TOUAREGS DERNIER OBSTACLE AVANT LA PAIX 53e année • no 2733 • du 26 mai au 1er juin 2013
jeuneafrique.com
Hebdomadaire international indépendant •
TERRORiSmE, immiGRATiOn, iSLAm, mAGhREb...
Les vérités de manuel Valls Ministre français de l’Intérieur
guIDE inVESTiR bÉnin Supplément de 76 pages
L’Algérie
sans lui édition générale
France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com
Samedi 25 mai
L’histoire des deux jumeaux
L
aissons la politique pour une semaine. Faisons une pause, donnons-nous un répit et parlons d’autre chose. De récentes lectures m’incitent à vous entretenir de trois sujets dont je pense qu’ils vous intéresseront d’autant plus qu’ils sont rarement traités par ce qu’on appelle la grande presse. Des chercheurs, que je respecte, s’en sont saisis, se sont posé à leur propos des questions existentielles et nous livrent leurs réponses. n
1- La démocratie favorise-t-elle ou non le développement économique ? les pays qui ont pris du retard sur l’europe et les États-unis ont-ils plus de chances de les rattraper s’ils sont gouvernés par un régime démocratique ? les dirigeants des pays africains qui viennent de célébrer à addis-abeba le cinquantenaire de leur organisation continentale (l’oua de 1963, devenue l’union africaine) se sont certainement posé la question. mais qui, africain ou non, oserait, en 2013, soutenir publiquement que le développement économique est favorisé par un pouvoir politique fort, de type autocratique ? l’observateur impartial que je m’efforce d’être est à même de donner la réponse nuancée des économistes qui ont étudié l’évolution économique des pays du tiers monde au cours du dernier demi-siècle. un grand nombre de régimes autocratiques, voire dictatoriaux, se sont donné pour objectif de conduire leurs pays à la croissance économique et y sont parvenus en asie, en amérique latine comme en afrique ; taïwan, singapour, la Corée du sud, l’indonésie et, plus récemment, la Chine ont obtenu des résultats spectaculaires ; le Chili en amérique du sud, la Côte d’ivoire d’Houphouët-Boigny, la tunisie de Bourguiba et de Ben ali en afrique ou, plus récemment, le rwanda de Kagamé. D’autres comme la Birmanie, la Guinée ou le Zaïre ont été des échecs retentissants. selon les économistes qui ont ces exemples en tête, un pouvoir autocratique ou dictatorial, s’il se donne pour objectif le développement économique, peut l’atteindre. mais sa nature le conduit en général à devenir de plus en plus autoritaire et à mal finir. jeune Afrique
les régimes démocratiques, dont l’inde est le prototype, mettent plus de temps à y parvenir mais peuvent, eux aussi, obtenir de bons résultats. la majorité des grands pays émergents d’aujourd’hui, inde, Brésil, turquie, mexique, afrique du sud, nigeria, sont des démocraties dont les performances économiques sont assez bonnes. nnn
2- Les grands spécialistes de la démographie mondiale, dont le Français Hervé Le Bras, se demandent, non sans anxiété, si, à l’exception de l’afrique subsaharienne, où la croissance démographique est trop forte pour les capacités budgétaires des pays concernés, le monde n’a pas amorcé une phase trop rapide de stabilisation et de vieillissement de sa population. leur constat est le suivant : depuis un demi-siècle, le taux de croissance de la population mondiale baisse, et nous sommes aujourd’hui à 1 %. Certes, la population augmente encore, mais son ressort, la fécondité, est faible pratiquement partout. la Chine est à 1,7 enfant par femme en moyenne, le Brésil aux environs de 2, l’inde en dessous de 3, donc une natalité inférieure à celle de la France pendant le baby-boom, la russie est à 1,2. la fécondité de l’iran est de 1,6, celle de la tunisie de 1,9. même en afrique, la fécondité est parfois tombée à moins de 3 enfants par femme, en afrique du sud notamment. la projection moyenne des nations unies évalue la population mondiale à 9,3 milliards en 2050, mais la projection basse plafonne à 8 milliards en 2045. la population mondiale atteindra son pic dans les cinquante ans qui viennent, puis commencera à décroître. Dans la projection moyenne des nations unies, la population chinoise repasserait en dessous du milliard en 2100. C’était impensable il y a une vingtaine d’années, quand l’onu prédisait qu’il y aurait 1,6 milliard de Chinois en 2050. Depuis 2010, 71 pays n’atteignent plus le taux de remplacement (de 2,1 enfants par femme en âge de procréer) et 50 vont voir leur population décliner. n o 2733 • du 26 MAi Au 1 er juin 2013
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Ce que je crois
En 2050, l’âge moyen sera passé à 38 ans, contre 23 ans en 1980, et la part des plus de 65 ans à 20 %, contre 9 % en 2011, soit près de 2 milliards d’hommes et de femmes, dont 27 % des Américains et 40 % des Japonais. Ce phénomène est sans précédent dans l’Histoire ; ses conséquences sur la production, sur les dépenses de santé et sur l’éducation sont difficiles à mesurer mais pourraient être dramatiques. nnn
3- Quelle est la part, en chacun de nous, de l’hérédité génétique (ce qui nous vient de nos deux parents), de l’environnement et de l’éducation ? Ce que nous serons à 30, 40 ou 50 ans est-il en nous dès la naissance, et donc prédéterminé ? Ou bien estil acquis au fur et à mesure de notre évolution par l’éducation, les rencontres, le mariage et le reste de l’environnement ? Pour le savoir, les chercheurs ont étudié le cas de jumeaux homozygotes (les vrais jumeaux, provenant d’un seul œuf divisé en deux) séparés peu après la naissance, ayant vécu ensuite dans des milieux différents. La conclusion est terrible : c’est la génétique, ce que nous avons, à la naissance, hérité de nos parents, qui est, de loin, le plus déterminant. Les deux exemples ci-dessous montrent combien presque tout est réglé dès le départ. À se demander pourquoi on va à l’école et pourquoi on s’agite…
« Jack et Oskar, deux jumeaux homozygotes, étaient âgés de 6 mois lorsque leur mère décida de quitter leur père et l’île de Trinidad, où ils avaient vécu jusque-là, pour rentrer en Allemagne avec Oskar. Jack demeura à Port of Spain avec son père. En Allemagne, Oskar reçut une éducation catholique et fit partie des jeunesses hitlériennes, tandis que son frère Jack, élevé ensuite en Israël, travailla dans un kibboutz et servit plus tard dans la marine israélienne. Quarante-six ans plus tard, les deux frères se rencontrèrent pour la première fois et furent étudiés en détail par le professeur Bouchard : ils pesaient le même poids, étaient tous deux à moitié chauve et portaient la même petite moustache. Ils avaient les mêmes lunettes et des chemises bleues à pattes d’épaules. Ils jouaient tous deux du trombone, l’Allemand aimait le piment autant que le Trinidadien. Le cas des « deux Jim » est tout aussi étonnant : leur mère les abandonna à l’âge de 4 semaines et ils ne se revirent que quarante ans plus tard. Leurs parents adoptifs leur avaient donné le même prénom. Tous deux avaient épousé une Linda, puis divorcé pour épouser une Betty. Les deux avaient appelé leur fils aîné James Alan et James Allan. Au même âge, ils avaient soudain pris cinq kilos et présentaient des migraines sévères. » n
Cela me fait penser à ce mot de Nassim Nicolas Taleb : « Évite d’appeler héros ceux qui n’avaient pas d’autre choix. » l
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Un accord est la rencontre de deux arrière-pensées. Paul Valéry u Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. Et puis après ? Est-ce que tu t’imagines qu’on peut gouverner innocemment ? Jean-Paul Sartre
u De toutes les sciences que l’homme peut et doit savoir, la principale, c’est la science de vivre de manière à faire le moins de mal et le plus de bien possible. Léon Tolstoï u Ne coupe pas l’arbre pour cueillir les fruits. Proverbe africain
u En moins de cinquante ans, on est passé du cinéma muet au cinéma qui n’a rien à dire. Doug Larson
u Nous vivons avec nos défauts comme avec les odeurs que nous portons : nous ne les sentons plus, elles n’incommodent que les autres. Madame de Lambert
u Il est plus difficile de bien faire l’amour que de bien faire la guerre. Ninon de Lenclos
u Dans les mosquées, il fait frais, c’est pour ça qu’ils y vont. Brèves de comptoir
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u Les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être deux pour les porter ; quelquefois trois. Alexandre Dumas u À la curiste montée sur la balance, le docteur dit : – Ne rentrez pas le ventre, ça ne sert à rien ! – Si, à voir les chiffres ! Charlotte de Turckheim u Nous sommes tous sur la même barque, promis au même naufrage, et il n’y aura aucun survivant. Philippe Bouvard u Avoir beaucoup d’amis, c’est n’avoir point d’amis. Aristote jeune AfrIque
Une Afrique sans paludisme est une Afrique pleine de ressources. Nous sommes l’un des plus importants investisseurs étrangers en Afrique. Nous sommes ainsi bien placés pour connaître l’impact sanitaire et économique que le paludisme peut avoir sur une communauté et sa population active. C’est l’une des raisons pour lesquelles ExxonMobil est si engagé dans la lutte contre le paludisme. D’énormes progrès ont déjà été réalisés—la mortalité due au paludisme a diminué de 25 pour cent au cours de la dernière décennie—mais il reste encore beaucoup à faire. ExxonMobil s’engage à apporter sa pierre à l’édifice. Qu’il s’agisse de prospection ou de production de nouvelles sources d’énergie, d’approvisionnement de nouveaux produits pétroliers ou d’investissement dans les collectivités, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous soutenons le développement futur de l’Afrique. Pour en savoir plus sur nos programmes en Afrique, veuillez consulter exxonmobil.com
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Éditorial
phoToS de CoUverTUre : ÉDITION GÉNÉrAle : LUDOVIC/REA ; VINCENT FOURNIER POUR J.A.
François Soudan
Une semaine en enfer
S
cène d’horreur en direct live à Woolwich, est de londres, à l’heure du thé. un homme au regard de zombie, les mains rouges de sang, un hachoir, le cadavre d’un soldat anglais: Boko haram? Jihad « made in u.K. » ? Attentats simultanés à Agadez et à Arlit, au niger. deux 4x4 gorgés de tnt, deux explosions audibles à vingt kilomètres à la ronde : Mujao ? Suicide à la Da Vinci Code, dans le chœur de notre-dame, à Paris. une balle dans la bouche d’un ancien de l’oAS, sous les yeux des fidèles terrifiés : fanatisme suprême ? un fil conducteur dans cette semaine que nous venons de vivre, cathodique, chaotique, ultraviolente : l’islam. l’islam perverti et dévoyé des terroristes, la haine de l’islam d’un écrivain malade et fascisant. Ceux qui annonçaient la fin d’Al-Qaïda après la mort de Ben laden se sont donc trompés. l’hydre est bien vivace, seules les méthodes ont changé. Semer la terreur au ras du sol par des actes de tueurs à la chaîne, choisir des cibles symboliques, filmer et se faire filmer, privilégier le jihadisme kamikaze aux attentats de masse : les leçons du prédicateur Abou Moussab al-Souri, star du web extrémiste, ont été suivies. le champ est large, il est vrai, pour qui veut teinter son désir de revanche sociopathe d’un vernis religieux. l’intervention française au Mali et la participation des forces spéciales britanniques au sanglant nettoyage des bastions nigérians de Boko haram fournissent aux salafistes radicaux des banlieues de l’islam de quoi chaque jour alimenter leur soif de vengeance. les images effrayantes de la barbarie à l’œuvre dans les deux camps en Syrie, celles des femmes éventrées par les miliciens d’Assad comme celles du rebelle cannibale éviscérant un soldat, sont des sources d’inspiration, comme le furent hier pour Mohamed Merah les Gazaouis bombardés par israël et les villageois afghans massacrés par un sergent américain.
La haine se nourrit de la haine, et réciproquement. c’est parce qu’il voulait dénoncer, par son « sacrifice politique », une France où « l’immigration afro-maghrébine » serait en passe d’empêcher « la perpétuation de [s]a race et de [s]on esprit » que l’ancien soldat perdu de l’Algérie française s’est donné la mort – suscitant « le respect » ému de Marine le Pen (37 % de bonnes opinions dans le dernier sondage ifop-Paris Match). les frères tueurs du marathon de Boston, tout comme les sectateurs du Mujao ou de Boko haram, se sont, eux, construits sur une obsession inverse, mais symétrique: la certitude que les musulmans étaient pris pour cibles par le reste du monde. racisme, jihadisme, même combat au fond, comme le dit avec justesse le ministre français de l’intérieur, Manuel valls, dans l’entretien que nous publions cette semaine (voir pp. 26-32). un combat les armes à la main contre des démocraties occidentales guettées par le vide politique, où les grands partis de gouvernement, de moins en moins suivis par leurs électeurs, se rapprochent de plus en plus de leurs extrêmes. Sombre semaine, décidément… l n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
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algÉrie SanS lUi… Hospitalisé depuis le 27 avril, Abdelaziz Bouteflika pourra-t-il reprendre les rênes du pouvoir ?
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mali SableS moUvanTS Dans le nord du pays, les positions des nombreux groupes touaregs n’en finissent pas de changer…
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TUniSie qUe Faire deS SalaFiSTeS ? Après bien des atermoiements, les autorités ont enfin décidé de sévir contre les membres d’Ansar el-Charia.
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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l a Sem a in e d e j eU n e a F riq U e
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algérie Sans lui… Saïd jalili Chouchou du Guide aïchatou mindaoudou Mission Côte d’Ivoire Cannes 2013 Kechiche en haut des marches États-Unis -afrique Obama en session de rattrapage Sida et afrique Épidémie de bêtise nigeria Goodluck sort les bazookas Tour du monde
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interview Manuel Valls, ministre français de l’Intérieur
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a F riq U e SU bSa h a rien n e
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mali Sables mouvants jeune AfrIque
Dans Jeune afrique et nulle part ailleurs gRanD angLe
52 FRanCe nKM n’en FaIT qu’à sa TêTe En dépit de l’hostilité de certains de ses amis politiques, Nathalie KosciuskoMorizet devrait mener la liste UMP à l’assaut de la mairie de Paris en 2014.
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ManueL vaLLs
Le s vérités du pre mie r flic de France Ministre de l’Intérieur depuis un an, aussi populaire dans l’opinion que dans les commissariats… Rencontre avec un fils d’immigré ambitieux qui ne s’interdit rien. 38 39 41
Tribune Qu’arrive-t-il aux Maliens ? Côte d’Ivoire Fin de partie pour Ouérémi RD Congo Le palu, ennemi public numéro un
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M ag hReb & Moy e n-o R Ie nT
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Tunisie Que faire des salafistes ? Maroc Mezouar au rebond enquête Aïn Naadja, le Val-de-Grâce algérien
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eu Rop e, aM éR Iq ue s, asIe
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France NKM n’en fait qu’à sa tête Chine À Baidaoping, on rase même les montagnes états-unis Scandales à la Maison Blanche parcours Didier Claes, l’art et le bagou Football Stars à vendre
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éCon oM I e
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algérie Hors du public, un début de salut Le s indiscre ts high-te ch IBM parie sur l’informatique cognitive
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DossIeR eau spécial 12 pages Fleuves, nappes souterraines… Les autorités peinent à gérer et à distribuer efficacement cette ressource.
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MusIque RoKIa TRaoRé Avec un cinquième album réussi, l’artiste malienne expérimente les limites du blues-rock mandingue. Interview.
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Came roun Pourquoi AES s’en va gabon Alain Ditona Moussavou, banquier d’État pharmacie Avec Nick Haggar, priorité au générique éne rgie Le pétrole de schiste rebat les cartes jusqu’en Afrique baromètre
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C uLTuRe & MéDIas
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Musique Interview de Rokia Traoré, artiste malienne Médias Le justicier ivoirien Littérature Les mille et un visages de Muhammad Ali La se maine culture lle de Je une afrique
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v ous & nous Le courrie r de s le cte urs post-scriptum n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Union africaine dlamini-Zuma et son cabinet fantôme
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TUNISIE LE rEToUr dES omdaS
AlexAnder ZemliAnichenko/AP/SiPA
l y a quelques moIs, Nkosazana Dlamini-Zuma avait surpris son monde en nommant un francophone – le Burkinabè Jean-Baptiste Natama – à la tête de son cabinet. « Volonté d’apaisement après la bataille contre le Gabonais Jean Ping pour la présidence de la Commission de l’ua », avait à l’époque analysé un connaisseur du marigot p La présidente de la Commission panafricain. « la vérité, explique de l’Union africaine. aujourd’hui un diplomate d’afrique centrale en poste à addis-abeba, c’est qu’il existe un autre cabinet, un shadow cabinet d’une trentaine de membres. Ils ont des bureaux au siège de l’ua et sont directement payés par Pretoria. Ce sont eux qui détiennent le vrai pouvoir. » un expert en questions de sécurité le confirme : « Dlamini-Zuma s’est entourée de conseillers dont les postes ne sont pas prévus par les textes de la Commission. Certains ont du mal à l’accepter, et un clash a récemment opposé Natama au chief of staff de l’ombre, Baso sangqu, un ancien représentant de l’afrique du sud à New york. » Ce cabinet fantôme comprend une majorité de sud-africains, mais aussi des ressortissants de pays d’afrique australe (Botswana, Zimbabwe et autres) que DlaminiZuma a nommés pour les remercier de l’avoir soutenue face à Ping. « un double problème se pose : celui de leur légitimité et celui de leur indépendance vis-à-vis de Pretoria », conclut notre expert. l
Tiens, (re)voilà Louis-Georges Tin
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résIDeNt Du CoNseIl représentatif des associations noires de France (Cran), louis-Georges tin s’est rendu à addis-abeba pour plaider la cause de son organisation, dont il souhaite l’admission au sein de l’union africaine. le Cran, estime-t-il, peut « constituer un lien entre ce qui se décide en europe et ce qui se fait en afrique » et contribuer à « rapprocher l’ua et la diaspora ». Il s’est entretenu avec des membres du cabinet de Nkosazana Dlamini-Zuma, la patronne de la Commission de l’ua, et peut compter sur le soutien de Blaise tchikaya, le président de la Commission de l’ua sur le droit international, par ailleurs membre du conseil scientifique du Cran. l n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
Les services de renseignements ayant montré de sérieuses lacunes face à la menace jihadiste, le réseau des omdas, ces délégués de quartier assurant certaines fonctions administratives, a été discrètement réactivé – il avait presque disparu après la révolution en raison de sa corruptionetdesonallégeance à l’ancien régime. Désignés par les gouverneurs avec l’accord du ministère de l’Intérieur, les omdassontconsidéréscomme de potentielles sources d’information locales fort utiles pour prévenir d’éventuels troubles et débordements. LE CHIFFRE
59 millions de dollars Le montant total des achats de bouteilles de champagne en 2012, au Nigeria, selon une étude d’Euromonitor International. Ce pays est désormais le deuxième consommateur mondial, derrière la France, mais devant la russie, le mexique et la Chine.
maLI QUI avEC KoENdErS ?
Nommé le 17 mai à la tête de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), le Néerlandais Bert Koenders ne connaît toujours pas l’identité de ses deux adjoints chargés des volets politique, militaire et humanitaire de la mission. Dépitée de l’éviction du Burundais Pierre Buyoya, son représentant dans ce pays, l’Union africaine insiste pour qu’ils soient africains. Beaucoup de noms circulent. Ceux notamment des Sénégalais Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères d’Abdoulaye Wade, jeune AfrIque
Retrouvez notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques, en page 64.
Politique, économie, culture & société et Babacar Gaye, conseiller militaire de Ban Ki-moon; du Mauritanien Ibrahima Dia, chef du secrétariat conjoint BAD-UA-Commission économique africaine ; et du Béninois Aurélien Agbénonci, représentant résident du Pnud au Mali. En revanche, une certaine unanimité se dégage pour écarter l’Américain David Gressly, qui assura l’intérim avant l’installation de Koenders et semble avoir exaspéré les autorités maliennes en se positionnant comme l’interlocuteur attitré des rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Commentaire d’un diplomate ouest-africain en poste à Bamako : « Il a la délicatesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine ! » COOPÉRATION UN GhANÉeN à PARIs
À l’occasion de son premier déplacement en Europe, John Dramani Mahama, le nouveau président ghanéen, sera reçu en tête à tête par François Hollande, le 28 mai, à l’Élysée. Les deux hommes évoqueront les relations bilatérales, ainsi que diverses questions relatives à la
Mali espace aérien sous contrôle
UNION eUROPÉeNNe LOUIs MICheL ObseRvATeUR AU MALI
Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a chargé Louis Michel, ancien ministre belge des Affaires étrangères et actuel député européen, de diriger la mission d’observation électorale de l’UE au Mali – le 1er tour du scrutin présidentiel est prévu le 28 juillet. Les premières équipes devraient être déployées dès le mois de juin dans la partie méridionale du pays afin d’assurer la surveillance de la campagne. Si la situation sécuritaire le permet, des missions d’observation de courte durée seront ensuite envoyées dans le Nord, pendant les opérations de vote.
En pleine phase de sécurisation des opérations, l’armée française maintient au Mali un dispositif aérien important. « Nous continuons d’assurer des vols de reconnaissance, de renseignement et d’appui aux troupes terrestres, précise le général Jean-Jacques Borel, commandant le JFACC AFCO [Joint Forces Air Component Command de l’Afrique centrale et de l’Ouest], depuis le site de Lyon-Mont Verdun. Nous préparons par ailleurs la relève progressive de nos troupes [3 800 hommes] par les forces africaines intégrées à la Minusma. » Six Rafale sont actuellement basés à N’Djamena, trois Mirage 2000D à Bamako, trois drones, des ravitailleurs et des avions de transport au Mali et dans la sous-région. Côté malien, l’armée de l’air dispose de Tetras, avions de type ULM utilisés pour la reconnaissance, et d’un hélicoptère MI24 de fabrication russe qui a mené des opérations de renseignement dans la forêt de Wagadou, près de la frontière mauritanienne. Des Alpha Jet nigérians basés à Niamey interviennent enfin en appui aux troupes nigériennes déployées dans la région de Ménaka et d’Ansongo. Les avions africains n’ont pas de missions offensives. l
sécurité et au développement économique régionaux (Mali, Côte d’Ivoire, etc.). Paris souhaitant conforter sa relation avec la deuxième puissance économique d’Afrique de l’Ouest (derrière le Nigeria), Pascal Canfin, le ministre du Développement, signera un nouveau document cadre de partenariat (DCP), sorte de
feuille de route de la coopération française. Le lendemain, Mahama participera à une rencontre avec les patrons au siège du Medef, puis prononcera à l’Institut français des relations internationales (Ifri) un discours sur le thème « Afrique : nouvelles opportunités, nouvelles directions politiques ».
Après FrAnçois Bozizé, l’ancien président centrafricain, c’est au tour d’Amadou Haya sanogo, le capitaine putschiste malien (photo), de se voir offrir un « exil doré » au Bénin. « Après ses multiples interventions dans le processus électoral, le Canada et les états-Unis ne sont pas rassurés par sa présence au Mali, commente nassirou Bako Arifari, le ministre béninois des Affaires étrangères. notre objectif est de soutenir ce pays et d’apporter notre contribution aux efforts de la France et des partenaires au développement. » L’« invitation » exaspère le capitaine sanogo, tombeur d’AmadouToumani Touré en mars 2012. Bien sûr, il évite de s’exprimer publiquement sur ce sujet, mais en privé il se lâche: « Je ne connais pas ce monsieur et ne lui ai rien demandé! » lance-t-il à propos du président BoniYayi. on peut raisonnablement en déduire que s’il est un jour contraint à l’exil, ce ne sera pas au Bénin! l jeune afrique
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.
Mali-bénin sanogo se lâche contre boni Yayi
ALGÉRIe L’ÉTAU jUdICIAIRe se ResseRRe sUR KheLIL Une plainte pour « blanchiment de capitaux » a été déposée à Paris contre Chakib Khelil, l’ancien ministre algérien de l’Énergie et des Mines. Le 15 mai, dans le cadre de cette instruction (qui vise d’autres personnalités algériennes soupçonnées d’avoir illégalement acquis des biens en France), les gendarmes de la section financière ont auditionné Omar Aït Mokhtar, président de l’association Mouvement citoyen algérien de France. Laquelle envisage de déposer dans les prochains jours une nouvelle plainte auprès du parquet de Milan, qui enquête déjà sur une affaire de commissions occultes (197 millions d’euros) versées par la firme italienne saipem à plusieurs intermédiaires algériens, parmi lesquels Chakib Khelil. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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la semaine de Jeune Afrique
Algérie
Sans lui…
L’événement
Hospitalisé depuis le 27 avril, abdelaziz Bouteflika pourra-t-il reprendre les rênes du pouvoir ? Alors que l’incertitude règne sur son état de santé, difficile d’imaginer sa succession tant son destin personnel se confond avec celui de son pays.
Marwane Ben YahMed
«
T
out le monde sait que j’ai été malade et que j’ai dû suivre une convalescence très sérieuse. Mais maintenant, j’ai repris mes activités normales et je ne pense pas que mon état de santé doive encore susciter des commentaires et des supputations plus ou moins fantaisistes. » Ainsi parlait Abdelaziz Bouteflika, quelques mois seulement après son hospitalisation – fin 2005 et déjà au Val-de-Grâce – pour un ulcère hémorragique. L’histoire se répèteaujourd’hui. Impossible d’éluder les questions sur la santé du chef de l’État algérien, transféré le 27 avril dernier dans l’établissement militaire français, officiellement suite à un accident ischémique transitoire (AIT). Un type d’accident vasculaire cérébral (« mini-AVC ») relativement bénin s’il est pris en charge à ses débuts, mais qui peut faire craindre la survenue ultérieure d’un accident ischémique constitué (ou infarctus cérébral) qui, lui, provoque des lésions irréversibles, pouvant entraîner la paralysie d’une partie du corps ou des troubles du langage. Problème: entre des versions officielles angéliques, distillées à dose homéopathique, et les versions alarmistes que répandent certains médias français et algériens, il est difficile de se forger une opinion. « La maladie du président ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir […], son état s’améliore de jour en jour […], il suit quotidiennement les activités du gouvernement », affirme Abdelmalek Sellal, le Premier ministre. Pendant ce temps, des organes de presse n’hésitent pas à affirmer, en l’absence de preuves tangibles ou de sources crédibles, que le chef de l’État serait dans le coma, ou aurait été rapatrié à Alger en catimini pour y finir la poignée de jours qui lui resteraient à vivre. La chape de plomb qui pèse sur la maladie du plus célèbre patient d’Algérie ne peut qu’alimenter les rumeurs les plus folles.
p Le président, lors d’une cérémonie à l’Académie militaire de Cherchell, en juin 2012.
Ramzi Boudina/REuTERS
convaleScence. « Boutef », qui souffre par ailleurs
depuis sa jeunesse de polykystose, une maladie héréditaire nécessitant un suivi médical rigoureux, est sorti du Val-de-Grâce le 21 mai. Il a été transféré aux Invalides, une autre institution médicale militaire, dans le 7e arrondissement de Paris, « pour y poursuivre sa convalescence » selon le ministère français de la Défense. D’après nos informations, son pronostic vital n’est pas engagé. Mais la longueur de son hospitalisation, ainsi que l’absence d’éléments de preuves relatifs à l’amélioration de son état, laissent tout de même penser que la situation est préoccupante. Ou du moins, pas aussi anodine que les autorités le serinent, aiguillonnées par Saïd Bouteflika, frère et conseiller spécial du chef de l’État, à son chevet depuis son transfert d’Aïn Naadja (voir pp. 49-51), l l l n o 2733 • du 26 mai au 1 ER juin 2013
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la semaine de J.A. l’événement
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Ces chefs atteints de la maladie du secret Comme pour Abdelaziz Bouteflika – dont le pronostic vital, il convient de le préciser, n’est pas engagé –, on ne connaissait pas la nature exacte du mal dont ils souffraient. Rumeurs et mensonges d’État se sont multipliés.
étHioPie
Studio Kahia/archiveS Ja, SteveNS Frederic/SiPa, Khaled el-Fiqi/aP/SiPa, déSiré miNKoh, KoNe/SiPa, rebecca blacKwell/aP/SiPa, meiGNeuX/witt/SiPa, eraldo PereS/aP/SiPa, PaScal maitre Pour Ja, aPeSteGuY/SiPa
Mélès Zenawi
soigné de longues semaines dans une clinique bruxelloise pour ce qui semble être une leucémie, le Premier ministre emporte le secret de sa maladie dans sa tombe, le 21 août 2012, après deux décennies de règne. il avait 57 ans.
GaBon
Omar Bongo Ondimba
Hospitalisé dans le plus grand secret le 11 mai 2009 à Barcelone, le doyen des chefs d’état africains (41 années au pouvoir), meurt le 8 juin, à 73 ans. La nouvelle de son décès, brièvement démentie, sera vite éventée.
Guinée
Lansana Conté
atteint depuis longtemps d’une leucémie et d’un diabète difficiles à dissimuler, le Mangué (chef) s’accroche au pouvoir jusqu’au bout. il expire à 74 ans, le 22 décembre 2008.
Côte D’ivoire
Félix HouphouëtBoigny
en juin 1993, le « vieux » part soigner en France un cancer de la prostate. reclus dans son palais de Yamoussoukro, il s’éteint le 7 décembre, à 88 ans.
Guinée-Bissau
Malam Bacai Sanhá
Dès son élection en juillet 2009, le président fait de multiples malaises. Hospitalisé plusieurs fois, il attribue ses ennuis de santé à « une chute d’hémoglobine dans le sang ». et disparaît à 64 ans, le 9 janvier 2012, à Paris.
rD ConGo
Mobutu Sese Seko
Quelques mois avant sa chute, le « léopard du Zaïre », 66 ans, est agonisant. Le 7 septembre 1997, quatre mois après avoir fui devant les troupes rebelles, il succombe à un cancer de la prostate.
n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
MaroC
Hassan II
Lorsqu’il fête ses 70 ans, le 9 juillet 1999, rares sont ses sujets qui le savent malade. souffrant de troubles cardiaques et pulmonaires, le roi est constamment suivi par ses médecins. au défilé parisien du 14 juillet, son épuisement est visible. il s’éteint neuf jours plus tard.
aLGérie
Houari Boumédiène
Quand il rentre souffrant d’un voyage en syrie, en septembre 1978, on le dit victime d’une tentative d’empoisonnement. en réalité, le raïs est atteint d’une maladie rare du sang. il meurt le 27 décembre à alger, à 46 ans, après avoir sombré dans le coma.
l l l fin avril. « Maintenant, c’est aux Algériens de gérer la fin de l’histoire », nous a confié, énigmatique, l’un des principaux membres du gouvernement de François Hollande. Question essentielle : le président sera-t-il en mesure de reprendre les rênes du pays jusqu’à la fin de son mandat, dans dix mois ? Cela paraît aujourd’hui bien difficile. Mais mieux vaut être prudent. Combien de fois n’a-t-on annoncé sa mort ? N’en déplaise aux Cassandre, près de huit ans après sa première hospitalisation, celui qui détient le record de longévité au pouvoir en Algérie occupait toujours le palais d’El-Mouradia.
prunelle. Depuis son ulcère hémorragique qui faillit lui coûter la vie, comme il l’a lui-même reconnu, Bouteflika, 76 ans, s’est cependant progressivement effacé du devant de la scène. Si son cerveau fonctionnait toujours aussi bien, son corps était épuisé. Il a suspendu ses voyages de travail à l’étranger, fait de fréquents séjours réparateurs dans une clinique en Suisse, n’a présidé que deux conseils des ministres en un an, n’a plus prononcé de discours public depuis mai 2012 [quand il avait annoncé, à Sétif, que sa génération était arrivée au bout de son chemin], charge Mohamed Rougab, son secrétaire particulier, de transmettre ses directives à ses ministres ou à ses collaborateurs, et n’accorde que de très rares rendez-vous, toujours officiels. Le raïs a même fini par abandonner son appartement d’El Biar, auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux, pour vivre au palais présidentiel : il ne pouvait plus gravir chaque jour les escaliers de cet immeuble dépourvu d’ascenseur. Diminué physiquement, il demeurait cependant le zaïm (le chef tout-puissant, en arabe) et l’État, son fonctionnement et ses cadres s’étaient adaptés à cette gouvernance d’un genre nouveau. Rares étaient ceux qui prenaient le risque de s’opposer à lui frontalement. Si, conscient de son état et malgré les pressions de son entourage, il n’a jamais envisagé de se présenter à la présidentielle d’avril 2014, nul n’osait afficher son ambition. Tous, opposants compris, attendaient qu’il se prononce officiellement avant de se déclarer. Aujourd’hui, le décor a changé. Jadis peu nombreuses ou murmurées du bout des lèvres, les attaques fusent. Contre lui, les siens ou son bilan. Y compris au sein d’anciennes formations alliées qui, enhardies par cette ambiance de fin de règne, se mettent à cracher dans une soupe dont elles se sont pourtant longtemps régalées. Certains exigent même l’application de l’article 88 de la Constitution (voir encadré ci-contre), qui détermine les modalités d’un empêchement du chef de l’État. Nul ne s’y était risqué, en jeune AfrIque
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encore, les questions sont plus nombreuses que les réponses. Avides de changement mais ayant fait preuve jusqu’à présent d’une infinie patience, les Algériens ne se laisseront plus imposer un candidat par les militaires, qui en ont conscience. Le Printemps arabe est passé par là…
FAROUK BATICHE/AFP
Ribambelle. Il n’en demeure pas moins que le
2005, alors que les circonstances étaient peu ou prou les mêmes. Omerta contre rumeurs incessantes ou avis de pseudo-experts spécialistes du pays: ce cocktail ne peut que plonger les Algériens dans une profonde inquiétude. Car Bouteflika n’est pas n’importe qui. Quatorze ans de pouvoir, des prérogatives que seul Houari Boumédiène avant lui a pu concentrer entre ses mains, aucun adversaire de taille depuis son accession à la tête de l’État en 1999… « Boutef » est le dernier survivant, aux affaires, des tumultes de l’histoire algérienne. Intégré dès ses 19 ans au sein des premières unités de l’Armée de libération nationale (ALN), dans l’Oranais, en pleine guerre pour l’indépendance, où il côtoie un certain Mohamed Boukharouba, plus connu sous le nom de Boumédiène ; chef de la diplomatie à l’âge de 26 ans ; président un demi-siècle plus tard… Son destin se confond avec celui de son pays, et les plus jeunes – la majorité de la population – n’ont connu quasiment que lui. C’est donc à un véritable saut dans l’inconnu que se prépare l’Algérie. Que l’échéance soit dans quelques semaines ou dans quelques mois, l’après-Bouteflika, théâtre d’ombres dans un pays où l’opacité confine à la religion d’État, a bel et bien commencé. Là
p À Sétif, le 8 mai 2012, lors de la commémoration du massacre perpétré par l’armée française en 1945.
Département du renseignement et de la sécurité (DRS) de l’inamovible général Mohamed Mediène, alias Tewfik, veille au grain et tentera de trouver la personnalité qui incarnera, aux yeux de la population comme aux siens, le meilleur compromis. Son portrait-robot ? Plus jeune, donc n’appartenant pas à la génération de l’indépendance qui dirige le pays depuis 1962 ; suscitant l’espoir sans s’attaquer brutalement au fameux « système », comme l’appellent les Algériens, et aux multiples intérêts en jeu ; moderne et ouvert sans pour autant s’aliéner les islamistes modérés ou les conservateurs; originaire d’une autre région que le Nord-Ouest frontalier du Maroc d’où sont issus nombre de caciques du régime; expérimenté mais indépendant; enfin, aucunement éclaboussé par la ribambelle de dossiers de corruption qui ont fleuri ces derniers mois et visaient – comme par hasard – l’entourage du chef de l’État. Last but not least, cet oiseau rare devra obtenir le parrainage des jumeaux nationalistes, décapités mais toujours influents, que sont le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND). En dehors des habituels « lièvres » qui ne dépassent jamais 3 % des suffrages ou des personnalités du siècle dernier que l’on sort de la naphtaline à chaque scrutin présidentiel, un seul nom émerge, pour l’instant : Ali Benflis, ancien Premier ministre de Bouteflika (2000-2003) et ex-secrétaire général du FLN, qui a rejoint l’opposition en 2004. Originaire de Batna, en pays chaoui, réputé intègre et ouvert, cet avocat de 68 ans, qui ne suscite aucune animosité, ni chez les militaires ni chez les politiques, observe la plus grande discrétion. Et de tous les anciens Premiers ministres de « Boutef », il est celui qui a laissé la meilleure impression aux Algériens… l
en cas de longue vacance
Q
ue prévoit la Constitution dans l’hypothèse où Abdelaziz Bouteflika, 76 ans, ne serait plus en mesure d’exercer ses fonctions ? Son article 88 stipule que lorsque le chef de l’État, « pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil
jeune afrique
constitutionnel […], après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose à l’unanimité au Parlement de déclarer l’état d’empêchement ». Après s’être prononcés à la majorité des deux tiers, les parlementaires chargent le président du Conseil de la nation (Sénat) – en
l’occurrence Abdelkader Bensalah, 72 ans – d’assurer l’intérim pour une durée qui ne peut excéder 45 jours. Si l’incapacité du chef de l’État à exercer ses fonctions se poursuit, une « vacance par démission de plein droit » est déclarée. « En cas de démission ou de décès » de l’intéressé, le Conseil constitutionnel –
dirigé par Tayeb Belaïz, un proche de Bouteflika – « constate la vacance définitive » du pouvoir. Le président du Sénat assume alors un intérim de 60 jours, au cours duquel une élection présidentielle est organisée. Soit trois mois et quinze jours après le début de la procédure. l faRid alilat n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
La semaine de J.a. Les gens
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saïd Jalili Chouchou du Guide Seuls huit candidats restent en lice pour l’élection présidentielle iranienne du 14 juin. Parmi eux, un homme a les faveurs d’Ali Khamenei. Un conservateur pur et dur, bien sûr.
L
e 21 mai, le Conseil des gardiens de la Constitution a rendu son verdict. Les sages de la République islamique d’Iran ont disqualifié de la course présidentielle du 14 juin les deux outsiders dont la candidature de dernière minute avait créé la surprise. L’un, Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, président de 1989 à 1997, est soupçonné de sédition pour avoir
présentés, les 8 qui restent en lice appartiennent tous à l’écurie conservatrice – et l’un d’eux aurait l’onction du Guide. Représentant d’Ali Khamenei au Conseil suprême de la sécurité nationale, Saïd Jalili, 47 ans, est plus connu pour son rôle de négociateur en chef dans le dossier du nucléaire que pour son implication dans les affaires intérieures. Mais, témoigne Bernard Hourcade, spé-
Blessé de guerre, Saïd Jalili est admis sans concours à la prestigieuse université Imam-Sadiq, à Téhéran. Sujet de thèse : la politique extérieure du prophète Mohammed. Son diplôme lui ouvre une carrière diplomatique qu’il accomplit consciencieusement dans les années 1990, jusqu’à devenir directeur du bureau du Guide Khamenei, son mentor, en 2001. En 2005, il est nommé vice-ministre des Affaires étrangères et conseiller du président Ahmadinejad. Devant alors composer avec les deux pôles rivaux du régime, il aiguise son sens politique et se positionne comme le plus apte à concilier les différentes factions du camp conservateur. Appelé en 2007 au Conseil suprême de la sécurité nationale, il est l’homme des négociations ultrasensibles sur le nucléaire avec le groupe du P5+1 (les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne). Pieux conservateur, on le dit un brin rétrograde mais moins imprévisible que le populiste Ahmadinejad.
BEHROUZ MEHRI/AFP
surprises. Deux grands
défis se poseront au prochain élu : asseoir la légitimité de la République islamique et régler le dossier du nucléaire – une volonté commune à toute la classe dirigeante, souligne Bernard Hourcade. Le 14 juin, deux candidats p Il est surtout connu pour son rôle de négociateur en chef dans le dossier du nucléaire. également adoubés par le Guide tenteront de disputer soutenu en 2009 les réformateurs qui cialiste de l’Iran au Centre national de la victoire à Saïd Jalili : Ali Akbar Velayati, contestaient la réélection de Mahmoud ancien ministre des Affaires étrangères la recherche scientifique (CNRS, en France), « il est rigoureux, compétent, (1981-1997), et Mohammed Bagher Ahmadinejad. L’autre, Esfandiar Rahim suit la ligne pure et dure du pouvoir Mashaie, bras droit et gendre d’AhmaGhalibaf, brillant maire de Téhéran, qui clérical et doit tout au Guide, à qui il est pourrait récupérer quelques suffrages dinejad, accusé de placer le nationaréformateurs. « Depuis vingt ans, les lisme au-dessus de l’islam, a été taxé de dévoué ». Né en 1965 à Mashhad, ville déviance. Tous deux constituaient en fait élections iraniennes ne nous ont réservé natale de Khamenei, il a 13 ans quand la plus grande menace à l’ordre que le la révolution porte l’ayatollah Khomeiny que des surprises, explique Bernard Guide suprême, Ali Khamenei, véritable au pouvoir. Pendant la guerre Iran-Irak Hourcade. Mais cette année, le véritable chef de l’État iranien, veut rétablir au (1980-1988), il s’engage pour la défense enjeu est la participation, qui sera un test sein du régime après la fronde menée de la jeune République islamique. Il pour le régime après le scrutin contesté contre lui par Ahmadinejad, le président de 2009. » l y perd sa jambe droite, mais gagne la sortant. Des 686 candidats qui se sont Laurent de saint périer reconnaissance du régime. rectificatif. Contrairement à ce qui a été indiqué dans la rubrique « En hausse/en baisse » en page 13 de notre édition datée du 12 au 18 mai (J.A. no 2731), la photo correspondant à la note consacrée à Francis Dooh Collins n’est pas celle de l’intéressé. Il s’agit de son frère Albert. Toutes nos excuses aux personnes concernées, ainsi qu’à nos lecteurs, pour cette méprise. n O 2733 • dU 26 MAI AU 1 ER jUIn 2013
jEUnE AFRIqUE
En haussE
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nacer ibn abdeljalil
aïchatou mindaoudou mission Côte d’ivoire
À 33 ans, ce financier travaillant pour un fonds d’investissement casablancais est le premier Marocain à avoir gravi l’Everest. Accompagné de son sherpa, Dawa Gelji, il a atteint le sommet le 19 mai.
Ancienne ministre des Affaires étrangères de Mamadou Tandja, elle a été nommée à la tête de l’Onuci. Attention, caractère bien trempé.
C
Volker Finke
’
L’Allemand, 65 ans, a été nommé le 21 mai sélectionneur des Lions indomptables, l’équipe nationale camerounaise de football. Il a été préféré aux Français Raymond Domenech et Antoine Kombouaré pour succéder à Jean-Paul Akono.
était en avril. Le bruit de la nomination d’Aïchatou Mindaoudou, 53 ans, à la tête de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) commençait à courir. Un ministre des Affaires étrangères de la sous-région n’y voyait alors que des avantages : « C’est une femme d’expérience qui connaît parfaitement ses dossiers. » Un mois plus tard, la rumeur s’est vérifiée : le 17 mai, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, a fait de la Nigérienne la patronne de l’Onuci, en remplacement de Bert Koenders, désormais à la tête de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Il s’agit de la sixième personnalité (la deuxième Africaine) nommée à ce poste depuis 2003.
le zoulou L’université du Kwazulu-Natal, à Durban, a annoncé le 16 mai que les cours de zoulou seraient obligatoires pour tous ses étudiants à partir de l’année prochaine. Une première dans l’enseignement supérieur en Afrique du Sud.
sÉRÉniTÉ. Ses atouts : une grande expérience de la diplo-
matie (elle fut ministre des Affaires étrangères de 1999 à 2000 puis de 2001 à 2010, durant toute la durée du règne de Mamadou Tandja), la maîtrise des rouages de l’ONU (elle représentait l’organisation au Darfour depuis mai 2011), une bonne connaissance de la Côte d’Ivoire (elle y a décroché sa maîtrise de droit international avant de poursuivre ses études à Paris) et un caractère bien trempé. « Derrière son sourire quasi permanent se cache une forte personnalité et une intellectuelle d’une grande sérénité. Même quand Kaddafi convoquait des ministres pour les sermonner, elle restait de marbre », soutient Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères. Seule ombre au CV : son soutien à Tandja, même quand celui-ci s’est enfermé dans sa volonté de rester au pouvoir. Membre de son parti, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara), elle n’a jamais pu couper le cordon. « Elle devait le défendre à l’étranger. C’est la seule fois où je l’ai vue mal à l’aise », confie un proche. Ban Ki-moon ne semble pas lui en tenir rigueur, qui vient de la choisir pour diriger plus de 12 000 hommes et femmes dans un contexte toujours tendu. l RÉmi CaRayol
En baissE
louis gasTon MaYila « C’est immoral, inadmissible et bestial, l’homosexualité », a déclaré l’avocat gabonais, président de l’Union pour la nouvelle République (UPNR, opposition), à la veille de la Journée internationale contre l’homophobie, le 17 mai. Morgan TsVangirai Le Premier ministre zimbabwéen a prétendu avoir reçu en 2009 une Mercedes-Benz d’occasion pour voiture de fonction. The Herald de Harare a révélé qu’il avait en fait pris livraison d’une S350 neuve, d’une valeur d’environ 127000 euros.
q La Nigérienne a déjà représenté l’ONU au Darfour.
DR
EBRAHIM HAMID/AFP
Yannick noah
jeune afrique
Le chanteur et ex-tennisman français a annulé le concert de charité prévu le 25 mai au Zénith de Paris au profit de son association Les Enfants de laTerre : les tickets d’entrée ne s’étaient pas bien vendus. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
la semaine de J.a. décryptage
Wild bunch distribution
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p Une scène de La Vie d’Adèle, du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche.
cannes 2013 Kechiche en haut des marches Les cinéastes africains étaient peu représentés au Festival cette année. Et pourtant, certains d’entre eux ont créé la sensation.
P
eu nombreux dans les sélections de Cannes 2013, les films africainsn’enontpasmoinsfaithonneuraucontinent.Àcommencer par La Vie d’Adèle, du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche, qui a enthousiasmé les festivaliers. Un long-métrage dont de nombreuses scènes tournées dans des établissements scolaires, souvent drôles et toutes réussies, s’inscrivent dans la veine de L’Esquive, le premier succès du réalisateur. Mais en plus accompli, grâce au récit subtil et délicat d’une histoire d’amour passionnelle entre deux jeunes femmes. Seul long-métrage en compétition ayant ététournéenAfrique,Grigris, deMahamatSaleh Haroun, a reçu un accueil chaleureux. Son acteur principal, Souleymane Démé, un danseur burkinabè handicapé défianttouteslesloisdelagravité,avaitorné son éternelle chemise rouge d’un nœud papillon pour gravir les marches du Palais
des festivals. Sa virtuosité et sa présence incroyable à l’écran ont fait sensation. Ce succès cannois est venu compléter celui remporté au Tchad. Tenant à ce que ses compatriotesetlegouvernementtchadien, qui a participé au financement de Grigris, soient les premiers à découvrir son œuvre, Haroun s’était rendu quatre jours plus tôt à N’Djamena. Le film y a été projeté deux fois au cinéma Normandy, récemment rouvert grâce à des fonds publics. muet. Présent dans le cadre de la sélection
off de l’Association du cinéma indépendant, C’est eux les chiens…, du Marocain Hicham Lasri, a heureusement surpris le public. Prenant pour toile de fond les manifestations des Marocains aspirant à un Printemps arabe, il raconte comment le vieuxMajhoul,qu’uneéquipedetélévision suit dans ses pérégrinations à Casablanca, tente de recoller les morceaux de son passé
aprèsavoircroupitrenteansenprisonpour sa participation présumée aux émeutes du pain de 1981. Ce film produit par Nabil Ayouch a été tourné à la manière d’un documentaire:unecaméraenmouvement suivant un personnage magnifiquement campé par Hassan Badida, un acteur de théâtre aux allures de star du muet. Un voyage étourdissant, l’espace d’un jour et d’une nuit, dans le Maroc des années 2010. Un voyage bien plus convaincant que celui auquel conviait le Franco-Algérien Mohamed Hamidi avec Né quelque part, projeté dans le cadre de la « séance des lycéens».Malgréunebonneidéededépart, quoiquedéjàutiliséedansd’autresfilms(le « retour involontaire au pays » d’un jeune d’origine maghrébine qui n’y avait jamais mis les pieds), cette découverte de l’Algérie multiplie les clichés. Elle n’est sauvée que parl’abattaged’unJamelDebbouzesurvolté et roublard, mais hélas présent seulement durant la première partie de l’histoire. l Renaud de RochebRune, envoyé spécial à Cannes
à suivRe la semaine PRochaine
2-4 juin Assemblée générale annuelle de l’Association internationale du transport aérien (Iata), au Cap. Parmi les thèmes de discussions, le développement de ce secteur en Afrique. n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
7
juin À Marseille, ouverture du Mucem (musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), qui sera inauguré trois jours plus tôt par le président François Hollande.
7-15
juin 19e festival Musiques sacrées du monde, à Fès (Maroc), sur le thème « Fès l’Andalouse », à l’occasion du millénaire de la création du royaume de Grenade. jeune AfrIque
SOUS LE HAUT PATRONAGE DE SA MAJESTE LE ROI MOHAMMED VI
Imaginer la société, construire la démocratie Rabat
1-4 octobre 2013
4e congrès de CGLU Sommet Mondial des Dirigeants Locaux et Régionaux Organisés pour la première fois en Afrique, participation attendue des grandes villes de continents, le Congrès de CGLU et le Sommet des dirigeants locaux et régionaux se tiendront Royaume du Maroc, du 1er au 4 octobre 2013.
avec la tous les mondial à Rabat,
4 000 décideurs internationaux – gouvernants, maires, élus locaux, experts, bailleurs de fonds, opérateurs publics et privés, médias… – échangeront leurs expériences et leurs réflexions sur la gouvernance locale et la décentralisation, sur les nouvelles modalités de développement des territoires, sur les opportunités de coopération et d’investissement proposées par les villes et les régions.
Vue du futur Grand Théâtre de Rabat
Des enjeux forts, une vision pour le monde de demain • Améliorer la qualité de vie • Gérer la diversité • Accompagner la nouvelle gouvernance et les changements en Méditerranée • Investir dans le capital humain • Renforcer la solidarité entre les territoires • Maîtriser l’avenir urbain
Pour plus d’informations sur les conditions de participation : www.ucgl.org Secrétariat mondial de CGLU Carrer Avinyo, 15 008002 - Barcelone, Espagne Tel. +34 93 342 87 50 UCLGRabatCongress@uclg.org
www.rabat2013.com Association Rabat2013 1 place Sefrou, quartier Tour Hassan Rabat, Maroc Tel. +212 537 700 545 ma.gouvernance@gmail.com
La semaine de J.a. Décryptage
états-unis-afrique session de rattrapage pour obama Le président américain a choisi le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie pour sa deuxième visite sur le continent. Saura-t-il regagner le cœur des Africains ?
Le Dessin De La semaine
Charles Dharapak/ap/sIpa
L
e communiqué de la Maison Blanche est laconique, mais il annonce un événement pour le continent africain : le deuxième voyage présidentiel de Barack Obama au sud du Sahara, après une brève visite au Ghana en 2009. Du 26 juin au 3 juillet, le président se rendra au Sénégal, en Afrique du Sud et en Tanzanie – un itinéraire similaire à celui qu’avait emprunté Xi Jinping, son homologue chinois, fin mars, à ceci prèsquecedernieravaitpréféréBrazzaville à Dakar. L’objectif d’Obama pour l’Afrique? « Développer les échanges commerciaux, encourager les investissements, promouvoir les institutions démocratiques et une nouvelle génération de dirigeants. » Une visite au Kenya, le pays natal de son père, n’est pas prévue. Face à l’amertume de la presse kényane, Robert Godec, l’ambassadeur des États-Unis à Nairobi, a argué que le président ne pouvait « malheureusement se rendre dans tous les pays ». Mais selon une source de l’AFP à Washington, l’élection en mars d’Uhuru Kenyatta, alors qu’il est inculpé par la
pQuittant Accra (Ghana) avec Michelle, son épouse, en juillet 2009.
Cour pénale internationale, a chamboulé les plans de la Maison Blanche. spécuLations. C’est le Sénégal (dont
le président, Macky Sall, a été reçu à Washington fin mars) qu’Obama devrait ériger en exemple de démocratie. En Afrique du Sud, il se rendra au Cap, selon un quotidien de la ville, et pourrait visiter la prison de Robben Island. Une rencontre avec Nelson Mandela fait l’objet de maintes spéculations. Il y a deux ans, Michelle Obama avait été reçue à son domicile. Mais entre-temps, l’état de santé de Madiba, 94 ans, s’est beaucoup dégradé, et Jacob Zuma, le président
sud-africain, a été très critiqué fin avril pour l’avoir indisposé en s’affichant à son côté. Obama devrait profiter de ce périple pour redorer son blason auprès d’Africains qui attendaient beaucoup de lui et sont restés sur leur faim. La « nouvelle stratégie des États-Unis envers l’Afrique subsaharienne », dévoilée en juin 2012, n’a pas marqué les esprits, à la différence de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) de Bill Clinton ou du Plan présidentiel d’urgence pour la lutte contre le sida (Pepfar) de George W. Bush. Obama aura une semaine pour se rattraper. l pierre BoisseLet
paresh • The Khaleej Times • Dubaï SYRIE POUTINE JOUE À « GUERRE ET PAIX »
the new york tImes synDICatIon
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n o 2733 • Du 26 maI au 1 er juIn 2013
Officiellement, Russes et Américains, mettant de côté leurs différends, parraineront une conférence internationale destinée à mettre fin au conflit syrien, qui dure depuis plus de deux ans. cette conférence, dite « Genève ii », a beau être prévue pour juin, les livraisons d’armes ne cessent pas pour autant. Poutine vient de fournir des missiles antinaviresYakhont à Bachar al-Assad et envisage de lui procurer des systèmes de défense antiaérienne. Pour combattre les rebelles, ou dissuader Washington d’intervenir ? jeune afrIque
SOUS LE HAUT PATRONAGE DE SA MAJESTE LE ROI MOHAMMED VI
Imaginer la société, construire la démocratie 4e congrès de CGLU Sommet Mondial des Dirigeants Locaux et Régionaux RAbAT 1-4 OCTObRE 2013 Sur le thème « Imaginer la Société, Construire la Démocratie », Rabat accueillera du 1er au 4 octobre 2013 le 4e Congrès de Cités et Gouvernements locaux unis (CGLU), le 2e Sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux, et le Salon Rabat Expo. Soutenue par les villes du continent, la capitale du Royaume du Maroc a été élue pour organiser ce grand événement au nom de l’Afrique. 4 000 maires et élus locaux venus du monde entier retrouveront les gouvernants, les représentants des institutions et organismes internationaux, les experts, les bailleurs de fonds et les entreprises impliquées dans le développement des collectivités locales pour célébrer le centenaire du mouvement municipal et débattre de son rôle stratégique dans la construction de l’avenir de notre planète. En préparation des travaux sur le devenir des Objectifs du Millénaire (dont le terme arrive en 2015) et de la mise en place de l’Agenda des villes et des régions pour le 21 e siècle (prévue en 2016), les décideurs rassemblés à Rabat débattront des solutions aux défis et enjeux actuels : la gouvernance, l’accès pour tous et le financement des services publics ; les dimensions de la diversité et les innovations pour intégrer tous les citoyens ; la nouvelle gouvernance locale et les dynamiques de changement en Méditerranée ; la mise en place d’un modèle de développement économique permettant l’inclusion sociale ; la réduction des inégalités et la mobilisation des ressources locales ; la promotion de la solidarité entre villes et régions ; l’avènement de la culture comme quatrième pilier du développement durable…
Rendez-vous triennal des gouvernants locaux et régionaux, le Congrès de CGLU sera également l’occasion d’élire les instances dirigeantes, d’examiner les priorités stratégiques et d’adopter le programme de travail pour la période 2013-2017. En marge du sommet, ouvert aux professionnels et au grand public, le salon Rabat Expo proposera aux entreprises et aux sociétés de services, ainsi qu’aux opérateurs institutionnels intervenant dans le développement des villes, un espace de 10 000 m² pour exposer les savoir-faire, équipements et technologies destinés à maîtriser l’avenir urbain et à concevoir la ville de demain. La participation à ce salon est une opportunité exceptionnelle pour les entreprises de présenter leur produits et services aux décideurs des grandes villes d’Afrique et des autres continents.
Que vous soyez maire d’une ville ou président d’une région, élu ou autorité locale, membre d’une organisation internationale, expert, journaliste, chercheur, acteur économique, membre d’une ONG, etc, Rabat vous attend et vous accueillera dans la plus pure tradition de l’hospitalité marocaine.
www.rabat2013.uclg.org
Ils ont dIt
la semaine de j.a. décryptage « Avant, j’achetais une maison par an. Maintenant, j’achète des joueurs. Ça protège moins quand il pleut. »
DAvE WINtER/ICON SPORt
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MOURAD BOUDJELLAL Président du Rugby Club de Toulon (France)
sida et afrique Épidémie de bêtise
« Je reste congolais. J’ai failli demander à être français, mais ça a traîné. J’ai fait la queue à la préfecture de Bobigny à partir de minuit… J’aime la langue française, la poésie, la littérature. Et on m’a fait passer des entretiens niveau CP : “C’est quoi ça ? Une orange ? Une pomme ?” »
Depuis trente ans, la peur du VIH fait le lit des charlatans et de toutes sortes d’élucubrations, qui émanent parfois de dirigeants irresponsables.
I
MAÎTRE GIMS Chanteur leader du groupe de rap Sexion d’Assaut
l y a trente ans, le 20 mai 1983, des chercheurs français, menés par le Pr Luc Montagnier, identifiaient le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Aujourd’hui, la course au vaccin se poursuit. Mais le sida, c’est aussi, en Afrique, trente années d’élucubrations et de pseudo-remèdes prescrits par d’obscurs charlatans comme par des personnalités influentes… Dès les années 1980, certains mettent en doute la réalité de la maladie, qu’ils rebaptisent « syndrome imaginaire pour décourager les amoureux ». D’autres y voient une punition infligée aux prostituées, aux homosexuels et aux toxicomanes. Jusqu’à ce que les ravages du sida, au cours des années 1990, les poussent à l’attribuer à un complot ourdi par l’industrie pharmaceutique « pour vendre ses remèdes », ou par l’Occident pour « éliminer les Africains ». En 1999, Mouammar Kaddafi accuse cinq infirmières bulgares d’avoir inoculé le virus à 400 enfants de Benghazi dans le cadre d’une conjuration internationale contre la Libye.
« C’est avec le visage, les expressions, que l’on joue, pas avec du Botox. » ROBIN WRIGHT Actrice américaine
« De mon temps, il fallait que je marque mille buts pour que les gens me connaissent. Aujourd’hui, un seul suffit pour que le monde entier vous connaisse, avec toutes ces caméras autour du but et l’internet. »
abject. Au début des années 2000, le Sud-Africain Thabo
PELÉ Ancienne star brésilienne de football (à qui un biopic va être consacré)
pour le pouvoir. Mais vous mais ne me verrez jamais m’afficher avec un e. homme politique. Pour moi, ce ne sont pas des gens fréquentables. » RACHIDA BRAKNI Comédienne française N O 2733 • Du 26 mAI Au 1 ER juIN 2013
BENAROCH/SIPA
« J’ai une certaine fascination
Mbeki, qui dirige l’un des pays les plus touchés par la maladie, conteste l’efficacité des antirétroviraux, « surtout pour les Noirs, dont la constitution et le régime alimentaire diffèrent de ceux des Européens et des Américains ». Sa ministre de la Santé préconise un régime à base d’huile d’olive, d’ail et de citron. Jacob Zuma ne fera pas mieux en vantant les vertus protectrices de la douche. Depuis 2007, Yahya Jammeh, le président gambien, prétend guérir les malades grâce à des plantes et à des prières. Pa Parmi les prescriptions les plus abjectes: des guérisseurs sudafric africains ou zambiens recommandent aux malades d’avoir des rela relations sexuelles avec des vierges, âgées de quelques mois à 16 ans ans, favorisant ainsi des viols. Des conseils loufoques, il y en a eu légion: en RD Congo, boire ses urines ou du vin de palme; au Cameroun, recourir aux rayons de soleil ou absorber du « Viracle », Camer une « molécule » inventée par le « chercheur » Simery Semengue, et don dont la consommation entraînerait la destruction du VIH « grâce à une production abondante d’oxygène ». De tout cela, on semble heur heureusement revenu… l clarIsse juompan-Yakam jEuNE AfRIquE
Ensemble, posons les bases d’une finance durable sur le continent africain Au cœur d’un continent porteur d’opportunités, le Groupe BMCE Bank poursuit son essor, s’appuyant sur l’extension continue du groupe BANK OF AFRICA, contribuant avec confiance au développement des affaires et du progrès social. Avec ses 11.000 collaborateurs mobilisés dans 19 pays africains, son assise financière, son positionnement de banque universelle soutenu par les synergies d’un groupe multi métiers aux ambitions internationales, et ses valeurs de tolérance et de partage, BMCE Bank et BANK OF AFRICA ouvrent la voie d’une finance durable sur le continent africain.
la semaine de j.a. décryptage jeuNeafrique.CoM Blaise Compaoré Dioncounda Traoré
Mathieu Kérékou
Nigeria Goodluck sort les bazookas Las d’être taxé de mollesse, le président a fini par lancer une offensive armée contre les islamistes de la secte Boko Haram. Objectif : les ramener à la raison ou les éliminer.
INFOGRAPHIE
Avant Abdelaziz Bouteflika, de nombreux chefs d’État africains ont été soignés à l’hôpital français du Val-de-Grâce. Coup de projecteur sur ces illustres patients
LE TWEET
@agnesbinagwaho
« La chirurgie esthétique est-elle un luxe au Rwanda, où tant de traces des atrocités du génocide sont encore visibles? » Agnès Binagwaho, ministre rwandaise de la Santé
VIDÉO
À l’occasion de la parution du rapport annuel d’Amnesty International sur les droits de l’homme dans le monde, tour d’horizon des pays africains, entre résurgence des conflits et progrès de la justice
À LIRE AussI sénégal Retour sur la mort d’Omar Blondin Diop, le normalien subversif qui défiait Senghor n o 2733 • du 26 maI au 1 er juIn 2013
afp
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p Civils fuyant les combats, près de Baga, dans l’État de Borno (Nord-Est).
C
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est sans aucun doute la plus vaste offensive jamais lancée contre Boko Haram. Depuis le 14 mai, les États de l’Adamawa, de Borno et de Yobe (NordEst) sont sous le feu de l’armée nigériane. Objectif ? Détruire les bases de la secte islamiste. Voire éradiquer celle-ci. Quasiment rien ne filtre sur le déroulement des opérations. Le 20 mai, l’armée a annoncé avoir repris cinq localités de l’État de Borno (New Marte, Hausari, Krenoa, Wulgo et Chikun Ngulalo), et déployé 1 000 soldats supplémentaires. La veille, elle donnait son premier bilan : 17 morts, dont 14 terroristes, et 120 jihadistes arrêtés alors qu’ils assistaient aux funérailles de leurs compagnons. Pas un mot, en revanche, sur les victimes civiles, prises entre les tirs croisés de l’armée et des islamistes, qui semblent avoir acquis de l’armement lourd. Le 17 mai, un porte-parole de l’armée de l’air reconnaissait qu’un avion avait été touché par un tir antiaérien. Le président Goodluck Jonathan auraitil pu faire l’économie de cette guerre ? Depuis son arrivée au pouvoir, en 2010, sa gestion du problème Boko Haram est critiquée de toutes parts. Les leaders musulmans dénoncent son manque
d’intérêt et sa méconnaissance des problèmes du Nord ; l’opposition sudiste lui reproche sa mollesse. drapeaux. En janvier dernier, les diri-
geants de la secte islamiste avaient refusé la main tendue du gouvernement, qui leur proposait d’entamer des négociations. Pis : ils avaient poursuivi leurs attaques, chassé l’administration de quelques villes du Nord et hissé des drapeaux jihadistes. La provocation de trop pour le président Jonathan. « Il ne s’agit pas de militantisme ou de criminalité, mais d’une rébellion menée par des groupes terroristes, qui menacent l’unité nationale et l’intégrité territoriale », a-t-il déclaré à la télévision, le 14 mai. « Nous les poursuivrons, les capturerons et les traduirons en justice », a-t-il poursuivi… sans pour autant fermer la porte à d’éventuelles discussions. Début mai, Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, avait affirmé détenir des otages – parmi lesquels des enfants – en représailles à l’incarcération de femmes membres de sa secte. Le 21 mai, l’armée a annoncé l’élargissement de personnes emprisonnées en raison de leurs liens présumés avec les terroristes – de toutes les femmes, notamment. Sur instruction du président. l Malika GroGa-Bada jeune afrIque
T RE N T VIE RAÎ A P DE
Jeune Afrique, 50 ans Une histoire de l’Afrique
ÉDITÉ PAR LES ÉDITIONS DE LA MARTINIÈRE 288 PAGES ( 1,6 KG ) FORMAT : 21 X 28 CM PRIX FRANCE : 39,90 € TTC
Fondé en octobre 1960 par Béchir Ben Yahmed (aujourd’hui encore à la tête du Groupe qui édite l’hebdomadaire), Jeune Afrique a vécu et accompagné les indépendances africaines au nord comme au sud du Sahara. À en feuilleter la collection (plus de 2 500 numéros), c’est toute l’histoire de l’Afrique contemporaine qui se déroule. Ouvrage dirigé par Jean-Louis Gouraud et Dominique Mataillet. Avec la collaboration de Lakhdar Brahimi, Jean Daniel, Abdou Diouf, Amin Maalouf et François Soudan, ainsi que des journalistes de Jeune Afrique. CONTACT :
50ans@jeuneafrique.com
La semaine de J.A. Tour du monde Il avait 87 ans. Reconnu coupable de la disparition de trente mille personnes, il avait été condamné en 1985 pour crimes contre l’humanité, gracié cinq ans plus tard, puis de nouveau condamné, en 1998, pour le vol de bébés d’opposants sous la dictature. Les habitants de Mercedes, sa ville natale, ont refusé qu’il soit enterré dans le caveau familial. MARK ALMOND/AP/SIPA
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p Partisans de la réforme de l’immigration à Birmingham, Alabama, le 1er mai. ÉTATS-UNIS
Espoir pour les sans-papiers
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arack Obama, qui a fait de la réforme de l’immigration la priorité de son second mandat, a marqué un point important, le 21 mai, avec l’adoption du texte de loi par la commission de la justice du Sénat – avec le soutien de près de la moitié (trois sur huit) de ses membres républicains. Le Sénat dans son ensemble devrait pour sa part se prononcer en juin, puis la Chambre des représentants, où les républicains sont majoritaires, au cours de l’été. La réforme est censée permettre aux 11,5 millions de sanspapiers – latinos dans leur immense majorité – de régulariser leur situation à certaines conditions (comme de ne pas avoir commis de délit majeur) et d’acquérir la nationalité américaine au bout de treize ans de présence sur le territoire. Les dispositions de nature à braquer les républicains, comme le regroupement familial pour les couples homosexuels, ayant été prudemment écartées, la loi paraît avoir des chances raisonnables d’être adoptée. Ce qui constituerait une belle revanche pour Obama après l’échec de sa tentative de renforcer la réglementation sur les armes à feu. l CORÉE dU NORd
Agressif… mais pas trop Du 18 au 20 MaI, la corée du nord a procédé à six tirs de missiles de courte portée. on ignore s’il s’agissait de tests de missiles guidés ou de fusées tirées de lanceurs multiples. Quoi qu’il en soit, il faut y voir une réponse aux récents exercices navals organisés en mer du Japon et en mer Jaune par la corée du Sud et les États-unis. une provocation, n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
donc, mais modérée. Pyongyang montre à Washington qu’il ne se laissera pas intimider par les condamnations internationales. Mais prend garde à ne pas s’exposer à de nouvelles sanctions. ARGENTINE
Videla, l’arme à gauche ancIen DIctateuR argentin (1976-1981), Jorge Videla est mort le 17 mai dans une prison de Buenos aires.
LE CHIFFRE
1700
milliards d’euros d’ICI à 2030 : le coût estimé par la firme Siemens de la sortie du nucléaire décidée par le gouvernement allemand en mai 2011, dans la foulée de la catastrophe de Fukushima. à l’époque, le coût de l’opération avait été estimé à… 16 milliards d’euros d’ici à 2015. La nouvelle estimation prend en compte le démantèlement des centrales existantes, la création d’autres moyens de production d’énergie, la mise en place de nouveaux circuits de distribution, etc. BRÉSIL
Opposition new-look PRIncIPaLe foRMatIon d’opposition, mais affaiblie et divisée depuis plusieurs années, le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) s’est choisi un nouveau leader, le 18 mai. c’est donc le sénateur aécio neves, 53 ans, ancien gouverneur de l’État de Minas Gerais, qui affrontera Dilma Rousseff lors de la présidentielle de 2014. Sans dévoiler son programme, il a déjà critiqué la politique du Parti des travailleurs (Pt) au pouvoir, à qui il reproche en premier lieu d’avoir laissé filer l’inflation. CHINE-INdE
Li Keqiang joue l’apaisement en Se RenDant à new Delhi pour sa première visite officielle à l’étranger depuis sa prise de fonctions à la mi-mars, le Premier ministre chinois Li Keqiang a offert à l’Inde, le 20 mai, une très symbolique « poignée de main jeune AfrIque
Arrêt Sur iMAge
Mars One/EyePress/NEWSCOM/SIPA
PAys-BAs
Aller simple pour Mars « NON, cE N’Est PAs UNE EscrOqUEriE ! » jurent les promoteurs de l’opération. soit, mais alors, c’est quoi ? La firme néerlandaise Mars One offre aux plus aventureux – ou aux plus crédules – des terriens un aller simple pour la planète rouge, qu’elle envisage, paraît-il, de coloniser. Un « artiste » a même été chargé d’évoquer virtuellement la vie des futurs pionniers de l’espace. Le plus extravagant est que Mars One aurait reçu plus de quatre-vingt mille réponses positives. La plupart, nous dit-on, en provenance de chine.
au-dessus de l’Himalaya ». Plusieurs conflits, territoriaux notamment, entre les deux géants asiatiques durent depuis des décennies. En avril, ils ont été attisés par l’incursion de plusieurs dizaines de soldats chinois dans une région frontalière revendiquée par Pékin. La rencontre du 20 mai semble témoigner d’une volonté d’apaisement. VENEZUELA
Scandale téléphonique Dans unE convErsation téléphonique clandestinement enregistrée, diffusée le 20 mai par un député d’opposition, on entend distinctement Mario silva, l’un des porte-parole du régime, par ailleurs journaliste à la chaîne publique vtv, confier à aramis Palacio, un agent de renseignements cubain, que le résultat de l’élection présidentielle jeune afrique
a été manipulé et que l’entourage de nicolás Maduro est très divisé. Bien sûr, silva nie farouchement. À l’en croire, l’enregistrement n’est qu’un montage du Mossad et de la cia. JAPON
Provocation nationaliste aPrès avoir EstiMé que rien ne prouvait l’enrôlement forcé de coréennes comme prostituées au service de l’armée japonaise pendant la seconde Guerre mondiale (les historiens évaluent pourtant à plus de 200 000 le nombre de ces « femmes de réconfort »), toru Hashimoto, le maire nationaliste d’osaka, aggrave son cas en accusant les soldats sud-coréens d’avoir eux aussi, pendant la guerre du vietnam, eu recours à des « nécessités » locales. Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites !
ALLEMAGNE
Carton rouge pour Hoeness starDufootBaLLallemanddans les années 1970 et actuel président du Bayern Munich (qui a disputé le 25 mai la finale de la Ligue des champions), uli Hoeness n’aurait jamais dû s’aventurer dans les sables mouvants de la spéculation financière. ayant emprunté il y a une douzaine d’années à un ami français, feu robert Louis-Dreyfus, ancien patron d’adidas et de l’olympique de Marseille, 5 millions de marks (2,5 millions d’euros), qu’il s’était empressé de déposer dans une banque zurichoise, puis 15 millions de marks supplémentaires à ce même établissement, il a dilapidé une partie de ces sommes dans des investissements hasardeux et se retrouve aujourd’hui au cœur d’un gros scandale de fraude fiscale. Mal joué ! n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Grand angle
u Manuel Valls dans son bureau de la Place Beauvau, le 21 mai.
Grand angle
ISLAM, TERRORISME, IMMIgRATION…
Les vérités du
premier flic de France Ministre de l’Intérieur depuis un an, aussi populaire dans l’opinion que dans les commissariats, Manuel Valls est-il ce « Sarkozy de gauche » aux méthodes musclées que dénoncent ses adversaires ? Rencontre avec un ambitieux fils d’immigré qui ne s’interdit rien et à qui l’on prédit tout.
Propos recueillis par FRANçOIS SOudAN et HAby NIAkATE
A
lors que François Hollande touche dans les sondages le fond de la popularité, lui caracole en tête de toutes les personnalités politiques françaises, vingt-cinq points au-dessus du président. Un an après son arrivée Place Beauvau, Manuel Valls est une sorte de phénomène, aussi apprécié (si ce n’est plus) par les sympathisants de droite que par ceux de gauche. Ce fils d’un artiste peintre espagnol, né à Barcelone il y a un demi-siècle et naturalisé français à l’âge de 20 ans, déploie dans ses fonctions de premier flic de France une énergie et une volonté d’occuper le terrain qui ne sont pas sans rappeler celles d’un autre enfant d’immigré à ce même poste : Nicolas Sarkozy. Une comparaison qui ne déplaît pas forcément à Manuel Valls, ancien rocardien, admirateur de Pierre Mendès France, de Tony Blair et de Bill Clinton, ex-conseiller de presse de Lionel Jospin et qui semble s’être fait un devoir de transgresser les marqueurs idéologiques de son propre camp pour mieux nourrir une forte ambition personnelle. Un peu comme Sarkozy, ce ne sont ni des études de « tête d’œuf » ni les intrigues de cabinets ministériels qui l’ont amené là, mais un fief électoral (celui d’Évry en l’occurrence), une bonne dose d’individualisme, un ego trempé dans l’affirmation républicaine musclée et une capacité de travail hors norme.
vincent fournier/J.A.
CATALAN. Demander à cet homme qui ne s’interdit rien ni aucun appétit – parce
qu’il s’est, dit-il, « construit sur cela » –, et à qui l’on prédit tout, Matignon et l’Élysée compris, de s’expliquer sur les sujets qui intéressent en priorité les lecteurs de Jeune Afrique nous est donc apparu comme une nécessité. L’entretien s’est déroulé dans le bureau de Manuel Valls en présence de trois de ses conseillers – dont Ibrahim Diawadoh N’Jim, le président d’origine mauritanienne de l’association Solidarité Éducation en Afrique d’Évry, ami personnel et chargé des affaires réservées du ministre. Aux murs : un portrait de Georges Clemenceau, une toile de Xavier Valls. En évidence sur un petit meuble : un maillot de l’équipe de foot du Barça floqué à son nom. On est catalan ou on ne l’est pas… l n o 2733 • du 26 mAi Au 1 er Juin 2013
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Grand angle France JEunE AFriquE : Avez-vous perçu un accroissement des risques terroristes en France depuis l’intervention française au Mali ? MAnuEl VAlls : La menace était déjà là, gran-
dissante. Le pire aurait été de ne pas intervenir. Il y a depuis, bien sûr, une menace réelle à l’égard de nos soldats engagés sur le terrain, de nos intérêts, de nos ressortissants, surtout en Afrique de l’Ouest et au Maghreb. Il faut donc être mobilisés. Cela concerne aussi le territoire national. C’est pour cela que le plan Vigipirate a été renforcé et qu’il appartient à chacun d’être vigilant. qu’en est-il des recrutements pour les filières jihadistes en France ? sont-ils en hausse ?
Il y a plusieurs années, les filières jihadistes concernaient d’abord l’Afghanistan, le Pakistan, et dans une moindre mesure le Yémen ou la Somalie. Pour ce qui est du Sahel, il y a aujourd’hui des embryons de filières. Deux individus sont morts au cours de ces derniers mois au Mali et au Niger, deux autres ont été arrêtés, remis aux autorités françaises. Une cellule a été démantelée en région parisienne. Les services de police, de gendarmerie, de renseignements sont totalement mobilisés. Ce qui nous inquiète d’abord, ce sont les filières en direction de la Syrie et qui concernent plusieurs dizaines de Français ou de résidents en France. Vous avez eu des mots très forts, très connotés, vis-à-vis de ces réseaux jihadistes. Vous avez dit: « il faut les éradiquer. »
Oui, car ils menacent l’intégrité de nos démocraties. J’ai fait voter par le Parlement, à la quasi-unanimité, un renforcement de notre arsenal juridique pour combattre le terrorisme. Dorénavant, les Français ou les personnes résidant en France qui participent à une entreprise terroriste à l’étranger peuvent être poursuivis par la justice française. C’est une véritable avancée. J’ai aussi parlé d’ennemi intérieur et extérieur. Ces mots sont lourds de sens et rappellent volontairement l’évidente conjonction de ces deux ennemis. Ce terrorisme intérieur, celui de ces jeunes qui se radicalisent, ou s’autoradicalisent, dans certaines mosquées où l’on prône un islam radical, sur internet ou en prison, est une réalité. L’analogie entre les attentats de Boston et le cas de Mohamed Merah est à cet égard assez claire. Et puis il y a un ennemi extérieur qui nous menace, qu’il s’agisse des groupes terroristes ou du terrorisme d’État, dont la France a déjà été victime par le passé. J’emploie des mots forts, qui sont ceux du président de la République et du Premier ministre, et ils sont justifiés, car le terrorisme veut imposer un ordre qui nie les valeurs fondamentales de l’être humain. Et je veux rappeler qu’aujourd’hui dans le monde, les premières victimes du terrorisme ce sont d’abord les musulmans. Donc, oui, il faut l’éradiquer. n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
Comment se déroule la coopération dans le domaine de la sécurité avec l’Algérie ? Cela n’a pas toujours été simple…
Ma fonction m’amène à être discret sur le sujet. Nous avons en la matière une coopération de très bonne qualité, tant avec l’Algérie qu’avec le Maroc ou la Mauritanie. Et avec la Tunisie ?
Il y a de la part des Tunisiens comme des Libyens une vraie demande en ce domaine. J’ai rencontré, à l’automne 2012, l’ancien ministre de l’Intérieur qui est devenu Premier ministre, Ali Larayedh. Il y a un échange d’informations régulier entre nos services. Vous avez eu cette petite phrase, en février dernier, qui a choqué certains Tunisiens. Au lendemain de la mort de Chokri Belaïd, vous avez parlé de la montée du « fascisme islamiste ». Ce qui vous a valu une réponse boomerang du président tunisien, Moncef Marzouki : « Je crois que la gauche française a toujours du mal à comprendre le monde arabe et l’islamisme. » Ces mots, pourquoi les avez-vous prononcés ?
J’ai été interrogé par un journaliste qui utilisait lui-même cette formule. Et j’ai dit aussitôt – vous savez comme on transforme parfois les phrases – qu’évidemment je ne visais ni l’islam ni les autorités tunisiennes. Moi, je fais la distinction entre l’islam et l’islamisme. C’est un drôle de procès que l’on ferait au ministre français chargé de la relation avec les cultes,quiprônelerespectdesreligionsetledialogue entre elles. Mais la violence qui s’exerce au nom d’un islam radical et dévoyé est une réalité qu’il ne faut pas nier et qu’il faut combattre. Ce qui se passe en Tunisie aujourd’hui me donne, je crois, raison.
Oui, il faut éradiquer le terrorisme. Ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie me donne raison. Vous voulez parler du groupe salafiste Ansar el-Charia ?
Avec mes propos, c’est lui que je visais. Prôner le terrorisme, qu’il soit d’État ou celui d’une idéologie, d’une religion, c’est bien le signe d’une pensée totalitaire. J’aime le peuple tunisien et, en tant qu’ami, je me soucie de son devenir. Et si aujourd’hui les pouvoirs publics en Tunisie et la société tunisienne se battent contre le terrorisme, c’est parce qu’ils en connaissent vraiment les conséquences. Y a-t-il des menaces spécifiques contre les Français et les intérêts français dans la zone sahélienne ?
Il ne faut jamais exagérer des menaces, mais il ne faut jamais les sous-estimer. La vigilance jeune AfrIque
GiLLeS TraVerSo/maXPPP
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s’impose. C’est vrai pour les bâtiments publics, les ambassades, les consulats, les écoles, les lycées, les entreprises, qui font l’objet d’une protection. Nous savons que ceux qui veulent frapper la France veulent aussi porter atteinte à l’économie de pays partenaires et amis afin de les déstabiliser. Je veux redire aux Français qui vous lisent et qui vivent au Maghreb ou en Afrique de l’Ouest que tout est fait pour garantir leur sécurité. L’exercice de communication auquel vous devez vous livrer concernant votre politique d’immigration est pour le moins périlleux. Les chiffres d’entrées et de régularisations sont systématiquement considérés comme trop élevés par la droite et trop faibles par la gauche. C’est l’inverse pour les expulsions. Comment s’en sortir ?
C’est peut-être le signe d’une politique juste et équilibrée. Je souhaite – et je ne suis pas naïf – que ce débat sur l’immigration soit apaisé. Il a été instrumentalisé, en France et en Europe. Dans nos sociétés frappées par la crise économique, sociale, politique, la figure de l’immigré, et d’abord de l’immigré musulman, sert de bouc émissaire. Je ne l’accepte pas. Un débat apaisé implique une politique de gestion des flux migratoires qui soit respectueuse des personnes et ferme dans l’application des règles. On estime à 300 000 le nombre de sans-papiers en France. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé à procéder à des régularisations non plus selon le bon vouloir des préfectures ou sous la pression d’associations, mais sur la base de critères objectifs, jeune afrique
p Arrestation d’un militant islamiste présumé à Cannes, en octobre 2012.
pérennes et transparents. C’est ce que nous avons mis en place avec la circulaire du 28 novembre dernier. La politique que je mène n’est pas celle de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, c’est celle du président de la République et de son Premier ministre. Il y a eu en 2012 environ 35 000 régularisations. Il ne devrait pas y en avoir plus en 2013. Il y a des régularisations, mais il y a aussi des reconduites à la frontière pour les personnes qui n’ont pas vocation à rester en France. Je précise que beaucoupdesreconduitesàlafrontièreontconcerné en 2012 des ressortissants européens, notamment bulgares et roumains, qui étaient encouragés à venir en France par un mécanisme pernicieux et contre-productif d’aide au retour. Je l’ai supprimé. Dans votre dernière circulaire envoyée aux préfets, vous leur recommandez « un maximum d’éloignement ». C’est clair…
Les migrations sont un défi pour notre planète. Elles sont souvent la conséquence de drames ou de la pauvreté. Les personnes qui pensent trouver une meilleure vie au Nord sont mues par une force que rien n’entrave. J’ai pu rencontrer à Calais des Éthiopiens et des Somaliens et j’ai saisi l’ampleur de ces drames. En même temps, un État doit se doter de règles et les appliquer. Et si nous décidions de régulariser tout le monde, cela créerait un appel d’air insoutenable pour notre pays. La fermeté est indispensable. Il y a eu environ 36 000 expulsions de France en 2012. Est-on sur la même tendance en 2013 ?
Oui, même s’il n’y a pas d’objectif chiffré.
n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Grand angle France Vous avez parlé de « saturation » pour ce qui est du droit d’asile. Expliquez-vous…
Le droit d’asile est un droit fondamental qui est aujourd’hui détourné par ceux dont on sait parfaitement qu’ils ne fuient pas leur pays pour des raisons politiques ou de sécurité. Lorsque ces personnes sont déboutées, elles entrent dans le cadre de la politique migratoire, et les règles prévues doivent s’appliquer avec fermeté. Pourquoi avez-vous abrogé la circulaire Guéant restreignant l’entrée en France des étudiants étrangers ?
Cette circulaire était un non-sens qui a nui à l’image de la France. Pourquoi les étudiants marocains ou sénégalais iraient-ils dans d’autres pays européens ou en Amérique du Nord alors qu’il y a tellement de liens avec la France et un système universitaire de qualité? Nous avons donc publié une nouvelle circulaire et nous menons un travail d’ampleur, qui est loin d’être terminé, sur l’accueil des étudiants en préfecture. De plus, nous voulons instaurer un titre de séjour pluriannuel pour les étudiants, qui les sécurisera dans leur parcours universitaire. Parlons de l’accueil en préfecture, mais aussi dans les consulats et les ambassades. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les usagers ne perçoivent guère d’amélioration…
Il faut du temps. L’accueil des étrangers dans les préfectures constitue pour moi une priorité. La faute n’est pas celle des agents de préfecture, qui font un travail difficile avec professionnalisme et un grand sens du service public. Ils pâtissent eux aussi de cet accueil dégradé. Vivant à Évry, en face de la préfecture de l’Essonne, j’ai pu constater ces files d’attente où les gens, notamment des mamans avec leurs enfants, stationnent souvent toute la nuit, en étant parfois exploités par des personnes qui font payer leur place dans la file. Nous voulons y mettre un terme. Sachant qu’il y a 5 millions de passages en préfecture d’étrangers chaque année alors que la France compte moins de 4 millions d’étrangers, nous avons mis en place deux actions : la création d’une mission d’appui pour chaque préfecture, chargée de diagnostiquer les causes des problèmes et de définir des voies d’amélioration, et la carte de séjour pluriannuelle de trois ans, qui sera un élément du désengorgement et permettra un accueil plus digne. Et en ce qui concerne les visas ?
Avec Laurent Fabius, nous allons, dans quelques jours, envoyer une circulaire aux consulats pour que soit prise toute une série de mesures d’amélioration de l’accueil des demandeurs de visa. Il s’agit de répondre à un constat assez négatif – il ne faut pas se voiler la face – établi par une n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
mission d’inspection que nous avions diligentée, le ministre des Affaires étrangères et moi-même. Par ailleurs, nous allons rénover totalement notre système informatique et veillerons, en dépit d’une période budgétaire difficile, à maintenir un nombre d’agents suffisant. Autre sujet sensible : le droit de vote des étrangers. C’était une promesse de plus de trente ans de la gauche et l’une des promesses du candidat François Hollande, à laquelle vous avez vousmême souscrit. Puis tout s’est brouillé… Vous avez déclaré que ce n’était pas une « revendication forte de la société française ». Récemment, le président Hollande a affirmé que le projet de loi pourrait être préparé pour après les élections locales de 2014… Pourquoi tous ces atermoiements ?
Le droit de vote des étrangers est un engagement présidentiel. Il faut donc trouver les voies pour le mettre en œuvre. Reste que le cadre institutionnel s’impose à nous tous. Une telle réforme ne peut être adoptée que de deux manières. La première, c’est par le vote du Congrès, avec une majorité de trois cinquièmes des députés et des sénateurs. Clairement, cette majorité, nous ne l’avons pas aujourd’hui. Il nous faudrait 30 à 40 députés et sénateurs de droite pour l’approuver. Aucune voix de l’opposition jeune AfrIque
Interview de Manuel Valls sujet pourraient effectivement raviver des tensions dans notre société. Selon moi, l’intégration des étrangers doit se faire avant tout aujourd’hui par le logement, l’emploi, l’école, mais aussi par la naturalisation. Depuis un an, nous avons inversé la courbe du pouvoir précédent, qui, sans loi ni procédures écrites, avait réduit le nombre de naturalisés. Moi, je crois que c’est une fierté de devenir français. Je le suis devenu moi-même. C’est aussi une fierté pour la France d’accueillir de nouveaux Français. Cela dit, il faut être réaliste : le grand défi de la France dans ce domaine, c’est la citoyenneté. Pourquoi dans nos quartiers populaires autant de jeunes Français ne votent pas ? Parce que leurs parents ne votent pas ? Je ne crois pas. Il y a dans les quartiers une rupture citoyenne. La misère, le chômage, la pauvreté, la violence, la drogue, le désespoir font que beaucoup considèrent que voter ne sert à rien. On ne peut donc pas tout résumer au droit de vote des étrangers.
Bruno Levy
Dans votre ville d’Évry, on trouve une cathédrale, une mosquée, un temple, une synagogue, une pagode… C’est cela, la France de la laïcité ?
n’a émis l’intention de soutenir ce projet. Ce texte ne peut donc actuellement pas passer. L’autre possibilité, c’est celle du référendum. Le président de la République considère, à juste titre, que l’on ne peut pas diviser la société française à ce sujet. C’est à lui de choisir les modalités. Il s’est engagé dernièrement à présenter un texte au Parlement après les municipales de 2014. C’est une proposition sans arrière-pensée politique, car l’accusation qui est souvent faite à la gauche, c’est de vouloir gonfler le corps électoral avec de nouveaux électeurs étrangers qui lui seraient acquis… Quelle est votre position personnelle sur le sujet?
Au cours des législatures précédentes, j’ai été le principal orateur du groupe socialiste à l’Assemblée nationale sur des propositions de loi instaurant le droit de vote des résidents étrangers non communautaires. J’ai vu mes parents, espagnols, voter pour la première fois aux élections municipales de 2001. Je trouve assez logique que des Sénégalais, des Maliens, des Marocains ou encore des Algériens qui sont en France depuis longtemps puissent voter à ces élections. C’est un droit qui existe dans d’autres pays européens. Cependant, je connais le contexte politique dans lequel nous agissons. Dans les enquêtes d’opinion, unemajoritédeFrançaisestopposéeàcettemesure. D’autre part, un débat ou un référendum sur le jeune afrique
p File d’attente devant la préfecture de Bobigny, en région parisienne, le 23 mai au petit matin.
La laïcité, c’est le respect des cultes, de ceux qui croient comme de ceux qui ne croient pas. La séparation des Églises et de l’État. Mais ce n’est en rien la négation des religions. J’ai une responsabilité majeure qui est d’apaiser et de permettre à la France de faire la démonstration que l’islam est pleinement compatible avec la démocratie, l’égalité homme-femme et la laïcité. Nous avons voté en 2004 presque à l’unanimité à l’Assemblée nationale une loi interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école. Cette loi s’applique, et d’ailleurs plutôt bien. Il y a eu ensuite un débat plus frontal, lancé par des responsables politiques de droite et de gauche, sur l’interdiction de la burqa dans l’espace public. Cette loi a été votée en 2010 par un certain nombre de députés socialistes, dont moi-même.
Si nous décidions de régulariser tout le monde, l’appel d’air serait insoutenable pour la France. Cette loi s’applique-t-elle toujours ? Une femme qui se promène aujourd’hui avec un voile intégral risque-t-elle une amende, comme prévu ?
Cette loi s’applique avec le discernement nécessaire. La police et la gendarmerie agissent. Des procès-verbaux sont établis. Cette loi, ce n’est évidemment pas une loi contre l’islam, c’est une loi pour la liberté des femmes. Car la burqa nie la condition et l’émancipation des femmes. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Grand angle France toujours. Vous partagez donc cette analyse ?
Vous avez qualifié les imams radicaux de prédicateurs de la haine. Vous en avez d’ailleurs expulsé un certain nombre…
Oui. Je connais bien l’attachement à la cause palestinienne chez vos lecteurs mais aussi en France. Nous souhaitons tous qu’un processus de paix aboutisse et que les Palestiniens aient leur État. Mais là encore, nous ne devons pas nier ce qui existe dans un certain nombre de nos quartiers populaires, c’est-à-dire l’exploitation du conflit au Proche-Orient pour propager l’antisémitisme et la haine. L’antisionisme consiste à contester l’existence même d’un État pour les Juifs. C’est passer de la critique, légitime, de la politique du gouvernement israélien – critique d’ailleurs présente dans la société israélienne elle-même – à un refus d’un droit fondamental pour tout peuple de disposer de lui-même dans des frontières sûres. Voilà pourquoi l’antisionisme a un lien avec l’antisémitisme. Je milite avec la même force pour que les Palestiniens disposent d’un État et pour que l’État juif ne soit pas contesté.
Oui, ceux qui ne sont pas français.
Et pour ceux qui sont français ?
C’est plus difficile. Il y a un travail des services de renseignements et un travail avec les responsables du culte musulman afin que ces prédicateurs ne soient pas admis dans les mosquées. Combien sont-ils exactement, ces imams radicaux ?
Quelques dizaines, pas plus. Mais il n’y a pas de place pour eux dans la République.
Lors de l’inauguration de la mosquée de Strasbourg, vous avez dit, à propos de l’intégrisme : « C’est aujourd’hui dans l’islam qu’il suscite la crainte. » Que dire par exemple des extrémistes des autres religions, comme les intégristes catholiques de Civitas ?
Dans chaque religion, il y a des intégristes. Mais cette crainte existe dans le peuple et il ne faut surtout pas la nier. Il faut combattre aussi tous les amalgames. Quand je vais à une rupture du jeûne
Y a-t-il en Afrique un réseau Valls comme il y a eu un réseau Pasqua et, dans une certaine mesure, un réseau Guéant ?
Non, il n’y en a pas. Pas plus que des conseillers occultes, et sur ce point-là le président de la République est très vigilant. Quels liens entretenez-vous avec l’Afrique ?
VINCENT FOURNIER/J.A.
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ou que j’inaugure des mosquées, c’est bien pour dire que l’islam, deuxième religion de France, y a toute sa place. L’islam de France, tolérant et ouvert, est une chance pour notre pays. Il faut enfin lutter contre la haine. Lorsqu’il y a dans plusieurs villes une recrudescence des actes contre l’islam, comme une recrudescence des actes antisémites, l’État doit être là pour combattre ces agissements inacceptables. Vous aviez dit aussi que derrière tout antisioniste se cache un antisémite. C’est effectivement l’opinion et l’analyse de la communauté juive depuis n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
p Au cours de l’entretien avec J.A. À g., Emmanuel Barbe, conseiller diplomatique du ministre.
J’ai deux relations avec l’Afrique. La première est très personnelle : le père de ma mère, qui était suisse-italien, a passé une grande partie de sa vie en Afrique, en Sierra Leone. Je m’y suis rendu avant la guerre civile, sur les traces de ce grand-père. Après sa mort, nous avons découvert plus tard qu’il avait un fils là-bas, métis. C’était mon oncle. La deuxième relation avec l’Afrique, je l’ai eue à travers mon mandat d’élu de banlieue parisienne pendant vingt-cinq ans. Au fond, l’Afrique et le Maghreb, je les ai surtout connus là, à travers cette relation particulière avec les gens. Et puis il y a la relation personnelle, amicale, affectueuse, intellectuelle, qui existe à travers la ville d’Évry, sa population d’origine africaine et les jumelages avec Kayes, au Mali, ou Dakar et Nouakchott. L’Afrique, que j’aime et que je connais, est un continent merveilleux par sa richesse humaine et par son génie. Vous avez une cote de popularité bien plus forte que celles du Premier ministre et du président. Qu’en dites-vous ?
Les enquêtes d’opinion ne peuvent être qu’un encouragement à poursuivre la mission que m’a confiée le président de la République. Mais je connais leur fragilité aussi. Elles m’incitent donc surtout à garder les pieds sur terre et à être modeste. Et puis j’ai la conviction que la réussite prend du temps et ne peut être que collective. Je vois jeune AfrIque
Interview de Manuel Valls par ailleurs dans le soutien que m’accordent les Français une forme de cohérence. Ce que je disais avant, ce que j’ai fait avant, comme maire et député, n’est pas en rupture avec ce que je mets en œuvre en tant que ministre de l’Intérieur. Quand The Economist vous qualifie de « Socialist Sarkozy », qu’est-ce que cela vous fait ?
Ce sont de vieilles idées. Cela vient aussi de ceux qui, à droite, n’acceptent pas qu’un homme de gauche s’occupe de sujets qui seraient l’apanage de la droite. L’ordre républicain, l’autorité, la sécurité, la gestion intelligente des flux migratoires, c’est pourtant de gauche. La gauche devrait être laxiste, régulariser tout le monde, ne pas regarder la société telle qu’elle est? Non. Certains voudraient réduire le débat à une opposition entre la droite autoritaire et la gauche laxiste. Eh bien moi, je refuse et je casse ce schéma dépassé ! C’est pour cela, entre autres, qu’aujourd’hui et à ce stade je suis populaire. Dans les portraits qui vous sont consacrés, on lit souvent les mots : « tranchant », « ambitieux », « fait de la politique pour commander », « narcissique »… Vous vous y reconnaissez ?
Ambitieux, oui. Vous avez déjà vu des responsables politiques ne pas être ambitieux? Tranchant, dans le sens où je décide, oui. Narcissique ? Pas trop, non. Au contraire, on me dit parfois réservé. J’écoute, j’apprends tous les jours, surtout des gens que je rencontre.
Vous avez été naturalisé à l’âge de 20 ans. Pourquoi avez-vous fait ce choix ? Y a-t-il eu un débat ?
Il y a eu débat en mon for intérieur, bien sûr. Ma sœur, qui est née en France, contrairement à moi, a fait le choix inverse, celui de partir vivre à Barcelone. Mon père, décédé il y a quelques années, savait ce qu’il devait à la France, qui l’avait accueilli comme artiste peintre. Je savais moi aussi ce que je devais à ma famille, très modeste sur le plan financier, très riche sur le plan intellectuel, et ce que je devais à l’école de la République. À un moment donné, il m’est apparu comme une évidence que ma vie se ferait dans ce pays que j’aimais par-dessus tout. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir une triple culture. Je parle catalan et castillan avec ma famille paternelle et italien avec la famille de ma mère. À l’époque, on ne pouvait pas être binational. J’ai donc fait le choix d’être français. Avant vos 20 ans, vous étiez un étranger en France. L’avez-vous ressenti ?
Je me suis rendu compte que je n’étais pas français quand, à l’âge de 16 ans, j’ai dû demander une carte de séjour de deux ans. L’entretien dans un commissariat et la longue quête de cette jeune afrique
carte de séjour à la préfecture, ce ne furent pas les moments les plus agréables de ma vie. Si vous deviez, en un mot, qualifier quelques-uns des ministres de l’Intérieur qui vous ont précédé. Joseph Fouché ?
Cruel.
Georges Clemenceau ?
Républicain.
Jules Moch ?
Injustement critiqué.
Être comparé à Nicolas Sarkozy, ce n’est pas infamant. Il reste un ministre de l’Intérieur qui a compté. François Mitterrand ?
Ce ne fut pas sa meilleure période…
Gaston Defferre ?
Un grand réformateur, avec notamment les lois de décentralisation. Jean-Pierre Chevènement ?
Je l’aime beaucoup, nous sommes amis. Il a un grand sens de l’État. Nicolas Sarkozy ?
En 2002, il a compris que la question de la sécurité était au cœur des préoccupations de la société française. Il a donné alors le sentiment de traiter ce problème. En cela, il reste aux yeux de l’opinion un ministre de l’Intérieur qui a compté. Dix ans après, je constate surtout les dégâts de sa politique, notamment l’abandon de la police de proximité dans les banlieues. Vous savez que beaucoup vous comparent à lui ?
Être comparé à un ancien président de la République ou à un ancien ministre de l’Intérieur, ce n’est pas infamant. À condition que cette comparaison soit faite dans le cadre d’un débat ouvert et tolérant.S’ils’agitseulementdemettredesétiquettes, je ne vois pas très bien de quoi il en retourne. Vous avez un rapport très privilégié avec le chiffre 2. On vous l’a déjà dit ?
Non.
Vous êtes né en 1962, naturalisé en 1982, élu député de l’Essonne en 2002, nommé ministre de l’Intérieur en 2012. Que se passera-t-il en 2022 (date de la fin du second mandat de François Hollande, si ce dernier est réélu en 2017) ?
[Éclat de rire.] Nous nous retrouverons à ce moment-là ! l n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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afrique subsaharienne
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Mali
Sables mouvants Ruptures, ralliements, revendications… Dans le nord du pays, les positions des nombreux groupes touaregs n’en finissent pas de changer. Et de freiner les espoirs de paix.
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AHMED OUOBA/Afp
ans le Mali septentrional, il en va des alliances politiques comme des dunes de sable : le paysage peut changer d’un jour à l’autre. Alors que l’élection présidentielle annoncée pour le 28 juillet approche et que l’on ne sait toujours pas si l’on pourra voter à Kidal – la ville du Grand Nord toujours occupée par les hommes en armes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ce qui constitue, pour nombre de Maliens,
RéMi CaRaYOl
un scandale –, on assiste à une recomposition aussi spectaculaire qu’indécise des forces en présence. Une partie des Ifoghas, tribu qui fut à l’origine de toutes les insurrections touarègues depuis l’indépendance mais a été reléguée ces dernières semaines au second plan de la rébellion, tente de reprendre la main à travers l’une de ses illustres familles : les Intalla. « C’est une constante dans l’histoire des rébellions, explique un fin connaisseur du monde touareg. Dès que les combats sont en voie d’extinction, chacun essaie de se placer pour participer aux discussions. » Le 19 mai, Intalla Ag Attaher, le patriarche octogénaire, a fait savoir qu’il démissionnait du MNLA pour prendre la présidence du Haut Conseil de l’Azawad (HCA), une structure mise sur pied il y a
Afrique subsaharienne quelques semaines par l’un de ses fils, Mohamed Ag Intalla. Le même jour, un autre de ses fils, Alghabass Ag Intalla, annonçait à son tour son ralliement au HCA et, par là même, la dissolution de son groupe armé, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA). Un coup dur pour le mouvement qui a déclenché la rébellion en janvier 2012, comme en témoigne le démenti énergique mais vain de l’un de ses représentants installé à Ouagadougou, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh : « C’est de l’intox. Intalla n’a pas démissionné. » Malgré son grand âge et ses problèmes de santé, Intalla Ag Attaher reste une référence.
Depuis qu’il a hérité de son père (Attaher Ag Illi), en 1962, le titre d’aménokal de Kidal, il est à la fois le chef suprême des Ifoghas (et, à ce titre, l’autorité morale de Kidal) et le patriarche de toutes les tribus vivant dans l’Adrar des Ifoghas. destinÉ. À la naissance du MNLA , en
octobre 2011, il ne manquait aucun Intalla. Aujourd’hui, il n’en reste plus un seul. Le fils aîné de l’aménokal, Mohamed, député à l’Assemblée nationale, a également quitté le mouvement armé le 19 mai. C’est lui qui, il y a quelques semaines, a créé le HCA, dont il est aujourd’hui le secrétaire général. « Pour intégrer le HCA, explique-t-il à Jeune Afrique, il faut n’appartenir à aucun autre groupe. D’où la démission de mon père et la mienne. » D’où, aussi, la dissolution du MIA décidée par son frère, Alghabass. Le parcours de ce dernier illustre la mouvance des alliances dans la région. Destiné à succéder à son père à la tête des Ifoghas (ainsi en a décidé « le vieux »), Alghabass, qui, comme son frère, est député de l’Assemblée l l l
p Alghabass Ag Intalla, le fils et successeur désigné du patriarche des Ifoghas, vient de dissoudre son groupe armé pour rejoindre le Haut Conseil de l’Azawad.
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Afrique subsaharienne Mali nationale, a d’abord participé à la création du MNLA. Lorsque Iyad Ag Ghaly, vexé de n’avoir pu prendre la tête du MNLA, a, quelques semaines plus tard, créé son propre groupe armé, Ansar Eddine, il a décidé de le suivre. « Alghabass n’est pas un islamiste, mais il a estimé qu’Iyad était le meilleur choix », explique un familier du clan. Mauvaise pioche : en janvier, après l’échec de son offensive sur le Sud, Iyad, qui s’était allié aux groupes jihadistes, est définitivement devenu infréquentable. Alghabass a alors créé le MIA. Depuis, il a régulièrement tenté de se rabibocher avec les dirigeants du MNLA et de renouer avec les Français. Aux premiers, il a proposé de fusionner et de changer de nom, sans succès. « Le MNLA estime qu’il a la légitimité et surtout la reconnaissance internationale. Pour eux, il est hors de question de changer de nom. La seule chose qu’ils nous proposent, c’est de les rejoindre », expliquait en mars un cadre du MIA. Aux seconds, il a réclamé d’être considéré comme un interlocuteur pour la paix, toujours sans succès. « Les Français ne veulent pas discuter avec un groupe issu d’Ansar Eddine », explique un diplomate ouest-africain. D’où son nouveau pari : le HCA. lll
FAILLES. Officiellement, le Haut Conseil est là pour
rassembler et faire la paix. « Notre objectif, à court terme, est de réconcilier tous les Azawadiens : les Touaregs, les Arabes, les Peuls, les Songhaïs, indique Mohamed Ag Intalla. À plus long terme, nous voulons trouver une solution – l’autonomie ou une fédération – avec le gouvernement malien et la communauté internationale. » La volonté des Intalla de fédérer « l’ensemble des communautés du Nord » est cependant loin de faire l’unanimité. « Ce n’est rien d’autre qu’un moyen, pour les gens d’Ansar Eddine et du MIA, de se refaire une virginité », peste un représentant des Imghads, une tribu touarègue en rupture avec les Ifoghas. Et de poursuivre : « Les Ifoghas sont le problème du Nord. Ils ne comprennent pas la démocratie. Pour eux, il est impensable qu’un autre groupe que le leur gouverne. » Au MNLA, où l’on trouve plusieurs groupes touaregs mais où les Ifoghas sont en minorité, il n’est pas besoin de creuser en profondeur pour entendre le même son de cloche. Dans un communiqué publié le 21 mai, Moussa Ag Attaher, un porte-parole, rappelle que « le Haut Conseil de l’Azawad est une initiative mise en place par certains notables de la région de Kidal et ne représente de ce fait qu’une structure locale. Le MNLA […] est un mouvement national dépassant le cadre local de Kidal ». Certes, le groupe armé a donné son accord de principe pour intégrer le HCA, mais il ne veut voir dans cette nouvelle entité qu’une simple « commission chargée de faciliter l’union des Azawadiens ». Il est pour lui n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
p Hommes en armes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) dans les rues de Gao (en juin 2012).
hors de question de s’y fondre. Encore moins de le laisser participer aux négociations avec l’État malien. « Les Azawadiens ont déjà fait leur choix : celui du MNLA, vitupère Ag Assaleh. Le MIA et le MAA [Mouvement arabe de l’Azawad] sont des groupes de blanchiment de terroristes ! » La virulence de la réaction du MNLA illustre ses failles. Selon un spécialiste de la région, le groupe est traversé par deux tendances a priori irréconciliables : « D’un côté, il y a les Libyens, ceux qui ne connaissent pas le Mali, ont grandi en Libye et ne sont venus avec les armes qu’en 2011, après la chute de Kaddafi. Ce sont les plus radicaux. Ils sont déconnectés de la réalité. Ils ne veulent pas intégrer le HCA et feront la guerre jusqu’au bout. De l’autre, il y a les Touaregs du Mali, qui sont plus respectueux des traditions et n’iront pas à l’encontre de l’aménokal. Ceux-là sont prêts à faire la paix et à rallier le HCA. » Les premiers sont dirigés par le chef d’état-major du MNLA, Mohamed Ag Najiim, un Idnan qui a intégré l’armée de Kaddafi dans les années 1980 (il a notamment combattu au Tchad). C’est lui le vrai patron du mouvement. Les seconds suivent Bilal Ag Acherif, qui a étudié en Libye mais est resté proche « des gens du bled », et qui appartient à la communauté des Ifoghas. Malgré son titre de président du mouvement, il n’est pas le dernier décideur. Tous deux sont basés à Kidal. Le départ des Intalla pourrait être une jeune AfrIque
sables mouvants
dr
du MNLA », parie un médiateur, qui rappelle que la France ne le soutient plus avec la même vigueur que par le passé (lire ci-dessous). La position du groupe armé est d’autant plus intenable qu’il est en conflit avec d’autres mouvements du Nord. « Ils sont presque en guerre avec les Arabes. Et les Imghads, qui sont restés fidèles au Mali et au colonel Gamou, n’attendent que le feu vert de Bamako pour en découdre avec eux », explique un Touareg basé dans un pays voisin.
conséquence de la « rupture entre ces deux groupes » dont parlent plusieurs familiers du Nord-Mali. Selon une source diplomatique, d’autres personnalités ont démissionné ces derniers jours, parmi lesquelles des officiers de l’armée malienne qui avaient déserté en 2012. « On va vers l’isolement
noUvelles menaces. Mi-mai, de violents affrontements ont opposé des combattants du MNLA à des hommes du MAA dans la région d’Anefis. Le MNLA, qui sait ce que les Occidentaux veulent entendre, affirme qu’il s’agissait d’une « attaque terroriste ». Une source sécuritaire régionale précise que le MAA, groupe armé qui a vu le jour en avril 2012 et aurait opéré un rapprochement avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), constitue « une nouvelle menace terroriste ». Il fait pourtant partie des interlocuteurs à prendre en compte. Dans ces conditions, il semble difficile pour le médiateur,leprésidentburkinabèBlaiseCompaoré, comme pour Tiébilé Dramé, le représentant du président malien Dioncounda Traoré, d’entamer des négociations. Tout le monde, à Paris comme à Bamako et à Kidal, semble cependant s’accorder sur un point : il n’y aura de discussions sérieuses qu’après les élections. En attendant, ni le MNLA ni le HCA ne veulent voir l’armée malienne pénétrer à Kidal. « Les élections devront être sécurisées par la France et les Nations unies », exige Mohamed Ag Intalla. Ouagadougou négocie un accord allant dans ce sens. l
Y a-T-Il encoRe Une « fRench connecTIon » ?
L
e Mouvement national de libération de l’Azawad (MLNA) a-t-il toujours ses entrées au Quai d’Orsay ? La dernière délégation de la rébellion touarègue, conduite par son chef, Bilal Ag Achérif, a été reçue le 22 novembre 2012 à Paris par Jean Félix-Paganon, le représentant spécial de la France pour le Sahel, remplacé depuis par Véronique Roger-Lacan. Et leur principal interlocuteur au ministère français des Affaires étrangères, Laurent Bigot, qui était chargé de l’Afrique occidentale au Quai d’Orsay, a été démis de ses fonctions en mars. Dans l’une de ses jeune afrique
dernières notes, il préconisait que le MNLA devienne une formation politique pour enclencher le dialogue avec les autorités maliennes. Lors de son passage à Bamako en février, François Hollande a lancé un appel au désarmement des groupes armés, dont le MNLA. Appel réitéré récemment par les militaires français. Mais le 2 mai, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’est inquiété d’un vide sécuritaire dans l’ExtrêmeNord et a rappelé l’importance du processus de réconciliation au Mali, notamment celle du dialogue entre le pouvoir et le MNLA.
Sur le terrain, à Kidal, les officiers français ont des contacts réguliers avec Mohamed Ag Najim, chef d’état-major du MNLA. Ses troupes sont déployées dans la région, où la France tient l’aéroport, et Paris semble utiliser la connaissance du terrain qu’ont ses hommes pour y traquer les jihadistes. Le MNLA trouve aussi, parmi les parlementaires français, des oreilles attentives à ses revendications autonomistes, comme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, qui s’est prononcée en février
pour la mise en place d’un plan d’autonomie dans le nord du Mali. François Alfonsi, eurodéputé de Corse, a aussi reçu des membres du MNLA fin avril à Paris. Sur le plan médiatique, le porteparole du mouvement, Moussa Ag Assarid, fait jouer son carnet d’adresses d’ancien pigiste à Radio France Internationale et à France Culture pour accéder aux rédactions parisiennes. Il en fait notamment profiter tous les responsables du MNLA, dont Nina Wallet Intalou, inlassable militante de la cause indépendantiste du mouvement. l Pascal aIRaUlT n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Afrique subsaharienne
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tribuNe
DR
Opinions & éditoriaux
Patrice NGaNaNG Écrivain camerounais, professeur de théorie littéraire et culturelle à la State University of New York
La Saison des prunes, de patrice nganang, Éditions philippe Rey, 450 pages, 19,50 euros
Qu’arrive-t-il aux Maliens?
C
ette question n’est pas de moi, mais d’alexis Kalambry, directeur de publication des Échos, l’organe de la coopérative Jamana qui a jadis porté alpha oumar Konaré au pouvoir et, depuis la guerre, n’a publié que le silence de son créateur. C’est pourtant cette question qui m’a conduit au mali où, invité plusieurs fois, en temps de paix, par un festival d’écrivains, je n’ai vraiment eu envie de me rendre que cette fois. pour écouter et, surtout, pour comprendre. mais voilà, comment comprendre l’aveu d’ousmane diarra quand il me dit avoir éclaté de rire à la lecture de la condition que je lui avais posée à ma venue : qu’il m’organise une rencontre avec « alpha », comme on l’appelle affectueusement ici. alpha qui, pour moi, fils des années de démocratisation, est bien le début de quelque chose de sublime. Ce rire d’ousmane m’ouvrit la fracture entre l’État et la nation, devenue si profonde que demander à rencontrer un intellectuel – même président à la retraite – paraît saugrenu. Je n’arrivais pas à comprendre l’étourdissement soudain des maliens, eux pourtant si lucides et si diserts, devant l’effondrement de leur pays. ni ce qui les a fait, eux gens si fiers, soudain se dire français comme seuls certains de nos grands-parents le faisaient en 1940.
touaregs stationnés dans le nord retournaient leur veste pour soutenir les rebelles, dans un double abandon de l’État qui, sans personne pour le défendre, s’est effondré. Crise qui est sur toutes les lèvres, et désigne une guerre que personne ne veut nommer, pas même les journaux. Crise qui fait que ce boutiquier n’a plus de clients. Crise qui empêche cet élève, témoin oculaire des combats, d’expliquer à ses camarades ce qui s’est passé parce que le seul mot qui lui vient est violent. Crise qui fit que Gao ettombouctou ont été mis à sac, tandis que Kidal demeurait intouché, à l’étonnement savant de
Après les élections et, donc, à la fin de la guerre, la crise restera intacte.
Un étourdissement historique que je trouvai dans cette photo d’aminata traoré se tenant sur le même balcon que les putschistes du capitaine sanogo, dans les bras duquel « elle a sauté », me dit-on ici, avant de retrouver son habituelle vulgate altermondialiste. un étourdissement que je retrouvai dans la prise de position proputschiste de seydou Badian Kouyaté, auteur de l’hymne national de son pays et d’un roman que nous avons lu au lycée. « quelle est la plus grande université de la terre? me demanda Keita, inspecteur pédagogique à la retraite que je rencontrai au maquis Bavaria. eh bien, c’est la rencontre. » et j’en ai rencontré des maliens, plusieurs centaines en si peu de temps, de tous les âges, à l’école, dans les rédactions, au marché, dans la rue, dans les salles à manger, sur les toits au clair de lune, dans les grins. m. Coulibaly, déplacé de Gao, qui me dit que c’est l’injustice et l’impunité, la cause de la crise. malick, cadre dans une banque, qui me répète que c’est le développement. djibril, pour qui la corruption a empli l’armée nationale de fils d’officiers refusant de se battre, tandis que les officiers
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chacun ici. après des heures de conversation sur Gao, malick me confie qu’aujourd’hui ceux qui sont de Gao y sont restés et ceux qui étaient à Gao en sont partis. différence essentielle entre le « de » et le « à », entre autochtones et rebelles, forces loyales et bandits. C’est ibrahim aya, éditeur de la très belle collection internationale de poèmes Voix hautes pourTombouctou, publiée en soutien au pays, qui me rappela qu’au fond la crise malienne n’a pas seulement plusieurs visages. depuis la colonisation française elle était rébellion touarègue, depuis le temps de modibo Keita elle est devenue cyclique, et aujourd’hui elle s’est cristallisée sur les ifoghas. « C’est qu’ils considèrent les noirs comme leurs esclaves » fut bientôt comme un refrain autour de moi. affront racial n’épargnant pas même l’écriture tamasheq qui, lue à travers le prisme de la crise, devient signe de distinction, tout comme « l’islam dur qu’ils pratiquent », et explique le tiède soutien, sinon le « double jeu », de l’algérie et des pays du maghreb. « Lestouaregs ont treize classes sociales », me rappelle alexis Kalambry, en dessous desquelles se trouvent les Bella, les esclaves noirs, dans un mali majoritairement noir. Chiasme explosif, nœud de la crise. seulement, cette fois, ils ont fait alliance avec les terroristes, avec les narcotrafiquants. inutile de dire que, face à une telle complexité, tous ceux que j’ai écoutés ont balayé la solution du fédéralisme et sont d’accord sur le fait qu’après les élections et, donc, à la fin de la guerre, malgré les nombreux morts et les efforts de chacun pour qu’advienne la paix, la crise malienne restera intacte. l jeune AfrIque
Afrique subsaharienne d’enquête parlementaire pour identifier les complices du chef milicien et mettre au jour tous ses trafics. Pour les autorités, il reste aussi à faire déguerpir des forêts classées du parc national du mont Péko tous les planteurs illégaux qui les ont investies depuis une dizaine d’années, à l’instar de Ouérémi.
Côte d’IvoIre
Fin de partie pour Ouérémi Le tristement célèbre chef de milice, qui sévissait depuis des années dans l’ouest du pays, a été arrêté. Il en aura fallu du temps et des exactions…
CUEILLI. Le 22 mai, les pouvoirs publics
E
«
n octobre dernier, j’ai fait la promesse de partir après la grande récolte de cacao, mais la petite traite a tellement donné que je suis retourné dans la forêt. Je regrette mon attitude, j’ai commis de graves erreurs », a expliqué, contrit, Amadé Ouérémi aux gendarmes venus l’interroger après son arrestation. C’était le 18 mai, à 11 heures, au camp militaire de Duékoué (dans l’ouest du pays). Deux heures plus tard, le seigneur du mont Péko aététransféréparhélicoptèreàAbidjan,où il est actuellement en résidence surveillée dans l’attente d’une décision des autorités. Il faut dire que ce planteur d’un genre particulier est soupçonné de crimes de jeune afrique
dr
t Amadé Ouérémi après son arrestation, à Bagohouo, le 18 mai, le tee-shirt bourré de gris-gris.
ivoiriens n’avaient toujours pas indiqué ce qu’ilscomptaientfairedudétenu.Plusieurs solutions sont envisageables: un jugement en Côte d’Ivoire, un transfert à La Haye (Pays-Bas) devant la Cour pénale internationale (CPI), ou encore une extradition au Burkina Faso, dont il est ressortissant. « Il a commis ses crimes chez notre voisin ivoirien. C’est à la justice de ce pays de le juger », estime toutefois un conseiller du président burkinabè, Blaise Compaoré. Le chef de milice burkinabè a été cueilli, le 18 mai, par les troupes du bataillon de sécurisation de l’Ouest (BSO), dirigé par le commandant Losseni Fofana, dit « Loss », et du bataillon de sécurisation du Sud-Ouest, commandé par le capitaine Yacouba Diomandé, dit « Delta ». Quelque 200 hommes, appuyés par ceux de la gendarmerie, s’étaient déployés, deux jours plus tôt, près du mont Péko, où étaient retranchés Ouérémi et ses miliciens, estimés à plus d’une centaine. À 3 heures du matin, les soldats sont arrivésdanssonfief,uncampementà8km duvillagedeBagohouo.Ilsluiontdemandé de le suivre. Il a refusé et a exigé la présence du lieutenant Coulibaly, ancien commandant des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de Kouibly, aujourd’hui chargé de la zone de Tabou (Sud-Ouest). Arrivé rapidement sur les lieux, ce dernier, vieille connaissance du milicien, l’a convaincu de rejoindre Bagohouo pour un interrogatoire. Une fois sur place, Ouérémi s’est rendu compte qu’il s’était fait piéger. Son garde du corps a tenté de s’opposer avantd’êtreneutralisé.Lessoldatsontalors déshabillé Amadé et l’ont débarrassé de
guerre qu’il aurait commis durant la crise postélectorale de 2010-2011 (notamment le massacre du quartier du Carrefour, lors de la prise de Duékoué, fin mars 2011), mais aussi après (la destruction du camp de déplacés de Nahibly, en juillet 2012), sansparlerdestraficssurlesquels il avait la haute main. Planteur illégal, trafiquant… « L’arrestation de Ouérémi L’encombrant seigneur du mont montre que le président Ouattara peut mettre de Péko a été transféré à Abidjan. l’ordre s’il le veut », a réagi Mamadou Koulibaly, ancien président de ses nombreuses amulettes pour lui passer l’Assembléenationale.LepatrondeLiberté des habits neufs, avant de le transférer à et Démocratie pour la République (Lider), Duékoué. formation d’opposition, demande touteNé en 1964 à Akakro, dans la sous-préfois la mise en place d’une commission fecture d’Oumé (Centre-Ouest), Ouérémi, n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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de San Pedro jusqu’au 10 août 2011. Ce jour-là, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) récupère des armes et des munitions auprès de 90 membres de la milice. Ces derniers regagnent toutefois leur fief avec une bonne partie de leur arsenal et leurs tenues militaires. Pour les remercier, Loss plaide auprès du gouvernement le déclassement de la forêt du mont Péko. En vain. SANS PITIÉ. Au fil des mois, Ouérémi
dr
devient de plus en plus encombrant pour les autorités. Les ONG, la société civile et l’opposition souhaitent qu’il rende des comptes pour les massacres perpétrés à Duékoué. Ces derniers temps, après avoir p Le chef de milice (keffieh sur la tête) et ses hommes dans leur campement promis d’en déguerpir, il refusait de quitter du parc national du mont Péko, début avril 2011, après l’attaque de Duékoué. le mont Péko et de recevoir les émissaires du pouvoir. En fait, il étendait sa zone de son vrai nom Amadé Wirmi, est un debois,dediamant,d’ivoireetdecannabis. d’influence dans les forêts avoisinantes et enfant de l’immigration. À l’époque, Des activités très lucratives qui rapportent avait construit dernièrement un pont sur ses parents, tous deux burkinabè, sont la Sonh, l’un des principaux affluents du quotidiennement des millions de francs employés comme manœuvres agricoles. CFA. Produits et minerais sont acheminés fleuve Sassandra, pour développer ses Quelques mois après sa naissance, ils au Burkina, via les chefs de la rébellion. activités. Coût de l’opération, dont le miliretournent à Ouahigouya, grande ville du cien s’était vanté : plus de 80 millions de Lorsque la crise postélectorale éclate, nord du Burkina, où leur fils va grandir en décembre 2010, Ouérémi est appelé à F CFA (122000 euros). Le 29 avril dernier, au milieu de ses frères. la rescousse par le commandant Fofana jour du début de la tournée du président Ouattara dans l’ouest du pays, il dépêche ses éléments à ToblyHORS-LA-LOI. À l’âge de 22 ans, il décide Depuis quelques mois, Bangolo pour brûler le village de tenter sa chance en Côte d’Ivoire. Il il étendait sa zone d’influence et exécuter l’épouse de son frère s’installe à Bagohouo en compagnie de aîné, Madi, tué quelques jours son frère Madi. Il travaille d’abord comme dans les forêts avoisinantes. réparateur de vélos, puis devient planplus tôt par l’amant de sa femme. teur. Pendant son temps libre, il exerce et le lieutenant Coulibaly, alors en poste C’est la goutte d’eau qui fait déborder le comme féticheur. Rien de très illégal à Kouibly. Il participe aux réunions prévase. Les autorités décident d’agir. jusqu’alors. Mais la partition du pays, parant l’offensive à Man. Le 27 mars 2011, « Pourquoi suis-je le seul accusé de en septembre 2002, instaure une ligne peu avant les attaques des FRCI à l’ouest, crimesalorsquej’aicombattuauxcôtésdes de démarcation, appelée « zone de forces pro-Ouattara ? Ils veulent manger il reçoit des armes de la main de Maho confiance ». Cette dernière est supervisée Glofiehi, chef des milices pro-Gbagbo de sans moi », confiait récemment Ouérémi à par les forces françaises et onusiennes, l’Ouest, qui a été retourné par Loss. Deux l’un de ses proches. Sentait-il la fin venir? qui ne s’aventurent que rarement dans joursplustard,leshommesdeOuérémi,de Ce père de 26 enfants, marié à 6 femmes, les forêts classées. Quant aux agents des Loss, de Coulibaly et de Dramane Traoré analphabète, se plaignait aussi régulièreEaux et Forêts qui les protègent, ils n’ont ment de ne pas avoir été rémunéré pour (actuel chef du bataillon de sécurisation sa participation à l’offensive de l’Ouest et plus accès au parc national du mont Péko. de la région du Guémon) attaquent la ville Amadé s’y installe donc et en évince un de Duékoué. Bilan : plus de 800 morts, que ses hommes soient les grands oubliés Malien du nom de Bakary. Petit à petit, il selon les ONG. Une fois Gbagbo arrêté, du plan de désarmement et de réinsertion. devient un hors-la-loi et se met à comle 11 avril 2011, les miliciens de Ouérémi Aujourd’hui, il prétend avoir des regrets. Ceux qui le connaissent décrivent, eux, mercer avec les chefs rebelles. Avec leur continuent d’être utilisés comme forces complicité, il recrute des planteurs et se supplétives de la nouvelle armée dans un homme sans pitié, colérique, prêt à lancedanslebraconnage,letraficdecacao, tout pour l’argent. l PAScAL AIRAULT les opérations de ratissage de la région
The Global Fund/GeorGes Mérillon
Afrique subsaharienne
RD Congo
p Au centre hospitalier Libikisi (à Kinshasa), chaque mère d’enfant de moins de 5 ans reçoit une moustiquaire imprégnée.
Le palu, ennemi public numéro un Climat équatorial oblige, le pays est l’un de ceux où la malaria sévit en permanence, où elle fauche le plus de vies et n’est pas près de disparaître. Mais la prévention gagne du terrain.
D
ans la pénible moiteur d’une chaude après-midi kinoise, une cinquantaine de femmes sont sagement installées sous la véranda aménagée à l’entrée du centre de santé Libikisi, hôpital confessionnel niché au cœur de la commune populaire de Bandalungwa, dans le centre de la capitale. Malgré l’agitation de leurs nourrissons braillards, elles écoutent attentivement les instructions de l’infirmier. Celui-ci leur explique en lingala comment manipuler la moustiquaire imprégnée à longue durée (Mild). À l’issue de la démonstration, les précieux tissus antimoustiques leur sont distribués. « Malaria maladi ma be ! », (« le paludisme est une maladie méchante », en lingala) chantent en chœur d’autres voix féminines, un peu plus loin, à la consultation prénatale. Dans ce hall intégré à la bâtisse de style colonial que perce une cour centrale, le même cérémonial se répète, chanson à l’appui. L’un des jeune afrique
meilleurs moyens pour mieux assimiler de consultation et de décès dans les hôpitaux, a été décrétée priorité de santé le message. publique. La pluviométrie constante fait Bien que le centre Libikisi soit un établissement privé, la distribution gratuite de cette région équatoriale du continent de moustiquaires peut s’y faire grâce une zone particulièrement propice à la au soutien financier du Fonds monmalaria, où celle-ci y est donc endédial contre le sida, la tuberculose et le mique, c’est-à-dire qu’elle y sévit de paludisme, qui se charge de fournir les façon permanente. Sur une population intrants antipaludiques. Créé en 2002 de 66 millions d’habitants, 5 millions de sous l’impulsion de Kofi Annan, cas de paludisme et entre 500 000 et alors secrétaire général de l’ONU, 1 million de décès sont recensés le Fonds mondial, émancipé chaque année. Sur une depuis des Nations unies, population de est devenu la principale KITS. Le programme institution financière national de lutte d’habitants, on recense internationale de contre le palucollecte de fonds disme cible les pour la santé et de populations les de cas de malaria et entre 500 000 et plus vulnérables, ressources allouées à la prévention et au au premier rang de décès chaque traitement des trois desquelles les femmes année maladies virales. enceintes et les enfants en En RD Congo, la lutte bas âge, principaux conceruse nés par les mesures de protection contre le palu, première cause
66 millions 5 millions 1 million
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Afrique subsaharienne prévues par les programmes de santé. La première d’entre elles prescrit de dormir sousunemoustiquaireimprégnéed’insecticide (à base de pyréthrinoïdes), sachant que l’exposition aux piqûres de l’anophèle, le moustique dont la femelle transmet le virus, intervient principalement la nuit. « Avant, les gens allaient placer directement la moustiquaire neuve dans leur chambre sans prendre de précautions, alors qu’il faut l’exposer à l’obscurité pendant 24 heures afin de faire partir les odeurs d’insecticide, avant de pouvoir dormir dans la pièce. Cela provoquait des étouffements et des réactions allergiques », explique le docteur Papy Mfulu Kiese, médecin directeur du centre depuis 2006. D’où la nécessité de ces sessions de sensibilisation. Pour s’assurer d’un bon usage des kits distribués, des agents itinérants, les « relais communautaires », s’occupent du « service après-don ». Désignés au sein desquartiers,chacundecesintermédiaires entre le bureau du centre de santé et la communauté a la charge d’une quinzaine de parcelles. En cas de problème, ils font remonter l’information.
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p Distribution aux patients de traitements antipaludéens, à la pharmacie du centre.
fil suspendu par deux pointes au plafond. Au centre Libikisi, avec une capacité de 38 lits pour une moyenne de 150 consultations par jour, on tente de faire avec les moyens du bord pour prendre en charge au mieux l’afflux constant de patients. « Dans 60 % des consultations, nous avons affaire à des cas de paludisme, et au moins
DÉPISTAGE RAPIDE. Dans l’une des rares chambres du centre de santé, un jeune enfant convulse dans les bras de sa mère, si faible qu’il ne peut ni marcher ni même se tenir assis. Il fait une crise grave. Les médecins estiment qu’à ce stade de la maladie, son Le petit business des toiles pronostic vital est engagé. Sa antimoustiques non homologuées mère, Françoise Nowa, s’est a des conséquences fatales. pourtant procuré une moustiquaire auprès de femmes 30 % de ces malades sont des enfants. En qui en vendaient dans la rue. Mais la toile, tout, nous comptons plus de 800 cas par sans doute défectueuse, a laissé passer les mois », détaille le docteur Mfulu Kiese. moustiques. À Kinshasa, le commerce de moustiquaires non homologuées, souvent Heureusement, depuis maintenant quatre ans, le diagnostic peut être obtenu de simples étoffes, est au centre d’un petit avec plus de rapidité. Au lieu de la tradibusiness informel. Et parfois fatal. tionnelle « goutte épaisse » qui mettait La chambre ne peut accueillir que trois une heure avant de livrer ses résultats, le lits. Faute de supports convenables, la perfusion de quinine est accrochée à un test de dépistage rapide (TDR) permet de
savoir en un quart d’heure si le patient est positif au parasite Plasmodium falciparum, en cause dans le paludisme. Résultat : les cas de malaria peuvent être traités quatre fois plus vite. À l’issue de l’examen, les médicaments fournis par le Fonds mondial sont en accès gratuit à la pharmacie du centre quand le patient se présente avec une ordonnance. Une aide salutaire, mais qui se heurte encore à une barrière financière : celle du prix de la consultation, qui coûte 6 dollars (environ 4,50 euros) alors que le salaire moyen mensuel en RD Congo n’est que de 30 dollars. CAS D’ÉCOLE. Après 220 km d’une route étroite serpentant à travers des collines verdoyantes, c’est l’arrivée à Kimpese. Cette bourgade de 65 000 habitants est l’une des 31 zones de santé de la province du Bas-Congo (à l’ouest de Kinshasa). Le pays en compte 516,
quE fAIT LE mInISTèRE ? Le principe est simpLe. pour bénéficier des subventions pour la lutte contre le palu du Fonds mondial (231 millions de dollars pour la période 2012-2014), le gouvernement congolais doit faire preuve de bonne volonté en n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
apportant sa quote-part au financement du secteur de la santé. Une proportion qui doit représenter au moins 5 % du budget de l’État… et qui n’a pas été atteinte dans celui adopté pour 2013. Félix Kabange numbi mukwampa, le ministre
congolais de la santé, explique que cette réduction est due à l’effort financier déployé pour apaiser la crise dans l’est du pays et multiplie les effets d’annonce: libération des frais de fonctionnement pour certains hôpitaux,
création d’un fonds spécial pour la santé, achat d’équipements, réhabilitation de structures médicales, accroissement du capital médicament des zones de santé… selon lui, tout sera réglé en 2014. Le rendez-vous est pris. l A.P. jeune AfrIque
Coulisses elles-mêmes subdivisées en aires de santé. Seules 219 de ces zones sanitaires (soit un peu moins de la moitié) sont couvertes par les programmes du Fonds mondial. Beaucoup restent difficilement accessibles et ne peuvent être ralliées qu’en pirogue, à moto ou en avion, des moyens tout aussi périlleux les uns que les autres. Superviseur principal de la zone de santé de Kimpese, Joseph Nketawi témoigne des progrès accomplis localement dans la lutte contre la malaria : « La formation des agents et la gratuité des intrants antipaludiques intervenue en 2010 grâce au Fonds mondial ont permis d’observer une chute spectaculaire des cas enregistrés de paludisme, et ce malgré une recrudescence fin 2012. Mais celle-ci n’est due qu’à la pluviométrie exceptionnelle, qui a laissé des familles sans domicile, donc exposées aux piqûres », assure-t-il, graphiques à l’appui. RITUEL. Dans cette région rurale, l’apprentissage des comportements commence à l’école qui jouxte le centre de santé de la ville. « Le paludisme, c’est quoi ? » demande un instituteur, transpirant à grosses gouttes, à sa classe de 40 élèves très disciplinés. Levant la main, un garçonnet tente : « Le paludisme est une infection causée par le Plasmodium! » Pour l’encourager, sa bonne réponse est immédiatement récompensée par une salve d’applaudissements, suivie d’un tambourinage sur la table. Ce rituel scolaire enhardit ses camarades, qui se bousculent à leur tour pour montrer que la leçon a été retenue. « Quelles sont les mesures de prévention ? » poursuit le maître. « La propreté, c’est la grande règle de la santé ! » répondent ses disciples tous en chœur. Au cours de cette matinée, ces enfants âgés de 10 à 14 ans, en classe de sixième (équivalent du CM2) ont appris que l’accumulation des déchets et les dépôts d’eau stagnante autour des maisons sont des nids à moustiques et favorisent leur prolifération. En guise d’exemple, leur école « assainie » se veut un modèle de salubrité. « Nous leur enseignons à sensibiliser leurs parents qui, bien souvent, n’ont pas été à l’école eux-mêmes », explique Ravel Kifuani, l’enseignant. Un mode de transmission intergénérationnel, des enfants aux parents, qui fait ses preuves. l AbdEL PITROIPA, envoyé spécial à Kinshasa et à Kimpese jeune afrique
Afrique subsaharienne
édition « noir Canada » fait le Buzz Plus de quatre ans après sa parution, Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique continue de faire des vagues. Interdit à la vente au Canada après un procès gagné par des sociétés minières du pays contre les éditions Écosociété, l’ouvrage d’Alain Deneault circule
p Interdit à la vente depuis 2011, le livre circule (en intégralité) sur le Net.
plus que jamais sous le manteau via les communautés congolaises, rwandaises et burundaises, qui en assurent activement la diffusion sur les réseaux sociaux et internet. Ce livre-enquête dépeint les faits et gestes (leurs impacts compris) des compagnies minières et des agences gouvernementales en Afrique, qui favorisent les systèmes de corruption, le déplacement forcé de populations et la poursuite de guerres civiles. Il n’est pas sans rappeler Noir Silence, du défunt patron de Survie, François-Xavier Verschave (2000), brûlot contre les acteurs de la Françafrique, attaqué en justice pour offense à chef de l’État par Omar Bongo Ondimba, Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso – qui furent finalement déboutés. Deux autres ouvrages, Ma vérité, de Jean-Bedel Bokassa (1985), et Main basse sur le Cameroun, de Mongo Beti (1972), ont été interdits en France. Le premier fut passé au pilon sur décision de justice. Le deuxième fit l’objet d’un arrêté d’interdiction du ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, à la demande du président Ahidjo, suscitée par Jacques Foccart. Il a été réédité, en 2003, aux éditions La Découverte. l
Mali Pour que les réfugiés votent
voter dans les camps où ils résident sur leur territoire.
Le 20 mai, le Parlement malien a adopté la loi électorale. Celle-ci prend des dispositions particulières pour permettre la participation au scrutin présidentiel, prévu le 28 juillet, des citoyens du nord du Mali réfugiés dans les pays voisins, estimés à 180 000. Le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie auraient déjà donné leur accord pour que ces derniers puissent
Côte d’ivoire CaChez Ce saChet La production, l’importation, la commercialisation, la détention et l’utilisation de sachets plastiques seront désormais interdites sur le territoire ivoirien. Cette décision en faveur de l’environnement a été prise lors du conseil des ministres du 22 mai. La mesure entrera en vigueur
dans six mois. À partir de décembre, seuls les sacs biodégradables seront admis.
Bénin-franCe talon reste à Paris Les juges de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris ont renvoyé leur décision sur l’extradition de l’homme d’affaires béninois Patrice Talon au 18 septembre. Ils demandent, en attendant, un complément d’information. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Maghreb & Moyen-Orient
TUNISIE
Que faire des
salafistes? Ils défient l’État, font fi de la loi et prônent ouvertement le jihad. Après bien des atermoiements, les autorités ont enfin décidé de sévir contre les membres d’Ansar el-Charia.
N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
FRIDA DAHMANI,
CHOKRI MAHJOUB/ZUMAPRESS.COM/MAXPPP
A
JEUNE AFRIQUE
à Tunis
nsar el-Charia (« les partisans de la charia ») ne sont pas des salafistes comme les autres. Contrairement aux piétistes, ils prônent la lutte armée au nom d’Allah pour instaurer un califat islamique transnational. Bien qu’ils aient déclaré que la Tunisie « était une terre de prédication » et qu’il était absurde « d’envisager le jihad en terre musulmane », le doute n’est plus permis : la mise au jour de leurs camps d’entraînement dans le Jebel Chaambi, au début de mai (voir J.A. no 2731), leurs connexionsavéréesavecdesgroupesliésàAl-Qaïda, dont la katiba Okba Ibn Nafaa, et la découverte de caches d’armes dans leurs autres fiefs accréditent l’idée qu’ils s’apprêtaient à commettre des actes terroristes. Pour les autorités, la coupe est pleine. Après avoir toléré les rassemblements d’Ansar elCharia, elles ont décidé d’interdire la tenue de leur congrès annuel, le 19 mai, à Kairouan. Une décision qui a fait sortir de leurs gonds les militants salafistes, lesquels n’ont pas hésité à s’attaquer aux forces de sécurité, symbole d’un État qu’ils ne reconnaissent pas. Attendus à Kairouan, ils ont pris de court gendarmes et policiers en transposant avec une incroyable rapidité leur démonstration de force à la cité Ettadhamen, quartier populaire de la périphérie de Tunis, où les affrontements avec les forces de l’ordre ont fait un mort et des dizaines de blessés. Menaçant, leur porte-parole, Seifeddine Raïs, assure que « plus la pression exercée est forte, plus l’explosion sera intense » et que « la charia sera appliquée pour juger les responsables qui ont empêché la tenue du congrès ». Ansar el-Charia, qui n’ont aucune existence légale, n’étaient que quelques centaines en 2011. Aujourd’hui, ils seraient plusieurs dizaines de milliers – 50 000, dit-on – regroupés autour de la figure centrale d’Abou Iyadh, ancien combattant en Afghanistan, proche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), condamné pour terrorisme, puis libéré à la faveur de l’amnistie générale en 2011. Soupçonné d’être l’instigateur de l’attaque contre l’ambassade des États-Unis à Tunis, le 14 septembre 2012, il est aujourd’hui en fuite. ARROGANCE. Depuis sa « planque », cet ancien
informateur des renseignements généraux sous Ben Ali – selon un document du site WikiLeaks – nargue l’État et qualifie les policiers d’imbéciles après les heurts d’Ettadhamen, car, a-t-il expliqué, « ils ● ● ●
ð Les affrontements du 19 mai à la cité Ettadhamen, à Tunis, ont fait 1 mort et une trentaine de blessés, dont 21 policiers. N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
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Maghreb Moyen-Orient Tunisie
FETHI BELAID/AFP
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Lotfi Ben Jeddou, un ministre de l’Intérieur indépendant et ferme. ● ● ● ont contribué à propager notre cause sans qu’il y ait besoin de publicité ». Cette montée en puissance a été savamment et patiemment construite. La mouvance a recruté ses cadres parmi les imams radicaux revenus d’exil après la révolution et, selon un responsable des brigades d’intervention spéciales, parmi les « 1 200 salafistes, dont 300 ont combattu en Afghanistan, en Irak, au Yémen et en Somalie », libérés en 2011 à la faveur de l’amnistie. Elle s’est réimplantée dans les zones populaires et les campagnes, et a étendu son influence en prenant le contrôle de 500 mosquées et en multipliant les actions caritatives. Cette présence lui a permis de s’attirer la sympathie d’une partie de la population et de recruter des jeunes désœuvrés qu’elle a envoyés combattre en Syrie. Profil type de l’apprenti jihadiste, selon le politologue Slaheddine Jourchi: « Un jeune au chômage qui, déçu par les promesses non tenues, entouré de vide culturel, sans vie personnelle ni avenir, trouve un exutoire à sa rage dans l’embrigadement. Ce n’est pas par hasard que les rangs salafistes grossissent à vue d’œil;ilsrecrutentdanslesrégionslespluspauvres.» Ansar el-Charia ont également fait des adeptes dans les milieux estudiantins. Ces nouveaux salafistes ne sont pas des combattants, mais ils n’en
7 camps d’entraînement identifiés Bizerte Jendouba
Kairouan Kasserine
Médenine Ben Guerdane
TUNISIE 100 km
restent pas moins inflexibles sur la question du retour à l’islam des origines et sont mus par une colère vindicative qu’ils propagent sur les réseaux sociaux. La direction de la mouvance est elle-même en mutation; le chef spirituel non voyant Cheikh elKhatib el-Idrissi, qui affirmait que « si les salafistes voulaient intégrer la politique, ils gouverneraient déjà », a disparu de la circulation, de même que Tarak Maaroufi, compagnon de combat d’Abou Iyadh, revenu d’exil en mars 2012. Mais il ne suffit pas d’une assise populaire pour s’imposer. La mouvance salafiste a donc tissé des liens étroits avec Ennahdha, à laquelle elle a apporté son soutien lors de la campagne électorale de 2011. Mais le recul des islamistes « modérés » sur la constitutionnalisation de la charia a creusé le fossé entre le pouvoir et les extrémistes, qui se sont sentis trahis. Depuis, les adeptes d’Ansar elCharia se comportent comme des électrons libres, allant jusqu’à qualifier Ennahdha de parti laïc. Les violences répétées et les incitations à la haine ont achevé de les rendre impopulaires auprès d’une population majoritairement modérée. RUPTURE. Conscient du danger, le chef du gouver-
nement, Ali Larayedh, a durci le ton, aidé en cela par la nomination à la tête du ministère de l’Intérieur d’un magistrat indépendant, Lotfi Ben Jeddou (lire encadré), lequel a fait preuve d’une grande fermeté. Il n’est désormais plus question de chercher un compromis avec cette frange extrémiste. Après l’attaque contre l’ambassade américaine, qui a valu au pays un embargo sur certains financements internationaux,etlesévénementsdeJebelChaambi, Ennahdha a fini par se résoudre à condamner Ansar el-Charia, désormais qualifiés de « terroristes », même si son président, Rached Ghannouchi, et d’autres cadres sont toujours aussi ambigus. Les affrontements de la cité Ettadhamen ont confirmé la capacité de nuisance des partisans d’Abou Iyadh et scellé la rupture entre salafistes et islamistes. Face aux pressions internationales et à l’inquiétude des citoyens, Ennahdha n’a d’autre choix que de couper le cordon ombilical avec les extrémistes. Faute de quoi son image en serait gravement écornée. ●
L’HOMME DE LA SITUATION AUX COMMANDES du ministère de l’Intérieur depuis le 8 mars 2013, Lotfi Ben Jeddou, 48 ans, ancien procureur de la République à Kasserine, a hérité d’une situation sécuritaire délicate. Un mois auparavant, l’assassinat de Chokri Belaïd avait conduit à la démission du gouvernement de Hamadi N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
Jebali. Magistrat indépendant, Ben Jeddou s’était distingué en enquêtant sur les événements sanglants de Kasserine etThala (NordOuest) en janvier 2011 et en lançant des mandats de dépôt contre le ministre de l’Intérieur de l’époque, le directeur général de la sûreté et trois généraux.
Respecté pour son intégrité, il impose son style dès sa prise de fonctions dans le bunker gris de l’avenue Bourguiba. Très vite, il met en place des cellules de crise antiterroristes et propose une loi protégeant les agents dans l’exercice de leurs fonctions. Le ton du ministère de l’Intérieur
change, la communication est plus fluide et les forces de l’ordre s’affirment comme républicaines. Face aux extrémistes, Lotfi Ben Jeddou fait preuve de fermeté, mais en prenant soin de consulter les différentes formations politiques. Il n’en fallait pas plus pour rassurer les Tunisiens. ● F.D. JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient Maroc
Mezouar au rebond La possible implosion de la majorité gouvernementale pourrait, à moyen terme, profiter à l’ex-ministre de l’Économie et des Finances, qui croit dur comme fer à son étoile. Portrait.
L
e Rassemblement national des indépendants (RNI) prendra-t-il la place de l’Istiqlal si le retrait du parti de la balance de la coalition gouvernementale était confirmé (voir J.A. no 2732) ? « Ce n’est pas à l’ordre du jour, tempère Salaheddine Mezouar, président du RNI. Nous assistons à une implosion de la majorité due à une gestion catastrophique du Parti de la justice et du développement (PJD) et à son incapacité à fixer des priorités et à prendre des décisions. » Et de dénoncer le refus du dialogue avec l’opposition et les syndicats : « Ce gouvernement doit présenter sa démission. Ensuite seulement on pourra envisager d’autres solutions. Mais nous ne sommes pas dans une phase de tractations politiciennes. La prochaine majorité, quelle que soit sa composition, devra avoir une ligne politique claire et un agenda économique et social ambitieux à même de répondre aux attentes de la population. Et toute éventuelle
décision d’y participer appartiendrait à notre conseil national. » aLternative. S’il n’a pas fermé la porte,
grande entreprise textile et assumer des responsabilités patronales. Ce qui lui vaut un début de notoriété. En 2002, il rejoint le RNI, puis est appelé, deux ans plus tard, dans le gouvernement Jettou pour piloter le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie. En 2007, quand l’istiqlalien Abbas El Fassi accède au pouvoir, il rempile à l’Économie et aux Finances. À la tête d’un courant réformateur, il prend les rênes du RNI en 2010, écartant au passage son rival Mustapha Mansouri. Entouré d’une pléiade de conseillers, fort du soutien de quelques « amis » du roi, comme Fouad Ali El Himma ou Mounir Majidi, il met sur pied une alliance de
l’ex-grand argentier du royaume se pose comme une alternative, non comme une roue de secours. Mais s’engager dans une coalition dirigée par le parti islamiste rendrait le RNI automatiquement comptable du bilan tourné vers les législatives de gouvernemental. Une idée 2017, il a pour ambition de faire qui ne séduit guère Mezouar, tourné aujourd’hui vers une du rni le premier parti du pays. échéance plus lointaine : les législatives de 2017. Son ambition est huit partis qui se prépare à gouverner. de faire du RNI la première formation Le 26 novembre 2011, les législaet devenir chef du gouvernement. Un tives sonnent provisoirement le glas rêve qu’il a caressé durant sa fulgurante de ses ambitions. Il est élu député de ascension politique. Meknès, mais le RNI n’est que troiNourri à la sève du militantisme estusième derrière l’Istiqlal et le PJD. Le diantin pendant sa scolarité à Tanger, il a coup est dur à encaisser. « Je ne m’y fait ses armes dans l’extrême gauche au attendais pas, avoue-t-il. La réforme début des années 1980, avant de tourner constitutionnelle a précipité la tenue le dos à la politique pour diriger une des élections. Nous n’avons pas eu le l l l
hassan ouazzani pour j.a.
q Salaheddine Mezouar au siège du Rassemblement national des indépendants, le 21 mai, à Rabat.
jeune afrique
n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Maghreb Moyen-Orient ● ● ● temps de les préparer suffisamment. Le Printemps arabe a joué en faveur des islamistes. Les électeurs se sont dit qu’ils étaient peut-être les garants de la stabilité politique et sociale. Une partie de la communauté des affaires a adhéré à cette analyse. »
ANCRAGE. La défaite est aujourd’hui
digérée. Méthodique et travailleur, l’ancien capitaine de la sélection nationale de basket-ball prépare son retour. Réélu à la tête de sa formation en avril 2012, il structure, recrute et décentralise, créant des associations professionnelles, des mouvements de femmes et de jeunes. Un ancrage qui doit permettre de lutter à armes égales avec le PJD et l’Istiqlal. Des antennes du parti sont également installées en Europe et au Canada, là où la diaspora est la plus nombreuse. Tout doit être fin prêt d’ici à quelques mois. La ligne politique reste libérale, mais le parti a toutefois enclenché une dynamique de réflexion sur la régionalisation, la parité, l’emploi des jeunes, l’ouverture démocratique avec la mise en œuvre progressive de la nouvelle Constitution. L’emploi du temps de Mezouar est aujourd’hui bien rodé. Le lundi, il se rend au Parlement, puis au siège du parti où il enchaîne les réunions. Il planche sur des dossiers comme la loi de finances, les réformes politiques, la préparation des amendements. À Rabat et à Casablanca, il consulte les autres responsables politiques, la société civile, les opérateurs
Bio express 1953
Naissance à Meknès
1993
Directeur général de Settavex (groupe textile)
2002
Président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (Amith)
2004
Ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie
2007
Ministre de l’Économie et des Finances
2010
Président du Rassemblement national des indépendants (RNI)
2011
Député de Meknès
économiques, et rencontre les médias. Il consacre au moins une journée par semaine à sa circonscription de Meknès, où il veut développer l’emploi et les projets culturels. Et passe le tiers de son temps dans les régions pour conforter l’ancrage de la formation. L’objectif est de passer de 20 000 à 40 000 militants. Il a aussi retrouvé une disponibilité d’écoute et du temps libre pour sa famille et la lecture. Il étudie des analyses sur l’évolution
du monde, les enjeux du Moyen-Orient, les conflits liés aux ressources, et n’hésite pas à se replonger dans des ouvrages de base comme Le Prince, de Machiavel, ou L’Art de la guerre, de Sun Tzu. L’ancien athlète entretient aussi sa forme physique. Sur la scène extérieure, il continue à jouer les VRP du royaume et entretient son carnet d’adresses international en participant régulièrement à des conférences. À l’intérieur, il n’hésite plus à mettre les pieds dans le plat. « L’exécutif Benkirane est le plus mauvais gouvernement de l’histoire du pays », a-t-il déclaré en mars. À chaque nouveau coup de griffe, la réponse ne se fait pas attendre. Les cadres et journaux proches des islamistes rappellent à l’envi les juteuses primes qu’il s’est et a octroyées durant son passage au ministère de l’Économie. Son avenir ? Beaucoup ne donnent pas cher de ses chances à court terme. « Son discours parle aux élites mais pas suffisamment aux masses, explique un journaliste marocain. Il est trop économique, pas assez populiste et arabisant pour lutter contre des poids lourds comme Benkirane [PJD], Chabat [Istiqlal] ou Lachgar [Union socialiste des forces populaires]. » Mezouar croit pourtant en son étoile, persuadé que ses compatriotes ne vont pas tarder à déchanter. Volontiers rassembleur, dénonçant les confrontations sournoises entre riches et pauvres du PJD, l’ancien basketteur attend son heure pour rebondir. ● PASCAL AIRAULT, envoyé spécial
Coulisses LIBYE UN JIHADISTE AMBITIEUX De retour du front syrien, l’ancien chef de la brigade des révolutionnaires de Tripoli, Mehdi Harati, s’essaie à la politique. Après avoir dirigé le bataillon Liwa al-Oumma, très actif fin 2012 dans la région d’Idlib, il a annoncé la constitution prochaine d’un parti politique, à la demande des ex-rebelles. Harati affirme aussi avoir été en contact avec le Premier N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
ministre, Ali Zeidan, pour le poste de ministre de l’Intérieur.
ARABIE SAOUDITE LES BELLES ET LA BALLE « Les femmes seront bientôt autorisées dans les stades », a affirmé le président de la Fédération saoudienne de football, Ahmad Eid. Jusque-là, les Saoudiennes n’avaient pas accès aux installations sportives.
Ainsi, 15 % de la capacité du complexe sportif du roi Abdallah, en construction à Jeddah, seront réservés à des cabines familiales où les femmes pourront assister aux matchs de football.
SYRIE HEZBOLLAH CONNECTION Longtemps, le Hezbollah libanais a nié toute participation à la guerre civile syrienne. Mais depuis le 19 mai, les
cadavres de ses combattants rapatriés par dizaines au Liban ne laissent plus de place au doute. Ce jour-là, les troupes de Bachar ont lancé une grande offensive pour reprendre la ville d’Al-Qusayr, sur l’axe vital qui lie Damas à la côte, fidèle à Assad, et la Syrie au Nord-Liban. Rompu à la guerre urbaine, le Hezbollah s’est porté en première ligne de l’assaut, essuyant les plus lourdes pertes. JEUNE AFRIQUE
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ENQUÊTE
Aïn Naadja
leVal-de-Grâcealgérien
BILLE&L
Réplique presque à l’identique du célèbre établissement parisien, cette institution militaire figure parmi les meilleurs du continent. Pourtant, les dirigeants du pays continuent d’aller se faire soigner à l’étranger.
FARID ALILAT,
A
envoyé spécial à Alger
bdelaziz Bouteflika hospitalisé au Val-deGrâce, l’ex-président Ali Kafi décédé dans un hôpitaldeGenève,AbdelmadjidSidi Saïd, patron de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), soignant son hypertension en France, Abdelaziz Belkhadem, ex-patron du Front de libération nationale (FLN), admisàlacliniqueophtalmologique Barraquer, à Barcelone, Abdelkader Messahel, secrétaire d’État aux Affairesafricaines,récupérantd’une JEUNE AFRIQUE
Situé sur les hauteurs d’Alger, le HCA est à ce jour interdit d’accès aux journalistes.
rupture d’anévrisme en Belgique… Depuis deux mois, la liste des personnalités algériennes parties se faire soigner sous d’autres cieux plutôt que dans les hôpitaux de leur pays est impressionnante. Une « tradition » inaugurée par Boumédiène, hospitaliséenoctobre1978dansune clinique de Moscou pour soigner un mal mystérieux (la maladie de Waldenström, qui l’emportera trois mois plus tard). Ce ballet de personnalités interpelle l’opinion, tant en Algérie qu’à l’étranger. Dans la presse populaire, on dénonce la nomenklatura qui
se soigne en Europe, on moque Bouteflika, qui critique le système colonialfrançaismaisséjournedans un hôpital parisien, on se gausse des carences du système de santé algérien et de l’incurie des gouvernants, qui ne consacrent que 3,6 % du PIB aux dépenses de santé, alors que les voisins marocains et tunisiens, nettement moins riches, y allouent le double. Pourtant, il existe un « Val-deGrâce » algérien, réplique presque à l’identique de cet hôpital du 5e arrondissement de Paris où le président Bouteflika a été admis le N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
Maghreb Moyen-Orient Enquête samedi 27 avril à la suite d’un accident ischémique transitoire (AIT), huit ans après y avoir séjourné pour soigner un ulcère hémorragique. L’hôpital central de l’armée (HCA), couramment appelé Aïn Naadja, figure pourtant parmi les meilleurs établissements d’Afrique. Médecine de qualité, matériel moderne, personnel hautement qualifié… Sa réputation n’est pas usurpée. Tous les VIP du pays y reçoivent des soins de qualité sans débourser un millime.Oupresque.Relevantdel’autorité militaire, interdit d’accès aux journalistes, cet hôpital n’a jamais livré aucun de ses secrets, surtout pas ceux de ses illustres patients. EXCELLENCE. L’idée de doter l’ar-
mée d’un hôpital remonte à 1972. À l’époque, Boumédiène rêvait d’un hôpital moderne, avec 1 200 lits et toutes les commodités pour soigner militaires algériens et chefs d’État d’Afrique et d’Asie. C’était le temps où Alger était La Mecque des révolutionnaires. Mais, faute d’argent, le projet reste dans les cartons. Il faudra attendre presque dix ans pour que l’idée soit exhumée par Chadli Bendjedid, élu président en février 1979. Ironie du sort, ce dernier rendra son dernier souffle le 6 octobre 2012 dans cet hôpital dont il autorisa la construction en
1981. « L’édification du HCA était d’autant plus nécessaire qu’aux débuts des années 1980 le montant des prises en charge de nos malades à l’étranger était aussi élevé que le coût d’un hôpital », se souvient un officier à la retraite. Confié à une filiale du français Bouygues, l’établissement, qui s’étend sur une superficie de 120 ha, est construit sur les hauteurs de la capitale. La proximité avec l’aéroport international et la présence d’un axe routier desservant les quatre coins du pays expliquent le choix du site. « Vous avez 80 millions de dollars, pas plus. Et je veux un hôpital de référence… », aurait dit Chadli aux militaires. Les premiers coups de pioche sont donnés en 1984. L’enceinte sera livrée clé en main trente-quatre mois plus tard. Quand le président l’inaugure, le 27 février 1987, les premiers patients ont déjà été pris en charge par les médecins qui officiaient auparavant à l’hôpital militaire de Maillot, dans le quartier de Bab el-Oued. Un « hôpital de référence », qu’est-ce à dire? « Des équipements dernier cri, pas de pénurie de médicaments, prise en charge de toutes les pathologies, résume un médecin en réanimation. À titre d’exemple, nous avons été le premier hôpital d’Afrique à acquérir l’IRM (Imagerie
Aïn Naadja en chiffres Inauguration : 27 février 1987 Coût :
80 millions de dollars Capacité :
1200 lits Pavillon VIP :
4 chambres avec suite présidentielle, médecin et infirmière privés, et restauration à la carte
Ü Des médecins dénonçant le manque de moyens des hôpitaux, le 8 mai, à Alger.
BILOU
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par résonance magnétique). Dans les années 1990, le géant de l’électronique Siemens faisait évaluer ses équipements en collaboration aveclesmédecinsalgériens.Ajoutez à cela la rigueur militaire, et vous comprendrez pourquoi Aïn Naadja est un hôpital d’excellence. » En outre, l’établissement accueille chaque année les cent premiers classés au concours national de médecine. Bourse d’études cinq fois supérieure à celle des étudiants « civils », chambre individuelle, salles de sport, piscine olympique, bibliothèque, amphis, équipements ultramodernes, professeurs émérites ayant fait leurs classes dans de prestigieux services à l’étranger, tout estconçupourformerdesmédecins de haut niveau qui accèdent au métier avec le grade de lieutenant. « Comparé aux universités d’Algérie, Aïn Naadja est un cinq-étoiles, se souvient Riyad, cancérologue à Alger. Sauf qu’il faut se réveiller tous les jours à 5 heures du matin pour la levée du drapeau et travailler deux fois plus que les autres. » Confirmation d’un professeur de cardiologiequiyaenseignépendant plus d’une décennie : « Les médecins sont les meilleurs parmi les meilleurs. Des professeurs américains, français ou cubains viennent souvent pour exercer leurs compétences et enrichir la formation des étudiants. » Pour compléter le tableau, l’hôpital dispose d’une école paramédicale pour former les techniciens de la santé, lesquels intègrent l’enceinte hospitalière avec le grade de sergent-chef. Autre gage de cette excellence : en 1988, quand l’armée américaine a souhaité offrir une couverture sanitaire à la 6e flotte en manœuvre dans le Bassin méditerranéen, elle a choisi de faire confiance à Aïn Naadja. En outre, un accord de réciprocité lie depuis deux décennies l’hôpital et les chancelleries étrangères accréditées à Alger de sorte que le personnel diplomatique puisse y recevoir des soins. « Nous avons pris en charge un ancien président du Mali et bon nombre de ministres africains de passage à Alger, raconte un ex-officier. L’avantage est qu’un patient peut être soigné quelle que JEUNE AFRIQUE
Aïn Naadja, le Val-de-Grâce algérien
DRÔLES DE PATIENTS. Depuis
l’ouverture de l’établissement, ce pavillon VIP a vu défiler Bouteflika, Ahmed Ben Bella, Liamine Zéroual, Chadli Bendjedid, l’ex-chef d’étatmajor des armées Mohamed Lamari, d’anciennes icônes de la guerre d’indépendance, mais également deux personnages très controversés de la décennie noire: Ali Belhadj et Abassi Madani, fondateurs du Front islamique du salut (FIS). C’était en 1994. À l’époque, pour tenter de mettre fin à la violence qui ensanglantait le pays, le pouvoir avait secrètement engagé un dialogue avec les deux hommes, incarcérés à Blida depuis juin 1992 pour rébellion et insurrection. Sauf quelasantédesdeuxhommess’était détériorée en raison d’une longue grève de la faim. Pour les « requinquer », les autorités décidèrent de les hospitaliser à Aïn Naadja pendant une dizaine de jours. « Ils ont été soignés par des militaires au moment même où des dizaines de soldats et de policiers se faisaient massacrer par les terroristes des GIA [Groupes islamiques armés] agissant sur instruction d’Abassi et de Belhadj », raconte un officier. ●
LA VOIX DU NORD/SIPA
soit sa pathologie sans quitter les murs de l’hôpital. » Aïn Naadja ne serait pas Aïn Naadja sans son pavillon VIP. À l’instar du Val-de-Grâce, l’établissement dispose d’un carré pour recevoir les happy few civils ou militaires. Placé sous l’autorité d’un chef de service, installé à proximité du bureau du directeur, ce carré est constitué de quatre chambres avec une suite présidentielle pour recevoir la famille ou les convives. Le patient dispose d’une infirmière, d’un médecin, ainsi que d’un service de restauration « à la carte ». La discrétion n’est pas le moindre des privilèges.
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Les moines trappistes de Tibhirine, en 1994.
Sinistre souvenir C’est à Aïn Naadja qu’ont été acheminées les têtes des religieux enlevés par les Groupes islamiques armés, en 1996. Témoignage.
P
our la première fois, un ancien responsable de l’hôpital d’Aïn Naadja a accepté de revenir sur le tragique épisode des moines trappistes de Tibhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par les Groupes islamiques armés (GIA) et dont les têtes ont été retrouvées le 30 mai 1996 au bord d’une route à Médéa, à l’ouest d’Alger. Aussitôt remises à la gendarmerie, les têtes des sept religieux ont été acheminées à Aïn Naadja pour être analysées. Portaient-elles des lésions balistiques, accréditant la thèse d’une bavure de l’armée, comme l’a affirmé, en juin 2011, le général Buchwalter, attaché militaire à l’ambassade de France à Alger au moment de l’enlèvement ? Les fiches techniques sont formelles, affirme notre officier : « Les crânes ne portaient aucune trace de balles. Les analyses légistes indiquent que les têtes ont été tranchées au couteau. » Une fois les autorités françaises informées,ellesdépêchèrentsurplaceleministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et celui de la Défense, François Léotard. Les deux hommes, accompagnés de l’ambassadeur de France, Michel Lévêque, s’entretinrent avec les responsables de l’hôpital, où ils ne
resteront que deux heures. « Ils n’ont même pas voulu voir les têtes des moines installées dans des cercueils lestés de pierres, raconte l’ancien officier. Les cercueils étaient pourvus d’une glace permettant de distinguer les têtes. » HONNEURS. Plus tard, deux autres reli-
gieux, Dom Armand Veilleux, abbé de Scourmont, en Belgique, ainsi que frère Amédée, qui avait échappé à l’enlèvement, gagnent Aïn Naadja, en compagnie de l’ambassadeur Lévêque, pour identifier les victimes. Les trois hommes reçoivent, là encore, les explications des responsables sur les circonstances de la découverte des têtes, ainsi que sur les analyses légistes. « Les cercueils des religieux n’ont pas été ouverts en leur présence, témoigne encore notre interlocuteur. Nous étions prêts à les ouvrir, mais ils ne l’ont pas souhaité. » Peu de temps avant de quitter l’hôpital militaire pour la cérémonie de recueillement officiel tenue le 2 juin 1996 à la cathédrale Notre-Dame-d’Afrique, sur les hauteurs d’Alger, les sept cercueils ont eu droit aux honneurs de l’armée algérienne dans la cour d’Aïn Naadja. ● F.A.
Le grandinvité de l’économie SAMEDI 1er JUIN, sur RFI à 12 h 10* dans Éco d’ici, Éco d’ailleurs, Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement décrypte les grands enjeux de l’économie africaine. Retrouvez l’essentiel de cet entretien dans Jeune Afrique en kiosque le 3 juin. Retrouvez les moments forts de cette interview sur www.jeuneafrique.com et sur www.rfi.fr
*heure de Paris, 10 h 10 TU
Europe, Amériques, Asie
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FRANCE
NKM
n’en fait qu’à sa tête
PRM/SIPA
Bourgeoise? Bien sûr. Bohème? Un peu. Docile? Pas vraiment. En dépit de l’hostilité de certains de ses amis politiques, Nathalie Kosciusko-Morizet devrait mener la liste UMP à l’assaut de la mairie de Paris en 2014. Face à la socialiste Anne Hidalgo, elle ne part pas battue d’avance.
HENRI MARQUE
I
«
nclassable », Nathalie KosciuskoMorizet, comme l’affirme son amie Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie-Française, qui lui apprend l’art de captiver une salle en lui faisant répéter Bérénice de Racine ? Elle préfère se décrire d’un mot qui résume bien jusqu’ici son style et son parcours : la transgression. Elle en a appris les vertus de sa grand-mère, qui tenait la pharmacie des Arts à Paris : « Elle m’a toujours dit qu’une femme devait travailler pour avoir son autonomie et pouvoir claquer la porte. » Elle l’a transposé, plus tard, dans une formule dont elle a fait sa morale et sa loi : « Les femmes ne peuvent réussir que par la transgression. » Alors depuis, pour ça oui, elle transgresse, Nathalie. Séduisante et séductrice, avec juste ce qu’il faut de gouaille jeuniste pour rappeler qu’elle vient à peine de passer quadra : « Tu me files une
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Très tôt, elle se passionne pour l’écologie. « Personne à droite ne s’y intéressait », explique-t-elle.
taffe ? » ou encore, en patrouille préélectorale rue Mouffetard : « Tu peux pas savoir comme je kiffe déjà. » Sa pâleur diaphane inspire aux auteurs des cover stories des magazines une surenchère de fantasmes sur sa « gracilité » de « sylphide préraphaélite ». Mais aucun journaliste ne s’y trompe. La « guerrière amazone » reprend vite des couleurs quand la colère lui monte aux joues. C’est-à-dire chaque fois qu’on lui résiste. Fine comme une lame, on l’imagine aussi bien sur un podium de mannequins – un hebdo féminin consacre toute une page à ses tenues chic et choc – que sur un tapis d’escrime. Ses vertigineux talons aiguilles sont déjà plus célèbres que la petite veste blanche de Ségolène Royal, au point qu’un de ses biographes se demande gravement si l’idée de constitutionnaliser le principe de précaution ne lui a pas été suggérée par… la difficulté de marcher ainsi chaussée sur les graviers de l’Élysée ! Anne Hidalgo, sa rivale socialiste pour la mairie de Paris, la présente comme « une bobo de droite née avec une cuillère d’argent dans la bouche ». JEUNE AFRIQUE
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Elle a certes été élevée dans l’aisance bourgeoise, mais aussi dans la sévérité d’une éducation familiale « pas toujours fun ». Il suffisait parfois d’une troisième place sur le carnet scolaire pour encourir le blâme paternel… NKM ne se destinait pas à la politique. « Sinon, j’aurais fait Sciences-Po au lieu de préparer l’X », dit-elle. Scientifique « par goût de la vérité », ingénieure puisque polytechnicienne, ses premières orientations, déjà, la singularisent. Pour son service militaire, elle choisit la marine et embarque sur le pétrolier ravitailleur Var – 200 hommes à bord –, où notre enseigne de vaisseau assure le quart à la passerelle, jusqu’à Djibouti. Alors que ses petits camarades du concours de sortie se disputent les places convoitées du Trésor – « un travail de fille », rigole-t-elle –, elle opte pour la biologie avec, comme école d’application, celle du Génie rural, des Eaux et des Forêts, parce qu’elle s’est passionnée à 15 ans pour le phénomène des pluies acides. Première manifestation d’une vocation écologique qui s’étendra bientôt à l’ensemble JEUNE AFRIQUE
Aux BainsDouches, célèbre night-club parisien désormais fermé.
de ce qu’on allait appeler le « développement durable ». Elle décide de s’y spécialiser, parce qu’« à l’époque, ces questions n’intéressaient personne à droite ». Une réaction significative, qui traduit chez elle à la fois une stratégie et une ambition : être là où on l’attend le moins. Avec, si possible, toujours un coup d’avance. FRANC-PARLER. Il lui faudra moins de huit ans pour passer du cabinet de Jean-Pierre Raffarin, à Matignon, à un secrétariat d’État, puis à un superministère de l’Écologie et du Développement durable taillé sur mesure pour elle – il la plaçait en quatrième position dans la hiérarchie gouvernementale –, avec, en prime, les Transports et le Logement, gratin de la haute administration. Un « ministère de crises », remarque-t-elle sans le regretter. Inondations, tempêtes de neige, séries noires SNCF ou nuits blanches d’aéroport : autant de motifs d’invitation au journal de 20 heures ! En cette politique tant décriée, elle s’enrôle comme en religion pour « donner un sens à la N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
Europe, Amériques, Asie France
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vie ». Sans renoncer pour autant à son franc-parler, moins cependant pour faire parler d’elle à coups d’esclandres, comme l’en accusent ses adversaires des deux camps, que par un besoin irrépressible de dire ce qu’elle pense chaque fois qu’elle n’est pas d’accord. Autant de dérapages assumés, sinon toujours contrôlés, qu’elle persiste à considérer comme autant de « valeurs ajoutées ». Et puis, « à quoi bon brider sa nature, elle revient toujours au galop ». À en croire Jean-Luc Mano, son manageur en communication, sa devise serait plutôt citius, altius, fortius (« plus vite, plus haut, plus fort »). Elle confie son admiration pour « l’autorité et le sens de l’État » de Margaret Thatcher au moment où les obsèques de la Dame de fer ravivent aussi les rancœurs contre les dix années de régression sociale qu’elle orchestra. Elle affecte de voler au secours de « cette pauvre Ségolène Royal », enfin « casée » dans un organisme bancaire : « Je ne souhaite à aucune femme de dépendre de son ex pour une nomination. » Les socialistes dénoncent une « provocation », Adeline Hazan, la secrétaire aux Droits des femmes, s’indigne d’une « insupportable misogynie ». Pas du tout, se défend benoîtement NKM, « j’estime simplement qu’après avoir gagné la primaire de la gauche et obtenu des millions de voix à l’élection présidentielle, Ségolène Royal méritait mieux ».
OLIVIER CORET/FRENCH-POLITICS
« DEUXIÈME SEXE. » Quant à la misogynie… L’attaque la réjouirait presque, tant certains à l’UMP se méfient de son féminisme. De la lecture du Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir, elle a retenu que le sexisme est « un appauvrissement ». Et la mixité, « la clé de l’innovation, car s’il n’y a que des hommes, la créativité s’en ressent ». Elle s’est toujours interdit d’être une femme-alibi, comme à l’Assemblée nationale, où, « après un accueil tout miel, on vous relègue aux affaires de crèches ». Et elle a enragé que François Fillon lui refuse le ministère de la Santé parce qu’elle attendait son deuxième garçon.
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Bio express 1973 Naissance à Paris 1992 Diplômée de l’École polytechnique 2002 Députée de l’Essonne 2007 Secrétaire d’État (Écologie) 2008 Maire de Longjumeau (Essonne) 2010 Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement 2012 Porte-parole de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy 2013 Abstention lors du vote à l’Assemblée de la loi sur le mariage pour tous
Ü En campagne sur un marché parisien, au mois d’avril.
Car il faut lui rendre cette justice qu’elle n’est guère plus accommodante avec ses amis du gouvernement, voire avec ses patrons, qu’avec ses adversaires politiques. Un jour, en plein débat sur les OGM, elle s’est estimé désavouée parce que ses amis de la majorité avaient voté un amendement communiste. Elle s’est alors défoulée dans le quotidien Le Monde (« j’en ai marre d’être confrontée à une armée de lâches »), a reproché à Jean-François Copé de ne pas tenir ses troupes, et à Jean-Louis Borloo de « se contenter du minimum ». Sous les quolibets (« Khmère verte ! », « Végétarienne anorexique ! »), elle a été rappelée à l’ordre par François Fillon, qui l’a obligée à s’excuser sous peine d’être démise de ses fonctions, puis l’a privée de voyage officiel au Japon. Les OGM sont décidément pour elle un dossier à haut risque. Pour avoir embrassé l’écologiste José Bové en l’accueillant à une réunion de travail, ne s’est-elle pas fait tancer en plein conseil des ministres par Nicolas Sarkozy, pourtant familier de la diplomatie des bisous ? Jacques Chirac savait à quoi s’en tenir quand il la qualifiait tour à tour d’« emmerdeuse » ou de « chieuse », selon qu’une certaine complicité l’emportait ou non dans ses humeurs sur l’exaspération. Elle s’en était tirée avec une impertinence bravache, dédiant son prix de « ministre de l’année » à « toutes celles qui se sont entendu un jour traiter d’emmerdeuses ». « Elle ne lâche jamais et revient toujours à la charge, remarque son ami et parent Bernard Debré. C’est un animal politique. » Catégorie grand fauve qui chasse en solo. On en a eu la démonstration quand, vite fait bien fait, elle a brisé les pattes à la candidature concurrente de Jean-Louis Borloo à la mairie de Paris. Une opération manigancée pourtant par Jean-François Copé, toujours en proie à ses obsessions élyséennes et peu désireux de laisser le champ libre dans la capitale aux ambitions d’une filloniste. Circonspecte sur les chances d’un retour de Sarkozy (« c’est un homme de devoir, mais nous ne devons pas nous contenter d’attendre »), c’est sur son conseil que Mme le maire de Longjumeau a décidé de se lancer à la reconquête de Paris. « Pas un choix de confort, admet-elle, mais pas non plus un bastion imprenable. » Car, bien qu’Anne Hidalgo reste la préférée des sondages, elle est la favorite de la droite. La primaire qui devait la plébisciter n’est plus sans risque depuis que son abstention sur la loi Taubira mobilise jour après jour contre sa candidature les jusqu’au-boutistes de l’opposition UMP au mariage pour tous. Boycottée par Marine Le Pen, elle reçoit en revanche le soutien de Marielle de Sarnez, la vice-présidente du parti centriste de François Bayrou. Le scrutin s’annonce finalement comme un vrai challenge. Tout pour plaire à Nathalie-la-rebelle. À son goût du risque, comme à son besoin de défi. ● JEUNE AFRIQUE
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PEI QIANG LZ/AFP
Ici, une ville nouvelle de plusieurs centaines de milliers d’habitants sortira bientôt de terre. CHINE
À Baidaoping, on rase même les montagnes sur un sol à peine stabilisé. En privé, un ingénieur se montre conscient des risques d’érosion, mais, prudent, se garde bien d’afficher publiquement ses inquiétudes. Le gouvernement affirme avoir dépêché des millions de tonnes de polluants. La sur place une trentaine d’experts pour cité et ses environs risquent de devenir étudier la faisabilité du projet. Mais les rapports n’ont jamais été rendus publics. le tombeau de la biodiversité, déjà mise Car ces travaux d’Hercule dissimulent à mal par l’érosion des sols. une affaire très lucrative. Une fois les EXODE RURAL. « Les ressources en eau montagnes rasées, plus de 8 milliards de la région sont très limitées. Seront-elles d’euros seront investis à Baidaoping pour suffisantes pour alimenter une ville nouconstruire des immeubles, des écoles, velle ? » s’interroge l’universitaire Wang des routes et même un parc à thème. Naiang. Apparemment, personne en haut C’est China Pacific Construction Group, lieu ne partage cette inquiétude. Sur le l’une des plus importantes entreprises de modèle de Baidaoping, une quinzaine travaux publics du pays, qui est le maître d’œuvre de l’opération. Le groupe est dirigé par Yan Jiehe Plus de 8 milliards d’euros pour (52 ans), un ancien enseignant construire des écoles, des routes devenu milliardaire que l’on et même un parc à thème. surnomme souvent le Donald Trump chinois. Ses relations de villes nouvelles sont en construction politiques sont nombreuses et très haut pour servir de réceptacle à l’exode rural. placées. Jusqu’au sommet de l’État. L’urgence est de stimuler le marché intéTrès fier de ses projets, le Parti commurieur en développant les régions les moins niste prétend rendre vie à une très vieille riches et en évitant l’afflux de migrants sur légende du temps de la Chine impériale, la côte orientale surpeuplée. selon laquelle un vieux paysan du nom de Dans la province du Shaanxi, Yan’an Yu Gong était parvenu, au prix d’intenses constitue un autre exemple de cette folie efforts,àdéplacerdeuxmontagnesquiblodestructrice. En moins d’unan,trente-trois quaient l’accès à sa maison. Aujourd’hui, collines ont été rasées pour laisser place la Chine capitaliste ne se contente plus de déplacer les montagnes. Elle les rase. ● à une ville nouvelle de 200 000 habitants. Des immeubles ont été construits à la hâte SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin
Près de Lanzhou, dans le Gansu (Nord-Ouest), sept cents collines sont en cours d’arasement. Elles laisseront bientôt la place à… une forêt de gratte-ciel.
À
Baidaoping, à 80 km de Lanzhou, sur le fleuve Jaune, le ballet des camions-bennes et des bulldozers est incessant. Jour et nuit, des centaines d’engins s’emploient à raser sept cents montagnes et collines couvrant une superficie de 1 300 km2. Douze fois la taille de Paris ! Coût de ce chantier pharaonique: plus de 2,5 milliards d’euros. « Les collines étaient désertiques, se défend Kuang Ruijing, porte-parole du promoteur. Nous n’abîmons pas l’environnement, au contraire! » Chaque jour, 100 000 m3 de terre sont déplacés. Les montagnes de lœss, une roche sédimentaire très fertile, sont décapitées, puis peu à peu arasées. La terre sert à combler les vallées alentour. Les protecteurs de l’environnement s’inquiètent, mais aucun n’ose publiquement s’opposer au projet. Il y aurait pourtant de quoi. En 2011, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décerné à Lanzhou (3,6 millions d’habitants) le titre de ville la plus polluée de Chine. Au-delà, dans toute la province du Gansu (nord-ouest du pays), les fabriques de fertilisants, les hauts-fourneaux et les usines chimiques travaillant pour l’industrie textile rejettent quotidiennement dans l’air, les sols et l’eau JEUNE AFRIQUE
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Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS
Scandales à la Maison Blanche Politiquement à la dérive, les républicains se sont juré de prendre leur revanche sur la présidentielle de 2012 en pourrissant le second mandat de Barack Obama. Par leurs errements, les démocrates les y aident, parfois.
Y
a-t-il quelqu’un à la barre ? Depuis plusieurs semaines, les scandales se succèdent comme autant de grosses vagues déferlant sur la Maison Blanche. Et Barack Obama, qui, pendant la campagne présidentielle, se comparait au capitaine d’un navire, se retrouve bien mal embarqué. Saura-t-il éviter les écueils ? Pêle-mêle, son administration est accusée d’avoir fiscalement discriminé certains groupes conservateurs, espionné des journalistes, menti sur l’attaque terroriste contre le consulat américain à Benghazi, et perdu la trace de deux terroristes repentis. Dans les très populaires talk-shows télévisés, ses errements suscitent la risée générale. Le ministère des Anciens Combattants, avec ses six cent mille dossiers en attente (pour la plupart, des demandes de subsides d’anciens combattants d’Irak et d’Afghanistan), est tout particulièrement pris pour cible. Ces scandales sont évidemment de gravité variable. Mais tous sont outrancièrement exploités par les républicains, qui ne rêvent que d’une chose : refaire le match perdu en novembre 2012. Certains n’hésitent plus à prononcer le I-word. I pour impeachment, autrement dit la destitution du président. Pour l’instant, la popularité de l’intéressé se maintient au-dessus de la barre des 50 %. Les Américains ne se passionnent guère pour les péripéties de ce jeu de massacre. Rien à voir avec l’affaire Monica Lewinsky, en 1998-1999.
L’affaire qui fait le moins de bruit est peut-être la plus grave : l’espionnage de journalistes d’Associated Press. Au printemps 2012, le ministère de la Justice a saisi les relevés téléphoniques de journalistes de l’agence afin d’identifier la source d’une dépêche du 7 mai 2012 révélant que la CIA avait déjoué au Yémen un projet d’attentat contre un avion en route pour les États-Unis. « La sécurité d’Américains était en jeu », a plaidé le ministre Eric Holder. En réalité, la dépêche incriminée présentait surtout l’inconvénient, en pleine période électorale, d’infirmer l’affirmation de la Maison Blanche selon laquelle les projets d’opération d’Al-Qaïda avaient cessé après la mort de Ben Laden. Ce fâcheux épisode confirme en tout cas la phobie de la Maison Blanche pour toute information sensible fuitant dans la presse. Le soldat Bradley Manning, dont le procès s’ouvrira en juin, risque ainsi une peine de réclusion à perpétuité pour avoir livré au site WikiLeaks, de Julian Assange, 700 000 documents confidentiels. DÉSORDRE. Cette lutte « très agressive »,
selon les propres termes de Holder, contre le terrorisme vient pourtant de connaître un sacré revers. Le ministère de la Justice – encore lui ! - vient en effet d’admettre avoir perdu la trace de deux terroristes repentis qui bénéficiaient de la protection du gouvernement en échange de leur coopération.
ET GUANTÁNAMO ? ILY A QUAND MÊME UN SCANDALE qui ne fait pas les gros titres des journaux, et qu’aucun adversaire politique ne cherche à exploiter : la dure grève de la faim dont le camp de Guantánamo, à Cuba, est le théâtre. Les deux tiers des 165 détenus en toute illégalité y participent. Certains doivent être nourris de force. Début mai, Barack Obama a promis de tout faire pour faire fermer ce camp. Il s’y était déjà engagé dès 2009, avec le résultat que l’on sait. Il est vrai que les républicains y sont farouchement hostiles. ● J.-É.B. N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
Les deux hommes ont finalement été retrouvés : ils vivent tranquillement à l’étranger. Un mois après l’attentat lors du marathon de Boston, que le FBI a été incapable d’empêcher malgré le signalement de Tamerlan Tsarnaev transmis par les autorités russes, ça fait un peu désordre ! Autre boulet traîné par l’administration : l’Internal Revenue Service (IRS), le fisc américain, est accusé d’avoir indûment sanctionné des groupes conservateurs proches du Tea Party. Aucun d’entre eux n’a en effet bénéficié du régime de non-imposition, d’ordinaire octroyé aux associations caritatives. Cette faute jugée « inexcusable » par Obama a enflammé le Parti républicain de la base – en guerre contre le Big Government – au sommet, autrement dit les élus au Congrès, outrés par les « intimidations » de la Maison Blanche. Une commission de la Chambre des représentants, dominée par les républicains, enquête fébrilement. Son but ? JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie « tenir » son administration. Et il risque d’avoir du mal à se débarrasser de l’image de « bystander president » (« président badaud ») raillé par les éditorialistes. Pour tenter de reprendre la main, il a nommé un nouveau chef à la tête de l’IRS et promis une nouvelle loi pour protéger les sources des journalistes. Ses services ont dans le même temps publié une collection d’e-mails – plus de 100 pages au total – qui confirment la version de la Maison Blanche concernant l’attaque de Benghazi, mais révèlent aussi les considérables tensions provoquées par cette tragédie entre la CIA et le département d’État.
Montrer que l’administration Obama était au courant de ces pratiques. Reste l’enquête sur l’attaque contre le consulat à Benghazi, qui, le 11 septembre 2012, coûta la vie à l’ambassadeur américain et à trois de ses collaborateurs. La Maison Blanche a-t-elle cherché à dissimuler la nature terroriste de l’opération ? Pour nombre de républicains, convaincus de tenir là leur scandale du Watergate, c’est une certitude. Au vrai, nulle administration n’est épargnée par les polémiques. Le Pentagone est sur la sellette en raison du niveau sans précédent - « honteux », dit Obama – des agressions sexuelles commises dans les rangs de l’armée. En 2012, 26 000 agressions ont ainsi été recensées, mais les mesures coercitives tardent à venir. La ministre de la Santé est quant à elle accusée d’avoir sollicité auprès de grandes entreprises des fonds destinés à mettre en œuvre la loi sur l’assurance santé. Ça tombe plutôt mal JEUNE AFRIQUE
DIVERSION ? Le président s’efforce d’ouvrir une nouvelle séquence, insiste sur les réformes qui ont des chances raisonnables d’être adoptées, en dépit du climat délétère qui règne à Washington. La loi sur l’immigration, par exemple, semble bien partie, alors qu’un accord budgétaire avec les républicains ne paraît plus hors de portée. Les proches collaborateurs d’Obama ont été priés de ne pas consacrer plus de 10 % de leur temps à répondre aux polémiques. Et le 19 mai, lors de la remise des diplômes dans la seule université masculine noire du pays, près d’Atlanta (c’était celle de Martin Luther King), Obama a évoqué de manière très personnelle son expérience d’homme noir en Amérique. Étonnant, sachant qu’il se montre habituellement alors qu’Obama a récemment dû monter très avare de ce genre de confidences. au créneau pour défendre cette loi mal De là à le soupçonner de chercher à aimée et mal comprise. La semaine derfaire diversion… nière, la Chambre s’est d’ailleurs, pour En face, les républicains affûtent leurs la énième fois, prononcée en faveur de armes. À coups de commissions d’enson abrogation… quête, ils sont déterminés à empoisonner le second mandat d’Obama, comme ce fut le cas dans le Le jeu de massacre ne passionne passé pour Nixon, Clinton pas les Américains. Et le président ou Bush Jr. Pourtant, leur reste très populaire. camarade Newt Gingrich, l’ancien speaker de la Impossible, enfin, de ne pas évoquer Chambre, leur a récemment rappelé la rocambolesque arrestation pour l’inutilité des efforts des ultraconserespionnage d’un attaché de l’ambasvateurs pour destituer Bill Clinton… Il sade américaine à Moscou. Dans le sac aurait aussi pu leur parler de leur collègue de cet agent très peu discret, les polirépublicain Mark Sanford, récemment ciers russes ont en effet découvert des réélu gouverneur de Caroline du Sud perruques, pas mal de grosses coupures après avoir été acculé à la démission, en et des téléphones d’un autre âge. Pour 2009… Le brave homme prétendait avoir anecdotique qu’il soit, cet épisode a fait une randonnée de six jours dans les contribué à entretenir une désagréable Appalaches, alors qu’il se trouvait en impression d’amateurisme. À l’évidence, Argentine avec sa maîtresse ! Comme Obama a les plus grandes difficultés à quoi… ● JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
« Dans certains musées africains, les œuvres sont bouffées par les insectes », signale l’expert autodidacte.
Didier Claes L’art et le bagou Congolais par sa mère, belge par son père, ce marchand avisé vend sans complexe des objets cultuels africains à de riches collectionneurs.
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élégance est soignée, le sourire millimétré et le verbe profus. Didier Claes, marchand d’art, parle comme pour occuper le terrain, et l’interrompre sans paraître malpoli exige de déployer tout un trésor de ruses. Qu’il ait réussi dans le commerce des œuvres africaines anciennes ne saurait surprendre : ses clients, sans doute, achètent aussi les histoires qu’il leur raconte, comme un emballage cadeau paré des mystères de la brousse. Lui-même sait dire sa propre légende avec talent. « Mon père travaillait pour l’Institut des musées nationaux du Zaïre, raconte-t-il. Il n’avait pas le droit de vendre des pièces, mais il allait en brousse et le faisait quand même, avec l’accord tacite des autorités. C’était quelqu’un de dur, qui aimait l’argent. Il ne m’a jamais rien montré, je me suis imprégné par moi-même. À l’âge de
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13 ans, lors de vacances à Bruxelles, j’ai vendu trois coiffes de Centrafrique pour 20 000 francs belges chacune au marchand Philippe Guimiot. Avec l’argent, j’ai racheté des coiffes au Congo. » Né à Kinshasa, de mère zaïroise et de père belge, Didier Claes a vécu au Congo jusqu’à ses 16 ans, quatrième enfant du côté maternel, aîné du côté paternel. « Aujourd’hui, je suis l’un des seuls marchands métis au monde. Mais quand on est métis en Afrique, ce n’est pas si facile. N’étant ni noir ni blanc, beaucoup de métis se retrouvent entre eux. » Vivant dans le quartier de Limete, à Kinshasa, Claes navigue entre l’école belge – ghetto de riches où il n’est pas trop dans son élément – et la cité où il est « mieux accepté par des gens simples ». Son éducation, dit-il, lui permet de passer facilement d’un milieu à l’autre.
En 1991, c’est d’un pays à l’autre qu’il faut passer, la guerre au Congo chassant les Claes vers la Belgique. Le racisme n’influe guère sur le jeune homme: « Je me suis rendu compte qu’il y avait des personnes avec qui il n’était pas nécessaire de parler. » En revanche, ses résultats scolaires suivent une mauvaise pente, et ses relations avec son père en pâtissent. « Il a mal vécu la transition, le fait que les objets se tarissent. J’ai vécu avec les anecdotes de ces vieux baroudeurs qui sortaient les objets par malles entières… » Invité par sa mère à débarrasser la cave des œuvres y moisissant, Claes les écoule aux puces. Marié très jeune, il a besoin d’argent. La solution pourrait être congolaise: il quitte l’école (« je n’aime pas trop le dire ») et retourne au pays en 1993. Déçu par l’atmosphère de misère qui y règne, il a la chance de tomber sur une importante statuette songyé, qu’il vendra à son retour au marchand Pierre Dartevelle. Et à sa manière, il reprend les études: compare ce qu’il trouve en Afrique et en JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Il en faudrait plus pour le décourager. Surfant sur la reconnaissance acquise, il multiplie ses participations aux foires, organise des expositions, officie comme expert chez Pierre Bergé & associés… « J’ai une déontologie: on ne peut pas être juge et partie, certifie-t-il. Dans une exposition, je ne présente jamais une pièce m’appartenant. » Sur le pillage du patrimoine, il est aussi très clair: « On a connu les pères blancs, qui ont détruit la moitié du patrimoine artistique de l’Afrique noire, et ces grands pyromanes que furent les colons. Il y a eu aussi les guerres tribales entre Africains. Les marchands ont donné de la valeur aux œuvres, et on leur en veut, mais pour moi, la chose la plus importante est la sauvegarde du patrimoine. Dans certains musées africains, les objets sont bouffés par les insectes et tombent en miettes. On ne doit pas les y laisser, même s’il ne faut pas confondre sauvegarde et pillage. Pour ma part, je ne touche pas aux terres cuites, car en achetant, on encourage la contrebande. » S’agissant de son patrimoine personnel, peu d’inquiétude. Travaillant avec son frère Alexandre, ce père de 4 enfants dispose d’un hôtel particulier de 450 m2, sa galerie (www.didierclaes.com) dont il tait le chiffre d’affaires investit lourdement dans le marketing et, depuis sept ans, il réalise la collection d’un Belge dont on ne saura que les initiales:V.D.K. « Avec la crise, on reconnaît les marchands qui font bien leur travail, ajoute-t-il. Aujourd’hui, je me permets des conforts que je ne me serais pas permis avant. » ●
FOOTBALL
Stars à vendre La Fifpro, le syndicat international des joueurs, envisage de dénoncer devant la Cour européenne de justice la réforme de 2001 régissant le système des transferts de joueurs.
H
ostile au système des transferts en vigueur, la Fifpro, le syndicat international des footballeurs, envisage de déposer une plainte devant la Cour européenne de justice. L’instruction de cette plainte devrait prendre du temps, les plus sceptiques sont convaincus qu’elle n’aboutira jamais, mais Philippe Piat, le président de la Fifpro Europe, n’en a cure : « Elle sera déposée dans trois ou quatre mois, le temps de bien la préparer. Cela prendra effectivement du temps, mais je pense qu’elle a des chances d’aboutir. » Si tel est bien le cas, le système des transferts, que le syndicat dénonce depuis longtemps, sera remis en question de fond en comble. Le syndicat estime en effet que la réforme de 2001, qui instaura la fameuse « clause de stabilité de trois ans » – laquelle autorise les joueurs à se libérer au bout de trois ans de leurs obligations contractuelles, à condition d’indemniser leur club sur la base des salaires qu’ils étaient censés percevoir jusqu’à la fin de leur contrat –, n’est plus adaptée. « Le problème, explique Piat, c’est que depuis d’autres sommes sont venues s’ajouter à cette indemnité, toujours au détriment
des joueurs. » Le 25 mars, la Fifpro a donc informé la Fifa de son intention de déposer une plainte auprès de la Cour européenne de justice, même si celle-ci concerne moins la fédération internationale, dirigée par Joseph Blatter, que les clubs et les ligues professionnelles, qui « refusent tout ce que nous demandons, c’est-à-dire la réciprocité ». BULLE FINANCIÈRE. « Est-il moralement
acceptable que des joueurs soient vendus, comme c’est le cas aujourd’hui ? Nous demandons que, comme n’importe quels salariés, ils puissent disposer de contrats à durée déterminée (CDD). En augmentant leurs salaires lors des prolongations de contrat, les clubs font tout pour qu’ils ne soient jamais libres. » La perspective d’une suppression de l’actuel système des transferts inquiète les présidents de clubs, mais n’empêche pas Philippe Piat de dormir : « Cette bulle financière va finir par exploser. Quand on me dit que les clubs vivent pour une part de l’argent des transferts, je rappelle que leur balance achats-ventes est de toute façon déficitaire à 90 % ! » ● ALEXIS BILLEBAULT
VISUAL/ICON SPORT
Europe, « observe les vrais pour comprendre les faux », côtoie les marchands, fréquente assidûment les livres et les bibliothèques, voyage. En 1995, il décide de ne plus aller en Afrique. Un an plus tard, de vendre en exclusivité aux collectionneurs. On lui refuse l’entrée dans une foire, en Belgique: il émigre aux États-Unis, vend son stock à l’Armory Show, fait la connaissance du collectionneur américain James Ross et ouvre une petite galerie. Las! « L’Amérique peut aussi tout vous prendre. À partir de 2001, les collectionneurs n’ont plus voulu acheter. »
NICOLAS MICHEL Photo : BRUNO LÉVY pour J.A. JEUNE AFRIQUE
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Messi, Iniesta, Ronaldo et les autres : la meilleure équipe Fifa/Fifpro 2012. N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
Économie
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INDISCRETS
Djibouti, RD Congo, Bénin, Sénégal…
hIgh-TECh
IBM parie sur l’informatique cognitive
ALGÉRIE
Hors du public, un début de salut
SAMIR SID
Presque inexistant il y a vingt ans, le secteur privé explose malgré les pesanteurs administratives. Et les patrons demandent encore un effort d’assouplissement au gouvernement.
EXCLUSIF cameroun
Pourquoi AES s’en va
décideurs
Alain Ditona Moussavou DG de la CDC du Gabon
Ryadh BenlahRech
S
eule entreprise privée cotée à la Bourse d’Alger, Alliance Assurances n’existait pas il y a dix ans. Le centre d’affaires Al Qods de Chéraga, qui accueille dans la banlieue algéroise l’équipe dirigeante de la société, non plus. « Le secteur privé était le parent pauvre de la politique économique antérieure », se rappelle son PDG, Hassen Khelifati, qui ajoute aussitôt : « Il commence maintenant à faire sa place. » Malgré son jeune âge, la compagnie d’assurances revendique 5 % de part de marché au niveau national et vise les 10 % d’ici à 2015.
q Spécialisé initialement dans la transformation de blé, SIM a su se diversifier, notamment dans les eaux minérales.
énergie
Le pétrole de schiste rebat les cartes jusqu’en Afrique
Comme elle, et malgré les maux d’une économie droguée aux fonds publics et au pétrole, toute une série d’entreprises ont émergé au cours de la dernière décennie, portées par une génération d’entrepreneurs quadragénaires. Toufik Lerari (36 ans) et Lakhdar Marhoun Rougab (27 ans) font également partie de ceux-là. Allégorie, leur agence de conseil en communication, emploie trois ans après sa création une quarantaine de collaborateurs, et ses locaux situés dans le quartier des ambassades et des universités de Ben Aknoun, à Alger, n’ont rien à envier à ceux de ses consœurs parisiennes en termes d’équipements. Les statistiques officielles confirment ce boom. Avec les mesures de libéralisation initiées l l l
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Entreprises marchés
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l l l au milieu des années 1990 et poursuivies au cours des années 2000, le secteur privé dépasse désormais largement le secteur public, comme l’atteste un recensement économique effectué en 2011 par l’Office national des statistiques. L’Algérie dénombrait alors 934 316 entreprises privées, soit 98 % des entités économiques du pays ! Certes, 89 % d’entre elles sont concentrées dans les activités commerciales et de services, qui en général requièrent peu de capital et de main-d’œuvre. Mais, preuve d’un réel dynamisme, plus des trois quarts de ces sociétés privées ont vu le jour entre 2000 et 2011. L’année dernière, plus de 181 000 entreprises ont été créées, d’après le Centre national du registre du commerce. Et deux actifs algériens sur trois travaillent désormais dans le secteur privé.
Laïd Benamor
Lire aussi l’interview de Laïd Benamor sur economie .jeuneafrique.com
vincent fournier/J.A.
PDG du groupe Benamor
Depuis quelques mois, nous observons une réelle volonté des pouvoirs publics de propulser le secteur privé. Un dialogue permanent s’est instauré. D’ailleurs, la loi de finances 2013 est beaucoup plus favorable au secteur privé. Il y a aussi un encouragement à la création de partenariats publicprivé. À mon sens, cela contribuera fortement à la création de valeur dans l’économie nationale. » « Le groupe SIM connaît beaucoup moins de contraintes qu’auparavant. Depuis les années 1990, l’Algérie a fait de grands pas », se félicite Abdelkader Taïeb Ezzraïmi. Le PDG du groupe agro-industriel fait partie de ces patrons « heureux » du secteur privé algérien. Un discours dont on ne sait pas clairement s’il est sincère ou forcé, tant l’État peut faire ou défaire les fortunes. Car l’Algérie n’est assurément pas le plus simple des pays pour les entrepreneurs privés. Procédures réglementaires longues et lourdes, rareté et cherté du foncier rendant difficiles les implantations d’unités de production, permis de construire octroyés selon le bon vouloir des fonctionnaires, garanties bancaires trop élevées… On ne sait lequel de ces maux est le pire. « un désastre ». Beaucoup de patrons ont en
tout cas en ligne de mire la loi de finances de 2009 qui, pour limiter les importations (sans d’ailleurs y être parvenue), a instauré la règle des 51/49 régissant les investissements étrangers (lire p. 63), l’obligation de recourir aux crédits documentaires pour les activités d’import-export et des exigences fiscales accrues. « Cette loi a été un désastre pour l’économie. Aucune étude d’impact de cette décision n’a été faite en amont, ni de ses résultats par la suite. L’Algérie doit revoir sa copie », estime Slim Othmani, président du conseil d’administration de NCA-Rouiba (60 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012). n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
98 %
des entités économiques sont des sociétés privées En 2012, plus de
181 000 entreprises ont été créées
Deux actifs sur trois travaillent dans le privé sources : ons et cnrc
L’encadrement drastique des investissements à l’étranger par la Banque d’Algérie rend de surcroît extrêmement compliqué le développement de véritables champions régionaux algériens. Pour Issad Rebrab, patron de Cevital, qui souhaite investir en Afrique et en Europe, il est désormais plus compliqué de réfléchir à la manière de se projeter en dehors des frontières algériennes que de trouver de bonnes opportunités d’investissement ! « Le climat des affaires est hostile », déplorait récemment le patron algérien. Un constat partagé par de nombreux experts et chefs d’entreprise. Pour le Mauritanien Zeine Ould Zeidane, chef de mission pour l’Algérie au Fonds monétaire international (FMI), « la promotion du secteur privé est nécessaire. Cela passe par une amélioration du climat des affaires et une simplification des procédures administratives ». Et d’ajouter, alors qu’un comité chargé de fluidifier le climat des affaires a été mis en place au mois de mars : « L’Algérie devrait avoir pour ambition d’être dans les 40 premiers du classement “Doing Business”, au lieu de sa 152e place. » BOuCHées dOuBLes. Les différentes organisa-
tions patronales saluent la prise de conscience du gouvernement d’Abdelmalek Sellal, entré en fonction en septembre 2012, qui donne l’impression de mettre les bouchées doubles avec certaines mesures d’assouplissement inscrites dans la loi de finances de 2013, comme les procédures de dédouanement. Autre progrès : les autorisations sont désormais obligatoires pour tout investissement supérieur à 15 millions d’euros, contre 5 millions d’euros seulement auparavant. « Il y a une volonté affichée de changement de la part du gouvernement, mais je m’interroge sur la capacité à réformer, tempère Slim Othmani. L’exécution des mesures est longue et complexe, car l’Algérie est surbureaucratisée. » Nassim Kerdjoudj, PDG de Net-Skills et viceprésident du Forum des chefs d’entreprise (FCE), a sa solution : « L’empilement successif des lois et mesures de correction des politiques économiques a fait prendre un poids considérable à l’administration, qui est devenue au fil du temps une sorte de citadelle imprenable. C’est un risque réel à moyen terme pour le pays. La création d’un ministère ou d’une agence de “débureaucratisation” serait une bonne solution. » La culture entrepreneuriale, elle, reste faible, et le secteur privé est toujours perçu avec une certaine méfiance. Les scandales de détournements de fonds tels que l’affaire Khalifa y sont pour quelque chose, mais le problème est plus large. « Il n’y a pas encore de culture d’investissement privé chez nous », insiste Abdelmadjid Mesbah, enseignant à l’École des hautes études commerciales d’Alger (HEC Alger), qui conclut: « Il est difficile de perdre l’habitude d’une économie administrée. » l jeune AfrIque
Entreprises marchés
La règle des 51/49 est trop rigide!
q Premier groupe privé et champion de l’agroalimentaire, Cevital est aussi présent dans la distribution, les matériaux de construction, etc.
La loi qui interdit aux étrangers d’être majoritaires dans une société n’a pas causé une chute des investissements. Mais des aménagements seraient appréciés.
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Omar SefOuane
nstaurée par la loi de finances complémentaire en juillet 2009 pour limiter à 49 % la part du capital des investisseurs étrangers dans une société algérienne, la règle des 51/49 n’a pas eu d’incidences importantes sur les flux d’investissements directs étrangers (IDE). Ainsi, d’après des chiffres compilés par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), les IDE ont presque retrouvé en 2011 (2 milliards d’euros) leur niveau de 2009 et restent nettement audessus des 913 millions d’euros de 2005. « Les investisseurs semblent s’être adaptés » à cette règle, souligne une étude publiée en mars par Anima, un réseau d’observation de l’espace économique en Méditerranée, qui estime que l’intérêt pour l’Algérie a encore progressé en 2012. Plus souple qu’on le croit, la loi permet aux entreprises étrangères de détenir les fonctions managériales et de limiter l’influence de leurs partenaires algériens en en prenant plusieurs.
Quels sont les secteurs porteurs ? Hormis letertiaire, c’est dans l’agroalimentaire que le privé algérien s’est taillé la part du lion, comme l’illustre la réussite de Cevital, premier groupe privé du pays, avec un chiffre d’affaires (Ca) de 2,6 milliards d’euros en 2012. Benamor, producteur de conserves de tomates, de pâtes alimentaires et de couscous, monte en puissance, avec des projets de boulangeries industrielles et d’unités de transformation de céréales. SIM, spécialisé initialement dans la transformation de blé, a su diversifier ses activités, notamment dans les eaux jeune afrique
minérales, les jus et les conserves. les revenus de ces groupes se chiffrent en centaines de millions d’euros. Dans le secteur de la construction, quelques entreprises privées ont également fleuri, profitant des besoins énormes du pays en matière de logements et d’infrastructures. ETRHB Haddad (400 millions d’euros de Ca 2011) est particulièrement actif. la promotion immobilière, avec Arcofina et Eden, ou encore la santé, avec Biopharm (300 millions d’euros de Ca 2011), sont également des r.B. secteurs porteurs. l
radIcal. Mise en place pour protéger les
entreprises locales, la réforme n’a pourtant pas profité à tous. Les firmes étrangères, à l’instar des français Alstom ou Renault, semblent avoir privilégié des partenariats avec des entreprises publiques. Résultat : les patrons du privé restent nombreux à critiquer la rigidité de la loi, qui s’applique à tous les secteurs de l’économie, sans exception. Le Forum des chefs d’entreprise (FCE) souhaite ainsi un assouplissement pour que les investissements soient libéralisés dans les secteurs non stratégiques pour l’économie nationale. Plus radical, le Fonds monétaire international (FMI) recommande son abrogation pure et simple. « La révision de la règle du 51/49 permettrait au pays de s’ouvrir sur l’extérieur et de bénéficier de transferts de technologie, de savoir-faire, de bonne gouvernance, de gestion… Cette règle augmente le poids du secteur public », estime Zeine Ould Zeidane, chef de mission pour l’Algérie au FMI. l ryadh Benlahrech n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Entreprises marchés
Les indiscrets
Maritime Djibouti
Jean-luC bédIé Joue Sur touS leS tableaux
ContourGlobal rallume le Gaz au SénéGal
Le directeur de la compagnie américaine d’électricitéContourGlobal,Daniel Miossec, doit reprendre à Dakar la discussion avec la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec). Objectif : renouveler le bail et relancer l’activité de la centrale électrique à gaz de 52 MW à Capdes-Biches, près de la capitale. ContourGlobal en est le propriétaire depuisquelquessemaines, via la reprise à un autre géant américain, General Electric, de sa filiale Greenwich Turbine. Grand nettoyaGe à bGFI bénIn
Pas moins de vingt cadres de la filiale béninoise du groupe bancaire gabonais, dont son directeur général, Benoît Zannou, n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
desservant les côtes vers le sud jusqu’à Durban(Afrique duSud),versl’estjusqu’à l’Inde. Quatre porte-conteneurs battant pavillon djiboutien, d’une capacité de 3 000 conteneurs chacun, assureraient la rotation depuis Doraleh. Ce serait la première fois que le pays disposerait de ses propres navires. L’un des principaux acteurs privés du pays, Houssein Mahamoud Robleh, patron du groupe Kamaj (tourisme, BTP, sécurité), devrait être l’un des tout premiers contributeurs du projet, dont le coût initial est estimé à 200 millions de dollars (environ 150 millions d’euros). l
Béninoise formée chez le concurrent Ecobank, qu’a été confié le redressement de l’établissement.
ont été licenciés après un exercice 2012 désastreux. Ils sont accusés de mauvaise gouvernance et de malversation par BGFI Bank, et pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires. Les dégâts sont tels que le groupe basé à Libreville affirme avoir dû recapitaliser sa filiale à hauteur de 15 milliards de F CFA (22,9 millions d’euros). C’est désormais à Myriam Adotevi, une
SInohydro CertaIn de bâtIr InGa 3
XAVier Bourgois pour J.A.
A
lors que les trafics de transbordement représentent la majorité des volumes traités sur le port de Doraleh, les autorités portuaires, emmenéesparleurprésidentAboubakerOmar Hadi(photo), souhaitent créer d’ici à 2014 une compagnie maritime de cabotage
À Paris du 15 au 21 mai, Song Dongsheng, le patron du géant chinois Sinohydro, associé à ses compatriotes China Three Gorges et China International Water & Electric,s’estditconvaincu de remporter les négociations en vue de la construction du barrage Inga 3, en RD Congo. Grâce à l’appui financier de China Exim Bank, mais aussi aux liens tissés avec le gouvernement congolais. « Nous avons réalisé enuntempsrecordlapiste de l’aéroport de Kinshasa, mais aussi l’hôpital du Cinquantenaire, le plus grand du pays », a-t-il rappelé.
Bruno Lévy pour J.A.
veut lancer sa compagnie
Vincent Fournier/J.A.
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Hudson & Cie, la société de Bourse et de conseil financier fondée par le fils de l’exprésident ivoirien, Jean-Luc Bédié, a été retenue pour céder les parts de l’État dans deux banques ivoiriennes. Sur ces opérations jugées plutôt simples, Hudson travaillera avec deux banques d’affaires sénégalaises: Impaxis pour la cession de la BIAO-CI et CGF Bourse pour celle de la Société ivoirienne de banque (SIB). Jean-Luc Bédié ne conduira pas lui-même les opérations: actionnaire d’Hudson, il est aussi conseiller spécial du palais présidentiel chargé de l’économie et des finances… donc du secteur bancaire! QuI pIlotaIt le Jet Club ?
Dans l’affaire de la faillite frauduleuse de Mauritania Airways, qui a valu au numéro deux du groupe BSA, Mohamed Ould Debagh, d’être emprisonné plusieurs mois, une question reste sans réponse. Qui sont les actionnaires de la mystérieuse société suisse Jet Club, immatriculée à Zurich? D’après un rapport d’audit, cette société semble en effet avoir surfacturé de 8 millions d’euros les avions loués, via Tunisair, à la compagnie aérienne mauritanienne. Avant d’être dissoute… jeune AfrIque
Entreprises marchés
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HIGH-TECH
IBM parie sur l’informatique cognitive Analyser des masses de données pour résoudre des problèmes d’embouteillages ou de gestion de l’eau. C’est ainsi que le géant américain compte développer ses ventes de services en Afrique.
DÉPLOIEMENT. Pour y parvenir,
IBM a multiplié ses implantations sur le continent, passées de 4 à 20 entre 2006 et 2012, et opère désormais dans plus de 45 pays africains. Ce déploiement a été accéléré avec l’obtention en 2010 du contrat de management du système d’information de l’opérateur Bharti Airtel dans17pays.«Cepartenariatnousa permis de renforcer notre présence dans des pays comme le Burkina Faso, le Gabon ou le Congo », confirme Mamadou Ndiaye, directeur général d’IBM au Sénégal. JEUNE AFRIQUE
IBM
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euf mois après l’ouverture d’un laboratoire de recherche à Nairobi, IBM a inauguré le 8 mai dans la capitale kényane son premier centre d’innovation en Afrique de l’Est. Associé à l’incubateur iHub, il sera en lien avec la communauté des développeurs, des consultants et des intégrateurs locaux pour leur proposer de tester les solutions informatiques du géant américain. « Big Blue » – c’est son surnom – compte désormais 41 centres de ce type dans le monde, dont deux autres en Afrique, à Johannesburg et Casablanca. Avec ce nouvel investissement, IBM confirme l’attention portée ces derniers mois par Virginia Rometti, sa nouvelle PDG, au continent. Au quartier général de New York, l’Afrique fait partie des priorités. Selon une source citée par Bloomberg, le groupe souhaite y réaliser un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard de dollars (775 millions d’euros) à l’horizon 2015, contre environ 400 millions l’an dernier.
Alors que ses ventes en Afrique sontencoremarquéesparunesurreprésentation des équipements (lesquels représentent moins de 20 % de son chiffre d’affaires mondial, de plus de 100 milliards de dollars), IBM souhaite évoluer, comme ailleurs dans le monde, vers davantage de conseils et de services aux entreprises et aux administrations. « IBM n’est pas seulement en Afrique pour vendre, mais aussi pour participer au développement du continent », insiste Mamadou Ndiaye. À Nairobi, le groupe américain a ainsi proposé à la municipalité de l’aider à fluidifier le trafic automobile à partir, entre autres, des informations recueillies par des camérasdesécuritéinstalléessurles axes routiers. Les embouteillages de la capitale kényane engendreraient chaque jour plus de 500 000 euros de pertes, selon une étude de 2007. Il y a quelques semaines, IBM est également intervenu à Abidjan afin de cartographier les déplacements des abonnés d’Orange. Sur la base des données fournies par l’opérateur – plus de 2,5 milliards d’appels localisés grâce aux relais télécoms –, les ingénieurs d’IBM ont
« IBM est de retour en Angola. » Ouverture d’un bureau à Luanda en 2011, après plusieurs décennies d’absence.
300 millions d’euros
C’est le chiffre d’affaires réalisé par IBM en Afrique en 2012
conclu que la ville pouvait réduire les temps de transport de 10 % en créant deux nouvelles routes et en en étendant une autre. PRÉDICTIONS. Appelée « informa-
tique cognitive », cette approche vise à analyser d’importantes masses d’informations pour établir des prédictions. « De plus en plus d’appareils [téléphones, caméras, téléviseurs] sont connectés et peuvent fournir des données permettant d’anticiper pour prendre les bonnes décisions », explique Mamadou Ndiaye. Une démarche applicable à bien des domaines, de l’éducation à la santé en passant par la sécurité. En Afrique duSud, IBM a dernièrement décidé d’identifier les fuitesduréseaud’eaupotable.Grâce à un logiciel accessible depuis un simple téléphone, chaque citoyen peutsignalerlesincidentsconstatés. Toutes les données seront mises à disposition des autorités. John Kelly, directeur de la recherche du groupe, est persuadé que l’informatique jouera un rôle déterminant dans l’émergence de l’Afrique. Et IBM compte bien en profiter. ● JULIEN CLÉMENÇOT N O 2733 • DU 26 MAI AU 1 ER JUIN 2013
Entreprises marchés
excLusIF
CAMEROUN
Pourquoi AES s’en va Le groupe américain, actionnaire à 56 % du producteur d’électricité AES-Sonel, a mis ses parts en vente. Ses relations avec Yaoundé s’étaient pourtant améliorées ces derniers temps.
L
ongtemps, Jean-David Bilé, directeur général d’AESSonel, a voulu faire du principalproducteurd’électricité au Cameroun un modèle de gestion en Afrique centrale. Mieux encore, AES, actionnaire de référence depuis la privatisation de la Société nationale d’électricité en 2001, souhaitait faire du Cameroun la base de son expansion panafricaine. Le groupe américain a finalement décidé de plier bagage. Selon nos informations, il cherche à revendre les 56 % qu’il détient dans AES-Sonel, le reste étant entre les mains de l’État. Difficile de savoir avec précision quand les négociations ont commencé autour de cet actif hautement stratégique pour l’avenir du pays – les différentes parties prenantes à cette opération gardent le silence le plus total. Mais c’est en avril que le fonds d’investissement Actis, l’un des candidats à la reprise, a saisi plusieurs cabinets d’avocats pour être conseillé dans la rédaction des actes d’acquisition du géant électrique camerounais.
Si le sujet reste si sensible, c’est notamment en raison des relations longtemps compliquées entre AES et Yaoundé. Les débuts du groupe américain dans le pays avaient en effet été marqués par des délestages récurrents, des augmentations du prix du kilowattheure et de vives critiques de la part de la population. « Pendant plus de dix ans, la production n’a pas augmenté », explique Gregor Binkert, directeur desopérationspourlaBanquemondiale en Afrique centrale. Toutefois, les investissements consentis ont récemmentpermisdefairepasserla productiontotaleàplusde1000MW fin 2012, soit une hausse de 30 % par rapport au début de la décennie. Le démarrage récent de la centrale de Kribi a permis d’ajouter 216 MW. Si bien que le calme était revenu entre les deux actionnaires de la société. INcompréheNsIoN. Pour expli-
quer le départ annoncé d’AES, c’est donc ailleurs qu’il faut chercher. Coté à la Bourse de New York, le groupe d’Arlington fait face à l’incompréhension de ses actionnaires,
c’est…
748 M€ d’actifs
346 M€ de CA 2012
800 000 clients
1 238 MW de capacité
qui lui reprochent le manque de lisibilité de sa stratégie. « AES est un groupe très complexe, présent dans 25 pays, qui cherche à simplifier son fonctionnement, souligne un analyste basé à New York. Depuis 2011, à la faveur de l’arrivée d’un nouveau dirigeant, AES a décidé de quitter cinq pays – Chine, France, Hongrie, République tchèque et Ukraine – et a revendu pour plus de 1 milliard de dollars d’actifs à travers le monde. Il s’agit d’actifs “non clés”, pour lesquels il n’a pas atteint la masse critique permettant de réaliser une marge intéressante, ou bienceuxquineconstituentpasune plateformeassezsolidepourassurer un développement ultérieur. » En février, AES a ainsi revendu sa filiale ukrainienne pour 113 millions de dollars. Une filiale dont les revenus sont à peu près équivalents à ceux générés au Cameroun, mais dont les actifs sont dix fois inférieurs à ceux d’AES-Sonel. « Leur retrait d’Afrique ne serait pas étonnant », tranche une autre
Du côté des acheteurs potentiels, c’est Actis qui tiendrait la corde, devant Finagestion. analyste, qui évalue à moins de 1 % la part du Cameroun dans les bénéfices d’AES. C’est peu de dire que le pays d’Afrique centrale ne pèse pas lourd dans les comptes
jean pierre kepseu
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p La centrale de Limbé. n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
jeune AfrIque
coulisses
Entreprises & marchés
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Retrouvez toute l’actualité économique et financière du continent sur economie.jeuneafrique.com
ATOUTS. Du côté des acheteurs potentiels, c’est, selon nos informations, Actis qui tient la corde. Si elle se refuse à commenter l’opération, tout comme AES, la société britannique d’investissement en fonds propres est familière des infrastructures énergétiques. Elle pilote ainsi la centrale d’Azito, la plus grande de Côte d’Ivoire, et d’autres actifs au Kenya et en Tanzanie. Finagestion, l’ancienne filiale de Bouygues rachetée par le fonds d’investissement panafricain Emerging Capital Partners (ECP), fait également partie des candidats, avec de sérieux atouts : elle possède déjà la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) et la Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel). Annoncé parmi les prétendants, l’américain ContourGlobal a démenti toute participation au processus. « Le vainqueur ne sera pas forcément le plus offrant, souligne un banquier d’affaires. N’oublions pas que l’État, qui détient près de la moitié des parts, souhaitera non pas une offre généreuse mais un véritable projet industriel. » Reste une ultime hypothèse, évoquée par un avocat basé à Paris: « La société se décompose en réalité en troisentités:AES-Sonel,KribiPower DevelopmentCompanyetDibamba Power Development Company, toutes détenues à 56 % par AES via des holdings basés aux Pays-Bas. Il est toujours possible que AES cherche à revendre par appartements à trois acheteurs distincts. » En attendant le dénouement, le groupe reste victime d’un niveau d’endettement excessif. Le produit de la vente de ses actifs à travers le monde a été jusqu’à présent consacré pour moitié à la réduction de sa dette. l NicOlAS TeiSSereNc jeune afrique
AngolA VAgue de priVAtisAtions en Vue L’annonce a été faite le 19 mai par le ministre de l’Économie, Abrahão Gourgel : le gouvernement angolais veut vendre au moins 30 sociétés publiques au cours des cinq prochaines années. Objectifs: dynamiser un peu plus l’économie du pays et, surtout, réduire les charges de cet ancien État marxiste. La série de privatisations attendue touche des secteurs tels que l’agro-industrie ou encore le textile – le pétrole comme les mines sont épargnés. Mais selon Banco Angolano de Investimentos, c’est notamment la construction (terrains, bâtiment, hôtels…) qui pourrait offrir les plus belles opportunités, Luanda étant l’une des villes les plus chères au monde dans ce domaine. Bien situées dans la capitale angolaise, les sociétés Refrinor (réfrigérateurs) et Panga Panga (contreplaqué) peuvent également être de bonnes affaires, indiquent les analystes. L’État a déjà privatisé 198 entreprises au cours des dix dernières années, mais il en détient encore environ 90. l
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M
ISSOUF SANOGO/AFP
du géant international, lequel a réalisé un chiffre d’affaires 2012 de 18,1 milliards de dollars et emploie 25 000 collaborateurs. Le développement africain, qui s’était traduit il y a quelque temps par la création d’un holding, AES African Power Company, a fait long feu. En dehors du Cameroun, AES n’est présent qu’au Nigeria.
• NiGeriA Doté de 775 M€, le nouveau fonds souverain commencera à investir en juin, notamment dans les infrastructures • GUiNÉe Le FMi a approuvé un décaissement de 21,3 M€, ce qui porte le total des décaissements de l’institution en Guinée à 63,7 M€ • JAPON En conclusion du J-Sumit, Tokyo s’est
S•
engagé à investir 1 550 M€ dans des projets miniers et énergétiques en Afrique MArOc BMce Bank a créé sa banque d’affaires panafricaine dans le giron
de sa filiale Bank of Africa : sa première entité régionale sera à Abidjan
Mobile bAnking des reVenus Multipliés pAr cinq ? Selon une étude d’Ecobank, les revenus des services financiers sur mobile dans les pays situés entre le Sahara et l’Afrique du Sud pourraient croître de 497 millions d’euros en 2012 à 2,7 milliards d’euros en 2017. Le nombre d’utilisateurs de ces services devrait quant à lui passer de 65,7 millions à 235,1 millions sur la même période. Une progression due au nombre croissant d’abonnés mobiles.
trAMwAy un consortiuM frAnco-espAgnol à ouArglA La ville de Ouargla devrait accueillir une première ligne de tramway, d’une longueur de 12,6 km, dans un délai de trente-sept mois. C’est le groupement espagnol Rover AlcisaAssignia-Elecnor qui sera chargé des
infrastructures et bâtiments, pour un montant d’environ 240 millions d’euros, tandis que le français Alstom s’occupera de la partie système (alimentation électrique, matériels roulants et signalisation) pour 83 millions d’euros.
Aérien royAl Air MAroc redécolle Après une année 2011 catastrophique, marquée par des pertes de 44,8 millions d’euros, la RAM sort progressivement du rouge. Son PDG, Driss Benhima, a annoncé un résultat d’exploitation de 64,5 millions d’euros pour 2012. Le résultat net reste néanmoins négatif, mais seulement de 3,7 millions d’euros. Une amélioration due au départ volontaire de près de 2 000 personnes de la compagnie, à la vente d’actifs non aériens et au rajeunissement de sa flotte. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
Décideurs GABON
Alain Ditona Moussavou, banquier d’État Le patron de la Caisse des dépôts et consignations a une mission : soutenir via ses investissements la politique de développement de Libreville et, partant, contribuer à la lutte contre le chômage.
L
’
après-miditireàsafin,ce 17 mai à Libreville. Alain Ditona Moussavou, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du Gabon depuis 2011, jubile:laréunionduconseild’administration qui vient de s’achever a validé les résultats de son tout premier exercice, clos le 31 décembre 2012. Ceux-ci sont plutôt bons: le chiffre d’affaires de son institution s’est établi à 9,15 millions d’euros (6 milliards de F CFA), pour un résultat net de 2,45 millions d’euros. « Lorsque nous avons démarré nos activités, en février 2011, nombreux étaient les analystes qui ne nous voyaient pas bénéficiaires avant la fin de la troisième année », explique le patron, content d’avoir déjoué les pronostics. Ancien directeur central de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Gabon (Bicig), Alain Ditona Moussavou se définit comme un « pur produit » de la filiale l o ca l e d e BN P Paribas – il y a travaillé près de trente ans. Même s’il n’est pas que cela: entre 2003 et2008,cetancienmembre dubureaupolitiquedu Parti démocratique
DaviD ignaszewski
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gabonais (PDG, au pouvoir) a conseillé Paul Toungui, alors ministre de l’Économie, avant de devenir secrétaire général adjoint du ministère du Budget et de la Fonction publique. Une double casquette publicprivé qui sied au dirigeant d’une institution qui, si elle dépend de l’État et s’est vu fixer des objectifs en termes de participation au développement économique, se doit d’être gérée selon les meilleurs critèresduprivé.Cesdeuxdernières années, la CDC a déjà placé environ 70 millions d’euros auprès de la Banque gabonaise de développement. Quant aux entreprises, elle en compte une dizaine dans son portefeuille. Parmi elles, SFM Gabon(34%ducapital),unesociété présente dans la filière bois et l’écotourisme,ouencore la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog,0,5%). Sans oublier RougierAfrique International (35 %) : la filiale africaine de l’exploitant forestier français représente jusqu’ici le plus
La CDC en chiffres Total de bilan :
423,8 M€ Fonds propres :
42,7 M€ Revenus :
9,15 M€ Résultat net :
2,45 M€
q À 59 ans, il a exercé dans le privé (Bicig) comme dans le public (ministère du Budget).
gros investissement (24 millions d’euros) de la CDC. Mais elle n’est pour l’instant pas celle qui lui rapporte le plus d’argent… En 2012, le groupe français a annoncé une perte opérationnelle de 1,13 million d’euros. RÉFLEXES. Cela n’inquiète pas
Alain Ditona Moussavou: « Rougier Afrique International ne va pas très bien, mais il n’y a pas péril en la demeure. Nous n’avons pas investi pour faire des bénéfices à court terme, nous nous sommes engagés dans un partenariat de long terme », explique-t-il, précisant que les fondamentaux du groupe français sont bons. À 59 ans, le patron de la CDC assure qu’il a conservé des réflexes de banquier, notamment dans la gestion des risques, qui lui servent dans l’exercice de sa fonction actuelle. De fait, l’homme diversifie ses investissements.Aprèsavoirfinancé, début 2013, la création de Novec Gabon, un bureau d’études et d’ingénierie que la CDC détient à parts égales avec son équivalent marocain,laCaissededépôtetdegestion, il s’apprête à lancer, en partenariat avec le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS, l’autre bras financier du Gabon), un fonds de capital-investissement. Doté de 45 millions d’euros, ce dernier devrait cibler les PME spécialisées dansl’écotourisme.«Cefondsfinancera notamment des prises de participation et le bilan de ces PME », précise Alain Ditona Moussavou. En fait, rappelle-t-il, « nous avons pour mission d’appuyer les politiques publiques du gouvernement. Et l’une d’entre elles vise à favoriser la création d’un tissu de PME dans les différents secteurs de notre économie ». Avec pour objectif final de créer des emplois et de juguler le chômage des jeunes. l StÉphanE BaLLong jeune afrique
Décideurs on en paRle
PHARMACIE
Avec Nick Haggar, priorité au générique
ONU
Ce Britannique pilote depuis 2011 la stratégie africaine du laboratoire Sandoz. Pour renforcer sa présence, la filiale du suisse Novartis multiplie les partenariats locaux.
Mukhisa kituyi CNuCED Cet ancien ministre kényan du Commerce est le nouveau patron de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Il prendra son poste en septembre pour un mandat de quatre ans.
c
Sandoz couvre plusieurs champs thérapeutiques: des anti-infectieux aux antituberculeux, en passant par des produits destinés à la santé maternelle et infantile. « Comme nous nous devons de proposer nos médicaments au plus grand nombre, nous sommes désormais en quête de partenariats locaux », explique le Britannique de 47 ans. À l’image de celui conclu avec le ministère zambien de la Santé pour améliorer l’accès aux médicaments essentiels en zone rurale, ou de la collaboration du groupe suisse avec les autorités éthiopiennes pour construire un laboratoire régional de bioéquivalence, chargé d’assurer jeune afrique
dr
la conformité (en termes d’efficacité) des génériques par rapport aux médicaments d’origine. Cette politique s’est également illustrée, en avril 2012, par le partenariat noué avec le camerounais Cinpharm. Concrètement, Sandoz apporte au premier producteur de génériques d’Afrique centrale l’expertise ainsi que la matière première pour optimiser la qualité de ses produits. Et permet ainsi à Cinpharm de s’adapter aux bonnes pratiques de fabrication de médicaments destinés à la sous-région. De son côté, Nick Haggar mise sur cette collaboration pour ouvrir de nouveaux marchés à Sandoz. « Nous voulons travailler avec les producteurs africains pour contribuer à l’amélioration de la qualité de leurs produits et à la transformation en profondeur des pratiques médicales », souligne ce père de trois filles qui a aussi travaillé chez Baxter et GlaxoSmithKline. l Fanny Rey, envoyée spéciale à Londres
oMaR aMiNE aPsB L’ADG de la société d’intermédiation marocaine Eurobourse a été élu président de l’Association professionnelle des sociétés de Bourse après le départ deYoussef Benkirane, nommé DG de BOA Capital.
CA consolidé 2012 :
6600 M€
ANGLOGOLd
bioéquivalence. Surlecontinent,
dr
’
est déjà le principal fournisseur de génériques en Afrique de l’Ouest francophone. Mais depuis deux ans, le géant suisse de la pharmacie Novartis cherche à se déployer sur le reste du continent à travers sa division génériques, Sandoz. Son objectif : profiter de l’immense potentiel du marché pharmaceutique africain, qui affiche une croissance à deux chiffres (environ 10 % par an). En Afrique de l’Ouest, le laboratoire se concentre sur ses marchés prioritaires, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, où il a ouvert en février un bureau régional, tête de pont pour explorer les opportunités qu’offre la sous-région et s’y implanter davantage. Ancien cadre du laboratoire indien Ranbaxy avant de rejoindre Sandoz en 2008, Nick Haggar, directeur Moyen-Orient, Europe de l’Ouest et Afrique, pilote cette stratégie depuis 2011. Il précise : « À très court terme, nous souhaitons également nous renforcer au Nigeria et au Ghana. »
(15,4 % du CA de Novartis)
Produits vendus dans 140 pays Environ 26 000 collaborateurs En Afrique, 1 site de production (Afrique du Sud), 4 filiales (Maroc, Algérie, Égypte et Afrique du Sud) et 12 bureaux de représentation
RoN LaRgENt aNgLogoLD ashaNti Le vice-président Amériques d’Anglogold Ashanti devient directeur des opérations de la société minière sudafricaine. Son périmètre d’action est étendu à l’Australie et à l’Afrique, où il remplace Richard Duffy. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Jim UrqUhart/reUters
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ÉNERGIE
p Une exploitation de pétrole de schiste dans le Dakota du Nord (États-Unis).
Le pétrole de schiste rebat les cartes jusqu’en Afrique
golfe de Guinée, vont subir une baisse sévère de leurs exportations outre-Atlantique (voir infographie). Pour compenser, ils devront se tourner vers d’autres clients. D’après l’AIE, d’ici à 2018, les exportations africaines vers l’Asie pourraient ainsi croître de 1,2 million de b/j, alors que dans le même temps celles vers l’Europe diminueront de 600000 b/j. « Cette réorientation des flux sera difficile pour le Nigeria,
Avec l’essor des ressources non conventionnelles, la demande américaine est appelée à se contracter. Quel sera l’impact sur le cours du baril d’une part, sur les exportations africaines d’autre part ?
D
ans son dernier rapport, publié le 14 mai, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit unepetiterévolutiondanslemonde pétrolier. Selon elle, le changement engendré par l’essor du pétrole de schiste dans le Dakota du Nord sera «dumêmeordrequeceuxcauséspar l’explosiondelademandechinoise». Avec cette méthode extractive, les États-Unis ont déjà augmenté de 1 million de barils par jour (b/j) leur production en 2012, soit la plus forte haussejamaisobservéepourunÉtat non-membre de l’Organisation des paysexportateursdepétrole(Opep). En continuant sur cette lancée, la production américaine devrait passer de 9,1millions à 11,9 millions de b/j en 2018. Elle talonnera alors celle de l’Arabie saoudite, premier producteur de brut au monde. L’Amérique du Nord, dont la production augmente aussi grâce aux sables bitumeux canadiens de l’Alberta, devrait représenter 19 % de l’extraction pétrolière du globe, contre 16,7 % aujourd’hui. n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
Quel impact ces changements auront-ils sur le prix du brut? Coté à 104 dollars le baril le 20 mai, l’or noir devrait rester à un niveau soutenu. « Les prix demeurent élevés car la consommation reste à la hausse, dans les pays émergents d’Asie, d’Amérique du Sud et d’Afrique, mais aussi aux États-Unis. Ils n’ont pas vraiment d’alternative énergétique, à la différence de l’Europe, plus flexible », explique Charles Thiémélé, trader chez Damalex. Selon les analystes, en 2013, le cours du baril restera dans une fourchette de 80 à 120 dollars.
Les États-Unis vont importer de moins en moins de brut… (origine des importations, en millions de barils par jour)
0,3 2,7 1,5
2012 5,6 millions
RÉORIENTATION. Principaleconsé-
quence de la production, d’ici à cinq ans, de 2,8 millions de b/j supplémentaires aux États-Unis (dont 2,3 millions issus des schistes) : la réduction des importations de Washington. D’après l’AIE, alors que les États-Unis ont importé 51 % de leur consommation pétrolière en 2012, cette part descendra à 35 % en 2018. Du coup, les producteurs africains, et en particulier ceux du
MoyenOrient Amérique latine Afrique Autres
1,1
0,2 0,3 1,2
1,7
2018 3,4 millions
de barils/jour
de barils/jour
… mais pour l’instant, le cours du pétrole se maintient (en dollars)
140 100 60 20 20.5.2008
2.12.2009
16.6.2011
28.12.2012 jeune AfrIque
Baromètre premier fournisseur africain des États-Unis, qui est très dépendant des traders internationaux à qui il alloue des stocks à vendre sur les marchés. Ce sera plus aisé pour l’Angola qui, via la Sonangol, vend directement son pétrole aux raffineries. Il peut davantage choisir ses clients », indique Charles Thiémélé. Mais d’après ce spécialiste, les prédictions enthousiastes de l’AIE sur le pétrole de schiste restent à confirmer. « On a encore peu de visibilité sur les réserves et la durabilité de ce type d’exploitation », note-t-il. Selon l’ONG Greenpeace, cinq barils d’eau sont nécessaires pour la production d’un baril de brut, avec une émission de gaz à effet de serre cinq fois plus élevée que pour du pétrole conventionnel. «Dansquelquesannées,laméthode pourrait être remise en question pour des raisons environnementales. Cela changerait à nouveau les prévisions », remarque Charles Thiémélé. En outre, produire un baril à partir de schistes bitumineux coûte de deux à quatre fois plus cher. C’est supportable avec les cours actuels, mais incertain à plus long terme.
Au Kenya, tous les voyants sont au vert valeur
east african Breweries equity Bank safaricom Kenya commercial Bank nation Media co-op Bank stanchart Kenya Barclays Bank Kenya Bamburi cement British american tobacco
jeune afrique
secteur
cours au 22 mai (en euros)
Évolution depuis le début de l’année (en %)
boissons
0,39
+ 58,43
banque
0,32 0,06 0,38 2,76 0,15 2,72 0,16 1,86 0,49
+ 47,37 + 41,58 + 40,34 + 38,01 + 34,52 + 28,09 + 12,38 + 10,81 + 9,94
télécoms banque médias banque banque banque ciment agro - industrie
Sur deS marchéS africains globalement bien orientés – à l’exception des Places d’afrique du Nord –, la Bourse de Nairobi figure parmi les plus performantes, avec une progression d’environ 30 % depuis le début de l’année.Très peu de valeurs cotées affichent une baisse, la principale étant le groupe de distribution pétrolière KenolKobil, dont le cours a chuté lourdement en
RéSERVES. Pour le moment, en
dehors de l’Amérique du Nord, seules la Chine et la Pologne élaborent des projets majeurs dans le pétrole de schiste. Mais à l’horizon 2018, leur production restera anecdotique, estime l’AIE, et sans impact sur les cours. En Afrique, deux pays détiennent des réserves importantes de pétrole de schiste : le Maroc et la RD Congo, même si l’on n’en est qu’au stade de l’expérimentation (Total, San Leon Energy et Petrobras ont acquis des permis). La seule exploitation non conventionnelle en cours sur le continent est celle des sables bitumeux de Tchikatanga, menée par l’italien Eni au Congo depuis 2011. Pour Charles Thiémélé, de tels projets ne devraient pas se multiplier sur le continent. « Il reste encore de nombreux gisements classiques à développer, et les raffineries africaines ne sont guère adaptées pour traiter ce type de produit », affirmet-il. l ChRISTOphE LE BEC
Finance
2013. du côté des résultats financiers, les nouvelles sont presque aussi positives. La principale capitalisation du marché, l’opérateur télécoms Safaricom, vient ainsi d’annoncer un bénéfice 2012-2013 en hausse de 38,9 %. La première banque du pays, Kenya commercial Bank, a vu le sien augmenter de 11,1 %, premier fruit de sa restructuration. l
Valeur en vue BAT KENYA Une progression spectaculaire Fort de son large porteFeuille de produits, British american tobacco Kenya (BatK) fonctionne comme une unité bien diversifiée servant de multiples segments de consommateurs et plusieurs marchés d’exportation. au fil des ans, cela s’est traduit par une croissance stable des volumes de ventes, des taux d’utilisation des capacités de son usine satisfaisants, une flexibilité dans la tarification. la marque phare de BatK au Kenya, sportif, bénéficie d’une part de marché de 45 %. les exportations se font sur 17 marchés Eric Musau subsahariens, les principaux étant la somalie, Maurice, Analyste chez Standard l’ouganda et la Zambie. en 2011, les contrats de fabrication Investment Bank ont représenté 57 % des volumes exportés. la feuille de tabac est principalement fournie par 5 000 agriculteurs sous contrat.toutefois, la législation, avec de nouvelles propositions de loi sur le contrôle du tabac, demeure une menace majeure tout en agissant comme une barrière pour de nouveaux entrants. en 2012, le cours de l’action a grimpé de 100,4 %, plaçant selon nous le titre en situation de légère survalorisation. » l BOURSE
CA 2012
COURS (22.5.2013)
Nairobi
170 millions d’euros (– 3,6 %) 542 shillings kényans
OBJECTIF 465,73 shillings kényans
n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
71
Dossier
Eau
IntervIew
Patrick Achi Ministre ivoirien
des Infrastructures économiques
RessouRCes
La pénurie
dans l’abondance
Fleuves, nappes souterraines : le continent ne manque pas d’eau. Mais les autorités peinent encore à la gérer et à la distribuer efficacement. Pour améliorer le service, de nouvelles formes de partenariats s’esquissent. MiChael pauRon
C
’
est acquis: les Objectifs du millénaire pour le développement, dont l’échéance est fixée à 2015, ne seront pas atteints dans le domaine de l’eau en Afrique subsaharienne. Si, dans le nord du continent, la part de la population n’ayant pas accès à l’eau potable devrait être divisée par deux dans le délai prévu, cela ne sera pas le cas au sud du Sahara (voir infographie p. 74). « Ces objectifs n’étaient pas réalisables », estime Jean-François Donzier, directeur général de l’Office international de l’eau. De fait, l’accès à l’eau reste un défi majeur pour le continent, dont les ressources sont pourtant considérables–seulement4%des5400m3 renouvelablesetmobilisablessontutiliséspourlaproduction d’énergie, l’irrigation et la consommation. Rien que le fleuve Congo, le deuxième au monde par son débit, pourrait alimenter toute l’Afrique centrale. Mais, petit à petit, le continent s’organise pour gérer ses ressources et éviter qu’elles ne donnent lieu à de graves conflits, sur fond de changement climatique et de développement économique accéléré. Volonté politique. « Depuis dix ans, il y a eu de nombreux accords transfrontaliers, avec la mise en place d’autorités de bassin [organisations regroupant les différents pays traversés par un fleuve pour gérer et protéger les ressources]: Gambie, Tchad, Congo, Niger, Volta, Zambèze, Sénégal… Il y a une volonté politique de bien faire », poursuit JeanFrançois Donzier. Le Nil est certes au cœur d’un litige opposant l’Égypte – qui en dépend à 90 % pour son approvisionnement – et les pays situés en amont (Burundi, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie), qui contestent sa position dominante dans la gestion des eaux du plus long n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
fleuve d’Afrique. Mais un dialogue a été ouvert pour apaiser ce conflit, qui reste une exception. La plupart des fleuves sont transfrontaliers, et il en va de même des nappes souterraines, dont le volume représenterait cent fois celui des eaux de surface, selon une étude publiée en 2012 par des chercheurs du British Geological Survey et de l’University College London. Des quantités considérables d’eau – principalement salée – reposent sous le sol de l’Algérie, de la Tunisie, de la Libye, de l’Égypte, du Tchad, ou encore du Soudan… Là encore, une structure multilatérale, l’Observatoire du Sahara et du Sahel (regroupant 27 pays et 4 organisations sous-régionales), a été créée pour gérer les ressources, protéger l’environnement et anticiper au mieux les éventuels litiges. gaspillage. Abondante, l’eau serait donc en
passe d’être gérée plus harmonieusement. Reste à la mobiliser puis à la distribuer. « Il est plus difficile de déplacer l’eau sur de longues distances que de transporter l’électricité à l’aide d’interconnexions régionales, souligne Sylvain Usher, secrétaire général de l’Association africaine de l’eau [AAE]. Cela reviendrait trop cher par rapport au prix de base du produit. » Si la volonté politique est centrale pour le développement des infrastructures, un travail important reste à faire pour traquer le gaspillage et les fuites qui, à l’échelle locale, « peuvent atteindre 70 % », note Sylvain Usher. La chasse aux pertes est ainsi devenue la première étape lors de la remise à niveau d’un réseau. Comme à Mombasa, au Kenya, où le chantier, qui bénéficie d’un financement de 2,7 millions d’euros de l’Agence française de développement(AFD),aétéconfiéàl’Officeinternational de l’eau. De son côté, l’AAE intervient auprès de 22 sociétés dans 19 pays pour réduire les fuites, grâce à près de 4 millions d’euros de financement lll accordés par l’agence américaine Usaid.
Kris PANNECOUCKE/HH-rEA
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jeune AfrIque
portraits
Des patrons sous pression
algérie
Nestlé Waters joue la carte diététique
tribune
Jean-Luc Touly Fondation
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Danielle Mitterrand-France Libertés
p Près de 40 % de la population subsaharienne n’a pas accès à une eau de qualité. jeune afrique
n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) : le sud du Sahara à la traîne Part de la population utilisant une source d’eau améliorée (en %)
Ce type d’intervention n’est cependant pas l’apanagedesorganisationsinternationales.D’autres modèles de coopération basés sur la transmission des connaissances se développent, comme en Algérie où le français Suez Environnement a détaché 27 experts qui œuvreront jusqu’en 2016 (lire ci-dessous). Objectifs : mettre aux standards internationaux les réseaux des wilayas d’Alger et de Tipaza et former le personnel local. Les autorités du pays ont lancé le même type de partenariat à Oran avec les Espagnols d’Agbar (filiale de Suez Environnement), à Constantine avec la Société des eaux de Marseille, et un appel d’offres est en cours à Annaba. Dans le même esprit, la Sénégalaise des eaux a été retenue à l’issue d’un appel d’offres international par la Regideso, société publique de production et de distribution d’eau en RD Congo. L’entreprise sénégalaise, filiale de Finagestion (elle-même détenue parlecapital-investisseurEmergingCapitalPartners et Bouygues), a délégué cinq directeurs au sein de la régie de Kinshasa, le tout étant financé par la Banque mondiale. Si Finagestion pourrait, à terme, viser la privatisation de la Regideso, Sylvain Usher veut voir dans cet accord le reflet d’un nouveau paradigme. « Dans les années 1980, les institutions de Bretton Woods poussaient à la privatisation des services de l’eau, explique-t-il. Nous avons ensuite connu les délégations de service public, puis des
1990
lll
queStionS à
% points de % manquants pour atteindre l’objectif
2010 Objectif pour 2015
75
92
87
94
Objectif déjà dépassé
89
2%
88
76 14%
61 49 AFRIQUE SUBSAHARIENNE
AFRIQUE DU NORD
MONDE
Source : rapport 2012 Sur leS omd
Dossier eau
coentreprises Sud-Sud : l’Onep [marocain, qui a fusionné avec l’Office national d’électricité pour former l’ONEE] au Cameroun ou les Sud-Africains de Rand Water au Ghana. Puis les bailleurs de fonds ont changé leur fusil d’épaule et financé les structures publiques pour améliorer leur gestion – comme en Ouganda. Nous assistons aujourd’hui à une nouvelle forme d’association, des partenariats de service bien plus intéressants et enrichissants pour les salariés. » Une chose est sûre : désormais, l’eau est l’un des secteurs où les investissements sont les plus rentables. Selon la Banque mondiale, le rendement dans la distribution serait de 23 %, quatre à cinq fois supérieur à celui des chemins de fer. l
jean-Marc jahn
Directeur général de la Société des eaux et de l’assainissement d’Alger
« une priorité pour l’État algérien » Le dirigeant est l’un des 27 experts détachés par Suez environnement dans le cadre d’un contrat courant jusqu’en 2016. jeune afrique : en quoi consiste le contrat liant Suez environnement et la Société des eaux et de l’assainissement d’alger (SeaaL) ? jean-Marc jahn: Le par-
tenariat a été signé en 2006 et renouvelé en 2011 pour moderniser le service et donner un accès en continu à tous les usagers algérois. La structure reste publique. L’objectif est d’améliorer l’efficacité de l’assainissement et des infrastructures. Enfin, l’une des attentes est que nous transférions notre savoir-faire vers les équipes algériennes d’ici à 2016 afin qu’elles soient autonomes. n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
quel est le bilan aujourd’hui?
Au démarrage du projet, seuls 60 % des besoins d’Alger étaient couverts – pour moitié par de l’eau de barrage et pour moitié par des eaux souterraines –, et les Algérois n’étaient que 20 % à avoir un accès en continu.Aujourd’hui, les quantités mobilisables ont été multipliées par trois et proviennent pour un quart des eaux souterraines, pour un autre quart des unités de dessalement d’eau de mer et pour la moitié des eaux de barrage. Et le service 24 heures sur 24 est assuré à 100 % pour les usagers algérois depuis 2010.
louiza ammi pour j.a.
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et concernant le transfert de compétences ?
L’État nous a demandé en 2012 de renouveler l’expérience dans la wilaya de Tipaza. L’objectif était que l’opération soit conduite par des cadres algériens que nous avions formés dans le cadre du partenariat d’Alger. C’est le cas à 90 %. Pour nous, la professionnalisation des ressources humaines locales est le plus important: depuis 2006, nous avons dispensé 80 000 jours de formation. Aujourd’hui, 55 % des formations sont délivrées par des cadres algériens de SEAAL.
quels moyens ont été mis à votre disposition ?
L’État a mobilisé pour SEAAL 350 millions d’euros sur cinq ans, dont 70 % à destination des infrastructures. SEAAL rénove et renouvelle, quand l’État s’occupe des nouveaux investissements pour augmenter la ressource disponible. Pour les usagers, les prix n’ont pas bougé grâce à des subventions d’équilibre. L’eau est une priorité majeure pour l’État. l Propos recueillis par M.P. jeune afrique
Dossier InterVIew
Patrick Achi
Ministre ivoirien des Infrastructures économiques
« Nous voulons créer le premier producteur indépendant d’eau » L’approvisionnement en eau potable s’est fortement dégradé en Côte d’Ivoire au cours de la dernière décennie. Le gouvernement a lancé des chantiers et mise sur le privé.
I
nstallé au 23 e étage d’une tour du quartier du Plateau, à Abidjan, le bureau de Patrick Achi surplombe la ville. La vue pourrait lui donner le vertige, tant les infrastructures dont il a la charge ont été mises à mal par dix années de crise politique. Un constat particulièrement criant en ce qui concerne l’approvisionnement en eau potable. Privé un temps du soutien des bailleurs, incapable de recouvrer normalement les factures dans les zones tenues par les nordistes, l’État a assisté, impuissant, à la dégradation de la situation. Mais loin d’être découragé, le ministre, en poste presque sans interruption depuis l’an 2000, juge le challenge exaltant. Pour J.A., il détaille le plan de bataille qui devrait permettre d’inverser la tendance.
jeune afrIque: quelle est la situation ivoirienne en matière d’approvisionnement en eau potable ? PatrIck achI : Nous sommes
sortis de la crise [postélectorale] en avril 2011 avec un déficit de 30 % pour la ville d’Abidjan et de 50 % pour les villes de l’intérieur et les localités rurales. Cela a été l’un des secteurs d’investissement prioritaires pour le gouvernement, en particulier pour Abidjan, qui représente 70 % de la consommation ivoirienne. Notre capacité de production pour la métropole est de 350000 m3 par jour [portée depuis à 400000 m3, selon le président de la Sodeci] alors que les besoins actuels sont de 500 000 m3. n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
captage, stockage, distribution : où se situe le problème ?
À tous les niveaux. C’est avant tout un manque d’investissements pendant plus de dix ans. À Abidjan, on constatait déjà une forte pression sur les infrastructures en l’an 2000. Et pendant la crise, le nombre d’habitants a doublé, du fait de la croissance démographique mais également de l’arrivée de populations fuyant les combats et les zones de tensions. Vous qui, au sein du gouvernement, avez été chargé de ce dossier quasiment sans interruption depuis l’an 2000, comment expliquez-vous ce constat ?
Il faut savoir qu’une grande partie des investissements dans cedomaineprovientdespartenaires au développement. En 2000, le
vincent fournier/j.a.
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d’approvisionnement de grandes villes comme Daloa ou San Pedro. Sur un besoin estimé à environ 500 millions d’euros pour Abidjan sur les dix ans de crise, moins de 50 millions ont été investis. À la sortie, l’urgence était décuplée. Disposez-vous désormais de l’argent nécessaire pour résorber le déficit en eau potable ?
Ces besoins sont en train d’être couverts. À Abidjan, nous avons
avec l’augmentation des besoins, les forages ne constituent pas des solutions pérennes. projet d’accroissement de près de 15 % de la production d’eau pour Abidjan, financé par l’Agence française de développement [AFD], a été arrêté après le coup d’État. Et à partir de 2002, notre endettement nous a obligés à stopper notre coopération avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement[BAD].Pendantune décennie, nous n’avons obtenu que quelques financements de l’Union européenne pour traiter les déficits
un chantier financé par la Banque islamique de développement [BID] pour produire 40 000 m3 d’eau potable par jour, qui devrait être achevé à la fin de l’année. Nous avons également un projet pour 20000 m3 supplémentaires, appuyé par la Banque arabe pour le développement économique en Afrique [Badea], qui va se terminer en 2014. Sans oublier l’approvisionnement de la capitale économique à partir de la nappe de Bonoua – celle jeune AfrIque
Eau prévoyons d’alimenter la Côte d’Ivoire grâce aux trois plus grands cours d’eau du pays, les fleuves Sassandra, Comoé et Bandama. Sur ce dernier, l’objectif de production est de 600 000 m3 par jour. Cela passe par la mise en place d’un partenariat public-privé. L’objectif est de créer le premier producteur indépendant d’eau, comme on a des producteurs d’électricité. En Afrique, le secteur équilibre rarement ses finances. trouver un partenaire privé qui investisse ne sera pas facile…
d’Abidjan est surexploitée – dont les travaux, financés par les Chinois, seront terminés l’an prochain. À cela s’ajoutent les financements de l’AFD pour un projet d’approvisionnement de 40 000 m3 à Songon [en périphéried’Abidjan]prévuen2014. La plupart de ces projets ne seront achevés qu’à moyen terme. Qu’avez-vous fait pour répondre aux besoins immédiats ?
Le gouvernement a initié en 2011 un plan d’urgence de 48 milliards de F CFA [73,2 millions d’euros], financé à hauteur de 29 milliards par le secteur et de 10 milliards par le programme présidentiel d’urgence, le reste demeurant à trouver. Cela concerne des forages et des infrastructures de stockage, comme le château d’eau dédié aux communes d’Abobo et d’Anyama [district d’Abidjan], dont la première pierre a été posée le 23 avril. Et dans les zones rurales ?
Ce sont les premiers besoins auxquels nous nous sommes attaqués. À la fin de la crise, plus de 70 % des pompes villageoises étaient en panne. Aujourd’hui seulement 15 % jeune afrique
d’entre elles sont encore hors d’usage, et toutes seront réparées fin 2013. Les besoins futurs sont estimés à 8000 nouvelles pompes et il faudra réhabiliter les infrastructures des chefs-lieux de région, de département, et des sous-préfectures. Sans compter les 245 nouvelles souspréfectures, ainsi que 108 localités de plus de 10 000 habitants à équiper entièrement. Cela représente entre 400 et 500 millions d’euros à réunir dans les trois ou quatre prochaines années. Comment comptez-vous trouver cette somme ?
Nous préparons pour fin juin une conférence des bailleurs sur le thème de l’eau. L’objectif est de réunir au moins 50 % des fonds nécessairespourdébuterlestravaux en 2014. La Côte d’ivoire a-t-elle assez de ressources en eau pour satisfaire ses besoins ?
Oui, mais on se rend compte qu’avec l’augmentation des besoins, les forages ne constituent pas des solutions pérennes. À l’avenir, nous
Bio express 1955 Naissance à Paris 1981 Diplôme d’ingénieur de Supélec Paris 1983 Début de carrière au cabinet Arthur Andersen, à Paris puis à Abidjan 1999-2000 Délégué du gouvernement chargé de la réforme de la filière café-cacao 2000 Ministre des Infrastructures économiques, poste qu’il occupe jusqu’en février 2010, puis de nouveau à partir de décembre 2010
En Côte d’Ivoire, l’eau a toujours été gérée de manière privée, et l’État n’a jamais failli à ses engagements. Par ailleurs, nous sommes l’un des pays africains où vous trouverez le plus de contrats de concession et d’affermage : l’électricité, le téléphone, le secteur aéroportuaire, les chemins de fer. Nous avons donc un historique relativement bon. Et puis les investisseurs recevront des garanties sur les volumes : si la consommation réelle est inférieure, l’État compensera la différence. En milieu rural, vous souhaitez offrir l’eau gratuitement aux communautés alimentées par des pompes manuelles. n’allezvous pas aggraver les difficultés du secteur ?
Non, car c’est moins de 5 % de la consommation du pays. Cette mesuretientcomptedelafragilitéde cespopulations.L’entretienestthéoriquement du ressort des comités villageois. Mais l’expérience montre qu’ils ne fonctionnent pas bien. S’il faut payer 2 milliards de F CFA par an pour que les 19 000 pompes du paysfonctionnent,onconsidèreque dans cette période où la pauvreté est grande, l’État doit le faire. Une fois la situation financière de ces populations améliorée, on pourra envisager un mécanisme payant. À terme, est-ce que la Côte d’ivoire pourrait vendre de l’eau à ses voisins ?
Tout à fait. Nous le faisons déjà pour l’électricité. Nous en avons le potentiel. l Propos recueillis à Abidjan par JuLiEn CLémEnçot n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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CAMEROUNAISE DES EAUX (CDE) Depuis son entrée en activité en 2008, la Camerounaise des Eaux (CDE) multiplie les efforts et les investissements pour assurer un service public de qualité et améliorer l’accès à l’eau potable des populations urbaines et périurbaines au Cameroun.
ASSURER UN SERVICE DE QUALITÉ DE L’EAU POTABLE
S
Brahim Ramdane, Directeur Général de la Camerounaise des eaux.
ociété anonyme de droit camerounais, la Camerounaise des Eaux (CDE) a été créée en 2007 par un consortium d’entreprises marocaines : l’Office national de l’eau potable (ONEP), Delta Holding, NOVEC et Medz. Elle est issue de la restructuration du secteur de l’eau, et plus particulièrement du secteur de l’hydraulique urbaine, mise en œuvre en 2005 par le gouvernement de la République du Cameroun.
tion, du transport, de la distribution et la commercialisation de l’eau potable dans le périmètre affermé constitué de 106 centres urbains et périurbains. Elle assure l’exploitation de 99 points de captage, 95 stations de traitement et 36 forages pour une longueur de canalisations de distribution de 4 900 kilomètres. Son laboratoire central assure un contrôle permanent de la qualité de l’eau en effectuant 5 500 analyses par an.
Par voie d’appel d’offres international, et dans le cadre d’un contrat d’affermage de dix ans, la Camerounaise des Eaux (CDE) a été choisie pour exploiter les installations et assurer le service public de l’eau potable au Cameroun. Des missions qu’elle remplie en s’appuyant sur ses valeurs : la bonne gouvernance, le professionnalisme et la qualité de service. Elle a pour principaux partenaires le Ministère de l’Énergie et de l’Eau (MINEE) et Camwater (Cameroon water utilities Corp.).
Les missions du CDE
4 900 kilomètres de canalisations
Dans le cadre de ce partenariat publicprivé, la CDE est chargée de la produc-
• Améliorer le taux d’accès par la réalisation des branchements, • Accroître les volumes vendus par la limitation des fréquences et durées des arrêts de service, ainsi que par la réduction des pertes d’eau sur le réseau, • Améliorer la continuité du service en réduisant les temps d’arrêt des installations.
L’expertise CDE se traduit au quotidien par une série de projets
• La mise à niveau des ouvrages de production et de distribution des villes de Douala et Yaoundé,
Agence de Koumassi.
Travaux de réfection des parois du château de Nkoayos.
COMMUNIQUÉ
Exécution d’un branchement.
Equipe exécutant un branchement.
CAMEROUNAISE DES EAUX (CDE) • La mise à niveau des laboratoires centraux et régionaux, • Le renforcement des moyens techniques et logistiques nécessaires à l’exploitation, • La mise en place d’un programme de formation et de recyclage du personnel, • L’élaboration d’un programme d’investissement triennal, • La réduction des charges d’exploitation, • L’amélioration de la continuité de service, • L’amélioration de la qualité des eaux distribuées, • La création d’un tissu industriel local de micros entreprises dans le secteur de l’eau potable, • La consolidation de l’expertise sur le plan technique, • L’accréditation du laboratoire central de la CDE, • Le développement de nouveaux outils permettant d’optimiser l’exploitation des installations, notamment la mise à jour des plans des réseaux de distribution, la GMAO, le SIG, la télégestion.
Les réalisations techniques
La CDE a réalisé des travaux de remise à niveau des équipements et des ouvrages de production et de distribution des deux grandes métropoles du Cameroun, Yaoundé et Douala. Financés par la Banque mondiale à hauteur de 5 milliards de francs CFA, ces travaux ont été réalisés à hauteur de 100%. Ils consistaient essentiellement dans : • La réfection et la réhabilitation des filtres de Japoma (Douala) et d’Akomnyada (Yaoundé),
• Le renouvellement et la réhabilitation des stations de pompage, • La remise à niveau des équipements de traitement et de dosage des réactifs, • La réhabilitation des réservoirs de stockage.
Une meilleure prise en compte des clients
Disponible 24h/24 La CDE met à la disposition du public un centre d’appel ouvert 24h/24. Pour toute information ou réclamation, composez le 8055. L’appel est facturé au tarif local en vigueur.
La CDE a récemment procédé au développement d’une nouvelle application de gestion clientèle. Cette application est une réponse à l’évolution technologique, aux exigences du contrat d’affermage et du contrat de performance et, bien sûr, aux attentes des exploitants et des clients. Orientée Web, cette application permet de centraliser les données et d’assurer, en cas de disponibilité du réseau, les opérations suivantes : • Identifier un client (abonné ou non) de façon unique dans l’ensemble de la structure CDE, • Payer sa (ses) facture (s) indifféremment du site de domiciliation, • Choisir, après paiement d’une facture, de se faire rembourser ou de déposer le reliquat de la monnaie sur son compte, • Recevoir un reçu indiquant les rubriques détaillées du règlement effectué, • Se renseigner sur la situation détaillée de son compte, en temps réel, dans n’importe quel (le) centre ou agence de la CDE, • Procéder à un règlement unique pour les clients possédant plusieurs installations disséminées dans l’étendue du territoire.
Direction Générale B.P.157, Douala, Cameroun Tél. : (+237) 33 43 99 80 Fax : (+237) 33 43 99 81 E-mail : la-cde@la-cde.com www.la-cde.com
DIFCOM/FC - PHOTOS : DR
Réhabilitation des équipements de production.
Point de captage d’Akomnyada.
Réhabilitation de la station de pompage de la Cité des Palmiers (Douala).
Dossier
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portraits
Des patrons sous pression Leur mission: développer, entretenir et gérer au mieux leur réseau pour satisfaire une demande galopante. Un poste très exposé.
Q uandHédiBelhajétait chargé des barrages
hichem
au ministère tunisien de l’Agriculture – où il a fait toute sa carrière –, il a été confronté aux inondations du début de 2012. À la tête de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) depuis un an, il doit désormais trouver une solution face à l’épuisement des ressources en eau. « En 2030, nous pourrons servir 360 m3 par habitant et par an, alors que selon l’OMS [Organisation mondiale de la santé, NDLR], le seuil de pauvreté est de 700 m3 et la moyenne à 1 000 m3 », alerte le PDG de 60 ans. « Le réseau parvient à alimenter 100 % des villes et près de 93 % [des foyers] en zone rurale », soulignet-il. Pourtant, selon le géographe Habib Ayeb, 30 % de la population n’auraient pas un accès sécurisé et
permanent à l’eau potable. Après les coupures de juillet et août derniers, un plan d’urgence de 24 millions d’euros (52 millions de dinars) a été mis en place, ciblant prioritairement la région de Sfax. Il s’agit d’augmenter le débit par des forages supplémentaires ou des transferts du réseau existant. Une petite station de traitement d’eau, préfabriquée par une entreprise espagnole, devrait ainsi fonctionner d’ici à fin juin. tarifs. Du côté de la
Sonede, le budget d’investissement dépasse 135 millions d’euros pour cette année. Hédi Belhaj, diplômé de l’École nationale supérieure d’agriculture de Tunis, doit déployer ses talents de gestionnaire pour trouver comment renflouer l’entreprise publique, dont les pertes
ont atteint 84 millions d’euros entre 2008 et 2012. Il espère qu’un nouveau décret de tarification sera bientôt publié. « L’eau est parmi les moins chères du monde, les tarifs n’ont pas augmenté pendant dix ans et les deux tranches qui consomment le moins ne sont pas concernées », se justifie le PDG, qui souhaite atteindre l’équilibre financier d’ici à 2016. C’est aussi à cette échéance qu’il compte voir inaugurer la station de dessalement d’eau de mer de Djerba, la première du pays (qui en compte quatre pour l’eau saumâtre).Despourparlers sont en cours avec des bailleurs de fonds pour cette unité et deux autres également en projet : la banque de développement allemande KfW pour Djerba et Gabèsetl’agencejaponaise Jica pour Sfax. l stéphanie Wenger, à Tunis
sodeci
Hédi Belhaj PDG de la Sonede (Tunisie)
Firmin Ahouné
Président de la Sodeci (Côte d’Ivoire)
L
a carrière de Firmin Ahouné se confond avec l’histoire de la Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire (Sodeci), où il est entré en 1978. En juin 2011, lorsque l’ancien maire du Plateau (de 1995 à 2000) fut nommé président de la Sodeci, quelques doutes s’étaient fait jour quant à la capacité de ce fringant septuagénaire à succéder à Marcel Zadi Kessy – dont il avait longtempsétélebrasdroit.Àtort.«Audépart, on a cru que son âge pouvait être un handicap, mais il s’est révélé un travailleuracharné.C’estunfinconnaisseurde la maison; il a fait toute sa carrière ici », expliqueunadministrateurdelasociété. défis. En deux ans de gestion, en duo
avec le directeur général Basile Ebah, Firmin Ahouné a presque triplé – de 2,6 millions d’euros (1,7 milliard de F CFA) en 2011 à 6,9 millions en 2012 – le bénéfice de l’entreprise, dont l’actionnaire de référence est Finagestion (filiale de Bouygues et Emerging Capital Partners). L’an dernier, le chiffre d’affaires a atteint 99,5 millions d’euros. Et le plan stratégique 2012-2014 vise à améliorer le ratio de facturation, qui devrait passer de 60 % à 75 %. De bons résultats qui n’occultent pas les vrais défis liés au déficit en eau potable. La Sodeci poursuit l’extension du réseau afin d’approvisionner tout le pays et met l’accent sur son entretien, car les installations sont devenues vétustes (lire l’interview pp. 76-77). D’ici à 2015, elle veut porter sa capacité de production pour la ville d’Abidjan à 650 000 m3, contre 400 000 m3 actuellement. l BaudeLaire Mieu, à Abidjan
n o 2733 • du 26 mAi Au 1 er juin 2013
jeune Afrique
eau
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Jean William Sollo
Directeur général de Camwater (Cameroun) semblent insuffisants. « À mon arrivée, 200 milliards de F CFA [305 millions d’euros, NDLR] avaient déjà été utilisés, précise-t-il. En une année, nous avons mobilisé 210 milliards supplémentaires. Nous comptons donc solliciter le gouvernement afin qu’il autorise une rallonge. » turcS. Laréhabilitationetlaconstruc-
tion d’usines d’eau potable à Yaoundé et Douala accroîtront l’offre de, respectivement, 90000 et 100000 m3 l’an prochain – pas assez pour satisfaire une demande galopante. En parallèle, la remise en état d’une partie du réseau de transport et de distribution se poursuit, en attendant le démarragedu plande renouvellement (portant sur 15000 km) et d’extension (de 40000 km). En mars, Jean William Sollo a décroché 76 millions d’euros auprèsdeTürkEximbankpourréhabiliter et créer des stations de traitement dans dix villes secondaires et assainir des rivières à Yaoundé et Douala. Le patron de 64 ans attend d’ailleurs la venueauCameroundesespartenaires turcs, en juin, pour négocier un autre accord. l omer mbadi, à Yaoundé
CamwateR
lors que la nuit tombe sur le complexe immobilier d’Olembe (banlieue nord de Yaoundé), ce 19 mai, les bâtiments achevés ne sont toujours pas alimentés en eau. Pourtant, la garde présidentielle doit y emménager le lendemain. En liaison permanente avec ses collaborateurs, Jean William Sollo, directeur général de Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater, entreprise publique), attend sur place l’arrivée de la précieuse denrée. L’extension d’Olembe fait partie des projets qu’a trouvés l’ancien directeur général de l’Office national de développement des forêts à son arrivée à la tête de la société, le 27 mars 2012. Depuis, il poursuit l’exécution du programme décennal d’investissements de 610 millions d’euros (400 milliards de F CFA), qui doit porter le taux de desserte de moins de 35 % en 2010 à 60 % en 2015 et 80 % en 2020. Un objectif au regard duquel les financements souscrits auprès de China Exim Bank, l’Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (BAD) et la banque belge Belfius lui
Anta Seck
Directrice générale de la Sones (Sénégal)
S
DR
a
a nomination, le 11 avril dernier, à la direction générale de la Société nationale des eaux du Sénégal (Sones) a été saluée par les spécialistes. Âgée de 56 ans, cette discrète ingénieure spécialisée en hydraulique était depuis juillet 2003 directrice de la gestion et de la planification des ressources en eau. « Les directions [d’entreprises publiques, NDLR] sont le plus souvent des postes réservés aux politiciens. Mais Anta Seck avait un bon profil et a fait ses preuves », souligne-t-on dans l’entourage du chef de l’État. La filière sénégalaise de l’eau est citée parmi les services publics de référence en Afrique, plus de 95 % de la population urbaine ayant accès à l’eau potable, selon le Programme d’eau potable et
d’assainissement du millénaire. Reste qu’Anta Seck sera confrontée à un triple défi, confie un partenaire au développement : assurer la qualité de l’eau – la présence de fer et de fluor ayant été signalée dans les régions de Kaolack et de Fatick –, intégrer le secteur de l’assainissement et maintenir l’équilibre financier de la Sones. forageS. Anta Seck, elle, affiche une
priorité : l’approvisionnement de Dakar. Elle compte pour cela sur un programme d’urgence prévoyant « le renouvellement et la réhabilitation de forages pour avoir un volume de production supplémentaire ». Des unités de dessalement d’eau de mer d’une capacité de 27 000 m3 par jour devraient aussi être implantées à NicolaS ly, à Dakar l’horizon 2017. l n o 2733 • Du 26 maI au 1 eR juIn 2013
dossier eau Algérie
Nestlé Waters joue la carte diététique
Pour ce faire, il ne souhaite pas se lancer dans une guerre des prix perdue d’avance, mais préfère se placer sur le créneau du respect de l’environnement et de la qualité. Par exemple, la colle utilisée sur les bouteilles ne contient pas de naphtaline, et les bouchons sont teintés avec des colorants alimentaires sans risques pour la santé.
Pour s’imposer sur un marché très concurrentiel, la filiale du géant suisse de l’agroalimentaire veut détourner les consommateurs des boissons sucrées.
louiza ammi Pour j.a.
saNTé. L’objectif est plutôt de
p En 2012, l’entreprise a produit 150 millions de litres, destinés au marché local.
«
N
os investissements dans des machines de dernière génération et dans la formation de notre personnel ont porté leurs fruits l’an dernier », affirme Ahmed Elleissey, directeur général de Nestlé Waters Algérie, qui chiffre ces dépenses à une dizaine de millions d’euros. Et pour cause: l’entreprise a réalisé en 2012 un chiffre d’affaires en hausse de 62 %, à 15 millions d’euros, alors que le marché de l’eau en bouteilles n’a progressé que de 5 % à 7 %, après plusieurs années de croissance à deux chiffres. Troisième posiTioN. Dans son
usine située à Blida (à 45 km au sud-ouest d’Alger), Nestlé Waters Algérie – qui emploie environ 200 personnes, dont seulement deux expatriés – a produit 150 millions de litres d’eau en bouteilles, destinés à une commercialisation locale sous sa marque Nestlé Vie Pure.Avecunepartdemarchécomprise entre 12 % et 14 %, la société est en troisième position derrière n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
Ibrahim & Fils (Ifri, qui détiendrait près de 50 % du marché) et Guedila. Derrière, la concurrence est très intense, car l’Algérie compte une cinquantaine de producteurs dans le secteur – ce qui n’empêche pas les pénuries ponctuelles, comme celle enregistrée lors de la canicule de juin à août dernier. Danone Tessala Boissons, filiale du groupe français, a ainsi dû plier bagage en 2010 après trois années consécutives de pertes. Nestlé Waters Algérie, qui a lancé sa marque en 2008 sans partenaire algérien, demeure déficitaire. « Nous avons besoin de temps pour amortir nos investissements et augmenter nos volumes, admet Ahmed Elleissey. Nous espérons atteindre l’équilibre cette année. » Avec un objectif de croissance compris entre 20 % et 25 % en 2013, le but est de grignoter des parts de marché pour atteindre au moins 15 %. Mais les ambitions du directeur général pour l’avenir sont bien plus élevées : « Nous visons la première position en Algérie à moyen terme. »
les sodas ont la cote (consommation annuelle, en milliards de litres) Eau en bouteille:
1,1
Boissons gazeuses et jus de fruits :
2,3
SourceS : NeStlé WaterS, aPaB
82
séduire de nouveaux clients. Avec une consommation de 1,1 milliard de litres d’eau en bouteilles en 2012, les Algériens ont bu en moyenne 29 litres par habitant, contre 4 litres en 1999. Malgré cette augmentation, le marché conserve un potentiel de développement considérable : les Tunisiens, eux, consomment 115 litres d’eau (minérale ou de source) par an. Les producteurs d’eau en bouteilles doivent notamment faire face à la concurrence d’autres boissons. Les Algériens sont en effet friands de sodas (gazouz) et de jus de fruits, dont ils consomment 2,3 milliards de litres par an. Des habitudes que Nestlé Waters Algérie ne désespère pas de faire changer. « L’eau est bien meilleure pour la santé que les boissons sucrées et doit se positionner comme une alternative pour une hydratation saine. Nous voulons sensibiliser la population sur les problématiques du diabète et de l’obésité », affirme Ahmed Elleissey. Pour y parvenir, Nestlé a développé une stratégie marketing centrée sur la santé et le bien-être. L’Algérie fait ainsi partie du programme Healthy Hydration (« hydratation saine ») mis en place par la multinationale suisse dans certains pays stratégiques. Disposant d’un budget marketing limité, la filiale locale se cantonne à des opérations de sponsoring ponctuelles, notamment celle du marathon d’Alger qui se déroule au mois de novembre. l ryadh BeNlahrech jeune AfrIque
Somagec GE, bâtir l’avenir
Apprivoiser l’eau A Bata, le système d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement des eaux usées a bénéficié de l’expertise de Somagec GE. La ville a été équipée d’infrastructures pour desservir 300 000 personnes, améliorant le cadre de vie de ses habitants, préalable nécessaire au dynamisme économique.
Façonner la terre Somagec construit des routes, mais aussi des infrastructures aéroportuaires modernes ou des aménagements de littoraux…
Maîtriser la mer Depuis sa création en 2005, Somagec GE a mené de front plusieurs chantiers portuaires à Malabo, Bata, Kogo, Corisco et d’Annobon...
Construire, agrandir, moderniser les infrastructures essentielles que sont les routes, les ports et les aéroports pour encourager le développement économique, mieux relier les hommes et favoriser leurs échanges, voilà les défis que Somagec GE est fière de relever pour contribuer à bâtir l’Afrique du futur. Son engagement en Guinée Equatoriale traduit cette volonté de favoriser le développement humain, le bien-être et la prospérité des citoyens.
Innovation - Confiance - Sécurité - Rentabilité Edificio Ureca, Calle Parque de Africa - BP 405 Malabo - Guinea Ecuatorial Tel: +240 333 09 92 75/76/77 Fax : +240 333 09 92 71/74/79 www.somagecge.com - contact@somagecge.net
Créateur de développement
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le talk-show africain de tV5Monde
Mercredi 29 mai à 21h* www.tv5monde.com/rvmaquis
Politique, économie, société, culture : une vision moderne de l’Afrique présentée par Anasthasie Tudieshe et son équipe de co-animateurs. En présence de la comédienne Aïssa Maïga. Sur TV5MONDE France-Belgique-Suisse et 20h45 sur TV5MONDE Afrique (heure de Dakar).
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Dossier eau
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Tribune
Opinions & éditoriaux
Les États doivent reprendre la main
dr
d Jean-Luc TouLy Responsable eau de la Fondation Danielle MitterrandFrance Libertés et porte-parole de l’Association pour le contrat mondial de l’eau France
evant les problèmes sociaux, économiques et sanitaires dus au nonaccès d’une très large majorité de la population africaine à une eau de qualité en quantité nécessaire, on ne peut que s’accorder sur l’urgence de la situation. mais au-delà de ce constat, les analyses divergent quant aux solutions à apporter. prôné par les grandes institutions (banque mondiale, Fonds monétaire international, organisation mondiale du commerce, panel camdessus, union européenne, etc.) comme seul modèle efficient, le partenariat public-privé était censé répondre aux défis de l’accès à l’eau et à l’assainissement à travers le monde. ce type d’organisation, fortement inspiré du modèle français de gestion déléguée, continue d’être l’alpha et l’oméga des préconisations en matière d’aide au développement et de projets de coopération. mais sur le terrain, la plupart des pays africains ont très largement privatisé leurs entreprises publiques, notamment celles chargées de distribuer l’eau dans les grandes villes. en parallèle, ils se sont lancés dans une forte décentralisation du service de l’eau, en transférant certaines compétences des services de l’État vers les communes sans doter celles-ci de ressources supplémentaires – notamment fiscales. or ces changements ne se sont pas accompagnés d’une extension du périmètre desservi et les zones rurales n’ont pas bénéficié des programmes d’investissements. cette privatisation, qui porte essentiellement sur l’exploitation des réseaux existants, restant souvent propriété de l’État, et laisse à la charge de celui-ci les extensions éventuelles, rencontre de plus en plus de résistance de la part de la population (comme au Gabon, au Ghana ou au maroc) et ne répond pas aux énormes enjeux liés à l’eau et à l’assainissement.
de leurs priorités et l’inscrire dans les programmes d’investissements. par ailleurs, l’engagement financier international doit augmenter. alors que l’ensemble des États ont souscrit aux objectifs du millénaire pour le développement, qui prévoient de réduire de moitié d’ici à 2015 la population n’ayant pas accès à l’eau potable et à un assainissement, les aides bilatérales ont été divisées par deux à l’échelle mondiale ! D’autre part, au lieu de ne favoriser que les partenariats public-privé, ce qui s’apparente trop souvent à une socialisation des coûts et à une privatisation des profits, pourquoi ne pas élaborer des partenariats public-public dans lesquels l’expertise et l’ingénierie du secteur public pourraient être partagées et mises au service des collectivités locales ? arrêtons également de vendre des solutions techniques clés en main à des collectivités locales qui ne disposent pas des compétences techniques et administratives nécessaires pour
La privatisation des réseaux rencontre de plus en plus de résistance de la part de la population.
Loin de continuer à cautionner des politiques qui ont très largement montré leurs limites, il s’agit désormais de proposer une alternative au désengagement public et à la logique dominante de privatisation des services. les États africains ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités : ils doivent placer l’eau en tête jeune afrique
contrôler la gestion du service et en assurer la maintenance. adaptons les projets au terrain, au vu de l’hétérogénéité des réalités socioéconomique et hydrographique en afrique. Comme le martèle le mouvement altermondialiste, de plus en plus mobilisé autour de ces enjeux, l’eau n’est pas une marchandise comme les autres mais avant tout un bien commun public auquel il faut garantir l’accès de tous. et ce n’est pas le conseil mondial de l’eau, créé en 1996 par les multinationales et les institutions financières internationales, présidé entre 2005 et 2012 par le président de la société des eaux de marseille (filiale de veolia) et organisateur tous les trois ans du Forum mondial de l’eau, qui pourra permettre un vrai partage éthique de cette ressource. Devant les projections évoquant quelque 3 milliards d’habitants dépourvus d’accès à l’eau potable en 2025 – principalement en afrique –, l’heure est plus que jamais au changement de stratégie et à un véritable volontarisme politique. l n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
NOTRE MISSION, VOUS SERVIR
Leader de l’eau en Côte d’Ivoire Parce qu’elle contribue à l’amélioration des conditions de vie des Ivoiriens et participe au développement économique du pays, la SODECI s’emploie à accomplir ses missions en respectant SIÈGE DE LA SODECI À ABIDJAN.
PUBLI INFORMATION
C
réée en 1960, la SODECI (Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire) a la responsabilité exclusive de la production et de la distribution d’eau potable dans les zones urbaines en Côte d’Ivoire. Lorsqu’elle signe son premier contrat d’affermage avec l’État, il y a plus de 50 ans, seule la ville d’Abidjan a accès à l’eau potable et la SODECI compte près de 4 000 clients. Aujourd’hui, 85 % de la population urbaine de Côte d’Ivoire a accès à l’eau potable. La SODECI dessert plus de 700 000 clients en eau. Un peu plus de cinq décennies de progrès ont permis à cette entreprise privée africaine d’obtenir des résultats qui lui permettent d’être souvent citée en exemple pour sa philosophie managériale et ses méthodes de gestion.
quatre principes clés. recouvrement de 30 % résultant de ce mode de paiement. En septembre 2012, le dispositif a été complété par l’entrée en service des Terminaux de Saisie Portable (TSP). Cette nouvelle expérience a débuté par les sites pilotes du secteur Abobo Sud et du centre d’Anyama. Cette nouvelle technologie qui sera déployée dans toute l’entreprise, permet d’augmenter le nombre de relevés par jour et par agent, de réduire la durée de la relève et d’améliorer considérablement le recouvrement.
1. Une entreprise moderne Depuis le 17 novembre 2011, la SODECI a adopté le paiement électronique des factures. Deux objectifs sont visés par la mise en œuvre de ce nouveau mode de paiement : réduire les files d’attentes aux caisses et améliorer la trésorerie avec un STATION DE TRAITEMENT D’EAU DE LA DJIBI, À COCODY.
2. Au cœur du monde rural
3. Au service des citoyens Le nombre d’abonnés de la SODECI à fin 2012 atteint 707 873, en croissance par rapport à 2011 de 4,1 %, dont 3,8 % sur Abidjan et 4,3 % sur l’intérieur. La progression est due notamment aux opérations de branchements subventionnés par la Banque Mondiale en 2011 et 2012. Ces programmes de subventions des branchements sociaux à destination des ménages à faible revenu, dans le cadre du PUIUR (Programme d’Urgence des Infrastructures Urbaines) ont concerné 30 000 branchements, soit une population de 300 000 habitants. Elle résulte également des très bons résultats enregistrés à l’occasion de la « Super Campagne Promo Cinquantenaire » incluant une réactivation efficace des polices résiliées sur les Directions régionales situées en zones Centre, Nord Ouest (Ex-CNO, anciennes zones de conflit, où la facturation et le recouvrement restent difficiles). Le nombre des abonnés de la zone Ex-CNO passe de 70 538 à 74 622,en croissance de 5,79 %.
> UN GRAND GROUPE DE SERVICES PUBLICS SODECI fait partie du groupe Finagestion, qui comprend également la CIE (Compagnie ivoirienne d’électricité), la CIPREL (Compagnie ivoirienne de production d’électricité), ainsi que la Sénégalaise des Eaux. Le groupe Finagestion favorise l’actionnariat salarié, si bien qu’aujourd’hui les collaborateurs de CIE et SODECI en sont actionnaires à hauteur de 9,5 %. Des actionnaires privés – principalement ivoiriens et sénégalais – soutiennent également le groupe. Acteurs essentiels de la vitalité économique de la Côte d’Ivoire, SODECI, CIE et CIPREL ont en commun une gestion à la hauteur des standards internationaux, comme en témoignent les certifications validant leurs démarches qualité (ISO 9001), environnementales (ISO 14001) et de sécurité (OHSAS 18001). SODECI a d’ailleurs été la première entreprise africaine de service public à obtenir la certification ISO 9001, en février 2001.
CONTRÔLE PERMANENT DE LA QUALITÉ DE L’EAU.
En dehors de la campagne promotionnelle organisée à l’occasion du cinquantenaire de la SODECI, d’autres campagnes se déroulent dans toutes les directions régionales, pour permettre à toutes les populations vivant en Côte d’Ivoire et surtout aux couches défavorisées d’avoir accès à l’eau potable.
4. Dans une démarche de développement durable La SODECI a toujours été inscrite dans une démarche environnementale et de développement durable. C’est pour cela qu’elle met un point d’honneur à réaliser sa mission de service public d’assainissement. Depuis > CHIFFRES-CLÉS SODECI 1999, la SODECI assure l’exploi(AU 31 DÉCEMBRE 2012) tation et la gestion du réseau d’assainissement d’Abidjan, par • Effectifs 1 736 personnes la maintenance en bon état des • 707 873 clients (eau potable) ouvrages et des équipements, • 367 255 clients (assainissement) la collecte et l’évacuation des • 199 966 milliers de m3 d’eau produite eaux usées.C’est également une • 198 centres de gestion dans entreprise qui prend soin de ses l’ensemble du pays collaborateurs, à travers un pro• 824 localités desservies jet « Budget Familial et cadre de vie », qui leur apprend à bien gérer leur salaire et à vivre dans un environnement sain. SODECI s’est aussi engagée à renforcer sa responsabilité sociétale, en signant des conventions de partenariat. Un projet est en cours pour aider les populations du village de Ziminguhe (Daloa) à prendre en main leur développement et à lutter efficacement contre la pauvreté. Une convention de partenariat a été signée avec l’ONG Ouyiné pour apporter son expertise à la réalisation du plan d’actions identifié et mis en œuvre dans ce village.
NOTRE MISSION, VOUS SERVIR SOCIÉTÉ DE DISTRIBUTION D’EAU DE LA CÔTE D ‘IVOIRE Avenue Christiani - Treichville - 01 BP 1843 Abidjan 01, Côte d’Ivoire - Tél. : (+225) 21 23 30 00 Fax : (+ 225) 21 24 20 33 - www.sodeci.ci
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
De 1973 à 1987, la SODECI s’occupait, en plus de ses missions traditionnelles,de l’entretien des pompes villageoises.Les populations n’arrivant pas à payer,il se posait des difficultés de recouvrement. En 1987, le gouvernement a pris la décision de confier l’hydraulique rurale à l’Administration publique. Des difficultés sont survenues, car 50 % des pompes ne fonctionnaient pas. En 2011, l’État a décidé de remettre en état toutes les pompes. Ce projet impliquait la réparation et la maintenance. Pour réaliser cet important projet, l’État a fait confiance à la SODECI, parce qu’elle a fait preuve de son professionnalisme et qu’elle est représentée sur tout le territoire national. Cette décision gouvernementale donne deux missions précises à la SODECI : • Réparation de 5000 pompes à motricité humaine ; • Entretien du parc de 17 000 pompes villageoises sur le territoire national. Les réparations ont débuté fin octobre 2012. Au 30 avril 2013, 3 263 pompes avaient été réparées (soit 67 % des pompes à réparer), 1 253 réceptionnées et 1 460 en cours de réception. Depuis janvier 2013, 60 % du parc a été visité dans le cadre du contrat de maintenance. Les travaux sont actuellement en cours sur toute l’étendue du territoire. Contractuellement, la fin des travaux de réparation est prévue pour fin août 2013 et la maintenance pour fin décembre 2013. Ce vaste chantier prioritaire pour le Gouvernement est également une opportunité de création de valeur et de renforcement d’image citoyenne pour SODECI et pour le groupe.
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Culture & médias
MuSique
Rokia TRaoRé « Les Maliens doivent faire leur mea-culpa »
Avec Beautiful Africa, un cinquième album réussi, l’artiste malienne expérimente les limites du blues-rock mandingue. Et réaffirme son engagement pour le continent et son pays. Propos recueillis par
D
MaliKa GrOGa-BaDa
précédent, Tchamantchè [2008], où les orchestrations tendaient déjà vers le blues-rock. Comme mes deux premiers disques, il s’inscrivait dans un projet fondé sur les instruments traditionnels d’Afrique de l’Ouest comme le ngoni, la calebasse, le gros balafon, mais les sons rock avaient déjà fait leur apparition. Beautiful Africa s’inscrit dans un
n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
en 2008, vous disiez: « jouer avec des instruments traditionnels, c’est renouer avec mes racines. » est-ce que vous vous sentez moins déracinée aujourd’hui ?
Je me sens à la fois connectée et déconnectée de ma culture, mais ça vient de mon parcours personnel. Mes parents sont des Bambaras de Kolokani [région de Koulikoro], je suis née à Kati, mais lorsque mon père a fini ses études en diplomatie et qu’il a été muté en Belgique, il m’a prise avec lui. Du coup, je me suis construite une identité culturelle, avec tout ce que ma famille m’a transmis, mais aussi avec tout ce que j’ai puisé dans les différents pays où nous avons vécu. Si je me suis parfois sentie déracinée, c’était surtout à travers le regard des autres, ceux qui pensaient que, parce que j’ai longtemps vécu en Europe, je ne parlais pas le bambara ou que je ne connaissais pas suffisamment ma culture.
urdurderencontrerRokiaTraoré. Depuis la sortie de Beautiful Africa, son cinquième album, la chanteuse malienne est sans doute l’une des artistes les plus courtisées de la capitale française. Il y a la promo, qui l’emmène de studios radio en plateaux télé. Les concerts aussi, qui se jouent à guichets fermés. Dans le même temps, la jeune femme prépare son retour au théâtre où elle joue et chante dans la pièce Desdemona, mise en scène par l’américain Peter Sellars himself d’après un texte de Toni Morrison… Après des semaines d’attente, rendez-vous est pris dans le restaurant d’un hôtel du 10e arrondissement de Paris. Autour d’un thé. À la fois pudique et extravertie, en colère et apaisée, Rokia Traoré parle de tout : son nouveau projet qui l’amène à repousser les limites du blues-rock mandingue, la situation de son pays, le Mali, et son espoir de le voir sortir plus grand de la crise qui le secoue depuis plus d’un an.
jeune afrique : Beautiful Africa est un album résolument rock. Marque-t-il un tournant dans votre carrière ? rOKia TraOrÉ: Le tournant date de mon album
nouveau projet, qui puise dans toutes les musiques que j’ai écoutées et qui m’ont influencée.
C’est pour ça que vous tenez tant à chanter dans votre langue ?
C’est surtout parce que c’est une partie de moi! Je l’ai apprise en même temps que le français. Et même s’il m’arrive de chanter en français et en anglais, je continue de chanter en bambara parce que c’est ce qu’il y a de plus difficile. Comment ça, difficile ?
« Si je me suis parfois sentie déracinée, c’était surtout dans le regard des autres. »
Le bambara est une langue qui a sa propre musicalité, et les chants mandingues, ça s’apprend. Même si j’en ai écouté toute ma vie, je n’en ai jamais appris les techniques, on ne m’a jamais initiée aux textes de notre tradition. Il m’a fallu trouver une manière d’adapter mes thèmes au chant bambara. au Mali, quand on demande aux gens ce qu’ils pensent de rokia Traoré, ils disent tous : on l l l jeune AfrIque
Mathieu ZaZZo
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Culture médias Musique une part de responsabilité dans tout ce qui n’a pas marché. Et les Maliens eux-mêmes doivent se remettre en question, car on a tous participé à la corruption et au népotisme qui régnaient au Mali.
l l l la connaît, mais ce qu’elle fait n’est pas pour nous. Comment l’expliquez-vous ?
Le pire c’est que j’ai commencé ma carrière au Mali et que j’y vis! Enfin, je dirais qu’il y a un décalage de point de vue ou de mentalité, mais ce n’est pas grave… Le fait est que je ne fais pas de chants de griots, donc ça n’intéresse pas tout le monde. Je suis dans une autre démarche: faire de la musique contemporaine malienne. Heureusement, j’ai un public qui me comprend et qui répond présent quand j’ai un concert ou que je monte un projet avec les jeunes de la Fondation Passerelle.
Les Maliens aussi doivent faire leur mea-culpa ?
Bien sûr ! Dans ce pays, quand vous êtes directeur de société, la famille ne comprend pas que votre nièce n’y travaille pas. Quand vous êtes fonctionnaire et que vous offrez des moutons de Tabaski à tout le monde, personne ne se demande où vous avez trouvé les moyens financiers pour le faire. Un dirigeant ne tombe pas du ciel, il vient du peuple, il reflète l’environnement dans lequel il a grandi. Et si détourner de l’argent est devenu presque normal, comment voulez-vous qu’il soit plus préoccupé par la chose publique que par son confort personnel ?
Votre projet, la Fondation Passerelle, a 4 ans. Quel est son but ?
Pour moi, c’est ça faire quelque chose pour le Mali, j’y ai investi presque tout ce que j’ai gagné en quinze ans de carrière. L’idée de départ était d’encadrer seize jeunes artistes, de leur offrir une formation gratuite en techniques de chant, en prestation scénique, en danse… C’est typiquement le genre d’assistance dont j’aurais aimé bénéficier quand j’étais plus jeune. Et au fur et à mesure, nos liens se sont resserrés, je ne me voyais plus les lâcher comme ça dans la nature, donc on a monté une chorale avec les dix qui sont restés. Notre premier projet est en vente, et ça fait de petites rentrées d’argent pour la fondation. Quand je pars en tournée, ils se relaient pour m’accompagner, et deux d’entre eux chantent avec moi sur le disque. Aujourd’hui, la Fondation Passerelle, c’est un studio et une salle de spectacles en construction, maisc’estsurtoutdesjeunesaveclesquelsjetourne…
Le Mali est un extraordinaire vivier d’artistes, qui pourtant ont peu de soutien de l’État. Pourquoi, selon vous ?
Malheureusement, le Mali n’est pas le seul pays danscecas.Lesdirigeantsafricainsestimenttoujours qu’ils ont d’autres priorités. Ils ne réalisent pas que la musique comme tous les autres domaines artistiques peuvent constituer des filières porteuses pour nos pays. Finalement, je pense que tout ça trouve son origine dans notre incapacité à nous respecter et à respecter notre patrimoine culturel. La même incapacité qui nous pousse à nous entredéchirer pour des raisons ethniques ou religieuses! Justement, votre pays se remet à peine d’une guerre; une élection présidentielle est en préparation avec 12 candidats déjà connus. Pensez-vous que le président du renouveau figure parmi eux?
Je ne fais pas partie des gens qui pensent qu’il faut absolument balayer tous ceux qui étaient là avant. Mais cela dit, tous les candidats, même les plus jeunes, ont des liens familiaux ou idéologiques avec les régimes qui se sont succédé. Donc eux aussi ont failli, en participant ou en se taisant. Ils doivent tous faire amende honorable, admettre qu’ils ont n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
Sur le plan ethnique, le Mali est très divisé. Pensez-vous que la réconciliation soit possible ?
Beautiful Africa, de RokiaTraoré (None Such)
La division ethnique n’existe pas, elle est médiatique. Dans mon quartier, le boutiquier touareg est toujours là, il n’a pas bougé. Les Touaregs et les Arabes de Bamako sont là, on ne les embête pas. D’ailleurs qui le pourrait? Les gens sont tous liés par l’amitié ou le mariage. Si vous tentez de vous en prendre à l’un d’eux, il y a toujours un voisin qui vous dira « attention, je le connais, il est marié à ma cousine » ou « il a grandi avec mes fils, ne le touche pas ». Cela étant, il faut quand même être vigilant, nous ne sommes pas à l’abri des règlements de comptes qui pourraient survenir, surtout dans les régions du Nord.
Admettez qu’il y a quand même des problèmes : on accuse les Peuls d’avoir collaboré avec les jihadistes, les Touaregs d’avoir permis l’arrivée d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique)… N’y a-t-il pas quelque chose de cassé entre Maliens?
Il faudra être vigilant. Mais franchement, je pense que les gens font la part des choses ! Il y a trop de liens entre groupes ethniques. À Tombouctou, par exemple, la population a battu à mort un bourreau jihadiste – ce qui me choque parce que je suis contre toute violence. Mais ils ne s’en sont pas pris aux membres de sa famille ni aux membres de sa communauté. C’est aux dirigeants de la rébellion que la population en veut, pas aux Touaregs. Ce qui sera difficile, ce sera de réconcilier les Maliens avec les leaders et les combattants du MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad]: pour beaucoup, ce sont ces derniers qui ont ouvert la porte à Aqmi et au Mujao [Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest]… Mais je suis persuadée qu’on y arrivera, on a beaucoup trop souffert, et chaque politicien, chaque homme religieux, chaque Malien a compris qu’il faut agir pour l’intérêt commun. l jeune AfrIque
Culture médias d’instruction d’Abidjan le convoque. Après trois heures d’interrogatoire, il est transféré à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), où il sera emprisonné durant un an. Il y rencontre Jean-Paul Ney, journaliste français accusé d’avoir trempé dans l’affaire du complot « Noël à Abidjan ». Ce dernier reçoit les journaux européens via le consulat. Tiémoko découvre alors Le Canard enchaîné. Une révélation. Adieu la magistrature, le prisonnier se rêve en patron de presse, héraut d’une éthique idéale.
MÉDIAS
le justicier ivoirien
olivier pour ja
Corruption, enrichissement illicite, dérapages des anciens chefs de guerre… le directeur de L’Éléphant déchaîné, Antoine Assalé Tiémoko, dénonce les dérives qui minent son pays.
p Le journaliste dans son bureau d’Abidjan.
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estlenouveauZorro.Derrière un large bureau, un homme à la frêle allure et à l’œil vif. Le directeur de L’Éléphant déchaîné, Antoine Assalé Tiémoko, 37 ans, décoche ses flèches à la vitesse de l’éclair. Ses cibles : les ministres, l’entourage du chef de l’État, les hommes d’affaires aux pratiques condamnables. Son bihebdomadaire pensé sur le modèle du Canard enchaîné français tire à 7 000 exemplaires. Chaque parution est l’occasion de nouvelles révélations : les conditions d’attribution de la concession portuaire d’Abidjan à Bolloré, le patrimoine de l’exgrand argentier, Charles Koffi Diby, les dérapages des ex-chefs rebelles, les zones d’ombre de la convention de concession entre l’État de Côte d’Ivoire et Bouygues Travaux Publics relative à la construction et à l’exploitation du troisième pont d’Abidjan… Des enquêtes bien menées et étayées. Tiémoko et ses journalistes, eux, se font au fil des numéros des ennemis jusque dans la profession. Certains confrères les qualifient aujourd’hui de « proGbagbo encagoulés ». Pire. « On reçoit jeune afrique
Obama. Une fois libéré, il publie Prisonnier en Côte d’Ivoire : j’ai vécu l’enfer de la Maca, un ouvrage qui retient l’attention de l’ambassade américaine. En août 2010, il fait partie des 120 jeunes leaders africains – journalistes, membres de la société civile et du secteur privé – invités à la Maison Blanche pour y rencontrer le président Obama. Il découvre outreAtlantique un journalisme d’investigation sans concession. Le 28 octobre 2011, Tiémoko, qui, entretemps, a fondé l’ONG SOS Justice Côte d’Ivoire, lance L’Éléphant déchaîné avec 14 millions de F CFA en poche et l’aide d’un bienfaiteur. Seul actionnaire de la SARL, il recrute huit journalistes. Depuis, son succès ne se dément pas. « On est en train de désinhiber les honnêtes gens, conclut-il. Des Ivoiriens placés à tous les niveaux de l’administration publique et dans les institutions, et qui pensent qu’il est temps de dire “ça suffit”, nous fournissent des informations exclusives sur les dérives qui ont cours dans le pays. » Deux ans après la fin de la crise postélectorale, les langues se délient.
régulièrement des menaces de mort. Un jour, je vais prendre une balle dans la tête, etondiraquej’aiétévictimed’unbraquage qui a mal tourné », explique Tiémoko, parfois tenté de rendre son tablier. Marié, père de deux enfants de 2 ans et 5 ans, le jeune directeur n’en fera pourtant rien. Car il reçoit aussi des encouragements de ses lecteurs. « Les Ivoiriens apprécient et achètent le journal, poursuit-il. C’est la garantie de Deux ans après la fin notre survie. » Avant de devenir un redresseur de torts, Assalé de la crise postélectorale, Tiémoko a voulu faire carrière les langues se délient. dans la justice. Mais après une maîtrise en sciences juridiques obtenue en 2004 à l’université de Cocody, Si le président Ouattara, qui a déjà reçu il échoue à trois reprises au concours de la Tiémoko et semble être un lecteur fidèle, magistrature. « Je n’avais pas les 3 millions n’a jamais manifesté son hostilité à la de F CFA [4 573 euros] nécessaires pour publication, son entourage est plus crigraisser la patte à ceux qui délivrent le tique. Certains ministres ne jurent que par fameux sésame », précise-t-il. Il dénonce sa perte quand d’autres essaient d’amaalors dans la presse la corruption qui douer son fondateur. Tiémoko se refuse gangrène les concours administratifs et jusqu’àaujourd’huiàtoutecompromission la justice, et il pointe du doigt le ministre même s’il avoue respecter quelques lignes de la Fonction publique, Hubert Oulaye. jaunes en ne s’attaquant pas directement Le 27 décembre 2007, sa vie bascule. Le au chef de l’État et à sa famille. l commandantdelabrigadederechercheet PasCal airault, envoyé spécial à Abidjan n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
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Culture médias
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Cassius Clay, alias Muhammad Ali 17 janvier 1942 Naissance à Louisville (Kentucky)
1964
Champion du monde face à Sonny Liston
1967
Refuse d’aller combattre au Vietnam, son titre mondial lui est retiré
1974 Len Trievnor/express/GeTTy imaGes
Champion du monde face à George Foreman
1978
Champion du monde face à Leon Spinks
1981
Défaite face à Trevor Berbick, Ali prend sa retraite LITTÉRATURE
les mille et un visages de Muhammad ali À travers de multiples témoignages, Frédéric Roux donne à voir différentes facettes d’un champion qui aura marqué son époque. À la fois généreux et arrogant, engagé et influençable.
T
out, vous saurez tout sur Muhammad Ali! Que vous soyez fan de boxe ou plutôt révulsé par ce « spectacle brutal et sordide », il y a fort à parier que vous vous laisserez happer par la lecture d’Alias Ali. Une somme que l’écrivain français Frédéric Roux aura mis neuf ans à écrire. Du plus grand champion de tous les temps, celui que l’on surnomma The Greatest, on aura tout dit. Que cette « grande gueule » était un génie du ring qui avait un sens inné du spectacle, mais qu’il était également idiot, influençable, dangereux. Certains de ses plus féroces détracteurs ont même osé avancer qu’il était un piètre boxeur qui ne savait pas « frapper » et que ses combats étaient truqués… À ce flot de commentaires et d’avis aussi tranchés que peu objectifs, Frédéric Roux n o 2733 • du 26 mai au 1 er juin 2013
Cassius Clay alias Muhammad Ali. Jeu de jambes inimitable, vif, insaisissable, il est là, debout au milieu du ring, tel un danseur sur scène. Un courant d’air, une tornade qui traverse le siècle du combat des Noirs américains pour leurs droits civiques et de la guerre du Vietnam. Un souffle nouveau qui, par sa conversion à l’islam en 1964 et son engagement politique pour la dignité des siens, aura redonné à toute une génération l’espoir qui lui manquait pour se réaliser.
a eu la bonne idée de ne rien ajouter, préférant donner la parole aux contemporains de Cassius Clay. À sa mère et à son père, à ses adversaires et à ses entraîMalcolM x. Muhammad Ali n’était neurs, mais aussi à des écrivains comme pas seulement un sportif. Il est, explique Romain Gary ou Norman Mailer, à des cinéastes ou « Il refusait d’être le bon nègre à des acteurs comme John […] qui attendait que le gentil Waters ou Sylvester Stallone, à son biographe Thomas Blanc lui donne son su-sucre. » Hauser ou encore au plasticien Andy Warhol, voire à des témoins Eldridge Cleaver, membre du Black fictifs. Au final, peu importe qui parle. Panther Party, « le premier Noir champion Les voix se multiplient, se fragmentent, du monde ET libre. Ali est un Fidel Castro s’apostrophent, se répondent et donnent noir. » « Nous n’avions pas l’intention de du relief au mythe. rejoindre la Nation [of Islam], précise la Alias Ali n’est pas un roman. C’est un militante africaine-américaine Jill Nelson, film. Les citations se suivent les unes mais nous admirions Ali pour son attiles autres, sans transition ou presque, tude. Il refusait d’être le bon nègre, le dessinant un personnage bien vivant, bon chrétien qui attendait que le gentil jeune afrique
Culture médias
Extraits 30 octobre 1974 Stade du 20-Mai Kinshasa (Zaïre) George Foreman Victoire, K.-O. tech., 8e round Ali allait boxer sous le patronage du meurtrier de Patrice Lumumba, l’un des héros de Malcolm X. Mike Marqusee Le combat va attirer des milliards de fans parce qu’Ali est russe, arabe, juif ! Ali est tout ce que peut imaginer l’esprit humain. Il plaît au monde entier ! Il plaît même à ceux à qui il plaît pas ! Il plaît même aux morts ! Don King […] Ali avait toujours été très important pour moi. Je me souviens avoir écouté son
disque au collège avec un copain de classe. C’est pour ressembler à Ali que j’ai commencé à faire de la boxe et je voulais boxer comme lui. Quand j’ai dit ça à Dick Sadler, il m’a dit : « O.K. ! je vais te faire boxer tout en finesse », mais dans les vestiaires avant mon premier combat pro, il m’a dit : « Oublie tout, frappe ! Descends-moi ce type ! » Avant chaque combat, c’était ce qu’il me répétait : « Oublie Ali, frappe ! » George Foreman
Ali a été transcendé par le simple fait de se retrouver en Afrique alors que Foreman s’y est toujours senti comme un étranger. C’est l’un des aspects déterminants du combat, Ali aimait traîner avec les musiciens, se mêler à la population, Foreman évitait les interviews et les conférences de presse ; il vivait reclus avec son équipe et son chien. Se sentir isolé dans une atmosphère hostile n’a pas amélioré la confiance en lui du champion. Jack Newfield
Ali était fou de joie, il se baladait dans des coins où il n’y avait même pas la télé et tout le monde savait qui il était. Ferdie Pacheco
Foreman avait demandé un billet classe affaires pour son chien. Le président d’American Airlines avait dû intervenir pour que le chien obtienne un billet à son nom. Jack Newfield
Ali était logé à N’Sele dans une villa pas très éloignée des rives du Zaïre. L’intérieur avait été meublé par le gouvernement dans le style que l’on peut imaginer. Les pièces avaient beau faire le double de la surface de celles d’un motel, elles étaient aussi déprimantes avec leurs canapés recouverts de velours vert et leurs coussins orange. Norman Mailer
Foreman gardait ses mains dans ses poches comme un chasseur garde son fusil dans son étui doublé de velours. Norman Mailer
Beaucoup de Zaïrois pensaient que Foreman était belge. Daggo, son chien berger, leur rappelait les chiens policiers des colons. Felix Dennis & Don Atyeo
Blanc lui donne son su-sucre. On l’aimait parce qu’il était beau et fort, qu’il avait une grande gueule et qu’il l’ouvrait. Il incarnait nos émotions, notre colère, notre fierté, notre besoin d’être meilleurs que nous ne l’avions été jusqu’à présent. » En compilant ces témoignages, Frédéric Roux a réussi un tour de force. Alias Ali n’est pas seulement l’histoire d’un poids lourd, c’est aussi celle d’une époque où une Amérique blanche puritaine et des activistes noirs se livrent une guerre sans merci. « Elijah Muhammad a tout de suite compris le bénéfice qu’il pourrait tirer d’une recrue comme Cassius Clay, il a envoyé Jeremiah Shabbaz pour s’occuper de l’éducation du jeune homme. La première chose qu’il lui a apprise, c’est que Dieu était noir, la seconde, que l’homme blanc était un démon », explique Thomas Hauser. Quant à Malcolm X, se souvient l’épouse de ce dernier, il « a tout de suite aimé Cassius, un peu comme il aurait aimé un frère plus jeune. Il ne voulait pas que sa conversion gêne sa carrière. Il pensait qu’elle devait rester une affaire privée tant qu’il n’avait pas la volonté ou bien la force de la rendre publique. » Muhammad Ali, sous l’emprise d’Elijah Muhammad, le « gourou » de la Nation jeune Afrique
On se promenait tous les deux, main dans la main, au bord du Zaïre, c’est là que nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre. Veronica Porsche, alias Veronica Ali J’peux pas vous dire bonjour, j’ai les mains dans les poches ! George Foreman
Ali était incroyablement confiant. Au milieu de toute cette agitation, il restait calme, serein. Rien ni personne ne l’énervait, sauf peut-être Don King. Leon Gast © Fayard, 2013.
of Islam, finira par lâcher Malcolm X peu avant son assassinat. Mais Muhammad Ali, c’est aussi l’Afrique.Ilyaeubiensûrlefameuxcombat contre George Foreman le 30 octobre 1974, à Kinshasa. Un match financé par Mobutu qui, selon le journaliste Jack Newfield, voulait « un événement le plus extravagant possible pour distancer son rival Idi Amin Dada dans une compétition tout ce qu’il y a d’imaginaire pour le leadership du continent africain ». Les sommes engagées sont colossales. « Ali touchera, en définitive, 5450000 dollars, soit davantage que ce que Joe Louis, Rocky Marciano ou Jack Dempsey avaient gagné durant toute leur carrière », avance Thomas Hauser. Héros. Dix ans auparavant,
Ali a déjà foulé le sol africain. En mai 1964, il part en effet pour une tournée d’un mois sur le continent, au cours de laquelle il sera reçu, entre autres, par Kwame Nkrumah. « Il a commencé son voyage par le Ghana, où des milliers de personnes l’attendaient à l’aéroportpourl’acclamer.Tout
le long du séjour, il a été traité comme un héros national », affirme Thomas Hauser. Maissurtout,soutientlejournalisteOsman Karriem,«c’estenAfriquequeMuhammad est devenu ce qu’il n’a jamais été jusqu’à présent. C’est en Afrique que Cassius Clay est devenu Muhammad Ali ». Ce que confirme le Prix Pulitzer 1994 David Remnick:c’étaitlà«lepremieraperçudece qu’il allait devenir: un boxeur plus importantqu’unsimplechampiondumonde,un symbole, le type le plus célèbre du monde. Ça a été le début de sa transfiguration ». Ali est aussi un homme faible, influençable, certes généreux, mais qui s’est laissé abuser par son entourage et des promoteurs véreux. C’est un gaillard arrogant et prétentieux qui n’est pas toujours exempt de machisme. Mais l’histoire retiendra surtout qu’il « avait été les années 1960 à lui tout seul. Il était le Black Power à lui tout seul, l’opposition à la guerre du Vietnam à lui tout seul. Il avait plus de style que Dylan et il était plus Alias Ali, marrant que les Beatles ». Une de Frédéric Roux, légende, en somme ! l Fayard, 640 pages, 22 euros
séverine Kodjo-Grandvaux n o 2733 • du 26 MAi Au 1 er juin 2013
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Culture médias En vue
n n n Décevant
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musiQue
couscous exquis
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Avec un rock punk relevé d’un soupçon de chaâbi, d’un zeste de raï saupoudré de mandole andalouse, Rachid Taha signe un album éclectique.
ans un bon couscous, il y a parfois dedrôlesdemélanges.RachidTaha tente dans son dernier album des expériences osées. Et ça marche ! Après vingt-six ans chez Barclay, il change de maison de disques mais pas de signature. Zoom est à la fois punk et beau, mélancolique et attachant, il vous prend aux tripes et vous laisse bouleversé, changé. La voix est un peu éraillée, mais, à 54 ans, l’artiste franco-algérien est encore debout. Cash et trash, entier tout simplement, comme il l’a prouvé lors d’un concert acclamé par la critique au Trianon de Paris,le16mai.Aveclacomplicité,notamment, de Mick Jones, son grand pote des Clash. Comme dans « Now or Never », reprise très mélodique, tout en mandole andalouse et doux crescendo, du titre d’Elvis en duo avec la chanteuse de jazz Jeanne Added. Le reste de l’album est tellement kaléidoscopique qu’il serait vain de le résumer. Mêlant les dédicaces à Elvis, Kurt Cobain ou John Lennon (« Les Artistes »), Zoom revient sur les terrains du chaâbi (« Galbi ») et du raï, dont Taha ne s’est jamais éloigné. Notamment dans un autre duo, « Khalouni », ode à la liberté des femmes, avec la mythique Cheba Fadela, vocodeur en renfort, ce qui déstabilisera certainement les non-amateurs de raï. Nourri aux musiques populaires de son Algérie natale, aux mélopées d’Oum Kalsoum et aux dieux de son panthéon personnel rock, Rachid Taha provoque, s’amuse des frontières et livre un ensemble très entraînant, qui se clôt par une reprise de « Voilà, voilà que ça recommence », son coup de gueule antiraciste, avec du beau monde (Mick Jones, Oxmo Puccino, Rachida Brakni, Éric Cantona, Sonia Rolland, etc.). l Youssef aït akDiM Zoom, de RachidTaha (Naïve)
Marc-antoine Serra
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nnn
revue
Éclaircie
Format carré, présentation sobre, couleurs dominantes : le noir et le jaune. L’idée : que les lumières viennent à bout de l’obscurantisme et du fanatisme. Noor est une nouvelle revue, conçue par malek chebel pour défendre un « islam des Lumières ». Les invités y sont nombreux, de l’humoriste Fellag à l’historien marc Ferro en passant par l’écrivain atiq rahimi et de nombreux autres artistes et penseurs, pour un contenu austère mais riche et stimulant. À suivre en décembre ! l Nicolas Michel
Noor, dirigée par Malek Chebel, 100 pages, 8,50 euros n o 2733 • du 26 Mai au 1 er juin 2013
nnn jeune afrique
Culture médias CINÉMA
BANDE DESSINÉE
James Bond girl
Yasmina Khadra sur grand écran
Wendy,c’est une sorte de 007 au féminin, mais avant les gadgets tueurs et la guerre froide. espionne de sa Majesté, elle habite en normandie et voyage à travers le monde au gré de ses missions. combattante aguerrie, elle est plutôt libérale pour l’époque (1915). À un importun : « c’est moi qui chasse. Vous voulez venir voir ma Winchester dans ma cabine ? si vous sortez la vôtre, on pourra s’amuser à les comparer. » Mais elle ne se paie pas que de mots : au nyassaland, les vraies balles fusent aussi… Le dessin de christophe Quet est inégal, la couleur de carole Beau ratée, mais le scénario de Fred duval fonctionne. l Nicolas Michel
ADAptÉ ASSEz fIDèlEMENt du best-seller de Yasmina Khadra, malgré une fin différente, L’Attentat raconte l’histoire d’un chirurgien israélo-palestinien nommé Amine jaafari qui apprend que sa femme Sihem vient de commettre un attentat-suicide dans un café qui a fait 17 morts – dont 11 enfants – et de nombreux blessés. Après avoir refusé de croire à ce passage à l’acte kamikaze de son épouse, qu’il croyait aussi intégrée que lui dans la bonne société de tel-Aviv, Amine part essayer de comprendre ce qui s’est passé en Cisjordanie, d’où est originaire Sihem. Efficace et bien réalisé, mais sans grande originalité, ce film jamais manichéen a obtenu l’Étoile d’or du dernier festival de Marrakech. Il s’est attiré les foudres de la ligue arabe, qui appelle à son boycott dans les 22 pays membres. la raison de cette censure peu judicieuse : le film a été réalisé pour une bonne part en Israël grâce au passeport américain de son auteur libanais, ziad Doueiri. l reNauD De rocheBruNe
Wendy. Tome 1 : Nyassaland, de Fred Duval, Christophe Quet et Carole Beau, Delcourt, 50 pages, 13,95 euros nnn
L’Attentat, de Ziad Doueiri (sortie le 29 mai)
ce mois-ci, zoom sur la télévision…
écraN total béninoise*
2 h 17
Afro-jAzz
Découverte sénégalaise
Le temps moyen passé chaque jour devant le petit écran au Bénin, contre 2h25 consacrées à écouter la radio
Le L aBeL teranga Beat continue son incroyable prospection dans la musique sénégalaise avec la sortie d’un album de dieuf-dieul de thiès, un groupe du début des années 1980. À l’écoute de cet album, nous voilà entraînés dans un torrent de musique mandingue couplée avec des sons de guitares psychédéliques et de cuivres afro-jazzy. une expérience musicale inédite qui devrait trouver un prolongement à travers un second volume. l
Le paysage audiovisueL Les 4 chaînes béninoises cumulent à elles seules 75 % des parts d’audience Tv. Le Leader Canal 3 Bénin est en tête des audiences, suivi par l’orTB (chaîne publique), golfe Télévision et LC2. Les programmes qui pLaisenT Le journal télévisé du soir de l’ORTB et celui de Canal 3 sont très suivis. Les téléspectateurs béninois apprécient également les débats télévisés et les jeux.
* Étude TNS Sofres - Africascope 2012 réalisée auprès d’un échantillon de 919 individus de 15 ans ou plus résidant à Cotonou
nnn
JérôMe BesNault
Avec le concours de
Aw Sa Yone, vol. 1, de Dieuf-Dieul deThiès (Teranga Beat) nnn
Le mensuel anglophone de référence sur l’Afrique SOUTH AFRICA ANC boss Mantashe plans Zuma’s victoryy
SIERRA LEONE trial History put on in elections
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GAS East Africa’s to get ready race
THE AFRICA
REPORT
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N° 44 • O C T O BE R
2 0 12
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South africaGordhan Finance minister state calls for a strong
nigeria Opposition makes grab for power
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N°46 • DECEMBER
report
2012
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INTERNATIONAL EDITION Algeria 550 DA • Angola 600 Kwanza • Austria Germany 4.90 € • Ghana 5 4.90 € • Belgium GH¢ • Italy 4.90 Norway 60 NK 4.90 € • Canada € • Kenya 350 • Portugal 4.90 6.95 CAN$ • shillings • Liberia € • Sierra Leone Tunisia 8 DT Denmark 60 • Uganda 9,000 LE 9,000 • South DK • Ethiopia $LD 300 • Morocco 75 Birr • France shillings • UK Africa 30 rand 50 DH • Netherlands £ 4.50 • United (tax incl.) • Spain 4.90 € 4.90 € • Nigeria States US$ 6.95 4.90 € • Switzerland 600 naira • Zimbabwe 9.90 FS • Tanzania US$ 4 • CFA 6,500 shillings Countries 3,500 F CFA
€ 75 Birr • France 4.90 • Denmark 60 DK • Ethiopia naira INTERNATIONAL EDITION € • Canada 6.95 CAN$ 4.90 € • Nigeria 600 4.90 € • Belgium 4.90 50 DH • Netherlands 600 Kwanza • Austria • Liberia $LD 300 • Morocco FS • Tanzania 6,500 shillings Algeria 550 DA • Angola • Kenya 350 shillings 4.90 € • Switzerland 9.90 5 GH¢ • Italy 4.90 € 30 rand (tax incl.) • Spain 3,500 F CFA Germany 4.90 € • Ghana LE 9,000 • South Africa US$ 4 • CFA Countries 4.90 € • Sierra Leone US$ 6.95 • Zimbabwe Norway 60 NK • Portugal £ 4.50 • United States 9,000 shillings • UK Tunisia 8 DT • Uganda
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Africa’s future in the sweet spot of global demand Morocco How to plan a renaissance
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■ Publié par le Groupe Jeune Afrique depuis 2005, The Africa Report s’est imposé comme le magazine anglophone de référence dédié au continent. ■ C’est aujourd’hui l’outil essentiel pour anticiper les évolutions politiques et économiques des marchés africains. ■ Afin de toujours mieux répondre aux attentes de ses lecteurs, le leader de la presse panafricaine anglophone est désormais mensuel.
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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
CENTRE AFRICAIN D'ETUDES SUPERIEURES EN GESTION
AVIS DE RECRUTEMENT CESAG/PMBF 02/ 2013 Le Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion (CESAG), établissement Qualités requises : Maîtrise du français et de l’outil informatique, aptitudes pédagogiques et de recherche avérées, capacité à développublic international appartenant aux Etats membres de l’Union Economique per la recherche appliquée, excellentes qualités relationet Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), abrite le programme Master en nelles, capacité à travailler en équipe et dans un environBanque et Finance (MBF) créé sur financement de la Fondation pour le nement multiculturel, capacité de travailler en anglais. Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), la Banque de France, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), la Commission de l’UEMOA, l’Agence Nationalité : Etre ressortissant d’un pays de l’Afrique sub-saharienne. Française de Développement (AFD) et la Banque Centrale Allemande. PIÈCES À FOURNIR Le CESAG recrute un Coordonnateur pour le programme Master en Le dossier de candidature mentionnant la référence du poste doit comprendre les pièces ci-après : Banque et Finance. MISSION PRINCIPALE Assurer la coordination pédagogique et administrative des activités, de même que l’organisation de séminaires et la recherche de financements en veillant à la qualité des enseignements, à l’encadrement adéquat des étudiants et à l’équilibre financier du programme. PROFIL DU CANDIDAT Diplôme : DESS, MBA, Doctorat ou diplômes équivalents en Gestion, Finance, Banque, Economie.
1. Une lettre de motivation ; 2. Un curriculum vitae (CV) ; 3. Un extrait d’acte de naissance ; 4. Un certificat de nationalité ; 5. Les copies certifiées conformes des diplômes ; 6. Les attestations ou certificats de travail.
Recrutement
Ce dossier complet doit être déposé au plus tard le 25 juin 2013 à l’attention du Chef du Service des Ressources Humaines. B.P. 3802 Dakar (Sénégal) Expérience : 5 ans dans l’enseignement supérieur et la recherche. Une Tél. : +221 33 839 73 60 / Fax : +221 33 821 32 15 expérience supplémentaire dans l’administration de la forma- Courriel : courrier@cesag.sn tion et/ou dans l’utilisation d’une salle de marché serait un Le détail de l’offre peut être consulté sur le site internet du CESAG : www.cesag.sn atout.
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Executive master
Potentiel Afrique Gestion publique et management Développez vos compétences de décideur pour la mise en œuvre de politiques publiques innovantes en Afrique. Rentrée :
4 novembre 2013
Durée :
32 jours répartis sur 4 mois
Lieu :
Paris, à Sciences Po
Réunions d’information jeudis 13 juin et 12 septembre à 19h Inscription obligatoire sur www.sciences-po.fr/spf
Candidature : avant le 11 octobre 2013
Recrutement - Formation
Contact :
julie.thines@sciences-po.fr tél. 01 45 49 63 19
LA MAIRIE DU DISTRICT DE BAMAKO RECRUTE LE DIRECTEUR DE LA CELLULE DE PRÉFIGURATION DE L’AGENCE D’URBANISME DE LA MÉTROPOLE DE BAMAKO Les candidats intéressés sont invités à demander le dossier de recrutement sous forme électronique à juliette.paradis@gmail.com ou sous forme papier à la Cellule Technique d’Appui aux Communes, contact : M. Oumar Konaté, directeur de la Cellule Technique d’Appui aux Communes, ancienne voirie rue 428, centre commercial, Bamako, République du Mali. Date limite de candidature le 26 juin 2013 à 16H00.
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info@sai2000.org N° 2733 • DU 26 MAI AU 1ER JUIN 2013
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées Direction Générale Le Directeur Général a.i.
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DES TRANSPORTS ET VOIES DE COMMUNICATIONS OFFICE DE GESTION DU FRET MULTIMODAL « OGEFREM »
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT AMI N°001/OGEFREM/DG/CGPMP/DS/05/2013 RECRUTEMENT D’UN PARTENAIRE POUR L’EXPLOITATION DE L’HÔTEL MBINGU À MATADI DANS LA PROVINCE DU BAS-CONGO ET LE FINANCEMENT DES TRAVAUX DE SA RÉHABILITATION I. Contexte général Dans le cadre de la révolution de la modernité prônée par le Président de la République et soutenue par le Gouvernement ; l'Office de Gestion du Fret Multimodal (OGEFREM) a entamé un vaste programme d'investissements sur toute l’étendue de la République Démocratique du Congo à financer sur fonds propres ou en partenariat afin de concrétiser sa vision multimodale. Ainsi, pour l’élargissement de ses activités dans la province du Bas-Congo, l’OGEFREM vise l’exploitation de son hôtel Mbingu à Matadi et sa réhabilitation par des entreprises publiques ou privées, nationales ou internationales dans le cadre d'un partenariat.
II. Objectif général de la mission La mission du partenaire consistera à l’exploitation de l’hôtel Mbingu durant toute la période de la délégation du service par l’OGEFREM et au financement des travaux de sa réhabilitation. III. Profil du candidat Le candidat doit mobiliser une équipe composée d’experts en hôtellerie et en construction ainsi que de toutes les autres compétences jugées utiles dans le domaine de la présente mission. Le candidat intéressé par ce projet peut s'associer avec d'autres pour renforcer leurs compétences respectives et se constituer en groupement. IV. Méthode de sélection L’OGEFREM, par le biais de sa Cellule de Gestion de Projets et des Marchés Publics, invite les entreprises éligibles à manifester leurs intérêts pour fournir les services décrits ci-dessus. À cet effet, les candidats doivent présenter dans leurs dossiers respectifs de manifestation d’intérêt les éléments suivants : • L’organisation du candidat ; • Les références des missions pour des projets similaires tels que décrit au point 2 ; • La capacité financière.
JEUNE AFRIQUE
• Direction Générale (siège social) : - Kinshasa : avenue Kalemie n°42, commune de la Gombe • Direction Provinciale Ouest : - Matadi : avenue Vivi n°5 commune de Matadi/Bas-Congo - Boma : avenue Lumumba n° 5631 c/ Nsandi (réf parc à bois OGEFREM) • Direction Régionale Katanga-Kasaï : - Lubumbashi : Chaussé Laurent désiré Kabila bâtiment lac 2ème Niveau • Direction Provinciale Nord-Kivu : - Goma : avenue du rond point n°95 c/ Goma - Beni : N° 38 Blvd Nyamwisi c/ Bungulu Q/ résidentiel • Direction Régionale Sud-Kivu Maniema : - Bukavu : N° 171 avenue patrice émeri Lumumba c/ lbanda • Représentation de Mombasa (Kenya) - Kenya maritime authority house, moi avenue • Représentation de Dar-es Salaam (Tanzanie) - Samora house 3rd floor samora avenue / uhuru road Dar-es Salaam Tél.: +255222137476 • Représentation de Durban (République Sud Africaine) - The marine building ground floor 22 dorethy nyembe Tél. : +22737779191 • Représentation d’Anvers (Belgique) - Rue Ankerui n°22, 2000 Antwerpen Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir sous plis fermé en 3 exemplaires (un original et deux copies) et déposées à l’adresse suivante : Direction Générale de l’Office de Gestion du Fret Multimodal, sise avenue Kalemie n°42 dans la commune de la Gombe à Kinshasa au plus tard le lundi 08 juillet 2013 ou envoyées a l’adresse électronique suivante : ogefrem_dg@yahoo.fr et porter clairement la mention « AMI n°001/OGEFREM/DG/CGPMP/DS/05/2013 ». Fait à Kinshasa, le 16 mai 2013 Anatole KIKWA MWATA MUKAMB0 Directeur Général a.i. N° 2733 • DU 26 MAI AU 1ER JUIN 2013
Manifestation d’intérêt
L’hôtel Mbingu est situé en plein centre ville sur l‘avenue de la plaine, derrière les bâtiments du Gouvernorat Provincial du Bas-Congo et celui de la Poste, en aval de l’avenue vivi du siège administratif de l’OGEFREM/Matadi, en amont du marché DAMAR et du dépôt BRALIMA, à 800 m du port international et de la gare ferroviaire de Matadi.
V. Mode de sélection Un candidat sera sélectionné en accord avec la Loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux Marchés Publics et ses textes d’application, plus précisément sur base de méthode fondée sur la qualité technique et le coût. Les entreprises intéressées peuvent obtenir des informations supplémentaires, du lundi au vendredi de 9 heures à 15 heures 30 locale aux adresses ci-dessous :
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Annonces classées MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE Crédit n° 5063-CG- Financement IDA _ Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 09/MEFPPPI-CAB/PRCTG II/13
Divers - Manifestation d’intérêt
« Recrutement d’un Consultant individuel international pour l’identification des besoins et l’élaboration d’un programme de formation du Sénat et de l’Assemblée Nationale »
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit (Crédit BP, Téléphone, Fax, Courriel). n° 5063-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du Profil du Consultant : montant dudit crédit pour financer les services de consultants ci-après : - être titulaire d’un diplôme BAC +5 en ressources humaines, ayant une Recrutement d’un Consultant individuel international pour expérience d’au moins dix (10) ans dans le domaine de la planifical’identification des besoins et l’élaboration d’un programme de tion des besoins en ressources humaines, en développement des formation du Sénat et de l’Assemblée Nationale. capacités techniques et professionnelles et de gestion des programmes et des plans de formation ; 2. L’objectif général de la mission est d’élaborer un programme de forma- avoir une expérience dans le domaine de contrôle du Budget de l’Etat tion de chacune des deux (02) Commissions Economie et Finances des serait un atout. deux (02) Chambres du Parlement en matière de conduite efficiente des missions de contrôle. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément Pour chacune des deux (02) Chambres du Parlement, le Consultant devra : aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par (i) établir un état des lieux des compétences actuelles ; (ii) définir, au les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant regard du périmètre d’intervention de la Commission Economie et sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. Finances, les quantités et les qualifications requises pour la conduite efficiente des missions de contrôle ; (iii) déterminer les écarts entre les com- 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour pétences actuelles et celles requises ; (iv) proposer des modules spéciobtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les fiques de formations destinés à accroître progressivement les capacités jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. techniques et professionnelles des Commissaires et de leurs collaborateurs ; (v) de déterminer les coûts estimatifs des modules de formation. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en La durée de la mission est de cent (100) jours. version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le jeudi 13 juin 2013 : 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE capacités techniques à exécuter lesdits services. UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : SECTION PASSATION DES MARCHÉS • les copies des diplômes ; B.P 2116 Brazzaville, République du Congo - Derrière le • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication Commissariat Central de références techniques vérifiables en matière de missions similaires Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 23 mai 2013 (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de Le Coordonnateur la mission, nom et adresse complète du représentant du client, Marie Alphonse ITOUA méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) ;
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JEUNE AFRIQUE
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Banque des Etats de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc du marché
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT n° 06/BEAC/DGE-DIPG/AOIO/Prest/2013 La Banque des Etats de l’Afrique Centrale dans sa politique de modernisation de la gestion de la maintenance a décidé de mettre en concurrence les prestataires devant prendre en charge cette activité. A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres, les entreprises spécialisées, remplissant les conditions requises à présenter une offre pour l’entretien, le nettoyage industriel de l’immeuble siège, des résidences, du Complexe Sportif et Culturel de la BEAC et les prestations d’hygiène publique à Yaoundé. L’appel d’offres est subdivisé en trois lots indépendants : lot 1 : nettoyage industriel des locaux et parkings couverts ; lot 2 : entretien et nettoyage des espaces verts, plantes des bacs à fleurs, accotements, parkings ouverts et VRD ; lot 3 : prestations d’hygiène publique. Le processus se déroulera conformément aux dispositions du Code des marchés et du Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Les entreprises intéressées peuvent obtenir un complément d’information, consulter et acheter le dossier d’appel d’offres rédigé en français à l’adresse ci-dessous, entre 9 heures et 12 heures, les jours ouvrés, contre la somme non remboursable de XAF 200 000 ou EUROS 305. BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE - SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général – DOAAR-CGAM, 14ème étage, porte 1403 : 736 Avenue Monseigneur Vogt - BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 poste 5403 : (237) 22 23 33 29 - @ : cgam.scx@beac.int
Le paiement devra être effectué en espèces aux guichets de la BEAC ou par virement bancaire. La participation au présent appel d’offres est conditionnée par l’achat du dossier. Les soumissions, conformes au règlement de l’appel d’offres et obligatoirement accompagnées d’une garantie de soumission conforme au modèle indiqué équivalente à 01% du montant de l’offre, devront être déposées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le vendredi 21 juin 2013 à 12 heures. BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts, en deux étapes, en présence des représentants des soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister aux séances d’ouverture. Les dossiers administratifs et techniques seront ouverts le vendredi 21 juin 2013 à 13 heures aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé et les dossiers financiers à une date qui sera communiquée ultérieurement. Yaoundé, le 8 mai 2013 Le Président de la Commission ad hoc du marché
Banque des Etats de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc du marché
n° 07/BEAC/DGE-DIPG/AOIO/Prest/2013 La Banque des Etats de l’Afrique Centrale dans sa politique de modernisation de la gestion de la maintenance a décidé de mettre en concurrence les prestataires devant prendre en charge cette activité. A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres, les entreprises spécialisées, remplissant les conditions requises à présenter une offre pour la maintenance industrielle, en lots indépendants, de divers équipements et installations électriques de l’immeuble siège, des résidences, du Complexe Sportif et Culturel de la BEAC à Yaoundé. L’appel d’offres est subdivisé en deux lots indépendants : lot 1 : Maintenance des installations et équipements électriques « Courant fort » ; lot 2 : Maintenance des installations et équipements électriques « Courant faible - Téléphonie ». Le processus se déroulera conformément aux dispositions du Code des marchés et du Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Les entreprises intéressées peuvent obtenir un complément d’information, consulter et acheter le dossier d’appel d’offres rédigé en français à l’adresse ci-dessous, entre 9 heures et 12 heures, les jours ouvrés, contre la somme non remboursable de XAF 200 000 ou EUROS 305. BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE - SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général – DOAAR-CGAM, 14ème étage, porte 1403 : 736 Avenue Monseigneur Vogt - BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 poste 5403 : (237) 22 23 33 29 - @ : cgam.scx@beac.int
JEUNE AFRIQUE
Le paiement devra être effectué en espèces aux guichets de la BEAC ou par virement bancaire. La participation au présent appel d’offres est conditionnée par l’achat du dossier. Les soumissions, conformes au règlement de l’appel d’offres et obligatoirement accompagnées d’une garantie de soumission conforme au modèle indiqué équivalente à 01% du montant de l’offre, devront être déposées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le vendredi 21 juin 2013 à 12 heures. BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts, en deux étapes, en présence des représentants des soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister aux séances d’ouverture. Les dossiers administratifs et techniques seront ouverts le vendredi 21 juin 2013 à 13 heures aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé et les dossiers financiers à une date qui sera communiquée ultérieurement. Yaoundé, le 23 mai 2013 Le Président de la Commission ad hoc du marché
N° 2733 • DU 26 MAI AU 1ER JUIN 2013
Appel d’offres
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT
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République Démocratique du Congo
MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ÉLECTRICITÉ CEP-O / REGIDESO CELLULE D’EXECUTION DES PROJETS DE LA REGIE DE DISTRIBUTION D’EAU
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN (PEMU) DON IDA N° H 435-ZR - AAOI N° 08/CEP-PEMU/COORD/AOI/F/2013 ACQUISITION DES MATERIELS COMPLEMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30 MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS À KINSHASA, MATADI ET LUBUMBASHI 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB le 17 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association internationale de développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché d’ACQUISITION DES MATÉRIELS COMPLÉMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30 MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS répartis en trois lots distincts de la manière suivante : Lot 1 : ACQUISITION DES MATERIELS COMPLEMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS à Kinshasa Lot 2 : ACQUISITION DES MATERIELS COMPLEMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS à Matadi Lot 3 : ACQUISITION DES MATERIELS COMPLEMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS à Lubumbashi Chacun des trois lots constitue un marché distinct et le soumissionnaire peut soumissionner pour un lot de son choix ou pour deux ou pour trois lots. Il est invité à proposer des rabais en cas d’attribution à lui de deux ou de trois lots. 3. La Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO) sollicite des offres fermées de la part des soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir des MATÉRIELS COMPLÉMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi ». 4. La passation du Marché sera conduite par appel d'offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives Passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services de consultants) par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID », et ouvert à tous les soumissionnaires des pays éligibles tels que définis dans ces Directives.
Appel d’offres
5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO) à l’adresse indiquée ci-dessous pendant les jours et heures ouvrables : de 8h30 à 16h00 (heures locales). 6. Les exigences en matière de qualifications sont : chiffre d’affaires moyen annuel durant les trois dernières années équivalant à deux fois la valeur du marché envisagé, bilans certifiés des trois dernières années par attestation d’un cabinet comptable ou commissaire aux comptes, réalisation d'au moins deux marchés de même nature et de valeur équivalente durant les trois dernières années (documentation à l'appui), preuve écrite que les fournitures qu'il propose remplissent les conditions d'utilisation (catalogues et certificats ISO des différentes fournitures). 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite à l'adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 500 USD ou équivalent en francs congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou encore par versement ou par virement bancaire au compte n° « 80 9433 020 123 USD », intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « ACQUISTION DES MATÉRIELS COMPLÉMENTAIRES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS » auprès d’ECOBANK/Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptées. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 08/07/2013 à 11 h 00, heure locale. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. 9. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes le 08/07/2013 à 11 h 30, heure locale dans la salle des réunions de la CEP-O à l’adresse mentionnée ci-dessous en présence de représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant égal à : Lot 1 : 60.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais Lot 2 : 5.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais Lot 3 : 5.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais. 10. L'adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : A l’attention de M. Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA, Coordonnateur National Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, Sise 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone - Kinshasa / Ngaliema C/° Centre de Formation de la REGIDESO, B.P. 12599 Kinshasa I - République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 50 47 6 91, (+243) 99 99 20 948 - E-mail : cepo@regideso.cd ou cepo@regidesordc.com Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National N° 2733 • DU 26 MAI AU 1ER JUIN 2013
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République Démocratique du Congo
MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ÉLECTRICITÉ CEP-O / REGIDESO CELLULE D’EXECUTION DES PROJETS DE LA REGIE DE DISTRIBUTION D’EAU
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN (PEMU) DON IDA N° H 435-ZR - AAOI N°09/CEP-PEMU/COORD/AOI/F/2013 ACQUISITION DE LA ROBINETTERIE ET DISPOSITIFS ANTI-FRAUDE POUR LA POSE DES COMPTEURS ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS POUR KINSHASA, MATADI ET LUBUMBASHI 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB le 17 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association internationale de développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché de fourniture de matériels pour la pose des compteurs et appropriation des branchements particuliers répartis en deux lots distincts de la manière suivante : Lot 1 : ACQUISITION DE LA ROBINETTERIE Lot 2 : ACQUISITION DE DISPOSITIFS ANTI-FRAUDE Chacun des deux lots constitue un marché distinct et le soumissionnaire peut soumissionner pour un lot de son choix ou pour les deux lots. Il est invité à proposer des rabais en cas d’attribution à lui de deux lots. Pour chacun des lots, seules les offres portant sur la totalité des équipements demandés pour ce lot seront évaluées. 3. La Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO), sollicite des offres fermées de la part des soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour la fourniture de la robinetterie et des dispositifs anti-fraude pour la pose des compteurs et appropriation des branchements particuliers pour Kinshasa, Matadi et Lubumbashi. 4. La passation du Marché sera conduite par appel d'offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives Passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services de consultants) par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID », et ouvert à tous les soumissionnaires des pays éligibles tels que définis dans ces Directives. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO) à l’adresse indiquée ci-dessous pendant les jours et heures ouvrables : de 8 h 30 à 16h 00 (heures locales).
7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite à l'adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 250 USD ou équivalent en francs congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou encore par versement ou par virement bancaire au compte n° « 80 9433 020 123 USD », intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « ACQUISITION DE LA ROBINETTERIE ET DES DISPOSITIFS ANTI-FRAUDE POUR LA POSE DES COMPTEURS ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS POUR KINSHASA, MATADI ET LUBUMBASHI » auprès d’ECOBANK/Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptées. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 08/07/2013 à 11 h 00, heure locale. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. 9. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes le 08/07/2013 à 11 h 30, heure locale dans la salle des réunions de la CEP-O à l’adresse mentionnée ci-dessous en présence de représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant égal à : Lot 1 : 30.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais Lot 2 : 60.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais. 10. L'adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : A l’attention de M. Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA, Coordonnateur National Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, Sise 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone - Kinshasa / Ngaliema C/° Centre de Formation de la REGIDESO, B.P. 12599 Kinshasa I - République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 50 47 6 91, (+243) 99 99 20 948 - E-mail : cepo@regideso.cd ou cepo@regidesordc.com Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National JEUNE AFRIQUE
N° 2733 • DU 26 MAI AU 1ER JUIN 2013
Appel d’offres
6. Les exigences en matière de qualifications sont : chiffre d’affaires moyen annuel durant les trois dernières années équivalant à deux fois la valeur du marché envisagé, bilans certifiés des trois dernières années par attestation d’un cabinet comptable ou commissaire aux comptes, réalisation d'au moins deux marchés de même nature et de valeur équivalente durant les trois dernières années (documentation à l'appui), preuve écrite que les fournitures qu'il propose remplissent les conditions d'utilisation (catalogues et certificats ISO des différentes fournitures) conformément aux spécifications techniques indiquées dans la section VI.
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Laboratoire Soudan du Sud, l’oublié de l’actu IlestunÉtatd’afrique qu’une certaine grande presse ignore et qui, hélas, ne semble pas non plus mériter que Jeune Afrique s’y intéresse. Créé en juillet 2011, le soudan du sud est le dernier-né et le plus jeune des États d’afrique: ses balbutiements administratifs, ses orientations diplomatiques, la construction de son identité nationale et ses problématiques intérieures doivent pourtant être significatifs des défis immédiats qui seposentaucontinent.encela, le soudan du sud est peut-être un laboratoire des États africains de demain. À quand une
enquête complète dans les médias, dont la presse francophone dédiée à l’afrique ? l FLorian BaLLande,
classe politique corrompue, une pauvreté extrême et une grande faillite de l’État. la Rd Congo souffre de la médiocrité
rigoBert Mankene MFuLa, Londres, Royaume-Uni
Paris, France
Bilan Matata Ponyo tel qu’en lui-même RÉsIdant dans un pays anglophone, je lis néanmoins Jeune Afrique chaque semaine, et vos couvertures sur mon pays, la Rd Congo, m’incitent à réagir. J’ai ainsi parcouru avec plaisir l’article intitulé « Matata Ponyo tient bon » (J.A. no 2731, du 12 au 18 mai) consacré au premier anniversaire à la primature du « Monsieur stabilité » congolais, dans un pays où règne une
p J.A. no 2731, du 12 au 18 mai 2013.
Homosexualité Le mariage pour tous, un droit républicain Dans la Constitution française, rien ne s’oppose à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Cela fait partie des droits horizontaux, comme le droit à la nondiscrimination, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la dignité. De même, il existe des principes d’égalité et de nonp J.A. no 2715, du 20 au 26 janvier 2013. discrimination, dont la conjonction conduit à reconnaître la possibilité pour un couple de bénéficier de cette garantie constitutionnelle. la Constitution française prévoit qu’il appartient à la loi de fixer les garanties fondamentales pour l’exercice des libertés publiques et de préciser les règles relatives aux régimes matrimoniaux. Constitutionnellement, il revient au législateur d’établir des choix en matière de liberté matrimoniale, qu’il s’agisse de réserver le mariage aux couples hétérosexuels ou de l’ouvrir aux couples homosexuels. le Parlement est bien compétent pour légiférer sur une telle réforme du code civil, comme cela se passe dans d’autres pays européens et aux amériques. il n’est inscrit nulle part dans la Constitution française que le mariage est la seule union d’un homme et d’une femme. C’est vrai que la condition d’hétérosexualité du mariage est républicaine, car celle-ci est prévue par le code napoléon datant de 1804. C’est un principe fondamental qui a valeur constitutionnelle. Pour autant, cela n’exclut pas que le Parlement, de nos jours, puisse légiférer en matière de droit de la famille. enfin, le droit constitutionnel fixe l’existence de la liberté de la vie privée et familiale. une constitution doit s’adapter aux réalités de la vie moderne : c’est une interprétation progressiste. l JoëL Moukoudika Mazonga, juriste, Paris, France n o 2733 • du 26 mAI Au 1 er juIn 2013
de sa classe dirigeante. Matata doit être le « Monsieur transparence », qui privilégie action et résultats. Il doit pouvoir envisager des sanctions et surtout une démission si cette absence de leadership devait lui poser problème. l
Mali des lauriers pour les Fatim lessoldatsdesForces armées tchadiennes d’intervention au Mali (Fatim) ont libéré le nord-Mali occupé par des terroristes. Résultat d’une inestimable abnégation, leur victoire justifie que, le 13 mai, les quelque 400 soldats durégimentdeMahamatdéby Itno (fils du président tchadien) aient été accueillis en « héros » par leurs compatriotes. les Fatim ont payé un lourd tribut à cette guerre de libération: 38 morts, dont deux de mes cousins. d’où mes interrogations : comment le gouvernement malien peut-il remercier les familles éplorées? Par une indemnisation? une prime ? une décoration posthume ? Je crains que tout cela ne suffise pas. l archeduc-théodore, N’Djamena, Tchad
rectificatif dans J.a. no 2731, daté du 12 au 18 mai, p. 13, nous avons malencontreusement attribué au chanteur Youssou ndour, lauréat du Polar Music Prize 2013, le portefeuille de ministre de la Culture du sénégal. Il n’est en réalité plus que ministre du tourisme et des loisirs depuis le 29 octobre 2012. toutes nos excuses à l’intéressé, ainsi qu’à nos lecteurs. l La rédaction
jeune AfrIque
Vous nous
HICHEM
Touaregs « Jeune Afrique » ne va-t-il pas vite en besogne ?
p Des salafistes d’Ansar al-Charia, en mai 2012 à Kairouan.
Tunisie Justice sociale contre salafisme Faire respecter la loi est un impératif, surtout dans le contexte troublé que traversent les pays révolutionnaires, et le gouvernement tunisien a rassuré en agissant fermement contrelesdébordementsdessalafistes. Mais il faut maintenant se poser la question de savoir avec quelles armes on combat efficacement le salafisme. celles de l’exclusion et de la répression, ou cellesdel’intégrationetdelacompréhension?plusquelamatraque etlaprisonprivilégiéesparl’ancien régime, l’emploi et la justice sociale, objectifs de la révolution, seront mieux à même d’apporter une réponse aux jeunes qui n’ont aujourd’hui d’autre espoir que celuioffertparunereligionsource de « toutes les solutions ». l
Dans votre article consacré aux touaregs du niger (« touaregs en plein aïr », J.A. no 2731 du 12 au 18 mai 2013), vous établissez une comparaison avec le cas malien, mais parvenez à la conclusion, à mon sens hâtive, que « les touaregs maliens n’ont pas pu être intégrés ». Pour plus d’objectivité, voici quelques données sur leur situation. ils constituent moins de 5 % de la population malienne, estimée à 14,5 millions d’habitants. Depuis le début des années 1990, tous les gouvernements successifs du Mali ont comporté au moins un touareg. D’ailleurs, un des Premiers ministres d’amadou toumani touré, ahmed Mohamed ag Hamani, était touareg. le chef rebelle d’ansar eddine, iyad ag Ghali, n’a-t-il pas été son conseiller et envoyé spécial en arabie saoudite ? Depuis au moins dix ans, le premier vice-président de l’assemblée nationale et le président du Haut conseil des collectivités sont également des touaregs. À l’issue de la deuxième rébellion, la signature en 1992 d’un pacte national avait permis à des milliers
de combattants, dont des touaregs, de rejoindre les différents corps de défense, au grand dam des populations du sud, frustrées par cette discrimination « positive ». la fin de la rébellion de 2006 avait vu la nomination d’un touareg comme gouverneur de la région de Kidal. et, au fil des rébellions, des milliards de francs cFa ont été investis dans des microprojets pour les jeunes touaregs. Peut-on dire que les touaregs au Mali sont exclus ? À vous de juger. l ismAïl O. TOuré, Bamako, Mali réponse : ce reportage ne visait pas à comparer (encore moins à juger) les politiques d’intégration malienne et nigérienne, mais à identifier les raisons de l’accalmie actuelle au Niger, alors que tous les observateurs prédisaient à ce pays l’enfer après la chute de Kaddafi. Il n’est fait référence au cas malien que dans un seul paragraphe. Cela dit, s’il est admis que Bamako a tenté d’intégrer les Touaregs à ses institutions, et s’il est indéniable que les rebelles touaregs ont une responsabilité dans l’enlisement du Mali, il est permis, au vu des récents événements, de douter de l’efficacité de certaines mesures adoptées ces dernières années. l lA rédAcTiON
AsmA Nefzi, Sfax, Tunisie
Les étudiants de 1ère année
Marché de l’art de l’IESA art&culture organisent Madagasc’art, une vente aux enchères caritative au prot de l’association Les Enfants du Soleil. Cette vente sera dirigée par maître Rémy le Fur et permettra de venir en aide aux enfants des rues, à Madagascar. Le montant total de la vente servira au nancement du programme « Le français pour tous ». Une vingtaine d’artistes, © Jonone, «For the children», 2013
dont JonOne, Grégos, Jérôme Mesnager ou encore Nasty et Oakone, s’associent au projet en créant des œuvres.
La vente se tiendra à la fondation Alliance Française, au 101 boulevard Raspail, Paris VIème,
le jeudi 6 juin 2013 à 19h30.
Les œuvres seront exposées deux jours avant la vente, ouverte au public sur entrée libre.
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Hebdomadaire international politique, économie, culture
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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.
Fondé à tunis le 17 oct. 1960 par béchir ben Yahmed (53e année) édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com direCtion directeur de la publication : BécHir Ben YAHmeD (bby@jeuneafrique.com) directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed
« Afrique oyé ! »
O
rédaCtion
ui, vous avez bien lu, je dis : « vive l’afrique ! » non, je n’hallucine pas et je n’ai pas perdu la raison : l’organisation de l’unité africaine (oua), devenue union africaine (ua), a bien fêté son cinquantenaire, le 25 mai. si cette organisation continentale n’existait pas, le bon sens aurait poussé à l’inventer. l’oua est née sous les meilleurs auspices, portée sur les fonts baptismaux par des hommes dont l’ambition était de réunir les différents États du continent, à peine sortis de la nuit coloniale, autour d’un idéal commun : l’unité. dans l’esprit des pères fondateurs, cette unité était indispensable pour renforcer l’afrique et lui permettre de parler d’une seule voix dans le concert des nations. Cinquante ans plus tard, cet objectif a-t-il été atteint? si les hommes ne sont pas parfaits, mais perfectibles, il est évident que trop attendre des institutions qu’ils créent est vain. Tout compte fait, le jour où l’intérêt continental primera sur celui des États est encore loin. À ne surtout pas oublier: les guerres entre les pays africains ont provoqué plus de victimes que toutes celles de l’époque coloniale. l’organisation continentale n’a pu les empêcher. Cinquante ans après, les peuples africains se sentent-ils concernésparcequisefaitàaddis-abeba?Ya-t-ilunecitoyenneté africaine? Peut-on déceler, ne serait-ce que dans l’enseignement, une volonté d’apprendre aux africains à connaître leur continent, à se sentir proches les uns des autres? Combien savent-ils qu’un Parlement panafricain existe ? en réalité, l’afrique idéale dont avaient rêvé les pères fondateurs de l’oua reste encore, hélas, une idée abstraite. Tout comme les mots « unité », « intégration régionale », « solidarité »… À sa création, l’oua avait un projet : promouvoir la mise en place d’institutions régionales et sous-régionales, socles d’une construction plus solide. Ces institutions existent. elles sont même pléthoriques, d’où une certaine inefficacité. Quelques-unes ont marqué des points sur le plan de l’intégration. Tel est le cas de la Cedeao ou de l’eaC. leurs frontières sont ouvertes pour les ressortissants des États membres, qui n’ont besoin que de leur passeport pour se déplacer. en afrique centrale, en revanche, l’intégration régionale est plus compliquée. les dirigeants de cette zone refusent toujours d’instaurer un passeport Cemac ou Ceeac, pourtant à l’ordre du jour depuis des lustres. leurs ressortissants, pour aller d’un pays à l’autre, ont toujours besoin de visas. l’angola et le Mozambique, par exemple, sont tous deux membres de la sadC et de la communauté des pays ayant le portugais en partage. Mais si un Mozambicain veut se rendre en angola, il doit avoir un visa, alors que, pour aller en afrique du sud, on lui demande seulement son passeport. Moi, quand je vais au Rwanda ou au burundi, je me vois accorder un visa gratuit en tant que ressortissant d’un pays membre de la Communauté économique des pays des Grands lacs. Pour entrer au Congobrazzaville et dans tous les pays de la Ceeac, je paie mon visa. dans ces conditions, entre ceux qui avancent et ceux qui reculent, notre chère ua, dépourvue des moyens de sa politique, patine. Mais je redis : « afrique oyé ! » l
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n O 2733 • du 26 MAI Au 1 er juIn 2013
jeune AfrIque
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