.
.
.
.
. .
. .
.
.
.
. .
.
. .
. .
.
.
.
.
France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 Br Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € RD Congo 5 $ US Réunion 4,60 € Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
ALGÉRIE LES 10 DÉFFIS D’ABDELMADJID TEBBOUNE ÉNERGIES Le modèle marocain ENQUÊTE Tidjane Thiam, le banquier qui dérangeait la Suisse
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3087 DU 8 AU 14 MARS 2020
Un nouveau départ?
TUNISIE
SPÉCIAL 22 PAGES
Un coup d’avance sur les marchés
1er service d’informations économiques premium sur le business en Afrique
Fusionsacquisitions
Levées de fonds
Passations de marchés
Signatures de contrats
Contentieux
Abonnez-vous ! CONTACTEZ-NOUS POUR TESTER SANS ENGAGEMENT ET RECEVOIR UNE OFFRE SUR MESURE
mkt@jeuneafrique.com Tél. : +33 (0)1 44 30 19 03
Pack Business : Jeune Afrique Digital inclus dans votre abonnement
GRAND FORMAT
TUNISIE
ANGUS MCDOWALL/REUTERS
Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
Un nouveau départ ? Gouvernance, relance économique, réconciliation nationale… Avec l’investiture du gouvernement Fakhfakh, le nouvel exécutif peut enfin entrer en action. Principale mission : débloquer le pays.
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
83
Frida Dahmani
Retrouver la flamme our beaucoup, 2019 a été annus horribilis en Tunisie. La crise politique aiguë, conjuguée au décès du président Béji Caïd Essebsi à deux mois des élections générales, avait mis les nerfs à vif et fait craindre un collapsus institutionnel. Mais c’était oublier que, bien souvent et sans doute plus que nécessaire, le pays flirte avec des scénarios catastrophe, pour finalement éviter in extremis d’irréversibles débordements. « Tout va mal qui finit bien, c’est notre devise ! » se plaît à claironner régulièrement une amie, sans toutefois pouvoir s’empêcher de se demander quand va s’arrêter ce cycle.
P
La niaque
Les Tunisiens devraient être rassurés. Les institutions n’ont pas démérité, la continuité de l’État a été préservée. Les élections présidentielle et législatives ont été organisées en temps et en heure, et se sont bien tenues, même si certains ne sont pas satisfaits des résultats. Les cartes sont quelque peu redistribuées, l’alternance en écarte certains au profit d’autres. C’est là l’un des fondamentaux de la démocratie, que tous appelaient de leurs vœux avant 2011. Les révolutionnaires – qui ont tenu bon et ont fait des envieux dans les pays arabes, en même temps qu’ils ont suscité l’admiration de l’Occident – veulent tout et tout de suite. C’est légitime et humain. Seulement, faute de décisions collectives ou, au moins, concertées, le pays, perdu dans le brouillard politique, ne parvient pas à identifier clairement ses priorités ni à trouver le cap à suivre. À sa manière cependant, la Tunisie a réussi une partie du test. Elle a fait ses choix et tente d’avancer. La législature qui démarre et le nouvel exécutif prêt à entrer
86 ENJEUX
Le temps de la réconciliation
en action devraient être à même d’apporter du sang neuf, de redonner la confiance et l’élan nécessaires pour que la relance ne soit plus simplement une intention. Mais comment faire en sorte que les Tunisiens retrouvent la « grinta », la pêche, l’envie, la niaque ?
Un petit rien
Le gouvernement investi le 28 février, conduit par le social-démocrate Elyes Fakhfakh, devrait avoir l’occasion de surprendre, de rassurer. Il suffirait de pas grand-chose, d’un « petit rien » cependant essentiel, pour que l’enthousiasme et la confiance reviennent, pour que la Tunisie sorte de la mauvaise passe dans laquelle elle s’est engluée, pour faire accepter par tous les mesures urgentes indispensables et pour responsabiliser les uns et les autres. Ce « petit rien » nécessaire pour que les Tunisiens, qui font preuve de résilience, aient à nouveau envie d’avancer ensemble. Ils ont finalement admis qu’une révolution s’inscrit dans un temps long, qu’ils allaient devoir impérativement composer avec leurs différences, mais, pour sortir d’un individualisme devenu un refuge, ils attendent aussi de la vérité et de la sincérité. Les Tunisiens sont encore prêts à des sacrifices. Ils n’ont pas besoin de promesses mais ont encore et toujours besoin de rêver ou, du moins, de croire à des lendemains qui chantent juste, et si possible en chœur. Personne ne souhaite se résigner, ni que l’exécutif échoue. Tous les Tunisiens attendent un gouvernement dont l’ambition est de concrétiser les revendications de la révolution, un gouvernement qui les engage dans un projet fédérateur et fasse du sourire un droit.
92 Tribune
Aziz Krichen Sociologue
94 ÉCONOMIE Aéronautique : une industrie toujours au top
101 Interview
Hakim Ben Hammouda Économiste, ancien ministre des Finances
104 Stratégie
Déjà un pied dans l’agriculture du futur
110 SOCIÉTÉ
Voyage au pays des saveurs
114 Culture
Liber’thé, saine alternative
Suivez toute l’actualité de la Tunisie sur www.jeuneafrique.com
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
85
Grand format TUNISIE
ENJEUX
Le temps de la réconciliation Près de dix ans après la révolution, l’inertie et la perte de confiance demeurent. L’un des défis du nouvel exécutif sera de rassembler enfin les Tunisiens. FRIDA DAHMANI, à Tunis
D
epuis les élections présidentielle et législatives de septembre et octobre 2019, la séquence politique a pris le pas sur tout le reste. Le paysage s’est recomposé avec la disparition de certains acteurs, l’apparition d’autres… Mais, près de dix ans après la révolution, l’immobilisme prévaut. Pourtant, tout a été fait pour instaurer une démocratie et, même si la Constitution présente quelques faiblesses et « angles morts », toutes les conditions sont réunies pour choisir et mettre en place un autre modèle. Alors pourquoi le malaise perdure-t-il ? Économistes et politiques s’accordent sur la perte de confiance généralisée, sans vraiment en définir les causes profondes. Elles ne sont peut-être pas seulement inhérentes à la gabegie générale, au malheureux héritage de Ben Ali ou à un système qui refuse de céder la place, mais directement liées à l’absence de transparence et de vérité qui dure depuis 2011, et, surtout, au-delà, à l’incapacité des Tunisiens à se réconcilier. Or aucune solution technocratique ne peut en finir avec cette faille violente,
86
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
douloureuse, tapie, souvent inavouable. « Que la vérité éclate ! » ont réclamé l’avocat Mokhtar Trifi, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, et Ridha Barakati, le frère du militant d’extrême gauche Nabil Barakati, mort en 1987 sous la torture, au procès de ses bourreaux, en janvier 2020.
Petit arrangement
Établir la vérité pour aller vers une réconciliation semble une évidence, mais les processus mis en place depuis la révolution ont tous été biaisés et sont devenus polémiques. En cause, une absence de volonté politique, notamment du défunt président Béji Caïd Essebsi (BCE). Court-circuitant le processus de justice transitionnelle assuré par l’Instance Vérité et Dignité (IVD), ce dernier a lancé dès 2015 une initiative dite de « réconciliation ». Un « petit » arrangement qui revenait finalement à une pacification avec l’administration ou, plutôt, une amnistie des commis de l’État et autres exécutants des ordres de leur hiérarchie sous le régime de Ben Ali. Cet engagement préélectoral avait assuré à BCE de nombreuses voix.
HICHEM
Le Premier ministre Elyes Fakhfakh (à g.) et le président Kaïs Saïed lors de la prestation de serment du gouvernement, au palais de Carthage, le 27 février.
Grand format TUNISIE ENJEUX Lire aussi : « Un nouveau gouvernement pour une sortie de crise politique ? » sur www.jeuneafrique.com
Mais il a un peu plus divisé une population qui n’a pas oublié les exactions de la dictature. Il est donc temps, dix ans après le soulèvement, d’en finir avec la quête de la vérité et l’identification des coupables pour enfin aller vers une concorde. « Ce type de règlement ne peut être mené par une seule instance, dont la démarche serait essentiellement légaliste, commente un ethnologue. Il faut aussi de la coordination, pour l’introduire dans la culture populaire. » Difficile quand le malentendu est installé depuis 2011. Partis politiques, anciens opposants, institutions… Tous ont tissé un lien entre la réconciliation et les demandes de la révolution en matière d’objectifs économiques et sociaux. Jusqu’à opérer un dangereux raccourci : si le pays va économiquement mieux, la réconciliation sera accomplie. Ils ont aussi réduit celle-ci à des dédommagements financiers, moyennant une compensation où la justice transitionnelle devenait transactionnelle. Or c’est un geste symbolique fort, une étape incontournable vers l’apaisement.
Initiative présidentielle
Cette question devrait donc être considérée comme prioritaire par le nouveau gouvernement, à moins qu’elle ne devienne une initiative présidentielle. Avant son investiture, le chef de l’État, Kaïs Saïed, s’était en effet déclaré « prêt à présenter des excuses au nom de l’État », acte fondateur d’une réconciliation. « Décider d’une réconciliation peut être une affaire institutionnelle et peut s’exprimer par des gestes. Lors des funérailles du président Béji Caïd Essebsi, une conciliation nationale quasi totale était perceptible, tout comme lors de celles de l’égérie de la révolution, Lina Ben Mheni, rappelle le philosophe Maher Hanin. Un imaginaire collectif tunisien qui se réconcilie avec la différence en sortant de la haine de “l’autre” est d’abord une construction psychosociale, civile. » Vu sous cet angle, l’attribution du prix Nobel de la paix au Quartet du dialogue
national, en octobre 2015, aurait pu être un symbole fort et valorisant, à même de rétablir la connexion entre les Tunisiens et d’apaiser les conflits. Cette sorte de démocratie délibérative venue d’élans citoyens, individuels ou collectifs, autour d’événements fédérateurs, aurait pu pacifier la vie politique et donner le sentiment d’une société plus égalitaire et plus équitable.
Boîte de Pandore
Il n’en a rien été. L’exclusion n’a jamais été aussi marquée. En cause, une approche partielle des deux étapes préalables à la réconciliation, à savoir la vérité et la justice, avec pour conséquence une occultation de la mémoire, de ce souvenir du « plus jamais ça » pourtant fondamental dans la construction sociale et politique en cours. « Une dictature installe une distribution des rôles, avec des victimes, des sauveurs, des justiciers et des complices. Par manque de conscience des enjeux de la vérité, certaines victimes ne se sont pas fait connaître. Elles ne se vivent pas comme telles, mais comme des justiciers. C’est le cas de la plupart des militants de gauche, qui refusent ce statut », précise le politologue Kerim Bouzouita. Dès lors, la notion du droit, socle de la réconciliation, disparaît et laisse place à l’impunité, véritable mot clé dès que l’on évoque l’échec de la réconciliation nationale en Tunisie. Paradoxalement, établir la vérité et exiger une reddition des comptes peut avoir un effet incontrôlable. Ainsi, des experts allemands en justice transitionnelle ont conseillé aux autorités tunisiennes d’attendre au moins vingt-cinq ans avant d’ouvrir la boîte de Pandore que représentent les archives – « Les délations sont souvent le fait de proches ou de voisins. Rendre ces actes publics provoquerait des règlements de comptes et conduirait même à un conflit civil. » À défaut d’une culture du pardon et de la reconnaissance des torts, cela semble toutefois un risque négligeable comparé à l’attente d’une réconciliation portée au rang de cause nationale.
PENSER QUE SI LE PAYS VA ÉCONOMI QUEMENT MIEUX L’HARMONIE SERA AU RENDEZ VOUS EST UN DANGEREUX RACCOURCI.
Grand format TUNISIE ENJEUX
Ennahdha veut qu’un seuil électoral soit fixé à 5 % pour prétendre à la répartition des sièges à l’issue des législatives. Un amendement similaire avait été rejeté en 2019, notamment parce qu’il visait à exclure les indépendants et les petites formations. Mais aussi parce que le parti islamiste en aurait été le premier bénéficiaire. Rien d’étonnant, donc, à ce que ce projet suscite tant
EN DÉBAT
Réaccorder l’Assemblée FRIDA DAHMANI
de débats avant même d’avoir été examiné et voté en plénière.
Chafik Sarsar, ex-président de l’Instance supérieure indépendante pour
les élections (Isie), recommande de revoir d’abord le découpage électoral. Son successeur, Nabil Baffoun, dénonce des amendements taillés pour les partis forts. Quant au réseau d’observation des élections Mourakiboune, il tient compte d’éventuels scrutins anticipés en 2020 et dit s’opposer à « une modification de la loi électorale et du mode de scrutin pendant l’année électorale ». Le président, Kaïs Saïed, qui compte engager une initiative législative sur la question, défend de son côté un scrutin uninominal à deux tours (au lieu du scrutin de liste à la proportionnelle à un tour). « On pourra alors parler de représentation consistante et de seuil minimal », commente l’activiste Adnane Belhaj Amor sur les réseaux sociaux. D’autres rappellent que, outre le mode de scrutin, il faudra aussi revoir sérieusement les questions relatives au financement des campagnes ainsi qu’à la publicité politique.
Abonnez-vous dès aujourd’hui 79,99 € à l’offre digitale ! soit 63,53 € d’économie
par rapport au prix Mes coordonnées : de vente unitaire en kiosque numérique Mlle Mme M. Nom* : .......................................................................................................Prénom* : ............................................................................................................................... Société : .......................................................................................................................................................................................................................................................... Adresse* : ......................................................................................................................................................................................................................................................
..............................................................................................................................................................................................................................................................................
Code Postal* : .......................Ville* : ........................................................................................................................................ Pays* : .......................................................................................................Téléphone mobile* : ......................................................................................................... E-mail* : ..................................................................................................@ ................................................................................................................................................. *Champs obligatoires
Mon règlement : Je règle par : Chèque (joint à l’ordre de SIFIJA)
Je m’abonne à l’offre DIGITALE ■ Accès illimité aux articles sur lesite et l’application
jeuneafrique.com + accès premium à la version numérique de l’hebdo et des hors-séries pendant un an
au tarif de 79,99 €
Carte Bancaire
Date et signature obligatoires
N° CB : Expire fin :
CVV :
Virement bancaire : CIC Paris EST Taitbout GCE - 11 bis, Bd Haussmann - 75009 Paris I BAN FR76 3006 6106 6000 0100 4680 237 Je souhaite recevoir par e-mail des offres de la part de Jeune Afrique Media Group : OUI NON NON Je souhaite recevoir par e-mail des offres de partenaires de Jeune Afrique Media Group : OUI
JA3087
Offre valable jusqu’au 31/10/2020 en France métropolitaine. Les articles peuvent être achetés séparément. Prix de vente au numéro : 3,80 € - Numéro double : 6 € - Hors-série Finance et hors-série 500 entreprises : 7,20 € - Hors-série État de l’Afrique : 7,90 €. Jeune Afrique est une publication de SIFIJA, S.C.A au capital de 15000000 € au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France - SIRET 784 683 484 00025. Conformément à la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant en écrivant à support-clients@jeuneafrique.com
L
ors des cinq scrutins nationaux tenus depuis 2011, la loi électorale a démontré son pouvoir bloquant. Elle produit un hémicycle de plus en plus morcelé, et, faute de majorité, le pays devient difficile à gouverner. C’est la principale leçon tirée par la jeune démocratie, y compris par les partis qui avaient proposé cette loi. Après l’introduction d’un projet d’amendement par le gouvernement Chahed, en mai 2019, avant les législatives et la présidentielle, et finalement rejeté par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), la question resurgit.
Grand format TUNISIE
TRIBUNE
Le clair-obscur de la transition V
ONS ABID POUR JA
ue de l’étranger, la transition tunisienne est perçue de travers le tissu associatif et parmi la jeunesse. Mais elle ne manière positive. Vue de l’intérieur, la perception est parvient encore à se traduire ni en offre politique alternative différente. La population est confrontée aujourd’hui à des ni en résultats électoraux. On est dans la situation que décrit conditions plus difficiles qu’en 2010. Le pouvoir d’achat s’est la formule du philosophe Antonio Gramsci : « Le vieux monde effondré, le chômage est toujours en hausse, notamment se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce chez les jeunes, et les disparités régionales n’en finissent pas clair-obscur surgissent les monstres. » de se creuser. Le tout dans un climat de dépression éconoCet entre-deux a trouvé une illustration parfaite avec les mique : chute de l’investissement, contraction de la producrécents scrutins. Les législatives ont donné naissance à un tion intérieure, explosion de la dette extérieure, prolifération Parlement atomisé, où aucun des partis arrivés en tête n’a de l’informel, des importations illégales… Bref, comme sous la possibilité de former une majorité stable – Ennahdha, Ben Ali, la population a continué à s’appauvrir, 52 députés sur 217, et Qalb Tounes, 38 élus. tandis que les rentiers et les mafieux ont contiLa présidentielle a suscité plus d’intérêt et a vu nué de prospérer. s’affronter au second tour deux hommes qui Depuis dix ans, les Tunisiens ne parviennent apparaissaient comme des « candidats antipas à stopper cette spirale infernale, sans tousystème », Nabil Karoui, magnat de la commujours comprendre pourquoi. Ce qu’ils vivent n’a nication poursuivi pour blanchiment d’argent, pourtant rien d’inhabituel. Les soulèvements et Kaïs Saïed, professeur de droit auréolé d’une révolutionnaires spontanés évoluent par défiréputation d’intégrité. Ce dernier l’a emporté nition presque toujours sans programme précis avec près de 2,8 millions des suffrages (cinq et sans organisations (politiques, syndicales, fois plus que les islamistes arrivés en tête aux culturelles) capables de porter puis de faire législatives). Aziz Krichen aboutir le changement. Les soulèvements sont Sociologue suivis de périodes de transition. Or la notion de es résultats ont introduit une nouvelle transition est paradoxale, puisqu’elle juxtapose donne. Désormais, le jeu politique ne deux courants opposés : l’émergence de nouse déroule plus entre les partis, mais entre velles élites et la décomposition de celles de deux acteurs, Rached Ghannouchi, en perte l’ancien régime (qu’elles fussent au pouvoir ou dans l’oppode vitesse y compris au sein d’Ennahdha, et Kaïs Saïed, sans sition). Le problème vient de ce que ces deux processus ne se parti et sans grandes prérogatives constitutionnelles, mais se déroulent pas au même rythme… En général, la construction prévalant de la légitimité du suffrage populaire et adoptant la est plus laborieuse que la destruction. posture de l’homme providentiel – à voir. Leur combat a déjà connu deux épisodes: la non-investiture n peut mesurer la décomposition de l’ancienne classe polide Mohamed Habib Jomli comme chef de gouvernement et tique tunisienne à l’aune de la participation aux scrutins : l’investiture réussie de Elyes Fakhfakh. Dans les deux cas, élections à la Constituante de 2011, 4,3 millions de votants ; Rached Ghannouchi a cédé devant Kaïs Saïed. Ce duel est législatives de 2014, 3,6 millions; législatives de 2019, 2,9 milappelé à se poursuivre. Le nouveau président semble avoir lions. D’une échéance à l’autre, l’assise des partis n’a cessé la possibilité d’affaiblir davantage son rival à l’avenir. Pour de se réduire. Rapporté aux 8 millions de Tunisiens en âge le pays, ce ne serait pas une mauvaise chose, tant la gestion de voter, cela signifie que ces partis ne représentent plus que islamiste est désastreuse depuis 2011. Pour les forces de renoule tiers des citoyens. C’est dire combien l’« offre » politique veau, ce contexte inédit peut même fournir quelques opporactuelle est en décalage par rapport à la « demande » réelle. tunités. À condition de ne pas s’aliéner un camp et de rester En revanche, l’émergence de forces nouvelles acquises concentré sur ses propres buts : libérer le pays des rentiers, des au changement est tangible – elle s’exprime avec vigueur à mafieux… Et des faux prophètes.
C
O
92
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
COMMUNIQUÉ
ATI, BOOSTER DE TECHNOLOGIE L’Agence Tunisienne d’Internet a su opérer un changement radical, après 2011, en consacrant un internet libre et ouvert et en assurant son indépendance totale. Aujourd’hui, c’est une agence transformée qui propose ses services au secteur public et privé.Rencontre avec son PDG, M. Moez MAAREF.
M. Maaref, vous avez été investi en mai 2018 à la tête de l’ATI. Parlez-nous de cette Agence qui a su évoluer avec le cours de l’histoire ? Aujourd’hui l’ATI vit une transformation profonde et unique. Une entreprise à participation publique qui diversifie sa clientèle et enrichit son catalogue de produits. Au-delà, de sa première mission de développement de l’Internet dans le pays, l’ATI opérateur de référence se renouvelle pour devenir un opérateur de confiance capable d’adresser un marché en perpétuelle évolution.
Aujourd’hui, c’est une agence qui propose des services à valeur ajoutée ? Oui, effectivement, nous continuons d’apporter notre conseil en termes de développement de l’Internet, nous proposons aussi notre expertise sur l’ingénierie et les solu-
www.ati.tn
Quels sont les défis pour l’avenir ? Nous nous positionnons comme accélérateur de la transformation digitale. Le passage à l’IPV6 constitue une de nos priorités. Nous nous préparons à l’évolution de la connectivité avec, notamment les objets connectés, l’actuel IPV4 ne sera plus suffisant. Nous envisageons donc de créer un centre de formation pour les entreprises afin de basculer à l’IPV6, ainsi qu’un MOOC (plateforme de cours en ligne). Avec notre participation dans Level4, nous continuerons le déploiement de la fibre optique dans le pays, avec une connexion jusqu’à l’utilisateur. Nous envisageons l’éla-
13 avenue Jugurtha, Mutuelle Ville 1002 Tunis
boration d’une signature électronique portée par la blockchain et nous souhaitons développer des partenariats avec les fournisseurs de Cloud puisque nous sommes en mesure d’héberger de la data avec nos 3 data centers, certifiés 27001.
Et l’Afrique dans tout cela ? Notre avenir est dans notre continent. Nous avons une volonté très forte de partager notre expérience avec nos voisins du sud. L’ATI est en mesure de développer des partenariats, que ce soit sur la Transformation digitale, le cloud, le conseil, la VoIP, la gestion du point XP ou le déploiement de la fibre optique. Notre équipe, hautement qualifiée, a déjà co-construit une première expérience au Togo. Nous nous sentons prêts à développer davantage de nouvelles expériences avec nos amis de tout le continent.
EXPÉRIENCE AFRICAINE AU TOGO En 2017, l’ATI a installé et mis en service le système de gestion du nom de domaine du Togo (.tg). Les services fournis allaient du déploiement du .tg à l’ouverture du trafic et la mise à jour de la base de données, jusqu’à la formation du personnel. JAMG - PHOTOS : D.R
M. Moez MAAREF, PDG de l’ATI
tions Cloud, notamment sur l’accompagnement à la transformation digitale du Cloud ; hormis les prestations classiques de connectivité Internet (Adsl, WiFi Outdoor & Indoor, Fibre optique), l’ATI met en place des solutions de visioconférence (VoIP) sécurisées, ainsi que des offres de digitalisation des correspondances (GEC, Gestion Electronique de Courrier, et GED, Gestion Electronique des Documents). Pour une meilleure gouvernance participative, nous proposons aux Municipalités une offre adaptée, orientée vers la satisfaction des Citoyens, axée sur la GRC (Gestion des Relations avec le Citoyen). C’est le premier noyau de nos activités labellisées « Smart City » qui sont destinées à améliorer le bien-être de nos concitoyens.
Grand format TUNISIE
ÉCONOMIE
Toujours à la pointe 94
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
© NICOLAS FAUQUÉ / WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
Site de production de Stélia Aerospace (ex-Aerolia) dans la banlieue sud de Tunis.
95
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE Lire aussi l’analyse économique : « La Tunisie à l’heure du choix » sur www.jeuneafrique.com
Le secteur aéronautique tunisien profite à plein de la croissance mondiale du marché, et ses atouts statégiques lui assurent un bel avenir à court terme. Mais gare à la concurrence. MATHIEU GALTIER, à Tunis
Ç
a plane pour l’aéronautique tunisienne. En dix ans, le secteur a multiplié ses exportations de produits et services par 9,5 – elles représentaient 590 millions d’euros en valeur en 2018. Le ciel est d’autant plus dégagé que l’estimation de la croissance annuelle moyenne du trafic aérien mondial est établie à 4,3 % pour les vingt prochaines années. En outre, d’ici à 2038, Airbus prévoit un doublement de sa flotte, avec près de 48 000 nouveaux appareils. Or le constructeur européen a une place privilégiée dans le tissu aéronautique tunisien. À la fin des années 2000, sa filiale Aerolia (désormais Stelia Aerospace), spécialisée dans la fabrication d’aérostructures et de sièges d’avions, cherchait à implanter son premier site de construction de composants aéronautiques hors d’Europe. Le Maroc et la Tunisie tenaient la corde… Et c’est finalement cette dernière qui a été choisie. « Nous les avons convaincus de notre supériorité technique », se souvient avec fierté Chahine Mahfoudh, directeur du Centre d’excellence dans les métiers de l’industrie aéronautique (Cemia, inauguré en 2017), qui concède toutefois que les importantes ristournes fiscales proposées par l’État à l’époque ont aidé.
Réalité augmentée
LES INGÉNIEURS ET LES RESPONSABLES DU CONTRÔLE QUALITÉ Y SONT LES PLUS COMPÉTITIFS AU MONDE.
Dix ans et 70 millions d’euros d’investissements plus tard, Stelia Aerospace est la tête de pont de l’aéropôle d’El Mghira, une zone d’activités de 200 ha en périphérie sud de Tunis, qui regroupe aussi ses sous-traitants (Mecahers Aerospace, Figeac Aero, Corse Composites aéronautiques, etc.), ainsi que le Cemia, au sein d’un modèle économique assez unique. Durant les premières années, Chahine Mahfoudh et d’autres instructeurs, en lien étroit avec l’industriel, ont dispensé une « formation à la carte » en trois ans à plus de 600 ouvriers hautement qualifiés – « des compagnons », comme aime les appeler le directeur du Cemia. Tôlerie, câblerie, mécanique, plasturgie, assemblage… La Tunisie couvre maintenant pratiquement toute la chaîne de valeur de la filière. Les groupes aéronautiques sont passés d’une simple démarche de délocalisation à une stratégie de colocalisation. Stelia Aerospace Tunisie possède ainsi son propre bureau d’études de 42 personnes, le seul pour les
96
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
aérostructures en Afrique, équipé notamment de simulateurs de réalité augmentée. Et d’ici à la fin de l’année, l’aéropôle d’El Mghira disposera de 20 ha aménagés supplémentaires, dont les nouvelles parcelles ont toutes été réservées en moins de deux jours. Fort de cette évolution, le ministère de l’Industrie table sur 1,3 milliard d’euros d’exportation en 2030. Une prévision qui s’appuie sur les atouts stratégiques du pays: proximité avec l’Europe, francophonie (les sociétés françaises emploient 70 % de la main-d’œuvre du secteur en Tunisie) et, surtout, des ressources humaines très compétitives (lire p. 98). Selon fDi Benchmark, la base de données du groupe Financial Times sur la compétitivité, Tunis figure au premier rang mondial en ce qui concerne le coût de la main-d’œuvre chez les ingénieurs, les responsables du contrôle qualité ou encore les opérateurs de production – devant Casablanca (Maroc), Bangalore (Inde), Pékin (Chine), Brasov (Roumanie), Chihuahua (Mexique) et Plovdiv (Bulgarie). « Il y a un réel savoir-faire industriel en Tunisie. Nos ingénieurs sont parfois amenés à collaborer avec le reste du groupe pour amener le meilleur service à nos clients », explique Olivier Sergent, directeur général de Figeac Aero en Tunisie. Neuf ans après son implantation sur la zone de Mghira, la filiale représente 15 % du chiffre d’affaires de ce groupe français spécialisé dans l’usinage de pièces de précision. Néanmoins, le plan de vol du secteur n’est pas exempt de turbulences. La baisse continue du prix des avions et l’essor des techniques de pointe, notamment en matière de robotique, obligent les industriels à toujours rechercher les zones de production les plus compétitives. « La Tunisie demeure très performante, et nous ne quitterons pas le pays, mais il ne faut pas s’endormir. Sinon, d’ici à cinq ans, les nouveaux investissements iront dans d’autres zones, mieux outillées, comme la Chine ou l’Inde, qui sont de surcroît d’importants acheteurs d’avions », prévient Thierry Haure-Mirande, président du Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales (Gitas, qui regroupe 58 des 81 sociétés du secteur) et PDG du groupe français Aéroprotec, dont la filiale Aerotech est présente en Tunisie depuis 2007. Le patron se penche d’ailleurs sur la création d’une « université des métiers et de la formation aéronautique » avec une approche 4.0 ; en symbiose avec la nouvelle dynamique et les exigences du secteur.
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE
REPÈRES
Tunisie-Maroc, le duel aéronautique (pour l’année 2018) Tunisie
Maroc
Nombre d’entreprises
140
81
Nombre d’emplois
17 000
17 000
Croissance des exportations 2017-2018
Manque de moyens
Si un accord a été signé, en février 2019, avec le cluster allemand LR BW (Forum aérospatial du Bade-Württemberg), le pays peine à attirer de nouveaux investisseurs, contrairement à son rival maghrébin (voir ci-contre). Le Maroc compte presque deux fois plus de sociétés aéronautiques et en accueille en moyenne dix nouvelles par an, alors qu’il s’est lancé après Tunis sur le créneau… En phase de démocratisation, la Tunisie a dû revoir ses priorités. Par manque de moyens, le Cemia n’assure en effet plus les formations dans trois domaines clés de la filière : le câblage, les matériaux composites et la peinture de surface. « Il est difficile de convaincre les trésoriers qu’une seule pince de câblage peut coûter 400 euros. En outre, les process changent vite, et il faudrait aussi reformer les enseignants… explique Chahine Mahfoudh. Mais ce n’est pas qu’une question d’argent. Parfois, je dois répondre à un vrai interrogatoire des douaniers sur l’importation de certains produits. » Il espère qu’à l’occasion du lancement de la deuxième phase de développement du Cemia, prévue en juin, l’État s’impliquera à nouveau et davantage financièrement afin d’inciter les investisseurs tunisiens à rejoindre ce marché porteur et valorisant. En attendant, ce n’est peut-être plus seulement dans le ciel mais encore plus haut, dans l’espace, que l’on pourra voir flotter le drapeau tunisien. Mohamed Frikha, patron de la société Telnet, a ainsi assuré qu’il allait lancer le premier satellite national d’ici à la fin de l’année. Pour cela, l’entrepreneur et homme politique de 56 ans s’est tourné vers la Russie, à travers un partenariat avec les sociétés Sputnix et GK Launch Services. Par ailleurs, en collaboration, cette fois, avec le pôle d’excellence français Aerospace Valley, implanté à Toulouse, il veut créer un centre aérospatial à Sousse.
98
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
+25 % +13,8 %
Valeurs des exportations (en milliards €)
1,3 0,59 (2 milliards de dinars)
soit 4,9 % des exportations
(13,9 milliards de dirhams)
soit 5,1 % des exportations
Taux d’intégration de sociétés locales
10 %
34 %
Coût annuel de la main-d’œuvre (en €)
12 600 4 600 Ouvrier qualifié
Ingénieur senior
28 100
9 350 Ouvrier qualifié
Ingénieur senior
SOURCES : FIPA TUNISIA, OFFICE DES CHANGES DU MAROC, FDI BENCHMARK
Si la Tunisie ne souffre d’aucune faiblesse rédhibitoire, les acteurs de la filière attendent une amélioration des infrastructures routières, portuaires et informatiques. Ainsi, la concrétisation du projet de port en eau profonde d’Enfidha serait perçue comme « un plus » indéniable, de même qu’une connexion haut débit plus stable hors de Tunis. Mais, comme de coutume en Tunisie, ce sont du côté des finances que les problèmes commencent. Afin de renflouer les caisses de l’État, il est de plus en plus question de remettre en cause la loi sur l’offshoring. Celle-ci exonère de TVA et de droits de douane les matières premières importées qui sont utilisées pour les produits destinés à l’exportation et elle réduit les impôts sur les bénéfices à 10 % ou encore libéralise les transferts de devises. « Ce n’est pas une bonne nouvelle mais, pour des sociétés bien implantées, payer un peu plus de taxes n’est pas insurmontable. Par contre, celles-ci exigent de la visibilité sur ces questions et, avec la difficulté à mettre en place un gouvernement, pour le moment, la Tunisie ne peut pas la garantir », analyse un observateur.
COMMUNIQUÉ
AVIS D’EXPERT
Methania RDC,15 rue des entrepreneurs,Charguia 2 2035Tunis -Tunisie Tél. +216 31 30 51 00 / +216 31 30 51 01 Fax +216 70 01 41 84 E-mail :contact@methania.com
www.methania.com
JALLAGAZ, la solution écologique sur mesure F
ace à la double problématique
M. Selim Kanzari, CEO et fondateur
environnementale et énergé-
de Methania, insiste sur le fait que
tique actuelle, notamment sur le
la conception modulaire de Jallagaz,
continent africain, L’entreprise tu-
est le fruit d’un long travail de R&D
nisienne Methania a développé un
axé sur les projets de petite taille et
procédé innovant,appelé JALLAGAZ, basé sur la digestion sèche des déchets organiques, adaptées aux exploitations agricoles pour la production d’électricité et de chaleur, à un coût permettant d’offrir la meilleure rentabilité.
à faible investissement (inférieur à 75 kW). Cette solution, qui s’adapte parfaitement aux pays émergents, est rentable, standard et rapidement
Selim Kanzari, CEO et fondateur de Methania
installable sur site. Elle est conforme aux normes (électrique, sécurité) et fait bénéficier les utilisateurs d’un
lourds. Il peut aussi être valorisé en
La solution consiste à valoriser le
service d’assistance biologique (ana-
permettant la production d’électricité.
fumier ainsi que les déchets de culture
lyses sur site) et technique (mise en
ou de coupe dont la matière sèche est
service, maintenance).
Les propriétés et la qualité du biométhane sont similaires à celles du gaz naturel supérieure à 25% en énergie primaire
Methania, qui est la seule entreprise
qui est le biogaz. Le biogaz alimente
à exploiter ce créneau en Tunisie, se
L’orientation est clairement africaine pour l’entreprise, particulièrement sur l’Afrique sub-saharienne avec des pays comme le Burkina Faso, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigéria, le Niger mais également l’Éthiopie, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda,le Soudan sans omettre les pays de la région, le Maroc et Algérie.
une génératrice à gaz qui produit
développe avec des solutions pour
électricité et chaleur.Après la réaction
l’élevage laitier et le traitement des
les matières brutes sont transformées
déchets municipaux. Elle est entrain
en un fertilisant organique riche en
de promouvoir aussi des solutions de
azote. Cette technique, comparée à
nettoyage du biogaz pour en produire
l’infiniment mélangé; a de multiples
du biométhane. Les propriétés et la
avantages écologiques : elle n’est
qualité du biométhane sont similaires
pas consommatrice d’eau, elle évite
à celles du gaz naturel. Il peut donc
Methania, sensibilisé à la réalité
la libération de méthane dont l’effet
être mis en bouteille et distribué pour
climatique, humaine et économique,
de serre est vingt fois plus nocif que
les ménages, mais pas seulement. Le
a compris les enjeux du monde d’au-
le dioxyde de carbone et produit une
biométhane peut également trouver
jourd’hui en favorisant les solutions
énergie renouvelable tout en traitant
une utilité comme carburant pour des
durables, accessibles et adaptées à la
les déchets.
transports publics ou pour les poids
réalité du continent Africain..
Pour cela,M.Kanzari souhaite s’épauler de partenaires internationaux pour le montage et le développement de projets de production d’énergie renouvelable sous forme d’IPP (Independant Power Producer).
Bien s’informer, mieux décider
RETROUVEZ
+ D’INFORMATIONS EXCLUSIVES, + D’ANALYSES, + DE DÉBATS POUR MIEUX COMPRENDRE L’ACTUALITÉ POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L’AFRIQUE.
OFFRE DIGITALE
1 AN
ACCÈS ILLIMITÉ
aux articles sur le site et l’application jeuneafrique.com
+ ACCÈS PREMIUM
à la version numérique de l’hebdo et des hors-séries
79,99 €
soit 63,53 € d’économie par rapport au prix de vente unitaire en kiosque numérique
OFFRE PAPIER
1 AN
Abonnez-vous dès aujourd’hui!
47 NUMÉROS
dont 3 numéros doubles et 1 numéro triple
+ 2 HORS-SÉRIES
139€
soit 62,30 € d’économie par rapport au prix de vente unitaire en kiosque
Pour les abonnements entreprises, merci de nous contacter au + 33 (0)1 44 30 19 03
BULLETIN D’ABONNEMENT
à renvoyer avec votre règlement à : Service Abonnements Jeune Afrique 56, rue du Rocher - 75008 Paris - France
Mes coordonnées : Mlle Mme M. Nom* : ............................................................................................................. Prénom* :
..............................................................................................................
Société : ................................................................................................................................................................................................................................................ Adresse* :
............................................................................................................................................................................................................................................
....................................................................................................................................................................................................................................................................
■ 1 an
Accès illimité aux articles sur le site et l’application jeuneafrique.com + accès premium à la version numérique de l’hebdo et des hors-séries
au tarif de 79,99 €
Je m’abonne à l’offre PAPIER ■
1 an 47 numéros + 2 hors-séries
au tarif de 139 € ■ 179 € Europe/Maghreb/Zone CFA ■ 219 € Reste du monde
Code Postal* :
Ville* : ...........................................................................................................................................................
Pays* : ............................................................................................................. Téléphone mobile* : ......................................................................................... E-mail* : ......................................................................................................... @................................................................................................................................. * Champs obligatoires.
Mon règlement : Je règle par : Chèque (joint à l’ordre de SIFIJA)
Date et signature obligatoires
Carte Bancaire
N° CB : Expire fin :
CVV :
3 derniers chiffres inscrits au dos de ma carte bancaire
Virement bancaire : CIC Paris EST Taitbout GCE - 11 bis, Bd Haussmann - 75009 Paris - I BAN FR76 3006 6106 6000 0100 4680 237 Je souhaite recevoir par e-mail des offres de la part de Jeune Afrique Media Group : OUI NON Je souhaite recevoir par e-mail des offres de partenaires de Jeune Afrique Media Group : OUI NON Offre valable jusqu’au 31/10/2020 en France métropolitaine. Les articles peuvent être achetés séparément. Prix de vente au numéro : 3,80 € - Numéro double : 6 € - Hors-série Finance et hors-série 500 entreprises : 7,20 € - Hors-série État de l’Afrique : 7,90 €. Jeune Afrique est une publication de SIFIJA, S.C.A au capital de 15000000 € au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France - SIRET 784 683 484 00025. Conformément à la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant en écrivant à support-clients@jeuneafrique.com
www.jeuneafrique.com/abonnements/
+33(0)1 44 70 14 74
abonnement-ja@jeuneafrique.com
Service Abonnements Jeune Afrique
56, rue du Rocher - 75008 Paris - France
CODE : JA3087
Je m’abonne à l’offre DIGITALE
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE
INTERVIEW
Hakim Ben Hammouda Économiste, ancien ministre de l’Économie et des Finances
« Le défi est de reconstruire un contrat social » Propos recueillis à Tunis par FRIDA DAHMANI
ncien ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement Mehdi Jomâa (2014-2015), Hakim Ben Hammouda, 58 ans, a été régulièrement cité parmi les favoris pour conduire le nouveau gouvernement, fonction qui est finalement échue en février à Elyes Fakhfakh. Économiste familier des institutions internationales, au sein desquelles il a effectué une grande partie de sa carrière (Nations unies, Organisation mondiale du commerce), ce libéral est sans étiquette, mais de conviction centriste. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Sortir du désenchantement. Des voies pour renouveler le contrat social tunisien, paru en mars 2019 aux éditions Nirvana.
A
l’inflation, du déficit public et de la balance des paiements, ainsi qu’une stabilisation de l’endettement augurent d’un assainissement de la situation. Néanmoins, les facteurs structurels sont bloqués : l’investissement et la croissance sont très faibles, sans nouvelles perspectives. Le défi est de dépasser ce blocage et de stopper le recul de la compétitivité et des exportations. Une tâche titanesque ! Ces dernières années, l’incapacité des différents gouvernements à gérer la situation économique a engendré de grandes incertitudes et une défiance de la part des investisseurs et des acteurs économiques. Les bailleurs de fonds internationaux sont dans un attentisme parfois teinté de crainte : quatre mois après les élections générales, aucun programme économique n’a été mis en place, beaucoup d’engagements pris n’ont pas été respectés, et l’émiettement du Parlement les laisse dubitatifs quant à la capacité du nouveau gouvernement à opérer les réformes
NICOLAS FAUQUÉ/AMB
Jeune Afrique : Comment le pays se portet-il sur le plan financier et économique ? Hakim Ben Hammouda : La baisse de
nécessaires. Or la confiance de la communauté internationale est essentielle. La Tunisie peut-elle rebondir ?
Ce doit être la priorité du projet gouvernemental. Ce rebond dépend de plusieurs conditions: une vision claire et fédératrice, la poursuite de la stabilisation de la situation économique et un grand programme d’investissements, notamment dans les infrastructures. Ces éléments généreront la confiance et relanceront l’économie.
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
101
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE
Vous préconisez « un nouveau contrat social » qui réunisse les Tunisiens. En quoi est-ce une priorité ?
État civil et citoyenneté, modernisation de l’économie, promotion sociale et prise en charge par l’État moderne de la solidarité et des libertés individuelles composent le contrat social spécifique à l’expérience politique tunisienne. Porté par le réformisme du XIXe siècle, puis par le mouvement national, il est au cœur du projet de l’État indépendant. Le succès de l’expérience tunisienne tient à la légitimité d’un État moderne, suivant un modèle social axé sur l’éducation et la santé, qui repose sur des mécanismes de solidarité entre les générations (dont les caisses sociales), sur une égalité des chances, mais aussi sur une égalité entre hommes et femmes et sur une économie dynamique fondée sur un double équilibre entre marché interne et marché externe, secteur étatique et secteur privé. Ce contrat social est entré en crise. L’État est devenu répressif sur le plan civil, il n’a pas assuré une véritable démocratisation de la société, ni déclenché un renouvellement des libertés individuelles. Le modèle économique basé sur un faible coût de maind’œuvre s’est fissuré, le modèle social aussi. Marginalisation, pauvreté, inégalités et corruption en sont les conséquences. Depuis la révolution, le défi est de reconstruire un contrat social, avec une démocratisation de l’État et des institutions, pour bâtir un nouveau modèle de développement, sortir de la détresse sociale et renouveler les libertés. Un grand dessein, socle d’un nouveau contrat social, est nécessaire.
Quels leviers activer pour relancer l’investissement ?
IL FAUT IDENTIFIER QUATRE OU CINQ SECTEURS CLÉS ET LEUR DONNER DE VRAIS MOYENS DE SE DÉVELOPPER.
Faut-il mettre les politiques à l’écart des questions économiques et laisser faire les experts ? À LIR E
Quelles politiques publiques permettraient d’assurer une meilleure intégration économique et sociale ?
L’État ne peut qu’être régulateur et doit jouer un rôle clé dans l’élaboration des visions stratégiques. Il a une double responsabilité sociale. Il a une responsabilité collective, pour assurer la cohésion sociale et les conditions d’intégration dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des mécanismes de solidarité. Il doit aussi développer l’appui aux initiatives individuelles, qui permet de réaliser des projets, comme la loi sur les start-up [Startup Act, adopté en 2018]. Les politiques publiques doivent suivre, pour permettre l’accès aux financements.
102
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
Il faut identifier les grands secteurs qui seront au cœur du développement économique, comme le font d’autres pays africains. L’Éthiopie, le Kenya, le Maroc et le Nigeria ont ainsi identifié les chaînes de valeur dans lesquelles ils veulent s’inscrire et construire leur compétitivité, sur la base des avantages qu’elles ont et à partir d’une vision claire. Cette chaîne de valeur suppose une identification des besoins. Il faut donner la possibilité aux entreprises d’investir et de se développer, de coopérer avec divers mécanismes… Ce n’est pas le cas en Tunisie. Nous n’avons pas mis en place les politiques, les acteurs et les moyens indispensables au développement des quatre ou cinq secteurs clés pour notre avenir. Pourtant, même en l’absence d’un appui de l’État et d’une stratégie, notamment industrielle, les opérateurs privés réalisent des performances [lire pp. 94-98]. Il faudrait qu’ils soient suivis et soutenus par de véritables politiques, par des programmes d’émergence à long terme, accompagnés par des budgets et des institutions capables d’appuyer ces secteurs en développement. Nous avons beaucoup perdu à ne pas suivre les grandes évolutions institutionnelles mondiales.
Sortir du désenchantement. Des voies pour renouveler le contrat social tunisien, de Hakim Ben Hammouda, éditions Nirvana, 354 pages
Un bon gouvernement, capable d’atteindre des objectifs, doit reposer sur un juste équilibre entre des responsables politiques de premier plan, à même d’exposer les grands choix de l’exécutif, et des personnes dotées de solides expertises, aguerries aux négociations internationales, pour assurer les postes tels que ceux des Finances, de l’Économie et du Développement. D’autres équilibres sont nécessaires : la représentation régionale et la parité hommes-femmes. Nos gouvernements sont anachroniques par rapport à l’histoire de l’émancipation en Tunisie et par rapport à la marche du monde, où la tendance paritaire est prédominante. Il est temps de donner un signal fort et d’aller vers un nouvel équilibre. Il est temps que la Tunisie, pionnière pour les libertés et l’égalité, l’exprime au niveau politique.
S
020 2 F B C .11.20
COMMUNIQUÉ
TUNI
20 18.11>
«CBF 2020 constitue, pour les PME tunisiennes, une opportunité pour développer leurs dimensions internationales à moindre coût.» Entretien avec M. Tarak CHÉRIF,
Président de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie - CONECT
Après le succès de Futurallia Tunisia 2018,la CONECT organise le forum international « CONECT Business Forum - CBF », du 18 au 20 novembre 2020 à Tunis. Ce forum s’adresse aux PME/PMI en quête de développement international dont l’objectif principal est de réunir des centaines de dirigeants et décideurs d’entreprises, leur permettant d’initier différents types d’alliances et de partenariats stratégiques. Pendant deux jours, CBF assurera jusqu’à 6000 RDV d’affaires qualifiés à plus de 600 opérateurs économiques venant de plus de 30 pays ciblés et représentant plus de 40 secteurs d’activités. Chaque participant aura jusqu’à 16 RDV B2B préprogrammés.
En quoi ce rendez-vous est important pour les entreprises tunisiennes ? CBF 2020 constitue pour les PME tunisiennes une opportunité pour développer leurs dimen-
sions internationales à moindre coût et pour la Tunisie une occasion de promouvoir le « Made in Tunisia », l’export et le tourisme surtout avec la présence attendue d’importants décideurs économiques internationaux notamment africains.
hésion récente à la COMESA, un marché de plus de 500 millions de consommateurs.
Le marché africain reste incontestablement très prometteur avec un taux de croissance important depuis 15 ans.
Depuis sa création en 2011, la CONECT ne cesse d’œuvrer pour le rayonnement de la Tunisie à l’échelle internationale. Elle a lancé une structure dédiée à l'international «CONECT INTERNATIONAL» qui a développé un important réseau de coopération et de partenariat avec les organisations patronales et des institutions économiques dans de nombreux pays notamment africains.
Les entreprises tunisiennes ont tout intérêt à s’y positionner.
La conjoncture économique se prête-t-elle à ce type d’événement ? Malgré la conjoncture économique difficile, la Tunisie offre toujours des atouts certains en termes de compétitivité qu'il convient de valoriser pour la relance des investissements et des exportations et le partenariat gagnant - gagnant par le développement de joint-ventures Tuniso-étrangères pour le marché africain,l’UE ou le Maghreb grâce aux accords de libres échanges dont bénéficie notre pays et l'ad-
Quels sont les objectifs de la CONECT à l'initiative de l'organisation de cette manifestation ?
Conect International en plus des services de développement à l’international qu’elle offre aux adhérents, organise des événements économiques d’envergure en Tunisie et à l’étranger afin de créer des synergies entre les PME tunisiennes et les PME de différents horizons. CBF 2020 constitue la consécration de ce choix stratégique.
JAMG - PHOTOS : D.R.
Qu'est-ce que CBF ?
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE
STRATÉGIE
L’agriculture du futur Nouvelles technologies, mutualisation des moyens, changement de pratiques… Les exploitants, petits et grands, se distinguent par leur esprit d’innovation.
ZUMA/REA
Récolte et séchage de tomates dans le gouvernorat de La Manouba, près de Tunis.
MATHIEU GALTIER
es Nations unies classent la Tunisie parmi les pays « pauvres en eau », avec 450 m3 disponibles par habitant et par an. Un chiffre derrière lequel se cache la spirale infernale du changement climatique : augmentation de la température, pluviométrie aléatoire, production agricole en berne et, in fine, baisse des revenus. Dès 2013, la Banque mondiale avertissait que, du fait du réchauffement climatique, la croissance agricole pourrait baisser de 0,3 à 1,1 point de pourcentage par an jusqu’en 2050. Cette récession, couplée à la hausse attendue des prix des produits agricoles importés, devrait coûter entre 2 et 2,7 millions de dollars à l’économie sur trente ans. Malgré ces avertissements, les autorités ont continué de promouvoir une agriculture intensive, se félicitant des bons résultats des filiales oléicoles et fruitières (dattes, agrumes) et occultant les déficits dus à l’importation massive de céréales et d’intrants… Jusqu’à récemment. « Quand l’Iresa [Institut de la recherche et de l’enseignement supérieur agricoles] m’a expliqué qu’il réfléchissait à des programmes de substituts aux intrants, l’eau y compris,
L
104
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
j’ai réalisé qu’il y avait enfin une vraie prise de conscience », se félicite Rim Mathlouti, présidente de l’Association tunisienne de permaculture (ATP). Une ouverture dont la jeune femme compte bien profiter : elle souhaite élaborer un double master en partenariat avec le pôle de compétitivité français AgroParisTech.
Séquenceur ADN
Méthode de culture intégrée et évolutive s’inspirant d’écosystèmes naturels et de techniques traditionnelles, la permaculture (lire p. 108) s’adapte très bien à l’appauvrissement du sol subi par la Tunisie. L’Agence de la vulgarisation et de la formation agricoles (AVFA) la considère d'ailleurs comme une « technique innovante », ouvrant la voie à des aides aux agriculteurs souhaitant s’y conformer. En septembre 2019, elle a également signé une convention avec l’ATP pour que cette dernière forme les employés de l’agence à la permaculture. La très scientifique et moderne Banque nationale des gènes (BNG) remet également le passé au goût du jour en préservant et en multipliant les génotypes autochtones grâce à des équipements de pointe, dont un séquenceur ADN.
COMMUNIQUÉ
Entretien avec le professeur Raouf REKIK Pionnier régional en ophtalmologie et référence mondiale en chirurgie rétinienne, le Professeur Raouf Rekik, évoque l’Institut Vision & Rétine qu’il a fondé en 2017.
L’Institut Vision et Rétine est une clinique de standing international qui n’a rien à envier aux cliniques d’ophtalmologie à Washington, Londres ou Paris. Elle emploie des compétences médicales et paramédicales triés sur le volet dont trois chirurgiens de la rétine. Elle offre un plateau technique de pointe et ultraperformant pour le traitement chirurgical de la rétine. D’autres spécialités sont aussi au centre des activités de la clinique : l’exploration et la chirurgie du glaucome et de la cataracte, la chirurgie et la greffe de la cornée. En outre l’établissement propose le traitement au laser des vices de réfractions tel que la presbytie et la myopie. Ce traitement est exécuté exclusivement au laser (lasik; laser femto seconde). En matière de médecine, nous explorons un champ très large notamment toutes les complications du diabète au niveau de l’œil ainsi que la dégénération maculaire liée à l’âge avec également la recherche d’autres remèdes pour traiter ce type d’affection qui touche les sujets âgés.
Votre établissement est une référence en matière de recherche, pourquoi avoir choisi cette voie ? Actuellement dans beaucoup de pathologies, les solutions manquent et les moyens ne sont pas satisfaisants. La recherche devient impérieuse afin de mettre au point de nouvelles thérapeutiques plus efficientes. Notre démarche est celle de tout chercheur : un esprit
éveillé doté d’un sens de l’observation et capable d’évoquer des hypothèses qui seront in fine confirmées ou infirmées par des études précliniques et cliniques. C’est ainsi que nous avons réussi à mettre au point de nouveaux médicaments ayant obtenu des brevets d’invention internationaux.
Quels sont vos innovations ? On travaille beaucoup sur les dystrophies rétiniennes (pigmentosa, maculopathie de startgardt) et ces travaux ont abouti à l’obtention de deux brevets l’un en Europe et l’autre au Canada.
En quoi contribuez-vous à l’ophtalmologie africaine ? L’Institut Vision et Rétine de Tunis est un carrefour de soins entre l’Afrique, la région Mena, l’Europe et les États- Unis. Nous apportons pour l’Afrique des réponses à plusieurs pathologies dont essentiellement la chirurgie rétinienne et la greffe de cornée. Nous sommes équipés pour assurer cette chirurgie, et notamment les greffons que nous importons souvent des Etats Unis. En plus des soins, nos chirurgiens sont animés par la volonté de partager leur expertise avec leurs confrères. Forts de plusieurs dizaines de milliers d’interventions, sauvant la vue de leurs patients de différentes nationalités depuis quatre décennies ils ont l’ambition de continuer leur combat contre la maladie et à honorer leurs engagements en œuvrant à la formation de nouvelles générations de confrères venus du monde entier, mais surtout et en premier d’Afrique.
24 Rue du Lac Mâlaren, les Berges du Lac 1053 Tunis - Tunisie 24 Rue du Lac Mâlaren, les Berges du Lac 1053 Tunis Tél. : +216 31 28 00 00 / Fax : +216 32 40 00 00 Email : info@vrinstitut.com / contact@institut-vision-retine.com
www.institut-vision-retine.com www.institut-vision-retine.com
JAMG - Photos : D.R.
Vous êtes une référence mondiale en chirurgie rétinienne, qui a crée une clinique d’ophtalmologie, comment la présentez-vous ?
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE
LE PAYS DOIT RETROUVER SON « RÉGIME MÉDITERRANÉEN », SA TERRE N’EST PAS FAITE POUR UNE AGRICULTURE INTENSIVE.
Des semences distribuées ensuite aux 118 agriculteurs volontaires pour les faire pousser in situ. En 2018, le directeur de la BNG, M’Barek Ben Naceur, a même décidé de passer à la vitesse supérieure : au lieu de récupérer seulement l’équivalent des semences de blé fournies, il a racheté toute la production afin de diffuser plus rapidement ces variétés. Résultat, la récolte est passée de 13 tonnes en 2018 à 19 t en 2019. « En cas d’année sèche, comme cela va être le cas cette saison, les semences autochtones produiront tout de même un peu, alors que les variétés importées ne produiront rien », explique le spécialiste des céréales. Une récolte garantie et à moindre coût puisque ces types de blés sont moins gourmands en produits phytosanitaires. « Il faut que la Tunisie retrouve son “régime méditerranéen”: notre terre n’est pas faite pour une agriculture intensive de céréales ni pour des races de vaches laitières qui exigent de l’herbe grasse. Nous devons maximiser nos potentiels et non forcer la nature », estime Karim Daoud, président du Syndicat national
des agriculteurs (Synagri). La course à la productivité est d’autant plus vaine que la Tunisie souffre d’un fort morcellement des terres (70 % des paysans possèdent des exploitations de moins de 10 ha), qui rend difficile une augmentation des rendements. Résultat, les exploitants doivent soit vendre à des grandes sociétés agricoles, au risque de transformer le paysage rural en vastes champs de monoculture, soit se contenter d’une production vivrière. Pour y remédier, le ministère de l’Agriculture redécouvre les avantages des coopératives (lire p. 108). Décriées après l’échec de la collectivisation forcée des années 1960, celles-ci renaissent. Alors que seuls 8 % des agriculteurs ont accès aux crédits bancaires, les coopérants, par la force du nombre, peuvent par exemple obtenir des rabais auprès des fournisseurs ou bénéficier d’une couverture maladie. En 2019, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ont publié un rapport poussant l’État à moderniser
Yasser BOUOUD Génie de l’agritech
ONS ABID POUR JA
R
106
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
entré en Tunisie en 2006 après avoir passé cinq ans au Canada, où il a obtenu son diplôme d’ingénieur en génie logiciel, Yasser Bououd s’aperçoit, en reprenant l’exploitation familiale, des difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs. « On a un champ de dix hectares, ce qui n’est pas énorme. Mais j’ai souffert, par exemple, de sans cesse devoir aller ouvrir et fermer des vannes. Et j’ai pris conscience du coût réel de 1 kg de légumes », se souvient-il. Alors le soir, le mathématicien conçoit des programmes de pilotage de l’irrigation à distance, de gestion des stocks, de traçabilité, de comptabilité… En mars 2019, sa société, Ezzayra, cofondée avec Aymen Elfadhel et Youssef Garouachi, fait partie de la première cohorte de PME labellisées dans le cadre du Startup Act. Yasser Bououd aide aussi les agriculteurs à changer leurs pratiques, en montrant qu’irriguer pendant la journée en période de sécheresse est inutile et que le faire la nuit permet d’utiliser 30 % à 50 % d’eau en moins. Il espère lever 645000 euros de fonds cette année en mettant en avant ses grands clients, parmi lesquels le groupe Poulina, ou encore la société oléicole CHO. « L’IoT [internet des objets] est accessible à tous, tient-il à préciser. Y compris aux petits agriculteurs, dont 80 % ont plus de 50 ans et qui ne peuvent plus tout assumer. La technologie peut les aider. »
M.G.
Grand format TUNISIE ÉCONOMIE
ses sociétés mutuelles de services agricoles (SMSA) en les rendant moins contraignantes – le type de cultures est imposé aux adhérents – et à leur trouver un modèle de financement viable. Si l’agriculture se tourne de plus en plus vers le passé pour se trouver un futur, la technologie 4.0, celle des objets connectés, est également mise à contribution (lire ci-dessous). Elle peut non seulement
faciliter une agriculture raisonnée, mais aussi conserver et attirer les jeunes dans les régions touchées par la désertification rurale. Sur les 191 start-up labellisées par l’État, 11 travaillent dans le domaine prometteur de « l’agritech ». Et, pour exemple, en 2019, la Tunisie a signé avec la Corée du Sud un partenariat portant sur l’utilisation de drones pour cartographier le centre du pays afin d’améliorer les rendements.
Jihed BITRI
Permaculture modèle la reconversion d’une partie du terrain familial, jusqu’alors consacré à la monoculture de l’olivier. La diversification prônée par la permaculture permet des récoltes et, donc, des revenus toute l’année. Autre avantage : nul besoin de disposer de capitaux préalables pour acheter des machines ou des engrais. « Mes tracteurs, ce sont les lombrics, et mes engrais, l’humus », explique Jihed Bitri à ses convives lors des tables d’hôte qu’il organise chaque dimanche.
ONS ABID POUR JA
S
Amor SLAMA
Chantre des coopératives
A
M.G.
ONS ABID POUR JA
on jardin maraîcher d’à peine 25 ares lui permet de se verser un « revenu de cadre supérieur », d’employer deux permanents et trois saisonniers, et de fournir chaque semaine un panier de légumes à une quarantaine de familles. « L’Hérédium [nom de sa ferme] est la preuve que la permaculture, ça marche. Mais attention, ce n’est qu’une méthode, pas un projet », avertit l’ancien ingénieur devenu agriculteur en 2016. C’est d’ailleurs en scientifique que le quadragénaire a pensé
108
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
mor Slama est formel : les coopératives sont le meilleur moyen pour les petits et les moyens agriculteurs d’obtenir un prix minimum garanti, mais aussi d’assurer une qualité du produit « de la fourche à la fourchette ». Et sans elles, la Tunisie ne produirait plus de vins depuis longtemps… Alors qu’elle le faisait depuis l’Antiquité! « À l’indépendance, les exportations vers la France ont diminué, et l’agriculture a souffert: on a arraché quasiment tous les citronniers. Sans les coopératives, on aurait fait pareil avec les vignes! » Si l’État a ensuite favorisé la replantation de citronniers, pas sûr qu’il aurait fait de même avec les ceps. Ce sont les coopératives qui ont soutenu les viticulteurs et ont permis de trouver de nouveaux marchés (notamment en Allemagne). Sans elles, avec ses 12 ha de vignes, Amor Slama aurait abandonné. Aujourd’hui, il appartient au label « Les Vignerons de Carthage », promu par le gouvernement dans le cadre de l’agrotourisme (lire pp. 110-113). M.G.
COMMUNIQUÉ
YOOTH IT, l’opérateur télécom en France et le distributeur de valeur ajoutée en Afrique
wissem@yooth-it.com (+33) 06 50 08 04 55
YOOTH-IT continue sa croissance à travers sa filiale MyCOMtn en renforçant la distribution des équipements télécom, ainsi que des solutions de sécurité, Centrex et Communications Unifiées (UcaaS).
55 rue du Faubourg Montmartre 75009 Paris, France 19 rue Abou Bakr El Bekri 1073, Tunis Montplaisir, Tunisie
MyCOMtn réalise une croissance de 20% depuis 2017 et multiplie son portefeuille clients (Intégrateurs, éditeurs CRM, ERP) grâce au développement des connecteurs CRM, Clickto-call et surtout la remontée de fiche client lors d’un appel téléphonique entrant. L’ambition de MyCOMtn est de devenir le 1 er distributeur de valeur ajoutée, de toucher plus de secteurs tel que les banques, les hôtels, les cliniques, l’industrie et de renforcer sa présence en Afrique à travers des accords cadres avec des partenaires locaux, opérateurs et fournisseurs de services Internet africains.
Tél. : (+33) 01 85 88 55 55 - (+216) 70 02 80 00
www.mycomtn.com - www.grandstream.com.tn - www.yootel.io
JAMG - Photos : D.R.
Wissem BOUGUILA
YOOTH-IT, groupe spécialisé dans les télécoms, détient YOOTEL opérateur télécom d’entreprise en France et MyCOMtn distributeur des équipements de télécommunications en Tunisie, Algérie et en Afrique (Téléphonie IP, Sécurité, Visio-Conférence, Solution Wifi, Réseaux et Softswichs).
Grand format TUNISIE
SOCIÉTÉ Le très médiatisé chef Foued Frini présente une « madfouna », un mets typiquement tunisien.
110
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
Voyageaupays
des saveurs
Stages de pâtisserie à Tunis, façonnage de pain tabouna à Zaghouan, route des vins au cap Bon… Les Tunisiens, plus encore que les touristes, reprennent goût à la cuisine et aux produits du terroir. CAMILLE LAFRANCE
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
ONS ABID POUR JA
P
eu valorisée ces dernières années, que ce soit localement ou à l’international, la cuisine tunisienne reprend de la vigueur grâce aux initiatives associatives ou individuelles de passionnés et à l’énergie de professionnels, comme le chef médiatisé Foued Frini, sportif de formation qui s’est reconverti il y a six ans. Il faut dire que le complet poisson-frites huileuses s’est imposé dans bon nombre de restaurants du pays, au point d’être assimilé à la « gastronomie » locale. Mais le borzguene, le kabriz, les gritliya et la marka hlouwa tentent de reprendre leur juste place. Ces plats ne vous disent rien ? Normal, Foued Frini, qui a « fait ses classes au pays », les a dénichés patiemment. Le premier, spécialité du Kef, est un couscous sans concentré de tomate ni harissa (les deux ingrédients phares de la cuisine nationale), mais avec de l’agneau, du thym, du romarin, des dattes, du sucre et du lait. Le kabriz mêle dans une même soupe pâtes fraîches traditionnelles séchées au soleil, légumineuses et viande séchée (kadith). Les gritliya sont une spécialité de pâtes bizertines servies avec un poisson, le chauri. Quant à la marka hlouwa, c’est un ragoût sucré. De nombreux mets parmi les plus connus des Tunisiens connaissent des variantes d’une région à l’autre, comme la mloukhia (sauce de corète). Celle de Nabeul,
111
Grand format TUNISIE SOCIÉTÉ
UN TOUR EN CUISINES
De cours en tables d’hôtes, de marchés en fermes d’écotourisme, petite sélection d’expériences culinaires ou œnologiques de Tunis à Sfax, en passant par le cap Bon.
GRAND TUNIS
Kerkouane Mégrine Mornag Grombalia
Formation à la cuisine tunisienne. 21 séances de 3 h sur un mois et demi : 580 €.
TRAITEUR FOUED FRINI
MILLE ET UNE SAVEURS (Tunis, Berges du Lac, 1) Cuisine, pâtisserie et initiations à l’huile d’olive. Cours de 3 h, suivis d’une dégustation : 22 €. Stages de 3 demi-journées autour des épices : 160 €. CHEF SARROUR - SONIA AYARI (Ariana)
Pâtisseries tunisiennes et européennes. Cours le week-end de 9 h 30 à 14 h : de 32 à 48 €.
CHEF SONIA BEN ABDELKADER (Gammarth) Cours de cuisine tunisienne suivis d'un déjeuner, ou consacrés à la confection de pâtisseries orientales. Cours en matinée (3 participants maximum) : à partir de 18 €. FTARTCHI
Service de traiteur social (géré par l’association Apes), faisant appel à des femmes sans emploi qui cuisinent chez elles des produits locaux, de saison. Livraisons de formules déjeuner en centre-ville, cocktails. Ouverture en juin 2020 du centre de formation Ftartchi l’atelier.
Carthage
TUNIS
ACADÉMIE DES CHEFS (Tunis, quartier Montplaisir)
(Tunis, quartier Mutuelleville, Cité El Mahrajène) Cuisine tunisienne et cuisines du monde. Ateliers de 3 h : 25 € par adulte, 16 € par enfant.
CAP BON
Golfe de Tunis
Zaghouan
FERME DAR ZAGHOUAN
Ferme et gîte écologique de charme Cueillette des olives, distillation d’églantine, récolte de miel, confection de fromage local et de pain tabouna traditionnel. Entre 33 et 55 € la nuitée, petit déjeuner compris.
Korba
Nabeul
Golfe de Hammamet
Sousse
MAISON D’HÔTES DAR OMI
Diverses activités sur la demi-journée. Courses au marché, cours de cuisine, dégustation : de 10 à 22 €. Entre 30 et 45 € la nuitée, petit déjeuner inclus. Dîner : 10 €.
MORNAG ET CAP BON LA ROUTE DES VINS ITER VITIS MAGON
Circuit vignobles et patrimoine créé par un groupe de professionnels tuniso-italiens et soutenu par l’Union européenne. Trois étapes, associant chacune un domaine à un site historique : - Caves des Vignerons de Carthage, à Mégrine, et villas romaines de Carthage. - Domaine Neferis, à Grombalia, et musée de Nabeul. - Domaine de Kurubis, près de Korba, et site archéologique de Kerkouane.
MORNAG ECO FARM
MAISON D’HÔTES DAR SALMA
Cours de cuisine tunisienne donnés par l’hôtesse, Salma Ellouze. 35 € la nuitée, petit déjeuner inclus. Repas : de 12 à 22 €. Cours de cuisine : 20 €.
Sfax
Chambres et table d’hôtes. Ateliers cueillette, extraction d’huile d'olive, distillation de fleurs, confection de pain. Entre 25 et 35 € la nuitée. Repas : 10 €.
par exemple, se prépare avec du safran et de la fleur d’oranger. Les modes de cuisson varient eux aussi, souvent avec une touche de poésie. Ainsi, les Amazighs excellent dans l’art de la vapeur, alors qu’au Sahara la viande se cuit encore enterrée sous le sable. « Nous avons un patrimoine extrêmement riche, du fait des contrastes climatiques entre côtes, désert et montagnes… Malheureusement, la plupart des restaurants présentent des cartes internationalisées », regrette Foued Frini. « Cela ne fait que sept ans que je me concentre sur la cuisine tunisienne… Après vingt-cinq ans de métier, ça
112
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
devrait être l’inverse! » reconnaît Nébil Rokbani. Lui aussi, désormais, recherche des recettes « authentiques ». Avec l’association Saveurs de mon pays, il a mis neuf mois à dénicher la « copie zéro » (version originelle) d’une recette à Gafsa: celle d’un berkukech, d’épaisses graines de semoule roulées et séchées plusieurs fois. Le puriste semble même se muer en archéologue lorsqu’il évoque la linguistique et l’Histoire pour comprendre l’origine de tel ou tel plat. « On a besoin de livres à même d’expliquer aux futurs professionnels ce que signifient le nom, l’évolution et les spécificités de ces plats », souligne le chef, qui s’est d’ailleurs lancé
dans un master à distance (avec un institut canadien) sur les origines amazighs du sorbet! Autre reconvertie, Habiba Bennani, ex-consultante, a fondé en 2010 Mille et une saveurs, une structure qui dispense des cours de cuisines du monde. Et depuis que les produits dits « du terroir » ont à nouveau le vent en poupe, elle a lancé des stages de cuisine tunisienne. Conçus au départ pour les étrangers, ils attirent en fait 90 % de locaux. « Les gens se tournent vers une nourriture goûtue et moins onéreuse, c’est un retour aux basiques de nos grand-mères », constate-t-elle. Ainsi la oula (pratique de mise en conserve) reprend du galon. Des marques se sont lancées dans la confection de bocaux d’olives et de citrons confits à l’ancienne. Et les particuliers veulent réapprendre ces méthodes.
Talents locaux
La Tunisie a en effet longtemps délaissé la touche locale pour s’adapter aux cuisines internationales. Les formations professionnelles ont été conditionnées par le tourisme de masse et le départ de jeunes professionnels en quête d’emploi à l’étranger. « Quand vous dites “je suis chef”, on vous demande : “Dans quel hôtel ?” C’est presque la seule
référence », regrette Nébil Rokbani. Formé en Tunisie, puis en Allemagne, il a lui-même débuté dans l’hôtellerie avant d’exercer des activités de conseil en formation dans ce secteur. Il déplore par ailleurs le dénigrement des « métiers de base », comme celui de boucher, indissociable du saucier. Fondateur, en 2014, de l’association Maîtres des saveurs et gastronomes de Tunisie, il cherche à définir les normes des métiers de bouche afin de valoriser leurs savoir-faire. Ayoub Chaftar, qui a créé L’Académie des chefs, tente également de redonner leur place au savoir-faire et aux talents locaux. La formation en deux ans dispensée par son école privée n’y consacrant encore que 25 % de ses cours, une session sur les recettes nationales, d’une durée d’un mois et demi, a été mise en place. Prochain défi d’Ayoub Chaftar : « passer de la cuisine à la gastronomie ». Membre fondateur de l’Association tunisienne des professionnels de l’art culinaire (Atpac), il milite pour une codification de la cuisine tunisienne et compte sensibiliser le ministère du Tourisme à sa cause. « En faisant la promotion d’un tourisme de qualité, et pas seulement de masse, on pourra présenter plus facilement une cuisine typique. Les Japonais qui visitent la Tunisie n’y viennent pas pour manger italien, mais pour découvrir une culture! »
Grand format TUNISIE SOCIÉTÉ
MED MHAMDI
Cafés philo ou politiques, expos, scènes ouvertes… le Liber’thé accueille plus d’une dizaine d’événements par mois.
CULTURE
Espace de Liber’thé
Lieux de rencontres et de réflexion, d’expression pour les artistes locaux, les cafés culturels donnent un supplément d’âme à la capitale. Rendez-vous dans le plus actif d’entre eux. CAMILLE LAFRANCE
n grand laboratoire ! » C’est ainsi que Ghassen Labidi décrit le café culturel qu’il a ouvert en mai 2011 avec son jumeau, Mohamed Lassaad. L’un ingénieur, l’autre comptable, tous deux sont passés par « la case centres d’appels », où atterrissent nombre de jeunes diplômés, avant de tout plaquer pour ce projet. Le premier a vendu sa voiture, le second a contracté un prêt à la consommation, et le Liber’thé est né. Situé au cœur du quartier Lafayette, dans le centre de Tunis (55, rue d’Iran), leur café est devenu un pilier de la scène culturelle tunisoise.
U
«
114
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
En guise de déco, des colonnes « graffées » et des tableaux d’artistes sortis des Beaux-Arts de Tunis. En maître des lieux, un chat moucheté auquel on a donné le nom du crème local : Capucin. Habitués des théâtres et des cinémas de la capitale, les frères Labidi ont voulu rassembler différents groupes et briser l’ambiance moribonde des soirées de ce coin du centre-ville. Cafés philo ou politiques, expos et scènes ouvertes: avec plus d’une dizaine d’événements par mois, le Liber’thé est devenu un lieu de rendez-vous. « On a créé des habitudes, des concepts et même des communautés », se félicite Ghassen Labidi.
Quelques milliers de livres tapissent les rayonnages des bibliothèques qui courent sur deux pans de mur de l’unique salle. On peut les consulter sur place, gratuitement, ou les emprunter, moyennant un abonnement annuel de 30 DT (moins de 10 euros). Et lorsqu’un grand écran descend depuis le haut de l’une des bibliothèques, voilà le Liber’thé transformé en salle de cinéma, avec une centaine de places assises, où documentaires et courts-métrages ont la part belle.
À l’aise
Dans la journée, étudiants, universitaires, activistes et journalistes y fourmillent. « Pour que notre société et notre démocratie progressent, et pour que la jeunesse avance sur des fondements solides, il faut un boom culturel à même de faire évoluer les idées », explique Ghassen. « Notre but est de développer une conscience collective. Un café est un bon point d’entrée pour mobiliser de jeunes citoyens », renchérit Mohamed Lassaad. « C’est un lieu à la portée de tous, et dès que je vois passer un truc intéressant j’essaie de venir », confirme un habitué. « On manque de lieux mixtes. Ici on se sent à l’aise », ajoute une autre. Une partie des revenus est investie dans la programmation. Les frères Labidi ont créé l’Association culturelle de création et réflexion optimiste (Accro), qui leur permet de soutenir les initiatives culturelles et artistiques, en particulier celles d’une jeunesse « de plus en plus déconnectée de la politique ». Ils consacrent une partie de leur temps à rédiger des projets et à orienter celles et ceux qui viennent avec leurs propres idées. C’est d’ailleurs ce qui permet d’attirer des financeurs – principalement européens – et de voir plus grand. Plusieurs rendez-vous désormais réguliers y ont éclos, tels que « Murmures à Tunis », une programmation de miniconcerts de musique alternative, filmés pour leur donner de la visibilité, ou encore le festival « Tunis Scène libre », neuf jours de compétition artistique, tous domaines confondus, en partenariat avec d’autres lieux d’arts vivants de la capitale. Les projets nés derrière les tables de bois du Liber’thé ont également essaimé ailleurs, comme Notre Dame des mots, qui réunit des « femmes écrivains ». Certaines
collaborations ont même rejoint la Cité de la culture, mastodonte qui, depuis son inauguration, en 2018, centralise une bonne partie des activités culturelles de la capitale.
Lourdeurs administratives
Mais le Liber’thé reste une exception. Rares sont les cafés culturels tunisois créés dans l’émulation postrévolutionnaire qui sont parvenus à survivre. Ouvert en 2013, le Whatever Saloon, hangar devenu repère de rappeurs et de métalleux, a mis la clef sous la porte en 2016. Le Ser W Kamun, malgré les débats et les projections de qualité qu’il organisait, n’a tenu qu’un an. Même les 700 m2 du café-théâtre L’Étoile du Nord ont été rayés de la carte. Son propriétaire est parti à l’étranger en déplorant le manque de politique culturelle du pays. « Outre les problèmes de gestion ou d’autorisations, il faut avoir un fonds de roulement, une stratégie marketing et une carapace », souligne Mohamed Lassaad Labidi. Les lourdeurs administratives sont dissuasives. D’autant plus que les cafés culturels n’ont pas d’existence légale dans le pays. Certains songent à se fédérer pour réclamer, enfin, une reconnaissance. En attendant, le Liber’thé – qui a pourtant reçu le Tanit d’or 2017 du meilleur espace culturel indépendant lors des Journées théâtrales de Carthage – a deux patentes, soit une double imposition, l’une pour le café et l’autre pour l’association.
LA SALLE PEUT SE TRANSFORMER EN CINÉMA, OÙ DOCUMENTAIRES ET COURTSMÉTRAGES ONT LA PART BELLE.
AU CŒUR DE TUNIS EL ALI Ce restaurant traditionnel de la médina, avec salon de thé et belle terrasse, est aussi un café culturel, qui accueille des concerts, du stambéli à la soul (surtout d’avril à octobre). 45 bis, rue Jemaâ-Zitouna LE RIO Outre sa programmation, ses ateliers artistiques et cours
(arts du cirque, tango…), ce cinéthéâtre organise des rencontres et des débats. 92, rue Radhia-Haddad LE 4E ART Ce théâtre (ancien « Cinéma le Paris », restauré par le Théâtre national tunisien) propose des happy hours musicales intimistes et des cafés politiques. 27, avenue de Paris
BEN’S COFFEE Après les concerts, projections et ateliers photo, ce café design du quartier Lafayette organise désormais des soirées foot et karaoké. 36, avenue de la Liberté THE WOOD Ambiance karaoké et quelques concerts pour ce lieu chaleureux aux murs de brique. 4, rue de la Palestine
jeuneafrique no 3087 du 8 au 14 mars 2020
115