ja 2619 du 20 au 23 mars 2011

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J A P O N L’A P O C A LY P S E S P É C I A L 8 P A G E S

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e AN ANNÉE ANNÉ NÉE NÉ E • N° 2619•du 261 619 9 • du 20 20 au 26 2 mars 2011

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108 L’ENQUÊTE EAU

INFRASTRUCTURES

Lʼassainissement, EN TERMES D’INSTALLATIONS SANITAIRES, LES INVESTISSEMENTS NÉCESSAIRES POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT SONT ESTIMÉS À 6 MILLIARDS DE DOLLARS. UNE PRÉOCCUPATION HÉLAS UN PEU TARDIVE.

ISSOUF SANOGO

Si l’accès à l’eau requiert parfois peu de moyens, l’assainissement collectif (tout-à-l’égout, stations d’épuration…) s’avère très onéreux (ici à Niamey).

P

MICHAEL PAURON

riorité depuis plus de dix ans, l’accès à l’eau potable a significativement progressé en Afrique. Même si, globalement, le continent sera le seul à ne pas atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) – qui visent à réduire de moitié, entre 2000 et 2015, la quantité de personnes non raccordées –, les signes sont encourageants. Entre 1990 et 2008, le nombre d’Africains ayant accès à l’eau potable (voir infographie) a augmenté de 6 % et 11 % respectivement au Maghreb et en Afrique subsaharienne, selon l’Organisation mondiale de la santé.

note Nicolas Chomel, du cabinet d’ingénierie et de conseil Safege, filiale de Suez. « C’est une préoccupation nouvelle, c’est vrai, car la situation n’est vraiment pas bonne », rapporte Sering Jallow, manager du département eau et assainissement de la Banque africaine de développement. « Si pour l’accès à l’eau on estime que la moitié des pays du continent atteindront les OMD, seuls dix sont dans ce cas dans le domaine de l’assainissement. » La banque elle-même a revu sa position. Alors qu’elle consacrait en 2003 environ 56 millions d’euros aux projets d’accès à l’eau et à l’assainissement, elle aura financé en 2010 des projets pour un montant de 530 millions, dont 25 % pour l’assainissement. « Mais on estime qu’il faudrait y consacrer au moins 21 milliards de dollars [15 milliards d’euros, NDLR] supplémentaires pour atteindre les OMD, dont 6 milliards pour l’assainissement », conclut Sering Jallow.

Sans que les efforts en termes d’accès à l’eau soient pour autant relâchés, une nouvelle préoccupation est apparue depuis quelque temps. Au cœur de la réunion des instances de l’Association africaine de l’eau (AAE), du 28 février au 4 mars, à Douala, les OMD en matière d’assainissement, parent pauvre de la thématique, apparaissent malheureusement hors de portée. Seuls 31 % des Subsahariens sont aujourd’hui raccordés à des installations sanitaires de base (en progression de 3 % entre 1990 et 2008), contre 89 % en Afrique du Nord (+ 17 %), région où la prise de conscience est intervenue il y a déjà une décennie. « On remarque une attention croissante à ce sujet »,

MANQUE DE MOYENS

Si l’accès à l’eau requiert parfois peu de moyens (forages et bornesfontaines peuvent améliorer rapidement une situation), l’assainissement collectif (tout-à-l’égout, stations d’épuration…) nécessite de lourds investissements. La station d’épuration de Cambérène, au Sénégal, qui retraite une partie des eaux usées de Dakar, a ainsi coûté pas moins de 30 millions d’euros. « Il est difficile de s’occuper d’assainissement quand, déjà, on a peu de moyens sur l’eau », remarque Emmanuel Poilâne, directeur de la Fondation France Libertés. Les villes africaines se retrouvent au pied du mur. La croissance démographique et l’urbanisation galopante et souvent anarchique ont conduit à la constitution de véritables « cloaques » dans lesquels il devient quasi impossible de mettre en place un projet d’assainissement. « De plus, les États hésitent à équiper ces quartiers éri-

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L’ENQUÊTE 109

nouvelle urgence gés de manière illégale », assure JeanFrançois Donzier, directeur général de l’Office international de l’eau.

L’Afrique recèle

Accès à l’eau potable*

15

AVEC L’AIDE DU PRIVÉ

La volonté politique est essentielle – cadre législatif adapté, élaboration de contrats d’objectifs et de qualité avec les entreprises publiques ou privées –, alors même que les compétences sont présentes sur le continent. « La Sonede en Tunisie, l’Onep au Maroc ou l’Onea au Burkina Faso sont des exemples de réussite », estime Jean-François Donzier. Pour lui, la gestion de l’eau doit être organisée par la puissance publique nationale ou régionale, qui édicte des règles et des objectifs communs,

%

des ressources en eau de la planète

(pour 13 % de la population mondiale)

Accès à l’assainissement*

Afrique du Nord

Afrique subsaharienne

Afrique du Nord

Afrique subsaharienne

92 %

89 %

* En % de la population

mais, en fonction du pays, les pouvoirs locaux peuvent prendre le relais. « Le privé peut apporter son savoir-faire et parfois les investissements, mais il doit intervenir dans un cadre juridique clair et stable », poursuit-il. Et, pour ceux qui douteraient encore des

60 %

31 %

SOURCES : OMS ET UNESCO

bienfaits de l’assainissement, il rappelle que, pour 1 euro investi, 4 euros sont produits à travers la création d’emplois, une meilleure disponibilité des salariés et la baisse des dépenses de santé, car 80 % des maladies sont véhiculées par l’eau insalubre. ■

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Gauff THE ENGINEERS WITH THE BROADER VIEW


110 L’ENQUÊTE EAU

Claude Jamati

INTERVIEW

MEMBRE DU COMITÉ DE DIRECTION DE LʼASSOCIATION AFRICAINE DE LʼEAU

« La croissance démographique est un problème majeur »

JEUNE AFRIQUE : Lors de la réunion des instances de l’Association africaine de l’eau, du 28 février au 4 mars à Douala, le thème de l’assainissement était au cœur des préoccupations. Quelle est aujourd’hui la situation ? CLAUDE JAMATI: Elle est très variée. Au Maroc, plus de 80 % des foyers sont raccordés à des installations d’assainissement, quand au Tchad il y aurait moins de 50000 branchements à l’eau. Tout se joue sur la volonté politique : il est de la responsabilité des gouvernements de tout mettre en œuvre pour améliorer un secteur dont les déficiences, à travers l’eau contaminée, sont responsables de 80 % des maladies. Aujourd’hui, moins de 0,5 % des PIB est consacré à l’assainissement. Les Objectifs du millénaire pour le développement ne seront pas

la bonne gouvernance et la stabilité des dirigeants de l’office [aujourd’hui Harouna Yamba Ouibiga] ne sont pas étrangères à ces bonnes performance s. Trop de soc iété s souffrent d’une succession trop rapide de leurs dirigeants et des compétences approximatives de leurs cadres. L’Onea, c’est trois directeurs généraux en vingt ans… Qu’il s’agisse de la gestion ou Claude Jamati est un ancien cadre de la de la stratégie, la société Lyonnaise des eaux de Casablanca (Lydec). est à citer en exemple. La Sénégalaise des eaux est une autre réussite, cette fois-ci dans À ce titre, le Maroc a bien géré le prole privé. Ce sont toutes deux des sociéblème, en recourant à une décentralités qui ont le sens du service, avec des sation pas trop poussée, en fonction des gens motivés. D’autres moyens des collectivités. pays, comme l’Ouganda, progressent, alors Parfois, les relations entre les entreque la situation ailleurs prises privées et les États sont comreste généralement très pliquées. Public et privé doivent-ils difficile, notamment en travailler autrement ? RD Congo. Je ne sépare pas le public du privé: les deux sont indispensables. Il faut juste L’Afrique connaît une démographie qu’ils soient menés par un bon chef et une urbanisation galopantes. d’orchestre, en l’occurrence l’État. Mais Quel est l’impact de ces deux phéprécisons tout de même que les partenanomènes sur le secteur ? riats public-privé ne sont pas la règle en La croissance démographique excepAfrique. Les sociétés publiques demeutionnelle est effectivement un problème rent prépondérantes, mais elles doivent majeur pour le secteur de l’eau. Et la gagner en efficacité. Afin de limiter les situation est extrêmement critique lourdeurs salariales et administratives, pour les villes de taille moyenne, car elles peuvent recourir à des PME locaelles accusent non seulement une forte les. Cela créerait en outre des emplois et croissance de leur population, mais, en dynamiserait tout un secteur. ■ Propos recueillis par MICHAEL PAURON outre, elles n’ont que peu de moyens.

« L’Onea, au Burkina Faso, et la Sénégalaise des eaux sont à citer en exemple. » atteints avant un siècle si les budgets ne sont pas significativement augmentés, entre 3 et 30 fois suivant les pays. Existe-t-il néanmoins des modèles de réussite ? Oui, bien sûr. Au Burkina Faso, par exemple, avec l’Onea [Office national de l’eau et de l’assainissement, NDLR]. Grâce à un programme national, le nombre d’abonnés a été multiplié par trois à Ouagadougou depuis 2006. En outre,

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ANDRÉ RIGAUD

POUR CET EXPERT INTERNATIONAL, LES BUDGETS CONSACRÉS À L’ASSAINISSEMENT DOIVENT ÊTRE ACCRUS. IL S’AGIT NOTAMMENT D’ACCOMPAGNER L’URBANISATION GALOPANTE DU CONTINENT.



112 L’ENQUÊTE EAU TUNISIE

Paris, un allié de poids EN FINANÇANT LE SECTEUR DEPUIS 1998, LA FRANCE, À TRAVERS L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT, RESTE LE PREMIER BAILLEUR DE FONDS DE TUNIS. L ES ENTREPRISES HEXAGONALES, QUANT À ELLES, PIÉTINENT. (financée par l’agence), tandis que le 7 mars, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre française de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, a affirmé à Tunis que des actions de soutien technique seront mises en place. Dans ce cadre, la France s’engage à mettre à disposition du gouvernement tunisien des ingénieurs et des inspecteurs de l’environnement, cela afin d’aider et d’accélérer la mise en œuvre ou la poursuite de certains projets.

MEIGNEUX/SIPA

PLUS DE 1 000 QUARTIERS VISÉS

Le 7 mars, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre française de l’Écologie, visitait la station d’épuration de Sud Méliane, non loin de Tunis.

D

epuis 1995, année qui a vu l’arrivée du groupe Suez dans l’activité de désalinisation de l’eau de mer dans le golfe de Gabès, les entreprises françaises spécialisées dans le secteur de l’eau sont à la peine en Tunisie. Un exemple : en 2008, le groupe Veolia n’a pas su remporter l’appel d’offres pour la réalisation, entre autres, de la station d’épuration d’El Attar II, à Tunis-Ouest (un projet de plus de 66 millions d’euros). Malgré tout, Paris reste un partenaire stratégique pour Tunis dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, notamment à travers l’Agence française de développement (AFD). Il est vrai que le pays, confronté à une forte pression démographique, aurait tort de se priver de cet appui. De fait, la population tunisienne a doublé en moins de trente ans. Parallèlement, un exode rural massif a donné lieu à une concentration urbaine importante sur le littoral tunisien. Les infrastructures, dont l’assainissement (c’est-à-dire la collecte, le transport et le traitement des eaux usées domestiques et industrielles), doivent

s’adapter à cette implosion urbaine. Afin de relever ce défi, l’Office national de l’assainissement (Onas) a prévu, pour la période 2010-2014, un programme d’investissements à hauteur de 440 millions d’euros. À ce titre, de nombreux bailleurs de fonds étrangers se sont mobilisés, dont le groupe bancaire allemand KFW, la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird), la Banque africaine de développement (BAD) et l’AFD. Cette dernière, qui apporte un appui au secteur tunisien de l’assainissement depuis 1998, concentre à elle seule 21 % des financements extérieurs dans le secteur, plaçant ainsi la France au rang de premier bailleur étranger. Et les visites officielles françaises, qui se succèdent, témoignent de la volonté de Paris de conserver cette place. En décembre 2010, Dov Zerah, le directeur de l’AFD, est venu visiter la station d’épuration d’El Attar I

En ligne de mire, notamment : les zones défavorisées. Quelque 134 millions d’euros d’investissements mobilisés par l’AFD sont déjà consacrés à l’assainissement des quartiers populaires et des localités rurales, ainsi qu’à la réhabilitation et à l’extension des infrastructures existantes. À terme, ce sont 1 008 quartiers qui auront bénéficié des fonds français pour la mise en place ou la remise en état des installations sanitaires, soit 208 000 logements hébergeant 1,4 million d’habitants. Et la coopération entre l’AFD et l’Onas – unique interlocuteur tunisien de l’institution française – ne s’arrête pas là. Un prêt de 80 millions d’euros

En 2008, Veolia a perdu l’appel d’offres pour la réalisation de la station d’épuration d’El Attar II. vient d’être accordé pour financer les réseaux d’assainissement et le renforcement des capacités. À cela s’ajoute un second prêt souverain de 18,5 millions d’euros, pour la mise à niveau des stations d’épuration. Il ne manque plus que les entreprises hexagonales, qui piaffent de pouvoir profiter de tous ces fonds français. ■ FRIDA DAHMANI, à Tunis

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