son objectif initial à cet horizon. En Côte d’Ivoire et au Cameroun, ses deux principaux marchés, la solution a particulièrement pris. La Côte d’Ivoire totalisait déjà plus de 3 500 points de vente deux ans après son lancement, en 2019. Un chiffre qui a doublé à la fin de l’année 2021. Quant au Cameroun, ce sont pas moins de 5 000 distributeurs de Yup qui ont fini par voir le jour, quand l’objectif initial pour l’ensemble des huit marchés de la société s’élevait, lui, à 8 000 points de vente. Mais derrière ces chiffres, la réalité est tout autre. Déjà, le portefeuille de clients actifs ne comportait que 1 million de comptes. Ensuite, en matière de rentabilité, si Société Générale ciblait un seuil de profitabilité « important » pour justifier les 20 millions d’euros investis par le holding français pour développer ce service, il n’a jamais été atteint. « Il aurait fallu atteindre une taille critique de plus de 5 millions de clients pour cela », avance un cadre du groupe qui préfère conserver l’anonymat. « Le déficit était significatif et structurel, c’est ce qui nous a amenés à prendre cette décision », confirme de son côté Philippe Amestoy, le directeur délégué des réseaux bancaires internationaux, région Afrique, bassin méditerranéen et outre-mer du groupe, sans donner de chiffres.
« L’arrivée de nouveaux concurrents a provoqué une très forte baisse des prix que nous ne pouvions pas anticiper. » Ce dernier se veut lucide sur les raisons de cet échec. « Deux constats se sont imposés à nous : nous ne voulions pas transiger avec nos standards de conformité. En outre, l’arrivée de nouveaux concurrents a provoqué une très forte baisse des prix que nous ne pouvions pas anticiper », soutient-il. En effet, s’agissant du premier constat, Société Générale
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JEUNE AFRIQUE – N° 3112 – MAI 2022
DOSSIER BANQUES
Ce projet d’innovation bancaire avait été lancé sur le continent en 2019.
avait décidé de faire de Yup une filiale à part entière qui fonctionnait comme une société d’émission et de distribution de monnaie électronique. À ce titre, elle était soumise à la réglementation applicable aux banques, et notamment la fameuse KYC (Know Your Customer).
La « déferlante Wave »
La procédure qui permet à une banque d’identifier un client est en réalité assez exigeante : contrôle des données au regard des lois anti blanchiment et anticorruption, établissement d’un profil de risque de crédit… Là où les concurrents de Yup, comme Orange Money – le service de transfert d’argent et de paiement mobile du groupe de télécoms Orange –, sont considérés comme de simples opérateurs. Donc non soumis aux réglementations bancaires. Et d’ailleurs, l’argument principal pour l’institution financière française, qui a enregistré un résultat net en forte progression en 2021,
à 5,6 milliards d’euros, et qui est établie dans 19 pays en Afrique, reste la concurrence. Entendre la « déferlante Wave », qui s’est imposée en 2020 sur le continent. Wave, la start-up américano-sénégalaise spécialisée dans les transactions à bas coût, qui a cassé les prix au point de mettre également à mal Orange. Les efforts faits par le groupe français tant sur les prix que sur les volumes n’ont visiblement pas suffi pour stopper l’hémorragie. Société Générale n’entend, malgré tout, pas totalement déserter ce créneau. Et ce en dépit de l’échec de Yup, qui survient après celui, il y a deux ans, de Manko, son concept bancaire destiné à atteindre le secteur informel africain. « Le besoin existe toujours. Nous réfléchirons à la manière de proposer la distribution de ce type de service, pas forcément sous la forme de produits maison, mais plutôt dans le cadre de notre stratégie d’open-banking », souligne Philippe Amestoy.