AGEROUTE SÉNEGAL à l’adresse ci-dessus le 05 Avril 2012 à 10 heures 30 minutes précises (heures locales). 10. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant d’Un Milliard (1.000.000.000) F CFA et rester valides pour une durée de cent vingt (120) jours à compter de la date limite de leur remise. Le Directeur Général Ibrahima NDIAYE
République Tunisienne - Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication
Processus d’Attribution d’une Licence de Télécommunications Fixes et Mobiles 3G Objet de l’appel d’offres Dans le cadre de la libéralisation du secteur des télécommunications, l’Etat Tunisien, représenté par le Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication (le "MTIC"), se propose de lancer un appel d'offre international relatif à l’attribution, d’une licence pour l’installation et l’exploitation d’un réseau public de télécommunications en Tunisie en vue de fournir des services de télécommunications fixes et des services de télécommunications mobiles de troisième génération. Informations succinctes sur la Tunisie et le marché de la téléphonie au 30 novembre 2011 • population : 10 740 600 • Deux opérateurs globaux sont présents sur le marché : (1) Tunisie Télécom, opérateur historique ; (2) Orange Tunisie • Un opérateur de téléphonie mobile 2G : Tunisiana • Total abonnés : Fixe : 1 227 780 - Mobile : 12 265 891 Eligibilité Seuls les opérateurs de réseaux de télécommunications disposant de leurs propres infrastructures et titulaires, depuis au moins cinq (5) ans, d’au moins une licence incluant des services de téléphonie fixes ou mobiles en cours d’exploitation en Tunisie ou ailleurs ; peuvent soumettre une offre qu’ils soient seuls ou en consortium avec d’autres investisseurs. Participation au processus d’appel d’offres Les investisseurs intéressés à participer au processus d’attribution de la licence doivent tout d’abord s’inscrire. Pour s’inscrire, ils doivent : • payer les frais d’inscription, non remboursables, s’élevant à Cinq Mille Dinars tunisiens (5.000 DT) ou 3500 US$ ou 2.500 € • signer l’engagement de Confidentialité (pièce 1) • remplir la fiche de renseignement (pièce 2) et la signer. Ces deux pièces (1 et 2) sont à réclamer par les intéressés directement ou par voie électronique auprès du point de contact ci-dessous mentionné et doivent être présentées lors du retrait du dossier d’appel d’offres.
JEUNE AFRIQUE
Les frais d’inscription sont à acquitter par virement ou par versement au profit du Trésorier Général de Tunisie sur le compte CCP 17 001 00 00 00 00 61 000 33. Retrait du Dossier d’Appel d’Offres Les investisseurs inscrits sont invités à retirer le Dossier d’Appel d’Offres contre la présentation d’une copie du reçu de versement outre les deux pièces ci-dessus indiquées et ce à partir du 9 février 2012 , durant les horaires administratifs à l’adresse suivante : Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication (MTIC) 3 bis, rue d'Angleterre - 1001 Tunis, Tunisie Renseignements et compléments d’information : A l’issue du retrait du Dossier d’Appel d’Offres, les investisseurs inscrits auront la possibilité de soumettre au MTIC des questions et de demander des clarifications sur le processus d’attribution de la licence, et ce avant le 23 février 2012. Les réponses aux questions et clarifications seront communiquées à tous ceux qui ont retiré le dossier d’appel d’offres plus tard le 29 février 2012. Ces investisseurs seront invités à soumettre une offre au titre de la licence comprenant obligatoirement deux composantes : une pour les services fixes et l'autre pour les services mobiles. Soumission des offres Les offres doivent être obligatoirement déposées au bureau d’ordre central du ministère (MTIC) au plus tard le 26 mars 2012 à 15:00 heures, heure locale. Ouverture des offres L’ouverture des offres est publique, la première séance portant l’ouverture des enveloppes contenant les dossiers administratifs et techniques à laquelle tous les Soumissionnaires sont invités à y participer aura lieu le 26 mars 2012 à 16h. Pour la deuxième séance portant ouverture des offres financières ; seuls les soumissionnaires qualifiés seront invites à y participer. Le closing de l’opération est prévu pour avril 2012. Contact et informations : Att : Mr. Fethi Methnani - 3 bis, rue d'Angleterre Tunis, Tunisie Tél. : +216 71 359 159 / +216 71 325 350 Fax : +216 71 322 808 E-mail : methnani.fethi@mincom.tn
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Appel d’offres
Avis d’Appel d’Offres International
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Annonces classées REPORT DE DATE LIMITE
AVIS D’APPEL D’OFFRE INTERNATIONAL VALORISATION DES ACTIONS DU FONDS DE GARANTIE DES INVESTISSEMENTS PRIVÉS EN AFRIQUE - GARI SA -
Appel d’offres
RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT SPÉCIALISÉ - Date de publication : 10 janvier 2012 1. Les actionnaires du Fonds Africain de Garantie des Investissements Privés en Afrique de l’Ouest (Fonds GARI) réunis à Paris le 29 avril 2011, puis à Lomé le 06 mai 2011, et enfin le 30 mai 2011, ont validé le principe de cession des parts détenues par certains partenaires dans le capital du Fonds GARI. Mandat a été donné à la Direction Générale à l’effet de (i) valoriser le Fonds GARI et (ii) rechercher des repreneurs. 2. Les actionnaires qui souhaitent se retirer ont toutefois manifesté la nécessité de mener le processus à son terme dans la transparence et l’objectivité pour connaitre la valeur des actions, cet exercice devant être mené par un Consultant externe indépendant de référence. 3. Le Fonds GARI, maître d’ouvrage de ce projet, sollicite des propositions en vue de la fourniture des services d’un consultant spécialisé pour une prestation scindée en deux parties : (i) établir la valeur du Fonds GARI et de ses actions et (ii) apporter l’assistance technique et juridique à la Direction Générale du Fonds GARI pour la recherche et la sélection d’investisseurs de référence. Les termes de référence contiennent, à toutes fins utiles, de plus amples renseignements sur les services en question. 4. Objectifs et description de la mission : Fournir au Fonds GARI une prestation technique spécialisée destinée à l’appuyer dans ce cadre. Cette prestation spécialisée comportera deux composantes : - une première phase destinée à établir la valeur du Fonds GARI et de ses actions, sur la base de la méthode la plus adaptée au contexte d’activité du Fonds GARI, Etablissement Financier de Garantie et des objectifs de l’opération de cession des parts des actionnaires sortants, - une seconde phase destinée à apporter l’assistance juridique et financière, mais également commerciale et technique, à la Direction Générale pour la recherche et la sélection d’actionnaires de référence. Cette phase comportera l’appui au Fonds GARI pour l’opération de consultation et de recherche, avec (i) l’élaboration du DAO et de son cahier des charges, la publication de l’offre sur les supports adaptés, tant localement qu’au niveau régional et international, l’analyse des offres, la proposition d’attribution et l’élaboration du projet de contrat de cession des actions, (ii) la mise en place des démarches de marketing et de prospection nécessaires pour aboutir à la conclusion du contrat de rachat des actions par les candidats repreneurs de référence intéressés par l’opération. Cette mission s’adresse à un cabinet d’Audit Comptable et Financier à signature internationale, expérimenté dans les opérations de valorisation de banques et établissements financiers. Ce cabinet devra également disposer de compétences fortes en matière de conseil juridique et devra être expérimenté dans les opérations de privatisation, d’investissements ou de fusion acquisition. Il devra disposer d’un bon relationnel, notamment dans le milieu bancaire et financier, en particulier sur le continent africain et dans la sous-région de l’UEMOA. Il devra pouvoir justifier de la réalisation de missions équivalentes auprès d’institutions financières, notamment bancaires et d’organismes spécialisés en Garantie exécutées à un niveau régional (CEDEAO, UEMOA) ou international. La connaissance de la région ouest africaine, particulièrement de l’UEMOA, est un atout majeur. 5. Assistance marketing dans la recherche d’investisseurs de référence. Le consultant conseillera le Fonds GARI dans le ciblage de son appel à manifestation d’intérêt et la définition d’un profil pour les investisseurs recherchés. La taille du marché au sein de la CEDEAO et le positionnement vers le secteur privé et le secteur public marchand seront pris en compte de façon spécifique pour établir ce ciblage. Sur la base du profil défini, le consultant dressera la liste des Institutions auprès desquelles il apparaît pertinent de lancer un appel à manifestation d’intérêt. Le consultant préparera dans ce cadre un plan marketing pour cette opération et élaborera un argumentaire commercial à destination des investisseurs potentiels ; ce plan et cet argumentaire seront soumis au Fonds GARI pour validation. Le plan marketing devra prévoir au minimum un contact téléphonique auprès de chaque investisseur à qui un appel à manifestation d’intérêt a été lancé et un programme de rendez vous dans les pays de la zone auprès des investisseurs que le consultant aura sélectionnés, à l’issue de ces échanges téléphoniques. Dans ce cadre, le consultant contactera donc personnellement par téléphone, les responsables des
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institutions auxquelles un dossier d’appel à candidature aura été remis ; le consultant organisera une mission dans les pays pour rencontrer les soumissionnaires intéressés dont l’entretien téléphonique a révélé un intérêt significatif et prometteur. Les rendez vous seront établis à un niveau hiérarchique élevé (Direction Générale et/ou le département habilité à traiter des opérations d’acquisition). Les entretiens auront pour objectif d’apporter une information plus complète, de répondre aux questions posées, de susciter leur intérêt et de les inciter à le manifester. Le consultant assurera un suivi des échanges avec les investisseurs contactés et rencontrés ; il rédigera un compte rendu des entretiens qu’il aura eus auprès de chacun d’eux ; il validera auprès du Fonds GARI le contenu des réponses qui seront apportées. Le consultant pourra être accompagné lors de sa mission dans les différents pays par un dirigeant du Fonds GARI. Après le lancement de l’appel d’offre auprès des candidats ayant manifesté leur intérêt, le consultant préparera les réponses aux questions posées par les candidats, les validera auprès du Fonds GARI et les diffusera à l’ensemble des candidats. Le consultant conseillera le Fonds GARI dans la sélection de l’investisseur au vu des différentes soumissions et des informations qu’il aura collectées au cours de la phase d’approche en amont. 6. Les propositions doivent demeurer valides soixante (60) jours après la date de soumission. Le dossier d’appel d’offre sera adressé au candidat par courrier électronique moyennant le paiement d’un montant non remboursable de l’équivalent de cinq cent mille FCFA. Le paiement devra être effectué, soit par chèque, soit par virement bancaire sur le compte suivant : Titulaire : Fonds GARI Domiciliation : BCEAO – Direction Nationale du Togo - Lomé BCEAO –Lomé BP 120 Tél : 00 228 22 21 53 84 - Fax : 00 228 22 21 76 02 Numéro du compte T00 261200 T0040761 Il est demandé aux soumissionnaires de fournir la preuve de leur versement en envoyant une copie du chèque ou du transfert au n° de fax 00228 22 21 35 05 ou à la boîte électronique gari@fondsgari.org. 7. Les consultants doivent soumettre un original et quatre (04) copies de chaque proposition sur support papier. En outre, chaque proposition technique comprendra une version livrée sur un support magnétique de type CD-Rom. 8. Adresse de soumission des propositions : Fonds de Garantie des Investissements Privés en Afrique de l’Ouest GARI SA A l’attention personnelle de Monsieur le Directeur Général Un exemplaire électronique de la soumission sera adressé, après la date et l’heure limite de dépôt des offres, aux adresses e-mail suivantes : jacques.nignon@gmail.com Renseignements à ajouter sur l’enveloppe extérieure : « Appel d’offres Fonds GARI – Recrutement d’un Consultant Spécialisé dans la valorisation des actifs et dans la recherche de repreneurs d’actions – Ne pas ouvrir au bureau d’ordre ». Les propositions doivent être soumises au plus tard le 12 mars 2012, avant 15 heures, heure de Lomé, à l’adresse suivante : FONDS DE GARANTIE DES INVESTISSEMENTS PRIVES EN AFRIQUE DE L’OUEST BP 985 - 68, Avenue de la Libération Lomé - République Togolaise Tout complément d’information au Maître d’Ouvrage doit être envoyé à l’adresse suivante : FONDS DE GARANTIE DES INVESTISSEMENTS PRIVES EN AFRIQUE DE L’OUEST BP 985 – 68, Avenue de la Libération Lomé -République Togolaise A l’attention de Monsieur le Directeur Général Tél : 00 228 22 21 06 05 – Télécopie : 00 228 22 21 35 05 Adresse électronique : gari@fondsgari.org Fait à Lomé, 10 janvier 2012
JEUNE AFRIQUE
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COOPÉRATION CAMEROUN-BANQUE MONDIALE CAMEROON-WORLD BANK COOPERATION
RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN MINISTÈRE DES FINANCES
SECRÉTARIAT TECHNIQUES DES RÉFORMES PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE CONTRÔLE (PRCTC)
BANQUE MONDIALE ASSOCIATION INTERNATIONALE DE DÉVELOPPEMENT (IDA)
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT N°001/AOIO/MINFI/DGB/DRB/PRCTC/UPM DU 03 FÉVRIER 2012 POUR L’ACQUISITION ET LA MISE EN ŒUVRE D’UN SYSTÈME INTÉGRÉ DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA SOLDE DE L’ÉTAT DU CAMEROUN
JEUNE AFRIQUE
Le processus de sélection se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’Offres International (AOI) décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA édition Mai 2004 révisés en Octobre 2006. Le mode de sélection est le mode fondé sur l’évaluation de l’offre qui prendra en compte les facteurs Techniques en plus des facteurs de coûts (offre financière). Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d'Appel d'Offres dans les bureaux du Projet de Renforcement des Capacités en matière de Transparence et de Contrôle dans la Gestion des Ressources Publiques (PRCTC) Ministère des Finances, Bâtiment B, 4ème Etage Portes 419C et 419C- Yaoundé, téléphone : + 237 22 23 35 22 Télécopie : + 237 22 23 35 22, ou Bâtiment A porte 339 téléphone 22 22 48 37. Le Dossier d'Appel d'Offres pourra être acheté par les candidats moyennant paiement d'un montant non remboursable de 75 000 (soixante quinze mille) F CFA à verser au trésor public. Les candidats qui auraient retirés le Dossier d’Appel d’Offres seront invités à une réunion préparatoire à l’établissement des offres pour leur apporter les réponses à toutes les questions et interrogations relatives au dossier. Cette réunion aura lieu le 6 Mars 2012 à 10 heures dans la salle de réunion de la Direction Générale du Budget du Ministère des Finances, sis au 4ème étage du Bâtiment B. Les offres doivent être déposées en 8 exemplaires papier (1 original et 7 copies) et un exemplaire sur support électronique au Secrétariat Technique des réformes, Ministère des Finances, Bâtiment B, 4ème Etage Portes 419C et 419C- Yaoundé, téléphone : + 237 22 23 35 22 Télécopie : + 237 22 23 35 22, ou Bâtiment A porte 339, téléphone 22 22 48 37, au plus tard le 13 Avril 2012 à 13 H (heure locale) accompagnées d'une garantie de soumission d'un montant égal à 30 000 000 (trente millions) F CFA. Les offres sous plis fermés seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y participer, le 13 Avril 2012 à 14 H (heure locale) au siège de la Commission de Passation des Marchés du Ministère des Finances. Les offres devront être valides pour une période de 120 jours à compter de la date limite de dépôt des offres. Le soumissionnaire doit satisfaire aux critères minima de qualification suivants : - Avoir accompli, durant les 10 dernières années, au moins deux (02) missions de mise en œuvre d’un système similaire donc au moins un système de gestion des ressources humaines et de paie pour une administration publique de taille supérieure à 30.000 agents ; - Aligner une équipe comportant au minimum les intervenants suivants : Un ingénieur informaticien spécialiste en gestion informatisée de gestion des ressources humaines ayant participé dans l’implantation d’un tel logiciel dans au moins deux cas ; Un Expert métier maîtrisant les aspects de gestion (notamment règlementaires) et d’organisation ; Une équipe d’ingénieurs informaticiens ayant une expérience d’au moins 5 ans dans la mise en œuvre de projets développés dans un environnement de Nouvelles Technologie de l’Information. Des renseignements complémentaires peuvent être obtenus auprès du : Secrétariat Technique des Réformes sur les Finances publiques, Projet de Renforcement des Capacités en matière de Transparence et de Contrôle dans la gestion de ressources publiques Finances Publiques (PRCTC), Ministère des Finances, Bâtiment B, 4ème étage, Portes 419C et 419C Bis, ou Bâtiment A, 3ème étage, porte 339 - Yaoundé-CAMEROUN. Tél. : +237 22 23 35 22 ou 22 22 48 37, E-mail : minfi.prctc69@yahoo.fr Fait à Yaoundé, le 03 février 2012 Le Ministre des Finances ALAMINE OUSMANE MEY
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Appel d’offres
Le Gouvernement de la République du Cameroun a obtenu un crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du Projet de Renforcement des Capacités en matière de Transparence et de Contrôle dans la Gestion des Ressources Publiques (PRCTC). Il est prévu qu'une partie des sommes accordées au titre de ce crédit sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché de mise en place d’un système intégré de gestion des ressources humaines qui devra comprendre un sous système de gestion des carrières, un sous système d’ordonnancement et de calcul de la solde et de la pension, un sous système de comptabilité, un sous système de préparation de tableaux de bord et d’indicateurs de gestion prévisionnelle, et un module de gestion électronique des documents au profit du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative (MINFOPRA). Ce projet est structuré en quatre phases à savoir : Phase 1 : Etudes - Revue de l’existant et analyse des questions à préparer et à résoudre ; - Spécifications fonctionnelles détaillées par sous système devant permettre un paramétrage et une adaptation du progiciel conforme à la réglementation Camerounaise ; - Spécifications techniques détaillées (matériel et réseau), sous système par sous système, et inter sous système, nécessaire à l’obtention des performances satisfaisantes au sein des structures centralisées et décentralisées ; - Relecture des procédures de GRH (carrière et solde) actuelles et leur adaptation aux spécificités du progiciel et contrôle de leur adéquation et adaptation aux spécificités du progiciel. Phase 2 : Préparation et paramétrage : - Validation et nettoyage ou adaptation des données et des procédures des systèmes existants, en préalable à toute introduction dans la nouvelle base de données et le paramétrage du nouveau système ; - Paramétrage du progiciel par sous système avec des tests sur la plateforme d’essai et validation progressive ; - Formation des techniciens et des utilisateurs ; - Test d’intégration sur la plate forme des sous-systèmes ; - Reprise des données des systèmes existants. Phase 3 : Recettes : - Installations opérationnelles et tests de recette fonctionnelle et de performances par sous système (structures centralisées et décentralisées) ; - Test de recette, par sous système puis dans l’environnement intégré. Phase 4 : Lancement opérationnel : - Lancement de production opérationnelle (par sous système ou « big-bang ») avec fonctionnement parallèle avec les anciens systèmes pendant une durée d’au moins trois mois, compte tenu de la complexité et de la sensibilité des fonctions assurées par le nouveau système intégré ; - Production opérationnelle de l’ensemble des systèmes, avec assistance du fournisseur ; (sa durée dépend du scenario progressif ou « big-bang »choisi) ; - Production opérationnelle autonome de l’ensemble du système intégré. En outre le fournisseur devra préciser dans l’offre la méthodologie de recette, le contenu et les points de contrôle qualité de chaque phase mentionnée ci-dessus ainsi que les scenarii d’implantation et de démarrage opérationnel progressif par sous système. Le Projet de Renforcement des Capacités en matière de Transparence et de Contrôle dans la Gestion des Ressources Publiques (PRCTC) par délégation de maîtrise d’ouvrage du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative (MINFOPRA) invite, par le présent Appel d'Offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la fourniture et l’installation du système ci-haut cité.
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Annonces classées Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie
République du Sénégal Un Peuple – Un But – Une Foi
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT
Manifestation d’intérêt
SÉLECTION DE CANDIDATS POUR UNE ASSISTANCE AU MAÎTRE D’OUVRAGE (AMO) POUR LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION DE L’AUTOROUTE AIBD-MBOUR-THIES 1. L’AGEROUTE SÉNÉGAL (Agence des Travaux et de Gestion des Routes), agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie, a l’intention de sélectionner, sur financement de l’État du Sénégal – (BCI), un Consultant (Bureau d’études) pour une mission d’Assistance à Maître d’Ouvrage (AMO) pour les travaux de construction de l’Autoroute AIBD-Mbour-Thiès. 2. Les services consistent : • à formuler pour le Maître d’Ouvrage des recommandations et des avis basés sur les rapports élaborés par les autres intervenants de l’opération tels que le bureau chargé d’assurer la maîtrise d’œuvre ou sur toute autre sollicitation/réclamation pouvant éventuellement survenir ; • à donner des avis et fournir au Maître d’Ouvrage une analyse critique sur des documents, par exemple et sans exclusive (i) sur les documents élaborés par les intervenants de l’opération, (ii) sur les comptes-rendus de chantier, (iii) sur les rapports trimestriels de la maîtrise d’œuvre, (iv) sur des propositions d’adaptations ou de modifications émanant de la maîtrise d’œuvre (en termes techniques, d’impacts calendaires ou financiers,…), (v) sur des projets d’avenants……. • à fournir une aide au pilotage, à l’arbitrage et à la décision du Maître d’Ouvrage : anticipation du chemin critique, appréciation de la façon dont les autres intervenants s’acquittent de leurs missions, propositions éventuelles d’études/d’investigations complémentaires et rédaction/passation des contrats correspondants,… • à constituer d'une façon générale, une assistance pro-active au pilotage, à l'arbitrage et aux prises de décision du Maître d'Ouvrage, en lui fournissant également tout élément nécessaire à l'appréciation des éventuelles propositions d'adaptations ou de modifications émanant des autres intervenants de l'opération, en lien avec ceux-ci. • à veiller à la qualité des travaux par le contrôle des compétences du personnel de la Mission de contrôle par une évaluation de leurs prestations dans le cadre de la mission qui leur est confiée. • à assurer le suivi du respect des délais par les différents intervenants, • à assurer aussi le suivi du dispositif du contrôle des matériaux, notamment, le bitume, les matériaux de structure de chaussée, les matériaux de terrassement. L’AMO s’assurera que tous les certificats de conformité soient présentés. • à définir et à suivre un plan de renforcement des capacités au sein de l’Unité de Gestion du projet (UGP) dans les domaines de la géotechnique et des ouvrages d’art. 3. Le consultant qui sera un cabinet (bureau d'études) devra posséder une large expérience dans la gestion de projets complexes, la supervision de travaux similaires et une parfaite connaissance des pratiques d'inspection et de contrôle technique. 4. L’AGEROUTE SÉNÉGAL invite les candidats éligibles et intéressés à manifester leur intérêt pour les services décrits ci-dessus, en fournissant les informations suivantes : (i) les domaines d’intervention ainsi que les années d’expériences du Candidat ; (ii) les qualifications dans le domaine des prestations ci-dessus et notamment les références concernant l’exécution de contrats analogues et d’envergures équivalentes ; (iii) les capacités techniques et de gestion du Candidat ; (iv) les références des clients bénéficiaires des prestations décrites. Les cabinets et bureaux d’études ainsi que leurs personnels impliqués dans le contrôle et la supervision des travaux de l’autoroute sont exclus de la présente consultation. 5. Les consultants seront présélectionnés selon les règles de procédure du décret 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant code des marchés publics du Sénégal et sur la base de la sélection « qualité-coût » et de la grille d’évaluation des critères ci-après : 5.1. Qualification générale dans le domaine des études et de la supervision de projets routiers similaires: (10 points) 5.2. L’expérience du bureau dans l’exécution de prestations de nature et d’envergure équivalente est évaluée de la manière suivante (50 points) : Quatre (04) missions d’assistance à maître d’ouvrage pour des projets de construction d’autoroute au cours des dix (10) dernières années notées sur 50 points (soit 12,5 points par projet). 5.3. Qualification du personnel permanent pour coordonner la mission (40 points). Ce personnel doit comporter au minimum les qualifications et compétences suivantes : Un (1) Ingénieur routier sénior, chef de mission (20 points) ayant participé, en tant que chef de mission, dans au moins quatre (04) missions d’assistance à maître d’ouvrage pour des projets de construction d’autoroute (soit 5 points par mission). Un (1) Ingénieur ouvrages d’art (10 points) ayant participé, en tant qu’ingénieur ouvrage d’art, dans au moins quatre (04) missions d’assistance à maître d’ouvrage pour des projets de construction d’autoroute comprenant de grands ouvrages d’art (soit 2,5 points par mission). Le CV fera ressortir la taille des ouvrages et la complexité des travaux de construction de ces ouvrages. Un (1) Ingénieur géotechnicien (10 points) ayant participé, en tant qu’ingénieur géotechnicien dans au moins quatre (04) missions d’assistance à maître d’ouvrage pour des projets de construction d’autoroute comprenant de grands ouvrages d’art (soit 2,5 points par mission). Le CV fera ressortir l’étendue et la complexité des travaux (ouvrages et chaussées) et du contrôle géotechnique. 6. Le nombre minimum de points requis est de soixante dix (70) et une liste restreinte de cinq à sept bureaux d’études ou firmes, sera établie à l’issue de cet appel public à manifestation d’intérêt. Il est permis aux candidats de s’associer pour renforcer leurs compétences. Une candidature n’est acceptée que si elle est présentée par des Consultants originaires des Etats membres de l’UEMOA ou d’Etats appliquant le principe de réciprocité ou par un groupement constitué de Consultant communautaire et non communautaire. 7. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes : 9 H 00 à 13 h 30 et 13 H 30 à 17 H. 8. Les dossiers de candidatures doivent être déposées au secrétariat de la Cellule de Passation des Marchés de l’AGEROUTE SÉNÉGAL, sis à l’adresse ci-dessous au plus tard le 15 Mars 2012 à 10 heures 30 minutes précises (heure locale) : AGEROUTE SÉNÉGAL (Agence de Travaux et de Gestion des Routes), rue David DIOP x F, Fann Résidence, BP : 25 242 Dakar-Fann. Tel: (221) 33 869 07 51 Fax : (221) 33 869 07 51 - Email : ageroute@ageroute.sn ou mcfaye@ageroute.sn ou gstine@ageroute.sn 9. La langue de travail sera le français. Il est à noter que l’intérêt manifesté par un bureau d’études ou une firme, n’implique aucune obligation de la part de l’AGEROUTE SÉNÉGAL de l’inclure sur la liste restreinte. Le Directeur Général Ibrahima NDIAYE
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COMMISSION SOUS RÉGIONALE DES PÊCHES (CSRP) SECRÉTARIAT PERMANENT Projet Régional des Pêches en Afrique de l’Ouest (PRAO) - Project ID : P106063
SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT POUR LA SÉLECTION D’UNE FIRME POUR CONCEVOIR ET METTRE EN PLACE,AU SÉNÉGAL ET À LA CSRP, UN SYSTÈME RÉGIONAL D’INFORMATION PROACTIF SUR LE COMMERCE DES PRODUITS DE LA PÊCHE N° CSRP/PRAO/RCU/C/9-11
1. Cette sollicitation de manifestations d’intérêt fait suite à l’avis général de passation des marchés de ce projet publié dans le Gateway et le Development Business N°. WB 4978 - 788/10 du 15 Novembre 2010. 2. La Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP) a obtenu des Fonds de l’Agence de Développement International (IDA) pour financer des activités de coordination régionale du Projet Régional des Pêches en Afrique de l’Ouest (PRAO). L’objectif de ce Programme est l’accroissement durable de la richesse générée par l’exploitation des ressources halieutiques en Afrique de l’Ouest et le renforcement de la part de cette richesse captée par les pays et les opérateurs de la région. 3. Une partie de ces fonds est prévu destiné aux paiements à effectuer au titre du contrat suivant : « Conception et mise en place, au Sénégal et à la CSRP, d’un système régional d’information proactif sur le commerce des produits de la pêche ». 4. Le Consultant aura pour tâches principales : • L’identification des produits potentiellement commercialisables et exportables au Sénégal et dans les pays bénéficiaires du PTIS (Cap Vert, Sénégal, le Libéria, la Sierra Léone la Guinée Bissau, le Ghana), ainsi que les opportunités d'investissement et de commerce ; • L’élaboration des cartes d'identité des produits potentiels pour les marchés locaux et pour l'exportation ainsi que la description des diagrammes de fabrication et des Plans HACCP des produits potentiels ; • La description des circuits de distribution des produits potentiels sur les principaux marchés cibles et l’établissement d’un tableau de bord dynamique des cotations des produits par marché ; • La détermination des exigences sanitaires, commerciales et écologiques des marchés ciblés par secteur et par produit ; • L’établissement de la liste des producteurs, acheteurs et vendeurs dans les pays bénéficiaires du PTIS ; • L’identification des technologies disponibles et exploitables par le secteur, notamment la formation, le marketing, le design des produits, la création et/ou l'adaptation, l'emballage et le labelling des entreprises de transformation industrielle. Le démarrage des prestations est prévu pour le mois de Mai 2012.
6. Une liste restreinte de consultants sera établie à l’issue de l’appel à manifestation d’intérêt. Un consultant sera sélectionné en accord avec les procédures de la Banque Mondiale définies dans les « Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale » datées de janvier 2011. 7. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires aux documents de référence à l’adresse ci-dessous aux heures suivantes : • Du lundi au jeudi de 8 heures à 13 heures et de 14 heures à 17 heures, • Le vendredi de 8 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures. 8. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées en trois exemplaires sous pli fermé portant la mention « Manifestation d’intérêt pour la conception et la mise en place, au Sénégal et à la CSRP, d’un système régional d’information proactif sur le commerce des produits de la pêche » à l’adresse ci-dessous au plus tard le 27 Février 2012 à 15 heures. Secrétariat Permanent de la Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP) - Amitié 3, villa 4430 B.P. : 25 485 Dakar/Sénégal, Tél. : 221 33 864 04 75, Fax : 221 33 8640477 - Dakar – Sénégal E-mail : spcsrp@gmail.com ; avec copie à kdemba@gmail.com ; turay.ib1264@yahoo.com ; et fatmaseck@yahoo.fr ; Le Secrétaire Permanent KANE CIRE AMADOU
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Manifestation d’intérêt - Divers
5. La Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP), par ce présent avis, invite les firmes admissibles, disposant de l’expertise avérée et d’une expérience pertinente dans le domaine, à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, domaine d’expertise, l’expérience dans des conditions semblables, les capacités techniques et de gestion, la qualification du personnel, les références pertinentes concernant l’exécution de contrats analogues avec des informations sur la mission, la période, le Maître d’ouvrage, le montant de la mission, le contenu des prestations, etc…). Les consultants peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives.