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Managem joue la carte ouest-africaine

Après s’être lancé en Guinée, le groupe marocain a racheté plusieurs projets aurifères dans la sous-région, avec pour objectif de doubler sa production dans les prochaines années. Décryptage.

BILAL MOUSJID

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Manag em mar que un nouveau tournant dans sa stratégie aurifère. Le groupe minier marocain a signé, le 19 décembre 2022, un accord avec la compagnie canadienne Iamgold pour lui racheter plusieurs actifs stratégiques au Sénégal, en Guinée et au Mali. Une transaction de 280 millions de dollars (265 millions d’euros) qui permet à la filiale du holding royal Al Mada de mettre la main sur trois gisements aurifères dont les ressources sont estimées à 155 tonnes (t) d’or, soit plus de vingt fois la production du groupe en 2022.

Au Sénégal, où l’entreprise, cotée à la Bourse de Casablanca, fait sa première incursion, l’un des projets acquis (Boto, détenu à 10 % par l’État sénégalais) recèle à lui seul une réservede50td’or.AuMali,Managem a fait l’acquisition des actifs de Diakha-Siribaya,unprojetquidispose de huit permis d’exploration sur une superficie totale de près de 600 km2 . Autre projet aurifère qui entre dans le giron du groupe : Karita, situé dans le nord-est de la Guinée, avec un permis d’exploration qui s’étale sur une surface de 100 km2

« Cette acquisition concrétise la stratégie amorcée depuis quelques années pour renforcer notre présence dans l’or et équilibrer notre portefeuille entre les autres métaux. L’or étant une valeur refuge importante, un portefeuille équilibré nous permet de construire une assise plus pérenne Cela ne peut se faire qu’en atteignant une taille critique », confie à Jeune Afrique le PDG de Managem, Imad Toumi.

Exploration et acquisitions

Déjà présente dans huit pays du continent en plus du Maroc, la filiale d’Al Mada exploite 15 mines produisant cuivre, zinc, plomb, or, argent et des métaux dits spéciaux, comme le cobalt. Mais ce n’est qu’en 2015 qu’elle a mis au centre de sa stratégie l’activité aurifère, qui se limitait alors à l’exploitation de la mine d’Akka, au Maroc – devenue progressivement depuis2007uneminedecuivre–etde celle de Bakoudou, au Gabon – épuisée depuis 2017.

Nommé en 2016 pour succéder à Abdelaziz Abarro, Imad Toumi a multiplié l’exploration hors chantiers (greenfield) et les acquisitions en Afrique subsaharienne. Dans la région de Mouila, au sud du Gabon, le groupe mène ainsi des travaux d’exploration dans la mine d’or d’Etéké, sur une surface de 1408 km2 Il en est de même depuis quelques années au Soudan, où la mine de Wadi Gabgaba a produit 2 t d’or en 2022, après une baisse de régime en 2021 « à cause de la situation politique », explique le rapport annuel de 2021 de Managem. Entrée en production en juin 2021, la mine de Tri-K, en Guinée, a d’ores et déjà atteint sa vitesse de croisière, avec une production de 5 t en 2022, contre 3,4 t en 2021. Avec une production globale de 7 t en 2022 (contre 4,9 t en 2021 et 1,83 t en 2020), l’activité aurifère représente désormais 40 à 45 % du chiffre d’affaires, contre 32%en2021 «C’estl’objectifquenous nous étions fixé à moyen terme », se réjouit le polytechnicien, passé par Orano (ex-Areva) et par le canadien La Mancha.

Risques opérationnels

La filiale royale ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. L’objectif est désormais de jouer dans la cour des grandsenAfriquedel’Ouest,àl’image du canadien Barrick, en doublant sa production pour atteindre, dans les prochaines années, 14 ou 15 t. « Dans l’or, il faut grandir et être présent dans plusieurs pays, sur plusieurs sites, avec des mines de la taille de Tri-K. C’est ainsi que nous pouvons minimiser les risques opérationnels,

Dossier Mines

Répartition du chiffre d’affaires 2021 par activité

Or : 32 %

Cuivre : 31 %

Cathode de cobalt : 14 %

Argent : 9 %

Zinc : 6 %

Plomb : 2 %

Autres métaux : 2 %

Autres activités : 4 % jihadistes ? Thierry Lauriol, avocat associé du cabinet Jeantet, où il est responsable du département énergie, mines et infrastructures, n’y voit pas de contradiction. « Ce n’est pas parce qu’il y a des problèmes dans ces pays que les investissements et les mines sont en péril. Ces projets jouissent en général d’une protection particulière », juge-t-il.

Imad Toumi, dirigeant de l’entreprise (2e en partant de la g.), sur le site de Tri-K, en Guinée, le 15 octobre 2019.

Deux ans de pause

années dans les projets d’acquisitions et les investissements greenfield – dont la réalisation doit s’étaler sur « une dizaine d’années » – pour se consacrer au développement des trois nouvelles mines du groupe. Sa priorité immédiate va à Boto, au Sénégal, dont l’unité, en cours de construction, doit entrer en production dès l’année prochaine. Suivront la Guinée et le Mali. « Il nous faut digérerl’acquisitionquenousvenons de réaliser, ce qui nous prendra entre dix-huit et vingt-quatre mois », explique notre interlocuteur, selon lequel«ilnefautpascomptersurune production en 2023 ».

logistiques et politiques. Le rachat desactifsdeIamgolds’inscritdanscet objectif-là », développe Imad Toumi.

Minimiser les risques en investissant dans deux pays en transition et dont l’un est miné par les attaques

« C’est aussi pendant les périodes troubles que sont négociés les meilleurscontrats,ajoutel’expert.AuMali, par exemple, il est possible d’adapter certaines clauses en fonction des circonstances. Managem est une entreprisequiétudiebiensesprojets,prend le temps de les construire et de les développer, là où beaucoup d’autres ne font que de la spéculation. »

Pour l’heure, Imad Toumi explique vouloir faire une pause de quelques

En attendant, l’exploration continuesurplusieursblocsauSoudan,en partenariat avec le chinois Wanbao Mining, comme au Gabon, où le projet d’Etéké, dans la région de Mouila, est en phase d’études. En Guinée, les travaux se poursuivent également et « révèlent de nouvelles ressources », indique le rapport annuel de 2021. « Nous disposons d’actifs de très bonne qualité en matière de ressources minières et de géographie, ce qui permet de développer beaucoup de synergies », conclut le patron du mastodonte minier, qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 7,4 milliards de dirhams (675 millions d’euros).

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