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TUNISIE RACHED GHANNOUCHI, L’INTERVIEW VÉRITÉ É

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S HEBDOMADAIRE HEBDOM OMADAI OM AIRE RE INT NTER ERNA ER NATI INDÉPENDANT • 52e année • No 2692-2693 • du 12 au 25 août 2012 C INTERNATIONAL une

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CHINEAFRIQUE AU-DELÀ DES CLICHÉS

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jeuneafrique.com

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L’Afrique 25 projets et idées pour changer le continent

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N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS EM BLE AIN ES

Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Vous retrouverez Ce que je crois de Béchir Ben Yahmed au mois de septembre.

Habiba et ses sœurs

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LLE EST TUNISIENNE, jeune (28 ans), belle, et elle court comme le vent. Habiba Ghribi a, le 6 août, remporté la médaille d’argent du 3000 m steeple aux Jeux olympiques de Londres, la première glanée par une femme dans l’histoire du pays. La performance de la native de Kairouan, sociétaire du club d’athlétisme de Franconville, dans la banlieue parisienne, conjuguée à sa plastique avantageuse que ne masque guère sa tenue succincte de reine du tartan, a pourtant suscité la polémique dans la Tunisie nouvelle. Barbus et « sympathisants » islamistes, que la tolérance n’étouffe manifestement pas, déversent leur fiel, mais aussi leurs menaces, sur les réseaux sociaux. À les en croire, la place de Habiba n’est pas dans un stade, aux côtés d’une multitude d’hommes, mais dans une cuisine. Assimilée à un « bikini », la tenue qu’elle porte pour courir est pour eux une provocation insupportable. Et un sacrilège. Triste perception, qui rappelle les attaques des partisans du Front islamique du Salut (FIS) algérien contre Hassiba Boulmerka, la championne du début des années 1990. Vingt ans plus tard, certains en sont donc toujours au même point.

! HABIBA GHRIBI, vice-championne olympique du 3 000 m steeple. JEUNE AFRIQUE

Lire également l’interview de Rached Ghannouchi pp. 54-59 et le « Post-scriptum » de Faouzia Zouari, p. 154

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Confidentiel LA S EM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E Jeux olympiques Rêves africains Nicolas Sarkozy L’hyperopposant Djibril Bassolé Médiateur des sables Conquête spatiale Bons baisers de Mars Pop art Révolution à Téhéran ! Bug informatique Wall Street Follies Côte d’Ivoire Méfiance dans la troupe Maroc De la gouaille à la gaffe Tour du monde

G RA N D A N G L E

24 L’Afrique 25 projets et idées pour changer le continent

PHOTOS DE COUVERTURES : ONS ABID POUR J.A. ; JON BERKELEY POUR J.A.

ANTOINE DOYEN

Le contexte de la victoire de Ghribi, qui n’a été accueillie à son retour à Tunis qu’en catimini, par le ministre des Sports et celle de la… Femme et de la Famille, n’est d’ailleurs pas anodin. Le 13 août, la Tunisie fêtera le cinquante-sixième anniversaire de l’adoption du code du statut personnel (CSP), alors qu’un projet d’article de la future Constitution – précisément l’article 27 – envisage de soumettre « la protection des droits des femmes et de leurs acquis » au « principe de complémentarité avec l’homme au sein de la famille ». Traduction : sans homme ou sans foyer familial, les femmes ne sont rien. Et avec, pas grand-chose. De simples « compléments », et, en aucun cas, des égales. Les rédacteurs du projet ont dû oublier dans quel pays ils vivent. Les femmes tunisiennes, qui, rassurezvous, cuisinent merveilleusement bien et savent tenir une maison, ont souvent été les premières dans bien d’autres domaines : première femme arabe médecin (en 1936), ministre (en 1983), commandant de bord (début des années 1980), militantes des droits de l’homme, etc. Or depuis la révolution – situation ô combien paradoxale –, Habiba et ses sœurs, guère soutenues, hélas, par les hommes, doivent se battre becetonglespourpréserverleursacquis. Habib Bourguiba, l’instigateur du CSP, doit se retourner dans sa tombe. ●

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Madagascar La guerre des clones Angola Abel Chivukuvuku, la troisième voie ? Mali Imam médiateur Tribune La force n’est pas « la solution » L’actualité vue par Glez Bientôt la rentrée Santé Faire l’amour, c’est bon pour le cœur Somalie Mogadiscio, un air de paix

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M AG H REB & M OYEN - O RIEN T

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Tunisie Interview de Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha Tribune La révolution pervertie Syrie Tentations kurdes Égypte Morsi contre les djihadistes Islamisme L’exception algérienne Libye Mustapha Abdeljalil, héros malgré lui

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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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SOMALIE MOGADISCIO, UN AIR DE PAIX Après plus de vingt années de guerre civile, la capitale du pays semble revivre. Reportage.

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Spécial 24 pages

CONGO DÉMOCRATIE

cha cha

• 2002-2012, la décennie Sassou • Kinkala en fête, tout un symbole • Congolismes : des mots sens dessus dessous

EUROPE, AM É R I Q U E S, ASIE France Affaires de cœur, affaires d’État Parcours William Nadylam, théâtrothérapeute Venezuela Beaucoup d’exilés, peu de votants États-Unis Pourquoi ils draguent les Juifs Vu d’Israël Entre les deux, leur cœur balance

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LE PLUS DE JE U N E A FR I Q U E

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Congo Démocratie cha cha

ÉCON OMIE ★ Chine-Afrique Entre mythes et réalités ★ Commerce Yiwu, le supermarché de l’Afrique ★ Diaspora Alger la chinoise ★ Finance La première « banque » du continent ★ Mines Rentables fréquentations Côte d’Ivoire Élagage à tous les étages Mode Mehdi Slimani, un pied en Éthiopie Sport Djamil Faye vise l’Olympe Maroc CGI, le dos au mur Baromètre

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Grands-parents, parents, enfants… Ils ont choisi d’être artistes. Pour le meilleur et pour le pire. Portraits de familles pas comme les autres.

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TUNISIE RACHED GHANNOUCHI : « ISLAM ET POLITIQUE SONT INDISSOCIABLES » Grande interview du président d’Ennahdha

★ CHINE-AFRIQUE, ENTRE MYTHES ET RÉALITÉS Premier partenaire commercial et premier bailleur de fonds, Pékin fait l’objet de rumeurs sur ses méthodes et ses intentions.

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Germaine et Patrick Acogny Pas de deux Les Khalifé, père et fils À âmes égales Marie NDiaye et Pap Ndiaye L’excellence française Les Ayissi La danse en partage Tabu Ley et Youssoupha Mabiki Chanteurs malgré eux Les Decca Un air de famille Jesse et Johnny Clegg Comme papa mais pas trop Les Kouyaté Artistes par osmose Les Kuti Chanteurs, saxophonistes… et révolutionnaires Criss et Dieudonné Niangouna Les enfants terribles du théâtre À l’œuvre « Dysfunctional Family », de Yinka Shonibare

VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum JEUNE AFRIQUE


De gauche à droite : Achieng Butler - Directrice Brand et Média Airtel Africa, Andre Beyers - Chief Marketing Officer Airtel Africa, Nandkishor Buty - PDG Ogilvy Africa, Obinna Aniche - Responsable Brand Assets Airtel Africa

airtel classé dans le Top 100 des marques mondiales Bharti Airtel, l’une des plus grandes sociétés de télécommunications, a récemment été désignée parmi les 100 marques mondiales les plus valorisées du classement BrandZTop™ de cette année. L’Opérateur, qui compte des Opérations dans 20 pays d’Afrique et d’Asie, a été classé 71ème et s’est vu attribuer une valeur de 11,5 milliards de dollars américains. En faisant son entrée dans le Club élitiste des marques mondiales, la société s’est hissée devant de grosses pointures mondiales comme Citi (82), Sony (86), MTN (88), China Telecom (90) et Volkswagen (96). L’étude BrandZ Top 100 des Marques les plus valorisées dans le monde est menée par l’un des plus grands cabinets mondiaux de recherche, Millward Brown. Cette évaluation des marques est la seule qui tient compte de l’opinion des gens sur les marques qu’ils achètent en plus d’une analyse rigoureuse des données financières, des valorisations du marché, des rapports d’analystes et des profils de risque. Le classement est l’aboutissement d’une recherche quantitative approfondie et continue par catégorie et par pays. La recherche couvre quelque 2 millions de consommateurs et plus de 50.000 marques dans plus de 30 pays. L’année dernière, Airtel Africa a franchi un jalon essentiel lorsqu’il a enregistré son 50 millionième abonné. En d’autres termes, le 5ème Opérateur télécoms dans le monde, a accru sa base d’abonnés de 10 millions en moins de 16 mois après l’acquisition des Opérations de Zain dans 16 marchés africains. En outre, Airtel a acquis une licence pour opérer dans son 17ème marché au Rwanda et a immédiatement lancé ses Opérations dans ce pays qui fait partie aussi du bloc économique de la Communauté d’Afrique de l’Est. Andre Beyers, Chief Marketing Officer d’Airtel Africa, attribue ce succès en cours à la quête constante des produits novateurs menée par l’Opérateur.

Communiqué

« Il s’agit là d’un moment d’extrême fierté pour chacun de nous à Airtel, » a-t-il déclaré. « Occuper une forte position parmi les plus grandes marques du monde entier est un témoignage de notre engagement continu à fournir des produits innovants et des solutions de communication abordables à nos abonnés. Notre vision, lorsque nous sommes entrés sur les marchés africains, était de transformer les communications mobiles et de créer un impact positif dans les vies de tous nos Clients. Ce classement est une preuve que nous avons honoré cette vision, et avons l’intention de continuer sur notre lancée avec la même passion et la même énergie. » Au cours des derniers mois, Airtel s’est lancé dans une dynamique de construction du réseau 3G le plus vaste sur le continent. La plateforme 3G a profondément transformé la façon dont les consommateurs utilisent la toile sur les téléphones portables ayant accès à Internet. La technologie améliorée va renforcer la fonctionnalité multimédia, accélèrera le débit mobile et l’accès à internet ; permettant ainsi aux utilisateurs d’effectuer des appels vidéos, de visionner en direct, d’envoyer et de recevoir des courriels et de télécharger la musique sur leurs téléphones. Cette technologie HSPSA plus, d’une capacité de 21 mbps, est la plus récente dans le monde. Elle est actuellement en cours de déploiement en Europe et aux Etats-Unis. Le réseau déployé

la société attribue le succès à son engagement continu pour l’afrique

par Airtel est la connexion 3G la plus rapide disponible et elle va être énormément bénéfique aussi bien aux grandes entreprises qu’aux Petites et Moyennes Entreprises et aux jeunes. La Société offre aussi des services financiers aux populations non bancarisées à travers sa plateforme de commerce mobile – Airtel Money. Le service, qui a été lancé dans la plupart des marchés en Afrique, permet aux consommateurs et communautés de profiter au maximum de la réalité du commerce mobile en forte expansion dans le secteur grâce à la possibilité qui leur est offerte d'effectuer rapidement et facilement des transactions bancaires. Tournée à la fois vers les Clients bancarisés et non bancarisés, Airtel Money leur permet d’effectuer des transactions financières sécurisées, rapides et abordables, y compris des transferts de fonds directs d’un utilisateur à un autre, des paiements de factures, des recharges de crédit et des transactions bancaires sur portable. Toutefois, la vision de la société pour l’Afrique s’étend loin au-delà des simples priorités commerciales, a expliqué M. Beyers. L’année dernière, Airtel a lancé un tournoi de recherche de talents de football – Airtel Jeunes Talents – dans 15 marchés du continent. Depuis, le tournoi panafricain est devenue la plus grande initiative africaine de football pour les jeunes. Il vise à mettre l'accent sur le repérage et la formation de jeunes footballeurs talentueux et offre une plateforme aux moins de 17 ans, qui aspirent à devenir des stars de football, afin d’exhiber leurs talents aux meilleurs recruteurs et entraineurs et avoir l'occasion de renforcer leurs compétences en matière de football. « Le football possède une capacité unique à unir et à responsabiliser les communautés ainsi qu’à créer un impact communautaire positif de la racine, jusqu’à atteindre un engouement national. Ce tournoi est notre façon à nous de renvoyer l’ascenseur à nos abonnés, » a commenté M. Beyers. Airtel continue aussi de renforcer son engagement vis-à-vis des communautés dans lesquelles il opère à travers son initiative d’Adoption d’Ecoles. Couvrant tous les marchés, l’initiative vise à soutenir l’éducation dans les zones rurales et démunies en identifiant des écoles qui sont dans le besoin et en les dotant par la suite d’infrastructures, d’équipements et de personnels pour s’assurer que les élèves sont scolarisés dans un environnement plus propice à l’apprentissage. « En fin de compte, » conclue M. Beyers, « créer un impact positif durable sur la communauté reste la première priorité de la société ». Bharti Airtel – la société mère d’Airtel Africa - est l’une des plus grandes sociétés de télécommunications intégrées dans le monde avec des opérations dans 20 pays d'Asie et d'Afrique. Elle est classée comme le cinquième plus grand opérateur de téléphonie mobile dans le monde en termes de nombre d’abonnés avec plus de 250 millions de clients dans l’ensemble de ses opérations. En Afrique, la marque Airtel est présente à la fois dans des marchés francophones et anglophones, notamment au Burkina Faso, au Tchad, au Congo Brazzaville, en République Démocratique du Congo, au Gabon, au Ghana, au Kenya, à Madagascar, au Malawi, au Niger, au Nigeria, au Rwanda, aux Seychelles, en Sierra Léone, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie.


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Sommet de la Francophonie Décision de Hollande fin août?

ONU BRAHIMI EN SYRIE ?

La démission de Kofi Annan de son poste d’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU en Syrie étant effective à partir du 31 août, les noms de plusieurs possibles successeurs circulent. Celui du diplomate algérien Lakhdar Brahimi revient le plus souvent. Celui de l’Égyptien Mohamed el-Baradei, ancien patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique, est également évoqué – l’envoyé spécial de l’ONU étant aussi celui de la Ligue arabe –, mais l’hypothèse semble peu crédible. Parmi les autres candidats potentiels figurent Miguel Ángel Moratinos et Javier Solana, respectivement ancien ministre espagnol des Affaires étrangères et ancien chef de la diplomatie européenne. La vérité est que les volontaires ne se bousculent pas au portillon. En raison du blocage diplomatique N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

PASCAL BASTIEN/FEDEPHOTO ; MICHEL EULER/AP/SIPA

F

rançois Hollande se donne le temps de la réflexion avant d’annoncer son éventuelle participation au sommet de la Francophonie à Kinshasa, en octobre – ce qui lui permet de maintenir la pression sur le gouvernement congolais. Mais le suspense ne devrait plus durer très longtemps. Selon une source diplomatique, il pourrait annoncer sa décision fin août, lors de la conférence des ambassadeurs. Depuis sa visite de quatre jours à Kinshasa fin juillet, Yamina Benguigui, sa ministre déléguée à la Francophonie, est pour sa part convaincue de la nécessité de sa présence. Les autorités congolaises ont par ailleurs, fin juillet, confié à cette dernière que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) devrait être restructurée dans les prochains mois, et que le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, son président très contesté, ne devrait pas être reconduit dans ses fonctions.

! JOSEPH KABILA ET FRANÇOIS HOLLANDE, les présidents congolais et français.

entre, d’un côté, les pays occidentaux, l’Arabie saoudite et le Qatar, et, de l’autre, la Russie et la Chine, la mission apparaît en effet presque impossible. LE CHIFFRE

33 %

À en croire une étude du Pew Forum (à Washington) consacrée à « la religion et l’espace public », un tiers des femmes de la région Moyent-OrientAfrique du Nord (Mena) affirment n’avoir jamais mis les pieds dans une mosquée. Le pourcentage n’est que de 2 % en Afrique subsaharienne, mais de 77 % en Asie du Sud.

RD CONGO BEMBA OPTIMISTE

Ouvert en novembre 2010, le procès de Jean-Pierre Bemba devant la Cour pénale internationale (CPI) devait reprendre le 14 août à La Haye. Poursuivi pour crimes de guerre et cr imes contre l’ humanité en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003, l’ancien vice-président congolais a prévu de présenter une soixantaine de témoins. La ligne de défense de ses avocats : démontrer que leur client, qui se trouvait en RD Congo et en Afrique du Sud au moment des faits, n’a exercéaucuncommandement militaire sur les hommes du Mouvement de libération du Congo (MLC) envoyés en Centrafrique à la demande de l’ancien président Ange-Félix Patassé et de l’Union africaine. « Nous ne contestons pas les violences commises par les différents protagonistes de cette guerre civile, mais

la responsabilité pénale de Bemba ne peut être engagée », explique l’un de ses collaborateurs. À l’en croire, celui-ci serait « très optimiste ». Les audiences pourraient se prolonger jusqu’en mars 2013. JUSTICE INTERNATIONALE GBAGBO MALTRAITÉ ?

Que disent les médecins qui ont examiné Laurent Gbagbo? Selon ses défenseurs, qui ont pu consulter les rapports médicaux remis le 19 juillet à la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien président ivoirien aurait été victime de mauvais traitements au cours de sa résidence surveillée à Korhogo (Nord). Leur objectif est évidemment de présenter leur client comme une victime, non comme un bourreau… Le 2 août, la chambre préliminaire de la CPI a ordonné à la procureure et à la défense de lui soumettre (respectivement les 13 et 21 août) leurs observations concernant lesdits JEUNE AFRIQUE


N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS EM BLE AIN ES

Politique, économie, culture & société

CÔTE D’IVOIRE MULTINATIONALES EN QUÊTE DE TERRE

Plusieurs grands groupes agro-industriels étrangers négocient actuellement avec l’Office national de développement de la riziculture. Parmi eux, le français Mimran, qui projette de produire 1 million de tonnes de riz blanc le long du fleuve Bandama, entre Tiassalé et Grand-Lahou (Sud), mais aussi le francoaméricain Louis Dreyfus, le suisse Compagnie d’investissements céréaliers, ainsi que les singapouriens Olam, Export Trading Corporation et Singapore Agritech. Plusieurs centaines de milliers d’hectares sont concernés. Selon la loi foncière ivoirienne, une société étrangère ne peut se porter acquéreur de terres, seulement bénéficier de baux emphytéotiques. TUNISIE L’INSTANCE DE LA DISCORDE

Alors que la rédaction de la Constitution tunisienne piétine en raison de profonds désaccords sur la question des libertés et du statut des femmes, l’Assemblée nationale constituante (ANC) travaille à la mise en place de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), chargée de l’organisation des prochains scrutins. Le gouvernement avait laissé entendre qu’il pourrait reconduire à sa tête Kamel Jendoubi, mais certaines sources suggèrent que le poste échouera finalement à JEUNE AFRIQUE

Kaïs Saïed, un spécialiste du droit constitutionnel soutenu par Abderrazak Kilani, le ministre délégué chargé des Relations avec l’ANC et proche de Hamadi Jebali, le chef du gouvernement. Cette nomination suscite des tensions entre ce dernier et Mustapha Ben Jaafar, président de l’ANC, qui est favorable à Jendoubi.

FOOTBALL Statut sur mesure pour Hayatou? LE CAMEROUNAIS ISSA HAYATOU, qui préside la Confédération africaine de football (CAF) depuis vingt-cinq ans, et ses lieutenants multiplient les manœuvres pour se maintenir à la tête de l’institution (la prochaine élection du président aura lieu en mars 2013). Le 3 septembre aux Seychelles, ils tenteront lors d’une assemblée générale extraordinaire de modifier les statuts de la CAF définissant les conditions d’éligibilité du président. L’initiative vient de la Fédération algérienne de football (FAF), dont le président, Mohamed Raouraoua, est un proche de Hayatou. Dans un courrier daté du 20 juin, la FAF propose que « tout candidat aux élections à la présidence de la Confédération africaine de football, outre les compétences nécessaires, devra être ou avoir été membre du comité exécutif de la CAF ». L’adoption de ce texte permettrait d’écarter la candidature de Jacques Anouma, ancien président de la Fédération ivoirienne de football et principal rival de Hayatou. Aujourd’hui membre du comité exécutif de la Fifa, la fédération internationale, Anouma, qui n’entend pas se laisser mettre sur la touche, a récemment obtenu le soutien des autorités ivoiriennes.

BOURSE NOUVEAU PATRON POUR LA BRVM

Pour succéder à Jean-Paul Gillet, limogé le 23 juillet (J.A. no 2690), le choix du conseil d’administration de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan s’est porté sur Edoh Kossi Félix Amenounve. Ce Togolais diplômé en finance de l’université Laval, à Québec, est arrivé en tête d’une short list de six candidats (directeurs de banque, pour la plupart) proposée par le cabinet international de recrutement AfricSearch. Depuis neuf ans, il était secrétaire général du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), l’organe de régulation de l’UEMOA. Il sera chargé d’améliorer l’organisation et la gestion des structures centrales de la BRVM, mais aussi, bien sûr, de poursuivre son développement. DROITS DE L’HOMME LA FIDH EN CONGRÈS À TUNIS

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) tiendra son 38e congrès du 7 au 11 mars 2013 à… Tunis. Créée en 1922, l’ONG est dirigée depuis avril 2007 par la journaliste et militante tunisienne Souhayr Belhassen. Plus de 400 participants venus d’une centaine de pays sont attendus.

FRANÇOIS MORI/AP/SIPA

rapports médicaux. Sur cette base, elle devrait décider si Gbagbo peut ou non assister à l’audience (sa présence n’est pas obligatoire).

! LE PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION AFRICAINE DE FOOTBALL avec les joueurs zambiens vainqueurs de la CAN 2012. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


La semaine de Jeune Afrique

JEUX OLYMPIQUES

Rêves

africains

Les nations émergentes d’Asie s’imposent sur la scène sportive mondiale ? Aux États du continent d’en prendre de la graine ! Premier objectif : éviter que leurs meilleurs athlètes ne concourent sous d’autres couleurs. Puis, pourquoi pas, accueillir un jour les JO.

L

CLAUDE LEBLANC,

avec

MATHIEU OLIVIER

es Jeux olympiques de Londres Grande-Bretagne s’est regardée dans le miroir et s’achèvent à peine qu’on pense déjà s’en est trouvée flattée », conclut l’hebdomadaire aux prochains jeux d’été, qui se tienbritannique. Premier médaillé du Togo en 2008 dront en 2016 à Rio de Janeiro, au Brésil. aux Jeux de Pékin, le kayakiste franco-togolais Chacunedesdélégationsdresselebilan Benjamin Boukpeti confirme cette nécessité de de sa participation et fait ses comptes, créer un « moment olympique » susceptible de à tous les niveaux. Il y a ceux qui se satisfont des changer le regard que l’Afrique porte sur elle-même. performances de leurs athlètes même si elles ne « On dit toujours que l’Afrique n’a pas de moyens, se sont pas transformées en médaille. Et ceux qui qu’on n’est pas bons, qu’on fait des mauvais JO. se lamentent de leurs piètres résultats. Après trois olympiades, je commence à prendre du Pour les Africains présents à cette trentième recul. J’essaie d’aller vers les autres Africains pour olympiade, les leçons à tirer sont aussi nombreuses voir comment ils fonctionnent, et surtout ce qu’on qu’intéressantes dans la perspective des futurs pourrait mettre en place pour partager nos expérendez-vous sportifs à l’échelle planétaire. Londres riences et nous améliorer ensemble. On s’appuie 2012 aura d’abord vu la consécrasur le Togo, mais on aimerait travailler tion d’un continent : l’Asie. On savait avec les Ghanéens, les Béninois, les Les sportifs que le géant chinois, organisateur Burkinabè, en gardant nos spécificités fraîchement des Jeux en 2008, était en mesure de et nos forces africaines », assure-t-il. mobiliser d’énormes moyens pour naturalisés assurer la présence de ses athlètes MERCENAIRES. Conserver ses forces passent pour dans toutes les disciplines et se hisser vives, c’est aussi l’un des grands des « British sur le podium des nations les plus enseignements pour le continent. en toc ». titrées. Mais le plus surprenant, c’est Combien de médailles perdues par le succès de la Corée du Sud et de son des pays dont certains sportifs ont frère ennemi du Nord. À elles deux, elles devancent choisi de représenter une autre nation! À Londres, aussi bien la Russie que l’Allemagne en nombre la présence croissante de ces « mercenaires » du de médailles d’or. La réussite de la Corée du Sud, sport a fait prendre pleinement conscience de ce puissance économique émergente et organisatrice phénomène. Plus de un athlète britannique sur dix des Jeux de Séoul en 1988, devrait donner des engagés dans les épreuves olympiques a obtenu sa raisons d’espérer aux pays les plus dynamiques nationalité dans la perspective des JO. Surnommés du continent, qui ont compris que le sport est outre-Manche de façon quelque peu péjorative une excellente vitrine et un formidable moyen de Plastic Brits (« Britanniques en toc »), ces hommes souder la population derrière un objectif commun. et femmes ont certes permis à la Grande-Bretagne Comme le souligne The Economist, les Jeux de de briller – elle figure sur la troisième marche du Londres ont démontré qu’un pays, le Royaume-Uni, podium pour les médailles d’or –, mais ont aussi pourtant en proie à une crise économique sans contribué à alimenter la polémique. En France, précédent, était en mesure de se transcender. « La où le nombre de naturalisés est moins grand ● ● ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

MARK ALLAN/AP/SIPA

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JEUNE AFRIQUE


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! LE KÉNYAN DAVID LEKUTA RUDISHA, médaille d’or (et recordman du monde) du 800 mètres, à Londres, le 9 août. JEUNE AFRIQUE

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JEWEL SAMAD

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qu’au Royaume-Uni, on défend cette pratique. « Il ne faut pas critiquer les naturalisations, les athlètes qui rejoignent la France sont une richesse », affirme Bernard Amsalem, chef de la délégation à Londres. À l’instar de Benjamin Boukpeti, la Marocaine Nawal El Moutawakel, médaillée d’or sur 400 m haies aux Jeux de Los Angeles en 1984, ne cache pas son opposition. « Je suis contre, mais je comprends que certains franchissent le pas. Et puis, on ne peut pas aller à l’encontre de ce qui est un droit reconnu à tous », explique-t-elle.

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PÉPITES. Motifs économiques ou facilités d’entraînement expliquent cette fuite des muscles vers des contréesmieuxloties.Lesseptathlètescamerounais – cinq boxeurs, un nageur et une footballeuse – qui se sont évanouis dans la nature après leur arrivée à Londres ne diront sans doute pas le contraire. Hamad Kalkaba Malboum, président du Comité olympique camerounais, assure que la tendance des pays développés à offrir leur nationalité aux

! LE STADE OLYMPIQUE DE LONDRES, lors de l’ouverture des Jeux, le 27 juillet.

Le Kenya envisage de poser sa candidature. Après Rio en 2016, Nairobi en 2024 ?

QUERELLES DE VILLAGE IL AVAIT DÉJÀ ACCUEILLI 80000 visiteurs. Le premier village olympique africain de l’histoire des Jeux rencontrait un réel succès. Las, il a dû fermer ses portes avant la fin de l’olympiade, un différend opposant ses organisateurs – l’Association des Comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa) et la société Pixcom – au fournisseur anglais des structures mises à la disposition des pays participants. Faute d’avoir vu sa facture (plus de 500 000 euros, selon la BBC) honorée, ce dernier a obtenu la N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

fermeture du site après avoir cherché à récupérer son matériel. L’Acnoa et Pixcom évoquent pour leur part un chantage financier. « Ils nous ont dit qu’ils n’étaient “pas capables de tout faire”. Nous avons donc engagé un autre prestataire, français, pour nous suppléer. Désormais, ils exigent d’être payés pour des prestations qu’ils n’ont pas assurées », explique-t-on à l’Acnoa. L’association dit ne pas vouloir passer deux fois à la caisse et envisager des suites judiciaires. ● M.O.

plus talentueux est de nature à favoriser ce type de comportement. De son côté, Jacques Rogge, le président du Comité international olympique, souhaite « réguler » cette pratique sans pour autant être en mesure de s’opposer aux lois en vigueur dans les pays « accueillants ». Dès lors, il importe aux nations concernées de s’assurer que leurs meilleurs talents restent. « Ce qu’on cherche, c’est développer le sport en général. L’idée, c’est d’apporter des réponses à toutes les questions qu’on se pose pour pallier les manques, notamment d’infrastructures, qui nous empêchent d’avoir de bons résultats », ajoute Boukpeti. L’enjeu est de taille, mais il est clair que les Jeux de Londres ont mis en évidence la nécessité de trouver à moyen terme des réponses satisfaisantes. L’Afrique, dont on souligne désormais le dynamisme économique, ne doit plus accepter qu’on la pilledesesathlètes.Delamêmemanièrequ’ilscommencentàrefuserlediktatdesentreprisesétrangères dans la gestion de leurs richesses minières, les États du continent devraient s’assurer que leurs pépites sportives restent sous leur contrôle. À quatre ans de la prochaine olympiade, il y a urgence, même si chacunestconscientqu’ilfaudrabeaucoupdetemps pour y parvenir. « Cela se fera par étapes », explique Lassana Palenfo, le président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa). Volontaire, il défend l’idée d’une organisation de Jeux olympiques sur le continent. Le Brésil, pays émergent, n’est-il pas le futur hôte de l’événement le plus médiatisé de la planète? Un rêve qui n’est sans doute plus inaccessible. À preuve, Raila Odinga, le Premier ministre kényan, a décidé de présenter la candidature de son pays à l’organisation des JO de 2024. « L’heure de l’Afrique a sonné. Pour le Kenya, moteurdel’économieenAfriquedel’Est,accueillirles Jeuxolympiquesauraituneffetpsychologiquepositif, sans parler des énormes bénéfices qu’il en retirerait, en termes d’investissements et d’infrastructures », assurelechefdugouvernement,qui,apparemment, a tiré toutes les leçons de Londres 2012. ● JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Les gens

Nicolas Sarkozy L’hyperopposant L’ancien président français sort de son silence en prenant officiellement position sur la crise syrienne. Une manière de critiquer l’inertie de son successeur, François Hollande.

S

alve du château Faraghi sur le fort de Brégançon : depuis la luxueuse résidence varoise de sa belle-famille, au bord de la Méditerranée, Nicolas Sarkozy a lancé uneoffensiveaussiférocequ’inattendue contre son successeur, François Hollande, retranché non loin de là dans sa villégiature présidentielle. Le 7 août, on apprend que l’ancien chef de l’État s’est entretenu quarante minutes avec Abdel Basset Sayda, le chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition d’opposition à Bachar al-Assad. Dans un communiqué commun, les deux hommes affirment « la complète convergence de leurs analyses sur la gravité de la crise syrienne et sur la nécessité d’une action rapide de la communauté internationale ». Et constatent « de grandes similitudes avec la crise libyenne ».

Brice Hortefeux se navre : « La France a disparu. » On s’était habitué, depuis sa défaite électorale, à voir Nicolas Sarkozy, sur papier glacé, paresser avec son épouse,

politique étrangère en petit-déjeunant avec l’opposante birmane Aung San Suu Kyi dans un grand hôtel parisien. Puis, en juillet, en recevant Abdelilah Benkirane, le Premier ministre marocain, à Marrakech. L’hyperprésident se ferait-il hyperopposant ?

HONNEURS. Pourtant, la politique syrienne de Hollande et de Laurent Fabius, son ministre des Affaires étrangères, semblait suivrelalignetracéeparlecouple Sarkozy-Juppé : discours de fermeté, pressions économiques, mais prudence sur la question d’une intervention. Est-ce l’option armée que prône désormais Nicolas Sarkozy lorsqu’il appelle à une « action rapide »? « La Syrie n’est pas la Libye », insistait pourtantAlainJuppélorsqu’ildirigeait la diplomatie française. Et les adversaires de Sarkozy de rappeler perfidement que celui-ci avait reçu les deux dictateurs de CHARGE. Une manière pour la même manière, avec les honNicolas Sarkozy d’officialiser neurs de la République, en 2007 les propos, démentis par son et 2008. entourage, que le quotidien Côté CNS, rien ne filtre sur Le Parisien lui avait prêtés fin l’origine de l’initiative et l’on se défend de toute immixtion dans juillet : « On m’a critiqué sur la les affaires intérieures françaises. Libye, mais moi, au moins, j’ai agi. Il faut être plus ferme avec le Mais Monzer Makhous, vicerégime de Damas. » Sa « volonté président de la commission des de discrétion durable », relayée affaires étrangères au sein de la ! APRÈS SA RENCONTRE avec la Birmane Aung San Suu Kyi, en juin par son ancien ministre coalition, avoue: « La politique à l’hôtel Regina, à Paris, le 28 juin. Brice Hortefeux, n’a pas tenu extérieure de la France n’est pas à Carla, du Canada au Maroc – le couple trois mois : la charge a donné aux grola hauteur, on en attend beaucoup plus. » gnards de l’UMP le signal de l’assaut, au aurait acheté un palais à Marrakech. On En difficulté sur le terrain, le CNS réclame grand dam des socialistes. Philippe Juvin, le disait même embauché comme conseildes armes et appelle à des frappes contre secrétaire national du parti, dénonce un ler du monarque chérifien. Mais c’est au le régime. Las, la veille du communiqué « attentisme criminel » ; Jean-François chef de l’État français qu’il a choisi de Sayda-Sarkozy, c’est un hôpital de camCopé, son secrétaire général, stigmatise prodiguer ses avis, non sans malice. En pagne que François Hollande a promis à « l’inertie de la diplomatie française » ; et juin, il avait déjà fait une incursion en l’opposition. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER CONTRE JOUR/SIPA

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NOMINATIONS

ABDOULAYE BATHILY SÉNÉGAL À 65 ans, le leader de la Ligue démocratique est devenu, le 1er août, ministre d’État auprès de la présidence de la République. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

DRISS JETTOU MAROC L’ancien Premier ministre (2002-2007) a été nommé premier président de la Cour des comptes le 9 août. Il succède à Ahmed El Midaoui. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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KAMAL OUDRHIRI

ISSOUF SANOGO/AFP

L’ingénieur marocain en communication, cadre de la Nasa, était à la tête de l’équipe de Radio Sciences lors de la mission qui a vu le robot Curiosity se poser sur Mars le 6 août. MOHAMED AL-MEGARYEF

! L’ÉMISSAIRE DE LA CEDEAO est allé à Gao et à Kidal.

Cet islamiste modéré, dirigeant de l’ancien Front de salut national libyen (formation d’opposants au régime de Mouammar Kaddafi en exil), a été élu, à 72 ans, président du Congrès général national (Assemblée nationale) le 9 août.

Djibrill Bassolé Médiateur des sables

NATNAEL BERHANE

Le ministre burkinabè des Affaires étrangères s’est rendu dans le Nord-Mali. Objectif : rallier les rebelles d’Ansar Eddine à une solution pacifique.

Le cycliste érythréen a été recruté, à seulement 21 ans, par l’équipe française Europcar (celle deThomas Voeckler). À partir de 2013, il sera le premier Africain noir à évoluer dans une équipe professionnelle européenne. EN BAISSE

MOHAMED MURAD MOWAFI Le chef des renseignements égyptiens a été limogé par le président Mohamed Morsi, le 8 août, après que 16 soldats ont été tués dans le Sinaï. Ses services, pourtant avertis de l’imminence d’une attaque, n’avaient pas réagi. GIBSON Le 6 août, le célèbre fabricant de guitares a été condamné aux États-Unis à une amende de 300000 dollars (242000 euros) pour importation illégale de bois précieux de Madagascar ainsi qu’à verser 50500 dollars pour la protection de l’environnement. VICTORIN LUREL Le ministre français des Outre-Mer a déchaîné les passions en Nouvelle-Calédonie en reprenant le terme « Kanaky » (habituellement utilisé par les indépendantistes) pour désigner l’archipel, dans une interview le 1er août. DR

TÊTE-À-TÊTE. En fin de matinée, le médiateur s’est envolé pour Kidal, à 350 km au nord. Dans cet ancien fort colonial occupé par les islamistes d’Ansar Eddine, il a rencontré des notables comme le chef traditionnel de l’Adrar des Ifoghas, le vieil Intalla Ag Attaher. Il s’est surtout entretenu en tête à tête avec Iyad Ag Ghali, le leader d’Ansar Eddine, qui, il y a peu, voulait instaurer la charia. Le ministre lui a demandé de rompre avec Al-Qaïda, de respecter les droits de l’homme et de participer au processus de sortie de crise. Auront probablement été abordées les conditions de son ralliement à une issue pacifique. Différentes solutions sont à l’étude : s’il n’est pas question d’indépendance pour le Nord-Mali, l’autonomie et la régionalisation peuvent faire l’objet de discussions. Cette tournée n’empêche pas la Cedeao de peaufiner les préparatifs de la mise en place d’une force d’intervention africaine de plus de 3 300 hommes, qui pourrait recevoir le soutien logistique des Occidentaux dans le cadre d’une résolution des Nations unies. Si tu veux la paix, prépare la guerre… ● PASCAL AIRAULT

DR

E

st-ce la visite de la dernière chance ? En se rendant dans le Nord-Mali, le 7 août, le médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a en tout cas privilégié une solution politique à la crise. Préparée depuis plusieurs semaines par Moustapha Chafi et Gilbert Diendéré, conseillers du président burkinabè, cette visite a débuté à Gao. Arrivé tôt par avion militaire, Djibrill Bassolé a été accueilli par les hommes du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui contrôlent la ville depuis qu’ils en ont chassé le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Le ministre burkinabè des Affaires étrangères s’est d’abord rendu à l’hôpital pour faire le point sur la situation sanitaire et sociale, puis a rencontré les différents représentants des communautés de la ville (Touaregs, Songhaïs, Arabes…) et de la société civile. Au menu des discussions: les difficultés des populations et les conditions de vie imposées par le Mujao.

JEUNE AFRIQUE

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La semaine de J.A. Décryptage

Conquête spatiale Bons baisers de Mars Après huit mois de voyage, le robot Curiosity s’est posé sur la planète de tous les fantasmes. Un beau succès pour les Américains, qui distancent leurs concurrents chinois.

E

n observant la scène de liesse qui se déroulait à Pasadena, en Californie, le 6 août, on aurait pu croire que la demi-douzaine de personnes présentes au laboratoire de propulsiondelaNasacélébraituneénième médaille d’or américaine aux Jeux olympiques de Londres. Pourtant, leur source de joie était située à des années-lumière de notre planète, plus précisément sur Mars, où, après huit mois de voyage et 567 millions de kilomètres parcourus, le robot Curiosity s’est posé sans encombre. Leur bonheur était aussi à la hauteur de l’investissement colossal (2,5 milliards de dollars, soit 2 milliards d’euros) que le programme a nécessité, à un moment où l’agence spatiale américaine voit son budget fondre comme neige au soleil. Il ne fallait surtout pas rater l’arrivée sur la planète rouge, car l’enjeu est à la hauteur des sommes dépensées. Pour les ÉtatsUnis, il s’agit ni plus ni moins d’établir une nouvelle frontière, afin de rester la première puissance spatiale dans le monde. LE DESSIN DE LA SEMAINE

NASA/JPL-CALTECH/MSSS

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! IMAGE du sol martien diffusée par la Nasa le 9 août.

AprèsavoirdamélepionauxSoviétiques dans les années 1960 en plantant leur drapeau sur le sol lunaire, les Américains cherchent aujourd’hui à montrer aux Chinois, leurs nouveaux concurrents dans le secteur, qu’ils ont une longueur d’avance et que leur puissance est incontestable audelà de la Lune. Ils laissent la Chine à ses projets de base lunaire, préférant explorer Mars, cousine de la Terre, pour tenter de comprendre comment une planète devient vivable à un moment donné de son existence et pour évaluer la faisabilité, dans les années à venir, d’une mission habitée, dont le coût est évalué à quelque 200 milliards de dollars. Heng • Lianhe Zaobao • Singapour

ENVIEUX. Le succès de Curiosity est donc

essentiel. De gros efforts de communication ont été déployés pour donner à l’événement une portée historique. C’est d’autant plus important que Mars fait des envieux. Le petit robot de la Nasa n’avait pas encore touché le sol martien que l’Inde annonçait, le 2 août, son intention d’y lancer une mission en 2013 sous la forme d’une sonde orbitale qui étudierait le climat et la géologie de la planète rouge. La joie des Américains pourrait être de courte durée. À moins qu’ils ne trouvent une autre frontière à explorer, encore plus éloignée de la Terre. ● CLAUDE LEBLANC

0MOT CHOISI

BLANC COMME NEIGE TOUT SERAIT-IL FINI entre Nivea (dont le nom latin signifie « blanc comme neige ») et la sculpturale Rihanna, son égérie depuis 2011 ? « Je ne comprends pas comment nous avons pu nous associer avec elle, a déclaré Stefan Heidenreich, le nouveau patron de la célèbre marque de cosmétiques. Nos valeurs sont la confiance, la famille et l’honnêteté. » Sexy, fêtarde et déjantée, la chanteuse barbadienne multiplie les provocations dans ses clips. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

JEUNE AFRIQUE


OLAM, ENGAGÉ POUR LE MIEUX ÊTRE DES POPULATIONS

2,2 MILLIARDS DE DOLLARS

OLAM A DÉCIDÉ D’AFFECTER LA SOMME DE 2,2 MILLIARDS DE DOLLARS POUR INVESTIR EN AFRIQUE D’ICI À 2015.

4,1 MILLIONS DE TONNES LE VOLUME D’ACTIVITÉS DE OLAM EN AFRIQUE S’ÉLEVAIT L’ANNÉE DERNIÈRE À 4,1 MILLIONS DE TONNES.

1,35 MILLION D’AGRICULTEURS Les initiatives de Olam en faveur du développement durable ont impliqué 1,35 million d’agriculteurs africains. Au cours des 23 dernières années, OLAM a amélioré les vies des populations, depuis la plantation jusqu’au point de vente final, en passant par l’usine. Nous fournissons la matière première pour l’industrie alimentaire et textile, et avons développé des partenariats durables avec nos fournisseurs et nos clients en Afrique. Avec 17 000 employés répondant aux besoins de 11 600 consommateurs à travers le monde, nous savons que nous n’y serions pas arrivés seuls. OLAMONLINE.COM

UN PARTENARIAT INNOVANT



ILS ONT DIT

« Le Mali nous a

les autorités car considérés comme anti-islamiques, pornographiques ou faisant l’apologie de l’homosexualité. Aujourd’hui, des toiles de Warhol,Hockney,Lichtenstein, Vasarely… sont dévoilées pour la première fois au public, dans le cadre d’une exposition intitulée « Pop Art & Op Art », qui devrait s’achever le 16 août. Dans une interview au Guardian, le 1er août, la veuve du chah raconte combien elle a eu « peur que ces œuvres ne soient détruites par les révolutionnaires ». Heureusement, l’équipe du musée les a soigneusement conservées. Sous le mandat du président réformateur Mohamed Khatami, la censure artistique avait été assouplie. En 2005, certains tableaux avaient été exposés, au grand dam des durs du régime. ● MARIE VILLACÈQUE

PMG/SIPA

Pop art Révolution à Téhéran! AVANT L’AVÈNEMENT de la République islamique et son départ d’Iran en 1979, l’impératrice Farah Pahlavi avait acheté un grand nombre d’œuvres pour les exposer au musée d’Art contemporain de Téhéran, qu’elle avait fondé en 1977 et fait construire par son cousin, l’architecte Kamran Diba. Acquise grâce à l’argent du pétrole, cette collection estimée à 2,5 milliards de dollars (2 milliards d’euros) est la plus importante au monde après celles des grands musées occidentaux. Elle inclut des œuvres de Picasso, Degas, Van Gogh, Munch, Chagall, Bacon et l’une des pièces maîtresses de Jackson Pollock, d’une valeur de 250 millions de dollars. Depuis trente ans, la plupart de ces chefs-d’œuvre dormaient dans les soussols du musée, censurés par

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tant donné… Des travailleurs, mais aussi des soldats, et nous ne faisons rien pour le libérer. Ah, j’oubliais : il n’y a pas de matières premières. » RICHARD BOHRINGER Acteur franco-sénégalais

« Le 100 mètres, c’est le show et les dollars. Le 200, c’est l’art et la technique. » USAIN BOLT Athlète jamaïcain, médaillé d’or dans ces deux épreuves

« En Afrique, le fait qu’une femme chante a longtemps été considéré comme du dévergondage. C’est Miriam Makeba qui, à l’instar de mon père, m’a donné le courage de me battre contre les préjugés. Sans elle, je ne chanterais peut-être pas. »

Bug informatique Wall Street Follies

ANGÉLIQUE KIDJO Chanteuse béninoise

« Madonna ressemble à une stripteaseuse de foire. Désolé, mais sa carrière est terminée. Sa tournée a été un désastre. » ELTON JOHN Chanteur britannique

« Des gens comme Jay-Z ou WILLI SCHNEIDER/REX F/REX/SIPA

MERCREDI 1er août, à l’ouverture de la Bourse de New York, les cours des actions de 150 entreprises se sont emballés pendant quelques minutes. Le coupable : un bug causé par un nouveau programme informatique de Knight Capital, une société de courtage responsable de 10 % des échanges quotidiens à Wall Street. Ce programme, qui se déclenche automatiquement à partir de calculs extrêmement complexes, a envoyé en quelques nanosecondes des milliers d’ordres d’achat et de vente complètement aberrants. Il s’était trompé de jour ! Les dégâts sont colossaux : 440 millions de dollars (322,3 millions d’euros) d’ordres erronés ont dû être rachetés par Knight à ses clients, somme qui excède ses 365 millions de dollars de liquidités. Pour ne pas faire faillite, Knight a dû se vendre pour pas cher durant le week-end à un consortium dirigé par le célèbre fonds Blackstone. Cette humiliation n’épargnera pas à ses dirigeants l’ouverture d’une enquête du gendarme de Wall Street, la Securities and Exchange Commission (SEC), dont la présidente, Mary Schapiro, a déclaré que cet incident était « inadmissible ». Ce bug rappelle celui qui, le 6 mai 2010, avait fait chuter en quelques minutes l’indice Dow Jones de 1 000 points. Il relance le débat sur la nécessité de contrôler les logiciels déterminants dans les mouvements des cours de Bourse. Comme l’a dit Mary Schapiro, « les ordinateurs font partie de nos vies, ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas nous prémunir contre leurs erreurs ». Il y a encore pas mal de progrès à faire… ●

Beyoncé disposent d’un pouvoir écon économique incroyable et e ne disent pas un mo mot qui réponde aux aspira aspirations des Noirs. » HARRY BE BELAFONTE Chante Chanteur et co comédien africainaméricain

ALAIN FAUJAS JEUNE AFRIQUE

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


La semaine de J.A. Décryptage ð DES FRCI, la nouvelle armée ivoirienne, à Bingerville, le 6 août.

armée) qui s’impatientent des promesses de réintégration dans la vie civile non tenues par le gouvernement. CORPS D’ÉLITE. Créées en mars 2011 par

le président Ouattara, les FRCI comptent 40 000 hommes, dont 15 000 gendarmes. Elles sont composées des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, ancienne armée) et des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN, ex-rebelles). Dans les casernes, la confiance a du mal à s’établir. Au sein de la chaîne de commandement, dont les postes sont partagés entre les deux anciennes forces belligérantes, plusieurs ex-commandants rebelles n’ont pas le niveau requis. Seuls quelques corps d’élite (Groupe de sécurité de la présidence, garde républicaine…), soit environ 3 000 hommes, sont opérationnels. Pour assurer la sécurité du territoire, les Les attaques perpétrées, les 5 et 6 août, contre un commissariat autorités ont procédé au redéploiement et un camp militaire soulignent la fragilité de la réconciliation des gendarmes et policiers, mais seuleentre ex-rebelles et anciens soldats pro-Gbagbo. ment 30 % d’entre eux sont équipés. Sur le terrain, de 40 000 à 70 000 ex-combattants (mercenaires étrangers, miliciens et riste fête nationale, le 7 août, intercommunautaires et le décès de chasseurs traditionnels dozos) continuent au palais présidentiel d’Abi7 Casques bleus dans une embuscade de faire régner la loi, et parfois la terreur. djan. Pendant la parade miliprès de Taï (Sud-Ouest) le 8 juin. Ces hommes, recrutés pendant la crise, taire, à laquelle le président Plus de un an après la fin du conflit n’ont pas été démobilisés et vivent de postélectoral, les autorités sont confronAlassane Ouattara avait convié Herman divers trafics. tées à de récurrentes vagues de violence. Au lendemain des attaques, le préVan Rompuy, le président du Conseil européen, beaucoup d’invités avaient en Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intésident Ouattara a donné des instructête la double attaque d’un commissariat tions pour accélérer la réforme Désarmement, réinsertion dans de Yopougon et du camp d’Akouédo, les de l’armée. « Dans quelques 5 et 6 août. Bilan : 11 morts. Des incidents semaines, nous mettrons en la vie civile, formation… Il faut qui s’inscrivent dans une longue série. place un Conseil national de accélérer la réforme de l’armée. Dans son rapport au Conseil de sécurité, sécurité et une autorité unique le 29 juin, le Néerlandais Bert Koenders, rieur, et Guillaume Soro, le président chargée de procéder au désarmement, chef de l’Opération des Nations unies en de l’Assemblée nationale, ont attribué à la démobilisation et à la réinsertion Côte d’Ivoire (Onuci), signalait qu’en les deux derniers attentats aux soldats des ex-combattants », a-t-il promis. Le l’espace de trois mois 188 vols avaient été pro-Gbagbo. Mais, pour l’opposition et ministère de la Défense a chargé Semlex, commis dans des armureries, causant la certains diplomates, tous ces actes sont une entreprise belge, de l’identification mort de 54 personnes. S’y ajoutent l’évale fait de supplétifs des Forces républide ces derniers. ● PASCAL AIRAULT, sion de 196 détenus, des affrontements caines de Côte d’Ivoire (FRCI, nouvelle avec BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan ISSOUF SANOGO/AFP

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Côte d’Ivoire Méfiance dans la troupe

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À SUIVRE

27 AOÛT2 SEPTEMBRE

EnTunisie, lancement de Pop in Djerba, « festival des musiques pop, rock et électro ». Avec, sur scène, Emel Mathlouthi, Jupiter, Haoussa, Nawel, Kaïs, Egyptian Hip Hop, Success, College… N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

27-29 AOÛT

Conférence annuelle des ambassadeurs, à Paris. Lors de son ouverture, le président Hollande devrait prononcer son premier grand discours de politique étrangère.

30 AOÛT1ER SEPTEMBRE

Pour la première fois de son histoire, le Congrès de l’Internationale socialiste a lieu en Afrique, au Cap. Au cœur des débats, la réponse de la socialdémocratie à la crise financière. JEUNE AFRIQUE


LA MAGIE DES JEUX PARALYMPIQUES

SAMEDI 25 Août à 17h00

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À l’occasion des Jeux Paralympiques de Londres 2012, TV5MONDE vous fait revivre les grands moments de cette compétition autour d’invités d’exception : Philippe Croizon, Assia El hannouni, Gérard Masson, David Smétanine… Disponible sur câble, satellite et ADSL. À revoir sur tv5mondeplus.com


La semaine de J.A. Décryptage JEUNEAFRIQUE.COM

Maroc De la gouaille à la gaffe Jusqu’à récemment, ses bons mots faisaient mouche. Seulement voilà : à force de tirer sur la ficelle, Abdelilah Benkirane finit par déraper. Et par lasser son auditoire.

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PAUL GROVER/REX FEATU/REX/SIPA

Les insolites des Jeux olympiques : Retrouvez en vidéo le best-of des JO 2012

SONDAGE Êtes-vous favorable à l’idée d’une « force neutre » pour intervenir dans l’est de la RD Congo ? À LIRE AUSSI : Ramadan La datte fait les bons comptes de laTunisie

LE TWEET

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ieu pardonne ce qui est passé, mais celui qui récidive,Dieulepunira.» En faisant « fièrement » de cette citation du Coran le slogan de sa politique de lutte contre la corruption, Abdelilah Benkirane a provoqué l’ire de la société civile. Non démentie par la suite, cette amnistie générale qui ne dit pas son nomtrancheaveclediscoursd’hier,quand son Parti de la justice et du développement (PJD) faisait campagne – et remportait les élections – sur le terrain de cette même lutte anticorruption. Dans une longue interview accordée à l’émission Sans limites d’Al-Jazira, diffusée en deux parties le 25 juillet et le 1er août, Benkiraneamultipliélesgaffesetlespasses d’armesavecAhmedMansour,leprésentateur vedette de la chaîne qatarie, justifiant son refus d’une « chasse aux sorcières » (en françaisdansl’interview)parlesdifférences culturelles entre le Maroc et les pays du Machrek.Surinternetsontapparuscesderniers jours des montages vidéo soulignant ce virage rhétorique à 180 degrés. Même revirement s’agissant des rapports du chef du gouvernement avec l’entourage royal. Alors qu’en mars 2011 le tribun réclamait sans ambages le départ de Mounir Majidi et de Fouad Ali El Himma, respectivement

secrétaire particulieret conseillerpolitique duroiMohammedVI,Benkiranes’estrefusé sur Al-Jazira à donner des noms, basculant de l’opprobre à la louange: « Je ne parle pas de l’entourage du roi. Il y a parmi [ses] proches des personnes de grande valeur. » CHIGNON. Le leader islamiste est apparu

sur la défensive. Quand le journaliste lui demandesitouteslesnominationsrelèvent de ses prérogatives, il répond d’abord oui, hésite, puis se tourne vers une personne hors champ (qu’on devine être Abdellah Baha, le numéro deux du gouvernement), qui lui souffle la bonne réponse: « Sauf les emplois religieux et militaires. » Et le chef du gouvernement s’agace à chaque fois quel’intervieweurlerelance:«Laissez-moi parler », « Vous n’êtes qu’un simple journaliste »… La discussion tourne à la joute verbale,jusqu’àcetterépliqued’anthologie: « Je suis là pour gérer les affaires de l’État, pas pour me crêper le chignon comme les femmesauhammam.»Ellesapprécieront… Saluépoursagouaillebonhommeaprès son accession au gouvernement à la fin de 2011, Benkirane commence-t-il à lasser ? Sur Twitter, beaucoup de ceux qui, sans voter pour le PJD, lui accordaient le bénéfice du doute ont rivalisé de critiques sur le #Benkishow. ● YOUSSEF AÏT AKDIM ð LE CHEF DU GOUVERNEMENT MAROCAIN à Tunis, le 24 mai.

« Je voudrais

remercier tous ceux qui m’ont soutenu. Ma demi-finale olympique était un rêve qui est devenu réalité. Je suis vraiment béni. » @OscarPistorius FETHI BELAID/AFP

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Oscar Pistorius, premier athlète amputé des deux jambes à participer aux JO N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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La semaine de J.A. Tour du monde MEXIQUE

AFGHANISTAN

Le retour de Bouddha

L

es autorités britanniques viennent de restituer à l’Afghanistan 850 précieuses pièces archéologiques qui, pendant la guerre civile des années 1990, avaient été volées et exportées clandestinement en Occident par des trafiquants, puis interceptées par les douanes du Royaume-Uni grâce à un accord de collaboration entre le British Museum et le Musée national afghan, à Kaboul, qui a fourni toutes les informations utiles. Parmi les pièces resti! LA STATUE tuées : une magnifique statue en pierre EN PIERRE DATANT DU de Bouddha, bras droit levé dans un II SIÈCLE restituée par geste de bénédiction, datant du les autorités IIe siècle, qui va donc retrouver sa britanniques au musée place au musée de Kaboul au terme de Kaboul. d’uneodysséelonguedeplusdevingt ans. Au total, plus de 9000 œuvres ontétérendues depuis la restauration d’un État afghan, sous l’égideoccidentale,en 2001.Maisquedeviendront-elles si, d’aventure, la guerre civile venait à reprendre après le retrait des troupes de la coalition, en 2014 ? L’héritage préislamique de l’Afghanistan résisterait-il à un retour au pouvoir des talibans ? ● E

SHAH MARAI/AFP

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JAPON

À Hiroshima, le tintement d’une cloche… LE 6 AOÛT, à 8 h 15 heure locale, soixante-sept ans après le premier bombardement nucléaire de l’Histoire, une cloche a retenti dans la ville martyre d’Hiroshima pour marquer le début d’une minute de silence chargée d’émotion. Dans tout le Japon, N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

la contestation antinucléaire est à son comble depuis qu’au mois de juin le gouvernement a décidé de redémarrer deux réacteurs. Les commémorations officielles ont donc attisé la colère des manifestants, qui ont exigé la démission du Premier ministre, Yoshihiko Noda.

Crise postélectorale LA VICTOIRE D’ENRIQUE PEÑA NIETO à la présidentielle a été validée par l’Institut fédéral électoral, mais la gauche mexicaine n’en continue pas moins de contester les résultats du scrutin. Andrés Manuel López Obrador, son candidat, a déposé un recours devant le Tribunal électoral, qui a jusqu’au 6 septembre pour se prononcer, tandis que les manifestations se succèdent dans les grandes villes. Le nouveau président aurait dépensé 400 millions de dollars (323 millions d’euros) de plus que la somme autorisée et bénéficié de ressources allouées par vingt États gouvernés par son parti. LA CRISE ? QUELLE CRISE ?

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C’EST LE RANG OCCUPÉ par l’Espagnol Amancio Ortega dans l’« index des milliardaires » établi par Bloomberg, le groupe américain d’informations financières. Il n’est devancé que par le Mexicain Carlos Slim et l’Américain Bill Gates. Fondateur d’Inditex, plus connu par sa marque textile Zara, Ortega a vu sa fortune (47,4 milliards de dollars, soit 38,2 milliards d’euros) augmenter de plus de 34 % en un an, malgré la crise qui frappe son pays. ARGENTINE

Buenos Aires en plein chaos BUS ET TRAINS BONDÉS, embouteillages monstres… Les rues de Buenos Aires sont en proie au chaos en raison de la grève qui paralyse le métro. Les syndicats réclament de meilleurs salaires, dénoncent le délabrement du réseau depuis que le gouvernement en a cédé la gestion à la municipalité et s’inquiètent pour la sécurité des passagers. Le maire réclame des fonds pour procéder aux investissements nécessaires. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Cristina Quicler • AFP

ESPAGNE

Le Christ s’est arrêté à Marinaleda En Andalousie, région parmi les plus pauvres d’Espagne, la crise commence à prendre des allures d’apocalypse – le taux de chômage y dépasse 30 %. Depuis le mois de juillet, des ouvriers agricoles occupent Las Turquillas, immense propriété de 1 200 ha près de Marinaleda appartenant au ministère de la Défense. Le 8 août, Juan Manuel Sánchez, un élu d’extrême gauche, est venu leur apporter son soutien. Mime-t-il le Christ prêchant à ses disciples ?

VIETNAM

Défilé arc-en-ciel

DES CENTAINES DE VÉLOS décorés de drapeaux arc-en-ciel ont défilé dans les rues de Hanoi, le 5 août, lors de la première Gay Pride organisée au Vietnam. Spectacle incroyable dans ce pays profondément confucéen, où l’homosexualité, « fléau social » au temps du communisme, était encore taboue il y a peu. Fin juillet, Ha Hung Cuong, le ministre de la Justice, avait fait sensation en annonçant la légalisation prochaine du mariage homosexuel, ce qui ferait du Vietnam le pays d’Asie le plus avancé en ce domaine. PHILIPPINES

Terroriste arrêté

LES AUTORITÉS PHILIPPINES ont annoncé le 29 juillet l’arrestation sur l’île méridionale

JEUNE AFRIQUE

de Tawi-Tawi de l’un des membres fondateurs du groupe terroriste Abou Sayyaf, lié à Al-Qaïda. Ustadz Ahmadsali Asmad Badron, c’est son nom, s’était fait une spécialité des kidnappings et des demandes de rançons vertigineuses. En 2000, après

l’enlèvement de vingt touristes dans un hôtel de luxe malaisien, il avait obtenu grâce à la Libye plusieurs millions de dollars qui lui ont permis de renforcer les liens avec d’autres groupes terroristes régionaux, comme la Jamaa Islamiya indonésienne.

ÉTATS-UNIS

Les Sikhs pris pour cible

UN CINGLÉ, ENCORE UN, a ouvert le feu le 5 août devant puis à l’intérieur d’un temple sikh à Oak Creek, près de Milwaukee, dans le Wisconsin. Il a tué sept personnes, dont le chef de la communauté, et en a blessé plusieurs autres avant de se tirer une balle dans la tête. Il se nommait Wade Michael Page et était lié à des groupuscules d’extrême droite convaincus de la suprématie de la race blanche. L’arme de 9 mm dont il a fait usage avait été acquise le plus légalement du monde.

Attardé mental exécuté

CONDAMNÉ À MORT EN 1998 pour le meurtre, six ans auparavant, d’un informateur de la police, un Africain-Américain nommé Marvin Wilson (54 ans) a été exécuté par injection létale, le 7 août, au Texas. Avec un QI de 61, il avait pourtant été reconnu comme attardé mental léger. En 2002, la Cour suprême des États-Unis a interdit l’exécution de condamnés souffrant de troubles mentaux, mais a laissé à chaque État la liberté de définir les critères du handicap. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Grand angle

L’Afrique

idéale


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Le continent tel qu’on le rêve, puissant, moderne et doté d’infrastructures performantes… De la science-fiction ? Non, si l’on en juge par les nombreux chantiers censés le projeter dans une nouvelle ère.

ILLUSTRATIONS JON BERKELEY


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30 ● PAGE

Grand angle

F

aisons un rêve. Un certain Joseph, Congolais, rend visite à son grand ami sud-africain, Jacob, qui réside à Pretoria. Il part de Kinshasa, dispose d’un peu de temps et souhaite profiter des paysages de savane, comme du temps de sa jeunesse lorsqu’il accompagnait son père parti à la chasse. Mais le train express climatisé en service depuis une quinzaine de jours est déjà victime de son succès. Heureusement, Joseph dispose d’un service VIP. On lui trouve une place pour une centaine d’africas, la toute nouvelle monnaie unique. Depuis leurs domiciles d’Abidjan et Dakar, Alassane et Macky s’envoient des chats pour échanger sur leur nouveau job. Les journées sont chargées, mais c’est bien payé. Nos deux camarades sont ravis et se donnent rendez-vous le lendemain pour poursuivre la conversation. De toute façon, ils ne risquent plus une satanée coupure d’électricité depuis que la centrale ghanéenne de Tema, tournant au gaz nigérian, approvisionne toute la région. À Alger, Abdelaziz, quoiqu’un peu fatigué, a finalement décidé d’aller à Abuja pour régler un léger différend avec le Bamakois Dioncounda. Là-bas, ils retrouveront le bien nommé Goodluck. Pour économiser un peu d’argent, ils ont opté pour le covoiturage sur la transsaharienne. Un souvenir inoubliable! L’aire d’autoroute de Tombouctou est de toute beauté avec ses lieux saints. Après s’être méchamment disputés pour le paiement d’un plein d’essence, Salva et Omar ont eux, au contraire, décidé de « faire route à part ». Pour son business, Salva a trouvé un partenaire au Kenya. Et puis Omar s’est lancé dans une nouvelle activité, l’hydroélectricité. Les débuts sont prometteurs. Nous sommes en 2040. Quelque 2 milliards d’Africains vivent en paix et voyagent sans entraves. Beaucoup disposent d’un passeport régional. Le mode de consommation de près de 300 millions d’entre eux, essentiellement urbains, n’est pas sans rappeler celui du Parisien au début des années 2000, avant que la crise économique et le chômage ne fassent plonger la France. Grâce à un taux de croissance annuel de 6 % depuis le début du siècle, ce que les économistes appellent la formation brute de capital a augmenté de 800 % sur l’ensemble du continent. C’est prodigieux. Le PIB dépasse les 10000 milliards de dollars (plus de 8000 milliards d’euros), soit à peine moins que celui de toute la zone euro avant qu’elle n’implose… en 2013. Ce nouvel eldorado attire plus de 10 % des investissements étrangers et 5 % du commerce mondial. Les trois immenses zones industrielles, à Casablanca, Lagos et Nairobi, ont supplanté la Chine. L’Afrique est devenue l’atelier du monde. Son grenier également. Il est loin le temps où 40 % des récoltes étaient perdues faute de capacité de stockage ou de transport. Le bassin du Congo s’est imposé comme le champion sur le marché carbone, tout en développant une florissante industrie du bois. Les paysans et éleveurs ouest-africains font des merveilles. Johannesburg et Abidjan sont d’authentiques places financières. Le dernier livre de Damyo Bisamo, Pourquoi l’Afrique fait peur!, provoque d’incroyables empoignades lors de colloques habituellement ennuyeux. On se frotte les yeux. Non, l’Afrique a seulement investi – autour de 360 milliards de dollars, estime l’Union africaine – dans ses infrastructures depuis une trentaine d’années. Quant aux dirigeants, ils ont enfin décidé d’être sérieux… ● PHILIPPE PERDRIX

Le continent est devenu l’atelier du monde, son grenier également.

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

TUNNEL DE GIBRALTAR

De l’Espagne au Maroc, à une profondeur de 300 m à 400 m, il permettrait de relier Séville à Tanger en quatre-vingt-dix minutes.

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GRANDE MURAILLE VERTE

Une immense barrière végétale de 7 000 km de long sur 15 km de large, de l’océan Atlantique à l’océan Indien, pour stopper l’avancée du désert.

CORRIDOR DAKARLIBREVILLE-DJIBOUTI PAGE

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Une fois ces routes achevées, la plupart des capitales africaines seraient reliées, avec un accès à la mer.

UN PONT SUR LE FLEUVE GAMBIE

BARRAGE DU GRAND INGA

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La Casamance enfin proche de Dakar… Un rêve devenu une priorité pour la Banque africaine de développement (BAD).

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« À côté de lui, le barrage chinois des Trois-Gorges ferait pâle figure », résume un expert. Ce mégaprojet situé en RD Congo nécessite plus de 30 milliards d’euros. Et l’accord de tous.

JEUNE AFRIQUE


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TRANSSAHARIENNE

PAGE

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Une toile d’araignée en plein Sahara, entre Alger, Niamey, N’Djamena, Tombouctou, Lagos… À terme, ce sont près de 9 000 km de goudron sur du sable.

UNE AUTOROUTE ET UN TGV TRANSMAGHRÉBINS

PLAN SOLAIRE AU MAGHREB

PAGE

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TuNur en Tunisie et Desertec au Maroc, autant profiter du soleil pour sortir de la dépendance au pétrole et au gaz.

Alger

Entre Nouakchott et Tripoli, via Casablanca, Alger et Tunis, plus de 4 000 km de voies pour relancer l’intégration régionale.

Tunis

LA 3G SUR TOUT LE CONTINENT PAGE

Rabat Casablanca

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TUNISIE Tripoli Trip

MAROC

Les pays côtiers sont déjà reliés au réseau, pas les régions enclavées.

aire Le Caire

LIBYE YE

ALGÉRIE

ÉGYPTE ÉGYPTE

MAURITANIE

MALI

Nouakchott

TCHAD

NIGER ER

SÉNÉGAL

GAMBIE GUINÉEBissau BISSAU GUINÉE

Banjul

Bamako

CÔTE D’IVOIRE

Yamoussoukro

SIERRA LEONE

Monrovia

LIBERIA

Abidjan

GHANA

Lomé Accra

PortoNovo

OUGANDA Kampala

RWANDA

Kinshasa

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GAZODUC ALGÉRIE-NIGERIA

ANGOLA

Dodoma

Harare

Antananarivo

MOZAMBIQUE

ZIMBABWE

NAMIBIE

BARRAGE SUR LE NIL BLEU Avec un potentiel hydroélectrique gigantesque, l’Éthiopie pourrait fournir une bonne partie de l’énergie nécessaire à l’Afrique de l’Est.

MADAGASCAR BOTSWANA Gaborone

AFRIQUE DU SUD

PONT KINSHASABRAZZAVILLE

JEUNE AFRIQUE

Lilongwe

Lusaka

Johannesburg

Ce pont route-rail destiné à relier les deux capitales assurerait aussi une continuité des côtes de la Méditerranée à l’Afrique australe. Un axe stratégique pour l’économie du continent.

Dar es-Salaam

MALAWI

ZAMBIE

Windhoek

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Mombasa

TANZANIE

Entre le géant du gaz et celui du pétrole, un pipeline de 4 000 km est prévu pour 2015. Plus court, celui de l’Afrique de l’Ouest est, lui, en service depuis 2010.

PAGE

Mogadiscio

KENYA

BURUNDI

Luanda

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SOMALIE

Nairobi

Kigali Bujumbura

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

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ÉTHIOPIE

Djouba

CONGO

Brazzaville

AddisAbeba

SOUDAN SOU DU SUD

CENTRAFRIQUE CENTRAFRI Port UN Harcourt CAMEROUN Douala Bangui Malabo Yaoundé GUINÉE-ÉQ.

DJIBOUTI

Djibouti

Abuja Lagos

SÃO TOMÉ Libreville E PRÍNCIPE GABON

Asmara

SOUDAN SOU DAN

N’Djamena N’Djamen amena

NIGERIA NIGERIA

ÉRYTHRÉE

Khartoum Khartoum

Niamey

Ouagadougou

Conakry

Freetown

BURKINA FASO

TOGO BÉNIN

Dakar

Pretoria Mbabane Maseru

LESOTHO

Maputo

SWAZILAND Durban

Le Cap

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KINSHASADURBAN SUR RAILS

La construction en cours d’une ligne de chemin de fer entre la capitale congolaise et le port fluvial d’Ilebo, au Kasaï, va rapprocher toute l’Afrique centrale du port sud-africain de Durban.

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LE PIPELINE DE DJOUBA VERS LE PORT DE LAMU PAGE

La fin des ennuis pour le Soudan du Sud, qui pourrait exporter son pétrole sans passer par le voisin du nord. N o 2692-93 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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Grand angle INFRASTRUCTURES

Les projets qui pourraient

tout changer

Barrages gigantesques, centrales photovoltaïques, gazoducs… Les délestages ne seront plus qu’un lointain souvenir. Ponts, routes et chemins de fer… Les pays africains se trouveront reliés les uns aux autres. Et grâce à la 3G, tous les habitants auront un accès illimité à internet.

Environnement Des arbres face au désert !

U

ne muraille verte reliant Dakar à Djibouti sur 7 000 km de long et 15 km de large ? Vraiment ? Le nom donné au projet pharaonique consistant à ériger une barrière végétale pour contrer l’avancée du désert est trompeur. Sur les cartes, il se traduit par une épaisse bande verte. Dans l’imaginaire collectif, par un mur d’arbres infranchissable, une chaîne sans interruption entre l’océan Atlantique et l’océan Indien. Est-ce pour cette raison que le scepticisme (y compris dans les milieux scientifiques) n’a cessé d’accompagner ce projet promu ces dernières années

par l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade ? R A L E N T I . En réalité, le concept de la grande muraille verte (GMV), qui concerne onze États (Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Éthiopie, Érythrée et Djibouti), est plus subtil qu’il n’y paraît. « Les gens n’ont pas compris que ce n’est pas un rideau d’arbres que nous devrons sans cesse replanter, expliquait récemment Abdoulaye Dia, le secrétaire exécutif de l’Agence panafricaine de la grande muraille verte, qui a vu le jour en 2010.

L’objectif est plutôt d’atténuer les effets de la désertification par une approche de développement intégré. Ce qui signifie qu’en plus des plantes nous allons créer un ensemble d’activités agrosylvo-pastorales génératrices de revenus. » Établie provisoirement à N’Djamena, l’agence dirigée par Dia est opérationnelle. Mais, à l’image du projet, elle semble fonctionner au ralenti. Si quelques États, dont leSénégaletleTchad,ontlancé le chantier, il reste à motiver les plus réticents, à impliquer les voisins situés au sud… et à trouver les fonds.

L’enjeu est de taille: contrer la désertification d’une bande régulièrement en proie aux crises alimentaires et permettre aux millions d’Africains qu’elle menace de continuer à vivre sur leurs terres. « Le désert est un cancer qui progresse. Avec la grande muraille, nous avons pour perspective l’arrêt du désert et, au-delà, sa colonisation », lançait Wade en 2010. ● RÉMI CARAYOL ANNÉE DE LANCEMENT

2007

COÛT ESTIMÉ

INCOnnu

ANNÉE DE LIVRAISON

2025

Kinshasa-Brazzaville

Le pont entre les deux sœurs

D

ire que Kinshasa et Brazzaville sont les deux capitales les plus proches au monde n’a rien d’original, d’autant que cela saute aux yeux. Bâties chacune sur une riveduCongo,cesvillesnesont séparées que par quatre petits kilomètres.Chaquejour,unflot incessant de passagers et de marchandises voyage de l’une à l’autre sur des embarcations qui fonctionnent encore par N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

miracle. Les échanges commerciaux restent, pour l’essentiel, du domaine de l’informel. D’où l’idée, depuis de longues années, de construire un pont route-rail sur le fleuve qui sépare les deux sœurs. Un chanteur de la région disait déjàdansl’undesesmorceaux, en lingala : « Ebale ya Congo ezali lopango te, ezali nzela » (« le fleuve Congo n’est pas une barrière, c’est une route »).

Les concepteurs du projet sont partis des constats suivants : les moyens de transport entre les capitales sont rudimentaires et leurs coûts élevés ; aucune structure digne de ce nom ne les relie ; la perte de temps est considérable et l’insécurité permanente… L’idée a pris forme en janvier 2004 après l’adoption par les dirigeants membres de la Communauté

économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) du Plan directeur consensuel des transports dans cette sous-région. Elle entre également dans le cadre des grands projets prioritaires du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Sa finalité est d’assurer la continuité du système de transport le long du corridor Tripoli-Windhoek, ● ● ● JEUNE AFRIQUE


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Grand angle

UN DROIT POUR TOUS, TOUS POUR UN DROIT ! BONNE NOUVELLE. Après quelques atermoiements, la RD Congo a finalement rejoint l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), le 13 juillet. C’est ainsi le 17e pays à rejoindre cet organe qui assure une uniformité dans l’application du droit et le règlement des contentieux. « C’est clairement un outil qui contribue à rassurer les investisseurs et qui limite les risques d’abomination juridique », explique Patrick Wolf, un avocat belge qui a travaillé sur le dossier congolais. Reste à convaincre d’autres pays pour que l’Afrique n’apparaisse plus dans les profondeurs du classement « Doing Business » de la Banque mondiale. Autres classements, qui renvoient à une pratique acrobatique du droit pénal et civil cette fois: Transparency International pour la corruption et Amnesty International pour les droits de l’homme. Des tribunaux indépendants rendant la justice avec la même rigueur quelle que soit la personne incriminée, des policiers ou des militaires justiciables au même titre que le quidam… Un milliard d’Africains en rêvent. ● PH.P. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

● ● ● qui traverse le Tchad, le Cameroun, les deux Congos et l’Angola. Il doit faciliter l’importation et l’exportation des marchandises entre Matadi et Pointe-Noire. La construction du pont, dont le coût est estimé à 500 millions de dollars (403 millions d’euros), permettra à Kinshasa et à Brazzaville non seulement d’être reliés, mais aussi d’harmoniser et de rationaliser leurs procédures d’immigration et les usages. C’est un moyen de renforcer les infrastructures de transport et l’intégration dans la zone Ceeac. Le pendant de cet ouvrage sera un chemin de

fer – en construction – entre Kinshasa et le port d’Ilebo, sur la rivière Kasaï (au KasaïOccidental, dans le centre de la RD Congo), via le Bandundu. Long de 1 015 km, il rejoindra la ligne IleboKatanga, en créant un nouvel axe Pointe-Noire - KinshasaIlebo-Lubumbashi-Lusaka (Zambie)-Durban (Afrique du Sud). Objectifs : favoriser le transport des minerais venant du centre et du sud de la RD Congo ainsi que promouvoir le commerce dans l’est et le sud-est du pays en misant, notamment, sur l’Afrique australe. Il faut signaler que la construction d’un pont

route-rail entre Kinshasa et Brazzaville enflamme les passions. En RD Congo, par exemple, certaines personnalités estiment que la concrétisation de ce projet pourrait porter préjudice au port fluvial de Matadi, dans le Bas-Congo. D’où l’exigence de construire au préalable un port en eau profonde à Banana. ● TSHITENGE LUBABU M.K. ANNÉE DE LANCEMENT

2004 COÛT ESTIMÉ

403 millions d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

Inconnue

Gibraltar Un serpent sous la mer

L

a légende fait remonter l’origine du détroit de Gibraltar au périple d’Hercule. Parmi ses douze travaux, le héros devait cueillir les pommes d’or du jardin des dieux gardé par les Hespérides. Hercule a dû se défaire du géant Antée, qui régnait alors sur la pointe septentrionale de l’Afrique. Le combat a laissé des traces puisque Hercule a coupé (d’un coup de sabre ou d’épaule, les versions varient) la bande de terre reliant l’Espagne au Maroc. Le projet de liaison fixe entre les deux rives du détroit de Gibraltar ambitionne de combler ce fossé, tout en promettant d’être une tâche aussi colossale que celle du héros antique, même si 14 km seulement séparent les deux rives de la Méditerranée. FUTURISTE. Les parrains du

projet imaginent une révolution futuriste : un voyageur pourrait quitter Séville à 8 heures et atteindre Tanger en quatre-vingt-dix minutes par ligne à grande vitesse.

À 11 heures, il rallierait Casablanca puis, une heure plus tard, Marrakech. Ce projet, appuyé par les rois Hassan II et Juan Carlos dès la fin des années 1970, n’a toujours pas abouti, en raison de difficultés techniques considérables. On a tort de comparer ce tunnel potentiel sous le détroit de Gibraltar à celui de la Manche. Après bien des études, les ingénieurs ne sont plus sûrs que l’édifice, qui pourrait comprendre deux voies ferrées et une galerie de service, soit réalisable. Le tracé retenu, long de 38,7 km – dont 27,75 km sous la mer – s’étend du cap Malabata, près de Tanger, à Punta Paloma, en Espagne. Il permet de creuser à une profondeur moins importante : entre 300 et 400 m, contre près de 900 m pour le tracé le plus court, à vol d’oiseau. Mais le tunnel sous la Manche, lui, se situe à seulement 50 m de profondeur. Difficulté supplémentaire, le consortium – la Société

nationale d’études du détroit de Gibraltar, Sned (Maroc), et la Sociedad española de estudios para la Comunicación fija a través del estrecho de Gibraltar, Seceg (Espagne) – chargé d’une étude technique en 2006 a fait état deux ans plus tard de la présence de deux portions argileuses au centre du détroit qui font douter de la possibilité même de percer le tunnel. « Il n’est pas du tout clair que cela puisse se faire », a indiqué à El País Ángel Aparicio, président de la société publique Seceg. « Jamais des travaux publics n’ont fait face à de telles incertitudes », a-t-il ajouté. De quoi alourdir encore la facture, déjà évaluée à 18 milliards d’euros. Énorme en ces temps de crises. ● YOUSSEF AÏT AKDIM ANNÉE DE LANCEMENT

Fin des années 1970 COÛT ESTIMÉ

18 milliards d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

Inconnue

JEUNE AFRIQUE


L’Afrique idéale

STEVEN ACHIAM/FOCUS/COSMOS

TRANSPARENCE EXTRACTIVE

! LE FLEUVE CONGO a un débit de 30 000 à 60 000 m3 selon les saisons.

RD Congo Les promesses du fleuve

C’

est sans doute l’un des plus grands scandales sur le continent. Là-bas, à 40 km en amont de Matadi et à 200 km de Kinshasa, la capitale, le fleuve Congo débite selon les saisons entre 30000 et 60 000 m3 d’eau par seconde. De quoi produire sans coup férir autour de 45 gigawattheures (GWh) d’électricité. C’est tout bonnement la moitié des capacités installées sur le continent. Et cela permettrait d’approvisionner toute l’Afrique centrale. Problème, les centrales Inga I et II ne produisent actuellement que 700 MWh, quand elles devraient fournir 1 775 MWh. « Tout le monde est d’accord pour remettre à niveau les installations existantes, accélérer le projet Inga III – d’une capacité de 3,5 GW – et lancer éventuellement le JEUNE AFRIQUE

Grand Inga, à côté duquel le barrage chinois des TroisGorges ferait pâle figure », résume un fonctionnaire international en poste à Kinshasa. On ne compte plus les rapports et séminaires sur le sujet… Des études de faisabilité sont même achevées, et les bailleurs de fonds ont affiché leurs bonnes dispositions. Mais ça coince. Pourquoi ? Inga III est un projet régional et doit associer l’Angola, l’Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana. Il faut donc réunir tout le monde autour d’une même table, répartir les contributions financières des uns et des autres, et définir les responsabilités de chacun au sein du consortium en charge de l’exploitation. Pas simple. Les investissements sont évalués à 8 milliards de dollars (6,4 milliards d’euros). Quant

au Grand Inga, l’estimation donne le tournis : entre 40 et 50 milliards de dollars (entre 32 et 40 milliards d’euros). « Pour ces mégaprojets, les relations de confiance entre les autorités des pays et la communauté financière sont indispensables. Ce n’est pas encore le cas », résume, non sans diplomatie, le dirigeant d’une institution de développement. Et pour l’heure, la prodigalité chinoise en RD Congo ne s’est pas encore portée sur le secteur énergétique… ● PH.P. ANNÉE DE LANCEMENT

2008

COÛT ESTIMÉ

30 milliards d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

Construction prévue sur une dizaine d’années

CHAQUE ANNÉE, 700 milliards d’euros issus des industries extractives échappent aux pays en développement à cause de la corruption ou de l’évasion fiscale. Pour lutter contre ce « manque à gagner », l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), lancée en 2002 par Tony Blair, demande aux entreprises de publier ce qu’elles versent aux États. Et ces derniers sont tenus de déclarer ce qu’ils reçoivent. Si, au début, l’ITIE a surtout suscité circonspection et sarcasmes, les choses évoluent progressivement. La Norvège, qui regorge de pétrole, y a ainsi adhéré en 2009. Sur le continent, 23 pays se sont lancés dans l’aventure et 7 (Centrafrique, Ghana, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria) ont été jugés « conformes ». Entre 2003 et 2011, les États africains ont déclaré 125 milliards d’euros de recettes générées par les secteurs pétrolier et minier. Problème, ces industries génèrent un chiffre d’affaires annuel avoisinant les 147 milliards d’euros sur le continent. ● CHRISTOPHE LE BEC N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Grand angle

Afrique de l’Ouest

Du gaz et de la lumière pour tous

SANS PALU NI SIDA ET SI L’AFRIQUE ÉRADIQUAIT ses deux premières causes de mortalité? Près de 2 millions de vies par an seraient épargnées. Impossible à première vue. Mais les progrès de ces dix dernières années sont significatifs. Plus de 6 millions d’Africains reçoivent un traitement antirétroviral contre le VIH, alors qu’ils n’étaient que 50000 au début de la décennie. Le nombre annuel de morts a chuté de 1,8 à 1,2 million en cinq ans. Les décès dus au paludisme (près de 600000 par an) ont eux aussi diminué – d’un tiers –, notamment grâce à la moustiquaire. Et la commercialisation d’un vaccin est prévue pour 2015. Reste la question du financement, car ces luttes dépendent de l’aide internationale. Certains montrent l’exemple: le Rwanda a créé une assurance maladie obligatoire, le Kenya un fonds de solidarité, le Zimbabwe un impôt sida. Au total, les investissements contre le paludisme ont été multipliés par dix sur une décennie en Afrique (2 milliards de dollars en 2011, soit 1,5 milliard d’euros). Mais il faudrait 5 milliards de dollars par an pour que le moustique ne tue plus. ● MARIE VILLACÈQUE N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

P

etit cours de géostratégie économique. Le Nigeria est le premier pays pétrolier en Afrique subsaharienne et brûle dans ses torchères pas loin de 20 milliards de mètres cubes de gaz par an, l’équivalent d’un quart de la consommation électrique africaine. L’Algérie est en tête pour la production de gaz sur l’ensemble du continent et offre un accès au marché européen. Entre les deux, rien! Ces pays ont donc signé avec le Niger, en juillet 2009, un accord pour la construction d’un gazoduc long de plus de 4000 km. Le projet remontait à 2002. Les premières livraisons sont prévues en 2015. Cela semble ambitieux. Plus au sud, un autre gazoduc – ouest-africain, long de 678 km et pour l’essentiel

immergé – a nécessité vingthuit années de travaux et 1 milliard de dollars (750 millions d’euros) avant sa mise en service, en mars 2010. Il relie Lagos (Nigeria) à Takoradi (Ghana), avec des embranchements vers Cotonou (Bénin), Lomé (Togo) et Tema (Ghana) pour alimenter des centrales électriques. « Tous ces projets doivent permettre de répondre au défi énergétique », explique Ibrahim Assane Mayaki, le secrétaire exécutif du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Cette région compte 300 millions d’habitants et en recensera plus de 600 millions en 2050,dontlamoitiéconcentrés sur la bande côtière, transformée en une sorte d’immense mégalopole Dakar-Lagos.

Une mégalopole qu’il faudra éclairer. La capacité actuelle du réseau de la région est de 10 000 MW, mais elle doit être d’au moins 27 000 MW dès 2025 pour répondre à la demande. Parmi les onze travaux dans le monde que le G20 a promis de soutenir lors du sommet de Cannes en novembre 2011 figure l’interconnexion des réseaux électriques de la Côte d’Ivoire, du Liberia, de la Sierra Leone et de la Guinée. Coût estimé : 500 millions de dollars. Un choix bienvenu. ● PH.P. ANNÉE DE LANCEMENT

2002 (gazoduc NigeriaAlgérie) COÛT ESTIMÉ

9,7 milliards d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

2015

Transport Le maillon fort «

C

orridor » est un mot à la mode. Il s’agit d’axes routiers, ferroviaires ou fluviaux desservant des villes ou des ports, où se concentrent des activités économiques. Il s’en dessine un peu partout. L’intérêt est évident lorsque l’on sait qu’en Afrique les coûts de transport dans les pays enclavés peuvent atteindre 77 % de la valeur des biens exportés. Avant d’être à bord d’un navire, un conteneur a coûté en moyenne 872 dollars (703 euros) en transport, contre 300 dollars en Chine, selon la Banque mondiale. Parmi les routes les plus stratégiques, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) insiste sur la finalisation des tronçons Dakar-LibrevilleDjibouti. On l’aura compris,

à chaque extrémité se trouve un port, et donc un débouché international pour le made in Africa. Mieux, ce maillage se connecteavecd’autresréseaux. Ainsi,touteslescapitalesseront à terme reliées les unes aux autres. C’est vital pour des villescommeBamako,Niamey, N’Djamena ou encore Bangui. Lesautoritéscentrafricaines, justement, misent beaucoup sur le corridor Kribi-BanguiKisangani (route-rail-fleuve). Le port camerounais est le premier maillon de cette chaîne logistique. Le dernier maillon, la ville congolaise de Kisangani, donne accès au réseau routier entre Kampala, Kigali, Bujumbura, Nairobi et Dar es-Salaam. Parmi les autres corridors, citons celui qui doit relier les villes australes orientées vers l’océan

Indien (Lubumbashi, Dar es-Salaam, Lusaka, Harare, Durban et Maputo), la modernisation de la route côtière entre Abidjan et Lagos, le corridor multimodal PointeNoire - Brazzaville-KinshasaBangui-N’Djamena… Tous ces projets, retenus dans le Programmededéveloppement des infrastructures en Afrique (Pida), ont été validés en juillet 2010 par les chefs d’État. D’ici à 2040, le montant total des investissements prévus s’élève à plus de 20 milliards d’euros. ● PH.P. ANNÉE DE LANCEMENT

2010

COÛT ESTIMÉ

20 milliards d’euros (ensemble des corridors du Pida) ANNÉE DE LIVRAISON

2040

JEUNE AFRIQUE


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Grand angle

SOLDATS, UNISSEZ-VOUS ! L’AFRIQUE pourrat-elle compter sur ses propres Casques bleus ? Certains en doutent. « Cela demande de l’argent, des moyens de coordination et de projection. Or rares sont les pays africains à en disposer », glisse un officier ouestafricain. Pourtant, à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine (UA), on se veut confiant : « C’est en bonne voie », affirme un responsable militaire. Née en 2002 lors de la création de l’UA, l’idée d’une force panafricaine capable d’intervenir rapidement aux quatre coins du continent a eu du mal à s’imposer. Annoncée pour 2010 dans un premier temps, la Force africaine en attente (FAA) ne verra pas le jour avant 2015. Mais « des progrès ont été accomplis », indique un responsable. À terme, cette force disposera de 25 000 à 30 000 hommes, répartis dans cinq brigades régionales. Il ne s’agira pas d’une armée panafricaine, mais de troupes mises à la disposition de l’UA par chaque État et qui stationneront dans leur pays dans l’attente d’une éventuelle mission. ● R.C. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

PAUL LANGROCK/ZENIT-LAIF-REA

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! UNE CENTRALE SOLAIRE en Égypte, près de Bani Suwaif.

Énergie

L

Tirer profit du soleil

a nette diminution des ressources pétrolières et leur coût de plus en plus important font que toutes les sources d’énergie, de préférence propres, trouvent preneur. Avec du soleil à revendre, le Maghreb est en voie de devenir le premier fournisseur mondial d’énergie tout en satisfaisant les besoins croissants de ses 78 millions d’habitants – à la clé, de l’emploi et de juteux profits. S’ils occupaient un vingtième de la surface du Sahara, des capteurs solaires suffiraient à approvisionner la planète entière, qui consomme environ 18 millions de gigawattheures (GWh) par an (le continent, lui, n’utilise que 488 GWh). L’Europe a flairé le filon et joue de sa proximité pour mettre ses compétences au service de projets mixtes permettant le stockage de l’énergie solaire et sa transformation en électricité avec l’aménagement de centrales thermodynamiques, ou

centrales d’énergie solaire thermique. Le Plan solaire méditerranéen, lancé sous l’égide de l’Union pour la Méditerranée en 2008, a été retenu par le G20 lors du sommet de Cannes, en novembre 2011. Sur le terrain, des projets sont déjà lancés. En Tunisie, tandis que le Soleil de Nefta inaugure sa première unité de génération et vise à fournir toute la ville en énergie solaire, Britanniques et Tunisiens investissent ensemble pour réaliser, à l’horizon 2020, le projet TuNur, une centrale solaire d’une capacité de 2 GWh et d’un coût global de 10 milliards d’euros, qui fournira, depuis son centre de production à Rjim Maatoug, de l’électricité au réseau italien. Cependant, en matière de production d’énergie solaire et éolienne à destination de l’Europe, le Maroc a pris de vitesse la Tunisie avec la réalisation d’une centrale solaire d’un coût de 800 millions de

dollars (645 millions d’euros), première tranche d’un mégaprojet porté par la fondation Desertec, financée essentiellement par des firmes allemandes. Sur le même principe que TuNur, Desertec prévoit, après le désistement de l’Algérie, de mettre en place en Tunisie et au Maroc une batterie de capteurs solaires reliés à des centrales qui achemineront l’énergie via des lignes électriques terrestres et maritimes. Première installation d’un réseau pensé à une échelle régionale, elle fournira dès 2016 entre 0,5 et 1 GWh. L’Afrique du Nord dispose d’une capacité installée d’une quarantaine de GWh. ● FRIDA DAHMANI

ANNÉE DE LANCEMENT

2008 (Plan solaire méditerranéen) COÛT ESTIMÉ

3,3 milliards d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

2020

JEUNE AFRIQUE


L’Afrique idéale

Téléphonie

B

PLUS FORT QUE L’EURO

À la conquête de la 3G D’ici à cinq ans, la majorité desAfricainsauraaccèsàinternet via le haut débit mobile, comme c’est le cas entre autres en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Maroc, en Tunisie et bientôt en RD Congo. Dans l’ouest comme dans l’est du continent, les pays côtiers sont déjà connectés au réseau mondial grâce à des câbles sous-marins. L’immense défi consiste maintenant à relier les États de l’hinterland via des infrastructures terrestres. L’effort est loin d’être insurmontable. Présenté en début d’année lors du sommet de l’Union africaine, le Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida), piloté par la Banque africaine de développement (BAD), évalue à 2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros) le coût de la pose des

100 000 km de fibre optique nécessaires à internet. Sans compter les autres initiatives déjà financées par la Banque mondiale et le secteur privé, opérateurs télécoms en tête. Reste encore à sensibiliser les États retardataires dans l’attribution de licences 3G tels que le Tchad, la Centrafrique, le Cameroun ou le Gabon. Mais comment imaginer un statu quo chez les gouvernants, qui savent fort bien que 10 % de pénétration supplémentaire d’internet dans un pays font bondir le produit intérieur brut de plus de un point ? ● JULIEN CLÉMENÇOT ANNÉE DE LANCEMENT

2012

COÛT ESTIMÉ

1,6 milliard d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

2018

ROSENFELD/REPORTERS-REA

anlieue nord de la capitale tchadienne. Sur son smartphone, payé à peine 30 dollars (24 euros), Irénée, professeur à l’université des sciences de N’Djamena, consulte son compte bancaire. L’administration vient de verser son salaire, à l’heure pour une fois. Tant mieux, il ne ratera pas demain soir l’entrée en matière des Saos du Tchad lors de la Coupe d’Afrique des nations de football. En deux clics, il s’abonne pour un mois à la chaîne cryptée qui détient les droits de la compétition. Grâce à la 3G, Irénée pourra même regarder sur sa tablette, dans le bus qui le ramène chez lui, les matchs joués en fin d’après-midi. Pour ceux qui connaissent N’Djamena, pas de doute, tout cela relève encore de la science-fiction. Mais plus pour très longtemps.

! LES TECHNOLOGIES DE POINTE vont permettre de généraliser l’accès à internet. JEUNE AFRIQUE

« En Europe, on fait tout pour sauver l’euro, et ceux qui ont une monnaie nationale cherchent à se rapprocher du dollar », explique Lionel Zinsou, le président du fonds d’investissement PAI Partners, pour vanter les mérites du franc CFA. « Imaginez un franc béninois ou sénégalais, il serait microscopique et soumis à la spéculation », ajoute-t-il. Ce modèle d’intégration fait des émules. En Afrique de l’Ouest, six pays (Nigeria, Ghana, Liberia, Sierra Leone, Gambie et Guinée) entendent créer une zone monétaire en 2015, qui pourrait ensuite fusionner avec l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA) et donner naissance à une « monnaie Cedeao » commune à 300 millions d’habitants. En Afrique de l’Est, le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda ont le même objectif pour 2017. En Afrique australe, l’attractivité du rand sud-africain se renforce… « Les États-Unis d’Afrique », Kaddafi en rêvait. Et si on commençait par faciliter la circulation des personnes avec, en poche, les mêmes billets… ● PH.P. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Grand angle

Maghreb À grande vitesse

LA CULTURE EN PARTAGE À DEUX PAS des lotissements neufs et ordonnés d’Angondjé, près de Libreville (Gabon), une grande carcasse de béton à moitié dévorée par la végétation. Deux obélisques gris dominent la ruine : en forme de pointes d’éléphants, ils affichent sa vocation africaine. Ci-gît le Centre international des civilisations bantoues (Ciciba), entreprise culturelle lancée en 1983 à l’initiative d’Omar Bongo Ondimba en partenariat avec 11 États d’Afrique, de l’Angola aux Comores. Originaires du golfe de Guinée, les Bantous ont entamé leur migration en Afrique centrale au deuxième millénaire avant notre ère et colonisé un espace allant du Nigeria à l’ouest au Kenya à l’est jusqu’à l’Afrique du Sud. Mais les crises économiques et politiques des années 1990 ont tari les sources de financement de ce projet culturel, qui est tombé dans les limbes. Après la visite du site, le 12 juin, par Irina Bokova, la directrice de l’Unesco, et l’engagement du président Ali Bongo de reconstruire les bâtiments, il semble en voie de réhabilitation. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

I

l serait plus aisé de favoriser une véritable intégration économique au sein de l’Union du Maghreb arabe (UMA), née il y a vingt-trois ans, si elle disposait d’une ossature fondée sur les transports. Ainsi le projet d’une autoroute transmaghrébine, doublée d’un parcours ferroviaire à grande vitesse, n’est pas une utopie mais une nécessité. Ces quelque 4 000 km devraient relier Nouakchott à Tripoli via Casablanca, Fès, Alger et Tunis ; ils desserviront pas moins de 55 villes et seront au service de près de 90 millions d’habitants. Financée par des prêts contractés par les différents États concernés auprès des bailleurs de fonds internationaux, la Transmaghrébine, dont le coût est estimé entre 5 et 8 millions de dollars le kilomètre (entre 4 et 6,5 millions

d’euros), est le plus grand et le plus onéreux des programmes d’infrastructures en Afrique et figure parmi les trente mégaprojets majeurs des pays émergents. Malgré les retards, dus aux difficultés économiques des États maghrébins, plusieurs tronçons sont opérationnels. La Tunisie relance le tracé depuis Sfax jusqu’à la frontière libyenne. La partie marocaine, la plus avancée, relie déjà Agadir à Oujda via Casablanca. En Algérie, le coût de l’autoroute est-ouest connaît des dépassements de budget alors que la Mauritanie peine à lever des financements et que la révolution libyenne a renvoyé sine die la construction, en partenariat avec l’Italie, des 200 km entre la frontière tunisienne et Tripoli. Favoriser les échanges interrégionaux relance la modernisation et le développement

d’un transport ferroviaire encore obsolète. La ligne de train à grande vitesse (TGV), sur près de 3 000 km, entre Tunis, Alger et Casablanca est à l’étude et prend une vocation intercontinentale en prévoyant un raccordement aux réseaux ferroviaires arabes, africains et européens. Encore faudrait-il que l’Algérie et le Maroc décident de changer de pied quant à leurs relations bilatérales. À commencer par la réouverture de leur frontière commune. ● F.D.

ANNÉE DE LANCEMENT

Début des années 1990 COÛT ESTIMÉ

17 milliards d’euros (hors Libye et Mauritanie) ANNÉE DE LIVRAISON

De fin 2012 à 2016

Casamance Mieux que

U

l’indépendance, un pont

n pont au-dessus du fleuve Gambie ? Voilà des années que la Casamance en rêve. « Cela changerait tout pour nous », estime JeanPierre Ehemba, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Ziguinchor, chef-lieu de cette région coupée du reste du Sénégal par la Gambie et par le fleuve qui lui a donné son nom. «Aujourd’hui,onmetaumieux douze heures pour rejoindre Ziguinchor depuis Dakar par la route, poursuit-il. Parfois, les camions mettent trois ou quatre jours. Les fruits qu’ils transportent pourrissent sur place. La faute aux bacs d’un autretemps,souventenpanne. Avec un pont, notre économie décollerait.»Etpluslargement,

c’est tout l’axe Lagos-Dakar qui serait soulagé. L’idée n’est pas nouvelle. Sa faisabilité avait été évaluée en 1998, en 2007 et en 2010… Aujourd’hui, elle semble se concrétiser. D’abord parce que les financements sont là. En décembre dernier, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé qu’elle paierait l’essentiel (plus de 95 %) de la facture. Coût estimé : 75 millions de dollars (plus de 60 millions d’euros). La construction d’un pont dans ce corridor stratégique est une « priorité » pour la banque. Si le trafic moyen sur le fleuve est aujourd’hui de 532 véhicules par jour, il pourrait être multiplié par six dans les trente prochaines années.

Dakar et Banjul sont enfin sur la même longueur d’onde. Erratiques sous l’ère Wade, les relations entre les voisins sont en voie de normalisation depuis l’élection de Macky Sall. Une source diplomatique affirme que Yahya Jammeh, longtemps réticent, est maintenant favorable au projet. Si l’imprévisible chef d’État gambien ne change pas d’avis, ce pont, d’une longueur de 942 m, pourrait être livré en 2017. ● R.C. ANNÉE DE LANCEMENT

1998

COÛT ESTIMÉ

60 millions d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

2017

JEUNE AFRIQUE


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Grand angle

Route

PASSEPORT CEMAC, ENFIN ! INSTITUÉ EN 2000, le passeport de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) devait circuler dès 2007. Nous en sommes loin. Ce précieux sésame qui doit permettre de voyager librement dans les six pays de l’organisation (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique,Tchad) est une exception. Les passeports nationaux restent la règle. Sur le site internet personnel du président de la Cemac, on peut lire pourtant que « les ressortissants doivent se renseigner au bureau responsable de la délivrance du passeport ordinaire de leur pays pour obtenir le passeport [de la Communauté]. Ce bureau s’occupe aussi bien de la gestion que de l’impression de ce document ». Mais dans les faits, il reste difficile à obtenir et ne permet toujours pas d’entrer sans visa au Gabon et en Guinée équatoriale. Les 40 millions d’habitants concernés vont devoir patienter. En attendant, le commerce intracommunautaire ne représente que 3 % du total des échanges de la région. ● GEORGES DOUGUELI N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

C’

Alger-Lagos d’une seule traite

était le temps des rêves, et parfois des éléphants blancs! Nous sommes au début des années 1970, le pétrole n’est pas cher, l’Algérie est pleine d’ambitions et l’Afrique de l’Ouest encore portée par un vent issu des indépendances. Sous l’égide des Nations unies, la transsaharienne est lancée: 8 957 km de goudron doivent relier Alger, Niamey (Niger), Lagos (Nigeria) et N’Djamena (Tchad), ainsi que Gabès (Tunisie)etTombouctou(Mali), pour rejoindre les réseaux routiers qui mènent aux capitales Tunis et Bamako. Une toile d’araignéeenpleinSahara.Mais

aujourd’hui, des milliers de kilomètres manquent encore. Notamment le dernier maillon nigérien entre Arlit et le postefrontière d’Assamaka. Après l’obtention d’un financement du fonds koweïtien de développement économique (4,5 milliards de F CFA, soit près de 7 millions d’euros) en mars dernier,lestravauxdoiventdébuter en 2013. « Cette route va offrir un gain de temps de vingt jours pour accéder aux ports méditerranéens », explique Amadou Boubacar Cissé, le ministre du Plan, de l’Aménagement du territoire et du Développement communautaire.

Le tronçon vers N’Djamena demande également à être terminé. Le temps sera alors venu de se concentrer sur la deuxième « autoroute à travers les sables », entre Adrar (Algérie) et Tombouctou (Mali). En espérant que, d’ici là, les éventuels péages puissent se substituer aux barrages routiers tenus par des djihadistes chèche au vent. ● PH.P. ANNÉE DE LANCEMENT

Début des années 1970 COÛT ESTIMÉ

1,5 milliard d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

Inconnue

Soudan-Kenya

S

Faites Lamu, pas la guerre

alva Kiir (Soudan du Sud), Mwai Kibaki (Kenya), Mélès Zenawi (Éthiopie) : le 2mars2012,lestroisprésidents étaient présents au lancement officiel de l’un des plus importants projets d’infrastructures en Afrique de l’Est. Son petit nom? Lapsset, pour Lamu Port and Lamu Southern SudanEthiopia Transport Corridor, dont le coût est aujourd’hui évalué à 24 milliards de dollars (pluds de 19 milliards d’euros). Longtemps dans les cartons – l’idée de créer un second port kényan sur l’océan Indien, après Mombasa, daterait des années 1970 –, ce projet semble avoir commencé à se concrétiser véritablement avec la construction de 3 des 32 mouillages, mais les travaux dureront plusieurs dizaines d’années. Il s’agit non seulement de réaliser un port en eau profonde à Manda Bay, mais aussi de le relier par train et route à Djouba et Addis-Abeba via Lokichogio et Moyale. En

outre, et c’est sans doute là l’élément le plus important, le port de Lamu devrait à terme permettre au tout jeune Soudan du Sud d’exporter son pétrole sans se plier aux exigences de Khartoum. La crise actuelle entre les deux Soudans explique la relance politique dont bénéficie le projet, notamment en ce qui concerne le volet des raffineries et du pipeline. PIRATES. Si la réussite du

Lapsset permettrait une meilleure intégration régionale du Kenya, du Soudan du Sud, de l’Éthiopie et même de l’Ouganda, les obstacles sont nombreux. Le plus difficile sera sans doute de séduire les investisseurs, même si la Chine, le Qatar, l’Allemagne, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale ont montré leur intérêt. En effet, le port de Lamu s’ouvrira sur une zone maritime dans laquelle les pirates sont très actifs et à proximité de

la Somalie où, malgré l’action de la mission de l’Union africaine (Amisom) et de l’armée kényane, le chaos orchestré par les milices Shebab reste problématique. En outre, au-delà des questions environnementales et culturelles soulevées par une telle industrialisation, le projet se heurte à l’opposition des communautés locales, peu consultées, dont celle des 25000pêcheursquidépendent des ressources halieutiques de la baie. Dans un contexte politique tendu (élections aux Kenya, conflit intersoudanais en Somalie), la corruption risque aussi de freiner le projet : des achats de terres à des fins spéculatives ont d’ores et déjà été dénoncés. ● NICOLAS MICHEL

ANNÉE DE LANCEMENT

2012

COÛT ESTIMÉ

19 milliards d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

2030

JEUNE AFRIQUE


L’Afrique idéale

CHINE NOUVELLE/SIPA

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Éthiopie Barrages titanesques «

C

hât e au d’e au d e l’Afrique » : de la Guinée à la RD Congo, le titre est revendiqué par plusieurs pays. Mais s’il en est un qui peut légitimement y prétendre, c’est bien l’Éthiopie. Le pays, d’une altitude moyenne de plus de 2 000 m, connaît une très généreuse saison des pluies. L’énorme potentiel hydroélectrique qui en découle (estimé à 45 gigawatts – GW) pourrait donc fournir une partie de l’énergie nécessaire à une Afrique de l’Est en plein essor (le continent dans sa totalité consomme 488 GWh par an). C’est toute la stratégie adoptée par Addis-Abeba JEUNE AFRIQUE

en 2005, et qui devrait lui permettre de multiplier par sept sa production hydroélectrique lors des cinq prochaines années. Le barrage de Gilgel Gibe III, sur la rivière Omo (qui coule des hauts plateaux vers le Kenya, un de ses futurs clients), devrait être achevé courant 2013 et plus que doubler la puissance installée. Les ONG craignent toutefois son impact sur le mode de vie de la population en contrebas, étroitement lié au niveau du lac Turkana qu’il alimente. Mais la pièce maîtresse du dispositif éthiopien reste le gigantesque barrage de la Renaissance, sur le Nil Bleu (principal affluent du Nil),

! LE SITE DES TROIS-GORGES, en Chine. Un modèle pour le continent ?

à mi-chemin entre AddisAbeba et Khartoum et dont la construction devrait s’achever en 2014. Les chiffres du futur barrage, le plus puissant du continent, donnent le tournis: il devrait avoir une capacité de 6 GW (soit la puissance de près de quatre réacteurs nucléaires de dernière génération), coûter quelque 5 milliards de dollars (4 milliards d’euros, qu’Addis-Abeba a prévu de financer seul, s’appuyant notamment sur un grand emprunt), mesurer 145 m de haut et 1 800 m de long, et enfin retenir un bassin de 63 milliards de mètres cubes, soit le double du lac Tana, le plus grand du pays. Le projet suscite des tensions

avec l’Égypte, qui craint que les évaporations d’eau et autres usages agricoles de la retenue ne rognent sur ses « droits historiques » à l’utilisation des eaux. Mais le Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi, a affiché sa détermination : « Nous mettrons toutes nos forces et chaque centime de nos économies dans l’achèvement de notre programme. » ● PIERRE BOISSELET

ANNÉE DE LANCEMENT

2005

COÛT ESTIMÉ

4 milliards d’euros ANNÉE DE LIVRAISON

2014

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


Grand angle FICTIONS

Dans cinquante ans par Véronique Tadjo Véronique Tadjo a écrit plusieurs romans et recueils de poèmes et consacré une partie de son œuvre à la jeunesse. Née à Paris, elle a passé toute son enfance et fait l’essentiel de ses études en Côte d’Ivoire. Elle réside actuellement à Johannesburg, où elle enseigne à l’université du Witwatersrand. Son dernier livre, Loin de mon père, a été publié en 2010 par Actes Sud.

MARC SHOUL POUR J.A.

CRÉDIT PHOTO

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D

ans cinquante ans, il n’y aura plus de guerre. Jamais. Nous vivrons sur un même continent, traversant les frontières allègrement d’un pays à l’autre. Pays? Non, cette notion aura disparu car nous serons africains avant tout. Je serai moi, tu seras toi, mais nous serons multiples, forts du même enracinement. C’est le plus grand projet qui nous attend. Le projet qui rendra les autres projets possibles. Nous serons tous multilingues, tous polyglottes. Nous parlerons une langue unique d’Afrique et nous parlerons aussi nos langues maternelles car elles seront enseignées à l’école de la même manière que nos langues officielles protégées par la Constitution. Nous aurons une monnaie commune, bien sûr. Nous abandonnerons les taux de change et les barrières douanières. Des villes en pleine expansion et aux centres multiples. Mais des villes propres où la pollution sera un mauvais souvenir. Plus de déchets toxiques. Plus de lagunes qui suffoquent sous l’étreinte meurtrière des jacinthes d’eau. Plus de mers dans lesquelles se déversent nos saletés et le poison des usines malfamées. Nous nous baignerons dans les vagues pour retrouver la vigueur des océans. Et les jeunes dans les écoles et les universités auront des tablettes – jusque dans les villages reculés – et seront connectés au monde extérieur. Ils suivront des cours dispensés virtuellement et collaboreront à des travaux scientifiques avec d’autres étudiants à des milliers de kilomètres. De nouvelles façons de partager, de nouvelles façons d’apprendre. Nous aurons trouvé notre place au niveau planétaire car nous marquerons notre présence sur internet, via Twitter, Facebook, Google et autres. Les images transmises au monde entier ne seront plus celles de peuples affamés et malades, de colonnes de réfugiés et de pays en conflit, mais celles d’hommes et de femmes en accord avec leur temps.

La guerre de l’eau n’aura pas lieu, malgré les mauvaises prédictions, car nos déserts auront retrouvé leur allure verdoyante et l’eau coulera, claire et propre, comme une musique à nos oreilles. Dans cinquante ans, nous aurons compris que nos ressemblances sont plus nombreuses que nos différences et que nos destins sont liés à jamais. Nous saurons que l’important c’est de vivre ensemble et de rassembler nos énergies. Il ne sera plus nécessaire de nous convaincre que l’Histoire nous appartient et que nous pouvons la façonner. Oui, deux et deux ne font pas forcément quatre. La meilleure façon d’innover, c’est de mêler le passé au présent afin d’imaginer le futur. Le soleil est brûlant, mais il faut se souvenir que l’ombre a toujours existé.

La meilleure façon d’innover: mêler le passé au présent afin d’imaginer le futur.

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

Dans cinquante ans, nous cesserons de croire que l’argent est plus fort que tout. Il ne restera plus seulement au fond des poches de quelques-uns, et la majorité pourra mettre les petits plats dans les grands. De toute façon, le volontariat sera à l’ordre du jour et les présidences seront tournantes. Dans cinquante ans, l’Afrique courra plus vite. L’industrialisation sera pour de vrai car nous fabriquerons des machines et produirons en quantités suffisantes pour satisfaire nos besoins et bien plus. Notre agriculture sera à la pointe du progrès. Enfin, dans cinquante ans, je t’aimerai encore. Tu seras l’homme, l’ami que j’ai rencontré sur mon chemin et qui a bien voulu marcher avec moi. Tu seras le jeune vieillard et je serai la grand-mère séduisante. Nous aurons fait trois fois le tour du monde. Nos enfants seront beaux comme les grands arbres de la forêt et nos rêves seront devenus réalité. ● JEUNE AFRIQUE


L’Afrique idéale

Mais avez-vous pensé au léopard? par Fouad Laroui

DR

Ingénieur des Ponts et Chaussées, docteur en sciences économiques, et à présent écrivain, Fouad Laroui est un brillant toucheà-tout. Après avoir vécu au Royaume-Uni, ce natif d’Oujda, au Maroc, réside aujourd’hui à Amsterdam, où il enseigne la littérature. Son dernier livre, La Vieille Dame du riad, est paru en 2011 aux éditions Julliard.

L

a conférence était sur le point de se terminer. Les ingénieurs, les planificateurs et les politiques avaient bien travaillé. Sur l’immense tableau électronique qui occupait tout un pan de la salle archimoderne, les images de synthèse se succédaient rapidement, montrant des routes, des barrages, des ports, des voies de chemin de fer, des zones de transfert et des aéroports. Ces messieurs-dames étaient réunis pour décider de l’avenir de l’Afrique et, ma foi, l’avenir de l’Afrique se dessinait là, sur le tableau, et c’était un rêve de technocrate. Le président de séance, souriant, s’exclama: – Eh bien, mes chers amis, nous sommes donc tous d’accord sur le plan directeur? D’une pichenette, il fit une dernière fois virevolter les images: le réseau routier (futur) étendait sa toile deTanger à Johannesburg, de Nairobi à Lagos; le chemin de fer Le Caire-Le Cap, dont l’euphonie ravissait francophones et anglophones, balafrait l’est du continent. À l’ouest, leTGV marocain se prolongeait de Marrakech jusqu’à Durban. Une insolente autoroute reliait Alger à Kinshasa (ce n’était qu’un début) et tant pis si elle signifiait l’arasement de mille collines. Partout d’arrogants barrages arrêtaient le flot impétueux de fleuves qui en devenaient moroses mais navigables. Les villes prolongeaient leurs tentacules à se toucher les unes les autres comme dans un flirt de poulpes géants. Le visage du continent était grêlé de milliards de petits points qui figuraient les antennes de communication qui allaient permettre au bachelier de Cotonou de bavarder avec la collégienne de Soweto. Dans la salle, tout le monde se mit à applaudir. Il y eut même des hourras, des vivats et des coups de sifflet à l’américaine, c’est-à-dire bruyamment approbateurs. C’est alors qu’un petit bonhomme tout ridé, qui n’avait pipé mot jusque-là, leva la main et demanda la parole. On la lui accorda. Le vieux sage se dressa lentement, ajusta son boubou et murmura dans le micro que lui tendait une Éthiopienne accorte. – Il me semble, dit-il, qu’on n’a pas recueilli l’avis des principaux intéressés.

Tout le monde se tut. Le président toussota, contrarié. – Je ne comprends pas. Nous sommes tous mandatés par des gouvernements élus démocratiquement et, à ce titre, ce que nous décidons représente la volonté générale des Africains. Le vieux sage secoua la tête, se redressa et tapa dans ses mains. Comme par magie, toutes les portes de l’immense salle de conférences s’ouvrirent et on vit alors un spectacle prodigieux. On vit entrer des zèbres, des éléphants majestueux, des okapis, des lions, des guépards et des léopards, des gazelles (un peu inquiètes), des oryx, des girafes placides, des hippopotames… Sous la voûte, quelques aigles, des pygargues, des grues voletaient, regardant de haut ces homo sapiens qui prétendaient refaire la Création sans leur demander leur avis. Entre les jambes des délégués se faufilaient des petits mammifères et mille

Le continent se dessinait là, sur le tableau – un rêve de technocrate.

JEUNE AFRIQUE

espèces de serpents. Ce fut un beau brouhaha. Le délégué ougandais, tremblant de peur, pensait au tohu-bohu biblique, l’Égyptien invoquait Salomon, le Sénégalais riait de bon cœur: il avait compris ce qui se passait. Quand le calme fut revenu dans ce qui ressemblait maintenant à une arche de Noé, on entendit le vieux sage énoncer de sa voix un peu chevrotante: – Retournez donc à vos travaux, messieurs, avec plus de modestie. Le président, tapotant machinalement la tête du petit lémur qui s’était installé sur ses genoux, demanda aux délégués de bien vouloir revenir le lendemain à la première heure puis leva la séance. Quelle affaire! Il fallait maintenant annuler les billets d’avion du retour, réserver de nouveau des chambres d’hôtel, des tables de restaurant… Pour combien de temps? Combien de jours, de semaines, de mois? Impossible de le savoir. Tout était à refaire. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Afrique subsaharienne

MADAGASCAR

La guerre

des clones En l’espace de quelques jours, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se sont rencontrés à deux reprises. La fin de la crise malgache ? Pas sûr, tant l’animosité entre les deux hommes est forte, malgré des parcours similaires. RÉMI CARAYOL

B

ien malgré eux, à reculons même, Marc Ravalomanana et son tombeur, Andry Rajoelina, rattrapent un peudutempsperdu.Depuisplusde quatre ans qu’ils ferraillent, jamais ils ne s’étaient autant fréquentés. Une première rencontre, en tête à tête et à huis clos, a été organisée fin juillet sur une île perdue des Seychelles sous l’égide de la Communauté de N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Commission de l’océan Indien (COI). Sur l’îlot Desroches, ils se sont entretenus avec un minimum de conseillers à leurs côtés. Il s’agissait alors, pour les médiateurs, « de renouer le dialogue » comme on tente de rabibocher deux parents séparés pour le bien de leurs enfants. Il est prévu que les Malgaches élisent leur futur président le 8 mai 2013, et le 3 juillet en cas de second tour. ROUND. Un nouveau round s’est tenu le 8 août, toujours aux Seychelles. Comme lors du premier rendez-vous, aucun accord n’a été trouvé. Le têteà-tête, selon une source diplomatique, n’aurait pas duré plus d’une demi-heure. Un échec, même si « le fait de les réunir est une petite victoire », note un médiateur. Que les deux hommes se parlent de JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Zafy, et de les inviter à la table des négociations. « Il s’agissait d’éviter à tout prix un tête-à-tête entre Ravalomanana et Rajoelina qui n’aurait fait qu’attiser les tensions. » Une fausse bonne idée, que les médiateurs de la SADC ont fini par abandonner au bout de trois ans. « Aujourd’hui, la crise se résume à ces deux personnalités, explique un diplomate occidental en poste à Antananarivo. Eux seuls ont la clé pour en sortir. » Le problème, c’est que le temps n’a pas fait son œuvre. Aujourd’hui encore, « Ravalomanana déteste Rajoelina, l’homme qui l’a empêché d’assouvir son rêve de devenir l’empereur de Madagascar. Et Rajoelina hait cet homme qu’il considère comme odieux et qui a voulu l’écraser, comme tous ses autres rivaux potentiels », explique le même diplomate. BUSINESS. Dans un monde fictif, pourtant,

ANDREEA CAMPEANU/AFP

Rajoelina (38 ans) ferait un excellent fils spirituel de Ravalomanana (62 ans). Le dauphin idéal. Certains observateurs ont parlé de « clones », tant il est vrai que les similitudes entre leurs deux parcours sont nombreuses. Certes, on note des différences de taille : l’origine sociale (le premier est un petit-bourgeois, le second un enfant des faubourgs miséreux), la religion (l’Église catholique pour l’un, l’Église réformée pour l’autre), le caractère (une urbanité de bon aloi contre une certaine rusticité)… Mais, comme Ravalomanana, Rajoelina est un Merina, l’ethnie la plus puissante du pays. C’est aussi un fidèle croyant qui ne manque pas de faire référence à la Bible. Comme Ravalomanana encore, il a été un entrepreneur à succès. Et comme lui, il décide de se lancer en politique. Nous sommes en 1999. Ravalomanana, petit laitier devenu grand, est à la tête d’un des groupes industriels les plus puissants du pays. Parti de rien, il a fait fortune grâce à un sens inné des affaires, à un prêt de la Banque mondiale (1982) et à quelques passe-droits obtenus dans les années 1990. Mais la puissance de feu de son groupe, Tiko, et son ! UNE PARTISANE DE désir de diversifier ses activités sont menacés par MARC RAVALOMANANA à la bureaucratie. S’il décide de briguer la mairie l’emplacement de l’un d’Antananarivo cette année-là, c’est, dit-on, parce des supermarchés de qu’il en a assez d’attendre un permis de construire. l’ancien président, En quelques semaines, il crée un parti de toutes détruit pendant la crise de 2009. pièces autour de sa seule personnalité, Tiako Iarivo (« J’aime Tana »), qui deviendra par la suite Tiako i Madagasikara (« J’aime Madagascar »), dont le nom et les couleurs rappellent son entreprise. Ce n’est pas un hasard: comme tout bon producteur de yaourts « Le fait de les réunir est en Afrique, Tiko est une entreune petite victoire. » prise connue et appréciée dans UN MÉDIATEUR l’ensemble du pays. Après avoir pris soin de ne pas porter d’étiquette (opposition ou pouvoir), Ravalomanana se fait élire, à la surprise générale. Son action à la mairie devient la vitrine de ses

vive voix et s’apostrophent sans intermédiaire, en français ou même en malgache, comme ce fut le cas aux Seychelles, « c’est déjà assez exceptionnel », souligne un diplomate ouest-africain qui a géré le dossier lors des premiers mois de la crise en 2009, avant d’en être éloigné. À l’époque, il avait compris que la crise malgache ne relevait pas seulement d’un ras-le-bol général des dérives de Ravalomanana instrumentalisé par une partie de la grande bourgeoisie tananarivienne. Il fallait aussi y voir un de ces combats de coqs dont raffolent les Malgaches. Un duel impitoyable entre deux éléphants prêts à tout écraser sur leur passage. « La haine, entre les deux, était trop forte, quasi viscérale. Un dialogue était impossible à nouer. » D’où l’idée de sortir de leur retraite les deux anciens présidents, Didier Ratsiraka et Albert JEUNE AFRIQUE

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Afrique subsaharienne ambitions. Il veut construire, assainir, moderniser, parfois à marche forcée. Enfin, en mai 2002, après un long bras de fer avec Didier Ratsiraka et grâce au soutien de dizaines de milliers de manifestants, à l’issue du scrutin présidentiel, il gravit les marches du Palais. S’il s’est présenté face au vieil amiral, c’est notamment parce que l’État lui avait cherché des poux en fouillant dans les comptes de Tiko et en menaçant l’entreprise de fermeture. REMAKE. Cinq ans plus tard, on assiste à un éton-

nant remake. Depuis plusieurs années, Andry Rajoelina, fils d’un colonel sans envergure, qui a grandi dans la petite bourgeoisie de Tana, est une star locale. Il a commencé par animer des soirées. Puis le DJ au visage poupin a rencontré une ravissante jeune fille venue de la haute, Mialy Razakandisa. Il a des idées et du talent, sa bellefamille a de l’argent. Ensemble, ils montent une société de communication, Injet, qui dominera bientôt le marché de l’affichage publicitaire. En 2006, Rajoelina s’offre une chaîne de télé et une radio (Viva). Le début des ennuis. Déjà en 2003, Ravalomanana, dont la fille Sarah souhaitait s’implanter dans le secteur de la communication, lui avait cherché des noises. Le maire de la capitale, un proche de Ravalomanana, avait interdit à Injet d’installer des panneaux publicitaires. En 2007, la pression s’accentue. Avec sa force médiatique, Rajoelina devient un concurrent potentiel. De fait, le jeune homme, qui avait toujours dit ne pas vouloir entrer en politique, finit par franchir le pas. « Il s’est dit : “Le seul moyen de sauver mon business, c’est de prendre la mairie”, mais jamais il ne s’était douté que ça l’amènerait plus haut », se souvient un de ses amis.

A NDRY R AJOELINA

Il lance alors un mouvement: TGV (pour Tanora Malagasy Vonona, ce qui signifie « jeunes Malgaches prêts »). C’est le surnom que ses amis lui ont donné en raison de ses succès rapides dans les affaires et de son caractère fonceur. Comme Ravalomanana, il ne s’affilie pas officiellement à l’opposition. Et comme lui, il se fait élire à la surprise générale en battant le candidat de Ravalomanana – un camouflet qui ne passe pas pour le tout-puissant président. Nous sommes en décembre 2007. Un an plus tard, irrité par les conflits qui l’opposent à l’État et persuadé que Ravalomanana cherche à l’écraser, il profite de la fermeture de sa chaîne de télévision, Viva, pour appeler à l’insurrection… En mars 2009, après quatre mois de Mars 2009 : après quatre manifestations violentes dans mois de manifestations, la capitale, il prend le pouvoir. Rajoelina prend le pouvoir. « Entre ces deux mégalos, ça ne pouvait qu’exploser », persifle un ancien partisan de Ravalomanana rallié à Rajoelina et aujourd’hui retiré de la vie politique. On prêtait à Ravalomanana des rêves d’empereur. Certains signes ne trompaient pas, comme cette volonté affichée et souvent incomprise de réintégrer le célèbre palais de la Reine, le symbole de la puissance merina au XIXe siècle, détruit par un incendie en 1995. Rajoelina, lui aussi, joue sur cette gloire passée. Fin 2010, il a rallié le centre-ville de Tana depuis le même palais dans une tenue qui rappelait celle des souverains passés. « Il veut changer l’histoire de Madagascar », confie l’un de ! PREMIÈRE POIGNÉE DE ses proches, qui évoque un « combat de messies ». MAIN depuis plus de Avant d’ajouter : « Tous deux se sentent investis trois ans, le 24 juillet, d’une mission : sortir le pays de la misère. » Mais, aux Seychelles, en bons croyants, ils savent que deux messies, avec le président c’est un de trop. ● de l’archipel, James Michel.

M ARC R AVALOMANANA

1974 Naissance à Antananarivo 1998 Crée Injet après avoir travaillé dans l’événementiel 2007 Leader dans la publicité, il est élu maire d’Antananarivo 2009 Prend la tête de la Haute Autorité de transition après quatre mois de vives tensions dans le pays AFP

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1949 Naissance à Imerinkasinina 1982 Obtient un prêt de la Banque mondiale : Tiko est né 1999 Leader dans le secteur agroalimentaire, il est élu maire d’Antananarivo 2002 Devient président de la République après un bras de fer de six mois 2009 Chassé du pouvoir par Andry Rajoelina. Exilé depuis en Afrique du Sud JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne ANGOLA

Abel Chivukuvuku, la troisième voie? À la fin du mois, les élections générales opposeront la formation du président dos Santos, le MPLA, à l’Unita. Mais un outsider pourrait perturber (un peu) le jeu des partis historiques.

JEUNE AFRIQUE

CASA-CE

S

es portraits ont été les premiers à faire leur apparition dans les rues de Luanda, bien avant le début de la campagne officielle le 31 juillet. Il a également inauguré une nouvelle pratique politique, en marchant dans les quartiers populaires de la capitale à la rencontre des habitants. À 54 ans, Abel Chivukuvuku, le fondateur du nouveau parti d’opposition Casa, crée la surprise dans un monde politique angolais dominé par l’opposition entre les deux ennemis de la guerre d’indépendance, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). Tout a commencé en mars dernier avec une annonce fracassante. Après trentehuit ans de bons et loyaux services au sein de l’Unita, cet originaire de la province de Huambo, un fief du parti, quitte le navire. Il lance sa propre coalition qui rassemble quatre petites formations, des anciens de l’Unita et du MPLA, et des figures de la société civile comme le directeur du journal satirique Folha 8, William Tonet. Casa (Large Coalition pour le salut de l’Angola) tient un discours innovant en mettant dos à dos le président José Eduardo dos Santos, au pouvoir depuis bientôt trente-trois ans, et l’Unita, un parti incapable de se moderniser. Dans ce contexte, cette formation se pose comme la seule force politique capable de réaliser l’alternance. Une position qui pourrait faire mouche, notamment auprès de la jeunesse. Mais la grande force de Casa, c’est son chef. Ancien « ministre des affaires étrangères » de Jonas Savimbi et ex-président du groupe parlementaire de l’Unita, Abel Chivukuvuku est expérimenté. Orateur charismatique, parlant plusieurs langues, il est capable de haranguer les foules. Sa maîtrise des rouages du pouvoir et ses

! SA TOUTE NOUVELLE FORMATION a ouvert des bureaux dans les 18 provinces du pays.

excellentes relations avec les États-Unis en font une personnalité respectée dans le pays comme à l’étranger. Dernier atout, il a convaincu l’amiral André Mendes de Carvalho, une figure militaire, de le rejoindre comme numéro deux sur la liste des candidats à la députation. « À l’issue du scrutin du 31 août, nous serons la deuxième force, au minimum », promet le très ambitieux et optimiste Abel Chivukuvuku, qui vise 30 % des suffrages. À la suite du dernier scrutin de 2008,

pointe la jeunesse de Casa et son manque d’assise militante. Le parti a certes réussi à ouvrir des bureaux dans les 18 provinces du pays, mais que deviendront-ils une fois les élections passées et les leaders entrés à l’Assemblée nationale ? Car Casa – qui vit grâce aux cotisations et aux dons de ses militants – est confronté au manque de financements face à un MPLA surpuissant. Abel Chivukuvuku explique d’ailleurs que c’est la raison pour laquelle il a attendu le dernier moment pour lancer son parti, gardant ainsi les fonds dispo« Nous sommes jeunes face à nibles pour la campagne des partis âgés de plus de 50 ans, officielle du mois d’août. Et nous allons surprendre. » d’assurer : « Nous sommes jeunes face à des partis âgés le MPLA occupe 191 des 220 sièges de de plus de 50 ans, mais nous allons surl’Assemblée nationale après avoir raflé prendre le pays. » plus de 80 % des voix contre 10 %, soit Reste que le duel classique MPLAseulement 16 sièges pour l’Unita. Les Unita est en marche. Les deux partis ont observateurs indépendants lui prédisent organisé le même jour et dans le même plutôt un score entre 10 % et 20 %. quartier de Luanda un meeting pour le lancement officiel de la campagne. Et ÉMERGENCE. Mais au-delà, l’enjeu est la bataille pourrait être plus accrochée surtout de savoir si Casa est en mesure de que par le passé. Le MPLA est sûr de prendre la place de l’Unita, qui reconnaît sa victoire, mais il est de plus en plus l’émergence de cette troisième voie. « Abel contesté. L’Unita se montre très offensive a toujours voulu être président, de l’Unita, et assure qu’elle est toujours capable de du pays, nous lui souhaitons bonne mobiliser les foules. ● chance », glisse un ancien camarade qui ESTELLE MAUSSION, à Luanda N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Afrique subsaharienne MALI

Imam médiateur Mahmoud Dicko, le président du Haut Conseil islamique, a engagé des discussions avec les groupes armés dans le nord du pays. Sa proximité idéologique avec les djihadistes est un atout. Pas sûr toutefois qu’il soit porteur d’une solution pour le pays.

EMMANUEL DAOU BAKARY

«

O

n ne peut pas rester là, à Bamako, les bras croisés. » Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique (HCI), veut croire qu’il peut faire la différence en engageant le dialogue avec les djihadistes qui occupent les deux tiers du territoire malien. Le 26 juillet, après avoir reçu le quitus du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, il a pris la route de Gao, en toute discrétion. Son objectif ? Rencontrer Iyad Ag Ghali, le chef d’Ansar Eddine, pour une « prise de contact officielle ». Finalement, la rencontre n’a pas eu lieu, et les deux hommes se sont seulement entretenus au téléphone. Mais l’imam en a profité pour rencontrer les notables de la ville, les membres du conseil régional déchu et Abdel Hakim, leader du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), avec qui l’imam affirme que les choses se sont très bien passées. Cependant, depuis son

cet homme de 58 ans a enseigné l’éduretour – Dicko est rentré à Bamako le cation physique mais aussi l’arabe dans 29 juillet –, les lignes ont bougé, les le secteur public, avant de s’installer à groupes armés du Nord durcissant le Bamako. C’est là que ce fils de cadi s’est ton avec leur charia en bandoulière. Le 6 août, à Gao, un présumé voleur a eu la plongé dans la religion, avant de devenir, main sauve grâce aux populations qui ont au début des années 1980, l’imam de la empêché les radicaux de la lui couper. mosquée de Badalabougou, un quartier Une semaine plus tôt, à Aguelhok, dans situé en bordure du fleuve, où il officie la région de Kidal, un couple a eu moins encore les vendredis. de chance : non mariés, un homme et sa compagne Les Bamakois se souviennent de ont été lapidés à mort et ses diatribes contre l’Occident, qui les habitants de la bourmenacerait la société malienne. gade contraints d’assister au châtiment. Dicko se dit « très ému », mais n’abandonne pas pour Mais Mahmoud Dicko s’est également autant son objectif. « Je crois au dialogue. imposé comme un acteur de premier Et s’il n’y a aucun compromis possible, plan sur la scène politique, ne manquant aucune occasion d’avancer sa concepje pourrai dire alors aux Maliens et à tion d’un islam rigoureux, emprunté à la communauté internationale : “On a tout essayé, ça n’a pas marché.” » Toute la doctrine wahhabite. Malgré son appala question est de savoir quel comprorence douce, un discours policé et un ton mis, justement, peut être noué et affable, les Bamakois se souviennent de quels sont les termes d’éventuelles ses diatribes contre l’occidentalisation négociations… Un fédéralisme à qui menacerait la société malienne. Ils la nigériane, avec des zones régies gardent aussi en mémoire que c’est lui par la charia ? Pour l’heure, l’imam qui a fait reculer l’ex-président Amadou se refuse à apporter la moindre Toumani Touré sur le projet d’un nouveau code de la famille, en 2010. Le texte indication. prévoyait l’égalité entre les hommes et les CORAN. « Quitte à discuter avec les femmes en matière de succession ou de islamistes, autant que ce soit lui, gestion du foyer. argumenteMakanKoné,journaliste Sur ces questions, l’intéressé botte en et président de la Maison de la touche, fait fi des critiques et préfère se presse. Le HCIM présenter comme l’homme providentiel. est l’organe le Sa mission : rencontrer Iyad Ag Ghali à p l u s re p ré l’occasion d’un deuxième voyage. Le sentatif de président du HCIM compte faire le déplal’islam malien cement avec une délégation beaucoup et Mahmoud plus importante. Quant au lieu et à la Dicko est un fin date du rendez-vous, une fois de plus, connaiss eur du Mahmoud Dicko entretient le mystère : Coran. » Sans comp« Je n’ai encore rien décidé. » Mais Iyad Ag ter que son expéGhali a sans doute également son mot à rience d’ancien dire. Quant au quitus de Cheick Modibo professeur peut Diarra, sa durée de validité reste, à cette servir. Originaire heure, une énigme… ● de Tombouctou, MALIKA GROGA-BADA ! APRÈS UN PREMIER VOYAGE À GAO fin juillet, il doit y retourner pour rencontrer le chef d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghali. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

TRIBUNE

Opinion ns & éditoriaux

La force n’est pas « la solution »

VINCENT FOURNIER/J.A.

D GILLES OLAKOUNLÉ YABI Directeur Afrique de l’Ouest d’International Crisis Group (ICG), qui vient de publier un rapport, « Mali: éviter l’escalade », disponible sur crisisgroup.org

EPUIS QUE LE MALI a basculé dans un coma profond, frappé par la résurgence d’une rébellion touarègue et par un coup d’État militaire, la seule interrogation qui vaille semble être celle de savoir quand l’intervention militaire ouest-africaine ou internationale aura lieu. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est-elle capable de déployer une force ? Avec quel mandat ? Bénéficiera-t-elle des renseignements militaires et de l’appui aérien de la France et des États-Unis, présents et actifs à des degrés différents dans la bande sahélo-saharienne ? Sera-t-elle acceptée par le voisin algérien ? Dès lors que les groupes armés islamistes adossés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont expulsé les rebelles touaregs indépendantistes des villes du Nord, les derniers doutes sur l’opportunité d’une réponse militaire se sont envolés chez nombre d’acteurs et d’observateurs. Avec qui peut-on encore envisager de négocier, demande-t-on à ceux qui appellent à une approche politique? Avec des djihadistes qui veulent imposer leur vision de ce que devrait être la vie d’un bon musulman? Avec des preneurs d’otages, d’authentiques terroristes ou des trafiquants de drogue ?

C’est un État qu’il faut remettre sur pied, soutenu par la communauté internationale et avec un gouvernement représentatif.

Devant le choc légitime de nombre de Maliens face aux souffrances de leurs compatriotes des régions de Gao,Tombouctou, Kidal; face à l’hébétude de beaucoup de voisins d’Afrique de l’Ouest découvrant que la menace islamiste est à leur porte ; devant les craintes des pays occidentaux, en particulier européens, de l’apparition d’un « nouvel Afghanistan » à distance de chameau de leurs capitales, il est difficile d’identifier les réponses possibles à la crise. La question à se poser aujourd’hui n’est pas celle de savoir si une action militaire contre les groupes armés est inévitable ou non. Il faut examiner tous les symptômes présentés par le patient malien, saisir la complexité des rapports des différentes communautés originaires du Nord, entre elles, et entre elles et celles du Sud, et appréhender les intérêts des pays voisins. Lorsqu’on fait ce travail, les certitudes sont rares. Sauf peut-être celle qui consiste à estimer que l’usage de la force ne peut être qu’une option JEUNE AFRIQUE

complémentaire à une approche politique mais ne saurait être « la solution ». Les acteurs de la crise sont eux-mêmes incapables d’anticiper les conséquences de leurs initiatives. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), qui a déclenché la rébellion, s’est fait déborder par une force islamiste qu’il a dans un premier temps négligée. Ansar Eddine, le groupe dirigé par Iyad Ag Ghali, ancien rebelle touareg de Kidal qui avait voulu prendre la tête du MNLA au moment de sa création, s’est prestement allié aux chefs d’Aqmi, majoritairement algériens. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), que nul ne connaissait encore il y a quelques mois, a fait son lit à Gao et affirme, par son recrutement à la fois

multiethnique, local et multinational, une ambition politico-religieuse moins « étrangère » que sa maison mère, Aqmi. Tous ces mouvements ont prospéré sur le terreau fertile des trafics transsahariens, du business des rançons payées pour récupérer des otages occidentaux et de l’aubaine provoquée par le chaos en Libye, pourvoyeuse de nouvelles armes. De leur côté, les putschistes emmenés par le capitaine Amadou Haya Sanogo n’ont fait qu’aider les groupes rebelles à parachever leur conquête du Nord en mettant l’État à terre. C’est cet État qu’il faut impérativement remettre sur pied. Dès lors qu’un gouvernement représentatif des principales forces politiques et sociales aura été mis en place, les acteurs régionaux et internationaux devront afficher un soutien clair à l’État malien à travers la reprise de l’aide extérieure, l’assistance à la protection des institutions de transition et des mesures immédiates en faveur de la restructuration de l’armée. Il faut éviter à tout prix une mobilisation des jeunes dans des milices communautaires supplétives à une armée désorganisée. Emprunter cette voie, ce serait ouvrir une boîte de Pandore de laquelle s’échapperaient de nouveaux monstres qui enterreraient pour longtemps les espoirs de paix au Mali et dans l’ensemble de la région. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Afrique subsaharienne L’ACTUALITÉ VUE PAR GLEZ

Bientôt la rentrée Petit tour d’horizon de ce qui nous attend à partir de septembre… Le programme est chargé, et la maîtresse d’école, Nkosazana Dlamini-Zuma, ne laissera rien passer.

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

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SANTÉ

Faire l’amour, c’est bon pour le cœur

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lus de 90 % des personnes ayant subi un infarctus du myocarde survivent à cet accident cardiaque. Très bien même, mais une récidive est toujours possible. Pour l’éviter, il faut arrêter de fumer, modifier son alimentation, maigrir si besoin, éviter les sports intensifs… Mais qu’en est-il des relations sexuelles ? La réponse du médecin est rassurante, voire réjouissante : « Non seulement vous pouvez, mais vous devez. À condition de le souhaiter… et de pouvoir monter deux étages sans vous arrêter, à vitesse normale, sans être essoufflé, sans douleur dans la poitrine, sans malaise et sans arythmie des battements du cœur. » En effet, le coût énergétique d’un rapport sexuel est de cet ordre de grandeur. Le cœur, par exemple, passe de 70 battements par minute au repos à 120. Évidemment, quelques précautions sont nécessaires avant d’entamer cette rééducation postinfarctus ! Une abstinence de deux ou trois semaines après l’accident est préconisée, et l’avis du cardiologue est impératif avec une reprise de l’activité sexuelle. Il convient également de ne pas majorer la part émotionnelle, car cela peut modifier le fonctionnement cardiaque. Il vaut donc mieux éviter de changer de partenaire ou de lieu, ne pas rechercher la performance et renoncer aux mélanges tels que tabac-alcool. La prise de Viagra est également vivement déconseillée. Dans l’euphorie de la convalescence, n’oublions pas que 1,3 % des infarctus surviennent à l’occasion d’un rapport sexuel. ● PROFESSEUR EDMOND BERTRAND JEUNE AFRIQUE

STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP

Quelques règles sont à respecter après un infarctus pour éviter une récidive. Mais la reprise d’une activité sexuelle n’est pas contre-indiquée. Au contraire…

SWAZILAND LE ROI QUI A PEUR DU CHANGEMENT Prélude à une ouverture démocratique ou « poudre aux yeux »? Du 7 au 10 août, le dernier monarque absolu d’Afrique, le roi du Swaziland, Mswati III, a convoqué un « Sibaya », un parlement du peuple organisé dans un de ses nombreux palais. Le petit pays enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique aurait bien besoin de réformes: plongé dans la récession depuis 2011, il connaît une contestation inédite avec une grève

CONGOBRAZZAVILLE LE PCT CONFIRME Sans surprise, le Parti congolais du travail (PCT) dispose d’une large majorité à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour des élections législatives du 5 août. Après avoir obtenu 57 sièges dès le premier tour, il en a gagné 32 autres, selon les résultats définitifs. Soit un total de 89 députés sur 136 sièges. Avec ses alliés, la majorité est encore plus confortable : 117 députés.

des enseignants depuis plus de six semaines. Mais le discours du roi n’a montré aucune inflexion. « Certains Occidentaux espèrent que les gens du Swaziland se révoltent et provoquent un changement de régime. Les Swazis sont connus pour leur pacifisme et je veux vous exhorter à rester comme cela », a-t-il lancé, alors que le train de vie dispendieux qu’il mène avec sa douzaine d’épouses (entre virées à LasVegas et shopping en Europe) est de plus en plus mal toléré. ●

AFRIQUE DU SUD UN MODÈLE POUR HILLARY CLINTON Lors de l’étape sud-africaine, les 7 et 8 août, de sa tournée sur le continent, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, n’a pas manqué de rendre hommage à Nelson Mandela, l’homme qui a su pardonner, réconcilier et reconstruire. Elle a également exhorté l’Afrique du Sud à « influencer l’Afrique et le monde ». Un soutien de poids à la puissance qui tient à présent les commandes de l’Union africaine.

PIERRE BOISSELET

SOUDAN INFLATION, ATTENTION DANGER! La hausse des prix déjà record en juin (37,2 % par rapport à juin 2011) a atteint un nouveau sommet le mois dernier (41,6 %) au Soudan. Depuis l’indépendance du Soudan du Sud, en juillet 2011, Khartoum a perdu des milliards de dollars en revenus pétroliers. Au début du mois, huit personnes ont été tuées dans la province du Darfour au cours de manifestations de contestation contre le régime. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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Afrique subsaharienne Reportage

SOMALIE

Mogadiscio, un air de paix Après plus de vingt années de guerre civile, la capitale du pays semble revivre. L’armée du gouvernement, soutenue par les 17 000 hommes de l’Union africaine, a repoussé les milices Shebab. Un soulagement pour les habitants.

Texte et photos :

L

THOMAS DANDOIS , envoyé spécial

aéroport de Mogadiscio nedésemplitplusdepuis des mois. Businessmen à la recherche de nouveaux marchés ou exilés de retour au pays, ils sont plusieurs milliers chaque semaine à fouler son tarmac, accueillis par le vent tiède de l’océan Indien. La première chose qui frappe le visiteur, ce sont les sons. Le bruit des mitrailleuses et des explosions a cédé la place à la rumeur d’une ville active avec ses marchés, ses embouteillages et ses klaxons. La capitale somalienne tente de redevenir une métropole comme les autres. Au carrefour K4, les policiers municipaux ont repris du service. La plupart d’entre eux ont suivi des formations professionnelles en Ouganda, encadrés par des militaires européens ou américains. Dans leur uniforme tout neuf, ils tentent aujourd’hui de fluidifier le trafic de 4x4 et de minibus à grands coups de sifflet. Il y a souvent embouteillage. « Allez ! Allez, on avance », s’époumone le planton au milieu du brouhaha des moteurs. Il y a encore quelques mois, les rares véhicules civils qui se risquaient à sortir passaient ici à toute allure entre les blindés de l’Union africaine et les pick-up des miliciens qui montaient au front. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

« Avant, Mogadiscio était divisé et dangereux. Il était quasi impossible de circuler à cause des combats », explique le général Hassan, chargé de la police de cette partie de la ville. « Je suis très content de cette situation, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons toujours besoin d’aide internationale car nous sommes à court de matériel. Pas assez de voitures ni de motos », ajoute-t-il. À ces mots, le gradé se précipite pour sermonner un conducteur qui tentait de prendre une rue à contresens. Au loin, la silhouette de la cathédrale éventrée trône toujours au milieu d’un champ de ruines qui s’étendent à perte de vue. Mogadiscio reste une ville dévastée. Mais dans ce décor de fin du monde, les chantiers fleurissent un peu partout. Au milieu des gravats, leshommesdisposantdepellesetde bétonneuses s’activent. « On espère qu’ils ne vont pas tout détruire de nouveau, confie un ouvrier. Aujourd’hui, en tout cas, il y a du travail pour des hommes comme nous. Avant, on restait à la maison comme des femmes au foyer sans pouvoir nourrir correctement nos enfants. » Dans une autre rue, des femmes balaient le trottoir devant desmurscriblésd’impactsdeballes. Une petite vieille, voilée de noir, les

! DANS LE « QUARTIER ITALIEN », DES FEMMES ATTENDENT LE CORTÈGE

PRÉSIDENTIEL.

Une scène inimaginable il y a encore quelques mois.

mainspleinesdepoussière,raconte: « Autrefois, Mogadiscio était l’une des plus belles villes du monde. Il y avait des hôtels cinq étoiles, des touristes. Ils venaient du monde entier profiter de nos plages. Regardez ce qu’on est devenu. J’espère que ma ville va renaître. Avec l’aide de Dieu, c’est possible. » SOUS CONTRÔLE. Un homme passe à côté d’elle, traînant derrière lui son âne et sa charrette. Ali s’arrêtetouteslesdeuxminutespour livrer des pains de glace à ses clients. Il attrape le bloc à mains nues et l’installe dans de vieux frigos en panne. « Maintenant qu’il n’y a plus JEUNE AFRIQUE


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de combats, nous avons beaucoup plus de clients à livrer, explique-t-il. On travaille bien. Avant, on jouait notre vie aux dés tous les jours. Le matin,onévaluaitl’intensitédestirs. Celui qui décidait d’y aller n’était jamais sûr de rentrer le soir. » En poursuivant sa route, le livreur fait un signe amical à trois policiers assis devant le commissariat, qui a rouvertsesportesaprèsdeuxdécennies d’anarchie. À l’intérieur, un inspecteur enregistre en tapant à deux doigts sur une vieille machine à écrire la plainte d’un habitant du quartier. Une petite histoire de désaccord conjugal. « Il y a encore sept ans, c’était l’anarchie. Il y avait JEUNE AFRIQUE

tous les jours des meurtres, des viols, des pillages… Les truands n’étaient jamais inquiétés, raconte l’officier. Les gens ne peuvent pas vivre sans État. Maintenant qu’il y a des lois, ils peuvent venir nous

« Meurtres, viols, pillages… c’était l’anarchie. Maintenant, il y a des lois. » UN INSPECTEUR DE POLICE

présenter leurs problèmes. Et nous faisons tout pour être équitables. » Comme pour prouver que le quartier est entièrement sous contrôle,

l’inspecteur fait une petite promenade. Il y a quelques mois, cette route était une ligne de front. Elle est encore éventrée par de multiples tranchées. « Les Shebab ont creusé des tunnels pour accéder à notre camp. Ce fut un vrai carnage. On tiraitdanstouslessens»,sesouvient le gradé. Aujourd’hui, les tunnels ont été rebouchés, et la ligne de front repoussée à plus de quarante kilomètres à l’extérieur de la ville. DÉPLACÉS. Soudain, de jeunes

militants déboulent perchés sur des motos décorées d’affiches à l’effigie de Sharif Sheikh. Ils soutiennent le président, qui se présente ● ● ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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à l’élection du 20 août. Une première depuis plus de vingt ans, mais la campagne reste assez fantomatique. Les candidats sortent peu, craignant des attaques des Shebab, qui n’ont pas totalement décampé. Ce jour-là, les jeunes et un groupe de femmes espéraient apercevoir leur leader et entendre un discours sur une place publique. Ils ne verront qu’un cortège de véhicules blindés en route vers la Villa Somalia, le lieu de résidence des membres du gouvernement. Pour le futur président, la tâche semble immense. Il lui faudra, entre autres, reconstruire un véritable État, réconcilier les clans, relancer l’économie, attirer

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N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

les investisseurs étrangers et, surtout, améliorer la situation humanitaire. Le pays compte près de 1 million de personnes déplacées. À Mogadiscio, ils seraient près de 200 000 à vivre dans des camps sauvages souvent faits de cases de branches et de bâches en plastique. Plusieurs milliers d’entre eux ont trouvé refuge dans les ruines, où ils n’ont ni eau ni électricité. Abdi Nur, commerçant d’une cinquantaine d’années, tient une échoppe faite de taule ondulée en plein cœur de l’ancien quartier administratifitalien.Ilgagneàpeine de quoi nourrir sa femme et ses huit enfants. Il n’a pas les moyens de payer un loyer, alors il s’est installé

! LES COMMISSARIATS ONT ROUVERT

LEURS PORTES,

ici dans le quartier Abdulaziz. CE RETOUR

À LA SÉCURITÉ

permet à une ONG de financer le nettoyage des rues.

dans un bâtiment en partie démoli par les bombardements. Arrivé il y a plus de dix ans alors qu’il fuyait les combats de sa région, il n’a jamais trouvé mieux pour loger les siens. « J’aimerais vivre ailleurs. Mais je n’ai nulle part où aller, je n’ai pas le choix », se lamente-t-il. Sous les murs et le plafond fissurés, une dizaine de familles se partagent l’espace. Elles ont bricolé des abris avec des morceaux de couvertures, de ferraille et de plastique. En guise de lits, des matelas humides posés sur des morceaux de carton. Ali et les siens s’entassent dans 5 m2. « Cet endroit est très dangereux, raconte-t-il. Quand il pleut, nous sommes obligés de sortir car l’eau s’infiltre dans le béton, qui menace de rompre. Il y a quelques mois, un soir de pluie, un morceau de plafond s’est écroulé sur une famille. JEUNE AFRIQUE


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La maison juste à côté s’est écroulée il y a deux ans. Un homme est resté coincé. Nous n’avions aucun moyen de le sortir de là. Il est mort, sa maison est devenue son tombeau. » STIGMATES. Avec la paix, Abdi

Nur a retrouvé un peu d’espoir. Aujourd’hui, il lance un appel au

monde pour qu’il s’intéresse de nouveau à la Somalie après l’avoir oubliée pendant des années. « Nous avons tant besoin d’aide. » Dehors, un bulldozer s’attaque à un amoncellement de détritus dépassant les quinze mètres de haut. Des collines d’immondices comme celle-ci accumulées

! LES MILITANTS DU PRÉSIDENT DE TRANSITION,

SHARIF SHEIKH,

FONT CAMPAGNE.

L’élection du futur chef de l’État est prévue le 20 août.

pendant vingt années de guerre civile, il en existe des dizaines. Il faudra encore du temps avant que les habitants de Mogadiscio retrouvent une vie normale dans un pays en paix. Et déblaient les stigmates de la guerre civile. Le reste du pays est toujours en proie à des affrontements… ●

SOMALIE « NEW LOOK » RÉUNIS DEPUIS le 25 juillet, les 825 délégués de l’Assemblée constituante ont adopté une nouvelle Constitution le 1er août. Le texte prévoit que tous les citoyens, quels que soient leurs « sexe, religion, statut social ou économique […], doivent JEUNE AFRIQUE

avoir des droits et des devoirs égaux devant la loi ». C’est la première étape qui doit conduire à la fin de la période de transition entamée il y a huit ans. Un collège de chefs coutumiers doit à présent désigner les 225 parlementaires, qui à

leur tour éliront le nouveau président de la République de Somalie. La fin de ce processus est fixée au 20 août. Mais les Nations unies ont dénoncé un système de corruption au plus haut niveau impliquant notamment le président de

transition, Sharif Sheikh, et le Premier ministre, Abdiweli Ali Gas, pour la désignation de ces députés. La Somalie est livrée au chaos et à la guerre civile depuis la chute du président Mohamed Siad Barré, T.D. en 1991. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


Maghreb & Moyen-Orient

TUNISIE

Rached Ghannouchi « Islam et politique sont indissociables » Le très influent président d’Ennahdha prône le consensus autour d’une démarche participative pour remettre le pays sur les rails et se pose en héraut d’un islamisme empreint de modernité et d’humanisme.

Propos recueillis à Tunis par

E

FRIDA DAHMANI

n exil à Londres pendant plus de vingt ans, il est aujourd’hui l’homme le plus influent du pays. Malgré un contexte politique tendu et les difficultés rencontrées par le parti qu’il préside, Ennahdha, dans l’exercice du pouvoir, Rached Ghannouchi est en tête de tous les sondages de popularité. À 70 ans, ce natif de Ghannouch, près de Gabès, qui a été tenté par le nationalisme arabe dans les années 1960 avant de s’inspirer de Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, pour développer sa réflexion politique, a fait évoluer sa pensée au contact des démocraties durant son exil. Il porte désormais, dit-il, la vision d’un islam empreint de modernité. Reconduit à la présidence du parti en juillet 2012, c’est un leader qui prône le consensus autour d’une démarche participative pour remettre la Tunisie sur les rails. Il ne craint pas le débat et aborde ouvertement toutes les questions sensibles. Il a un temps d’avance sur les militants d’Ennahdha, qu’il prend souvent de court. Pour lui, pas question d’inscrire la charia dans la nouvelle Constitution, puisque l’article premier stipule que le pays est un État dont la religion est l’islam. Sur la question de la femme, Rached Ghannouchi, enjoué et sûr de son fait, se pose comme un défenseur de l’égalité des sexes et s’emploie à aplanir les dissensions. Certains soutiennent qu’il pratique un double discours ou encore une stratégie du ballon d’essai qui lui permet de sonder l’opinion pour mieux rectifier le tir ensuite. Mais, à entendre le cofondateur du Mouvement de la tendance islamique (MTI) devenu Ennahdha (« la Renaissance »), il n’y a pas lieu de craindre l’islamisme, puisque l’islam est liberté, tolérance, ouverture, modernité et politique. C’est un mouvement démocratique comme les autres. Il s’en explique dans le long entretien qu’il nous a accordé le 7 août. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

! AU SIÈGE DU ENNAHDHA, LE 7 AOÛT, À TUNIS. MOUVEMENT

ONS ABID POUR J.A.

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JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient JEUNE AFRIQUE : Vous affirmez que l’islam est indissociable de la politique. Qu’entendez-vous par là ? RACHED GHANNOUCHI: La politique tient compte

des préoccupations sociales, elle apporte des solutions concrètes aux problématiques socioéconomiques. L’islam est dans la même veine ; il n’a pas été révélé pour être relégué dans un coin entre les murs des mosquées, mais pour répondre avec précision aux questions posées par la société en matière de fonctionnement. Il lui importe que les gens mangent à leur faim, aient un toit et de quoi se vêtir. L’islam valorise l’humain, ne le réduit pas à un producteur de biens et services, et lui inculque des valeurs. Les croyants sont ainsi rassurés et savent que l’équité existe dans tous les domaines, aussi bien dans les mosquées que dans les sphères professionnelle, sociale et économique. À travers l’islam, la politique et l’économie sont moralisées. Aucune place n’est laissée aux dérives mafieuses ou autres. Les musulmans savent bien que l’islam est éminemment politique, mais il faut distinguer le culte de l’action partisane. Au bout du compte, l’islam, c’est la vie. Le modèle turc suscite votre enthousiasme, mais est-il exportable ?

Nos deux nations ont eu un parcours commun, des expériences similaires. Elles partagent des influences qui ont finalement créé des sociétés où islam et modernité sont en harmonie à juste titre. La Tunisie, avec ses spécificités, peut s’inspirer d’un modèle dont la réussite est une réalité. Existe-t-il, selon vous, des limites à la compatibilité entre islam et démocratie ?

Islam et démocratie ne sont pas opposés. L’espace de liberté aménagé par l’islam permet une expression de la démocratie, puisque chacun a voix au chapitre. Cette égalité est aussi porteuse de démocratie. Comment avez-vous vécu le 9e congrès d’Ennahdha (12-16 juillet) ?

Il est historique à plus d’un titre. C’est la première fois depuis vingt-deux ans que nous avons pu nous réunir tous ensemble. Nous étions auparavant éparpillés, soit en exil dans une cinquantaine de pays, soit enfermés dans une vingtaine de prisons. Le congrès a mis en évidence que nous ne faisions qu’un. Le mouvement Ennahdha est apparu fort, organisé,fédéré.Mêmeceuxquidansdesconditions particulières s’en étaient éloignés sont revenus. Tous les oiseaux sont retournés au nid ; plus personne n’est dehors. Vous avez été reconduit à la tête du parti, mais le conseil de la choura (instance consultative d’Ennahdha) désigné par le congrès est dominé par les radicaux. Faut-il voir dans ce vote la volonté JEUNE AFRIQUE

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Maghreb Moyen-Orient des militants de renforcer la représentativité de l’aile dure ?

C’est la démonstration de l’esprit démocratique du parti. Tout en étant traversés par différents courants, nous sommes unis en agissant de manière démocratique. Il faut savoir que les 1 103 participants à ce congrès général ont été élus, librement, à travers 260 assises organisées localement, régionalement et à l’étranger. Dans leurs conclusions, les congressistes, avec leurs votes, ont entériné le fait qu’Ennahdha est un mouvement démocratique, pacifique, favorable à un État civil, enraciné dans l’islam et la culture arabe, ouvert sur le monde et qui croit à l’approche participative, en l’égalité des sexes, d’où la participation active des femmes aux congrès. On a beaucoup parlé de la motion du congrès recommandant de criminaliser les atteintes au sacré. Quelle est votre position ?

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Il est tout aussi essentiel de respecter les libertés d’expression et de création que de respecter le sacré. Le congrès a souligné tous ces aspects. Le vivre-ensemble implique le respect ; chacun doit donc respecter le sacré de l’autre. Le sacré est évident, chaque peuple a le sien. Par sacré, nous entendons la croyance en Allah et en son prophète, ainsi que la sacralité du Coran. Ce sont nos valeurs sacrées en Tunisie.

la liberté se fait dans le désordre. Il y a une sorte de confusion entre la liberté et l’anarchie, entre la liberté et le déni de la liberté de l’autre ; là est la source de la violence. Il faut faire l’apprentissage de la liberté, qui est une pratique ; plus elle sera exercée, plus la violence reculera.

Khaled Mechaal [chef du bureau politique du Hamas palestinien] a présenté, lors de l’ouverture du congrès, une vision future du monde arabe. Il a décrit une région où les frontières seraient pratiquement levées. N’est-ce pas la vision d’une nouvelle Oumma ?

Comprendre ce qu’est vraiment la nature de l’islam, de quoi il est porteur, ce qu’il signifie, comment et où l’appliquer permet d’établir des priorités et de déterminer les actions immédiates et celles auxquelles on peut surseoir. Dans l’actuelle

Il voit le monde arabe comme une union comparable à celle de l’Europe ou des États-Unis. Faut-il que les Arabes soient les seuls à demeurer séparés? S’unir permet d’avancer.

Le projet d’Ennahdha accorde la priorité à la société par rapport à l’État. Et vous avez déclaré que « la question de l’islam relève de la société. Le rôle de l’État est de préserver la paix civile et de présenter des services ». Est-ce que c’est à la société d’imposer ses choix ? Quel serait alors le rôle des lois ?

Ce n’est pas à l’État d’imposer telle ou telle religion. La question de la religion est portée par la société; c’est en son sein que naissent les débats, et à chacun sa religion. La mission de l’État est d’offrir des services et d’en développer de nouveaux, il ne doit en aucun cas intervenir en matière de religion. C’est un choix qui relève de la société.

Ce débat débouche souvent sur de la violence…

La violence est le résultat de longues années d’oppression. On est passés de la prison à une totale liberté. La peur a disparu et l’expression de N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

Quelle est votre approche de l’ijtihad [l’effort d’interprétation des textes sacrés] ? Sur quelles problématiques pourrait-il apporter une évolution?

Le vivre-ensemble implique le respect; chacun doit respecter le sacré de l’autre. phase de transition, on doit prendre sur soi, ne pas exacerber les tensions. Nous sommes passés de cinquante ans de dictature à la démocratie. Ce n’est pas rien. Cela requiert de la patience et de l’abnégation. Êtes-vous favorable au moratoire sur les châtiments corporels proposé par Tariq Ramadan, prélude à une grande réforme sur le modèle de l’aggiornamento [actualisation par l’Église de sa doctrine pour la mettre en conformité avec la modernité] ?

Ce n’est pas d’actualité et ce n’est pas le moment. La manière de punir un voleur est un faux problème. Se demander s’il faut mettre en prison, couper la main ou fouetter n’est pas la question. Il faut d’abord se demander ce qu’il faut faire pour qu’il ne vole JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient d’éducation et de soins. N’y a-t-il pas là un désengagement de l’État ?

Rien ne remplace la famille. Le rôle de l’État est de veiller à ce que cette structure soit préservée. Il n’est pas question de sacrifier les enfants pour améliorer la productivité économique. En faisant des enfants, on prend une responsabilité, que l’on doit assumer jusqu’au bout. L’État doit aussi assumer ses responsabilités en mettant à disposition l’éducation et les soins pour les enfants. Il doit intervenir. Par exemple, on ne peut demander à une femme qui a six enfants d’aller travailler; il faut lui donner les moyens de les élever. On demande beaucoup aux femmes. S’agissant des femmes, un autre article les considère comme complément de l’homme. N’y a-t-il pas là un recul des acquis de la femme ?

pas, pour lui offrir un bon niveau d’éducation, un emploi et des conditions sociales et familiales dignes et décentes. Il ne s’agit pas de savoir comment châtier mais comment empêcher le crime. Il n’y a pas de sanctions idéales. Au fond, elles ne valent rien. Par expérience, je sais combien de dérives engendrent les prisons ; ce sont des écoles de développement du crime. Quel est votre message aux Tunisiens de culture musulmane qui réclament le droit de ne pas pratiquer, soit par choix, soit par incroyance ?

Ils sont libres ; il n’y a pas de rejet dans l’islam. C’est la religion de la liberté, ce n’est pas une religion de la provocation. Chacun est responsable face à son créateur. Qu’une personne jeûne ou non, cela ne regarde qu’elle et son engagement vis-à-vis d’Allah. Simplement, il faut que les non-jeûneurs respectent les pratiquants. Il arrive que des hôtes étrangers s’étonnent qu’on leur propose à boire durant le ramadan. Pourtant, cela ne pose aucun problème ; ils ne sont pas musulmans. Au fond, il y a une méconnaissance de l’islam. Il faut tenir compte de l’autre et être magnanime. Quelle est votre position par rapport à l’incroyance ? Peut-on être un bon citoyen tunisien tout en étant non pratiquant, voire athée ?

Tous les Tunisiens ne sont pas musulmans ; il y en a qui sont juifs ou chrétiens, mais tous les Tunisiens sont libres. Qu’en est-il des excommunications prononcées impunément par les salafistes ?

Elles n’ont pas lieu d’être ; aucun musulman ne peut en excommunier un autre. L’article sur le droit de l’enfant adopté par la commission droits et libertés de la Constituante donne pleins pouvoirs à la famille en matière JEUNE AFRIQUE

! APRÈS UN MEETING, le 20 octobre 2011, à Tunis, trois jours avant l’élection de l’Assemblée nationale constituante.

C’est un bon projet. Qui peut nier que la femme complète l’homme et réciproquement? La femme seule ne peut rien, l’homme non plus. L’homme et la femme sont indépendants mais se complètent comme les deux moitiés d’une fève. Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’égalité des sexes et la complémentarité. Chacun a besoin de sa moitié pour s’épanouir. Mais les femmes sont libres et responsables ; elles sont les égales des hommes. La prière d’une femme n’a pas moins de valeur que celle d’un homme, elles jeûnent de la même manière. Elles sont égales au regard de Dieu et de la loi, de la loi divine et de celle des hommes. Quel bilan tirez-vous de l’action gouvernementale?

Ce n’est pas facile. Le chemin est semé d’embûches. Le gouvernement le ressent au quotidien, mais il avance et affine son expérience pour plus d’expertise. Il commence à appliquer son programme et lance des projets. Le gouvernement a hérité d’une croissance négative, à – 1,8 %. On en est aujourd’hui à 2,5 %. Il faut qu’il lutte contre la corruption, concrétise la justice transitionnelle, accélère le jugement des procès des criminels, apure l’administration des corrompus. Vous affirmez la nécessité de nouer des alliances pour gouverner. Est-ce que vous remettriez sur pied une troïka à l’image de celle qui est actuellement au pouvoir? À quels partis élargiriez-vous cette coalition ?

La troïka est une base indiscutable, mais qui peut-être élargie, étoffée. Des discussions sont en cours avec des partis et des indépendants. Mais il n’y a encore rien de concret.

À force de parler de consensus pour éviter que le pays ne sombre dans l’anarchie, ne vide-t-on pas le consensus de son sens ?

La troïka est fondée sur un consensus ; tous les Tunisiens ne peuvent se ranger derrière un seul avis. Le consensus est dégagé par une majorité. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Maghreb Moyen-Orient Ennahdha ne veut pas diriger seule la Tunisie. Un consensus est nécessaire. La démocratie est comme une échelle, qu’on peut grimper ou de laquelle on peut redescendre au gré des urnes. C’est ainsi, et personne n’y déroge.

Maghreb arabe. La dictature bloquait ces projets, les combattait même, car une dictature ne peut fédérer, contrairement à la démocratie. Quand celle-citraduitunevolontéréelle,touslesproblèmes peuvent être résolus par le biais du dialogue.

Que pensez-vous du refus de l’Arabie saoudite d’extrader Ben Ali ?

Le rôle du Qatar dans le Printemps arabe et ses desseins réels font l’objet de nombreuses interrogations. On lui reproche notamment son ingérence dans la révolution tunisienne. Quels rapports entretient Ennahdha avec Doha ?

Tous les Tunisiens veulent le voir dans le box des accusés. Nous désapprouvons la position de l’Arabie saoudite et ne cesserons de réclamer Ben Ali via Interpol. C’est un criminel.

Pourtant, nous sommes colonisés économiquement par l’Europe, avec laquelle nous réalisons 83 % de nos échanges. Ce qui est très loin d’être le cas du Qatar, qui n’a ni armée ni velléités coloniales. En revanche, le Qatar a contribué à la révolution par le soutien médiatique d’Al-Jazira. Il est de fait partenaire du Printemps arabe. Nous le respectons pour cela et lui savons gré de son appui économique. Il soutient plusieurs grands projets,

Comment concilier l’exclusion des anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir) avec la justice transitionnelle et la réconciliation nationale ?

Pourquoi alors avoir fait une révolution ? Nous sommes opposés au retour des anciens du RCD et de ses chefs. Ben Ali n’était pas seul. Il avait l’appui de tout un système, depuis les comités de coordination jusqu’au bureau politique. Nous demandons des comptes aux responsables, mais il ne s’agit pas d’une sanction générale ou judiciaire. Peu d’entre eux sont en prison. C’est une sanction politique au regard de la responsabilité de chacun. Tel est le principe de cette exclusion.

L’Amérique a compris qu’il fallait inclure les islamistes modérés dans les processus démocratiques.

Croyez-vous à Grand Maghreb politiquement viable ? Y a-t-il une solution au différend algéromarocain ?

Bien entendu. La révolution a ouvert un chapitre et réactivé des projets dormants comme l’Union du

TRIBUNE

EMNA MNIF Universitaire, militante politique

dont la raffinerie de la Skhira, le développement du complexe sucrier, l’extraction des phosphates à Sra Ouertane, et un village touristique à Tozeur. Qu’avons-nous à craindre de lui ? Mais il n’y a pas que le Qatar; notre politique d’ouverture inclut aussi les pays du Golfe. Les Européens et les Occidentaux,

La révolution pervertie

Opinion ns & éditoriaaux

L ONS ABID

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A TUNISIE RICHE de son histoire est dépouillée de sa mémoire. LaTunisie de Didon, fondatrice de Carthage, celle de la Kahena, guerrière berbère, laTunisie des mouvements réformateurs aux racines profondes qui ont jeté les bases de la sécularisation de l’État et de la citoyenneté, inscrites dans l’abolition de l’esclavage en 1846, dans le Pacte fondamental (Ahd el-Aman) de 1857 et dans la première Constitution de 1861, la Tunisie d’Abdelaziz Thaalbi et de Tahar Haddad, deTawhida Ben Cheikh, Bchira Ben Mrad, Hassiba Ghileb et j’en passe… Cette Tunisie-là n’aurait pas pu revenir sur un

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

débat d’arrière-garde sur les « droits » et les « acquis » de la femme si la mémoire historique n’avait été gommée par les régimes successifs. L’article 27 de la Constitution, fondatrice de la IIe République, adopté par la majorité des élus de la commission droits et libertés de la Constituante, stipule: « L’État assure la protection des droits de la femme et de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l’homme au sein de la famille et en tant qu’associée à l’homme dans le développement de la patrie. L’État garantit l’égalité des chances pour la femme dans

toutes les responsabilités. L’État garantit la lutte contre les violences faites aux femmes, quelle qu’en soit la sorte. » La voie empruntée par la Constituante, à majorité relative islamiste, s’apparente à une revanche sur l’histoire contemporaine récente qu’on voudrait incarnée par la seule personne de Habib Bourguiba, premier président de laTunisie indépendante. Cette voie fait fi d’un processus inscrit dans l’histoire particulière du pays et dans son identité singulière. La stigmatisation de la femme et du code du statut personnel, dont laTunisie s’est dotée au lendemain de l’indépendance, en JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

FETHI BELAID/AFP

L’Amérique d’Obama a-t-elle passé une sorte de « pacte » avec les islamistes du monde arabe, notamment pour neutraliser le djihadisme ?

pour surmonter la crise et sauver leur économie, s’adressent bien aux fonds souverains du Golfe. Ne sommes-nous pas plus proches ? Ne sommesnous pas du même monde ? Ils sont musulmans et arabes comme nous.

! AVEC ISMAÏL HANIYEH, dirigeant du Hamas palestinien et Premier ministre de la bande de Gaza, le 5 janvier, devant l’aéroport de Tunis-Carthage.

Quelle est, selon vous, la position que devrait occuper la Tunisie dans l’environnement araboméditerranéen ?

La Tunisie est dans le peloton de tête des pays arabes. La révolution en a fait une sorte de portedrapeau. Le pays a tous les atouts pour avoir un rôle central, politiquement et économiquement, dans la sphère arabo-méditerranéenne. L’intérêt des opérateurs arabes pour le tourisme et l’investissement en Tunisie le prouve.

1956, n’est rien d’autre que la remise en question du processus émancipateur et de modernisation de la société tunisienne, une offensive contre un modèle sociétal qui a fait l’exception tunisienne dans l’environnement maghrébin et arabo-musulman. Elle s’organise dans l’occultation du caractère subversif de la

La Constituante a remis en question un modèle sociétal qui a fait l’exception tunisienne. Révélation et de la portée progressiste des enseignements de l’islam appréhendés à travers sa contextualisation et le prisme de l’historicité. Il ne s’agit pas d’une atteinte aux acquis des seules femmes JEUNE AFRIQUE

Chacun cherche ses intérêts. Les États-Unis, après avoir longtemps été les partenaires des dictatures, ont compris que cela ne faisait qu’encourager l’extrémisme. Ils ont donc décidé d’appuyer la démocratisation pour combattre le terrorisme. Les islamistes n’ont pas été créés par les États-Unis ; ils sont nés de nos terroirs. L’Amérique a compris qu’il fallait inclure les islamistes modérés dans les processus démocratiques; ils sont venus vers nous et ont revu leur politique de croisade. Comment avez-vous vécu votre retour en Tunisie?

Comme une renaissance.

Beaucoup laissent entendre que vous êtes l’homme fort du pays ; quel est votre rapport au pouvoir ?

Quand il émane des urnes, donc du peuple, le pouvoir est en chacun de nous et chacun se retrouve dans le pouvoir. Ce n’est pas un corps étranger. Le Tunisien est dans cet état d’esprit, car le pouvoir n’a pas été pris mais donné par le cœur des gens. Que souhaite Rached Ghannouchi ?

Personnellement, mourir en bon musulman. Plus largement, je souhaite que notre révolution réussisse et qu’elle soit un exemple dans le monde arabe. Je souhaite aussi que le monde soit libéré des inégalités, de l’injustice, de la corruption, de la colonisation, surtout celle de la Palestine, de la pauvreté et des grandes maladies. ●

tunisiennes, mais également à ceux de la famille et, plus largement, d’une société valorisant l’individu, sans distinction de genre ou de condition, élevé au rang de citoyen, souverain et responsable, placé au centre du processus de fondation de l’État démocratique. Lequel est édifié sur la base de l’institutionnalisation des pouvoirs et de la séparation du temporel et du sacré. Cette offensive relègue la femme à la condition de mineure et de minorité – alors qu’elle représente plus de la moitié de la population –, la définit par rapport à l’Autre masculin et la dépouille de son identité propre et de sa citoyenneté. Mais la citoyenneté et l’individu sont uns et indivisibles et ne

s’accommodent pas de discrimination de genre, de race ou de religion devant la loi. En définitive, les élus du peuple à la Constituante, responsables de l’accomplissement du processus révolutionnaire initié par ce même peuple avec comme mots d’ordre travail, liberté et dignité, sont en passe de pervertir la révolution et de l’écarter de ses objectifs. Par l’instrumentalisation idéologique de la légitimité électorale et en contradiction avec toutes ses promesses de campagne, la majorité islamiste met en péril les fondements de l’État moderne, l’écarte de l’idéal démocratique qui a habité son peuple et menace les aspirations de celui-ci à la liberté et à la dignité. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Maghreb Moyen-Orient SYRIE

Tentations kurdes Profitant du retrait de l’armée loyaliste, les forces kurdes se sont emparées de plusieurs villes frontalières avec la Turquie. Et caressent le rêve, sinon d’une indépendance, du moins d’une autonomie sur le modèle irakien.

A

lors que tous les regards sont – le Gouvernement régional du braqués sur le combat vital Kurdistan (GRK) dirige une entité semique le président Bachar alindépendante dans le nord de l’Irak qui Assad livre à ses ennemis de regroupe environ 5 millions d’habitants. l’intérieur et de l’extérieur, les Kurdes Sa capitale est Erbil. Son chef, le président Massoud Barzani, a été élu pour la preont saisi l’occasion pour accélérer leur agenda politique. Profitant du retrait de mière fois en 2005 et réélu en 2009. Cette l’armée loyaliste, les forces kurdes se sont enclave autonome est née des longues récemment emparées de cinq villes dans guerres livrées aux Kurdes par l’ex-dicle nord de la Syrie, le long de la frontière tateur irakien Saddam Hussein. Dans sa forme actuelle, le GRK s’est constitué turque, où ils sont majoritaires. après la première guerre du Golfe de Une situation qui a réveillé de vieilles peurs en Turquie comme en Irak et suscité 1991, quand Washington a imposé une la joie discrète d’Israël, qui entretient zone d’exclusion aérienne sur le nord depuis longtemps des relations officieuses de l’Irak. Il s’est renforcé à la faveur de la restructuration du pays sur la base d’un avec les Kurdes et accueille avec plaisir État fédéral constitué d’entités kurde et toute évolution susceptible d’affaiblir ou de démembrer la Syrie. La scène politique arabe séparées après l’invasion de l’Irak kurde est d’une grande complexité, mais, par les États-Unis et la Grande-Bretagne, dans le contexte actuel, certaines forces en 2003. autonome du Kurdistan pouvait mainteméritent d’être plus particulièrement nant voir le jour dans le nord de la Syrie évoquées : BAGDAD INQUIET. C’est dans ce contexte sur le modèle de celui créé dans le nord – le Parti de l’union démocratique que le président Barzani a négocié, le de l’Irak. Hiwa Osman, un journaliste (PYD), fondé en 2003 et dirigé par Salih 11 juillet, l’alliance entre le PYD et le kurde, écrivait le 23 juillet dans l’édition Muslim Mohamed, est de anglaise du journal kurde loin le groupe le plus puisirakien Rudaw : « La région Zones de peuplement à majorité kurde sant en Syrie. Armé et diskurde de Syrie ? Une réelle cipliné, il n’a jamais hésité possibilité. Le moment est Kamechliyé TURQUIE à user de la force contre ses venu de la déclarer ! » Le rivaux et ses opposants ; journaliste turc Mehmet Ali Al-Haseke – le Conseil national Birand allait encore plus loin Alep Raqqa kurde (CNK), constitué en avançant qu’« un mégaJesser Shoghour en octobre 2011, est une État kurde est en passe Lattaquié alliance politique large d’être créé », qui relierait les Baniyas Deir ez-Zor Hama Mer IRAK (essentiellement non enclaves kurdes de Turquie, SYRIE Méditerranée Homs armée) de onze partis ou d’Irak et de Syrie. Tripoli Palmyre factions kurdes de Syrie ; La Turquie est alarmée LIBAN Beyrouth – le Parti des travailleurs par une telle résurgence des Saïda du Kurdistan, ou PKK, orgaambitions expansionnistes Damas nisation radicale kurde de kurdes. Le Premier ministre Haïfa Turquie engagée dans une Recep Tayyip Erdogan a ISRAËL Irbid Deraa 100 km lutte armée pour l’indépenaccusé Damas d’avoir confié JORDANIE PALESTINE dance avec l’État turc depuis au PKK la « garde » du nord plusieurs décennies. Ankara de la Syrie et a averti que considère le PKK comme une organisation CNK, leur confiant la responsabilité son pays « ne resterait pas passif » face à terroriste et bombarde régulièrement ses conjointe de la bande frontalière entre une évolution si défavorable de la situabases clandestines dans les monts Qandil, la Syrie et la Turquie, le PYD dirigeant les tion. « La Turquie est prête à exercer son en Irak. Le PYD syrien est étroitement lié opérations. Bien sûr, ces événements ont droit de poursuivre les rebelles kurdes à attisé les ambitions de certains militants au PKK, certains assurant même qu’il en l’intérieur de la Syrie si nécessaire », a-test la vitrine politique ; kurdes, convaincus qu’un gouvernement il déclaré. Erdogan ne peut tolérer l’idée SOURCE : FABRICE BALANCHE

BENJAMIN HILLER/CORBIS

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JEUNE AFRIQUE


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! MILICIENS KURDES devant un point de passage récemment installé près de la ville de Kobani, dans le nord de la Syrie.

que le PKK se constitue un havre sûr dans le nord de la Syrie d’où ses combattants pourraient s’infiltrer en Turquie. Il a d’ailleurs dépêché à Erbil son ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, pour demander à Massoud Barzani – sans doute avec fermeté – à quoi il jouait. La presse turque spécule fiévreusement sur les desseins d’Erdogan, à qui l’on prête l’intention d’attaquer le nord de la Syrie pour y créer une zone tampon, avec le double objectif de vaincre et de disperser les forces kurdes syriennes, et d’y créer un point d’appui ou un « périmètre de sécurité » pour les rebelles syriens. Si Bachar al-Assad a décidé de retirer ses troupes de la région frontalière kurde, c’est pour trois raisons : il a besoin d’hommes pour défendre Damas et Alep; il veut punir Erdogan pour son soutien à l’opposition syrienne ; et il cherche à se concilier les Kurdes et à les dissuader de se joindre à la rébellion. Il a en fait commencé à les courtiser il y a plusieurs mois en accordant, par décret présidentiel, la citoyenneté syrienne à des dizaines de milliers d’entre eux. Une mesure que les Kurdes de Syrie attendaient depuis plus d’un demi-siècle. De son côté, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki observe évidemment la JEUNE AFRIQUE

crise syrienne avec anxiété. La chute d’Assad et son remplacement par un régime islamiste pourraient ranimer l’espoir de la communauté sunnite minoritaire en Irak – et de ses alliés d’Al-Qaïda – de renverser Maliki et l’alliance chiite. Autre motif d’inquiétude : le possible afflux de milliers de militants kurdes en Irak viendrait renforcer les prétentions kurdes sur Kirkouk et son pétrole.

Pour nous autres Kurdes, ce n’est pas si important. Ce qui importe, c’est que nous affirmions notre existence », assure-t-il. Les Kurdes de Syrie ne s’attendent pas à gagner leur indépendance. Ils savent qu’une telle ambition n’est pas réaliste, les enclaves kurdes étant trop dispersées dans le pays. Ils aspirent cependant à une large autonomie qui mettrait un terme à leur discrimination et garantirait leurs droits, aussi bien politiques que culturels. Le Premier ministre turc accuse Erdogan observe attenDamas de leur avoir confié la tivement la manière dont « garde » du nord du pays. le PYD et le CNK gouvernent les villes kurdes CHAUDRON. Reste à savoir quels sont les qu’ils contrôlent désormais à la frontière objectifs des Kurdes. Malgré les concessyrienne. S’ils se tiennent tranquilles, il sions faites par Assad, ils n’ont aucune n’interviendra pas. Mais s’ils se mettent sympathie pour lui. Mais ils n’apprécient à envoyer des combattants en Turquie, pas plus l’opposition. Le PYD est hosle Premier ministre turc sera amené à tile au Conseil national syrien (CNS), réagir avec force. Pour sa part, le PKK a qui siège en Turquie et qu’il considère prévenu qu’il allait transformer « tout comme un pantin des Turcs. De manière le Kurdistan en zone de guerre » en plus générale, le mouvement national cas d’intervention turque. Un facteur kurde, essentiellement laïc, a été longmajeur d’instabilité vient donc s’ajouter temps en conflit avec les Frères musulà une situation régionale déjà volatile. mans syriens et redoute leur arrivée au Le chaudron kurde bouillonne. Et tout pouvoir à Damas. Le chef du PYD, Salih le périmètre risque d’être ébouillanté Muslim Mohamed, est plus philosophe : s’il venait à déborder. ● « Les pouvoirs à Damas vont et viennent. PATRICK SEALE N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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Maghreb Moyen-Orient ÉGYPTE

Morsi contre les djihadistes Après l’attaque meurtrière contre ses troupes à la frontière avec l’État hébreu, Le Caire a aussitôt riposté en lançant une opération militaire contre les islamistes radicaux dans le Sinaï.

«

N

ous jurons au nom de Dieu que nous allons les venger. […] Toute personne en lien avec les groupes qui ont visé ces derniers mois nos troupes dans le Sinaï va le payer cher, qu’elle soit en Égypte ou à l’étranger. » Après ce communiqué cinglant du Conseil suprême des forces armées (CSFA), l’étatmajor égyptien n’a pas tardé à agir. Le 8 août à l’aube, des appareils de l’aviation ont pilonné plusieurs positions de djihadistes présumés, tuant une vingtaine d’entre eux. Ces frappes sont une première réponse à la mort de seize gardesfrontières, le 5 août, dans l’assaut du poste militaire de Karm Abou Salem, jouxtant Israël et la bande de Gaza, dans le nord du Sinaï. Vêtus d’habits bédouins, une trentaine d’hommes lourdement armés ont attendu que les soldats et les officiers égyptiens

converties à l’islamisme radical. D’après les renseignements militaires israéliens, alertés de l’imminence d’une attaque, ses auteurs seraient des « éléments du djihad mondial basés dans le Sinaï ». Mohamed Morsi a rapidement pris la mesure de la situation, décrétant trois jours de deuil national pour les « martyrs et les blessés du Sinaï ». Dans une allocution solennelle retransmise à la télévision, le président égyptien a précisé que des « instructions claires » avaient été données à ses forces pour reprendre

prennent l’iftar, le repas marquant la fin du jeûne de ramadan, pour les attaquer par surprise. En l’espace de quelques minutes, le commando s’empare de deux blindés et fonce vers le territoire israélien, couvert par le feu nourri Israël pourrait accepter un d’obus de mortier qui s’abattent sur redéploiement de l’armée le kibboutz Kerem Shalom. Après égyptienne dans la péninsule. avoir traversé sans encombre la clôture frontalière, l’un des véhicules le contrôle de la péninsule. Ces derniers est pulvérisé par le missile tiré depuis un hélicoptère israélien. Huit assaillants mois, après plusieurs embuscades meurpérissent dans cette audacieuse tentative trières menées à la frontière israélienne, d’infiltration. l’armée égyptienne y avait déployé sept Iln’empêche,cetincidentdanslapéninbataillons, tout en évitant soigneusement sule, le plus grave depuis la signature de se frotter aux insurgés. des accords de paix israélo-égyptiens en 1979, ne surprend personne. Dix-huit LE HAMAS SOUS PRESSION. Le noumois après la chute de Hosni Moubarak, vel homme fort du Caire, issu des Frères ce territoire aride et montagneux de musulmans, se retrouve confronté à sa 60 000 km2 continue d’être le repaire de première crise sécuritaire. Contraint d’agir tribus bédouines sans foi ni loi, parfois avec fermeté, il pourrait, à son corps défendant, permettre à l’armée de retrouver toute son influence, au risque de voir L’attaque du 5 août à la frontière entre les deux pays sa position affaiblie. Parallèlement, une SYRIE IRAN reprise en main du Sinaï pourrait obliger Israël à accepter un redéploiement perIRAK manent de l’armée égyptienne dans la Tel-Aviv JORDANIE JORDANIE JORDAN DAN péninsule – aujourd’hui démilitarisée –, accélérant de facto un amendement du traité de paix entre les deux pays. Signe ARABIE ARA Cisjordanie des temps: deux chasseurs-bombardiers SAOUDITE SAO égyptiens auraient été stationnés dans l’aérodrome d’El-Arich, à quelques encablures de la frontière avec l’État ÉGYPTE Bande de Gaza hébreu.Unepremièredepuislaguerre du Kippour, en 1973. Enfin, Morsi pourrait accroître la Rafah pression sur ses « frères » du Hamas El-Arich palestinien,aupouvoiràGaza.D’après ISRAËL les premiers éléments de l’enquête, le commando bédouin a bénéficié de Poste militaire SOUDAN l’appui de militants salafistes présents JORDANIE de Karm Abou Salem dans le sud de l’enclave palestinienne. Désormais,pournepass’attirerlesfoudres du Caire, le Hamas devra montrer qu’il ÉGYPTE contrôle son territoire. Le mouvement 100 km islamiste a d’ailleurs ordonné la fermeture ÉTHIOPIE ÉTH temporaire des tunnels de contrebande à Rafah, à la frontière égyptienne. ●

Péninsule

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MAXIME PEREZ, à Jérusalem JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES

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ISLAMISME

! TROIS PARTIS se sont regroupés au sein de l’Alliance de l’Algérie verte. Sans succès.

L’exception algérienne Groggys après leur déroute aux législatives, les fondamentalistes font mine de préparer les municipales de novembre, mais le cœur n’y est plus. Quant aux maquisards, ils se consolent avec les victoires de leurs « frères » au Mali.

T

rois mois après leur cinglante défaite aux législatives du 10 mai dernier, les islamistes algériens, partis politiques ou groupes armés, vont de déconvenues en déboires. Convaincus qu’ils allaient l’emporter, à l’instar de leurs « frères » tunisiens, marocains et égyptiens, les partis fondamentalistes n’arrivent toujours pas à digérer leur déroute: démissions en chaîne, directions contestées, multiplication de déclarations contradictoires. Quant aux djihadistes, leurs derniers faits d’armes ont eu lieu… au Mali, où ils ont enfin réussi à s’emparer d’un « territoire imprenable ». Dans leur fief kabyle, en revanche, l’essentiel de l’activité s’est mué en grand banditisme : kidnappingderiches commerçantslibérés contre rançon, racket d’automobilistes à de faux barrages sur les routes escarpées du Djurdjura, descentes musclées dans les bars clandestins… JEUNE AFRIQUE

composée d’éléments maliens et mauritaniens récusant la suprématie des émirs algériens. FIN DE CYCLE. Politique ou militaire, la

mouvance fondamentaliste algérienne, qui avait failli il y a une vingtaine d’années emporter le système en place, est Si Abdelmalek Droukdel, alias Abou en piteux état, alors qu’elle prospère Mossab Abdelwadoud, émir natioailleurs dans la région. Politologues et nal d’Al-Qaïda au Maghreb islamique chancelleries multiplient les tentatives (Aqmi), est encore l’ennemi public d’explication de ce paradoxe. Exception numéro un, il n’est plus le cauchemar de la République ; il n’est plus en mesure algérienne, pour reprendre une formule de menacer ses institutions ni de monen vogue ? « C’est un phénomène de ter une grande opération terroriste. mode en fin de cycle », assurent les uns, quand d’autres avancent l’argument de la faillite du Deux explications : la faillite du leadership local ou encore leadership local et une mauvaise le choix d’une mauvaise stratégie électorale. stratégie électorale. Sur le plan politique, les formations islamistes se déclinent en cinq Comble de l’humiliation : le dernier partis agréés: le Mouvement de la société attentat-suicide en date (une attaque à pour la paix (MSP, de Bouguerra Soltani), la voiture piégée, le 29 juin 2012, contre le commandement de la gendarmeEnnahda (de Fateh Rebaï), El-Islah (prérie de Ouargla, dans le sud du pays) sidé par Hamlaoui Akkouchi), le Front a été revendiqué par le Mouvement pour la justice et le développement (FJD, pour l’unicité et le jihad en Afrique de d’Abdallah Djaballah) et le Front du chanl’Ouest (Mujao), une dissidence d’Aqmi gement (FC, une dissidence du MSP que N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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Maghreb Moyen-Orient dirige Abdelmadjid Menasra). Les trois premières formations se sont regroupées pour créer l’Alliance de l’Algérie verte (AAV). Cette dernière et les deux autres partis totalisent 58 députés dans un hémicycle qui en compte 462. C’est dire la bérézina pour ce qui était la deuxième force politique du pays. DISPERSION. Mais,auxyeuxdesislamistes,

cette débâcle électorale ne peut être que le résultat d’une fraude massive. C’est pourquoi les chefs de l’AAV attendaient avec impatience la publication du rapport de la mission des observateurs européens. Grandefutleurdésillusionquand,le6août, l’Espagnol José Salafranca, chef de ladite mission, a rendu publique la teneur du document.Silesscrutateurseuropéensont relevé des insuffisances dans l’organisation des opérations de vote et émis 31 recommandationspouraméliorerlatransparence du scrutin, la régularité de l’élection ne fait pas l’ombre d’un doute. Pis: la victoire du FLN s’explique, selon le rapporteur, par la multiplication de l’offre politique et l’émiettement des voix. Autrement dit, les islamistes n’avaient qu’à ne pas y aller en rangs dispersés. Fureur de Bouguerra Soltani,quiremetenquestion«l’objectivité des Européens, dont certains, à l’instar des Espagnols, se sont publiquement félicités de la défaite des partis islamistes ». Son partenaire d’El-Islah, Hamlaoui Akkouchi, va plus loin, accusant les observateurs européens de « complaisance, voire de complicité avec le pouvoir ». Akkouchi n’a cependant pas manqué de prendre en considération les

Nombre de députés islamistes (sur 462, au total)

404

47

Alliance de l’Algérie verte (MSP, Ennahda, El-Islah)

4

7

Front pour la justice et le développement

Front du changement

remarques du rapport, appelant « l’ensemble des forces islamistes à rejoindre l’Alliance à l’occasion du prochain rendez-vous électoral : les municipales du 29 novembre 2012 ». Mais les deux autres formations islamistes ont d’autres soucis. Abdelmadjid Menasra, ex-ministre de l’Industrie et chef du FC, est encore groggy après sa déroute dans son propre fief, Blida. Abdallah Djaballah s’est vu reprocher par ses huit députés sa stratégie de boycott des instances de l’Assemblée populaire nationale (APN) qui les a privés d’une participation aux commissions et donc des juteuses promesses de per diem.

Dissous par la justice en mars 1992, le Front islamique du salut (FIS), matrice de l’islamisme armé, a perdu de son aura et de son influence. Autrefois icône des « mosquées libres », le prêcheur Ali Belhadj, ex-numéro deux du FIS, est aujourd’hui indésirable dans les quartiers, où les jeunes lui interdisent d’occuper le minbar (tribune d’où est prononcé le sermon du vendredi). Actif dans les réseaux sociaux, présent à Genève, Londres ou Doha, le FIS dispose d’une chaîne de télévision, Al-Magharibia (à ne pas confondre avec la marocaine Al Maghribia) basée à Londres et dirigée par Oussama Madani, fils d’Abbassi, président-fondateur du Front. Reste les maquis islamistes. De l’aveu même de Dahou Ould Kablia, ministre de l’Intérieur, « il est difficile de quantifier avec exactitude les effectifs des groupes armés dans les maquis ». Il a toutefois précisé, le 5 août, à l’occasion du forum hebdomadaire organisé par le quotidien algérois Liberté, que l’islamisme armé a perdu de ses capacités de nuisance, notamment en milieu urbain. Est-ce à dire que l’islamisme n’a plus d’avenir en Algérie ? Rien n’est moins sûr. Car si le vote islamiste a enregistré un net recul, le regain du phénomène religieux est bien réel ; la fréquentation des mosquées est en augmentation, et l’Algérienne, même si elle prend de plus en plus de place dans la sphère économique et dans l’espace public, est généralement voilée. Visiblement, l’Algérien semble durablement fâché avec son barbier et son rasoir. ● CHERIF OUAZANI

Coulisses PALESTINE RENDEZ-VOUS À L’ONU Le 4 août, Riad el-Malki, ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, a confirmé que la Palestine ira chercher sa reconnaissance comme État observateur non membre de l’ONU en la soumettant au vote de l’Assemblée générale qui ouvre sa session le 18 septembre. L’an N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

dernier, sa tentative d’être reconnue comme État membre à part entière par le Conseil de sécurité s’était heurtée à la menace de veto brandie par les États-Unis. BAHREÏN MÉDECINS REBELLES Quinze policiers vont être poursuivis pour torture après une plainte déposée par autant de médecins, a indiqué le procureur

général de Bahreïn, le 6 août. Poursuivis pour soutien au mouvement de contestation qui touche le royaume depuis février 2011, les médecins affirment avoir été l’objet de mauvais traitements pendant leur détention. MAURITANIE ON GARDE SENOUSSI Abdallah Senoussi, ancien chef du renseignement de Kaddafi, « doit être

d’abord jugé par la justice mauritanienne », a déclaré, le 6 août, Mohamed Abdelaziz, président de la Mauritanie, où le Libyen avait été arrêté en mars. Paris,Tripoli et la Cour pénale internationale demandent son extradition, mais il est poursuivi à Nouakchott pour « présence illégale sur le territoire avec de faux documents d’identité ». JEUNE AFRIQUE


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! L’EX-PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE TRANSITION

FRANÇOIS LAFITE/WOSTOK PRESS

(CNT), lors d’une conférence de presse à l’Élysée, à Paris, le 1er septembre 2011.

LIBYE

Mustapha Abdeljalil

héros malgré lui Un mois après les premières élections démocratiques de l’histoire du pays, celui qui a dirigé la rébellion contre Mouammar Kaddafi – et mené à son terme la transition – tire sa révérence. Détails inédits sur son parcours et portrait-bilan. YOUSSEF AÏT AKDIM

P

résident de transition, Mustapha Abdeljalil a transmis le pouvoir, le 8 août, au Congrès national général (CNG, Parlement), élu le 7 juillet. Figure consensuelle pendant la révolution, il ne fait cependant plus l’unanimité. Imam

JEUNE AFRIQUE

défroqué pour les uns, versatile et faible pour les autres, il tire sa révérence après avoir incarné pendant dix-huit mois la Libye post-Kaddafi. Abdeljalil est un homme discret, de taille moyenne, plutôt solitaire. Un rare sourire éclaire son visage en ce 12 septembre 2011. Trois semaines plus tôt, les rebelles du Conseilnationaldetransition(CNT) donnaient l’assaut contre Tripoli, restésouslecontrôledeMouammar Kaddafi. Pour la première fois, le président du CNT s’adresse donc au peuple de la capitale, massé sur la place des Martyrs. Rebaptisée par la révolution, l’ex-Place verte était le haut lieu des parades de l’ancien régime. Jusque-là, le CNT

était encore associé à la Cyrénaïque, la région de l’Est où Abdeljalil et la révolution sont nés. Président éphémère d’une révolution chaotique et intrépide, le fils d’El-Beïda, ancien footballeur et juge très pieux, ne s’était certainement pas imaginé pareil destin politique. FOOTBALLEUR. Né en 1952 au

sein, selon ses dires, d’une famille conservatrice de la tribu des Braassa (la même que celle de Safia Kaddafi, épouse de l’ex-« Guide »), Abdeljalil n’a qu’une passion durant toute sa jeunesse : le foot. Capitaine de l’équipe El-Akhdar d’El-Beïda, ce milieu de terrain était réputé très physique, « dur sur l’homme ». N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


Maghreb Moyen-Orient Libye Tout le contraire de son tempérament politique. Abdeljalil n’élève que rarement la voix. La colère ou l’agacement s’expriment chez lui par la sécheresse du ton. Derrière la façade de la politesse, ses mots claquent, précis, chirurgicaux. Les manières d’un juge, habitué à se faire entendre et respecter. Dans ses discours de réconciliation, Abdeljalil n’oublie de citer personne, ni les noms des villes où les combats ont fait rage durant six mois, ni les femmes qui ont payé un lourd tribut à la révolution, ni les supporteurs de football qui ont allumé l’étincelle de la révolte. Le 16 février 2011, celui qui était ministre de la Justice s’envole sans lettre de mission pour la Cyrénaïque, alors en ébullition. La veille, à Benghazi, les forces de sécurité de Kaddafi avaient multiplié les arrestations préventives. Solidaires, de jeunes supporteurs de football prévoient de manifester, après le match amical qui oppose son club fétiche aux Soudanais d’El-Merrikh.

LEADER. Le 18 février, Abdeljalil est

convoqué à une réunion de crise du gouvernement. Il décide de s’y rendre pour officialiser sa démission, avec dans la poche les dix-sept certificats de décès des deux jours précédents. À Mahmoudi, il raconte toutes les scènes dont il a été témoin laveilleetluiannonce:«Cen’estpas un honneur de continuer à travailler avec vous. » Le Premier ministre a-t-il reçu le message ? En tout cas, il le charge d’une dernière mission de réconciliation et promet la fin de la répression. Un avion est mis à sa disposition. Abdeljalil s’arrête chez lui, récupère quelques économies

(15 000 euros) et s’envole pour sa ville natale. Il ne reverra plus Tripoli pendant de longs mois. Deux jours plus tard, dernier coup de fil du Premier ministre : « Où en es-tu ? » Abdeljalil: « Quarante-trois morts et les mercenaires sont toujours là. » Le 22 février, sa démission est officielle. Elle donne le signal des défections. Premier à l’appeler, Ali Aïssaoui,ambassadeurenInde,puis Mahmoud Jibril, alors à l’étranger. Les deux seront à la tête du futur gouvernement rebelle. Pour l’heure, il faut parer au plus pressé. Porté à la tête d’un Comité de salut public le 24 février à El-Beïda, Abdeljalil noue lespremiersliensaveclesautresleaders de la rébellion en Cyrénaïque. Tout se précipite. Formation d’un Conseilnationaldetransition(CNT) à Benghazi, première offre de soutien de l’émir du Qatar, qui l’appelle en personne le 28 février.

! Sortant du CONSEIL LOCAL D’EL-BEÏDA,

sa ville natale, le 29 mars 2011.

DANIEL PILAR/LAIF-REA

DISSIDENT. Abdeljalil est inquiet ; il connaît la fougue des jeunes Beïdaouis. La réunion habituelle du Conseildesministres étantannulée, il décide ce jour-là de s’envoler pour sa ville natale. À l’atterrissage, son téléphone sonne sans interruption. El-Akhdar a gagné, mais la manifestation a dégénéré : tirs à balles réelles des forces de l’ordre, bureaux de la police incendiés. C’est le 17 février que tout bascule quand les funérailles des deux

victimes tournent à l’émeute. La foule scande : « Le peuple veut la chute du régime », des banques sont attaquées, Abdeljalil et quelques chioukh [« sages »] tentent de raisonner les jeunes. En vain. Quinze personnes tomberont ce jour-là. Le ministre appelle les responsables, espère arrêter le bain de sang. « Ce sont les hommes de Khamis [cadet des fils Kaddafi, NDLR]. On n’y est pour rien. » Au même moment, le bureau de Seif el-Islam le harcèle : « Il cherche désespérément à vous joindre. » Lui : « Qu’il m’appelle, je n’ai pas de crédit. » Le Premier ministre Baghdadi Mahmoudi veut savoir ce qui se passe à El-Beïda. Abdeljalil expose les revendications des jeunes : le droit de manifester, un cessez-le-feu immédiat, le retrait des « mercenaires » de Khamis. Après une longue nuit de réflexion, il décide de démissionner.

AUDE OSNOWYCZ POUR J.A.

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FATALISTE. Un certain BernardHenri Lévy, qu’il rencontre le 5 mars, lui propose de le mettre en relation avec le chef de l’État français de l’époque, Nicolas Sarkozy. Il ne connaît pas l’écrivain, mais JEUNE AFRIQUE


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rendent [sa] tâche impossible ». Kaddafi revient au palais des conférences pour lui répondre en personne. L’échange est tendu, mais le « Guide », qui veut afficher son pouvoir, rejette la démission. JUGE. Pour sa défense des déte-

il lui fait confiance. Avec le recul, cette foi aveugle surprend encore. « Je n’ai jamais douté de la chute de Kaddafi. Notre cause est juste et tous les soutiens que nous avons reçus sont un don de Dieu. » Même les menaces de mort le laissent impassible. Au moins une tentative a été déjouée pendant la guerre, celle d’un membre de la tribu des Guedadfa. En 1992 déjà, il échappait à deux reprises à un assassinat par un ancien condamné. Il lui pardonne. Plus tard, chef de l’État intérimaire, il refuse une protection renforcée et répète: « Dieu sait déjà quand je mourrai et comment. Puis-je m’opposer à sa volonté ? » Ces bondieuseries irritent au plus haut point ses détracteurs. Ils critiquent son incapacité à trancher. Mais cette humilité fait mouche parmi beaucoup de Libyens. Elle renforce l’idée selon laquelle Abdeljalil est l’anti-Kaddafi. Coopté par Seif el-Islam en 2007 au poste de ministre de la Justice, il a demandé à être démis par trois fois. La dernière, en 2010, devant le Congrès général du peuple, le Parlement fantoche du régime, « face aux difficultés qui JEUNE AFRIQUE

BIO EXPRESS 1952 Naissance à El-Beïda 1968 Capitaine de l’équipe de football d’El-Beïda 1970 Intègre la faculté de lettres arabes de l’Université de Benghazi 1971 Rejoint la faculté de langue arabe et d’études islamiques d’ElBeïda, section de droit islamique 1975 Diplômé en droit islamique avec la mention « excellent », nommé adjoint du procureur à El-Beïda 1978 Juge à la cour d’appel d’El-Beïda 1992 Échappe à deux tentatives d’assassinat 2002 Président de la cour d’appel d’El-Beïda 2007 Ministre de la Justice, sur proposition de Seif el-Islam 2010 Présente sa démission en plein Congrès général du peuple, rejetée par Kaddafi 2011 Rejoint la rébellion, élu président du Conseil national de transition (CNT) à Benghazi 2012 Le CNT transfère ses pouvoirs au Congrès national général (Parlement)

! Priant entre RECEP TAYYIP ERDOGAN, le Premier ministre turc (à sa droite), et AHMET DAVUTOGLU, chef de la diplomatie turque, en septembre 2011, à Tripoli.

nus islamistes, maintenus en prison sans procès, Abdeljalil était déjà suspect aux yeux de certains proches de Kaddafi. Depuis, l’accusation d’« islamiste » lui colle à la peau, relayée par la propagande kaddafiste. C’est sûr, l’homme est pieux. Le cal sur le crâne en atteste. Il n’hésite pas à interrompre un entretien pour accomplir sa prière. Mais les rumeurs de divisions au sein du CNT entre islamistes et libéraux le laissent de marbre. Lui promeut un islam modéré et tolérant. L’homme cultive aussi l’image du juge magnanime, étayée par des témoignages nombreux. « Déposez des recours, faites appel, ne laissez pas tomber»,insistaitlemoustachar [juge-conseiller] auprès des détenus de la prison d’Abou Salim. Un attachement à la procédure qui le conduit à refuser un arrangement dans l’affaire des infirmières bulgares. Au nom de l’autorité de la chose jugée, il tint tête à Abdallah Senoussi, qui le menaçait : « Nous savons que tu es un homme intègre, si tu n’es pas de notre côté, c’est une autre affaire. » Sa réponse fuse: « Je suis du côté de la nation et du droit, et toi ? » Cette intransigeance n’empêche pas une certaine faiblesse. À Tripoli,

« Je ne suis pas fait pour gouverner. Je ne sais pas trancher. C’est ma nature consensuelle. » on le compare au roi Idriss I er (1951-1969). Comme lui profondément religieux, effacé et peu enclin à gouverner. Abdeljalil le concédait volontiers dans une longue interview à la chaîne Al-Arabiya : « Je ne suis pas fait pour gouverner, seulement pour assurer l’intérim. Seulement pour la transition. Je ne sais pas trancher, c’est ma nature consensuelle. » Un avertissement pour son successeur ? ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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Europe, Amériques, Asie

FRANCE

Affaires de François Hollande et Valérie Trierweiler, Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar, Michel Sapin et Valérie de Senneville, Vincent Peillon et Nathalie Bensahel… Pourquoi les hommes politiques ont-ils si souvent pour épouse ou compagne une femme de médias ? Cela pose-t-il un problème moral ? Est-ce la même chose partout dans le monde ? Enquête. JOSÉPHINE DEDET

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cœur, ’ C est bien connu, chacun voit midi à sa porte. En 2006, Arnaud Montebourg, député et chevalier blanc du Parti socialiste français, n’avait pas de mots assez durs pour fustiger les amours de certains responsables politiques avec des journalistes. « Il y a un évident conflit d’intérêts. Dans le monde politico-médiatique, ceux qui ont le pouvoir se permettent de piétiner les règles du jeu. Il faut que cela change », s’écriait-il en visant Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi de Jacques Chirac, qui avait convolé un an plus tôt avec Béatrice Schönberg, présentatrice JEUNE AFRIQUE


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! LE COUPLE PRÉSIDENTIEL FRANÇAIS

ALAIN ROBERT/APERCU/SIPA

dans un café de Bormes-lesMimosas, sur la Côte d’Azur, le 5 août.

affaires

d’État

du journal télévisé de France 2. Depuis qu’il partage la vie de la journaliste Audrey Pulvar, Montebourg porte un regard beaucoup plus indulgent sur cette question d’éthique. En mai dernier, l’éternel redresseur de torts est devenu ministre du Redressement productif dans un gouvernement où ce mélange des genres semble ne poser aucun problème. Et pour cause : le chef donne l’exemple ! Le président François Hollande a pour compagne Valérie Trierweiler, qui travaille à l’hebdomadaire Paris Match depuis vingt-deux ans. Deux autres ministres, Michel Sapin (Travail) et Vincent Peillon (Éducation), ont épousé respectivement Valérie de Senneville, journaliste

JEUNE AFRIQUE

au quotidien Les Échos, et Nathalie Bensahel, du Nouvel Observateur. Ils sont loin d’être les seuls. N’a-t-on pas prêté toutes sortes d’aventures aux présidents Mitterrand et Chirac ? Nicolas Sarkozy aurait eu, dit-on, une tendre relation avec une blonde (ex-)présentatrice de journal télévisé. Et il a vécu un an avec une autre blonde, Anne Fulda (du Figaro), au moment où Cécilia, son épouse, l’avait quitté pour le publicitaire Richard Attias. Même ce monstre froid d’Alain Juppé n’a pas résisté à Isabelle Legrand-Bodin, de La Croix, épousée en 1993, deux ans avant qu’il devienne Premierministre.L’undesesprédécesseurs,Laurent Fabius, a craqué pour les yeux bleus d’Anne ● ● ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


Europe, Amériques, Asie

CHRISTOPHE MORIN POUR LE MONDE/IP3

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Sinclair avant que la star de TF1 n’épouse Dominique Strauss-Kahn – pour le meilleur et pour le pire. Autre couple politico-médiatique, celui que forment Martin Hirsch (ex-haut-commissaire aux solidarités actives) et Florence Noiville (Le Monde), ou Bernard Kouchner et Christine Ockrent, critiqués pouravoir,sousSarkozy,occupélesfonctionsparfois peu étanches de ministre des Affaires étrangères et de directrice de l’Audiovisuel extérieur de la France. Invité au JT de Soir 3, le sémillant ministre François Baroin a succombé au charme de Marie Drucker, avant que cette croqueuse d’hommes ne jette son dévolu ailleurs. ●●●

CUISSARDES. « Les Français ne sont pas les seuls

à mélanger affaires d’État et affaires de cœur, mais ils y sont plus enclins que les autres », persifle The Economist, qui, dans un article (« Cuissardes et minipolémiques ») du 9 juin, s’étonne de l’ampleur du phénomène. Les cuissardes ? Ce sont ces longues bottes sexy que Catherine Nay se souvient avoir portées à ses débuts. Dans les années 1960, Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui dirigeaient L’Express, envoyaient une escouade de reporters minijupées interviewer les hommes politiques, persuadés que ces derniers leur feraient plus volontiers des confidences. « On se sortait de ces situations délicates avec de l’humour », raconte Catherine Nay, qui s’est tout de même pris les pieds dans ses propres filets en s’éprenant du ministre gaulliste Albin Chalandon. « Mais, jure-t-elle, il ne N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

! ARNAUD MONTEBOURG PULVAR, après la proclamation des résultats du premier tour de la primaire du Parti socialiste, le 9 octobre 2011, à Paris. ET AUDREY

L’Allemagne est, après la France, le pays où journalistes et politiques sont le plus proches.

m’a jamais influencée dans mes articles. Et je ne suis jamais montée sur une estrade à ses côtés. » Ce qui n’est pas le cas d’Audrey Pulvar : après le bon score de Montebourg à la primaire socialiste, en octobre 2011, elle est apparue rayonnante à ses côtés dans un établissement culturel parisien (La Bellevilloise) rempli de militants. « En France, qui a pour devise l’égalité, personne ne suggère que les épouses de ministre cessent de travailler », constate The Economist, qui se gausse de cette tendance à minimiser les éventuels conflits d’intérêts. Mais que faire? Écarter les femmes de leur poste, c’est faire preuve de machisme – pourquoi serait-ce toujours à elles, et non à leur compagnon, de sacrifier leur vie professionnelle ? Les laisser continuer d’exercer leur métier, c’est donner prise à tous les soupçonsdeconnivence.Longtemps,lesintéressées ont fait profil bas. En 1997, Anne Sinclair, alors au sommet de sa gloire, avait abandonné son émission Sept sur Sept lorsque DSK fut nommé ministre de l’Économie. Pendant la campagne présidentielle de 2007, Béatrice Schönberg et Marie Drucker furent privées de JT parce que leurs compagnons battaient l’estrade pour Sarkozy. Aujourd’hui, la ligne de celles qui revendiquent le droit à rester à leur poste l’emporte. « Pourquoi abandonner du jour au lendemain ce que nous avons mis vingt ans à construire ? » plaide Valérie de Senneville. Furieuse d’avoir dû quitter France Inter et l’émission télévisée On n’est pas couché, Audrey Pulvar a finalement été… promue : elle JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie animera une chronique sur la chaîne Direct 8 à la rentrée et a été nommée directrice éditoriale du journal Les Inrockuptibles. D’autres cherchent des aménagements avec leur employeur. Directrice éditoriale de la version française du Huffington Post, Anne Sinclair n’intervient pas dans la couverture du feuilleton DSK – dont elle est désormais séparée. Valérie de Senneville a écrit au comité d’indépendance éditoriale des Échos pour « clarifier » son rôle. Nathalie Bensahel se concentrera sur les sujets de société au Nouvel Obs, à l’exclusion des questions d’éducation – le domaine ministériel de son mari.

Depuis son mariage avec le prince Felipe, Letizia a renoncé à toute activité.

Valérie Trierweiler, qui prétend jouer les premières dames et continuer à exercer son métier en toute indépendance. Cellequi, sans rire, se définit comme « l’atout cœur de France » invoque la nécessité de gagner sa vie pour élever ses fils… tout en ayant un bureau et une équipe de conseillers à l’Élysée. Elle n’est pourtant pas la seule première dame journalisteàs’interrogersursonrôle.DanielaSchadt, elle, a tranché. Responsable du service politique du Nürnberger ZeitungetcompagnedeJoachimGauck, le nouveau président allemand, elle a démissionné quelques jours après son élection. Doris Köpf avait fait le même choix. Journaliste à Bild et à Focus, elle avait, en 1998, mis sa carrière entre parenthèses quand son époux, Gerhard Schröder, était devenu chancelier.Aujourd’huiqu’ilseconsacreaubusiness, elletente,sansgrandsuccès,deselancerenpolitique. L’Allemagne est peut-être après la France le pays où politiques et journalistes sont le plus proches. «Maisiln’yapasdedébatpublicsurcettequestion», regrettelepolitologueGerdLangguth.QuandJoschka Fischer, l’ex-ministre des Affaires étrangères, s’est marié avec Claudia Bohm puis avec Nicola Leske, l’une et l’autre journalistes, ce n’est pas l’éventualité d’un conflit d’intérêts qui a défrayé la chronique, mais le fait qu’elles étaient beaucoup plus jeunes que lui. De même, nul ne trouve à redire à ce que les compagnes de Cem Özdemir, le coprésident des Verts, ou de Christian Lindner, ex-secrétaire général du Parti libéral-démocrate (FDP), continuent de travailler dans la presse. L’essentiel, c’est de ne pas entrer ouvertement dans l’arène. « Pour le public allemand, que Valérie Trierweiler soit journaliste n’a rien de choquant. Ce qui l’est, c’est qu’elle s’immisce dans la politique, par le biais notamment de tweets controversés », explique une consœur française installée à Berlin. EnEspagneaussi,onévitetoutepolémique,même dansdescasdélicatscommeceluideCarmeChacón, ministre de la Défense de Zapatero, mariée au journaliste Miguel Barroso, ancien secrétaire d’État à la Communication. Et l’on préfère citer en exemple le couplequeformentleprincehéritierFelipeetLetizia Ortiz, présentatrice vedette de la chaîne publique TVE. Depuis qu’elle est membre de la famille royale, JEUNE AFRIQUE

MICHAEL SOHN/AP/SIPA

CHOQUANT. Le cas le plus épineux reste celui de

Letizia a renoncé à toute activité professionnelle. Elle se consacre à son rôle de princesse des Asturies et à l’éducation des deux infantes. Les compagnes journalistes d’Alberto Nuñez Feijóo, le président de la région de Galice, et de Juan Alberto Belloch Julbe, ex-ministredel’IntérieuretactuelmairedeSaragosse, ont, elles, choisi de se mettre en disponibilité. Plus tapageurs, les Argentins? L’affaire fait grand bruit à Buenos Aires : Amado Boudou, le viceprésident, et sa compagne, Agustina Kämpfer, de la chaîne CN23, sont poursuivis pour enrichissement illicite… De quoi choquer les Anglo-Saxons, les plus sourcilleux en la matière. « Les cas argentin ou français nous paraissent incroyables. Chez nous, les relations entre politiques et journalistes doivent être distantes ; toute entorse à ce principe est très mal vue, confirme un confrère britannique, qui cite l’affaire des écoutes téléphoniques illégales

! L’ANCIEN CHANCELIER ALLEMAND GERHARD SCHRÖDER ET SON ÉPOUSE, la journaliste Doris Köpf, en 2007, à Berlin.

pratiquées par News of the World. Le seul fait que le Premier ministre David Cameron ait entretenu une relation amicale avec Rebekah Brooks, la rédactrice en chef de ce journal, a fait scandale. » Seul membre du gouvernement britannique à être uni à une journaliste (Sarah Vine, du Times), Michael Gove a connu son épouse à l’époque où il travaillait lui aussi dans ce quotidien, et non dans le cadre de ses fonctions de ministre de l’Éducation. Aux États-Unis, où il existe des couples célèbres (à l’instar d’Andrea Mitchell, de NBC, mariée à Alan Greenspan, l’ex-patron de la Réserve fédérale), on juge aussi ce mélange des genres décrédibilisant N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Europe, Amériques, Asie pour le (ou la) journaliste. Et malheur à ceux qui dissimulent leur liaison. Gina Chin et Brett McGurk l’ont appris à leurs dépens. En juin, lorsqu’on a découvert que leur relation remontait à l’époque où elle était correspondante en Irak et lui membre du Conseil de sécurité nationale, la première a dû démissionner du Wall Street Journal et le second renoncer au poste d’ambassadeur en Irak que Barack Obama songeait à lui confier. « Il ne m’a jamais divulgué la moindre information classifiée », jure la jeune femme. Deux autres couples ont posé des problèmes déontologiques, sans que leur carrière en pâtisse. Christiane Amanpour, célèbre reporter de CNN et épouse de James Rubin, porte-parole du département d’État de Bill Clinton, a osé interviewer son conjoint en 2009 à propos de l’Iran, dont elle est originaire. Bianna Golodryga, présentatrice de Good Morning America (sur ABC), en ménage avec Peter Orszag, chargé par Obama jusqu’en 2010 de la réforme du système de santé et de la relance économique, couvre ces sujets dans son émission. Ces interférences sentimentales affectent moins la Russie, ce qui n’empêche pas la presse d’y être presque entièrement aux ordres. « Chez nous, les hommes politiques passent pour des corrompus et les journalistes pour des menteurs et des lèche-bottes. Ils n’ont aucun intérêt à se montrer ensemble », s’amuse Tatiana S., du journal d’opposition Novaïa Gazeta. Seule à s’être épanchée sur ce sujet, Elena Tregoubova (de Kommersant) a révélé en 2003 dans Une exploratrice au Kremlin, un livre sujet à caution, comment son « ami Volodia » (Vladimir Poutine) lui avait conté fleurette devant un plat de sushis. Peu après, ses dénonciations des entraves à la liberté de la presse lui ont valu d’être licenciée.

FOTOLIA

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54 % des Français estiment qu’une femme journaliste politique vivant en couple avec un homme politique devrait cesser d’exercer ses activités SONDAGE HARRIS INTERACTIVE DU 29 MAI 2012

MESSALINE ET LES PETITS REPORTERS LA GRANDE PARTICULARITÉ DES ÉTATS-UNIS, c’est qu’on y trouve des journalistes hommes mariés à des femmes d’influence. Ainsi,Todd Purdum (un ancien du NewYorkTimes passé à Vanity Fair) avec Dee Dee Myers (ex-porte-parole de Bill Clinton); Ron Brownstein (National Journal) avec Eileen McMenamin (porte-parole de John McCain, candidat à la Maison Blanche en 2008) ou Matthew Cooper (ex-Time Magazine) séparé de Mandy Grunwald (chargée de la communication de Hillary Clinton pendant la même campagne). Un cas de figure impensable en N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

France, où les journalistes hommes ne jouissent pas de la même aura. « Il n’est pas prestigieux pour une femme politique qui a fait l’ENA de sortir avec un diplômé du Centre de formation des journalistes », estime la sociologue française Nathalie Bajos. Et puis, « alors qu’un homme politique qui multiplie les conquêtes passe pour un sympathique bon vivant, une femme politique qui croquerait un petit journaliste pour son quatre-heures serait vite étiquetée comme une Messaline », déplore Roselyne Bachelot, ex-ministre de J.D. Sarkozy. ●

Dans plusieurs grands pays, les liaisons entre représentants des médias et du monde politique sont fort rares. En Chine, « elles concernent uniquement les présentatrices télé – qui préfèrent toutefois sortir avec des hommes d’affaires – et les politiciens locaux. Les dirigeants nationaux sont méfiants et ne veulent pas que les femmes se mêlent de politique. Ils préfèrent épouser des stars de cinéma ou, comme le futur président Xi Jinping, une cantatrice », explique un journaliste de Shanghai. « En Turquie, les présentatrices de télévision sont à l’abri des politiciens entreprenants, plaisante Erol Özkoray, journaliste et patron de la maison d’édition Idea Politika. Elles travaillent surtout à Istanbul, alors que les institutions se trouvent à Ankara, une ville plus provinciale où l’on envoie plutôt des correspondants hommes. Rien à voir avec Paris, où hommes de pouvoir et journalistes se côtoient journellement. » FANTASME. En Inde, l’obstacle n’est pas géogra-

phique mais social. Si les castes ont été officiellement abolies, les mariages se font toujours à l’intérieur de ce carcan. Or la classe politique s’est démocratisée et ouverte à des catégories sociales inférieures, alors que les journalistes appartiennent presque tous à la classe moyenne. Ces derniers n’ont pas plus envie de déroger que les politiciens issus des grandes familles du pays, qui choisissent eux aussi leur conjoint dans leur milieu social. Le cloisonnement est tout aussi net au Japon, mais pour des raisons différentes. Que ce soit dans les partis politiques, les ministères ou les grandes entreprises, les journalistes vont à la pêche aux informations dans le cadre de clubs de la presse, instances collectives qui ne laissent aucune place aux rencontres personnelles et aux tête-à-tête. Souvent âgés et venus de province où ils se sont mariés jeunes, les politiciens ne font pas rêver les starlettes, qui leur préfèrent les sumotoris. L’attirance pour les hommes de pouvoir serait-il un fantasme féminin spécifiquement français? Ce qui est sûr, c’est que ces liaisons sont favorisées par une grande promiscuité. « Nous passons beaucoup de temps avec les hommes politiques. En déplacement, nous logeons dans les mêmes hôtels », avoue Vanessa Schneider, du Monde, qui cite le cas des universités d’été des partis, qui « mélangent temps de travail et temps festif ». « Nos hommes politiques vivent dans un microcosme où ils ne rencontrent que des journalistes », souligne un membre du Conseil économique et social. Pendant ce temps, des cohortes de trentenaires françaises désespèrent de trouver l’âme sœur. Le monde serait-il mal fait ? ● Avec JEAN-ÉRIC BOULIN, TIRTHANKAR CHANDA, GWÉNAËLLE DEBOUTTE, CLAUDE LEBLANC, NICHOLAS NORBROOK et MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE


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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

! NÉ EN FRANCE EN 1966, il a toujours un pied à Paris et l’autre à New York ou à Londres.

William Nadylam Théâtrothérapeute Fils d’un Camerounais et d’une Réunionnaise, cet acteur a noué une relation privilégiée avec le metteur en scène britannique Peter Brook. Sans trahir pour autant l’exemple de son père médecin.

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A FRANCE A LE CHIC pour faire fuir ses talents ! Bien avant que l’Hexagone élise deux députés d’extrême droite, le 17 juin, William Nadylam avait pris la mesure du repli identitaire d’une France rance. Et s’était exilé aux États-Unis pour trouver des rôles à la hauteur de son talent. Il faut dire qu’à son grand étonnement la presse le présente toujours comme « le premier… Rodrigue noir », « le premier… Hamlet noir », « le premier… Noir à avoir joué dans La Flûte enchantée ». Des rôles que le Français doit à des réalisateurs anglo-saxons. Grâce à Declan Donnellan, il fut le seul acteur à oser jouer Le Cid au Festival d’Avignon, quarante-sept ans après Gérard Philipe, en 1998. Là même où il avait présenté La Tragédie du roi Christophe, d’Aimé

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Césaire, deux années plus tôt. Peter Brook, lui, ne lui proposa pas seulement avec Hamlet ce qui fut son plus beau rôle, il lui offrit aussi une compréhension de son jeu qui l’a profondément forgé et une amitié indéfectible. « Avec du recul, je me rends compte que Peter Brook m’a appris le théâtre et qu’à travers les rôles qu’il me propose il m’offre un parcours initiatique vers la maturité », explique l’acteur, qui reconnaît avoir noué une relation filiale avec le metteur en scène britannique. Sans doute parce que pendant longtemps son propre père a désapprouvé sa vocation tardive. Mais aussi parce que Peter Brook lui a témoigné sa confiance lorsqu’il en avait le plus besoin : alors qu’il venait d’accepter le rôle de Hamlet,

en 2000, le jeune acteur a eu un terrible accident de voiture dont son visage porte encore aujourd’hui les stigmates. Défiguré, il perdit un temps l’usage de la parole. Peter Brook décida néanmoins que Hamlet se ferait avec lui… ou ne se ferait pas. Et il attendit que l’artiste se remette, quitte à déprogrammer la première. Pas une seconde William Nadylam ne regrette d’avoir refusé d’entrer à la Comédie-Française pour suivre Brook. Une institution peut-être trop repliée sur elle-même pour cet inlassable voyageur… « encore que, depuis deux ans, elle dépoussière le répertoire français et le modernise considérablement ». Né en France d’un père camerounais et d’une mère réunionnaise d’origine indienne, un pied à Paris, l’autre à New York ou à Londres, William Nadylam est « un nomade que les frontières et les nationalismes effraient ». Profondément juste et émouvant, ce « végétarien philosophe » incarne actuellement Philemon dans une version très JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Le théâtre de Peter Brook n’est pas sans lui rappeler la pratique du kotéba et sa fonction thérapeutique. « Chaque nouvelle expérience trouve un écho en moi et m’enseigne quelque chose sur qui je suis », analyse le jeune homme à l’élégance réfléchie, qui, pendant longtemps, s’est senti coupable de n’avoir pas suivi les traces de son père médecin. « Il était installé en pleine brousse et sauvait des vies », glisse-t-il, admiratif. Lors d’un séjour au Cameroun, où il a grandi jusqu’à 18 ans, Nadylam assiste à une cérémonie pendant laquelle son père reçoit un titre coutumier. Et constate que la mise en scène du rituel est assez proche de ce qu’il fait. Le sentiment de lâcheté et de trahison qu’il ressent envers son père, envers l’Afrique, depuis l’abandon de la médecine pour le théâtre s’estompe. Réconcilié avec lui-même et les siens,William Nadylam peut désormais poursuivre son chemin en toute quiétude. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX Photo : CAMILLE MILLERAND pour J.A. JEUNE AFRIQUE

VENEZUELA

Beaucoup d’exilés, peu de votants Hugo Chávez multiplie les obstacles pour dissuader la diaspora, qui lui est globalement hostile, de participer à la présidentielle.

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La Nouvelle-Orléans ou à Washington, à n peu plus de 100 000 Vénéplus de 1 000 km de là. Le coût du voyage zuéliens vivant à l’étranger sont inscrits sur les listes élecest, pour beaucoup, dissuasif. torales en vue de la présidenL’enjeu de la présidentielle explique en tielle du 7 octobre. C’est plus que pour partie ces difficultés. « Le gouvernement sait bien que les exilés votent majoriles législatives de 2010 (43 000), mais tairement pour l’opposition. Alors il fait bien peu eu égard au nombre total des tout pour les empêcher de s’exprimer », exilés : 1,2 million. « Nous avons mené confirme Viveiros. Hugo Chávez peut une grande campagne pour inciter la diass’inquiéter. D’abord parce que sa santé pora à exercer son droit de vote, assure reste chancelante. Ensuite parce que, l’analyste Tony de Viveiros, qui travaille pour l’association Venezolanos por el s’il reste en tête dans les sondages (entre mundo. Mais beaucoup se sont heurtés 45 % et 49 % des intentions de vote), il est à de grandes difficultés. » désormais presque talonné par l’opposant Au Canada, il a fallu de vives protestaHenrique Capriles (entre 38 % et 46 %). tionspourqueleconsulatde Consulat fermé à Miami… Il faudra Vancouversedécideàouvrir les registres électoraux, ce faire plus de 1 000 km pour qu’il n’a fait que le 31 mars, déposer son bulletin dans l’urne ! alors les inscriptions se sont closes le 15 avril. En Australie, beaucoup Ce dernier a juré qu’il ferait tout pour de Vénézuéliens vivent à Sydney, alors favoriser le retour des exilés, mais, quel que soit le verdict des urnes, les intéressés que l’ambassade se trouve à Canberra. À Miami, en Floride, 20 000 étaient inscrits manquent d’enthousiasme. Selon un sur les listes (c’est la plus grande circonssondage de 2011, 95 % de ceux qui vivent cription de l’étranger), mais le consulat aux États-Unis n’ont aucune intention a été fermé le 13 janvier après l’expulde rentrer. « La situation économique et sion par les autorités américaines de la sociale est très grave, explique Viveiros. Les raisons qui les avaient incités à partir consule Livia Acosta, accusée d’espionnage. Pour voter, ils devront se rendre à n’ont pas disparu. » ● MARIE VILLACÈQUE

Les Vénézuéliens de l’étranger, par pays Source : étude d’Iván de la Vega (2010), chercheur à l’université Simón-Bolívar

musicale de The Suit – créée au théâtre des Bouffes du Nord, à Paris –, aux côtés de l’actrice sud-africaine Nonhlanhla Kheswa (l’une des choristes deWyclef Jean). En 1999, Peter Brook avait adapté en français cette pièce de l’écrivain sud-africain Can Themba avec le Français d’origine malienne Bakary Sangaré, aujourd’hui pensionnaire de la ComédieFrançaise. Avec CanThemba,William Nadylam découvre l’histoire des « Drum Boys », ces journalistes du magazine Drum, réalisé en plein apartheid par une équipe multiraciale, qui avaient pour devise « live fast, die young and have a good-looking corpse » (« vivre vite, mourir jeune et avoir un beau cadavre »). De fait, Can Themba meurt jeune, à 43 ans, d’alcool et de chagrin, exilé au Swaziland après que le gouvernement sud-africain a interdit ses œuvres en 1966. The Suit, sa pièce la plus célèbre, est un conte cruel sur les relations hommes-femmes. Mais pas seulement. En filigrane, l’apartheid est raconté à travers ces autobus où Noirs et Blancs se côtoient sans se fréquenter et ces shebeens, des bars clandestins où les Noirs noient leur colère.

Grande-Bretagne 15 000 Pays-Bas 1000 Irlande 5 000 Allemagne 20 000 France 30 000 Italie Portugal États-Unis Espagne 150 000 100 000 250 000 200 000 Arabie saoudite Cuba 1000 15 000 Mexique Émirats 17 000 arabes unis Panamá 24 000 2 500 Costa Rica Trinité-et-Tobago Colombie 3 000 3 000 Équateur 34 000 3 000 Brésil 7 000 Pérou 3 000 Bolivie 2 000 Canada 3 000

Australie 10 000 Chili 4 000

Uruguay 1000 Argentine 6 000

Nouvelle-Zélande 2 000

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ÉTATS-UNIS

Pourquoi ils draguent les Juifs Pour s’attirer les suffrages de cet électorat majoritairement démocrate, Mitt Romney multiplie les prises de position outrancièrement pro-israéliennes. Mais Barack Obama n’est pas en reste. Verdict en novembre.

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etenez bien ce nom : Sheldon Adelson. Avant l’élection présidentielle américaine du mois de novembre, ce richissime businessman juif – il possède plusieurs casinos à Las Vegas, sa fortune est estimée à 25 milliards de dollars (20 milliards d’euros) – s’est juré de dépenser 100 millions de dollars pour faire battre Barack Obama. C’est l’une des plus grosses sommes jamais investies par un particulier aux États-Unis à des fins électorales. Lors de la récente tournée en Israël de Mitt Romney, Adelson, qui possède aussi la nationalité israélienne, a organisé à Jérusalem, à l’hôtel King N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

David, un petit déjeuner destiné à lever des fonds en faveur du candidat républicain. Quelque 80 donateurs juifs américains y ont assisté. En une seule matinée, 1 million de dollars ont été collectés. Les participants sont repartis avec des pin’s où figurait le nom de Mitt Romney en hébreu… PASSAGE OBLIGÉ. Adelson, qui lors

de la primaire républicaine a soutenu Newt Gingrich, est très représentatif de cette caste d’hommes d’affaires juifs – les frères David et Charles Koch, barons de la pétrochimie et troisième fortune américaine, en sont un autre exemple – prêts

à tout pour faire élire le candidat le plus favorable à Israël. En échange, celui-ci n’a d’autre choix que de soutenir leurs vues extrémistes concernant le Moyen-Orient: rejet catégorique des frontières de 1967 comme base des négociations israélopalestiniennes ; refus de la solution des deux États vivant côte à côte ; soutien à d’éventuelles frappes préventives contre l’Iran, etc. Mais aussi, de manière plus symbolique : volonté de faire libérer l’espion Jonathan Pollard, condamné en 1987 à la prison à vie par la justice américaine ; et transfert de Tel-Aviv à Jérusalem, « capitale inaliénable de l’État d’Israël », de l’ambassade des États-Unis. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

JEUNE AFRIQUE

2008

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Personne n’est plus à droite sur l’échiquier politique juif américain. Pas même l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le puissant lobby proisraélien, dont la conférence annuelle, à Washington DC, est un passage obligé pour tout candidat en campagne (Obama et Romney y ont pris la parole, à une journée d’intervalle, en mars). À titre indicatif, Adelson a rompu avec l’Aipac en 2007, quand ce dernier s’est déclaré favorable à l’octroi d’une aide économique américaine aux Palestiniens… Obama a beau soutenir fermement Israël et ne pas manquer une occasion de souligner le « lien inébranlable » entre les deux pays, c’est Romney qui a les faveurs d’Adelson et consorts. Il a aussi celui des chrétiens évangéliques, autres partisans du Grand Israël. À titre personnel, il est certes partisan de la solution des deux États, ce qui n’est pas un bon point aux yeux des extrémistes, mais sa relation avec Benyamin Netanyahou n’en est pas

moins sensiblement meilleure que celle sur le droit à l’avortement, le mariage que le Premier ministre israélien entretien homosexuel ou l’immigration, la commuavec Obama. Sur le dossier iranien, en nauté juive américaine reste un bastion revanche, le candidat républicain a fait démocrate. La dernière fois qu’elle a de la surenchère lors de son voyage en voté à une présidentielle pour un républicain, c’était pour Ronald Reagan en Israël: il soutient désormais ouvertement l’hypothèse d’une frappe contre l’Iran. 1980. Les démocrates rappellent d’ailleurs Collaborateur du Wall Street Journal que les Juifs new-yorkais qui ont porté leurs suffrages sur un républicain en et de la chaîne ultraconservatrice Fox News, Dan Senor, l’un de ses conseilseptembre 2011 sont dans leur majorité lers en politique étrangère, est un vades haredim extrêmement conservateurs t-en-guerre notoire, auteur d’un livre – et minoritaires dans la communauté. (Start-Up Nation: The Story of Israel’s Economic Miracle) Adelson a juré de dépenser qui a directement inspiré les 100 millions de dollars pour faire désastreux commentaires de Romney sur la prétendue battre le sortant démocrate. supériorité culturelle des Israéliens sur les Palestiniens. Une supéÀ en croire Jeremy Ben-Ami, fondateur de J Street, le grand rival de l’Aipac (ce riorité qui expliquerait les différences de développement économique entre les lobby finance les candidats favorables deux peuples. La propre sœur de Senor à une solution équilibrée au Moyendirige le bureau de l’Aipac à Jérusalem. Orient), les Juifs américains ne se reconnaissent pas dans les positions extrêmes UNE GAGEURE. Sur le plan intérieur, défendues par Adelson. « Obama, jugehommes d’affaires et lobbys juifs t-il, ne sera pas confronté à un problème ne ménagent pas leurs efforts pour juif en vue de son éventuelle réélection. » convaincre leurs coreligionnaires de Même son de cloche chez Mik Moore, fonvoter pour Romney en novembre. Le dateur du Jewish Council for Education Republican Jewish Coalition, groupe and Research, qui estime qu’« entre 10 % soutenu par Adelson, a par et 15 % des Juifs qui ont voté exemple lancé une coûteuse VOTE DES JUIFS Obama en 2008 pourraient campagne publicitaire (pluvoter Romney en 2012, pas AMÉRICAINS sieurs millions de dollars) davantage. Mais personne dans les États straténe sous-estime l’impact * que peuvent avoir giques de l’Ohio, de la Pennsylvanie et de la sur la campagne les Floride. Dans une élecsommes colossales qui tion qui s’annonce sery sont dépensées ». rée, les 600 000 Juifs qui Échaudé par son vivent en Floride pouréchec new-yorkais, le raient faire la différence. * Intentions de vote (sondage Gallup) camp démocrate multiIl existe un précédent: plie les gestes en direcen septembre 2011, Bob Turner, candidat tion de la communauté. David Axelrod, républicain dans une circonscription de le conseiller d’Obama, et Joe Biden, son la ville de New York (Queens, Brooklyn) vice-président, courent les plateaux de comptant une importante population télévision et les conférences programjuive et historiquement démocrate, l’a mées par les organisations religieuses et emporté à la surprise générale sur David insistent lourdement sur l’engagement Weprin. Il est pourtant catholique, alors du président en faveur d’Israël. À ceux que son adversaire démocrate est juif qui en douteraient encore, ils rappellent pratiquant. Mais il se montre plus intranson opposition, en septembre 2011, à sigeant sur la question palestinienne. l’admission d’un État palestinien aux Convaincre les 5 millions de Juifs améNations unies et sa décision de porter ricains de voter Romney s’apparente l’aide militaire américaine à l’État hébreu à 3 milliards de dollars, dont 250 millions néanmoins à une gageure. En raison de ses opinions majoritairement libérales pour l’Iron Dome, sorte de bouclier ● ● ●

OB

DAN BALILTY/AP/SIPA

! JÉRUSALEM, LE 29 JUILLET. Le candidat républicain en visite au mur des Lamentations. Il soutient désormais clairement l’hypothèse de frappes israéliennes visant l’Iran.

2012

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Europe, Amériques, Asie On l’a bien vu, l’an dernier, lorsque le gouvernement israélien a lancé une grande campagne publicitaire aux ÉtatsUnis afin d’encourager les Juifs à émigrer en Israël. Au fil des spots, le message était apparu clairement : l’enracinement en Amérique conduit à l’effacement de l’héritage juif. Devant l’indignation de la communauté juive américaine, Netanyahou en personne avait dû annoncer l’arrêt de la campagne. GROS SOUS. Même l’engagement d’un

SUSAN WALSH/AP/SIPA

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! WASHINGTON, LE 27 JUILLET. Dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, Obama s’apprête à signer le nouveau pacte américano-israélien en matière de défense. ● ● ● censé protéger les populations du sud d’Israël des bombes du Hamas. Au vrai, l’élément fondamental est la lente séparation des deux expériences juives : l’américaine et l’israélienne. C’est même la hantise de certains politiques et lobbyistesdesdeuxpays.Pourlaprochaine

présidentielle, les Juifs américains ont par exemple, selon un récent sondage, exactement les mêmes préoccupations que leurs compatriotes non juifs: d’abord l’économie, ensuite le fossé grandissant entre riches et pauvres. L’avenir d’Israël n’apparaît qu’en dernière position.

Adelson est plus ambigu qu’il n’y paraît. Selon le New York Times, l’avenir d’Israël est en réalité secondaire dans le soutien qu’il apporte à Romney. Quatre-vingt-dix pour cent des revenus de la Las Vegas Sands Corp., son groupe, proviennent d’établissements dont le siège est à Macao ou à Singapour. À ce titre, Adelson est soumis à un taux d’imposition de 9,8 %, loin du taux habituel de 35 %. Une anomalie à laquelle Obama souhaite mettre un terme, ce qui n’est pas le cas, on l’imagine, de Romney. Et si tout ça n’était finalement qu’une histoire de gros sous ? ● JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York

Vu d’Israël Entre les deux, leur cœur balance Qui d’Obama ou de Romney est le plus favorable à l’État hébreu ? L’opinion penche pour le second. Mais Netanyahou, prudent, s’abstient de prendre parti officiellement.

D

un côté, un pacte militaire sans précédent conclu par Barack Obama, assorti d’une généreuse contribution à la défense antimissile israélienne. De l’autre, des déclarations fracassantes de Mitt Romney sur la « folie nucléaire » de l’Iran et le statut de Jérusalem, « capitale d’Israël ». La campagne électorale américaine s’enflamme sur la question du soutien à l’État hébreu. Et l’opinion israélienne se montre autant étonnée que flattée par cette surenchère. Plusieurs sondages – notamment celui publié le 27 juillet, à la veille de son arrivée en Terre sainte – suggèrent que le vent est ici en train de tourner en faveur du candidat républicain. À en croire le Centre d’études stratégiques Begin-Sadate, 29 % des Israéliens estiment qu’il serait mieux à même de défendre les intérêts d’Israël, contre 22 % pour Obama. L’inverse de ce qui se passe dans la communauté juive N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

américaine, toujours largement favorable au président démocrate (lire ci-dessus). Dans le quotidien Haaretz, l’éditorialiste Zvi Bar’el déplore la fâcheuse tendance de ses concitoyens à se sentir partie prenante dans la course à la Maison Blanche. « C’est une maladie qui frappe chaque gouver-

candidats. Seule certitude : ses relations avec Obama, qui ne s’est jamais rendu à Jérusalem au cours de son mandat, sont empreintes de méfiance. Au sein même de sa coalition, plusieurs ministres issus de la mouvance nationaliste-religieuse présentent le chef de l’exécutif américain comme un ennemi du peuple juif. N’a-t-il pas forcé Pour la mouvance nationalisteIsraël à faire des concesreligieuse, le président américain sions aux Palestiniens ? est un ennemi du peuple juif. Cette animosité latente n’a pas manqué d’être nement israélien, mais aussi la société exploitée par Romney, qui, dans le même israélienne dans son ensemble, écrit-il. mouvement, s’efforce de séduire le puisLes symptômes en sont bien connus, et, sant électorat chrétien évangélique, très tel un ulcère chronique, ressurgissent favorable, comme on le sait, au Grand tous les quatre ans. » Israël : « Je ne peux imaginer me rendre aux Nations unies pour, comme l’a fait MÉFIANCE. Benyamin Netanyahou reste Obama, critiquer mon allié à la face du pourtant sur la réserve. En dépit de son monde. Israël mérite un meilleur préamitié pour Romney, le Premier ministre sident que lui. » Le débat est ouvert. ● refuse de s’engager pour l’un ou l’autre des MAXIME PEREZ, à Jérusalem JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA 2002-2012, la décennie Sassou

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ÉVÉNEMENT Kinkala en fête, tout un symbole CHANTIERS La politique du résultat CONGOLISMES Des mots sens dessus dessous

CONGO

cha cha Démocratie

BAUDOUIN MOUANDA

Dix ans après l’adoption de la Constitution et la normalisation des institutions, la commémoration de l’indépendance, le 15 août, est organisée dans le Pool. Un moment et un territoire privilégiés pour mesurer l’évolution du pays. Et, surtout, les progrès qui lui restent à accomplir.

JEUNE AFRIQUE

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LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

de Jeune Afrique

Prélude

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CONGO

François Soudan

cha cha Démocratie

Le joueur de poker

I

l y a tout juste vingt ans, Denis Sassou Nguesso, battu dans les urnes, remettait les clés du Palais à son successeur, Pascal Lissouba. Il y a dix ans, le même, revenu aux affaires au terme d’une guerre civile que nul Congolais n’a oubliée, se faisait élire pour le premier mandat de sa seconde vie au pouvoir. Un double anniversaire et une longévité assez exceptionnelle – en deux périodes cumulées, il a incarné l’autorité suprême pendant plus de la moitié de l’existence du Congo indépendant – qui en disent beaucoup sur le côté inoxydable, mais aussi sur l’expérience de cet homme de 68 ans. Le fils de Julien Nguesso et d’Émilienne Mouebara, passé par toutes les couleurs de la fortune politique, en aurait-il trop vu sur les choses et les hommes pour ne pas être désabusé, lui que plus rien ne semble étonner, ni enthousiasmer ? Certains le pensent, qui estiment que ce personnage secret a fini par attraper les défauts de ses qualités.

ce qui les motive ? Sa réponse est celle d’un sage patiné de lassitude, après vingt-huit années d’exercice sisyphien du pouvoir : « La nature humaine est ainsi faite. » Pourtant, l’échéance de l’élection présidentielle de 2016 approche et pas un seul Congolais ne pense que Denis Sassou Nguesso ne sera pas, cette fois encore, candidat. Il y a ceux qui sont pour, parce qu’ils estiment qu’il est la clé de la paix civile et de la poursuite d’une politique de développement portée par un taux de croissance annuel de près de 6 %. Il y a ceux qui sont contre, parce que le pouvoir est une table de gala et qu’il est plus que temps pour eux d’y accéder à leur tour. Il y a ceux qui s’y résignent, par indifférence ou par peur de l’inconnu. Et puis il y a lui, que cette perspective d’un ultime mandat tente et rebute à la fois, et qui, tel un joueur de poker, ne se découvrira qu’au dernier moment – à moins qu’il n’abandonne la partie. Dans le premier cas, de loin le plus probable, il faudra que ses cartes soient bonnes, et le soient suffisamment pour contrebalancer un environnement

On le sait fidèle, certes, mais pourquoi l’être au point de se sentir redevable d’amitiés passées dont on perçoit mal l’intérêt ? On le dit prudent, soucieux en permanence d’équilibres régionaux et de consensus, sans doute, mais le Congo, pays jeune, Les Congolais attendent aussi n’est pas un magasin de du chef qu’il tranche, sanctionne porcelaine, et les peuples attendent aussi du chef et donne quand il le faut qu’il tranche, sanctionne la secousse nécessaire. et donne quand il le faut la secousse nécessaire. On le suppose extérieur a priori défavorable à toute informé et on a raison : il n’ignore rien révision constitutionnelle de ce type. Il des vices et des vertus de ses collabora- faudra aussi à ses côtés une vraie équipe teurs, encore moins des calculs de ceux crédible, capable de défendre un vrai qui, parmi eux, jouent contre lui tout bilan et, forcément, il lui faudra prendre en affichant à son égard une déférence quelques décisions douloureuses. Il courtisane. faudra en somme que le chef blanchi Mais alors, d’où lui vient cette pro- sous le harnais du pouvoir retrouve le pension à prêter l’oreille à des « conseil- sens de la devise du jeune parachutiste lers » trop souvent étrangers aux réalités qu’il fut : « Qui ose gagne. » Le veut-il congolaises dont il sait pertinemment encore ? ● JEUNE AFRIQUE

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2002-2012 La décennie Sassou p. 82 DANS LE POOL ÉVÉNEMENT Kinkala en fête, tout un symbole p. 84 INTERVIEW Mgr Louis Portella Mbuyu, évêque de Kinkala p. 86 AGRICULTURE Un grenier pour Brazza p. 99 DÉVELOPPEMENT Il est temps de mettre les bouchées doubles p. 100 ENTREPRENEURIAT Paris de patrons p. 105 HUMEUR Brazzaville, comme les doigts d’une seule main p. 109 CHANTIERS

La politique du résultat p. 110 TECHNOLOGIES Virage négocié vers le tout-numérique p. 114 CONGOLISMES Des mots sens dessus dessous

p. 116


82

Le Plus de Jeune Afrique

2002-2012

La décennie

Sassou

Dix ans après sa première élection depuis la guerre civile, le président congolais est à mi-chemin de son deuxième mandat consécutif. L’occasion de faire le point sur l’évolution du pays et sur ce qu’il reste à faire. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

TSHITENGE LUBABU M.K.,

L

envoyé spécial

orsque la guerre déclenchée le 5 juin 1997 s’achève, à la mi-octobre, la victoire sur les forces du président Pascal Lissouba de Denis Sassou Nguesso, soutenu par l’armée angolaise, et de ses alliés est incontestable. Ses principaux adversaires ont déjà quitté le pays. Brazzaville est exsangue, éventré. Les chiffres sont éloquents : 4 000 morts selon les uns, 10 000 selon les autres. Le vainqueur, logiquement investi président de la République, comprend que, dans ce contexte de désolation, il ne pourra gouverner seul. Il faut ratisser large. La formation d’un gouvernement d’union nationale s’impose. En janvier 1998, la tenue du Forum national pour la réconciliation, l’unité, la démocratie et la reconstruction du Congo fixe une période de transition de trois ans avant le retour à la normalité institutionnelle. Puis, en JEUNE AFRIQUE


Démocratie cha cha Mieux, le président est aussi parvenu à s’allier à ses plus farouches adversaires, Bernard Kolélas, en 2005, et Jacques Joachim Yhombi Opango, en 2007. Ces réconciliations spectaculaires aboutiront à l’entrée dans la majorité présidentielle du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI, de Kolélas) et du Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD, de Yhombi Opango). Sans oublier, ensuite, le ralliement de la famille de Lissouba. Une aubaine pour Sassou, qui voit sa légitimité renforcée.

CHRONOLOGIE 25 février-10 juin 1991 Conférence nationale, qui aboutit à un Acte fondamental aménageant une transition démocratique de un an et limitant les prérogatives de Denis Sassou Nguesso, chef de l’État depuis 1979 15 mars 1992 Référendum constitutionnel. La République populaire du Congo devient République du Congo

INVESTISSEMENTS. Cette décennie 2002-2012

16 août 1992 Victoire de Pascal Lissouba à la présidentielle 5 juin 1997 Début de la guerre civile 14 octobre 1997 Les forces de Denis Sassou Nguesso prennent le contrôle de Brazzaville. Il est investi président le 25 octobre

! LE CHEF DE L’ÉTAT à Oyo (Nord), dans sa région natale, en 2011.

10 mars 2002 Denis Sassou Nguesso est élu président. Il sera réélu le 12 juillet 2009

2001, s’ouvre un dialogue national au cours duquel l’accent est mis sur le retour au pays des exilés, en particulier les membres de l’ancien gouvernement. Après un référendum constitutionnel, le 20 janvier 2002, Denis Sassou Nguesso est élu président de la République, sur un projet de société baptisé la Nouvelle Espérance. Une « Espérance » marquée politiquement par un nouveau mode de fonctionnement et par le ralliement à Sassou Nguesso d’un certain Va-t-il se représenter en nombre d’anciens collaborateurs 2016 ? Il faudrait pour cela de Pascal Lissouba, soit à titre individuel, soit via la création modifier la Constitution. de partis satellites qui vont se fondre dans la nébuleuse de la majorité présidentielle. Cette stratégie contribuera à fragiliser, jusqu’à aujourd’hui, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads, le parti de Pascal Lissouba), qui, minée par de profondes divergences, aura du mal à remonter à la surface. JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

20 janvier 2002 Adoption par référendum de la nouvelle Constitution

aura surtout été celle de la mise en œuvre d’une politique de grands travaux, passant en particulier par la municipalisation accélérée (lire pp. 110112) : construction d’infrastructures de base, de bâtiments publics et d’ouvrages indispensables (routes, aéroports, complexes hydroélectriques, etc.). Si les résultats sont déjà palpables, beaucoup reste à faire, et d’énormes investissements sont encore nécessaires. À cet égard, le pays s’est astreint depuis 2004 à répondre aux exigences de discipline budgétaire de ses partenaires extérieurs, ce qui lui a permis d’atteindre, en janvier 2010, le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Résultat, la moitié de la dette extérieure du Congo a été annulée par les bailleurs internationaux (principalement le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le Club de Paris). Une véritable libération qui doit permettre au pays de mobiliser plus de ressources pour le développement et la réduction de la pauvreté. À l’heure du bilan, la décennie Sassou est diversementappréciée.Poursesconcitoyens,sesprincipaux acquis sont la paix et la construction d’infrastructures. « C’est nettement mieux qu’avant, il suffit de parcourir l’arrière-pays pour s’en convaincre », reconnaissent la plupart des Congolais. S’agissant du chef de l’État, qui a été réélu en 2009 sur un nouveau programme, le Chemin d’avenir, les avis sont partagés. Beaucoup estiment qu’il fait ce qu’il doit faire, tout en lui reprochant de ne sanctionner que trop rarement ceux de ses collaborateurs coupables de manquements. « Le président se fait moins obéir, il devrait donner un coup de balai dans l’écurie », résume un leader d’opinion. Parmi les points négatifs, certains Congolais interrogés déplorent « la présence trop marquée de la famille présidentielle dans la sphère publique », ainsi que « la mauvaise redistribution des revenus du pétrole qui divise la société avec, d’un côté, ceux qui n’ont rien et, de l’autre, ceux qui affichent de manière arrogante des signes extérieurs de richesse ». Le mandat de Denis Sassou Nguesso s’achève en 2016. Il aura alors 73 ans. Va-t-il se représenter ? Il faudrait, pour cela, que la Constitution soit modifiée. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Le Plus de J.A. Congo Le chef-lieu du Pool ressemblait alors à une ville fantôme dévorée par les herbes folles et les séquelles de la guerre. Aujourd’hui, Kinkala est un chantier. C’est ici que le pays tout entier est attendu pour célébrer la fête nationale, le 15 août. Cela exige un minimum d’infrastructures, en attendant la municipalisation accélérée du Pool (lire pp. 100-101), annoncée par le gouvernement. À l’entrée de la ville – ou, pour certains, du « village géant » –, des engins aplanissent le terrain sur un site qui abritera l’héliport. Plus loin, des ouvriers chinois sont en train d’achever un stade « extensible » de 7 000 places comprenant des terrains de basket, de handball et dix couloirs pour l’athlétisme. Entre les deux, des maraîchères organisées en association et appuyées par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) arrosent de resplendissants légumes. Avec ses commerces, la place du marché, traversée par la nationale (rétrécie, ici), est l’endroit le plus animé du cheflieu du département. C’est là que le bus laisse ses passagers et que ceux en partance pour Brazzaville, Boko et au-delà viennent le prendre. De source officielle, vi le marché devrait être déplacé pour faire place à un centre commercial.

ÉVÉNEMENT

Rendez-vous à Kinkala

Le chef-lieu du Pool accueille cette année les célébrations de la fête nationale. Tout un symbole pour cette ville meurtrie par la guerre, les rébellions, et en pleine reconstruction.

E

n ce chaud après-midi, la circulation est faible sur les 75 km de la nationale no 1 qui relient la capitale, Brazzaville, à Kinkala. Tout le long du parcours, le paysage est monotone. Une savane fournie, des cours d’eau asséchés, même si les panneaux indiquent des rivières; quand la pluie reviendra, les lits se rempliront de nouveau. La route

est bonne, à une écorchure près. Au fur et à mesure que le bus avance, des villages, qui se résument pour la plupart à quelques cases, défilent. « Depuis la dernière guerre, la plupart se sont dépeuplés»,commentel’undemescompagnons de route. Soudain, au bout d’une bonne heure, un panneau et un nom : Kinkala. J’y suis venu la première fois en août 2007. RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

CAMEROUN

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JEU JEUNESSE. Depuis l’achèvement du

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N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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tronçon de la RN 1 entre Brazzaville et Kinkala (la route doit désormais aller ju jusqu’à Dolisie pour être reliée à l’autre tronçon, déjà ouvert, qui mène à PointeNoire, la capitale économique), la ville semble renaître de ses cendres. « Le bon état de la route a poussé certains jeunes à revenir pour se lancer dans l’agriculture et le démarrage des chantiers de la municipalisation en a attiré d’autres, qui ont la possibilité de trouver un emploi même si c’est temporaire, confie le directeur de

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Djambala

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Goma Tsé-Tsé

Kinkala Boko

KINSHASA

soit

km² 33955 9,9 %

de la superficie du pays

hab. 236600 6,4%

de la population du pays

13 districts

JEUNE AFRIQUE


BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

Démocratie cha cha

! Signe du dynamisme retrouvé, le succès de la deuxième édition du TOURNOI DE FOOTBALL POOL KINTWADI, fin juillet.

cabinet du préfet. Beaucoup de cadres de Brazzaville ont aussi acheté des terrains pour construire des maisons. » Un nouveau souffle que les autorités locales espèrent bien consolider. Pendant la guerre, les Ninjas avaient commis des atrocités contre ceux-là mêmes qu’ils étaient censés défendre. La paix revenue, beaucoup avaient dû quitter Kinkala, rongés par le remords. En 2007, un habitant de la ville disait : « Il faudra organiser une sorte de forum durant lequel les jeunes devraient demander pardon à la communauté. »

Aujourd’hui, le chef-lieu du Pool ne compte plus que 13 000 habitants. Pour Anne-Marie Bernadine Malonga (lire p. 88), administratrice-maire depuis un an, « il faut que ceux qui sont partis reviennent pour la stabilité, la réhabilitation et la reconstruction de la ville. Après tout ce que les gens ont vécu, il faut militer pour un changement de mentalités ». Et d’ajouter : « Les gens sont en train de se refaire… Nous avons beaucoup perdu pour intégrer la dynamique nationale, nous devons maintenant nous investir pour reconquérir notre jeunesse. »

Depuis le lancement de la municipalisation accélérée, en mai dernier, 300 jeunes ont été recrutés. Les entreprises intervenant sur les chantiers doivent leur accorder la priorité. Mais que feront-ils lorsque les travaux seront terminés ? « Nous nous battons avec le ministère des Affaires sociales pour qu’ils ne retombent pas dans le chômage et l’oisiveté », répond Anne-Marie Bernadine Malonga. AVENIR. En attendant, madame le maire

est fière de sa ville. À Kinkala, l’air est pur, l’agriculture (sa principale ressource) est bio, l’hôpital (où viennent se faire soigner des Brazzavillois) fait référence… Les lendemains s’annoncent donc sous les meilleurs auspices pour celle qui prône « une gestion de proximité et participative » en soulignant que « les mauvais souvenirs s’étiolent » et que « les gens regardent vers l’avenir ». À l’horizon, le soleil, boule flamboyante, décline. La nuit s’approche. Il faut partir. Car Kinkala ne compte encore que trois hôtels – en plus d’une résidence du chef de l’État – et, en attendant le 15 août, les personnels de l’hôtellerie et de la restauration sont partis suivre un stage de mise à niveau. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

Terre tékée, terre larie… et nom anglais Le département est une zone de confluence entre différents groupes linguistiques et culturels du Congo.

L

e département du Pool doit son nom au vaste lac intérieur que forme le fleuve Congo en amont de Brazzaville. Lors de la conquête coloniale, ce lac, qui marque le début du Congo navigable, est appelé Stanley Pool (« piscine Stanley »), en référence à l’explorateur anglo-américain Henry Morton Stanley qui l’a découvert, avant d’être rebaptisé Pool Malebo à l’indépendance. Les Français, habitués à désigner leurs départements par un nom géographique, ont conservé le terme anglais pour désigner la région entourant Brazzaville. On réduit parfois le département à sa partie méridionale et sa population à la JEUNE AFRIQUE

communauté larie parce que son chefSur le plan linguistique, le Pool est la lieu, Kinkala, est situé dans le sud du zone de rencontre entre le lingala, parlé territoire. Cette zone a polarisé l’attention dans le nord du pays, et le munukutuba par ses mouvements messianiques et sa (ou kikongo), en vigueur dans le Sud, résistance au pouvoir colonial, ainsi que et, sur le plan culturel, entre le système par les conflits qui s’y sont déroulés à la patrilinéaire (caractéristique des Tékés et fin des années 1990. Pourtant, le Pool des communautés du nord du Congo) et le s’étend largement au nord et à l’ouest de système matrilinéaire, propre aux peuples Brazzaville (voir carte p. 82) et, outre les kongos. Il va sans dire que le contact TékéLaris, il abrite d’autres sousgroupeskongosetdesTékés. Le sud du territoire a polarisé À l’origine, les Tékés l’attention, notamment par sa occupaient une grande partie du Pool. Kinkala est résistance au pouvoir colonial. un nom à consonance tékée et, si on identifie aujourd’hui ce peuple au Kongo a fait bouger cette frontière, car les département des Plateaux, Mbé, le siège Kongos donnent volontiers leur fille à un du royaume téké, où Pierre Savorgnan Téké. Un grand avantage pour ce dernier de Brazza a signé une série de traités s’il est polygame. Sa femme tékée assure avec le Makoko (« roi »), est situé dans les cultures sous savane et son épouse le nord du Pool. Venus du royaume de larie les cultures sous forêt. Du coup, pas Ngoyo (vassal du royaume kongo), les de risque d’insécurité alimentaire. Toute l’année, la famille a de quoi manger. ● Laris (clan kongo) ont progressivement repoussé les Tékés vers le nord. MURIEL DEVEY, envoyée spéciale N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Le Plus de J.A. Congo RECONSTRUCTION

Mgr Louis Portella Mbuyu « Il faut donner aux gens l’envie de se fixer » Pour l’évêque de Kinkala, l’aménagement et les initiatives économiques sont le meilleur moyen de tourner la page des années 2000.

P

Pourquoi ne pas créer une « commission vérité et réconciliation » ?

Une telle commission n’est pas nécessaire sur le plan institutionnel. Mais, c’est certain, il faut une démarche concertée à tous les niveaux de la société et du département entre les politiques, les villages, les clans, les districts. Les gens sont ouverts à cela, et le simple fait de développer les voies de communication peut y contribuer. Donner à la population rurale les possibilités d’un développement réel sera déterminant.

résident en exercice de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et de l’Association des Conférences épiscopales de la région de l’Afrique centrale (Acerac), Mgr Louis Portella Mbuyu, 70 ans, originaire de PointeNoire, a été ordonné évêque de Kinkala en janvier 2002, au moment où les jeunes miliciens Ninjas de Pasteur Ntumi commençaient à s’armer. Connu pour son franc-parler, il s’est investi dans la médiation entre le gouvernement et les rebelles jusqu’à la normalisation de la situation, en 2007-2008.

Selon vous, quelles sont les priorités ?

EMANUELA DE MEO/CPP/CIRIC

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JEUNE AFRIQUE : Que vous inspire le fait que la célébration de la fête nationale soit cette année organisée à Kinkala ? MGR LOUIS PORTELLA MBUYU : C’est

vraiment une chance et un événement positifpourlePool.Parcequelacélébration de la fête nationale est toujours l’occasion de réaliser un certain nombre d’opérations dereconstructionetd’aménagements,dans le cadre de ce qu’on appelle désormais la « municipalisation accélérée ».

Comment avez-vous vu évoluer ce département ?

La population est très travailleuse. Elle estcapable de réaliserbeaucoup de choses et possède des valeurs culturelles qui lui permettent de rebondir. En 1997, quand la guerre civile a pris fin, il y a eu des résidus dans le Pool. Puis, pendant des années, les gens ont subi la violence, à cause des miliciens qui sévissaient dans le département. Les choses ont seulement commencé à s’améliorer lorsque le responsable de cette milice [Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, lire p. 89, NDLR] a été intégré dans les institutions. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

La population du Pool a des valeurs culturelles qui lui permettent de rebondir. Les rancœurs sont-elles toujours vives ?

Humainement parlant, il faut du temps, car beaucoup de familles restent blessées à la suite de pertes douloureuses. Des villages ont été rasés. Ce trop-plein de souffrances nécessite un temps de résilience pour que les uns et les autres oublient et se lancent dans la reconstruction. À cet égard, je sens une grande ouverture, une grande disponibilité de la part de la population. Nous avons fait passer des messages dans les paroisses pour dire que les jeunes qui s’étaient mal comportés sont nos enfants, méritentnotrepardonetdoiventreprendre leur place dans la société.

Il faut commencer par les routes. On s’y est investi, mais on doit pousser encore plus loin. Ensuite, on doit mettre en place de vrais projets de développement pour donner aux gens l’envie de se fixer, ainsi que le goût de produire et de commercer. Kinkala aura ainsi une couleur économique. Tout cela nécessite beaucoup de volonté. Mais il est primordial d’aller jusqu’au bout et de ne pas s’arrêter en chemin, comme cela arrive souvent. Y a-t-il des actions spécifiques à mener pour la jeunesse ?

Un travail d’accompagnement psychologique est indispensable. La violence endémique qui s’était installée dans le Pool a marqué les plus jeunes. Beaucoup ne sont plus allés à l’école, ceux qui y allaient ont connu des traumatismes – un enseignant m’a confié que nombre de ses élèves en ont littéralement perdu la mémoire – et ces séquelles continueront de peser encore longtemps sur la jeunesse du département. Le Pool est victime d’un retard culturel. Chacun de nous en porte une part de responsabilité. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de voir comment nous en sortir. ● Propos recueillis par TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE


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Le Plus de J.A. Congo PORTRAITS

Le Pool haut en couleur Certains sont des enfants du pays, d’autres des hôtes temporaires. D’autres encore, venus d’ailleurs, s’y sont enracinés. Présentation de quelques figures qui ont marqué le département.

Anne-Marie Bernadine Malonga Un maire peu ordinaire

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

88

C’

est devant son téléviseur, un soir d’avril 2011, qu’Anne-Marie Bernadine Malonga, 55 ans, apprend sa nomination à la tête de la mairie de Kinkala. Après un premier réflexe d’appréhension, elle se ressaisit : « Le jeu en vaut la chandelle », s’enthousiasme-t-elle. Pour remporter la partie, l’édile peut s’appuyer sur un parcours peu ordinaire. Élève au lycée technique du 1er-Mai de Brazzaville, elle avait choisi… la mécanique.«Jevoulaisfairecommeleshommes et être la première Congolaise à réussir dans cette voie. » Pari gagné. En 1975, elle N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

décroche une bourse d’études et part pour laRoumanie,d’abordaulycéeindustrielde Bucarest, puis à la faculté polytechnique, où elle étudie l’électronique. Ingénieure en radionavigation, Anne-Marie Bernadine Malonga est la première femme diplômée dans sa spécialité à son retour au Congo, en 1985. Elle est immédiatement recrutée par les Lignes nationales aériennes congolaises (Lina Congo), où elle sera nommée chef de service, avant de rejoindre Air Congo. « Intervenir sur un avion et le voir voler, c’est une grande fierté », se souvient l’ingénieure, encore amusée

« du regard étonné des passagers qui ne comprenaient pas ce qu’une femme en salopette faisait là ». Femme de convictions, la maire de Kinkala s’est aussi distinguée par sa ténacité dans l’action syndicale. Secrétaire générale de la Fédération syndicale des travailleurs du transport aérien, aviation civile et assimilés, vice-présidente de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo, elle a joué un rôle important dans la Fédération des ouvriers du transport au niveau de l’Afrique centrale. ● TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE


Démocratie cha cha

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Frédéric Ntumi Bintsamou Une bible et un fusil

A

VINCENT FOURNIER/J.A.

près avoir quitté l’école bien trop tôt (en classe de 3 e) pour se consacrer à Dieu et soigner les malades mentaux par la prière, le pasteur évangélique quitte Brazza et les turbulences de la guerre civile en 1997, pour se mettre à l’abri dans le Pool. Là, en 1999, se croyant appelé par Dieu, Ntumi décide de prendre en main les Ninjas, jeunes miliciens fidèles à Bernard Kolélas. Pour lui, il s’agit de remettre sur le droit chemin ces « brebis égarées », fumeurs de cannabis devant l’Éternel, auteurs de nombreux méfaits. Ntumi se sent en même temps investi d’une autre mission divine, celle de lutter contre le pouvoir central, qui maltraite la population. La Bible croise le fusil. Un chef de

guerre est né. Pendant des années, le leader du Conseil national de la résistance (CNR) et des Forces d’autodéfense de la résistance (FADR) mène la vie dure aux troupes de Denis Sassou Nguesso. Les exactions incessantes de ses hommes épuisent la population du Pool. Vient le temps des négociations. Nommé en 2007 délégué général chargé de la Promotion des valeurs de paix et de la Réparation des séquelles de guerre (il ne prendra ses fonctions qu’en 2009), le pasteur illuminé se transforme en homme politique, le CNR devient le Conseil national des républicains. À sa tête, Ntumi essuie un cuisant échec en se présentant aux législatives dans le Pool, en 2007, mais obtient neuf sièges au conseil municipal de Kinkala aux élections locales de 2009. ● T.L.M.K.

N

é dans l’actuelle Centrafrique d’un père originaire du Pool et d’une mère centrafricaine, Emmanuel Boundzéki Dongala fait ses études aux États-Unis et en France, où il décroche un doctorat. Devenu chef du département de chimie à l’université MarienNgouabi de Brazzaville, il consacre l’essentiel de ses recherches au manioc. En 1985, il est nommé directeur des études. Mais tout en enseignant la chimie, Dongala s’adonne à la littérature. Son premier roman, Un fusil dans la main, un poème dans la poche, paraît en 1974. Il sera suivi en 1982 d’un recueil de nouvelles, Jazz et Vin de palme. Riche de six titres et traduite dans plusieurs langues, son œuvre est

porteuse d’un regard parfois désabusé sur les convulsions du continent, tout en se voulant universelle. L’un de ses romans, Johnny Chien Méchant, a été adapté au cinéma en 2008. En 1997, Dongala est contraint de quitter son pays à cause de la guerre civile. Il pense d’abord à la France mais, Paris ne lui accordant pas de visa, opte finalement pour les États-Unis. Il s’y consacre aujourd’hui à ses deux passions, enseignant la littérature africaine francophone au Bard College (New York) et la chimie dans son annexe de Simon’s Rock (Massachusetts). ● T.L.M.K.

BAUDOUIN MOUANDA

Emmanuel Dongala L’alchimie des mots


Le Plus de J.A. Congo

Jean-Michel Mbono Sorcier du ballon rond

D

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

ès son adolescence, Jean-Michel Mbono, né à Brazzaville en janvier 1946, montre une aisance particulière avec le ballon rond. Il fait ses débuts en première division à l’âge de 15 ans, avec l’Étoile du Congo. Sous le maillot de l’équipe nationale, cet avant-centre surdoué s’illustre lors de la première édition des Jeux africains, à Brazzaville, en 1965. Mais son plus haut fait d’armes reste le sacre des Diables rouges à la Coupe d’Afrique des nations 1972. Mbono se souvient : « À deux jours de notre entrée en scène, nous apprenions qu’il y avait à Brazzaville une tentative de coup d’État. Parmi nous, beaucoup avaient des amis ou des parents arrêtés, voire tués. Il nous a fallu un moral d’acier pour aller jusqu’au bout et gagner la coupe. » Fidèle à lui-même, Mbono continua à considérer le football comme une simple passion. Après des études en France, il devint un haut cadre de la Sécurité sociale congolaise. Aujourd’hui retraité, celui qu’on surnommait « le sorcier » est, depuis novembre 2010, président de la Fédération congolaise de football. ● T.L.M.K.

Zao Désenchanté

N

é à Mazinga (dans le district de Ngoma Tsé-Tsé) en 1953, Casimir Zoba n’a que 4 ans lorsque ses parents divorcent et qu’il part à Brazzaville avec sa mère. Ses études secondaires achevées, il entre à l’école normale en 1978 et, deux ans plus tard, commence sa carrière d’instituteur. Rien de plus classique. Mais, de ballets traditionnels en ensembles vocaux religieux, le petit Zao (un pseudonyme inspiré par Zagallo, un footballeur brésilien qu’il admirait), membre de plusieurs groupes au lycée, a baigné dans un univers musical pendant toute son adolescence. Jusqu’à être recruté comme percussionniste par Les Anges, un ensemble qui animait les soirées du Parti congolais du travail (PCT, alors parti unique) et tournait dans les pays frères de la famille marxiste. Auteur, compositeur, interprète, Zao reçoit en 1982 (avec Sorcier ensorcelé) le prix Découvertes de RFI, puis en 1983 le prix de la meilleure chanson (pour Corbillard) au Festival des musiques d’Afrique centrale, jusqu’à la consécration internationale avec la sortie en 1984, chez Barclay (un label français), d’Ancien Combattant, dont le titre éponyme est un hymne contre la guerre. « Je suis un chanteur engagé, et N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

faire rire est fondamental. Je peux dire des choses dures en amusant le public », explique le trublion. Son humour légendaire et sa verve sont toujours là, mêlés cependant d’amertume. En pleine guerre civile, Zao s’est réfugié en 1998 dans les forêts du Pool avec les siens, pendant huit mois. Il y a perdu son fils, alors âgé de 4 ans. Dure épreuve qui, évidemment, perturbe sa carrière. S’y ajoutent les producteurs indélicats, les téléchargements pirates de ses œuvres sur Internet… Désabusé après la sortie de Renaissance (2000), Zao a retrouvé toute sa verve et son entrain empreint de gravité dans son album L’Aiguille (2006) et devrait nous en faire profiter dans son nouvel opus, prévu pour fin 2012. ● T.L.M.K.

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

90


La LETTRE

Délégation Générale des Grands Travaux

N°5

« Faire de l’ambition de modernisation une réalité » CONTINUER À FAIRE PREUVE DE RIGUEUR Sommaire Repères 2012

EXTRAIT

du message de vœux de nouvel an à la Nation, le 31 décembre 2011, de Denis SASSOU N’GUESSO, Président de la République du Congo. et à affûter notre sens de responsabilité dans toutes nos entreprises collectives.

● Mémorandum

CONGO

d’entente entre l’Italie et le Congo

● Drame

de Mplia

● Un

complexe sportif moderne pour les 11ème jeux africains

● Relier

Brazzaville et Yaoundé

● Pool

Cap sur la modernité

● Municipalisation

accélérée du Pool Ce qu’ils en pensent

« Dans un environnement mondial marqué par le ralentissement de l’activité économique et secoué par trois crises majeures (crise financière, crise économique et crise de l’endettement) qui ont réussi à faire vaciller les grandes puissances du monde, nous devons nous garder de toute euphorie. En 2012, comme en 2011, nous devons continuer à faire preuve de rigueur

I Communiqué

To u t c o m p o r t e m e n t , toute attitude différente, tout laxisme compromettrait, à coup sûr, l’élan, le bon élan pris par notre pays, et dont nous sommes à la fois des témoins privilégiés et des acteurs déterminés. Sur cet élan, le gouvernement entend réaliser les grands objectifs qu’il s’est fixé pour l’année qui commence demain (1er janvier 2012: ndlr). Au nombre des défis à relever, il y a notamment : ◆L’amélioration substantielle de l’offre de santé et d’électricité ;

◆L’assainissement de nos principales agglomérations urbaines ; ◆L’industrialisation du pays avec l’éclosion de diverses PME et PMI ; ◆La poursuite de grands travaux d’infrastructures de base notamment dans le domaine de la navigation fluviale ; ◆Le renforcement de la politique d’appui à l’activité agro-pastorale. Une fois de plus, j’en appelle au sursaut patriotique de chacun, au dévouement et à la disponibilité de tous, afin que s’ouvre et s’élargisse davantage à notre pays, le champ de nouvelles raisons d’espérer. »


La LETTRE

Délégation Générale des Grands Travaux

N°5

Repères 2012 ◆ Poursuite des travaux des municipalisations antérieures ; ◆ Poursuite des travaux de la RN1 entre Dolisie et Brazzaville, de la RN2, entre Brazzaville et Ollombo, des routes Sibiti-Mapati-Ibé, Okoyo-Lékéti frontière du Gabon ; ◆ Inauguration du tronçon Owando-Makoua-Mambili et Jean-Jacques Bouya, Ministre Délégué, Délégué général aux grands gravaux

lancement des travaux des tronçons Mambili-Ouesso et Ouesso-Ketta-Djoum ; ◆ Poursuite de la construction des

“ Pour 2012, année du 10 ème anniversaire de la DGGT, année de l’électricité et de la santé, les grands repères pour notre structure sont

Amphithéâtres de l’Université Marien NGOUABI et mise en service de la bibliothèque universitaire ; ◆ Finalisation des études et démarrage

les suivants :

des travaux de l’université Denis SASSOU N’GUESSO de Kintélé ;

CONGO

◆ Poursuite de la construction des lignes de transport d’énergie vers

◆ Mise en service des premiers trains

des agglomérations non-encore

modernes du Congo ;

desservies ;

◆ Déploiement et allumage de la fibre

◆ Amélioration des réseaux de

optique sur le corridor central du pays ;

distribution d’énergie des grands

◆ Mise en synergie des résultats de la

centres urbains tels que Brazzaville

gestion parcellaire moderne ;

et Pointe-Noire;

◆ Démarrage des infrastructures liées

◆ Réhabilitation du barrage

aux 11e jeux africains de 2015.

hydroélectrique du Djoué et construction de celui de Liouesso ;

R i e n , m a i s v r a i m e n t r i e n , n e d o i t ê t re

◆ Réhabilitation du CHU et construction

e n t re p r i s q u i p u i s s e n o u s d é s o r i e n t e r

d’un 2ème à Brazzaville, des hôpitaux

de ces instructions du Président de la

Adolphe Cissé de Pointe-Noire et

République ”.

31 juillet d’Owando et construction des hôpitaux de référence dans les chefs lieux de département qui n’en possèdent pas.

Jean-Jacques BOUYA Extrait du message de vœux aux personnels de la DGGT à Imboulou, le 28 janvier 2012

◆ Municipalisation accélérée du département du Pool ;

Communiqué

II


La LETTRE MÉMORANDUM D’ENTENTE entre l’Italie et le Congo

La République du Congo et l’Italie ont signé, le 23 février à Rome, un mémorandum d’entente pour favoriser le développement d’un partenariat gagnantgagnant dans le domaine des infrastructures. L’accord prévoit notamment un rapprochement entre le Chemin de fer Congo océan (CFCO) et la Ferroviero Dello Stato italiane (FSI).

L

e document a été signé par le vice-ministre italien aux infrastructures et les transports, Mario CIACCIA et par le ministre délégué, délégué général aux grands travaux de la République du congo, JeanJacques BOUYA. Ce mémorandum prévoit d’encourager les entreprises ferroviaires italiennes dans les programmes de développement des infrastructures du CFCO ; d’œuvrer pour l’application au Congo des technologies nouvelles et de développement durable, notamment dans le secteur de la production d’énergie électrique, des énergies renouvelables et du développement du potentiel

Jean-J ovi Dello Stato Jean-Jacques BOUYA en visite à l’atelier de la F Ferroviero Italiano.

agricole congolais ; de promouvoir une intervention de l’industrie italienne dans les programmes de développement des infrastructures congolaises ; de favoriser une présence « active » des entreprises italiennes du secteur de construction et d’infrastructures dans les grands travaux engagés par le Congo. « Depuis quelques années, nous avons un pays stable, un pays dont l’essor économique commence à se faire sentir audelà même du continent. Le pays connaît une croissance soutenue. C’est ainsi que nous avons décidé de construire un autre port à Maloukou où sera aussi érigé le pont route-rail sur le fleuve Congo », a indiqué Jean-Jacques BOUYA. Le Délégué général aux grands travaux a visité le poste central de contrôle et de commande de la ligne grande vitesse Roma-Napoli et l’atelier de manutention des trains, ainsi que les installations de la Ferroviero Dello Stato Italiano, en compagnie du président directeur général de la société, Mauro MORETTI.

III

Il s’est entretenu à Rome, avec les responsables d’une soixantaine de sociétés italiennes regroupés au sein de Confindustria (chambre de commerce et d’industrie). Le Délégué général aux grands travaux a aussi accordé des audiences aux opérateurs économiques italiens, parmi lesquels, M. John CARLOLANA, P D G d u g r o u p e C I M E S T, spécialisé dans le financement des entreprises italiennes investissant à l’étranger. « Nous avons parlé des opportunités pour les entreprises italiennes d’investir au Congo, notamment dans le secteur de l’agro-alimentaire, de l’industrie, du tourisme, de l’habitat, de la reconstruction », a fait savoir John CARLOLANA. ■

CONGO

Séance de travail entre Mario CIACCIA A et Jean-Jacques BOUYA lors de la signature de l’accord sur les infrastuctures entre l’Italie et le Congo.


La LETTRE N°5

Délégation Générale des Grands Travaux

DRAME DE MPILA La Chine octroie un crédit de 300 milliards de francs CFA au Congo de transport d’électricité associées au barrage de Liouesso et de délocalisation des casernes militaires.

CONGO

Gilbert ONDONGO et Zhu Xin QIANG lors de la signature des conventions de crédit.

Le gouverneur d’EximBank, Zhu Xin QIANG et le Ministre congolais des finances, du budget et du portefeuille public, Gilbert ONDONGO, ont signé le 7 juillet, à Brazzaville, trois conventions de crédit de 300 milliards de francs CFA, en présence du Délégué général aux grands travaux, Jean-Jacques BOUYA. La banque chinoise participera, à travers ces conventions, au financement de la reconstruction des quartiers détruits par les explosions du 4 mars. Une partie de ces ressources servira à l’achèvement des projets de construction des routes Mambili-Ouesso et Okoyo-Lékéty frontière du Gabon, des lignes

Jean-Jacques BOUYA et Zhu Xin QIANG visitant la zone sinistrée.

Communiqué

« Tout ceci vise à entériner ce que le président Denis SASSOU N’GUESSO et le Premier ministre chinois Wen Diabao ont convenu en marge du sommet de Rio+20 au Brésil », a dit Jean-Jacques BOUYA. Avant de procéder à la signature de l’accord de crédit, le gouverneur d’EximBank et le Délégué général aux grands travaux ont visité la zone du sinistre, en compagnie de l’ambassadeur de Chine au Congo, Guan JIAN. Les trois personnalités ont visité également le chantier des logements modernes de Mpila affecté par les explosions. « Nous sommes tristes de constater l’ampleur des dégâts de cette catastrophe. Nous avons la volonté de renforcer la coopération avec le Congo et de l’accompagner dans la reconstruction de Brazzaville », a indiqué Zhu Xin QIANG. La catastrophe de Mpila a fait près de 300 morts, environ 2 500 blessés, 17 000 sans abris et d’importants dégâts matériels. Selon Jean-Jacques BOUYA, les dégâts causés par le drame sont estimés à près de 1 milliard de dollars US. La Chine fait partie des pays qui participent à l’alimentation du fonds de reconstruction de la zone sinistrée mis en place par le Gouvernement au lendemain du drame. « L’amitié sino-congolaise ne s’est jamais démentie et dans nos cœurs nous portons réellement la Chine. La Chine nous a montré qu’elle nous aimait beaucoup. Je vous remercie pour ce que vous faites pour aider Brazzaville à se reconstruire », a déclaré le ministre Gilbert ONDONGO aux autorités chinoises.

IV


La LETTRE

Accolade entre Jean-Jacques BOUYA et Cesare TREVISSANI.

Le jeudi 28 juin 2012, Jean-Jacques BOUYA s’est entretenu avec le Président directeur général du groupe TREVI, Cesare TREVISSANI, Président de la Confidustria, la chambre de commerce d’Italie, en présence de l’Ambassadeur d’Italie au Congo, Son excellence Monsieur Tassoni. Les deux personnalités ont notamment parlé de la riposte à apporter à la catastrophe de Mpila, dans le domaine de la reconstruction de la zone sinistrée. Le PDG de TREVI, entreprise dont l’expertise touche plusieurs domaines des infrastructures, a présenté un plan de reconstruction de la zone, intégrant toutes les commodités. Il a rassuré le Délégué général aux grands travaux de l’expertise et du savoir faire de sa société. Le Ministre délégué, Délégué général aux grands travaux s’est réjoui de l’aboutissement progressif de l’accord de partenariat signé en février dernier avec la partie italienne. Pour lui, la reconstruction de la zone sinistrée de Mpila est une urgence et pourrait être cofinancée par l’Italie et le Congo. ■

pour les 11ème jeux africains La Délégation générale des grands travaux a procédé, le 18 juillet à Brazzaville à l’ouverture des offres relatives à la construction d’un complexe sportif à Kintélé qui abritera les onzièmes jeux africains en 2015. La séance de dépouillement a été présidée par la Secrétaire générale de la DGGT, Catherine EMBONDZA LIPITI. Sept multinationales ont soumissionné à l’appel d’offres international lancé, le 11 avril 2012. Ce projet illustre le rôle unificateur du sport et la volonté des autorités congolaises à porter plus haut, l’étendard du sport africain. Il se réalisera en trois lots. Le 1er concerne la construction des infrastructures sportives, le 2ème lot porte sur la construction des bâtiments classiques, le 3ème est consacré à la construction de voiries et de réseaux divers. La conception d’un plan masse cohérent présentera l’ensemble des infrastructures agencées sur l’espace disponible. Des infrastructures sportives adaptées au contexte international, un stade de football d’une capacité de 60 000 places assises, un terrain de réplique, un complexe nautique et un palais des sports, meubleront le complexe. La structure générale sera nantie d’un hôtel de 120 lits, de 300 logements pour les athlètes et le personnel d’encadrement, d’un centre médico-social, d’un bloc administratif, d’une cafeteria, d’espaces de commerce et d’exposition et d’un poste de sécurité. Les travaux de ce complexe sportif de Kintélé conçu pour accueillir des compétitions de grande notoriété et des équipes sportives de renom, seront financés par le budget de l’État.

Une des maquettes du complexe sportif.

V

CONGO

Jean-Jacques BOUYA et Césare TREVISSANI ripostent au drame

UN COMPLEXE SPORTIF MODERNE


La LETTRE N°5

Délégation Générale des Grands Travaux

RELIER BRAZZAVILLE À YAOUNDÉ, en route bitumée

CONGO

Lancement des travaux de bitumage de la route Ketta-Djoum par le Président Denis Sassou N’Guesso.

Chaque soleil qui se lève apporte au Congo, un kilomètre de route, un mégawatt supplémentaire, un mètre carré en plus de bâtiments modernes. Ce premier semestre 2012, les départements de la Cuvette et de la Sangha ont été mis sur orbite. Du 15 au 18 mai 2012, Denis SASSOU N’GUESSO a procédé aux inaugurations et aux lancements des travaux des infrastructures destinées à révolutionner des vies et coutumes dans le nord Congo, au nombre desquelles, la route Ketta-Djoum. Le président de la République a donné, le 17 mai 2012, le coup d’envoi des travaux de construction de la route Ketta-Djoum (320 km). La cérémonie mémorable s’est déroulée à Ketta, à 25 km de Ouesso (département de la Sangha). Les travaux confiés à la société Sino Hydro sont estimés à plus

Communiqué

La route Ketta-Djoum sera très bientôt le reflet bitumé de la route d’Owando-Makoua-Mambili-Ouesso.

de 108 milliards de francs CFA, financés à 58 % par la République du Congo et à 42 % par la Banque africaine de développement (BAD) sous forme de don. L’accord de don d’un montant de 47,12 milliards de francs CFA ayant été signé en 2010 entre le gouvernement congolais et le Fonds africain de développement. Il s’agit d’un projet d’intérêt régional visant à relier les villes de Brazzaville et Yaoundé (1 624 km) par une route bitumée. Du côté congolais, il est prévu l’aménagement et le bitumage du tronçon Ketta-frontière du Cameroun (312 km). La route Ketta-Djoum figure dans le plan directeur consensuel des transports en Afrique centrale, adopté en 2004 par les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), et parmi les projets prioritaires du

VI

NEPAD dans la région. Elle devrait contribuer au renforcement de l’intégration régionale en facilitant la circulation des personnes et des biens. « Dans trois ans seulement, les distances seront considérablement réduites. Et, ce sera assez, pour une route d’importance, cette route qui enjambe nos cultures, cimente l’unité de nos pays, l’unité africaine au bout du compte », a déclaré JeanJacques BOUYA, Délégué général aux grands travaux. Pour le ministre de l’équipement et des travaux publics, Emile OUOSSO, en lançant les travaux de construction de la route KettaDjoum, le chef de l’État congolais confirme son adhésion aux politiques et décisions d’intégration, tout en apportant des solutions durables aux problèmes des populations.


La LETTRE POOL Cap sur la modernité

530 milliards de francs CFA sont affectés à la réalisation des projets de modernisation de cette entité administrative qui sombrait jusqu’ici dans une précarité notoire. Il s’agit, entre autres, des projets de construction du palais présidentiel, du pavillon présidentiel, de l’héliport et sa voie d’accès, de la centrale électrique, du boulevard sur lequel se déroulera le grand défilé militaire et civil, de voiries urbaines (31km), du stade omnisports de Kinkala où se jouera la finale de la coupe du Congo 2012 et sa voie d’accès. D’autres projets de développement sont mis en œuvre conformément au calendrier contractuel, la municipalisation étant un processus. Il s’agit de la construction des établissements scolaires et sanitaires dans tous les districts du département ; la réhabilitation et l’équipement de l’hôpital général de Kinkala ; la construction et l’équipement des centres de santé intégrés (CSI), des sièges de la préfecture à Kinkala, du conseil départemental, des 13 sièges de sous-préfectures et des communes urbaines du Pool ; la réhabilitation des centres de métiers de Kinkala et Boko ; la construction de l’aéroport de Kindamba, de l’hôtel de police

et de la maison d’arrêt de Kinkala ; l’aménagement de plusieurs routes en vue de favoriser la fluidité du trafic routier dans le département ; la construction des logements sociaux à Kinkala et Kindamba, du palais royal de Mbé ; l’électrification et l’alimentation en eau potable des différents districts ; la construction d’un marché moderne à étage (R+1) à Kinkala et d’autres marchés de type secondaire dans les autres districts ; etc. L’allocation par l’État de cette enveloppe à ce département se justifie par l’ampleur et le volume des travaux à réaliser sur le terrain. Car, le département du Pool a été sérieusement secoué et meurtri par les événements socio politiques qu’a connus le Congo. Avec le coup d’envoi officiel des travaux de la municipalisation accélérée, le président de la République vient de poser les jalons de l’épanouissement du Pool qui entre désormais de plain-pied dans sa mutation, non seulement, vers le développement, mais aussi, vers la modernité. Le premier objectif de cette politique est d’accueillir avec grand éclat, les festivités marquant le 52ème anniversaire de l’indépendance du Congo. Ces ouvrages dont certains sont livrés pour l’échéance de la fête 15 août, a laissé entendre le Ministre délégué, Délégué général aux grands, Jean-Jacques BOUYA, sont construits selon les normes.

VII

Stade omnisports de Kinkala.

Pavillon présidentiel de l’héliport de Kinkala.

Vue panoramique de Kinkala.

Les chantiers qui se multiplient dans le Pool, en général, et à Kinkala, en particulier, sont le fruit de la paix et de la concorde nationale, chères au président de la République, Denis SASSOU N’GUESSO.

CONGO

Les travaux de la municipalisation accélérée du département du Pool ont été officiellement lancés, le 3 mai 2012 à Kinkala, par le président de la République, Denis SASSOU N’GUESSO.


La LETTRE

Délégation Générale des Grands Travaux

N°5

MUNICIPALISATION ACCÉLÉRÉE DU POOL

Ce qu’ils en pensent Pierre MOUSSA, Ministre d’État, coordonnateur du pôle économique

Isidore MVOUBA, ministre d’Etat, coordonnateur du pôle des infrastructures de baes

Jean-Jacques BOUYA, Délégué général aux grands travaux

Kinkala, aujourd’hui grosse bourgade si proche de Brazzaville, va ainsi, grâce au président de la République, se donner les moyens de se moderniser et progressivement devenir une ville moderne en gestation, une métropole d’équilibre, conformément au schéma national d’aménagement du territoire, tournant ainsi le dos au passé et orienté vers la modernité. ■

Nous sommes heureux de vivre ce qui se fait ici. Les choses vont bien. Je tiens à féliciter les autorités locales qui suivent au pas ces travaux et surtout la Délégation générale des grands travaux pour la mise en œuvre de cette ambition du président de la république. ■

La municipalisation accélérée est un processus. Nous commençons les travaux et nous les achevons progressivement. Mais, il y a certains chantiers qui doivent être livrés avant le 15 août. Nous sommes satisfaits par ce que nous voyons. ■

J’ai constaté que ce département commence à se relever. L’acte que vient de poser le président de la République permettra de changer l’image du département. Le Pool va se réveiller, son peuple agriculteur, éleveur, va travailler. Avec les routes, nous serons le grainier de Brazzaville et du Congo. ■

Anne-Marie MALONGA, Maire de Kinkala

À travers la commémoration du 52ème anniversaire de notre pays, le Pool a obtenu beaucoup de choses et continuera toujours à les obtenir. Nous avons entendu toute la fourchette de projets retenus pour le Pool. Il y a rien de plus heureux pour les filles et fils du Pool. Rien de plus fier que de pouvoir se préparer réellement à accueillir nos invités tes hommes et des femmes qui viendront passer la fête avec nous. ■

Le département du Pool a subi des pertes, même en vies humaines, mais sur le plan matériel, on peut reconstruire et je crois que c’est en tenant compte du passé du Pool que le président de la République a augmenté l’enveloppe de notre département par rapport aux autres (ndlr : 530 milliards de francs CFA). ■

Un natif du Pool

Ça fait très longtemps que nous attendons cette municipalisation. Son avènement nous laisse dire que le département du Pool va se moderniser et nous sommes très contents et fiers parce que c’est l’unique département à qui l’enveloppe allouée a été colossale. ■

Délégation Générale des Grands Travaux Boulevard Denis Sassou Nguesso - BP 1127 Brazzaville, République du Congo Tél./Fax : (+242) 22 281 47 13 - E-mail : contact@grandstravaux.org www.grandstravaux.org

Communiqué

VIII

Réalisation DIFCOM Paris 16 - Photos DGGT - Août 2012

CONGO

Willy Crépin KOULOUMBOU, Sous-préfet de Mindouli

Jean Michel SANGHA, Préfet du Pool


Démocratie cha cha TOURISME

Peut mieux faire

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

Le département dispose de sites attractifs, mais les infrastructures manquent.

AGRICULTURE

F

leuve Congo, chutes de la Loufoulakari, pool Malebo, lac Bleu, trou de Dieu de Nguéla, réserve de la Léfini, sanctuaire de gorilles de Lésio-Louna, village de Mbié (siège du royaume téké), musée des Fétiches de Nkankata, place Matsoua à Kinkala, mission des spiritains à Linzolo… Le Pool ne manque pas de sites propices au tourisme. Ni de clientèle potentielle, avec la proximité de la capitale. Mais tout reste à faire pour qu’il devienne une vraie destination touristique.

" La partie sud (ici à Kinkala) se distingue par une PRODUCTION MARAÎCHÈRE DIVERSIFIÉE.

Un grenier pour Brazza

Quelque 80 % des produits vivriers frais consommés dans la capitale sont cultivés dans le Pool. À chaque zone ses spécialités.

JEUNE AFRIQUE

reste contrarié, en premier lieu, par le manque d’hôtels. Les rares infrastructures de qualité offrant une gamme diversifiée d’activités de loisirs (comme la résidence Élonda, à Kintélé) sont situées près de la capitale et le long de la RN 2. À part Kinkala, les districts ne disposent pas d’hôtels dignes de ce nom et les réserves sont sous-équipées. Certains sites, comme les chutes de la Loufoulakari, sont difficilement accessibles et peu sont aménagés. Enfin, si l’aménagement prévu de l’île Mbamou, dans le pool Malebo, devrait venir l’étoffer, l’offre de « produits » reste limitée. Par exemple, le créneau des croisières n’est pratiquement pas exploité. ● M.D.

Enfin, dans l’Ouest, la zone de Kindamba, bien qu’enclavée, alimente Brazzavilleenfoufoudemanioc,enviande debœuf,enorangesetenbananes.LePool pourvoit aussi la capitale en gibier et en bois de chauffe, d’où un fort déboisement quiinquiètelesautoritésdépartementales. En revanche, la culture du riz, autrefois très développée, a presque disparu. INTERMÉDIAIRES. Lahaussedelaproduc-

tion vivrière et la reprise des activités agricoles dans la partie sud du Pool depuis la fin des conflits ont favorisé l’essor du transport et du commerce entre les différentes zones d’approvisionnement et la capitale. C’est principalement au marché Bourreau, dans la commune de Makélékélé, et près du lycée Thomas-Sankara, à Talangaï, que sont déchargées les cargaisons venant des villages. Là, une foule de détaillants, principalement des femmes, s’empresse de récupérer la marchandise. Les transactions ont parfois lieu le soir. « On part le matin, on dort au village et on repart le lendemain pour arriver à Brazza vers 22 heures », explique Yves Rock Banzouzi, un transporteur. Alors que ses confrères opérant dans le nord du Pool sont aussi commerçants, dans la zone sud la collecte des produits et leur revente restel’affairedesnombreuxintermédiaires, natifs ou non des villages de production, qui ont développé de solides liens avec les exploitants. ● MURIEL DEVEY

! Au patrimoine naturel du Pool, le SANCTUAIRE DE GORILLES de Lésio-Louna.

CYRIL RUOSO/BIOSPHOTO

S

i Brazzaville importe de l’étranger une grande part de ses denrées alimentaires, plus des trois quarts des produits vivriers frais qu’il consomme proviennent du Pool, qui n’a pourtant guère été gâté par la nature, côté sols comme côté temps. Plusieurs bassins de production, tous dominés par la culture du manioc, ravitaillent les marchés de la capitale. Dans la partie nord, la zone des plateaux (sur l’axe Igné-Imbini-Mat) produit notamment les cossettes de manioc, et des deux nouveaux villages agricoles Nkouo et Imvouba (créés en 2010) proviennent des œufs, des poulets de chair et de la viande de porc. La partie sud, jadis célèbre pour ses ngouri yaka, pains de manioc pouvant peser jusqu’à 10 kg, reste le fief des chikwangue, de taille plus modeste. Bénéficiant de la voie ferrée et de la RN 1, Kinkala et Goma Tsé-Tsé envoient vers Brazzaville une grande quantité de chikwangue, produits maraîchers, vin et noix de palme. La fertilité de ses sols et la présence du chemin de fer permettent au district de Mindouli d’offrir un large éventail de produits maraîchers (manioc, haricots, arachides, gingembre, banane plantain, légumes et fruits divers). Également bien desservi, Boko se distingue quant à lui par ses fruits (litchis, mangoustans, mangues greffées et agrumes divers).

OFFRE LIMITÉE. L’essor du secteur

99


Le Plus de J.A. Congo

MURIEL DEVEY POUR J.A.

100

! EXTENSION DE LA VOIRIE, début juillet, à Kinkala. DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL

Il est temps de mettre les bouchées doubles

Les chantiers de la municipalisation accélérée du Pool ont été lancés en mai et doivent s’achever en 2016. De quoi changer la vie quotidienne et l’économie.

C

est en mai dernier qu’a été donné le coup d’envoi de la municipalisation accélérée dans le Pool, nouveau territoire à bénéficier de ce programme de travaux d’intérêt départemental, dont la Délégation générale des grands travaux (DGGT, lire pp. 110-112) et le Service technique pour la municipalisation accélérée, rattaché au ministère du Plan, assurent la maîtrise d’ouvrage déléguée. En la matière, le Pool se distingue par le montant des financements qui seront engagés d’ici à 2016 – environ 530 milliards de F CFA (808 millions d’euros) –, bien plus élevé que pour les autres départements. La partie sud du Pool ayant été sinistrée par les troubles des années 1990 et 2000, les travaux de reconstruction et de modernisation y sont nécessairement plus importants. La région se distingue également par l’implication plus forte de la société civile dans les débats qui ont précédé le N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

lancement du programme. Lors de rencontres avec Isidore Mvouba, président du Comité consultatif d’appui et de suivi de la municipalisation accélérée du Pool et par ailleurs ministre des Transports, les organisations de la société civile,

si l’apport des nationaux est encore marginal, cela fait bouger les choses. Les opérateurs privés pourront faire valoir qu’avec davantage de moyens et d’organisation ils sont en mesure de faire plus, et, du côté des pouvoirs publics, on pourra alors esquisser une procédure pour les aider à s’impliquer davantage ailleurs. » PRIORITÉS. C’est Kinkala, le chef-lieu

du département, qui bénéficie des premières réalisations, dont « l’héliport, l’aire du défilé, le palais présidentiel, le stade, quelques voiries et ouvrages d’assainissement, l’hôtel du conseil départemental, Bâtiments publics, écoles, routes, ainsi que la petite centrale marchés, électrification… La liste thermique et des lignes des projets est longue. de transport qui lui sont associées », détaille Florent Nzinga, le représentant de la DGGT tirant des leçons des expériences pasdans le Pool. sées, ont émis des réserves sur certains Si la plupart des habitants s’enthouprojets et exprimé le souhait que les acteurs privés soient davantage associés siasment à l’idée de voir leur ville s’emau processus. bellir, ils sont mitigés quant à l’ordre Ces derniers ont d’ailleurs été nomde programmation des chantiers. « Avait-on besoin d’un palais présibreux à répondre aux appels d’offres, en particulier pour la réalisation d’édifices dentiel ? Il aurait mieux valu construire publics et d’ouvrages d’assainissement. un hangar de stockage réfrigéré pour les Un atout pour le département et pour le produits agricoles », râle une commerpays, comme le souligne un conseiller çante. Chacun y allant, évidemment, financier du ministre du Plan : « Même de ses priorités. JEUNE AFRIQUE


Démocratie cha cha Pour l’heure, pas de problèmes majeurs dans la mise en œuvre des travaux prévus, à part quelques « difficultés liées aux intempéries et, surtout, à la morphologie du terrain, très vallonné, qui complique la réalisation de certains ouvrages de génie civil », explique Nzinga. La prochaine étape, la plus importante, est à venir. Le choix des ouvrages, grosso modo le même qu’ailleurs, privilégie les infrastructures administratives et sociales : préfecture à Kinkala, sous-préfectures dans les chefs-lieux de districts, hôtels de ville dans les communautés urbaines, gendarmeries, résidences pour les autorités départementales, écoles, collèges, stades, centres de santé intégrés, gares routières, marchés.

C’est le chef-lieu qui bénéficie des premières réalisations. locale. La production agricole augmentera, et les échanges à l’intérieur du département et avec la capitale seront dynamisés. Il faudra par ailleurs mettre en place des activités qui auront un effet de levier direct pour stimuler la production. Cela suppose une amélioration de la gouvernance locale ainsi que l’implication des associations locales de développement. Quant à savoir qui financera leur réalisation et assurera leur gestion, la question, pour le moment, reste posée. ● MURIEL DEVEY

DGGT

LEVIER. Nombre de projets d’électrification, d’adduction d’eau potable et de construction d’infrastructures de transport sont également programmés. « Il est prévu de réhabiliter des routes en terre, de bitumer les tronçons Louté-MindouliYié-Brazzaville et Kinkala-Mindouli, de construire un pont sur la Djouéké, un

autre sur la Louladi, et un aéroport à Kindamba », informe Nzinga. Évidemment, l’augmentation de l’offre en énergie, en eau et en infrastructures de transport aura un impact positif sur les conditions de vie des populations et sur l’économie

RÉSERVOIR D’ÉNERGIE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ est l’une des activités clés du Pool, qui abrite deux complexes hydroélectriques. Le plus important est celui d’Imboulou (photo), construit sur la rivière Léfini (à 260 km au nord de Brazzaville) par China Machinery Engineering Corporation (CMEC). Doté d’une puissance de 120 MW depuis le mois de mai, il alimente une partie de la capitale, nombre de localités du nord du Pool, des départements des Plateaux et de la Cuvette, ainsi que quelques communes de Kinshasa, en RD Congo. Quand le réseau de distribution d’électricité sera réhabilité et étendu, Brazzaville profitera pleinement de sa production. La capitale est aussi approvisionnée par le barrage du Djoué, sur la rivière éponyme (au sud de Brazzaville), mis en service en 1953. Sa réhabilitation doit démarrer prochainement. Elle prévoit la construction d’une centrale additionnelle, qui portera sa M.D. puissance de 15 à 31 MW. ● JEUNE AFRIQUE

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


Le Plus de J.A. Congo ! LA RN1, entre Brazza et Kinkala.

VINCENT FOURNIER/J.A.

102

TRANSPORTS

Pool express La plupart des échanges entre le sud et le nord du pays transitent par le département. Une position stratégique bientôt renforcée par trois projets plutôt bien engagés.

«

M

port sec à Maloukou Tréchot (dans le ême si Brazzaville district d’Ignié) est lui aussi bien engagé. n’existait pas, le Pool, par sa position Une bretelle de la RN1 – qui va bientôt géographique, serait relier Brazzaville à Pointe-Noire, poumon naturellement un carrefour. Il joue un économique du pays – contournera la rôle pivot dans l’interconnexion entre les capitale par le nord pour aboutir à cette régions nord et le sud du pays », rappelle ZES, qui sera ainsi directement connectée au port maritime, sur la côte atlantique. Michel Niama, l’un des conseillers économiques du ministre de l’Économie, du Par ailleurs, les autorités envisagent la Plan, de l’Aménagement du territoire et construction d’un port continental en eau de l’Intégration. « Il faut former de nouveaux La position du département a bien évidemment favorisé acteurs locaux aux métiers l’installation de la capitale sur de la route et de la logistique. » son territoire, au bord du fleuve MARGUERITE HOMB, Agence de développement du Pool Congo, là où ce dernier n’est plus navigable. Un inconvénient qu’ont pallié la route et, surtout, le cheprofonde sur le fleuve, au-delà de Ngabé, min de fer. Du coup, toute infrastructure pour ouvrir le pays sur une profondeur susceptible d’améliorer l’accessibilité et la continentale beaucoup plus importante dessertedeBrazzatraverselePool…etplus que le pont entre Brazzaville et Kinshasa, le Pool est connecté aux autres régions, qui a un contenu surtout politique. De mieux Brazzaville est approvisionné. Or quoi transporter des matériels lourds la capitale administrative et politique dépend fortement de son hinterland et MAYA-MAYA DEVIENDRA de l’extérieur pour vivre. PONT. Pendant longtemps, la vocation de

relais du département a été limitée aux échanges entre le nord et le sud du pays. Les projets actuels devraient lui ouvrir de nouveaux horizons, bien plus intéressants. Parmi les plus avancés, la construction du pont route-rail entre Brazzaville et Kinshasa (lire « Grand angle »), qui favorisera la connexion avec la RD Congo, en particulier avec sa capitale et la province agricole du Bas-Congo. Le projet de création d’une zone économique spéciale (ZES), doublée d’un N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

L’AÉROPORT INTERNATIONAL Maya-Maya de Brazzaville ne cesse de se moderniser et de s’étendre. En août 2010 étaient inaugurés une deuxième piste d’atterrissage et le premier module de la nouvelle aérogare. En 2013, ce sera au tour du deuxième module (réservé aux vols

vers le nord du Congo et la Centrafrique, vers l’est de la RD Congo, et dynamiser les échanges entre ces pays. Si le projet aboutit, le port de Brazzaville aura alors une vocation touristique, son ensablement et son faible tirant d’eau limitant les tonnages. Autant dire que ces infrastructures vont bouleverser l’économie du Pool. Les populations du département serontelles en mesure de répondre aux besoins qu’elles vont nécessairement engendrer? « Il faudra installer de nouvelles stations d’essence, des garages, des hôtels, des restaurants, développer la chaîne du froid et autres services liés aux transports. C’est maintenant qu’il faut former de nouveaux acteurs locaux aux métiers de la route, de la logistique, ainsi qu’aux techniques modernes de gestion », insiste Marguerite Homb, la directrice générale adjointe de l’Agence de développement du Pool. Un vrai défi. ● MURIEL DEVEY

HUB

nationaux) d’être livré. Le chantier est confié à la Société anonyme de coopération technique et économique internationale de Chine (Weitec), qui a déjà construit le premier module, le pavillon présidentiel, l’aéroclub, un parking et un hôtel de grand standing situé à proximité de

l’aéroport. Dans moins de deux ans, MayaMaya pourra accueillir 2 millions de passagers par an, soit plus de deux fois le trafic actuel (environ 800000 voyageurs et 75000 tonnes de fret) et prétendre au statut de hub aéroportuaire. C’est le but des autorités congolaises. ● M.D. JEUNE AFRIQUE


Cuvée Rosé. Inimitable.

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


RÉPUBLIQUE DU CONGO

Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage

FONDS DE SOUTIEN À L’AGRICULTURE Accompagner la municipalisation accélérée

Bd Denis Sassou Nguesso (face station Total) - Mpila. Brazzaville, Congo - B.P : 1933 - Mobile : 05-516-75-05 Tél.: +242 22 281-34-15- Fax : +242 22 283-52-89 - E-mail : fondsdesoutien@yahoo.fr - www.fsa-cg.org

UN CENTRE DE FORMATION AUX MÉTIERS DE L’AGRICULTURE À EWO.

LE FSA FINANCE AUSSI LA COMMERCIALISATION.

UNE ACTIVITÉ DE PISCICULTURE FINANCÉE PAR LE FSA DANS LA BANLIEUE NORD DE BRAZZAVILLE.

DIFCOM/DF - PHOTOS DR SAUF LE FOND VASOU FOTOLIA.

À

travers son « Chemin le Fonds de Soutien à l’Agriculture d’avenir », le président de la cible deux actions essentielles. République, Denis Sassou Premièrement, financer la création Nguesso, nous montre le chemin de par l’Institut Agri-Congo d’un Centre notre avenir. Celui que nous devons agropastoral ayant pour vocation de emprunter, en toute conscience ; former, particulièrement les jeunes, aux celui que nous devons suivre en nous métiers de l’agriculture. Deuxièmement, laissant éclairer par le patriotisme. Et, accorder des appuis en nature et en de temps en temps, nous arrêter pour espèces aux promoteurs agropastoraux remanier notre conscience. Notre souci du département concerné et leur permanent ? Savoir ce que nous devons permettre d’augmenter l’offre agricole. faire de mieux pour notre Congo. Servir En 2011, la Cuvette-ouest a vécu avec M. EMMANUEL MAYOULOU, le Congo, à notre sens, c’est soutenir par bonheur la première expérience de cette DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FSA. des actes de bon sens la construction politique qui procède des stratégies du pays lancée par le président de de relance de la production agricole à la République. C’est accompagner le programme du grande échelle. Ewo, chef-lieu du département dispose Président, sans hypocrisie, sans état d’âme, mais avec dorénavant d’un Centre agropastoral et halieutique qui fait, l’âme de l’État. Voilà pourquoi, le Fonds de Soutien à parmi d’autres réalisations, la fierté de la ville. Entre les l’Agriculture, établissement public administratif chargé mois de février et d’août de cette année là, 40 maraîchers de financer les activités de production agropastorales, et éleveurs ont bénéficié d’un encadrement assuré par de conservation, de commercialisation et de création des des techniciens d’Agri-Congo. Aujourd’hui, ils deviennent filières, déploie depuis 2011 une politique consistant à des experts. Les festivités du 15 août passées, le Centre accompagner la municipalisation accélérée. Qu’est-ce-à continue de fonctionner. Beaucoup d’autres paysans dire ? La municipalisation accélérée, vaste programme provenant des six sous-préfectures de la Cuvette-ouest de modernisation des départements du Congo, lancée continuent d’aller s’y former. Lorsqu’ils ont appris, ils en 2004 par le président de la République, n’en finit pas parviennent à produire, à vendre, à gagner des revenus et de faire changer d’opinion à ceux qui, dès le départ, se à se prendre en charge. Qui plus est, le Fonds de Soutien montraient pessimistes. Chaque année, en effet, à tour à l’Agriculture a accordé des financements à bon nombre de rôle, chacun des départements du Congo se voit de promoteurs identifiés à Ewo, Okoyo, Itoumbi et Mbomo. doté d’infrastructures de transport, de communication, L’expérience se poursuit en 2012 dans le département du de télécommunication, de système d’adduction d’eau Pool qui vit, à son tour, la municipalisation accélérée. En potable et de fourniture d’énergie, de structures sanitaires partenariat avec Agri-Congo toujours, le Fonds de Soutien et scolaires bien équipés. De bâtiments administratifs à l’Agriculture envisage la création à Kinkala d’un Centre modernes qui permettent aux fonctionnaires de servir de formation. La session de validation tenue en novembre la République dans un cadre convenable. Cela étant, 2011 a retenu 109 projets à financer dans le Pool valant il faut que les populations se nourrissent. Chaque 1 milliard 100 millions. Des missions du Fonds ont sillonné département doit pouvoir développer un système de le département pour s’assurer de leur pertinence et de leur production de nourriture qui s’adapte au mieux à son rentabilité. En 2013, le tour reviendra au département des relief, à son climat, à sa végétation, à ses sols, à son Plateaux. Ainsi, progressivement, la production agricole hydrographie. La municipalisation accélérée se fait du Congo augmente. Et le pays va atteindre à coup sûr ainsi accompagner d’un volet productif. Pour ce faire, l’autosuffisance alimentaire.

L’ÉLEVAGE DE LA VOLAILLE.


Démocratie cha cha

105

ENTREPRENEURIAT

Paris de patrons Pas facile de promouvoir le « consommer congolais » face aux importateurs et aux multinationales. Des acteurs locaux réussissent pourtant à s’imposer, dans l’industrie comme dans les services.

Joseph Louvouézo Frais et dispo

PHOTOS : MURIEL DEVEY POUR J.A.

Sa société, FPLAPA, est devenue leader dans les produits laitiers, les jus de fruits et la papeterie.

F

orte de 125 employés, d’une marque (Bayo) présente sur tous les rayonnages du pays et de trois sites de production, la Fabrique des produits laitiers, alimentaires, de papeteries et assimilés (FPLAPA) peut fêter ses 20 ans sans complexes. La société dispose de deux sites à Brazzaville. Le premier, à Massissia, abrite la laiterie et une unité de production de yaourts. L’autre, à Mbouono, accueille l’usine de jus de fruits, la papeterieimprimerie (qui fabrique des cahiers), ainsi que l’unité de fabrication d’eau minérale, dernier-né des projets de Joseph Louvouézo, le directeur général. Cet autodidacte natif de Boko (Bas-Congo, dans le Sud) s’est lancé JEUNE AFRIQUE

dans les affaires en 1985 en créant les Établissements Nath, spécialisés dans la vente de fournitures de bureau. Il s’intéressait déjà à l’agroalimentaire, mais ce n’est qu’en 1992, grâce à un prêt de la Caisse française de développement

FPLAPA est leader sur ses différents marchés, avec pour seuls concurrents les importateurs. Joseph Louvouézo a investi dans des équipements ultramodernes pour fabriquer des jus de fruits frais (et non plus à base de concentrés) ainsi que des yaourts aux fruits et à boire. Sur les quelque Pour abaisser ses coûts de 100 ha qu’il possède dans le production, il envisage d’élever district de Louingui (Sud), ses propres vaches. où il fait du maraîchage, il s’apprête à se lancer dans (devenue Agence française de dévelopla pisciculture et envisage d’élever des pement), qu’il crée sa laiterie. La guerre vaches laitières. Une manière d’abaiscivile de 1997 l’emporte à Pointe-Noire… ser ses coûts de production, le prix du où il installe une unité de production de lait importé ayant monté en flèche. ● yaourts (à Tchimagni). MURIEL DEVEY N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


106

Le Plus de J.A. Congo

Georges Mampouya Speed mailing

Le directeur général de GX International arrive en pole position sur le marché du service courrier express national.

«

M

onprofilanglophoneainfluencé mon destin », dit-il. Et c’est en 1988 que cet ex-professeur d’anglais est passé du public au privé. Après avoir travaillé à l’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (Inrap) et au ministère congolais des Affaires étrangères, Georges Mampouya est recruté en tant que directeur des opérations par DHL. En 1992, il quitte le groupe néerlandais pour créer GX International, afin de développer le service courrier express au Congo, un marché alors inoccupé. Il en est aujourd’hui le leader, avec des implantations dans les douze départements du pays. Un partenariat avec le néerlandais TNT permet à GX de se positionner aussi sur les envois à l’international, où il s’est hissé au troisième rang dans le pays, derrière DHL et le français Saga. ÉPARGNE. En 2010, Mampouya a ajouté

deux cordes à son arc en obtenant l’agrément de commissaire en douanes sur la zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et

en se lançant dans le microcrédit. Il a ouvert, à Kinkala (Pool, dans le Sud), la Caisse pour le commerce et le développement (agréée Cemac), qui propose

des services d’épargne, de crédit et de transfert d’argent. À force de voir des clients utiliser le courrier express pour expédier de l’argent… ● M.D.

Arsène Sita Côté cour, côté jardin

À la tête de Sikar Finance et de la Coddipa, il est présent dans le transfert d’argent et dans l’agroalimentaire.

A

u menu quotidien d’Arsène Sita, 51 ans, la finance et l’agroalimentaire. Le transfert d’argent, c’est la partie de Sikar Finance, créé en 2002, qui représente MoneyGram au Congo en partenariat avec la Poste congolaise. ÉLEVAGE. L’agroalimentaire, c’est l’af-

faire de la Congolaise de développement et de distribution des produits agroalimentaires (Coddipa, ex-Sofab, entreprise publique rachetée en 2005), devenue la plus importante unité d’élevage de poussins et de production d’aliments pour bétail du pays. « Il faut pro duire et consommer congolais », martèle

Arsène Sita, qui compte bien augmenter encore les capacités de la Coddipa pour contribuer à réduire le volume des importations alimentaires. BANQUE. Avant de se lancer dans les

affaires, ce gestionnaire, juriste de formation, a travaillé de 1985 à 2005 au projet de crédit agricole qui a donné naissance, en 1989, au Crédit rural du Congo, devenu Crédit pour l’agriculture, l’industrie et le commerce en 1998, puis Congolaise de banque en 2004. C’est en traitant les dossiers de demande de crédit pour le secteur agropastoral qu’il s’est piqué d’intérêt pour une activité qui lui rappelle, aussi, la Bouenza (Sud), où il a vécu jusqu’à ses 15 ans. ● M.D. JEUNE AFRIQUE


Une entreprise en mutation au service du développement national

SOCIÉTÉ NATIONALE DES PÉTROLES DU CONGO Depuis quatorze ans, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) est un acteur incontournable dans la commercialisation des hydrocarbures congolais. En continuelle transformation, l’entreprise poursuit sa mue pour devenir un opérateur de premier plan dans l’exploration, l’exploitation et la production.

C

réée en 1998, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) est un établissement public chargé de la gestion des actifs de l’État dans le secteur des hydrocarbures. Avec une contribution de plus de 70 % au budget de l’État, c’est un pilier économique et énergétique du Congo. Elle intervient dans les activités de recherche, production, transformation, transport et commercialisation des hydrocarbures liquides ou gazeux. En tant qu’entreprise d’État, elle concoure également à l’élaboration de la politique du gouvernement en matière de gestion des hydrocarbures. Sa politique générale est déterminée par un conseil d’administration et son fonctionnement régi par un directoire, dirigé depuis janvier 2011, par Jérôme Koko, le nouveau directeur général de la SNPC.

Un plan triennal 2012-2014 ambitieux

Communiqué

Site d’accueil de la SNPC dédié au collège technique de Kinkala après la fête nationale.

Il est axé sur les objectifs suivants, en amont : • développer le champ Kundji, avec ses partenaires ivoirien (Petroci) et norvégien (Prevail, filiale de Panoro), et explorer les champs Mengo-Bindi, • se désengager du portage pour augmenter la part de brut de l’entreprise, actuellement à environ 35 000 barils par jour, • financer des projets tels que le pipeline Pointe-Noire–Brazzaville–Ouesso, • participer au projet de développement de la ZIC (zone d’intérêt commun), • participer aux projets de développement en haute mer. En aval : • renforcer les stocks stratégiques de sécurité, • améliorer le déploiement des stations services sur le territoire national pour servir tous les Congolais, • construire une unité de bitume, • prendre des participations dans l’usine de GPL • améliorer la formation, grâce notamment au centre dédié ouvert à Pointe-Noire cette année, • atteindre les normes internationales QHSE qualité, hygiène, sécurité et environnement.

Le DGP de la SNPC, Jérôme Koko (avec ses collaborateurs sur le site SNPC), s’entretenant avec Madame Le Maire de Kinkala, Anne-Marie B. Malonga.

SNPC, la qualité

La SNPC souhaite parvenir à un système de management de qualité en conformité avec les normes internationales QHSE (qualité, hygiène, sécurité et environnement), après avoir diagnostiqué l’existant à travers un audit. Les principales d’entre elles sont : • la norme ISO 9001, qui traduit la reconnaissance de l’application effective et conforme du système qualité de l’entreprise, • la norme ISO 14001, qui spécifie les exigences permettant à la SNPC de prendre en compte les exigences légales et les informations relatives aux aspects environnementaux, • la norme OHSAS 18001, qui fait appel à la planification, aux responsabilités pratiques, aux procédures et aux moyens pour élaborer et suivre une politique santé et sécurité du travail.

Société nationale des Pétroles du Congo BP188 Brazzaville Tél : (242) 281 09 64 Fax : (242) 281 04 92 E-mail : brazza@snpc-group.com

Station service SNPC D.

Difcom - F.C. Photos : DR

« Depuis 1998, nous avons réalisé beaucoup de choses, déclarait au début de l’année Jérôme koko. En termes de commercialisation du pétrole, notre expertise s’est considérablement améliorée. Nos principaux défis sont maintenant d’avoir un meilleur contrôle des opérations d’exploration et d’exploitation, de mettre en œuvre des outils de gestion nouveaux et de mettre en place une véritable culture d’entreprise grâce à la compétence et la performance et l’esprit d’équipe. »

La SNPC, dont l’un des principaux objectifs est de devenir un opérateur dans la recherche et la production de pétrole sur le sol congolais, veut aussi profiter de toutes les opportunités qu’offre le secteur, de la recherche à la distribution. C’est le sens de son ambitieux plan stratégique triennal 2012-2014.


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Démocratie cha cha HUMEUR

Opinions & éditoriaux Tshitenge Lubabu M.K.

Comme les doigts d’une seule main

A

U MILIEU COULE UN FLEUVE. Un fleuve aux eaux brunes, voire kaki, depuis qu’il s’est laissé coloniser par ces jacinthes d’eau qui charrient nos destins. Congo, ô Congo ! Sur tes deux bras, deux capitales. Kinshasa-qui-fut-belle et Brazzaville-qui-aspire-à-la-verdure. Entre elles, quatre kilomètres. Seuls quatre petits kilomètres d’un cours d’eau qui feint de les séparer alors qu’il les réunit, comme les doigts d’une seule main, en dépit des orages de l’Histoire. Congo, ô Congo ! Il arrive que Brazzaville et Kinshasa se fâchent, s’observent en chiens de faïence, se dévisagent, se boudent. Les deux pays ont pris l’habitude, depuis les années 1960, d’héberger leurs opposants respectifs, d’attiser les tensions dès que l’occasion se présente, sans jamais en être venus aux mains. Car l’attirance est là, réciproque et mutuelle, plus forte que la haine. Congo, ô Congo !

Tantôt depuis Brazza, tantôt depuis Kin, je te vois débarquer, dans un potopoto indescriptible, ton flot de communs spécimens de la faune humaine – des handicapés moteurs en fauteuil roulant, des aveugles à la cécité suspecte conduits par des guides peu amènes, des gosses plus entreprenants que n’importe lequel de leurs aînés… – qui tous à l’unisson savent mieux que quiconque conjuguer le verbe survivre. Ils n’adoptent pas « l’attitude stérile du spectateur », comme disait Césaire, car ils ont compris que « la

fait plaisir en clamant que des milliers de Zaïrois étaient venus, à l’appel du camp présidentiel, pour voter Sassou Nguesso contre une poignée de F CFA. Et ils auraient refait le coup cette année pour les législatives ! Incroyable. Le regard que portent les Brazzavillois sur leurs voisins de fleuve est pourtant loin d’être toujours négatif. Certains, même, ne cachent pas leur admiration pour ces Kinois qu’ils trouvent dynamiques, créatifs, « industrieux »… S’ils croisent un Zaïrois « honnête et intègre », ils ne manquent cependant pas de mettre en doute sa zaïritude. Congo, ô Congo ! Qu’est-ce qui attire les Brazzavillois à Kinshasa ? « Les Zaïroises, parce qu’elles sont plus douces », persifle une Kinoise pur sang. Puis d’ajouter : les vivres, les détergents, la margarine, l’huile… Ils aiment aussi goûter aux nuits chaudes de Kin, avec leurs innombrables bars, restaurants, boîtes, leur pléiade de chanteurs à la mode. Chacune campée sur sa rive, les deux villes jouent la même musique, celle qui a conquis toute l’Afrique subsaharienne. Paulo Kamba, Jean-Serge Essous, Michel Boyibanda, Youlou Mabiala, Loko Massengo et tant d’autres ont enchanté le public zaïrois. De retour d’un voyage à Brazzaville, des Kinois ont composé quelques chansons cultes, comme Hortense, de Pépé Ndombe Opetum, ou Jarria, de Dalienst Ntesa. Tous chantent en lingala. Ils sont pourtant de plus en plus rares, sur les deux rives, à maîtriser la richesse de cette langue du fleuve qu’ils ont en partage, de plus en plus rares à pouvoir encore se targuer de la parler sans recourir plus que de raison au français pour masquer la pauvreté de leur vocabulaire. Une vraie plaie ! Laquelle risque de former une blessure plus profonde et handicapante pour tous qu’on ne le pense. J’ai récemment voulu rendre hommage à un ami disparu, Sony LabouTansi, enfant des deux pays. Pour entamer mon pèlerinage, j’ai pris un taxi pour le 1281, avenue Hippolyte-Mbemba, à Makélékélé, quartier du sud de Brazzaville, là où le célèbre écrivain vivait. À ma plus grande consternation, au 1281, avenue HippolyteMbemba, personne ne se souvient de Sony Labou Tansi. Pis, sa maison, où a été écrite La Vie et demie, appartient désormais à… une Église évangélique. Congo, ô Congo ! Sauveras-tu ton âme ? ●

Chacune sur sa rive, Brazza et Kin jouent la même musique, celle qui a conquis toute l’Afrique subsaharienne. vie n’est pas un spectacle ». Dans cette comédie humaine portuaire, quelque chose m’a toujours amusé : les différentes taxes que les voyageurs doivent payer. La plus drôle est celle qui vous dispense d’être fouillé ! Qu’est-ce qui attire les Kinois à Brazzaville ? La sape – vêtements, chaussures, sacs à main… Les CFA aussi. On vous le dira, à Brazza, « toutes les filles de joie viennent de Kin », sans oublier d’y ajouter « tous les voleurs et bandits ». Ah, ces Zaïrois ! En juillet 2009, à Brazzaville, pendant la campagne présidentielle, lors d’un meeting de l’opposition, l’un des orateurs s’est JEUNE AFRIQUE

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Le Plus de J.A. Congo

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579,3

BUDGET DES GRANDS TRAVAUX (en millions d’euros)

218

289,7

SOURCE : DGGT

106,7 2005

2007

2009

CHANTIERS

La politique du résultat

La Délégation générale des grands travaux a dix ans et des dizaines d’ouvrages à son actif. Si, de la définition des priorités au choix des opérateurs, ses projets ne sont pas épargnés par la critique, ils ont un fort impact sur le développement.

I

Sa mission : coordonner la réalisation de mpossible de les recenser tant ils sont nombreux. Difficile, cependant, grands projets, depuis le lancement des de méconnaître leur existence. La appels d’offres (études et travaux) jusqu’à Délégation générale des grands trala réception des ouvrages, en passant par vaux (DGGT) ne lésine pas sur les moyens le suivi des chantiers. pour communiquer sur ses chantiers et réalisations : campagnes de presse, SUPER-MINISTÈRE. À l’époque, le Centre revues, site internet, plaquettes, commud’expertise des projets d’investissement, niqués, vidéo, photos… Mais au-delà des rattaché au ministère du Plan, était peu « plans de com’ », force est de constater opérationnel. D’où la création de la que, dix ans après la création de cette DGGT, dont la direction a été confiée structure, les projets ont pris corps, sont à Jean-Jacques Bouya, avec le titre de achevés ou en chantier. ministre délégué. En tant que maître À l’origine de la mise en place de la DGGT, en 2002, La standardisation des bâtiments, les besoins de reconstrucréalisés sur le même modèle, est tion après les conflits des années 1990, mais aussi de un point de friction récurrent. modernisation et d’industrialisation du Congo, qui, même si le d’ouvrage délégué, la structure agit pour chemin est encore ardu, vise le statut de le compte d’un ministère technique, qui pays émergent à l’horizon 2025. Au lenreste le bénéficiaire et le propriétaire de demain de son élection, le chef de l’État, l’ouvrage réalisé. Denis Sassou Nguesso, a décidé de mettre Autant dire que son existence fait en place une délégation inspirée de la couler beaucoup d’encre et fait parfois DirectionetContrôledesgrandstravauxde grincer des dents. Car si la DGGT a ses Côte d’Ivoire (l’ancêtre du Bureau national inconditionnels, elle a aussi ses pourd’étudestechniquesetdedéveloppement). fendeurs. D’une manière générale, peu N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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de Congolais contestent la nature des ouvrages et des édifices réalisés – en tout cas, pas ceux à vocation socioéconomique comme les infrastructures de transport, les complexes hydroélectriques, les marchés, les voiries, les logements, les hôpitaux ou les écoles. Les critiques portent principalement sur des réalisations entrant dans le cadre de la municipalisation accélérée (« MA » pour les initiés), un programme destiné à doter les départements des infrastructures administratives et socioéconomiques nécessaires à leur modernisation et à la dynamisation de l’économie locale (récemment lancé dans le Pool, lire pp. 100-101). Sont ainsi pointés du doigt les palais présidentiels qui fleurissent dans chaque chef-lieu de département, ou encore la superficie de certains bâtiments affectés aux services décentralisés de l’État (hôtels de préfecture ou de sous-préfecture, gendarmeries, etc.) et aux collectivités locales (conseils de département, mairies), jugée parfois démesurée par rapport à l’importance démographique et économique du territoire concerné. La standardisation de la plupart des édifices publics, réalisés sur le même modèle, est un autre point de friction récurrent. « C’est du prêt-à-porter, du clé-en-main… Où est notre originalité? Il y a eu peu d’innovations architecturales tenant compte des spécificités régionales », se plaint un professionnel. Les critiques ne manquent pas non plus de s’attaquer au rôle de la DGGT. « Dans JEUNE AFRIQUE


Démocratie cha cha les faits, c’est un super-ministère qui ne dit pas son nom, une administration parallèle. La Délégation s’est substituée aux ministères techniques, qu’elle a vidés de leurs missions et de leurs capacités. Les études et les travaux sont en majorité réalisés par des sociétés étrangères. Le chef de l’État fait davantage confiance à la DGGT, qui lui est rattachée, qu’à ses ministres », affirme un fonctionnaire des travaux publics. D’autres déplorent son manque de responsabilité. En cas d’interpellation du Parlement sur un projet, c’est en effet le ministre bénéficiaire de l’ouvrage qui répond, pas la DGGT ni son délégué général. Toutefois, les risques de défaillance ou de non-achèvement des travaux seraient rares, car la Direction générale du contrôle des marchés publics (DGCMP) « intervient à tous les stades – en amont, pendant et en aval des travaux – et délivre des avis de non-objection », assure un collaborateur de la DGGT. Enfin, certains fonctionnaires et conseillers de ministres maugréent

que, s’ils bénéficiaient des mêmes conditions de travail que le personnel de la DGGT, « [ils seraient] tout aussi performants »… Allusion empreinte de jalousie aux moyens – bons salaires, matériel dernier cri, bureaux spacieux, etc. – dont disposent les quelque deux cents collaborateurs de la Délégation. Une petite moitié de cet effectif est

le réseau de fibre optique ou encore les nouveaux villages agricoles – ont déjà un impact très positif sur les conditions de vie de la population et les activités économiques. Ces dernières années, l’accent a été mis sur les ouvrages dits structurants (transport routier et aérien, énergie et assainissement), ainsi que sur les édifices de souveraineté, premières étapes pour la modernisaL’accent est mis sur l’énergie, tion et l’industrialisation les transports, l’assainissement du pays. Tout en maintenant ce cap, notamment et les édifices publics. via la liaison routière avec le Cameroun et la RD Congo, le dévelopcomposée de fonctionnaires détachés, dont une soixantaine d’ingénieurs et de pement aéroportuaire, la réhabilitation et techniciens. le renforcement des ports fluviaux et du chemin de fer, les autorités vont lancer de POSITIF. Critiques ou pas, la DGGT peut nouveaux projets consacrés à l’éducation, se prévaloir de ses réalisations, dont au sport, à la santé, à l’aménagement certaines – en particulier le bitumage touristique, et mettre en place des zones économiques spéciales. de la RN1 entre Pointe-Noire et Dolisie, de la RN2 entre Owando et Ouesso et de Pour sa part, la fameuse « MA », dont routes de connexion avec les pays voisins, les travaux sont programmés sur cinq ans, a déjà concerné plusieurs ● ● ● le barrage hydroélectrique d’Imboulou,

Bénéficier du bon éclairage ouvre de nouvelles perspectives Deloitte, ce n’est pas seulement un leader des services professionnels fortement implanté en Afrique francophone et sur le reste du continent depuis plus de trente ans. C’est aussi une offre de services multidisciplinaires. Forts de nos expertises sectorielles, combinant la qualité de nos ressources locales et l’apport de compétences du réseau Deloitte, nous proposons aux acteurs économiques et institutionnels, privés ou publics, des solutions sur mesure.

Deloitte Touche Tohmatsu BP 5871 - Avenue Charles-de-Gaulle Pointe Noire - République du Congo © 2012 Deloitte SA - Deloitte Touche Tohmatsu Limited

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Le Plus de J.A. Congo ● ● ● départements, dont le choix relève du chef de l’État: Pointe-Noire et Kouilou, Likouala, Niari, Cuvette, Brazzaville, Cuvette-Ouest et, désormais, Pool. Pour la Sangha, le chantier commencera en 2013. Les autres suivront, choisis alternativement dans le Nord et dans le Sud. D’environ 70 milliards de F CFA (près de 107 millions d’euros) en 2005, le montant annuel des investissements de la DGGT a plus que quintuplé pour atteindre 380 milliards de F CFA en 2011 (voir graphique p. 110). Ce sont les travaux relevant de la municipalisation accélérée

« Document de stratégie pour la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté », élaboré par le ministère de l’Économie, du Plan, de l’Aménagement du terriLe choix des départements toire et de l’Intégration et bénéficiant de la municipalisation adopté par le Parlement en juillet dernier. Et pour accélérée relève du chef de l’État. cause: c’est de ce ministère, Les prochains ouvrages, dont le choix qui centralise les projets des ministères s’inspire du projet de société du chef de techniques, que tout part. Avant de pasl’État, le « Chemin d’avenir », seront ceux ser, bien sûr, par le contrôle des arrêtés par le plan national de dévelopFinances. ● pement pour la période 2012-2016, le MURIEL DEVEY qui mobilisent de plus en plus de fonds. Discrétion, en revanche, sur le budget de fonctionnement de la Délégation.

Pékin, grand gagnant des appels d’offres Les principaux groupes chinois d’ingénierie et de BTP raflent la plupart des contrats d’infrastructures.

R

outes, complexes hydroélectriques, systèmes d’adduction d’eau potable, aéroports, réseaux de fibre optique, bâtiments publics… Les sociétés chinoises sont de (presque) tous les chantiers et raflent la plupart des appels d’offres lancés par la Délégation générale des grands travaux (DGGT). Une dizaine d’entre elles sont présentes au Congo (lire aussi pp.118-124). Certaines ont remporté des marchés dans tous les secteurs, comme China Machinery Engineering Corporation (centrale hydroélectrique d’Imboulou,

usine de traitement d’eau de Djiri, logements à Brazzaville, route ObouyaOkoyo, eau potable à Sibiti…) ou Weihai International Economic and Technical Cooperative Co. (logements, barrage de Moukoukoulou…). D’autres entreprises, comme Beijing Construction Engineering Group, China Beijing Residential Development Group Corporation et Zhengwei Technique Congo, interviennent dans le bâtiment. Les projets routiers phares du pays sont, quant à eux, revenus à China State Construction Engineering Corporation

(RN1 Pointe-Noire - Brazzaville), China Road and Bridge Corporation (route Owando-Ouesso). Et t a n d i s q u e C h i na Ji a ng s u International Group fait son retour au Congo en remportant l’appel d’offres de la construction du second module du terminal de l’aéroport international António-Agostinho-Neto de PointeNoire, c’est à un nouveau venu, China Gezhouba Group Corporation, que vient d’être confiée la construction de la centrale hydroélectrique de Liouesso. ● M.D.

! LE GYMNASE MUNICIPAL D’OYO pendant sa construction.

VINCENT FOURNIER/J.A.

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Définition et conduite de la politique monétaire

Émission de la monnaie

Conduite de la politique de change

Promotion de la stabilité financière

Gestion des réserves officielles de change

Promotion des systèmes de paiement et de règlement

La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) est la Banque Centrale de la CEMAC, pilier de la coopération monétaire, fleuron et socle de l’intégration dans la CEMAC.

Communiqué

La BEAC est la Banque centrale commune des six États qui constituent la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad.

semble des pays de l’UMAC et en garantit la stabilité. Sans préjudice de cet objectif, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États membres. Chargée à ce titre de définir et de conduire la politique monétaire de l’UMAC, de conduire la politique de Les 22 et 23 novembre 1972, furent signés à Brazzaville au change, de gérer les réserves officielles de change des ÉtatsCongo les accords de coopération monétaire, qui portèrent membres, de veiller au bon fonctionnement des systèmes la BEAC sur les fonds baptismaux. de paiement et de promouvoir la stabilité Précieux héritage de leurs liens 1972-2012 : Quarante ans au financière, la BEAC est un organe essenhistoriques et privilégiés noués tiel de l’intégration économique en Afrique service de l’Afrique Centrale Centrale. avant les indépendances, la BEAC témoigne de la ferme volonté des États membres de poursuivre une coopération monétaire Grâce, d’une part, à l’esprit de solidarité et de discipline mutuellement bénéfique, pilier de l’intégration dans la de ses États membres et, d’autre part, à la capacité d’adapsous-région de l’Afrique Centrale. Ce, au service de leurs tation à son environnement en perpétuel mouvement, la Peuples respectifs. BEAC continue de donner satisfaction à tous les acteurs du développement économique et social des États de la La BEAC est un établissement public international afri- CEMAC. Son efficacité, son indépendance et son autorité cain régi par ses statuts, la Convention instituant l’Union sont le gage de la confiance des populations et des entreMonétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) ainsi que la prises, africaines ou internationales, en la monnaie émise Convention de coopération monétaire passée entre la par la BEAC. En effet, le franc de la Coopération FinanFrance et les États membres de l’UMAC. cière en Afrique Centrale (franc CFA) est l’une des monnaies africaines les plus stables depuis les indépendances, La BEAC émet la monnaie unique, le franc CFA, ayant du fait, en particulier, d’une politique monétaire rigoureuse cours légal et pouvoir libératoire sur le territoire de l’en- et clairvoyante.

BEAC, Banque des États de l’Afrique Centrale BP 1917, Yaoundé, Cameroun - Tél. : (+237) 22 23 40 30, Fax : (+237) 22 23 34 68 - www.beac.int

MABOUP

Banque des États de l’Afrique Centrale


Le Plus de J.A. Congo TECHNOLOGIES

Virage négocié vers le tout-numérique

Depuis le mois de mai, le pays a accès à l’internet haut débit. Pour les autorités et les opérateurs, c’est l’heure des derniers préparatifs avant la commercialisation.

M

algrélelancementdela3,5G par Airtel Congo, qui sera suivi prochainement par MTN Congo, c’est la fibre optique qui capte l’attention des acteurs de la filière des télécommunications. Bien qu’opérationnelle depuis le mois de mai, elle ne sera pas commercialisée avant la fin de l’année, et seulement à Pointe-Noire et à Brazzaville. « Les premiers tests ont commencé à Pointe-Noire », explique Julien Heuzé, le directeur d’Ofis Computers, fournisseur d’accès à internet (FAI) sous la marque Yattoo. Avant la mise en service du haut débit, il reste à installer la société chargée de gérer la ressource et de la vendre aux FAI. Ce sera probablement Congo Télécom, l’opérateur public membre du consortium West Africa Cable System (Wacs, composé de douze membres), pour le compte de l’État. COUVERTURE. Au Congo, l’aventure de la

fibre optique a commencé avec la réalisation de la station de Matombi, à 20 km de Pointe-Noire,quiapermislaconnexiondu pays au câble sous-marin à fibres optiques du Wacs et le déploiement d’une dorsale (backbone). Celle-ci emprunte les

lignes de transport électrique de la Société nationale d’électricité entre Pointe-Noire, Brazzaville, Oyo et bientôt Owando (dans le nord du pays), pour atteindre Ouesso en 2013. Des bretelles seront progressivement établies vers d’autres départements à partir de cette trame. Quant à la réalisation du réseau terrestre, ce sera pour 2015. Autre avancée, l’installation de points d’échange départementaux (Points of Presence, POP) et de boucles optiques métropolitaines à Pointe-Noire, Brazzaville et Oyo, construites par MTN. D’autres villes suivront. Après la couverture nationale, l’objectif est de relier le réseau congolais à ceux des pays voisins – Gabon, Cameroun, RD Congo, Tchad, Centrafrique et Angola. Le but de ce projet, baptisé Central Africa Backbone, est de « permettre de véhiculer le trafic sousrégional sans passer par l’international, et d’abaisser les coûts », comme le précise M. Akouala, coordonnateur du projet Couverture nationale en télécommunications auprès de la Délégation générale des grands travaux. Autant dire que l’arrivée de la fibre optique va bouleverser le marché, dominé par les compagnies de téléphonie mobile

Vérone Mankou Réveil tactique

Directeur général de VMK

Airtel, MTN et Warid (qui détiennent à elles trois plus de 80 % des parts de marché), les autres FAI (dont DRTV Net, Alink Telecom, AMC Telecom, Ofis, Congo Télécom et North Telecom) arrivant loin derrière. La bataille risque d’être rude entre les leaders, qui peuvent investir dans les infrastructures optiques, et les challengeurs, limités financièrement, dont certains craignent de disparaître. Ils

Alain Ndalla La virtuelle attitude Directeur général de Megatel Systems

D MURIEL DEVEY POUR J.A.

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ès 1991, de retour de France, son diplôme d’ingénieur informaticien en poche, Alain Ndalla crée Communication et PAO. Parmi ses clients, la presse écrite, pour laquelle il conçoit des maquettes et des logos et dont il assure la formation du personnel en publication assistée par ordinateur (PAO). En

1999, il se lance dans les technologies virtuelles en fondant Cyber Finances Congo (CFC) et ouvre le plus grand cybercafé de Brazzaville. Repéré en 2008 par Thierry Moungalla, le ministre congolais des Postes,Télécommunications et Nouvelles Technologies de la communication, il est alors nommé directeur des

Technologies de l’information et de la communication (TIC) du ministère, fonction qu’il assurera pendant deux ans et demi. En 2011, il s’associe avec le directeur de Megatel, un éditeur de logiciels installé à Kinshasa, dont CFC commercialise les produits au Congo. C’est ainsi que naît Megatel Systems, qui a lancé JEUNE AFRIQUE


MURIEL DEVEY POUR J.A.

Démocratie cha cha

V

MK, pour Vérone Mankou ? Pas du tout, explique celuici, directeur général de la start-up : « En mode SMS, cela veut dire voumbouka, “réveillez-vous” en kikongo. » Fondée en 2009 et spécialisée dans la création de sites web

etd’applicationsmobiles,l’entreprise est devenue célèbre grâce à la tablette tactile mise aupointparcePonténégrinde 26 ans.Lancéeenjanvier 2012 et baptisée Way-C, celle-ci est assemblée en Chine – « ce serait trop cher au Congo, en raison des frais de douane

s’interrogent. Les grands joueront-ils le jeu du dégroupage ? L’accès aux points d’échange internet sera-t-il garanti? MTN Group, principal membre du consortium Wacs, ne risque-t-il pas d’offrir à sa filiale MTN Congo des tarifs préférentiels ? Des inquiétudes injustifiées, selon l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE). « Nous sommes là pour réguler les prix, fixer les règles et les faire appliquer, insiste Yves

le portail bureauflex.com, spécialisé dans les services informatiques dématérialisés (cloud computing) professionnels et les services plus classiques : transfert d’argent et paiement mobile (via sa sociétéPataExpress),comptabilité en ligne, commerce et archivage électronique, etc., auxquels s’ajouteront bientôt l’éditionnumériqueetlavente de billets d’avion en ligne. Soucieux de partager son expérience, Ndalla s’est lancé dans le monde associatif en

élevés », précise Mankou. Elle est commercialisée au Congo (par Airtel), au Gabon, en RD Congo et en France. Ses ventes représentent 40 % du chiffre d’affaires de VMK, qui emploie treize personnes, dont trois en Chine. Titulaire d’un BTS en informatique, Mankou travaille chez Alink Telecom lorsque, en2006,ilenvisagedecréerun ordinateur « pour permettre au plus grand nombre d’accéder à internet ». Un projet considéré comme saugrenu dans un pays où la fourniture d’électricité pose des problèmes. En 2007, quand le premier iPhone est mis sur le marché, Mankou, qui a entre-temps rejoint le Conseil congolais des chargeurs en tant qu’architecte administrateur de réseau, a l’idée de concevoir une tablette tactile.

Castanou, son directeur général, et nous avons organisé des consultations avec les opérateurs pour les informer et les rassurer. » COÛTS. Par ailleurs, la fibre optique a de

nombreux avantages. Le taux de pénétration d’internet avoisine désormais les 7 %, l’essentiel des clients étant concentré à Pointe-Noire et à Brazzaville. En abaissant les coûts de connexion, proches

intégrant Espace Créateurs, une organisation qui a été à l’origine de la Maison du créateur et de l’Association Pointe-Noire industrielle (Apni) dans la capitale économique. Pour vulgariser les TIC, il a organisé plusieurs salons : un forum sur les enjeux d’internet au Congo (en 1998) et la Semaine congolaise des TIC, qui rencontre un grand succès et dont la première édition s’est tenue en juin 2000 et la seconde en 2008. ● M.D.

La fibre optique va bouleverser le secteur, où Airtel, MTN et Warid trustent plus de 80 % des parts de marché.

Là encore, personne ne croit à son projet. Loin de baisser les bras, l’informaticien persévère et crée VMK. En un an d’activité, l’entreprise double son chiffre d’affaires, passant de 40 à 80 millions de F CFA (61 000 à 122 000 euros). Les bénéfices sont réinvestis dans la conception de la tablette. Ensuite, une aide du ministère de l’Industrie lui permet de financer la production d’une série en Chine. Mankou, qui s’est installé à Brazzaville et est devenu conseiller du ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de la communication en octobre 2011, a d’autres projets dans sa besace, dont la commercialisation d’un smartphone « congolais », qui sortira prochainement. ● M.D.

de 1 000 dollars (environ 800 euros) le mégaoctet actuellement, à moins de 500 dollars, la fibre devrait faire progresser le nombre d’utilisateurs et stimuler la vente de matériel pour les entreprises et les foyers, notamment de postes de télévision, le Congo devant passer au tout-numérique d’ici à trois ans. Divers produits et services sont aussi appelés à se développer: e-gouvernance, e-enseignement, e-santé, e-business (services bancaires et informatiques en ligne, centres d’appels, télécentres)… L’éventail est vaste. Sans compter l’accélération de la construction d’équipements pour la fourniture d’énergie, solaire notamment, afin d’alimenter les territoires encore mal desservis en électricité. Les administrations et structures publiques s’organisent. Le ministère des Finances a d’ores et déjà déployé la fibre optique entre les administrations financières. Un système de télémédecine sera opérationnel dès 2013 entre le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville et des universités et hôpitaux indiens. Cependant, si quelques privés ont aussi pris les devants, d’autres se préparent. Mais ils sont encore peu nombreux et l’offre de financement tarde à suivre. ● MURIEL DEVEY

JEUNE AFRIQUE

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Le Plus de J.A. Congo CONGOLISMES

Quand les bouchards philosophent Sous l’influence des langues et de la culture régionales, le français parlé dans le pays se colore d’expressions à la saveur rafraîchissante. Florilège.

E

n débarquant à Brazzaville paix revenue, les ennemis d’hier ont dû ou à Pointe-Noire, vous aurez partager le mangement (la nourriture) sûrement envie d’une boisson et kolater (se donner la noix de kola). fraîche. Commandez donc une À la fin du repas, votre interlocuteur, au bière. Une cravatée (marque de bière avec détour de la conversation – les Congolais une étiquette en forme de cravate au aiment philosopher, comme ils disent –, niveau du goulot) vous comblera d’aise, peut évoquer les Trois Glorieuses. Vous à condition qu’elle soit bien tapée (très chercherez évidemment à établir un lien fraîche) et que l’on vous ait apporté un avec les Trois Glorieuses qui agitèrent ziboulateur (décapsuleur). Pour goûter au Paris du 27 au 29 juillet 1830, à la suite vin de palme, faites appel au spécialiste: le d’un bras de fer entre le roi Charles X malafoutier. Au cas vous préféreriez un jus et le Parlement, hostile à un retour à la de fruit pour ingurgiter votre quota jourmonarchie d’avant 1789. Les émeutiers nalier recommandé de cinq fruits et légumes, Ceux qui n’ont pas peur de rouler attention : au Congo, en mbeba prendront un cent cent. un jus est un soda. Après ces libations, Les autres voyageront à seul, en engin. votre ventre réclamera ses droits, alors n’hésitez pas à boukouter auront raison du roi, contraint de fuir (manger), les produits locaux sont généraParis avec sa famille. À quelques détails lement frais et savoureux. La question est près, les Trois Glorieuses congolaises resde savoir si vous êtes un vrai boukouteur semblent à leurs camarades françaises de (gros mangeur) – et de faire attention si 1830. Il s’agit également de trois journées vous dites à quelqu’un qu’il est un vrai d’émeutes, les 13, 14 et 15 août 1963, qui ont conduit le premier président du pays, boukouteur, l’expression s’appliquant aussi à celui qui puise sans retenue dans Fulbert Youlou, à démissionner. les caisses de l’État. Vous pourrez, comme certains Congolais, apprécier le saka LONG CHAMP. Certains Congolais vous saka qui a dormi (feuilles de manioc de diront qu’ils ne parlent pas le patois (la la veille) ou être capable de taper (finir) langue maternelle locale). Vous avez le une marmite entière de trois-pièces, une droit de les traiter de bourreurs (menteurs), spécialité locale composée de feuilles de mais c’est pourtant souvent le cas. En manioc à la sauce d’arachide et au poisrevanche, il est vrai que certaines person salé. Évitez cependant d’épicer votre sonnes cafouillent (trichent, resquillent) plat avec un piment méchant (piquant). sans se gêner. Notamment dans les Côté métaphores culinaires, n’oubliez transports en commun. Depuis quelques pas que, pendant la guerre civile de la années, l’État congolais s’est désengagé fin des années 1990, les aubergines (gredu secteur des transports pour le laisser nades) ont causé beaucoup de dégâts. à des entrepreneurs privés, et, de plus en Des miliciens aux noms étranges (Cobras, plus, les conducteurs de minibus, profitant Ninjas, Cocoyes, Zoulous) pouvaient de l’insuffisance des occasions (moyens alors faire voyager ou barrer (exécuter de transport), ne respectent plus le long sommairement) quiconque tombait entre champ (trajet direct). leurs mains. Leurs armes crachaient des Ces roublards pratiquent aussi le demiarachides (cartouches), qu’ils n’hésitaient terrain (sectionner le trajet), condamnant pas à faire avaler (cribler le corps de ainsi les malheureux passagers à desballes) aux malheureuses victimes. La cendre en cours de route pour chercher N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

DANIELE TAMAGNI

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d’autres occasions ou à faire diatance (marcher) sur de longues distances, sans même pouvoir katizer (prendre un raccourci), s’ils ne connaissent pas le chemin. Faute d’argent pour prendre un taxi, ceux-ci peuvent quand même monter dans un cent cent (taxi collectif) s’ils n’ont pas peur de rouler en mbeba (n’importe comment, dangereusement) ou, s’ils sont à Impfondo ou à Dolisie, prendre un engin (moto-taxi). Dans ce cas, ils devront partir à seul (seul). En ville, vous serez certainement témoin de bien d’autres choses mystiques (bizarres), mais personne ne le fait par exprès (exprès). Un bon conseil : il ne faut pas varier (se mettre en colère, s’énerver), car on pourrait croire que vous JEUNE AFRIQUE


Démocratie cha cha ! LE SAPEUR WILLY COVARY À BACONGO (Brazzaville). Les photographies de Daniele Tamagni ont inspiré le styliste britannique Paul Smith pour son défilé printemps-été 2010.

(de nom ou de prénom). Alors que vous cherchez dans la foule un visage connu, une jeune fille vous demandera peut-être pourquoi vous la guettez (regardez). La conversation est engagée. Où habitet-elle ? « Près du goudron » (avenue bitumée) bien sûr! Il se peut que la demoiselle soit déjà gaspillée (ne soit plus vierge), mais cela ne vous donne aucunement le droit de lorgner sur son pays bas (sexe féminin). Elle vous dira d’ailleurs certainement qu’elle ne veut pas être bocalisée (concevoir) et, surtout, qu’elle n’est pas une bordelle (prostituée). Elle ajoutera que, de toute façon, elle n’a pas envie d’avoir les quatre lettres (sida). Pour trouver un plan de fuite, si elle est étudiante, elle évoquera ses examens où elle a bu (mal travaillé), tout simplement parce qu’elle n’a pas eu la possibilité de préparer sa bombe (stratégie pour tricher). Un bon samaritain s’approchera alors pour vous chuchoter à l’oreille : « Vraiment, cette femme est boucharde ! » (elle parle trop). De toute façon, cette diacre (jolie fille ou copine) n’est pas faite pour vous. CHANVREURS. Rappelez-vous plutôt que

cherchez à salir (humilier) vos hôtes. Évitez aussi de les insolencer (manquer de respect, insulter) ou de les influencer (fixer dans le but d’impressionner). Enfin, ne perdez pas la tête à trop regarder les barricades (postérieurs proéminents) des Congolaises – une caractéristique qui fait partie des canons de beauté locaux – et ne vous risquez pas non plus à tenter un coup d’État (séduire la femme ou la petite amie d’autrui). Passés ces premiers contacts, vous vous apercevrez qu’ici la solidarité africaine n’est pas un vain mot, les difficultés de la vie sont telles que les gens, surtout les plus humbles, recourent à la coopération SudSud (entraide mutuelle). En revanche, ne JEUNE AFRIQUE

vous êtes au pays de la Sape (Société des ambianceurs et personnes élégantes). Passez outre leurs mines parfois patibulaires, leur gestuelle excentrique, et allez discuter avec ses adeptes, les sapeurs. Ne les prenez surtout pas pour des chanvreurs (fumeurs de cannabis). Ils n’adorent que les fringues et les pompes, qu’ils célèbrent notamment en défilant le jour de la fête nationale. Ils vous apprendront beaucoup de choses sur l’art de s’habiller chez les couturiers les plus

prenez pas toujours la monnaie locale, le franc CFA, pour argent comptant. En effet si, pour vos rendez-vous, vous arrivez toujours en retard, on vous accusera d’avoir Ne perdez pas la tête à trop l’heure CFA (manquer de regarder les barricades des beautés ponctualité). On peut également douter de locales ou à lorgner leur pays bas. l’âge mentionné sur vos documents officiels et l’on parlera alors célèbres du monde en vous initiant à la d’âge CFA. sapologie ou encore sapelogie. Et quand, Êtes-vous ambianceur (bon vivant)? Si à votre tour, vous mettrez vos plus beaux oui, vous irez sans doute passer le temps atours, ils ne manqueront pas de vous dans une boîte. Pas de panique, de fausse dire que « vous avez vraiment lancé ! » joie, ni de méprise si vous entendez un (fait des frais vestimentaires). Sur ce, à local en héler un autre en l’appelant homo, tout moment (au revoir). ● il interpelle seulement son homonyme TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Économie

COMMERCE

Yiwu, le supermarché de l’Afrique

DIASPORA

Alger la chinoise

THOMAS LEKFELDT/MOMENT/AGENCE VU

118

Entre mythes

et réalités

CHINE-AFRIQUE

Comme il l’a confirmé lors du sommet des 19 et 20 juillet, Pékin est le premier partenaire commercial du continent et son principal bailleur de fonds. Malgré les innombrables rumeurs sur ses méthodes et ses intentions, la réalité est plus contrastée qu’on ne veut bien le voir.

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

JEUNE AFRIQUE


MINES

Rentables fréquentations

CÔTE D’IVOIRE

Élagage à tous les étages

DÉCIDEURS

Mehdi Slimani

Cofondateur de Sawa

MAROC

CGI, le dos au mur

! Confié au chinois Anhui Foreign Economic Construction Co., le CHANTIER DU STADE DE NDOLA (Zambie) a été émaillé d’incidents, les ouvriers dénonçant la faiblesse de leurs salaires.

chacun a-t-il entendu ces histoires de « prisonniers » chinois envoyés bâtir des routes en Afrique ; histoires qui n’ont été étayées d’aucune preuve, mais qui ont encore de beaux jours devant elles. Cette profusion d’informations sur la « Chinafrique », souvent imprécises, parfois erronées, souligne un fait majeur : les motivations des investisseurs chinois, leurs modalités d’action et l’impact de leur présence sont encore mal compris. MAIN TENDUE. La présence de la Chine en Afrique

CLARA ARNAUD

S

i la présence chinoise sur le continent n’est pas nouvelle, e, elle a pris une ampleur colossale au cours de la dernière décennie. Less échanges avec l’empire du Milieu ont été multipliés par douze en dix ans. Après être devenu le premier partenaire commercial de l’Afrique en 2009, Pékin a gagné le titre de premier bailleur de fonds, annonçant, lors du cinquième sommet ChineAfrique, qui s’est tenu dans la capitale chinoise les 19 et 20 juillet, qu’il allait porter le montant des prêts au continent à 20 milliards de dollars (16,3 milliards d’euros) pour les trois années à venir (lire p. 123). L’émergence du géant asiatique suscite d’ailleurs des réactions contrastées, allant de l’accusation de pillage à l’espoir. Ainsi la Chine a-t-elle été soupçonnée d’acheter massivement des terres en Afrique ; en fait, l’appétit de cet « ogre » n’excède pas 4 % des accaparements fonciers au sud du Sahara. Ainsi JEUNE AFRIQUE

a tout d’abord été politique. Elle s’enracine dès les années 1960 avec le soutien de Mao aux indépendances africaines. Ce n’est qu’en épousant la libéralisation de l’économie chinoise, initiée par Deng Xiaoping dans les années 1990, qu’elle prend un visage plus économique. Vingt ans aprè après, la montée en puissance de Pékin dans l’économie aafricaine a bouleversé les équilibres, pour le meilleur et pour le pire. Car, comme le confie un conseiller du ministre béninois de l’Industrie, « personne en Afrique ne refusera la main tendue de la Chine, quels que soient les intérêts qu’elle sert et les con conditions imposées… Il y a bien trop d’argent en jeu et les investisseurs sont encore rares ». Un so constat d’autant plus co On a tous entendu pert pertinent qu’Européens et Améri Américains, touchés par la ces histoires crise, se repl replient. de prisonniers Dans certains pans de l’économie, envoyés bâtir la Chine s’est rendu rendue incontournable, des routes… remportant notamme notamment une grande part des contrats de co construction (routes, ponts, aéroports, lo lotissements…). En la matière, elle œuvre œuv dans des délais et à des coûts imba imbattables. En échange des prêts à taux concessionnels qu’il octroie à se ses partenaires pour financer les projets, l’empire du Milieu signe de juteux contrats d’approvisionnement en matières premières. C’est ce qu’il nomme une stratégie « gagnant-gagnant ». De fait, la carte des investissements chinois en Afrique épouse, dans une large mesure, celle des ressources naturelles les plus précieuses. Le Soudan, l’Angola et le Nigeria (pétrole), l’Afrique du Sud (charbon, platine), la RD Congo et la Zambie (cuivre et cobalt) sont devenus les partenaires privilégiés du géant asiatique. La Chine n’hésite pas à mettre les moyens de ses ambitions sur la table, au mépris du risque de réendettement des pays concernés. Les 6 milliards de dollars de prêt accordés par Pékin à Kinshasa en 2007 ont ainsi fait grincer des dents au Fonds monétaire N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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120

Enquête

Chine

international (FMI) et à la Banque nque mondiale, alors longues années en Afri Afrique, naviguant de pays en qu’un allègement de 80 % de la dette extérieure de pays, comme cet ingénie ingénieur rencontré au Ghana qui ce pays fragile – soit 12 milliards rds de dollars – était se targue d’avoir « vécu dans sept pays d’Afrique en en préparation. Côté africain, la Chine est souvent dix ans ». D’autres n’y fero feront qu’un passage éclair. Plus plébiscitée, car son offensive rares sont ceux, en revanche, rare brise le monopole des firmes qui qu décident de s’y installer européennes, créant une prode façon définitive. Rares sont les Chinois fitable concurrence. Le temps de la Chine en Afrique qui décident de L’emprise de Pékin dépasse cepenepenest venu venu, ouvrant des perspectives s’installer dant largement les infrastructures ures et les ambiguës. L’ L’activité chinoise présente de façon ressources naturelles. Elle concerne ncerne tout le des avantages év évidents pour ses partenaires tissu économique. Il suffit de remonter emonter les allées africains: des possibil possibilités de financement accrues, définitive du Centenaire, à Dakar, pour se convaincre que une diversification diversificatio des débouchés pour les sur le continent la présence des petits commerçants merçants chinois pays producteurs et un apport important en n’est pas anecdotique. S’y égrènent ènent plusieurs infrastructures de base, qui font tant défaut. centaines d’échoppes vendant des produits A contrario, elle génère une hausse des prix de pacotille, des chaussures strassées premières. La vente de biens trassées qui des matières p séduiront les belles Sénégalaises, s, des savons manufacturés bon marché offre des opporqui approvisionneront les mères de famille. tunitésauxconsommateurs,maisauprixde tunitésauxcons Liu, un jeune Chinois résidant nt à Dakar, la destruction de certains tissus industriels comprend assez mal l’animosité suscitée par la locaux. Hubert Dibgolongo, directeur général présence des commerçants asiatiques : « Après tout, de Burkina Moto, à Bobo-Dioulasso, se désole ainsi que le commerce de cyclomoteurs importés de Chine, bien rien n’empêche les clients d’aller chez nos voisins souvent au mépris des normes douanières, engendre sénégalais. » Rien, en effet, sinon le désir de pouvoir consommer, qui gagne les couches populaires afripeu à peu l’effondrement des filières locales de moncaines. Nombreux sont les petits consommateurs qui tage. En outre, les retombées en termes d’emploi et se réjouissent d’avoir accès à bon prix à des produits de transfert de technologie restent insuffisantes pour MILLIARDS que la présence chinoise ait un impact notable sur le autrefois réservés à une élite. DE DOLLARS Dans certains secteurs comme le textile, l’arrivée développement. C’est le montant des Chinois a cependant quasiment réduit à néant Il serait cependant réducteur de croire que les prévu des l’effort d’industrialisation. Ainsi, en Afrique du Sud, pays africains jouent aveuglément le jeu de Pékin, prêts chinois à l’Afrique pour les au Lesotho ou au Nigeria, les ateliers de confection suivant ses directives tels des élèves trop dociles. Les trois ans à venir se heurtent désormais à la concurrence frontale des ressources naturelles colossales de l’Afrique, dont la (soit 16,1 milliards d’euros) métiers à tisser de Shanghai. En une décennie à peine, Chine a plus que jamais besoin pour maintenir son le déficit commercial de l’Afrique avec la Chine dans le essor, constituent une véritable arme de négociation. domaine du textile est passé de 200 millions à 1,35 milC’est aux dirigeants africains, à qui Pékin déroulait le liard de dollars. En dépit des coûts de transport, les tapis rouge lors du sommet de juillet, qu’il incombe produits chinois demeurent en effet plus compétitifs. aujourd’hui d’envisager une meilleure affectation Impossible ou presque, aujourd’hui, de trouver du des moyens exceptionnels apportés par les inveswax non chinois sur un petit marché de Cotonou ! tissements chinois. ●

20

PASSAGE ÉCLAIR. Le succès commercial de Pékin a

fait couler beaucoup d’encre sur la « stratégie chinoise en Afrique ». Or il existe sur le continent autant de stratégies que d’acteurs chinois. Beaucoup de décideurs locaux n’ont aucune idée de la nature de leurs interlocuteurs chinois, à l’instar de ce cadre du ministère sénégalais de l’Agriculture, incapable d’indiquer avec qui – entrepreneur privé, firme d’État chinoise, département de la coopération de l’ambassade ? – il négocie un accord portant sur 50 000 ha de terres arables. De fait, derrière le masque des « Chinois d’Afrique » se dévoilent des visages contrastés. Petits exploitants agricoles quittant des régions en déprise, ouvriers qualifiés recrutés par des cabinets spécialisés, hommes d’affaires intrépides en quête de fortune, fonctionnaires des grandes firmes d’État… Beaucoup échappent d’ailleurs aux recensements, qui évaluent leur nombre à 1 million sur le continent. Certains resteront de N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

UNE PRÉSENCE MOINDRE AU MAGHREB PLUS DISCRÈTE qu’en Algérie, où l’attrait des matières premières a joué un grand rôle (lire pp. 122123), la présence chinoise au Maroc et enTunisie pourrait peu à peu se développer. En avril, un nouveau partenariat stratégique a ainsi été signé entre Pékin et Rabat afin d’« approfondir la coopération bilatérale dans tous les domaines, en portant un intérêt particulier aux niches novatrices », indiquait un communiqué chinois. Les entrepreneurs marocains

militent en outre pour l’équité des taxes sur les importations entre les produits asiatiques et européens. Ces derniers bénéficient d’une fiscalité jusqu’à 10 % inférieure, le Maroc ayant le statut de membre associé à l’Union européenne. EnTunisie, si le nouveau gouvernement ne cache pas son désir de voir l’empire du Milieu investir, il devra lui aussi faire des efforts, comme revoir ses quotas d’importation sur les véhicules, notamment asiatiques. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


ZHANG JIANCHENG/IMAGINECHINA

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! On trouve de tout dans les 30 000 MAGASINS que compte la zone commerciale de la ville. COMMERCE

Yiwu, le supermarché de l’Afrique

À 250 km au sud de Shanghai s’étale le plus important marché de gros au monde. Peluches, vêtements et gadgets made in China y font la joie des importateurs du continent. Reportage.

À

Yiwu,c’estdéjàNoël.Les guirlandes sont à la fête et les jouets occupent une grande partie des linéaires des 30 000 magasins que compte la zone commerciale de la ville. Soit plus de 2 millions de mètres carrés – l’équivalent de 300 terrains de football – sur lesquels s’échangent peluches, fleurs en plastique, vêtements, meubles, luminaires… Yiwu est le plus important marché de gros au monde. Plus de 1000 conteneurs quittent quotidiennement Yiwu, dont la moitié en direction des ports africains. Les acheteurs du continent sont en effet de plus en plus nombreux à arpenter cette ville située à 250 km au sud de Shanghai et surnommée le « supermarché de l’Afrique ». Chaque année, plus de 100 millions de dollars (plus de 80 millions d’euros) de marchandises chinoises quittent Yiwu en direction du continent. BUREAU MITEUX. « On cherche

toujours ce qui est moins cher, et c’est pour ça que nous venons en Chine, explique Souley Maïga, un homme d’affaires malien installé ici depuis quatre ans. Dans ce pays, on trouve de tout. Et les JEUNE AFRIQUE

prix sont raisonnables. » Souley Maïga a débarqué ici avec quelques dizainesdemilliersdefrancsCFAen poche (quelques dizaines d’euros). Juste de quoi financer sa première cargaison: « Des tee-shirts », se souvient-il.Depuis,ilpartageunbureau miteux avec deux associés. Le soir, ils regardent TV5 dans le salon en fumant cigarette sur cigarette. « Ça nous rappelle le pays. » Comme lui, plus de 20 000 ressortissants de pays d’Afrique ou du Moyen-Orient sont installés à Yiwu. Khalifa est l’un des premiers à avoir flairé le bon filon. C’était il y a vingt ans. Débarqué en Chine avec une simple bourse d’étude, ce Mauritanien toujours tiré à quatre épingles est aujourd’hui à la tête d’une jolie affaire d’importexport. L’oreille rivée en permanence à son téléphone portable, il parcourt chaque matin au pas de charge ce gigantesque marché, à la recherche de la perle rare. « J’ai un client qui a commandé ces chaussures, explique-t-il en désignant une paire de sandales en plastique. Il en a commandé dix cartons, et quand il a amené ça au marché [de Nouakchott, NDLR], il les a vendues sur le champ. Alors maintenant il en veut vingt cartons. »

83% C’est la hausse des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique entre 2009 et 2011. L’an dernier, ceux-ci se sont établis à 134,2 milliards d’euros

Au bout du fil, le client lui aussi est pressé. Commander, payer et livrer… Au total, il ne s’écoulera pas plus de trente jours entre son coup de téléphone et l’arrivée de la marchandise sur les étals de la capitale mauritanienne. Khalifa empoche 5 % de commission. Sa petite affaire ne connaît pas la crise. « L’Afrique aura toujours besoin de ces marchandises venues de Chine. Des sandales, des vêtements, des meubles même. Pour les fêtes de fin d’année, on a reçu des commandes de jouets. Surtout des petits hélicoptères télécommandés », précise-t-il. FERMER LES YEUX. Mais dans les

allées de Yiwu, on trouve aussi des copies d’artisanat africain. « Ça tue le petit commerce local, nous confie un acheteur venu du Cameroun. Mais que voulez-vous? Ici, on produit dix fois moins cher… » Parfois également, il faut savoir fermer les yeux sur la qualité. « Chaque niveau a son prix, tempère Khalifa. Mais la plupart des commerçants savent maintenant que pour faire du commerce à long terme et convaincre le consommateur africain il faut amener des produits de bonne qualité. » Tout le monde a encore en mémoire le scandale, en 2008, du lait chinois contaminé à la mélamine et vendu en Afrique hors de tout contrôle. On a connu meilleure publicité pour le made in China. ● SÉBASTIEN LE BELZIC, envoyé spécial N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


Enquête

Chine

DIASPORA

Alger la chinoise Des milliers d’ouvriers sont arrivés avec le lancement de vastes chantiers dans le BTP. Une partie d’entre eux s’est reconvertie dans le commerce, en bonne intelligence avec la population locale.

D

anslequartierBoushaki, lotissement aux ruelles poussiéreuses de la banlieue est d’Alger, l’« amitié entre les peuples » algérien et chinois est scellée par le commerce. Literie, linge de maison, vêtements, chaussures… Les produits made in China sont vendus en gros dans des boutiques tenues par des commerçants des deux nationalités. « Les affaires marchent plutôt bien. Les Chinois ont le sens du business », explique Ali en chargeant des cartons de sandales en plastique dans une fourgonnette. Le jeune vendeur a su tirer profit de la présence de la petite communauté asiatique. En plus d’être associé à un Chinois, Ali lui loue un appartement et deux locaux. Aujourd’hui, le bilan de la présence chinoise en Algérie est des plus impressionnants. Les investissements venus de Pékin y dépassent tout juste le milliard de dollars (environ 820 millions

ZEBAR NACERDINE/GAMMA/EYEDEA PRE

122

! PAUSE CIGARETTE sur les hauteurs de la capitale.

d’euros) et sont concenLe quartier trés essentielleleBoushaki a vu ment sur les secteurs ecteurs l’apparition du pétrole, dess mines et d’un minide la pétrochimie. mie. Quant aux Chinatown. échanges commerciaux, merciaux, ils ne cessent d’augmenter ’augmenter : 6,4 milliards de dollars en 2011 et 3,3 milliards pour les cinq premiers mois de l’année ée 2012, soit une augmentation de 37,4 % par rapport à la même période en 2011. De janvier à mai, la Chine a importé d’Algérie pour 1 milliard de dollars (+ 30,9 %) et exporté pour 1,2 milliard (+ 39,7 %). ILS SONT PARTOUT. Travaux

publics, bâtiment, tourisme, hydrocarbures, pétrochimie, hydraulique, téléphonie… les Chinois sont absolument partout. L’histoire de cette diaspora de travail et d’affaires remonte au début des années 2000,

avec av le lancement de vastes va chantiers dans le BTP et l’hydraulique. Les entr entreprises chinoises réussissent à rafler de nombreux marchés en app appliquant des coûts ultraconcurrentiels. Le manque de ultraconcurren main-d’œuvre locale les oblige à faire venir de des milliers d’ouvriers de l’empire du Milieu. Ce sont eux qui réal réalisent les premiers grands pro projets, notamment l’hôtel Sheraton, les cités AADL (pour Agence nationale de l’amélioration et du développement du logement) ou encore le nouveau terminal de l’aéroport d’Alger. Le ministère de la Justice leur a confié la construction d’une douzaine de prisons, le ministère des Affaires étrangères son nouveau siège au style néomauresque, et le ministère des Affaires religieuses la C’est le nombre nouvelle grande mosquée d’Alger, de Chinois vivant en Algérie, selon avec son minaret qui culminera l’ambassade de Chine à 270 m. Pour arrondir les fins de mois, certains travailleurs chinois

35000

MARCHÉS PUBLICS ET CORRUPTION LE 17 AOÛT, la cour d’appel d’Alger doit statuer sur l’affaire des commissions versées par les équipementiers télécoms ZTE et Huawei dans le cadre d’un marché lancé en 2003 par AlgérieTélécom. En première instance, trois manageurs chinois ont été N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

condamnés par défaut à dix années de prison ferme pour corruption. Actuellement en fuite, ils sont sous le coup de mandats d’arrêt internationaux. Si la cour confirme l’interdiction de soumissionner à un marché public pour une période

de deux ans, elle exclura de fait ZTE et Huawei du programme 3G que doit lancer AlgérieTélécom. Autre scandale, l’affaire de l’autoroute est-ouest. Les responsables du consortium chinois Citic-CRCC, chargé de réaliser deux des trois lots de ce projet, sont

inculpés pour corruption et trafic d’influence. Les faits portent sur le versement de pots-de-vin au cours du processus de soumission puis lors des opérations de recouvrement de créances. La justice n’a toujours pas tranché définitivement dans cette affaire. ● T.H. JEUNE AFRIQUE


Entre mythes et réalités

« ON S’ADAPTE ». Michel – il a

adopté un prénom français – est le représentant en Algérie de Faw, un important constructeur automobile présent aussi au Kenya, en Tanzanie, au Cameroun et en Afrique du Sud. « Comme partout dans le monde, on imagine toutes sortes de choses à notre propos, dit-il. Mais, en réalité, il n’y a aucun réseau ou système occulte. L’Algérie est un pays très intéressant, on s’y adapte facilement, malgré quelques problèmes de communication. Les Chinois y viennent uniquement pour travailler. Certains ont réussi à se marier avec des Algériennes, mais, sincèrement, je ne pense pas qu’ils aient l’intention de s’installer définitivement. » Après trois années passées à Alger, Michel a terminé sa mission au début du mois de juillet. Son rôle ne consistait pas seulement à introduire la marque Faw sur le marché local. Il devait aussi établir les bases nécessaires à l’installation de l’ensemble des constructeurs chinois. « Pour la Chine, le marché automobile algérien est très important », assure-t-il. Les chiffres lui donnent raison. Les importations de véhicules ont bondi de près de 49,1 % durant les six premiers mois de 2012, à 263 787 unités. ● TAREK HAFID, à Alger JEUNE AFRIQUE

FINANCE

La première « banque » du continent En même temps qu’elle accorde des prêts à des conditions préférentielles, China Exim Bank négocie des contrats pour les groupes du pays.

V

ingt milliards de dollars, soit 16,3 milliards d’euros!C’estlemontant des prêts que Pékin s’est engagé à distribuer en Afrique au cours des trois prochaines années. Cette somme, qui représente le double de celle que l’empire du MilieuavaitpromiseauxAfricainsen 2009, servira notamment à financer 7 447 les infrastructures, l’agriculture, l’industriemanufacturière…Etelleproviendra essentiellement des caisses desonprincipalbrasfinanciersurle rasfinanciersurle continent, The Export-Import xport-Import Bank of China (China Exim Bank). Créée en1994etdétenueà100%parl’État, à100%parl’État, l’institutionpropose,avecl’appuidu e,avecl’appuidu ministère chinois du Commerce, des prêts à des conditions Les prêts préférentielles chinois tout en négociantt des renforcent les contrats pour les entreprises perspectives chinoises. Elle dispose spose pour cela de croissance. de moyens colossaux, aux, à savoir une bonne partie des réserves

Plus « généreuse se » que la Banque mondiale Montant des prêts en 2010 (en millions d’euros) ■ Banque mondiale ■ China Exim Bank

672 679

561

238

236 23 Cameroun

19

72

57

Congo

Nigeria

Ghana

Zambie

SOURCE : BBC (ESTIMATIONS)

n’hésitent pas à travailler comme maçons ou carreleurs pour le compte de particuliers. D’Oran à Annaba, en passant par Alger et Blida, de nombreuses villas ont été construites de manière informelle par une main-d’œuvre rapide et bon marché. C’est aussi au cours des années 2000 que les premiers commerçants chinois ont fait leur apparition dans les rues des grandes villes. Ils appartenaient aux premières vagues d’ouvriers recrutés par les entreprises de construction et ont choisi de rester une fois leurs contrats arrivés à terme. Ces Chinois figurent d’ailleurs parmi les fondateurs du mini-Chinatown du quartier Boushaki. Selon l’ambassade de Chine, la communauté est estimée à 35 000 personnes.

de change de la Chine, estimées à plus de 3240 milliards de dollars à fin juin 2012. En décembre 2011, l’agence de notation Fitch Ratings évaluait à 67,2 milliards de dollars le montant total des prêts de China Exim Bank en Afrique entre 2001 et 2010, ce qui la place largement devant la Banque mondiale, dont le total des engagements en Afrique au cours de la même période s’élevait à près de 55 milliards de dollars. Certes, les conditionsd’attributiondesprêtsde ChinaEximBank,souventopaques, sont décriées, mais nombre d’observateurs s’accordent sur certains aspectsavantageux:letauxd’intérêt est en moyenne de 2,85 % pour une maturité de dix à vingt ans, avec un délai de grâce de tr trois à sept ans. POSITIF. La Banqu Banque africaine de

développement (B (BAD) note même que « les prêts ch chinois à l’Afrique posi car ils ciblent ont un impact positif l’l’améliorationdes infrastructures et in renf renforcent les perspectives de croissance à longterme».C’estviasareprélongterme». sentation basée à Johannesburg que cette banq banque, dirigée par Li Ruogu, opèr opère en Afrique. À 61ans,cetanciendirecteurexé61ans,cetanci cutifdelaBanqueasiatiquede cutifdelaBanq développementaétroitement développem travaillé avec av la BAD. Le ffonds d souverain China Investment Corporation entend lui aussi renforcer sa présence en Afrique.Avecunportefeuilled’actifs de plus de 200 milliards de dollars, il a ainsi racheté, en décembre 2011, 25 % du capital de Shanduka, l’un des plus grands fonds d’investissement sud-africains. Cette opération de12,2millionsdedollarsluipermet de détenir indirectement des parts dans une trentaine de sociétés dans l’énergie, l’agroalimentaire, l’immobilier ou encore la finance. ● STÉPHANE BALLONG N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Enquête

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Chine

CHRIS REARDON/AFRICAN MINERALS

! AFRICAN MINERALS a attiré des investisseurs chinois à Tonkolili (fer), en Sierra Leone.

géants du secteur. Frank Timis, patron d’African Minerals, a ainsi réussi le tour de force d’attirer deux investisseurs chinois dans ses projets sierra-léonais. Coup sur coup, il s’est assuré la prise de participation de 12,5 % de son projet de Tonkolili par China Railway Materials en échange de la construction d’une voie ferrée, puis de 25 % par Shandong Iron and Steel Group, qui s’est engagé au passage à lui acheter 10 millions de tonnes de fer par an. « J’aide les Chinois à casMINES ser l’oligopole mis en place par les australiens Rio Tinto et BHP Billiton et le brésilien Vale, qui à eux trois contrôlent 80 % du marché du fer. Contrairement à ces trois majors, Majors et juniors n’hésitent plus à signer des partenariats ou à j’offre aux groupes chinois un véricréer des coentreprises avec des groupes chinois, dont la capacité table accès à un outil industriel de financement s’avère fort utile pour développer des projets en Afrique. minier. Avec moi, ils ne sont plus simplement mp clients, mais décideurs financer les infrastructures structures logiset investisseurs », se félicitait Frank l est loin le temps où travailTimis dans une in interview à Jeune ler avec les groupes chinois tiques coûteuses du projet, grâce aux 1,35 milliard d’euros apportés Afrique, début 2011. 201 rebutait les multinationales actives en Afrique. Désormais, re chinois, mais Autre exemple : Octéa, filiale par son partenaire elles sont nombreuses à vouloir aussi d’améliorer ses relations avec diamantifère de Beny Be Steinmetz les autorités guinéennes, éennes, grâce à Group Resources (BSGR), a égas’associer avec eux, en particulier un appui polilement le mis en dans les secteurs où les Chinois ne maîtrisent pas encore les technolotique de Pékin. place pl un parteEn Guinée, fin Jadis, un tel accord gies de production et où les besoins rd nariat original avec nari 2010, Rio Tinto n’aurait pas été envisaen capitaux sont importants. nvisala Chine Chine. Pour dévelops’alliait Exemplefrappantdece«réchaufgeable, compte tenu enu de la per son gise gisement de Koidu, à Chinalco. fement », le secteur minier, où se volonté des majors de contrer les en Sierra Leone, Leon ce groupe multiplient les accords entre les tentatives de leurs acheteurs de Une première. israélien de tai taille moyenne a groupes cotés à Londres, Sydney, remonter la filière. décidé de leve lever des fonds à… Johannesburg ou Toronto et des Hong Kong. « Nos pierres métallurgistes chinois. Fin 2010, TOUR DE FORCE. De même, sont appréci appréciées et vendues le géant australien Rio Tinto avait des juniors qui manquent nquent de en Chine. Il est logique de fait sensation en s’associant – c’était moyens capitalistiques ques pour solliciter les investisseurs là une première – à Chinalco pour passer à la phase d’ d’exploiploi où se tr trouvent nos clients », l’exploitation du mégagisement de tation s’associent avec succès aux expliquait en février Dag Cramer, fer du Simandou, en Guinée. Cela groupes chinois. Un moyen pour vice-président du groupe. ● a permis au groupe australien de elles d’éviter leur rachat par des CHRISTOPHE LE BEC

Rentables fréquentations

I

CHEZ LES PÉTROLIERS AUSSI C’ÉTAIT UNTABOU, on risquait de se voir jeter l’opprobre. Mais aujourd’hui, on l’appelle de ses vœux. Dans les milieux très discrets des multinationales pétrolières, s’associer à un groupe N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

chinois est devenu stratégique. Le françaisTotal s’est ainsi rapproché dès 2009 de China National Petroleum Corporation pour développer le permis du lac Albert, en Ouganda. « Nous leur apportons une

expertise dans l’exploration et la production; eux nous apportent leurs moyens dans certaines infrastructures », expliquait alors un cadre de la firme française, précisant que la construction d’un pipeline

de plusieurs centaines de kilomètres pour évacuer l’or noir de ce pays enclavé pourrait leur être confiée. Rapide et moins cher, le savoir-faire chinois a des atouts non négligeables. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


GENÈVE, 19-21 NOVEMBRE 2012

LE FORUM DES DIRIGEANTS DES GRANDES ENTREPRISES AFRICAINES

Une plateforme exceptionnelle de rencontre. Un outil stratégique pour développer votre activité en Afrique et à l’international.

Inscriptions et informations : www.theafricaceoforum.com Ils participent au AFRICA CEO FORUM :

DONALD KABERUKA Président, BAD

MOÏSE KATUMBI Gouverneur du Katanga (RD Congo)

ANDREW ALLI PDG Africa Finance Corp. (Nigeria)

BOB COLLYMORE PDG Safaricom (Kenya)

CORNEILLE KAREKEZI PDG Africa-Re (Nigeria)

MOHAMED EL KETTANI PDG Attijariwafa Bank (Maroc)

MICHAEL SPICER Vice-pdt BLSA (Afrique du Sud)

MO IBRAHIM Mo Ibrahim Foundation (Royaume-Uni)

GODWIN EMEFIELE PDG Zenith Bank (Nigeria)

ALIKO DANGOTE PDG Dangote Group (Nigeria)

ISSAD REBRAB PDG Cevital (Algérie)

SUNNY G. VERGHESE PDG Olam (Singapour)

JEAN-LOUIS BILLON PDG Sifca (Côte d’Ivoire)

MOSTAFA TERRAB PDG Groupe OCP (Maroc)

NGOZI OKONJO-IWEALA Ministre des Finances (Nigeria)

TIDJANE THIAM PDG Prudential (Royaume-Uni)

Sponsors : Co-host

Diamond

Platinum

Gold

Partenaires

Transporteur officiel

Partenaires média African Development Bank Banque africaine de développement


NABIL ZORKOT

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CÔTE D’IVOIRE

Élagage à tous les étages

! Pendant les années de crise, les forêts du nord du pays ont été COMPLÈTEMENT SACCAGÉES.

gestion fait débat depuis plusieurs années.Del’aveumêmedesonPCA, la situation des 231 forêts classées – soit plus de 4 millions d’hectares – qu’ellesuperviseestcatastrophique. autorise depuis février l’Industrie Prèsde50%decettesuperficieserait tropicale de sciage (ITS) à couper occupée illégalement par des agridu bois dans sa forêt. Le préjudice culteurs. Un problème insurmons’élèverait déjà à plus de 20 milliards table pour Sodefor, dont les moyens de F CFA. Mais impossible pour sont très limités. De 24 milliards de Adou Nioupin d’arrêter le pillage. F CFA en 1994, son budget est passé Ni le préfet de Yakassé-Attobrou ni àenviron10milliardsen2010,l’oblile procureur d’Adzopé ne semblent geant à multiplier les contrats avec vouloir lui prêter main-forte. C’est unequarantained’opérateursprivés pour valoriser les forêts classées. finalement en recourant à une Reste que pour empêcher l’insmilice privée constituée de chasseurs traditionnels dozos qu’il tente tallation de planteurs ou veiller au de protéger sa parcelle. respect par les industriels de leur cahier des charges en termes de Un patrimoine ÉTAT DANS L’ÉTAT. Car Sodefor est reboisement et de quotas de coupe, tronqué une sorte d’État dans ans l’État. Peu de les bras manquen manquent terriblement. En hauts fonctionnaires aires et de tout,moinsde700salariésmaléquitout,moinsde70 Sodefor gère magistrats sont prêts pés,secrétairesetcomptables pés,secrétair 231 forêts classées, à lui faire barrage. ge. compris. Pourtant, le com soit plus de 4 millions Quant au dossier sier secteur forestier sec d’hectares. Près de 50 % de cette superficie serait occupée Nioupin,ilestmaininmériterait m que les illégalement tenant suivi directetepouvoirs publics s’y po par des agriculteurs ment par la Primature. ature. intéressent davanin Interrogéàcesujet,Ousmane ,Ousmane tage. Chaque année, il tage Koné nie être dans l’illégalité, indidégage un chiffre d’affaires quant qu’ITS travaille availle dans les de plus de 200 milliar milliards de F CFA et limites de la forêtt appartenant à emploie entre 20 20000 et 30000 perSodefor. Une enquête diligentée sonnes. Sans com compter le marché par la police économique conomique devrait parallèle. permettre d’y voir ir clair d’ici peu. « Pendant les années de crise, mique est loin d’être les forêts du nord du pays ont été Cette polémique une première pour ur Sodefor, dont la complètement sa saccagées. Certains

Litiges sur le foncier, marché parallèle, cadres corrompus… La nouvelle direction de la Société de développement des forêts a beaucoup à faire – mais peu de moyens – pour mettre de l’ordre dans ses rangs.

C

es derniers jours, Adou Nioupin espère avoir marqué quelques points dans la lutte qui l’oppose à la Société de développement des forêts (Sodefor, entreprise d’État). Par l’intermédiaire de son avocat français, l’homme d’affaires ivoirien aurait réussi à alerter le président Alassane Ouattara en personne. Le litige porte sur une parcelle de 22 000 ha en bordure de la forêt classée de Mabi (à 100 km au nord d’Abidjan), que la justice lui avait officiellement attribuée en 1998. D’appels en recours, Sodefor ne cesse depuis de contestercettedécision, arguant qu’elle a été obtenue alorsquel’Étatn’assuraitplusl’application des lois en Côte d’Ivoire. « Il n’y avait plus de justice », répète en boucle Ousmane Koné, nouveau président du conseil d’administration (PCA) depuis mars. En 2010, Sodefor a été condamné à payer 400 millions de F CFA (610 000 euros) de dommages et intérêts pour avoir empêché la famille Nioupin de valoriser son patrimoine. Un jugement dont il a bloqué l’exécution. Pis, selon le propriétaire, l’entreprise publique N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

comzones, comme Zakaria Koné, étaientconnuspourleurimplication dans le trafic de bois », explique un ancien cadre de Sodefor. Plus compromettant pour l’entreprise, la direction générale s’est elle aussi rendue complice de la dégradation des forêts en délivrant sans appels d’offres des autorisations à de nombreux industriels. « Ce sont des milliards de F CFA de bakchichs qui ont été distribués », déplore notre interlocuteur. Un trafic qui continue d’attiser les convoitises dans les plus hautes sphères de l’État. Ainsi, au mois de février, Clément Bouéka Nabo, ministre des Eaux et Forêts, a-t-il limogé son directeur de cabinet pour son implication dans des fraudes portant sur l’exportation de bois. En juillet, c’est tout le cabinet qui a pris la porte. MAUVAIS EXEMPLE. Reste que, sur

le terrain, de nombreuses sociétés exploitent des forêts classées en dehors de toute légalité. La Société allemande de coopération internationale (GIZ), ancien partenaire de Sodefor, a d’ailleurs demandé à l’entreprise publique de revenir au plus vite sur certaines autorisations douteuses accordées en 2008 et 2009. Un mauvais exemple venu d’en haut qui se répercute à tous les échelons, les agents forestiers « oubliant » de collecter plus de 50 % des taxes dues, comme le révèle un rapportdesétatsgénérauxdelaforêt réalisé en novembre 2011.

« La récréation est terminée. » OUSMANE KONÉ, PCA de Sodefor

« Après ma nomination, j’ai passé un message de fermeté. La récréation est terminée », assure Ousmane Koné. Pour de nombreux observateurs, c’est sur ses résultats que lui et le nouveau directeur général de Sodefor, Mamadou Sangaré, seront jugés. « L’État doit aussi les aider en leur accordant plus de moyens », estime le député Vénance Thiéa. En attendant, 300 militaires vont être envoyés d’ici à quelques jours pour chasser les agriculteurs squattant les forêts. ● JULIEN CLÉMENÇOT, avec BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE

JACQUELYN MARTIN/AP/SIPA

Retrouvez toute l’actualité économique et financière du continent sur economie.jeuneafrique.com

ÉTATS-UNIS -AFRIQUE CLINTON CONTRE PÉKIN Débutée le 1er août, la troisième tournée africaine de Hillary Clinton l’a conduite pendant onze jours dans sept pays : Ghana, Sénégal, Soudan du Sud, Ouganda, Kenya, Malawi (photo) et Afrique du Sud. L’objectif :

S

M

S

promouvoir la nouvelle stratégie américaine en Afrique, qui doit « renforcer les institutions démocratiques, stimuler la croissance et les investissements, donner la priorité à la paix et à la sécurité, et promouvoir le développement ». La secrétaire d’État a annoncé la prolongation de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) dans le textile, dont les accords devaient expirer en septembre et qui permet aux exportateurs africains d’accéder au marché américain sans acquitter de droits de douane. Hillary Clinton a aussi permis un accord pétrolier entre Khartoum et Djouba. Elle entend bien renforcer la présence américaine sur le continent et contrer la Chine. « Nous cherchons un partenariat durable avec l’Afrique, créateur plutôt que destructeur de valeur », a-t-elle lancé, à Dakar, à l’encontre de Pékin. ●

• RECHERCHE Alger veut se doter d’un pôle biotechnologique en 2020 avec l’aide de 9 laboratoires américains • AÉRIEN Jet4You a perdu sa licence d’exploitation au Maroc • MINES Le canadien Endeavour rachète Avion Gold et son gisement malien pour 307 M€ • FERROVIAIRE L’allemand Siemens a remporté en Algérie le marché des équipements de signalisation de la voie ferrée Mécheria-El-Bayadh pour 69 M€ • PÉTROLE Au Maroc, la Samir a démarré sa nouvelle unité de distillation, qui fera passer la capacité de raffinage du complexe de Mohammedia à 200 000 b/j • TIC La BAD aidera le Kenya à lever 10 G$ pour construire Konza City, la Silicon Valley africaine

MINES HANLONG ALLONGE SON OFFRE Après un an de négociations, le chinois Hanlong a révisé son offre pour le rachat de l’australien Sundance Resources à 1 milliard d’euros, soit 32 euros par action, un premium de 19,4 % par rapport au cours au 31 juillet. Le groupe chinois veut mettre la main sur la mine de fer de Mbalam, située à cheval sur le Congo et le Cameroun et valorisée à 3,8 milliards d’euros. ● DETTE ÉMISSION MAROCAINE Alors que le Fonds monétaire international (FMI) vient de lui accorder une « ligne de précaution » de 5 milliards d’euros, le Maroc prévoit d’émettre 800 millions d’euros de dette, probablement en octobre.

Les obligations pourraient être libellées en dollars pour rendre l’emprunt plus attractif pour les investisseurs du Golfe. Les montants levés financeront des investissements publics qui n’ont pu être achevés faute de budget. ● INFRASTRUCTURES LA BAD EMPRUNTE La Banque africaine de développement (BAD) compte lancer un emprunt obligataire de 18 milliards d’euros pour financer les infrastructures (ports et aéroports) dans les États membres. Soit 2,4 milliards d’euros de plus que ce que l’institution et la Banque mondiale décaissent chaque année au sud du Sahara. La BAD attend des banques centrales africaines un engagement de 5 % de leurs réserves de change. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Décideurs MODE

Mehdi Slimani, un pied en Éthiopie Ce Franco-Algérien de 37 ans est le cofondateur de Sawa, une marque de baskets fabriquées à Addis-Abeba et déjà vendues sur trois continents.

I

ntarissable ! Lorsqu’il s’agit de Sawa, la marque de chaussures qu’il a fondée en 2009 avec deux de ses amis, Mehdi Slimani peut parler pendant des heures. En cette fin d’après-midi d’août, ce Franco-Algérien de 37 ans est d’autant plus loquace que la rentrée prochaine s’annonce riche pour sa jeune entreprise. D’abord, le rappeur à succès Oxmo Puccino, Français d’origine malienne, chaussera des baskets Sawa pour la sortie de son nouvel album, Roi sans carrosse, prévue le 17 septembre. Un modèle spécial, conçu pour cette occasion, sera vendu en édition limitée. Ensuite, la marque française de prêt-à-porter Cotélac a accepté de distribuer, dès le mois prochain, sa nouvelle collection automne-hiver. KABYLE. Né dans les Ardennes

(nord-est de la France) de parents kabyles, Mehdi Slimani porte, avec ses partenaires, un projet audacieux : commercialiser dans le monde entier des chaussures entièrement fabriquées en Afrique. Les baskets Sawa, déjà vendues dans de grands magasins en Europe, aux États-Unis, au Japon et à Hong Kong, proviennent en effet d’une chaîne de montage située dans une zone industrielle au cœur d’Addis-Abeba. « Toute la matière première – cuir, lacets et semelles en caoutchouc – est disponible sur place. En termes logistiques, c’est un gain de temps considérable pour la production », assure ce diplômé de l’École supérieure de commerce de Lille (nord de la France). En plus, avec le hub d’Ethiopian Airlines et les avantages fiscaux offerts par le gouvernement éthiopien dans le N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

cadre de sa politique industrielle, les produits finis sont facilement acheminés vers les marchés cibles. Sawa, qui emploie localement environ 250 personnes, table ainsi sur la vente de 10 000 paires de chaussures dès cette année, et à peu près le double en 2013. Pour Mehdi Slimani, il s’agit là d’une renaissance. Car l’aventure a failli tourner court en 2011, seulement deux ans après son démarrage. La société Sawa, qui tient son nom de l’une des principales ethnies de Douala, était alors basée ! Après des dans la capitale économique du années dans avec le costume-cravate classique Cameroun. En 2009, lorsque les le secteur trois associés décident de se landes hommes d’affaires. automobile, cer – après un voyage de six mois sa RECONVERSION en Afrique –, ils choisissent ce FLÉAU. Et la souffrance, il y a eu est en passe de réussir. droit. Après des débuts prometpays pour, se souvient le FrancoAlgérien, « l’énergie et le dynateurs, Mehdi Slimani, fort d’une misme de sa population ». douzaine d’années d’expérience L’idée est alors de prochez les équipementiers EN BOUTIQUE ET EN LIGNE duire des chaussures avec automobiles français Valéo (sur sawashoes.com) des matières provenant et Faurecia au Brésil et en Deux modèles, Dr Bess des quatre coins du Chine, se retrouve très vite (chaussure basse, 75 euros) et Tsagué continent : toile fourconfronté à la dure réalité du (chaussure montante, 115 euros), nie localement par la Cameroun : la corruption. déclinés en plusieurs couleurs Cotonnière industrielle En deux ans, ce fléau a coûté du Cameroun (Cicam), pas moins de 500 000 euros lacets venant de Tunisie, à la jeune société. caoutchouc d’Ég ypte, « Il fallait quitter le emballages d’Afrique du Cameroun ou mettre Sud… « Nous pensions que la clé sous la porte », explique celui qui affirme avoir toujours aimé la mode. C’est d’ail« Toute la matière première – cuir, leurs pour se lancer dans cette lacets et semelles en caoutchouc – industrie qu’il avait choisi, après les années passées dans le secest disponible sur place. » teur automobile, de se réorienter la meilleure façon de montrer vers le marketing grâce à un poste notre attachement à l’Afrique décroché chez l’équipementier c’était d’aller souffrir sur place français Le Coq sportif. Après son pour y créer de la valeur ajouéchec au Cameroun, l’Éthiopie lui tée », explique ce spécialiste de la offre désormais une autre chance finance d’entreprise dont le style de réaliser son rêve. ● jeans-baskets tranche nettement STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE

DR

128


Décideurs SPORT

Djamil Faye vise l’Olympe Fort d’une carrière de vingt ans dans le monde des Jeux, le Sénégalais a créé la griffe Jsports, avec laquelle il habille des délégations africaines.

A

ux Jeux olympiques de Sydney puis d’Athènes. Pékin, (JO), s’équiper n’est New York et Sotchi (la ville russe qui pas un problème pour organisera les JO d’hiver en 2014) ont aussi fait appel à ses services les nations courtisées par les sponsors. Mais il en va bien pour appuyer leur candidature. Jappo (prononcer « Diappo », souvent autrement pour les délégations africaines désargenc’est-à-dire « tous ensemble » TREIZE NATIONS en wolof) lui a permis en 2011 tées. « C’est pour nous aider ÉQUIPÉES à surmonter nos complexes de réaliser un rêve de longue Bénin, Burkina Faso, face aux autres athlètes que date: racheter le club de foot Burundi, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, j’ai lancé Jsports », explique deGuédiawaye,lequartierde Gabon, Guinée-Bissau, Djamil Faye. Cet entrepreneur Dakar où il a grandi. Et c’est Madagascar, Mali, sénégalais de 48 ans, revenu grâce à cette équipe qu’il a pu Rwanda s’installer à Dakar en 2005 après tester les produits de Jsports en une longue carrière à l’étranger, a conditions réelles, avant de les d’abord fondé Jappo, une société proposer aux comités nationaux de conseil spécialisée dans les événements sportifs, avant de lancer sa marque de vêtements en 2007.

129

africains. Finalement, treize équipes se sont laissé convaincre par le conceptdeJsports,hormisquelques athlètes déjà sponsorisés. Pour l’instant, seuls le design et la conceptionsontassurésauSénégal; la production a lieu en Chine. Djamil Faye se plaint des multiples obstacles à la mise en place d’une chaîne de production locale qui lui permettrait de proposer des produits grand public made in Senegal à un prix attractif. « Produire au Sénégal nécessitera des investissements importants, prévient-il. Nous avons réussi à autofinancer notre développement jusqu’ici, mais nous aurons besoin d’un partenaire financier. Quoi qu’il arrive, cela ne se produira pas avant 2013. » ● NICOLAS TEISSERENC

Retrouvez l’interview de Djamil Faye sur economie.jeuneafrique.com

a cumulé plus de vingt ans d’expérience dans le circuit olympique. S’il s’est un temps destiné à devenir professeur d’économie, l’attrait du sport a finalement été le plus fort. Après un MBA en management du sport à l’université de Southern Cross, en Australie, ce passionné de football a mené une carrière en tant que conseiller pour divers comités d’organisation de JO. Il a été notamment directeur Afrique pour les JO

MARK CHILVERS POUR J.A.

« TOUS ENSEMBLE ». Djamil Faye

! À LONDRES, LE 7 AOÛT. Il a conseillé divers comités d’organisation de JO.

FAHMI CHELLY ELGAZALA TECHNOPARK LeTunisien a été nommé directeur général du premier technopôle du pays, qui héberge 90 entreprises. Il était jusque-là directeur de la recherche et de la veille technologique du Centre d’études et de recherche des télécoms. JEUNE AFRIQUE

YASUHIKO YOKOI CFAO Le Japonais intègre, avecTakashi Hattori, le conseil de surveillance, à la suite de l’acquisition parToyotaTsusho Corporation de 29,8 % du spécialiste français de la distribution automobile et pharmaceutique en Afrique.

ÉRIC MBOMA STANDARD BANK Jusqu’alors directeur commercial Afrique de la branche exploration du minier BHP Billiton, ce diplômé de Harvard prend la direction générale de la filiale du sud-africain Standard Bank dans son pays, la RD Congo. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

HICHEM, DR

ON EN PARLE


HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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MAROC

! Lancé en 2006, le chantier de CASABLANCA MARINA accuse près de un an de retard (ici le 8 août).

CGI, le dos au mur

La Compagnie générale immobilière n’en finit plus de chuter à la Bourse de Casablanca. Un positionnement plus offensif dans le logement social pourrait la sortir de cette mauvaise passe.

DÉLAIS RALLONGÉS. « Une fois encore, le management de CGI aura péché par optimisme en annonçant un planning de livraison qu’il n’a pas pu respecter. Même si les bâtiments que la compagnie construit sont de bonne qualité, son rythme de production N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

Numéro 3 de l’immobilier CHIFFRE D’AFFAIRES 2011

(en millions d’euros)

RÉSULTAT NET 2011

(en millions d’euros)

ÉVOLUTION DU COURS DEPUIS LE 1ER JANVIER 2012 (en %)

+2,4

■ ALLIANCES

–18 34

161

75

242

282

+3,4

386

I

l faudra encore quelques mois pour que les aménagements intérieurs et les jardins soient terminés mais, déjà, les tours de Casablanca Marina surplombent la médina, le long du front de mer, à 500 m de la grande mosquée Hassan-II. Le chantier emblématique piloté par la Compagnie générale immobilière (CGI), qui doit coûter 7,8 milliards de dirhams (706 millions d’euros), a pris du retard. Près de un an au total, avec le retrait du partenaire Sama Dubai, en décembre 2011, qui a entraîné la recapitalisation du projet par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG, détenteur de 79 % de CGI) et l’allongement de certains travaux, notamment de la construction des digues protectrices. Les premiers appartements seront prêts fin 2012, mais le gros des bureaux et résidences ne sera finalement mis à disposition que courant 2013.

■ ADDOHA

est encore bien en dessous de ses deux principaux concurrents, les groupes Addoha et Alliances », estime Fayçal Allouch, analyste financier chez CFG, qui cite aussi en exemple les délais rallongés pour livrer les résidences de Green Town (à Bouskoura, en bordure de Casablanca) ou d’El-Jadida. Dès lors, avec un investissement total réalisé de 3,5 milliards de dirhams sur la seule année 2011, le stock de logements non encore livrés coûte à CGI près de trois fois plus que celui de ses rivaux. Même si le chiffre d’affaires de la compagnie a progressé de 20 % en

■ CGI

2011, pour atteindre 2,7 milliards de dirhams, ses bénéfices restent en deçà des attentes des investisseurs boursiers, avec un résultat net en repli de 4 %, à 376 millions de dirhams seulement. À titre de comparaison, les revenus du secteur immobilier marocain ont crû de 32 % en 2011, et les bénéfices de 22 %, selon CFG… TENDANCE BAISSIÈRE. En consé-

quence, CGI n’en finit pas de chuter à la Bourse de Casablanca. En 2011, le titre a perdu 41,6 %. Depuis le début de l’année, sa valeur a encore baissé de 18 %. « Dans un marché orienté à la baisse [– 10,6 % depuis le 1er janvier pour l’indice Masi, NDLR], l’action CGI est l’une des plus chères. Même si l’assureur RMA Watanya a racheté des actions pour soutenir le titre [il détient à présent 8,5 % du capital], cette tendance baissière devrait se poursuivre, compte tenu des meilleures performances d’autres promoteurs immobiliers cotés », affirme Fayçal Allouch. Toutefois, à la différence d’autres entreprises du secteur, le ratio d’endettement de CGI reste faible, avec un taux d’investissement en fonds propres supérieur à 40 % sur la plupart de ses projets, ce qui ne plombe pas les comptes. « Le modèle économique de CGI est différent de celui de ses principaux concurrents, plus agiles et opportunistes, note l’analyste. Du fait de son actionnariat public [via la CDG], la compagnie a un JEUNE AFRIQUE


Baromètre accès privilégié et à moindre coût au foncier. Mais elle agit dans des projets structurants au long cours, sur l’ensemble du territoire marocain, en se concentrant moins sur les délais et la rentabilité. Tandis qu’Alliances et Addoha ont vite vu l’intérêt de se positionner sur les projets de logements économiques et sociaux, appuyés par l’État, CGI est encore peu présent sur le secteur, alors que le taux de marge y est souvent supérieur à 20 %, contre environ 15 % dans les autres segments résidentiels et 10 % pour les bureaux et les commerces. » AXE STRATÉGIQUE. En 2011,

d’après CFG, Dyar Al Mansour, filiale de CGI dévolue aux constructions économiques, n’a livré dans le royaume que 1 717 logements sociaux, contre 10 617 pour Alliances et 28 162 pour Addoha. « Certains projets dans le résidentiel de haut standing, sur l’ancien aéroport d’Anfa et à Green Town, devraient toutefois être de belles opérations pour CGI », relativise néanmoins Fayçal Allouch. Sur le plan géographique, même si le Grand Casablanca concentre 70 % de ses revenus, la compagnie reste exposée sur ses projets touristiques destinés à la clientèle européenne dans le nord et le sud du pays, où la conjoncture est moins favorable.

Le groupe est exposé sur ses projets touristiques dans le nord et le sud du pays. Dans cette configuration, les analystes ne sont guère enthousiastes. Fayçal Allouch conseille même de vendre, tout en nuançant : « Dans trois ans, si CGI réussit enfin à démarrer sur le segment économique et accélère ses projets sur l’axe immobilier stratégique El-Jadida-Kénitra [qui inclut Casablanca et Rabat], où il dispose déjà d’un patrimoine foncier attractif, alors mon opinion pourrait changer. » ●

Marchés financiers

Des banques en demi-teinte VALEUR

BOURSE

COURS au 8 août (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)

Banque de Tunisie

TUNIS

6,59

+ 22,2

Amen Bank Crédit immobilier et hôtelier Ecobank BCP-Banque populaire Attijariwafa Bank Biat BMCI BMCE Crédit du Maroc

TUNIS

19,11 24,96 0,06 18,02 31,02 35,36 75,50 15,92 57,31

+ 16,2 +2 0 – 0,2 – 2,6 – 6,2 – 8,3 – 18 – 18,2

CASABLANCA ABIDJAN CASABLANCA CASABLANCA TUNIS CASABLANCA CASABLANCA CASABLANCA

PREMIER SEMESTRE en demi-teinte pour les principales banques des places francophones africaines. À Tunis, ce sont notamment les valeurs de taille modeste qui ont contribué à la hausse de 325 millions d’euros de la capitalisation de la Bourse à 8 milliards d’euros sur les sept premiers mois de l’année. Banque deTunisie, huitième établissement du pays par le total de bilan, a ainsi vu son cours progresser de 22,2 % tandis qu’Amen Bank, sixième

banque deTunisie, affiche une hausse de 16,2 % de son cours. Pendant ce temps, au Maroc, l’atonie domine. Si Crédit immobilier et hôtelier (CIH) affiche une hausse honorable de 2 %, la plupart des valeurs cotées à Casablanca ont vu leur cours baisser. BCP-Banque populaire, qui vient de racheter 50 % de l’ivoirien Atlantic Financial Group, a limité la casse, avec une chute de 0,2 %. Mais BMCE et Crédit du Maroc reculent respectivement de 18 % et 18,2 %. ●

Valeur en vue ECOBANK Visibilité vs volatilité Le groupe Ecobank est devenu le chef de file du secteur bancaire en Afrique subsaharienne, avec 1 151 agences, 1 487 distributeurs automatiques de billets et un portefeuille clients de 8,4 millions de dollars (6,9 millions d’euros). Ecobank a connu une croissance satisfaisante en 2011, avec un total de bilan de 17,2 milliards de dollars. Le groupe a toujours conservé une solide assise financière, ses fonds propres ont augmenté de 0,5 milliard à 1,5 milliard de dollars entre 2006 à 2011. Avec un ratio prix/ François Adjitin actif net de 0,57, par rapport à 1,6 pour ses pairs africains Analyste chez des autres “marchés frontières”, le titre est sous-évalué. Hudson & Cie Il souffre aujourd’hui de son prix d’introduction trop élevé, qui a entraîné une pression à la baisse et une grande volatilité.Toutefois, la politique de la compagnie étant maintenant de passer à une croissance organique, cela devrait permettre une meilleure visibilité aux investisseurs et accroître leur intérêt pour la valeur. » ● BOURSE

PNB 2012 (1ER SEM.)

COURS

OBJECTIF

Abidjan

608 millions d’euros (+ 51 %)

37 F CFA (8.8.2012)

60 F CFA

CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE

N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Culture & médias

t r a d’

Frères

Grands-parents, parents, enfants… ils ont choisi d’être artistes. Pour le meilleur et pour le pire. Portraits de familles pas comme les autres. SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

I R JA YOU RI LENQ UETT E POU

l y a les chanceux, nourris d’amour et d’encouragements et à qui l’on a appris la liberté. Et les malheureux, élevés à coups de trique et d’humiliations – à l’instar du défunt roi de la pop, Michael Jackson. Les uns ont découvert leur voie, les autres ont eu leur destin imposé. En Afrique de l’Ouest, la poésie et la musique se transmettaient de père en fils ou de mère en fille. Conteurs immémoriaux, chanteurs et musiciens hors pair, les griots ont offert des lignées d’artistes prodigieux : les Cissoko, les Diabaté, les Kouyaté, les Seck… Mais il n’est pas toujours facile de se trouver et de s’épanouir lorsque ses parents sont des artistes renommés ou, pis, des artistes ratés. Entre peur de les décevoir et désir de leur plaire,

quitte à leur ressembler, les enfants de la balle sont parfois prisonniers de sentiments qui les dépassent. Mais ils ont aussi cette chance extraordinaire de vivre dans un univers qui peut se révéler magique, empreint de liberté et d’audace, et d’inventer leur vie en parcourant le monde à la rencontre des possibles. L’art – et le talent – peut être un don du ciel ou un héritage empoisonné, c’est selon. L’évoquer revient alors à aborder ces histoires de famille. Certains sont heureux de pouvoir rendre hommage à leur géniteur ou d’exprimer à leur enfant toute leur fierté. D’autres refusent que leur travail soit comparé à celui de leur frère d’art ou que leurs noms soient mentionnés dans un même article ! Quant à prendre une photo ensemble, n’y songeons même pas… ●


Germaine & Patrick Acogny

Pas de deux Q

! PATRICK ET GERMAINE ACOGNY, le fils et la mère, sur le site de l’École des Sables (Sénégal).

uand, à 23 ans, Patrick Acogny annonce à sa mère qu’il veut faire de la danse son métier, celle que Maurice Béjart considérait comme sa fille ne saute pas vraiment de joie… « Elle a paniqué », s’amuse aujourd’hui le codirecteur artistique de l’École des sables, l’institut que Germaine Acogny a fondé à Toubab Dialaw (Sénégal) en 2004. Il faut dire que le jeune homme s’est longtemps cherché. Formé au Prytanée militaire de Saint-Louis, il se rêvait pilote d’avion. Mais les mathématiques puis les amours lui jouant des tours, il se retrouve ouvrier chauffagiste. « Le moins que l’on puisse dire, avoue-t-il pour expliquer la réaction de sa mère, c’est que je n’étais pas constant dans ce que j’entreprenais! » Pourtant, lorsqu’il participe, par hasard, à un stage que donne sa mère, il découvre sa vocation. Bien avant lui, Béjart, qui a confié les rênes de Mudra Afrique à « Mama Germaine », comme la surnomment ses élèves, avait compris que le fils est de ces interprètes que la mère doit découvrir pour développer sa danse. Pourtant, elle n’a jamais cherché à forcer le destin de celui qui deviendra, avec son mari Helmut Vogt, l’un des solides piliers de l’École des sables. « Je ne voulais surtout pas qu’il soit mon clone », explique-t-elle. Tous deux se disent complémentaires et travaillent en harmonie. « Ma mère adore la scène; moi, je préfère la chorégraphie », confie le directeur de la compagnie Jant-Bi. « Patrick déconstruit les danses traditionnelles. Son travail vient du terroir, c’est très important pour moi », confie Germaine, fière de le voir lui succéder. « Mais, prévient-elle, il lui faudra tenir bon. Même dans les petites choses, il faut persévérer, car rien n’est petit ! » ● S.K.-G.


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WAEL HAMZEH/EPA/CORBIS ; DR ; KHALED DESOUKI/AFP

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Les Khalifé, père et fils

A

rcbouté sur un Steinway, Rami plaque le riff. Deux doigts sur le synthé, deux doigts claquant l’air, Bachar hache un rythme binaire. Subtilement, l’oud fragile et leste de Marcel vient broder sur le thème une rhapsodie orientale, ouvrant la voie au chant qui reprend, plus suave encore, la mélodie ciselée par l’oud. Des accents du Levant et des teintes andalouses fusionnent avec des couleurs jazz, des rythmes électro et des dissonances contemporaines. Les harmonies s’emmêlent, se répondent, se confondent ; une étonnante osmose se dégage du dialogue des trois musiciens, que l’on sent aussi proches que différents. Ce soir de juin 2011, sur la scène du Beirut Music and Art Festival, au pied

A ames égales des monts du Liban natal, les trois Khalifé jouent à âmes égales pour la première fois. À maintes reprises, Bachar et Rami (29 et 30 ans), les deux fils prodiges, ont accompagné sur scène leur père, Marcel (62 ans), troubadour planétaire adulé de Casablanca à Bagdad et applaudi dans le monde entier. « Mais cette fois nous avions décidé d’être trois sur scène et de jouer nos compositions respectives ! Les inconditionnels de Marcel ont été un peu déçus, mais beaucoup d’autres ont redécouvert sa musique grâce à l’élan et la jeunesse que nous lui avons insufflés », rapporte Bachar, le cadet du trio. L’expérience a été un succès : les trois virtuoses ont décidé de filer le thème des airs de famille et se produiront ensemble

! POUR LA PREMIÈRE FOIS, MARCEL KHALIFÉ (à dr.) partage l’affiche avec ses fils, Bachar (à g.) et Rami.

du 13 au 16 novembre à Paris, au théâtre des Bouffes du Nord. Chez les Khalifé, la musique n’a jamais été un loisir ou un devoir, mais un élément essentiel comme l’air, la terre, l’eau et le feu. Dès l’âge tendre, Bachar et Rami ont parlé le langage des notes, poussés par un père déjà célèbre. En 2005, Rami compose son premier album, Scene from Hellek, et Bachar sort le sien, Oil Slick, en 2010, mais les trois hommes ne jouent véritablement à l’unisson que depuis un an. La tentation de devenir khalife à la place du khalife ? « Dans ce cas, j’aurais à éliminer le père et le frère ! » plaisante Bachar avant de reconnaître : « Notre père est un modèle dont il faut s’inspirer. Et se distinguer. » ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

Marie NDiaye et Pap Ndiaye

L’excellence francaise

U OLIVIER ROLLER ; BALTEL/SIPA PRESS

n même nom écrit de façons différentes. Un père sénégalais parti alors qu’ils étaient encore en bas âge. Une mère française. Ils ont grandi dans l’Hexagone sans avoir eu à souffrir de leur métissage. Marie, la cadette, née en 1967, est une écrivaine précoce : elle a publié son premier roman à l’âge de 17 ans. Unique femme vivante à entrer au répertoire de la Comédie-Française, elle a obtenu le Goncourt en 2009 pour Trois Femmes puissantes. Pap, l’aîné, né en 1965, est moins célèbre que sa sœur. Normalien, il enseigne l’histoire à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et aux États-Unis. Il s’est fait connaître en 2008 avec La Condition noire. Essai sur une minorité française. Fasciné par le combat des Africains-Américains pour leurs droits, il est également l’auteur des Noirs américains. En marche pour l’égalité, paru en 2009. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

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JEUNE AFRIQUE


CÉ DR IC MI NK A

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Les Ayissi

La danse en partage

JEUNE AFRIQUE

« JE M’ÉTONNE MOI-MÊME ! » DUC (ci-dessus, en juin à Yaoundé). Son frère Imane (à dr.) et leur demi-frère Jean-Marie Didière.

par la danse. Une passion héritée d’un grand-père danseur émérite de bikutsi. Initié à l’âge de 9 ans lors de soirées au clair de lune dans leur village de Mvog Fouda, près de Yaoundé, Luc Séraphin

FRÉDÉRIQUE JOUVAL POUR J.A.

CONFIE AYISSI LE

DARIO MAGNANI

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a chanteuse Chantal Ayissi a prévenu. Elle ne veut en aucun cas être associée à un article impliquant son frère le chorégraphe Luc Séraphin, dit Ayissi le Duc (pour Danses unies du Cameroun). Lequel « duc » n’y va pas par quatre chemins : « La star, c’est moi ! prévientil. Sans moi, mes frères et ma sœur ne seraient rien! » Dans cette fratrie de neuf enfants, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Pétris de paradoxes, ils sont fiers les uns des autres, et pourtant ils se jalousent profondément. Et rien n’y fait, pas même les drames qui ont émaillé leur existence et qui auraient pu les souder : quatre d’entre eux sont morts, souvent dans descirconstancestragiques. Pour ces enfants d’un ex-champion africain de boxe anglaise et de la première reine de beauté camerounaise, l’aventure artistique commence toujours

intègre le Ballet national du Cameroun sans passer par un concours et crée, à 20 ans, sa compagnie, Danses unies du Cameroun. Ses jeunes frères et sœurs l’y rejoignent. Ensemble, ils écument N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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les cabarets de Yaoundé et de Douala en compagnie de grands noms de la musique camerounaise et sont souvent appelés en renfort pour soutenir le ballet national. Les Ayissi doivent leur envol sur la scène internationale à leur participation à la tournée « Saga Africa » de Yannick Noah, en 1992. De cette période date également la première fissure au sein du groupe. Jusque-là mannequin et styliste amateur, Imane souhaite se consacrer davantage à la mode. Il défile pour l’Italien Giovanni Pelochi et, en 1995, il présente sa première collection. Sa carrière décolle. Il pose pour les plus grands couturiers et joailliers. En 2000, il danse au sein du ballet Koke, au Canada

et en Grande-Bretagne, et il est nominé au palmarès des prix Nijinski à MonteCarlo. Pour le bonheur de Jean-Marie Didière, son demi-frère danseur soliste à l’Opéra de Paris, qu’il a rencontré en arrivant en France. Premier métis admis à l’Opéra de Paris, Jean-Marie s’amuse et se désole des divergences de ses frères et sœurs, de leur « guerre des chefs », souligne-t-il. L’interprète de Don Quichotte déclare se sentir proche d’Imane, avec qui il a le plus d’affinités professionnelles. Si Chantal l’agace par son « caractère incontrôlable », il avoue éprouver une grande tendresse pour cette demi-sœur qui, physiquement, lui ressemble. Il regarde avec ravissement le

Tabu Ley & Youssoupha Mabiki

L

DR ; VINCENT FOURNIER/J.A.

e père est l’une des plus grandes voix du continent et chante l’amour ; le fils, un nom qui monte dans le monde du rap et exprime la révolte d’une jeunesse française en proie à la discrimination du fait de ses origines. Pourtant, au départ, rien ne les destinait à faire de la musique une profession. Né en 1940 à Banningville (aujourd’hui Bandundu), Tabu Ley a suivi des études moyennes (secondaires) à l’époque de la

clip qu’ils ont tourné ensemble, en regrettant de n’avoir pas collaboré plus souvent. Quant à Ayissi le Duc, qui a fêté sans la fratrie à la mi-juillet ses trente ans de carrière, son autoritarisme le paralyse. « J’ai joué mon rôle de grand frère en leur mettant le pied à l’étrier, sans rien attendre en retour », avance-t-il avant de déplorer qu’Imane n’ait jamais pensé à le faire défiler et que Chantal ne l’ait jamais invité à danser dans l’un de ses clips musicaux. À l’en croire, elle ne reculerait devant aucune ruse pour lui nuire. « Ils redoutent que je leur fasse de l’ombre », croit savoir le chorégraphe, qui avoue traîner de profondes blessures, qu’il essaie de taire. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Chanteurs malgré eux colonisation belge. Il aurait pu travailler comme comptable dans l’administration. Mais la beauté de son timbre de voix en décida autrement et il devint un chanteur à succès. Youssoupha, 32 ans, l’un de ses nombreux enfants, né à Kinshasa, a grandi en France. Il est détenteur d’une maîtrise qui aurait pu lui ouvrir les portes du journalisme ou de la communication. Mais il a choisi de marcher sur les traces de son géniteur… même si celui-ci n’a pas été un père parfait. Il « a passé sa vie à tourner dans le monde entier, expliquait le rappeur il y a peu dans J.A. Il a eu de nombreux enfants, et on a pu lui reprocher d’être absent. C’est quelque chose que je comprends, parce que je mène à mon tour cette vie, mais que j’ai peur de reproduire. J’y pense énormément quand je suis en tournée loin de mon fils ». Youssoupha s’est souvenu que Tabu Ley a été le premier chanteur africain à se produire à l’Olympia, la mythique salle parisienne. Fier de cela, il a voulu que son père assiste à son propre passage sur la même scène, cette année. Hélas, pour des raisons médicales, Tabu Ley, victime d’un AVC il y a quelques années, n’a pu faire le déplacement. Mais il a pu assister récemment au mariage de son fils. Youssoupha lui a alors offert son premier disque d’or, obtenu grâce à son album Noir Désir, dans lequel il a samplé certains grands titres du pater. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

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JEUNE AFRIQUE


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ac. r frère Isa to) et leu o h (p ra o D n, Grace, entre Be LOUSIE

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Les Decca

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Un air de famille

omment avoir quatre de ses enfants vedettes de la chanson parmi les plus réputées du pays ? Chanter soi-même, accueillir dans son salon des musiciens de renom, et encourager les uns et les autres à maîtriser d’immenses répertoires. C’est peu ou prou la recette appliquée, par hasard, par le Camerounais James Decca, père de dix enfants qui ignorait les talents cachés de sa progéniture. Ben, 56 ans, est le premier à s’être révélé. Ex-membre de l’orchestre de son lycée, à Yaoundé, il lui suffit de rencontrer à Paris, où il poursuit ses études, le chanteur Joe Mboulé, qui lui met JEUNE AFRIQUE

UR LA JA PLACE PO

le pied à l’étrier. Résultat, un 45-tours géant de makossa qui cartonne. Son père exige qu’il termine néanmoins ses études d’expert automobile. Il passera le même marché avec ses autres enfants qui empruntent un chemin identique. D’abord Grace. Un jour, en l’absence de Ben, elle s’autorise un enregistrement sur l’une des maquettes. Lui écoute, conquis. S’ensuit un duo, Na Sengi Bobe, qui sera vendu à des milliers d’exemplaires. Le scénario est plus ou moins le même pour Dora (trois duos avec Ben, avant une carrière solo) et Isaac, le plus jeune des chanteurs. Les Decca entretiennent une relation privilégiée, se soutiennent et sont

les premiers critiques les uns des autres (avant la mise sur le marché d’un album, il est soumis aux membres de la famille). « Nos parents ont cultivé en nous l’esprit de clan. Quand l’un va mal, les autres souffrent aussi », précisent-ils en chœur. Si l’un est en concert, les autres peuvent intervenir en invités, sans contrepartie. Pas de place, donc, pour la jalousie, ni pour les querelles de chefs. « De fait, le chef, c’est l’aîné, qui a pour mission de protéger les plus jeunes, tandis qu’eux lui doivent le respect », précise l’aîné de la fratrie. Ils revendiquent tous une interdépendance qui, selon eux, fait leur force. Une relation fusionnelle, donc, avec ce qu’elle comporte comme risque de vouloir rester entre soi. Les épouses et époux n’ont pas d’autre choix que celui d’adhérer au clan. ● C.J.-Y. N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012


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Jesse et Johnny Clegg

Comme papa mais pas trop

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appelez-vous, c’était en 1990, Mandela recouvrait la liberté et le « zoulou blanc » Johnny Clegg sortait un album plein d’espoir, Cruel, Crazy, Beautiful World. Et dans la chanson-titre, il disait : « Ayeye ayeye Jesse mfana ayeye ayeye ». Ce petit Jesse de 2 ans auquel il s’adressait – et que l’on pouvait voir assis sur ses épaules sur la couverture du disque – n’était autre que son jeune fils. À l’époque, Johnny Clegg était encore une star de la « world music », et dès ses 6 mois l’enfant fut de bien des tournées, petite silhouette en backstage entourée de musiciens et de danseurs. La fin de l’apartheid et l’évolution musicale ont considérablement ringardisé les chansons de Johnny père, même si c’était assez joli de dire : « When I feel your small body close to mine / I feel weak and strong at the same time / So few years to give you wings to fly / Show you the stars to guide your ship by / It’s your world so live in it… » Ses ailes, Jesse Clegg les a ouvertes et il est devenu rocker. Oui, avec de la guitare – il joue aussi du saxophone, de la clarinette, du piano… – et des ruptures de rythme plutôt intéressantes. Papa nous le confiait avec fierté en 2010 : « J’ai un fils de 21 ans qui est une rock star en Afrique du Sud et qui est déjà disque d’or ! » Jesse affiche aujourd’hui deux albums au compteur, sympathiques sans être révolutionnaires : When I Wake Up (2008) et Life on Mars (2011). La page Facebook de Johnny affiche

Les Kouyaté

C

! LE « ZOULOU BLANC » ET SON FILS J 1 mois (en m ESSE âgé ars 1988). d’à peine

30 000 « j’aime », celle de son fils, 10 000. Quant à savoir ce que l’un pense de l’autre, n’y songez pas. « Le manageur de Jesse et de Johnny ne permet pas que les deux artistes soient évoqués dans un même article, parce que leurs carrières sont totalement indépendantes. En conséquence de quoi

Artistes par osmose

hez les Kouyaté, être griot est une tradition qui remonte à 1235 : leur ancêtre Bala Fasséké Kouyaté n’était autre que le « djeli » attitré de Soundiata Keïta. Dérouler les fils de leur généalogie prendrait tant de pages qu’il paraît plus sage de se contenter d’une époque récente. Ainsi, pour évoquer cette pétillante tribu d’artistes, choisissons comme référent Sotigui Kouyaté, griot, ancien capitaine de l’équipe de foot du Burkina Faso, acteur de théâtre et de cinéma décédé en 2010… Les yeux de son fils Hassane s’illuminent quand il évoque « cet être fabuleux, ce grand bonhomme – en centimètres comme en talent ». Fils de Dani (griot) et de Soussaba Sakho (cantatrice du Mandé), N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

CYRIL MULON

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! SOTIGUI KOUYATÉ (à dr.) ET SON FILS DANI, interprétant En attendant Godot (en mars 2007).

l’immense Sotigui Kouyaté a eu dix enfants (au moins…) avec Diabaté Sanata (griotte),

Mousso Gnouma (chanteuse et chorégraphe) et Esther Marty (metteuse en scène et

conteuse). La liste ? Outre le pluridisciplinaire Hassane, il y a Dani (cinéaste et metteur en scène), Mahamoudou Papa (scénographe), Magan (qui était costumier), Soussaba (maquilleuse), Aminata (costumière), El Hadj Mamadi (qui dirige l’association La Voix du griot, créée par son père), Dalla Idrissa (musicienne et chorégraphe), Mabo (comédien et réalisateur) et enfin Yagaré (danseuse). «Toutlemondeestdansl’art, explique Hassane. Certains pensent même qu’on est une mafia ! » Mafia ? Pas de biens mal acquis chez les Kouyaté, seulement une joie de vivre et une passion transmises de parents à enfants, « comme par osmose ». « Mon père ne nous a jamais forcés à quoi que ce soit. Il a toujours voulu que l’on fasse des études, mais il aimait tellement ce qu’il faisait, il était JEUNE AFRIQUE


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Testez vos connaissances Par SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

1. Plus de 1 milliard de personnes l’ont vu se produire lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de football en 2010. Le fils du grand guitariste malien Ali Farka Touré s’appelle : a – Junior FarkaTouré b – Vieux FarkaTouré c – Petit FarkaTouré

il n’autorise pas que les deux artistes soient pris en photo ensemble. » Heureusement, Johnny Clegg – lui-même fils d’une chanteuse et beau-fils d’un poète – se prêtait autrefois de bonne grâce aux photos… quand Jesse n’était pas encore un artiste. ● NICOLAS MICHEL

tellementheureuxetpassionné qu’on a toujours eu envie de le suivre. Il partageait beaucoup! Nous n’avons ni voulu ni eu besoin de tuer le père. » Bien sûr, vu le nombre d’enfants et les diverses activités paternelles, tout le monde ne pouvait pas suivre en même temps. C’est surtout après le bac qu’il devenait possible de voyager, même si parfois la troupe se déplaçait en masse à bord d’une Peugeot bâchée ou d’un minibus. « Il n’y a pas de frictions entre nous, pas de concurrence, affirme Hassane. Et quand on n’est pas d’accord, on discute. Nous sommes très amis, et c’est pour ça que j’aime cette famille ! » Les Kouyaté travaillent ensemble, se soutiennent : plus qu’une entreprise, c’est une marque de fabrique ! Unis, complémentaires, ils se retrouvent chaque année en JEUNE AFRIQUE

août et en décembre à BoboDioulasso (Burkina Faso) pour « laisser les enfants vivre plus ». Et ces enfants, ce sont bien sûr de futurs artistes. Père de trois filles, Hassane confie : « Avec le recul, je me rends compte à quel point mon père était doué. Transmettre, ce n’est pas évident. J’essaie de ne rien forcer, mais de tout donner. Elles ramassent ce qu’elles veulent. » Vraisemblablement, elles ramassent des pépites de bonheur. Sur son iPhone, Hassane montre la performance de sa fille Fina, 4 ans, qui a tenu à faire un spectacle de rue à Avignon, où son père présentait Le Papalagui. Feu follet habillé de rouge et de blanc, elle laisse exploser sa joie de vivre dans une danse endiablée à même les pavés. Pas de souci, la relève Kouyaté est déjà là ! ● N.M.

3. Une grand-mère poète née au Caire, un fils chanteur, une fille peintre et un petit-fils chanteur. Il s’agit de la famille : a – Kalsoum b – Chedid c – Dalida 4. Sam, l’un des membres du groupe hip-hop Smod, est le fils de : a – Amadou & Mariam b – Alpha Blondy c – Oumou Sangaré 5. Celui qui se surnommait « le plus bel homme de Kin » jouait dans l’orchestre TP OK Jazz de son frère Franco avant de fonder le Negro Succès. Il s’agit de : a – Papa Wemba b – Fally Ipupa c – Bavon Marie Marie 6. Quel groupe africain-américain a vendu plus de 200 millions d’albums ? a – Le Wu-Tang Clan b – Les Jackson Five c – Kool &The Gang 7. Elle fut l’une des premières top-modèles noires et l’égérie d’Yves Saint Laurent. Katoucha était : a – la fille de l’historien DjibrilTamsir Niane b – la femme de l’écrivainTierno Monénembo c – la cousine du chanteur Mory Kanté Réponses : 1. b ; 2. c Il est le leader du groupe grenoblois Gnawa Diffusion ; 3. b La Franco-Libanaise Andrée Chedid est la mère de Louis Chedid et de Michèle Koltz-Chedid et la grand-mère de Matthieu Chedid, connu sous le nom d’artiste -M- ; 4. a ; 5. c ; 6. b Jackie,Toriano ditTito, Jermaine, Marlon et Michael Jackson composaient ce groupe lancé par leur père Joe ; 7. a.

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2. Amazigh Kateb, le fils du célèbre écrivain algérien KatebYacine, est musicien. Il joue: a – du raï b – du reggae c – de la musique gnawa

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Les Kuti

Chanteurs, saxophonistes… et révolutionnaires

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JACO B CRA WFU RD

! FEMI (à g.) ET SEUN ensemble pour la première fois en Europe le 1er juillet 2011, aux Pays-Bas.

el père, tels fils? Chez les Kuti, cet adage prend tout son sens. Fela Anikulapo Kuti était la révolte faite homme. Chanteur et saxophoniste, le créateur de l’afrobeat était la bête noire des dictatures militaires nigérianes dont il dénonçait la corruption et l’incompétence. Il a eu 27 épouses et nombre d’enfants, dont deux frères qui entretiennent des relations difficiles. Femi, l’aîné, est né en 1962. Chanteur engagé et saxophoniste, comme son père, il a fourbi ses premières armes dans le groupe de Fela, Egypt 80, avant de voler de ses propres ailes. Seun, le cadet, a 29 ans. « Mon père était fou, dit-il, je le suis également. » Il a passé toute son enfance aux côtés de Fela. Considéré comme la réincarnation de son géniteur, Seun est… chanteur et saxophoniste. Et, bien sûr, il n’a pas sa langue dans sa poche. Un héritage militant que Femi juge tout aussi important que l’afrobeat. Avec l’une de ses sœurs, Yeni, il a annoncé le 2 août, à l’occasion des quinze ans de la mort du Black President, la transformation de la maison paternelle en musée. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

Criss et Dieudonné Niangouna

CAMILLE MILLERAND POUR J.A. ; AGOSTINO PACCIANI POUR J.A.

Les enfants terribles du théatre Q uandilétaitadolescent, son père, grammairien, l’a encouragé à lire et à regarder des films avec Gabin et Fernandel. Cela lui a donné envie d’écrire des poèmes et des pièces avant de les mettre en scène. Une passion que le Congolais Dieudonné Niangouna (36 ans), l’une des figures du renouveau dramatique africain, partage avec son aîné Criss (37 ans). Après une parenthèse liée à la guerre civile, pendant laquelle ils se replient sur Pointe-Noire, les deux frères au caractère bien trempé fondent en 1997 leur troupe, Les Bruits de la rue. Très prolifique (environ une pièce par an), Dieudonné se nourrit en effet de la rue et N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

de sa langue percutante, et a baptisé son style « big! boum! bâh ! » en résonance au chaos qui a frappé le Congo dans les années 1990. Dans les pièces qu’il écrit, joue et met en scène, il dénonce essentiellement la violence et la folie du pouvoir. Et il fait régulièrementappelaux talents d’acteur de Criss. « Sur scène, nous

! DEUX FRÈRES AU CARACTÈRE BIEN TREMPÉ, Criss et Dieudonné (de g. à dr.).

sommes plus potes que frères. Il y a une grande connivence entre nous deux », confie ce dernier. En 2013, Dieudonné présentera à Avignon Sheda, une pièce sur la chute des puissants. Et il sera artiste associé du festival. Mais n’allez surtout pas lui dire que c’est une première pour un dramaturge ducontinent, il vous répondra qu’on l’invite à Avignon non pas parce qu’il est africain mais parce qu’il est talentueux ! ● MURIEL DEVEY et SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX JEUNE AFRIQUE


Culture médias Chaque semaine, en juillet et en août, J.A. vous présente une création majeure réalisée par un artiste contemporain, afin de montrer que l’art est bien vivant sur le continent. Par NICOLAS MICHEL

L’œuvre

Le titre

Voici quatre sculptures conçues à partir d’une représentation très occidentale de l’extraterrestre. Utilisant du wax, Shonibare bouscule les repères, démontrant que l’identité n’est qu’une construction. Jolie, ironique, l’œuvre trouble: l’auteur veut-il dire que l’Africain ne peut pas être considéré autrement que comme un alien, un étrange étranger? Et le fait que la fille ressemble à la mère et le fils au père traduit-il notre impuissance à dépasser le donné familial?

COURTESY STEPHEN FRIEDMAN GALLERY, LONDON

En psychanalyse, l’expression « famille dysfonctionnelle » caractérise une famille où l’individuation n’est pas possible, aucun membre ne pouvant acquérir une personnalité propre en dehors d’elle. Il s’agit souvent de familles où s’exercent des violences physiques ou psychiques – comportements ensuite reproduits par les enfants, qui les considèrent comme normaux.

Dysfunctional Family, de Yinka Shonibare

On associe le wax à l’Afrique, mais en réalité il s’agit d’un tissu d’origine indonésienne produit par les Hollandais pour être exporté sur le marché africain. J’aime le fait que quelque chose soit considéré comme africain alors que c’est en réalité le résultat de liens culturels plutôt complexes. » JEUNE AFRIQUE

L’artiste Le détail

C. PLAYER/COURTESY STEPHEN FRIEDMAN GALLERY, LONDON

Né à Londres en 1962, Yinka Shonibare a vécu à Lagos de 3 à 16 ans, avant de revenir terminer ses études au Royaume-Uni. Ses créations – souvent des sculptures, mais aussi des photos et des vidéos – portent sur les questions de (néo)colonialisme, de race, de classe, de multiculturalisme… Elles sont exposées dans de grandes institutions comme le Museum of Modern Art de New York, la Tate de Londres et, pour Dysfunctional Family, le Walker Art Center de Minneapolis, qui l’a acquise en 2000. Ce dernier refusant de donner son prix, on rappellera qu’en 2011 l’installation Hound s’est vendue chez Christie’s pour 194 500 dollars (environ 141 300 euros de l’époque). Shonibare est actuellement ambassadeur de la culture pour l’olympiade culturelle de Londres 2012.

Sa marque de fabrique : utiliser un tissu qui, au premier regard, renvoie à l’Afrique. Et, avec un malin plaisir, l’associer à des représentations typiquement occidentales. Ainsi, il a exposé pendant vingt mois, sur Trafalgar Square, une reproduction enfermée dans une bouteille du HMS Victory, le bateau de l’amiral Nelson, dont les voiles étaient en wax… N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

MILLENNIUM CHALLENGE ACCOUNT - SENEGAL

AVIS D’APPEL D’OFFRES Pour les travaux de Terrassement et de construction d’ouvrages de génie civil sur les Adducteurs du Haut Delta – Lot 2 Réf : AO/No.MCA-IWRM07-S-DELTA La Millennium Challenge Corporation (« MCC ») et le Gouvernement du Sénégal ont signé un Compact pour appuyer le Millennium Challenge Account Sénégal dans la lutte pour la réduction de la pauvreté à travers la croissance économique de la République du Sénégal (le Compact) pour un montant d’environ Cinq Cent Quarante Millions dollars US (US$ 540.000.000). Le Gouvernement agissant par l’intermédiaire du MCA-Sénégal se propose d’affecter une partie du financement de la MCC au règlement des paiements éligibles au titre d’un Marché associé au présent Avis d’Appel d’Offres (« AAO »). Les paiements effectués par le MCA-Sénégal seront soumis à tous égards aux termes et conditions du Compact. Le programme du Compact du Sénégal est articulé autour de travaux routiers et Irrigation avec la réalisation de (i) 256 kilomètres de la RN6 de Ziguinchor à Kounkané et le pont de Kolda, (ii) 120 kilomètres de la RN2 de Richard Toll à Ndioum (iii) de réaliser des aménagements hydrauliques structurants dans le Delta-Dagana et dans la Moyenne Vallée-Podor. Le présent Avis d’Appel d’Offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés révisé paru dans dgMarket le 10 Juillet 2012, et UN Development Business le 11 Juillet 2012, ainsi que dans la presse locale du 13 au 20 Juillet 2012.

Appel d’offres

Le Maître d’Ouvrage invite dès à présent les Soumissionnaires éligibles à soumettre une Offre sous plis scellé visant l’exécution et l’achèvement des Tavaux de Terrassements et de Construction d’Ouvrages de Génie-civil sur les Adducteurs Delta – Lot 2, mis en concurrence sous forme de Marché à Bordereau des prix unitaires et Détail quantitatif-estimatif. Le projet consiste à la réalisation des travaux de: Terrassement (Réhabilitation des axes hydrauliques naturels par faucardage-curage, mise au gabarit et endiguement sur environ 130 km), Démolition et reconstruction et réhabilitation d'ouvrages hydrauliques de régulation; Le projet comprend aussi la mise en œuvre de mesures d’atténuation des impacts environnementaux, à travers un plan intégré d’action environnementale, sociale, hygiène /santé / sécurité et d’un plan d’assurance qualité. Les activités de construction seront exécutées en respectant la politique OP 4.12 de la Banque Mondiale en matière de réinstallation involontaire dont MCA-Sénégal confiera la responsabilité de la mise en œuvre à un Consultant. L’Appel d’Offres sera ouvert seulement aux Soumissionnaires éligibles. Les soumissionnaires qui souhaitent participer doivent exprimer leur intérêt par courriel, aux adresses suivantes, en indiquant leurs coordonnées complètes, pour se faire enregistrer : Email: pamsenegal@charleskendall.com ; Copie: info@mcasenegal.org Les soumissionnaires ainsi enregistrés pourront retirer le Dossier d’Appel d’Offres sous forme de Cd-Rom auprès de l’Agent de Passation des Marchés à l’adresse suivante : Bureau du Procurement Agent (Charles Kendall &Partners) ; Sis à Ngor Diarama, derrière Station Shell Bâtiment accolé à MCA-Sénégal- Dakar- SENEGAL Ils pourront également obtenir le Dossier d’Appel d’Offres en le téléchargeant directement à partir du site de MCA-Sénégal (www.mcasenegal.org), après la formalité d’enregistrement. Une visite des différents sites du projet suivie d’une réunion Préparatoire à la soumission sera organisée à Saint Louis du Sénégal, les 11 et 12 Septembre 2012. Le lieu de rencontre, pour le démarrage de la visite sera devant le siège de la SAED, km 10 RN2, Route de Rosso le 11 Septembre 2012 à 09 heures. Toutes les Offres doivent être accompagnées d’une Garantie sous la forme et d’un montant indiqués dans le Dossier d’Appel d’Offres et doivent être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le Mercredi 24 Octobre 2012 à 10H (heure locale). Il est très important que les Soumissionnaires prennent en compte les distances et les formalités douanières dans leur calcul du temps que leur Offre prendra pour arriver à destination. Les plis seront ouverts le Mercredi 24 Octobre 2012 à 10H 30mn (heure locale) en présence des représentants des Soumissionnaires qui ont soumis des Offres et qui souhaitent y assister. Les offres arrivées après l’heure limite de dépôt ne seront pas acceptées.

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Considérations distinguées. Le Directeur Général de MCA-Sénégal Ibrahima DIA JEUNE AFRIQUE


Appel d’offres

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Annonces classées Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo

Banque Africaine de Développement (BAD)

Unité de Gestion du Programme (UGP)

Manifestation d’intérêt

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 02/UGP/COMIFAC/CEEAC/FAD/12 EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES BUREAUX DE CONSULTANTS POUR UNE MISSION DE VÉRIFICATION DES ÉTATS FINANCIERS DU PACEBCo, EXERCICES 2012 - 2013.

1°) La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don auprès du Fonds Africain de Développement (FAD) en différentes monnaies afin de couvrir le coût du Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo), et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce Don pour financer le contrat à conclure dans le cadre d’une mission de vérification des états financiers du Programme d’Appui a la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo, exercices 2012 et 2013. 2°) Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : (i) formuler une opinion professionnelle indépendante sur la situation financière du programme pour les exercices 2012 et 2013 (ii) s’assurer que les ressources mises à la disposition du programme sont utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été octroyées (iii) identifier le cas échéant les dysfonctionnements sur le manuel de procédures administratives, comptables et financières et le système de contrôle interne (iv) proposer les recommandations afin d’améliorer les système de gestion et contrôle interne, (v) formuler une opinion sur l’état des comptes bancaires d’approvisionnement, l’utilisation des ressources du Don au niveau des unités de gestion locales du programme dans les paysages, l’exécution des activités du Fonds de Développement Local (FDL),le respect des conditions du Protocole l’Accord de Don et des règles et procédures de la banque en matière de gestion de projets et programmes. 3°) Le Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) invite par conséquent les bureaux de consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les bureaux de Consultants intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expériences techniques, financières et logistiques démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, disponibilité du personnel qualifié, etc…). Les bureaux de Consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. 4°) Les expressions d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 28 Août 2012 à 15 heures et porter expressément la mention : « MANIFESTATION D’INTÉRÊT EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES BUREAUX DE CONSULTANTS POUR LA MISSION DE VÉRIFICATION DES ÉTATS FINANCIERS DU PROGRAMME D’APPUI À LA CONSERVATION DES ÉCOSYSTEMES DU BASSIN DU CONGO, EXERCICES 2012 ET 2013 » : AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 03/UGP/COMIFAC/CEEAC/FAD/12 EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES CONSULTANTS POUR LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DES CADRES DES MINISTÈRES PROVINCIAUX EN CHARGE DES FORÊTS ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO. 1°) La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don auprès du Fonds Africain de Développement (FAD) en différentes monnaies afin de couvrir le coût du Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo), et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce Don pour financer le contrat à conclure dans le cadre d’une mission de renforcement des capacités des cadres des ministères provinciaux en charge des forêts et de l’environnement de la République Démocratique du Congo. 2°) Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : (i) Identifier les thématiques prioritaires qui émergent des résultats des questionnaires sur les besoins en formation des cadres des ministères en charge des forêts des pays de l’Afrique Centrale ; (ii) Développer les modules de formation en se référant sur des besoins prioritaires exprimés par les acteurs cibles sur les priorités du Plan de Convergence de la COMIFAC ; (iii) Former des cadres des ministères provinciaux en charge des forêts et de l’environnement de la RDC ; (iv) Accompagner les participants à élaborer un plan de travail individuel en vue de mettre en application les connaissances acquises pendant la formation ; (v) Elaborer un plan de formation des cadres des ministères provinciaux en charge des forêts et de l’environnement en RDC. 3°) Le Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) invite par conséquent les consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent produire les informations sur leur capacités et expérience techniques, financières et logistiques démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, qualifications et disponibilités, etc…). 4°) Les expressions d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 28 Août 2012 à 15 heures et porter expressément la mention : « MANIFESTATION D’INTÉRÊT EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES CONSULTANTS POUR LA MISSION DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DES CADRES DES MINISTÈRES PROVINCIAUX EN CHARGE DES FORÊTS ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO » :

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Annonces classées

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AVIS A MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 04/UGP/COMIFAC/CEEAC/FAD/12 EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES CONSULTANTS POUR LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DES CADRES DES SERVICES CENTRAUX DES MINISTÈRES EN CHARGE DES FORÊTS ET DE L’ENVIRONNEMENT DES PAYS MEMBRES DE LA COMIFAC. 1°) La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don auprès du Fonds Africain de Développement (FAD) en différentes monnaies afin de couvrir le coût du Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo), et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce Don pour financer le contrat à conclure dans le cadre d’une mission de renforcement des capacités des cadres des services centraux des Ministères en charge des forêts et de l’environnement des pays membres de la COMIFAC. 2°) Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : (i) Identifier les thématiques prioritaires qui émergent des résultats des questionnaires sur les besoins en formation des cadres des ministères en charge des forêts des pays ; (ii) Développer les modules de formation en se référant sur des besoins prioritaires exprimés par les acteurs cibles ainsi que sur les priorités du Plan de Convergence ; (iii) Former les cadres des ministères centraux en charge des forêts et de l’environnement des pays de la COMIFAC ; (iv) Accompagner les participants à élaborer un plan de travail individuel en vue de mettre en application les connaissances acquises pendant la formation ; (v) Elaborer un plan de formation des cadres des services centraux des ministères en charge des forêts. 3°) Le Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) invite par conséquent les consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience techniques, financières et logistiques démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, qualifications et disponibilités, etc…). 4°) Les expressions d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 28 Août 2012 à 15 heures et porter expressément la mention : « MANIFESTATION D’INTÉRÊT EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES CONSULTANTS POUR LA MISSION DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DES CADRES DES SERVICES CENTRAUX DES MINISTÈRES EN CHARGE DES FORÊTS ET DE L’ENVIRONNEMENT DES PAYS MEMBRES DE LA COMIFAC » :

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Manifestation d’intérêt

AVIS A MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 05/UGP/COMIFAC/CEEAC/FAD/12 EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES CONSULTANTS POUR UNE MISSION PRÉPARATOIRE DES DIRECTIVES SOUS-RÉGIONALES EN MATIÈRE D’ÉTUDES D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL EN MILIEU FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE. 1°) La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don auprès du Fonds Africain de Développement (FAD) en différentes monnaies afin de couvrir le coût du Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo), et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce Don pour financer le contrat à conclure dans le cadre d’une mission de préparation des directives sous-régionales en matière d’études d’impact environnemental en milieu forestier en Afrique Centrale. 2°) Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : (i) faire l’état des lieux détaillé du cadre législatif et réglementaire et des pratiques en matière d’études d’impact environnemental en milieu forestier dans les pays membres de l’espace COMIFAC, en capitalisant les expériences en matière d’EIE en vue de ressortir l’effort global des pays dans le domaine ; (ii) élaborer un projet des directives sous-régionales en matière d’EIE en Afrique Centrale devant proposer un référentiel pour l’élaboration, l’approbation, la mise en œuvre et le suivi des EIE ; (iii) élaborer un plan de renforcement des capacités des responsables des administrations centrales chargés de l’analyse et de l’approbation des études d’impact environnemental. 3°) Le Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) invite par conséquent les consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience techniques, financières et logistiques démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, qualifications et disponibilités, etc…). 4°) Les expressions d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 28 Août 2012 à 15 heures et porter expressément la mention : « MANIFESTATION D’INTÉRÊT EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES CONSULTANTS POUR LA MISSION DE PRÉPARATION DES DIRECTIVES SOUS-RÉGIONALES EN MATIÈRE D’ÉTUDES D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL EN MILIEU FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE » : 5°) Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement (Edition Mai 2008), qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 6°) Les bureaux de Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivants : de 9 heures à 15 heures, heures locales. A l’attention de : Monsieur le Secrétaire Général de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale, Représentée par l’Unité de Gestion du Programme PACEBCo. B.P. 35 133 Bastos, Yaoundé - Cameroun Tél : (+237) 22 20 48 01/22 20 48 02.Fax : (+237) 22 20 48 03. Courriel : info@pacebco-ceeac.org - Site Internet : www.pacebco-ceeac.org Yaoundé le 07 août 2012 POUR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CEEAC BIHINI WON wa MUSITI Coordonnateur Régional du PACEBCo


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Annonces classées PREMIER MINISTÈRE ------------SECRÉTARIAT GÉNÉRAL ------------MAÎTRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN -------------

BURKINA FASO Unité – Progrès – Justice -------------

AVIS DE PRÉ-QUALIFICATION N° 2012-001/PM/SG/MOAD DU 12/08/2012

Avis de pré-qualification

Objet : Pré-qualification pour la mise en concession de la gestion de l’aéroport international de Ouagadougou 1. La Maîtrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin, agissant pour le compte du Comité Interministériel pour la mise en place de la Société d’Économie Mixte chargée de la gestion de l’Aéroport International de Ouagadougou (CISEM-AIO), représentant l’Etat du Burkina Faso, invite les investisseurs privés à participer au processus d'appel d'offres relatif à la mise en concession en Partenariat Public-Privé de l'exploitation de l'aéroport de Ouagadougou puis, du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin ainsi que des activités d’assistance en escale pour une période de trente (30) ans. 2. Les objectifs visés par ce Partenariat Public-Privé sont : - la souplesse et l’efficience dans l’exploitation de l’aéroport existant de Ouagadougou et du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin une fois ouvert ; - le développement et le maintien en bon état de fonctionnement des infrastructures aéroportuaires exploitées par des investissements conséquents ; - le rehaussement de la qualité des services rendus aux usagers ainsi que le renforcement des mesures de sûreté et de sécurité ; - la participation au financement des travaux de construction du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin. Ces différentes tâches ne sont pas limitatives. 3. Le présent avis de pré-qualification est ouvert à égalité de conditions à tous les prestataires, sous réserve de ne pas être sous le coup d’une suspension ou d’une interdiction vis-à-vis des lois en vigueur au Burkina Faso. La procédure d'appel d'offres comporte une phase de pré-qualification des candidats conformément au Décret n° 2008-173/PRES/PM/MEF du 16 avril 2008 portant réglementation générale des marchés publics et des délégations de service public au Burkina Faso. 4. Le dossier d’expression d’intérêt se composera conformément aux conditions décrites dans le dossier de pré qualification, notamment au point 2.2 dudit dossier. 5. La sélection sera basée sur les conditions décrites au point 2.3 du dossier de pré-qualification. Une liste restreinte sera établie à l’issue de l’avis de pré-qualification et les prestataires retenus seront invités à faire des propositions techniques sur la base d’un dossier d’appel d’offres. 6. Les expressions d’intérêt rédigées en langue française en quatre exemplaires (un original et trois copies marquées comme telles) devront être déposées sous pli fermé au Secrétariat du département technique de la MOAD sis au 2ème étage de l’ex bâtiment du Premier Ministère, 1090, avenue du Professeur Joseph Ki Zerbo au plus tard le 28 septembre 2012 à 10 heures 00 TU. Les plis comporteront la mention “ avis de pré-qualification pour le recrutement d’un investisseur privé pour la mise en concession de l’aéroport international de Ouagadougou sous la forme d’un Partenariat Public Privé ”. L’ouverture des plis interviendra le même jour à partir de 10 heures 15 mn TU dans la salle de réunion de la MOAD 3ème étage en présence des soumissionnaires qui souhaiteront y participer. 7. Les investisseurs intéressés par le projet pourront obtenir des informations complémentaires ainsi que le dossier de pré-qualification et le mémorandum d'information en adressant une demande écrite avant le 20 septembre 2012 à : la Maîtrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin (MOAD), 1090, avenue Professeur Joseph KI-Zerbo à Ouagadougou ; Téléphone : +226 50 32 48 17/18 ; Fax : +226 50 33 10 03 ; e-mail : moad@primature.gov.bf à Ouagadougou – Burkina Faso, copie au e-mail : prmmoad@moad.org L’Administration se réserve le droit de ne donner suite à tout ou à une partie de la présente procédure de préqualification. La Personne Responsable des Marchés Pascal Wendoana KIMA

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Annonces classées

TOGO TERMINAL, subsidiary of Bolloré Group, issues a request for pre-qualifications for works concerning the extension and infrastructure development of the existing container terminal at Lomé, Togo, which is associated to the creation of a new 450m long quay currently under construction. The contract includes four work lots: • Lot n°1 « Civil work » : ground improvement works, heavy duty paving, utility services, terminal surface drainage and sewage system, fire protection system, fences and other civil works and equipment. • Lot n°2 « Electricity – Production unit » : including the provision and installation of autonomous electricity production units • Lot n°3 « Electricity – Distribution network: including » : distribution facilities HT and LT, lighting and safety installations of the platform, connection facilities to the existing local electricity supply network • Lot n°4 « Buildings and associated works » : including the entry-exit terminal complex, operating building, staff facility building, the workshop with its offices, a washing station,...etc Bidders can apply for all lots or only for one or more lots. The contract for this project will be based on the FIDIC conditions for construction contracts. The project is financed by Bolloré Group. Contractors / Joint Ventures, who have proven solid experience in the execution of similar projects, are invited to this pre-qualification. Candidates interested may obtain the pre-qualification documents starting on 05 August 2012 by sending their request via e-mail indicating the following reference: “TOGO TERMINAL- Port de Lomé – Travaux Terre-pleins - Demande de pré-qualification” to ARCADIS, Consulting Engineer for BOLLORE at the following e-mail addresses: Projet.Togo-Terminal@arcadis-fr.com. In return, the documents will be sent to candidates electronically via e-mail. Submissions for pre-qualification and all communication shall be in French language only. The dead line for submission of the pre-qualification documents (electronic format via e-mail + one hard copy) is 07 September 2012. Hard copy to be sent to: Mr OUFFROUKH - ARCADIS 9, avenue Réaumur - 92354 Le Plessis-Robinson Cedex - France

Le Conseil Norvégien pour les Réfugiés, en coopération avec le Département des affaires politiques des Nations Unies, recherche les experts suivants : • • • • • •

Expert Expert Expert Expert Expert Expert

en questions de sécurité en questions constitutionnelles en partage du pouvoir sur les questions de genre en ressources naturelles en médiation/facilitation/dialogue (2 positions)

Pour assister et appuyer l’ONU et ses partenaires internationaux dans leurs efforts de médiation.

Le Département des affaires politiques (DAP) des Nations Unies a établi en 2005 un Groupe de l’appui à la médiation pour servir de recueil d’expertise sur le rétablissement de la paix et de centre d’appui aux émissaires de l’ONU et de ses partenaires engagés dans des efforts de médiation. A cette fin, le Groupe de l’appui à la médiation du DAP, en collaboration avec le Conseil Norvégien pour les Réfugiés, maintient une équipe de réserve d’experts de la médiation. Celle-ci est composée de sept experts hautement expérimentés en médiation recrutés à temps plein. La responsabilité de cette équipe de réserve est d’assister et d’appuyer l’ONU et ses partenaires internationaux dans leurs efforts de médiation sur le terrain. Le Conseil Norvégien pour les Réfugiés aura la responsabilité administrative de l’équipe de réserve d’experts. Les candidats sélectionnés seront employés à temps plein et devront être disponibles pour un déploiement rapide sur le terrain. Ces positions supposent un engagement d’un an. La rémunération sera proportionnée selon le niveau d’expérience requis. Pour plus de détails sur les vacances de postes citées ci-dessus, veuillez consulter le site internet suivant (seules les candidatures en ligne seront acceptées) : http://www.nrc.no/?aid=9160702 Date limite : 10 Septembre 2012 JEUNE AFRIQUE

N° 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

Avis de pré-qualification - Recrutement

TOGO TERMINAL, filiale du groupe Bolloré, lance un avis de pré-qualification pour un marché de travaux d’extension et d’aménagement du terminal à conteneur existant du port de Lomé au Togo, qui est associé à la création d’un nouveau poste à quai de 450m, en cours de construction. Le présent marché comprendra quatre lots de travaux. • Lot n°1 « Génie Civil » : couvrant les travaux de terrassements généraux et revêtement, assainissement eaux usées eaux pluviales, alimentation en eau potable et défense incendie, réseaux secs, clôtures et autres ouvrages de génie civil et équipements • Lot n°2 « Electricité – Centrale de production » : couvrant la fourniture et la mise en place des installations de production autonome d’énergie électrique. • Lot n°3 « Electricité - Réseau de distribution » : couvrant les installations de distribution HT et BT, les installations d’éclairage et de sûreté de la plateforme, les installations de raccordement au réseau de distribution local, • Lot n°4 « bâtiments » : couvrant le complexe de contrôle d’entrée – sortie du Terminal, le bâtiment d’exploitation, l’atelier ainsi que ses bureaux, un bâtiment du personnel, une station de lavage,...etc. Les soumissionnaires peuvent répondre soit sur l’ensemble des quatre lots, ou sur un ou plusieurs lots. Le Contrat pour ce projet sera basé sur les conditions de contrat de construction de type FIDIC. Ce projet est financé par le groupe Bolloré. Peuvent être candidats à la pré-qualification, les entreprises ou groupements d’entreprises disposant d’une solide expérience dans l’exécution de projets similaires. Les candidats intéressés peuvent obtenir à partir du 05 Août 2012, un dossier de pré qualification en formulant une demande écrite par e-mail en portant expressément la mention : “TOGO TERMINAL- Port de Lomé – Travaux Terre-pleins - Demande de pré-qualification” auprès d’ARCADIS, bureau d’ingénierie de BOLLORE : Projet.Togo-Terminal@arcadis-fr.com. Les dossiers seront transmis aux candidats par voie électronique via e-mail. La langue du dossier de candidature et de l’ensemble de la correspondance est : la langue Française. Les candidatures à la pré-qualification devront parvenir (en version numérique par Email doublée par une version papier) au plus tard le 07 septembre 2012 Version papier à envoyer à : Mr OUFFROUKH – ARCADIS 9, avenue Réaumur -92354 Le Plessis-Robinson Cedex – France

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Annonces classées AVIS DE RECRUTEMENT

Formation - Recrutement

La Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) est une institution financière internationale commune aux quinze (15) états membres de la CEDEAO que sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. Son objectif principal est de contribuer à l'essor économique de l'Afrique de l'Ouest à travers le financement des projets et programmes de la CEDEAO et du NEPAD. Son siège est à Lomé en République Togolaise. Dans le cadre du renforcement de ses capacités, la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) recherche des candidats qualifiés, citoyens de la communauté, pour pourvoir au poste de Directeur du Département de l’administration et des ressources humaines de grade D1-1. Mission principale du poste Assurer, sous la responsabilité du Vice-président chargé des finances et des services institutionnels, la conduite de la politique des ressources humaines, la gestion des moyens généraux et du patrimoine de la Banque. Exigences du poste - Etre titulaire d’un diplôme d’études supérieures de type Bac +5 en gestion des ressources humaines, administration publique ou des affaires, droit ou toute autre discipline pertinente en sciences sociales ; - Expérience professionnelle de douze (12) ans minimum dans les domaines pertinents de la gestion des ressources humaines et du patrimoine acquise dans les institutions multinationales de développement, des cabinets de conseil, des administrations publiques, en qualité de responsable d’une équipe d’employés chargés de la gestion des ressources humaines et des moyens généraux. Le détail de cette offre d’emploi est disponible sur le site internet de la Banque http://www.bidc-ebid.org/ Les dossiers de candidatures doivent être envoyés ou déposés par lettre ou courrier électronique au plus tard le 31 août 2012 à l’adresse suivante : BANQUE D’INVESTISSEMENT ET DE DEVELOPPEMENT DE LA CEDEAO (BIDC) Recrutement du Directeur de l’administration et des ressources humaines 128, Bd. du 13 janvier BP 2704 Lomé – Togo – E-mail : recrutement@bidc-ebid.org N.B. : Seuls les candidats sélectionnés seront convoqués pour le test. La BIDC se réserve le droit de ne donner aucune suite au présent avis de recrutement.

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info@sai2000.org N° 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

eMRP – TIC Master Professionnel en ligne en Régulation et Politique des Technologies de l’Information et de la Communication (eMRP-TIC) L’Ecole Supérieure Multinationale des Télécommunications (ESMT), en partenariat avec l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) recrute la deuxième promotion de son Master Professionnel en Régulation et Politique des Technologies de l’Information et de la Communication (eMRP-TIC) sur toute l’Afrique Francophone. L’objectif de ce Master pluridisciplinaire, est de doter les professionnels du secteur d’un diplôme de troisième cycle en matière de régulation. Pour cette deuxième cohorte, le démarrage de la formation est prévu le 07 janvier 2013. ADMISSION DIPLÔME ET DÉBOUCHÉS Le Master Professionnel en Régulation et Politique Les spécialités couvertes par le Master des TIC est ouvert aux professionnels ayant une Professionnel en Régulation et Politique des TIC : expérience d’au moins 3 ans dans le secteur des • Politiques des TIC télécommunications/TIC et titulaires d’un Bac+4 ou • Régulation des télécommunications/TIC tout diplôme équivalent, dans les domaines sui- • Infrastructures et services des TIC vants : • Economie des TIC - Télécommunications ; •Gestiondeslicencesetautorisationsd’exploitation - Economie ; des réseaux et services de télécommunications/TIC - Gestion ; • InterconnexiondesréseauxetplaformesTIC - Droit. Ce diplôme est équivalent à un Master 2 (BAC+5) et L’admission de fait sur étude de dossier. permetd'exercerentreautres,lesfonctionssuivantes: DURÉE • Responsable de la Politique Nationale TIC – 4 semestres (2 ans) Ministère des télécommunications/TIC COÛT DE LA FORMATION • Expertenrégulation-AutoritéNationalederégulation 6 098 € pour les particuliers • Responsabledelarégulation–Opérateursdetélé7 623 € pour les organismes et entreprises communications • Expertconsultantenrégulation–Professionlibérale Inscriptions en ligne à partir du lien : http://www.esmt.sn/eoad/inscription.php Date limite : 31 octobre 2012 Pour plus d’informations consultez : http://www.esmt.sn/eoad/index.html RENSEIGNEMENTS : Ecole Supérieure Multinationale des Télécommunications (ESMT) Rocade Fann Bel Air Dakar - BP 10 000 Dakar Liberté – Sénégal Tél. : (221) 33 869 03 04 – Fax : (221) 33 824 68 90 E-mail : emrp-pedagogie@esmt.sn – Site web : www.esmt.sn

Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires Organization for the Harmonization of Business Law in Africa Organizacion parala Armonizacion en Africa de la Legislacion Empresarial Organização para a Harmonização em Africa do Direiton dos Negocios

AVIS DE RECRUTEMENT INTERNATIONAL

Date : 12 août 2012 Financement : ICF Objet : Sélection d’un Assistant technique à l’OHADA Le Secrétariat Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a reçu un financement de Investment Climate Facility for Africa (ICF) dans le cadre du projet de réforme du droit des affaires. Une partie de ce financement est destiné au recrutement et au paiement d’un Assistant technique chargé du projet susvisé. C’est dans ce cadre que le Secrétariat Permanent de l’OHADA lance un appel à candidature pour le recrutement d’un Assistant technique qui sera basé à son siège à Yaoundé (Cameroun). L’assistant technique devra remplir les conditions qui sont spécifiées sur le site de l’OHADA dont l’adresse est : www.ohada.org Le dossier de candidature doit être composé : - d’une demande manuscrite adressée au Secrétaire Permanent de l’OHADA, - d’un curriculum vitae, - des photocopies des diplômes obtenus. Ce dossier doit être envoyé à l’adresse suivant : Secrétariat Permanent de l’OHADA, Immeuble OHADA, quartier Hippodrome, face MINREX, B.P 10071 Yaoundé – Cameroun Tél. : (+237) 22 21 09 05 / fax : (+237) 22 21 67 45 Courriel : secretariat@ohada.org La date limite de transmission des dossiers au Secrétariat Permanent de l’OHADA à Yaoundé, est fixée au 31 août 2012 à 12 heures GMT. Le Secrétaire Permanent JEUNE AFRIQUE


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Recrutement - Formation

PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT

Titre : Chargé(e) d’Appui Programme - CAP Niveau du Poste : NO C Superviseur(s) : Chargé de Portefeuille (CPM) - FIDA Lieu d’Affectation : Kinshasa, DRC Durée initiale du Contrat : Deux (2) ans (renouvelables selon la disponibilité du budget et les performances). I. Contexte Le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) est une agence spécialisée des Nations Unies qui a pour vocation l’éradication de la pauvreté en milieu rural dans les pays en développement. Dans sa collaboration avec les populations rurales, les gouvernements, les bailleurs de fonds, la société civile et plusieurs autres partenaires, le FIDA accompagne des solutions novatrices et spécifiques aux pays, ce qui permet d’améliorer la productivité des activités agricoles et non agricoles, ainsi que l’accès des populations pauvres des zones rurales aux investissements, aux services financiers, aux marchés, à la terre et à d’autres ressources naturelles. Le (la) Chargé(e) d’Appui Programme est un National Professional Officer (NPO), qui devra exercer des fonctions professionnelles nécessitant des connaissances et une expérience locales. Ces fonctions sont liées à l'ensemble des efforts du FIDA au sein du Système des Nations Unies pour accroître le renforcement des capacités et le développement durable dans les pays en développement. II. Responsabilités & Fonctions/ Qualifications Requises Les Termes de Référence du poste sont publiés sur le Global site du PNUD https://jobs.undp.org, sur le site local du PNUD www.cd.undp.org et sur le site web www.mediacongo.net. Ils sont également affichés à l’entrée de l’Immeuble des Nations Unies (Losonia), sur Boulevard du 30 Juin en face de la REGIDESO dans la Commune de la Gombe, à Kinshasa – RDC. III. Dépôt des candidatures Les candidatures sont à envoyer par courriel sur le site https://jobs.undp.org au plus tard le 12 septembre 2012. Les candidatures féminines sont vivement encouragées. Ne seront contactées que les personnes dont les candidatures seront prises en considération. JEUNE AFRIQUE

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AVIS DE VACANCE DE POSTES La Direction de l’Agriculture et Développement Rural, Département Agriculture Environnement et Ressources en Eau de la Commission de la CEDEAO, à travers l’UNOPS, lance les avis des postes suivants pour les divisions ci-après : 1 – AGENCE RÉGIONALE POUR L’AGRICULTURE ET L’ALIMENTATION (ARAA) : LOME, Togo L’Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation (ARAA) est une structure technique spécialisée d’exécution qui est placée sous la responsabilité du Commissaire en charge de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources en Eaux de la CEDEAO. Elle bénéficie d’une autonomie de gestion administrative et financière. En tant que structure technique, l’Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation rend compte de ses activités aux instances décisionnelles de la CEDEAO, notamment au Commissaire en charge de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources en Eaux. Au regard de la finalité de l’ECOWAP/PDDAA, qui est de promouvoir la sécurité, la souveraineté alimentaire et l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, l’objectif général assigné à l’Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation est : « D’assurer la coordination de la mise en œuvre et de l’exécution technique des programmes et plans d’investissement concourant à l’opérationnalisation de la politique agricole de la CEDEAO, tant au niveau régional que national ». C’est dans le cadre de sa mise en place que la CEDEAO, à travers l’UNOPS/Hub Rural cherche à recruter un Directeur Exécutif et deux experts, ressortissants(es) des pays membres de la CEDEAO.

Recrutement

Type de contrat : Pays d’affectation :

Contrat à durée déterminée d’un (1) an renouvelable pendant 3 ans avec possibilité d’intégration dans le personnel de la Commission CEDEAO en cas de très bonne performance LOME, Togo

Titre du Poste N°1 : Grade :

Directeur(trice) Exécutif (ive) International ICA – IICA-4

Titre du Poste N°2 : Grade :

Chef de l’Unité Administrative et Financière International ICA – IICA-2

Titre du Poste N°3 : Grade :

Comptable International ICA – IICA-1

2 – Département Agriculture Environnement et Ressources en Eau de la Commission de la CEDEAO : ABUJA, Nigéria L’ECOWAP/PDDAA est le cadre de référence pour le développement du secteur agricole en Afrique de l’Ouest. La Commission de la CEDEAO a la responsabilité de la conduite et de la coordination du processus PDDA/NEPAD au niveau des 15 Etats membres de l’espace CEDEAO. La mise en œuvre de l’ECOWAP repose sur deux piliers : (i) les Plans Nationaux d’Investissement Agricole (PNIA) assorti de Plan d’Investissement Détaillé (PID), et (ii) le Plan Régional d’investissement Agricole (PRIA) assorti de Programmes Mobilisateurs et Fédérateurs (PMF) 2010-2015. En outre, les instances de la Commission ont adopté des mécanismes de mise en œuvre des programmes de l’ECOWAP (Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation : ARAA ; Fonds Régional pour l’Agriculture et l’Alimentation ; ECOWADF ; Comité Consultatif pour l’Agriculture et l’Alimentation : CCAA ; etc.). Un dispositif de suivi-évaluation des instruments de politiques publiques ont en outre été adaptés pour les instances de la CEDEAO. La Commission de la CEDEAO lance un avis de vacance de postes pour le recrutement d’un cadre de très haut niveau en tant que : Titre du Poste : Grade : Type de recrutement : Pays d’affectation :

Conseiller ECOWAP/PDDAA International ICA – ICA-4 Contrat à durée déterminée de trois (03) ans, avec des évaluations annuelles ABUJA, Nigéria

Tous les détails sur les avis de vacances et profils des postes, veuillez visiter les sites : https://gprs.unops.org et www.unops.org ; www.hubrural.org Pour de plus amples informations sur la CEDEAO, veuillez visiter les sites : www.ecowas.int

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Communiqué

JEUNE AFRIQUE

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Les accents de la démocratie Un de vos lecteurs se demande si la démocratie est un luxe pour les Africains (J.A. no 2691, du 5 au 11 août). La réponse lui est donnée dans votre article intitulé « Tragicomédie grecque », publié dans ce même numéro. Alors Le dossier que la Grèce est la GBAGBO « mère de toutes les démocraties », les politiques ! J.A. N 2691, n’ont pas jugé du 5 au utile d’interroger 11 août 2012. le peuple sur la question de la dette… Les accents de la démocratie sont divers, et le modèle occidental ne peut s’appliquer à l’Afrique. ●

sur la transmission de témoin entre jeunes et vieux. Si le changement n’est pas pour maintenant, quand surviendra-t-il ? ● PATRICK TCHICAYAT, Brazzaville, Congo

TUNISIE LE TEMPS DES REGRETS

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • No 2691 • du 5 au 11 août 2012

FOOTBALL SORCIERS BLANCS, CŒURS NOIRS ?

MALI DIONCOUNDA TRAORÉ : COULISSES D’UN RETOUR

jeuneafrique.com

REPORTAGE AFRIQUE DU SUD, LE NOUVEL ELDORADO

CÔTE D’IVOIRE

Depuis octobre 2011, magistrats, juristes et enquêteurs de la Cour pénale internationale préparent dans le plus grand secret l’audience au cours de laquelle l’ancien président se présentera devant ses juges. Enquête ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE

France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €

Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 €

Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

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Ne pas perdre la boussole ! En dépit de quelques scories de la crise postélectorale, un climat de sécurité semblait s’installer en Côte d’Ivoire, notamment à Abidjan. Les derniers événements ont prouvé que le dispositif sécuritaire restait bien fragile. La population est d’autant plus inquiète qu’Alphonse Djédjé Madi, secrétaire général du Parti démocratique de Côte d’Ivoire

(PDCI), principale formation politique de la coalition majoritaire au Parlement, a, sur RFI, appelé le gouvernement à prendre ses responsabilités face à la circulation des armes, aux coupeurs de route et au racket des Dozos (confrérie de chasseurs traditionnels). Ce qui n’a pas empêché d’autres tueries (quatre soldats morts au poste d’observation de Niangon [commune de Yopougon]), les forces de l’ordre étant systématiquement recherchées et abattues. Une atmosphère de règlements de comptes politiques semble donc prévaloir. Mais il est encore possible d’éviter à la Côte d’Ivoire la guerre civile, à laquelle elle a, il y a peu, échappé in extremis. À condition que gouvernants et opposition fassent des concessions. Ils le doivent à ce peuple qui n’a que trop souffert. ● SAM BEKA, Mopti, Mali

SAMI ETOGA, Ntui, Cameroun

Le testament de « mère Tchic » Parce que vous comptez, Jeune Afrique, parmi mes fidèles compagnons depuis plus de vingt ans, je tenais à vous annoncer, le cœur serré, le décès de ma mère, Léocadie Gertrude Massanga (mère Tchic, pour des milliers de Congolais), survenu le 30 juillet à Pointe-Noire. Apparemment bien portante la veille, elle me disait, à propos du déroulement des élections législatives dans la circonscription de Mvoumvou, à Pointe-Noire : « Ah, mon fils ! Jean-Pierre Thystère-Tchicaya s’en est allé, laissant son mouvement politique, le Rassemblement pour la démocratie et le progrès social [RDPS], aux mains de “vieux” qui, depuis, n’ont rien fait de bien constructif […]. Que Jean-Marc Thystère récupère le parti de son père […]. Il faut céder les places aux plus jeunes […]. » Malgré la douleur qui m’oppresse, je tenais à rendre public ce « testament politique » afin que, au CongoBrazzaville, les différentes générations aient une discussion constructive N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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J.A. HONORE SES DIFFUSEURS AU CAMEROUN À L’OCCASION DE LA « SOIRÉE DE L’EXCELLENCE DES DIFFUSEURS DE PRESSE » organisée par Messapresse, fin juillet, les meilleurs vendeurs de presse camerounais ont été distingués. Jeune Afrique s’est associé à la manifestation pour récompenser ses meilleurs vendeurs à travers le pays. Nos compliments à Fotio Fomano (à gauche sur la photo), àYaoundé. Nos félicitations également à la station-serviceTotal Bonamoussadi de Douala, au kiosque Littoral Info à Douala et à ceux des Portiques et de Notre-Dame àYaoundé. Un grand merci à l’ensemble de nos distributeurs pour leurs bons résultats. Nous leur souhaitons d’excellentes ventes avec Jeune Afrique et The Africa Report. ● JEUNE AFRIQUE


Vous nous

TOI, L’ENFANT DE LA DÉMOCRATIE, témoin innocent des malheurs de la dictature, de la violence brutale, de la confiscation des libertés, tu dois te lever immédiatement pour débarrasser ta patrie de la haine et de la manipulation. Il te faudra te méfier des anarchistes, des politiciens qui, par le passé, ont tout cautionné et qui, aujourd’hui, s’affichent en messies, des directeurs de consciences et des marchands de rêves, qui te promettent monts et merveilles. Il faudra te méfier des vautours qui, les larmes aux yeux, prêchent une moralité et une honnêteté sans faille alors qu’ils sont les premiers, la nuit tombée, à comploter contre leur peuple, à pactiser avec le diable et à mener une vie indigne de qui respecte le genre humain, la cellule familiale et la patrie. Ne vends pas ton âme au diable. Ni au trafiquant, prompt à acheter ta conscience, ta liberté, tes actions. Car il croit que tout s’achète dans la vie : le meurtre d’un président, la dislocation d’une armée, un emploi, un marché public, un poste ministériel, un gouvernement, une élection présidentielle… Ce sont là les bases d’une société corrompue. Or toi, jeune, tu es doté d’un esprit de justice. C’est le socle de notre culture. C’est un don de nos ancêtres. Est-il utile de te rappeler que tu es le fier descendant de braves guerriers : Sunjata, Sonni Ali Ber, Biton Coulibaly, Samory Touré ?… N’oublie pas non plus que tu es malien, mais avant tout africain. Avec l’Afrique, tu partages le terrible poids de l’esclavage, de la traite des Noirs, de la colonisation. L’Afrique, c’est

BALLAM BOÏKOU, Douala, Cameroun JEUNE AFRIQUE

BIRAMA KONARÉ, écrivain, activiste, membre du collectif Plus jamais ça, Bamako, Mali

La France en première ligne 52

Europe, Amériques, Asie

Europe, Amériques, Asie

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« une impression de désorganisation généralisée ». Elle souffrirait du « syndrome du paraître », sorte « d’effet Potemkine »* masquant le fait que « [son] dispositif est au bord de la rupture ». « Jusqu’ici, tout va bien, mais on sent que la chute approche », confirme un spécialiste. Depuis que son budget a été réduit, elle a perdu du poids, beaucoup de poids, vit de bric et de broc, peine à changer sa garde-robe, se voit contrainte d’abandonner des résidences secondaires à l’étranger et de vendre (parfois de brader) quelques murs ici ou là. Comme un ado qui n’aurait pas d’iPod, elle sembleincapabledes’offrir lesdernièresnouveautés à la mode. Sait-on qu’elle n’a toujours pas de drone digne de ce nom ? La honte! Si elle prend soin de garder la tête haute en toute circonstance, elle fait de moins en moins la fière quand elle croise ses rivales des pays émergents, chinoise ou indienne. L’heure est grave, donc, parce que la crise impose de faire des économies. Et que la gauche, qui n’a jamais fait preuve d’un militarisme échevelé, est revenue aux affaires. Bien sûr, le président François Hollande s’efforce de rassurer l’étatmajor en indiquant que l’armée ne sera pas une variable d’ajustement (de fait, le budget de la Défense devrait rester stable en 2013), mais il n’empêche : dans les casernes comme au sein du lobby promilitaire, on s’inquiète. « Des sacrifices, on en a déjà trop fait, déplore un officier en poste à l’étranger [qui requiert l’anonymat]. On est au bord du gouffre, obligés de bricoler en permanence. Ce qu’on nous demande n’est pas en adéquation avec les moyens qu’on nous accorde. »

SIPA

J.A. a-t-il tué ? Nous autres Camerounais avons parcouru avec beaucoup d’attention vos différents dossiers sur la gestion de la Commission de la Cemac par Antoine Ntsimi. Et, à mon avis, Jeune Afrique n’a tué personne. Je vous exhorte d’ailleurs à continuer de faire couler autant d’encre que nécessaire pour nous informer. Le citoyen lambda n’a connaissance de tels sujets que grâce aux journalistes. Si les preuves que vous avez apportées sont incontestables, le moment choisi, lui, en revanche, en a fait réfléchir plus d’un. Antoine Ntsimi a résidé dans son pays d’origine pendant toute la durée de son mandat à la tête de la Commission, dont le siège se trouve pourtant à Bangui. Son lieu de résidence aurait dû faire l’objet d’un débat bien avant le sommet qui a entériné son éviction. ●

aussi la vision des pères fondateurs qui ont œuvré pour l’indépendance et l’unité. Mais ta réalité, c’est surtout l’Afrique contemporaine, celle de millions de Noirs qui courent désespérément, et à n’importe quel prix, y compris celui de leur vie, vers l’Occident car ils n’ont ni débouchés ni perspectives ici. C’est aussi des millions d’Africains, là-bas, trimant tels des forçats pour garantir un pouvoir d’achat à la famille restée au pays. Hélas, l’Afrique d’aujourd’hui, ce sont ses déchirures, ses guerres sans fin comme dans le nord du Mali avec son lot de morts, de déplacés, de violences, de lieux saints saccagés… Jeune de Bamako, de Gao, de Tombouctou, de Kidal, de Kayes, de Koulikoro, de Ségou, de Sikasso, de Mopti, toi qui te sens laissé pour compte, abandonné au bas de la route, tu n’as pas le droit de te résigner. C’est fatal ! Montre aux dirigeants et à tous ces politiciens perdus dans des déclarations creuses qu’ils ne peuvent hypothéquer ton avenir. Toi et ceux de ta génération êtes la force vitale de ce pays, de par votre nombre. Que les anciens comprennent que désormais vous voulez prendre toute votre place au sein des sphères politique, militaire, économique, sociale, culturelle… ●

FRANCE

Ça grogne C’ dans les casernes! RÉMI CARAYOL

Coupes budgétaires, réduction des effectifs, pénurie de matériel… De l’aveu même de ses responsables, l’armée n’aura bientôt plus les moyens de mener à bien les missions qui lui sont confiées. Tandis que la course aux armements fait rage en Asie et ailleurs.

N o 2691 DU 5 AU 11 AOÛT 2012

JEUNE AFRIQUE

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Lettre à la jeunesse malienne

est l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, qui le dit. L’heure est venue de se poser une bonne fois la question (et non de l’éluder comme c’estlecasdepuissilongtemps): « Quel rôle l’armée française doit-elle jouer sur la scène internationale? » Autrement dit: que veut-on faire d’elle ? Oh! certes, elle a conservé un peu de son prestige et beaucoup de sa réputation, elle peut même s’enorgueillir de récents succès comme en Côte d’Ivoire ou en Libye, mais elle est malade. Son bilan est flatteur, trop peut-être, estime un rapport parlementaire publié en juillet, mais elle donne

JEUNE AFRIQUE

! FUSILIERS MARINS DANS LA JUNGLE

guyanaise, en 2009.

PAGAILLE. En trente ans, la part du PIB consacrée à la défense a été divisée par deux. Au cours de la même période, l’armée n’a cessé de se réorganiser, souvent à marche forcée et au prix d’une belle pagaille – en 2008 notamment. « Depuis des décennies, on assiste à un transfert budgétaire massif des domaines régaliens vers le social, ce n’est plus tenable », souligne Étienne de Durand, de l’Institut français des relations internationales (Ifri), un think-tank dont le siège est à Paris. Le 11 juillet, le général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre, confiait à des journalistes : « Nous agissons sous contrainte budgétairedepuis des années, mais là nous arrivons à un plancher. » Le même jour, devant les députés, l’amiral Guillaud disait à peu près la même chose : « La France dispose d’une belle armée. Mais cet outil présente des fragilités qui, dans le contexte économique et financier que nous connaissons, pourraient sous peu affecter sa cohérence. » Le constat est alarmant. Certes, a précisé le général, l’armée française est « réactive », « polyvalente » et « endurante ». Certes, elle offre « un rapport qualité-prix exceptionnel », si on la compare notamment avec l’armée britannique. Mais on lui en demande trop. « Certaines capacités

de l’instabilité qui y règne, l’Afrique subsaharienne est au cœur de nos préoccupations. La présence de soldats français dans plus de dix pays – dont cinq en Afrique – témoigne du rôle et de la place de l’armée française tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. ● M E SERGE PAUTOT, Marseille France

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! J.A. N 2691, du 5 au 11 août 2012. O

J’ai apprécié l’article consacré à la grogne dans l’armée française (J.A. no 2691, du 5 au 11 août), dans lequel vous évoquez les coupes budgétaires, la réduction des effectifs et la pénurie de matériel. Pourtant, compte tenu des événements en France et à l’étranger, l’effort de défense doit être maintenu et renforcé. La Méditerranée est une région sensible et la France est en première ligne. De même, en raison

Mali : que fait l’Otan ? Pourquoi la communauté internationale reste-t-elle si amorphe face aux exactions d’Ansar Eddine dans le Nord-Mali ? L’incapacité de l’armée malienne à affronter les rebelles étant largement avérée, il est urgent que l’Otan intervienne pour libérer ce peuple exténué, affamé et dévoré de l’intérieur, qui voit inexorablement l’enfer s’élargir quotidiennement. ● THÉODORE ARCHÉDUC, N’Djamena, Tchad N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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Post-scriptum Fawzia Zouari

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Les olympiades de la bêtise

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

I

L Y A PARFOIS D’ÉTRANGES COÏNCIDENCES. Pendant que les Belges planchent sur une loi permettant de poursuivre tous les cas d’insultes contre les femmes, à Tunis, les islamistes transpirent sur un article condamnant tous les cas d’offenses à la religion, qui, comme tout le monde le sait, est principalement une affaire d’hommes. Chacun sa cause. Ou sa conception de la citoyenneté. Pendant que la France se bat pour promulguer une loi protégeant les femmes du harcèlement, certains députés de la Constituante tunisienne réclament un décret visant à les déchoir du rang d’égales à celui de « complémentaires » (de l’homme). Chacun sa conception des femmes et de l’égalité. Ce qui ne nous empêche pas de nous poser cette question essentielle : qu’est-ce qu’être complémentaire ? « Complémentaire : antonyme de principal, essentiel, initial, fondamental », selon Le Robert. En clair, un complément n’est pas nécessaire ; on peut le reléguer dans un coin, derrière les murs, aux tâches subalternes : la vaisselle, les couches et la cuisine, par exemple. L’on peut même arguer, à l’instar de ce député de l’hémicycle du Bardo, défenseur devant l’Éternel du principe de complémentarité, que les élus en jupe ne valent pas les élus à moustache. Personnellement, j’aimerais qu’il me dise, ce monsieur, si une femme peut être désignée comme « complémentaire » quand elle possède deux fois plus de compétences et trois fois plus de diplômes que lui. Je connais des Tunisiennes qui font marcher le pays, entretiennent leur famille et se ruinent la santé pour leur chômeur de mari. Qui est « complémentaire » dans ces cas ? Pour en revenir à la Belgique et au buzz provoqué par l’étudiante qui a révélé la violence verbale dont les Bruxelloises font l’objet dans certains quartiers à fortes populations immigrées et qui est à l’origine de l’étude actuelle d’une loi contre les insultes aux femmes, je ne serais pas étonnée que certains des agresseurs incriminés appartiennent à une catégorie de « beurs » qui ne voient dans les femmes que des « rebuts ». Et je pèse mes mots. Alors, je ne vois que deux solutions : ou bien les islamistes de chez nous réussissent à convaincre les Belges de voiler leurs « complémentaires » et de leur interdire la rue, afin qu’elles échappent aux injures et au harcèlement, ou bien les Belges envoient les machistes en puissance de chez eux dans des hémicycles où ils pourraient injurier les femmes en toute légalité. En attendant, rien n’empêche les féministes tunisiennes de suggérer une loi qui assimilerait les attaques dirigées contre les femmes à une atteinte au sacré. Les dames sont bien appelées « mohram », en arabe, terme qui dérive du mot « sacré », non ? L’islam a bien mis le paradis sous les pieds des mères, et les grands soufis n’ont jamais trouvé meilleure métaphore pour l’amour d’Allah que l’image féminine. Alors ? Avant que je n’oublie, bonne fête, les Tunisiennes ! Le 13 août est toujours chômé, j’espère ? Une fois n’est pas coutume, comparées aux Bruxelloises qui ne fêtent que la journée du 8 mars, vous disposez là d’une petite victoire. Et c’est sacrément important par ces temps d’olympiades de la bêtise humaine. ● N o 2692-2693 • DU 12 AU 25 AOÛT 2012

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