JACOB ZUMA OPA SUR L’UNION AFRICAINE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2649 • du 16 au 22 octobre 2011
BURKINA CE QU’IL RESTE DE SANKARA
DOSSIER LA BATAILLE DES PORTS Spécial 10 pages
jeuneafrique.com
MAROC POURQUOI LES ISLAMISTES FONT PEUR
CÔTE D’IVOIRE
Qui sont les personnalités des deux camps dans le collimateur de la justice internationale et que leur reproche-t-on ? Enquête. De g. à dr., Chérif Ousmane, Ousmane Coulibaly, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Bruno Dogbo Blé. ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 15 OCTOBRE
Une affaire qui va mal finir
J
E NE VOUS PARLERAI PAS cette semaine de l’Afrique – qui poursuit son bonhomme de chemin –, car l’événement est ailleurs. Il n’apparaît pas encore au grand jour, mais, à mon avis, il est considérable ; lorsqu’il sera là, visible de tous, ses effets secoueront le monde. Il a pour théâtre, pourtant, un pays d’Asie centrale de moyenne importance, pauvre et arriéré : l’Afghanistan. Et pour acteurs : les Afghans. La superficie de l’Afghanistan est un peu plus grande que celle de la France, mais le pays ne compte que 30 millions d’habitants, peu éduqués et peu urbanisés, presque tous musulmans, dont 20 % de chiites ; principaux pays limitrophes : l’Iran, le Pakistan et la Chine. Son revenu annuel par habitant est inférieur à 600 dollars (contre 48 000 dollars pour les États-Unis). ■
Sur ordre du président américain de l’époque, George W. Bush, ce pays a été envahi par les États-Unis le 7 octobre 2001, il y a tout juste dix ans, en représailles à l’attentat du 11 Septembre, car il hébergeait alors Oussama Ben Laden et son organisation, Al-Qaïda. En ces mois de fièvre, le concept à la mode était « le choc des civilisations », et l’opération a été baptisée… « Liberté immuable ». Dirigé par ceux qu’on appelait déjà les talibans, le gouvernement afghan a été renversé ; Al-Qaïda et ses dirigeants ont réussi à s’enfuir, évitant la capture. Au lieu de laisser aux Afghans le soin de se choisir un nouveau pouvoir et de se retirer après avoir « marqué le coup », les Américains ont cru bon d’occuper le pays pour le façonner à leur guise (ils appellent cela « statebuilding »). Ils ont installé à sa tête un gouvernement à leur solde avec un président fantoche qu’ils ont fait « élire » puis « réélire », et dont ils ont accepté qu’il soit corrompu et truque les élections. Ils ne le savaient pas, mais ils sont ainsi tombés dans un engrenage infernal dont ils ne savent comment s’extirper. ■
Ils ont voulu ignorer que, longtemps avant eux, au début du XXe siècle, les Anglais avaient entrepris la JEUNE AFRIQUE
même tâche, qui s’était soldée par un lamentable échec. Et qu’à son tour, beaucoup plus récemment – entre 1979 et 1989 –, l’URSS s’était cassé les dents en voulant accomplir l’impossible : imposer aux Afghans des gouvernants choisis par l’occupant. Le corps expéditionnaire soviétique a guerroyé pendant dix ans, a perdu près de 15 000 hommes, avant de se retirer piteusement du pays. Rééditant les fautes qu’ils avaient commises au Vietnam, ivres de l’arrogance des « néocons » qui les gouvernaient au côté de George W. Bush, les Américains se sont enfoncés dans ce pays montagneux en surestimant leurs possibilités et leurs moyens. Ils ont surtout méconnu et sous-estimé la capacité de résistance du peuple afghan, aussi indomptable que le vietnamien : nul dans l’Histoire n’est parvenu à occuper durablement ni le Vietnam ni l’Afghanistan. ■
Dans sa onzième année, la guerre d’Afghanistan est déjà, pour les États-Unis, la plus longue de leur histoire : leur président actuel en a, certes, hérité de son prédécesseur, qui y a engagé son pays et l’a conduite pendant sept ans, mais, à son tour, Barack Obama l’a faite sienne expressément : il l’a poursuivie et même intensifiée tout au long de son premier mandat et prévient qu’il la poursuivra, s’il est réélu, jusqu’en 2014 (au moins). Le commandant en chef a déjà été remplacé trois fois, ce qui est un mauvais signe. En ce mois d’octobre 2011, l’Amérique a 100000 militaires et plusieurs milliers de civils engagés en Afghanistan ; elle a obtenu de 50 pays membres de l’Otan d’y envoyer eux aussi des troupes (30 000 hommes). En incluant le paiement des intérêts et la prise en charge des anciens combattants, la Brown University évalue le coût de la guerre à plus de 4 000 milliards de dollars, l’équivalent du déficit budgétaire cumulé pour les six années 2005-2010. Et l’ardoise continue de s’alourdir de 9 milliards de dollars par mois ! Quant au nombre de soldats alliés tués, il s’élève à 2 700 (dont 1 800 Américains). Les autorités afghanes N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Ce que je crois déplorent, elles, 6 000 morts parmi les militaires et les autres services de sécurité tandis qu’entre 15 000 et 20 000 civils ont perdu la vie. Les pertes des insurgés talibans sont évaluées à 15 000 hommes, et on compte les personnes déplacées par millions… ■
Déjà ravagé par les dix ans de conflit avec l’URSS et par la guerre civile qui s’est ensuivie, l’Afghanistan est aujourd’hui un pays divisé, occupé par les armées de plusieurs pays. Pierre Micheletti, ancien président de Médecins du monde, écrit que « ni la santé, ni la sécurité, ni la liberté d’expression, l’alphabétisation ou l’alimentation de la majorité de la population afghane n’ont connu en dix ans une progression notable. Chefs de guerre locaux, commerçants, exportateurs de drogue, responsables politiques, sociétés de sécurité (et militaires) privées se distribuent les rôles et les bénéfices. À la violence, aux maladies, à la malnutrition s’ajoutent les ravages de la toxicomanie. » Dix ans après ses débuts en fanfare, l’expédition américaine ne débouche sur aucune issue, ni militaire ni politique. Aucune solution n’est en vue : l’impasse est totale. Comme les Anglais et les Russes avant eux, las de perdre des hommes et de l’argent, les Américains vont devoir quitter le pays après l’avoir détruit un peu plus au lieu de le construire. Leur élection présidentielle se tient dans un an et, l’un après l’autre, les candidats vont demander le départ des troupes avant 2014. Leurs alliés britanniques,
français, allemands, polonais et australiens poussent déjà à la roue. ■
Pendant ce temps, chez les insurgés afghans, on assure que la lutte continuera et s’intensifiera jusqu’à la défaite et au départ – inévitable – des troupes étrangères. Avec leur frontière poreuse avec le Pakistan et l’habitude de la guerre qu’ils ont contractée, ils peuvent continuer de combattre indéfiniment. Ils se battent pour leur pays et pour leurs maisons, contre ceux qui sont, à leurs yeux, de nouveaux envahisseurs. Aucune échéance n’encombre leur esprit ni ne fait partie de leurs calculs. Récemment, au téléphone, l’un de ces combattants disait à son fils aîné qu’il espérait qu’il grandirait vite pour venir le rejoindre au combat ou le remplacer s’il était tué. Ce fils a 6 ans. ■
Oussama Ben Laden est mort. Mais certains pensent qu’il a atteint l’un de ses objectifs en entraînant les États-Unis dans des guerres épuisantes contre des pays musulmans. Dirigés en septembre 2001 par un président sanguin et irréfléchi, ils ont surréagi en envahissant l’Afghanistan et l’Irak, qui se sont révélés être d’interminables, coûteuses et infructueuses guerres d’usure. Et l’on en arrive à se demander si cette très mauvaise affaire qu’est pour l’Amérique la guerre d’Afghanistan n’est pas pour Oussama Ben Laden sa victoire posthume. ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð Seule la paresse fatigue le cerveau. Louis Pauwels Ð La politique est comme la chasse, on entre en politique comme on entre dans l’association des chasseurs. La grande brousse où opère le chasseur est vaste, inhumaine et impitoyable comme l’espace, le monde politique. Ahmadou Kourouma Ð De toutes les manières d’être en retard, la pire est celle qui consiste à se croire en avance. André Frossard Ð La bouse de la vache est plus utile que les dogmes : on peut en faire de l’engrais. Mao Tsé-toung N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Ð Les riches sont troublés par leur richesse, les pauvres par leur estomac. Proverbe tibétain
Ð Le réchauffement de la planète, la fonte des pôles, Dieu dégivre son frigidaire. Les Nouvelles Brèves de comptoir
Ð À 20 ans, un mois me paraissait long, aujourd’hui, il s’évanouit à peine entamé. Il y a autant de temps qu’il y a d’âges. Françoise Giroud
Ð Si toutes les femmes étaient fidèles, avec qui les hommes tromperaientils leurs femmes ? Robert Rocca
Ð Il n’y a qu’une réussite : pouvoir vivre comme on l’entend. Christophe Morley Ð Karl Marx, en visionnaire, a compris qu’on contrôle bien mieux un esclave en le persuadant qu’il est un salarié. Nassim Nicholas Taleb
Ð En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En URSS, tout est interdit, même ce qui est permis. Winston Churchill Ð C’est curieux : quand on refuse tout sauf le meilleur, on l’obtient dans bien des cas. Somerset Maugham JEUNE AFRIQUE
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Éditorial François Soudan
I
MAGINONS QU’EN ÉCHANGE du retour à la maison d’un soldat français détenu au Sahel, en Afghanistan ou ailleurs par un groupe d’islamistes radicaux, Nicolas Sarkozy accepte de libérer 1 027 présumés terroristes des geôles hexagonales. On n’ose songer au déchaînement médiatique que pareille disproportion ne manquerait pas de susciter, aux manchettes des journaux anglo-saxons sur le thème de la couardise française, à l’ampleur du scandale aussitôt dénoncé dans un communiqué conjoint par MM. Obama, Cameron et Medvedev. Bref, à l’impensable… Et pourtant, ce ratio aberrant est en passe d’être atteint en Israël, terre de miracles s’il en est, avec la libération imminente du sergent Gilad Shalit, sous les applaudissements unanimes des Occidentaux et à la grande satisfaction de ses geôliers du Hamas, tout heureux d’avoir établi un nouveau record en la matière.
Le lourd tribut payé par l’État hébreu dans l’affaire Shalit n’est en effet qu’une apparence. En procédant de la sorte, il entend aussi réitérer une pseudo-supériorité civilisationnelle. L’assistance à chaque fils d’Israël capturé par l’ennemi est un impératif moral et chaque vie est sacrée, alors que, dans le monde musulman, l’individu ne serait que poussière anonyme, et son humanité, dissoute dans le nombre. Le message, subliminal, passablement méprisant, mais efficace, qu’envoie le gouvernement Netanyahou est aisément décryptable : si 1 Israélien est échangé contre 1 027 Palestiniens, c’est que 1 Israélien vaut 1 027 Palestiniens. Dans les prisons d’Israël, un stock constamment renouvelé de détenus est disponible pour recommencer, presque à l’infini, cette démonstration que le monde entier avalise. Le Hamas a certes ses raisons pour participer à cette surenchère, mais qu’il ne se leurre pas : sa victoire comptable à un goût d’humiliation. ● (Lire notre article pp. 10-11) N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
ISRAËL-PALESTINE
PETITS ARRANGEMENTS ENTRE ENNEMIS En échange du soldat Gilad Shalit, un millier de détenus palestiniens doivent recouvrer la liberté. Pour le Hamas, c’est une victoire politique indéniable.
PHOTOS DE COUVERTURES : VINCENT FOURNIER/J.A. ; AFP PHOTO/ISSOUF SANOGO ; STR ; BINTOU S ; FRATERNITÉ MATIN ; AIC PRESS
On ne peut évidemment que se réjouir de voir ce petit gars au visage d’adolescent regagner ses foyers après cinq années de dure captivité et partager le bonheur des familles palestiniennes retrouvant un fils ou un père qui n’ont jamais été autre chose à leurs yeux que des héros et des résistants. Mais on ne peut aussi qu’être saisi d’un immense malaise devant la vertigineuse inéquation de ce type de troc : en moins de trois décennies, Israël aura échangé 7 500 Arabes (Palestiniens ou autres) contre 13 Juifs (dont deux dépouilles). Or ce déséquilibre est beaucoup plus qu’une disconvenance illustrant une « exception » israélienne de plus. Il traduit un rapport de forces exactement inverse que ce que suggèrent les chiffres. Et il est l’exact pendant, sur le plan moral, du solde de l’opération Plomb durci de nettoyage de Gaza marqué par un écart numérique du même ordre : 1 400 morts palestiniens pour 13 Israéliens.
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RONEN ZVULUN/REUTERS
1 Israélien = 1027 Palestiniens
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CÔTE D’IVOIRE
USUAL SUSPECTS Ils sont treize dans le collimateur de la justice. Pro-Gbagbo ou pro-Ouattara, accusés d’avoir commis, permis ou encouragé les pires atrocités. Qui sont-ils ? 03 08
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE
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Israël-Palestine Petits arrangements entre ennemis Tour du monde Taiwan Un dernier carré de fidèles France Montrez votre langue au Dr Guéant ! Tunisie L’affaire Persepolis Maghreb des films Revoilà le printemps Téléphonie Big bogue chez BB Pedro Pires Gouvernance modèle Guy Scott White Bemba
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GRAND ANGLE
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Jacob Zuma OPA sur l’Afrique
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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Côte d’Ivoire Usual suspects Burkina Viva Sankara ! Kenya Le tourisme pris en otage Tribune Les cavaliers de l’Apocalypse Brazzaville-Kinshasa En chiens de faïence JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE
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Jacob Zuma
TRANSPORT MARITIME
OPA sur l’Afrique
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Après avoir défendu Gbagbo et Kaddafi, Pretoria avance ses pions au sein de l’Union africaine avec une candidature contre Jean Ping.
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MAROC
REPORTAGE
POURQUOI LE PJD FAIT PEUR À un mois des législatives, l’hypothèse d’une victoire du Parti de la justice et du développement suscite l’inquiétude.
KASSERINE, BONJOUR TRISTESSE Chômage, pauvreté, insécurité… L’un des berceaux de la révolution n’a pas le cœur à la fête. Et commence à perdre patience.
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Afrique du Sud Fausse joie Présidentielle au Sénégal Il n’en restera qu’un…
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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Maroc Pourquoi le PJD fait peur En vérité Un Front national marocain Affaire Sonatrach Quand la montagne accouche d’une souris Mahmoud Abbas L’anti-Arafat Tunisie Kasserine, bonjour tristesse
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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE
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Belgique L’accord qu’on n’attendait plus Italie Les patrons à l’abordage Parcours Myriam El Khomri, surveiller et prévenir États-Unis Herman qui ? Argentine La présidente était en noir Asie du Sud Partie carrée
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ÉCONOMIE
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Capital-investissement Les nouveaux atouts du continent Transports Un ciel libyen à reconquérir Finance La privatisation avance au Togo
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JEUNE AFRIQUE
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BOUSCULADE SUR LES DOCKS L’intérêt pour les ouvertures maritimes du continent ne faiblit pas. Les grands groupes se livrent une bataille sans merci pour en prendre le contrôle.
90 ALGÉRIE-FRANCE INEFFAÇABLE 17 OCTOBRE 1961 Le massacre d’Algériens pacifiques dans les rues de Paris est devenu le symbole de l’horreur coloniale. Télécoms Moov sur la bonne trajectoire Énergie Avec l’aval de Yaoundé, AES investit en masse Maroc Mohamed El Hajjouji : « L’OCP séduit les investisseurs » Centrafrique Honoré Feïzouré, artisan de l’or blanc Bourse de Tunis Coup de chaud sur Somocer Baromètre
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LE DOSSIER
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Transport maritime Bousculade sur les docks africains
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CULTURE & MÉDIAS
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Algérie-France Ineffaçable 17 octobre 1961 Littérature Lyonel Trouillot : le paradis, c’est les autres La semaine culturelle de Jeune Afrique Adieu Kabongo tel Molière
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VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
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AMOS GUMULIRA/AFP
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OMAR EL-BÉCHIR AU SOMMET DE LA COMESA le 14 octobre, à Lilongwe, au Malawi.
Soudan Le dernier pied de nez de Béchir à la CPI
P
our la quatrième fois depuis l’émission par la Cour pénale internationale, en mars 2009, d’un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir, ce dernier a pu se rendre sans encombre dans un pays pourtant signataire du statut de cette même CPI. Après le Tchad, Djibouti et le Kenya (autres États ayant reconnu la CPI), c’est le Malawi qui, à son tour, a accueilli Béchir, les 14 et 15 octobre, pour un sommet du Comesa (Marché commun de l’Afrique australe et orientale), malgré les exhortations de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie de l’UE, à procéder sur-le-champ à son arrestation. Explication des autorités de Lilongwe : « L’affaire de la CPI n’est pas à l’ordre du jour du sommet. » Une quinzaine de pays africains, parmi lesquels l’Algérie, le Maroc, l’Angola, le Rwanda, le Zimbabwe, le Togo, l’Érythrée, l’Égypte, la Côte d’Ivoire et la Libye (processus d’adhésion en cours pour les deux derniers), n’ont toujours pas reconnu la Cour, alors qu’une bonne trentaine ont déjà franchi ce pas sans pour autant, on le voit, souscrire forcément aux obligations que cela implique. ● MALI-ALGÉRIE UN ÉLU TOUAREG BLANCHI
Deity Ag Sidimou, le député de Tessalit (extrême Nord malien), est débarrassé de ses ennuis judiciaires (voir J.A. no 2648). Contre toute attente, la justice algérienne, qui, au début de l’année, avait émis contre lui une commission N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
rogatoire et un mandat d’amener pour trafic de stupéfiants, a annoncé le 2 octobre l’extinction des poursuites. Un rebondissement qui est sans doute le résultat des pressions denotablestouaregsalgériens. Cet ancien rebelle compte en effet de « nombreux parents » dans cette communauté.
BAD BEN HAMMOUDA, DE GENÈVE À TUNIS
L’économiste tunisien Hakim Ben Hammouda, 50 ans, rejoint la Banque africaine de développement en tant que conseiller spécial du président Donald Kaberuka. Il quitte donc le siège de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC), à Genève, où il était directeur de l’Institut de formation et de la division de la coopération technique depuis février 2008, pour s’installer à Tunis. Il était auparavant économiste en chef et directeur de division à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). Auteur prolifique, il a écrit (ou coécrit) une vingtaine d’ouvrages sur l’économie internationale et le développement. LE CHIFFRE QUI RASSURE
63 %
C’est le pourcentage de Français qui, selon une étude Ifop, restent, malgré la crise, favorables à l’aide publique au développement (APD). Celle-ci a avoisiné les 10 milliards d’euros en 2010, soit 0,5 % du revenu national brut (RNB). Mais 60 % des personnes interrogées estiment que l’effort est suffisant.
LIBYE-TUNISIE MAHMOUDI EN DANGER ?
Le cas Baghdadi Mahmoudi a été abordé par le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi lors de sa visite à Tripoli, le 12 octobre. Accusé d’avoir ordonné le massacre de près de 3 000 personnes à Zouara, le dernier chef de gouvernement de Kaddafi est détenu en Tunisie depuis le 22 août. Il est visé par une demande d’extradition transmise par le Conseil national de transition libyen. Depuis la prison centrale de Mornaguia, Baghdadi, 66 ans, dont l’état physique et psychologique s’est dégradé à la suite de sa détention et d’une grève de la faim, a demandé à Amnesty International de s’opposer à son extradition. JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société
France-Côte d’Ivoire Ouattara en visite officielle à Paris… RÉCEPTION À L’HÔTEL DE VILLE DE PARIS, probable discours à l’Assemblée nationale, entretien en tête à tête avec Nicolas Sarkozy… Le programme de la prochaine visite d’État en France (19-20 décembre) d’Alassane Ouattara s’annonce chargé, d’autant que le président ivoirien devrait également signer un nouvel accord de défense, qui sera du même type que ceux récemment conclus par la France avec le Gabon et le Sénégal. Il prévoit notamment le stationnement de 300 militaires (rebaptisés « éléments français de Côte d’Ivoire ») sur la base de Port-Bouët, mais pas d’intervention française automatique en cas de menace sur le régime ivoirien.
… Copé et Guéant à Abidjan LES « SARKO BOYS » SE BOUSCULENT sur les bords de la lagune Ébrié. C’est d’abord Jean-François Copé, le secrétaire général de l’UMP, qui, les 21 et 22 octobre, se rendra à Abidjan, où il rencontrera le président Ouattara, Guillaume Soro, le Premier ministre, Henri Konan Bédié, le patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et Charles Konan Banny, le président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR). Début novembre, en principe, ce sera le tour de Claude Guéant (mais sa visite pourrait être reportée). Le ministre de l’Intérieur doit livrer aux forces de police et de gendarmerie ivoiriennes du matériel de sécurité. ●
Authority. Conséquence du gel de ses avoirs par l’ONU en février, ce fonds souverain a coupé les vivres à ses filiales africaines, dont une partie se sont trouvées en défaut de paiement. Situation très vite exploitée par plusieurs pays africains dans le secteur des télécoms. Un certain nombre de licences attribuées à des opérateurs libyens – et partiellement payées – ont en effet été remises sur le marché, décisions que le CNT entend faire annuler. Un appel d’offres pour la sélection de conseils
TUNISIE NOUVELLE ACTION EN JUSTICE POUR LA STB
Déboutée de sa plainte contre l’opérateur Orange Tunisie, auquelelleavaitaccordé50millions de dinars (25,5 millions d’euros) de crédit, la Société tunisienne de banque (STB) a discrètement engagé une nouvelle action en justice. Le 13 octobre, elle a obtenu du parquet de Tunis la nominationd’unadministrateurd’État, Fethi Saïed, pour contrôler la MaghrebHoldingParticipation, qui gère les participations du groupe Mabrouk dans diverses sociétés (les assurances GAT, la Biat, la société Le Moteur, etc.). Avec un engagement de 509,1 millions de dinars en faveur des proches de Ben Ali, la STB est l’établissement bancairetunisienleplusexposé.La désignation d’un administrateur d’État n’aura aucune incidence sur le fonctionnement des sociétés du holding.
À Tripoli, le Conseil national de transition souhaite remettre de l’ordre dans les affaires de la Libyan Investment JEUNE AFRIQUE
MAROC MOULAY HICHAM ET LES AMAZIGHS Les dernières déclarations de Moulay Hicham réveillent la susceptibilité des intellectuels berbères. Dans un entretien paru fin septembre dans Le Débat, le cousin du roi s’inquiète que Mohammed VI ait, dans le cadre de la nouvelle Constitution – laquelle
MUSIQUE LES « MAGICIENS » SONT PARTOUT
Établi à Paris depuis la crise postélectorale, le groupe de zouglou ivoirien Magic System vient d’enregistrer une chanson pour le quatrième volet de la compilation Raï n’B Fever 4 (sortie en décembre). Parallèlement, il participe à un projet de chanson pour la paix lancé par Alpha Blondy, avec le concours de deux autres rastamen : l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly et le Jamaïcain Ziggy Marley. Entre deux sessions en studio, les quatre « Magiciens » multiplient les contacts avec les artistes ivoiriens pro-Gbagbo exilés en France, au Ghana et au Bénin. Objectif : les rassurer quant à leur sécurité et les convaincre de rentrer au pays.
UN MALIEN À PARIS
Tiébilé Dramé rencontre le CNT
VINCENT FOURNIER/J.A.W
LIBYE FONDS SOUVERAIN CHERCHE DE L’AIDE
juridiques est en cours. Tous les cabinets d’avocats internationaux sont sur les rangs.
officialise pour la première fois la langue amazigh –, « cédé sur l’essentiel en ce qui concerne l’unité nationale ». Le « Prince rouge » va jusqu’à évoquer à ce propos une « réinvention du dahir berbère » hérité du protectorat. Réaction acide de l’Observatoire amazigh des droits et libertés (OADL) : « L’horloge politique de Moulay Hicham s’est arrêtée en 1930. »
Ancien ministre des Affaires étrangères d’Alpha Oumar Konaré (dont il est également le gendre), Tiébilé Dramé, chef du Parti pour la renaissance nationale (Parena), était à Paris le 12 octobre. Il y a rencontré Mansour Saif al-Nasr, envoyé spécial et représentant du Conseil national de transition (CNT) libyen, accompagné de son prédécesseur dans la capitale française, l’ancien ambassadeur Mohamed Salaheddine Zarem, désormais conseiller aux affaires africaines du CNT. Une prise de contact qui ne devrait pas passer inaperçue puisque le Mali n’a toujours pas reconnu officiellement le CNT. Dramé sillonne depuis plusieurs mois les capitales africaines, ce qui laisse peu de doutes quant à son intention de se présenter à la présidentielle d’avril 2012. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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La semaine de Jeune Afrique
ISRAËL-PALESTINE
Petits arrangements
entre ennemis
Contre toute attente, Israël et le Hamas ont conclu un compromis historique. En échange du soldat Gilad Shalit, 1 027 détenus palestiniens doivent recouvrer la liberté. Pour le mouvement islamiste, c’est une victoire politique indéniable.
MAXIME PEREZ, à Jérusalem
L
«
’accordShalit»:c’estainsiqu’a été baptisé l’échange de prisonniers conclu entre Israël et le Hamas, les deux pires ennemis du Proche-Orient. Annoncé le 11 octobre dans la soirée, il survient au moment où plus personne ne l’espérait. Dans un contexte régional aussi trouble qu’incertain, les différents protagonistes ont su saisir des opportunités, comme l’affaiblissement du pouvoir syrien, sanctuaire branlant du bureau politique du Hamas, ou la bonne volonté des autorités égyptiennes, soucieuses de préserver l’influence diplomatique de leur pays. Au Caire, les négociations ont également abouti grâce à une conjonction de médiations étrangères. Celle de l’Allemagne en premier lieu, puis des ÉtatsUnis et, dans une moindre mesure, de la France. Au total, 1 027 prisonniers palestiniens seront libérés en quatre phases distinctes. Lorsque la première d’entre elles sera achevée, Gilad Shalit sera rendu à Israël. Ces dernières années, les initiatives en faveur de la libération du jeune caporal franco-israélien s’étaient multipliées. Sa capture, en juin 2006, avait entraîné le blocus de la bande de Gaza et une guerre larvée entre armée israélienne et factions palestiniennes. Les violences avaient atteint leur paroxysme lors de l’opération Plomb durci, N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
menée entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 contre l’enclave côtière et qui fit 1 400 morts palestiniens. Paradoxalement, les tractations n’ont jamais cessé entre les deux parties. Tenues secrètes, elles ont constamment donné lieu à d’improbables rumeurs. LatransactionconclueentreIsraëletleHamasmet d’abord fin au calvaire de Gilad Shalit, aujourd’hui âgé de 25 ans. Durant ses cinq années de captivité à Gaza, le mouvement islamiste n’a transmis à l’État hébreu que trois preuves de vie du militaire. Et malgré les pressions répétées de la communauté internationale, le détenu n’a bénéficié d’aucune visite de la Croix-Rouge. Pour l’armée israélienne, cette affaire laisse un goût amer. Tsahal aura échoué à le localiser et à mener une quelconque opération de sauvetage, au grand dam de l’état-major et des services de renseignements. Selon les termes de l’accord, le dénouement devrait en principe survenir le 18 octobre, et un avion spécial rapatrier Gilad Shalit du Caire, où il a été transféré. CHANTAGE. « Notre joie est indescriptible, recon-
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Palestiniennes font partie de l’échange de prisonniers
naît Aviva, sa mère. Mais jusqu’à ce que nous voyions enfin Gilad en chair et en os, nous contenons notre émotion. » Sa prudence, de mise après d’innombrables espoirs déçus, contraste avec la liesse qui s’est emparée du campement de la famille Shalit, à Jérusalem. Dressée devant la résidence du Premier ministre depuis le 8 juillet 2010, cette tente avait permis ces derniers mois d’accentuer la pression sur le gouvernement israélien afin qu’il accepte un échange de prisonniers avec le Hamas. Le combat acharné des Shalit pour leur fils avait trouvé un large écho au sein de l’opinion et des médias, touchés par ce drame familial. Cette libération offre aussi un bol d’oxygène à Benyamin Netanyahou. Confrontée à une contestation sociale grandissante et à l’impasse du processus JEUNE AFRIQUE
L’événement
de paix avec les Palestiniens, sa coalition bat des records d’impopularité. Acculé, le leader israélien a toutefois su convaincre ses ministres de soutenir la transaction. À l’issue d’une réunion de cinq heures, vingt-six d’entre eux se sont rangés aux côtés du Premier ministre, tandis que trois autres ont rejeté sa proposition, à l’instar du nationaliste Avigdor Lieberman, le tonitruant chef de la diplomatie israélienne. « Je pense que nous avons conclu le meilleur compromis possible », a déclaré Netanyahou aux membres de son cabinet, coupant court aux critiques de son aile droite, qui l’accuse de créer un « dangereux précédent » en cédant ainsi au chantage d’une organisation jugée terroriste. GAGE DE SURVIE. L’accord ne prévoit cependant
pas la libération des grandes figures palestiniennes de la seconde Intifada. Marwan Barghouti, l’ancien chef du Fatah en Cisjordanie, qui purge une peine de prison à perpétuité, ne figure pas sur la liste des 1 027 prisonniers qu’Israël a consenti à relâcher. Il en va de même pour Ahmed Saadat, le secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), accusé d’avoir commandité l’assassinat en 2001 du ministre israélien Rehavam Zeevi. D’autres activistes de haut rang ont été délibérément écartés, comme Ibrahim Hamed et Abdallah Barghouti, deux responsables militaires du Hamas, dont les attentats avaient causé la JEUNE AFRIQUE
mort de près de cent cinquante civils israéliens. Longtemps, la remise en liberté de ces hommes avait constitué l’ultime point d’achoppement des négociations entre Israël et le Hamas. Les islamistes s’en étaient trouvés profondément divisés. « 90 % de l’accord Shalit avait été entériné il y a trois ans », concède aujourd’hui Yoram Cohen, nommé en mai dernier à la tête du Shabak (ex-Shin Bet), les services israéliens de contre-espionnage. Pourtant, même en donnant l’impression de lâcher du lest, le Hamas apparaît comme le grand vainqueur de son bras de fer avec l’État hébreu. D’abord, parce qu’il Très impopulaire, estparvenuànégocierlalibération Netanyahou s’offre là d’un soldat israélien contre celle un vrai bol d’oxygène. d’un millier de détenus palestiniens. Ensuite, parce que sa décision de relâcher Shalit, qui lui servait jusque-là de gage de survie politique, lui permet de renforcer sa position vis-à-vis du président Mahmoud Abbas. Depuis que le raïs a engagé son processus d’adhésion d’un État palestinien à l’ONU, le Hamas semblait isolé. Or voilà qu’il vole la vedette au gouvernement de Ramallah, adepte de la résistance pacifique. « C’est une victoire nationale. Le peuple palestinien qui réussit à atteindre cet objectif est capable d’obtenir d’autres victoires, comme le droit au retour et la réconciliation », s’enflamme Khaled Mechaal, le chef en exil du Hamas. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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La semaine de J.A. Tour du monde
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BIRMANIE
GLEB GARANICH/REUTERS
Libérations en série
ALTERCATION AVEC DES POLICIERS, le 11 octobre, au tribunal de Kiev. UKRAINE
Ioulia, la tête dans le gaz
É
GÉRIE de la « révolution orange », elle monta sur les barricades en manteau de zibeline pour soutenir le pro-occidental Iouchtchenko contre l’apparatchik Ianoukovitch, lors de la présidentielle de 2004. Elle fut la Première ministre de Iouchtchenko, se fâcha avec lui et, en 2010, perdit le scrutin suivant contre Ianoukovitch. Depuis, rien ne va plus pour Ioulia Timochenko. Emprisonnée depuis le mois d’août, la pasionaria aux (fausses) tresses blondes a été condamnée, le 11 octobre, à sept ans de prison au terme d’une parodie de procès. Son crime ? En 2009, elle signa avec la Russie des accords gaziers jugés défavorables aux intérêts nationaux. Également condamnée à verser 140 millions d’euros de dédommagement à l’entreprise Naftogaz et à trois ans d’interdiction d’exercer des responsabilités publiques, elle envisage de faire appel et de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Vladimir Poutine dénonce pour sa part le caractère antirusse de cette affaire, tandis que l’UE menace de ne pas signer d’accord de libre-échange avec l’Ukraine. De quoi inciter Ianoukovitch à la clémence ? ● CORÉE
Séoul craint l’isolement LE BRUIT COURT que les États-Unis et la Chine envisagent de reconnaître de facto la Corée du Nord comme une puissance nucléaire. » Le 6 octobre, la déclaration de Yu Woo-ik, le nouveau ministre sud-coréen de l’Unification, a jeté un froid. Alors que Pyongyang se dit prêt N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
à reprendre les discussions à six sur la dénucléarisation de la péninsule, Séoul redoute une redistribution des cartes qui le laisserait isolé face au bloc sino-américain. La rumeur de cette alliance a attisé l’antiaméricanisme, très vif depuis le viol, en septembre, de deux mineures par des soldats américains.
APRÈS AVOIR, le mois dernier, levé la censure sur les médias, Thein Sein, le président birman, confirme ses velléités démocratiques. Dans le cadre d’une vaste amnistie, la libération promise de 6 359 détenus – droits communs et politiques mêlés – a commencé le 12 octobre. Parmi eux, plusieurs militants du parti dissident Action Wave, ainsi que l’humoriste et comédien Zarganar, arrêté en 2008. Ce dernier a fait savoir qu’il ne remerciera le gouvernement que lorsque tous les prisonniers politiques auront été élargis. LE CHIFFRE QUI EFFRAIE
10 022 C’EST, SELON LE JOURNAL Reforma, le nombre d’homicides liés à la drogue recensé au Mexique depuis le début de l’année, à la suite de règlements de comptes entre narcotrafiquants ou d’affrontements avec les forces de sécurité. ÉTATS-UNIS
Hors de prix LES DERNIÈRES VACANCES en Afrique du Sud et au Botswana (21-27 juin) de Michelle Obama, de ses deux filles et de sa mère auraient coûté 424 000 dollars au contribuable américain, selon les calculs un peu acrobatiques – et démagogiques – de l’ONG conservatrice Judicial Group. En ces temps de crise, ça fait jaser. Flanquée d’une suite de 21 personnes, la First Lady a utilisé l’avion présidentiel, Air Force One, et participé à un safari au Botswana. Accessoirement, elle a aussi rencontré une série de personnalités comme Desmond Tutu, Graça Machel ou Nompumelelo Ntuli-Zuma. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Adrees Latif • Reuters
BHOUTAN
Meilleurs vœux de bonheur brut LE BHOUTAN ? Un minuscule État himalayen coincé, écrasé presque, entre deux pachydermes, l’Inde et la Chine, et qui, apparemment, ne s’en porte pas trop mal. Le seul indicateur économique en vigueur ici pour mesurer la qualité de la vie des sujets de Jigme Khesar Namgyel Wangchuck – ouf ! –, le souverain désormais constitutionnel, c’est le « bonheur national brut ». Joli, non ? Le couple que le bienheureux roi forme avec Jetsun Pema, ravissante roturière épousée le 13 octobre, n’est d’ailleurs pas mal non plus. POLOGNE
Donald II ON CROYAIT LES POLONAIS irréductiblement catholiques et conservateurs. Surprise : les législatives du 9 octobre ont donné la victoire pour la deuxième fois consécutive aux libéraux de la Plateforme civique (39,1 %) et confirmé l’émergence du mouvement anticlérical et libertaire de Janusz Palikot (10 %). Grands perdants du scrutin : l’ultraconservateur Parti Droit et Justice de Jaroslaw Kaczynski (29,8 %) et le Parti social-démocrate (8,2 %). Donald Tusk, le Premier ministre sortant, tire les bénéfices de la bonne tenue de l’économie polonaise. PHILIPPINES
La patte du tueur PLUSIEURS BOMBES ont explosé le 9 octobre dans un hôtel et une arène de combats de coqs à JEUNE AFRIQUE
Zamboanga City, sur l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines. L’attentat, qui a fait onze blessés, est le dernier en date d’une série d’opérations terroristes dans cette région à 75 % chrétienne. Celles-ci avaient été jusqu’ici attribuées au groupe Abu Sayyaf, lié à Al-Qaïda, mais, selon les services philippins, la facture des explosifs évoque plutôt la « patte » d’Abdul Basit Usman, l’artificier du Jemmah Ismaïlia indonésien. CRISE FINANCIÈRE
Un de chute RENFLOUÉE une première fois en 2008 (6 milliards d’euros), la banque franco-belge Dexia va être démantelée. Spécialisée dans le financement des collectivités locales, elle s’était peu à peu aventurée sur le marché des subprimes, ces crédits hypothécaires à l’origine de la crise mondiale, où elle a perdu
tout ce qu’elle voulait. Elle est aujourd’hui placée sous la tutelle des gouvernements français et belge. Ses activités les plus rentables vont être revendues. Et le reste liquidé. CUBA – ÉTATS-UNIS
Émigration en hausse MILLE SEPT CENTS émigrants cubains ont gagné en bateau le territoire des États-Unis – quand ils n’ont pas été interceptés en pleine mer par les gardes-côtes américains – au cours de l’année fiscale 2011, qui s’est achevée le 30 septembre. Contre 831 l’année passée. Dans le même temps, le nombre des arrestations est passé de 422 à 1 000. Conséquence de la détérioration de la situation économique et sociale à Cuba, cette augmentation est la plus forte depuis 2007. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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La semaine de J.A. Décryptage Ý BLAISE COMPAORÉ,
plus de séduire nos alliés, et vice versa », BURKINABÈ, se réjouissait l’an accueilli à Taipei, dernier Zhang Mingle 8 octobre, par zhong, l’ambassason homologue taïwanais, deur de Taiwan au Ma Ying-jeou. Burkina. Il faut dire qu’ils ne sont plus guère nombreux : aujourd’hui, seuls vingt-trois pays dans le monde reconnaissent Taiwan, dont quatre en Afrique. Et, hormis le Burkina, ce sont de petits États: la Gambie (1,7 million d’habitants), le Swaziland (1,12 million) et São Tomé e Príncipe (212 000). LE PRÉSIDENT
PRÉDATRICE. Cela n’empêche pas Taipei
DR
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Taiwan Un dernier carré de fidèles Le 10 octobre, Taipei et Pékin ont célébré chacun de leur côté le centenaire de la République de Chine. L’occasion, pour les frères rivaux, de compter leurs alliés.
D
ivisés depuis la victoire des communistes en 1949 et la fuite des nationalistes sur l’île de Formose, Chinois et Taïwanais ont célébré chacun de leur côté le centième anniversaire de la révolution de 1911, qui a vu naître la République de Chine. Le 9 octobre, Hu Jintao, le président chinois, a une nouvelle fois appelé les deux rives à « une réunification pacifique ». Le lendemain, Ma Ying-jeou, son homologue taïwanais, a repoussé son offre. « Nous maintenons le statu quo », a-t-il répondu, avant d’appeler Pékin à accepter l’existence de son pays. Des prises de parole plutôt modérées, à l’image de l’apaisement diplomatique et du rapprochement économique constatés depuis l’élection de Ma Ying-jeou, en 2008.
de les choyer. Si, en 2008, l’aide publique au développement ne représentait que 0,11 % de son PNB, soit 430 millions de dollars (310 millions d’euros), la coopération de Taiwan, essentiellement dirigée vers les infrastructures de base, est appréciée. « Elle est souple, concrète, et n’est pas prédatrice comme peut l’être l’aide chinoise », juge un expert en développement. C’est au Burkina, où son aide s’élève à 18,5 millions d’euros par an, que son action est le plus visible. Avec ses 16 millions d’habitants et son influence sur toute la région ouest-africaine, on comprend que le « pays des hommes intègres » soit
Ce réchauffement, l’Afrique en est un témoin privilégié. Longtemps, les deux Chine ont rivalisé sur le continent. À partir des années 1980, Pékin exige de ses partenaires qu’ils reconnaissent le principe d’une seule Chine. Les quatre pays africains qui Au début des années 1990, reconnaissent l’ex-Formose sont Taiwan résiste et « gagne » huit particulièrement chouchoutés. États, dont le Burkina en 1994. Mais au fil des ans, la petite république (23 millions d’habitants) a cher à Taipei. Blaise Compaoré, le prévu plusieurs pays africains lui tourner sident burkinabè, était d’ailleurs l’invité le dos : le Lesotho en 1994, l’Afrique du d’honneur des festivités du 10 octobre. Sud et le Niger en 1996, la Centrafrique et « Pour nous, le Burkina est un symbole, la Guinée-Bissau en 1998, le Sénégal, le car c’est le pays ami le plus peuplé, et le Tchad et le Malawi en 2005 et 2006… deuxième en superficie », explique Zhang Depuis trois ans, les deux frères enneMing-zhong. Combien de temps cette mis asiatiques s’efforcent de normaliexception pourra-t-elle durer ? ● ser leurs relations. « La Chine n’essaie RÉMI CARAYOL
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
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OCTOBRE Conférence générale de l’Unesco, à Paris (jusqu’au 10 novembre). Elle doit statuer sur l’admission de la Palestine comme membre à part entière de l’organisation. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
25-29
OCTOBRE Troisième édition du Festival Doha Tribeca, au Qatar, qui met à l’honneur le cinéma arabe et international. Une quarantaine de films sont en compétition.
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OCTOBRE À Malabo (Guinée équatoriale), tirage au sort des quatre poules (composées de quatre équipes) de la CAN 2012, qui doit se dérouler du 21 janvier au 12 février. JEUNE AFRIQUE
Vers une politique sanitaire commune aux 6 États membres INITIATIVE POUR LA PROMOTION DE LA RECHERCHE ET DES RESSOURCES HUMAINES EN SANTÉ EN AFRIQUE CENTRALE, IPREHSAC, 2011-2015
Le site du CIESPAC à Brazzaville.
Promouvoir une amélioration qualitative et quantitative des ressources humaines et la recherche en santé en vue du développement sanitaire de l’Afrique centrale. VISION 2015 1. Faire du CIESPAC un centre régional d’excellence pour la formation et la recherche ; 2. Mettre en place un système de surveillance épidémiologique des maladies ; 3. Renforcer les capacités des pays d’Afrique centrale à la maitrise de la gestion des ressources humaines en santé.
Pôle Rec Recherc Recherche herche herc he a au u CIESPA CI CIESPAC ESPAC ESPA C (en (en constr co construction). nstructi nstr uction). ucti on).
CIESPAC Centre Inter États d’Enseignement supérieur en Santé Publique d’Afrique Centrale
PROGRAMME DES FORMATIONS 2011 - 2012
Un atelier de formation.
I- Atelier de formation sur « les statistiques à l’usage des médecins et biologistes ». Période : 14 – 26 novembre 2011 Public cible : Médecins et biologistes Partenaire : École de Santé Publique de Nancy II- Initiation à la surveillance des vecteurs du paludisme et des maladies re-émergentes (ISV-Palu). Période : 6 février – 2 mars 2012 Public cible : Agents techniques de santé des programmes / projets et institutions de recherche Partenaire : OMS
Vision 2015 du CIESPAC
ORGANISATION DE COORDINATION POUR LA LUTTE CONTRE LES ENDÉMIES EN AFRIQUE CENTRALE
III - Cours d’Epidémiologie d’intervention et d’Informatique en Afrique Centrale (CEPIAC-2). Période : 7 mai – 9 juin 2012 Public cible : Acteurs de la lutte contre le Paludisme et chercheurs Partenaire : Agence de Médecine Préventive IV - Atelier de formation des personnels de santé des foyers aux techniques de diagnostic et de lutte contre la Trypanosomiase Humaine Africaine. Période : 18 – 27 juin 2012 Public cible : Personnes impliquées dans la lutte contre la THA Partenaire : Union Africaine (PATTEC)
BP 15665 - Yaoundé, Cameroun - Tél. : (+237) 22 23 22 32 Fax : (+237) 22 23 00 61 - E-mail : contact@oceac.org www.oceac.org
La semaine de J.A. Décryptage
DR
JEUNEAFRIQUE.COM
VIDÉO
SONDAGE DE LA SEMAINE Constituante tunisienne : le grand nombre de listes (1 300) vous paraît-il une bonne chose ? À LIRE AUSSI : Congo : polémique autour des « CDD », les coiffures à durée déterminée
Coton : les producteurs africains dans le doute Sénégal : avec « Khar Bii », la nouvelle star est un mouton Lac Victoria : Le Cauchemar de Darwin et ses avatars N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
BOUYE BERNARD/SIPA
Gilles Manceron, historien : « L’État français a tout fait pour ne pas reconnaître le massacre du 17 octobre 1961. »
IFRIKIA KENGUÉ
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AFGHANS prenant des cours de français à l’église réformée de la Fraternité, à Nîmes (sud de la France).
France Montrez votre langue au docteur Guéant! Le gouvernement exige désormais des candidats à la nationalité un meilleur niveau de français.
À
partir du 1er janvier 2012, les candidats à la naturalisation ou les conjoints étrangers de ressortissants français seront soumis à un contrôle plus rigoureux de leur niveau de langue. Parus le 12 octobre au Journal officiel et issus d’une loi du 16 juin 2011 sur l’immigration, deux décrets et un arrêté précisent ce nouveau cadre d’octroi de la nationalité. Le demandeur devra prouver qu’il maîtrise le langage nécessaire à « la gestion de la vie quotidienne » en produisant un diplôme de niveau B1 (référence européenne) : brevet des collèges, certificat d’aptitude professionnelle, brevet d’études professionnelles ou diplôme de français langue étrangère. À défaut, une attestation dont le prix sera à sa charge – variant de 40 à 100 euros – et délivrée par un organisme agréé par le ministère de l’Intérieur lui sera réclamée. Jusqu’à présent, un simple entretien avec un agent de préfecture suffisait. Il est désormais supprimé. VENT DE RESTRICTION. Claude Guéant,
le ministre de l’Intérieur, justifie ce contrôle plus strict par la volonté d’obtenir des « naturalisations réussies ». En 2010,
près de 130 000 personnes ont acquis la nationalité française, dont environ 90000 via la procédure de naturalisation. Son ministère affirme consacrer 60 millions d’euros à l’apprentissage du français et évalue à 1 million le nombre des étrangers présents sur le territoire qui ne le parleraient pas. Un chiffre qui étonne Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile. « Le gouvernement dit aussi que 100 000 à 150 000 personnes suivent des cours de langue, alors qu’en réalité seules 20 000 y ont accès », rétorque-t-il. Un vent de restriction souffle partout en Europe. La Grande-Bretagne a mis en place, en 2009, un système à points pour devenir britannique, avec un délai pouvant atteindre dix ans, comme c’est le cas en Italie. Le gouvernement des Pays-Bas envisage de ne rendre possible la naturalisation qu’au bout de cinq ans (contre trois aujourd’hui) et d’exiger un meilleur niveau de langue et l’absence de menace à l’ordre public. Enfin, l’Allemagne demande, comme la France, un niveau B1 de maîtrise de la langue, et, depuis 2008, une mesure très controversée impose aux étrangers un test sur la politique et l’histoire du pays. ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE
COMMUNIQUÉ
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES Caisse Autonome d’Amortissement du Bénin
© D.R.
PAR APPEL PUBLIC À L’ÉPARGNE
S.E.DR. Thomas Boni Yayi Président de la République du Bénin, Chef de l’État, Chef du gouvernement
Depuis 2006, le Gouvernement du Bénin a affiché sa volonté d’assainir les finances publiques et de préserver la stabilité du cadre macroéconomique. Ainsi les principales mesures mises en oeuvre pour améliorer la situation budgétaire et financière de l’État ont porté entre autres sur le rétablissement du respect des procédures d’engagement des dépenses publiques, l’interdiction du recours excessif à la procédure exceptionnelle des ordres de paiement, le contrôle de la qualité des dépenses et l’apurement progressif de la dette non salariale. Les deux dernières années marquées par la récession économique induite par la crise financière et économique internationale et par les graves inondations qui ont frappé le Bénin, ont affecté négativement les recettes de l’État. Pour renforcer la trésorerie de l’État en vue de relancer l’économie nationale en mobilisant des ressources nécessaires au financement du Programme d’Investissements Publics (PIP), le Gouvernement de la République du Bénin, à travers la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA), lance un emprunt obligataire par appel public à l’épargne dénommé « CAA-BENIN 6,5 % 2011-2016 » d’un montant indicatif de 50 milliards de F CFA sur le marché financier régional de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Cet emprunt, qui bénéficie de la garantie souveraine de l’État du Bénin est ouvert aux personnes physiques et morales des pays membres de l’UEMOA, ainsi qu’aux investisseurs régionaux et internationaux.
© A Dupeyron / JA
La valeur nominale des titres est de 10 000 F CFA par obligation, le taux d’intérêt est de 6,5 % l’an net d’impôt pour les résidents béninois. La durée de l’emprunt est de 5 ans dont 1 an de différé. Seuls les intérêts seront payés pendant cette année de différé ; le remboursement du capital sera annuel et constant à partir de 2013.
Madame Adidjatou A. Mathys Ministre de l’Économie et des Finances
à l’EMPRUNT OBLIGATAIRE « CAA-BÉNIN 6,5 % 2011-2016 » auprès des Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI) de la Zone UEMOA et des établissements bancaires.
SOUSCRIPTION : du 3 au 31 octobre 2011 La souscription peut être raccourcie, prolongée ou déplacée en cas de besoin, après avis du Conseil régional.
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La semaine de J.A. Décryptage
Tunisie L’affaire Persepolis La diffusion d’un film d’animation sur Nessma TV a provoqué une polémique, en pleine campagne électorale. La cause ? Une image de Dieu y apparaît furtivement.
À
deuxsemainesdel’électionde la Constituante, le 23 octobre, la diffusion d’un dessin animé a failli faire déraper la campagne. Le 9 octobre, la chaîne privée Nessma TV avait programmé Persepolis, un film d’animation coréalisé par Marjane Satrapi, une Iranienne exilée qui relate avec talent sa vie sous le règne du chah, puis sous Khomeiny. L’ennui, c’est qu’apparaît, furtivement et à trois reprises, une image de Dieu. Nabil Karoui, le directeur de Nessma, a peut-être oublié qu’il vit dans un pays sunnite, où toute représentation d’Allah est un blasphème. Il a en tout cas pris le risque de maintenir cette image, et de s’engager dans une affaire qui a pris un tour très politique. « Ne touchez pas à mon Dieu et à son prophète, et après, vous pourrez diffuser tous les films que vous voudrez », s’écrie un manifestant qui n’a rien d’un salafiste. À Tunis, le 9 octobre, des groupes de protestataires, barbus ou non, affluent devant deux établissements administratifs de la chaîne, fermés le dimanche. Les forces de l’ordre les dispersent avant qu’ils n’atteignent les lieux. Plusieurs
sont interpellés pour manifestation non autorisée. « Il n’y a pas eu d’attaque contre les locaux », témoigne un photographe qui était sur place. MACHINE ARRIÈRE. La programmation
de Persepolis est le fruit d’un partenariat entre Nessma et Images et paroles de femmes (IPF), une association féministe
spécialisée dans la sélection de documentaires abordant des thèmes liés à l’islam, évoquant le Coran, la sexualité ou la politique, qu’elle traduit et double en dialecte tunisien en vue de leur diffusion pendant ses campagnes contre l’intégrisme. S’exprimant au nom d’IPF au cours du débat en plateau qui a suivi la diffusion du film, le sociologue Senim Ben Abdallah a confirmé que l’association « a choisi ce film car les problèmes qu’a connus l’Iran [après la chute du chah, NDLR] peuvent surgir en Tunisie aujourd’hui ». « Depuis la chute de Ben Ali, écrit de son côté Nadia Jamel, présidente d’IPF, nous pouvons agir librement et contribuer efficacement à la lutte contre la menace du vote islamiste. » Ce vote, c’est celui du 23 octobre, et IPF s’y prépare depuis des mois. Avec l’aide de deux autres associations, Parole libre et Esprit citoyen, elle a mis au point une campagne grand public incluant des spots publicitaires. Dans l’un d’eux, une mère déclare : « J’ai deux filles, de 18 et 22 ans : la grande porte le foulard, l’autre non. Pendant vingt-deux ans, nous avons obligé l’aînée à enlever le foulard, et vous voulez que je vote pour qu’on oblige la cadette à le porter ? » En butte à une partie de la rue qui exige la fermeture de la chaîne, visé par des poursuites judiciaires, Karoui a fait machine arrière. « Je présente mes excuses au peuple tunisien pour la diffusion de cette séquence controversée et jugée blasphématoire. C’est une erreur qui ne se répétera pas ». ●
LE DESSIN DE LA SEMAINE
ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis
Glez FRANCE IRA, IRA PAS ?
PAS DE PRIMAIRE À L’UMP ! Cela n’empêche pas pour autant des voix, à droite, de contester la « candidature naturelle » de Nicolas Sarkozy, au plus mal dans les sondages. À six mois de la présidentielle, c’est Alain Juppé, le « meilleur d’entre nous », qui pourrait bien être l’homme providentiel. Si 57 % des Français souhaitent qu’il se présente, le ministre des Affaires étrangères garde la tête froide et soutient « sans ambiguïté » le chef de l’État sortant. À moins que… N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
L'économie verte et la transformation structurelle Centre de conférences des Nations Unies Addis-Abeba 25-28 octobre 2011 www.uneca.org/aec www.afdb.org/en/aec
Commission économique pour l’Afrique
Groupe de la Banque africaine de développement
Programme des Nations Unies pour le développement
ILS ONT DIT
«
Maghreb des films Revoilà le printemps
J’ai rencontré une fois Silvio Berlusconi, et cela a été l’une des soirées les plus étonnantes de ma vie. J’étais venu lui parler du Darfour. Il m’a montré sa chambre et le lit que Poutine lui avait offert. Ça a été une conversation hallucinante. »
ORGANISÉ pour la quatrième année consécutive à Paris, dans sa banlieue et dans divers autres lieux en France du 16 au 25 octobre, le Maghreb des films est désormais une manifestation reconnue. En cette fin d’année 2011, le festival s’est mis au diapason des mouvements de révolte populaire dans le monde arabe et propose donc une édition très politique. Avec la projection des premiers documentaires sur la révolution tunisienne, notamment ceux de Mourad Ben Cheikh (Plus jamais peur), Nadia el-Fani (Laïcité, Inch’Allah!) et Mohamed Zran (Digage ! Digage !). Mais aussi avec un retour sur l’Histoire, en offrant aux spectateurs une rétrospective exceptionnelle
GREG ALLEN/REX FEATURES
GEORGE CLOONEY Acteur américain
« Nous n’avons pas besoin de GPS, nous avons les étoiles. » EYADOU AG LECHE Musicien du groupe touareg Tinariwen
« Le Sénégal est un pays sans chef d’État. Celui qui est là ne représente rien. C’est vrai qu’il y a des infrastructures, mais on a besoin de respect. De se dire, le soir en se couchant, que quelqu’un nous représente bien. » OUSMANE SOW Sculpteur sénégalais
très tolérant. La preuve : j’ai été réélu. » JOHN GODSON Député polonais d’origine nigériane (premier Noir à siéger à la Diète polonaise, en 2010, réélu le 9 octobre)
«
Je me suis construite toute seule. Pourtant, la première chose que me demandent les journalistes africains, c’est si je suis mariée ! »
N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
RENAUD DE ROCHEBRUNE
DÉÇU DE VOTRE BLACKBERRY ? Dites-moi pourquoi vous voulez passer à mon Windows Phone, j’en ai vingt-cinq à offrir ! » Cet ironique tweet d’un concurrent – en l’occurrence, le très médiatique concepteur Ben Rudolph, de la société Windows – serait anecdotique s’il ne survenait en pleine débâcle de la maison Research In Motion (RIM), mère du célèbre téléphone BlackBerry, alias BB. Trois jours durant (du 10 au 13 octobre), l’entreprise canadienne n’a plus été en mesure d’assurer ses services de messagerie instantanée et de courrier électronique, ceux-là mêmes qui ont fait son succès auprès des jeunes et des entreprises. Amérique du Nord, Europe, Afrique, Asie… l’ensemble de la planète s’est retrouvée privée de connexion.
« La Pologne est un pays
SIA TOLNO Chanteuse guinéenne
de la quasi-totalité des films qui ont été consacrés à la manifestationindépendantiste du FLN à Paris le 17 octobre 1961, réprimée dans le sang (lire pp. 90 à 92). Parmi la centaine de films sélectionnés cette année, plusieurs inédits sont attendus avec curiosité, comme Sur la planche, de la talentueuse Marocaine Leila Kilani, ou La Baie d’Alger, du prolifique réalisateur algérien Merzak Allouache, qui sera présentée en clôture de la manifestation à l’Institut du monde arabe (IMA), le 25 octobre. La majorité des projections parisiennes ont lieu à l’IMA, au Forum des images et aux 3 Luxembourg. ●
Téléphonie Big bogue chez BB
DR
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PLATES EXCUSES. Que s’est-il passé ? Les data centers, ces énormes serveurs répartis sur les quatre continents et chargés de stocker les données avant de les renvoyer à leurs destinataires, sont tout simplement tombés en panne. C’est la deuxième fois que RIM connaît un tel incident, après celui survenu deux ans plus tôt aux États-Unis. Les excuses publiques du patron sur la page Facebook de la marque suffiront-elles à rétablir la confiance ? Déjà, de nombreux utilisateurs envisagent de troquer leur BB contre un iPhone du concurrent américain Apple, qui vient justement de sortir sa dernière version, agrémentée de nouveaux services conçus pour concurrencer le pré carré canadien. Quand le sort s’acharne… ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. Les gens
Pedro Pires Gouvernance modèle poursuivi des études de chimie à Lisbonne à la fin des années 1950, avant de quitter le Portugal en 1961 pour embrasser la cause nationaliste et adhérer au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). En 1975, après la libération de son pays à la faveur de l’avènement de la IIIe République portugaise – issue de la révolution des Œillets –, Pedro Pires est nommé Premier ministre, poste qu’il occupera jusqu’en 1991, quand son parti est battu aux élections par le Mouvement pour la démocratie, dirigé par son éternel rival, le leader de droite Carlos Veiga.
L’ex-président du Cap-Vert a reçu le prix de la Fondation Mo Ibrahim pour son leadership d’excellence et son comportement exemplaire.
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onsécrationinternationalepour Pedro de Verona Rodrigues Pires. À 77 ans, l’ancien président du Cap-Vert, dont le mandat s’est achevé en septembre dernier, a été désigné, le 10 octobre, à Londres, lauréat 2011 du prix « pour le leadership d’excellence en Afrique » décerné par la fondation du milliardaire anglo-soudanais Mo Ibrahim. Une distinction qui récompense un chef d’État africain ayant quitté le pouvoir de manière démocratique et pacifique au cours des trois dernières années, et dont la gouvernance a été exemplaire. Réunis la veille, les sept jurés, pilotés par l’ex-Premier ministre de Tanzanie Salim Ahmed Salim, ont fait leur choix à l’unanimité. Pedro Pires succède à Festus Mogae, l’ancien président du Botswana, dernier chef d’État à avoir décroché le prix Ibrahim. C’était… en 2008. L’oiseau rare? « L’excellence est difficile à trouver », explique Aïcha Bah Diallo, l’un des jurés et présidente du forum des éducatrices africaines. VISIONNAIRE. « Le jury a été impressionné par la capacité visionnaire du président Pires qui l’a conduit à transformer son pays en un modèle de démocratie, de stabilité et de développement », a justifié Salim Ahmed Salim. L’homme de Praia a de fait fortement contribué à faire du Cap-Vert une successstory. Sous ses deux présidences (2001 à 2011), le PIB du pays a progressé de plus de 6 % par an, selon le FMI. Le revenu par habitant a augmenté de 181 % sur la même période. Le taux d’alphabétisation est supérieur à 80 % de la population et
AFOLABI SOTUNDE/REUTERS
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Il a notamment refusé tout TRIPATOUILLAGE
CONSTITUTIONNEL.
l’espérance de vie dépasse les 71 ans. Mais Pedro Pires n’est pas seulement un modèle de bonne gestion économique, c’est aussi un exemple de sagesse politique. Né en 1934 sur l’île de Fogo, il a
PROBITÉ. À chaque revers électoral, l’homme a accepté le verdict des urnes. « Et n’oubliez pas que c’est un ancien général ! » insiste Aïcha Bah Diallo. Dans la foulée de l’échec de 1991, il perd aussi le leadership de son parti, qu’il ne retrouvera qu’en 1997. En 2001, il est élu président de la République du Cap-Vert avec 12 voix d’avance, puis réélu en 2006 avec 50,98 % des suffrages. Inflexible sur ses principes, Pedro Pires résiste aux forces de son camp qui lui demandent de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat. « Ce n’est pas en violant la Constitution que l’on fait avancer la démocratie », lancera-t-il avant de tirer sa révérence. Autre signe de sa très grande probité : il n’a pas profité de son passage au pouvoir pour s’enrichir. « En 1991, lorsqu’il a quitté le poste de Premier ministre, il n’avait ni voiture personnelle ni maison. Il est retourné vivre chez sa mère. Ses amis de la diaspora se sont cotisés pour lui acheter un véhicule », raconte Aïcha Bah Diallo. Aujourd’hui, sa vie va changer! L’heureuxéluduprixIbrahimvaempocher un chèque de 5 millions de dollars versés sur dix ans, complété par la suite par une rente annuelle de 200000 dollars à vie. La cérémonie de remise du prix Ibrahim aura lieu à Tunis le 12 novembre. ● JEAN-MICHEL MEYER, envoyé spécial à Londres
NOMINATIONS
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RABAH MADJER UNESCO L’ex-footballeur international algérien et Ballon d’or africain 1987 a été nommé ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco le 11 octobre.
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AISA KIRABO KACYIRA ONU L’ex-maire de Kigali a été nommée, le 11 octobre, directrice exécutive adjointe de l’ONU-Habitat, le programme de l’ONU pour l’urbanisation. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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CASIMIR BIZIMUNGU
AMOS GUMULIRA/AFP
Avec son collègue des Affaires étrangères Jérôme-Clément Bicamumpaka, l’ex-ministre rwandais de la Santé figure parmi les plus hautes personnalités acquittées par leTribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). RIGOBERTE M’BAH Le 11 octobre, le tribunal administratif de Lille a annulé l’avis d’expulsion de la footballeuse camerounaise et a condamné la préfecture du Pas-de-Calais à lui verser 1 200 euros de dommages et intérêts.
À Lilongwe (Malawi), le 13 octobre, pour le sommet de la COMESA (MARCHÉ COMMUN DE L’AFRIQUE ORIENTALE ET AUSTRALE).
Guy Scott White Bemba
Pour protester contre la sanglante répression de manifestants coptes le 9 octobre, le vice-Premier ministre et ministre égyptien des Finances a présenté sa démission au chef du gouvernement, Essam Charaf.
Le nouveau chef de l’État zambien choisit un Blanc, fils d’immigré britannique, pour vice-président.
E
st-ce un pas en avant, ou une régression ? Après avoir réussi la deuxième alternance pacifique de son histoire, la Zambie a fait d’un Blanc son vice-président. Pour l’intéressé, Guy Scott, nommé le 29 septembre par le chef de l’État, « les mentalités changent. Les gens ont arrêté de ruminer sur les méfaits de la colonisation ». Numéro deux de l’État, il pourrait même devenir président si Michael Sata, 74 ans, élu le 20 septembre, venait à ne pas finir son mandat. Depuis les élections multiraciales de 1994 en Afrique du Sud, c’est une première en Afrique subsaharienne. Mais notre homme est fait d’un tout autre bois que les durs du régime de l’apartheid. FRANC-PARLER. Né en 1944 dans la Rhodésie du Nord d’alors,
EN BAISSE
OLIVER LETWIN Chargé de la politique gouvernementale de David Cameron, le ministre britannique a été surpris en train de jeter des documents officiels sensibles dans une poubelle de St James Park, à Londres. RAJ RAJARATNAM Le 13 octobre, le patron du fonds d’investissement Galleon a été condamné à onze ans de prison par la justice américaine pour un délit d’initié portant sur 72 millions de dollars. SAM KUTESA Accusés de malversations et du détournement de 4,8 millions de dollars lors de l’organisation du sommet du Commonwealth de 2007, le ministre ougandais des Affaires étrangères et deux de ses collaborateurs ont dû démissionner. DR
fils d’un immigré britannique anti-impérialiste, il voit son destin définitivement lié à celui de la Zambie avec l’indépendance, en 1964. Ses études à Cambridge terminées, il rentre au pays pour devenir haut fonctionnaire au ministère des Finances. Après avoir géré une exploitation agricole, Scott, qui maîtrise le bemba, la langue de l’ethnie majoritaire, revient à la politique en 1990 au sein du Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD). Dans la foulée, le parti remporte les élections face au père fondateur, Kenneth Kaunda, et Scott devient ministre de l’Agriculture. Sous les couleurs de l’opposition, qu’il a rejointe en 2001, il est élu député de Lusaka en 2006. Mais certaines saillies de cet homme réputé pour son franc-parler jettent le trouble. « Les gens sont nostalgiques, pas de l’exploitation et de la division, mais des niveaux de vie de l’époque coloniale, a-t-il récemment déclaré au Guardian. Quand vous alliez à l’hôpital, il y avait des médicaments ; quand vous alliez à l’école, il y avait des livres ; quand vous alliez au magasin, il y avait des produits. » Le nouveau vice-président zambien a gardé des liens étroits avec la Grande-Bretagne. Ses enfants sont retournés y vivre, comme la plupart des Blancs (qui représentent moins de 0,5 % de la population). Ni vestige d’un passé qu’on aimerait révolu ni précurseur d’une nouvelle tendance, Guy Scott pourrait demeurer une exception. ● PIERRE BOISSELET
REUTERS ; DR
HAZEM BEBLAWI
JEUNE AFRIQUE
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Grand angle
DIPLOMATIE
Zuma OPA sur l’Afrique
Après avoir défendu, envers et contre tous, Gbagbo et Kaddafi, Pretoria avance ses pions au sein de l’Union africaine avec une candidature contre Jean Ping. Une ambition assumée, un volontarisme affiché… Mais la cohérence n’est pas toujours au rendez-vous.
FRANÇOIS SOUDAN
D
esmond Tutu, qui ne décolère pas depuis que son invité vedette, le dalaï-lama, s’est vu privé de visa pour venir souffler avec lui au Cap les quatre-vingts bougies de son anniversaire, et Jean Ping, tout ébaubi encore de se retrouver face à une concurrente déclarée – qui n’est autre que l’ex-épouse de Jacob Zuma – à la présidence de la Commission de l’Union africaine, ne sont pas les seuls à se demander si la politique extérieure de l’Afrique du Sud a encore une substance et une cohérence. Depuis le Des bombardements début de 2011, les deux pôles ont lieu en Libye opposés entre lesquels navigue la diplomatie de Pretoria alors que nous avions sont à l’image de l’homme qui les moyens pacifiques de l’impulse et la dirige : Zuma le charmeur, populiste et régler le conflit. Les puisdébonnaire, et Zuma le dur, sants ont dit de manière ancien chef d’une unité secrète du Congrès national africain arbitraire : “Nous devons (ANC) chargée de traquer les imposer la paix.” » espions du pouvoir pâle. Deux pôles, donc. D’un côté, JACOB ZUMA, le 4 mai 2011 la défense pied à pied de la souveraineté nationale et de la non-ingérence – y compris chez les dictateurs. De l’autre, la proclamation d’un « objectif primordial : contribuer aux idéaux de démocratie, de justice et des droits de
«
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Ð UNE POLITIQUE À DEUX VISAGES, COMME tantôt le populiste débonnaire, tantôt le dur, ancien des services de renseignements de l’ANC.
LE PRÉSIDENT QUI L’IMPULSE :
l’homme », ainsi que le réitère à chaque occasion le successeur de Thabo Mbeki. Dans la pratique, cette schizophrénie diplomatique se traduit par des prises de position manifestement contradictoires. Jacob Zuma a ainsi très vite surfé sur la vague du Printemps arabe en exigeant le départ de Moubarak et en se félicitant de celui de Ben Ali. Mais il aura jusqu’au bout cherché à sauver les soldats Gbagbo et Kaddafi (tout en votant en faveur de la résolution 1973, avant de se rétracter), et il ne cache pas son hostilité aux sanctions internationales contre le régime syrien. Très en pointe pour condamner les généraux birmans et applaudir à la libération de l’opposante Aung San Suu Kyi, le président sud-africain ferme obstinément les yeux sur les violations des droits de l’homme à ses propres portes, au Swaziland – dernière monarchie d’Afrique subsaharienne – et bien sûr au Zimbabwe, dont il n’a jamais critiqué en public l’autocrate octogénaire. Il n’y a pas plus réactif que lui sur le continent pour fustiger la politique d’Israël vis-à-vis du peuple palestinien – au point de rappeler son ambassadeur à Tel-Aviv. Mais il n’y a guère plus compréhensif à l’égard de la Chine (pas de visa pour le dalaï-lama, refus de féliciter le Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo), ni plus hésitant vis-à-vis de la Cour pénale internationale, dont l’Afrique du Sud a pourtant ratifié les statuts : un jour pour, un jour contre. Complexe comme une danse zouloue, à géométrie variable, la diplomatie sud-africaine est aussi déroutante que le sont les humeurs de son principal inspirateur. Nicolas Sarkozy, qui avait cru pouvoir vanter les mérites d’un axe Paris-Pretoria après avoir fraternisé avec son ami Jacob, avant que ce dernier ne qualifie de « néocoloniale » l’intervention de la France en Côte d’Ivoire, en sait quelque chose. CONTREPOIDS À L’OCCIDENT. Derrière ces lignes
brouillées, souvent imprévisibles et parfois incompréhensibles, se dessine pourtant une logique forte: l’Afrique du Sud se veut une grande nation qui n’a de comptes à rendre à personne. Depuis avril 2011, le pays de Nelson Mandela a rejoint les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), avec lesquels il forme maintenant les Brics, autour d’un objectif majeur : faire contrepoids à la domination occidentale sur les mécanismes de la gouvernance mondiale – en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU et la Banque mondiale. Sur le continent, cette posture volontariste se traduit par l’affirmation répétée de Jacob Zuma selon laquelle il faut des « solutions africaines aux problèmes africains ». Le président a ainsi ressenti comme un camouflet le fait que le groupe de médiation des chefs ● ● ● JEUNE AFRIQUE
MARC SHOUL/PANOS PICTURES
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JEUNE AFRIQUE
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Diplomatie d’État dont il faisait partie pour négocier une sortie de crise en Libye ait été systématiquement marginalisé par les puissances blanches de l’Otan. Et il ne faudrait pas sous-estimer le caractère répulsif, aux yeux des dirigeants sud-africains, de la présence de soldats français En Côte d’Ivoire, il n’y a dans les rues d’Abidjan – avant pas eu d’élection. Les Zuma, Thabo Mbeki avait déjà exprimésastupeurdevantpareil rebelles n’ont pas déposé spectacle. Plus généralement, les armes… Des citoyens ont l’ANC au pouvoir à Pretoria estime n’avoir aucune leçon de été empêchés de voter… Si défense des droits humains à vous appelez cela une élection, recevoir de la part de pays qui ne l’ont pas soutenu à l’époque alors c’est Laurent Gbagbo de l’apartheid : « Pendant que qui a gagné. » nous luttions, vous vendiez des armes à Vorster et à Botha, alors JACOB ZUMA, le 2 mars 2011, sur CNN que Kaddafi, lui, nous aidait », expliquaitilyapeuNkosazanaDlamini-Zuma,larivalede Jean Ping, à un diplomate français en poste à Pretoria. La rhétorique peut paraître simpliste, mais elle est claire. Et sans doute est-ce pour donner à une Union africaine humiliée du côté de Tripoli, de Benghazi et de la lagune Ébrié la place qui lui revient dans le concert des continents que Jacob Zuma a jeté son dévolu sur la présidence de la Commission. Quitte à être soupçonné de velléités hégémoniques par des chefs d’États frères pour lesquels il n’a, au fond, qu’une assez piètre estime. ● ●●●
VINCENT FOURNIER/J.A.
«
Le sortant JEAN PING • Né le 24 novembre 1942 • Gabonais • Ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie de 1999 à 2008, président de la Commission de l’Union africaine depuis le 1er février 2008
Forces
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Un bilan somme toute satisfaisant dans un contexte difficile Le soutien des francophones pour un second mandat généralement automatique
Faiblesses
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Son côté consensuel et son manque de leadership qui ont placé l’UA en retrait dans la crise libyenne Le soutien tardif d’Ali Bongo Ondimba
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Duel pour l’UA
Deux candidats déclarés, deux styles. Entre Ping le consensuel et Dlamini-Zuma l’ambitieuse, la bataille diplomatique est déjà engagée pour remporter la présidence de la Commission. ALAIN FAVERIE,
«
avec
M
ANNE KAPPÈS-GRANGÉ
ais qu’on me dise ce qu’on me reproche ! » lance Jean Ping. Dans son grand bureau moquetté au dernier étage du siège de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba, le président de la Commission reçoit ses amis avec des accents d’homme blessé. Ping n’a fait qu’un mandat. Il ne comprend pas pourquoi, en vue du prochain sommet de l’UA, en janvier 2012, l’Afrique du Sud présente contre lui une candidate, et pas n’importe qui: Nkosazana Dlamini-Zuma, ex-ministre des Affaires étrangères et ex-épouse du chef de l’État (lire aussi p. 30). Bien sûr, il sait que c’est la règle du jeu. Tous les quatre ans, chaque pays du
et
PHILIPPE PERDRIX
continent peut présenter un homme ou une femme à ce poste très convoité. Mais traditionnellement, le titulaire du poste – qui s’appelait autrefois « secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) » – effectue deux mandats. Et cette torpille tirée par Pretoria, non, vraiment, Ping ne l’a pas vue venir. Surtout après tous les signaux d’allégeance qu’il avait envoyés au Sud-Africain Jacob Zuma sur le dossier libyen. Alors Ping s’interroge. Pourquoi ce vilain coup de son ami Zuma ? BOUC ÉMISSAIRE. Explication officielle:
le diplomate gabonais est trop francophile. Fin septembre, Jacob Zuma débarque à l’Assemblée générale de l’ONU, JEUNE AFRIQUE
OPA sur l’Afrique
JEUNE AFRIQUE
FETHI BELAID/AFP
à New York, et confie à un chef d’État La force de Nkosazana Dlamini-Zuma, d’Afrique de l’Ouest : « Ping est dans 62 ans, c’est d’abord sa personnalité. la main des Français. Il faut quelqu’un Elle a de l’expérience et du caractère. d’autre à la tête de l’UA. » Mis au parUn diplomate français ajoute même : fum, un proche du Gabonais Ali Bongo « Ping et Zuma, c’est l’eau et le feu. Lui, Ondimba sursaute : « Mais c’est un arguc’est un homme plein de rondeurs et ment totalement fallacieux. Pendant confortable. Elle, c’est une emm… qui a mauvais caractère. » Sa force, c’est aussi toute la crise libyenne, Ping a soutenu avec véhémence la position de l’Afrique le soutien de son ami Thabo Mbeki, du Sud: oui au dialogue, non à l’Otan. Sur dont elle a été la ministre des Affaires Kaddafi, il s’est même opposé à son pays étrangères pendant dix ans, de 1999 à d’origine, le Gabon ! » Pas faux. Le 25 mai, 2009. D’Abidjan à Khartoum, l’ex-préà Addis-Abeba, lors de la conférence sident sud-africain continue de courir de l’Union sur l’état de la paix et de la le monde et d’offrir ses médiations. À sa sécurité en Afrique, le Gabon a défendu protégée, il peut apporter l’appui de ses le Conseil national de transition (CNT) réseaux politiques et universitaires. En libyen contre l’avis de Ping. Donc, ce n’est août, à la veille de la chute de Tripoli, il sans doute pas la bonne piste. a signé avec 140 intellectuels africains La vérité, c’est que Jacob Zuma a vécu une lettre ouverte contre l’intervention l’échec de sa politique du dialogue en militaire de l’Otan en Libye et la mise Libye comme une humiliation et qu’il hors jeu de l’UA par les ex-puissances veut prendre sa revanche. Feu sur le quarcoloniales. Un texte si obnubilé par la tier général de l’UA, bouc émissaire idéal. lutte contre l’Occident que plusieurs Zuma est ambitieux. Pour son pays, le universitaires en Afrique du Sud, dont chef de l’État sud-africain veut une place le Camerounais Achille Mbembe, ont au Conseil de sécurité. L’UA peut être un refusé de le parapher… tremplin vers l’ONU. Pour lui-même, il veut un second Pour la nation Arc-en-Ciel, une mandat. L’an prochain, victoire pourrait être un tremplin lors du « congrès du cenvers le Conseil de sécurité de l’ONU. tenaire » de sa formation, le Congrès national africain (ANC), prévu à Bloemfontein, il risque La faiblesse de Dlamini-Zuma, c’est d’être battu par son actuel vice-président, justement ce positionnement très antiKgalema Motlanthe. Or ce dernier est occidental que tout le monde ne partage encore plus anti-Otan que lui. Après la pas en Afrique du Sud. Exemple avec chute de Tripoli, Motlanthe a réclamé les reportages des grands médias sur la la mise en accusation des généraux de Libye, qui évoquent beaucoup plus les l’état-major de l’Otan par la Cour pénale crimes de Kaddafi que ceux de l’Otan. internationale. Pour être réélu à la tête Quelques essayistes libéraux, comme de l’ANC – et donc du pays –, Zuma doit Greg Mills, de la Fondation Brenthurst, s’étonnent que leur gouvernement ferme donner des gages aux pro-Kaddafi du les yeux sur les massacres en Libye, en parti, notamment à la Ligue des jeunes Syrie ou en Iran. « L’Afrique du Sud est du très remuant Julius Malema. une démocratie à deux vitesses, une « FRATERNELLEMENT ». Ping peut-il être démocratie-voyou », s’écrient-ils. Sa faibattu par Dlamini-Zuma ? C’est possible. blesse, ce sont aussi les errements de Face à l’Afrique du Sud, le Gabon ne pèse son gouvernement qui, le 17 mars à New pas lourd. Comme le dit un diplomate York, a dit « oui » à la zone d’exclusion d’Afrique centrale : « Si les Sud-Africains aérienne au-dessus de la Libye… puis mettent le paquet, je ne connais pas a changé d’avis. « Les Sud-Africains ont voté la résolution 1973 avant de se dédire. beaucoup de chefs d’État du continent Cela a fragilisé la feuille de route de l’UA », qui oseront monter au créneau contre lance un ex-ministre des Affaires étraneux. » Mais notre proche d’Ali Bongo Ondimba répond aussitôt : « Ce sera une gères d’Afrique de l’Ouest qui défend la belle bataille, Bantou contre Bantou. réélection de Ping. Je comprends que les Sud-Africains Enfin et surtout, la faiblesse de Dlamini-Zuma, c’est ce qu’un diplomate veuillent prendre le contrôle de l’UA, mais nous allons nous battre. [Un silence] ouest-africain appelle « la prétention Fraternellement… » Hum ! de l’Afrique du Sud à exercer une ● ● ●
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La prétendante NKOSAZANA DLAMINI-ZUMA • Née le 27 janvier 1949 • Sud-africaine • Ministre de la Santé de 1994 à 1999, des Affaires étrangères de 1999 à 2009 et de l’Intérieur depuis 2009
Forces
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Le soutien de son ex-mari, Jacob Zuma, et de Thabo Mbeki, dont elle est proche Son caractère déterminé et sa force de travail
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L’accord tacite qui réserve ce poste à un petit pays La ligne antioccidentale de la diplomatie de Pretoria N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Grand angle
Diplomatie
sorte de leadership sur le continent ». « Ce n’est pas un hasard si l’Afrique n’a jamais donné la présidence de la BAD Pretoria prétend, et ça agace. En décembre dernier, après la présidentielle ivoi[Banque africaine de développement] à rienne, le Nigeria et le Burkina Faso n’ont un gros actionnaire comme le Nigeria. pas du tout apprécié que l’Afrique du Dans toutes ces organisations régioSud, via Thabo Mbeki, tente de sauver le nales, les Africains préfèrent élire des fauteuil de Laurent Gbagbo. « L’UA foncprésidents issus de petits pays, car ils tionne sur le principe de la subsidiarité, s’énerve notre « Ping a bien travaillé. Je ne vois diplomate. Quand une crise pas pourquoi on ne lui laisserait éclate, c’est l’organisation pas faire un second mandat. » régionale la plus proche GOODLUCK JONATHAN, président du Nigeria qui a la priorité. Pourquoi l’Afrique du Sud vient-elle sont plus ouverts au consensus. Si l’Afrijouer dans notre basse-cour ? » À force de tentation hégémonique, les que du Sud avait lancé contre nous la Sud-Africains commettent des gaffes. candidature de quelqu’un du Botswana ou de la Namibie, elle nous aurait mis « Après la chute de Tripoli, c’est Zuma beaucoup plus en danger. » qui a convoqué une réunion du comité ad hoc de l’UA sur la Libye, sans même Jean Ping champion du consensus ? C’est à la fois sa force et sa faiblesse. consulter le président de ce comité, le Mauritanien Aziz », maugrée une source Certes, « avec sa feuille de route, il a fait le job sur la Libye, reconnaît un diplomate diplomatique à Addis-Abeba. « L’Afrique du Sud veut régenter l’UA et imposer sa d’Afrique centrale. Il est apparu comme loi, s’insurge notre ex-ministre ouestun militant de l’UA, pas comme un notable assoupi ». Mais « face aux chefs d’État africain pro-Ping. La dame est en mission pour vassaliser l’UA. » Rien de moins ! africains qui tiraient à hue et à dia, il n’a pas été assez énergique et a manqué DAVID CONTRE GOLIATH. Une Afrique d’autorité, tempère un haut fonctiondu Sud qui fait peur… Évidemment, les naire de l’ONU. S’il avait été si bon que partisans de Jean Ping, 68 ans, jouent ça, les Sud-Africains n’auraient pas pu cette carte à fond. Leur stratégie, c’est présenter quelqu’un contre lui ». le petit contre le gros, David contre « Sa communication a été désastreuse, souligne pour sa part Paul-Simon Handy, Goliath. Et leur mot d’ordre : « Pas question qu’un grand pays prenne la de l’Institut d’études stratégiques de Pretoria. Au nom du principe de la souCommission de l’UA ! » Tous ensemble, dans un argumentaire déjà bien rodé, les veraineté nationale, il a pris une position pro-Ping s’exclament : « Zuma à Addis, anti-Otan qui n’avait rien d’irrationnel. c’est comme si les Américains voulaient Mais très vite il est tombé dans le piège de la place de Ban Ki-moon à l’ONU, ou l’antioccidentalisme et du paradigme du les Français celle de Barroso à l’Union joug, avec un discours d’autoflagellation européenne. » Plus subtilement, notre empreint de complexe d’infériorité. » En conseiller d’Ali Bongo Ondimba ajoute : fait, ajoute le chercheur camerounais,
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LES PINGRES DE PRETORIA DEPUIS LONGTEMPS, l’Union africaine (UA) a pris l’habitude de gratter les fonds de tiroir. Cinq pays (Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Libye et Nigeria) financent à eux seuls 75 % du budget de fonctionnement de l’organisation. Sauf que cette année ils ne sont plus que quatre –Tripoli n’ayant pas payé depuis 2010, et le Conseil national de transition (CNT) libyen ayant, dans l’immédiat, d’autres priorités. L’Afrique du Sud serait-elle prête à combler le vide ? A priori non. « Pretoria ne met jamais la main à la poche, fait remarquer un ministre ouest-africain des Affaires étrangères. Il est même champion pour affaiblir l’UA. » Dans les chancelleries africaines, on se souvient notamment qu’en 2004, lorsque le président de la Commission de l’époque, Alpha Oumar Konaré, avait proposé de faire passer de 40 à 600 millions de dollars (de 29 à 440 millions d’euros) le budget de fonctionnement de l’UA, c’est l’Afrique A.K.-G. du Sud qui avait tout fait capoter. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
« Ping a montré une trop grande docilité à l’égard des chefs d’État africains. Demain, si Dlamini-Zuma est élue, elle forcera ces chefs d’État à faire des concessions. Elle donnera une plus grande marge de manœuvre à la Commission ». Qui a le plus d’alliés ? Dans les deux camps, les émissaires commencent déjà à visiter une à une les capitales africaines. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Jean Ping a profité de l’Assemblée générale de l’ONU, fin septembre à New York, pour lancer sa propre campagne. Pendant deux ans, le diplomate gabonais s’est senti lâché par Ali Bongo Ondimba, qui l’avait soupçonné un temps de vouloir briguer la succession du défunt Omar. Mais aujourd’hui, le différend est oublié. Lors d’un tête-à-tête à Paris, le 1er septembre, en marge d’un sommet sur la Libye, les deux hommes ont mis en place une stratégie de campagne. Ali Bongo Ondimba peut-il encore changer d’avis et renoncer à soutenir son compatriote, sous la pression de Jacob Zuma ? Il est vrai que le groupe minier JEUNE AFRIQUE
XINHUA/ZUMA/REA
OPA sur l’Afrique
LE PRÉSIDENT SORTANT AVEC JACOB ZUMA LE 26 AOÛT, à Addis-Abeba, lors d’une réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’organisation panafricaine.
sud-africain Samancor Manganese (filiale du géant BHP Billiton) a acquis en 2005 d’importants sites de manganèse dans le Haut-Ogooué et vise une production de 300 000 tonnes par an. Mais au Gabon, remarque un universitaire de Libreville, « l’Afrique du Sud n’est qu’un investisseur parmi d’autres, comme la Chine ou la France. Elle n’a donc pas beaucoup de moyens de pression économiques ». Qui va gagner ? A priori, la SudAfricaine peut compter sur les voix des membres de la SADC, l’organisation sous-régionale la mieux structurée du continent, et le Gabonais sur celles des pays d’Afrique centrale. Mais rien n’est simple. Dans le camp Ping, on espère arracher le suffrage de la RD Congo, et dans le camp Dlamini-Zuma, celui de la Guinée équatoriale. Chaque voix se méritera. Il est certain que l’Angolais José Eduardo dos Santos plaidera la cause de son amie Dlamini-Zuma auprès de tous ses partenaires d’Afrique centrale. « Si Ali veut s’assurer que Sassou et Déby JEUNE AFRIQUE
voteront bien pour Ping, il aura intérêt à leur rendre visite », estime notre diplomate d’Afrique centrale. QUI VOTE POUR QUI ? Partout, la
voter pour le Gabonais. Mais les Ivoiriens ne le portent pas dans leur cœur. Ils n’oublient pas ce jour de mars dernier où Ping a voulu nommer à la tête d’une mission de l’UA à Abidjan le Cap-Verdien José Brito, aussitôt récusé par Alassane Ouattara. « Ping, c’est Ping », soupire un proche du chef de l’État ivoirien. Le jeu reste ouvert. Au final, le Nigeria pourrait bien se retrouver en position d’arbitre. « Ce qui me frappe après les crises de Côte d’Ivoire et de Libye, c’est qu’il y a désormais une vraie rivalité entre l’Afrique du Sud et le Nigeria », remarque Paul-Simon Handy. La compétition pour un siège au Conseil de sécurité de l’ONU n’arrange rien. « Au fond, observe son compatriote Achille Mbembe, cette rivalité affaiblit les deux pays. Le problème de l’Afrique, c’est qu’il n’y a pas une grande puissance capable d’imposer ses vues, ce qui crée un vide dans lequel s’engouffrent les acteurs étrangers comme l’Otan. » Le Nigeria votera-t-il quand même pour Dlamini-Zuma ? « Je ne crois pas que Goodluck Jonathan fera une passe décisive à son adversaire », dit joliment un diplomate d’un pays voisin. De fait, il y a quelques jours, le président nigérian a confié à l’un de ses pairs d’Afrique de l’Ouest : « Ping a bien travaillé. Il a essayé de trouver un consensus sur la Libye. Je ne vois pas pourquoi on ne lui laisserait pas faire un second mandat. » Goodluck pour Ping ? Oui… À condition que les deux géants anglophones ne concluent pas un marché d’ici à janvier. Attention, l’élection se fera à la majorité des deux tiers. Le jour du vote, à Addis, il faudra s’attendre à plusieurs tours de scrutin. Si ça bloque, il faudra même
bataille s’annonce serrée. À l’Est, les Sud-Africains comptent sur les votes de l’Ouganda et de la Tanzanie, les Gabonais sur ceux de « S’il avait été si bon que ça, les l’Éthiopie, du Kenya et du Sud-Africains n’auraient pas pu Rwanda… Au Nord, le camp présenter quelqu’un contre lui. » Ping espère que l’Égypte voudra freiner la montée UN HAUT FONCTIONNAIRE DE L’ONU en puissance de la nation Arc-en-Ciel. L’Algérie, elle, a tout intérêt renvoyer l’élection au sommet suivant, à voir Ramtane Lamamra reconduit au en juillet 2012. Ping ou Dlamini-Zuma ? « Avec Ping, c’est confort. Les chefs d’État poste de commissaire pour la paix et la savent qu’ils ont sous la main quelqu’un sécurité. Or le diplomate algérien fait de souple, un homme qu’ils peuvent tandem avec Ping. convoquer chez eux du jour au lendeReste l’Afrique de l’Ouest. C’est elle main, observe un ex-ministre des Affaires qui fera sans doute la différence. Après étrangères. Avec Dlamini-Zuma, c’est l’épisode ivoirien, Ping part avec une l’aventure. Ils savent qu’ils ont affaire à longueur d’avance. De bonne source, quelqu’un de moins commode, mais de la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal, plus ambitieux… À eux de choisir. » ● le Bénin et le Togo semblent décidés à N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Grand angle
Diplomatie
TIM SLOAN/AFP PHOTO
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Une ex de choc Si l’actuelle ministre de l’Intérieur a été mariée avec le président, elle ne lui doit pas sa position. Cette figure du parti au pouvoir siège au gouvernement depuis 1994.
PIERRE BOISSELET
C
ertes, c’est une « Zuma ». Oui, elle est ministre d’un gouvernement présidé par son ex-mari. Comme lui, elle est zouloue. Mais il ne faut pas s’y méprendre : Nkosazana Dlamini-Zuma ne doit rien – ou si peu – à Jacob Zuma. Ministre sans interruption depuis l’élection de Nelson Mandela en 1994, c’est un poids lourd du Congrès national africain (ANC, parti au pouvoir). Lors de la conférence de Polokwane, en 2007, son nom a même circulé pour succéder à Thabo Mbeki à la présidence. À 62 ans, elle gère un portefeuille important, celui de l’Intérieur. La compétence de cette travailleuse discrète, qui est parvenue à redresser un ministère autrefois synonyme d’inefficacité et de corruption, est unanimement reconnue. Militante antiapartheid depuis l’adolescence, elle s’exile dans les années 1970. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Elle étudie la médecine en Angleterre avant de revenir sur le continent, au Swaziland. C’est là qu’elle rencontre Jacob Zuma, qu’elle épouse au début des années 1980 (la date exacte de leur mariage est incertaine). Après la chute de l’apartheid, Nelson Mandela la nomme ministre de la
AVEC HILLARY CLINTON, À WASHINGTON, en mars 2009. Nkosazana DlaminiZuma était alors chef de la diplomatie.
le déni dominait chez ses pairs. Les critiques la touchent. C’est alors qu’« elle se retire dans une coquille défensive », note William Gumede, auteur d’un ouvrage de référence sur Thabo Mbeki, dont elle est très proche. BÛCHEUSE. En 1998, elle divorce de Jacob
Zuma. « Je crois qu’elle ne supportait plus ses autres femmes, indique Jeremy Gordin, biographe de l’actuel président sud-africain. Mais ils ont gardé un profond respect l’un pour l’autre. » L’année suivante, Thabo Mbeki confie à cette miliEn 2007, son nom a même circulé tante de la renaissance pour succéder à Thabo Mbeki africaine le portefeuille à la tête de l’État. des Affaires étrangères. À ce poste, qu’elle occupera Santé. Son baptême du feu politique est pendant dix ans, Nkosazana Dlaminirude : elle croise le fer avec les groupes Zuma se taille à l’Union africaine une pharmaceutiques sur la question des réputation de bûcheuse coriace. Pour brevets et se retrouve accusée de mal perfectionner son français, elle n’hésite gérer le budget de la prévention contre pas à passer trois semaines en immersion dans l’Hexagone. Après dix-sept années le sida. Nkosazana Zuma (comme on au sommet dans son pays, une haute l’appelle encore à l’époque) était pourresponsabilité à l’échelle du continent tant l’une des premières à alerter sur la ne serait pas pour lui déplaire. ● gravité de l’épidémie, à une époque où JEUNE AFRIQUE
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CÔTE D’IVOIRE
Usual suspects Dirigeants politiques, chefs militaires, patron de presse ou miliciens… Ils sont treize, pro-Gbagbo ou pro-Ouattara, accusés d’avoir commis, permis ou encouragé les pires atrocités tout au long de la crise postélectorale. Treize hommes qui sont déjà dans le collimateur de la justice internationale. PASCAL AIRAULT
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ifficile de sortir indemne de la lecture du rapport de Human Rights Watch (HRW) sur la Côte d’Ivoire, rendu public le 6 octobre. Les rescapés de la crise postélectorale, qui s’est ouverte au soir du second tour de la présidentielle, le 28 novembre 2010, y témoignent d’exactions où l’horreur le dispute à la barbarie. Le document recense,aufildespages,desbombardementscontredes civils, des actes de torture, des exécutions sommaires et des viols, et fait le bilan macabre d’une guerre qui a provoqué la mort de plus de 3 000 personnes.
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Pour le rédiger, les enquêteurs de l’ONG américaine ont effectué six missions de terrain au cours desquelles ils ont recueilli les récits de plus de 500 victimes et rencontré des humanitaires, des diplomates et des journalistes. Au final, treize dirigeants militaires et politiques – officiellement toujours présumés innocents – sont épinglés. Sept appartiennent au camp du président déchu, et Laurent Gbagbo lui-même est montré du doigt. Responsables politiques, militaires, patron de presse ou chefs de milice… Ils sont soupçonnés d’avoir véhiculé la haine, d’avoir participé, orchestré ou couvert de graves exactions. Les cinq autres se sont battus pour installer Alassane Ouattara au pouvoir. Loin des conventions internationales sur la guerre, ils se sont laissés guider par un esprit de vengeance et sont, eux aussi, accusés d’actes odieux. Ce rapport mâche le travail de la Cour pénale internationale (CPI), dont les magistrats enquêtent actuellement en Côte d’Ivoire avant de se décider à lancer des mandats d’arrêt internationaux contre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Retour sur le parcours de ces hommes qui sont soupçonnés d’avoir commis ou permis l’indicible. ● JEUNE AFRIQUE
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ONZE DES TREIZE INDIVIDUS soupçonnés d’être liés à des exactions commises après le second tour de la présidentielle.
Autour de l’ex-président…
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L AURENT GBAGBO, 66 ans, détenu à Korhogo
Parce qu’il s’est entêté, obstiné, parce qu’il a refusé le verdict des urnes, l’ancien président ivoirien est tenu pour le premier responsable des violences postélectorales. En tant que chef suprême des forces armées, il a couvert – si ce n’est encouragé – les crimes commis par ses hommes et par les miliciens qui lui étaient fidèles. À la résidence présidentielle d’Abidjan, où il s’était retranché, on a découvert un important stock d’armes lourdes, achetées pour la plupart alors que la Côte d’Ivoire était sous embargo onusien et utilisées à plusieurs reprises contre des civils. Arrêté le 11 avril par les forces pro-Ouattara, il est depuis détenu à Korhogo (Nord), et a déjà été inculpé de crimes économiques par la justice de son pays. Saisie par les autorités ivoiriennes, la CPI a également ouvert une enquête et pourrait le juger pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. À ses avocats qui viennent lui rendre visite, Gbagbo affirme toujours avoir remporté l’élection présidentielle et se dit victime d’un complot franco-burkinabè.
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CHARLES BLÉ GOUDÉ, 39 ans, en exil au Ghana
Surnommé le « général de la rue », le chef des Jeunes patriotes occupait le poste de ministre de la Jeunesse dans le gouvernement illégitime
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de Gilbert Marie Aké-N’Gbo. HRW lui reproche d’avoir prononcé des discours incitant à la haine raciale et à la violence. Le 25 février, dans une déclaration prononcée devant des centaines de personnes et largement diffusée, Charles Blé Goudé avait ainsi appelé ses partisans à ériger des barrages dans les quartiers et à dénoncer les étrangers. Dans la foulée, les crimes perpétrés sur une base partisane, ethnique ou religieuse se sont multipliés. Signalé au Bénin et en Gambie, Blé Goudé se trouverait aujourd’hui au Ghana. Lors de ses sorties médiatiques, il accuse le nouveau régime « d’installer son pouvoir dans la terreur » et se dit prêt à répondre à la justice… à condition qu’Alassane Ouattara et son Premier ministre, Guillaume Soro, fassent de même. Le 1er juillet, le procureur ivoirien de la République, Simplice Koffi Kouadio, a lancé un mandat d’arrêt international à son encontre.
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PHILIPPE MANGOU, 59 ans, Abidjan
En tant que chef d’état-major, c’est lui qui dirigeait l’armée ivoirienne, même si, dans les faits, plusieurs unités aux méthodes brutales et expéditives échappaient à son contrôle. C’était le cas du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), de la Garde républicaine et des fusiliers marins. Le général Mangou a participé, le 21 février à Abidjan, à une réunion publique ● ● ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
AFP/SIPA/FRATERNITÉ MATIN/BINTOU S/STR/VINCENT FOURNIER/OLIVIER
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PARTISAN D’ALASSANE OUATTARA dans une rue d’Abidjan, le 18 avril.
● ● ● au côté de Blé Goudé. En réponse aux jeunes qui réclamaient des kalachnikovs, il aurait promis que l’armée prendrait « tout le monde, sans tenir compte ni du diplôme ni de l’âge », ajoutant: « Nous vous convoquerons au moment opportun pour le combat. » Le lendemain de la chute de Gbagbo, Mangou a fait allégeance au nouveau président qui l’a maintenu à son poste avant de le remplacer, le 7 juillet, par le général Soumaïla Bakayoko. Il pourrait être nommé ambassadeur au Gabon.
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BRUNO DOGBO BLÉ, 59 ans, incarcéré à Korhogo
L’ancien commandant de la Garde républicaine est impliqué dans plusieurs cas de disparitions forcées, dans la répression brutale de manifestations pro-Ouattara et dans la persécution d’immigrés ouest-africains. Bruno Dogbo Blé est également soupçonné d’avoir orchestré l’enlèvement et l’assassinat des Français Stéphane Frantz di Rippel, patron du Novotel d’Abidjan, et Yves Lambelin, ex-directeur général de Sifca, et des collaborateurs de ce dernier. Dénoncé par l’une de ses maîtresses, il a été arrêté le 15 avril dans sa garçonnière du quartier du Plateau à Abidjan. Il est aujourd’hui détenu dans un camp militaire de Korhogo et a été inculpé, le 11 août, pour son rôle dans certains crimes de sang. Il pourrait être transféré à la CPI.
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GUIAI BI POIN, 59 ans, détenu à Abidjan
Originaire de l’ouest du pays, formé dans les meilleures écoles américaines et françaises, il était à la tête du Cecos, redoutable unité
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composée de 800 gendarmes, policiers et militaires. Surentraînés, suréquipés, ses hommes seraient responsables de la disparition de dizaines de personnes. Ils sont également accusés d’avoir commis des crimes sexuels, réprimé des manifestations dans le sang et tiré à l’arme lourde sur des civils. Le Cecos a été l’une des dernières forces fidèles à Gbagbo et s’est battu jusqu’à la chute de l’ex-président, début avril. Le général Bi Poin a été entendu par un procureur militaire, le 13 mai, et remis en liberté provisoire. Il a pris part, le 22 juin, à un rassemblement d’officiers chargés de désigner les têtes de la nouvelle armée… avant d’être arrêté, le 20 août. Cinq jours plus tard, il était inculpé pour crimes économiques et placé en détention préventive à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca).
« BOB MARLEY », en prison à Monrovia
En 2002 et 2003 déjà, ce chef d’une milice libérienne avait pris fait et cause pour Laurent Gbagbo, et s’était battu pour lui. Arrêté au Liberia en mai 2011, « Bob Marley » se servait du village de Ziglo, situé dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, comme d’une base arrière. C’est là qu’il recrutait et entraînait des mercenaires libériens. HRW l’accuse d’être impliqué dans les massacres de Bloléquin et de Bédi-Goazon, perpétrés en mars, et d’être responsable de la mort d’au moins 120 personnes. D’après les témoignages recueillis par l’ONG, il a fait exécuter des immigrés ouest-africains et des ressortissants du Nord, dont des femmes et des enfants. Il est actuellement détenu à Monrovia où il doit être inculpé pour « mercenarisme ». JEUNE AFRIQUE
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PIERRE BROU AMESSAN, en exil à Accra
Ancien directeur général de la Radio Télévision ivoirienne (RTI), Pierre Brou Amessan a supervisé des émissions qui incitaient à la violence contre les partisans d’Alassane Ouattara et les étrangers, appelant les « vrais Ivoiriens » à les « dénoncer » et à « nettoyer » le pays. La chaîne publique a également encouragé l’attaque de personnels et de véhicules des Nations unies.
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DENIS MAHO GLOFIEÏ, 56 ans, Abidjan
Chef suprême du peuple wé, troisième adjoint au maire de la ville de Guiglo, Denis Maho Glofieï a créé le Front de libération du Grand-Ouest (FLGO) pour repousser l’offensive rebelle, après la tentative de coup d’État du 19 septembre 2002. Avant la crise postélectorale, il avait fédéré les différents groupes de libération patriotiques au
sein des Forces de résistance du Grand-Ouest (FRGO, dont il assurait la présidence). Il revendiquait 25 000 hommes, nourris à l’idéologie identitaire, et comptait de nombreux sous-chefs aux surnoms évocateurs : Colombo, Bob Marley, Le Vieux… Il est accusé d’avoir orchestré les représailles contre les Baoulés, les Malinkés et les étrangers. Ses milices auraient aussi participé à des massacres dans l’ouest du pays et à Abidjan, où il a été aperçu lors des derniers mois de la crise, souvent en compagnie de Charles Blé Goudé. Maho aurait fui le quartier de Yopougon (Abidjan) avant l’arrivée des forces pro-Ouattara. Selon nos informations, il serait maintenant de retour dans la capitale économique ivoirienne et collaborerait discrètement avec le nouveau pouvoir pour démanteler sa branche armée.
… et dans le camp d’Alassane Ouattara La CPI pourrait décider d’émettre des mandats d’arrêt contre les suspects de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
EDDIE MÉDI, en poste à Danané
Ancien commandant du secteur de Danané, Eddie Médi a dirigé l’offensive militaire menée en février et mars de Zouan-Hounien à Guiglo, dans l’Ouest. Selon HRW, ses hommes ont assassiné de nombreuses personnes, violé au moins vingt femmes et réduit plus de dix villages en cendres. Ils ont commis leurs exactions après avoir pris le contrôle de la région, notamment lors des opérations de « nettoyage » menées depuis la base de Bloléquin. En septembre 2002, Eddie Médi faisait déjà partie des chefs du Mouvement pour la justice et la paix (MJP), l’un des groupes rebelles qui ont donné naissance aux Forces nouvelles (FN). Aujourd’hui, ce redoutable chef militaire est toujours commandant des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).
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LOSSENI FOFANA, Abidjan
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« L’Intrépide Loss », comme aiment à l’appeler ses soldats, est l’un des hommes forts de l’exrébellion. Il a conquis l’Ouest ivoirien infesté de miliciens pro-Gbagbo et de mercenaires libériens. Ancien chef militaire de la zone Man, il était le supérieur du capitaine Eddie Médi. Les soldats sous son commandement ont pris le contrôle de Duékoué le 29 mars au matin. Ils sont soupçonnés d’avoir participé au massacre de centaines de personnes dans le quartier Carrefour. Loss a été nommé en août vice-commandant des Forces spéciales, corps d’élite de la nouvelle armée.
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CHÉRIF OUSMANE, Abidjan
OUSMANE COULIBALY, Abidjan
C’est sous le pseudonyme de Ben Laden qu’il s’est fait connaître, mais c’est maintenant Ben le sage qu’il se fait appeler. Ousmane Coulibaly a longtemps commandé les FN à Odienné. Lors de la bataille finale d’Abidjan, il a dirigé des éléments, basés à Yopougon, accusés d’être impliqués dans des meurtres, des actes de torture et des détentions arbitraires. En 2003, il commandait le MJP dans la ville de Man. Il entretenait alors des liens avec l’ancien président libérien, Charles Taylor, et avec ses miliciens. Ayant rejoint les Forces spéciales en août, il assure la sécurité dans le quartier de Yopougon.
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Ex-chef rebelle charismatique, patron des bérets verts de la redoutable compagnie Guépard devenu commandant de zone de la IIIe région militaire de Bouaké, le commandant Chérif Ousmane a participé à l’assaut final sur Abidjan. Ses hommes
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ont notamment conquis Yopougon, le principal fief des partisans de Gbagbo, au prix d’exécutions sommaires. Selon HWR, il aurait ordonné la mort de vingt-neuf prisonniers début mai. Un rapport de l’agence de presse des Nations unies, l’Irin, publié en 2004, le soupçonne d’avoir supervisé des forces impliquées dans l’assassinat de mercenaires libériens et sierra-léonais. Alassane Ouattara l’a promu, le 3 août 2011, numéro deux du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR).
AMADÉ OUÉRÉMI, dans la région du mont Péko
Le Burkinabè Amadé Ouérémi dirige un groupe de miliciens burkinabè dans la région du mont Péko, à l’extrême ouest du pays. Lui et ses hommes sont soupçonnés d’être les principaux auteurs du massacre de Duékoué, commis fin mars. Ils combattaient alors aux côtés des FRCI. L’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) a récupéré des armes et munitions auprès de 90 membres de cette milice, le 10 août dernier. Une toute petite partie de leur arsenal. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Viva Sankara! Vingt-quatre ans que le leader de la révolution a été assassiné. Le temps a passé, mais le mythe est bien vivant. Et les héritiers politiques, toujours plus nombreux…
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ingt-quatre ans après sa disparition, le 15 octobre 1987, que reste-t-il de Thomas Sankara? Des centaines de milliers de tee-shirts et de posters à son effigie, quelques irréductibles qui tentent de faire éclater la vérité sur l’assassinat de celui qui, de 1983 à 1987, dirigea la révolution burkinabè, des sites internet relayant ses mémorables discours, un vent de nostalgie toujours aussi fort sur l’ensemble du continent et une tombe sur laquelle se réunissent chaque année ses fidèles… et des partis politiques. Beaucoup de partis politiques. Combien sont-ils au juste, à se dire sankaristes ? « Neuf », estime dans un premier temps Bénéwendé Sankara, le chef de file de l’opposition (sans aucun lien de parenté) et président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/PS). Avant de se reprendre : « Non, peut-être dix… Je ne sais plus. Il y a des partis qui se disent sankaristes, mais qu’on ne voit jamais sur le terrain. Ils n’existent que sur le papier. Et encore, on en annonce d’autres ! » Il en rirait presque, cet ancien membre du Comité de défense de la révolution (CDR) de l’université de Ouagadougou, qui a créé son propre parti en novembre 2000, après une scission au sein de la Convention des partis sankaristes (CPS) qui était née seulement six mois plus tôt… et avant que certains de ses compagnons, parmi lesquels Jean-Hubert Bazié, ne le quittent à leur tour pour fonder la Convergence de l’espoir. Au sein de la mouvance sankariste, la division semble être la caractéristique la mieux partagée. Certes, ce courant ne déroge pas à la règle nationale: on compte dans le pays pas moins de 163 partis. « Il y en a peut-être un tiers qui se réclame du socialisme. Et pourtant, on ne leur reproche pas de ne pas cheminer ensemble », remarque Bénéwendé Sankara, qui N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
CRISPIN HUGHES/PANOS/REA
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AUTOCOLLANTS DANS UNE ÉCHOPPE DE OUAGADOUGOU. Lors de la dernière présidentielle, deux des six candidats se réclamaient de « Tom Sank ».
assure que l’unité « ne doit pas être une obsession ». Mais comme le constate un journaliste burkinabè, cela fait tache quand on proclame n’avoir qu’une idole (Thomas Sankara) et qu’un adversaire (le président Compaoré). PRÉCEPTES. « Cela fait vingt ans que l’on assiste à ces déchirements », peste
Beaucoup de partis, peu de différences idéologiques, mais de vraies querelles de Jonas Hien, président de la Fondation Thomas Sankara pour l’humanité, une ONG visant « la promotion du bien-être social»selonlespréceptesde«TomSank». Dès l’avènement du multipartisme en 1991, on comptait plusieurs tendances. Depuis, elles n’ont cessé d’essaimer au
gré des divergences personnelles. « Tous les leaders de ces partis se connaissent. Chacun reproche à l’autre ses défauts. Il y a entre eux très peu de différences idéologiques, seulement des querelles de chefs », constate Bruno Jaffré, qui a écrit la biographie de Sankara et mène depuis Paris le combat pour que justice lui soit rendue. Bénéwendé Sankara en convient: « Fondamentalement, nous défendons tous le même programme, basé sur les discours de Sankara » (lire chefs. encadré). Et pourtant : faire un détour par la galaxie sankariste relève du parcours labyrinthique. Il y eut, dans le passé, le MTP, le BSB, le FS, le Craus… Aujourd’hui, il y a le Front des forces sociales (FFS), l’Union panafricaine sankariste/Mouvement progressiste (UPS/ MP), le Parti pour l’unité nationale et le JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne développement(Pund),leConseilnational pour la renaissance/Mouvement sankariste (CNR/MS)… Le dernier-né, le Parti républicain pour l’indépendance totale (Prit-Lannayan), a vu le jour le 2 octobre. Son leader, El hadj Mamadou Kabré, est un transfuge de l’Unir/PS de Bénéwendé Sankara. Il en est parti pour, dit-il, « contribuer au renforcement de la démocratie au Burkina ». En 2008, il déclarait pourtant ceci : « Il faut que les uns et les autres cessent de se disputer le leadership afin qu’on aille vers l’unité qui se dessine. » « Les Burkinabè ne savent plus vraiment qui est qui », regrette Jonas Hien. Lui et d’autres ont bien tenté de réunifier les sankaristes en 2007 et 2008, mais ils ont fini par jeter l’éponge. « Chacun campe sur ses positions, regrette-t-il. C’est dommage. Ça affaiblit le mouvement car cela décourage pas mal de citoyens de s’engager en politique. » De voter, même: sur 138 députés, on ne dénombre que 6 sankaristes à l’Assemblée, dont 5 issus de l’Unir/PS. « Ils ne sont même pas capables de s’entendre pour les présidentielles », moque un cadre du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré. L’année dernière, sur six candidats, deux étaient issus de ce courant : Bénéwendé Sankara (6,34 % des suffrages) et l’ancien
DEMANDEZ LE PROGRAMME... COMMENT ADAPTER les discours de Sankara au Burkina de 2011 ? « Sur le plan économique, c’est assez simple. Nous reprenons toutes ses idées », explique Bénéwendé Sankara. Consommer local, prioriser l’agriculture, donner toute leur place aux femmes… Mais d’un point de vue politique, « c’est plus compliqué à inventer », convient Bruno Jaffré. Les Comités de défense de la révolution (CDR) ne pourraient plus aujourd’hui diriger la vie des citoyens comme en 1985. « L’État d’exception, on le condamne. Nous défendons des valeurs démocratiques – l’intégrité, la justice sociale, l’homme au centre du développement –, et nous mettons en avant la légalité et la lutte contre la corruption », affirme M. Sankara. Mais pour Augustin Loada, « on ne sait plus vraiment ce que signifie aujourd’hui le sankarisme. C’est devenu une feuille de vigne ». ● R.C.
compagnon de lutte de « Tom Sank », Boukary Kaboré, dit le Lion (2,31 %). Quant au FFS de Norbert Tiendrébéogo, il soutenait Hama Arba Diallo (8,21 %), un candidat non sankariste. PLAN MARKETING. Dans son petit studio
devenu le QG des contestataires, Smockey, le rappeur en vogue chez les jeunes, ardent défenseur de la parole sankariste, en veut à ces politiciens qui utilisent la figure de son idole « comme un plan marketing ». Selon lui, la plupart sont issus de partis fantoches qui n’ont rien à voir avec la révolution. « C’est pour ça que la jeunesse
s’en détourne », assène-t-il, même s’il reconnaît que Sankara « est un mythe qu’il est difficile d’incarner aujourd’hui ». Là se trouve le paradoxe des sankaristes. «Avecinternet,Sankaran’ajamaisétéaussi populairechezlesjeunes,etpasseulement au Burkina », assure Smockey. Sur la Toile, on ne compte plus les sites et les forums qui lui sont consacrés. À Ouagadougou, « un jeune qui a 24 ans connaît mieux Sankara qu’un adulte de 50 ans », admet Bénéwendé Sankara. Mais ces jeunes-là ne votent pas, observe le juriste Augustin Loada, et « les anciens ont fait leur deuil de la révolution ». ● RÉMI CARAYOL
fin 2007, le tourisme est désormais menacé par le chaos qui règne en Somalie. Les annulations se multiplient, et les nombreux hôtels n’ont plus qu’une solution : Des plages et des pirates… Les enlèvements perpétrés près de la mettre la clef sous la porte. Ainsi, Fuzz Dyer, copropriétaire du Manda Bay Resort frontière avec la Somalie inquiètent les chancelleries occidentales. près duquel Marie Dedieu a été enlevée, déclarait au Financial Times : « C’en est amu, ses ruelles, ses cocotiers, « En raison des combats en cours dans le fini du business, complètement. » Or son ses poissons multicolores… et ses chiffre d’affaires s’élevait à 3,5 millions de sud de la Somalie, autour de la frontière pirates.Enquelquessemaines,l’île dollars par an (2,6 millions d’euros), et il avec le Kenya, la région frontalière avec prisée des riches Occidentaux a la Somalie est formellement déconseillée, employait 90 personnes. Évidemment, subi deux attaques attribuées aux milices jusqu’à environ 50 à 100 km à l’intérieur des mesures de sécurité ont été prises par somaliennes Shebab. C’est d’abord une les autorités : surveillance aérienne du territoire kényan. » Britannique de 56 ans, Judith Tebutt, qui par un hélicoptère, patrouilles de pa En 2010, a été enlevée en septembre dans le Safari LA CLEF SOUS LA PORTE. Pour 24 bateaux… Pas certain que le pays avait VillagedeKiwayu.Sonmarin’apaseucette ceux qui rêvaient de croiser cela suffise à rassurer les 3 milaccueilli chance, si l’on peut dire: il a été tué par les l’acteur Jude Law ou la prinlions de touristes que le Kenya preneurs d’otages. Plus récemment, c’est la rêve d’attirer… ni même qu’il cesse Caroline de Monaco en million de Française Marie Dedieu, âgée de 66 ans et reçoive, comme l’an dernier, se dorant la pilule sur la côte visiteurs handicapée, qui a été kidnappée dans son 1, 1,6 million de visiteurs, qui lui swahilie, c’est raté. Et cela ne cottage de Manda Island. Réaction imméan avai avaient permis d’engranger quelplaît guère au ministre kényan diate des chancelleries occidentales : « Il que 900 millions de dollars. À Lamu, plus du Tourisme, Najib Balala, qui juge ces est formellement déconseillé de séjourner précisément à Manda, la marine kényane avertissements « regrettables ». Du point dans l’archipel de Lamu et dans sa région », de vue économique, sa réaction est comoccupe une base depuis 1995… Mais cela lit-on sur le site du ministère français des préhensible. Se relevant à peine de la grave n’a pas protégé la Française. ● Affaires étrangères. Avec ces précisions : crise électorale qui a ensanglanté le pays NICOLAS MICHEL KENYA
Le tourisme pris en otage
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TRIBUNE
HERMANCE TRIAY
Éd Jean Ziegler Professeur émérite de sociologie à l’université de Genève et ancien rapporteur spécial à l’ONU pour le droit à l’alimentation
Les cavaliers de l’Apocalypse
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es trois cavaliers de l’Apocalypse de la faim organisée sont l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI) et, dans une moindre mesure, la Banque mondiale. La Banque mondiale est actuellement dirigée par l’ancien délégué aux accords commerciaux du président George W. Bush, Robert Zoellick, le FMI par Christine Lagarde et l’OMC par Pascal Lamy. Les trois personnes ont en commun une compétence professionnelle exceptionnelle, une intelligence brillante et la foi libérale chevillée au corps. […] Depuis plus de deux décennies, les privatisations, la libéralisation des mouvements de marchandises, de services, de capitaux et de brevets ont progressé de façon stupéfiante. Les États pauvres du Sud, du coup, se sont retrouvés largement dépouillés de leurs prérogatives en termes de souveraineté. Les frontières ont disparu, les secteurs publics – jusqu’aux hôpitaux et aux écoles – ont été privatisés. Et partout dans le monde, les victimes de la sousalimentation et de la faim augmentent. Une étude d’Oxfam devenue célèbre a démontré que partout où le FMI a appliqué, au cours de la décennie 1990-2000, un plan d’ajustement structurel, de nouveaux millions d’êtres humains ont été précipités dans l’abîme de la faim.
sur le marché mondial et rapporter des devises, à leur tour affectées au service de la dette. La deuxième tâche du FMI est d’ouvrir les marchés des pays du Sud aux sociétés transcontinentales privées de l’alimentation. C’est pourquoi, dans l’hémisphère Sud, le libreéchange porte le masque hideux de la famine et de la mort. […] En 1970, quelque 800 000 producteurs locaux fournissaient la totalité du riz consommé au Ghana. En 1980, le FMI a frappé une première fois: le tarif douanier, protecteur du riz, fut ramené à 20 %, puis encore réduit. Le FMI exigea alors que l’État supprimât tous les subsides versés aux paysans pour faciliter l’achat de pesticides, d’engrais minéraux et de semences. Aujourd’hui, le Ghana importe plus de 70 % du riz consommé dans le pays. Le Marketing Board, l’office national de commercialisation des produits agricoles
Là où sévit le FMI, l’agriculture vivrière meurt. Le libre-échange porte le masque hideux de la famine et de la mort.
La raison en est simple : le FMI est précisément en charge de l’administration de la dette extérieure des 122 pays dits du Tiers Monde. Or, celle-ci s’élevait, au 31 décembre 2010, à 2 100 milliards de dollars. Pour servir les intérêts et les tranches d’amortissement de sa dette auprès des banques créancières ou du FMI, le pays débiteur a besoin de devises. Les grandes banques créancières refusent évidemment d’être payées en gourdes haïtiennes, en bolivianos boliviens ou en tugriks mongols. Comment un pays pauvre d’Asie du Sud, des Andes ou d’Afrique noire peut-il s’assurer des devises nécessaires ? En exportant des biens manufacturés ou des matières premières qui lui seront payés en devises. Sur les 54 pays que compte l’Afrique, 37 sont presque entièrement agricoles. […] Là où sévit le FMI, les champs de manioc, de riz, de mil se rétrécissent. L’agriculture vivrière meurt. Le FMI exige l’extension des champs de culture coloniale, dont les produits – coton, arachide, café, thé, cacao, etc. – pourront être exportés N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
(cacao, etc.), a été aboli. Des sociétés privées s’occupent désormais des exportations. […] Le Ghana est une démocratie vivante, les députés sont animés d’un fort sentiment de fierté nationale. Afin de faire renaître la riziculture nationale, le Parlement d’Accra a décidé, en 2003, d’introduire un tarif douanier de 25 % pour le riz importé. Le FMI a réagi avec vigueur. Il a contraint le gouvernement ghanéen à annuler la loi. En 2010, le Ghana a payé plus de 400 millions de dollars pour ses importations alimentaires. L’Afrique entière a dépensé, en 2010, 24 milliards de dollars pour financer sa nourriture importée. Au moment où j’écris ces lignes, en 2011, la spéculation boursière fait exploser les prix mondiaux des aliments de base. Selon toute vraisemblance, l’Afrique ne pourra, cette année, importer qu’une quantité très insuffisante de nourriture. Partout et toujours, la violence et l’arbitraire du marché libre de toute contrainte normative, de tout contrôle social, tue. Par la misère et par la faim. ●
Extraits du dernier livre de Jean Ziegler : Destruction massive, géopolitique de la faim, aux éditions du Seuil (352 pages, 20 euros). Retrouvez le compte rendu de l’ouvrage dans notre prochain numéro. JEUNE AFRIQUE
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GUY-GERVAIS KITINA/AFP
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Ý RAYMOND ZÉPHIRIN MBOULOU (à g.) et ADOLPHE LUMANU, ministres de l’Intérieur respectivement de la République du Congo et de la RD Congo, le 11 octobre, à Brazzaville. BRAZZAVILLE-KINSHASA
En chiens de faïence
Regain de méfiance entre les deux Congos après l’attaque de la petite ville de Lukolela, le 7 octobre. Cette fois encore, la RD Congo accuse son voisin d’héberger des personnes hostiles à son régime.
L
ukolela, petite bourgade installée sur les bords du fleuve Congo, dans la province de l’Équateur, en RD Congo, et Loukolela, son vis-à-vis au Congo-Brazzaville, n’avaient jamais attiré l’attention des médias. Le 7 octobre, tout a changé. Ce jour-là, à Kinshasa, Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’Sefu, vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, publie un communiqué. Il est question d’une attaque armée menée contre Lukolela par « une bande d’éléments en provenance de Loukolela français [sic] en République du CongoBrazzaville ». Cinq « assaillants » sont arrêtés, pendant que les autres se replient sur Loukolela. D’après Lumanu, les captifs détiennent « un ordre de mission signé par Faustin Munene », ce général, ancien chef d’étatmajor de l’armée de l’air, poursuivi par la justice, arrêté à Brazzaville en février et dont Kinshasa réclame en vain l’extradition. Piqué au vif, le Congo-Brazzaville réagit. Son ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Raymond Zéphirin Mboulou, parle d’un « montage » dont l’objectif serait de servir de prétexte à un report de la présidentielle du
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au détachement Buffalo, qui avait, en 1998-1999, combattu dans la région du Pool aux côtés des miliciens de Denis Sassou Nguesso, avant de se retrouver en situation irrégulière à Brazzaville. Ils font partie des ressortissants de la RD Congo arrêtés depuis août pour séjour illégal. Ils ont été ensuite recrutés par leur ancien chef, le colonel Faustin Bosenge Lokasola, ex-membre des Forces armées zaïroises, également en exil, qui agirait pour le compte du général Faustin Munene. Ledocumentajouteque«del’argentainsi que des pièces d’identité de la République du Congo leur ont été remis sur instruction du général Essongo, commandant de l’armée de terre […], pour faciliter leur déplacement de Brazzaville vers la localité
28 novembre, à laquelle Joseph Kabila est candidat. Le 11 octobre, une délégation conduite par Lumanu Mulenda Bwana N’Sefu se rend à Brazzaville avec, en main, les preuves supposées des accusations de Kinshasa. Prudent, il précise que « dire qu’une action a été menée en RD Congo par des gens venus du pays voisin ne signifie pas que ce pays ait commandité cette action ». Selon Brazzaville, Kinshasa Quant à Raymond Zéphirin cherche un prétexte pour Mboulou, il s’explique sur sa sortie médiatique remarquée: reporter son scrutin présidentiel. « Chaque fois qu’il se passe quelque chose en RD Congo, nous somde Bouemba […], où ils furent accueillis mes toujours incriminés. Nous déplorons par un officier de la Direction générale de cette attitude. Il est vrai que des ressorla surveillance du territoire qui a assuré tissants du Congo-Kinshasa vivent sur leur encadrement et leur embarquement notre territoire. S’il y a des problèmes liés vers Lukolela via Makotipoko ». à leur présence, nos deux pays doivent À Brazzaville, le ministre Raymond trouver des solutions. » Zéphirin Mboulou estime que larencontre avec Lumanu a permis de dissiper les malentendus. « Nous avons une expéDÉTACHEMENT BUFFALO. Dans un document interne de l’Agence nationale rience en matière de démobilisation de de renseignements (ANR) dont Jeune forces hostiles dont nos frères de Kinshasa Afrique a obtenu copie, les noms des peuvent s’inspirer, affirme-t-il. Ils peuvent amnistier ces ex-combattants et les recrucinq individus arrêtés à Lukolela, leurs ter au sein de l’armée, de la police, ou leur coordonnées ainsi que celles de leurs assurer une réinsertion sociale. » ● contacts à Brazzaville sont mentionnés. Le document précise qu’ils ont appartenu TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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AFRIQUE DU SUD
PRÉSIDENTIELLE AU SÉNÉGAL
Fausse joie
Grosse déception pour les Bafana Bafana. Contrairement à ce qu’ils avaient d’abord cru, ils ne se sont pas qualifiés pour la CAN 2012.
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
Ý APRÈS LE MATCH CONTRE LA SIERRA LEONE, le 8 octobre… L’euphorie aura été de courte durée.
A
u coup de sifflet final, en cette soirée du 8 octobre, c’est l’explosion de joie à Nelspruit, en Afrique du Sud. Au son des vuvuzelas, les footballeurs de l’équipe nationale entament une danse de la victoire, avant de faire un tour d’honneur du stade… sans comprendre qu’ils viennent d’échouer à se qualifier pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012. Induits en erreur par une ignorance – rarissime à ce niveau – des règles de la compétition, les Bafana Bafana se sont crus sauvés en faisant match nul contre la Sierra Leone. À égalité de points avec
cet adversaire et le Niger, ils pensaient que la différence entre les buts marqués et encaissés leur offrait un ticket pour le Gabon et la Guinée équatoriale, pays coorganisateurs de la prochaine CAN. En réalité, dans ce cas de figure, seuls comptent les matchs entre les équipes arrivées premières ex æquo. Du coup, c’est Niamey qui a fêté (et à juste titre, cette fois) sa première participation au tournoi. L’affaire est d’autant plus embarrassante que les Sud-Africains auraient pu faire plus pour l’emporter. « Vous pensez vraiment que j’aurais laissé [l’attaquant] Majoro sur le banc et mis un milieu de terrain si j’avais su qu’on avait besoin d’un but ? » s’est lamenté l’entraîneur, Pitso Mosimane. Les fans des Bafana Bafana peuvent toutefois se consoler : l’Afrique du Sud est assurée de participer à la CAN 2013 puisque c’est elle qui l’organise. ● PIERRE BOISSELET
Il n’en restera qu’un… LES PROCHAINS JOURS seront déterminants pour Ousmane Tanor Dieng, du Parti socialiste, et Moustapha Niasse, de l’Alliance des forces de progrès, deux ténors de l’opposition désignés mi-octobre par leurs partis respectifs pour être le candidat unique de la coalition Benno Siggil Sénégal à la présidentielle de février 2012. Ils seront fixés au plus tard le 31 octobre, lorsque le Benno officialisera son choix. JEUX D’EGO. En attendant, l’opposition exclut toute confrontation entre Dieng et Niasse. « Nous aurons un candidat de l’unité et du rassemblement pour défendre notre projet. Et nous travaillons déjà sur la composition de la future équipe dirigeante. Nous voyons plus loin que la présidentielle », assure un cadre du Benno. Selon lui, toutes les compétences doivent être utilisées. Et, de la primature à la présidence de l’Assemblée nationale, nombreux sont les postes à pourvoir et les ego à satisfaire. Reste à savoir si Niasse, 72 ans, et Dieng, 63 ans, accepteront, au nom de l’unité, de renoncer à briguer la magistrature suprême. ● CÉCILE SOW, à Dakar
Coulisses GUINÉE CASE PRISON La sanction est tombée. Depuis le début du mois d’octobre, vingt opposants guinéens ont été condamnés à des peines de prison ferme (allant de quatre mois à un an). Ils étaient accusés d’avoir pris part, le 27 septembre, à Conakry, à une manifestation interdite, émaillée de violences. Depuis fin septembre, près de 300 personnes ont été arrêtées. Plus de la moitié N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
d’entre elles ont été présentées devant la justice. TCHAD ARCHE DE ZOÉ, SUITE Pas moins de 6,3 millions d’euros. C’est ce que le Tchad réclame à Philippe van Winkelberg, le médecin de l’Arche de Zoé. Six membres de cette association française avaient été condamnés à des peines de prison pour avoir tenté d’exfiltrer
illégalement une centaine d’enfants hors du territoire tchadien. Le président Idriss Déby Itno avait fini par les gracier, mais cette mesure ne couvrait pas les dommages aux parties civiles. MALI MORTEL BIZUTAGE L’École militaire interarmées (Emia) de Koulikoro est l’un des établissements les plus prestigieux du Mali, mais
c’est là que cinq élèves officiers (dont une Sénégalaise) ont trouvé la mort au cours d’un bizutage qui a mal tourné, le 3 octobre. Une semaine plus tard, le ministère de la Défense a annoncé la radiation de vingt-quatre élèves officiers de troisième année, accusés de sévices corporels ayant entraîné la mort. Ils ont été mis à la disposition de la justice. Plusieurs dirigeants de l’école ont été relevés de leurs fonctions. JEUNE AFRIQUE
ALEXANDRE DUPEYRON
Maghreb & Moyen-Orient
Militants du « PARTI DE LA LAMPE » lors de la campagne législative de 2007, à Kenitra.
MAROC
Pourquoi le PJD
fait peur
À un mois des élections législatives, l’hypothèse d’une victoire du Parti de la justice et du développement cristallise l’attention de toute la classe politique. Et suscite l’inquiétude.
JEUNE AFRIQUE
YOUSSEF AÏT AKDIM
M
et
LEÏLA SLIMANI
ercredi 5 octobre, dans un hôtel de luxe, à Rabat. Les journalistessepressentpour recueillir la « bombe » promise par les communicants de Salaheddine Mezouar, ministre des Finances et patron du Rassemblement national des indépendants (RNI). L’annonce, moins surprenante que prévu, est la naissance de la Coalition pour la démocratie, rassemblant le N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Maghreb Moyen-Orient RNI, l’Union constitutionnelle (UC), le Mouvement populaire (MP), le Parti Authenticité et Modernité (PAM) et quatre formations d’envergure modeste. En réalité, à un mois des élections législatives du 25 novembre, la bombe pourrait bien être à retardement. L’objectif affiché est de constituer une machine de guerre électorale pour gagner. Une ambition raisonnable quand on sait que, dans le Parlement sortant, PAM, RNI, MP et UC totalisent 48 % des sièges. Mais il faudra barrer la route au Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), qui vise aussi la victoire. « Certes, notre projet de société est diamétralement opposé à celui du PJD. Mais ceux qui considèrent que nous n’agissons qu’en réaction aux islamistes présentent une vision tronquée des choses », tempère le secrétaire général du PAM, Mohamed Cheikh Biadillah. Même son de cloche du côté de Mezouar : « Notre coalition ne répond à aucun calcul électoraliste mais à une volonté de clarification du champ politique. Le PJD se sent visé et se donne plus d’importance qu’il n’en a en adoptant un discours de victime. »
La tension autour du PJD n’en est pas moins réelle. En cause: la rumeur persistante d’une victoire des islamistes aux législatives qui leur donnerait l’occasion de briguer le poste de chef du gouvernement. Du côté de la Coalition, on refuse d’entrer dans une « logique d’inquiétude ». « C’est exactement le Objectif de la Coalition : même scénario qu’en 2007. Les constituer une machine médias nous annonçaient une de guerre électorale. victoire écrasante des islamistes, un raz-de-marée ! Mais rien de tout cela n’a eu lieu », rappelle Mezouar. En 2007, les islamistes étaient néanmoins arrivés premiers en termes de voix et auraient pu conquérir plus de sièges si l’ingénierie électorale ne leur était pas aussi défavorable. « La prochaine législature sera stratégique, puisqu’elle votera la batterie de lois organiques prévues par la nouvelle Constitution. Personne n’est hostile à l’entrée du PJD au gouvernement, pourvu qu’il n’ait pas le contrôle sur ce dossier brûlant », Æ ABDELILAH BENKIRANE, secrétaire général analyse le politologue Mohamed Tozy.
du PJD, à son domicile, le 20 juillet 2008, à Rabat.
MALAISE. Depuis quelques mois, le PJD, principal
ALEXANDRE DUPEYRON
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parti d’opposition depuis 2007, divise et agace. Lors des tractations autour du texte de la Constitution, début juin, les islamistes ont remporté une victoire politique en obtenant que la notion « d’État musulman » soit adoptée, au lieu de la formulation plus neutre de « pays musulman ». Par la voix de ses leaders, Abdelilah Benkirane et Mustapha Ramid notamment, il ferraille avec les laïcs, puis s’oppose au ministère de l’Intérieur lors des négociations sur les lois électorales. Dans une interview remarquée à Akhbar Al Youm, Ramid déclare même que son parti gagnera « si les élections sont libres et transparentes ». Le 29 août, un communiqué virulent du gouvernement fustige ceux qui servent « les ennemis de la nation en propageant des thèses irresponsables mettant en doute l’honnêteté des prochaines élections ». Le malaise s’installe. « Ceux qui veulent nous barrer la route se trompent d’objectif. Notre ambition demain est d’avoir un chef de gouvernement fort et crédible, pas un simple pion », rétorque Benkirane, secrétaire général du PJD. Confiant, Mustapha El Khalfi est convaincu que la « coalition des huit s’effondrera au moment des investitures ». Le directeur de publication d’Attajdid, organe officiel du Mouvement Unicité et Réforme (MUR), matrice idéologique du PJD, préfère souligner le travail sérieux des parlementaires de son parti qui ont déposé 7 000 questions écrites et 130 propositions de loi durant la législature qui s’achève. Benkirane renchérit : « Nous sommes prêts à affronter de véritables partis, programme contre programme. Mais nous ne savons pas nous battre contre des fantômes. » Une allusion à peine voilée au PAM, qui, dans les esprits, émerge comme la locomotive de cette « alliance pour la démocratie ». Une appellation qui rappelle furieusement le Mouvement de ● ● ● JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
EN VÉRITÉ François Soudan
Un Front national marocain
P
EUT-ON GOUVERNER avec le Parti de la justice et du développement (PJD) ? La question se pose aujourd’hui à tous les démocrates marocains à six semaines d’élections législatives que les islamistes dits modérés du parti d’Abdelilah Benkirane se disent déterminés à remporter. Un peu comme si en France l’éventualité d’une cohabitation au pouvoir avec le Front national (FN) devenait une possibilité. D’un côté, le verdict des urnes, que le roi s’est engagé à respecter, de l’autre, la réalité d’une formation qui a fait beaucoup d’efforts de communication pour apparaître soluble dans la démocratie et compatible avec la monarchie, mais que l’on soupçonne
d’une adresse et d’une façade légales, dans la plus pure tradition entriste. Ils jetèrent leur dévolu sur le parti de l’ancien résistant Abdelkrim Khatib et le phagocytèrent avant de lui donner l’appellation de PJD. En moins de deux ans, le tour était joué et le « parti de la lampe » (son emblème) pouvait faire son entrée sur la scène avec le succès que l’on connaît, passant de 9 députés en 1997 à 46 aujourd’hui. Le problème est que les liens consubstantiels entre le MUR et un PJD qui se veut la vitrine présentable et respectable de l’islamisme marocain n’ont jamais été rompus. Contrairement à l’AKP turc et même au mouvement tunisien Ennahdha, le PJD n’a pas fait son aggiornamento idéologique, faute d’un leadership de qualité suffisante pour impulser une telle rupture. Le MUR, dont les divergences avec Al Adl wal Ihsane du cheikh Yassine sont essentiellement formelles et qui n’est pas sans passerelles avec les salafistes, continue de jouer le rôle de noyau dur au sein du PJD. C’est la main de fer sous un gant de velours. L’autre visage d’un parti qui, comme celui des Le Pen en France, n’est pas tout à fait comme les autres.
À l’instar du FN « new look » vis-à-vis de l’extrême droite, le PJD est loin d’avoir rompu avec sa matrice : l’intégrisme radical. en permanence de double jeu. Le parallèle avec le parti de Marine Le Pen est d’ailleurs tentant. Comme le FN, le PJD est une force ascendante qui recrute sur le terreau de la désespérance sociale, des inégalités et du discrédit des partis politiques classiques en prenant grand soin de ne pas remettre en cause les principes établis. Mais, à l’instar du FN « new look » vis-à-vis de l’extrême droite, le PJD est loin d’avoir coupé avec sa matrice originelle : l’intégrisme radical. Le PJD, on l’a un peu oublié, est le produit direct de l’OPA lancée il y a une quinzaine d’années sur une petite formation peu connue par une poignée d’islamistes militants issus pour beaucoup de la Jemaa Islamiya. Regroupés au sein du Mouvement pour l’unification et la réforme (MUR), ces derniers, parmi lesquels figuraient Benkirane mais aussi Mustapha Ramid et Saadeddine El Othmani, étaient en quête
Si le PJD parvient à rassembler au sein du futur Parlement une majorité suffisante pour former un gouvernement, qu’adviendra-t-il des lois organiques d’application de la nouvelle Constitution ? La question se pose, d’autant que sur certains points cruciaux, qui touchent aux conduites sociales, à la parité hommesfemmes et à l’égalité des sexes, l’adhésion de ce parti ultraconservateur aux avancées réformatrices voulues par Mohammed VI apparaît fragile, réversible et pour tout dire tactique. Une chose est sûre : pour tous ceux qui pensent que l’avenir du Maroc est dans la modernité, ce serait là un scénario à hauts risques. ●
TOU T E S L E S M U S IQU E S D’A F R IQU E
AFRICA SONG Robert Brazza 19h10 -21h TU et sur
www.africa1.com
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AIC PRESS
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Le 5 octobre, Salaheddine Mezouar annonce la naissance de la COALITION POUR LA DÉMOCRATIE.
tous les démocrates, créé par Fouad Ali El Himma au lendemain de son départ du ministère de l’Intérieur, en 2007.
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REPOUSSOIR. L’agitation autour du PJD est à la fois
conjoncturelle, avec l’approche des législatives, et structurelle, tant le parti islamiste sert de repoussoir à une élite drapée dans sa référence à la modernité. Si ses adversaires se veulent respectueux des règles deladémocratie,beaucouplaissententendrequ’une victoire du PJD serait inquiétante et dommageable pour l’image du Maroc à l’étranger. Une crainte relayée au plus haut niveau, selon WikiLeaks. En 2005,leroiMohammedVIavaiteneffetmisengarde un sénateur américain: « Ne vous laissez pas tromper [par les islamistes du PJD, NDLR] parce qu’ils semblent raisonnables et gentils. Les États-Unis ne devraient pas se faire d’illusions à leur propos. Ils sont tous anti-Américains. » Aujourd’hui, pourtant, les islamistes sont loin d’être des pestiférés. Reçu par le Women’s Tribune dans les salons de la bourgeoisie rbatie mi-septembre, invité par les anciens de Sciences Po le 13 octobre, Abdelilah Benkirane se donne l’image d’un islamiste ouvert. Le PJD se paie même le luxe de rallier l’ancien maire (PAM) de Tanger, le jeune et fringant Samir Abdelmoula. Le parallèle avec les Turcs de l’AKP est plus que suggéré. Encore faut-il gagner les élections… Scénariono 1:lePJDarriveentêtedeslégislatives, et le roi en tire les conséquences en nommant un chef de gouvernement islamiste. C’est le scénario qui inquiète le plus la Coalition. À moins d’empêcher les islamistes de former une majorité. Sur ce point, Benkirane est lucide: « Si nous gagnons les élections mais que nous n’arrivons pas à former une majorité,nousrendronslesclésdugouvernementau roi. » De quoi apaiser les craintes que leurs déclarations passées ont réveillées. « Menacer de rejoindre le Mouvement du 20 février ou laisser entendre que nous dénoncerions toute défaite comme une manipulation contre nous, c’était maladroit, voire N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Nombre de sièges dans l’actuel Parlement (sur 325) KOUTLA (Istiqlal, USFP, PPS/FFD)
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COALITION POUR LA DÉMOCRATIE (RNI, UC, PAM, MP)
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totalement contre-productif », reconnaît une source autorisée au sein du PJD. Benkirane précise le propos: « Si nous perdons, nous ne descendrons pas dans la rue. En tant que secrétaire général, je dois contrôler les bases du parti. Nous ne faisons pas le pari du nombre mais celui de la crédibilité. » Scénario no 2 : l’Istiqlal remporte les élections, comme en 2007, et forme une majorité avec ses partenaires de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS). D’ailleurs, les trois partis ont repris leurs concertations au sein de la Koutla. « Aujourd’hui, la Koutla se concentre sur sa vision commune. Nous sommes sur la bonne orbite », affirme Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS. Au risque de tourner en rond ? « C’est vrai, la Koutla s’est endormie sur ses lauriers, concède Benabdallah. Mais nous avons intensifié nos réunions depuis deux mois. » Une analyse que partagent les socialistes. « La seule alliance valable, c’est la Koutla, mais ostraciser un parti serait de toute évidence une erreur stratégique. Nous les recevons tous au siège de l’USFP », explique Habib El Malki, membre du bureau politique. Discuter avec le PJD est une chose, s’allier avec lui en est une autre, qui n’est pas à l’ordre du jour. Scénario no 3 : le RNI arrive en tête, et Mezouar forme un gouvernement avec les huit partis de la Coalition, au sein de laquelle figure paradoxalement une petite formation d’obédience salafiste, le Parti de la renaissance et de la vertu (PRV). Dans cette hypothèse, il gagne son pari, laissant au PJD le rôle d’éternel opposant. À ceux qui l’accuseraient d’avoir rassemblé les « partis de l’administration », il offre le visage de l’ouverture à des partis de gauche, le Parti socialiste (PS) et le Parti travailliste (PT), tous deux issus de scissions de l’USFP. Plus difficile en revanche d’expliquer la présence, au sein de cette putative majorité, des salafistes. Une fatwa du controversé cheikh Zamzami, unique député du PRV dans l’actuelle législature, y pourvoira… ● JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient AFFAIRE SONATRACH
Quand la montagne accouche d’une souris
SAMIR SID
Après dix-huit mois d’une instruction à rebondissements, le juge a procédé à une requalification des faits reprochés à l’ancien patron du groupe pétrolier algérien. Qui n’est plus passible des assises.
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résentée comme le scandale du siècle, l’affaire Sonatrach, du nom du groupe pétrolier public algérien (près de 80 milliards de dollars – 60 milliards d’euros – de chiffre d’affaires en 2010), est en train de tourner au flop judiciaire. Révélés en janvier 2010 par une enquête du Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets) agissant en police judiciaire, les soupçons de malversations et de détournement des deniers publics pesant sur Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, ses deux fils, Fawzi et Mohamed Réda, les quatre vice-présidents du groupe, ainsi que sur une dizaine de personnes, avaient valu aux intéressés une mise en examen, voire,pourcertainsd’entreeux,unelongue détention préventive. Après dix-huit mois d’une instruction à rebondissements au cours de laquelle le magistrat instructeur a refusé la demande de la défense d’auditionner le ministre de tutelle, Chakib Khelil, qui a perdu quelques mois plus tard le portefeuille dont il avait la charge depuis une décennie, le juge a procédé, le 12 septembre, à une requalification des faits. Les chefs de corruption aggravée, de blanchiment d’argent
JEUNE AFRIQUE
etd’associationdemalfaiteursn’ontpuêtre établis. Les prévenus ne sont donc plus passibles de la cour d’assises mais d’une simple juridiction correctionnelle.
décriés s’élève à 140 millions de dollars. Or, en 2008, la Sonatrach de Mohamed Meziane avait investi près de 14 milliards de dollars. » Autre élément à décharge, très peu connu du public. Quand le DRS a transmis le dossier au parquet, Sonatrach ne s’est pas porté partie civile. Mieux: selon son règlement intérieur, il a pris en charge les frais d’avocat de ses cadres poursuivis. Mais lorsque l’affaire a pris des allures de scandale financier, les pressions ont été telles que la nouvelle direction de Sonatrach a changé son fusil d’épaule, se portant partie civile et demandant à ses avocats de se retirer de l’équipe de défense. Résultat: Meziane et consorts se sont retrouvés sans avocat. L’ancien PDG s’est alors adressé à un ténor du barreau d’Alger, qui accepte de prendre l’affaire en main contre un chèque de 500 000 dinars (5 000 euros environ). « J’ai été Ý MOHAMED surpris, raconte cet MEZIANE, ancien avocat, d’entendre PDG de mon interlocuteur Sonatrach, a toujours me dire qu’il n’avait affirmé que pas les moyens de ni le groupe ni payer. Comment le Trésor public l’ancien gestionnaire n’avaient subi de Sonatrach peut-il de préjudice financier. être dans l’impossibilité de régler des honoraires à la portée d’un patron de PME? Je n’ai finalement pas été constitué, mais je peux vous dire que le désarroi que j’ai perçu dans le regard de Meziane n’était pas feint. » L’arrêt du juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed (Alger centre) a été transmis pour confirmation à la chambre d’accusation. En attendant, sa décision n’a pas valeur de levée d’écrou au profit
ÉLÉMENTS À DÉCHARGE. Pour rappel, les faits se rapportent à la passation de marchés pour l’installation de matériel de télésurveillance dans les sites de production d’hydrocarbures au profit de l’italien Saipem et de l’allemand Contel Funkwerk Plettac, Une guerre de tranchées dans les qui employait un des fils hautes sphères du pouvoir visant de Meziane. L’instruction a établi que ni Sonatrach ni à affaiblir le président Bouteflika ? le Trésor public n’avaient subi de préjudice financier, confirmant les des prévenus en détention préventive. propos de Meziane, qui nous avait assuré: Les deux fils de Mohamed Meziane, « Sur les dix marchés lancés en 2008 pour trois ex-vice-présidents de Sonatrach, un équiper nos gisements d’équipements de ancien PDG du Crédit populaire algérien vidéosurveillance, deux ont été remportés ainsi que son fils sont toujours en prison. par la société qui employait mon fils. Ce Du coup, l’affaire Sonatrach ressemble à n’est pas un hasard si ce sont les deux une guerre de tranchées dans les hautes seuls à avoir été menés à leur terme. Mes sphères du pouvoir, Chakib Khelil étant enfants ne se sont pas enrichis indûment. considéré comme un proche du présiS’ils ont gagné de l’argent, c’est par leur dent Abdelaziz Bouteflika que l’on aurait travail et non leur ascendance. » ainsi tenté de fragiliser. Comment dit-on Un proche de Meziane est encore plus « pschitt » en arabe ? ● explicite : « Le montant des marchés CHERIF OUAZANI N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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APAIMAGES/REX FEATURE/SIPA PRESSE
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Saluant la foule, le 8 octobre, à Ramallah, quinze jours après son DISCOURS AUX NATIONS UNIES.
MAHMOUD ABBAS
L’anti-Arafat
En défendant le projet d’adhésion de la Palestine à l’ONU, ce fedayin en col blanc est définitivement sorti de l’ombre de son prédécesseur.
A
u cœur de la cité cisjordanienne de Ramallah, des ouvriers palestiniens mettent la dernière main au nouveau palais présidentiel. La pelouse, impeccable, est plantée d’oliviers. Le bâtiment de pierre blanche inspire l’assurance et la solidité. Il a été construit pour envoyer un message clair: ici réside le président d’un État souverain et indépendant. En réalité, l’homme qui devrait bientôt y emménager n’a pas d’État à gouverner. À l’heure actuelle, Mahmoud Abbas, 76 ans, n’est que le chef de l’Autorité nationale palestinienne de transition, un organisme faible, financièrement handicapé et dont les pouvoirs sont limités. À chaque fois qu’il souhaite quitter la ville, Abbas doit traverser un check-point israélien et longer un cordon de colonies juives. Cependant, malgré toutes les frustrations passées, l’automne apporte aux Palestiniens un nouvel espoir dans leur longue quête d’un État et de l’indépendance. Le 23 septembre, en appelant l’ONU à soutenir sa cause et à admettre enfin la Palestine comme État membre à part entière, Abbas savait qu’il faisait un pari diplomatique audacieux. Ce jour-là, l’homme tranquille de la scène politique palestinienne est définitivement sorti de l’ombre de Yasser Arafat, le leader qui a si longtemps incarné le rêve palestinien. Sa vie, comme celle de tant de Palestiniens, a été ponctuée par les
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quand le processus de paix a commencé à s’enliser, Abbas exprimant ouvertement ses réserves face aux violences de la seconde Intifada. Irrité par le comportement erratique du leader, Abbas finit par démissionner de son poste de Premier ministre en 2003. À la mort d’Arafat, l’année suivante, il lui succède, prenant simultanément le contrôle de l’OLP, de l’Autorité palestinienne et du Fatah.
événements tragiques qui ont bouleversé l’histoire régionale. Emportée par le flot de réfugiés palestiniens durant la guerre de 1948, sa famille a dû quitter Safed, une antique ville de Galilée. « Il aspire de tout son cœur à y retourner », témoigne Marwane Abdelhamid, ancien conseiller et ami de toujours, avec qui il a BIENVEILLANTE FAÇADE. Reconnu partagé son enfance et son exil. « Mais il comme l’architecte des accords de paix est désormais convaincu que, pour le bien d’Oslo, Abbas a prêché la voie de la diplode nos enfants et de nos petits-enfants, matie et de la non-violence, plus tôt et Safed doit désormais revenir à Israël. avec plus de ferveur que n’importe qui. Nous devons l’accepter. » En 1974, Arafat avait déclaré à la tribune Après avoir fui la Palestine, la famille de l’ONU qu’il venait « avec un rameau Abbas s’établit à Damas, où le futur dirid’olivier dans une main et le fusil du geant étudie le droit. Puis il s’installe dans le Golfe, Architecte des accords d’Oslo, où il rencontre Arafat, il a été le premier leader de l’OLP fondateur du mouvement à prêcher la voie de la diplomatie. Fatah et futur président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). La relation qu’ils combattant dans l’autre ». En septemnouent va forger son avenir et celui de bre dernier, Abbas a annoncé haut et fort la Palestine. qu’il se rendait à New York muni du seul Abbas s’est d’abord affirmé comme le rameau d’olivier. conseiller, le négociateur et « l’homme Même au plus fort de la sanglante seconde Intifada, son engagement pour des détails » d’Arafat. Ce dernier, charismatique leader paradant en treillis sur la une solution négociée a fait d’Abbas le scène internationale, formait avec Abbas, représentant acceptable du mouvement l’homme calme en costume-cravate, un national palestinien, tout en entreteduo disparate mais efficace. nant l’image d’un dirigeant faible parmi les Palestiniens et ses interlocuteurs Leur collaboration a été fructueuse israéliens. durant les années d’espoirs qui ont préDans plusieurs circonstances, il s’est cédé et suivi les accords d’Oslo, en 1993. révélé hésitant et impuissant. Il a été, par Mais leurs relations se sont détériorées JEUNE AFRIQUE
LOYAUTÉ. Dans l’univers perfide de la politique palestinienne, on dit qu’Abbas place au-dessus de tout la loyauté de son entourage proche. Ses assistants le conseillent, préparent ses discours et agissent comme ses émissaires. Au cours d’une réunion récente, Saeb Erekat, le négociateur en chef, lui chuchotait ses recommandations et se tenait également prêt à lui allumer cigarette sur cigarette : malgré une santé déclinante, le président de l’Autorité palestinienne continue de fumer jusqu’à deux paquets par jour. Marié et père de deux fils, Tarek et Yasser (son troisième fils est mort d’une crise cardiaque), Abbas déclare qu’il ne souhaite pas rester au pouvoir, ce que beaucoup sont disposés à croire. Contrairement à Arafat, qui clamait être « marié à la révolution », il a toujours nourri des intérêts extérieurs à la politique. C’est un lecteur avide qui apprécie également les vieux films arabes et les chanteurs traditionnels. Il a aussi la réputation d’être un fervent musulman, lisant quotidiennement le Coran et priant régulièrement. Pourtant,uneretraitepaisiblenesemble pas imminente. Selon certains diplomates, il apprécie davantage le décorum du pouvoir et les privilèges de ses fonctions que ne le suggère son attitude modeste. MaisdesadmirateurscommeAbdelhamid ont une autre explication : « Il continuera de se battre, dit-il, jusqu’à ce que nous obtenions une Palestine libre. » ● TOBIAS BUCK © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE
Maghreb & Moyen-Orient
ÉGYPTE « DIMANCHE SANGLANT »
ses condoléances aux familles des victimes que trois jours après la tuerie et a décliné toute responsabilité. Pourtant, des témoins affirment que des blindés ont délibérément écrasé des manifestants et que des « civils » armés – des baltagiya? (voyous) – ont participé à la répression. Le pape Chenouda III a, lui, évoqué la présence de provocateurs. Fait troublant : le 9 au soir, les médias officiels ont appelé « les citoyens honnêtes » à descendre dans la rue pour « défendre leur armée »… ●
La confusion est totale en Égypte après les affrontements meurtriers qui ont opposé coptes et forces de sécurité, le 9 octobre, au Caire.Venus protester pacifiquement contre l’incendie d’une église en Haute-Égypte, les manifestants ont été violemment dispersés par les militaires. Bilan : 28 morts – dont 3 soldats – et quelque 300 blessés. L’armée, qui assure l’intérim du pouvoir, n’a présenté
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Æ FUNÉRAILLES des victimes à la cathédrale Saint-Marc, au Caire.
PAULINE BEUGNIES
exemple, incapable d’empêcher la prise de pouvoir par les islamistes du Hamas dans la bande de Gaza, un échec qui a contribué à la persistante division territoriale et politique de la Palestine. Prenant sa défense, Mohammed Mustapha, son conseiller économique, avance que beaucoup de ses détracteurs prennent, à tort, sa prudence pour de la faiblesse: « C’est un homme très patient : il écoute, assimile, analyse, et, quand cela est nécessaire, il réagit. » Ces deux dernières années, Abbas a dû se mesurer à des rivaux politiques coriaces, et nombreux sont les dirigeants palestiniens qui ont découvert à leurs dépens le cœur d’acier caché derrière cette bienveillante façade. Même Salam Fayyad, son Premier ministre admiré, fait ces jours-ci profil bas, manifestement affaibli par une série de querelles avec le président.
Coulisses
LIBYE-SYRIE RÉSISTANCES UNIES Le Conseil national de transition (CNT) libyen a reconnu, le 10 octobre, le Conseil national syrien (CNS), lancé le 2 octobre à Istanbul, qui fédère la majeure partie de l’opposition. La Libye est ainsi le premier État à soutenir officiellement le CNS. Le même jour, Bruxelles qualifiait de « pas positif » la constitution du CNS, tandis que le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, recevait son président,
Burhan Ghalioun. Le 7 octobre, la Russie a évoqué pour la première fois le départ de Bachar al-Assad. IRAN CENSURE CINGLANTE La justice iranienne a condamné à un an de prison et 90 coups de fouet l’actrice Marzieh Vafamehr pour avoir tourné dans My Teheran For Sale, un film qui dénonce la difficulté d’être acteur en Iran. Son avocat a fait appel de la condamnation. Déjà arrêtée en juillet, l’actrice avait été rapidement libérée sous caution.
ISRAËL-PALESTINE VANDALISME ANTI-ARABES Mosquée incendiée en Galilée, tombes musulmanes et chrétiennes profanées à Jaffa, oliviers arrachés en Cisjordanie… Les exactions anti-Arabes se multiplient en Israël et dans les territoires occupés. Ces actes de vandalisme, non revendiqués mais attribués à des radicaux de l’extrême droite israélienne, ont été condamnés par le président Shimon Pérès et le Premier ministre Benyamin Netanyahou. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Maghreb Moyen-Orient Reportage
Kasserine, bonjour tristesse
TUNISIE
Chômage, pauvreté, insécurité… Neuf mois après la chute du régime Ben Ali, la population de l’un des berceaux de la révolution n’a pas le cœur à la fête. Et commence à perdre patience, malgré les efforts financiers du gouvernement et les promesses des partis politiques.
LEÏLA SLIMANI,
envoyée spéciale
C
hef-lieu du gouvernorat du même nom dans l’Ouest tunisien, Kasserine pourrait être une charmante bourgade de province. Aux abords de la ville, vergers et oliviers s’étendent à perte de vue, et de splendides ruines antiques témoignent d’un glorieux passé. Pourtant, si Kasserine est célèbre, c’est surtout pour le lourd tribut payé à la révolution. Minée par le chômage,abandonnéedespouvoirs N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
publics, sa population s’est soulevée les 8 et 9 janvier. Réprimées dans le sang, les émeutes ont fait près de 50 morts et 500 blessés. Neuf mois après, l’ombre des martyrs plane encore sur la ville. Leurs noms ont été gravés sur un modeste monument, sur la place centrale, et les habitants semblent revivre sans cesse ces scènes de guérilla urbaine, où des snipers tiraient sur la foule depuis les toits. Difficile de l’oublier, dans une
localité où près de 84 bâtiments ont brûlé en un seul après-midi et où les murs calcinés, tagués de « mort à la police! » ou de « dégage! », n’ont été ni repeints ni reconstruits. Dans un café du centre, trois jeunes sont assis. Ils partagent une bouteille de Coca et tuent le temps en fumant des cigarettes. Au mot « révolution », ils répondent par un soupir. « Pour nous, rien n’a changé. La situation a même empiré : le chômage s’est aggravé, aucun investissement n’a été fait, et le peu qu’on avait a été détruit », se désole Mohamed, 28 ans et diplômé de physique. Comme la plupart de ses amis, il n’a jamais eu de travail stable et vit d’expédients. « Certains vendent des légumes, d’autres vivent de la contrebande avec l’Algérie, qui n’est qu’à 70 km. JEUNE AFRIQUE
NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.
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NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.
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Ý Située en plein milieu d’un quartier déshérité à l’habitat sommaire (ci-dessus), la très polluante USINE DE CELLULOSE ET DE PAPIER ALFA (p. de g.) a fermé cinq unités sur sept en cinq ans et n’emploie plus que quatre cents personnes.
On revend de l’essence, de la drogue ou des produits alimentaires. Finalement, Bouteflika a fait plus pour nous que n’importe quel gouvernement tunisien », s’emporte, amer, Nacer, 30 ans. Ici, la révolution n’a pas été fêtée. Aucune effusion de joie n’a suivi la chute de Ben Ali et l’avènement d’une liberté nouvelle. « La liberté, la liberté! Elle n’a jamais nourri son homme », maugrée Mohamed. Il est vraiqu’enhuitmoisquelquesministres sont venus, des promesses ont été faites, mais aucun programme concret n’a été lancé.
et de quelques commerces, on ne trouve qu’une usine de cellulose. On la devine de loin à l’épais nuage de fumée toxique qui obscurcit le ciel. En cinq ans, elle a fermé cinq unités sur sept et n’emploie plus que quatre cents personnes à temps TUNIS
Thala Kasserine Sidi Bouzid
INSÉCURITÉ. Le gouvernorat de
Kasserine est le plus déshérité des vingt-quatre préfectures du pays. Le taux de chômage des jeunes y atteint 40 % (pour une moyenne nationale de 23,3 %). Ici, 13 % de la population – un taux quatre fois supérieur à la moyenne nationale – vit avec moins de 400 dinars par an (206 euros). Dans cette ville d’un peu moins de 100 000 habitants, le tissu économique est plus que maigre.Endehorsdesactivitésagricoles JEUNE AFRIQUE
plein. Difficile par ailleurs d’imaginerquedesinvestisseursaientenvie de s’installer dans une région qui manque du strict minimum. Les infrastructures sont défaillantes, l’éclairage public quasi inexistant. En dehors de la route principale, qui est goudronnée, les rues sont des pistes poussiéreuses qui se transforment en ruisseaux les jours de grandes pluies. Et la sécurité n’est guère assurée. Depuis la révolution, la criminalité a sensiblement augmenté.Lafauteauxanciensdétenus libérés, à la frontière devenue une passoire ou aux forces contre-révolutionnaires ? Nul ne peut le dire exactement. Mais personne ne nie que la situation est tendue. CALMER LE JEU. « La population
8 et 9 janvier
Le soulèvement de la ville après le suicide d’un jeune homme est réprimé dans le sang. Bilan : 50 morts
a beaucoup d’attentes et s’impatiente. Il suffit d’une rumeur, d’une étincelle pour que la situation dégénère », confie le gouverneur, Béchir Bédoui. Ce militaire de carrière a pris ses fonctions en août après que ses deux prédécesseurs ont été « dégagés » par la population. En un mois et demi, il a dû faire ● ● ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Maghreb Moyen-Orient Reportage
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face à une grève de la faim des diplômés-chômeurs, à cinq tentatives de suicide et à un appel à la grèvegénérale.Ilsaitquelajeunesse désœuvrée n’a rien à perdre et que les comportements se sont nettement radicalisés. « Les gens pensent que l’on fait de la politique en usant du chantage et des appels au suicide », se désole-t-il. Pour atteindre son bureau, il faut fendre une foule de personnes venues demander une aide financière, un travail ou un logement. « J’ai entendu qu’on pouvait obtenir un appartement », explique une vieille femme qui patiente depuis des heures. Pour calmer le jeu et surtout assurer le bon déroulement des élections du 23 octobre, le gouverneur a lancé ce qu’il appelle « les chantiers ». Plus de 12000 personnes ont été recrutées pour des travaux d’intérêt général rémunérés 120 dinars par mois. Ici, ce sont trois femmes qui, à l’aide d’un vieux balai et d’un bout de carton, ramassent des mégots de cigarette. Là, ce sont deux hommes occupés à arracher les mauvaises herbes. Un moyen d’acheter la paix sociale, laisse entendre le gouverneur. « Du chômage déguisé ! » répond
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Mohsen Bouthouri, secrétaire régional d’Ennahdha. Le militant islamiste ne cache pas sa colère contre l’administration. « Ici, rien n’a changé, c’est toujours la même mafia qui est aux commandes. On dit que le gouvernement a alloué une enveloppe de 139,5 millions de dinars à la région. Mais qu’a-t-on fait depuis huit mois ? Où est l’argent?Oùsontlesinvestissements?» s’emporte-t-il. INCRÉDULITÉ. Même si la sécurité
était rétablie, les élections risquent de prendre des airs de rendezvous manqué. Car quand on leur demande s’ils savent sur quoi porte le scrutin, la plupart des Kasserinois répondent par la négative. Quant à la politique, ça fait longtemps qu’ils n’y croient plus. « Sans dignité ni travail,nousnepouvonspasêtredes citoyens.Lesélectionssontunjeu,et les partis sont des profiteurs. On ne connaît rien à la politique, on veut juste manger », explique une jeune femme voilée. « Construisez des usines et on ira voter! » ajoute Saihi Sadak. À 38 ans, ce titulaire d’une maîtrise de français est l’un des meneurs de la grève de la faim des diplômés-chômeurs qui campent
Grève de la faim de DIPLÔMÉSCHÔMEURS
campant dans la cour de l’antenne locale du ministère de l’Enseignement, le 26 septembre.
devant l’antenne du ministère de l’Enseignement. Après avoir appris que des journalistes étaient présents dans la ville, un attroupement s’est constitué autour de l’homme, qui s’est improvisé porte-parole. « À Tunis, on nous voit comme des voyous, des bons à rien. L’élite n’a aucune idée de ce qu’on endure. Au début, quelques journalistes étrangers sont venus, mais plus rien depuis des mois. Quant aux médias nationaux, ils ne savent même pas qu’on existe. » Un discours qui soulève des cris d’approbation. Malgré cette atmosphère bouillonnante, les partis affichent une confiance sans faille. Plus de cinquante listes devraient être présentées dans la ville. « Nous avons organisé un meeting avec près de 1 200 personnes. Néjib Chebbi luimême est venu deux fois dans la région. Les gens ont confiance en nousparcequenousnesommespas des corrompus de l’ancien système. Cela fait dix ans que j’organise des manifestations », explique l’avocat et tête de liste du Parti démocrate progressiste (PDP), Neji Gharsalli. À Kasserine, il est connu de tous, et, comme beaucoup de candidats, il a un solide réseau local. Au PDP, JEUNE AFRIQUE
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l’opération « Tunisiens volontaires » permet de recruter des militants pour faire du porte-à-porte et aller à la rencontre de la population. « Les Kasserinois votent plus pour des gens que pour des partis », explique Neji. Ennahdha met aussi en avant son opposition à l’ancienne dictature. « Tout le monde sait que nous avons été réprimés, méprisés par le système, et la clandestinité n’a pas rompu notre lien avec la population », souligne Bouthouri.
Undiscoursauquellapopulationest loin d’être insensible. Pratiquant un islam traditionnel, peu ouverts aux idées extrémistes, les Kasserinois voient surtout dans Ennahdha une chance de renouveau et de rigueur morale. « Nous ne cherchons pas à convaincreavecunproposreligieux. Ici, les gens ont besoin qu’on leur parle concrètement et qu’on leur donne des perspectives d’avenir », explique Bouthouri. S’il y a un point sur lequel les partis s’entendent, c’est le diagnostic.
Près d’un jeune sur deux est sans emploi. Certains VENDENT DES LÉGUMES, d’autres VIVENT DE LA CONTREBANDE
avec l’Algérie.
Principaux axes de développement régional pour 2012-2016
JEUNE AFRIQUE
« Notre région est riche, mais sousexploitée. Ses terres sont fertiles et nous avons beaucoup d’eau. Nous pourrions extraire le marbre disponible à profusion ainsi que les richesses du sol », rappelle Bouthouri, tout en reconnaissant que cela prendra du temps. Du côté du Mouvement des patriotes démocrates (Mopad), représenté par l’avocat Mohamed Rhimi, on plaide pour un plan Marshall. « Nous savons très bien qu’il y a urgence, mais nous n’avons pas de baguette magique. On essaie d’expliquer aux citoyens qu’il faut être patient, mais ils ont du mal à l’accepter », déplore Rhimi. À Kasserine, la révolution n’a pas seulement fait tomber le mur de la peur. Elle a rendu toute patience insupportable et fait exploser en quelques semaines une frustration contenue durant des dizaines d’années. Prêt à tout pour se faire entendre, un groupe de jeunes nous aborde pour nous annoncer le suicide d’une famille le lendemain. Vain et triste appel au secours que Saihi Sadak résume par cette phrase deCheGuevara:«Sij’avancesuivezmoi, si je m’arrête poussez-moi, si je recule tuez-moi. » ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Europe, Amériques, Asie
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BELGIQUE
BLACHIER
L’accord qu’on
Après cinq cents jours d’une crise politique aiguë, huit partis flamands et francophones se sont enfin entendus pour faire évoluer les institutions et éviter l’implosion du pays. Elio Di Rupo devrait être nommé Premier ministre dès le mois prochain. FOUAD LAROUI
«
N
ous avons un accord institutionnel global. » Quand Elio Di Rupo prononce ces mots, le 11 octobre, la plupart des Belges se montrent soulagés et… incrédules. Cela fait tout de même près de cinq cents jours que la crise dure, cinq cents jours pendant lesquels les partis
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politiques n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la formation d’une coalition, au point que l’éclatement du pays devenait une option de plus en plus réelle. Le dernier espoir reposait sur Di Rupo, le « formateur » chargé par le roi des Belges de mettre d’accord huit partis politiques flamands et francophones « traditionnels » – c’est-à-dire sans les extrémistes flamands du NV-A, pourtant grands vainqueurs des élections mais dont l’attitude inflexible et jusqu’au-boutiste a fait capoter toutes les tentatives de constituer une coalition entre eux et les francophones au niveau fédéral. NŒUD PAP. Di Rupo, dont le visage trahit l’épui-
sement mais qui n’en porte pas moins avec élégance son éternel nœud papillon, continue de lire devant les caméras et le crépitement des JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
n’attendait plus flashs un texte dont tous les mots semblent avoir été pesés au trébuchet d’or : « … un accord pour faire évoluer notre pays et le stabiliser… » Les deux verbes ne sont pas Ý LE LION DES FLANDRES, choisis au hasard : oui, il LE COQ GAULOIS, le roi Albert II faut que la Belgique évoet Elio Di Rupo, futur lue car la sempiternelle chef du gouvernement. querelle entre Wallons Dans le précipice, la banque et Flamands menace de franco-belge Dexia. bloquer définitivement les choses, et on ne voit plus alors comment la Belgique pourrait continuer d’exister ; et oui, il faut la stabiliser en cette période de grande incertitude économique et financière.
BHV
Au cœur du contentieux entre Flamands et francophones, l’arrondissement bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde va être scindé en deux. JEUNE AFRIQUE
huit partis disposent d’une telle majorité. Elio Di Rupo pourrait prendre ses fonctions de Premier ministre dès le mois prochain. Quel est cet accord qu’il n’hésite pas à qualifier de « mémorable » et d’« historique »? On n’en connaît que les grandes lignes. La pierre d’achoppement qui a fait capoter jusqu’ici toutes les négociations était le sort futur de l’arrondissement électoral BHV, c’est-à-dire Bruxelles-Hal-Vilvorde, le seul de Belgiqueàêtrebilingueaveclesdix-neufcommunes de Bruxelles entourées par une grande couronne de trente-cinq communes flamandes… où habitent aussi beaucoup de francophones ! Assez logiquement, BHV cristallise toutes les tensions entre francophonesetFlamands.Là,unconsensussemble avoir été atteint: les Flamands obtiendraient la scisAU JOUR LE JOUR. La note de la dette souveraine sion de l’arrondissement bilingue, qu’ils réclament avait déjà été abaissée en mai dernier par Fitch, depuis des lustres, en échange de fonds supplélogiquement inquiète de voir un pays endetté mentaires pour Bruxelles, à plus de 100 % de son ville francophone (mais PIB n’avoir qu’un gouVainqueurs des législatives officiellement bilingue) vernement de gestion de 2010, les extrémistes dont les finances sont des affaires courantes. flamands du NV-A se exsangues. Quant aux Moody’s avait annoncé retrouvent sur la touche. francophones des comle 7 octobre qu’elle envisageait d’abaisser la note munes flamandes (plus attribuée à la dette de long terme, actuellement Aa1. précisément, des six « communes à facilités »), La Belgique est dans le collimateur de toutes les ils auraient le droit de voter sur place, mais pour agences de notation en raison de la crise politique des candidats bruxellois. Ce serait en somme des qui, selon elles, paralyse le pays. habitants virtuels de Bruxelles. Le surréalisme, Ce dernier point doit d’ailleurs être relativisé. une spécialité belge, est peut-être la forme la plus Il est exact qu’après les élections du 13 juin… intelligente du réalisme. 2010 le gouvernement d’Yves Leterme était autoVIEILLES LUNES. Autres points de l’accord: le transmatiquement devenu « démissionnaire » et se contentait de gérer au jour le jour en attendant fert de nouvelles compétences vers les régions, ce que réclament les Flamands, et une refonte du sysla relève, c’est-à-dire un gouvernement de plein tème de financement des régions et de l’État fédéral. exercice. Cependant, les dures négociations qui On sait déjà que les allocations familiales, la lutte ont précédé le démantèlement de Dexia au cours contre le chômage et l’allocation vieillesse seront du week-end du 8-9 octobre ont montré que ce gérées non plus au niveau fédéral mais au niveau gouvernement de transition pouvait être efficace régional: les extrémistes flamands ne pourront donc et déterminé en cas d’extrême urgence. Mais la pratique démocratique en prend un coup puisque plus prétendre que la Flandre industrieuse travaille Leterme ne jouit plus de la légitimité conférée par pour entretenir les Wallons paresseux – une vieille le suffrage populaire. lune dont toutes les études sérieuses ont démontré C’est aux Flamands que Di Rupo, chef du Parti l’inanité, mais le populisme ne s’encombre pas de socialiste francophone, s’est adressé en premier en vérité. Ce sont là les grandes lignes de l’accord. Il précisant que l’accord répondait à leur « souhait de reste à les traduire en textes de loi. Le diable est dans changement profond ». Mais la Belgique ne serait les détails, mais il faut espérer qu’il se fera, pour pas la Belgique si Di Rupo n’avait pas immédiateune fois, aussi petit que le Manneken-Pis. ment assuré aux Wallons et aux Bruxellois que leur « De toute évidence, la Belgique de demain désir de « stabilité » était, lui aussi, écouté et respecté. sera très différente de la Belgique d’hier », a L’accord doit encore être adopté dans les prochains conclu Elio Di Rupo. Certes, mais que la gestation mois à la majorité des deux tiers au Parlement, mais et l’accouchement de cette nouvelle Belgique cela ne devrait pas poser de problème puisque les auront été longs ! ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Europe, Amériques, Asie ITALIE
Les patrons à l’abordage Après l’avoir longtemps soutenu, les industriels veulent désormais la tête de Silvio Berlusconi. Ils ne supportent plus la dégradation de l’image de leur pays – et de leurs entreprises – à l’étranger.
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l y a tout juste dix ans, les industriels de cette réunion, les chefs d’entreprise italiens avaient succombé presque ont présenté une sorte de programme en bloc aux mirifiques promesses de censé favoriser la relance économique : Silvio Berlusconi. Aujourd’hui, ils réforme de la fiscalité, report de l’âge du ne veulent plus entendre parler de lui. départ à la retraite, réduction du coût du travail, notamment pour les jeunes, etc. Choqués par ses blagues de potache, Ce qui revient carrément à se substituer ses frasques sexuelles à répétition et au gouvernement. Et à déterrer la hache l’inertie de son gouvernement face à de guerre. une crise d’une gravité sans précédent, ils réclament ouvertement sa tête. « INTOLÉRABLE ». Ces critiques ne se La publication en cascade d’écoutes limitent d’ailleurs pas au chef de l’exétéléphoniques indécentes et la dégracutif, mais englobent la classe politidation de la note de l’Italie par toutes que dans son ensemble. En témoigne les agences de notation ont constitué une sorte de casus belli. D’autant que le la lettre ouverte de Diego Della Valle, bruit court depuis peu que Berlusconi patron de Tod’s (chausseur et maroquine serait plus le bienvenu dans les nier de luxe) et supporteur repenti sommets internationaux… Il est de Berlusconi, publiée sur une probable que la révolte des pleine page, le 1 er octobre, patrons a une dimension perpar quatre grands quotisonnelle, sinon égoïste : ils diens, dont Corriere della milliards d’euros Ce que coûte veulent se démarquer pour Sera. Après avoir financé, chaque année en 1994, Forza Italia, le parti éviter que l’image de leurs la corruption fondé un an auparavant par entreprises ne souffre d’une à l’État le Cavaliere, l’entrepreneur trop grande proximité avec le dénonce à présent « le spectacle Cavaliere. Mais c’est somme toute secondaire. « Ce qui compte, c’est que indécent, irresponsable et intolérable » sans le soutien de la classe industrielle, offert par les responsables politiques, Berlusconi est perdu », estime le sénateur qui, selon lui, nuit à l’image et à la bonne démocrate Silvio Sircana. réputation de l’Italie dans le monde. Perdu. C’est le message que les indusC’est aussi l’argument développé par triels veulent faire passer. À preuve, Santo Versace, frère de Gianni, le grand le coup de gueule poussé par Emma couturier assassiné en 1997. Après avoir Marcegaglia lors de l’assemblée de rejoint Berlusconi en 2008 pour se faire Confindustria, l’équivalent du Medef élire au Parlement, il en a démissionné français, le 30 septembre. « Pour sortir le 29 septembre dernier. La date n’avait de la crise, le pays a besoin de réformes pas été choisie au hasard : ce jour-là, le et d’une politique économique difféCavaliere fêtait en effet son soixanterente. Si nous ne sommes pas entenquatorzième anniversaire. « Tout fout le dus, nous mettrons fin au dialogue », a camp, la gangrène ronge le monde politonné la patronne des patrons. Au cours tique ; à l’étranger, on nous ridiculise »,
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EMMA MARCEGAGLIA, PATRONNE DES PATRONS, ET JOHN ELKANN, PRÉSIDENT DE FIAT (à dr.), lors d’une assemblée générale de la Banque d’Italie, en mai 2010.
s’emporte Santo Versace. Le remède qu’il propose ? Renvoyer mauvais élèves et corrompus ne suffit pas. Il faut remettre à plat le modèle politique et sociétal italien, puis adopter dans la foulée une loi contre la corruption. Celle-ci coûte en effet chaque année à l’État quelque 60 milliards d’euros. DANS L’ARÈNE. Si certains grands patrons comme John Elkann, le président de Fiat, refusent, au moins pour l’instant,
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Europe, Amériques, Asie FRANCE
Djouhri répond à Péan
À LONGO/GRAFFITI/ROPI-REA
la suite de la publication dans Jeune Afrique n° 2647 (du 2 au 8 octobre 2011), sous le titre « L’étrange “Monsieur Alexandre” », de morceaux choisis du dernier livre de Pierre Péan (La République desmallettes), nous avons reçu de l’homme d’affaires Alexandre Djouhri le droit de réponse suivant.
de participer à la curée, d’autres voix s’élèvent au sein de l’establishment, comme celle de Luca Cordero Di Montezemolo, qui, en 2007, avait tiré les premières salves contre Berlusconi en appelant à la conclusion d’un grand pacte entre toutes les forces sociales
afin de faire repartir une économie en panne. Aujourd’hui, cet ancien patron de Confindustria – et actuel président de Ferrari – se déclare prêt à descendre dans l’arène politique. Pour déboulonner l’indéboulonnable. ● ALEXANDRA BAKCHINE, à Rome
AVEC L’ÉGLISE, UNE RUPTURE QUI NE DIT PAS SON NOM LETORCHON BRÛLE aussi entre Berlusconi et l’Église catholique. Le 27 septembre, le cardinal Angelo Bagnasco, président de la conférence épiscopale italienne, a fermement condamné « des styles de vie difficilement compatibles avec la dignité humaine, le respect des institutions et de la vie publique ». Et s’est déclaré mortifié de « devoir prendre acte de comportements intrinsèquement dérisoires et affligeants ». Poussée par une partie des fidèles traumatisés par les révélations sur la vie privée débridée du président du Conseil, l’Église a donc fini par prendre position contre lui, mais sans jamais prononcer son nom. Cette prudence s’explique par le souci d’éviter une rupture totale qui pourrait avoir de fâcheuses incidences sur le financement public des écoles confessionnelles, l’exemption fiscale dont bénéficie l’Église, mais aussi sur le soutien que lui apporte le A.B. gouvernement sur les questions de bioéthique. ● JEUNE AFRIQUE
1. Il est gravement contraire à la vérité d’écrire que je suis aujourd’hui « mêlé à (presque) toutes les affaires qui empoisonnent l’atmosphère dans cette “principauté de non-droit” qu’est devenue, selon Péan, la République française », alors que je n’ai été mêlé ni de près ni de loin à aucune des « affaires » dont on parle ou dont on a parlé. Au demeurant, je n’ai jamais été entendu, ne serait-ce que comme témoin, par un juge chargé de ces dossiers pour la simple raison que je n’ai jamais été mis en cause par quiconque. 2. Je n’ai nullement été mêlé à la libération des infirmières bulgares détenues en Libye. 3. Je n’ai évidemment pas reçu de rémunération du président Dos Santos et M. Péan admet lui-même qu’il s’agit de « rumeurs » et que « l’histoire est si énorme qu’elle est difficilement crédible ». 4. À l’instar de M. Pierre Péan, vous n’hésitez pas à m’attribuer une phrase odieuse que je n’ai jamais prononcée (« Je les tiens tous par les c… »), et qui est destinée à me faire passer, en plus du reste, pour un maître chanteur. J’ai sûrement beaucoup de défauts mais ceux qui me connaissent savent à quel point ce genre de comportement ne correspond pas à ma personnalité. 5. Il est très regrettable que vous repreniez à votre compte les allégations de M. Péan sans préciser qu’il a reconnu luimême en préambule de son livre n’être pas en mesure de prouver ce qu’il avance. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
ADJOINTE AU MAIRE DE PARIS, la jeune femme entend rendre à la politique ses lettres de noblesse.
Myriam El Khomri Surveiller et prévenir Chargée de la sécurité à la mairie de Paris, cette FrancoMarocaine privilégie la prévention face à la répression.
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ÉTAITAU MAROC, où Myriam El Khomri a vécu entre 1978 et 1988. Sa mère l’avait inscrite à des cours de danse. Pas trop son truc. Elle préféra vite se mettre au karaté avec son grand frère. Si l’on ajoute à cela qu’elle apprit très tôt à jouer aux échecs et se passionna plus tard pour le théâtre, la conclusion s’impose d’elle-même. Cette fille née de la rencontre entre un père marocain et une mère bretonne était faite pour la politique, ce savant mélange d’anticipation (les échecs), de violence (le karaté) et de séduction (le théâtre). Mais dans le cas de la jeune adjointe au maire de Paris chargée de la prévention et de la sécurité, il serait bien réducteur de poser sur l’action politique un regard si cynique.
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Myriam El Khomri ne passe pas ses vacances sur le yacht d’un grand manitou du CAC 40 et ne mange pas de pâtes aux truffes, du moins à notre connaissance. Pour être franc, elle semble plutôt appartenir à cette génération qui pourrait redonner ses lettres de noblesse à un métier usé par les mauvaises manies des aînés. Inutile de faire un dessin : Myriam El Khomri n’est pas de droite. Elle a étudié le droit public parce que le droit privé, c’est celui « des sous »; elle a choisi la Sorbonne parce qu’Assas « c’était le GUD [Groupe Union Défense, une organisation d’extrême droite, NDLR] » ; elle a pris sa carte au Parti socialiste quand le Front national s’est retrouvé au second tour de la présidentielle, en 2002, et, question sécurité, elle
dit: « Le discours de la droite est animé par un esprit de discorde. Cela lui évite de réfléchir aux problèmes. Le diagnostic, tout le monde l’a, et la réponse, ce n’est pas le couvre-feu. C’est l’éducation. Une société qui a peur de sa jeunesse va dans le mur. » Née à Rabat, Myriam El Khomri a été façonnée parTanger: la bienveillance des gens, la plage en sortant de l’école, le double salaire de la maman « prof expatriée », le soleil, les cousins, l’enfance « fabuleuse ». Mal à l’aise dans la petite ville de Thouars (Deux-Sèvres), où elle arrive à l’âge de 9 ans et demi, elle se révèle plus tard à Bordeaux, où, déléguée de classe, elle représente ses camarades au Conseil général des jeunes de Gironde. Bonne élève, elle passe son bac à l’âge de 17 ans et choisit la fac de droit, à Paris. « Ma mère m’a appris à ne compter que sur moi. » Elle sacrifie donc le théâtre, JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
« Grenouiller, c’est pas mon truc », affirme-t-elle. Crédible. Surtout quand elle évoque son travail. «Tous les jours, on va recevoir quinze coups de fil. On est dans la réponse de proximité. Je suis tenace et je porte les revendications des gens: ensuite, il y a une vraie reconnaissance des élus et des habitants. » Celle des élus débouche sur une place de numéro deux, entre Daniel Vaillant et Bertrand Delanoë, aux élections de 2008. À la demande de ce dernier, elle devient son adjointe chargée de la protection de l’enfance et de la prévention spécialisée. « C’était beaucoup de poids sur mes épaules et une vraie exigence vis-à-vis des habitants », dit-elle. Elle s’implique pendant trois ans, jusqu’à ce que Delanoë lui demande de prendre en charge « la prévention et la sécurité ». Si elle n’ignore pas que son sexe, sa jeunesse et sa double culture jouent en sa faveur, elle répond avant même que l’on ose la question : « J’ai été nommée sur des sujets que je connais. En matière de diversité, l’UMP procède par nominations, nous préférons l’élection. » Derrière le sourire charmeur, les crocs. « Après dix années d’UMP, on va récupérer des services publics détruits. Ça va être très compliqué… », dit-elle. Pour elle, le pouvoir n’est pas une fin en soi. « J’ai vécu mon évolution comme une reconnaissance. Je ne suis pas dans l’idée d’une carrière politique. » Son frère, Karim: « Je la vois assez bien en ministre, mais à la télé, ça va être dur pour les autres. Elle n’aura pas peur de les moucher! » ● NICOLAS MICHEL Photo : CAMILLE MILLERAND pour J.A. JEUNE AFRIQUE
ÉTATS-UNIS
Herman qui? Il y a trois mois, il était presque inconnu. Aujourd’hui, l’homme d’affaires ultraconservateur brigue l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2012 et talonne les favoris. Feu de paille ?
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usinessman à l’abattage phénoménal, Herman Cain (65 ans) est la nouvelle attraction de la course à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2012. Chouchou du Tea Party mais novice en politique – il fit mine de vouloir être candidat à la présidentielle de 2000 et à la sénatoriale en Géorgie, avant de renoncer –, il talonne dans les derniers sondages Rick Perry et Mitt Romney, les deux favoris. À la surprise générale, il les a même devancés, le mois dernier, lors d’un straw ballot (« scrutin de paille ») organisé en Floride. Il y a gagné un nouveau surnom : Hermanator. Cain, qui se sépare rarement d’un chapeau noir de cow-boy, est un très bon orateur à la voix électrisante. Son CV ? Directeur d’une chaîne de pizzerias, animateur sur une radio conservatrice, directeur de la banque centrale de Kansas City, chanteur de gospel… Fils d’un chauffeur et d’une femme de ménage, il a grandi dans un ghetto d’Atlanta. C’est un selfmade-man à l’américaine, mais noir, ce qui n’est pas si fréquent. Lui qui, enfant, a connu la ségrégation raciale et les sections réservées aux colored people dans les bus n’est nullement en colère. « L’Amérique,
JONATHAN ERNST/REUTERS
pour des études sérieuses et autofinancées.Téléprospectrice, baby-sitter, hôtesse d’accueil, vendeuse de maillots, travailleuse agricole, la boursière paie de sa poche jusqu’à son DESS d’administration du politique. Pour obtenir un stage, elle écrit à trois hommes politiques, dont Claude Bartolone, alors ministre délégué à la Ville. C’est ainsi qu’elle plonge tête la première dans un fief du jospinisme, le 18e arrondissement de Paris. Elle y sera embauchée, en 2001, après avoir suivi de près la campagne de Bertrand Delanoë. Elle devient chargée de mission pour les affaires scolaires, la prévention, la sécurité et la toxicomanie.
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HERMAN CAIN (65 ANS) : un self-made-man à l’américaine.
Blanche, en négligeant de se rendre dans l’Iowa et le New Hampshire, premières étapes stratégiques de la campagne des primaires, début 2012. « Je fais campagne comme si je démarrais une start-up, fanfaronne-t-il. Et n’en doutez pas, il y a bien un nouveau shérif en ville. » Il fut patron d’une chaîne de Un shérif très, très conserpizzerias, directeur de banque vateur, qui plaide pour une centrale, chanteur de gospel… imposition unique à 9 % de tous les revenus et jure de dit-il, a la capacité de changer ; pourquoi combattre… l’instauration de la charia aux être amer ? » En 2006, il s’est colleté avec États-Unis. À l’occasion, il rivalise avec un cancer du côlon et du foie qu’il a fini Sarah Palin dans la balourdise, comme par vaincre. Selon un témoin, il faisait lorsqu’il s’est engagé à n’embaucher des blagues lors de sa chimiothérapie. aucun musulman à la Maison Blanche, Herman Cain, meilleur antidépresseur avant de se raviser : heu, non, en fait, il pour une Amérique en crise ? voulait parler de djihadiste ! Avec sa stratégie peu lisible, son tré25 000 DOLLARS LE DISCOURS. Cela sor de guerre famélique (2,5 millions de dollars, contre 19 millions pour Romney) reste à démontrer, comme le sérieux et sa crédibilité incertaine, Herman Cain de ses ambitions politiques. Car il reste pourrait bien n’être qu’un épisode vite avant tout un businessman, qui facture oublié du feuilleton de la campagne répu25 000 dollars ses discours et consacre blicaine. Mais sait-on jamais ? ● ce mois d’octobre à la promotion de son JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York livre, Ma longue marche vers la Maison N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Europe, Amériques, Asie ARGENTINE
La présidente était en noir Presque assurée d’être réélue le 23 octobre, Cristina Kirchner travaille à faire de son mari, l’ancien chef de l’État décédé il y a un an, un mythe. Du veuvage comme stratégie électorale !
pauvres lui a indiscutablement gagné la sympathie de ses compatriotes les moins fortunés. Surtout, l’économie argentine est en plein boom. Néstor Kirchner avait sorti son pays de la terrible crise – économique, mais aussi sociale – qui l’avait frappé au tournant du siècle. Cristina a poursuivi sur la lancée. Depuis 2003, la croissance oscille entre 6 % et 9 % (sauf en 2009 : 0, 9 %). Seule la Chine a fait mieux ! Pourtant, tous n’applaudissent pas à ces succès. Pour l’opposant Eduardo Duhalde, candidat péroniste à la présidentielle, ils sont essentiellement dus à la flambée des prix des produits d’exportation – notamment le soja, dont l’Argentine est l’un des principaux exportateurs – et non à l’amélioration du système productif. Ce qui signifie que le gouvernement est selon lui incapable de faire face aux soubresauts de l’économie mondiale. ENRIQUE MARCARIAN/REUTERS
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ENNEMIE JURÉE. Depuis
plusieurs mois, Cristina Kirchner appelle au dialogue et à la concertation. Simple stratégie électorale, APRÈS LA PROCLAMATION jurent ses adversaires, qui ne DES RÉSULTATS e magazine Forbes la classe au années 1940, le couple croient pas à ses promesses DE LA PRIMAIRE du FPV-PJ, onzième rang des femmes les plus Kirchner s’est partagé le de changement. « Sa victoire son parti, le 14 août, puissantes de la planète et elle a pouvoir sept ans durant, à la présidentielle risque à Buenos Aires. été contrainte de reconnaître que avant que Cristina ne de ressembler à un raz-dele montant de sa fortune avoisinait les reprenne seule les rênes, marée, concède la sénatrice 80 millions de pesos argentins (14 millions en 2007. À la mort de Néstor, elle a troqué Hilda Duhalde, une ennemie jurée de d’euros). Au mois d’août, elle a remporté la les tailleurs de couleurs vives et les talons la présidente. Du coup, elle pourrait aiguilles pour des tenues plus austères. primaire de son parti avec plus de 50 % des chercher à se représenter en 2015. » voix. En dépit des affaires de corruption Mais elle a surtout fait de son veuvage Il lui faudrait pour cela modifier la qui ont éclaboussé certains de ses proune stratégie électorale: tout au long de la Constitution, qui limite à deux le nombre ches et de l’enrichissement de mandats présidentiels successifs. Un manifestement excessif de scénario qui n’est pas sans rappeler celui Sa fortune a crû de 928 % son couple depuis l’élection mis au point par le Vénézuélien Hugo en sept ans, mais qu’importe : de Néstor, son mari, à la tête Chávez, au pouvoir depuis douze ans. du pays en 2003 (+ 928 % sa popularité reste au zénith. En attendant, Cristina Kirchner carajusqu’en 2010, à en croire cole en tête des sondages, avec 52 % des leurs déclarations de revenus), sa popucampagne, elle n’a pas raté une occasion intentions de vote. Loin, très loin devant son principal rival, le socialiste Hermes larité reste très forte. Un an presque jour d’exalter la mémoire du défunt, dont elle pourjouraprèsledécèsdesonmari(d’une s’est efforcée de faire un mythe. Comme Binner (entre 8 % et 16 %). À l’approche crise cardiaque), cette avocate de 58 ans il y eut jadis un mythe Perón. du premier anniversaire de la mort de est bien partie pour prolonger son bail son mari, elle commence à s’autoriser à la Casa Rosada après la présidentielle EN PLEIN BOOM. C’est un atout imporquelques discrètes fantaisies vestimendu 23 octobre. Quel est donc le secret de tant, mais ce n’est pas le seul. L’octroi taires : un collier de perles, une touche de blanc… Pour être présidente, on n’en Cristina Kirchner ? d’une retraite à 3 millions de personnes Héritier du péronisme, le mouvement qui en étaient dépourvues et d’une alloest pas moins femme. ● populiste lancé par Juan Perón à la fin des cation à quelque 4 millions d’enfants MARIE VILLACÈQUE
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JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie entreprises indiennes sont d’ailleurs déjà opérationnelles. » Bref, l’Inde n’envisage pas une seconde de renoncer à renforcer ses liens avec le Vietnam. Les fréquents exercices militaires conjoints entre les deux pays et, surtout, la volonté des Indiens de s’implanter sur la base navale de Da Nang (qui leur offrirait un accès direct à la mer de Chine du Sud) sont, pour les Chinois, une véritable provocation. Mais c’est en somme un juste retour des choses : si l’Inde avance ses pions dans la zone d’influence chinoise, c’est notamment pour faire comprendre à son voisin du Nord l’irritation que lui inspire son rapprochement avec le Pakistan dans les zones contestées du Cachemire. La Chine a en effet récemment annoncé qu’elle avait, avec l’approbation des ÉtatsUnis, l’intention d’utiliser ces territoires (que l’Inde considère comme « occupés par le Pakistan ») afin de développer ses voies de communication avec l’Afghanistan… Œil pour œil, dent pour dent ! ●
ASIE DU SUD
Partie carrée
Furieuse du rapprochement sino-pakistanais au Cachemire, l’Inde réplique en avançant ses pions, par le biais du Vietnam, en mer de Chine méridionale.
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INTÉRÊT VITAL. Cette dernière voit d’un
fort mauvais œil l’irruption inopinée de l’Inde dans la controverse dont la région est le théâtre – et qui implique déjà neuf pays : Chine, Taiwan, Philippines, Malaisie, Brunei, Indonésie, Thaïlande, Cambodge et Vietnam. L’enjeu ? Les importantes réserves d’hydrocarbures de la mer de Chine du Sud, décrétée par Pékin, en 2007, « zone d’intérêt vital » – au même titre que le Tibet, la province du Xinjiang et Taiwan. Le ministère chinois des Affaires étrangères n’a d’ailleurs pas tardé à réagir : « Notre souveraineté sur la mer de Chine du Sud et ses îles est indiscutable. Nous espérons qu’à l’avenir les pays étrangers respecteront JEUNE AFRIQUE
PA K IS TA N
ans les relations entre la et soutiendront la volonté des nations Chine et l’Inde, la tendance directement impliquées de résoudre ces conflits de manière bilatérale. » semblait ces temps-ci plutôt Apparemment, la déclaration n’a guère à l’apaisement. Les choses impressionné les responsables indiens : ont commencé à se gâter quand, fin « Notre coopération avec le Vietnam resjuillet, un patrouilleur chinois « anonyme » a aperçu un navire battant pavillon indien, Les Indiens rêvent de s’implanter l’INS Airavat, s’approcher sur la base de Da Nang. Pour les des eaux territoriales de Chinois, c’est une provocation. la République populaire. Le navire, qui venait du pecte les normes et conventions internaVietnam, a été instamment prié de tionales. Il est très important de renforcer détourner sa route. Ce que, bien sûr, il a notre coopération avec ce pays dans le refusé de faire. Commentaire immédiat domaine de l’énergie. […] De nombreuses à Pékin : « Nous ne sommes au courant de rien. » Confirmation à New Delhi, début septembre: « Il ne s’est rien passé. » Une chasse gardée… très convoitée Pourtant, rien ne va plus depuis entre les deux pays. Car l’incident n’a rien d’anodin. Pas plus Zones de tensions entre la Chine et l’Inde que la participation (à Hanoï, mi-septembre) de Somanahalli Mallaiah Krishna, le chef de la diplomatie indienne, à la 14e réunion du comité mixte Vietnam-Inde sur la coopération économique et énergétique. Avec son homologue vietnamien, il a en effet abordé la question ultrasensible de la coopération entre le Vietnam et ONGC Videsh (Oil and Natural Gas Corporation), Cachemire une entreprise publique indienne, dans des zones d’exploitation que la Chine CHINE considère comme sa chasse gardée. Nép al
JULIETTE MORILLOT
Bhoutan
INDE rmanie Birmanie
Taiwan
Laos Laos
Bangladesh Thaïlande
Base de Da Nang VIETNAM Cambodge
Philippines
Mer de Chine Brunei
Sri Lanka Malaisie
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Indonésie
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Économie
TRANSPORTS
nouveaux
En 2010, les investisseurs en capital ont levé 1,5 milliard de dollars en Afrique. Cette année, le marché doit retrouver son niveau d’avant la crise. Certes, des points faibles subsistent, mais cette forme de financement des entreprises est en plein essor. JEAN-MICHEL MEYER
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Levées de fonds en capitalinvestissement dans les marchés émergents
Moyen-Orient et Afrique du Nord Marchés émergents
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Fonds levés en Afrique subsaharienne
Répartition sectorielle du capital investi en Afrique subsaharienne (2009-2010)
(en milliards de dollars)
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Monde
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et 2010, 9 milliards de dollars (6,8 milliards d’euros) ont été levés au sud du Sahara (17 milliards de dollars pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient). Mais la tendance s’affirme. « Après la crise financière, le dynamisme des fonds levés en Afrique subsaharienne est plus fort que dans la plupart des pays émergents, y compris la Chine, l’Inde ou la Russie », insiste l’EMPEA. Car après un fort ralentissement en 2009 sous l’impact de la crise financière mondiale, le marché du capitalinvestissement s’est très rapidement redressé sur le continent.
Afrique, « dernière frontière » du capital-investissement mondial. Pour s’attaquer au très riche potentiel africain, le gratin des gestionCARLYLE S’Y MET. L’an passé, les gestionnaires de naires de fonds spécialisés dans fonds ont levé 1,5 milliard de dollars en Afrique, les marchés émergents s’est donné contre 900 millions un an plus tôt. Sept clôtures de fonds ont eu lieu rien qu’au cours des sept premiers rendez-vous à Londres, le 19 octobre, à l’occasion d’un colloque organisé par le Financial Times et mois de 2010, comme celui de l’américano-saoul’Emerging Markets Private dien Kingdom Zephyr Africa Equity Association (EMPEA). Management (492 millions « L’Afrique est sur En avant-première, Jeune levés en février 2010) ou le point de décoller. » Afrique a pris connaissance d’Emerging Capital Partners DAVID CREIGHTON, des dernières tendances d’un (613 millions en juillet 2010). patron de Cordiant Capital marché très convoité dans ce En 2011, le marché pourrait monde en crise. retrouver son niveau d’avant « L’appétit des investisseurs pour le continent la crise. En février, l’investisseur panafricain Helios est de plus en plus grand », atteste Marie-Hélène a levé 1 milliard de dollars pour reprendre, avec Loison, directrice générale déléguée de Proparco, le négociant Vitol, les activités aval de Shell. En la filiale de l’Agence française de développement octobre, Actis a mis 450 millions sur la table pour (AFD) pour le secteur privé. De 3 % du total des s’offrir Tracker, une société sud-africaine spécialisée dans la géolocalisation. Et les sud-africains fonds levés pour les pays émergents en 2008, la Ethos et Brait annoncent vouloir « lever des fonds part de l’Afrique a atteint 4 % en 2009 et 6,4 % considérables » sous douze à dix-huit mois. en 2010. « Un record absolu, et cette croissance Signe d’un intérêt renouvelé pour l’Afrique, devrait se poursuivre », promet Jennifer Choi, l’américain Carlyle a annoncé son intention vice-présidente chargée des affaires sectorielles d’ouvrir un fonds destiné à l’Afrique, avec un et publiques de l’EMPEA. engagement d’au moins 500 millions de dollars. Bien sûr, le continent part de loin et sa taille demeure modeste à l’échelle planétaire. Entre 2006 Sans perdre de temps, il pourrait s’emparer de
(2006-2010, en milliards de dollars) Afrique subsaharienne
Moov sur la bonne trajectoire
CAPITAL-INVESTISSEMENT
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Levées de fonds entre 2006 et 2010
TÉLÉCOMS
Un ciel libyen à reconquérir
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Infrastructures Banques et services financiers Industries et manufactures Services Énergie et ressources naturelles Médias et télécommunications Agrobusiness Autres
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ÉNERGIE
Avec l’aval de Yaoundé, AES investit en masse
DÉCIDEURS
Mohamed El Hajjouji
Directeur du pôle financier de l’OCP
BOURSE DE TUNIS
Coup de chaud sur Somocer
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PHOTO 12/ALAMY
atouts du continent
Savico, le spécialiste sud-africain des systèmes hydrauliques et électriques. À l’image de Carlyle, les investisseurs internationaux retrouvent des vertus au continent, qui affiche un taux de croissance attendu de 5,5 % en 2011 et de 5,9 % en 2012. Et ses entreprises sont identifiées comme des cibles
Autres Ghana Kenya Nigeria
JEUNE AFRIQUE
7% 8%
13%
15%
Afrique du Sud
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SOURCE : EMPEA, PROPARCO
Répartition géographique du capital investi en Afrique subsaharienne (2008-2010)
sources de nouveaux profits. « L’Afrique est sur le point de décoller. Tout le monde reconnaît qu’il commence à y avoir des entreprises qui réalisent des profits intéressants. Les coûts d’entrée sont attractifs », résume David Creighton, patron du fonds canadien Cordiant Capital. Dans ce contexte, les gestionnaires cherchent à diversifier l’origine géographique de leurs actifs en portefeuille. Certes, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria ont concentré 27 des 48 opérations réalisées en 2010. Mais si, en 2008, 56 % d’entre elles ont eu lieu à Johannesburg, elles n’étaient plus que 21 % en 2010. Au cours des dix-huit derniers mois, les investisseurs en capital ont aussi soutenu des sociétés au Bénin, au Congo, au Ghana, au Liberia, à Madagascar ou en Tanzanie. « Il y a un vrai changement de culture, avec ● ● ●
En février, l’investisseur panafricain Helios a levé 1 milliard de dollars pour reprendre, avec le négociant Vitol, LES ACTIVITÉS AVAL DE
SHELL.
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Entreprises marchés
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CES PRÉCURSEURS QUI MISENT DES MILLIONS AUSSI JEUNE SOIT-IL, le monde du private equity africain a déjà ses figures de proue. Pour la plupart anglophones, mais pas seulement. Le FrancoCamerounais Vincent Le Guennou en est le symbole. Le copatron d’Emerging Capital Partners (en tandem avec Hurley Doddy) gère une équipe d’une trentaine de professionnels. Entre ses bureaux de Lagos, deTunis, d’Abidjan et de Paris, il a débuté dans le métier il y a onze ans, est resté fidèle à la même structure et a largement contribué à la porter parmi les tout premiers capitalinvestisseurs du continent, avec 1,8 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros) sous gestion. Moins connus en dehors des frontières tunisiennes, Ziad Oueslati et Aziz
Mebarek font aussi office de vétérans. Les deux fondateurs (avec KarimTrad, en 1994) deTuninvest ont d’abord professionnalisé le métier dans leur pays, avant de s’embarquer dans l’aventure africaine VINCENT FOURNIER en créant Africinvest. Noël Eklo et Papa Madiaw Ndiaye sont aussi des pionniers, mais cette fois en Afrique de l’Ouest. Depuis Lomé, le premier dirige Cauris Management depuis neuf ans, tandis que le second, directeur général d’Advanced Finance & Investment Group, à Dakar, déploie
actuellement son fonds de 70 millions de dollars. Derrière, une nouvelle génération monte. Parmi eux, l’Algérien Sofiane Lahmar. À 35 ans, cet ancien de JP Morgan a été nommé en 2010 parmi les associés de Development Partners International. Il avait auparavant orchestré plusieurs deals chez Kingdom Zephyr Africa Management, un autre géant du secteur, codétenu par le prince saoudien Al-Walid Ibn DR Talal. C’est dans cette même structure qu’a émergé une autre figure francophone de l’investissement en fonds propres, le Marocain Saad Aouad. Discrètement, celui-ci met sur pied depuis quelques mois les activités de private equity en Afrique du fonds londonien Duet. ● FRÉDÉRIC MAURY
TUNINVEST
● ● ● une orientation vers des stratégies multipays », relève Ralph Keitel, du département private equity de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale). Autre tendance qui prend de l’ampleur : l’extension à d’autres secteurs que les banques et les mines. En 2010, selon Proparco, plus de la moitié des opérations des investisseurs en capital ont été réalisées dans les produits alimentaires et les boissons (Foodcorp en
QUELQUES OPÉRATIONS ENGAGÉES DEPUIS 2010 Entreprise
Montant investi (en millions de dollars)
Capital-investisseur
AFRIQUE ANGLOPHONE Shell Oil Products Africa
1 000
Helios Investment Partners
Pepkor
596
Brait
Union Bank
750
African Capital Alliance et autres
Tracker
434
Actis et autres
156
Brait
Premier Foods
SOURCE : EMPEA, 2011
AFRIQUE FRANCOPHONE Vlisco
151
Actis
Dar Saada
137
Aabar Investments et autres
TAV Tunisie
53
Harith Fund Managers
RMG Concepts
14
AFIG
Hachicha Haier Maghreb
10
Riva y Garcia
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Afrique du Sud), la santé (clinique Snapper Hill au Liberia), les médias et les télécoms (Wananchi Group au Kenya). En parallèle, des fonds se spécialisent dans des niches : agroalimentaire (Phatisa, Chayton Capital, Silk Invest), technologies propres et énergies renouvelables (Evolution One Fund), santé (Aureos Capital)… COUP DE FOUET. En outre, d’autres acteurs, à même de donner un coup de fouet au marché dans le financement des entreprises africaines, émergent: les fonds de pension africains. Depuis la mi-2010, celui des employés de l’État sud-africain (GEPF) gère 97 millions de dollars d’actifs. Celui de Namibie (GIPF) 5,6 millions, et celui du Ghana (SSNIT) 1,5 million. Quant à la National Pension Commission nigériane, elle a annoncé en septembre 2010 qu’elle allait investir 5 % de ses 11 millions en gestion dans un portefeuille de capital-investissement dans le pays. Au total, près d’une centaine de fonds sont désormais actifs sur le continent. Ce qui favorisera l’émergence de compétences locales à même d’identifier les entreprises, surtout des PME, et de faire taire ainsi l’une des critiques des investisseurs internationaux. Autre conséquence : 70 % des montants levés en 2011 sont le fait du secteur privé. Une première. Depuis les années 2000, lorsqu’un fonds se lève, au moins 50 % des financements viennent des investisseurs institutionnels internationaux (SFI, BAD, AFD, etc.). Dans la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la part du privé dans les fonds levés est passée de 46 % à 64 %. JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés Des tickets d’entrée peu élevés, de nombreuses opportunités à saisir et des rendements inégalés : le marché africain est très tentant. Emerging Capital Partners est entré dans le groupe Somdiaa en 2003 pour en sortir en 2007 en doublant sa mise. Une étude réalisée en 2011 par le cabinet RisCura et l’Association sud-africaine de capital-risque (Savca) a établi que les taux de rentabilité nets des capitaux investis sont de plus de 20 % en Afrique subsaharienne sur dix
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ans, contre 13 % au Royaume-Uni et 8 % aux ÉtatsUnis. Entre 2000 et 2010, le taux de rendement du portefeuille de la SFI a été de 21,7 %. Le plus difficile reste de trouver une porte de sortie. « Il y a peu d’introductions en Bourse en Afrique, la voie privilégiée reste la revente à un acteur du secteur ou à l’actionnaire majoritaire », relève Marie-Hélène Loison, de Proparco. Tout n’est pas parfait. ●
Quels bénéfices pour les entreprises? Diversification, bonne gouvernance, extension géographique… Compter un capital-investisseur à son tour de table, ce n’est pas qu’une question d’argent.
FRÉDÉRIQUE JOUVAL POUR J.A.
M
algré les milliers de kilomètres qui les séparent, Sébastien Kadio Morokro et Jan Albert Valk ont plusieurs points communs. « Un de nos actionnaires, Total, souhaitait céder sa participation », explique le premier, directeur général de Petro Ivoire. « Nos actionnaires majoritaires, CFAO et Optorg, voulaient diminuer leurs parts », rappelle le second, patron d’Alios Finance (créditbail). Comble du hasard, les deux PME ont accueilli le même fonds, Africinvest, entre 2005 et 2006. Cinq ans plus tard, aucun ne se plaint. « Ce qui nous a poussés à choisir des capital-investisseurs, c’est notre volonté d’améliorer nos process de fonctionnement et notre organisation. Ces fonds n’apportent pas que de l’argent, ils aident aussi à mieux gérer », se réjouit Sébastien Kadio Morokro, à qui Africinvest, associé
Sous l’influence d’Actis, la société industrielle VLISCO se transforme peu à peu en groupe de design.
Du groupe maghrébin Altea Packaging (basé à Tunis) à l’assureur NSIA (Abidjan), c’est d’ailleurs une constante du capital-investissement africain : choisir des sociétés rentables qui cherchent à se développer géographiquement et à structurer leurs activités. Depuis l’injection en 2009 de 35 millions d’euros dans son capital par C’est une constante : les sociétés Emerging Capital Partners, choisies cherchent à structurer l’assureur NSIA s’est étendu leurs activités. de huit à douze pays. De même, Orabank (nouveau à Cauris, a également amené 2,3 millions nom de Financial Bank), dans lequel le d’euros pour diversifier ses activités dans même financier a investi une vingtaine la distribution de bonbonnes de gaz. de millions, a pris pied dans la zone franc « Avec le FMO, Finnfund [agences de CFA, au Cameroun. développement néerlandaise et finlandaise, NDLR] et Africinvest, tout se passe ÉCUEILS. Autre exemple : Vlisco, groupe bien car nous nous étions fixé des objectifs de textile ouest-africain spécialiste du communs dès le début : lancement de wax, connaît une accélération de sa nouveaux produits et développement transformation de société industrielle régional », souligne Jan Albert Valk. en groupe de design tourné vers les JEUNE AFRIQUE
consommateurs, depuis sa reprise pour 151 millions de dollars par Actis. Toutefois, l’effondrement des nigérians Oceanic Bank et Intercontinental Bank, dans lesquels des capital-investisseurs avaient investi des centaines de millions, montre qu’il n’y a pas que des réussites. « Mais les capital-investisseurs savent se protéger de ce genre de mésaventures, rassure un banquier d’affaires. Ils investissent souvent sous forme d’obligations convertibles. » Si l’entreprise se valorise, les obligations peuvent être converties en actions ; sinon, elles seront remboursées selon un taux d’intérêt fixé à l’avance. Autre écueil fréquent : obliger les actionnaires principaux des sociétés à racheter les parts des capital-investisseurs s’ils ne trouvent pas d’acquéreurs. « Avant d’accueillir ce type d’investisseurs, il faut comprendre deux choses: il est nécessaire de travailler dans la transparence et de savoir partager les décisions », conclut Jan Albert Valk. ● FRÉDÉRIC MAURY N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Entreprises marchés
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Ý Les autorités envisagent de FUSIONNER LES DEUX COMPAGNIES NATIONALES pour créer un champion.
ZOHRA BENSEMRA/REUTERS
passagers à son bord, sur l’aéroport de Mitiga, à 8 km de Tripoli. Turkish Airlines annonce quatre rotations Istanbul-Tripoli par semaine ; la compagnie devrait passer à des dessertes quotidiennes d’ici à la fin de ce mois. Il faut dire que les liens économiques entre les deux pays sont forts. Les investissements des sociétés turques en Libye avant le conflit sont estimés à plus de 15 milliards de dollars. Outre Turkish Airlines, Alitalia devrait reprendre ses vols vers Tripoli à partir du 2 novembre. Quant à Lufthansa, qui opérait des vols quotidiens entre Francfort et la capitale libyenne, il tâte le terrain. Le groupe allemand a récemment envoyé une délégation pour évaluer les conditions sur place et prendre des contacts avec les nouveaux dirigeants du pays. « Mais nous ne rouvrirons[nosliaisonsavec]Tripoli que quand nous aurons toutes les garanties pour la sécurité de nos vols », indique-t-on à la direction. Selon Anwar al-Fitouri, Air France, Egyptair, Royal Jordanian, Tunisair et Austrian Airlines ont déjà déposé des demandes pour desservir la capitale. Mais avant un retour à la normale dans le ciel libyen, qui devrait conduire à une redistribution des cartes entre les transporteurs, les installations doivent être largement rénovées, voire reconstruites. En démilitarisant, le 10 octobre, l’aéroport international de Tripoli, le CNT a indiqué que « ce lieu stratégique [devait] reprendre son rôle dans
TRANSPORTS
Un ciel libyen à reconquérir
Après sept mois de conflit, la zone d’exclusion aérienne est partiellement levée. Plusieurs transporteurs étrangers placent déjà leurs pions, mais beaucoup reste à faire pour reconstruire les infrastructures.
R
elancer l’économie, et vite ! Tel est le leitmotiv des nouvelles autorités libyennes. Le 13 octobre, la zone d’exclusion aérienne imposée depuis mars a été partiellement levée. « Une partie de l’espace aérien est à présent ouverte aux vols commerciaux », a annoncé Anwar al-Fitouri, ministre des Transports de la transition, après une rencontre avec des responsables de l’Otan. Une étape importante pour le Conseilnationaldetransition(CNT), qui estime que le décollage économique passera notamment par la réouverture des vols réguliers entre Tripoli et le reste du monde. Et donc parlesdeuxcompagniesnationales, Libyan Airlines et Afriqiyah, dont l’avenir reste à définir. La première a perdu trois avions dans les affrontements, la seconde, un A320 vieux d’à peine un an (environ 80 millions de dollars, soit plus de 58 millions d’euros, au prix catalogue). Onze autres appareils d’Afriqiyah ont été touchés par des projectiles. L’estimation des dégâts n’a pas été communiquée, mais ceux-ci pourraient atteindre plusieurs centaines de millions de dollars. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Les nouveaux dirigeants libyens envisagent de supprimer toutes les petites compagnies opérant dans le pays et de fusionner Libyan Airlines, qui assurait les vols internes et les liaisons avec les capitales voisines, avec Afriqiyah, qui reliait les pays occidentaux à l’Afrique via son hub de Tripoli. Leur ambition est de créer une seule compagnie, dotée initialement d’une flotte d’une vingtaine d’appareils. Dix-sept moyens et longs-courriers, commandés par Afriqiyah et Libyan Airlines à Airbus avant le début de la crise, devraient venir renforcer ce nouveau transporteur. UNE LONGUEUR D’AVANCE. Avant
même que celui-ci ne soit opérationnel, il doit déjà faire face à la concurrence des acteurs étrangers, qui avancent leurs pions pour être les premiers sur les liaisons internationales avec la Libye. À ce jeu, Turkish Airlines a pris une longueur d’avance. Si Tunisair, Egyptair et RoyalJordaniandesservent,comme elle, la ville de Benghazi, la compagnie turque a été la première à poser, le 1er octobre, un avion commercial, avec une quarantaine de
Avions perdus dans les combats
Libyan Airlines
3
Afriqiyah
1
JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
Démilitarisé le 10 octobre, l’aéroport de Tripoli reste fermé au public. coût estimé de la remise à niveau. Mais d’après Jean-Pierre Delpech, le président de Quali-Audit, filiale à 100 % d’Air France Consulting, « il est clair que les problèmes de la certification des installations et des appareils aux normes internationalesdesécuritéetdesûretéainsi que de la formation du personnel technique vont se poser ». NOUVEAUX TERMINAUX. Cepen-
dant, les spécialistes étrangers restent optimistes : « Le middlemanagementdel’industrieaérienne du pays est resté actif et a maintenu le contact avec les partenaires pendant le conflit », indique un industriel français. Ce qui devrait faciliter la reprise des chantiers et des projets lancés avant le début de la crise. D’ailleurs, les nouvelles autorités envisagent de reprendre rapidement le projet d’agrandissement de l’aéroport de Tripoli, lancé en 2007. La construction de deux nouveaux terminaux devrait permettre d’accueillir 20 millions de passagers par an à partir de l’année prochaine, contre 3 millions actuellement. Montant total de l’investissement : plus de 2 milliards de dollars. ● STÉPHANE BALLONG
JEUNE AFRIQUE
FINANCE
La privatisation avance au Togo
Dix préqualifiés pour la reprise de quatre banques publiques doivent être désignés ce mois-ci. Les noms des élus seront connus avant fin 2011.
L
ancéen2008,leprocessusdeprivatisation de quatre banques publiques au Togo s’apprête à franchir une nouvelle étape: celle de la préqualification des candidats à la reprise. Sur treize postulants qui se sont manifestés entre août et début septembre, près de dix devront être retenus d’ici à la fin du mois. Ceux-ci passeront ensuite à l’offre financière et technique. Et avant la fin de l’année, l’Union togolaise des Banques (UTB, détenue à 100 % par l’État),laBanquetogolaisepourlecommerce et l’industrie (BTCI, 83,52 %), la Banque togolaisepourledéveloppement(BTD,53%) et la Banque internationale pour l’Afrique au Togo (BIA Togo, 68,79 %) devraient avoir de nouveaux propriétaires. « L’étape de manifestation d’intérêt est un succès », affirme une source proche du dossier. Presque tous les groupes actifs dans la sous-région et qui se sont portés candidats devraient être retenus pour l’étape des offres financières et techniques : Ecobank, BGFI Bank, Afriland First Bank, Orabank… Les noms des marocains Attijariwafa Bank et BMCE, via sa filiale Bank of Africa (BOA), circulent déjà comme d’éventuels repreneurs. Et, d’après nos informations, les français Société générale et BPCE – qui a racheté en juillet la
majorité (51 %) de Banque Atlantique Côte d’Ivoire – sont également en lice. RETOUR DES BÉNÉFICES. L’UTB, la BTCI,
la BIA Togo et la BTD ont respectivement réalisé en 2010 un total de bilan d’environ 230 millions, 190 millions, 120 millions et 115 millions d’euros. « Désormais débarrassées de leurs actifs non productifs, ces banques sont bénéficiaires et ont l’avantage de disposer d’un réseau bien implanté dans le pays », ajoute la même source. Plombés parlenon-remboursementdescréditsqu’ils avaient accordés aux filières coton et phosphate tenues par l’État, mais aussi par des défaillances dans leur gouvernance, ces établissements ont été débarrassés en 2009 de leurs actifs toxiques, estimés à plus de 134 millions d’euros par Lomé. Selon un documentdelaBanquecentraledesÉtatsde l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le ratio Cooke, qui mesure la solvabilité d’une banque, est passé, pour l’ensemble de ces institutions, de – 4,1 % en septembre 2008 à 14,4 % au 31décembre2010.Avantqu’ellesdeviennent publiques, l’UTB était notamment détenue par le Crédit Lyonnais, la BTCI par la BNP et la BIA Togo par la Belgolaise. Désormais, le retour au privé devrait leur permettre de prendre un nouveau départ. ● S.B.
Æ LA BTCI a réalisé un total de bilan de 190 millions d’euros en 2010.
FRÉDÉRIQUE JOUVAL
les plus brefs délais ». Mais sept mois de guerre ont laissé des traces. L’aéroport a été au cœur du champ de bataille. Selon le Financial Times, ses appareils de communication ont été sérieusement endommagés et leur remise en marche pourrait prendre plusieurs semaines… D’après le ministre des Transports, l’aéroport international ne devrait rouvrir qu’en novembre. Début octobre, des experts de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) française et d’Air France Consulting ont effectué une mission d’évaluation des infrastructures et soumis un certain nombre de recommandations aux autorités libyennes. Aucun détail n’a filtré, ni sur l’ampleur des dégâts, ni sur le
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Entreprises marchés TÉLÉCOMS
Moov sur la bonne trajectoire
Fini l’époque où la marque d’Atlantique Télécom faisait figure de modeste challengeur en Afrique de l’Ouest. Le groupe voit ses parts de marché et sa rentabilité augmenter.
P
ropriété à 100 % de l’émirati Etisalat, Atlantique Télécom ne cache plus ses ambitions. Candidat déclaré à une licence 3G (haut débit mobile) en Côte d’Ivoire, il serait aussi sur les rangs pour obtenir le précieux sésame au Gabon, au Bénin et même au Cameroun, où sa marque Moov n’est pas encore présente. Au total, l’investissement pour acquérir ces autorisations dépasserait les 45 millions d’euros. AtlantiqueTélécomaurait-ilsoudain la folie des grandeurs? En dehors de la Côte d’Ivoire, ses opérations restent modestes et n’avaient pas, jusque-là, brillé par leur rentabilité. « Les choses ont changé », explique une source interne. Selon Atlantique Télécom, sa base d’abonnés dépasse les 6 millions, et sa part demarchéatteint43%auTogo,31% au Bénin, 22 % en Côte d’Ivoire et au Gabon, 18 % en Centrafrique et 14 % au Niger. « Majoritaire depuis 2008, Etisalat a engagé une restructuration dont on commence à ressentir les effets », confirme Nagi Abboud, directeur général. L’effort
LUDOVIC/REA
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a d’abord concerné les ressources humaines, avec l’instauration d’une rotation des manageurs dans les différentes filiales. « L’objectif était de mieux répartir les compétences. Désormais, c’est par exemple le Niger qui sert de référence en informatique », indique Nagi Abboud. La réduction des coûts opérationnels figurait également au cœur du projet. « Il s’agit entre autres de profiter de la puissance d’achat du groupe pour optimiser nos acquisitions. Chaque année,
LA FILIALE DE CÔTE D’IVOIRE (ici à Yamoussoukro) est l’une des plus rentables (avec le Togo), avec une marge Ebitda de près de 40 %.
LE CAS TELECEL FASO TOUJOURS EN SUSPENS EN CONFLIT avec le groupe Planor depuis 2005 pour le contrôle deTelecel Faso, AtlantiqueTélécom ne désarme pas. Son directeur général, Nagi Abboud, l’affirme: « Etisalat a porté l’affaire devant les tribunaux internationaux et épuisera tous les recours pour faire valoir ses droits. La cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris a rendu en octobre 2010 une décision favorable à AtlantiqueTélécom, qui a demandé son exequatur au Burkina et attend que le tribunal de Ouagadougou se prononce sur ce point. » Le jeu en vaut la chandelle: J.C. Telecel Faso détiendrait presque 20 % du marché burkinabè. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Etisalat investit 2 milliards de dollars [1,5milliardd’euros,NDLR]dansses équipements. Si elle effectuait ses achats en solo, notre filiale centrafricaine n’obtiendrait certainement pas d’aussi bonnes conditions. » La rationalisation des dépenses des filiales est aussi passée par la création d’une centrale d’achat au niveau d’Atlantique Télécom. Autre chantier d’importance : la mise en place d’une base de données regroupant l’ensemble des informations transmises par les filiales, afin d’ajuster leur pilotage. Ces indicateurs ont permis un profond lifting des offres. Avec succès, note Gandé Dagba, directeur commercial : « En 2011, nous devrions enregistrer2,5millionsdenouveaux clients, contre 1 million d’habitude. Et l’an prochain, nous pensons faire encore mieux. » Selon Atlantique Télécom, tous les marchés auraient contribué dans la même proportion JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés – avec une hausse du nombre d’abonnés de plus ou moins 40 % – aux bons résultats. La performance récompense les 150 millions d’euros investis depuis dix-huit mois pour étendre la couverture et la qualité des réseaux de Moov. LOCOMOTIVE IVOIRIENNE. Cette
montée en puissance se traduit par l’amélioration de la profitabilité d’Atlantique Télécom. Sa marge Ebitda (indicateur proche de la marge brute d’exploitation) dépasse ainsi les 30 %. Certains marchés, comme le Gabon, la Centrafrique et le Niger, restent en retrait (entre 10 % et 15 %), tandis que la filiale ivoirienne, historiquement la plus performante, est aux avant-postes (prèsde40%,quandlesleaderssont à 50 %). « Si, en nombre d’abonnés, nousnoussituonsentroisièmeposition [3,7 millions], notre résultat net [13%desrevenus]nousplacedevant Orange et MTN », se réjouit Ahmed Mamadou Cissé, patron de Moov Côte d’Ivoire et directeur général
adjoint d’Atlantique Télécom. Ces derniers mois, la réussite de Moov au pays des éléphants tient beaucoup aux déboires que connaissent ses concurrents. La qualité du réseau d’Orange, notamment, a été très affectée par les destructions d’équipements pendant la crise postélectorale. « En un an, nous avons recruté 800 000 abonnés,
technologiques. La marque est absente du paiement par mobile et de la 3G. « Être pionnier dans ces domaines n’était pas une priorité, avoue Gandé Dagba. Mais nous allons y venir. » Des évolutions pour lesquelles Atlantique Télécom pourra s’appuyer sur les compétences de sa maison mère, qui a annoncéfinseptembrelelancement d’un réseau 4G à Abou Dhabi. Maislarévolutionlaplusattendue concerne un tout autre domaine. Fort de ses bons résultats, le groupe devrait abandonner courant 2012 sa marque Moov au profit d’Etisalat ; pour ce faire, une agence de communication est en cours de recrutement. Un challenge de taille que les responsables d’Atlantique Télécom envisagent avec sérénité. Les abonnés partageront-ils cet enthousiasme ? On se souvient qu’en son temps Zain n’avait pas réussi à faire oublier la marque Celtel, créée par Mo Ibrahim. ●
Fort de ses bons résultats, le groupe devrait opérer son rebranding courant 2012. contre 400 000 habituellement », indique Ahmed Mamadou Cissé. Des clients que Moov met un point d’honneur à fidéliser. « Pendant toute une période, l’objectif était d’engranger un maximum d’abonnés. Notre politique a évolué. La fidélisation est devenue une priorité », insiste Gandé Dagba. Reste que, pour bousculer les leaders Bharti, MTN ou Orange, Moov doit étoffer ses solutions
JULIEN CLÉMENÇOT, envoyé spécial à Abidjan
La maison mère Etisalat concurrencée sur ses terres Aux Émirats arabes unis, les profits du groupe sont en baisse. Du coup, il investit avec davantage de prudence. KAMRAN JEBREILI/AP/SIPA
L
e groupe émirati Etisalat opère dans dix-huit pays, principalement en Afrique. Il est également présent en Asie, notammentenIndeetenIndonésie. Mais l’écrasante majorité de ses revenus (70 %) provient de ses activités aux Émirats arabes unis, où il possède 7,3 millions de clients. Un marché où, sous la pression de son rival Emirates Integrated Telecommunications Company, la
LA COMPAGNIE, propriétaire d’Atlantique Télécom, est basée à Dubaï.
compétition s’est considérablement renforcée, provoquant au deuxième trimestre 2011 une baisse du profit du groupe de 15 %, quand les
analystes tablaient sur un recul d’environ 3 %. Une situation qui explique sans doute la prudence de ses dirigeants. En mars, Etisalat avait déjà renoncé à acheter Zain, pour 8,5 milliards d’euros,et,selonlesdernièresdéclarations de Mohammad Omran, président du conseil d’administration, aucune acquisition nouvelle n’est prévue pour le moment. Le groupe doit en outre faire face, en Inde, à un important scandale pouvant aboutir au retrait des licences 2G de sa filiale. Mais Mohammad Omran l’assure : « Tout va bien. » De fait, aucun projet de vente d’actifs ou d’émission de dette ne serait à l’ordre du jour. ● J.C.
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Entreprises marchés
RENAUD VANDERMEEREN/J.A.
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ÉNERGIE
Avec l’aval de Yaoundé, AES investit en masse
C
oncessionnaire de la production, du transport et de la commercialisation de l’électricité au Cameroun, AES-Sonel – issu de la cession, en 2001, de 56 % de la Société nationale d’électricité du Cameroun à l’américain AES Corporation – veut entamer la deuxième décennie de son contrat avecdegrosinvestissements.Depuis plusieurs mois, l’électricien négocie en secret avec le gouvernement un projet qui pourrait représenter « le plus important investissement dans N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
-S
AES
es
Le groupe américain négocie en secret avec le gouvernement camerounais un gros programme hydroélectrique. Un test avant de s’attaquer au reste de l’Afrique ?
Pour mieux fluidifier les rouages, SéraphinMagloireFouda,conseiller économiqueduprésidentPaulBiya, a pris il y a un an la tête du conseil d’administration de la société. Entre juin et début octobre derl’hydraulique jamais réalisé dans niers, l’opérateur a réceptionné et le pays », selon des responsables el en chiff installé 340 transformateurs, qui lui r proches du dossier. S’il aboutit, ont permis de rétablir le courant on on ce programme va propulser dans 400 villages et quartiers Chiffre l’électricité à la tête des intéplongés dans le noir depuis d’affaires 2009 rêts économiques américains plusieurs semaines. Les diffiau Cameroun, devant les cultés d’adaptation dues à la culture anglo-saxonne d’AES hydrocarbures. millions d’euros semblent donc avoir été surCOURANT RÉTABLI. Prudent, montées. Du coup, l’électricien le directeur général Jeanvoit grand. Son plan d’invesDavid Bilé refuse d’en dire ti tissement correspond aux au objectifsdugouvernement davantage.Propulséau cœur d’un projet aux contenus dans son docuCapacité de implications politi- production actuelle ment de stratégie pour la clients ques, il soigne ses réduction de la pauvreté et relations avec les la croissance, qui accorde autorités, au point à l’énergie une place primord’avoiracceptéd’endiale. Il table sur une production trer, le 16 septembre, de 4 300 mégawatts à l’horiau comité central du zo zon 2035, pour satisfaire la Augmentation Rassemblement consommation des ménages de la production de démocratique et la demande en énergie des dupeuplecameentreprises. de l’électricité rounais (RDPC, A E S-S o n e l a c h o i s i depuis 2001 produite au pouvoir). de se développer dans est volée
260
522 000
1 022 MW
15 %
20 %
JEUNE AFRIQUE
Coulisses
l’hydroélectricité, mais souhaite augmenter parallèlement ses capacités thermiques. Ce dernier mode de production est très critiqué par les partisans du tout hydraulique, moins polluant, moins cher et garanti par l’imposant réseau hydrographique du pays ; mais AES-Sonel ne veut plus s’exposer aux aléas climatiques, à l’instar des étiages qui baissent les volumes des réservoirs d’eau. 30 % DE THERMIQUE. « Il faut
exploiter le thermique pour optimiser l’exploitation de l’hydraulique, explique Jean-David Bilé. En soirée, il y a un pic dans la consommation d’électricité. Si, pour le couvrir, vous lâchez l’eau des réservoirs [d’une centrale hydraulique, NDLR], vous en perdrez par la suite pendant les heurescreuses.Or,sinousdisposons d’une capacité thermique, nous pouvons mieux réguler l’utilisation de l’eau stockée destinée à faire tourner les turbines. » L’entreprise se donne donc pour objectif d’accorder au thermique 30 % de sa production d’électricité. Entre 2001 à 2012, AES-Sonel aura développé 400 MW en thermique, grâce à la mise en service des centrales de Kribi, Limbé et Yassa-Dibamba.
À terme, l’entreprise envisage d’exporter une partie de la production locale. AES veut faire du succès de son aventure camerounaise une saga africaine. Si l’entreprise atteint ses objectifs au Cameroun, elle pourra exporter le supplément de sa production. La demande du Nigeria voisin se monte à 40000 MW. Pour soutenir son développement, AES a créé l’Africa Power Company (AES Apco), une filiale dévolue à l’extension de ses activités sur le continent. Elle travaille à des projets en Afrique du Sud, au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Kenya… ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
ANTONIN BORGEAUD
Ý LA CENTRALE THERMIQUE AU GAZ DE KRIBI doit être mise en service en 2012.
PÉTROLE FORTE DEMANDE SUBSAHARIENNE Alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a revu à la baisse, le 12 octobre, ses prévisions de demande mondiale de pétrole (+ 1,1 % en 2011 et + 1,4 % en 2012), la consommation subsaharienne n’en finit pas de crever les plafonds. Selon la société de conseil Citac Africa, elle a augmenté de 7,8 %
S
M
S
Entreprises
marchés
en 2010, soit 1,6 point au dessus des projections de l’organisme un an plus tôt. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, la hausse a même atteint 14,7 %. Pour David Bleasdale, directeur exécutif de Citac, « la croissance économique, tirée par les exportations de minerais et de pétrole », explique ces chiffres. Mais pas seulement. Les subventions accordées pour réduire les prix à la pompe ont aussi un impact sur la consommation. Au Nigeria, où le litre coûte 0,3 euro et où les subventions aux carburants devraient coûter 5,6 milliards d’euros en 2011, la demande a crû de 20 % en 2010. Cependant, les subsides ont aussi un effet pervers, « comme la contrebande avec les pays voisins et son impact sur la balance budgétaire des États », prévient David Bleasdale. ●
• ÉQUIPEMENTS General Electric, qui réalise un CA de 1,1 G€ en Afrique, table sur une hausse des ventes de 15 % par an à partir de 2012 • AÉRIEN Le nigérian Arik Air reliera Lagos à Abou Dhabi fin novembre • BTP Les Espaces Saada (groupe Palmeraie développement) vont construire 15000 logements sociaux à Casa • MÉDIAS Le sud-africain Naspers veut s’implanter en Europe, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est • ÉNERGIE D’ici à 2021, l’Algérie
investira 14,5 G€ dans les énergies renouvelables, a indiqué Sonelgaz • RAIL Au
Maroc, l’ONCF a reçu l’autorisation d’émettre un emprunt obligataire de 130 M€
CONGO BISBILLES DANS LE FER L’australien Core Mining démarrera en 2015 l’exploitation de la mine de fer du mont Avima. La société investira 8 millions d’euros, pour une production de 50000 t/an, sur cinquante ans. Le minerai pourrait être évacué par le Cameroun ou le Gabon, faute d’infrastructures adéquates au Congo. Mais ce n’est pas du goût du ministre des Mines Pierre Oba: « Un projet de cette taille devrait bénéficier à 90 % au Congo ainsi qu’à sa population. » ● TUNISIE DRAGON OIL ARRIVE La firme pétrolière dubaïote Dragon Oil a acquis 55 % du permis d’exploration de Bargou, près des côtes tunisiennes, pour 19,4 millions d’euros. Il sera partenaire des australiens Cooper
Energy et Jacka Resources. Le puits, dont Dragon Oil sera l’opérateur, devrait être foré en 2012. La compagnie a annoncé disposer d’une enveloppe de 365 millions d’euros à investir et être à la recherche de nouveaux deals, notamment en Afrique. ● MAGHREB LA BERD S’ÉTEND Créée pour appuyer l’essor des pays européens émergents, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a annoncé l’extension de ses activités aux pays arabes (Égypte, Maroc,Tunisie, Jordanie) à partir de mi-2012. Les sommes débloquées atteindront 100 millions d’euros et seront consacrées au financement de partenariats public-privé dans le domaine des infrastructures et au soutien des PME. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
69
Décideurs Ý « NOUS SOMMES DANS UNE LOGIQUE DE DIVERSIFICATION
DE NOS FINANCEMENTS », affirme cet ancien de Royal Air Maroc.
plus bas », se réjouit le directeur du pôle financier, formé en France et ancien directeur du financement de Royal Air Maroc.
ABDELHAK SENNA
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MAROC
Mohamed El Hajjouji: « L’OCP séduit les investisseurs »
L’emprunt obligataire lancé fin septembre par le leader mondial des phosphates a été un succès. Une réussite dont ne peut que se réjouir le directeur du pôle financier du groupe.
M
ohamed El Hajjouji, 57 ans, est satisfait. L’emprunt obligataire de 175 millions d’euros, lancé du 15 au 26 septembre par l’Office chérifien des phosphates (OCP) à la Bourse de Casablanca, a rencontré un large succès auprès des investisseurs institutionnels marocains auxquels il était destiné.
« Le montant a été sursouscrit presque sept fois. Pas moins de trente institutionnels ont voulu s’engager, pour un total de 13,5 milliards de dirhams [environ 1,2 milliard d’euros, NDLR], preuve que la signature de l’entreprise est reconnue. Établissements de crédit, caisses de retraite, OPCVM… Tous ont répondu présent et se sont positionnés sur les taux les
PHOSPHATES : LA MINE D’OR CHÉRIFIENNE CONSÉQUENCE DE L’EXPLOSION de la demande en produits agricoles, la consommation d’engrais bondit. Les besoins sur les marchés sont tels que le prix de la tonne de phosphates est passé de 90 dollars au début de 2010 à environ 150 dollars aujourd’hui (environ 110 euros). Hausse démographique oblige, le marché devrait encore progresser de 2 % à 3 % par an en moyenne. Avec près des trois quarts des réserves mondiales dans son sous-sol, le Maroc est le principal gagnant de cet engouement. D’ailleurs, l’Office chérifien des phosphates entend faire passer sa production, dont la majorité part à l’exportation, de 30 millions à 50 millions de tonnes par an à l’horizon 2015. Une aubaine pour Rabat, qui pourra ainsi limiter le déficit de sa balance commerciale, estimé à 10,8 milliards d’euros sur les huit premiers mois de 2011, JULIEN CLÉMENÇOT soit une hausse de 23 % par rapport à 2010. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
GRANDS TRAVAUX. « Avec cette opération, la première du genre pour l’OCP, notre plan d’investissement est bouclé », ajoute-t-il. Pour le géant des engrais, qui dispose d’une belle capacité d’autofinancement (800 millions d’euros de cash-flow en 2010), cette manne en obligations est la bienvenue. Le groupe, dirigé par Mostafa Terrab, a en effet besoin de 8,9 milliards d’euros sur cinq ans pour achever ses grands travaux : la modernisation de ses mines de Khouribga et de Benguerir ; la mise en place de ses usines chimiques et terminaux de Jorf Lasfar ; mais aussi l’installation de son « minéroduc », ce fameux conduit qui acheminera le phosphate et donnera à l’OCP la flexibilité logistique nécessaire. Le groupe veut aussi poursuivre son offensive commerciale en Afrique subsaharienne. Une stratégie qui n’est pas pour déplaire à Mohamed El Hajjouji, qui a effectué jadis des missions de conseil en gestion de trésorerie au Sénégal et au Gabon, des pays pour lesquels il garde un fort attachement. Pour l’OCP, la réussite de cet emprunt obligataire laisse présager d’autres opérations sur les marchés de capitaux. « L’appétit vient en mangeant », rit Mohamed El Hajjouji. Puis, plus sérieusement : « Nous sommes dans une logique de diversification de nos financements, ce qui implique aussi une meilleure communication financière. » Malgré tout, l’ouverture du capital de l’OCP n’est pas à l’ordre du jour : « Nous sommes un groupe industriel. Nous voulons garder une stabilité du capital et un niveau minimal de confidentialité pour déployer notre stratégie », justifie le financier marocain. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
Décideurs
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CENTRAFRIQUE
Honoré Feïzouré, artisan de l’or blanc
Le directeur général de l’Agence centrafricaine de développement agricole veut retrouver la production de coton d’avant la guerre civile.
Ý L’AGRONOME prévoit une récolte de 22 000 t en 2011-2012 (contre 10 000 t sur la dernière campagne).
L
DR
e sourire ne quitte jamais ce Centrafricain de 49 ans. Honoré Feïzouré, directeur général de l’Agence centrafricaine de développement agricole (Acda), sait que le secteur cotonnier revient de loin. Avant 2004 et le début de la guerre civile, la production de coton-graine atteignait 46 000 tonnes, le pays possédait six usines de traitement et ses propres moyens de transport. En 2006, seule une usine était encore en état de marche. Il y a trois ans, la
« Les paysans ont laissé les armes pour retourner aux champs. » production, située principalement dans les zones rebelles, s’est réduite à environ 900 t… Ingénieur agronome formé à l’université de Bangui, Honoré Feïzouré entre en 1986 dans la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT, aujourd’hui Geocoton,
filiale du groupe Advens). En 1993, année des premières élections multipartites du pays, il part se spécialiser dans l’agronomie tropicale à Montpellier (France), avant de rejoindre CotonTchad. « Je suis revenu en 1996 à Bangui, en tant que directeur de production, se souvient-il. Trois ans avant le rachat de la CFDT par Louis Dreyfus. » Confronté à l’instabilité chronique du pays et à des cours en chute libre, le groupe plie bagage et revend son activité centrafricaine à l’État en 2006, pour 13,7 millions d’euros. La filière passe sous
la coupe de l’Acda, dont Honoré Feïzouré devient directeur général. « Le coton faisait vivre 1 million de personnes, explique ce père de sept enfants. Là où il est de nouveau cultivé, les paysans ont laissé les armes pour retourner aux champs. » Une deuxième usine a été réhabilitée, et une troisième démarrera dans deux mois. Cette dernière a nécessité 2,3 millions d’euros d’investissements, financés pour un tiers par l’État et pour deux tiers par l’Acda, revigorée par des cours mondiaux en hausse. BONNES PERSPECTIVES. « Nous avons produit 10 000 t de coton sur la dernière campagne, précise Honoré Feïzouré. Et nous prévoyons 22 000 t en 2011-2012. Notre objectif est de retrouver notre niveau d’avant la crise d’ici à deux ans. » Ces bonnes perspectives pourraient s’accompagner du retour du secteur privé. Le ministre centrafricain de l’Agriculture, Fidèle Gouandjika, s’est entretenu à Deauville le 6 octobre avec Yannick Morillon, directeur général de Geocoton. Et les Chinois seraient aussi sur le coup. ● MICHAEL PAURON
CLAUS BECKER LUFTHANSA Actuellement directeur général France-Benelux, il devrait prendre en janvier 2012 la direction générale Afrique de l’Ouest du transporteur allemand. Il remplacera à ce poste Herbert Reichle, qui part à la retraite. JEUNE AFRIQUE
GILLES NEMBÉ VIADEO Âgé de 42 ans, ce diplômé de Polytechnique Montréal et d’HEC prend la direction des opérations sur les marchés émergents. Il supervisera aussi les partenariats au niveau mondial.
AZZEDINE KETTANI KETTANI LAW FIRM Le patron du cabinet marocain a été choisi par le président de la Banque mondiale pour faire partie des dix arbitres figurant dans le panel officiel du Cirdi, l’un des principaux tribunaux d’arbitrage au monde. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
CHRISTOPHE MORIN/IP3 ; DR
ON EN PARLE
jeune afrique .com
Marchés financiers
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Ý Lire l’intégralité de l’interview
de Moez Zouari
Ý LES VENTES DE LA SOCIÉTÉ ont progressé de 20,2 % en 2009 et de 16,8 % en 2010.
HICHEM
vendeur de céramiques (38,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010) fonctionne plutôt correctement : ses ventes ont progressé de 20,2 % en 2009 et de 16,8 % en 2010, notamment grâce à ses activités en Libye. Mieux : au premier semestre 2011, alors que l’économie du pays ralentissait, Somocer affichait des revenus en hausse de 14,6 %. « Cela s’explique par la prolifération de la construction anarchique en Tunisie, profitant de l’absence de l’administration », explique Yousr Ben Salah Ouerghi, responsable du département analyses chez BNA Capitaux. L’arrêt du marché parallèle, largement tenu par la famille Trabelsi, aurait également donné un coup de fouet aux ventes « légales » de céramiques.
BOURSE DE TUNIS
Coup de chaud sur Somocer
La probable OPA de Moez Zouari fait flamber le cours du fabricant de céramiques. En jeu : le redressement de l’entreprise, bien positionnée mais peu rentable, et sa transformation en leader maghrébin.
P
N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
POIDS DE LA DETTE. Mais en
Mena), le groupe Zouari entend jouer un rôle actif dans la gestion de la société. S’il poursuit sa montée au capital, il a deux choix: acquérir des titres sur le marché, le flottant étant suffisamment important (environ 45 % du capital) pour atteindre cet objectif, ou traiter directement avec Lotfi Abdennadher et sa famille, qui détiennent un quart des parts environ. Toutes les options restent ouvertes. « Y compris celle de ne pas continuer la progression au capital », souligne Hedi Ben Mlouka, qui gère le fonds Duet Mena et ses 235 millions d’euros. Somocer est un cas particulier. Commercialement, ce fabricant et
La spéculation bat son plein 5
Cours de l’action Somocer ( dinars) (en
4
Zouari et Duet Mena acquièrent
20,3% du capital
SOURCE : BOURSE DE TUNIS
lus 123 % : c’est la hausse, vertigineuse, qu’a connue en cinq mois le cours de la Société moderne de céramique (Somocer, 300 salariés) sur la Bourse de Tunis. Du jamais vu! Et presque un miracle au regard de la progression nettement plus modeste (+ 14 %) de l’ensemble de la place tunisienne sur la même période. « Tout cela est spéculatif et le cours est très nettement surévalué, tranche un analyste. La hausse s’est accélérée début octobre avec l’annonce de la montée au capital du groupe Zouari. » Depuis, la place tunisienne est en effervescence : Somocer concentre certains jours un tiers des volumes échangés. En jeu : les ambitions capitalistiques des frères Zouari et leurs intentions quant à la gestion future de l’entreprise. « Le consortium mené par Moez Zouari a précisé que sur les douze prochains mois il comptait demander sa nomination en tant qu’administrateur », résume Ranya Gnaba, analyste financière chez AlphaMena. À la tête de 27 % des parts le 11 octobre (en association avec le fonds d’investissement Duet
3
2
12 13 14 15 16 19 20 21 22 23 27 28 29 30 3 4 5 6 11 sept. oct.
matière de marges et de profits (1,7 million d’euros de bénéfice net en 2010), la situation de la société est bien moins reluisante. Aujourd’hui, « sa rentabilité est faible », souligne Ranya Gnaba. « La branche fabrication des carreaux en céramique de Poulina dépasse les 20 % d’Ebitda [indicateur proche de la marge brute d’exploitation, NDLR], contre 14,9 % pour Somocer. En outre, la société souffre d’une faible capacité de génération de cash, d’où le recours permanent à l’endettement. Sa structure bilantielle est fragilisée. » Moez Zouari entend remettre la société sur de bons rails. Son track record parle pour lui : avec son frère, il a redressé Bonprix, vendu en 2006 au groupe Chaïbi, et lancé en 2009 Leader des biscuits méditerranéens (LBM), devenu depuis le numéro trois du marché tunisien des biscuits. Il possède également un grand nombre de supermarchés en France. Le Tunisien ne devrait pas avoir trop de difficultés à soustraire Somocer du poids de la dette qui pèse sur elle. « Cet endettement est sain, car il est lié aux investissements JEUNE AFRIQUE
Baromètre de Somocer dans ses extensions et à ceux de ses filiales », souligne Moez Zouari. « La société possède de nombreux actifs immobiliers valorisés dans les comptes au coût historique, alors qu’ils en valent 20 fois plus sans être utiles à la société », complète Hedi Ben Mlouka, de Duet Mena, qui n’interviendra pas dans la gestion mais adhère totalement au plan de développement de Moez Zouari. Ce dernier entend donner un nouveau souffle à Somocer : « Il y a beaucoup de flottements en termes de direction,
Parmi les cibles du nouvel actionnaire, l’Algérie figure en bonne place. une absence de vision et de leadership, souligne le jeune patron tunisien. La preuve de cela, c’est que Carthago Ceramics [du groupe Poulina] a rattrapé Somocer alors que cette société s’est lancée beaucoup plus tard. » Leurs parts de marché en Tunisie seraient à peu près similaires : entre 27 % et 28 %. FLEURON NATIONAL. « Somocer
est un fleuron de l’industrie nationale, avec un potentiel énorme: de bons produits, des manageurs très bien formés, s’enthousiasme Moez Zouari. Il doit devenir un leader maghrébin. » Parmi les cibles du nouvel actionnaire, l’Algérie figure en bonne place, le pays étant lancé dans un vaste chantier de construction de logements. La Libye, seul réel marché de Somocer en dehors de la Tunisie, est également prometteuse, en raison de la reconstruction qui s’y dessine. « L’Europe et la Russie sont aussi des marchés à conquérir », ajoute Moez Zouari. Parviendra-t-il à influencer la gestion de Somocer ? L’absence de réaction de Lotfi Abdennadher à l’offensive du groupe Zouari est-elle le signe que cet homme d’affaires ne s’y opposera pas ? Les mois qui viennent donneront la réponse. ●
Marchés financiers
Agro-industrie : des hauts et des bas VALEUR
BOURSE
COURS au 12 octobre (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)
SOGB
ABIDJAN
85,62
+ 44,1
LAGOS
0,12 74 35,43 0,52 1,52 2,46 0,32 0,06 0,22
+ 35,5 + 29,6 + 19,9 + 18,0 – 6,7 – 7,2 – 17,5 – 35,6 – 47,2
The Okomu Oil Palm Company SAPH Palmci Benso Oil Palm Plantation ENL Land Omnicane Feronia Inc. Mumias Sugar Company Equatorial Palm Oil
ABIDJAN ABIDJAN ACCRA PORT LOUIS PORT LOUIS TORONTO NAIROBI LONDRES
APRÈS LA HAUSSE en flèche connue entre mars 2009 et mars 2011, les cours des produits agricoles sont désormais en baisse. L’huile de palme et le caoutchouc ont ainsi perdu environ un quart de leur valeur, la chute étant plus limitée pour le cacao.Toutefois, à l’image du sucre, dont les cours sont repartis à la hausse, les principaux produits agricoles devraient poursuivre à moyen terme leur tendance
haussière. Une nouvelle de bon augure pour les producteurs et transformateurs africains cotés, dont les performances financières en 2010 et début 2011 ont été globalement bonnes. Le secteur reste toutefois marqué par une exceptionnelle volatilité: Feronia (huile de palme en RD Congo) affichait ainsi début juillet la meilleure performance boursière des valeurs agro-industrielles. Depuis, la valeur s’est effondrée… ●
Valeur en vue SOGB Une tendance positive durable BOURSE BRVM (Abidjan) • CA 2010 107,8 millions d’euros (+ 65,08 %) COURS 40 500 F CFA (12.10.2011) • OBJECTIF 57 000 F CFA
LE CŒUR DE MÉTIER de la Société des caoutchoucs de Grand-Béréby (SOGB) est la culture de l’hévéa et la vente de biens manufacturés en caoutchouc d’une part; la culture, la transformation et la manufacture d’huile de palme d’autre part. Il occupe dans ces activités la deuxième place, respectivement derrière SAPH et Palmci. En 2010, ses revenus ont progressé de 65,08 %, le résultat net bondissant de 293,47 %, à 16,7 milliards de F CFA. Cette hausse est attribuable pour l’essentiel à la forte augmentation des prix du caoutchouc et de l’huile de palme. Nous Joeata Kety estimons que la tendance positive en matière de revenus Analyste et de profits devrait se poursuivre, en raison de cours chez Hudson & Cie toujours orientés à la hausse et d’une augmentation des volumes pour l’huile de palme. En 2011, le chiffre d’affaires de SOGB devrait de nouveau progresser (de 21,8 %), le bénéfice net augmentant de près de 30 %. Selon nos prévisions, le cours minimum soutenable de SOGB est de 57000 F CFA, pour un cours actuel de 40500. Nous recommandons donc l’achat du titre. » ●
FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Dossier
Transport maritime
OPÉRATEURS PORTUAIRES
Bousculade sur
les docks
Malgré les crises, politiques et économiques, l’intérêt pour les ouvertures maritimes du continent ne faiblit pas. Les grands groupes se livrent une bataille sans merci pour en prendre le contrôle.
chemin de fer… Le projet est ambitieux et a su séduire le président Alpha Condé, qui remercie par la même occasion le soutien indéfectible du gouvernement français à son élection.
ELDORADO. À Pointe-Noire, au Congo, Bolloré a
MICHAEL PAURON
B
olloré Africa Logistics aura finalement gagné la bataille contre Getma. Depuis le 29 mars, la concession du port de Conakry est sienne. Sa treizième, après Freetown en décembre 2010, où il devrait investir 92 millions d’euros. Déjà en 2009, c’est au terme d’une âpre bataille qu’il avait ravi une partie de la gestion du port de Lomé à l’espagnol Progosa. Ces affaires sont au moins révélatrices d’une chose : l’attractivité des ports africains n’a pas faibli malgré la crise mondiale. Et la croissance économique de 5,8 % prévue par le Fonds monétaire international (FMI) pour l’Afrique subsaharienne en 2012 (5,2 % en 2011) laisse entrevoir un avenir tout aussi radieux. « Les privatisations, accompagnées de nombreux investissements, accentuent le fort développement des ports », analyse Hendrik Lohse, directeur de l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche du Havre (Iper). « Tout est à faire, et on se bouscule pour prendre les meilleures positions », poursuit-il. Les grands opérateurs prévoient ainsi d’investir entre 1,3 milliard et 2 milliards d’euros pour moderniser les ports de la façade ouest-africaine. En Guinée, Bolloré compte allonger 500 millions d’euros sur les vingt-cinq ans que dure la concession, dont 150 millions les trois premières années. Augmentation de la longueur du quai du terminal de 300 à 900 m, profondeur portée à 13,5 m, contre 10 aujourd’hui, connexion au N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
commencé son programme d’investissement, qui devrait atteindre un total de 570 millions d’euros d’ici à 2036 et transformer la presqu’île en premier port d’Afrique centrale, avec 647000 conteneurs de capacité annuelle de traitement dès 2015. De son côté, APM Terminals (filiale du danois Maersk) entend investir 75 millions d’euros à Monrovia dans les trois ans. À Djibouti, Dubai Ports World (également présent en Algérie, au Sénégal et au Mozambique) a annoncé le 10 octobre l’extension du port d’ici à 2014, pour 240 millions d’euros. Selon une étude commandée par le cabinet londonien Holman Fenwick Willan, l’Afrique, avec
LA CHINE, GÉANT DES MERS ALORS QUE LETRAFIC mondial de marchandises par voie maritime a chuté en 2009 à 7,94 milliards de tonnes (– 4,5 %), il n’y a pas eu un grand chamboulement dans le dernier classement des opérateurs de conteneurs (« Review of MaritimeTransport 2010 », Cnuced). L’allemand Hapag-Lloyd chute à la septième place, remplacé en cinquième position par le singapourien APL. Et si le chinois CSCL (8e) reste en rade du top 5, l’empire du Milieu se distingue autrement dans le commerce maritime mondial: troisième propriétaire de navires de la planète, deuxième M.P. constructeur et plus grand recycleur. Où s’arrêtera-t-il? ●
Top 5 des armateurs
(volume transbordé en 2009, en milliers d’équivalents 20 pieds)
1. Maersk ( DANEMARK )
1 747 (+ 0,3 %)
2. MSC ( SUISSE ) 3. CMA-CGM ( FRANCE ) 4. Evergreen Line ( TAIWAN ) 5. APL ( SINGAPOUR )
1 508 (– 0,2 %) 945 (+ 9,2 %) 593 (– 5,9 %) 525 (+ 11,4 %)
SOURCE : CNUCED
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JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Philippe Gery, DG de
L’Algérie combine mer et terre
ASSURANCES
Groupama surfe sur la vague africaine
FORMATION
À Casa, une école au long cours
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FRÉDÉRIQUE JOUVAL POUR J.A.
Gabon Port Management
INFRASTRUCTURES
l’Amérique latine, est bel et bien le nouvel eldorado maritime. Si la Chine a connu la croissance en volume la plus spectaculaire de ces dernières années, les nombreux projets de ports chinois sont désormais interdits aux investisseurs étrangers. Cette situation, couplée au fait que les échanges entre l’Afrique et l’Asie ont dépassé depuis 2005 ceux réalisés avec l’Europe, a poussé les grands opérateurs mondiaux vers le continent.
Une partie de la gestion du PORT DE LOMÉ a échappé en 2009 à l’espagnol Progosa, au profit de Bolloré.
CAP À L’EST. Mais contrairement à l’Afrique de
l’Ouest, tirée historiquement par son trafic avec l’Europe, « le constat sur la façade est-africaine est sa pauvreté en infrastructures portuaires », relève l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar). Selon le cabinet de conseil allemand Dynamar, le Kenya (700000 équivalents 20 pieds) et la Tanzanie (400 000) sont probablement les candidats les mieux armés pour recevoir les investissements dont la région a fortement besoin pour soutenir sa croissance. Le président kényan, Mwai Kibaki, a d’ailleurs appelé de ses vœux, début octobre, la construction d’un port moderne à Lamu et, dans la foulée, d’un corridor (routier et numérique) rejoignant le Soudan du Sud, le Soudan et l’Éthiopie. Au Mozambique voisin, le développement des mines, notamment de charbon, a déjà accéléré JEUNE AFRIQUE
Alors même que la Somalie est en proie à une guerre civile, le port de Berbera attire les investisseurs.
la privatisation du port de Maputo, confiée à Dubai Ports World en consortium avec le sud-africain Grindrod et l’État. « Nous sommes intéressés par tous les ports africains », aime à rappeler le français Bolloré. Et certainement ne laissera-t-il pas les opportunités est-africaines lui passer sous le nez. Il est d’ailleurs déjà présent sur des ports secs en Tanzanie et au Kenya. Il a même annoncé en 2009 vouloir investir pas moins de 500 millions d’euros en Somalie, dans le port de Berbera… mais c’est finalement du nouveau grand partenaire chinoisque viendra peut-être le chèque : mi-septembre, PetroTrans a déclaré réfléchir à investir dans le port afin de faciliter ses exportations de gaz naturel éthiopien. Alors que la Somalie reste en proie à une guerre civile, mettant à genoux les fragiles institutions du pays, est-il opportun d’y investir ? « Pour attirer les investissements, la stabilité politique et sociale est nécessaire », estime Hendrik Lohse. Pour lui, « c’est le problème majeur que l’Afrique doit vaincre pour développer encore ses infrastructures aéroportuaires ». La crise ivoirienne a de fait entamé les résultats du concessionnaire Bolloré – encore lui –, probablement compensés cependant par les résultats des autres sites. Sa détermination, comme celle des autres opérateurs, est en tout cas intacte. ● N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Dossier Transport maritime INTERVIEW
Philippe Gery
D IRECTEUR
GÉNÉRAL DE
G ABON P ORT M ANAGEMENT
« GPM veut faire d’Owendo un accélérateur de croissance » Filiale de Portek – récemment racheté par le japonais Mitsui –, Gabon Port Management est chargé de l’entretien et du développement des installations de Libreville et de Port-Gentil. Il y multiplie les investissements.
TIPHAINE SAINT-CRICQ POUR J.A.
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JEUNE AFRIQUE: Quel bilan dressezvous de la présence de Portek au Gabon depuis 2007? PHILIPPE GERY : Plutôt positif.
Beaucoupdechosesontétéréalisées dansl’entretienetledéveloppement des installations portuaires. Nous avons investi en moyenne 2,5 milliards de F CFA par an [3,8 millions d’euros, NDLR]. Et, depuis le début de l’année, nous accélérons notre programme d’investissement, grâce à notre croissance soutenue depuis fin 2009 et aux nombreux chantiers lancés par le pays. De fait, rien que sur cette année, nous aurons investiprèsde6,5milliardsdeFCFA, notamment pour l’achat de deux grues portuaires qui seront livrées début 2012 et qui vont nous permettre de gagner en productivité.
En janvier 2010, le Gabon a interdit l’exportation des grumes brutes. Quel impact cela a-t-il eu sur les activités du port? N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Ilyaeubiensûrunebaissedel’activité à l’export. Mais nous l’avons à peinesentie,parcequecettemesure a été compensée par la hausse des exportations conteneurisées, en raisondelatransformationsurplace desgrumes.Deplus,lapolitiquedes grands travaux, avec les différents projets dans le BTP, a dopé l’importation de matériaux de construction et de machines-outils. Au final, la croissance de l’activité au niveau du port d’Owendo [Libreville] est de l’ordre de 7 % à 10 % en moyenne depuis fin 2009 [le port traite en moyenne 6 millions de tonnes de marchandises par an]. Ce rythme devrait se maintenir, en raison des projetsd’industrialisationdelafilière bois et des ressources minières. Le port de Libreville dispose-t-il de la capacité nécessaire pour suivre cette évolution?
Tout le challenge est d’avoir les infrastructures qui peuvent soutenir
CE FRANÇAIS DE 36 ANS a intégré le groupe Portek en 2003.
cette croissance. Nous envisageons de démarrer, d’ici au début de 2012, la construction d’un quai supplémentaireauportd’Owendo.Celui-ci sera destiné aux conteneurs et doté d’outils de manutention modernes, pour traiter beaucoup plus rapidement les navires. L’idée est de décongestionnerlachaînelogistique au niveau du port d’Owendo, pour faire de celui-ci un accélérateur de croissance. C’est un investissement de 35 milliards à 40 milliards de F CFA, qui va s’étaler jusqu’en 2013 et qui sera notamment financé par nospartenaireshabituelsquesontla Banque mondiale et BGFI Bank. Comment Portek se positionne-t-il par rapport aux groupes comme Bolloré?
Nous sommes beaucoup plus petits, notamment en termes de présence en Afrique – Algérie, GabonetrécemmentRwanda.Nous n’avons pas l’intention d’entrer en concurrence directe avec eux. Nous nous positionnons plutôt sur des terminaux portuaires de petite et moyenne tailles.
Le japonais Mitsui vient de racheter la totalité de Portek. Quel impact cela peut-il avoir sur vos activités en Afrique?
En bref Filiale du singapourien Portek depuis 2007
23
millions d’euros de chiffre d’affaires annuel Environ
150
salariés
En termes d’organisation et de management,celanechangerarien. Tous nos projets sont maintenus et vont sans doute être accélérés. L’arrivée de Mitsui nous apporte une plus grande assise financière: le groupe pèse plus de 60 milliards de dollars [45 milliards d’euros] de chiffre d’affaires annuel et est très agressif en termes d’investissements et d’acquisitions. Ensuite, cela apportera au Gabon, qui veut diversifier ses partenaires économiques, une expertise japonaise en matière de logistique. ● Propos recueillis par STÉPHANE BALLONG
JEUNE AFRIQUE
Dossier Transport maritime
SAMIR SID
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INFRASTRUCTURES
L’Algérie combine mer et terre
LE PORT D’ALGER EST À SATURATION. Les bateaux attendent, les camions aussi.
Le pays s’apprête à réaliser des plateformes logistiques connectées au rail et à la route, dans le but d’accroître la compétitivité de ses équipements portuaires. Ces interfaces suffiront-elles à fluidifier le trafic ?
A
vec près de 1 200 km de côtes, l’Algérie ne manque pas de débouchés maritimes pour le transport de marchandises. D’est en ouest, d’Annaba à Ghazaouet, ses dix ports de commerce ont assuré l’importation et l’exportation, en 2010, de plus de 117 millions de tonnes de produits divers. Objectifs à présent recherchés : faciliter la desserte de tout le pays et réduire coûts et délais de livraison, via des plateformes logistiques faisant office d’interfaces entre les transports maritime et terrestre. Pour fluidifier le trafic en amont et en aval des ports, les pouvoirs N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
publics ont annoncé cet été la réalisation, dans les mois à venir, de plusieurs pôles multimodaux, à Alger, Annaba, Arzew, Béjaïa, Djen-Djen, Ghazaouet, Mostaganem, Oran,
Objectifs : faciliter la desserte de tout le pays et réduire coûts et délais de livraison. Skikda et Ténès. Ces plateformes, mises en œuvre par la Société de gestion des participations des ports (SGP-Sogeports), fonctionneront en combiné avec le rail et la route – elles seront notamment connectées à l’autoroute est-ouest et à
la route transsaharienne –, voire avec le transport aérien. L’Agence nationale d’études et de suivi de la réalisation des investissements ferroviaires (Anesrif ) a de son côté contracté avec la firme autrichienne Kapsch CarrierCom pour le développement d’un système GSM-R (système global de communication mobile pour les voies ferrées). DÉLESTER LA CAPITALE. Si ce
projet titanesque avait déjà été annoncé en 2008 avant d’être mis en sommeil, Jihade Belamri, PDG du Bureau d’études européen (BEE, une société d’ingénierie industrielle active en Algérie et en France), est optimiste. Il salue l’initiative, qui permettra, dans un futur proche, l’exportation des ressources minières et agricoles, en sus des hydrocarbures : « Le pays détient tous les atouts pour accueillir deux ou trois ports à dimension euroméditerranéenne et recevoir ● ● ● JEUNE AFRIQUE
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ALGER
Tizi Ouzou Ténès Mostaganem Relizane
Oran
Chlef
Route transsaharienne SOURCE : J.A.
● ● ● des bateaux de 30 000 t. C’est l’objectif logiquement poursuivi par le gouvernement pour Skikda et Djen-Djen. » Pour Jihade Belamri, ces projets vont permettre à ses clients algériens d’accroître leurs potentialités à l’exportation. « Le port d’Alger est à saturation. Les bateaux attendent,
D’aucuns pensent que la création de ces plateformes ne réglera pas tout. les camions aussi. Béjaïa permettra de délester le port algérois, tout comme Djen-Djen, qui est sousutilisé. Il faudra toutefois établir un service de navettes maritimes entre les villes portuaires pour optimiser la circulation. » GESTION DES STOCKS. Mais si
la création de plateformes multimodales est bien accueillie par la profession, d’aucuns pensent qu’elle ne résoudra pas tout. Un expert algérien en logistique internationale explique que de tels arrière-ports sont généralement nécessaires lorsque le trafic est trop important pour la surface de stockage d’un port « efficace », c’est-àdire un port où les marchandises sont dédouanées et enlevées dans les trois ou quatre jours. Tel n’est visiblement pas le cas en Algérie, où le problème, selon cet expert, ne réside pas dans la capacité des infrastructures mais dans la gestion des stocks. Aussi préconiset-il en préalable l’adoption d’une réglementation coordonnée entre tous les opérateurs. Il recommande N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Annaba
Skikda Béjaïa
Jijel Sétif
Blida
Djen-Djen Constantine
Guelma Souk Ahras
Bouira
Médéa
Bordj Bou Arréridj
Arzew
Sidi Bel-Abbès Mascar Mas caraa Mascara Ghazaouet uet Ports de commerce Tlemcen Aéroports Saïda Autoroute est-ouest
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Dossier Transport maritime
Batna
M’Sila
Khenchela
Tebessa
Tiaret Tia ret
Bou Saada Quelques pôles multimodaux en projet
Oran et Arzew
Djelfa
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UN PROTOCOLE D’ACCORD a été signé entre Rail Logistic (filiale de la Société nationale des transports ferroviaires) et les deux entreprises portuaires d’Oran et d’Arzew. Une société spécialisée dans le transport de conteneurs est en cours de constitution. Elle sera située près de l’aéroport d’Es Senia, à seulement une dizaine de kilomètres du port d’Oran et à proximité de la voie ferrée qui file vers Alger. Elle sera aussi connectée à la nouvelle autoroute est-ouest et permettra de délester le port d’Arzew. Celui-ci est considéré comme un maillon essentiel dans la chaîne des transports, avec 54 millions de tonnes de marchandises traitées en 2010, dont plus de 99 % d’hydrocarbures.
Béjaïa
2
TROISIÈME PORT DU PAYS en volume de marchandises traitées, c’est l’un des trois points de transit des hydrocarbures, avec Skikda et Arzew. Il a engagé des démarches pour l’acquisition de terrains destinés à l’aménagement de ports logistiques : les dossiers concernant le site d’Ighil Ouberouak et deTixter ont été soumis, pour examen, à l’Agence nationale de développement de l’investissement (Andi). L’Entreprise portuaire de Béjaïa et Béjaïa MediterraneanTerminal, le terminal à conteneurs créé en partenariat avec le singapourien Portek Systems and Equipment, seront bénéficiaires de ces installations. Une partie du trafic
Biskra d’Alger non conteneurisé sera transbordée – via les bases logistiques – vers Béjaïa. Le concessionnaire émirati Dubai Ports World, chargé du développement d’Alger depuis 2009, prévoit l’extension du réseau ferré entre le port de Béjaïa et celui d’Alger.
Djen-Djen
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L’ENTREPRISE PORTUAIRE de Djen-Djen, positionnée pour figurer parmi les principaux terminaux de transbordement de conteneurs en Méditerranée, a programmé son port sec en interconnexion aux réseaux autoroutier et ferroviaire. Une étude d’impact a été commanditée en ce sens, en juillet, et le lancement des travaux est annoncé pour 2012.
Annaba et Skikda
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LA SOCIÉTÉ de transport intermodal de marchandises (Stim, filiale de la Société nationale des transports ferroviaires), qui a signé en mai un protocole d’accord avec les ports d’Annaba et de Skikda, assure que « tout va aller très vite, pour une mise en service potentielle dès janvier 2012 ». De fait, le site de la gare de triage d’Annaba, à 7 km du port, a d’ores et déjà été retenu pour l’aménagement de cette base logistique connectée à Constantine, ville industrielle d’importance située à 150 km. Skikda, deuxième port du pays, prévoit quant à lui la mise en exploitation d’une plateforme extra-portuaire, desservant l’hinterland et le Sud-Est, qui pourra traiter 130 000 conteneurs par an.
aussi de régler le problème de la bureaucratie – notamment bancaire et douanière –, en informatisant par exemple les procédures, et de lutter plus efficacement contre la corruption. « Si toutes ces conditions sont réunies, et que les transporteurs maritimes et les organismes portuaires redoublent d’efficacité,
alors les marchandises conteneurisées ne stationneront plus au port ou à l’arrière-port, et le dédouanement se fera avant le débarquement. Le transit sera immédiat et les contrôles pourront s’effectuer a posteriori dans les entrepôts des opérateurs », conclut-il. ● VÉRONIQUE NARAME JEUNE AFRIQUE
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Dossier Transport maritime maritimes pour l’industrie pétrolière et gazière. En août, Van Oord a achevé les travaux de dragage du port de Beira, au Mozambique. Les navires de 60 000 t peuvent à présent y accéder. Les travaux ont coûté 43 millions d’euros, financés par le gouvernement mozambicain (23 millions), la Banque européenne d’investissement (10 millions) et le gouvernement néerlandais (10 millions). JAN DE NUL
TRAVAUX PORTUAIRES
L’Europe drague le continent
Réaménagement, approfondissement, assainissement… Quatre opérateurs, belges et néerlandais, se partagent le marché de l’entretien des ports en Afrique. Revue de détail.
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u fait de l’importance des marchandis es transportées par voie maritime et des travaux qu’il faut consentir pour réduire les coûts logistiques, l’Afrique constitue un marché significatif pour les ténors du dragage. Pour permettre aux navires à grand tirant d’eau d’accéder aux ports, il faut en effet approfondir les chenaux. On fait alors appel aux majors de l’excavation : Boskalis, Van Oord, Jan De Nul et Deme, quatre opérateurs néerlandais et belges qui se partagent le marché de l’entretien des ports africains. Présentations. ROYAL BOSKALIS WESTMINSTER
Le groupe néerlandais exécute de nombreux travaux de dragage en Tunisie, en Égypte, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Cameroun, en Afrique du Sud… et plus régulièrement au Bénin et au Gabon. Son chiffre d’affaires sur le continent est en nette progression, avec 164 millions d’euros au premier semestre 2011, contre 90 millions un an plus tôt. Au Soudan, il a réaménagé le chenal d’accès au port de Suakin; et au Ghana, on lui doit une opération, N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
financée par le gouvernement néerlandais, qui permet à présent aux navires de 30000 tonnes d’accoster au port de Tema. En 2010, Boskalis a remporté trois contrats majeurs, pour un montant total de 100 mil-
En 2010, Boskalis a remporté trois contrats majeurs, au Nigeria, au Maroc et au Congo. lions d’euros. L’un au Nigeria, où il travaille avec l’italien Saipem sur l’entretien d’une installation pétrolière ; l’autre au Maroc, pour l’extension, courant 2012, du port de Tanger; et le troisième au Congo, pour le compte de l’Autorité portuaire de Pointe-Noire. VAN OORD DREDGING AND MARINE CONTRACTORS
L’activité de cet autre acteur néerlandais, présent depuis plus de quarante ans sur le continent, est également importante. « D’est en ouest et du nord au sud, que ce soit au Kenya, en Tunisie, en Égypte ou au Nigeria, nous intervenons de plus en plus », confirme la société, qui dispose à Lagos d’une succursale destinée aux services
Le groupe belge est chargé de l’entretien du port de Douala ; la concession sur cinq ans est dotée d’un budget annuel de 12 millions d’euros. En Angola (Soyo) et en Sierra Leone (Freetown), les compagnies pétrolières et minières lui ont confié des travaux d’entretien. Il est aussi à Arzew, en Algérie, sur l’extension offshore du port, ainsi qu’aux Seychelles. Par le passé, Jan De Nul a réalisé les travaux d’assainissement des côtes de Sfax, en Tunisie, et était, dans les années 1980, au Mozambique. « Nous effectuons quelques travaux d’entretien et d’approfondissement, mais généralement ce ne sont pas de gros contrats, hormis celui de 50 millions d’euros pour le nouveau port de Coega, en Afrique du Sud, en 2005 », constate Filip Morobé, responsable Afrique de la société. Jan De Nul a réalisé 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en Afrique en 2010, soit moins de 5 % de son chiffre d’affaires global. DREDGING INTERNATIONAL
Cette filiale du belge Deme est en revanche positionnée sur de gros travaux portuaires. Elle s’est notammentvuconfieruncontratde 193 millions d’euros pour l’exécution de dragages et l’approfondissement de l’accès au port de Durban, en Afrique du Sud. « Le contrat obtenu en Angola confirme la position forte et la continuité du groupe Deme sur le continent africain », atteste la société, qui a obtenu, en 2010, une mission à Soyo, facturée 155 millions d’euros, pour le compte de la société Angola LNG. ●
VÉRONIQUE NARAME JEUNE AFRIQUE
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Dossier Transport maritime
Le Liberia est le numéro deux mondial du pavillon de complaisance, derrière le Panamá.
ASSURANCES
Groupama surfe sur la vague africaine Le groupe français entend bien profiter de la croissance du marché maritime sur le continent. Pour cela, il multiplie les partenariats avec les compagnies locales.
ISTOCK
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La société a été fondée en 1890 au HAVRE (France), où se trouve toujours son siège.
D
rôle de métier que celui de l’assurance maritime. Presque un marché de niche, avec, au niveau mondial, moins de 5 % des primes totales d’assurance. Et un marché extrêmement délicat. Bien souvent, d’ailleurs, plusieurs compagnies se partagent le risque. Et pour cause : les trois plus gros navires actuellementenactivitévalent(horschargement) quelque 1,2 milliard d’euros chacun. Plus généralement, pour exemple, un porte-conteneurs et ses 18000 boîtes peuvent dépasser le milliard d’euros. Fondé au Havre (France) en 1890 par Antonio Chegaray, Groupama Transport, filiale à 100 % de Groupama depuis 1998 (sixième assureur français, 17,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010), est un acteur historique de l’assurance maritime en Afrique. Présent sur sept marchés – armateurs, pêche, fluvial, plaisance, portuaire (toutes les activités dans l’enceinte du port), marchandises transportées, transporteurs-logisticiens –, il est au deuxième rang français sur le marché du transport, derrière
N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
AXA, avec 318 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010, dont 236 millions dans la seule activité maritime (+ 3,6 % sur un an). Outre ses neuf bureaux français, il est aujourd’hui représenté à Londres, Hong Kong, Singapour, Madrid, Milan et Gênes. ACCOMPAGNEMENT. Le volume
desprimesdeGroupamaTransport en Afrique se monte à environ 5 millions d’euros. « Depuis plus de trenteans,nousaccompagnonsnos clients sur le continent, en tant que réassureur des compagnies locales, explique Guillaume de Boynes, responsable Amérique latine et Afrique. Groupama apporte sa solidité financière, qui rassure ses clients, et se porte garant du respect du droit local. » Parmi ses partenaires africains, Sunu Assurances, Colina, NSIA ou encore le réseau
Globus… Groupama travaille en outre avec des courtiers tels que Gras Savoye. Travailler en Afrique n’est pas de tout repos, selon Guillaume de Boynes. Et de citer le cas d’une autorité portuaire d’Afrique centrale qui propose d’assurer certains navires… gisant au fond des eaux du port. Néanmoins, et même si l’implantation physique de l’enseigne sur le continent n’est pas à l’ordre du jour, la compagnie hexagonale accentue sa présence, depuis cinq ans, en multipliant les partenariats avec les compagnies locales: « Nous les soutenons et les aidons par la même occasion, nous les faisons profiter de notre expertise, assure Guillaume de Boynes. On ne peut pas qualifier l’assurance maritime en Afrique d’embryonnaire, puisque le fronting [un contrat au nom d’un assureur local, mais réassuré pas une compagnie internationale, NDLR] existe depuis longtemps. Cependant, certains groupes souhaitent s’investir plus aujourd’hui, en gardant une partie plus importante du risque. »
Le volume de ses primes en Afrique se monte à environ 5 millions d’euros.
Le mot qui met à l’abri
) Fronting (n.m.):
C’est le fait, pour un assureur initial, de céder tout ou partie du risque à un autre assureur
Pour Groupama, l’aventure en vaut la peine. Le marché africain dispose d’un fort potentiel de croissance. « Par exemple, l’assurance maritime en Afrique francophone représente plus de 20 % du total des primes d’assurance… Ce qui est bien au-dessus de la moyenne mondiale », explique François Sivignon, directeur du développement commercial en Afrique. Qui conclut : « Tous les indicateurs sont au vert. Le trafic maritime augmente, le transport intérieur progresse… Tout cela est positif pour notre activité. » Un métier risqué dans un continent compliqué, mais des ambitions en phase avec une croissance prometteuse. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE
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NIGERIAN PORTS AUTHORITY Développer les ports en eau profonde
La stratégie du Nigeria La croissance économique de l’Afrique a pour conséquence une progression importante et continue du trafic commercial maritime. Or, la plupart des ports africains ont été installés sur des estuaires, parfois des fleuves ayant un débouché sur l’océan, et leur tirant d’eau ne leur permet pas d’accueillir les cargos géants qui sillonnent les mers. Conscient du handicap que présente cette situation pour le développement des échanges commerciaux du Nigeria, Omar Suleiman, Directeur général de la Nigerian Ports Authority (NPA), a mis en place une stratégie déterminée de partenariats internationaux. Elle traduit sa volonté de construire de tous nouveaux terminaux en eau profonde, les Greenfield Seaport Terminals, tout en développant les infrastructures portuaires existantes dans l’objectif que le Nigeria puisse accueillir un nombre croissant de navires dans les meilleures conditions logistiques. À terme, cette stratégie permettra au Nigeria de devenir le hub maritime de l’Afrique de l’Ouest. Une vision que partage Joshua Asanga, directeur du Lagos Port Complex (LPC). Il considère que les ports en eaux profondes sont le pivot du programme Master Plan que la NPA a mis en place pour les 25 années à venir.
De fait, près de 75 % des projets portuaires actuellement menés dans le monde concernent des ports en eau profonde. Le Nigeria fera le nécessaire pour mener à bien ses propres projets dans le but de : ✔ devenir le principal pays d’importation et d’exportation au service de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, ✔ être capable d’accueillir des cargos de dernière génération, comme les Super Panamax, ✔ pouvoir charger et décharger toutes sortes de marchandises (produits raffinés, vracs, conteneurs…), ✔ offrir un tirant d’eau de 35 mètres au minimum afin de garantir la pérennité de son statut de hub régional. Un pas très important dans l’accomplissement de cette stratégie a été franchi le 21 avril 2011 avec la signature du contrat de partenariat entre la NPA et la société Eurochem Technologies Corporation Ltd pour le futur port en eau profonde Lekki Lagos Nigeria. Cet accord a permis la création de la société Lekki Port Enterprises (LPE) dont les actionnaires sont le gouvernement fédéral (20 %), l’état où est implanté le port (20 %) et le partenaire et investisseur privé (60 %). Le contrat est de type BOOT (Build, Own, Operate and Transfer), d’une durée de 45 ans. Les autorités
fédérales n’interviennent pas dans le financement de LPE mais elles se sont engagées à réaliser les infrastructures reliant le futur port jusqu’au réseau routier du pays. Le port Lekki Lagos représente un investissement total de 1,2 milliard de dollars. À l’issue d’un premier appel d’offres, quinze sociétés ont été retenues. L’une d’entre elles sera en charge des études préliminaires sur le trafic et les conditions géologiques et hydrologiques d’implantation du futur port. La zone portuaire occupera 90 hectares au sein d’une zone franche de 220 hectares. Le port luimême offrira un chenal d’entrée large de 200 m et une aire de retournement de 200 m. À son entrée en service, il proposera deux zones d’amarrage pour les liquides et le vrac et quatre autres pour les conteneurs avec, dans un premier temps, un tirant d’eau de 16,5 m à quai (19 m à terme). La construction de l’ensemble mobilisera 2 300 personnes pour une livraison attendue en 2015. Outre la gestion de l’ensemble, Eurochem Technologies est en charge de la recherche d’opérateurs de classe internationale à qui confier différentes parties de l’exploitation portuaire. Dans une seconde phase, la zone franche du port Lekki Lagos Nigeria occupera près de 1 500 hectares.
COMMUNIQUÉ
Nigerian Ports Authority
Anciens et nouveaux Directeurs généraux de la Nigerian Ports Authority réunis pour le lancement de NPA Today, le journal du groupe. De gauche à droite : Félix Ovubde, Chief Adebayo Sarumi, Arc Aminu Dabo et l’actuel DG, Omar Suleiman.
Siège et bureaux 26/28 Marina, Lagos. P.M.B 12588 Lagos Tél. : (234) 1 2600620-31 Fax : (234) 1 2636719, 2630306 Email : info@nigerianports.org
www.nigerianports.org
Dossier Transport maritime FORMATION
À Casablanca, une école au long cours
connaissances scientifiques sont requises, ainsi qu’une excellente condition physique: la vue comme l’ouïe, notamment, doivent être irréprochables. Autre atout pour intégrer l’école : une parfaite maîtrise de la langue de Shakespeare, l’enseignement étant délivré à la fois en français et en anglais. L’Isem reçoit 20 % d’étudiants étrangers, dont nombre de Subsahariens. Ceux-ci viennent soit dans le cadre d’accords avec les ports autonomes de leurs pays d’origine, soit grâce au soutien de l’Agence marocaine de la coopération internationale – ils bénéficient alors de bourses du ministère marocain des Affaires étrangères.
Lieutenants de pont, chefs mécaniciens… Créé en 1978, l’Institut supérieur d’études maritimes forme, en quatre ans, des officiers de la marine marchande. Il attire des étudiants de tout le continent. Présentation.
ISEM
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DE BONNES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES SONT REQUISES, ainsi qu’une parfaite condition physique.
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ans l’histoire de la navigation, nombreuses sont les catastrophes dont les causes sont essentiellement humaines. Pour Abdelaziz Benhaïda, directeur de l’Institut supérieur d’études maritimes (Isem) de Casablanca, « la mer est un monde à part, qu’on ne peut aborder qu’armé, outillé, c’est-à-dire parfaitement formé ». C’est bien le pari que tente de relever chaque année son établissement, le seul du genre en Afrique du Nord. UN CURSUS POLYVALENT
Depuis sa création, en 1978 (l’Isem a succédé à l’École nationale des officiers de la marine marchande, fondée en 1957), l’institution a formé quelque 4 000 officiers, experts et pilotes maritimes, administrateurs des affaires maritimes ou patrons de remorqueur en haute mer, tous destinés à la conduite et à l’exploitation de flottes commerciales. Deux filières cohabitent dans ce cursus polyvalent, à la fois théorique et pratique : un département « Machine » (officiers N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
mécaniciens) et un département « Pont » (officiers de pont). L’Isem entretient des partenariats avec des établissements en Europe, dont l’École nationale supérieure maritime de Marseille (France) et l’École supérieure de navigation d’Anvers (Belgique), l’idée étant de coordonner leurs méthodes de travail. Le cursus prévoit, à terme, un programme d’échange pour les étudiants les plus méritants; ceux-ci pourraient ainsi suivre durant quelques mois l’enseignement d’une des écoles partenaires. À l’issue de leurs quatre années de formation, les étudiants obtiennent soit un diplôme de lieutenant au long cours, soit celui de lieutenant mécanicien de première classe(niveaulicence).Unepériode de douze mois de navigation est ensuite indispensable s’ils veulent décrocher le diplôme de capitaine au long cours, correspondant au grade de master. UN RECRUTEMENT INTERNATIONAL
On entre à l’Isem sur concours, au niveau baccalauréat. De bonnes
DES DÉBOUCHÉS DIVERSIFIÉS
Quel que soit le pays d’origine des diplômés, le taux d’insertion professionnelle est généralement de l’ordre de 100 %. Ceux qui ont intégré l’Isem dans le cadre de partenariats avec l’un des ports autonomes de leur pays regagnent tout naturellement leur administration d’origine. De rares cas de poursuite d’études – en école d’ingénieur ou à l’université – ont été relevés. Les diplômés de l’Isem peuvent aussi être recrutés à bord de la flotte internationale, l’enseignement répondant aux standards prévus par la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, adoptée en 1978 dans le cadre de l’Organisation maritime internationale. L’évolution de carrière du navigant est rapide: sur un navire de transport de passagers, par exemple, il peut accéder au grade de commandant au bout de quatre années. Enfin, de nombreuses opportunités s’ouvrent aux diplômés de l’Isem, même en dehors de la marine. On retrouve ainsi ces officiers dans les services techniques des grands hôtels, des hôpitaux, des banques… Le tout est de savoir se fixer un cap. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE
L’Égypte est le champion africain du trafic de conteneurs, devant l’Afrique du Sud.
FUSION
Maersk absorbe Safmarine
L’annonce fait des remous, même si le leader mondial du transport maritime est propriétaire de la société belge depuis 1999.
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en 2011 sont bien plus importantes qu’ele premier transporteur monles ne l’étaient en 1999. Depuis qu’elle a dial de conteneurs a annoncé sa rejoint Maersk il y a douze ans, Safmarine a décision d’absorber Safmarine, considérablement augmenté ses volumes, acheté en 1999. Cette entreprise passant ainsi de 180 000 à 800 000 EQP basée à Anvers, fruit de la fusion en 1996 [équivalents 40 pieds, NDLR]. » de sociétés sud-africaine et belge et spécialisée dans les liaisons entre l’Afrique, le Moyen-Orient et le Le groupe danois a indiqué sous-continentindien,intégrera qu’aucun des 1 000 postes Maersk dans les douze mois. ne sera supprimé. Le groupe danois a indiqué qu’aucun des 1 000 postes ne Safmarine exerce actuellement ses sera supprimé, mais certains salariés ont activités dans plus de 110 pays à travers démissionné à l’annonce de la fusion, le monde et possède des antennes régiodont le directeur général Tomas Dyrbye. nales au Cap, à Dubaï, à Shanghai et à Une action qui tranche avec le discours Bombay. ● qu’il tenait encore quelques semaines MICHAEL PAURON auparavant : « Les activités de Safmarine
Dossier NOTATION
Sale temps pour les armateurs DEPUIS DÉBUT SEPTEMBRE, Standard & Poor’s a dégradé la note de deux armateurs, le français CMACGM puis l’allemand Hapag-Lloyd, au regard de leurs performances en baisse par rapport à l’année précédente. Les leaders du secteur ont aussi vu leurs résultats et leurs cours chuter au premier semestre : le cours du danois Maersk a ainsi baissé de 29 %; celui du singapourien Neptune Orient Lines de 49 % ; et celui du hongkongais China Cosco Holding de 44 %. La situation n’est guère plus optimiste pour le vrac. « Il y a trop de bateaux et le carnet de commandes de grands minéraliers est effrayant », a confirmé Philippe Brault, courtier associé chez Barry Rogliano Salles, au quotidien français Le Monde du 24 août dernier. ● M.P.
An ocean of opportunities
Belgium I France I Netherlands I Germany I Russia I Poland I Ivory Coast I South Africa I French West Indies
Leader européen de la manutention de vracs solides, avec plus de 100 millions de tonnes traitées + 2 millions de tonnes de stockage de vracs liquides
Afrique A
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Quai vraquier Abidjan
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Culture & médias
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ALGÉRIE-FRANCE
Ineffaçable 17 octobre 1961 En une nuit d’enfer, des milliers d’Algériens pacifiques sont tabassés dans les rues de Paris. Certains, désarmés, sont jetés dans les eaux froides de la Seine. Longtemps occulté des deux côtés de la Méditerranée, le massacre est devenu le symbole de l’horreur coloniale.
N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
RENAUD DE ROCHEBRUNE
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l aura fallu attendre cinquante ans. Un demi-siècle s’est en effet écoulé depuis l’énorme manifestation organisée par le Front de libération nationale (FLN) qui a réuni à Paris des dizaines de milliers d’Algériens indépendantistes, le 17 octobre 1961, et s’est achevée par une féroce répression. Ce n’est pourtant qu’aujourd’hui que l’on peut voir et lire les œuvres majeures qui ont rendu compte, à chaud, de cet événement aussi marquant que JEUNE AFRIQUE
Culture médias même, donc, que les négociations de paix étaient en très bonne voie, comment la police française et ses auxiliaires ont-ils pu réprimer avec une telle « Peuple français, tu as tout vu sauvagerieunemanifestationpacifiquede«Français Oui tout vu de tes propres yeux. musulmans d’Algérie (FMA) »? Quoi qu’il en soit, ce Tu as vu notre sang couler « mystère » qui n’en est pas un ne suffit pas à justifier l’oubli dans lequel est tombé l’événement, des deux Tu as vu la police assommer les côtés de la Méditerranée, pendant vingt-cinq ans. manifestants Longtemps, même les meilleurs ouvrages et les Et les jeter dans la Seine. meilleurs films le mentionnaient à peine. Sa forte La Seine rougissante médiatisation actuelle – voire sa surmédiatisation – N’a pas cessé les jours suivants est tout aussi surprenante. De vomir à la face Qu’on en juge : aujourd’hui, outre les œuvres Du peuple de la Commune déjà citées, sortent simultanément Ici on noie Ces corps martyrisés les Algériens, film émouvant de Yasmina Adi, Qui rappelaient aux Parisiens La Police parisienne et les Algériens (1944-1962), Leurs propres révolutions essai de Pascal Blanchard, et Le 17 Octobre 1961 leur propre résistance. par les textes de l’époque, préfacé par l’historien Peuple français, tu as tout vu, Gilles Manceron. Au total, on peut recenser sans Oui, tout vu de tes propres yeux, prétendre à l’exhaustivité plus de quinze livres Et maintenant vas-tu parler ? – essais, romans – et près de vingt films consacrés Et maintenant vas-tu te taire ? » ● KATEB YACINE à cet événement, diffusés entre la fin des années 1990 et les années 2000 ! « Dans la gueule du loup », in 17 octobre Mais revenons aux faits bruts. L’origine directe 1961, mémoire d’une communauté, du mouvement du 17 octobre est très claire. Le Amicale des Algériens en Europe, 1987. 5 octobre 1961, le préfet de police de Paris, un certain Maurice Papon, dont le nom n’est pas tragique : le film saisissant de Jacques Panigel, encore célèbre, décide d’imposer des mesures draconiennes restreignant le droit d’aller et venir Octobre à Paris, et l’ouvrage remarquable de des Algériens du département de la Seine et « qui Paulette et Marcel Péju, Le 17 Octobre des Algériens. Ces deux enquêtes, nourries de témoirendront plus facile le contrôle du milieu FMA ». gnages accablants sur les exactions dont ont été Un « ordre du jour » de la préfecture indique aux victimes ceux qui voulaient défiler pacifiquement forces de police qu’il a été « décidé de prononcette nuit-là, étaient prêtes à être diffusées dès l’été cer le couvre-feu pour les Français musulmans 1962, à la fin de la guerre d’Algérie de 20 h 30 à 5 h 30 d’Algérie. Ni l’une ni l’autre Ce fut la répression la plus du matin ». De surcroît, ne le furent. La première a « les débits de boissons meurtrière contre des été interdite officiellement fréquentés par les Français par les autorités françaises, manifestants désarmés. musulmans doivent être fermés à partir de 19 heuet la seconde de facto par res ». À 17 heures, le communiqué officiel opte leurs homologues algériennes. Si l’on en croit les historiens anglais Jim House et pour un vocabulaire moins radical. L’interdiction Neil MacMaster, la répression du 17 octobre de circuler est seulement « conseillée de la façon 1961 fut « la plus violente et la plus meurtrière la plus pressante ». Les hommes visés étant tous qu’ait jamais subie une manifestation de rue théoriquement citoyens français, on ne peut rendésarmée dans toute l’histoire contemporaine dre public un texte imposant une discrimination de l’Europe occidentale ». On peut s’étonner ouvertement raciste et manifestement illégale. d’avoir d’ dû tant patienter pour prendre connaisL’« ordre du jour » reçu par les policiers restera sance de documents essentiels pour comprendre sa néanmoins inchangé. « de l’intérieur » le déroulé des faits. Mais il est vrai que, s’agissant de cet épisode de la guerre COUVRE-FEU. Dès le 10 octobre, la Fédération d’Algérie comme de la transmission de son souvenir, de France du FLN, installée en Allemagne depuis les paradoxes abondent. Longtemps, le 17 octobre 1958, réagit. Ces mesures rendent très difficiles fut considéré comme inexplicable: deux ans après le toute réunion et toute collecte de fonds, et la discours du général de Gaulle évoquant le droit des Fédération fait savoir que les Algériens doivent Algériens à l’autodétermination, en septembre 1959, « boycotter le couvre-feu » et « sortir en masse avec dix mois après que ce droit leur a été reconnu par leurs femmes et leurs enfants ». Finalement, il est référendum, huit mois avant l’indépendance de décidé d’organiser une grande manifestation dans l’Algérie et cinq mois avant le cessez-le-feu consédivers lieux symboliques de la capitale à l’heure cutif aux accords d’Évian de mars 1962, et alors du couvre-feu, le 17 octobre. Les Algériens ● ● ●
UN POÈME POUR MÉMOIRE
SOUS LES ORDRES MAURICE PAPON, les policiers avaient reçu des directives équivalentes à un « permis de tuer ».
DE
• Octobre à Paris,
film de Jacques Panigel (sortie à Paris le 19 octobre)
• Ici on noie les Algériens, 17 octobre 1961, film de Yasmina Adi (sortie à Paris le 19 octobre)
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L’HUMANITÉ/KEYSTONE-FRANCE
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LE TRAVAIL DES HISTORIENS a permis de lever le voile sur cet épisode de la guerre d’Algérie.
sont menacés de « très graves sanctions » par le FLN s’ils ne se mobilisent pas. Ce sont donc entre 30 000 et 50 000 manifestants qui déferlent sur le centre de Paris. Pour être certains que le mouvement sera pacifique et afin de rendre impossible toute provocation, les organisateurs fouillent les manifestants au départ des bidonvilles où ils résident, à Nanterre ou Gennevilliers. Le moindre canif nif est interdit ! En ville, on doit emprunter les trottoirs pour ne pas gêner la circulation… La police ne l’entend pas ainsi. Chauffées à blanc par les directives du préfet Papon – quasi équivalentes, selon l’historien Gilles Manceron, à un « permis de tuer » – et endoctrinées par de fausses nouvelles d’assassinats de policiers, les forces de l’ordre ne se contenteront pas d’arrêter, souvent dès leur sortie du métro, une grande partie des manifestants. Elles feront parfois usage de leurs armes en prétextant une légitime défense imaginaire et iront jusqu’à jeter à la Seine, aux ponts de Neuilly et de Saint-Michel, des hommes désarmés qui tentaient de fuir. Le bilan officiel de la préfecture, jamais réévalué, sera de deux morts algériens. Tous les historiens sérieux en comptent environ cent fois plus. ●●●
MÉTHODES DE PARAS. Pour comprendre cette
fureurrépressiveetleshorreursqu’elleaprovoquées, il suffit de savoir qu’à l’époque il existait encore au
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PRÉFACE DE GILLES MANCERON
LE 17 OCTOBRE LES TEXTES 1961 PARDE L’ÉPOQUE POSTFACE D’HENRI POUILLOT
• Le 1 17 7 Octobre Octo Oc tobr br des Algériens, de Marcel et Paulette Péju, La Découverte, 204 pages, 14 euros
• Le 17 Octobre 1961 par les textes de l’époque,
Les Petits Matins, 128 pages, 5 euros
• La Police parisienne et les Algériens (1944-1962),
de Pascal Blanchard, Nouveau Monde, 450 pages, 24 euros
plus haut sommet de l’État français, même à l’heure où la guerre allait vers sa fin, des hommes qui n’entendaient pas renoncer à l’Algérie française et vvoulaient faire capoter les négociations. Maurice Papon en faisait partie, et il Ma entendait bien mener en métropole une en « ba bataille de Paris » avec des méthodes « coloniales co » de « paras ». Après 1962, l’occultation du 17 octobre est peu étonnante de la part des Français, puisque ce sont les mêmes hommes qui sont restés « aux affaires » à Paris. Du côté algérien, le nouveau pouvoir n’aurait guère voulu exalter un épisode qui mettait en avant le rôle de la Fédération de France, dont les dirigeants n’étaient pas en majorité acquis au gouvernement après l’indépendance. L’on conseilla par conséquent à notre ancien collaborateur Marcel Péju de surseoir à la parution de son ouvrage Le 17 Octobre des Algériens. Il a donc fallu du temps et l’obstination de quelques historiens, comme Jean-Luc Einaudi, pour que l’on redécouvre en France cette énorme « bavure », désormais considérée par beaucoup comme l’exemple même du massacre qui délégitime à jamais l’entreprise coloniale et la « culture » raciste qu’elle implique. Rien d’étonnant non plus si, en Algérie, où l’on réclame régulièrement à la France des actes de repentance, l’on s’est mis à considérer aussi qu’il s’agissait là d’un événement symbolique majeur. ● JEUNE AFRIQUE
Culture médias LITTÉRATURE
Le paradis, c’est les autres Excellent conteur, l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot exalte le respect d’autrui dans un roman humaniste : La Belle Amour humaine.
et l’entraîne dans le tourbillon de la vie haïtienne, où le verbe a conservé toute son importance. Les mots coulent, flot incessant, pour dire la réalité de cette terre où, « si au réveil on ne s’est pas préparé à partir au combat, on n’a pas la vie devant soi », cette île où « le pain, ça se chasse comme le gibier, et, vu qu’il n’y en a pas pour tout le monde, le bruit a remplacé l’espoir ». Raison pour laquelle les Pierre
Une écriture compacte, portée par la puissance de l’évocation et le souffle exalté du narrateur. André Pierre et autres Robert Montès, rapaces invétérés, « prennent tout et ne laissent aux autres que des restes, quand il reste des restes ».
VINCENT FOURNIER/J.A.
LE MIRACLE. Et pourtant! Les damnés de
la terre ne sont-ils pas des hommes à part entière? Toute vie, aussi dure soit-elle, ne mérite-t-elle pas d’être vécue et respectée ? Le narrateur, qui a accueilli bien des touristes nantis, en sait quelque chose. Ceux qui viennent de loin s’adjugent trop souvent le droit de mépriser la différence, sans chercher à comprendre. Ils veulent retrouver chez les autres ce qu’ils LE ROMAN DE L’HAÏTIEN fait partie de la deuxième sélection du prix Goncourt. ont laissé chez eux, de la nourriture aux couleurs et jusqu’aux noms et prénoms nse-à-Fôleur, un petit village Une nuit, au cours d’un incendie, les vilauxquels ils sont habitués. La condilas et leurs propriétaires sont réduits en de pêcheurs sur la côte haïtion humaine n’est-elle pas peu ou prou tienne. Sur ce bout de terre cendres. Sur ces entrefaites, la petite-fille identique partout ? Et Haïti, le décor de de l’homme d’affaires, Anaïse, débarque à règnent deux personnages cette aventure, en dépit de ses maux, de Anse-à-Fôleur pour y chercher cette haine qui ne dit pas son aux caractères bien différents mais aux son père, disparu au lendenom entre « Noirs » et « mulâintérêts convergents. Le premier est le main de l’incendie… tres », demeure un miracle colonel à la retraite Pierre André Pierre, « ancien commandant de troupes, ancien permanent – et ce, malgré les chef de la police politique, ancien instrucerrements de certains de ses LE VERBE. La Belle Amour teur de l’académie militaire ». Le second, humaine ressembleauxprécédirigeants. « Quand la mort c’est l’homme d’affaires Robert Montès, dents romans de l’écrivain haïmenace un adulte, on lui fait qui, entre autres activités, dirige sa propre tien Lyonel Trouillot : un long des blagues et on lui chante agence de voyages, mais se trouve surtout monologue contrebalancé sur des chansons gaies, et il rit être l’« actionnaire principal de trois ou la fin par une voix différente ; sans forcer, écrit Trouillot. quatre entreprises de taille moyenne qui une écriture compacte, sans Et, homme ou femme, on lui servent de couverture à la contrebande dialogues, portée par la puisoffre la possibilité de faire de produits alimentaires ». Champions sance de l’évocation et le soufl’amour avec une personne de l’accumulation au milieu d’une mer fle exalté du narrateur. qu’il désirait depuis longLa Belle Amour Le conteur, ici, c’est Thomas, temps. » Le voilà, le miracle : de dénuement, ces hommes de pouvoir, humaine, liés par la turpitude, narguent leur monde guide de son état, peintre à Anse-à-Fôleur, le bonheur de Lyonel Trouillot, en construisant au village deux maisons clandestin à ses heures, qui tient à un rien. ● Actes Sud, voisines et identiques, les Belles Jumelles. accueille Anaïse, l’étrangère, TSHITENGE LUBABU M.K. 178 pages, 17 euros
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Culture médias En vue
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
ESSAI
Guerre de religions DEPUIS QUELQUE TEMPS, la peur de l’islam s’organise dans certains cercles chrétiens. De nombreuses publications et conférences visent à discréditer les fondements historiques et la valeur doctrinale de la révélation musulmane. Dans ce petit ouvrage, l’universitaire Michel Orcel dénonce avec efficacité cette « petite conspiration » ourdie par de pseudosavants islamophobes. Disséquant leurs erreurs, ce pamphlet véritablement savant est un livre utile, bien qu’il emploie parfois le ton trop véhément de ceux qu’il dénonce. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER
COLLECTION F. DRIGGS/MAGNUM PHOTOS
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LE MILES DAVIS COMBO, avec John Coltrane (à dr.), en 1958. POLAR
De la dignité de l’islam, de Michel Orcel, Bayard, 190 pages, 16 euros ■■■
JEUNESSE
Parabole morale COMMENT PARLER COM de l’immigration aux enfants ? Hubert Ben Kemoun et Véronique Joffre ont choisi à la fois la simplicité et la complexité avec un magnifique album intitulé Machin truc chouette. En quelques pages, ils racontent l’histoire d’un étranger venu s’installer dans un village où il accepte d’accomplir les tâches les plus ingrates – et finit même par partir à la guerre pour le défendre. Mais la gratitude n’est pas de ce monde… Une parabole subtile, peut-être trop pour de jeunes enfants, mais éminemment nécessaire. ● N.M.
Machin truc chouette, d’Hubert Ben Kemoun et Véronique Joffre, Rue du monde, 40 pages, 17 euros ■■■ N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Ces préjugés qui collent à la peau Avec Les Péchés de nos pères, l’auteur américain Lewis Shiner explore l’évolution de la question raciale aux États-Unis. Prenant.
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des femmes noires. Bien entendu, il est e n’est pas un hasard, le titre aussi question du vaudou et de l’histoire original du roman de l’Américain Lewis Shiner est Black tourmentée de l’Amérique à cette épo& White. Comme l’a déjà fait que, des magouilles locales à l’assassinat avec la réussite que l’on sait son comde Malcolm X… Si Shiner verse parfois dans le cliché quand il décrit des scènes patriote Philip Roth (La Tache, paru aux éditions Gallimard), l’écrivain de d’amour, il est beaucoup plus subtil 60 ans originaire de l’Oregon s’attaque quand il s’agit de camper des personà l’un de ces sujets qui, même après nages bourrés de contradictions. Noir l’élection de Barack Obama, divisent et blanc ? Certainement pas. Robert encore l’Amérique : la question raciale. est un jeune homme blanc qui, malgré Optant pour le genre polar – si tant est son empathie pour la cause noire, reste que ce terme ait encore un sens –, Shiner prisonnier des filets de sa communauté. Michael est un jeune homme blanc raconte l’évolution de la ville de Durham fasciné par le monde noir et qui décou(Caroline du Nord) dans les années 1960 et, notamment, la destruction planifiée vre… qu’il n’est pas exactement celui du quartier africain-américain de Hayti, qu’il croyait être. Quant à ceux que l’on qui, par « malchance », se trouvait sur condamnerait sans réfléchir au début du roman, ils se révèlent parle tracé d’une autoroute… Ancienouvrierdubâtiment fois eux-mêmes victimes… et musicien de rock, Shiner Les Péchés de nos pères évin’a pas son pareil pour tent tout manichéisme et raconter la vie de chantier explorent avec lucidité la comme l’atmosphère des puissance des préjugés qui boîtes où l’on dansait autrecollent à la peau de l’espèce fois au son du jazz. Jouant humaine dans son entier. habilement du flash-back, Un roman historico-policier il évoque la trajectoire d’un dans la veine de Un pays à Les Péchés d de père (Robert), de son fils l’aube, de Dennis Lehane. nos pères, de (Michael), tous deux blancs UnromanquiselitavecKind Lewis Shiner, Sonatine, 612 de peau – et les histoires of Blue en tête. ● pages, 22 euros d’amour qu’ils vivent avec NICOLAS MICHEL ■■■
JEUNE AFRIQUE
Culture médias
Et il est comment le dernier…
ROMAN
Identité perdue
Le Caire à corps perdu, de Khaled Osman, Vents d’ailleurs, 254 pages, 18 euros ■■■
… PAULO COELHO
AVEC Le Caire à corps perdu, Khaled Osman signe un premier roman réussi sur son pays natal. De retour chez lui après de longues années d’exil, son héros est frappé d’amnésie après avoir heurté de la tête une caisse à outils dans un taxi. Dépossédé de ses papiers, il se retrouve sans nom et sans passé. Commence alors une longue quête d’identité dans le décor grouillant de la métropole, mais seuls des extraits de films, des poèmes et des romans qu’il a aimés lui reviennent en mémoire. Nouvelles pistes et faux espoirs tiennent le lecteur en haleine, avant un rebondissement final plutôt inattendu. ●
L
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DR
MARIE VILLACÈQUE
UN FILM TROUBLANT, sur l’homosexualité en Afrique du Sud. CINÉMA
Coupable homophobie SECOND LONG MÉTRAGE du jeune Sud-Africain Oliver Hermanus, Beauty, contrairement à ce qu’indique ce titre, évoque l’existence plutôt glauque de François, un quinquagénaire afrikaner. Ce père de famille, apparemment sans histoires, a du mal à maîtriser comme à cacher une homosexualité non assumée et vit en permanence dans la honte. Ce film dérangeant, qui se passe presque exclusivement dans l’univers des Blancs, n’a obtenu qu’un succès d’estime lors de sa sortie en Afrique du Sud. Peut-être parce qu’en établissant une sorte d’équivalence entre homophobie et racisme il y réveillait un sentiment de gêne persistant. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE
Beauty, d’Oliver Hermanus (sorti à paris le 12 octobre) JEUNE AFRIQUE
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éditeur nous aura prévenus en quatrième de couverture: « Aleph est un voyage qui pourrait bien changer votre existence. » Ne crions pas à la publicité mensongère: sur les millions de fans de Paulo Coelho (6,7 millions sur Facebook), il est probable que certains aient été profondément marqués par L’Alchimiste, best-seller mondial paru en 1988 et traduit en 73 langues. Contentons-nous de souligner le caractère un poil prétentieux d’une telle présentation… qui ne surprend guère, vu le contenu du livre. L’écrivain brésilien y apparaît comme un incorrigible donneur de leçons. Dans ce texte autobiographique, il raconte son voyage en Transsibérien, en 2006. Entouré de ses éditeurs, d’un interprète chinois et d’une attirante violoniste turque, il prodigue ses conseils comme un maître en arts martiaux à ses élèves (« Pour atteindre l’excellence en quoi que ce soit dans la vie, il faut répéter et s’entraîner »), un gourou à ses adeptes (« L’important, c’est de faire ce que je dis maintenant »), un prophète à ses disciples (hélas, « ils écoutent, mais ils n’entendent pas », déplore-t-il). Ce huis clos à travers la Russie est plus que spirituel: profondément mystique. L’auteur, persuadé d’avoir eu une précédente vie au cours de l’Inquisition espagnole et d’être responsable de la mort de huit femmes sur le bûcher, cherche sa rédemption. Hilal, la jeune
musicienne, pourrait l’aider s’ils faisaient ensemble le voyage à travers l’« Aleph »: ce « point dans l’univers qui contient tous les autres points, présents et passés, petits ou grands », et qui apparaît « quand deux personnes que le Destin a choisies pour une mission spécifique se trouvent au bon endroit ». Inquisition, réincarnation… Cela aurait pu fournir un bon matériau et du ressort à l’intrigue. Las, si Coelho esquisse quelques pensées sur le dévoiement de la religion, à l’échelle du roman ce sont ses théories en développement personnel
Aleph, de Paulo Coelho, traduit par Françoise MarchandSauvagnargues, Flammarion, 312 pages, 19 euros ■ ■ ■
qui occupent tout l’espace. Mêlant christianisme, magie, bouddhisme, chamanisme et même aïkido, l’écrivain prêche l’harmonie entre le corps, l’esprit et l’univers à grand renfort de paraboles, de prières, de sermons… et de modèles tirés de ses propres livres. Prétentieux, vous dit-on. ● FABIEN MOLLON N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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ADIEU
Kabongo tel Molière
Décédé en Belgique le 11 octobre, le comédien à l’humour décalé était l’une des personnalités artistiques les plus en vue de la diaspora congolaise. Il avait 61 ans.
C
e devait être une fête. Mais la fête s’est muée en drame. Ce 11 octobre, dans une salle de la commune de Jette, à 5 km du centre de Bruxelles, l’humoriste congolais Dieudonné Kabongo Bashila est invité à rendre hommage au réalisateur belge Mirko Popovitch. La présentation des artistes vient à peine de se terminer quand, soudain, Kabongo s’écroule sur la scène. Dans un premier temps, tout le monde croit à une facétie. Mais comme l’humoriste ne se relève pas, Popovitch se penche sur lui et constate qu’il est mal en point. Il tente un bouche-à-bouche, puis un massage cardiaque. Kabongo veut s’accrocher à la vie. Trop tard : son cœur a flanché. « Même dans la mort, il est resté digne et beau, se souvient Popovitch. Il est sorti par la grande porte. Quand les pompiers l’ont évacué sur une civière, le visage recouvert d’un drap blanc, le public qui attendait dehors a longuement applaudi. C’était la première fois que je voyais cela. Kabongo n’est pas mort seul. Il nous a laissé un éclair d’humanité. » Kasaïen né au Katanga en 1950, l’humoriste, acteur et chanteur Dieudonné Kabongo Bashila était surtout conteur. N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Enfant, il avait vécu dans un univers où les anciens racontaient aux jeunes, à la nuit tombée, des histoires remontant aux temps sans âge où les animaux parlaient encore aux hommes. Il était aussi un saltimbanque-né, de la race de ceux qui n’ont pas besoin de sortir d’une école pour vous faire rire aux larmes avec un jeu de mots ou une grimace. VÉRITÉ. Kabongo est arrivé en Belgique à
L’ACTEUR, HUMORISTE ET CONTEUR avait notamment joué dans le film Lumumba, de Raoul Peck.
En 1984, Kabongo obtient le prix du Festival du rire de Rochefort avec le spectacle Méfiez-vous des tsé-tsé, monté avec Popovitch. Il joue dans plusieurs pièces de théâtre, notamment Atterrissage, de Kangni Alem, et L’Invisible, de Philippe Blasband. Sur le grand écran, on l’a vu dans une dizaine de films, dont : La Sensation, de Manuel Poutte (prix spécial du jury au Festival de Cannes en 1992) ; Le Damier, de Balufu Bakupa Kanyinda, en 1996 ; Pièces d’identité, de Dieudonné Ngangura Mweze, en 1998 ; Lumumba, de Raoul Peck, en 2000 ; Juju Factory, de Balufu Bakupa Kanyinda, en 2005… Par son art, Dieudonné Kabongo Bashila a contribué à faire reculer la mer de préjugés laissée par un lourd passé colonial. Militant, il s’impliquait
la fin des années 1960, après avoir terminé ses études secondaires à Kinshasa. Si le théâtre est sa passion, il veut entreprendre des études d’ingénieur. Las ! L’artiste en lui ne cesse L’artiste congolais a contribué à de se manifester. « À la fin faire reculer la mer de préjugés des années 1970 et dans les années 1980, Kabongo laissée par un lourd passé colonial. chantait dans des cafés, racontait des blagues simples. Il avait au sein de l’association Ba Ya Ya (« les aînés », en lingala), qui mène des actions cet humour décalé qui lui permettait de dans les quartiers belges en faveur des tourner en dérision les rapports NoirsBlancs, colonisateurs-colonisés, ex-colojeunes d’origine congolaise. Grâce à nisés et néocolonisateurs », relève Mirko son humour, il parvenait à transformer Popovitch. En d’autres termes : « Dire la l’agressivité des jeunes en respect. Mais vérité avec le sourire. » Et il ne pouvait il n’avait jamais imaginé que, à l’instar de Molière, il mourrait sur les planches. pas en être autrement pour celui qui, en venant au monde en 1950, n’était qu’« un Farce sublime ! ● indigène du Congo belge ». TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
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Position: Head, Monitoring and Evaluation Department: Monitoring and Evaluation Duty Station: Harare, Zimbabwe Type of Contract: Fixed term renewable (subject to probationary period of 1 year) The African Capacity Building Foundation (ACBF) is an autonomous Foundation, sponsored by the African Development Bank (AfDB), World Bank and the United Nations Development Programme (UNDP). It enjoys support from a wide range of bilateral donors and African states as full partners to the development of human and institutional capacities. The Foundation is seeking applications for a Head, Monitoring and Evaluation. The incumbent will have a primary responsibility of developing the M & E capacity of ACBF grantees and ACBF Operations Departments in understanding and applying the policy on monitoring and evaluation in all project-level planning and implementation. The incumbent will also be responsible for implementation of evaluation recommendations by analysing evaluation findings for applicability to future program and project design, country strategy, budgeting, project management and measurement of funding impact, and ensuring that these findings are effectively communicated to all stakeholders. Desired Qualifications, Experience and Competencies 1. Advanced University Degree in Monitoring and Evaluation, Economics, Social Sciences or related field. 2. A minimum of seven years of experience in monitoring and evaluating international development programs. 3. Proficiency in English and French is required. 4. Excellent knowledge and understanding of monitoring and evaluation methods especially in program design and implementation with the ability to lead and manage results-oriented and thematic evaluations. 5. Ability to interact with officials at the highest levels of government, civil society, international organizations and the private sector. How to Apply Applications, quoting the reference number VA-04/11/HME including curriculum vitae with three (3) referees should be received at the address below by 11 November 2011. Only candidates meeting the requirements will be contacted. The Manager, Human Resources The African Capacity Building Foundation P.O. Box 1562 HARARE, Zimbabwe E-mail: root@acbf-pact.org For more details on this position and the Foundation, please visit the ACBF web site at http://www.acbf-pact.org N° 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
RÉPUBLIQUE TOGOLAISE Ministère de la Santé
SÉLECTION D’UN CABINET OU BUREAU D’ÉTUDES POUR L’APPUI À LA GESTION DES INTRANTS PHARMACEUTIQUES ET MÉDICAUX FINANCÉS PAR LE FONDS MONDIAL ET À LA REDYNAMISATION DE LA FONCTION AUDIT INTERNE DE LA CAMEG-TOGO
AVIS D'APPEL A PROPOSITIONS INTERNATIONALES N° DP 011/2011/Rd8/UGP MS-FMSTP
1. L'Unité de Gestion de Projets du Fonds Mondial de Lutte contre Ie Sida, la Tuberculose et le Paludisme (UGP MS-FMSTP) du Ministère de la Santé du Togo voudrait procéder à la sélection d’un cabinet ou bureau d’études spécialisé en organisation et en audit interne pour l’appui à la gestion des intrants pharmaceutiques et médicaux financés par le Fonds Mondial et à la redynamisation de la fonction audit interne de la CAMEG-TOGO. La mission sera d’une durée de six (6) mois allant de Janvier à Juin 2012. 2. Les cabinets ou bureaux d’études intéressés à concourir, peuvent obtenir des informations complémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres au secrétariat de l'UGP MS-FMSTP Adresse : 01 BP : 1023 Lomé, Tél : (228) 22 20 38 14, E-mail : secretariat.ugpms@ugpms.tg 3. Les offres doivent étre déposées au Secrétariat de l’UGP MS-FMSTP, sis dans l’immeuble qui abritait précédemment la Direction des Affaires Juridiques de TOGOTELECOM situé entre le Camp des Sapeurs Pompiers et la Direction Générale de la Société des Postes du Togo (SPT) à Nyékonakpoé à Lomé, au plus tard le mercredi 16 novembre 2011 à 15 heures précises, Temps Universel (TU). L'ouverture des offres se fera le même jour à 15 heures 45 minutes TU dans la salle de réunion du Ministère de la Santé en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents. 4. Le présent avis et le Dossier d’Appel d’offres peuvent être consultés dans leur intégralité sur Ie site dgMarket. Lomé le 12 octobre 2011 La Coordonnatrice Dr Antoinette AWAGA
Recrutement - Divers
SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT CONCOURS D’ESQUISSES ARCHITECTURALES POUR LA CONSTRUCTION D’UN SIÈGE CENTRAL DE LA BCB A BUJUMBURA
1. La Banque de Crédit de Bujumbura (BCB), établissement financier et bancaire, membre du réseau BANK OF AFRICA, projette de construire un nouveau siège social à Bujumbura répondant aux critères d’image d’un établissement moderne voir futuriste, de fonctionnalité et d’économie d’usage et d’énergie que la Direction Générale de l’établissement souhaite intégrer au projet dans une optique de développement durable. 2. Tout bureau d’étude et d’architecture intéressé et présentant de bonnes références dans ce type de programme, est invité à participer à un concours sur esquisses et à présenter une offre technique et financière pour la réalisation des études et le suivi des travaux. 3. Les candidats intéressés peuvent acquérir le dossier de concours et d’appels d’offres moyennant le paiement d’un montant non remboursable de 500 dollars US, à verser sur le compte n° 201-0197593-51 ouvert à la BCB. Le dossier leur sera remis sous version papier ou envoyé sous version électronique contre présentation du bordereau de versement du montant indiqué sur le compte ci-dessus mentionné. 4. Les candidats peuvent obtenir un complément d’information auprès de la BCB (contact : M. David Ochoumare, Directeur Administratif, tél. (+257) 22 20 10 03 / (+257) 79 57 52 14 – David.Ochoumare@bcb.bi). 5. Les propositions d’esquisses et les offres techniques et financières doivent être déposées à la réception de la BCB, à l’attention de M. David Ochoumare, Directeur Administratif au plus tard le 15 décembre 2011 à 10h00, heure locale. Les propositions reçues après cette date et heure butoires seront rejetées.
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N° 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub
Manifestation d’intérêt - Formation
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RÉPUBLIQUE DU CONGO ……………. CONSEIL NATIONAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA (CNLS) SECRÉTARIAT ÉXÉCUTIF PERMANENT (SEP) PROJET DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA ET DE SANTÉ (PLVSS) Financement : (IDA H 494-CG/Gouvernement)
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT (CI n° 03/2011/PLSS)
« Recrutement d’un Consultant Individuel International chargé d’appuyer les Ministères des enseignements dans le développement et la finalisation d’une stratégie sectorielle au VIH et au sida, ainsi que dans la mise en œuvre d’un plan opérationnel budgétisé »
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu de l’Association Internationale de Développement (IDA), un financement supplémentaire (DON H 494- CG) cofinancé par le Gouvernement congolais pour la poursuite du Projet de Lutte contre le VIH/SIDA et de Santé (PLVSS-Don H082-COB), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit financement pour financer les services de consultant ci-après : Recrutement du Consultant Individuel International chargé d’appuyer les Ministères des enseignements dans le développement et la finalisation d’une stratégie sectorielle au VIH et Sida, ainsi que dans la mise en œuvre d’un plan opérationnel budgétisé. 2. L’objectif de la mission consiste à apprécier les effets de la pandémie du VIH/SIDA sur l’offre, la qualité d’éducation et la demande d’éducation dans les trois secteurs y compris les écoles spécialisées de réadaptation au Congo. La durée de la mission est 25 jours. 3. Le SEP/CNLS invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants individuels intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : (i) les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de référence technique vérifiable en matière de stratégie sectorielle dans le secteur de l’éducation (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) et (ii) l’adresse complète du consultant (lieu de résidence, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, E-mail). (NB : Les bureaux d’études pourront proposer leur consultant individuel, mais l’expérience du bureau ne sera pas prise en compte et le marché sera signé avec la personne proposée). 4. Le consultant individuel international doit être un spécialiste en planification scolaire ou universitaire et doit avoir un diplôme (bac plus 5) dans l’un des domaines suivants : politique éducative, démographie de l’éducation, sciences humaines et sociales ou sciences de l’éducation. 5. Sur cette base, un consultant individuel sera sélectionné conformément aux dispositions du Chapitre V des Directives de la Banque « Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des prêts de la BIRD et des crédits et dons de l’AID de janvier 2011. Les consultants individuels intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse ci-après, les jours ouvrables, de 8h 00 à 16h00 ou consulter le site web du SEP/CNLS à l’adresse suivante : www.cnls-congobrazza.org. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le lundi 31 octobre 2011 à 12H 30. Secrétariat Exécutif Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida (SEP/CNLS) - Rue des Anciens Enfants de Troupe, non loin du CEG NGANGA Edouard - BP : 2459 Brazzaville -Tél.: (242) 05 526 66 01 / 06 644 75 07 E-mail: « recrutementconsultants_sepcnls@yahoo.fr ». La Secrétaire Exécutive Dr Marie Francke PURUEHNCE
République Centrafricaine Coordination Nationale du Comité National de Lutte contre le SIDA
Bangui, le 12 Octobre 2011
Avis de manifestation d’intérêt pour le recrutement de l’Agence de Gestion Fiduciaire des Programmes « Faire reculer le Paludisme » et « Projet de Renforcement et Décentralisation de la Prévention et de la Prise en charge Globale des Personnes Vivants avec le VIH en RCA (PRDPP) »
Accord de subvention N° CAF-810-G08-M et CAF-708-G05-H 1. La Coordination Nationale du Comité Nationale de Lutte contre le SIDA (CN/CNLS) a obtenu, du Fonds Mondial de Lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme, une subvention dont elle a l’intention d’utiliser une partie des fonds pour le paiement des services d’une Agence de Gestion Fiduciaire. 2. L’Agence sera chargée d’assurer sans limitation, la gestion financière et comptable du programme et la passation des marchés de la Coordination Nationale. L’agence sera recrutée pour une durée initiale d’un an renouvelable après évaluation pour une durée maximale d’un an. 3. L’Agence devra être de type cabinet d’audit, d’expertise comptable et de conseil en gestion de renommée internationale ayant une expérience prouvée d’au moins (10) années dans la gestion des fonds délégués par des bailleurs de Fonds Internationaux ou avoir audité des programmes (Fonds Mondial, Banque Mondiale, BAD… etc.) d’un Bénéficiaire Principal. Elle devra avoir : i) une expérience confirmée dans la gestion financière et comptable des programmes, ii) une bonne connaissance des procédures de passation de marchés, iii) une bonne connaissance des logiciels de gestion financière (TOMPRO et TOMMARCHE). 4. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures ou plaquettes de présentation du cabinet, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des spécialistes nécessaires parmi son personnel, etc). 5. Les consultants intéressés peuvent obtenir les termes de références détaillés de la mission en écrivant à l’adresse électronique suivante : cn_cnls@yahoo.fr 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 10 Novembre 2011 à 16H00 : Coordination Nationale du Comité National de Lutte contre le VIH Sida Attn : Nestor Mamadou NALI, Coordonnateur National du CNLS BP : 2613 Bangui (RCA), République Centrafricaine N° 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DES INFRASTRUCTURES,TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires « PRO-ROUTES »
SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT
Service de Consultant : CONTRÔLE ET SUPERVISION DES TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT ET D’ENTRETIEN DE LA ROUTE KASOMENO – KAMBU (ENVIRON 630 KM). PAR LA MÉTHODE « GENIS » (GESTION ET ENTRETIEN DES ROUTES PAR NIVEAU DE SERVICE). N° Avis : AMI N°013/CI/PRO-ROUTES/2011 Date de l’Avis : le 17 Octobre 2011 1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement et un don de DFID, globalement de 123 millions de USD pour financer le Projet Pro-Routes dont l’objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce au rétablissement et à la préservation durable des infrastructures routières permettant l’accès des populations aux marchés et aux services sociaux et administratifs nécessaires à la relance socio-économique et à la réintégration du pays. Il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ces dons pour effectuer les paiements au titre du contrat de services d’une Firme Internationale, pour le Contrôle et la Supervision des Travaux d’Aménagement et d’Entretien de la Route Kasomeno – Kambu (environ 630 km) par la Méthode « GENIS » (Gestion et Entretien des routes par Niveau de Service). 2. Pour répondre aux critères de sélection, la Firme de renommée Internationale doit : a. prouver qu’elle possède des capacités professionnelles et une expérience avérée dans le domaine de l’ingénierie routière. Une déclaration prouvant que la firme a une telle expérience, en citant les missions déjà réalisées qui lui permettent de remplir ces critères (nature de la mission, pays, dates, administration responsable, bailleurs de fonds etc.) sera présentée ; b. la firme doit soumettre les bilans certifiés des cinq (5) dernières années qui établissent qu’elle est dans une situation financière saine ; c. avoir réalisé au cours des cinq (5) dernières années au moins deux (2) opérations de Contrôle et de Surveillance des travaux de réouverture, d’entretien ou de réhabilitation de route en terre en utilisant l’approche par traitement de points critiques et aménagement progressif ; d. être en mesure de mobiliser des Experts jouissant d’une très bonne expérience dans le Contrôle et de Surveillance des travaux de réouverture, d’entretien ou de réhabilitation de route en terre en utilisant l’approche par traitement de point critiques et aménagement progressif, dans un environnement similaire, et ayant déjà participé effectivement au Contrôle et à la Surveillance des travaux correspondant aux services à fournir (de préférence dans des projets financés par la Banque Mondiale). e. disposer d’une expérience de gestion et d’entretien de route par « GENIS » serait un atout. La durée totale du Contrôle et de Surveillance des travaux est estimée à Quarante neuf (49) mois. La firme sélectionnée devra fournir les services suivants : a). le Contrôle et la Surveillance des prestations des Entreprises (travaux de réouverture/réhabilitation initiaux et travaux d’urgence)
b). la vérification périodique des niveaux de service. 3. La Cellule Infrastructures invite les candidats admissibles, firme ou groupement de bureaux à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures, références concernant l’exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel permanent ou ponctuel, une lettre de motivation - 2 pages maximum - expliquant les motivations profondes d’intérêts pour le présent projet, les qualifications et expériences spécifiques pertinentes et similaires à prendre en compte pour l’examen des expressions d’intérêts en vue de la constitution de la liste restreinte, etc.). Ils doivent fournir les éléments de justification des expériences spécifiques exigées au point 2.c ci-dessus. 4. Un Consultant sera sélectionné, en accord avec les procédures définies dans les Directives : « Sélection et Emploi des Consultants par les emprunteurs de la Banque mondiale », édition Mai 2004, révisée en Octobre 2006 et Mai 2010. 5. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à la CI à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables de lundi à vendredi de 9 h 00 à 16 h 00, heures locales. 6. Le démarrage de la mission est prévu à partir du mois de Janvier 2012. Les Manifestations d’Intérêts, rédigées en langue française, doivent parvenir par courrier ou par e-mail à l’adresse ci-dessous au plus tard le 07 Novembre 2011 à 14 heures locales et porter clairement la mention : AMI N°013/CI/PRO-ROUTES/2011 – RECRUTEMENT DU CONSULTANT POUR LA RÉALISATION DU CONTRÔLE ET SUPERVISION DES TRAVAUX D’AMENAGEMENT ET D’ENTRETIEN DE LA ROUTE KASOMENO – KAMBU (ENVIRON 630 KM) PAR LA MÉTHODE « GENIS » (GESTION ET ENTRETIEN DES ROUTES PAR NIVEAU DE SERVICE). Cellule Infrastructures du Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction Cellule Infrastructures 70A, Avenue Roi Baudouin N°70A, Kinshasa/Gombe - République Démocratique du Congo Téléphone : +243.993.152.233 - E-mail : celluleinfra@vodanet.cd - Site web : www.celluleinfra.org Amidou SERE Coordonnateur.
AVIS À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT RECRUTEMENT D'UN OPÉRATEUR SPÉCIALISÉ DANS LA GESTION ADMINISTRATIVE, FINANCIÈRE ET TECHNIQUE DES SERVICES D'ÉLECTRICITÉ À LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ÉLECTRICITÉ - (Contrat de Services à la SNEL) Publication du 05 octobre 2011.
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo « RDC » a obtenu, dans le cadre du Projet de Marché d'Electricité pour la consommation domestique, et à l'Exportation (PMEDE), un Don de l'Association Internationale de Développement (IDA). Il se propose d'utiliser une partie des fonds de ce Don pour effectuer des paiements autorisés au titre d'un Contrat de Service à la Société Nationale d'Electricité Sarl, ci-après dénommée « la SNEL ». La finalité du Contrat de Services est de : a) renforcer toutes les activités opérationnelles de la SNEL liées à la satisfaction de la demande nationale et assurer la capacité d'exportation de l'électricité ; b) améliorer les activités commerciales de la SNEL, en priorité dans la ville de Kinshasa et dans les principales villes de la RDC ; c) assurer la formation du personnel dans l'ensemble des missions clés de l'entreprise ; d) assurer le transfert de savoir-faire au personnel de la SNEL ; e) mettre en place les conditions de bon fonctionnement dans les domaines technique, financier, commercial, ressources humaines, achats et approvisionnements. Le titulaire du contrat de services fournira à la SNEL des cadres spécialisés dans ces domaines dont certains seront des résidents permanents et d'autres interviendront pour des missions temporaires d'assistance. Les experts fournis par le Consultant conseilleront les gestionnaires de la SNEL La durée du contrat de services est à minima de trois (3) ans et n'excédera pas cinq (5) ans, pour prendre en compte la durée de modernisation du système d'information dans lequel le titulaire du Contrat est directement impliqué. Le Contrat initial est reconductible en fonction notamment des résultats atteints au titre du contrat de performance. Le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille de l'Etat JEUNE AFRIQUE
« COPIREP » invite, pour le compte de la SNEL, les entreprises et groupements d'entreprises intéressés à fournir les services décrits ci-dessus à manifester leur intérêt. Les entreprises et groupements d'entreprises intéressés doivent fournir les informations indiquant qu'ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l'exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel-clé, etc.). Les candidats intéressés peuvent s'associer pour renforcer leurs compétences respectives. Un titulaire de contrat sera sélectionné en accord avec les dispositions de la méthode fondée sur la qualité et le coût définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, édition courante. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l'adresse ci-dessous du lundi au vendredi de 09 heures à 16 heures. Les lettres d'intérêt doivent être déposées à l'adresse ci-dessous ou transmises par courrier électronique à l'adresse e-mail suivante : cpm@copirep.org au plus tard le 25 octobre 2011. Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille de l'Etat « COPIREP » Secrétariat Exécutif / Cellule de Passation des Marchés : Immeuble SOFIDE, Croisement des av. Lemarinel et Kisangani, n°9-11 Kinshasa / Gombe # République Démocratique du Congo Tél.: + 243 15 10 10 00 # Site Web : www.copirep.org POUR LE SECRETAIRE EXECUTIF Alexis MANGALA NGONGO Secrétaire Exécutif Adjoint N° 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
Manifestation d’intérêt
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du portefeuille de l'Etat (COPIREP)
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Annonces classées Société Nationale Industrielle et Minière AVIS D’APPEL D’OFFRES Équipements didactiques pour le Centre de Formation Professionnel de Zouerate
1. Objet : La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), lance un appel d’offres Ouvert et International pour la fourniture, l’assistance technique au montage et essais sur site et le service après-vente pour l’ensemble des équipements didactiques (Bancs, Maquettes, Postes de travail, Mallettes, Documentation, …etc.) destinés au centre de formation de la SNIM. 2. Financement : SNIM 3. Validité des offres : Les offres seront valables pendant une période de 180 jours à compter de la date limite de remise des offres. 4. Retrait du dossier d’appel d’offres : Le Dossier d’Appel d’Offres peut être obtenu les jours ouvrés du 11/10/2011 au 11/11/2011 auprès de la Direction des Achats et de la Logistique de la SNIM à l’adresse ci-dessous moyennant le versement (tous frais exclus) de 500 Euros ou de leurs contre valeurs en monnaie librement convertible ou encore de leurs équivalents en monnaie locale (Ouguiya) convertis au taux du jour de la Banque Centrale de Mauritanie, dans l’un des comptes ci-dessous, prévus à cet effet, en indiquant « DAO – Equipements didactiques pour le CFP de Zouerate » : • Société Générale de Paris (France) Banque : 30003 - Agence : 04980 N° compte : 00028013344 - Clé : 28 IBAN : FR76 3000 3049 8000 0280 1334 428 - SWIFT : SOGEFRPP • Banque Mauritanienne pour le Commerce International (Mauritanie) N° Compte : 158407150109 - SWIFT : BMCIMRMR Le retrait du dossier s’effectue en échange : - du reçu de versement comportant le nom du Soumissionnaire - une fiche comportant l’adresse complète de l’entreprise et l’adresse de la personne à contacter - Une attestation comportant le nom de la personne autorisée à retirer le DAO Pour toutes informations complémentaires : Contacter SNIM – DAL – BP 42 – Nouadhibou – Mauritanie – Tél. : +222 45 74 12 04 ; M. Mohamed Vall Ould Ahmed Salem ; e-mail : mvasalem@snim.com 6. Date limite de remise des offres : La date limite de remise des offres est fixée au 29/11/2011 à 10 GMT à la Direction des Achats et de la Logistique de la SNIM Nouadhibou. L’enregistrement à la DAL fait foi.
Société Nationale Industrielle et Minière
Appel d’offres
AVIS D’APPEL D’OFFRES Equipements et Systèmes Informatiques pour le Centre de Formation Professionnel de Zouerate
1. Objet : La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), lance un appel d’offres Ouvert et International pour la fourniture, l’assistance technique au montage et essais sur site et le service après-vente pour des équipements et systèmes informatiques intégrant des logiciels et applications informatiques spécifiques. Ce DAO comprend cinq lots : Lot N°1. Equipements pour le centre Multimédia Lot N°2. Equipements du laboratoire des Langues Lot N°3. Equipements pour la salle du Dessin Lot N°4. Equipements pour la salle de Conférence Lot N°5. Systèmes d’information et de gestion de la formation Chaque soumissionnaire peut participer à un ou plusieurs lots. 2. Financement : SNIM 3. Validité des offres : Les offres seront valables pendant une période de 180 jours à compter de la date limite de remise des offres. 4. Retrait du dossier d’appel d’offres : Le Dossier d’Appel d’Offres peut être obtenu les jours ouvrés du 11/10/2011 au 11/11/2011 auprès de la Direction des Achats et de la Logistique de la SNIM à l’adresse ci-dessous moyennant le versement (tous frais exclus) de 500 Euros ou de leurs contre valeurs en monnaie librement convertible ou encore de leurs équivalents en monnaie locale (Ouguiya) convertis au taux du jour de la Banque Centrale de Mauritanie, dans l’un des comptes ci-dessous, prévus à cet effet, en indiquant « DAO – Equipements et Systèmes informatiques pour le CFP de Zouerate » : • Société Générale de Paris (France) Banque : 30003 - Agence : 04980 N° compte : 00028013344 - Clé : 28 IBAN : FR76 3000 3049 8000 0280 1334 428SWIFT : SOGEFRPP • Banque Mauritanienne pour le Commerce International (Mauritanie) N° Compte : 158407150109 - SWIFT : BMCIMRMR Le retrait du dossier s’effectue en échange : - du reçu de versement comportant le nom du Soumissionnaire - une fiche comportant l’adresse complète de l’entreprise et l’adresse de la personne à contacter - Une attestation comportant le nom de la personne autorisée à retirer le DAO Pour toutes informations complémentaires : Contacter SNIM – DAL – BP 42 – Nouadhibou – Mauritanie – Tél. : +222 45 74 12 04 ; M. Mohamed Vall Ould Ahmed Salem ; e-mail : mvasalem@snim.com 6. Date limite de remise des offres : La date limite de remise des offres est fixée au 01/12/2011 à 10 GMT à la Direction des Achats et de la Logistique de la SNIM Nouadhibou. L’enregistrement à la DAL fait foi. N° 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE Avis D’appel D’offres International N° 28/DGHS/2011 La Direction Générale de l’Habillement et des Subsistances lance l’appel d’offres international n° 28/DGHS/2011 pour l’acquisition des instruments de musique. Les fournisseurs peuvent soumissionner et être retenus pour un ou plusieurs articles. Les cahiers des charges peuvent être retirés à l’adresse suivante : « La Direction Générale de l’habillement et des Subsistances sise à l’Avenue Habib Bourguiba 2010 Manouba », contre paiement de la somme de 25 dinars, par chèque certifié ou par mandat adressé au nom du régisseur des recettes du Ministère de la défense Nationale C.C.P. n° 1700100000000616-82-24. Les offres doivent être obligatoirement envoyées sous plis fermés cachetés soit par voie postale en service recommandé soit par service rapid-poste ou déposées directement au bureau d’ordre de la Direction Générale de l’Habillement et des Subsistances contre un bon de reçu. Elles doivent porter lisiblement en haut et à gauche la mention « NE PAS OUVRIR A/O INTERNATIONAL N° 28/DGHS/2011 acquisition des instruments de musique. Les offres doivent parvenir au plus tard le 30 octobre 2011 (Seul le cachet du bureau d’ordre fait foi). Adresse : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DE L’HABILLEMENT ET DES SUBSISTANCES AVENUE HABIB BOURGUIBA 2010 MANOUBA
Appel d’offres - Forum
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N° 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
La CPI doit être audacieuse DOUBLEMENT HANDICAPÉE, la Cour pénale internationale (CPI), ce serpent de mer qui apparaît et disparaît au gré de ses mandats d’arrêt, ne guérira que de l’intérieur. De quoi souffre-t-elle ? De partialité, disent ceux qui fustigent sa propension à sélectionner les justiciables… Mais le véritable mal tient à sa
timidité. Car rendre justice ou dire le droit n’est pas toujours exempt d’audace. Ainsi, la « compétence universelle » dont se réclame la justice belge n’est écrite nulle part : c’est osé ! Si la CPI veut être crédible, elle doit être audacieuse… L’affaire ivoirienne est – ou était – pour elle une occasion de gagner en crédibilité. À la demande du
NADIA EL-FANI, MARTYRE OU OPPORTUNISTE ? Nadia el-Fani (lire J.A. no 2645, du 18 au 24 septembre) aurait parfaitement le droit de se dire athée et de le proclamer haut et fort, en tant que cinéaste… si cela correspondait au propos de son film! Ce dernier, projeté sans remous àTunis en avril, aurait plutôt dû s’intituler « Ramadan cool à la tunisienne ». En effet, il montre, à l’inverse de ce que dit son titre actuel, Laïcité, Inch’Allah!, que laTunisie est l’un des pays musulmans les plus laïques, où des restaurants restent ouverts le jour, où dans une même famille l’un pratique le jeûne et l’autre pas. Pour Nadia el-Fani, commencer par choisir le premier titre inapproprié et volontairement blasphématoire « Ni Allah, ni maître », c’était choisir (consciemment ou pas) de recevoir des menaces et de susciter des manifestations violentes de la part de groupuscules salafistes. Ce qui est devenu, pour elle, une façon d’apparaître dans son Paris de résidence en « martyre »… Une fois le « buzz » obtenu, elle est revenue au titre initial, Laïcité, Inch’Allah! Après avoir pris les cinéastes tunisiens en otages – que faire sinon évacuer le vrai débat déontologique pour défendre une collègue face à des islamistes fanatiques au comportement inacceptable? –, le choix du premier titre a occasionné bien des dégâts enTunisie. Saccagée par des salafistes qui n’ont pas vu le film, la salle CinemAfricArt, rare lieu de parole libre àTunis, a, depuis, été définitivement fermée par son propriétaire. Nadia el-Fani a le droit de tourner ce qu’elle veut. Et même de méconnaître l’aspect culturel, social, communautaire et convivial du ramadan, en adoptant un point de vue simpliste, narcissique, agressif, au risque de masquer la complexité d’une société pleine de contradictions. Mais prétendre que personne avant elle ne tournait de films politiques en Tunisie, en oubliant entre autres notre collègue Nouri Bouzid (qui fut arrêté, torturé et aujourd’hui agressé), ou dire qu’aucun parti politique tunisien ne défend la laïcité alors qu’ils sont plusieurs à réclamer la séparation entre l’État et la religion, c’est aussi oublier les films militants, dont ceux de Ridha Ben Halima et celui, interdit, de sa collègue Selma Baccar. Ou le cinéma impertinent de Nejib Belkadhi, Jilani Saadi, Mahmoud Ben Mahmoud, etc. La promotion de la sortie de Laïcité, Inch’Allah! en France relève du « coup de pub » réussi, lequel ne sert nullement la cause de ceux qui, àTunis, luttent vraiment pour la modernité et la laïcité! ● MOUNIR BAAZIZ, président de l’Association des cinéastes tunisiens, Tunis N o 2649 • DU 16 AU 22 OCTOBRE 2011
président Alassane Ouattara, elle vient d’accepter de se pencher sur les seuls crimes postélectoraux. La CPI pouvait légitimement accéder à cette demande, à condition d’en élargir l’objet aux exactions commises depuis le 19 septembre 2002 [date de la tentative de coup d’État contre le président Laurent Gbagbo, NDLR]. Car il s’agit d’une succession d’horreurs, constitutive d’un tout : les belligérants, les motivations politiques, les éliminations physiques massives et les procédés pour se débarrasser des corps sont restés les mêmes. Le droit pénal ne souffre pas que les parties fixent l’étendue des poursuites… Nous avons donc été choqués d’entendre le ministre ivoirien des Droits de l’homme, de retour de La Haye, déclarer sur RFI, le 30 septembre : « L’ancien pouvoir – qui ne l’a pas fait – a eu tout son temps pour saisir la CPI des faits d’avant les élections. » En clair, des victimes de cette période, il n’en a cure ! Jusqu’à quand durera l’esquive ? ● SAM BEKA, Paris, France
CAN 2012 : l’absence des Pharaons POURQUOI les Pharaons d’Égypte, détenteurs du trophée, ne seront-ils pas à la CAN 2012 ? La logique ne veut-elle pas que l’équipe championne soit qualifiée d’office, tout comme le pays organisateur ? ● GEORGES LEGERNARD, Rouen, France
Réponse Par le passé, le pays détenteur de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) était exempté de phase éliminatoire. Depuis 2006, un nouveau règlement de la Confédération africaine de football (CAF) supprime ce privilège. Seul le pays organisateur ou les organisateurs conjoints sont qualifiés d’office. ● LA RÉDACTION
Bravo, J.A.! JE REMERCIE SINCÈREMENT Jeune Afrique pour la profondeur de l’article intitulé « Achats de terres. Un business sous influences », paru dans son no 2646. Cela prouve à suffisance la légèreté avec laquelle les pouvoirs JEUNE AFRIQUE
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Rectificatif Dans notre édition du 9 au 15 octobre (J.A. no 2648), une coquille s’est malencontreusement glissée dans la lettre de M. Abdallah Laabidi à Béchir Ben Yahmed. Dans la phrase : « En d’autres temps […], d’autres personnes,d’évidenceplussages[…],avaient […] préféré les rigueurs de l’exil […], le gros du bétail », il fallait lire « le gros au détail ». Nous le prions de bien vouloir excuser cette étourderie. ● LA RÉDACTION
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(à haut risque !) contribueront-elles, enfin, à faire décoller ce mastodonte ? Selon certains, un seul mandat présidentiel permet juste de « réveiller » le géant endormi, mais ne suffit pas pour le mettre debout ! Aux Congolais d’en juger… ●
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PIERROT ELAMEJI, Kinshasa, RD Congo
RD Congo : urnes et béquilles DANS UN PEU PLUS d’un mois, le 28 novembre, la RD Congo, un géant d’Afrique aux pieds d’argile, se rendra aux urnes… avec des béquilles électorales et économiques qui l’aident à peine à tenir debout. Alors que plusieurs d’entre nous croyaient ce pays doté de richesses faramineuses, son Premier ministre, Adolphe Muzito, l’a clairement qualifié, et sans la moindre gêne, de « pays pauvre » (J.A. no 2645) ! Oubliant de souligner qu’il y en a qui s’enrichissent, en toute impunité, sur le dos du peuple appauvri ! Un lecteur (du Sénégal !) a exprimé son « indignation » (J.A. no 2647) face aux propos du Premier ministre congolais. Cela m’a tout de même soulagé ! Quant aux lecteurs congolais eux-mêmes, ils ont préféré garder leur silence légendaire. Par honte ? Insouciance ? Passivité intellectuelle ? Les prochaines élections
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publics au sud du Sahara traitent ces questions de terres, qui restent pourtant le socle du développement des populations. Quel que soit le domaine d’activité (forestier, minier…), une réelle opacité entoure la signature de nombreux contrats. Les ressources sont exploitées sous le regard J.A. N° 2646, impuissant des du 25 septembre au communautés 1 er octobre 2011. locales qui vivent dans la misère. Dans ces conditions, je ne crois pas que la lutte contre la pauvreté puisse aboutir et permettre à ces pays de s’engager sur le chemin du développement. ●
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Post-scriptum Fouad Laroui
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION
La secte sur la touche
Q
uand j’étais petit, à l’école – comme c’est loin, tout ça… – il y avait un gamin du nom de Bouderbala qui refusait de jouer au foot avec nous. Mais, curieusement, il était toujours planté le long de la ligne de touche, l’air mauvais, le front bas, et il nous abreuvait d’insultes, de lazzis et de quolibets. Nous étions nuls, à ses yeux. Parfois, nous lancions la balle dans sa direction, pour l’inviter à se joindre à nous, mais il ne voulait même pas y toucher, comme si elle était souillée d’avoir trop fréquenté nos crampons. Que voulait-il, ce fada ? Nous ne l’avons jamais su. J’ai repensé à ce zigoto hier en parcourant la presse marocaine. On y lit que la fameuse secte islamiste Al Adl wal Ihsane appelle les Marocains à boycotter les élections législatives prévues pour le 25 novembre prochain. Ce n’est pas une surprise : cette secte, depuis sa création par un illuminé dans les années 1970, est restée en marge des institutions et n’a jamais voulu entrer dans le jeu politique. En somme, c’est le Bouderbala des institutions marocaines. Comme pour le pégreleux de mon enfance, on ne sait pas trop ce qu’ils veulent, ces gens-là. On n’arrive pas à connaître leur programme, leurs ambitions pour le pays ou leur projet politique. On sait seulement que leur gourou dispose d’une ligne directe avec le prophète Mohammed – c’est même son seul ami sur Facebook – et qu’il bavarde régulièrement avec lui au cours des longues nuits d’hiver : c’est ce qu’il appelle ses « visions ». Même si on nage en pleine folie, on voudrait quand même y introduire un peu de rationalité. Et d’abord cette question : comment peut-on boycotter des institutions qu’on ne reconnaît pas ? C’est comme si Bouderbala s’égosillait : « Vous n’existez pas ! Et je refuse de jouer avec vous ! » Mais c’est de l’overkill, idiot. La première phrase suffit. Va, va « visionner » ailleurs. On ne t’a rien demandé. Tout cela est risible mais n’en pose pas moins des questions très sérieuses. La démocratie, c’est : « Un homme, une voix ». Mais qu’en est-il de ceux qui entendent des voix, comme Jeanne d’Arc ? Qui vomissent la démocratie parce que leur gourou est calife de droit divin ? Qui rejettent toute Constitution parce que nous avons déjà le Coran ? Faut-il composer avec eux ? Défiler avec eux ? Les accepter dans le jeu politique, au risque de les voir utiliser la démocratie pour tuer la démocratie, comme tenta de le faire le Front islamique du salut (FIS) en Algérie dans les années 1990 ? Heureusement, la secte en question nous évite de nous poser ces questions puisqu’elle refuse de « jouer » avec les autres. Vive Bouderbala ! Je l’avais mal jugé. En restant sur la touche, en s’excluant d’eux-mêmes, tous les Bouderbala du monde nous rendent, au fond, un fier service. Nous restons entre gens de bonne compagnie. Si seulement ils pouvaient, eux, aller clabauder un peu plus loin… ●
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