MAROC-FRANCE NOTRE AMI LE PRÉSIDENT
A ALGÉRIE TTebboune ou l’art du dialogue
RD CONGO Le cas Albert Yuma
DOSSIER MINES Spécial 12 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3081 DU 26 JANVIER AU 1er FÉVRIER 2020
Qui écoute qui? (et comment se protéger)
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ESPIONNAGE
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 Br Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € RD Congo 5 $ US Réunion 4,60 € Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
En Afrique comme ailleurs, le marché des « grandes oreilles » est en pleine expansion. Chefs d’État, opposants, hommes d’affaires : nul n’est à l’abri des hackers, et s’en prémunir est une vraie gageure. Enquête sur une très lucrative guerre de l’ombre.
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8e édition
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9 & 10 mars 2020
INTERVIEW
Même si sa famille vit aux États-Unis, le Sud-Africain s’est installé à Maurice où il est peu présent, étant constamment en déplacement entre le siège canadien et ses mines.
Mark Bristow
PDG de Barrick
« Nous avons l’intention d’étendre notre empreinte africaine » 78
jeuneafrique no 3081 du 26 janvier au 1er février 2020
HENRY NICHOLLS/REUTERS
Dossier Mines
Sénégal, Côte d’Ivoire, Zambie… Depuis qu’il a pris les rênes du deuxième producteur d’or de la planète, le Sud-Africain est sur tous les fronts. CHRISTOPHE LE BEC
F
igureemblématiquedusecteur minier, le Sud-Africain Mark Bristow est un pionnier de la filière aurifère en Afrique de l’Ouest. Cet ancien professeur de géologie à l’Université du Kwazulu-Natal a fait de Randgold, qu’il a fondé en 1995, le premier producteur d’or de la région, étendant même son empreinte jusqu’à la RD Congo. Il y a un an, le patron charismatique, qui n’hésite pas jouer franc jeu avec les dirigeants politiques, a franchi une nouvelle étape en prenant la direction du canadien Barrick, deuxième producteur d’or mondial depuis sa fusion avec Randgold, qu’il a orchestrée d’une main de maître. Établi à Maurice, même si sa famille est installée dans le Wyoming, aux États-Unis, le Sud-Africain continue à piloter son groupe sur le terrain, visitant plusieurs fois par an chacune de ses mines africaines, mais aussi américaines et océaniennes, dès que les conseils d’administration du groupe, organisés à Toronto, lui en laissent le temps. Chez Barrick, Bristow a emmené une bonne partie du staff opérationnel de Randgold, avec pour ambition d’imposer son modèle, inspiré de son expérience sur le continent. Il revient pour JA sur son premier exercice à la tête de ce géant aurifère, sur la conjoncture du secteur et sur l’importance des actifs africains au sein d’un portefeuille désormais mondial.
Jeune Afrique : Quel bilan dressez-vous de la fusion entre votre groupe panafricain Randgold et la multinationale canadienne Barrick, désormais deuxième producteur mondial d’or ?
Mark Bristow : Peu de gens croyaient que je serais capable de déployer le modèle Randgold à l’échelle mondiale. C’est pourtant ce à quoi nous sommes parvenus. Aujourd’hui, la situation de Barrick peut se résumer région par région : en Amérique du Nord, nous nous sommes assurés de la capacité durable de nos mines à créer de la valeur. En Amérique latine, nous avons saisi des occasions pour faire croître notre production, même si nous devons améliorer nos relations avec les gouvernements et les communautés locales. En Afrique, enfin, nos mines nous apportent des flux de trésorerie importants, et nous sommes à l’affût d’opportunités d’exploration.
PEU DE GENS CROYAIENT QUE JE SERAIS CAPABLE DE DÉPLOYER LE MODÈLE RANDGOLD À L’ÉCHELLE MONDIALE.
Vous venez d’annoncer la cession de votre gisement sénégalais de Massawa au canadien Teranga Gold, dont vous devenez actionnaire à hauteur de 11,5 %. Pourquoi sortir de ce projet prometteur ?
La combinaison des actifs de Massawa avec ceux de la mine de Sabodala, qui appartient à Teranga Gold, est une action créatrice de valeur en préparation depuis plus d’un an. Il n’y avait aucune urgence à sceller cet accord, il s’est construit pas à pas, en bonne entente avec le groupe Mimran, premier actionnaire de Teranga Gold et très bien implanté dans la région. Le FrancoSénégalais David Mimran, avec qui nous avons beaucoup dialogué, connaît bien le continent, il a grandi au Sénégal. Cette opération crée une compagnie avec des bases très solides en Afrique de l’Ouest, et qui peut croître à un niveau régional. Nous jouerons notre rôle d’actionnaire engagé pour soutenir le management dans cette voie. À la suite de cette réalisation, Teranga Gold a procédé à une émission d’actions qui a été sursouscrite, signe que notre projet est bien accueilli par le marché. Par ailleurs, Barrick ne quitte pas le Sénégal, où nous avons conservé des permis d’exploration, avec de belles perspectives dans l’est du pays. D’autres opérations de ce genre sont-elles à attendre dans le secteur aurifère en Afrique de l’Ouest ? À l’image de l’acquisition récente
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Dossier Mines INTERVIEW
LES IMPLANTATIONS AFRICAINES DE BARRICK
Oui, le mouvement de concentration du secLouloGounkoto teur, entamé depuis 2014, Mali n’est pas fini. L’industrie Sénégal aurifère a trop souffert des Morila décisions imprudentes de certaines compagnies, Tongon Massawa* mal gérées, qui n’ont pas Côte (en cours D’ivoire de cession à été suffisamment rigouTeranga Gold) reuses dans leur maîtrise des coûts, particulièrement quand les cours étaient très élevés, nous l’avons fait avec entre 2011 et 2013. Pour corriger Massawa. cela, il est nécessaire de constituer Concernant la mine de Tongon, elle continue des ensembles profitables, avec des de produire et reste profifusions-acquisitions ou d’autres table. Il n’y a absolument formes de combinaisons d’actifs. aucune urgence à vendre. Nous pouvons mener l’exAvec cette transaction au Sénégal et ploitation jusqu’à son terme. une éventuelle cession ou fermeture Et si, comme je le crois, nous de votre site minier de Tongon, en trouvons des gisements satelCôte d’Ivoire, évoquées à plusieurs lites, nous pourrons étendre sa reprises, le continent va-t-il perdre durée de vie. sa place centrale dans le portefeuille
Or
cuivre SOURCE : JA
de Toro Gold, actif là encore au Sénégal, par l’australien Resolute Mining ?
Kibali
Bulyanhulu
Tanzanie
Lumwana
de Barrick ?
Pas du tout, bien au contraire. Nous avons l’intention d’étendre notre empreinte dans les zones aurifères les plus prometteuses du continent : au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire ainsi qu’en RD Congo et en Tanzanie, des pays clés détenant selon nous les réserves d’or les plus importantes. Mais évidemment, nous resterons sélectifs et, dans certains cas, nous nous réservons la possibilité de combiner des actifs avec ceux d’autres compagnies pour en optimiser l’exploitation, comme
NOUS DÉTENONS LE COMPLEXE DE LOULOGOUNKOTO, AU MALI, ET LA MINE DE KIBALI, EN RD CONGO : DES ACTIFS DE CLASSE MONDIALE. 80
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North Mara
RD Congo
D’autres cessions sont- elles à attendre de la part de Barrick ?
La seule véritable cession que nous ayons réalisée dans le monde en 2019 est celle de nos actifs de Kalgoorlie, en Australie [revendus pour 750 millions de dollars – soit 677 millions d’euros – en novembre]. Nous étions des actionnaires [à 50 %] sans contrôle opérationnel, ce qui ne correspond pas à notre philosophie de développeur de mines. Quand je suis arrivé à la tête de la compagnie, après la fusion, Barrick devait relever de nombreux défis, mais pas celui de la qualité de ses actifs. Nous comptons actuellement sept mines de classe mondiale, capables de produire au total autour de 5 millions d’onces d’or par an pendant une décennie. En Afrique, nous détenons le complexe de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du Mali, ainsi que la mine de Kibali, dans le nord-est de la RD Congo. En Amérique du Nord, la combinaison de nos actifs du Nevada avec ceux de Newmont, dans la même région, a
Zambie
Buzwagi
permis de faire émerger un complexe minier de premier rang, qui prévoit une production annuelle de 3,5 à 3,8 millions d’onces pour les cinq prochaines années. La mine de Pueblo Viejo, en République dominicaine, rentre elle aussi dans cette catégorie. Nous estimons par ailleurs que le site argentin de Veladero, ainsi que celui de Porgera, en Papouasie - NouvelleGuinée, peuvent également dépasser les 500 000 onces par an, grâce à des optimisations industrielles. Ce sera aussi le cas de la combinaison de nos mines de Bulyanhulu et de North Mara, en Tanzanie, que nous restructurons en un seul et même complexe. Justement, vous avez repris la gestion de ces actifs tanzaniens à votre ancienne filiale Acacia, qui avait des relations difficiles avec le gouvernement. La crise est-elle terminée ?
Je n’ai jamais vu une compagnie aussi mal pilotée. Depuis que nous avons repris les rênes des sites miniers [en septembre 2019], nous avons rétabli la communication avec le gouvernement et nous avons déjà fait des progrès substantiels vers la résolution des
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Dossier Mines INTERVIEW
ACACIA MINING PLC
La mine d’or tanzanienne de Bulyanhulu devrait redémarrer ses activités au dernier trimestre de 2020.
différents problèmes fiscaux et locaux, notamment à propos de la mine de North Mara. Pour celle de Bulyanhulu, nous avons mobilisé nos équipes afin qu’elles finalisent les études de faisabilité de l’exploitation souterraine et que nous soyons prêts à redémarrer au dernier trimestre de 2020. Nous sommes très optimistes sur les perspectives de ces deux sites. Qu’allez-vous faire de Lumwana, en Zambie, votre unique mine de cuivre sur le continent ?
La Zambie est comme une île pour nous. Lumwana est l’héritage d’un mauvais investissement de Barrick : le rachat d’Equinox Resources. Depuis que nous sommes arrivés aux manettes de la compagnie, nous avons restructuré cette mine, en réussissant à baisser ses coûts d’exploitation de 50 %, ce qui l’a rendue à nouveau rentable, particulièrement avec les cours actuellement élevés du cuivre. Le principal souci est que la mine n’a pas de fonderie. Nous
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n’obtenons donc qu’un minerai non transformé. Si nous voyons un moyen de joindre Lumwana à un autre acteur local pour bâtir un ensemble davantage créateur de valeur, comme à Massawa, nous le ferons. Mais nous ne sommes pas sous pression. Par ailleurs, il est naturel pour un groupe aurifère de produire également du cuivre, souvent présent avec l’or dans un même gisement, notamment en Amérique et en Asie-Pacifique. Le cuivre peut être un résultat annexe à l’or intéressant, et peu importe ce que nous faisons à Lumwana, nous devrions continuer à en produire.
Je ne suis pas un promoteur, mais un minier pragmatique qui regarde des projets et des contextes locaux, et je n’annonce que des développements réalistes. Nous croyons au potentiel minier aurifère de pays comme le Chili, le Pérou ou encore la République dominicaine, tout autant qu’à celui de la RD Congo ou de la Tanzanie. En Amérique du Sud comme à Kinshasa, les groupes miniers doivent regagner la confiance des communautés locales, sans qui rien n’est possible. Et il faut reconnaître qu’il y a parfois beaucoup de travail à faire pour y parvenir.
C r o ye z - vo u s , c o m m e R o b e r t Friedland, lepatrond’IvanhoeMines, que la RD Congo soit plus attractive que les pays d’Amérique du Sud, où sévit selon lui le nationalisme des ressources naturelles ?
La donne politique a toutefois changé à Kinshasa, avec l’élection du président Félix Tshisekedi… Quel impact cela a-t-il sur les perspectives minières dans le pays, où vous avez été un adversaire affirmé du nouveau code minier ?
Je ne sais pas s’il faut faire de telles comparaisons, même dans le cadre d’un discours à des investisseurs en faveur d’un projet en RD Congo.
Qui aurait cru il y a quelques mois que la RD Congo connaîtrait une transition politique pacifique ?
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AVIS D’EXPERT
Portrait d’une juridiction minière qui a bonne mine L
es cadres législatifs et fiscaux
comme l’éloignement géographique
entourant le secteur minier en
des gisements, la rigueur du climat
Afrique ont subi des changements
majeurs au cours des dernières décennies. Mais au-delà des réformes, la prévisibilité de l’environnement légal et fiscal est un facteur déterminant pour toute entreprise
et la lourdeur réglementaire. Pour parfaire à ces lacunes, le Québec a mis en place toute une kyrielle de mesures qui lui ont permis de devenir l’une des meil-
minière et ses investisseurs.
leures juridictions au monde. En
Le Québec a longtemps occupé le
1. Une banque de données pu-
premier rang mondial des juridictions minières selon le palmarès annuel de l’Institut Fraser. Or, des réflexions et incertitudes à répétition portant sur réglementation et
voici trois : blique, alimentée conjointement par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, les compagnies minières et les universités, qui conserve toutes
la fiscalité minière en 2012-2013
les données géoscientifiques
ont eu pour conséquence de relé-
québécoises accumulées depuis
guer le Québec au 21e rang en 2014,
150 ans ;
avant de pouvoir regagner la 4 e place en 2018. Que faut-il retenir de l’exemple québécois ? Le Québec a misé sur la qualité de sa main-d’œuvre, son expertise reconnue mondialement tant pour l’exploration que l’exploitation, son énergie propre et abordable et son
2. La création de la Société du Plan Nord, société d’État ayant pour mission de contribuer au développement intégré et cohérent du Nord québécois, un large territoire faisant 2 fois la France ;
Frank Mariage, Associé et responsable du Groupe mines et financement miner pour la région du Québec
d’impôt et autres avantages fiscaux ainsi que la présence de fonds institutionnels québécois investissant de façon importante dans le secteur. En effet, quatre grands fonds dominent le paysage minier québécois : Ressources Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec, la Société d’investissement dans la diversification de l’exploration (Sidex) et enfin le Fonds de solidarité FTQ. Sans prétendre être un modèle à suivre, les mesures prises par
3. La création d’un écosystème
le Québec démontrent le rôle clé
potentiel minéral encore très im-
fiscal et financier au soutien
que l’État peut et doit jouer dans
portant et diversifié. Il n’empêche
de l’industrie minière avec, no-
le développement d’une industrie
que le Québec présente aussi plu-
tamment, la mise en place d’un
minière dynamique au profit de
sieurs contraintes et inconvénients
programme généreux de crédits
tous ces citoyens.
Dossier Mines INTERVIEW
Le nouveau code minier, à connotation populiste, élaboré dans l’urgence en vue de l’élection présidentielle, n’était pas le meilleur, ni pour les compagnies extractives ni pour le pays. Pour autant, il a toujours été possible de dialoguer pour trouver des solutions et faire avancer les choses. Nous restons très impliqués en RD Congo et entretenons une relation régulière avec les autorités. Je vais à Kinshasa au moins quatre fois par an, et ce depuis 2009. Le fait d’être devenu le dirigeant de Barrick, présent sur trois continents, n’a pas entamé ma volonté et ma capacité à entretenir un lien personnel direct avec les autorités. Je me rends d’ailleurs aussi en Tanzanie et au Sénégal, où j’ai rencontré à plusieurs reprises les présidents John Magufuli et Macky Sall. J’ai eu l’occasion d’expliquer à ce dernier notre projet de joindre Massawa à Teranga Gold. Je ne pilote pas les mines de Barrick avec une télécommande, je me rends sur place. Vous dites que les miniers doivent regagner la confiance des communautés locales. Quelle est votre méthode pour cela ?
Principalement en mettant des cadres locaux aux manettes de nos mines. C’est une leçon cruciale apprise à travers l’expérience africaine de Randgold, où nous avons formé et installé des cadres locaux – maliens, ivoiriens et congolais notamment – qui ont changé la donne. Tous les cadres dirigeants de Loulo-Gounkoto sont maliens, l’essentiel du management de Tongon est ivoirien, tout comme celui de Kibali est congolais. Le directeur de la
JE VAIS RÉGULIÈREMENT À KINSHASA ET J’AI RENCONTRÉ PLUSIEURS FOIS LES PRÉSIDENTS JOHN MAGUFULI ET MACKY SALL. région Afrique centrale et orientale de Barrick, Tahirou Ballo, est malien. Cette règle est l’une des clés du succès du modèle Randgold, et nous sommes en train de la mettre en place sur nos sites sud- et nord-américains. Même au Nevada nous avons installé un patron originaire de cet État américain ! La situation sécuritaire au Sahel vous inquiète-t-elle, surtout après l’attentat dont ont été victimes les employés de la mine d’or du canadien Semafo, au Burkina Faso, qui a fait 38 victimes ?
Les mouvements radicaux au Sahel posent un problème crucial dont le monde entier devrait se préoccuper, peut-être même davantage que du changement climatique. Le terrorisme prospère avant tout sur la pauvreté. La situation s’est détériorée dans cette région du continent notamment parce que certains gouvernements sont plus faibles. Au Burkina Faso, le régime était plus fort avec Blaise Compaoré. L’ouverture démocratique et l’accroissement des libertés n’ont pas eu que des effets positifs, car ils ont rendu certains États difficilement gouvernables, et donc moins
en mesure de répondre au terrorisme. Plusieurs experts indiquent que ces mouvements radicaux du nord du Sahel sont liés d’une manière ou d’une autre à Boko Haram, au Nigeria. Le problème est régional, il faut donc une réponse à cette échelle. Je crois à la capacité des pays de la Cedeao de répondre ensemble à ce défi sécuritaire. Les groupes miniers actifs dans la région, tel Barrick, ont un rôle à jouer en fournissant un emploi aux communautés locales, en participant à la réduction de la pauvreté, qui est la première cause de l’essor du terrorisme. L’emploi de personnel et d’un management local est notre meilleur argument, mais aussi notre meilleure protection contre ces groupes armés. Le cours de l’or est à un niveau très élevé [1548dollarsl’once le 13janvier]. Vous vivez un moment exceptionnel?
Jamais je n’ai connu de période aussi favorable à l’or que celle-ci. La quasi-totalité des paramètres influant les cours à la hausse – niveau faible des taux d’intérêt, volatilité des marchés actions et tensions internationales – sont en place. Cela n’était pas arrivé depuis 1972. C’est un moment particulièrement favorable pour Barrick, qui se retrouve avec un bilan solide et un endettement net de quelque 2 milliards de dollars, qui se réduit rapidement puisque les flux de trésorerie tirés de notre production minière en 2020 devraient s’élever entre 1 et 2 milliards de dollars. D’ici à deux ans, Barrick pourrait être complètement désendetté tout en étant propriétaire du meilleur portefeuille de mines de la filière aurifère.
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AVIS D’EXPERT
L’Afrique à l’heure de la globalisation du secteur extractif L
es dernières baisses bru-
comme le Social License to Operate
tales des prix des matières
(SLTO), Ressources Nationalism,
premières telles que le cuivre ou le fer ont démontré que ces chocs exogènes majeurs continuaient de mettre à mal les économies africaines trop exposées aux industries extractives. Les prix se sont redressés, stabilisés et on voit aujourd’hui
un certain nombre d’États africains
Local Content… Enfin, cela permettra d’appliquer du Business Modeling avec des techniques de recherches opérationnelles
des cycles de vie des mines.
prendre des mesures ad hoc,notam-
Il convient enfin d’ajouter qu’à côté de ces « Macros » politiques
valeur, en privilégiant une trans-
on voit poindre :
formation des minerais et métaux
•
bruts.Ces mesures permettent aussi d’avoir une vision plus holistique du secteur extractif et le replacer dans un cadre mondial plutôt que que le monde est maintenant un village planétaire où les informations positives ou négatives circulent de façon immédiate. Les Etats peuvent ainsi être beau-
•
tifs pour adapter leur code minier par rapport à des cycles qui peuvent être haussier comme baissier plus rapidement. Ces codes sont devenus plus sophistiqués, plus équilibrés, et moins conservateurs dans leur for•
années 2000. Ils couvrent aussi des aspects extrêmement prégnants et de plus en plus exacerbés
Des projets de « transformation » (Target Operating Model) dans des entreprises minières nationales afin de les adapter aux nouveaux paradigmes du secteur
Christian Mion ,
EMEIA Advisory Mining Leader,Western Europe, Maghreb, French speaking Africa and MENA mining leader
JV qui se créent autour de nouveaux permis miniers •
Un intérêt accru pour un affinement des cadastres miniers existants par rapport à des minerais peu exploités précédemment (graphite lithium, nou-
L’Afrique sera un continent clé pour le secteur minier pour les 20 prochaines années.
coup plus rapides, réactifs et proac-
malisme juridique que les codes des
EY Advisory Leader for Central Africa / Energy Leader for French speaking AREA
général de façon lente, compte tenu
ment pour accroître la chaîne de
continental,acceptant de facto l’idée
Baraka Kabemba ,
novatrices à un secteur qui évolue en
•
Un besoin d’innover et de redéfinir les relations contractuelles entre les Etats et les investisseurs, pour un équilibrage du partage de la manne générée (signature de Contrat de Partage de Production, à l’image de ce qui se fait dans le secteur pétrolier)
veaux gisements de terres rares, etc.) ou des métaux qui, compte tenu de l’évolution technologique, deviennent stratégiques Sur base de ces constats, il est très raisonnable de penser que l’Afrique sera un continent clé pour le secteur minier pour les 20 prochaines années
Des mutations de comportement dans des JV existantes
dans un cadre de gouvernance en
Des nouveaux modèles de fonctionnement et d’exploitation des
transition énergétique qui se mon-
évolution, et dans un contexte de dialise progressivement.
Dossier Mines
DIAMANT mari, Sindika Dokolo, pour investir dans la marque de joaillerie de luxe suisse De Grisogono. Selon l’État, il s’agissait de mettre fin à un partenariat « ne générant que des pertes », un point que confirment les révélations récentes des « Luanda Leaks ».
La société nationale Sodiam a perdu son monopole d’acheteur imposé.
GETTY IMAGES
En rupture avec la pratique héritée de l’époque de la guerre civile
L’Angola change de système En 2018, le président João Lourenço a modifié les règles de commercialisation des gemmes. Objectif: améliorer la transparence et les recettes de l’État. ESTELLE MAUSSION
lusieurs acteurs du secteur n’hésitent pas à parler de « révolution ». Ces deux dernières années, après l’arrivée au pouvoir du président João Lourenço, en septembre 2017, les règles du jeu dans le monde du diamant angolais ont changé. L’enjeu est de taille. Figurant dans le top 10 mondial des producteurs de gemmes (9,1 millions de carats en 2019), le pays veut en finir avec l’opacité héritée du passé, encourager les investissements privés et augmenter ses recettes. Pour ce faire, il a engagé une libéralisation du secteur qui doit permettre, à terme, de placer l’Angola sur la troisième marche du podium mondial diamantifère.
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Ce grand chambardement s’est déroulé en plusieurs temps. Sans surprise, le président nouvellement élu a commencé, en novembre 2017, par changer les directions des deux entreprises publiques clés du secteur : Endiama, société qui en assure la supervision, et Sodiam, l’une de ses filiales, consacrée à la commercialisation des gemmes. Après cette vague de nominations – dont celle de José Manuel Ganga Júnior, ancien patron de la principale mine du pays, Catoca, à la tête du conseil d’administration d’Endiama, l’exécutif angolais a pris une mesure symbolique. Fin 2017, il a annoncé que Sodiam se retirait d’une coentreprise créée avec une société contrôlée par la fille de l’ancien président, Isabel dos Santos, et son
Mais la réforme cruciale est intervenue plus tard, après une visite du chef de l’État à Anvers, en Belgique, en juin 2018. Dès le mois suivant, un décret présidentiel autorise les sociétés diamantifères à vendre librement jusqu’à 60 % de leur production de gemmes, cassant le monopole de Sodiam, jusqu’alors acheteur imposé par l’État. « C’est un signal fort envoyé aux producteurs comme aux investisseurs, qui savent qu’ils pourront vendre la majorité de leurs pierres au meilleur prix », souligne Pedro Daniel Capumba, conseiller auprès de la direction générale de la mine de Catoca. Seulement 40 % des pierres continuent à transiter par un circuit imposé par l’État : pour moitié vers Sodiam, pour l’autre vers trois centres de taille et de polissage (Angola Polishing Diamonds, Angola Stone Polished Diamond et Pedra Rubra). Depuis, deux ventes aux enchères ont été organisées (sur une plateforme en ligne) par Sodiam: la première en janvier 2019 pour des pierres venant de la mine alluviale de Lulo, exploitée par la société australienne Lucapa Diamond Company ; la seconde fin décembre, avec des gemmes venant de Catoca, de Lulo et de la Société minière de Cuango. Ce nouveau système entre en rupture avec la pratique en vigueur jusqu’à présent, héritée de l’époque de la guerre civile (1975-2002). Durant les années 1990, après une campagne mondiale contre les « diamants du sang », les gemmes – principalement utilisées par l’un des groupes de libération du pays, l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), pour financer son effort de guerre – passent sous le contrôle
Dossier Mines
du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), dirigé par José Eduardo dos Santos et reconnu par la communauté internationale. Le président confie l’exploitation des mines à des sociétés dirigées par des personnes de confiance, dont des généraux et sa fille aînée, Isabel dos Santos. Au tournant des années 2000, un système de commercialisation se met en place avec la création de Sodiam comme unique acquéreur des gemmes, lequel revend exclusivement à quelques « acheteurs préférentiels ». Imposé aux producteurs, ce circuit doit permettre au pays de maîtriser la ressource. Mais l’acquisition des pierres se déroule lors de transactions manquant de transparence, et passant notamment par Dubaï. Selon le lanceur d’alerte belge David Renous et l’ancienne eurodéputée portugaise Ana Gomes, les gemmes qui quittent l’Angola sont sous-évaluées avant d’être revendues à l’étranger à leur prix réel, les acheteurs et leurs associés encaissant la plus-value. Ce schéma aurait entraîné un manque à gagner de plus de 8 milliards de dollars sur dix ans pour l’État. C’est pour y mettre fin, améliorer la transparence et augmenter les recettes publiques que la réforme a été lancée.
L’indien KGK va investir 25 millions de dollars dans un centre de taille
Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus global visant à libéraliser l’ensemble du secteur diamantifère. À terme, l’exécutif veut remplacer la société Sodiam – qui demeure l’organisme chargé d’organiser la commercialisation des gemmes – par une Bourse du diamant, sur le modèle de ce qui existe à Anvers ou à Dubaï par exemple. De même, les autorités veulent restructurer la société nationale Endiama : elle ne serait plus chargée de l’attribution des concessions minières – une activité confiée à une Agence nationale des ressources naturelles – et serait en partie privatisée. « On assiste au passage d’un système étatisé marqué par l’opacité à un système beaucoup plus ouvert, commente un acteur d’une grande
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OUTRE LE RUSSE ALROSA ET ANGLO AMERICAN, LE GÉANT RIO TINTO EST LUI AUSSI SUR LES RANGS POUR PROSPECTER DANS LE PAYS. place diamantaire. Cela doit garantir des recettes alignées sur le prix du diamant au niveau mondial et encourager les investissements privés. » Sur ce dernier point, les réformes engagées ont un impact positif. En novembre 2019, un quatrième centre de taille de diamants a ouvert à Luanda, porté par le groupe indien KGK (dont le siège est à Hong Kong). Ayant déjà investi 5 millions de dollars dans le projet, il prévoit d’en consacrer 25 millions au total, faisant passer le nombre d’employés de 50 à 200. Sur le plan de la prospection, les discussions vont bon train avec les grands du secteur. Outre le russe Alrosa, présent dans le pays de longue date, AngloAmerican a officialisé son arrivée en Angola, intéressé par les diamants mais aussi par le cuivre. Le géant Rio Tinto est également sur les rangs pour prospecter dans la région des Lundas (Nord-Est). Le
gouvernement veut enfin convaincre De Beers, présent par le passé, de revenir. Depuis la rencontre, en 2018, entre le patron du groupe, Bruce Cleaver, et João Lourenço, les négociations continuent. Tout n’est pas gagné pour autant. D’une part, les réformes lancées doivent se poursuivre afin de produire tous les effets escomptés, le tout dans un contexte mondial morose après une baisse de 5 % du prix du diamant en 2019 et de 25 % des revenus des miniers, selon Bain & Company. D’autre part, la réussite de ces réformes dépend en grande partie de la capacité d’Endiama et de Sodiam à se moderniser et à adopter de nouvelles pratiques – un changement qui pourrait provoquer des résistances. Et si la majorité des acteurs salue la nouvelle politique commerciale, il est encore difficile de vérifier concrètement si celle-ci s’est soldée par une hausse des revenus pour l’État. La première enchère a concerné un petit nombre de pierres de qualité exceptionnelle, il est donc difficile d’en tirer des leçons, et le bilan de la deuxième enchère n’a pas encore été publié. Malgré tout, a souligné Endiama en présentant son bilan annuel début 2020, la société a maintenu ses recettes à 1,2 milliard de dollars en 2019, un niveau identique à celui de l’an passé.
300 MILLIONS DE DOLLARS D’INVESTISSEMENTS À LUAXE
C’est le nouveau joyau diamantifère de l’Angola. Situé à 25 kilomètres de Catoca, quatrième plus grande mine à ciel ouvert du monde assurant 75 % de la production angolaise, le site de Luaxe est la plus grande découverte de ces soixante dernières années. Son potentiel est estimé à 350 millions de carats quand les réserves de Catoca se montent à 130 millions. De quoi se frotter les mains pour les exploitants du site, la compagnie nationale Endiama, le géant russe Alrosa et la société Leviev International. Découvert en 2009, ce trésor kimberlite s’étend sur 100 hectares et pourrait atteindre 400 mètres de profondeur. Alrosa qui, avec ses associés, prévoit d’investir 300 millions de dollars dans une première phase d’exploitation, a annoncé le début de l’exploitation pour mi-2020. E.M.
COMMUNIQUÉ
ANTWERP WORLD DIAMOND CENTRE : UN PARTENAIRE DE CONFIANCE POUR L'AFRIQUE « La masse critique de l'infrastructure diamantaire d'Anvers est sans parallèle. Notre compétence, alliée au plus vaste système d'appel d'offres de diamants bruts dans le monde, génère les prix les plus élevés et offre le meilleur retour sur investissement pour les pays producteurs de diamants. La confiance que le monde du diamant porte à Anvers est favorable à ceux qui font du business à Anvers. » Anvers est la capitale mondiale du commerce des diamants et son patrimoine remonte à plus de 570 ans. 86 % de tous les diamants extraits transitent par Anvers entre la mine et le marché. 50 % de ces diamants reviennent à Anvers pour y être commercialisés sous forme de pierres polies. L'Antwerp World Diamond Centre (AWDC) représente les intérêts collectifs de l'industrie diamantaire belge. Notre ambition est de renforcer la position d'Anvers comme centre de négoce du diamant le plus grand et le plus transparent au monde tout en favorisant les pratiques commerciales durables. Nous soutenons fièrement notre « 5e C » : en plus des 4 critères d'évaluation traditionnels pour établir la valeur d'un diamant, notre 5e C exprime notre engagement à respecter Conformité et RSE ainsi que notre volonté de créer la Confiance dans notre industrie. C'est là le point central de notre stratégie à long terme pour Anvers et pour l'industrie diamantaire mondiale.
Grâce aux programmes d'aide qui participent à générer un revenu plus équitable pour les pays en développement tout en améliorant l'intégrité et la transparence de la chaîne de valeur du diamant. Au cours des dernières années, nous avons accueilli à Anvers le Président de l'Angola, Monsieur Joao Lourenço, le Président de Sierra Leone, Monsieur Julius Maado Bio, le président de la RDC, Monsieur Tshisekedi, ainsi que des représentants de haut-niveau du secteur minier du Zimbabwé. Nous avons aussi investi dans des projets durables en collaboration avec la Diamond Development Initiative car nous sommes persuadés que l'industrie diamantaire ne sera florissante que si personne n'est laissé pour compte et que tous les intervenants puissent tirer les bénéfices du négoce du diamant.
AFRICAN DIAMOND CONFERENCE DURBAN - 5 ET 6 MAI 2020
L'AWDC est un partenaire engagé des pays africains producteurs de diamants ainsi que des principales institutions du secteur comme le Kimberley Process, le Conseil mondial du Diamant et bien d'autres. L'AWDC partage sa science et son savoir-faire
Rendez-vous sur le site www.awdc.be/ADC2020 pour de plus amples informations.
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L'ancien Vice-Premier ministre belge, Didier Reynders et Thabo Mbeki à l'ADC en 2017.
En 2017, l'AWDC avait organisé sa première African Diamond Conference (ADC) à laquelle ont participé des personnalités politiques belges, l'ancien Président d'Afrique du Sud, Monsieur Thabo Mbeki, ainsi que des ministres et vice-ministres du secteur minier de neuf pays africains. Nous sommes en pleine organisation de la 2e édition de l'ADC. Elle se tiendra à Durban, en Afrique du Sud, les 5 et 6 mai prochains. Nous voulons tirer parti de la dynamique lancée lors de cette première conférence et prolonger le dialogue avec les pays africains producteurs de diamants autour des questions urgentes pour l'industrie diamantaire dans son ensemble. À Durban, nous nous concentrerons sur les sujets tels que le marketing du diamant brut, la prospection des diamants, la valorisation des diamants, le futur de l'extraction artisanale du diamant et le rôle des centres de négoce dans la chaîne de valeur globale.Cette conférence est organisée conjointement par le South African Department of Mineral Resources, l'Association des pays africains producteurs de diamants et l'AWDC.
Dossier Mines
Sahel Des opérateurs sous la menace terroriste La dégradation de la situation dans la région affecte grandement les groupes extractifs. Les coûts explosent, la production baisse, et certains projets, notamment d’exploration, sont abandonnés. NADOUN COULIBALY, à Ouagadougou
u MalicommeauBurkina,les miniers sont confrontés à la prolifération des attaques perpétrées par les groupes terroristes, qui ont fait des milliers de victimes civiles et militaires. « La situation est sensible, nous ne pouvons pas en parler. Nous prenons très au sérieux la sécurité, la santé et le bien-être de nos employés », explique un dirigeant du canadien Iamgold sous le couvert de l’anonymat. La société cotée à la Bourse de Toronto, qui possède les mines de Sadiola (41 %) et de Yatela (40 %), au Mali, et celle d’Essakane (90 %), au Burkina Faso, a produit 882000 onces d’or en 2018. Alors que la production de Sadiola a chuté de 6 % en 2018, Iamgold et son associé AngloGold Ashanti ont entamé un processus de cession de leurs participations, estimées à 82 %. L’embuscade, en novembre 2019, contre le convoi transportant les employés de la mine de Boungou, qui avait fait 40 morts et plus de 60 blessés, a ravivé l’inquiétude des compagnies opérant au Burkina. Si le canadien Semafo indique préparer la réouverture, dans le courant de cette année, du site aurifère – dans lequel il a investi 212 millions de dollars en vue de produire 226 000 onces d’or par an –, l’arrêt momentané de l’activité aura des répercussions sur la production du pays, jusque-là en pleine expansion (20 % par an). D’autant que cette fermeture suit celle du gisement de Youga, attaqué, lui, par les populations riveraines après le meurtre d’un orpailleur par un agent de sécurité.
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« La production a été affectée et s’établit à 50,3 tonnes, soit une baisse de 2,3 %. Cette année, nous anticipons une reprise avec l’entrée en production des gisements de Bomboré et de Sanbrado, détenus par la junior canadienne Orezone et l’australien West African Resources », confie Toussaint Bamouni, le directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina. Les quatorze mines du pays ont réalisé en 2018 un chiffre d’affaires cumulé de 1 540 milliards de F CFA (2,347 milliards d’euros), alors que le secteur a drainé plus de 2 000 milliards de F CFA d’investissements au cours de la dernière décennie.
La sécurité représente entre 10 % et 25 % des coûts d’exploitation
Selon Toussaint Bamouni, les miniers sont obligés d’investir dans la sécurité : acquisition de moyens de surveillance (drones, etc.), déploiement d’agents armés sur les sites… « Les budgets ont explosé, mais ils ne communiquent pas sur le sujet. » L’effort
LES AFFAIRES EN OR DES AGENCES DE SÉCURITÉ L’insécurité dans le Sahel rend de plus en plus nécessaires les agences de sécurité privées telles que le leader burkinabè des services de sécurité globale, BBS Holding, ou Securicom, spécialiste de la sécurité aéroportuaire, des biens et des personnes, ou encore la société britannique G4S. Ces entités ont vu leur chiffre d’affaires croître en moyenne de 15 %, selon nos informations. N.C.
Au Burkina, l’Office national de sécurisation des sites miniers a déployé 500 agents sur les 3000 prévus.
représenterait, d’après nos informations, entre 10 % et 25 % des coûts d’exploitation. Reste que l’Office national de sécurisation des sites miniers (Onassim), fort d’un effectif prévisionnel d’environ 3000 hommes, n’a déployé pour l’instant que 500 agents. Ce qui couvre à peine 13 % du besoin exprimé par les sociétés. Au Mali, qui dispose d’une dizaine de mines à la production totale comprise entre 45 et 50 t, la situation est très contrastée. Dans le Sud, les sites fonctionnent normalement. Mais dans le Nord, le climat d’insécurité a mis l’activité en berne. « Avant le début de la crise de 2012, nous avions des projets miniers avancés. Ces projets sont à l’arrêt », détaille Abdoulaye Pona, le président de la Chambre des mines du Mali. Pour s’adapter à la menace, les compagnies forment et équipent elles-mêmes des forces de défense et de sécurité. Mais elles font aussi appel à des sociétés privées. « Les miniers renforcent leurs capacités pour faire face aux attaques terroristes. Avant, nous expliquions comment réagir en cas d’incendie et préparions les évacuations. Aujourd’hui, nous nous organisons pour intervenir en cas d’attaque », souligne Arouna Nikiema, PDG et fondateur de la Brigade burkinabè de surveillance (BBS, lire encadré). Présente également au Mali, l’entreprise indique que 35 % de ses revenus proviennent de prestations réalisées auprès de clients miniers.
AHMED OUOBA / AFP
La généralisation d’un climat d’insécurité influe également sur les activités d’exploration, qui nécessitent de sécuriser de grands périmètres de recherche. « On assiste ainsi à un ralentissement dans ce domaine, notamment dans les zones burkinabè, où l’état d’urgence a été décrété comme les régions du nord, de l’est et
du centre-nord », remarque Toussaint Bamouni. Le Burkina, pourtant classé en 2017 deuxième pays le plus dynamique dans l’exploration, semble avoir perdu la confiance des investisseurs. En janvier 2019, des hommes armés ont assassiné le géologue canadien Kirk Woodman à Tiabangou (NordEst), contraignant Progress Minerals
à abandonner ses recherches. Et certaines sociétés, telle Roxgold, ont délocalisé leurs activités dans des pays voisins. Dans une note de conjoncture adressée aux autorités burkinabè que JA a pu consulter, le syndicat minier alerte sur les conséquences de l’insécurité. « Les recherches ont été fortement ralenties, lorsqu’elles n’ont pas été purement et simplement arrêtées. La réduction des activités des sociétés de forage et des laboratoires d’analyse en est un bon indicateur. De même, dans les mines en production, la consigne est de réduire drastiquement les coûts et d’externaliser certaines fonctions », conclut le document. Signe que l’avenir du secteur est sur le fil du rasoir, une étude du cabinet australien PwC démontre qu’un taux de rentabilité inférieur à 25 % n’est pas suffisant pour motiver le financement d’un projet minier. Or, au Burkina, ce taux s’établit à 19,7 %, contre 25 % au Ghana et 26,7 % en Namibie.
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et des budgets établis.
Dossier Mines
GOUVERNANCE
Madagascar hausse le ton La révision du code minier et la suspension du projet de Base Toliara marquent le souhait des autorités de mieux défendre les intérêts du pays. Au détriment, peut-être, de son attractivité. EMRE SARI, à Antananarivo
esecteurmalgachedesmines vit une période charnière. Le gouvernement souhaite réviser le code minier et s’est montré offensif en suspendant le projet d’extraction de sables minéralisés mené par Base Toliara, filiale de la compagnie australienne Base Resources, dont l’investissement est pourtant estimé à 0,5 milliard de dollars. Au risque de nuire à l’attractivité du pays? « Soixante ans après l’indépendance, le secteur minier n’a pas eu d’impact palpable sur l’économie et encore moins sur le quotidien de la population, qui habite pourtant sur des terres regorgeant de richesses », assène le ministre des Mines, Fidiniavo Ravokatra.En2018,lesecteuracompté pour 27,59 % des exportations, pour 4,62 % des recettes fiscales, et représenté 4,41 % du PIB, selon le rapport de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Eiti). Pour le pouvoir, réviser le code minier devrait permettre de changer enfin la donne. L’avant-projet de loi validé en Conseil de gouvernement le 20 novembre 2019 doit passer devant le Parlement entre mars et mai, après des consultations. Parmi les principales mesures proposées, l’augmentation de la fiscalité et la rétrocession à l’État d’au moins 20 % des minerais extraits des exploitations.
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elle l’absence de prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux. Dans ce contexte, la suspension du projet Base Toliara le 6 novembre dernier apparaît comme une autre illustration de la reprise en main du secteur par l’État. Le gouvernement, qui a interdit à l’entreprise de communiquer, lui reproche de ne pas avoir fourni assez d’informations et de ne pas avoir établi un climat de confiance avec les communautés affectées par l’exploitation. « On risque à tout moment un soulèvement populaire », se justifie aujourd’hui le ministre. Des arguments réfutés par la société en question, mais aussi par plusieurs sources au fait du dossier. Plusieurs chancelleries étrangères, bailleurs de fonds et investisseurs scrutent la résolution de ce conflit avec la plus grande attention. La maison mère, Base Resources, cotée à la Bourse de Sydney, a vu son cours chuter de 12 % juste après l’annonce de la suspension. Les travaux devaient commencer au début de cette année dans le gisement situé dans le sud-ouest du pays, près de Tuléar, pour extraire
de l’ilménite, du zircon, et du rutile. La production, planifiée sur plus de trente ans, devait, elle, débuter en 2022. Selon l’étude de faisabilité définitive, publiée le 12 décembre, Base Toliara anticipait un chiffre d’affaires annuel de 248,2 millions de dollars, pour un flux de trésorerie disponible de 132,4 millions de dollars.
Saphir, rubis, quartz… font naître chaque jour des vocations
À Fort-Dauphin, dans le Sud, où QIT Madagascar Minerals (QMM, dont 80 % appartiennent à Rio Tinto) extrait de l’ilménite (381900 t attendues par an), du zircon et de la monazite depuis 2008, l’État, qui détient 20 % du projet, entend aussi défendre ses intérêts. Il a indiqué à la fin de novembre dernier vouloir auditer la mine après que Rio Tinto a exprimé le souhait de procéder à une augmentation de capital. Ce site, dans lequel 1 milliard de dollars ont été investis, emploie 2 000 salariés. « QMM paie jusqu’à 6 millions de dollars de taxes et 1,3 million de royalties chaque année », souligne la société à JA. Ambatovy est l’une des plus grandes mines de nickel du monde, avec 60 000 t produites par an.
« Une telle fiscalité tuerait la viabilité financière des projets miniers », affirmait pourtant à Jeune Afrique une source proche de la Chambre des mines de Madagascar, à la fin de décembre dernier. L’Organisation de la société civile sur les industries extractives (Oscie) regrettait quant à
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RIJASOLO/RIVA PRESS
Un chiffre d’affaires annuel de 248,2 millions de dollars
Avec le Projet d’Expansion de Tasiast, nous améliorons la valeur de notre entreprise Le Projet 24 k, c’est : 150 millions de dollars d’investissement Un faible coût en capital lié à l’optimisation des installations existantes
Une capacité de traitement de 24,000 tonnes de minerai d’or par jour Une production estimée à 563,000 onces d’or par an de 2022 à 2028
Une capitalisation sur les acquis de l’expérience de la Phase Une du Projet d’Expansion Une durée de vie prolongée de la mine
Dossier Mines GOUVERNANCE
La situation est en revanche sereine à Ambatovy, où le consortium réunissant le canadien Sherritt, le japonais Sumitomo Corporation, et l’entreprise d’État sud-coréenne Korea Resources Corporation, qui y a investi 8 milliards de dollars, produit du nickel (environ 60 000 t attendues par an) et du cobalt (5 600 t). S’il s’est montré ferme avec les groupes industriels, le gouvernement reste pour le moment plus discret en ce qui concerne l’exploitation artisanale du sous-sol. L’extraction de saphir, rubis, spinelle, chrysobéryl, quartz, béryl, grandidiérite… suscite chaque jour de nouvelles vocations. À Ilakaka,
la capitale malgache du saphir, les retombées du secteur extractif sont, il est vrai, bien visibles. On y trouve, par exemple, davantage d’écoles que la moyenne nationale. Et les enfants ne sont pas employés dans ces mines locales à ciel ouvert dont les pierres sont le plus souvent revendues à des acheteurs sri-lankais et thaïlandais.
40 000 exploitants actifs sur le gisement d’Ilakaka
« La qualité des pierres de Madagascar est désormais mondialement reconnue », se félicite Guillaume Soubiraa, partenaire chez Colorline, une entreprise de négoce et de lapidairerie située à
Ilakaka. Le gisement de 120 km de côté accueille environ 40 000 exploitants. En revanche, un travail important attend les pouvoirs publics dans le secteur aurifère, principalement informel. « Il est nécessaire de recenser et de formaliser les exploitations artisanales, ainsi que les sociétés de négoce qui exportent l’or », explique Gerald Jaonary, directeur des opérations de l’Agence nationale de la filière Or Madagascar (Anor). Les 2,4 t d’or exportées officiellement en 2019 ne représentent en effet qu’une petite partie des quantités extraites, et nombreux sont les acteurs locaux et étrangers qui s’enrichissent grâce au trafic.
L’ a l l i a n c e m i n i è r e russo-malgache au moment des élections avait beaucoup surpris. Un an plus tard, le divorce semble consommé. « Notre partenaire russe, Ferrum Mining, a pris la décision unilatérale d’arrêter complètement l’exploitation à partir de décembre 2019, reconnaît le directeur général de l’entreprise d’État Kraoma, Nirina Rakotomanantsoa. Ils ont quitté le site et emporté leur production. Nous attendons la formalisation [de cette rupture], car le contrat n’est pas encore officiellement rompu. » Pourquoi ce départ? « Ils n’ont pas donné de raison officielle, mais ils se sont plaints que l’exploitation n’était pas rentable sur leurs périmètres », ajoute le directeur. Selon les informations officielles parues sur le contrat signé
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GAELLE BORGIA
Privée de son partenaire russe, Kraoma cherche sa rentabilité
Ferrum Mining a décidé d’arrêter l’exploitation du site en décembre 2019.
en août 2018 par l’administration du précédent président, les Russes devaient investir 16 millions de dollars et obtenir le droit d’exploiter trois permis de chrome de Kraoma.
Seulement 15000 t de chrome exportées
Les anciens partenaires abandonnent une société en grande difficulté tant au niveau financier qu’au nive au op érationnel. Les dettes de Kraoma atteignent 9,6 millions d’euros, selon les états
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financiers de 2018. La compagnie doit notamment 5 millions d’euros à la multinationale Stork, implantée en Autriche. Selon nos informations, cette dernière entamera une action en justice en février si aucun arrangement n’est trouvé d’ici là. En 2019, seule une petite quantité de chrome, 15000 t, a été exportée par Kraoma, aux dires de son directeur général. Mais, surtout, la mine n’est pas rentable. La tonne de chrome se négocie
actuellement à 120 dollars en Chine (coût, assurance et fret inclus). Or les frais de production et de transport du gisement au port de Tamatave avoisinent déjà cette somme… La société ne peut donc mécaniquement pas faire de bénéfice. Le ralentissement de l’activité de la mine n’est pas sans conséquences sur la situation économique et sociale de la ville de Brieville, voisine du site, dont la dégradation inquiète les autorités locales. Le directeur général de Kraoma a pour projet d’utiliser les permis d’or obtenus par son entreprise sous la présidence de Didier Ratsiraka, profitant de la hausse des cours du métal pour relancer son entreprise. Il cherche aussi un nouveau partenaire investisseur. « Notre plan est prêt et validé », assure-t-il. E.S.
© Orano, Eric Larrayadieu
Orano, un acteur minier responsable Premier maillon du cycle du combustible nucléaire, l’activité minière d’Orano comprend la découverte de gisements d’uranium, le développement de projets miniers, la production et la commercialisation d’uranium pour produire de l’électricité faiblement carbonée. Orano se positionne parmi les 3 premiers producteurs mondiaux d’uranium avec des coûts de production compétitifs et des techniques d’extraction à la pointe de l’innovation mises en œuvre dans des mines en opération au Canada, au Kazakhstan et au Niger. Le réaménagement d’un site minier est pris en compte dès la phase d’exploration et répond à des enjeux économiques, sociétaux et environnementaux. Orano assure le réaménagement de ses anciens sites miniers conformément aux réglementations en vigueur et recommandations internationales, et en concertation avec les populations locales. Engagées dans une démarche d’amélioration continue de la sécurité et de l’excellence opérationnelle, les équipes exercent leurs activités dans le respect de l’environnement et des hommes, et contribuent au développement économique des territoires et de leurs populations.
Retrouvez le rapport RSE 2018 sur www.rse-mines.orano.group
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