Ja 2815 plus maroc du 21 au 271214

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algérie sellal : l’homme à tout faire de boutef

jeuneafrique.com

Hebdomadaire international indépendant • 55e année • n° 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

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MAROC

L’appel du large

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16 pages

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Le pLus

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cohésion nationale

Spécial 8 pageS

de Jeune Afrique

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16-17 mars 2015, Genève

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Le pLus

de Jeune Afrique

panorama Un balcon sur la mer

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interview Mohamed Bouayad, vice-président de la Fenip nord Tanger, un avenir en béton armé sud Quand Dakhla s’éveillera…

MAROC

L’appel du large

BRAVO-ANA/ONLYWORLD.NET

Après lui avoir longtemps tourné le dos, le royaume redécouvre son littoral. Il compte même surfer sur la vague pour assurer son développement et s’imposer comme l’une des principales puissances maritimes du continent.

jeune afrique

n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014


Somagec GE, bâtir l’avenir

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Port et aéroport de Bata

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Aéroport de Corisco

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Créateur de développement


Le pLus

Le Plus de Jeune Afrique

de Jeune Afrique

MAROC

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L’appel du large

Prélude Au-delà des remparts

a

n 711, côte nord du Maroc. Tariq Ibn Ziyad prend la mer en compagnie de quelque 10 000 guerriers pour conquérir l’Espagne. Arrivé au rocher vert auquel il donnera son nom – Gibraltar vient de l’arabe djebel Tariq –, il lui faut, face aux redoutables Wisigoths, galvaniser ses troupes fatiguées par le voyage. Il fait brûler les bateaux, éliminant toute tentative de marche arrière : « La mer est derrière vous et l’ennemi devant », dit-il aux soldats. Ceux-ci foncent alors droit devant, décrochent la victoire et établissent en Andalousie un État musulman qui durera huit siècles…

nécessite son projet, le roi choisit comme devise un verset coranique représentant l’idée du miracle: « Le trône de Dieu était sur les eaux. » Une mosquée construite sur les eaux, quoi de plus convaincant pour délier les bourses des Marocains ! Cette mosquée a provoqué un déclic. À la fin des années 1990 est mise en œuvre une grande politique de réaménagement des corniches, dont l’objectif est de créer un lien culturel et économique fort avec les centres-villes. Casablanca, Rabat, Agadir, Tanger… Les principales villes du royaume changent de visage, avec des résidences en bord de mer, des marinas et des centres commerciaux. Pour certaines, leurs côtes deviennent de véritables pôles économiques et

Historiquement, l’image de la mer au Maroc est associée à la guerre, aux corsaires et aux conquistadors portugais et espa- La construction de la mosquée gnols venus via l’océan Atlantique s’emparer de Hassan-II sur le bord de mer, à villes côtières et les entou- Casablanca, a provoqué un déclic. rer de remparts. Beaucoup logistiques ; c’est le cas de Tanger, qui plus perçue comme une source de danger que de richesse, la mer a fini par a pris un essor phénoménal depuis la entrer dans l’oubli. Les Marocains lui construction du port Tanger Med. ont tourné le dos et se sont protégés dans leurs médinas, reclus dans des La réconciliation des territoires se maisons avec des espaces intérieurs poursuit aujourd’hui avec la nouvelle confortables et vivants, loin des rivages politique menée par l’Agence natiofroids et déserts. Or qui tourne le dos nale des ports, soucieuse de créer des à la mer tourne le dos au monde. Au plateformes logistiques reliées aux villes fil de l’Histoire, le littoral a été négligé et à l’international. Parallèlement, des par les plans de développement – mis stations balnéaires sont aménagées, des licences pétrolières offshore sont à part pour la pêche. Jusqu’aux années octroyées. La mer est de moins en moins 1980, toute l’activité des villes se faisait synonyme de menace, mais l’emballeau centre, tandis que les côtes étaient ment excessif sur les projets immobiliers laissées à l’état vierge. est en train de bétonner les côtes, reproIl fallait réconcilier culturellement les duisant les dérives observées dans le Marocains avec leur littoral en misant sud de l’Espagne. De Tanger à Tétouan, sur des projets moteurs. En 1986, l’anles dégâts de la juxtaposition d’espaces nonce de la construction de la mosquée individuels et collectifs, sans harmonie Hassan-II sur le bord de mer rappelle aucune, sont déjà visibles. Un urbanisme aux Casablancais qu’ils ont une côte qui à outrance qui pourrait endommager ne demande qu’à être considérée. Pour durablement cette mer avec laquelle le attirer les 500 millions de dollars que Maroc veut se réconcilier. l jeUNe afRiqUe

N O 2815 • DU 21 aU 27 DécembRe 2014

BRAVO-ANA/ONLYWORLD.NET

Nadia Lamlili

jeUNe afRiqUe

N O 2815 • DU 21 aU 27 DécembRe 2014

panorama Un balcon sur la mer

p. 62

interview mohamed Bouayad, vice-président de la Fenip p. 66 halieUtiqUe Ô label bleu !

p. 68

infrastrUctUres opération eau potable à agadir p. 72 NORD

tanger, un avenir en béton armé Dernier arrêt avant l’europe

p. 74

p. 77

SUD

quand Dakhla s’éveillera…

p. 78

la nouvelle perle du sud p. 81


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le Plus de Jeune Afrique

PANORAMA

Un balcon

Le littoral marocain, c’est 3 500 km de côtes cernées par le désert et les montagnes. Un espace stratégique pour le royaume, qui, en développant la pêche et le commerce maritime, compte profiter enfin de la situation. OlivieR CAsliN,

e

envoyé spécial

t si le Maroc était une île ? Acculé par le Sahara au sud et les montagnes du Rif au nord, le royaume ne semble avoir d’autre choix que de regarder vers la mer. Le pays n’est pourtant pas réputé pour sa culture maritime. Qu’importe si les corsaires de Salé ont écumé le littoral au XVIIe siècle ou si le dénommé Saïd Ben Haddou, pilote des galions de Cortès, s’est retrouvé gouverneur de Floride n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

jusqu’à sa mort, en 1549. « Historiquement, le pays a toujours été tourné vers l’intérieur », explique l’expert maritime Mustapha El Khayat. « Plus qu’un désintérêt, il s’agit d’une appréhension certaine de la population face au grand large », précise Leïla Meziane, professeur d’histoire à l’université Hassan-II de Mohammedia. L’hostilité des rivages n’a pas non plus aidé à faire naître les vocations de marins, entre une côte atlantique battue plus que baignée par les courants et un pourtour méditerranéen coupé du pays par les montagnes. Autre obstacle : « La colonisation des grandes villes côtières par les puissances occidentales », ajoute l’historienne. Si la question de l’insularité du Maroc est une aberration géographique, elle s’appuie sur une réalité économique, puisque 98 % des échanges commerciaux du pays empruntent la voie maritime. jeune afrique


sur la mer C’est autant que pour l’Islande ou l’archipel des Tuamotu… Et si l’économie est perçue comme essentiellement agricole, les différentes activités liées à la mer, du transport à la pêche en passant par le tourisme – en attendant les possibles gisements d’hydrocarbures offshore –, contribuent pour près de 20 % au PIB. Bien plus que les plaines céréalières du centre du pays, reconnu pendant l’Antiquité comme le grenier à blé de Rome. Dernier rappel historique : c’est bien la gravure d’un thon qui habille les pièces de bronze datant du Ier siècle avant notre ère découvertes près de Larache, dans le Nord. fLotte. Après avoir contribué à la richesse de la région depuis des siècles, la pêche reste un secteur prépondérant pour le Maroc, qui, selon le dernier classement de l’Organisation des Nations jeune afrique

Le pays est l’un des premiers producteurs de poisson en Afrique.

grant rooney pcl/superstock/sipa

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p Le détroit de Gibraltar et la côte marocaine vus depuis Tarifa, en Espagne.

unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), occupe la 18e place des producteurs mondiaux de poisson et la première en Afrique. Avec une flotte estimée à 3 000 bateaux, le royaume contribue chaque année à 4 % des prises réalisées à travers la planète, soit plus de 1 million de tonnes. En ajoutant les tonnages produits par l’aquaculture, les produits de la mer pèsent chaque année, en valeur, 50 % des exportations agroalimentaires du royaume. C’est justement pour doper ces chiffres que le gouvernement a lancé en 2009 le plan Halieutis. Objectif : développer l’ensemble de la filière d’ici à 2020, en modernisant une grande partie des 19 ports de pêche disséminés le long des 3 500 km de littoral et en multipliant les unités de transformation et les fermes d’élevage (lire pp. 68-70). L’enjeu est de taille puisque le pays espère, à n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014


Le Plus de J.A. Maroc

paViLLON. La carte portuaire sera réorganisée

autour de six pôles, comprenant chacun plusieurs ports et concentrés sur des activités spécifiques (voir ci-contre). Les deux projets les plus importants concernent les ports de Tanger et de Casablanca, où les trafics les plus polluants quitteront les centres-villes pour laisser place à de nouveaux terminaux de pêche et de croisière. Sur ce dernier créneau, le Maroc compte bien tirer son épingle du jeu et détourner à son profit une part toujours plus importante d’une activité en plein boom dans l’ouest de la Méditerranée. Ne restera plus alors au royaume qu’à tenter de reconstituer une flotte de commerce sous pavillon national, disparue en 2013 en même temps que la Compagnie marocaine de navigation, pour qu’il puisse retrouver un statut de puissance maritime que même les Marocains semblent avoir oublié. l

Nord-Ouest

Transbordement de conteneurs, ferries

Kenitra-Casablanca

Nador

Tanger Med

Conteneurs et trafic conventionnel

Oriental

Vracs pétroliers, transport routier international, charbon

Mohammedia Casablanca Jorf Lasfar

Doukkala-Abda

Vracs énergétiques et industriels, phosphates

Safi

Souss-Tensift

Croisière et plaisance, pêche

Agadir

3 500 km

Ports du Sud

Pêche, charbon

Le Maroc est le pays africain avec le plus long littoral et le seul à disposer d’une façade maritime à la fois sur l’Atlantique et sur la Méditerranée

Tan-Tan Laayoune

100,67 Mt C’est le trafic des ports de commerce marocains en 2013, contre 92,32 millions de tonnes en 2012

Dakhla

trafic en 2013

Agadir

en millions de tonnes

3,91

Safi

5,74

Mohammedia 11,92

Laayoune 3,08 Nador 2,10 Dakhla 0,50 Tan-Tan 0,14

Jorf Lasfar 17,80 Tanger Med 32,81 Casablanca

22,67

La pOLitique de La passereLLe

L

e Maroc a peut-être mis du temps à définir une politique maritime cohérente, il n’a en revanche pas tardé à adhérer aux différentes institutions mondiales qui régulent le secteur. Le pays est ainsi membre de l’Organisation maritime internationale (OMI) depuis 1962. En 2012, il a même rejoint les 40 pays siégeant au conseil de cet n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

organisme chargé notamment des questions de sécurité et de protection de l’environnement marin, aux côtés de trois autres pays africains : le Kenya, le Liberia et l’Afrique du Sud. Seul pays du continent à disposer d’une façade donnant à la fois sur l’océan Atlantique et sur la mer Méditerranée, le Maroc multiplie les passerelles vers l’Europe et

les Amériques pour s’imposer comme partenaire incontournable. Le pays a ainsi joué un rôle leader dans la mise en place de l’Union pour la Méditerranée, en 2008. Le diplomate Fathallah Sijilmassi est d’ailleurs le secrétaire général de l’organisation depuis 2012, succédant à son compatriote Youssef Amrani. Le royaume est enfin à l’origine des

Dialogues de l’Atlantique, un forum organisé chaque année au Maroc depuis 2011. Plus de 300 représentants des secteurs publics et privés, en provenance de 45 pays du pourtour atlantique, se réunissent à cette occasion pour traiter des questions économiques et commerciales, des problèmes sécuritaires et O.C. migratoires. l jeune afrique

Source : ANP/TMSA

terme, doubler les 300 000 emplois que compte aujourd’hui la filière. Mais c’est encore dans le domaine du commerce maritime que le Maroc affiche le plus clairement ses ambitions, depuis dix ans, bien résolu à mettre en valeur son ouverture sur la Méditerranée et l’Atlantique et à se positionner comme plateforme incontournable entre l’Europe et l’Afrique. En 2002, le projet Tanger Med a été lancé dans ce but ; il est devenu en quelques années l’un des tout premiers ports à conteneurs du continent (lire pp. 74-76). Après avoir ouvert les terminaux du pays à la concurrence en 2007, le gouvernement a présenté en 2012 sa « stratégie portuaire nationale 2030 ». À cette date, l’ensemble du système portuaire marocain devra être en mesure de traiter entre 300 millions et 350 millions de tonnes de marchandises par an, contre un peu plus de 100 millions en 2013. Doté d’une enveloppe de 80 milliards de dirhams (environ 7,2 milliards d’euros), le plan prévoit l’extension et le réaménagement des treize ports de commerce existants, ainsi que la création de cinq nouveaux terminaux, dont une plateforme de transbordement de taille mondiale à Nador.

six pôles en devenir

Source : ANP/TMSA

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Le Plus de J.A. Maroc

HicHam

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INTERVIEW

p Le patron de Marpex, à Agadir.

Mohamed Bouayad « nous avons une richesse énorme et nous ne savons pas quoi en faire »

Pour ce représentant des industriels des produits de la mer, la filière marocaine n’est pas encore à la hauteur de son potentiel. Il encourage l’État à aller plus loin dans sa promotion du secteur.

P

atron, entre autres, de l’entreprise Marpex, une conserverie de poisson implantée à Agadir, Mohamed Bouayad est le viceprésident de la Fédération nationale des industries de transformation et de valorisation des produits de la pêche (Fenip), une organisation sectorielle membre de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Entretien.

n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

jeune Afrique : Le plan Halieutis a été lancé en 2009 pour réformer le secteur de la pêche et en assurer la pérennité. Les résultats sont-ils au rendez-vous ? MOHAMeD BOuAYAD : Cette stratégie

compte trois composantes : économique, sociale et politique, avec des objectifs clairement définis et des moyens substantiels pour les réaliser. Le plus important reste maintenant de pouvoir compter sur l’adhésion des différentes

parties concernées. Les opérateurs, par exemple, très influents dans le sud du pays, peuvent très bien tout bloquer. Il faut également prendre le temps d’expliquer à la population l’intérêt et la logique de certaines réglementations. Et sur ce point, il existe un déficit de communication flagrant de la part des pouvoirs publics. Enfin, il faut mettre en place des mesures d’accompagnement. Difficile en effet de convaincre jeune afrique


L'appel du large

La politique mise en place a permis de doter le pays d’infrastructures…

C’est vrai qu’aujourd’hui nous disposons de toutes les infrastructures nécessaires pour développer un secteur fort, compétitif et durable. Mais la filière reste très « politique », et les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Il faut mettre un terme à certains privilèges. La demande du marché évolue. Que faut-il faire pour adapter les produits marocains aux nouvelles tendances de consommation ?

Sur ce plan, nous accusons un retard structurel. D’où le lancement d’une étude pour moderniser la filière, afin de mieux comprendre les tendances à venir et de pouvoir y répondre. Aujourd’hui, notre premier client est en Europe. Il a des revenus, mais pas de temps pour cuisiner. Comment nous adapter à cette réalité ? Surtout que nous souffrons d’un double handicap, entre l’absence de moyens de production susceptibles de nous positionner sur les produits précuisinés et l’obsolescence de notre arsenal juridique, qui techniquement nous empêche d’exporter. Que voulez-vous dire ?

La durée de vie de tels produits est généralement de trois semaines. Or, pour respecter les procédures douanières et administratives, il faut cinq semaines minimum. Ajoutez à cela les délais de transport, et la marchandise arrive forcément périmée chez le consommateur. Ce que nous demandons, c’est l’application de règles identiques à celles de l’Union européenne, avec des contrôles périodiques et un système qui récompense les « bons » producteurs. En Tunisie, il faut deux heures pour exporter. Ce n’est pas un hasard si de plus en plus de Marocains vont s’installer dans ce pays. Comment évolue la concurrence ?

Notre position sur le marché mondial est bonne, mais le restera-t-elle encore longtemps ? La menace est réelle. Sur une filière aussi importante que la sardine, nous devons faire face à une concurrence de plus en plus forte des pays d’Amérique latine, qui peuvent s’appuyer sur une main-d’œuvre plus jeune afrique

qualifiée et moins chère que la nôtre. Sur Une production le thon, nous n’avons jamais été comhalieutique en hausse pétitifs, notamment face aux Asiatiques. (en milliers de tonnes) Quant à l’anchois, il est en train de dis1 170 paraître de nos eaux. La situation est 1 200 assez préoccupante. Est-ce justement pour mieux affronter 1 000 le marché que les opérateurs marocains se regroupent ces derniers temps ?

En effet, et la tendance se poursuit. Nous assistons à la création de blocs hyperpuissants qui écrasent ceux qui les dérangent, avec le risque à terme de voir apparaître des monopoles sur certaines filières. Le problème n’est pas d’avoir des groupes puissants, mais si c’est pour éliminer les autres, nous courons vers une véritable crise sociale. Les accords de pêche signés avec l’Union européenne vont-ils permettre de tirer le secteur vers le haut ?

Ce sont des accords strictement politiques. Nous sommes dans un rapport de

800 SoUrce : oNP

un pêcheur d’arrêter son activité sans mécanisme de dédommagement, par exemple.

67

600

500 400 1995

2000

2005

2010

2013

pas quoi en faire. Comme le Japon, le Maroc a tout le potentiel nécessaire pour développer une vraie économie de la mer. Mais pour cela, nous devons être capables de nous positionner rapidement sur des secteurs porteurs, comme le

Nous demandons l’application de règles identiques à celles de l’Union européenne. forces, et le Maroc lâche ses ressources halieutiques pour conserver le soutien de l’Europe sur la question du Sahara et éviter que l’Espagne ne plaide la cause du Polisario à Bruxelles. Que pensez-vous de la politique maritime du pays ?

Nous avons une richesse énorme le long de nos côtes, et nous ne savons

transport maritime, la réparation navale, les biotechnologies, l’éolien, etc. Nous devons être imaginatifs. Le Maroc est comme une île ; il a tout à gagner à se tourner vers la mer. L’idée semble commencer à faire son chemin. Le thème du prochain salon Halieutis, en 2015, n’est-il pas : « La mer est l’avenir du Maroc » ? l Propos recueillis à Casablanca par Tarik bEn Larbi

ET biEnTôT dEs pêChEUrs rUssEs

l’

attente a été longue mais, après deux ans d’âpres négociations, le nouvel accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne est enfin entré en vigueur en septembre. Conclu pour une durée de quatre ans, il autorise les pêcheurs européens à exploiter les ressources halieutiques marocaines en échange d’une enveloppe annuelle de 40 millions d’euros, en hausse de 11 % par rapport au précédent accord. Le nombre de navires autorisés a été ramené de 137 à 126, et les grandes unités de pêche doivent désormais embarquer seize marins marocains – deux fois plus qu’auparavant. Les autorités marocaines disposent également d’un droit de regard sur les zones et les espèces pêchées. Ce protocole signé avec le principal partenaire commercial du pays n’empêche pas le Maroc d’appâter d’autres clients. Alors que la Chine se montre intéressée, un accord a été conclu en 2013 avec la Russie, autorisée à envoyer une flotte de dix navires T.b.L. dans les eaux du royaume. l n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014


Le Plus de J.A. Maroc commercialisentdesmarquesaussipopulaires que les biscuits Sergio, le beurre Badaouia et, surtout, le thon Mario, produit par l’entreprise de Lakhyayeta (près de Casablanca), qu’il a rachetée en Les pouvoirs publics incitent les sociétés de pêche à élever 2009 et qui a réalisé en 2013 un chiffre le niveau de qualité de leur production. Zoom sur cinq entreprises d’affaires de 470 millions de dirhams qui ont su anticiper… et se transformer. (41 millions d’euros). Plus de 100 millions de boîtes de thon et de sardines e secteur marocain de la pêche sont produites chaque année par Silver présentés, donc plus appétissants. Une connaît de profondes transforFood, dont 70 % sont exportées dans véritable révolution culturelle pour les une trentaine de pays. Bien positionnée mations, alors que l’élévation des industriels comme pour les consomnormes imposées par le marché sur son marché, la firme ne suppose une amélioration des conditions craint aujourd’hui qu’une À l’éternelle sardine en boîte chose : la baisse des prix de capture et donc une modernisation s’ajoutent désormais des produits de vente de ses conserves, des flottes. Face aux gros opérateurs qui fumés, salés, marinés… provoquée par l’entrée de tentent de conserver leur leadership, produits de contrebande les PME n’ont d’autre choix que de se en provenance d’Espagne ou d’Algérie regrouper pour survivre. Spécialiste de mateurs marocains. Et pour souligner et par l’arrivée au Maroc des premiers la conserve d’anchois, le groupe El Jabri a la qualité de ces produits, les autorités opérateurs asiatiques. par exemple racheté une série de petites marocaines de tutelle ont inauguré le structures en difficulté, pour devenir label Hout Bladi (« le poisson de mon aujourd’hui l’un des acteurs de poids du pays »), qui montre la voie que devront Unimer secteur. La pêche intéresse également dorénavant suivre les sociétés de pêche. De bon thon toujours plus les investisseurs étrangers, Portrait de cinq d’entre elles. Filiale du groupe Sanam, de Saïd Alj, qui n’hésitent pas à placer quelques capiUnimer est leader au Maroc dans la taux dans les entreprises marocaines à Silver Food conserve et semi-conserve de petits fort potentiel. Super Mario pélagiques. L’entreprise emploie quelque Des efforts importants ont aussi été entrepris en matière de marketing et de 5 000 salariés pour des activités tourL’histoire de Silver Food est avant packaging. Place à l’innovation pour se nées à 85 % vers l’export (Amérique du tout celle d’un homme : El Hachmi démarquer de la concurrence. À l’éternelle Nord, Amérique centrale, Europe, MoyenBoutgueray. À 42 ans, il est à la tête du holding Anwar Invest, quatrième groupe Orient, Afrique de l’Ouest, mais aussi sardine en boîte s’ajoutent aujourd’hui des produits fumés, salés, marinés… Mieux agroalimentaire marocain, dont les filiales RD Congo, Afrique du Sud, Thaïlande, l l l HALIEUTIQUE

Ô label bleu!

L

vincent fournier/J.A.

68

p Au port de Dakhla. n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

jeune afrique



Le Plus de J.A. Maroc

q Dans la zone industrielle de Laayoune.

vincent fournier/J.A.

70

Japon et Australie). En plus du poisson en conserve sous les marques Titus, Madrigal, Vanelli et La Monégasque, elle commercialise des produits frais et surgelés, des sauces et condiments, des boissons et des conserves de fruits et légumes. Trois ans après avoir absorbé La Monégasque-Vanelli Maroc, Unimer a récidivé en 2013 avec Consernor, spécialisé dans la conserve de thon et de sardines. Forte d’un chiffre d’affaires de 3,4 milliards de dirhams en 2013 (300 millions d’euros), l’entreprise veut poursuivre son développement en Afrique. Un accord a été signé en mai avec le gouvernement mauritanien pour la réalisation d’une unité de transformation et de valorisation du poisson à Nouadhibou. lll

Nouvelle Aveiro Maroc

Sans arêtes

Créée en 1946 à Agadir, la société Aveiro est passée de main en main avant de tomber dans celles de Mohamed Bicha en 1983. Devenue depuis lors Nouvelle Aveiro Maroc, c’est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du marché de la conserve, avec une capacité de transformation de 40 000 tonnes de poisson par an. Spécialisée dans la sardine et le maquereau en provenance des eaux d’Agadir, de Sidi Ifni, de Dakhla, de Laayoune ou de Tarfaya, l’entreprise ne vend que 10 % de sa production au Maroc, notamment sous n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

les marques bien connues Delmonaco et Liberator. Très présente à l’export, elle fait tout pour renforcer sa part de marché dans le royaume. Nouvelle Aveiro Maroc est ainsi la première conserverie à proposer des boîtes de sardines sans arêtes. De quoi doper un chiffre d’affaires estimé à 350 millions de dirhams en 2013 (environ 31 millions d’euros).

de capture comme de conservation ont été mises aux normes de l’Union européenne, qui reste le principal client de la compagnie avec le Japon.

LGMC

Premier sur les sardines

Fruit d’une fusion opérée en 1996 entre les Grandes Marques de la conserve et les Marona Conserveries chérifiennes, les Grandes Le goût du large Marques chérifiennes (LGMC) sont Quand le holding royal SNI investit, il aujourd’hui le numéro un mondial de le fait à fond. Et quand il s’intéresse à la la conserve de sardine. Depuis son intropêche, c’est dans la filière hauturière : les duction en Bourse cette même année, espèces capturées sont les plus nobles, l’entreprise a volé de succès en succès et en a même profité pour se diversifier dans la conserSoles, raies, dorades, poulpes, verie de fruits et légumes. calmars… Le holding royal Sni a Elle pèse aujourd’hui 20 % des recettes d’exportation investi dans la filière hauturière. du secteur, réalise chaque qu’il s’agisse de poissons plats (la sole et année un chiffre d’affaires de 400 millions la raie), à écailles (pagre, merlu, saintde dirhams (35 millions d’euros), pour pierre, dorade…) ou de céphalopodes une capacité de production annuelle de (seiche, calmar et poulpe). Le chiffre 60000 t. De quoi susciter l’intérêt, comme d’affaires n’est pas communiqué, mais cela a été le cas avec l’entrée dans le capiavec un capital supérieur à 330 millions de tal du fonds d’investissement Mutandis dirhams (30 millions d’euros), la société qui, pour 198 millions de dirhams, s’est semble avoir les moyens de ses ambitions. emparé de 51 % du capital en 2010. Les En 2013, ses 40 chalutiers – soit la plus actionnaires historiques que sont les grande flotte de pêche du royaume – ont familles El Jamali, Ayouche et Bourqia sorti de l’eau 7 400 t de céphalopodes et ont depuis vu leur participation limitée plus de 5000 t de poissons. Les méthodes à 43 %. l Tarik ben Larbi, à Casablanca jeune afrique



Le Plus de J.A. Maroc q Le spécialiste ibérique a déjà réalisé un projet similaire à Ténès, en Algérie.

abengoa

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INFRASTRUCTURES

Opération eau potable à Agadir L’espagnol Abengoa lance la construction d’une usine de dessalement. Objectif : répondre aux besoins des 800 000 habitants de la région pendant vingt ans.

C

est le premier projet de cette taille au Maroc. Et d’autres pourraient bientôt suivre pour répondre aux besoins en eau potable du pays. Le groupe espagnol Abengoa, spécialiste mondial de l’énergie et de l’environnement, va lancer en janvier la construction d’une usine de dessalement d’eau de mer dans la région d’Agadir. L’investissement est important, l’enjeu de taille : 82 millions d’euros pour une production journalière de 100 000 m3 d’eau potable. De quoi satisfaire les besoins d’une population de 800000 personnes jusqu’à l’horizon 2030. Abengoa s’est associé à hauteur de 51 % au fonds InfraMaroc, filiale de la Caisse de dépôt et de gestion, pour créer la Société d’eau dessalée d’Agadir. Le financement

est assuré à 75 % par la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE). Le consortium a été retenu à l’issue d’un appel d’offres de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) conclu en 2012, mais le contrat de gestion n’a été signé qu’en mai 2014, « le temps de mettre en place le cadre législatif nécessaire pour inciter les banques à investir », précise Florian Zickfeld, responsable du développement international de la firme espagnole. Le projet entre aujourd’hui dans sa dernière ligne droite. « Le montage financier est en cours de finalisation », précise un responsable d’Abengoa Water, filiale du groupe. Les travaux ne devraient pas dépasser trente mois, pour une livraison attendue au printemps 2017. ARGUMENTS. Déjà présent au Maroc

sur des projets d’électrification en milieu rural et de stations de pompage pour le compte du groupe OCP, Abengoa signe à Agadir son premier contrat public-privé, pour une durée de vingt ans. Le groupe a de sérieux arguments à faire valoir en matière de gestion de l’eau. Il possède en effet, en plus de ses installations en

Espagne, trois stations de dessalement d’une capacité totale de 500 000 m3 par jour en Algérie, ainsi qu’une usine au Ghana, une autre en Libye et diverses unités de production dans le monde (Oman, Inde, Chine, États-Unis et Chili). Pas question, donc, de s’arrêter en si bon chemin. « Notre atout, c’est de pouvoir développer nos propres technologies, aussi bien dans le secteur de l’eau que dans celui de l’énergie. Abengoa investit 100 millions d’euros chaque année dans la recherche. C’est l’innovation qui permettra au Maroc comme à l’Afrique de rattraper certains retards, tout en réalisant des économies importantes », explique Anas Raisuni, directeur du développement du groupe en Afrique. Abengoa, qui a réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 7,4 milliards d’euros, compte plusieurs autres projets au Maroc. La compagnie est en lice pour ouvrir une station de traitement des eaux usées à Kenitra ; elle participe également à un appel d’offres pour la construction de deux centrales solaires d’une capacité totale de 350 MW à Ouarzazate. l TARik bEN LARbi

OR NOiR OU ChOU bLANC ?

p

as une semaine ne passe sans que de nouvelles traces de pétrole ne soient annoncées au Maroc. Cette année, les investissements consacrés à l’exploration pétrolière avoisineraient les 5 milliards de dirhams (environ 450 millions d’euros). Aux géants que sont BP,Total ou Chevron s’est greffée une kyrielle de n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

juniors : Kosmos Energy, San Leon Energy, Serica Energy, Genel Energy… En tout, une trentaine d’opérateurs internationaux se partagent les 113 permis de recherche (dont 90 en offshore) délivrés jusqu’ici. Mais, à l’heure de confirmer les gisements annoncés par les pétroliers, les officiels marocains

préfèrent ne pas trop s’avancer. Sans doute en souvenir du précédent de Talsint – en 2000, une compagnie texane avait fait miroiter d’énormes réserves, jamais trouvées depuis. Résultat, aucune donnée ne fuite, tant sur les volumes en réserve que sur le potentiel de production. Les opérateurs continuent

pourtant de prospecter. L’américain Kosmos Energy a annoncé en novembre de nouveaux forages dans les quatre sites qu’il détient au large du Maroc, tandis que le pakistanais Petroleum Exploration lançait sa première campagne de forage àTamanar, au sud T.b.L. d’Essaouira. l jeune afrique



nORD

Le plus de J.a. Maroc

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Tanger, un avenir en béton armé Un port à conteneurs parmi les plus grands du monde, une usine Renault, des milliers d’hectares de zones franches… Le deuxième poumon économique du pays ne cesse de s’étendre.

À

50 m de hauteur, le spectacle est saisissant. En face, de l’autre côté de la mer, à une quinzaine de kilomètres à peine, se découpent les montagnes espagnoles, hérissées d’éoliennes, qui enserrent la ville de Tarifa. Plus à l’est, le rocher de Gibraltar émerge de la brume de chaleur qui pèse comme une chape de plomb sur le détroit. Nejjar a beau contempler le paysage chaque jour

CéCile TReAl & JeAn-MiChel RUiZ

q Tanger Med a traité 2,5 millions de boîtes en 2013.

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depuis la nacelle de son portique, il est toujours ébloui. « Quand je vois ça, je suis fier d’être marocain, fier de travailler sur le plus grand port d’Afrique », sourit le grutier avant de reprendre les manettes. Le palan descend aussitôt fouiller dans les entrailles du monstre de 400 m de long sagement amarré au quai depuis la nuit précédente. Un vaet-vient incessant, répété par cinq autres portiques, pour extraire une partie des

18 000 conteneurs chargés dans les cales du Marstal Maersk, l’un des plus gros navires de commerce jamais mis en service. Derrière s’étendent les vastes terminaux du port Tanger Med, sur lesquels est aligné ce qui ressemble, vu du ciel, à des piles de Lego multicolores. Voulu par Mohammed VI dès 2002 et opérationnel cinq ans plus tard, Tanger Med joue dans la cour des grands ports à conteneurs mondiaux. Il a traité

NOuveLLe base pOur La rOyaLe

P

our l’instant, cela ne ressemble qu’à une vulgaire digue de béton, coulée à quelques brasses des falaises qui plongent dans la Méditerranée. Mais Abdellatif Loudiyi, ministre de la Défense, l’a promis : « La base navale de Ksar Sghir sera opérationnelle en 2015. » L’annonce était attendue avec impatience, puisque ces installations flambant neuves serviront de port d’attache à la frégate Mohammed-VI, réceptionnée en janvier 2014 par la marine marocaine. En plus d’abriter le bâtiment de combat le plus grand et le plus puissant du continent africain, la base accueillera les trois corvettes livrées en 2013 par les chantiers néerlandais Damen. Construite sur 4,5 ha pour 1,7 milliard de dirhams (environ 155 millions d’euros), cette base se situe à proximité du port de Tanger Med. Elle aura pour mission d’assurer la surveillance des côtes nord du pays, ainsi que de contribuer à la sécurité dans le détroit de Gibraltar, emprunté chaque année par plus de 100 000 navires. l O.C. jeune afrique


L’appel du large 2,5 millions de boîtes en 2013 – seul Durban, en Afrique du Sud, fait mieux aujourd’hui sur le continent. Et avec l’arrivée programmée des deux nouveaux terminaux à l’horizon 2016-2017, pour un investissement de 1 milliard d’euros, ce sont près de 8 millions de conteneurs qui seront bientôt traités chaque année sur les quais tangérois. Sans oublier le million de véhicules en transit, dont près de la moitié pourrait alors sortir des chaînes de montage de l’usine Renault, inaugurée en 2012 (la première en Afrique) et installée dans l’une des zones franches accolées aux terminaux. « C’est la proximité du port qui a motivé le constructeur français à venir s’installer ici », explique Ali Abjiou, journaliste local. « Et son implantation provoque aujourd’hui l’arrivée de nombreux équipementiers automobiles », renchérit Youssef Imghi, le directeur général de Tanger Med Engineering, filiale de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). De cette dernière, le premier complexe portuaire privé du pays n’est que

la vitrine. Suivi de très près par le Palais, TMSA gère aussi plusieurs milliers d’hectares de zones franches entre Tanger et Tétouan. « L’idée de départ était d’attirer les investissements étrangers pour développer la région », précise un exécutif de TMSA, qui peut aujourd’hui revendiquer la présence de près de 500 entreprises et la création de 60 000 emplois. D’autres grandes sociétés semblent prêtes à

le deuxième poumon économique du pays, juste derrière Casablanca. Délaissée par Hassan II, Tanger est sortie de sa torpeur depuis l’accession au trône de Mohammed VI. À l’ombre du rocher sur lequel repose depuis des siècles la médina, la ville moderne n’en finit pas de s’étendre. Les grues hérissent même les collines environnantes, quand celles-ci ne sont pas tout simplement arasées pour laisser place à de nouveaux chantiers. Tanger se sent à Délaissée par Hassan II, la ville l’étroit et se construit un est sortie de sa torpeur depuis avenir en béton armé. « Tout va très vite car l’aggloméral’accession au trône de son fils. tion n’a pas d’autre choix emboîter le pas à Renault : Coca-Cola que de s’agrandir et de moderniser ses va installer une unité d’embouteillage, infrastructures », assure Abdellatif Brini, tandis que l’une des plus grandes aciéries de l’Agence urbaine de la ville. chinoises voudrait fondre sur place les Afin d’éviter les dérapages urbanispipelines destinés à l’Afrique. tiques, la wilaya a lancé en 2013 le plan Tanger Métropole. Doté de 7,6 milliards grues. Il suffit d’emprunter l’autoroute de dirhams (environ 700 millions d’euros), tirée sur la cinquantaine de kilomètres qui il prévoit la remise à niveau des équipeséparent le port de la ville de Tanger pour ments publics et surtout leur extension mesurer l’ampleur du développement de vers les barres d’immeubles sans âme la région, devenue en moins de dix ans qui repoussent les limites de la ville. l l l

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nOrd

l l l Pour répondre aux nouveaux besoins du marché du travail, l’agglomération a vu sa population doubler en quinze ans, dépassant aujourd’hui le million d’habitants. « La main-d’œuvre étant limitée dans les environs, il a fallu aller recruter dans le reste du pays », reprend Ali Abjiou. D’abord en faisant descendre les Rifains de leurs montagnes, puis en allant chercher des bras « jusqu’à Marrakech ». Ce qui n’est pas toujours du goût des Tangérois. À l’heure de la mondialisation, l’ancienne zone internationale accepte mal cet afflux d’« étrangers », et nombreux sont ceux qui « voudraient retracer la frontière en pointillés de l’époque des protectorats », soupire une expatriée établie depuis dix ans dans la ville. l

p La zone franche de Tanger, au sud-ouest de la ville.

OliviEr CASlin

De la médina à la marina Selon le plan Tanger Métropole, le port historique doit se convertir au tourisme pour accueillir croisiéristes et plaisanciers.

l

a vieille casbah en tremble déjà. D’après le panneau d’affichage gigantesque qui domine sa célèbre baie, Tanger pourrait vite prendre des airs de Puerto Banus, la marina jet-set qui fait le bonheur de Marbella, de l’autre côté du détroit. D’après la vision de l’artiste, dès 2017, les vieux quais portuaires seront débarrassés de leur passé pour laisser place à un port de plaisance de 1 600 anneaux à la modernité un peu

clinquante.Unereconversionsansconcession pour le port historique, qui entre dans la redéfinition plus générale de la ville prévue dans le cadre du plan Tanger Métropole, lancé en 2013. Les dernières activités industrielles vont rejoindre les zones franches de la région, pendant que le port de pêche migrera à quelques centaines de mètres pours’adosseràunenouvelledarsedéjàen construction, un peu plus loin de la vieille

Frédéric reglain/aSK imageS

q Un nouveau port de pêche est en construction.

ville. À la place, un ensemble constitué de deux bassins destinés uniquement aux activités de croisière et de plaisance. Sur les 84 ha de terre-pleins, dont plusieurs dizaines ont été gagnés sur la mer, les silos de la halle au blé se transformeront en palais des congrès ; et les entrepôts en tôles ondulées, en cours de démontage, deviendront des buildings de verre et d’acier accueillant appartements ou surfaces commerciales. Le tout au milieu de vastes pelouses plantées de forêts de palmiers ouvertes sur la ville. PAQUEBOTS. « Le but est de réconcilier

Tangeravecsonport»,expliqueunresponsable de la Société d’aménagement pour la reconversion de la zone portuaire de Tanger (SAPT). Tout en tirant parti d’une activité de croisière en plein boom dans cette partie de la Méditerranée. Tanger a reçu 120 000 croisiéristes en 2013, elle espère en capter cinq fois plus en 2020. Le bassin Ouest disposera de trois quais spécialisés pour accueillir les grands paquebots, tandis que plusieurs hôtels de luxe sont annoncés au bord de la marina, pour une capacité de 1600 lits supplémentaires. Les 2 milliards de dirhams (environ 180 millions d’euros) nécessaires pour la réalisation de l’ensemble sont apportés par le fonds d’investissement Wessal Capital, financé en majeure partie par les fonds souverains d’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis. « Cela permettra à Tanger de bénéficier d’une bonne visibilité touristique et immobilière dans ces pays », apprécie déjà la SAPT. l O.C.

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HaSSan Ouazzani

Le Plus de J.A. Maroc

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maroc l’appel du large

Dernier arrêt avant l’europe À Tanger, malgré une vaste campagne de régularisation, des milliers de clandestins subsahariens attendent d’embarquer pour l’Espagne. Venue du Liberia, Aissatu, elle, a fait le choix de rester. Reportage.

R

endez-vous est pris derrière la place du Petit-Socco. « À 20 heures, mon fils vous attendra à l’entrée de la médina », avait promis la femme au bout du fil. À l’heure dite, le gamin est là, au pied de l’ancienne légation américaine. Déluré, un peu débraillé, il s’enfonce sans hésiter dans le dédale de ruelles, apostrophe les vendeurs ambulants, avant de s’engager dans une venelle encore plus sombre et de refermer derrière lui une lourde porte en bois, sans même un regard aux fumeurs de crack assoupis dans le passage. Dans la cour intérieure, Aissatu Barry fait cuire quelques œufs durs sur un réchaud à gaz posé à même le sol. Son dîner. Et celui de ses cinq enfants, alignés devant la télé sur le matelas usé où ils dormiront plus tard. Voilà un peu plus d’un an que cette Libérienne, d’origine guinéenne et de passeport ivoirien, âgée de 35 ans mais dont le corps fatigué en paraît le double, s’entasse avec sa progéniture dans cette pièce d’une vingtaine de mètres carrés. Elle n’ira pas plus loin, contente déjà d’être sortie « de la forêt ». Un an et demi passé sur les pentes du mont Gourougou, qui surplombe l’enclave espagnole de Melilla, à vivre dans des cartons, parmi un bon millier de migrants subsahariens aveuglés par les lumières si proches de l’Europe. « L’enfer du monde », pour Aissatu.

vont devoir, au contraire, apprendre à cohabiter avec eux », estime la représentante d’une association de défense des droits de l’homme. « matek ». La campagne exception-

nelle de régularisation lancée par Rabat cette année semble avoir créé un « appel d’air », selon plusieurs observateurs. Les estimations des services marocains parlent de près de 30 000 clandestins, d’une centaine de nationalités, massés actuellement entre le cap Spartel et Nador, dans le nord du pays. À peine la moitié d’entre eux ont rempli la demande de régularisation offerte par les autorités. « Ils ne veulent pas rester ici. Dès qu’ils en ont l’occasion, ils prennent un matek [nom de code pour désigner un Zodiac] et tentent ils seraient plus d’un millier leur chance en direction de à squatter boukhalef, soit près de l’Espagne », regrette Aissatu Barry. Désormais régula20 % de la population du quartier. risée, elle a fait le choix de rester. Et elle voudrait tant convaincre trop exigeants pour certains Tangérois », ses « frères » d’en faire autant. « Notre observe un journaliste local. Méfiance et avenir est peut-être ici », veut-elle croire ressentiment grandissent entre les communautés. « Les habitants de Boukhalef en regardant ses enfants jouer avec ceux exigent le départ des migrants, alors qu’ils des voisins, tous marocains. l O.C.

de comptes entre bandes mafieuses », avance un travailleur social. Aissatu Barry confirme : les bars clandestins, la prostitution organisée, l’argent versé par les migrants en transit, « prêts à payer 3 800 euros pour s’entasser à 60 dans un Zodiac de 7 m ». Ils seraient plus d’un millier aujourd’hui à squatter Boukhalef, soit près de 20 % de la population de ce quartier très populaire. « Les Subsahariens deviennent trop visibles,

enfants lors d’une opération de la police marocaine, elle a craint l’extradition vers Abidjan mais, grâce aux bons offices d’un prêtre espagnol, la famille débarque finalement à Tanger. En plein cœur de la vieille ville, quand les Subsahariens restent généralement près de l’aéroport, à Boukhalef. C’est dans ce quartier chaud qu’a été assassiné fin août un Sénégalais de 25 ans, au cours d’une bataille rangée entre des sans-papiers et de jeunes Marocains. La presse a parlé de « chasse ouverte aux Subsahariens ». Les associations de défense des droits de l’homme sont plus mesurées. « Dans une ville ouverte à tous les trafics comme Tanger, cela peut tout aussi bien être un règlement jeune afrique

HeinricH VOeLKeL/LAiF-reA

bataille Rangée. Raflée avec ses

p Au loin, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, la ville de Tarifa. n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

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Sud

Le Plus de J.A. Maroc

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AlexAndre dupeyron

q La ville compte 80 000 habitants.

Quand Dakhla s’éveillera…

d’incitation aux investissements. Les autorités locales, qui comptent bien rattraper leur retard, ont lancé en juillet un appel à manifestation d’intérêt pour Son littoral est poissonneux, son sol fertile et son potentiel six projets de valorisation des petits pélatouristique avéré. La cité saharienne ne manque pas de giques. « L’objectif est de pouvoir exploiter ressources. Mais avant de pouvoir les exploiter, tout reste à faire. 150 000 tonnes de poissons supplémentaires chaque année en augmentant les akhla occupe une place privià faire. Faute de structures adaptées, capacités de transformation installées légiée dans le sud du Maroc. seules 25 % des richesses halieutiques aux alentours », précise Amina Figuigui, Située le long d’une baie aussi disponibles sont capturées. Une zone directrice générale de l’Office national portuaire de 27 hectares, Essalam, spectaculaire que propice aux des pêches (ONP). opportunités économiques, la ville se inaugurée en 2011, a permis l’arrivée En attendant de multiplier les prises d’activités intégrées dans le secteur, mais rêve en pôle de développement inconen mer, Dakhla peut tracer son sillon tournable de la région Oued Eddahabsur terre. Bien qu’installée en Lagouira (Sahara occidental), dont elle région désertique, cette ville de La région présente les meilleurs est le chef-lieu. Elle compte pour cela 80 000 habitants jouit en effet rendements de tout le pays de nombreux atouts, la plupart restant à d’un climat doux et d’un sol dans la production de tomates. valoriser. À commencer par la mer : près fertile. De quoi faire fructifier de 670 km de littoral, et les deux tiers du un certain nombre d’activités potentiel national de pêche, soit 6 millions sans rapport avec les potentialités de agricoles, notamment la production de de tonnes de petits pélagiques (sardines, la région. Une autre zone industrielle, tomates, pour laquelle la région présente maquereaux, anchois…). prévue sur 300 ha et tournée vers la valoles meilleurs rendements de tout le pays. Une véritable mine d’or pour cette risation et la transformation des prises, Mais là aussi, Dakhla est loin de tirer profit région excentrée, même si tout reste est au point mort en raison d’un manque de ses atouts : sur le million d’hectares

D

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jeune afrique


l’appel du large

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u Faute de structures adaptées, seuls 25 % des richesses halieutiques disponibles sont capturées.

glisse. Mais s’il y a un secteur économique dont la région est loin d’avoir tiré parti, c’est bien le tourisme. Son potentiel est pourtant jugé « exceptionnel » par les spécialistes. Dakhla n’a pas volé son surnom de « ville du vent » (lire p. 80). La cité fait déjà partie des destinations internationales les plus recherchées par les amateurs de windsurf et surtout de kitesurf – elle accueille même chaque année une étape du championnat du monde de ce sport de glisse.

vincent fournier/J.A.

exploitables, moins de 600 sont actuellement utilisés. Dans le cadre du plan Maroc vert, qui prévoit d’investir 712 millions de dirhams (près de 64 millions d’euros) dans le développement agricole de la région, plusieurs projets ont été amorcés aussi bien dans la culture que dans l’élevage, l’objectif étant de créer quelque 18 000 emplois supplémentaires dans la filière agricole d’ici à 2020.

Entre sa source thermale réputée et ses événements culturels (son Festival international cinématographique, par exemple), Dakhla a bien d’autres arguments touristiques à faire valoir. Les infrastructures d’hébergement y restent pourtant inexistantes. La ville ne dispose

Station de Traitement des Eaux de Bouregreg - Rabat.

que de trois hôtels, de quelques maisons d’hôtes et d’un village touristique, le Dakhla Attitude, soit 800 lits au total. Lancé en 2013, un projet d’eco-resort devrait permettre de combler le manque. Un protocole d’accord a été signé entre les autorités marocaines et l’émirati l l l

Parc Eolien de Tanger.

Acteur de référence pour le développement durable au Maroc

Centrale Thermo Solaire d’AIN Béni Mathar.

Alimentation en eau potable rurale .

Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable - Avenue Mohamed Belhassan El Ouazzani-Rabat-Maroc Tél. : +212 5 37 75 96 00 - Fax : +212 5 37 75 91 06 - E-mail : communication@onee.ma


Sud

Le Plus de J.A. Maroc Al Shafi Investment Group pour la réalisation, à l’horizon 2017, de ce projet estimé à 1 milliard de dirhams. Selon les objectifs de la stratégie touristique mise en place par le Maroc pour 2020, la région devrait être en mesure d’accueillir à cette date 114000 touristes par an. « Une vingtaine de projets sont actuellement programmés pour densifier notre offre, et nous comptons également proposer à moyen terme treize liaisons aériennes hebdomadaires avec les principaux marchés européens émetteurs », indique Imad Barrakad, président du directoire de la Société marocaine d’ingénierie touristique. l Tarik ben Larbi

lll

caP sUr L’aTLanTiQUe

P

our Dakhla, l’équation est simple : pas de développement économique sans la création d’un nouveau port. Entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne, à une brassée du hub maritimo-touristique de Las Palmas, la ville est persuadée d’avoir un rôle à jouer dans la pêche comme dans le commerce. Les autorités marocaines viennent de lancer un appel d’offres pour les études de faisabilité du futur port, baptisé Dakhla Atlantique – un projet présenté dès 2007 dans le cadre de la stratégie portuaire pour 2030. Ce terminal en eau profonde aura vocation à servir de plateforme logistique sous-régionale, en expédiant les produits de la pêche dans un sens pour mieux recevoir et distribuer les biens de consommation et d’équipement dans l’autre. Il sera construit à une soixantaine de kilomètres au nord de la ville. L’état des infrastructures ainsi que l’ensablement de la baie condamnent le port existant à trouver de nouvelles activités, comme la plaisance. Histoire de détourner quelques touristes des îles Canaries. l T.b.L.

q La lagune est un spot prisé des kitesurfeurs.

Pierre mérimée

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Le vent en poupe Quel est le point commun entre le windsurf et l’énergie éolienne ?

c

est lui qui gonfle les voiles de kitesurf et de windsurf. À 35 km de Dakhla, entre mer et désert, l’air marin fait oublier les peines du trajet. « Souriez, vous êtes à Dakhla Attitude », annonce le panneau à l’entrée. Les tentes bédouines montées à l’origine – l’établissement a ouvert en 2006 – ont laissé place à des bâtiments en dur. Fort de 25 suites et 54 bungalows recouverts d’ocre, l’hôtel offre, pour 800 dirhams (environ 72 euros) par personne et par jour, bien plus qu’une simple expérience au bout du monde : restaurant, spa, excursions au cœur des dunes… Mais surtout, Dakhla Attitude attire les inconditionnels de la vague, n o 2815 • du 21 au 27 décembre 2014

des milliers d’aficionados qui s’y rendent chaqueannéecommepourunpèlerinage. « Notre clientèle vient essentiellement de l’étranger, de France et d’Espagne, mais de plus en plus également du Maroc », précise Morad El Hattab, directeur administratif de l’hôtel. Il faut dire que les conditions de glisse sont connues pour être idéales, et le personnel, aguerri, est de bon conseil. PHaraOniQUe. Mais s’il fait le bonheur

des windsurfeurs, le vent peut aussi se révéler une source d’énergie précieuse. Et c’est avec son aide que les autorités marocaines espèrent couvrir 42 % des

besoins du pays grâce aux ressources renouvelables en 2020. Si, dans le Sud, Ouarzazate a pris de l’avance dans le solaire, Dakhla s’apprête à tirer son épingle du jeu avec l’éolien. En 2011, un projet pharaonique a fait l’objet d’un accord entre l’État et l’allemand Altus AG, associéaumarocainAMWind.Lechantier n’a pas encore démarré. L’objectif, à terme, est de produire 672 MW d’électricité sur deux parcs éoliens, pour un investissement total de 15 milliards de dirhams. La ville compte de nombreux autres projets éoliens, moins ambitieux : Altus AG a ainsi lancé la construction d’une ferme de 9 MW, tandis que l’espagnol Gotoga Brokers a déposé un dossier pour la réalisation d’un parc éolien de 50 MW, pour 753 millions de dirhams. Vive le vent ! l T.b.L. jeune afrique


maroc L’appel du large

La nouvelle perle du sud L’objectif du gouvernement est ambitieux : multiplier par 600 la production d’huîtres, de moules et de poissons d’élevage d’ici à 2020. Pour l’atteindre, il compte sur Dakhla et sa région.

d

ans les années 1950, l’aquaculture marocaine a gagné ses lettres de noblesse grâce à la lagune de Oualidia, à 150 km au sud-ouest de Casablanca. Là, dans les salons dorés des hôtels de standing, se laissaient savourer les huîtres les plus onctueuses du continent. Mais la filière a perdu de sa superbe au fil des décennies. L’ostréiculture (huîtres), la conchyliculture (moules) et la pisciculture (poissons) ont produit ensemble jusqu’à 1 500 tonnes en 2005, uniquement consommées sur le marché local ; aujourd’hui, la production n’est plus que de 330 t. Mais les autorités du pays semblent prêtes à accorder une nouvelle jeunesse à un secteur susceptible de créer des

emplois dans les régions les plus reculées. Du nord au sud du littoral, huit zones à fort potentiel ont été identifiées par l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (Anda), créée en 2011 dans le cadre du plan Halieutis. À commencer par celle de Dakhla, dont la baie dispose de l’écosystème le plus adapté à l’élevage d’huîtres. Les premières fermes ostréicoles se sont installées en 2002 dans la région, devenue ces dernières années la plus productrice du pays avec 280 t d’huîtres par an et un millier de personnes employées. Pour un investissement de 1,3 milliard de dirhams (environ 118 millions d’euros), quatre nouvelles installations devraient rapidement s’ajouter aux dix fermes existantes, ainsi qu’une écloserie.

En tout, ce sont une dizaine de projets aquacoles, agréés par le roi lui-même, qui devraient voir le jour le long des côtes marocaines d’ici à 2017. « L’ensemble de ces installations devrait permettre la production de 23 000 t de poissons et 1 540 t de coquillages par an », estiment les chercheurs de l’Anda. Sans oublier les 600 emplois créés. mission. Mais l’agence ne s’arrête pas là.

Elle poursuit sa mission en prospectant le long des côtes pour trouver les meilleurs sites de production. Cinq régions, de la Méditerranée orientale à la frontière avec la Mauritanie, semblent disposer d’un potentiel halieutique suffisant. Elles pourraient rapidement accueillir 90 nouveaux projets aquacoles, pour un investissement de 3,6 milliards de dirhams. La capacité de production du Maroc dépasserait alors 200 000 t (soit 600 fois le chiffre actuel !), objectif avoué du plan Halieutis. À l’horizon 2020, le gouvernement espère porter de 1 % à 11 % la part de l’aquaculture dans l’activité halieutique du royaume. l T.B.L.

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