côte d’ivoire la chute de la maison gbagbo jeuneafrique.com
LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA Qu’as-tu fait de ta démocratie ? INTERVIEW Régis Facia, vice-président du patronat RELIGIONS Églises à gogo FORMATION Odon Vallet et les forts en thème
Hebdomadaire international indépendant • 55e année • n° 2828 • du 22 au 28 mars 2015
événement dans les coulisses du
enquête les 20 qui feront le maroc
Spécial
30
pages
Sacré Bénin!
rassemblement à tunis, le 18 mars 2015. À g. : « le terrorisme n’a pas de religion ». À dr. : « nous sommes tous le Bardo ».
tunisie
Après le choc édition internationale et MaGHreB & MoYen-orient France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
132
Dossier Eau
IntervIew
José del Castillo, directeur Afrique et Proche-Orient de Suez Environnement
APPROVISIONNEMENT
Pourquoi ça ne
coule pas de source Qu’elles soient publiques ou privées, les sociétés de gestion de l’eau sont souvent confrontées aux mêmes défis. Jeune Afrique passe en revue trois exemples emblématiques. n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
jeune afrique
ConCurrenCe
Au Sénégal, Aquaterra sur les traces de Kirène
Cadre de vie
Avec un oued réhabilité, c’est le visage d’Alger qui va changer
ConSoMMaTion
Objectif qualité pour les Brasseries du Maroc
t À Kinshasa, en 2009. Près de 20 % des citadins africains n’ont toujours pas accès à l’eau potable.
des années 2000), la part des citadins africains ayant accès à l’eau a stagné à 83 %. Pour faire face au problème, les villes testent différentes solutions. Mais ni le privé ni le public ne font l’unanimité. « Il n’existe pas de solution unique. Les réussites dépendent davantage de la qualité des dirigeants, de l’implication du pouvoir politique et des choix d’investissements », constate Cassilde Brenière, responsable du service eau et assainissement de l’Agence française de développement (AFD). Plus la ville est grande, plus il est difficile de repartir du bon pied après un échec. « Il est important que la population dispose d’une distribution continue. Cela permet d’enclencher un cercle vertueux : la société de gestion peut augmenter ses prix, être payée, et même faire des investissements et assurer la maintenance », poursuit l’experte. Mais en dehors de rares exemples, les sociétés d’eau africaines restent confrontées aux mêmes déboires. Arriérés de paiement, manques d’investissements et de formation… Jeune Afrique illustre avec des exemples concrets les difficultés du secteur.
DiEtEr tElEmans/Cosmos
rD ConGo L’état mauvais payeur
A
Marion Douet
lors que dans les grandes villes africaines la population explose, le système d’approvisionnement en eau est à la traîne. Les besoins, également stimulés par la croissance économique, devraient quadrupler au cours des vingt-cinq prochaines années à l’échelle du continent… Un dynamisme unique au monde, selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2012. Malgré les efforts (83 millions de personnes ont vu leur accès facilité au cours jeune afrique
Quelque 66 millions d’euros d’impayés. C’est la facture faramineuse que la RD Congo doit, selon les syndicats, à la Regideso, la société publique de gestion de l’eau. Comme dans d’autres pays, environ 30 % de l’eau est consommée par les ministères, hôpitaux et autres services publics. « En Afrique, il n’est pas rare que l’état profite du fait qu’il est difficile pour l’opérateur de couper l’approvisionnement dans les services publics pour ne pas payer ses arriérés », souligne une source du secteur. Sans parler des mesures de gratuité accordées par l’état sans qu’elles soient financées, ajoute une autre. Ces arriérés, qui concernent aussi bien les opérateurs publics que privés, grèvent le bilan des gestionnaires dans un secteur aux marges déjà faibles. à Kinshasa, pour sortir du cercle vicieux, la Regideso a fait appel depuis 2013 à la Sénégalaise des eaux (SDE, lire p. 140) dans le cadre d’un contrat de service de trois ans. Il a pour objectif d’optimiser le recouvrement des impayés, mais aussi l’organisation de la société. « On note une évolution, même si elle reste timide », remarque Mamadou Dia, qui vient de quitter son poste de directeur général de la SDE pour diriger le département eau et assainissement du groupe Eranove. n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
133
134
Dossier Eau sur le recouvrement ou encore la réduction des pertes. « Des efforts vains, car elle s’est retrouvée plusieurs fois sans eau à distribuer, notamment dans la région de Yaoundé. » Les autorités du Cameroun, où l’eau est abondante, ont fini par construire à proximité de la capitale la station de la Mefou (qui traite environ 50 000 m3/jour). L’installation est opérationnelle, mais la CDE peine à exploiter la totalité de sa capacitédeproduction,cettefois-cienraisondumauvais étatdu réseau,toujoursfauted’investissements.Des problèmes qui pourraient néanmoins être résolus à court terme. Camwater a en effet décroché en septembre 2014 un financement de 398 millions d’euros auprès d’un consortium américain comprenant notamment la société Environmental Chemical Corporation et General Electric.
GABON, CAMEROUN Des obligations d’investissement floues S’agissant des conflits liés aux investissements, le Gabon est un cas d’école. Entre Veolia, qui assure, via la Société d’eau et d’électricité du Gabon (SEEG), l’approvisionnement en eau de Libreville, et le Palais du bord de mer, les relations n’ont rien d’un long fleuve tranquille. En 2012, face aux reproches persistants des autorités, le groupe français se disait même prêt à vendre ses parts dans la SEEG (51 %). Au cœur des tensions, l’absence d’accord entre les deux partenaires sur leurs responsabilités respectives en matière d’invesmillions d’euros tissements. À sa décharge, Veolia C’est le montant indique qu’il a injecté près de investi par Veolia au 600 millions d’euros depuis 1997, Gabon depuis 1997 contre, selon le groupe, environ 450 millions d’euros initialement prévus. Un effort insuffisant selon les autorités gabonaises, qui mettent en avant la croissance de la consommation, estimée à quelque 8 % par an. Souvent mal rédigés, les contrats manquent de clarté lorsque des millions doivent être décaissés pour améliorer les stations de production ou les réseaux. Exemple parmi d’autres, une portion neuve du réseau de Libreville ne peut être mise en service. En cause : la conduite qui amène l’eau jusqu’à la ville n’a pas été achevée par l’état, faute de financements, indique un expert gabonais. Reste qu’à l’approche du terme de la concession, prévu en 2017, Veolia semble vouloir rétablir le contact. « Notre objectif est de continuer d’assumer la croissance », a publiquement déclaré, en février, le directeur Afrique et Moyen-Orient du groupe, Patrice Fonlladosa. Il faut dire que l’entreprise reste bénéficiaire (2,7 millions d’euros de résultat net en 2013), même si ses performances ont décliné avec le temps, note le même expert. La SEEG a d’ailleurs toujours versé des dividendes (à l’exception de la période 2008-2010). Les actionnaires gabonais (privés et publics), détenant 49 % du capital, ne peuvent pas s’en plaindre. Plus légers que la concession en matière d’obligations, les contrats d’affermage peuvent aussi placer l’opérateur privé dans une position délicate. Au Cameroun, le marocain Office national de l’eau potable (Onep), gestionnaire du service de l’eau via la Camerounaise des eaux (CDE), n’a pas la main sur la mise à niveau des infrastructures, confiées à la société de patrimoine Camwater. À Yaoundé, il manque environ 100 000 m3 d’eau par jour. « Les retards d’investissements se sont accumulés », explique une source au fait de ce dossier, qui souligne en outre les résultats positifs de la CDE
591,5
n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
GHANA, MALI Le défi de la formation Confrontée à de multiples lacunes, Ghana Water Company souffre particulièrement d’un déficit de compétences parmi ses collaborateurs. Pour en venir à bout, cette société publique a tenté de recourir à des contrats de management. Comme en 2006, avec la société danoise Vitens, sur un projet qui, totalisant 11 millions d’euros, prévoyait de consacrer plus de 1 million d’euros à la formation des équipes. « Cela n’a pas été concluant car Ghana Water n’a pas accepté de déléguer. Cela a toujours été la même problématique, il n’y a pas de levier, pas de changement de personnel possible », souligne un spécialiste du secteur, qui note également une mauvaise gestion commerciale, financière ou encore en matière de gouvernance. Même constat à Bamako, où les m3 effectifs constituent le « maillon C’est le déficit journalier en eau pour alimenter faible » de la Société malienne de les habitants de Yaoundé gestion de l’eau potable (Somagep). Celle-ci tente de redresser la situation après des années d’alternance entre gestions publique et privée, qui, l’une comme l’autre, n’ont pas adopté une ligne et des exigences claires. « Le déficit en ressources humaines de qualité entraîne un manque de rigueur concernant l’exploitation et la gestion du patrimoine », explique plus globalement Grégoire Diouf, expert en eau et assainissement à Dakar. À ce titre, des opérateurs, faute d’y être sensibilisés, négligent souvent la communication, que ce soit pour prévenir les usagers des coupures à venir ou pour annoncer la réalisation de nouvelles installations. « Si les investissements ne sont pas accompagnés d’une bonne politiqued’information, les consommateurs vont par exemple continuer d’utiliser de l’eau de pluie, même si des puits ont été installés. » l
100000
jeune afrique
●
Architecture
●
Électricité
●
Tunnels
●
Construction
●
Ferroviaire
●
Génie civil
●
Châteaux d’eau
●
Pipeline
●
Assainissement
●
Câbles
●
Gaz
Le Groupe Denys est un acteur de référence mondiale dans les travaux d’infrastructures les plus élaborés. Eau, énergie, techniques de construction sont autant de disciplines complémentaires exercées par des collaborateurs aux compétences reconnues. Ils engagent leurs connaissances et leur capacité d’innovation au service de projets cruciaux pour le développement tout en veillant à satisfaire les besoins élémentaires de la population.
Projet Anti-pollution Maroc
Construction et pose d’un gazoduc et oléoduc Tchad
Adduction d’eau
Rénovation conduites d’eau Algérie
L’approche qualitative et la démarche d’excellence du Groupe Denys forment sa marque de fabrique à l’international. Sa grande flexibilité et les processus décisionnels rapides sont parfaitement adaptés aux pays en croissance rapide. Le Groupe Denys est solidement établi en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, et compte déjà des filiales dans huit pays : Algérie, Maroc, Cameroun, Éthiopie, Ghana, Niger, RD Congo et Tchad.
GROUPE DENYS Industrieweg 124, 9032 Wondelgem, Belgique Tél. : (+32) 9 254 01 11 - Fax : (+32) 9 226 77 71
Château d’eau Niger
Station d’épuration d’eau potable Ghana
Travaux d’alimentation en eau potable RD Congo
DIFCOM Creapub / Photos : DENYS
Station d’épuration d’eau potable Ghana
●
www.denys.com
Dossier Eau interview
José del Castillo
Directeur Afrique et Proche-Orient de Suez Environnement
« La construction d’infrastructures et les contrats de service sont complémentaires » Suez crée un pôle afrique - Proche-Orient. En ligne de mire, le développpement de ses activités assainissement et déchets au sud du Sahara.
S
uez Environnement se réorganise. Le groupe, présent en Afrique depuis les années 1940, vient d’annoncer la fusion de ses 40 marques sous un nom et un logo uniques. à l’international, toutes ses anciennes filiales (Degrémont, Lydec, Sita Maroc, etc.) sont désormais réunies en pôles géographiques. Le spécialiste de l’eau et des déchets entend ainsi créer des synergies entre ses différentes activités. Un mouvement semblable à celui réalisé par son grand concurrent Veolia il y a moins de deux ans. Nommé à la tête de la direction Afrique et Proche-Orient le 1er janvier 2015, José del Castillo réaffirme les ambitions de son groupe sur le continent, qui ne représente pour l’heure que 5 % du chiffre d’affaires. Mais les opportunités ne manquent pas, notamment au sud du Sahara, où Suez n’intervient pour l’heure que dans le traitement de l’eau, contrairement à l’Afrique du Nord. En ligne de mire, le Burkina Faso, le Mali et le Kenya. jeune afrique : Pourquoi Suez a-t-il choisi de réorganiser ses activités en pôles géographiques ? jOSé DeL CaStiLLO : Jusqu’ici,
plusieurs filiales travaillaient parfois pour le même client en ne lui présentant qu’une partie du service. Or, notre force est d’être « multimétier ». Nous allons continuer de proposer les produits et services jusqu’ici offerts par Degrémont [spécialisé dans le traitement de l’eau], par n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
Vincent Fournier/J.A.
136
exemple, tout en profitant de son implantation dans la plupart des capitales africaines pour présenter notre palette complète de compétences, incluant la production et la gestion de l’eau ainsi que le traitement des déchets. Certains pays ayant connu une croissance à deux chiffres ces dernières années, des opportunités existent. Le groupe Suez mise-t-il davantage sur la livraison de stations de production ou de traitement clés en main que sur les contrats de services, comme les concessions ?
La construction d’infrastructures et les contrats de services sont complémentaires. Nous venons par exemple d’achever l’édification de l’usine de traitement d’eaux résiduaires d’Alexandrie, en égypte. Le client nous en confie maintenant l’exploitation pour deux ans, avec ses équipes. Le service tient une place importante aujourd’hui, car la demande est forte en matière de transferts de savoir-faire dans la
L’afrique, c’est…
5%
du CA de Suez Environnement, dont : • Service de l’eau
4%
• Traitement des déchets
0,5 % • Construction, opération et maintenance
0,5 %
gestion de l’eau. Mais les concessions impliquent les parties sur le long terme, jusqu’à quarante ans, d’oùdesréticencesaujourd’huidela part des états et des entreprises. Ce type de contrat a laissé la place à des contrats de management ou d’assistance technique, plus flexibles. La situation politique égyptienne a-t-elle eu un impact sur vos activités dans ce pays ?
Le projet de traitement de l’eau d’Alexandrie-Est a mis deux ans de plusqueprévu.Maislestravauxsont terminés. Nous négocions actuellement avec les autorités une indemnisation pour le surcoût engendré par ce retard. Je voudrais souligner que nous ne sommes jamais partis, car nous avons une obligation de service public. L’Office national de l’eau potable marocain et la Sénégalaise des eaux exportent leur savoir-faire sur le continent. voyez-vous monter une concurrence locale ? jeune afrique
137
Nous sommes le seul acteur global, mis à part Veolia. Mais nous voyons apparaître une expertise locale et des compétences qui laissent présager d’une concurrence en train de se structurer, à long terme, comme au Nigeria, et peut-être même à court terme. L’industrie est-elle concernée par le traitement des eaux usées ?
Tout à fait. Le secteur des mines, par exemple, est tenu par les majors, qui sont souvent cotées et tenues de respecter des normes internationales. Aujourd’hui, tous les miniers doivent traiter leurs eaux résiduaires. Mais si l’évolution des marchés municipaux prend un peu plus de temps, le volume sera alors bien plus important quand cette demande va se matérialiser.
existe-t-il un marché rural de l’eau potable en Afrique ?
Les bailleurs de fonds se sont longtemps concentrés sur le développement des infrastructures urbaines. Il s’agit désormais d’accompagner le marché dans les zones rurales, notamment en Côte d’Ivoire, grâce à notre gamme d’unités compactes. Le délai de construction de ces stations d’eau potable, en structures métalliques préfabriquées, est beaucoup plus court. Ces contrats ne sont pas forcément importants, de l’ordre du million d’euros, mais ce sont des projets structurants. Qu’en est-il du traitement des déchets sur le continent ?
Presque tout reste à faire. Nous avons réalisé une percée au Maroc,
où certaines décharges sont quasiment conformes aux normes européennes. On y produit du biogaz et les déchets commencent à être recyclés en combustible de substitution pour les cimenteries. Nous
Nos compétences vont de la gestion de l’eau au traitement des déchets. espérons appliquer ce modèle à la zone subsaharienne. Mais nos solutions européennes n’y sont pas transposables telles quelles, il faut s’adapter à chaque ville. Lomé, qui vient de lancer un appel d’offres sur les déchets, va montrer la voie. l Propos recueillis par MArion Douet
Dossier Eau CONCURRENCE
Au Sénégal, Aquaterra sur les traces de Kirène Avec l’entrée sur le marché des petits contenants de la marque produite par Canadian Bottling Company, l’hégémonie du leader de l’eau minérale pourrait être entamée.
Sylvain Cherkaoui pour J.a.
138
p CBC purifie et reminéralise l’eau fournie par la Sénégalaise des eaux.
S
es bouteilles d’eau minérale sont déjà disponibles dans certains hôtels et restaurants de Dakar et de la Petite-Côte, ou dans certaines stations-service comme Elton… Mais l’offensive de Canadian Bottling Company débutera véritablement dans quelques semaines, avec le lancement d’une grande campagne publicitaire. Calé sur les prix pratiqués par le leader incontesté Kirène, CBC s’apprête à pénétrer le marché des particuliers avec sa marque Aquaterra après s’être fait une place sur le créneau des gros contenants (10 et 19 litres). « Je m’intéresse à ce marché depuis plus de vingt ans, précise Philippe Bélanger, le directeur général de CBC. Depuis deux ou trois ans, Kirène est quasiment n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
seul sur le marché local, il est donc normal que des concurrents émergent. » Pour l’heure, pas de quoi inquiéter Kirène, qui détient 75 % de part de marché. D’autant que, croissance démographique oblige, le marché de l’eau en bouteille, estimé à 120 millions de litres par an contre 8 millions au début des années 2000, est encore loin d’être saturé. « En quinze ans, on a rendu le prix de l’eau minérale accessible [100 à 260 F CFA le litre, soit 0,15 à 0,40 euro] et la part des eaux importées est devenue marginale », revendique Alexandre Alcantara, le directeur général de Kirène. Avec une capacité de production optimale d’une quinzaine de millions de bouteilles de 1,5 litre par an, CBC espère, en tournant à plein régime, assurer l’équivalent
Canadian Bottling Company Date de création : 2013 Capacité de production : 15 millions de bouteilles de 1,5 litre par an Objectifs : 20 % du marché et un chiffre d’affaires de 4,5 milliards de F CFA
de 20 % du marché et réaliser un chiffre d’affaires de 4,5 milliards de F CFA (6,8 millions d’euros). À la différence de Kirène, qui met en bouteille une source naturelle nichée sur le plateau de Diass, à une quarantaine de kilomètres de Dakar, CBC utilise l’eau fournie par la Sénégalaise des eaux (SDE). Grâce à l’osmose inverse, un processus de filtration, le précieux liquide est « déshabillé puis rhabillé ». « On retire de 97 % à 99 % des particules présentes dans l’eau avant de la reminéraliser avec du calcium, du magnésium, etc., explique Philippe Bélanger. C’est une eau pure, agréable au goût. » Malgré un coût de production supérieur lié au processus de purification, Philippe Bélanger estime qu’Aquaterra a les moyens de se montrer compétitive. « Les grosses compagnies comme Coca-Cola, Pepsi ou Nestlé commercialisent de l’eau purifiée, car le transport de l’eau minérale naturelle coûte cher », précise-t-il. optimiste. Ce Québécois de
45 ans n’en est pas à son coup d’essai sur le marché de l’eau. En 1997, avec trois associés, il avait fondé Ba Eau Bab, qui s’est vite imposé dans le domaine des fontaines à eau et des bonbonnes de 19 litres au Sénégal. Cinq ans plus tard, il créait UMT Technologies, spécialisé dans le traitement de l’eau à usage industriel ou médical, avant de se diversifier dans le secteur de l’eau en bouteille. Deux activités économiques et deux marchés différents qui ont conduit Philippe Bélanger à créer CBC en 2013 pour assurer exclusivement l’activité d’embouteillage auparavant gérée par UMT. Quant à savoir si le Petit Poucet Aquaterra sera en mesure de se faire une place face à l’ogre Kirène, Philippe Bélanger se montre optimiste : « Le consommateur aime avoir le choix. » l mehdi Ba, à Dakar jeune afrique
Dossier Eau
SYLVAIN CHERKAOUI pOUR J.A.
140
p Station de pompage et de chlorage de la SDE, à Dakar. INFRASTRUCTURES
La Sénégalaise des eaux voit son rôle renforcé
Malgré la coupure d’eau géante de 2013 à Dakar, le gouvernement réitère sa confiance à la SDE et lui confie même plus de responsabilités. Elle devra répondre à la consommation croissante des prochaines années.
L
’
incident est clos », assure-t-on à la direction de la Sénégalaise des eaux (SDE). En septembre 2013, la rupture d’une canalisation acheminant l’eau du lac de Guiers (qui fournit 40 % de l’eau consommée à Dakar) avait entraîné une coupure d’eau géante dans la capitale sénégalaise. La SDE avait été pointée du doigt, avant que la faute ne soit rejetée sur la Société nationale des eaux du Sénégal (Sones), propriétaire du réseau et responsable des principaux investissements. La crise avait duré trois semaines, letempsdefairefabriquerenFrance la pièce défectueuse, pour un montant de 400 millions de F CFA (environ 610000 euros), prêtés par l’Agence française de développement (AFD) à la Sones. La SDE avait quant à elle dû débourser 500 millions de F CFA, notamment pour installer des points d’eau gratuits. Mais depuis, insiste Mamadou Dia, qui vient de quitter son poste de directeur général de la SDE pour n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
diriger le département eau et assainissement du groupe Eranove, « tous les voyants sont au vert ». En 2014, l’entreprise, contrôlée par l’investisseur Emerging Capital Partners via le groupe Eranove, a enregistré un résultat net de 2,6 milliards de F CFA, grâce à des ventes en hausse de 7 %. Autre atout pour la SDE, son taux de pertes (20 %) est l’un des plus bas du continent. Plan d’urgence. « C’est l’un
des fleurons de l’eau en Afrique, avec l’Office national de l’eau et de l’assainissement au Burkina Faso, note une source dans le secteur. Même si ces dernières années, les performances ont baissé. » « La SDE était déjà citée en exemple il y a plus de sept ans concernant la gestion commerciale, la facturation et le recouvrement », estime Bertrand de la Borde, directeur du département infrastructures Afrique de la Société financière internationale (IFC). Il juge par ailleurs ses performances techniques bonnes, même si les coupures n’ont pas disparu à Dakar.
chiffres clés Déficit actuel en eau à Dakar :
20 000 m3/jour Besoins additionnels dans dix ans :
240 000 m3/jour Nombre de clients de la SDE :
640 000
CA de la SDE en 2014 :
46 milliards de F CFA
Résultat net :
2,6 milliards de F CFA
Des bémols qui n’ont pas empêché l’état de renouveler jusqu’en 2018 le contrat d’affermage qui confie à la SDE la production et la distribution de l’eau dans les principales zones urbaines. Mieux, ses prérogatives ont été étendues. L’état soulage ainsi la Sones d’une partie des investissements à réaliser. L’entreprise renouvellera plusieurs milliers de kilomètres de réseau et effectuera des branchements de compteurs. Surtout, l’état lui a confié un « programme d’urgence » d’alimentation de Dakar d’un montant de 7,4 milliards de F CFA, qu’elle préfinance. Même si la capitale sénégalaise est l’une des mieux loties du continent, le déficit quotidien s’élève à 20000 m3, provoquant des coupures dans certains quartiers ou des baisses de pression. D’ici à décembre prochain, ce plan, qui comprend 21 forages dans la région, doit permettre de combler le déficit et d’accompagner la croissance de la consommation durant les deux prochaines années. Néanmoins, selon le schéma directeur de la Sones, qui a obtenu après la crise 17 millions d’euros de financements de la Banque mondiale et de l’AFD, le besoin additionnel de production s’élèvera dans dix ans à près de 240 000 m3 par jour. dessalement. Pour y répondre,
les autorités misent sur le dessalement de l’eau de mer. Cette technologie a vu ses prix chuter d’un tiers en dix ans. Le Sénégal prévoit une première usine qui produira 50 000 m3 d’eau par jour dès 2017 dans le cadre d’un partenariat public-privé. Plusieurs entreprises, dont la SDE, se sont d’ores et déjà montrées intéressées par ce projet, qui devrait représenter un investissementde 40milliards à60milliards de F CFA. Le financement d’une deuxième usine, d’une capacité de production de 100 000 m3 par jour, a également été bouclé avec l’Agence japonaise de coopération internationale. Le pari est ambitieux, d’autant que cette technologie nécessite de grandes quantités d’énergie, un secteur convalescent au Sénégal. l marion douet, envoyée spéciale jeune afrique
Dossier Eau total, près de 1750 ouvriers chinois, coréens, bangladais et algériens travaillent à la réhabilitation du fleuve. Le changement de visage d’El-Harrach est aussi visible en amont de la capitale, au niveau de la localité de Bentalha. Daewoo a créé un pavé végétal recouvrant les talus de l’oued sur deux kilomètres. Pour contenir l’eau lors des crues, l’entreprise construit des paliers en creusant le fleuve et en aménageant des berges avec du béton.
cadre de vie
Avec un oued réhabilité, c’est le visage d’Alger qui va changer Création d’espaces verts, protection contre les inondations, gestion des rejets industriels… Le vaste projet de réaménagement des berges du fleuve el-harrach s’inscrit dans le plan de modernisation de la capitale.
A
u bord de l’eau, des hommes sont en pleine discussion, des amoureux se chuchotent des mots doux et des enfants jouent. Le soleil généreux de cette fin d’hiver incite à l’oisiveté. Avec ses palmiers et ses plages artificielles, le nouveau parc de la baie d’Alger, inauguré l’an dernier, a tout de suite été plébiscité par des Algérois en mal d’espaces verts. Longue de quatre kilomètres, la promenade des Sablettes est délimitée à l’est par l’oued El-Harrach, qui se jette dans la Méditerranée après avoir parcouru 67 km depuis les montagnes de l’Atlas blidéen. Amine, la quarantaine, originaire de Bachdjerrah, un quartier populaire situé à proximité, loue cette transformation : « Dans les années 1960, l’endroit avait été baptisé les Sables d’or pour la beauté de ses plages. Puis il a été abandonné, devenant une zone malfamée. Les travaux l’ont réhabilité en lieu de sortie. »
18,2 km réhabilités sur les
67 km de l’oued
L’achèvement du chantier au niveau de l’embouchure des Sablettes est la première illustration de l’aménagement de l’oued El-Harrach, confié en juin 2012 au groupementalgéro-coréenCosiderDaewooConstructions.Remportéà la suite d’un appel d’offres, ce projet évalué à 38 milliards de dinars (environ 395 millions d’euros) s’inscrit dans le plan stratégique 2009-2029 de réhabilitation et de modernisation de la ville d’Alger par l’État, dont l’enveloppe globale atteint 202 milliards de dinars. D’ici à la fin de 2015, les travaux le long des 18,2 km traversant la wilaya d’Alger devraient être achevés. Aménagement hydraulique, dragage sur cinq kilomètres, construction et protection des berges, réalisation de stations de pompage assurant le débit d’étiage, mise en place d’un système de contrôle et de surveillance de l’eau… Sans oublier la construction de terrains de sport, d’aires de jeux, de piscines, de pistes cyclables. Au
202
milliards de dinars, soit
ProPreté. Si les Algérois ne pro-
fitent pas encore de tous les équipements annoncés, ils apprécient d’ores et déjà la transformation, notamment au centre d’Alger. « Les mauvaises odeurs ne sont
la station d’épuration de Baraki va doubler sa capacité de traitement des eaux usées.
q Les Sablettes, à l’embouchure du fleuve, témoignent de la fin de la première étape du chantier.
20
ans de travaux
1,9 milliard d’euros
samir sid
142
n o 2828 • du 22 au 28 mars 2015
plus qu’un mauvais souvenir », confirme Youssef, un habitant du quartier Mohammadia, traversé par le cours d’eau. Et la propreté de l’oued devrait encore s’améliorer. Situé à huit kilomètres en amont de l’embouchure, la station d’épuration de Baraki, la plus grande des quatre usines exploitées par la Sociétédeseauxetd’assainissement d’Alger (Seaal), en partenariat avec le français Suez Environnement, va doubler sa capacité. Actuellement chargée du traitement des eaux usées de 900 000 habitants, elle s’occupera de celui de 1,8 million d’entre eux sur les 3,3 millions que compte la capitale. Mais pour véritablement changer la donne, les autorités devront également s’attaquer aux rejets industriels des quelque 400 entreprises disséminées le long de l’oued, dont les plus polluantes appartiennent au secteur de la chimie (Agenor), de la mécanique (Ecferal), de la tannerie (Kehri Dahmane) et de l’agroalimentaire. En l’absence d’obligation légale, les autorités misent avant tout sur le dialogue en les incitant à mettre en place un processus de prétraitement. Pas sûr que le résultat coule de source. l Chloé rondeleux, à Alger jeune afrique
143
CONSOMMATION
Objectif qualité pour les Brasseries du Maroc
aïn ifrane en chiffres
aussi effectuées tous les ans par des laboratoires étrangers : BerkefeldVeolia Wasser en Allemagne et la Compagnie générale des eaux de source en France. Une politique conforme à la démarche de certification engagée par le groupe, détenteur des normes de qualité ISO 9001 et ISO 22000.
6,8 M€
CapaCités. à l’ombre des géants
Exploitée dans un cadre préservé, l’eau minérale Aïn Ifrane mise sur ses propriétés thérapeutiques pour s’imposer sur le marché national.
N
ous sommes dans le Moyen-Atlas, à seulement 13 kilomètres d’Ifrane, station chic surnommée « la petite Suisse du Maroc ». Depuis 2010, les Brasseries du Maroc exploitent la source de Bensmim, découverte dans les années 1960, dans le but d’en faire une référence sur le marché marocain. «Pour y parvenir, nous pouvons nous appuyer sur l’expertise de notre maison mère, le groupe Castel, qui a été l’actionnaire en France de l’eau de source Cristaline et de l’eau minérale St-Yorre », explique Abdessamad Mahfoud Filali, directeur général
adjoint des Brasseries du Maroc. à Bensmim, les risques de pollution sont a priori limités, les activités industrielles et agricoles étant quasi inexistantes. En 2013, après deux ans d’observation, les qualités thérapeutiques de l’eau de source, sa richesse en calcium et en magnésium et le faible taux de nitrates ont été reconnus. Aux contrôles imposés par le ministère de la Santé et l’Office national de sécurité sanitaire des produits, les Brasseries du Maroc ajoutent 200 analyses microbiologiques et physico-chimiques réalisées chaque jour par leur laboratoire. Quatre analyses complètes sont
de chiffre d’affaires en 2013 Près de
400 000
hectolitres produits en 2014 Source : Groupe des brasseries du Maroc
ALTAIR, AURIGA et IZAR Solutions intelligentes pour une gestion responsable de l’eau
Diehl Metering S.A.S. est spécialisée dans la conception et la fabrication de compteurs d’eau et développe des systèmes de haute précision pour le relevé à distance automatique (technologie AMR). ALTAIR V4, compteur d’eau volumétrique, et AURIGA, compteur d’eau à jet unique, présentent de nombreux avantages. Compacts et modulaires, ils s’adaptent aux environnements les plus contraignants. Le totalisateur orientable doté d’un système anti-buée de l’AURIGA permet une lisibilité optimale et ALTAIR V4 peut être installé en toutes positions. Tous deux peuvent être équipés à tout moment de la radio IZAR RCi R4 ,-'+ 1# +#1#&$ %#) %-..$#) #. 0-%#) /"# -' 0-*!1#( www.diehl.com/metering Diehl Metering S.A.S. | 67 rue du Rhône - BP 10160 - FR-68304 Saint-Louis Cedex Tél. +33 (0)3 89 69 54 00 | Email : info-dmfr@diehl.com
du marché, Aïn Ifrane entend produire « une eau de très grande qualité », selon Abdessamad Mahfoud Filal. En 2014, moins de 400 000 hectolitres ont été embouteillés. Les capacités de l’usine sont deux fois plus importantes et, pour l’instant, seuls 3 % du débit de la source sont exploités. Ce n’est donc qu’un début… l Marie Cadoux, à Casablanca