JA3090 DU 28 JUIN 2020 GF SENEGAL

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OBJECTIF SÉNÉGAL UN PAYS, SES DÉFIS

DIPLOMATIE

Amicalement vôtre

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2012, Macky Sall œuvre au réchauffement de ses relations avec la plupart de ses homologues. Une approche qui lui a permis tout à la fois de multiplier les projets de partenariat et d’asseoir son leadership continental. 104

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Visite officielle du président sénégalais à Nouakchott pour signer des accords de coopération, en février.

J

«

MANON LAPLACE, À DAKAR e demande à nos partenaires d’accompagner la résilience du continent africain en annulant sa dette. » Le 25 mars, le président Macky Sall lançait un appel solennel à la communauté internationale. Sur le plateau de France 24, le 17 avril, il qualifiait de « préliminaire » le moratoire sur la dette bilatérale des pays les plus pauvres que venaient d’annoncer le G20 et le Club de Paris. À l’heure où les économies du monde entier sont ébranlées par la pandémie de Covid-19, le chef de l’État a revêtu le costume de porte-parole des économies africaines. Cette posture témoigne de la montée

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PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL

en puissance progressive du leadership sénégalais, alimentée ces dernières années par une offensive diplomatique que l’on pourrait qualifier d’amicale. « La vocation de mon pays, depuis l’indépendance, est d’être ami de tous les pays et de n’avoir aucun ennemi », raconte même Macky Sall dans son autobiographie Le Sénégal au cœur, parue en 2019. S’il n’a pas inventé le concept déjà plébiscité sous Léopold Sédar Senghor, le président a en revanche renouvelé le style. Du temps d’Abdoulaye Wade, héraut du panafricanisme, la diplomatie se faisait le verbe haut, quitte à froisser certains. « Sous Wade, c’était la diplomatie des coups d’éclat, comme sa visite à Benghazi dans l’avion de Nicolas Sarkozy. Avec Macky Sall, le ton a changé, c’est plus subtil », résume le chercheur Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute. Plus subtil et plus fédérateur. En témoigne la photographie inédite de la prestation de serment qui s’est tenue le 2 avril 2019 à Dakar. L’événement a des allures de sommet de l’Union africaine. Alors qu’il vient d’être réélu à la tête du pays, Macky Sall reçoit une myriade de chefs d’État dans la grande salle du Centre des expositions de Diamniadio. Sont présents les alliés tels que l’Ivoirien Alassane Ouattara ou le Rwandais Paul Kagame, mais aussi les

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OBJECTIF SÉNÉGAL

DIPLOMATIE

contempteurs d’hier, à l’image du Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, dont la présence est perçue comme les prémices d’un réchauffement entre les deux pays.

« Ceinture de sécurité »

LIONEL MANDEIX/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL

Décrit par un collaborateur comme un « homme de protocole qui ne fait pas de vagues », Macky Sall a néanmoins refaçonné les relations du Sénégal dans la sous-région. Si Dakar a toujours joui d’un certain leadership à l’échelle ouest-africaine, profitant des soubresauts politiques de ses voisins, jamais le Pays de la teranga n’avait eu autant d’alliés parmi eux. Une « ceinture de sécurité » venue remplacer un « cercle de feu », selon l’image employée par Sidiki Kaba en avril 2019, lors de la passation de pouvoir entre lui et Amadou Ba au ministère des Affaires étrangères. La résolution de la crise gambienne et le renversement de Yaya Jammeh en 2017 font partie des succès qui ont renforcé le leadership régional du Sénégal. Alors que Conakry et Nouakchott souhaitaient éviter une intervention militaire, « Macky Sall a joué un rôle déterminant dans l’engagement de la Cedeao et de la communauté internationale pour faire respecter le résultat de l’élection présidentielle et obtenir le départ de Jammeh », commente

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Vincent Foucher, chercheur au CNRS, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. Cette initiative couronnée de succès permet au Sénégal de compter un nouvel allié en la personne d’Adama Barrow, président de la Gambie. « Cela a permis à Dakar d’apparaître comme un modèle en matière de démocratie et un interlocuteur de référence en Afrique de l’Ouest », estime un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères. Ses nouveaux alliés, Macky Sall les recrute dans le cercle des derniers dirigeants ouest-africains élus, parmi lesquels le Libérien George Weah, le Sierra-Léonais Julius Maada Bio, tous deux investis en 2018, ou encore Umaro Sissoco Embaló, qui a pris la tête de la Guinée-Bissau au début de l’année. Tous sont de la même génération que le Sénégalais, tous ont choisi Dakar comme première étape de leurs tournées officielles ou privées et tous ont été suspectés par leurs détracteurs d’avoir bénéficié de la main invisible sénégalaise lors de leur élection. « Au-delà de s’être trouvé des alliés dans la région, Macky Sall les a aussi

PARMI LES DERNIERS ALLIÉS EN DATE: LE LIBÉRIEN GEORGE WEAH ET LE SIERRA-LÉONAIS JULIUS MAADA BIO, TOUS DEUX INVESTIS EN 2018.

Le nouveau président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló (chemise blanche), durant une visite de courtoisie, à Dakar, en mars.

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COMMUNIQUÉ

LE GROUPE KIRÈNE :

UN ÉLAN DE SOLIDARITÉ FACE AU COVID-19

Alexandre Alcantara, Directeur Général du Groupe Kirène (à gauche) et Amadou Hott, le Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération (à droite) lors de la remise du chèque de 200 millions de FCFA destinée au Fond de Riposte et de Solidarité FORCE-COVID-19, le 26 mars 2020.

Le Groupe Kirène, dans son engagement à contribuer au vivre-mieux des Sénégalais, s’est fortement mobilisé face à la pandémie de COVID – 19. L’entreprise a participé à l’effort national par une donation de 200 millions de FCFA destinée au Fond de Riposte et de Solidarité FORCE-COVID-19. Au quotidien, le Groupe Kirène poursuit et renforce ses actions de soutien à la population, aux structures sociales dans le besoin mais surtout aux établissements de santé, à travers une importante distribution d’eau minérale pour les personnes touchées par l’épidémie et le personnel soignant. C’est ainsi que le groupe apporte son soutien aux 13 structures de santé au Sénégal à Dakar, Kaolack Thiès, Diourbel, Touba mais aussi Tambacounda, Ziguinchor et Louga.

Plus de 100.000 litres d’eau, de lait et de jus ont été distribués à ce jour. Par ailleurs, toutes les ressources sont mobilisées depuis le début de la crise pour renforcer l’approvisionnement en produits dans les points de vente habituels, sur l’ensemble du territoire national, ceci dans le respect des dispositions prises par les autorités sanitaires et le ministère des transports. À cela, s’ajoute le programme de livraison à domicile mis en place à travers un partenariat avec Jumia à Dakar, Thiès et Mbour pour encourager la population sénégalaise à rester chez eux. Le Groupe Kirène, dans son engagement, continue de poursuivre ses efforts dans la lutte contre le COVID-19.

www.kirene-groupe.com


OBJECTIF SÉNÉGAL

DIPLOMATIE

produits en appuyant des candidats qui lui étaient favorables. Résultat, la Gambie et la Guinée-Bissau sont désormais dirigées par des protégés de Macky Sall », analyse Vincent Foucher. Du côté de l’exécutif, on se défend de toute influence, invoquant la souveraineté de chacun de ces pays. Toujours est-il que les relations avec Banjul et Bissau sont stabilisées. Et les pays qui ont un temps soufflé sur les braises de l’indépendantisme en Casamance, à l’image du voisin bissau-guinéen, ont finalement aidé à mettre fin à la crise.

UN AN DE DIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE Mars 2019-mars 2020

Voyages de Macky Sall Mauritanie févr. 2020

Gambie mars 2020

Burkina Faso nov. 2019 Côte d’Ivoire juin 2019

Partenaire international

Demeurent certes des tensions avec la Guinée d’Alpha Condé, dont l’opposant Cellou Dalein Diallo est un ami personnel de Macky Sall, mais l’heure est globalement au réchauffement entre les deux pays. C’est aussi le cas avec le voisin mauritanien depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Ghazouani, en 2019. Signe du dégel, Macky Sall a rendu à son homologue une visite officielle en février, ce qui a permis de signer de nombreux accords bloqués du temps de Mohamed Ould Abdelaziz. « Certes, les intérêts communs dans le gaz et le pétrole ont joué un rôle, mais il ne faut pas sous-estimer le travail de Macky Sall, qui s’entend très bien avec son homologue mauritanien », confie-t-on du côté du ministère des Affaires étrangères. Cette diplomatie bienveillante, le président sénégalais la cultive au-delà du continent, d’Abou Dhabi à Pékin, en passant par Ankara. Recep Tayyip Erdoğan, Emmanuel Macron, Xi Jinping, Angela Merkel ou encore Justin Trudeau : depuis deux ans, les représentants de pays amis défilent à Dakar. Ce sont autant de partenaires financiers. Avec une croissance de 5,3 % en 2019 et une stabilité hors norme dans la région, le Sénégal est un pays apprécié des investisseurs. En témoignent les financements obtenus lors du Groupe consultatif de Paris en décembre 2018 pour la réalisation de la deuxième phase de son Plan Sénégal émergent (PSE), dont le montant était trois fois supérieur aux attentes de l’exécutif. En mars de la même année, lors de la visite du président turc, Erdoğan, promesse est faite de doubler les échanges commerciaux entre le s deux pays. Quand c’est au

Investiture du président mauritanien août. 2019

Gabon mai 2019 Liberia juill. 2019 Investiture du président sud-africain mai 2019

Visites de dirigeants au Sénégal Umaro Sissoco Embaló Guinée-Bissau – mars 2020 Recep Tayyip Erdoğan Turquie – janv. 2020 Denis Sassou Nguesso Congo – août 2019 Roi Mswati III Eswatini – juill. 2019 Mokgweetsi Masisi Botswana – juin 2019 Abdel Fattah al-Sissi Égypte – avr. 2019 Alpha Condé Guinée – avr. 2019 Roch Marc Christian Kaboré Burkina Faso – avr.2019 Andry Rajoelina Madagascar – avr.2019

« HOMME DU CONSENSUS MOU » POUR CERTAINS, « FIN TACTICIEN » POUR D’AUTRES, IL S’EST ASSURÉ UNE PRÉSIDENCE SANS TROP D’ENNEMIS.

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tour du Chinois Xi Jinping d’être reçu à Dakar, les deux présidents signent dix accords dans des domaines liés à la justice, à la coopération économique et technique, aux infrastructures, à la valorisation du capital humain et à l’aviation civile. Plus récemment, ces bonnes relations ont valu à Macky Sall, en pleine crise du Covid-19, l’appui du chef de l’État français concernant l’annulation de la dette africaine. Ce soutien est le bienvenu de la part d’un partenaire privilégié que Macky Sall considère comme appartenant au cercle des pays amis au même titre que les États-Unis, le Maroc et l’Arabie saoudite, avec lesquels « la relation perdure malgré les convulsions politiques, les alternances et les mutations dans les relations internationales », écrit-il dans son autobiographie. L’immuable amitié du Sénégal envers certains d’entre eux lui a d’ailleurs attiré quelques critiques. Ce fut le cas lors de l’élection du président de la Commission de l’Union africaine en 2017. Le candidat sénégalais, l’ex-ministre Abdoulaye Bathily, avait été éliminé au premier tour. « Il y a eu une grande campagne contre le Sénégal, liée notamment au fait que Dakar endosse les positions marocaines sur le Sahara occidental. Certains pays du Maghreb ne voulaient pas de ce qu’ils considéraient être un inconditionnel du Maroc à la tête de l’Union africaine », explique Bakary Sambe. « C’est la méthode Macky Sall, renchérit le chercheur. Abdoulaye Wade était un conquérant, le géologue Macky Sall a davantage les pieds sur terre. C’est un homme de consensus. » Et le président sénégalais a aussi recours à cette recherche de compromis et d’alliances sur la scène intérieure. Dès son arrivée au pouvoir, en 2012, ce libéral a bouleversé l’échiquier politique en ralliant deux des principales formations de l’opposition : le Parti socialiste (PS) et l’Alliance des forces de progrès (AFP), de Moustapha Niasse. Cette stratégie lui permet, depuis, de « mettre à profit des réseaux, comme l’Internationale socialiste, très influents dans la sous-région », fait valoir le socialiste Abdoulaye Wilane. « Homme du consensus mou » pour certains, « fin tacticien politique » pour d’autres, ou parfois les deux, Macky Sall s’est assuré, sans faire de bruit, une présidence quasi sans ennemis. Et s’il « serait naïf de penser qu’il n’y a pas de frictions avec d’autres pays, nuance un collaborateur du président, le Sénégal peut aujourd’hui discuter avec tout le monde. »


COMMUNIQUÉ

SERTEM FÊTE SES 20 ANS ET VOUS DONNE RENDEZ VOUS

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«DE DAKAR À BAMAKO, L’AFRIQUE DE L’OUEST À AUJOURD’HUI LES MOYENS DE RÉINVENTER SON PROPRE DÉVELOPPEMENT URBAIN EN MISANT SUR LA QUALITÉ.»

Cette phrase prononcée par Léopold NGOM, Président et fondateur du groupe SERTEM, résume à elle seule la philosophie du groupe dont le cœur de métier consiste à imaginer et développer les concepts immobiliers de l’Afrique de demain. Solidement ancré sur le marché sénégalais et déjà implantée au Mali et en Côte d’Ivoire, ce sont quelques centaines de milliers de m2 d’espaces résidentiels, commerciaux et industriels qui ont été livrés par le groupe à ce jour sur le segment de marché du haut de gamme. Considérée par beaucoup de professionnels du secteur de la promotion immobilière et du BTP comme une entreprise particulièrement sérieuse, créative voire talentueuse, elle doit cette réputation à un niveau d’exigence digne de celui de ses homologues occidentaux les plus prestigieux. Ce sont plus de 650 collaborateurs fixes ou journaliers qui portent chaque jour cette exigence largement partagée par plus de 50 partenaires historiques comptant parmi les professionnels les plus performants du marché : architectes, designers, certificateurs et autres financiers spécialisés, pour ne citer qu’eux. Fann Résidence, 41 Rue C x Leon Gontron Damas, Dakar Tél. : 33 869 77 67 | Email : info@sertemgroupe.com sertemgroupe.com

C’est ce niveau d’exigence qui a propulsé SERTEM dans le peloton de tête des développeurs de programme de la sous-région et d’accéder à des chantiers à forte valeur ajoutée et d’envergure nationale comme le Train Express Régional et la Tour des Mamelles par la Caisse des Dépôts et Consignations à Dakar, deux ouvrages emblématiques d’un Sénégal émergent qui répondent aux normes internationales les plus avancées. Entreprise citoyenne à taille humaine, consciente de ses responsabilités sociales et environnementales, SERTEM est aujourd’hui prête à relever le défi incontournable d’un urbanisme renouvelé dans les grandes métropoles africaines…un développement urbain toujours plus respectueux de la planète et toujours plus humain.

La passion du défi, l’exigence de la qualité.


OBJECTIF SÉNÉGAL

PAPA MATAR DIOP/PRÉSIDENCE SÉNÉGAL

OPPOSITION

Les chefs des principaux partis – Idrissa Seck, Ousmane Sonko et Khalifa Sall (de g. à dr.) – reçus par le chef de l’État, le 24 mars.

Des ténors presque aphones

Plus d’un an après la réélection de Macky Sall, tous ses rivaux semblent anesthésiés. Si certains peinent à rebondir, d’autres s’activent déjà en coulisses pour préparer les élections locales.

C

MANON LAPLACE, À DAKAR

e mardi 24 mars, alors que Macky Sall vient d’instaurer l’état d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, un cortège inédit d’opposants défile sous les ors du palais de la République. Des adversaires rassemblés dans un esprit d’« union sacrée » face à la crise sanitaire que le président sénégalais fait poser devant l’objectif de la télévision nationale, alors même qu’on ne les avait quasiment pas vus ni entendus depuis le scrutin de février 2019. Pour nombre d’entre eux, « l’heure est à la réorganisation », plaide Déthié Fall, bras droit d’Idrissa Seck. Le candidat malheureux à la dernière présidentielle s’est muré dans le silence depuis la publication d’un livre blanc postélectoral. Même lors du lancement du dialogue national, en mars 2019, il a laissé à ses lieutenants le soin de le représenter. Chargé de coordonner l’opposition au sein du

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dialogue politique, Déthié Fall refuse de parler de léthargie pour décrire l’année écoulée : « Nous avons fait le choix du dialogue. Nous aurions pu choisir la rue, le combat, mais cela aurait créé un risque d’instabilité », justifie-t-il.

Apathie du PDS

« L’opposition est passée des revendications sous les gaz lacrymogènes aux revendications sous la clim », ironise une figure politique sénégalaise au regard de la soixantaine de concertations menées depuis un an. Des rendez-vous à l’issue desquels la majorité a accepté de reporter les élections locales – qui se tiendront avant mars 2021 – et concédé l’audit du fichier électoral, sujet qui empoisonne le débat politique à chaque scrutin. « La discussion dans la sérénité est certes moins visible, mais elle est plus efficace », revendique Déthié Fall. Refusant de participer au dialogue national après plusieurs revirements, le Parti démocratique sénégalais

(PDS) s’attelle à sortir de la zone de turbulences dans laquelle l’a plongé le rejet par le Conseil constitutionnel de la candidature de Karim Wade en 2019. Maintes fois annoncé, le retour du fils de l’ancien président, en exil au Qatar depuis quatre ans, n’a toujours pas eu lieu, laissant une partie des ténors libéraux amers. Oumar Sarr, coordonnateur du parti pendant sept ans, Amadou Sall ou encore Babacar Gaye, accusant publiquement Karim Wade de manipuler son père, sont en rupture de ban avec le parti pour lequel ils ont tant milité. « Il ne faut pas se faire d’illusions, l’apathie du PDS est bien antérieure à l’immobilisme entraîné par le coronavirus. Depuis plus d’un an, le parti n’a pas mené la moindre activité, organisé la moindre réunion », dénonce Amadou Sall, qui fut le garde des Sceaux d’Abdoulaye Wade et qui appartient aujourd’hui au mouvement dissident Suqqali Sopi. S’il admet avoir perdu quelques militants dans la bataille, le PDS


MESSAGE

« Nous allons faire de BEM, la meilleure Business school d'Afrique Subsaharienne. » Entretien avec le Dr Pape Madické DIOP Président Directeur Général de BEM Dakar

tion to Advance Collegiate Schools of Business), de l'AABS (Association of African Business Schools) et du Campus franco-sénégalais. Grâce à la mobilité académique obligatoire, nos étudiants sillonnent le monde, s’enrichissent et grandissent dans des programmes d’excellence aux USA, en France, en Chine, au Canada, au Ghana, au Maroc et en Afrique du Sud. BEM, c’est aussi des diplômés qui travaillent et qui entreprennent en Afrique et partout dans le monde.

Quelles sont les perspectives ? Nous y sommes déjà ! Elles s’articulent autour de 2 points :

BEM Dakar hier et BEM Abidjan aujourd’hui, c’est d’abord une histoire, une conviction, une passion et une vision bien sûr. L’histoire débuta à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux ; elle se poursuivit à l’ESC Bordeaux devenue Bordeaux École de Management puis Bordeaux Management School. Elle continue de s’écrire aujourd’hui dans Kedge Business School qui porte, désormais, en France, les ambitions de notre communauté. BEM est donc une école d’inspiration française, de culture africaine et d’identité internationale. Dès 2008, sur le fondement de la vision qui est la nôtre (faire de BEM la meilleure Business School d’Afrique noire francophone), nous avons incarné des valeurs et défendu des engagements d’excellence, d’innovation et de responsabilité qui légitiment aujourd’hui notre place de 1ère Business School d’Afrique noire francophone (Classement Jeune Afrique des Business Schools africaines dans son édition n°3040 du 14 Avril 2019).

Quel bilan faites-vous aujourd'hui ? BEM, c’est aujourd’hui 1 300 étudiants dont 600 en formation initiale et 700 en formation continue, 29 nationalités, 20 universités partenaires, 20 prestigieuses entreprises membres du Comité d’Orientation Stratégique et plus de 200 intervenants (permanents et vacataires). Notre établissement propose plusieurs programmes accrédités par l’Anaq Sup et reconnus par le CAMES. BEM est également membre de l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie), de AACSB (Associa-

Sacré Coeur III Pyrotechnie BP 25208 Dakar Fann Tél. : +221 33 869 82 81 / +221 77 704 77 77 E-mail : contact@bem.sn

A Installer notre école dans la révolution numérique et dans l’hybridation des savoirs. Après une première implantation réussie à Dakar, nous avons choisi d’ouvrir, en septembre 2020, BEM Abidjan. À Abidjan, nous proposerons une offre unique aux meilleurs étudiants ivoiriens et africains, recrutés sur des critères d’excellence, d’obtenir un diplôme de niveau Bachelor, Master ou Doctorat, après un cursus qui pourra être suivi en tout ou partie à Abidjan, aux USA, en France, au Canada ou en Chine. L’école proposera également aux cadres et dirigeants d’accéder à ses diplômes et certificats par le biais de la formation continue.

Quel est votre rêve pour BEM ? Mon rêve est de voir mes étudiants accomplir leurs propres rêves. C’est de les voir rendre heureux leurs parents, après tant d’années d’éducation et de sacrifice. Qu’ils soient des hommes et des femmes utiles ! Qu’ils fassent honneur à BEM où ils ont développé leurs premières convictions d’adulte, leur personnalité et des amitiés pour la vie ! Je souhaite les voir prendre plaisir à entreprendre, avec éthique et responsabilité. Qu’ils avancent dans leurs trajectoires personnelles avec courage, audace et créativité ! Je veux les voir, en toute circonstance, faire preuve d’humilité, de respect et d’exemplarité. Je rêve de les voir militants et acteurs d’un monde de paix, de tolérance et de progrès responsable.

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www.bem.sn

JAMG - Photos : D.R.

Pouvez-vous nous raconter l'aventure BEM ?

A Faire de BEM Abidjan le hub de notre développement Afrique,


OBJECTIF SÉNÉGAL

assure que « le soutien indéfectible » du parti à son candidat a permis d’engranger davantage de recrues. « L’image du PDS en est sortie renforcée, le parti va bien ! », soutient Doudou Wade, l’un des onze secrétaires généraux adjoints nommés en remplacement d’Oumar Sarr. Le parti, dont le groupe parlementaire est le premier de l’opposition, se concentre sur « un combat politique qui a débuté avec la décision rendue par la Crei [la Cour de répression de l’enrichissement illicite a condamné Karim Wade en 2015] », explique le député dakarois. Cette bataille se joue devant les cours de justice internationales, de Monaco à Abuja, où les démêlés judiciaires qui opposent l’ex-ministre à l’État sénégalais continuent d’être jugés. « Ce n’est pas notre seul combat, rassure-t-il, nous avons aussi un objectif de remobilisation et de recrutement. »

Khalifa Sall vise 2024

Même ambition pour Khalifa Sall, qui reste toutefois extrêmement discret depuis qu’il a été libéré, en septembre 2019, après avoir passé plus de deux ans et demi en prison pour détournement de fonds publics. « Il reprendra ses activités politiques sous peu », promet l’un de ses proches collaborateurs. « Il souhaitait d’abord remercier les familles religieuses et les partisans qui l’ont soutenu », justifie son conseiller politique Moussa Taye. L’ancien maire de Dakar préparait une tournée nationale pour le début de mars quand la pandémie s’est propagée dans le pays. Tournée qui sera programmée « dès que la situation sanitaire sera réglée », confie un proche. Même si son entourage affirme qu’il ne se présentera pas aux prochaines élections locales et départementales,

Le leader du Pastef, lors d’un meeting à Pikine, le 21 février.

l’ancien maire de Dakar (2009-2018) participera à la campagne avec son mouvement, Taxawu Sénégal. « L’objectif, pour Khalifa Sall, c’est l’élection présidentielle de 2024. » Et peu importe pour l’heure qu’il ne soit pas éligible du fait de sa condamnation : « Nous avons quatre ans pour régler cette question. Ce qui compte, aujourd’hui, c’est de dérouler notre programme auprès des Sénégalais et d’occuper le terrain », indique l’un de ses collaborateurs. Force est de constater que peu de ténors de l’opposition sont descendus ces derniers mois dans l’arène pour se frotter au gouvernement. « Un parti ne se limite pas à son président, Rewmi reste présent dans le débat. Quant à Idrissa Seck, il a trente et une années d’expérience politique, et, jusque dans les hameaux les plus reculés du pays, les Sénégalais savent qui il est. Il a suffisamment d’expérience pour savoir quand le moment se prête à parler ou pas », justifie Déthié Fall. Loin d’être

FIGURE MONTANTE DE L’OPPOSITION, OUSMANE SONKO EST LE SEUL À MAINTENIR UNE PRESSION PERMANENTE SUR LA MAJORITÉ. 112

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inactif, l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade se démène en coulisses. Depuis plus d’un an, Idrissa Seck noue des alliances en vue des municipales et des départementales. Déjà, il peut compter sur le soutien de Malick Gakou (Grand Parti), de Madické Niang (ex-PDS), de l’ancien premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré et de I’ex-maire de Dakar Pape Diop. Ousmane Sonko, président des Patriotes du Sénégal (Pastef), gonflé à bloc par son score à la présidentielle de 2019 (15,6 % des voix pour sa première participation), devrait, lui, faire cavalier seul. La nouvelle figure de l’opposition est le seul à maintenir une pression permanente sur la majorité. Après l’annonce, le 11 mai, de l’allègement des mesures sanitaires prises pour faire face au Covid-19, il a dénoncé l’« abandon de responsabilité » d’un gouvernement « démissionnaire et incompétent ». Cette posture d’agitateur emporte l’adhésion des jeunes. De quoi lui ouvrir la voie pour les prochaines élections ? « Ce serait une erreur de penser que la présence médiatique est synonyme de densité électorale, met en garde un opposant. Macky Sall en est la preuve: en 2011, il était l’un des opposants les plus discrets. En 2012, il était au Palais. »

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

OPPOSITION


COMMUNIQUÉ

Entretien avec Oumar Toguyeni, Sénior Vice-Président Principal Affaires Internationales et Développement Durable

« Notre stratégie de développement repose sur l’intégration socio-économique dans les pays hôtes » Session MBA

ment des économies à travers les achats locaux de biens et services et la valorisation de l’expertise nationale. Un exemple dont nous sommes fiers est le projet « Eau et Croissance Économique Durable au Sahel » ECEDSahel (Burkina Faso), d’un montant global d’environ 8 Milliards FCFA, notre initiative phare, réalisée en partenariat avec les gouvernements du Canada, du Burkina, One Drop et Cowater et qui couvre les besoins en eau potable de la ville de Dori et de 17 villages environnants soit 60000 personnes.

À chaque début de quart de travail, des séances d’assouplissement et d’échanges sur la santé et la sécurité au travail.

Pouvez-vous présenter IAMGOLD ? IAMGOLD est une compagnie minière canadienne qui exploite actuellement trois mines : Essakane (Burkina Faso), Rosebel (Suriname) et Westwood (Canada). Nous produisons entre 700000 et 800000 onces par an Nous avons également deux projets en développement avancé : Côté Gold (Canada) et Boto Gold (Sénégal).

Quelle est la place de l’Afrique dans votre stratégie ? L’aventure IAMGOLD a commencé au Mali, au début des années 90, avec la découverte puis la mise en exploitation de la mine de Sadiola. Depuis, la Société est restée très active dans la région avec environ 3000 employés répartis dans 4 pays. Notre mine d’Essakane qui produit en moyenne 400000 onces par an (environ 13 tonnes), est la plus grande mine d’or et un contributeur clé de l’économie du Burkina.

En quoi le projet de Boto est-il important ? Ce projet, dont la durée de vie prévisionnelle est de 11 ans, produira 3,4 tonnes d’or par an et emploiera environ 600 personnes dans la phase de production. L’investissement initial est d’environ USD 270 M (162 Milliards FCFA). Le développement de cette mine est le symbole de la persévérance et du partenariat avec l’État sénégalais. Nous y avons déjà développé des projets communautaires en phase d’exploration, et notre objectif est de faire de cette mine un leader en matière de développement durable pendant et après la vie de la mine. Nous le ferons en collaboration avec toutes les parties prenantes, grâce à un schéma de gouvernance exemplaire en termes de concertation, d’engagement et de transparence. Le jardin maraîcher de Guemedji

Quel est l’impact de vos projets dans les pays ? Il va bien au-delà des contributions directes telles que les impôts et les redevances. Nous contribuons au développe-

www.iamgold.com

L'un des projets communautaires réalisé avec 40 femmes du village. Système d’irrigation à goutte ; la production de légumes est vendue aux marchés de la région.

JAMG - PHOTOS : D.R.

L'Afrique de l'Ouest est l'une des régions les plus attractives au monde pour l'exploration et l'exploitation aurifères. En plus de nos mines en opération, nous avons des projets d’exploration au Sénégal, au Mali, au Burkina et en Guinée.


OBJECTIF SÉNÉGAL

INTERVIEW

Amadou Hott

Ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération

« Le plan de relance va renforcer notre souveraineté dans les secteurs clés »

Si le pays devrait éviter la récession, l’épidémie de coronavirus oblige le gouvernement à redéfinir ses priorités de développement en mettant notamment l’accent sur l’industrialisation.

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PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN CLÉMENÇOT

Jeune Afrique : La crise du Covid-19 affecte l’économie mondiale. Quelles conséquences prévoyez-vous pour le Sénégal ?

Amadou Hott: Notre taux de croissance devrait baisser drastiquement, mais nous n’attendons pas une récession. En tenant compte des chiffres du premier trimestre et sur la base d’une reprise graduelle de l’activité, nous anticipons un taux de croissance du PIB de 1,1 % en 2020, contre 5,3 % l’an dernier. En début d’année, donc avant la crise du Covid, nous espérions atteindre un taux de 6,8 %. Cette

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prévision reflète la baisse d’activité constatée dans les différents secteurs que sont l’hôtellerie, la restauration, le tourisme en général, mais aussi les transports aériens et terrestres ou encore l’enseignement. Parmi les secteurs qui tiennent bon malgré la crise, il y a les télécoms, le BTP et les services financiers. Durant cette période, notre balance commerciale s’est également dégradée, car si nos importations ont chuté, nos exportations (phosphates, revenus du tourisme…) ont été encore plus affectées par le ralentissement de la demande de nos partenaires et par la fermeture des frontières. Le déficit du compte courant devrait s’établir cette année à 10 % du PIB, contre 9 % en 2019.

et en profiter pour le réformer. Actuellement, un industriel ne peut pas récupérer la TVA qu’il paie sur les intrants, car il n’y a pas de TVA sur les produits pharmaceutiques. Il faut que

Le gouvernement a annoncé en mai un plan de relance. De quoi s’agit-il ?

Il est important de renforcer notre souveraineté dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture, par exemple en produisant davantage de riz. Dans le cadre du plan de relance, nous avons augmenté de 50 % nos subventions et investissements pour la campagne agricole 2020-2021, en passant de 40 à 60 milliards de F CFA afin de permettre aux cultivateurs, notamment aux femmes et aux jeunes, d’acheter plus d’engrais, de semences et de matériels agricoles. Cela devrait nous permettre d’augmenter les rendements, d’autant que nous prévoyons pour l’hivernage une pluviométrie plus importante que celle de l’an passé. Nous voulons aussi appuyer le secteur pharmaceutique

À la Direction générale de la Planification et des Politiques économiques, à Dakar.

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

ès le 23 mars, le président Macky Sall a déclaré l’état d’urgence (prolongé jusqu’au 30 juin), fermé les frontières et instauré un couvre-feu pour contrer la progression de l’épidémie de Covid-19. Dans la foulée, il a annoncé l’adoption d’un Programme de résilience économique et social exceptionnel doté de 1 000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) pour aider les populations fragiles, mais aussi les entreprises, à surmonter cette période difficile. C’est Amadou Hott, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, qui veille en partie à son application. En première ligne face aux conséquences de l’épidémie, l’ex-banquier et ancien vice-président de la BAD doit également redéfinir les priorités de développement du pays à l’aune de cette crise sans précédent. Il répond aux questions de Jeune Afrique.


l’on trouve une formule pour rendre les choses plus équitables pour les producteurs locaux. Nous voulons aussi accélérer les délais pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché des nouveaux traitements et revoir le code de la pharmacie, qui oblige que, dans ce secteur, 51 % du capital des nouvelles entreprises soit détenu par des intérêts sénégalais publics ou privés. Nous pensons que c’est un frein à l’investissement. La souveraineté sanitaire passe aussi par un meilleur accès aux infrastructures de soins. L’État va mettre en place un plan quinquennal pour améliorer ce point et former davantage de personnel médical. Nous organiserons une table ronde des bailleurs de fonds pour nous aider dans ce domaine.

Nous évaluons l’investissement global à environ 1,5 milliard d’euros. C’est pourquoi nous avons accéléré la réforme qui vise à simplifier la loi PPP (partenariat public-privé) et à rendre ainsi la participation du secteur privé national plus importante. Il est évident que l’État ne pourra pas investir seul. Avant d’être au centre du plan de relance, l’agriculture était déjà un des piliers du Plan Sénégal émergent (PSE). Dans ce domaine, qu’il s’agisse des difficultés des huiliers ou de celles du pays pour atteindre l’autosuffisance en riz, les résultats sont mitigés. Que va faire le gouvernement ?

Concernant la production de riz, l’État, en plus de l’augmentation de ses subventions pour l’achat d’engrais, de semences de qualité, de matériels, va aussi, notamment par l’intermédiaire de la Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal [Saed], mettre plus de terres à la disposition des petits producteurs, et surtout des industriels. L’objectif est d’avoir davantage de sociétés comme la Compagnie agricole de Saint-Louis [CASL], qui vend 100 % de sa production sur le marché sénégalais. Avec cette stratégie, on doit pouvoir atteindre rapidement l’autosuffisance en riz. S’agissant du secteur de l’arachide, il est vrai que l’an dernier les transformateurs locaux ont eu des difficultés

CE MORATOIRE EST UNE BOUFFÉE D’OXYGÈNE POUR DE NOMBREUX PAYS. MAIS NOUS PENSONS QU’ON PEUT ALLER PLUS LOIN.

à s’approvisionner parce que les importateurs chinois ont acheté à des prix supérieurs à ceux fixés en début de campagne, pour le plus grand bonheur des cultivateurs. Il faut des réformes pour parvenir à un équilibre qui satisfasse toutes les parties prenantes et qui permette de créer plus de valeur ajoutée au Sénégal, en exportant des produits finis ou semi-finis plutôt que de l’arachide brute. Il faut soutenir les huiliers, car les acheteurs chinois ne pratiqueront peut-être pas toujours les mêmes prix. Pour que les industriels locaux offrent un meilleur tarif, il faut qu’ils améliorent leur compétitivité, par exemple en baissant leur facture énergétique. La Sonacos, le producteur d’huile historique du Sénégal, est-elle toujours destinée à être privatisée ?

C’est la volonté de l’État, mais le timing n’est pas arrêté. L’important est de rendre son outil industriel plus attrayant pour attirer des partenaires privés nationaux ou internationaux. Ensuite, nous pourrons envisager une privatisation partielle, totale ou un partenariat avec des intérêts privés.

Dans la crise actuelle, le Sénégal a-t-il besoin d’une annulation de sa dette ?

L’appel du président Macky Sall pour l’annulation de la dette ne concerne pas tous les pays. Cette initiative doit être étudiée au cas par cas en fonction de la vulnérabilité de chacun. Et cela pourrait porter sur les dettes publiques bilatérales (90 milliards de F CFA au titre de service de la dette pour l’année 2020). À la suite de cet appel, le G20 et le Club de Paris ont annoncé un moratoire sur 2020 qui pourrait être reconduit en 2021. Ensuite, ces sommes devront être remboursées sur quatre ans, avec un an de différé. Pour la dette commerciale (emprunts obligataires, dettes bancaires), le chef de l’État est favorable à la mise en place d’un mécanisme innovant. La communauté internationale pourrait, par exemple, créer un véhicule financier ad hoc qui puisse prêter des fonds

no3090 – JUILLET 2020

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OBJECTIF SÉNÉGAL

INTERVIEW sur vingt, vingt-cinq ans à des taux concessionnels ou semi-concessionnels pour rembourser ces créances commerciales dues sur 2020 et 2021. Dans le contexte actuel, les coûts de financement de tous les pays augmentent. En 2020 et en 2021, le service de la dette commerciale représentera pour l’Afrique subsaharienne environ 37 milliards de dollars. Le président Macky Sall a livré un plaidoyer en ce sens. Ce dispositif donnerait au pays plus de marge budgétaire et nous permettrait de rembourser avec un taux d’intérêt plus faible. Mais le Sénégal a pris toutes les dispositions pour payer ses dettes, comme il l’a toujours fait. Que pensez-vous de la réaction des institutions internationales durant cette crise vis-à-vis de l’Afrique ?

On se réjouit de la première réaction du G20 et du Club de Paris, mais nous pensons que l’on peut aller plus loin. L’annulation d’une dette prend plus de temps. On l’a vu à la fin des années 1990 et dans les années 2000. Ce moratoire est une bouffée d’oxygène pour de nombreux pays.

Certains investissements prévus dans le cadre du PSE vont-ils être décalés dans le temps ?

C’est nécessaire pour financer le programme de résilience économique et sociale. Nous avons surtout réduit les dépenses de fonctionnement, mais aussi repoussé quelques dépenses d’investissement, ce qui

nous a permis de dégager une enveloppe de 159 milliards de F CFA. Mais il y a des projets prioritaires, comme le TER, certains aménagements routiers ou encore des réalisations dans les secteurs de la santé et de l’agriculture, qui se poursuivront comme prévu. Nous conduisons actuellement une revue du Plan d’actions prioritaires 2019-2023. Au mois de juillet, nous pourrons dresser la liste des projets concernés. La crise du Covid va-t-elle amener le Sénégal à modifier ses objectifs de développement ?

Ce qui est important pour nous, c’est d’atteindre la souveraineté alimentaire, pharmaceutique et sanitaire. Une autre priorité porte sur la création d’emplois. Nous comptons beaucoup sur le secteur agroalimentaire, avec la mise en place d’agropoles. Trois sont en projet. L’une sera installée dans le sud pour dynamiser la région de la Casamance, par exemple en transformant des mangues et de l’anacarde. La partie publique du financement est bouclée en partenariat avec la BAD et la BID. Nous avons maintenant besoin de financements privés. Pour y parvenir, il faudra des réformes, offrir des incitations. Nous voulons également réorienter les investissements vers la manufacture de certains produits (textile, médicaments, agroalimentaire…) pour que les pays qui voudraient diversifier leurs sources

d’approvisionnement puissent le faire au Sénégal. Cela passe par la construction de nouveaux parcs industriels. L’État l’a déjà fait. À Diamniadio, 4 000 emplois ont été créés, et nous allons financer une deuxième phase d’extension de cette zone économique spéciale [ZES]. Le privé doit désormais prendre le relais, comme c’est le cas pour la ZES développée par la commune de Sandiara. Des opérateurs privés y ont déjà investi 42 milliards de F CFA et plus de 100 milliards d’investissements y sont attendus d’ici à l’an prochain. Comment va Air Sénégal, qui était encore en phase de décollage quand s’est propagée la pandémie ?

C’est une période difficile. Comme toutes les compagnies au monde, Air Sénégal a été affectée par la fermeture de l’espace aérien. Elle est obligée de revoir son programme d’investissement, de réduire ses coûts. Son management doit nous présenter un plan stratégique révisé. Mais la période à venir va aussi lui offrir des opportunités en matière de location d’avions, de recrutement de personnel qualifié à moindre coût. L’État doit pouvoir continuer à accompagner la compagnie, parce que celle-ci n’est pas seulement importante pour le rayonnement du Sénégal, c’est aussi un outil économique qui doit contribuer à faire de notre pays un hub de services et lui permettre d’accueillir plus de touristes.

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PUBLI-INFORMATION

Le Président Macky Sall aux côtés de la diaspora sénégalaise La 15ème région du Sénégal �igure en bonne place dans le Plan de résilience mis en place par Son Excellence, Monsieur le Président Macky Sall, pour faire face aux effets de la Covid-19. En effet, sur instruction du Chef de l’État, le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a élaboré un plan sectoriel de contingence de 12 milliards 500 millions F CFA pour assister, soutenir et protéger les Sénégalais de l’extérieur, établis dans les pays touchés par la Covid-19, qui se retrouvent aujourd’hui dans une situation de vulnérabilité. Ce plan, patriotique, a instauré un appui �inancier direct aux compatriotes établis à l’étranger impactés et aux familles des victimes. En plus de cet appui, et toujours sous l’autorité de son Excellence, Monsieur le Président de la République, l’ensemble des représentations diplomatiques du Sénégal s’est mobilisé aux côtés de nos compatriotes établis à l’étranger. Aussi, plusieurs vols de rapatriements sont organisés pour ceux qui, parmi eux, formulent le besoin de rentrer au pays. Vingt-quatre pays sont concernés par ces opérations sur une période comprise entre le 28 mai et le 3 juillet 2020. Le même accompagnement a été mis en œuvre pour rapatrier les dépouilles des victimes du coronavirus.

Le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'Extérieur Amadou Ba et Moïse Sarr, secrétaire d'État en charge des Sénégalais de l'Extérieur. http://www.diplomatie.gouv.sn

ACCÈS UNIVERSEL À L’ÉLECTRICITÉ Excellec SA, une ambition au service du PSE

« Mon ambition, c’est de faire du Sénégal d’ici 2025, la lumière de l’Afrique », assurait le Président Sall. Cette noble vision du Chef de l’État est en passe d’être matérialisée par Excellec Sa, fruit d’un partenariat entre la Société nationale d’électricité (Senelec) et le privé, Papa Aly Guèye qui compte apporter sa pierre à l’édifice. Depuis son lancement, Excellec a apporté la lumière dans 1500 villages du Sénégal et, bientôt, 800 autres, situés dans des zones très reculées, seront connectés. « Le Président Macky Sall est un homme de vision car toutes ses actions sont inscrites dans la postérité », affirme Papa Aly Guèye. En plus d’accompagner Senelec dans la densification et la modernisation de son réseau, Excellec Sa a permis de créer plus de 700 emplois directs et 10.000 emplois indirects dans les localités touchées par ses projets. Excellec est assurément une ambition locale au service du Plan Sénégal Émergent (PSE).

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OBJECTIF SÉNÉGAL

PÉTROLE ET GAZ Image de synthèse de la future unité flottante de BP sur le champ gazéifère offshore de Grand Tortue-Ahmeyim.

BP

Dakar muscle Petrosen Pour optimiser son entrée dans le club des producteurs africains d’hydrocarbures, l’État, qui nourrit aussi de grandes ambitions dans l’aval, a totalement réorganisé l’entreprise publique.

L

JULIEN CLÉMENÇOT, ENVOYÉ SPÉCIAL À DAKAR

«

es ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie », récite Manar Sall, directeur général de la nouvelle branche aval de Petrosen, l’entreprise publique pétrolière. Introduit en 2016 dans la Constitution sénégalaise, l’article 25-1 sert de feuille de route au gouvernement au moment où le pays se prépare à un développement spectaculaire de sa production d’hydrocarbures. Les champs gazéifères de Grand Tortue-Ahmeyim et de Yakaar, exploités par la major britannique BP, devraient entrer en production en 2023, tout comme le gisement pétrolifère de Sangomar, confié à la compagnie australienne Woodside. C’est Petrosen qui représente les intérêts de l’État dans ces deux projets.

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Au début de l’année, le gouvernement a totalement revu l’organisation de la société nationale en créant deux filiales placées sous la responsabilité de Mamadou Faye, directeur général de Petrosen depuis 2012. La première, chargée de l’exploration et de la production (E&P), a été confiée à Joseph Oufam Medou, jusque-là numéro deux de l’entreprise publique. La seconde, spécialisée dans les activités de distribution, Petrosen Trading & Services, est pilotée par Manar Sall, qui, il y a encore quelques mois, conseillait le ministre du Pétrole. Petrosen E&P continuera à assurer la promotion du bassin sédimentaire. « Tout le travail mené depuis les premières découvertes, en 2014, est remarquable », souligne Manar Sall. Au cours du premier semestre, ses équipes se sont rendues au Cap, à Londres et à Houston pour présenter aux investisseurs douze blocs que le gouvernement souhaite vendre. Des gisements dont l’État pourra

détenir jusqu’à 30 %, selon le code des hydrocarbures adopté l’an dernier. Petrosen possède aujourd’hui 20 % de la partie sénégalaise de Grand TortueAhmeyim et 18 % de Sangomar. Pour négocier les contrats avec les pétroliers, faire certifier les réserves et diligenter des études, Dakar a notamment bénéficié de l’appui financier de la Banque mondiale à hauteur de 29 millions de dollars (25,7 millions d’euros). Pour le Sénégal, devenir producteur de pétrole représente bien sûr l’opportunité de retirer d’importants bénéfices de son sous-sol, mais aussi de repenser l’ensemble de son secteur énergétique. Si les délestages sont devenus exceptionnels depuis quelques années, la facture payée par l’État pour la fourniture de l’électricité se révèle très élevée. Chaque année, il doit verser près de 100 milliards de F CFA (près de 152 millions d’euros) à la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec), qui vend son énergie à perte malgré la récente


augmentation des tarifs. Cette situation devrait prendre fin avec l’entrée en production d’une future centrale de 250 MW, à laquelle il faut ajouter différents projets éoliens et solaires. Grâce à l’accès à un gaz bon marché, le gouvernement espère faire passer le coût de production du kWh de 110 F CFA à moins de 80 F CFA. Cette baisse de la facture énergétique doit aussi permettre d’améliorer l’accès des populations à l’électricité. L’objectif est d’atteindre un taux d’électrification de 100 % d’ici à 2025 – celui-ci n’atteignait que 53 % en 2018. Pour cela, Petrosen Trading & Services jouera un rôle important en détenant 43 % du futur réseau de pipelines : 470 km de tuyaux permettant de transporter le gaz à travers le pays, notamment jusqu’à la future centrale de 250 MW. L’entreprise chargée de sa gestion a été créée

et le chantier pourra commencer quand les partenaires stratégiques et financiers, qui détiendront une part du capital, auront été sélectionnés.

FORT DE CE NOUVEAU STATUT, LE SÉNÉGAL VA POUVOIR REPENSER L’ENSEMBLE DE SON SECTEUR ÉNERGÉTIQUE. Aucune date n’est, pour le moment, communiquée. Comme sur tous ses projets, Petrosen a travaillé au ralenti depuis le début de l’épidémie de Covid-19 dans le pays.

Réseaux de distribution

Détentrice de 46 % de la Société africaine de raffinage (SAR), la filiale aval de l’entreprise publique entend par ailleurs opérer une percée dans le

secteur de la distribution de produits pétroliers. Une activité dont l’État sénégalais est aujourd’hui totalement absent. Ce marché, estimé à 1 100 milliards de F CFA, comprend la livraison de produits raffinés aux grands industriels, aux compagnies aériennes, aux armateurs, ainsi que la fourniture de carburant et de gaz domestique aux ménages. L’entreprise publique souhaite notamment développer son propre réseau de stations-service. Ce secteur est actuellement dominé par Total, Vivo, Ola Energy (ex-OiLibya) et Oryx, lesquels trustent 70 % des ventes. Même si le président Macky Sall ne lui a pas assigné d’objectif financier, Manar Sall, ancien cadre d’Exxon et d’OiLibya, a pour mission de dynamiser le marché. « Tous les acteurs vendent leurs produits au prix plafond fixé par l’État – qui entend maintenant s’assurer qu’il y aura une saine concurrence », décrypte une source proche du dossier.


OBJECTIF SÉNÉGAL

UN CAFÉ AVEC…

Serigne Mboup Un patron made in Kaolack JULIEN CLÉMENÇOT, ENVOYÉ SPÉCIAL À DAKAR

S

erigne Mboup n’a pas de parti derrière lui, pas d’expérience en politique, mais il est bien décidé à conquérir la mairie de Kaolack, cinquième ville du pays avec ses 600000 habitants. Initialement prévues en 2019, les élections locales auront finalement lieu au plus tard en mars 2021. Le PDG du groupe CCBM (Comptoir commercial Bara Mboup), poids lourd de l’économie nationale, défiera Mariama Sarr, ministre de la Fonction publique, fidèle soutien du président Macky Sall, actuellement à la tête du conseil municipal. « J’en ai discuté avec le chef de l’État au cours de l’audience qu’il m’a accordée. Mon ambition à Kaolack est de participer au développement économique et j’espère avoir son soutien si je suis élu », précise l’intéressé. À 53 ans, l’homme d’affaires à l’allure toujours juvénile reste fidèle à sa région d’origine. Il y a construit des usines (textile et de transformation d’arachide), créé avec la chambre de commerce, qu’il dirige depuis 2010, une foire commerciale qui draine des centaines de milliers de visiteurs et installé le siège de ses médias, dont la chaîne Télévision régionale du Saloum (TRS), diffusée sur la TNT. C’est néanmoins depuis la capitale qu’il gère le plus souvent ses affaires. Il nous y avait reçu à la fin de février, affable et souriant. Plus amateur de thé que d’expresso, il nous avait proposé un café soluble pour accompagner notre discussion à bâtons rompus. Depuis, la crise du Covid-19 a ébranlé son groupe comme le reste de l’économie nationale. « Je ne veux pas donner de chiffre. Il est sûr que cette année nos résultats vont être en baisse. Nous visons l’année prochaine un retour à la normale, avec un chiffre d’affaires aux alentours de 40 milliards de F CFA (61 millions d’euros) », assurait à la fin de mai le chef d’entreprise. Malgré le ralentissement de l’activité, son groupe continue de verser les salaires de ses 800 employés. Fondé par son père en 1992, CCBM est le distributeur au Sénégal du géant Samsung ainsi que des constructeurs Volkswagen, Foton Motors et Great Wall Motors. Le groupe était très dépendant des commandes publiques sous la présidence d’Abdoulaye Wade (2000-2012). Serigne Mboup assure avoir depuis réinventé son modèle en baissant la part des automobiles dans ses ventes au profit

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no3090 – JUILLET 2020

des camions et des engins. L’État ne représenterait plus que 5 % des revenus de CCBM. En parallèle, l’homme d’affaires se focalise depuis quelques années sur le renforcement de ses activités industrielles. Il assemble déjà une centaine de camions et d’engins Foton par an, aimerait que Volkswagen l’accompagne pour construire une usine de montage de voitures et veut produire les téléphones portables, les télévisions et l’électroménager qu’il vend sous la marque Serico. « Fabriquer localement est une nécessité, c’est une des leçons de la pandémie », insiste-t-il aujourd’hui. Si, en début d’année, il envisageait de reprendre ses investissements dans le secteur agricole (riz) et d’ouvrir un bureau de représentation à Abidjan afin d’accélérer le volume de ses exportations (un peu plus de 10 % du chiffre d’affaires de CCBM), certains projets vont devoir être reportés. Dans l’immédiat, il accélère la transformation digitale de son groupe pour mieux gérer le télétravail de ses collaborateurs et interconnecter son système de gestion avec ceux de ses fournisseurs.

Défense des intérêts nationaux

En tant que président de l’Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal, Serigne Mboup milite plus que jamais pour que ces organismes consulaires soient le principal organe de dialogue des entreprises avec l’État. « Aujourd’hui le patronat est trop divisé », insiste-t-il. Dans la situation actuelle, il est notamment préoccupé par le devenir des TPE et PME, en particulier celles dont les activités sont informelles et qui se sentent totalement oubliée par les mesures d’accompagnement prises par les pouvoirs publics. « Au-delà du Covid, il faut les aider à formaliser leur existence, car c’est le seul moyen pour elles de se développer », plaide-t-il.


JULIEN CLÉMENÇOT POUR JA

Devant le portrait de son père, fondateur du groupe CCBM.

SON PARCOURS DÉTONNE PARMI LES CAPITAINES D’INDUSTRIE ET LUI CONFÈRE UNE VÉRITABLE AURA AUPRÈS DE SES CONCITOYENS.

Si sa voix porte auprès des politiques, c’est parce que son parcours détonne dans le cénacle actuel des capitaines d’industrie. Il lui confère une véritable aura auprès de ses concitoyens. Pas d’études supérieures prestigieuses pour ce fils de commerçant, mais, comme pour la majorité des petits patrons, un apprentissage traditionnel à l’école coranique. Loin d’en être sorti pétri de certitudes, le natif de Kaolack fait au contraire preuve de pragmatisme, n’hésitant pas à s’entourer de collaborateurs aux cursus plus académiques. Cela explique sa prudence sur des sujets comme le remplacement du franc CFA par l’eco ou la mise en place d’une zone de libre-échange continentale. Son francparler et sa fortune sont aussi pour beaucoup dans sa popularité. En 2014, un classement le faisait figurer parmi les trois Sénégalais les plus riches, avec un patrimoine de 400 milliards de F CFA (6,1 milliards d’euros). « C’était faux, et cela m’a causé beaucoup de problèmes avec les gens qui me devaient de l’argent comme avec les banques à qui je demandais des financements », regrette-t-il encore. Après plus d’une heure d’entretien, au cours duquel notre hôte a souvent défendu avec conviction sa vision de l’économie, soulignant l’importance de préserver les intérêts nationaux face aux investisseurs étrangers, l’homme d’affaires insiste une dernière fois sur l’importance de l’industrialisation. « Avant qu’elle ait des centres de recherche de classe mondiale, c’est grâce aux usines que la Corée du Sud a commencé son ascension », conclut-il.

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OBJECTIF SÉNÉGAL

SPORT

Extension du domaine de la lutte Ces combattants ont été « rois des arènes » ou rêvent de le devenir. Pour s’offrir une visibilité internationale, ils se tournent désormais vers les arts martiaux mixtes.

I

MANON LAPLACE, À DAKAR

ls ont balancé leurs premières frappes sur les plages de Mbour, dans les espaces en friche des îles du Saloum ou sur un carré de sable de leur quartier populaire dakarois. Aujourd’hui, ils se frottent à l’octogone, cette cage grillagée où s’affrontent boxeurs, judokas et pugilistes du monde entier. Qu’ils soient des combattants confirmés, un temps « rois des arènes », comme l’a été l’illustre Bombardier, ou des phénomènes montants tels que les jeunes Siteu et Reug Reug, les lutteurs

sénégalais cèdent aux sirènes des ligues des arts martiaux mixtes (MMA) étrangères, outre-Atlantique ou en Europe, où la discipline s’est professionnalisée ces dernières années. Si les plus jeunes y voient un moyen de franchir une étape, dans une discipline où les « stars » rechignent parfois à affronter les novices, tous espèrent un tremplin vers une notoriété transcendant les frontières ouest-africaines. Rencontre avec ces colosses des arènes qui réinventent la lutte traditionnelle.

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Reug Reug,

vivoter en remportant « tous [ses] combats », à tel point qu’on le somme gentiment de rentrer à Dakar, « pour laisser une chance aux autres ». Six ans plus tard, ce jeune de Thiaroye, dans la périphérie de la capitale, « n’a toujours que la victoire en tête ». « Je ne sors pas et je m’entraîne tout le temps. Le sport, c’est toute ma vie. » Davantage technique et endurant que la plupart des lutteurs plus lourds, Reug Reug « ne craint personne ». Il faut dire « qu’il s’est préparé à tout ». Dans le Saloum, alors qu’il enchaînait les corps-à-corps, ses adversaires étaient tirés au hasard à chaque tournoi, si bien qu’il ne savait jamais quel genre de lutteur il allait affronter. « Cela m’a appris à faire face à tous les types de combattants. Aujourd’hui, quand je vais au combat, je ne regarde jamais à l’avance comment se bat mon adversaire. » Excès de confiance ou détermination absolue ? « Sans doute un peu des deux », admet-il. Toujours est-il que la formule, jusqu’ici, ne l’a jamais trahi. M.L.

Siteu,

le phénomène de Lansar

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

Pour se mettre en jambes, Oumar Kane, alias Reug Reug, soulève devant nous 70 kg avec la facilité de quelqu’un qui aurait les mains vides. Il tire tout de même un peu la langue quand la barre d’haltère se charge de 130 kg supplémentaires, grimpant à 200 kg. Il faut dire que le lutteur a encore quelques douleurs à l’épaule droite après un mauvais coup pris la veille lors d’une session de kickboxing, mais il en faut plus pour mettre en difficulté ce mastodonte de 1,90 m pour 130 kg. Pas le choix. Pour Reug Reug, quinze combats de lutte et aucune défaite au compteur (il a tout de même concédé deux nuls), il faut aller toujours plus loin. Lutteurs de père en fils, les Kane ont une mentalité de champion et goûtent peu l’idée d’une place de second. Dans l’arène, mais pas seulement. Reug Reug a beau n’avoir mené qu’un seul combat de MMA, son apparition en décembre 2019 a été très remarquée dans le milieu des arts martiaux mixtes. Lors de leur face-à-face à Dakar, le géant n’a laissé aucune chance au boxeur franco-marocain Sofiane Boukichou, mis K.-O. dès le début du second round. Le public dakarois se découvre un nouveau champion, les commentateurs internationaux magnifient « l’un des plus beaux débuts en MMA », et Reug Reug se rêve un destin de champion du monde, espérant endosser la ceinture d’ici à cinq ans. Peut-être y pensait-il déjà à 22 ans, lorsqu’il a quitté le domicile familial pour partir seul « en brousse », vers les îles du Saloum, dans le centre du pays, connues pour leurs mbapatt, des tournois de lutte traditionnelle. Il y reste deux ans, gagne de quoi se nourrir et

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

l’Hercule de Thiaroye

Siteu est du genre populaire. Adolescent déjà, dans le quartier de Diamaguène dans la banlieue de Dakar, où il a disputé ses premiers combats, il charriait derrière lui les gamins du quartier et les promoteurs désireux de miser sur lui. Repéré en 2006, celui que l’on surnomme « le phénomène de Lansar » est, à 32 ans, l’un des meilleurs espoirs de sa génération. Plus sec, moins épais que les colosses que l’on a l’habitude de voir dans l’arène, malgré 1,92 m et 130 kg, Siteu est un touche-à-tout. Aussi loin que remontent ses souvenirs, dit-il, il y a la lutte, reçue en héritage à travers ses origines sérères, ethnie de lutteurs, et par son oncle, l’ex-champion d’Afrique de lutte sans frappe Yakhya Diop, plus connu sous le pseudonyme

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OBJECTIF SÉNÉGAL

SPORTS de Yékini. Et des statistiques qui parlent pour lui, avec onze victoires sur quinze combats. « Ceux que j’ai perdus, c’est parce que j’avais sous-estimé l’adversaire, pas parce qu’il était plus fort », tient-il à préciser. Depuis un an, c’est dans un octogone qu’il s’épanouit. Il a fait ses premiers pas en ligue professionnelle en juin 2019 aux États-Unis, terrassant son adversaire en quelques secondes seulement. En février 2020, il réitère l’exploit à l’occasion d’un deuxième affrontement. « Siteu est polyvalent dans sa manière de combattre. Il peut tout faire et il apprend très vite », commente son manager outre-Atlantique. Le lutteur, lui, veut croire en la complémentarité des disciplines qu’il pratique: « Le MMA m’aide pour la frappe, la lutte pour les prises. » Et ce ne sont pas ses adversaires, hissés du sol jusqu’à hauteur d’épaules puis assommés de coups jusqu’au K.-O., qui diront le contraire. Depuis, le Sénégalais passe la moitié de l’année

à Los Angeles, où il est entraîné au MMA par le quintuple champion du monde de muay-thaï, Kru William. Pour ce gamin de banlieue qui a choisi de rester vivre dans son quartier d’origine, c’est « une manière de montrer aux enfants qu’il y a des perspectives. Mais, pour cela, il faut de la discipline et du travail », poursuit-il. De la discipline, Siteu n’en manque pas. Celui qui fut un temps tailleur se lève tous les jours avant le soleil. À 5 heures, en guise de petit déjeuner, il gravit les dunes de sable bordées par l’Atlantique, « pour renforcer les jambes », avant de s’adonner à quelques combats de lutte sur la plage et d’enchaîner les séances de musculation, deux fois par jour. Une détermination sans faille que l’on retrouve lors des combats. Une fois qu’il a posé les yeux sur son adversaire, Siteu est « dans un autre monde », inatteignable et impavide. M.L.

Bombardier,

Des airs de chérubin sous une allure de titan. Ousmane Dia, que l’on connaît mieux sous le nom de Bombardier, est un personnage hors norme. Depuis les années 1990, ce natif de Mbour, port de pêche de la Petite Côte au sud de Dakar, a gravi tous les échelons de la lutte. Depuis les pirogues sur lesquelles il partait en mer dès l’âge de 12 ans, il gagne progressivement l’arène. Il défie d’abord des amis, avant d’être repéré par le Comité national de gestion de la lutte (CNG). De victoire en victoire, de frappes lourdes en prises imparables, il décroche en 2002 le titre officiel de « roi des arènes », qu’il conservera jusqu’en 2004. Il a alors 26 ans. La force de ses poings lui vaut d’être le meilleur de sa génération. Il doit sa puissance à un physique colossal, 1,98 m pour 150 kg, et a une discipline de fer. À force d’entraînement et d’apprentissage

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SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

le doyen des arènes

de techniques de lutte qu’il va glaner jusqu’en Turquie, il revient en force en 2014 et accomplit l’exploit d’être à nouveau couronné. Une première au Sénégal. Aujourd’hui âgé de 4 3 ans, Bombardier est à deux ans de l’âge limite fixé par le CNG pour continuer à lutter dans l’arène. Mais il a déjà commencé à préparer l’après, en se lançant en 2018 dans les arts martiaux mixtes. Celui qui a fourbi ses armes sur les plages de Mbour brille désormais dans l’octogone.

L’issue de son premier duel face à Rocky Balboa, un combattant sénégalais de MMA, est sans appel. B52, autre surnom de Bombardier, matraque son adversaire en soixantedix secondes, sans jamais lui laisser l’occasion de répliquer. Même topo en mars dernier, face au champion britannique Daniel Podmore, victime des poings surpuissants du Sénégalais. Déjà star au Pays de la teranga, celui-ci écrit désormais sa légende à l’étranger. M.L.



OBJECTIF SÉNÉGAL

Tribune

Saisir les opportunités du big data par la formation Omar Thiam

Directeur de l’école de management du groupe ISM

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epuis vingt ans, nous assistons à une profusion de données générées par les réseaux informatiques, les réseaux sociaux et tous les objets connectés tels que les smartphones. Le stockage et l’exploitation de données massives ont conduit à l’émergence d’une nouvelle application à la fois informatique et mathématique, le big data. En Afrique, certains grands groupes s’orientent déjà vers ce domaine. Selon une étude réalisée par IBM et IDG Connect, cinq pays se démarquent par leur capacité à mettre en œuvre des applications à grande échelle dans un futur proche. Il s’agit de l’Afrique du Sud, du Kenya, de l’Égypte, du Maroc et du Nigeria. Quant au Sénégal, des initiatives telles que l’organisation du challenge Data for Development (D4D) et différents forums sur l’intelligence artificielle existent pour sensibiliser les acteurs. Le big data dispose d’un fort potentiel de transformation du secteur des services et de l’industrie car il permet d’optimiser les processus décisionnels et crée de la valeur économique par la mise en évidence d’indicateurs de performance. À travers le Plan Sénégal émergent (PSE), le pays a placé la création d’emplois au cœur de ses priorités. Pour relever ce défi, il est nécessaire d’explorer de nouveaux leviers de croissance, notamment dans le domaine du numérique. En ce sens, les applications du big data représentent une opportunité réelle. Compte tenu des atouts du Sénégal, à savoir la disponibilité du réseau de téléphonie, la souplesse de la fiscalité et le dynamisme de la classe moyenne, le secteur du numérique peut être placé au cœur du dispositif de lutte contre le chômage des jeunes diplômés. Pour relever ce challenge, il faudra préparer les ressources humaines avec une offre de formation adaptée et respectant les standards internationaux ainsi que par une incitation à l’apprentissage des Stem (science, technologie, ingénierie et mathématiques) dès l’enseignement primaire. La prise en compte du phénomène s’articule avec la vision du Plan Sénégal émergent et consiste à « réorienter le système éducatif et l’enseignement vers

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les sciences, la technologie et la formation professionnelle au service du développement ». La mise en œuvre du big data requiert des compétences qui font l’interface entre l’informatique et les mathématiques appliquées à la statistique. Elle débouche sur les filières certifiantes, les masters spécialisés, les troisièmes cycles en recherche appliquée et la formation continue. Les métiers qui en découlent sont: architecte informaticien, développeur, traffic manager, data scientist, architecte web, etc.

Tremplin vers l’emploi

Pour l’heure, nous pouvons déjà noter quelques initiatives. Le groupe ISM propose au Sénégal un parcours complet en master « big data & data stratégie », tout en organisant des « journées portes ouvertes » en coding destinées à des élèves de primaire. L’Université virtuelle du Sénégal (UVS), en partenariat avec l’Insa Rouen, développe un parcours complet « big data analytics » pour toucher un public plus large. Avec l’ouverture prochaine d’une école 42 au Sénégal, Xavier Niel, le fondateur de l’opérateur Free, compte faire du pays un hub pour couvrir l’Afrique francophone. Ces différentes formations viendront à court et à moyen termes en aide aux entreprises qui ne parviennent pas à recruter suffisamment de professionnels qualifiés dans le domaine de l’informatique. Ce type d’offre est fortement encouragé par le Fonds de formation professionnelle et technique (3FPT) mis en place par l’État du Sénégal depuis 2014, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) et de la Banque mondiale, pour accorder des financements aux étudiants et professionnels pour des formations techniques et spécifiques. Donner les moyens aux femmes d’être présentes dans les domaines d’études et les carrières Stem constitue un impératif et une solution sur le long terme. L’encouragement des femmes à se former dans ces secteurs, notamment appuyé par le bureau régional de l’Unesco à Dakar, permettra d’augmenter sensiblement le nombre de futurs diplômés dont ont grandement besoin nos entreprises.


COMMUNIQUÉ

LES TRANSPORTS ROUTIERS SÉNÉGALAIS FACE AU COVID-19 UN PLAN DE RIPOSTE À LA HAUTEUR DES ATTENTES

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ès l’apparition du premier cas de coronavirus au Sénégal, le Président de la République a instruit le Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement de prendre des mesures qui ont évolué en fonction de la courbe épidémique.

Le 04 Juin 2020, sur instruction toujours de son Excellence le Président de la République, il a été décidé la levée de l’interdiction du transport interurbain avec de nouvelles mesures d’accompagnement qui a produit des résultats salués par tous.

Dès le 24 mars, après la déclaration du Président de la République, annonçant l’État d’urgence accompagné d’un couvre-feu allant de 19 heures à 6 heures du matin, les mesures de restrictions ont été appliquées au niveau des transports routiers en concertation avec tous les acteurs. Mieux, dans le cadre de l’appui financier aux secteurs impactés par la COVID-19, à travers les fonds du « FORCE COVID-19 », l’État a versé 8 milliards 250 millions, aux divers segments des transports routiers pendant une période de trois mois, réparti comme suit : transports interurbains 1,8 milliards F CFA ; AFTU 2,1 milliards F CFA; Dakar Dem Dikk 2,250 milliards F CFA ; taxis urbains et AIBD 450 millions F CFA ; gares routières 600 millions F CFA ; Ndiaga Ndiaye et cars rapides 300 millions ; auto-écoles 150 millions F CFA ; motos Jakarta 450 millions F CFA ; matériels et équipements sanitaires 150 millions F CFA.

Perspectives post Covid-19

Après un assouplissement des mesures, décidé par son Excellence, Monsieur le Président de la République, le 11 mai 2020, un arrêté n° 009869 modifiant l’arrêté n° 008231 du 25 mars 2020 a été pris. Il limitait le nombre de passagers à bord des véhicules de transport public urbain de voyageurs au nombre de places assises ; ainsi que le nombre de passagers à bord des taxis urbains et des véhicules particuliers de cinq places a été porté de trois à quatre.

La pandémie a permis de constater les points de vulnérabilité du secteur et des services de transports. Pour y remédier rapidement, une nouvelle loi d’orientation des transports terrestres a été adoptée le 27 mai 2020, en conseil des ministres. Elle prévoit, entre autres, la création d’un Conseil national des transports terrestres qui sera une instance de dialogue inclusif et participatif, où les acteurs pourront de façon organisée et solidaire apporter leurs contributions permanentes à l’édification d’un système de transports terrestres robuste, résilient et moderne. La création d’un fonds de développement des transports terrestres prévu dans ledit projet de loi sera un levier important de financement durable dans la modernisation des services de transport. Avec un budget annuel de 40 milliards de F CFA par an, ce fonds permettra de renouveler le parc et de rénover les gares routières du Sénégal. De plus, un décret portant création de l’Agence nationale de la sécurité routière est déjà dans un processus d’adoption. Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement http://www.mittd.gouv.sn


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