JA 3092 DU 30 AOUT 2020 OBJECTIF CONGO BRAZZAVILLE

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SEPTEMBRE 2020

MALI LE RÉCIT EXCLUSIF DE LA CHUTE D’IBK NO 3092 – SEPTEMBRE 2020

ENQUÊTE

RIFIFI À LA CEMAC

CÔTE D’IVOIRE 2011-2020 : LE VRAI BILAN

1960

L’ANNÉE OÙ L’AFRIQUE S’EST RÉVEILLÉE

24 pages

RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

NOS ENTREPRISES FACE AU COVID-19 8 pages

JEUNE AFRIQUE N O 3 0 92

Algérie 420 DA • Allemagne 9 € • Belgique 9 € Canada /A 12,99 $CAN • Espagne 9 € • France 7,90 € Grèce 9 € • DOM 9 € • Italie 9 € • Maroc 50 MAD Pays-Bas 9,20 € • Portugal continental 9 € • RD Congo 10 USD Suisse 15 CHF • Tunisie 8 TND • TOM 1 000 XPF Zone CFA 4800 F CFA • ISSN 1950-1285

CONGO

Le compte à rebours À sept mois de la présidentielle, à laquelle il sera – nul n’en doute – candidat, Denis Sassou Nguesso sait qu’en ces temps de crise les Congolais attendent de lui des réformes et des raisons d’espérer. Si les résistances sont encore vives dans son propre camp, le « patron » n’a d’autre choix que d’offrir à ses compatriotes de vrais signes de changement. Spécial 14 pages


OBJECTIF CONGO UN PAYS, SES DÉFIS

POLITIQUE

DSN et les mandarins

Après l’électrochoc créé par la crise financière liée à la chute des cours du brut, un aggiornamento s’impose. Pourtant, à sept mois de la présidentielle de mars 2021, à laquelle Denis Sassou Nguesso devrait se porter candidat pour un quatrième mandat, les résistances au changement, y compris dans son propre camp, sont encore nombreuses.


I

CÉCILE MANCIAUX

l était là, droit et grave comme de coutume, boulevard Alfred-Raoul, à Brazzaville, le 15 août. Défilé minimal, pour cause de Covid-19, en ce jour de fête nationale, avec une parade réduite à sa simple composante militaire, dont il surplombe la lente procession martiale sous le soleil voilé de la saison sèche. Sur les six célébrations décennales de l’indépendance, Denis Sassou Nguesso (DSN), 76 ans, en aura présidé cinq – il était le bras droit de Marien Ngouabi lors de la première. C’est donc ce chef d’État enraciné au pouvoir comme un baobab à son terroir que le Parti congolais du travail (PCT), largement majoritaire au Parlement, a une nouvelle fois investi pour la prochaine présidentielle, prévue en mars 2021. DSN acceptera-t-il l’offre du parti qu’il cofonda en décembre 1969 ? Ceux qui le connaissent n’en doutent guère. Adoptée au forceps il y a cinq ans, la nouvelle Constitution l’y autorise. Mais, cette fois, on est loin du climat délétère qui avait entouré la présidentielle de 2016, quand les dauphins en eaux troubles guettaient la moindre de ses hésitations : le camp du pouvoir semble aujourd’hui faire bloc autour de lui. Par conviction, par résignation, voire tout simplement par peur d’être livrés à la vindicte publique pour ceux dont l’impopularité est proportionnelle à l’enrichissement. Tous savent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de soutenir celui qui les a « créés » et continue de les protéger.

Le chef de l’État, le 18 mars 2016, à Brazzaville, lors du meeting de clôture de sa précédente campagne.

no3092 – SEPTEMBRE 2020

MARCO LONGARI/AFP

Une opposition qui navigue à vue

Des troupes en rangs serrés, un PCT ultradominant et en ordre de bataille, une administration d’une efficacité redoutable en période électorale et un chef qui, à force d’être torpillé sans jamais couler, semble insubmersible : la messe serait-elle déjà dite à sept mois de l’échéance ? D’autant que l’état dans lequel végète l’opposition n’incite guère

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OBJECTIF CONGO

LES ÉCHOS DU CONGO BRAZZAVILLE

POLITIQUE

Le 15 août, le pays a célébré le soixantième anniversaire de l’indépendance en toute sobriété. Temps fort de la cérémonie: la revue des troupes par Denis Sassou Nguesso.

à croire en la possibilité d’une alternance au sommet. Financièrement exsangue, divisée, en panne de leader depuis l’incarcération du général Jean-Marie Michel Mokoko, condamné en 2018 à vingt ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État » (et soigné en Turquie depuis le 30 juillet), l’opposition navigue à vue entre intransigeance diurne et arrangements nocturnes. Côté pile: l’exigence d’un dialogue inclusif, d’une révision des listes électorales, voire d’un gouvernement d’union nationale censé préparer une élection apaisée. Côté face : de très discrètes négociations individuelles, où chacun marchande sa participation à un scrutin (presque) joué d’avance. Si Pascal Tsaty Mabiala, dans la Bouenza, et Parfait Kolélas, dans le Pool (lire p. 92), peuvent se prévaloir d’un ancrage régional (quoique ce dernier paraisse en perte d’influence dans ce département sinistré), Claudine Munari et Mathias Dzon ont vu leur base partisane se réduire comme peau de chagrin depuis cinq ans. Par ailleurs, tous sont d’anciens ministres, sous la présidence de DSN pour les trois derniers. Pas facile dans ces conditions d’incarner l’alternance aux yeux de l’opinion.

Anesthésiants collectifs

Sans doute est-ce du côté de la diaspora, très politisée (particulièrement en France), et de la société civile, quoique encore embryonnaire

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no3092 – SEPTEMBRE 2020

comparée à celle qui agit chez « le voisin d’en face », la RD Congo, qu’il faut chercher les ferments d’une opposition radicale au régime de Denis Sassou Nguesso. Mais ces noyaux d’activistes, très virulents sur les réseaux sociaux à défaut d’être implantés sur le terrain, sont eux aussi gangrenés par le mal récurrent qui, depuis l’indépendance, mine la société congolaise : le communautarisme. À cet autre virus, contre lequel nul vaccin n’a encore été trouvé, personne n’échappe. Pas même la puissante Église catholique, actuellement en pleine restructuration interne, ni, a fortiori, les multiples Églises de réveil, en quête permanente de sponsors. La dégradation du climat économique et social (lire pp. 94-95) sous l’effet conjugué de la pandémie de Covid-19 – face à laquelle le Congo a réagi rapidement et plutôt mieux qu’ailleurs – et de la chute brutale des cours du pétrole est pourtant propice aux mouvements de contestation. Mais le traumatisme collectif des guerres de Brazzaville et du Pool, dans les années 1990 et 2000, la faiblesse des syndicats, l’absence d’une culture de revendication urbaine, l’attentisme quasi pavlovien

UN MAL RÉCURRENT MINE LA SOCIÉTÉ CONGOLAISE: LE COMMUNAUTARISME. UN VIRUS CONTRE LEQUEL NUL VACCIN N’A JAMAIS ÉTÉ TROUVÉ.



OBJECTIF CONGO

POLITIQUE des fonctionnaires vis-à-vis de l’État et la conviction largement partagée que ce pouvoir est inamovible sont autant d’anesthésiants collectifs.

Volonté réformatrice

Reste que l’époque où les Congolais accordaient un blanc-seing à Denis Sassou Nguesso est révolue. Pour séduire les électeurs – tout au moins ceux que l’abstention aura épargnés –, le président sortant a toujours en main la carte de la stabilité et, dans une certaine mesure vu la conjoncture, celles du développement et du retour de la croissance, aujourd’hui à bout de souffle. Mais cela ne suffit plus : ce sont les signes d’un renouvellement des élites au pouvoir et d’une réelle bonne gouvernance qu’attendent les Congolais – en particulier une jeunesse avide d’entreprendre –, lesquels s’interrogent sur le maintien au sein des instances dirigeantes d’un quarteron de puissants ministres qu’ils jugent directement responsables de l’état d’impréparation dans lequel le pays doit affronter ce qui est sans doute la pire crise économique et financière qu’il ait connue depuis l’indépendance. « Les facteurs bloquants des réformes voulues par le président, ce sont certains des responsables justement censés les mettre en œuvre, soupire l’un des experts chargés du dossier Congo au Fonds monétaire international. À croire que, quand ils sentent leurs intérêts menacés, la pérennité du régime devient à leurs yeux secondaire. »

Certes, les résistances au changement cèdent par endroits, ce qui est motif d’espoir. Ministre des Finances et du Budget depuis 2016, Calixte Ganongo a ainsi effectué un gros travail d’assainissement, salué par les bailleurs de fonds – au prix d’un AVC, heureusement résorbé, tant les pressions exercées à son encontre par ceux que son activisme dérangeait ont été vives… Autres secteurs dynamisés par leurs titulaires respectifs : l’éducation primaire et secondaire, les PME, l’environnement (élément clé du soft power congolais) et l’écotourisme, porté par le label Green Congo. Économiste, ancien banquier et ex-dignitaire du régime de Pascal Lissouba avant de rallier celui de DSN, le Premier ministre, Clément Mouamba, est lui aussi crédité d’une volonté réformatrice par les diplomates en poste à Brazzaville. « Il fait ce qu’il peut pour répondre à la volonté présidentielle de diversifier et de dépolluer l’économie, explique l’un d’eux. Mais les baronnies auxquelles il se heurte sont tentaculaires. »

LES FACTEURS BLOQUANTS DES RÉFORMES, CE SONT CERTAINS DES RESPONSABLES JUSTEMENT CENSÉS LES METTRE EN ŒUVRE.

Déficit d’esprit patriotique

« Travail acharné », « abnégation », « esprit de sacrifice » : dans son discours à la nation prononcé le 14 août au soir, à la veille du soixantième anniversaire de l’indépendance, Denis Sassou Nguesso a une fois de plus égrené les conditions indispensables, selon lui, à la sortie de crise. A-t-il été compris, entendu ?


PUBLI-REPORTAGE

BEAC

Banque des États de l’Afrique Centrale

Hausse des rapatriements et des rétrocessions des devises dans la CEMAC à la faveur de la mise en œuvre de la nouvelle règlementation des changes La mise en œuvre des dispositions du Règlement n°02/18/CEMAC/ UMAC/CM du 21 décembre 2018 portant réglementation des changes dans la CEMAC et de ses textes subséquents a permis de garantir la gestion optimale des opérations entre la CEMAC et l’étranger ainsi que des devises qui en sont issues. Ainsi, la nouvelle réglementation des changes dans la CEMAC fait obligation aux agents économiques résidents de rapatrier les devises issues des opérations internationales. Contrairement à la réglementation de 2000 dont l’obligation de rapatriement ne visait essentiellement que les devises issues des recettes d’exportation, le Règlement sus visé étend ladite obligation aux devises issues de l’ensemble des opérations internationales effectuées dans le sens de l’étranger vers la CEMAC avec pour principal avantage l’élargissement de l’assiette des rétrocessions des devises rapatriées et centralisées par la BEAC.

Abbas Mahamat Tolli, Gouverneur de la BEAC.

La mise en œuvre effective dee tous ces leviers a conduit à une forte évolution des rétrocessions qui ont atteint 6 201 milliards de F CFA au 31 décembre 2019 contre 3 277 milliards de F CFAA au cours de la même période de d l’année précédente, soit une hauussee d’environ 89%.

Évolution des retrocessions en glissement annuel

Le suivi de l’application effective des dispositions du Règlement s’est traduit par une hausse des rapatriements et des rétrocessions, ce qui a impacté positivement les réserves de change de la Communauté qui se sont établies à 4348 milliards de FCFAau 31 décembre 2019,contre 3777 milliards de FCFA une année auparavant. Au 30 juin 2020, les réserves de change de la CEMAC ont atteint 5152 milliards de FCFA, soit une hausse de 20,5% du niveau des avoirs extérieurs enregistrés au 30 juin 2019, où ces avoirs se fixaient à 4276 milliards de FCFA. Sur les six premiers mois de l’année 2020, la tendance est encore plus encourageante. En effet, les rétrocessions affichent un bond notable en glissement annuel. Elles se chiffrent globalement à 4 182 milliards de FCFA à fin juin 2020, soit près de 2 fois les rétrocessions reçues à période comparable en 2019 (2167 milliards de FCFA ). Ce niveau représente 127% du total des rétrocessions de 2018 et 67% du total des rétrocessions de 2019. Ces résultats remarquables sont imputables aux activités de contrôle sur pièces et sur place menées par la BEAC depuis le début de l’année 2020 et des sanctions appliquées aux contrevenants. La nouvelle réglementation des changes, perçue à l’entame de sa mise en œuvre comme une source de détérioration du climat des affaires dans la CEMAC, apparaît en réalité comme un instrument de consolidation de la position extérieure de la BEAC, gage de la disponibilité des devises pour le commerce international.

LES PAYS DE LA CEMAC :

BP 1917 - Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 222 23 40 30/ 222 23 40 60 Fax : (+237) 222 23 34 68 Email : communication@beac.int

CAMEROUN N CENTRAFRIQ QUE CONGO GABON GUINÉE ÉQUAT TORIALE TCHAD

Banque des États de l’Afrique Centrale

www.beac.int

JAMG - Photos : D.R.

Parailleurs,laBEACadéveloppéeninterne,dèsl’entréeenvigueurde la Réglementation des changes, un système de reporting quotidien de suivi des obligations des assujettis en termes de rapatriement et de rétrocession des devises. Ce dispositif est en cours d’amélioration par le développement d’une application dédiée au traitement des transferts et au suivi du respect des dispositions de la réglementation des changes. En outre, l’outil SWIFT Scope, entré en production depuis mars 2019, permet également d’effectuer un suivi des opérations transfrontalières effectuées par les banques commerciales de la Zone. La BEAC peut ainsi renforcer la surveillance des violations aux dispositions réglementaires, notamment celles relatives aux obligations de rapatriements et de rétrocessions .


OBJECTIF CONGO

POLITIQUE dénigrent leur propre pays. « Les Congolais ne s’aiment pas », entend-on souvent dire. À sept mois d’une élection qui, s’il l’emporte, le reconduira jusqu’en 2026, DSN est plus que jamais contraint de calquer son action sur le vol d’un hélicoptère : suffisamment bas pour réaliser l’exploit quotidien qu’est le paiement des fonctionnaires dans un pays sous assistance respiratoire et suffisamment haut pour que ses compatriotes se conforment enfin à l’un des credo de l’hymne de l’indépendance: « Oublions ce qui nous divise… »

Rien n’est moins sûr, car, quels que soient l’échelle sociale, la région d’origine, l’appartenance politique, les convictions religieuses, les diplômes obtenus et le lieu de résidence, ce qui désunit les Congolais l’emporte trop souvent sur ce qui les unit. Au Congo comme au sein de la diaspora, l’observateur étranger reste perplexe devant le déficit d’esprit citoyen et patriotique, la tentation permanente de l’enrichissement et du recours à la violence, ainsi que la facilité avec laquelle ses interlocuteurs s’écharpent et

Têtes d’affiche

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DOC JDB TV

STEEVE RODRIC POUR JA

LAUDES MARTIAL MBON/AFP

Qui face à Sassou ?

Pascal Tsaty Mabiala

Guy Brice Parfait Kolélas

Anatole Limbongo Ngoka

Une tentative, un échec. Qu’à cela ne tienne, Pascal Tsaty Mabiala, 71 ans, est à nouveau candidat. Le premier secrétaire de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) est, depuis 2017, le chef de file de l’opposition – statut créé par la Constitution de 2015 et assorti en théorie de quelques avantages matériels –, bien que l’Upads ne pèse pas bien lourd dans l’hémicycle avec 8 députés sur 151. Député de Loudima depuis 1992, ministre de la Défense dans le dernier gouvernement de Lissouba (1997), Pascal Tsaty Mabiala a boycotté les scrutins de 2002 et de 2009, mais a concouru à la présidentielle de 2016, à laquelle il est arrivé quatrième, avec 4,5 % des suffrages exprimés. En décembre 2019, il s’était prononcé pour une période de transition jusqu’en 2023, à l’issue de laquelle le scrutin se tiendrait sans Denis Sassou Nguesso.

À 61 ans, le fils de Bernard Kolélas doit encore se faire un prénom. Le président de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki, parti qu’il a créé en 2017) est cependant arrivé deuxième à la présidentielle de 2016, avec un peu plus de 15 % des suffrages, et a été l’un des premiers dirigeants de l’opposition à reconnaître la victoire de DSN. Il semble déterminé à marquer des points en 2021, même si ses détracteurs voient en lui « un faire-valoir » qui, secrètement, aspire surtout à devenir le… chef de file de l’opposition. Membre du Parti communiste français (PCF) de 1983 à 1993, docteur en économie, Parfait Kolélas a été ministre de la Pêche, puis de la Fonction publique à la fin des années 2000, avant de passer dans l’opposition, où il a notamment été soutenu par le Français Louis Aliot, dont il est proche et qui était alors vice-président du Front national.

Peu connu du grand public, cet économiste, ex-militant du PCF dans les années 1970-1980, se rêve en successeur de Denis Sassou Nguesso. En juin, Anatole Limbongo Ngoka, 68 ans, a créé le Parti africain pour un développement intégral et solidaire (Paradis) et croit fermement que son nouveau mouvement servira de tremplin à sa candidature. Ex-compagnon de route du général Jean-Marie Michel Mokoko, emprisonné notamment pour « atteinte à la sûreté de l’État » après s’être déclaré vainqueur de la présidentielle controversée de 2016, Anatole Limbongo Ngoka rejette les accusations des « mokokoïstes », qui le qualifient de « traître » et considèrent l’annonce de sa candidature à la présidentielle de 2021 comme une manœuvre destinée à disperser les voix de l’opposition pour préparer la victoire du président sortant.

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ARTHUR MALU-MALU


BRAZZAVILLE, AOÛT 2020 - Dans les projets d’in-

frastructures urbaines, les communautés sont souvent perçues comme de simples bénéficiaires. Le projet de Développement Urbain et de Restructuration des Quartiers Précaires (DURQuaP) a contribué à inverser ce paradigme. Les populations ne sont plus seulement des bénéficiaires, elles participent à l’identification des travaux financés dans le cadre du projet, à leur exécution, ainsi qu’à leur entretien. Une étape importante a été franchie récemment avec le lancement officiel des travaux par le Ministre de l’Aménagement, de l’Équipement du Territoire et des Grands Travaux. Les travaux, identifiés par les populations elles-mêmes, consisteront, pour l’essentiel, en la construction de 10 km des voiries par pavage, en la réhabilitation des réseaux eau et électricité et d’équipements communautaires tels que des centres de santés, des marchés domaniaux, etc. Les travaux ont été sélectionnés dans une logique rigoureuse permettant de désenclaver les populations et de favoriser une meilleure mobilité et un accès aux services urbains de base. Il est aussi important de rappeler que, cette phase décisive de la vie du projet constitue l’étape ultime d’un long processus qui a nécessité l’instauration de la dynamique participative dans les quartiers au travers des formations et autre activités communautaires, pour s’assurer, non seulement, de la participation effective des communautés, mais aussi et surtout de renforcer leur sentiment d’appropriation de la démarche implémentée. Cette participation pleine des populations, une première dans un projet d’infrastructures en République du Congo, n’a pas laissé indifférent un couple d’octogénaire, habitant le quartier Moukounzi-Ngouaka. « Tout ceci constitue, pour nous, habi-

tants de Moukounzi-Ngouaka, un soulagement que vous ne pouvez imaginer. Ça va désenclaver le quartier ; les populations pourront se soigner dans les bonnes conditions en étant dans le quartier même. Personne ne pensait que ça pouvait arriver… C’est comme un rêve… Merci au gouvernement et à la banque mondiale. Merci, merci ! » La démarche inclusive du DURQuaP vise également à répondre aux aspirations de la main d’œuvre locale, notamment les jeunes. Ainsi, actuellement, ces travaux créent des emplois pour les jeunes des quartiers cibles du projet. La main d’œuvre locale est, ici, priorisée. Une procédure d’usage dite « haute intensité de main d’œuvre » (HIMO) véritable opportunité d’emplois pour les personnes non qualifiées, est expérimentée afin de permettre aux populations des quartiers de participer à l’exécution de tâches bien spécifiques sur les chantiers, sous la supervision des entreprises de travaux recrutés par l’unité de coordination du DURQuaP. Sans nul doute, la fin des travaux, prévus d’ici mai 2021, contribuera, non seulement, à un changement certain des comportements, mais surtout, à l’amélioration durable des conditions des vies des populations. Pour rappel, le DURQuaP est un projet du Gouvernement de la République du Congo, financé par la Banque mondiale et mis en œuvre conjointement avec celle-ci. Il a été lancé en avril 2017 et clôturera en mai 2021. Il a pour objectifs : l’amélioration de l’accès aux infrastructures de base pour les populations vivants dans les quartiers précaires ciblés à Brazzaville et à Pointe-Noire, ainsi que le renforcement des capacités du gouvernement et des municipalités en matière de restructuration urbaine.


OBJECTIF CONGO

ÉCONOMIE

Maudit pétrole… Malgré la restructuration de la dette avec la Chine et le retour de l’aide du FMI en 2019, la croissance devrait chuter de 8,6 % cette année. Une récession dont le Covid n’est pas le seul responsable.

M ALAIN FAUJAS

otus et bouche cousue ! Personne ne veut parler officiellement des déboires de la République du Congo. Ni le FMI, ni la Banque mondiale, ni les organismes multilatéraux ou bilatéraux d’aide qui s’inquiètent de son sort avec un mélange d’exaspération et de lassitude. Tout ce beau monde du développement presse le Congo d’en finir avec ses pratiques pétrolières peu orthodoxes qui l’ont relégué à la dernière place de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et le privent aujourd’hui de moyens de défense contre le Covid-19. Mais pas question d’en faire état sur la place publique. Pour y voir clair, restent quelques analystes, qui requièrent l’anonymat, et les rapports, balancés mais cruels, du FMI.

Drogué aux hydrocarbures

S’il est un pays qui illustre la malédiction des matières premières en général et de celle du pétrole en particulier, c’est le Congo. L’or noir représente 90 % de ses exportations, 60 % de son activité économique et les deux tiers de ses recettes budgétaires. Autant dire que la santé économique du pays dépend totalement du cours du baril de brut et que les retournements conjoncturels la sanctionnent durement. Troisième producteur africain de pétrole, le Congo enregistre, depuis l’effondrement des cours, en 2014, les plus faibles taux de croissance des pays de la Cemac : probablement jusqu’à – 8,6 % en 2020, pandémie aidant, selon les projections du FMI (voir infographie). Ce qui se traduit par un appauvrissement continu

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des Congolais puisque la récession est encore plus marquée lorsqu’on observe l’évolution du PIB par habitant : – 8,7 % en 2018, – 3 % en 2019 et – 10,8 % en 2020. Pour obtenir l’aide vitale du FMI et éviter un naufrage, le gouvernement a fait des efforts méritoires afin de redresser les déficits budgétaires et de réduire une dette extérieure passée de 40 % du PIB en 2011 à plus de 117 % en 2017 et qualifiée d’« insoutenable » par le Fonds (environ 9 milliards de dollars). Les recettes fiscales ont atteint 12,5 % du PIB en 2017, contre 6,6 % en 2008. Avec une meilleure surveillance des dépenses, un excédent budgétaire de 8,8 % a pu être dégagé en 2019. Pressé par le Fonds d’alléger la charge de sa dette, Brazzaville a longuement renégocié une restructuration des prêts et des avances sur production pétrolière avec la Chine (2,2 milliards de dollars) et avec des négociants (Orion, Glencore et Trafigura, pour quelque 2 milliards de dollars). L’accord avec la Chine, le 29 avril 2019, a permis de réduire le fardeau de 370 millions de dollars jusqu’en 2022. Un accord avec Orion, dont on ne connaît pas le détail, a suivi en avril 2020. Face à cette évolution favorable, qui, selon l’agence de notation S&P,

L’OR NOIR REPRÉSENTE ENCORE 90 % DES EXPORTATIONS, 60 % DE L’ACTIVITÉ ET PLUS DE 65 % DES RECETTES DE L’ÉTAT.

devrait ramener le poids de la dette de 125,8 % du PIB en 2020 à 95,8 % en 2022, le FMI a approuvé, en juillet 2019, un quatrième plan de sauvetage sur trois ans de 448 millions de dollars (dont une première tranche de 44,9 millions décaissée immédiatement), que sont venues abonder la Banque mondiale (288 millions), la Banque africaine de développement (441 millions) et la France (150 millions). En contrepartie, le gouvernement congolais s’est engagé à mettre en œuvre 48 mesures visant à assainir ses finances et à diversifier ses recettes, afin de ramener la dette publique totale à 70 % du PIB en trois ans (contre 87 % en 2018). La convalescence s’annonçait possible.

Rechute, diagnostic et pronostic

Est-ce à cause de la lenteur des négociations avec Glencore et Trafigura ? Toujours est-il que le FMI a suspendu ses déboursements à la fin de 2019. Il semblerait qu’un nouveau paquet de dettes cachées ait été découvert au sein de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC). Selon un rapport de l’ONG Global Witness publié le 27 janvier 2020, « la SNPC supporte un passif s’élevant à 3,3 milliards de dollars adossé au pétrole, jusque-là dissimulé et qui pourrait porter le total de la dette publique à près de 13 milliards de dollars, soit plus d’un tiers supplémentaire par rapport aux dernières estimations du FMI ». Sur ce total, la société publique devrait 2,7 milliards de dollars aux compagnies pétrolières, comme Total, Chevron et ENI, qui lui auraient facturé des coûts opérationnels extrêmement élevés. D’autre part, la SNPC aurait prêté pour 1,18 milliard à des entités non identifiées – « davantage que son chiffre d’affaires annuel », souligne Global Witness. Pour le FMI, la gouvernance congolaise laisse à désirer. « L’augmentation massive des investissements publics n’a été accompagnée ni d’une planification, d’une exécution et d’une évaluation adéquates des investissements, ni de pratiques transparentes


négatives, ce qui laisse craindre que le pays aura beaucoup de difficultés à la rembourser. De son côté, le FMI est pessimiste sur les perspectives de production pétrolière. Les gisements de Moho-Nord, de Moho Bilondo, de Banga-Kayo et de Néné-Banga porteront, certes, sa capacité bien au-delà de 180 millions de barils par jour au cours de la période 2020-2023 (lire « Au Congo, une seconde vague d’or noir », sur jeuneafrique.com), mais, « en 2023, en l’absence de faits nouveaux et à mesure que les gisements arrivent à maturité, la production pétrolière devrait diminuer de 16 % par rapport aux niveaux records ».

REPÈRES

Un léger mieux (en pourcentage du PIB)

2017

2018

2019

Solde des transactions courantes

– 3,5

7,2

8,0

Solde budgétaire global

– 7,4

6,6

8,8

Dette publique extérieure

80,0

61,3

55,2

Dette publique totale

117,5

87,1

77,5

Investissement brut

29,8

17,1

19,9

dont privé

21,9

14,9

15,7

La récession la plus marquée de la zone Cemac

Remèdes

(évolution du PIB réel, en %, à prix constants)

2018

2019

2020

2021

Projections

Cameroun

4,1 3,7

– 4,1

3,3

Centrafrique

3,0

– 1,0 – 6,4

– 0,6

– 8,6

Guinée équat.

– 8,1

3,0

– 1,1 – 5,8 – 6,1 2,5

Gabon

1,0 – 0,9

2,1

Tchad

2,3 3,0

– 0,8

Moyenne Cemac

6,2

– 0,1 – 3,7

dans la passation des marchés publics », note-t-il. Le Fonds critique aussi l’opacité des accords de partage de production avec les opérateurs, la mauvaise affectation des fonds d’origine pétrolière et l’absence d’audit de

3,8

1,1 2,7

SOURCES : FMI, REGIONAL ECONOMIC OUTLOOK JUNE 2020 UPDATE

Congo

3,8

la SNPC – pourtant prévu. Il s’étonne que la part de la production pétrolière revenant à l’État soit tombée de 56 % en 2012 à 40 % en 2017 et à 37 % depuis 2018. S&P a noté la dette du Congo à – B/B sous perspectives

Pour en finir avec une opacité dommageable et propice à toutes les manipulations, Alex SeguraUbiergo, chef de mission du FMI au Congo, a donné, le 24 juillet 2019, la liste des réformes contenues dans le programme de réformes gouvernemental. Y figurent « l’obligation de déclaration de patrimoine des hauts représentants de l’État, la mise en place d’une autorité de lutte contre la corruption [laquelle est entrée en fonction le 27 juillet 2020], la publication des accords de production pétrolière, la réforme des statuts de la SNPC, dont les comptes seront désormais vérifiés chaque année, et l’établissement de rapports détaillés envoyés à l’Assemblée nationale concernant l’utilisation des recettes pétrolières, la dette relative au pétrole et les grands projets d’infrastructures ». Il a été calculé que le recul de la corruption pourrait valoir au Congo 1,8 point de croissance supplémentaire par an en moyenne au cours des dix prochaines années. Preuve que le Congo n’est pas encore pestiféré, le Club de Paris a accepté, le 9 juin, de suspendre le service de sa dette à l’égard d’institutions publiques au moins jusqu’à la fin de l'année. Le pays économisera ainsi provisoirement 146,2 millions de dollars, qu’il pourra consacrer à réparer les dégâts dus au coronavirus.

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AFRIQUE CENTRALE développement économique

Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale - BDEAC

La restructuration a bien eu lieu Président de la BDEAC M. Fortunato-Ofa MBO NCHAMA

Le 18 mars 2017, le Président de la Banque de Développement des États de l'Afrique Centrale (BDEAC) prenait ses fonctions. Il héritait alors d’une situation extrêmement fragilisée. Un minutieux travail de redressement a donc été entrepris avec, entre autres, l'adoption d’un « Plan Stratégique 20172022 ». Trois années plus tard, et malgré les crises sanitaires et économiques vécues dans le monde, les premiers résultats sont des plus encourageants. Après trois ans de réformes et de restructuration, la BDEAC a retrouvé un chemin vertueux. Sa gouvernance, son système d'information, ses ressources humaines, son rayonnement local et international

ont été profondément refondés. De même, la coopération internationale, la mobilisation des ressources, les activités opérationnelles et la situation financière et comptable ont été appréhendées de manière plus pragmatique. Les résultats ne se sont pas fait attendre car, pour la deuxième année consécutive, la BDEAC a réalisé des résultats financiers exceptionnels (résultats nets bénéficiaires de 11 530 millions F CFA au 31 décembre 2018, puis 15 245 millions F CFA au 31 décembre 2019).

Pour la deuxième année consécutive, la BDEAC a réalisé des résultats financiers exceptionnels La gouvernance de la Banque s’est étoffée : le Royaume du Maroc et la Commission de la CEMAC sont entrés dans l'actionnariat de la BDEAC en 2017 et en 2018. Une année plus tard, la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA) s’est portée candidate pour entrer au capital, tout comme le Fonds de Solidarité Africain (FSA). Ces nouveaux actionnaires institutionnels prennent part au succès de la BDEAC et témoignent de la confiance que les partenaires internationaux ont désormais vis-à-vis de cette structure. Les mutations de la Banque se sont faites de manière très fluide. Un programme de réformes impulsées en collaboration avec les partenaires au développement et les bailleurs de fonds et l'adaptation des textes organiques de l'Institution ont contribué au chan-


1 Barrage Lom Pangar au Cameroun 2 Ligne de production de l’usine Bayo 3 Aéroport international Hassan Djamous de N’Djamena 4 Route PK5-PK12 à Libreville 5 Complexe cimentier d’Akoga au Gabon 6 Palm d’Or - complexe agro-industriel de palmiers à huile à Lessé - RCA

Aujourd’hui la BDEAC jouit d’une très belle attractivité, grâce à une culture d’entreprise renouvelée. Un nouveau Statut du personnel détermine ainsi les conditions d'emploi ainsi que les droits, obligations et devoirs essentiels du personnel. Ce nouveau cadre permet de fidéliser les compétences internes, d’améliorer la politique de rémunération et de gestion des carrières. Le nouveau système de management est ainsi basé sur les résultats. L'attractivité retrouvée de la Banque est largement visible aujourd'hui, à travers le nombre de dossiers de demandes d'emplois ou de stages reçus au quotidien.

STRATÉGIE DE LA BANQUE POUR JUGULER L’IMPACT NÉGATIF DE LA PANDÉMIE Le séisme sanitaire provoqué par le développement de l’épidémie de Covid-19 a fragilisé durablement le monde économique.

gement, lequel concerne : une nouvelle politique de provisionnement des créances ainsi qu'une mise en place des comités internes de travail effectués en juin 2017, une révision des textes de base et de toutes les procédures opérationnelles de la Banque, des réformes approuvées par le Conseil d'Administration depuis 2018. Il est important de revenir sur les éléments qui ont contribué au nouveau visage de la BDEAC : la séparation des fonctions de Président du Conseil d'Administration et de Président de la Banque, l'harmonisation du droit de vote au Conseil d'Administration et à l'Assemblée Générale, l'élargissement de la zone d'intervention de la Banque aux autres pays membres actionnaires, un nouveau mode de désignation du Président et du Vice-Président, nommés par la Conférence des Chefs d’État de la CEMAC, les représentants des Actionnaires seront le Ministre des Finances et le Ministre en charge des questions de Développement ou d'Intégration Régionale, l'institution d'une présidence tournante du Conseil d'Administration et de l'Assemblée Générale sur une année civile, le renforcement du rôle du Vice-Président lequel assure désormais la préparation et le suivi de l'exécution du budget, l'augmentation à trois du nombre d'Administrateurs Indépendants, dont un ressortissant des pays membres actionnaires hors de la zone CEMAC, la systématisation d'un audit indépendant en fin de mandat du Président, l'admission de la consultation à domicile comme mode de prise de décision pour certains dossiers spécifiques, à l'exception notable des dossiers de crédit, de l'adoption du budget et l'approbation des comptes.

Le Gouvernement de la République du Cameroun a, par exemple, sollicité de la Banque, le financement partiel de son plan national de préparation et de riposte à l’épidémie de coronavirus. Le coût total de ce plan a été estimé à 76 985 millions F CFA. Les Ministres ont approuvé l’utilisation de l’enveloppe mise à disposition pour le financement des projets publics et le renforcement des systèmes sanitaires nationaux. En avril dernier, la République Centrafricaine a également sollicité l’appui de la Banque. Le coût global du projet, dont la réalisation avait été prévue sur 30 mois, a été évalué à 876 016 millions F CFA. Son schéma de financement prévoit un financement de la Banque de 15 000 millions F CFA sous forme de

Covid-19 : la BDEAC s’est mobilisée pour soutenir les économies de la zone CEMAC prêt-projet. Au Congo, le coût global des politiques et mesures prises pour la riposte fut de 20 727 millions F CFA. Le schéma de financement subodore une contrepartie nationale et des apports de partenaires techniques et financiers à hauteur de 192 627 millions FCFA et un financement de la Banque de 15 000 millions F CFA. En Guinée Équatoriale on note une intervention de la Banque à hauteur de 15 000 millions F CFA, soit 16,1 % du coût total du projet. Au Gabon, le financement de la Banque concerne 15 000 millions F CFA sous forme de prêt-projet. Enfin, s’agissant du Tchad, un financement d’un montant maximum de 15 000 millions F CFA sous forme de prêt-projet, y compris l’avance de 500 millions F CFA octroyée pour la couverture des urgences en début de pandémie, a été soumis au Conseil d’Administration de la Banque.

JAMG - Photos : D.R.

Aujourd’hui la Banque jouit d’une très belle attractivité, grâce à une culture d’entreprise renouvelée

La BDEAC s’est donc mobilisée pour soutenir les économies de la zone CEMAC, en accordant un montant de plus de 155 milliards F CFA dont 90 milliards aux États pour la mise en œuvre de leur plan de riposte et le reste en faveur des projets productifs.


OBJECTIF CONGO

INFRASTRUCTURES

Pékin en mode PPP

S’il a réduit la voilure sous l’effet des crises financière et sanitaire, l’État poursuit ses projets stratégiques, dont la plupart en partenariat public-privé avec des entreprises chinoises.

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MURIEL DEVEY MALU-MALU

ue faire pour continuer à équiper le Congo quand les caisses de l’État sont vides et que le niveau d’endettement est trop élevé pour emprunter sans compter ? Freiner les projets d’infrastructures? Il n’en est pas question. Et c’est du côté de la Chine que le Congo a trouvé la solution. Dans la nouvelle approche, c’est moins la taille ou la nature des projets qui importe que leur structuration et leur montage juridique. L’heure n’est donc plus à la poursuite des contrats de type EPC (ingénierie, approvisionnement et construction), mais aux partenariats public-privé (PPP). Déjà courants dans certains secteurs (pétrole, mines, ciment, infrastructures de transport), ils sont encouragés pour tous

types d’infrastructures, quand ils ne deviennent pas la règle. Afin de mener à bien cette approche de PPP, l’instrument de la Chine est la China Overseas Infrastructure D evelopment and Investment Corporation (Coidic), qui compte sept gros actionnaires, dont le Fonds de développement Chine-Afrique (FDCA), filiale de la Banque chinoise de développement. Ses domaines d’intervention ? L’énergie, les transports, les télécommunications et les zones économiques spéciales (ZES). Une aubaine pour un Congo surendetté, qui a plusieurs chantiers stratégiques en projet, dont celui de la ZES de Pointe-Noire. C’est lors de la visite du président Denis Sassou Nguesso à Pékin, en septembre 2018, qu’un accord-cadre pour le développement de cette ZES a été signé entre le Congo et la Coidic.

L’accord précise que le Congo et la Chine créeront une société à capitaux mixtes de droit congolais, dénommée « Le Développeur », qui effectuera le développement, le financement, la construction et l’exploitation dans la ZES. En février 2019, les partenaires ont créé le Fonds national de développement du Congo (FNDC), une société anonyme au capital détenu à parts égales par l’État congolais et le chinois West African Group. Sa mission est de mobiliser des ressources financières auprès des investisseurs chinois et de diverses institutions afin de « soutenir le développement économique et social du Congo, en facilitant, entre autres, la promotion des projets de développement auprès des investisseurs chinois », selon le ministre congolais des Finances et du Budget, Calixte Nganongo. Secteurs cibles : l’agriculture, l’industrie, le tourisme, la santé et l’éducation.

Logistique et énergie

Un coup d’accélérateur a été donné aux PPP après la signature, à la fin d’avril 2019, de l’accord de restructuration de la dette congolaise envers la Chine. Au mois d’octobre suivant, après la tenue à Brazzaville

WANG TENG/XINHUA-REA

Le siège de la Banque sino-congolaise pour l’Afrique (BSCA), dans le centre de Brazzaville.

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du 5 e forum Investir en Afrique, sept accords de partenariat ont été conclus. Ainsi, la Coidic a signé un accord-cadre de coopération avec la Banque sino-congolaise pour l’Afrique (BSCA, créée en 2016 et basée à Brazzaville) et l’Agence de planification, de promotion et de développement des zones économiques spéciales du Congo (créée en 2017) pour la fourniture par la BSCA de services financiers à la ZES de Pointe-Noire, dont les travaux devraient débuter avec le chantier de construction d’une centrale à gaz par le chinois Yunnan Linkun. Les transports seront également bénéficiaires de contrats PPP. Un premier programme, lancé en juin 2020, porte sur la construction de six ponts dans quatre départements de l’intérieur, confiée au chinois

Ampthill Industrie, sur financement d’une compagnie forestière malaisienne. Suivront les voies navigables – dont l’entretien, sur l’Oubangui et la Sangha, sera assuré par une société d’économie mixte –, ainsi que les voies ferrées, avec la réalisation d’une ligne pour l’évacuation du minerai de fer de Mayoko (dans le Niari), à la suite d’un accord signé entre le

UN PROGRAMME LANCÉ EN JUIN PORTE SUR LA CONSTRUCTION DE SIX PONTS À L’INTÉRIEUR DU PAYS, DONT LE PREMIER À LOUDIMA, SUR LA RIVIÈRE NIARI.

groupe congolais Sapro et China State Construction Engineering. Dans le secteur de l’énergie, la gestion déléguée du site hydroélectrique des gorges de Sounda (Kouilou), dont l’aménagement a été attribué à China Railway 20 Bureau Group Corporation, sera mise en œuvre dans le cadre d’un contrat de concession du service public de l’électricité. Enfin, du côté des télécoms, les réalisations portent sur la troisième phase de la couverture nationale, confiée au chinois Huawei, ainsi que sur le passage de l’analogique au numérique, octroyé à Startimes, un autre chinois. Le volet infrastructures des accords sino-congolais est donc largement ouvert. Reste à savoir qui, de l’État congolais ou des entreprises chinoises, sera le grand bénéficiaire de cette nouvelle politique.

Pointe-Noire, « porte océane » grande ouverte

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e 19 février dernier, le port autonome de Pointe-Noire (PAPN) a inauguré bien plus que de nouvelles installations. En réceptionnant les quais D et G, d’une longueur respective de 720 m et de 800 m, en plus d’un nouveau quai polyvalent de 320 m, le tout porté à un tirant d’eau de 15 m pour recevoir les porte-conteneurs d’une capacité de 14 000 équivalents vingtpieds (EVP), l’autorité gestionnaire du port et ses principaux opérateurs ont définitivement fait de Pointe-Noire l’un des ports les plus modernes du golfe de Guinée et une escale qui compte dans la desserte maritime de l’Afrique centrale. La pandémie qui bouscule l’économie mondiale a semble-t-il déjà confirmé tout l’intérêt de ces investissements, qui, ces derniers mois, ont renforcé les activités de transbordement du PAPN. « Nous constatons en effet une augmentation des volumes conteneurisés, notamment sur les marchandises frigo », confirme-t-on chez Congo Terminal, l’opérateur

détenu par Bolloré Transport & Logistics (BTL), le danois AP Moller et la Société congolaise de transport (Socotrans), concessionnaire du terminal à conteneurs depuis 2009. En effet, le volume de trafic y est passé de 180 000 EVP à l’époque à 920 000 en 2019. Un succès pour le port et pour Congo Terminal, qui, depuis son arrivée, a investi plus de 400 millions d’euros dans le développement d’infrastructures, l’acquisition de nouveaux équipements de manutention et l’installation d’un système d’exploitation dernier cri.

Vocation sous-régionale

Ces derniers développements ont permis de réaliser d’importantes économies d’échelle qui font aujourd’hui du PAPN l’un des ports les plus concurrentiels et les plus performants du continent (l’attente des navires en rade a quasi disparu, le temps moyen à quai a été ramené à moins de vingt-quatre heures, etc.), autant d’améliorations qui ont attiré de nouveaux armateurs, comme Cosco, PIL, Hapag et Hamburg

Sud. Par ailleurs, le taux de fret (coût) des marchandises manutentionnées a été réduit de moitié depuis 2009. La vocation sous-régionale du PAPN a été renforcée, justifiant plus que jamais son surnom de « porte océane »: plus de 40 % des volumes réceptionnés sont destinés aux marchés de la RD Congo et de la Centrafrique, via le fleuve Congo, ainsi qu’à certains clients pétroliers installés dans l’enclave angolaise du Cabinda. Aucune raison donc de craindre la concurrence naissante de Kribi au Cameroun ni, ultérieurement, celle de Banana (RD Congo), où DP World travaille depuis deux ans sur un projet de terminal. Le PAPN joue également la carte de la diversification puisque, parallèlement à l’inauguration de nouveaux quais, il a procédé, en février, à celle d’une unité de la Société des grands moulins du phare (filiale du groupe Somdiaa), spécialisée dans la production de farine de blé et d’aliments pour bétail pour le marché national et sous-régional. OLIVIER CASLIN

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MESSAGE

MINISTÈRE D’ÉTAT CONGOLAIS DE L’AGRICULTURE, DE L’ÉLEVAGE ET DE LA PÊCHE

L’agriculture à l’ère des actions d’envergure

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vec plus de 10 millions de terres arables, une façade maritime de 170 kilomètres, deux bassins hydrographiques au Nord et au Sud, des conditions géographiques favorables à un développement agropastoral et halieutique harmonieux, la République du Congo, 60 ans après son indépendance, le 15 août 1960, se résout encore à importer une grande partie des produits agricoles pour la consommation de ses 5 millions d’habitants. Cette situation paradoxale préoccupe les plus hautes autorités du pays qui ont placé l’agriculture comme une priorité de la diversification de son économie dominée par la rente pétrolière. Le plan national de développement 20182022 a évalué les investissements les plus urgents à environ 2500 milliards de dollars américains (1100 milliards de F CFA), pour développer des chaines de valeur agropastorales et halieutiques (manioc, banane, plantain, cacao, palmier à huile, café, hévéa, maïs, riz, soja, cultures maraîchères, élevage bovin, caprin, ovin et avicole...).

Henri Djombo Ministre d’État congolais Ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche

Aujourd’hui, alors que le Congo connait une crise économique sévère renforcée par la nouvelle crise due à la pandémie de Codid-19, des actions importantes sont entreprises par le Gouvernement et les acteurs privés qui commencent à prendre corps dans l’agriculture. Cette nouvelle vision des autorités en matière d’agriculture a été exposée à la face du monde, le 25 février 2020, à l’occasion du forum sur le financement de l’agriculture au Congo, Grow Congo, qui a connu la participation du

www.agriculture.gouv.cg

secteur privé national et étranger, des institutions internationales et de la société civile.

CRÉATION DE L’AGENCE NATIONALE DE DÉVELOPPEMENT DE L’AGRICULTURE ET DE L’ÉLEVAGE ET DE L’AGENCE NATIONALE DE DÉVELOPPEMENT DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE Des réformes importantes ont été entreprises, notamment la facilitation de l’accès à la terre grâce aux baux emphytéotiques, la création récente, par voie législative, de l’agence nationale de développement de l’agriculture et de l’élevage et de l’agence nationale de développement de la pêche et de l’aquaculture, des avantages fiscalo-douaniers accorés aux promoteurs, dans le cadre des conventions d’établissement signées avec l’État, le renforcement du dialogue avec les banques et établissements de microfinance en vue de l’amélioration de leur portefeuille à l’agriculture, l’installation prochaine des laboratoires de biotechnologie et bien d’autres actions. À ce jour, près de 680 000 hectares ont été attribués aux opérateurs privés pour leur mise en valeur. Les petits et moyens producteurs doivent bénéficier de crédit de proximité pouvant leur permettre d’accéder aux intrants, aux technologies et au marché. Dans cette perspective, le Congo se veut positif. Pour cela, SEM Denis Sassou Nguesso, Président de la République, invite, dans son message à la nation, le 17 Décembre 2019, « à la solidarité internationale et à la bienveillante disponibilité des partenaires au développement pour un accompagnement adéquat pour des actions de relance économique pouvant permettre la production alimentaire suffisante ». Ceci, afin de renforcer les efforts déjà faits par certains partenaires tels la Banque mondiale, le FIDA, la BAD, le Fonds Koweitien, l’Agence Française de Développement, le Programme Alimentaire Mondiale et la FAO.


PROJET D’APPUI AU DÉVELOPPEMENT DE L’AGRICULTURE COMMERCIALE

Le PDAC à mi-parcours Vers une agriculture compétitive en République du Congo

LE MINISTRE D’ÉTAT HENRI DJOMBO A SUPERVISÉ, LE 19 JUIN 2020, LA SIGNATURE DES CONVENTIONS DE FINANCEMENT ENTRE LE PDAC ET DES NOUVEAUX BÉNÉFICIAIRES. 782 GROUPES DE PRODUCTEURS ET ENTREPRISES VONT POUVOIR BÉNÉFICIER DE PLUS DE 12 MILLIARDS DE F CFA. Les plans d’affaires de 111 groupes de producteurs et entreprises ont été financés, à compter de 2019, pour un coût total de 2,5 milliards F CFA. Le 19 juin 2020, le Ministre d’État, Henri DJOMBO, a lancé la signature de 782 conventions de financement des nouveaux bénéficiaires. Cela engage l’État pour environ 12 milliards F CFA (24 millions USD). Tous les districts sont concernés, ainsi que les populations autochtones. Ce financement concerne diverses activités de production, d’élevage et de transformation : manioc, maraîchage, banane, cacao, igname, grenadille, piment, pois d’angol, pomme de terre, gingembre, soja, tarot, moringa, bovin, caprin, ovin, aviculturre, cailles, y compris la fabrication d’aliment de bétail, du poisson salé, d’huile de palme… Près de 700 kilomètres de pistes rurales sont actuellement en travaux, aussi bien en mode mécanisé (par des entreprises), qu’en haute intensité de mains d’œuvre (HIMO, par des ONG locales). D’importants ouvrages de franchissement ont été

À LA FIN DU PROJET, 1500 KM DE PISTES AGRICOLES AURONT ÉTÉ ENTRETENUES OU RÉHABILITÉES réalisés : ponts de Bilala (Kouilou), de la Louamba (Bouenza) et de la Lebomi (Cuevette-Ouest). Les travaux de 850 kilomètres de nouvelles pistes agricoles sont en passe de démarrer, y compris 300 km de voies d’eau dans la Cuvette et la Likouala (la Ndéko, Canal de Konda, Canal de Boniala, la Libenga et la Motaba). La réhabilitation des pistes agricoles est réalisée avec l’appui technique du ministère de l’équipement et de l’entretien routier, ainsi que des conseils départementaux. Les zones de Dihessé (Bouenza) et du CAT d’Inoni-Failaises (Pool), deux importants bassins agricoles, bénéficieront bientôt de l’électrification. Le projet appuie aussi le Gouvernement dans l’amélioration du climat des affaires dans le secteur agricole, la mise en harmonie à l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés coopératives de 2010, le dia-

Réhabilitation de la piste agricole Kayes-Louamba (Bouenza)

logue public privé, la vulgarisation agricole, avec la création récente de deux agences, la politique semencière, le renforcement des capacités de l’administration, les statistiques agricoles, les études structurantes... Les travaux d’infrastructures sont assujettis à l’exécution rigoureuse d’un plan de gestion environnementale et sociale (PGES) par l’entreprise adjuducataire, au point de forger un comportement climatointelligent à adopter par tous.

JAMG © Droits réservés

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is en exécution le 30 avril 2018, le Projet d’Appui au Développement de l’Agriculture Commerciale (PDAC) est le fruit de la coopération entre la République du Congo et la Banque mondiale. Financé pour un montant de 100 millions USD, environ 60 milliards de F CFA, le PDAC soutient l’activité des exploitants par des subventions allant jusqu’à 20 millions de F CFA, pour les groupements ou coopératifs, et jusqu’à 50 millions de F CFA, pour les entreprises, réhabilite les pistes agricoles et appuie les réformes sectorielles.

ww.pdacmaep.cg


OBJECTIF CONGO

SOCIÉTÉ

Henri Lopes « L’indépendance faisait peur »

Écrivain, ancien Premier ministre et ancien ambassadeur du Congo en France

H

PROPOS RECUEILLIS PAR CÉCILE MANCIAUX

omme politique, diplomate et, surtout et toujours, écrivain, le Congolais Henri Lopes est né « de l’autre côté du fleuve », à Léopoldville, en 1937. Après une scolarité passée entre Brazzaville et Bangui, puis des études supérieures en France, entre Nantes et Paris, il rentre en 1965 à Brazza, où il enseigne à l’École normale supérieure d’Afrique centrale. En 1969, le professeur d’histoire devient ministre de l’Éducation, puis des Affaires étrangères (1972), puis des Finances (1977-1980), après avoir été Premier ministre (1973-1975). Il sera ensuite, pendant quinze ans, directeur général adjoint pour la culture et les relations extérieures de l’Unesco, avant de prendre ses fonctions d’ambassadeur du Congo en France (1998-2015). Tout au long de sa carrière, Henri Lopes n’a jamais cessé d’écrire – sur l’histoire africaine contemporaine, le métissage, la France et le Congo. Il publie son premier recueil de nouvelles, Les Tribaliques, en 1971, pour lequel il reçoit le Grand Prix littéraire d’Afrique noire. Suivront d’autres distinctions, dont le Grand Prix de la francophonie, en 1993, décerné par l’Académie française, et une douzaine d’ouvrages, depuis Le Pleurer-Rire, en 1982, devenu « un classique » de la littérature africaine contemporaine, jusqu’à Il est déjà demain, en 2018, en attendant la sortie de Petit Mao, dont il vient de remettre le manuscrit à son éditeur. Dans ce nouveau roman, il a justement voulu revisiter l’atmosphère confuse qui régnait au Congo dans les années 1960 et 1970.

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Jeune Afrique : Une Enfant de PotoPoto (2012) s’ouvre sur le soir de l’indépendance et le discours de Malraux à Brazza. Et vous, quels souvenirs gardez-vous du 15 août 1960 ?

Henri Lopes : Bien que je fusse en vacances à Brazzaville, je n’ai pas assisté aux cérémonies. J’étais à Kinshasa. En tant que membre du comité exécutif de la Feanf [Fédération des étudiants d’Afrique noire en France], on m’avait donné pour mission de rencontrer les responsables du Congo-Kinshasa, qui nous semblaient alors beaucoup plus attirants que l’équipe de Fulbert Youlou ! Par ailleurs, à l’époque, l’indépendance du Congo-Brazzaville ne me semblait pas très sérieuse. Brazza était la base arrière de tout ce que nous honnissions, c’est-à-dire Tshombe et tout ce qui était anti-Lumumba. Pour nous, militants de la Feanf, la suite a été décevante puisque, moins d’un an plus tard, Lumumba était assassiné.

LES GENS DISAIENT: « ON NE SAIT MÊME PAS FABRIQUER UNE AIGUILLE ET VOUS VOULEZ QU’ON CHASSE LES BLANCS! »

Quelle était l’ambiance à l’époque ?

Sur les deux rives du Congo, l’atmosphère était similaire. Il y avait les militants qui avaient œuvré pour l’indépendance, et puis il y avait le gros de la population, à laquelle cette indépendance faisait peur. J’étais scandalisé par ce que j’entendais alors dans ma famille et chez mes amis, où beaucoup disaient – pour reprendre


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FRANCOIS GRIVELET POUR JA

À son domicile, à Suresnes, en France, le 26 juin.

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OBJECTIF CONGO

SOCIÉTÉ l’expression de ma grand-mère : « On ne sait pas même fabriquer une aiguille et vous voulez qu’on chasse les Blancs ! » J’étais choqué, mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, pour la majorité de la population, l’indépendance faisait peur. Il faut dire qu’elle a été acquise dans un climat de tensions entre mouvements politiques à bases ethniques et de troubles violents, qui déboucheront sur vingt-cinq années très tourmentées : changements de régime, de dirigeants, assassinats politiques, guerre fratricide…

Vous faites allusion à ce qui s’est passé en 1958, qui a été quelque chose d’absolument horrible. Après, il y a eu les « Trois Glorieuses » de 1963 [soulèvement populaire des 13, 14 et 15 août, qui a renversé Youlou]. Cette année-là était pleine d’espoir pour quelqu’un comme moi, mais, rapidement, elle a été porteuse de frayeur. Au début de 1964, trois personnes ont été assassinées, dont un garçon brillant, le plus brillant des étudiants africains, qui m’était proche. Cela m’avait traumatisé. Je m’étais même demandé si j’allais retourner au pays. Cette période fut extrêmement confuse. Avec le recul, j’essaie de la faire revivre aujourd’hui dans un roman dont je viens de remettre le manuscrit à mon éditeur. Il s’appelle Petit Mao. Il ne permet pas d’éclairer l’histoire du point de vue événementiel (la réalité n’est là que pour donner un ancrage à mon histoire), mais il essaie de restituer l’atmosphère qui régnait dans les années 1960 et 1970. Pourquoi l’atmosphère était-elle confuse ?

Nous étions aveuglés par une idéologie et nous pensions que le peuple

nous suivrait. Or cette idéologie était diversement perçue par différents groupes, dont la plupart étaient d’ailleurs d’anciens étudiants. Les gens à l’époque avaient du mal à se représenter ce qu’était le marxisme, qui nous était venu, de même que l’idée d’indépendance, de France. Comment cela ?

Je suis né à une période où prédominait un racisme institutionnel (pas comme celui dont on entend parler aujourd’hui ici et là, selon les événements). À Brazza, à Pointe-Noire, et encore plus à Kinshasa, il y avait les quartiers européens et les quartiers indigènes, et il était difficile de se rendre de l’un à l’autre. C’était cela le racisme. Aussi, quand, en 1949, à 12 ans, je débarque en France, avec mon beau-père, sur le port de Marseille, et constate qu’il n’y a pas de dockers noirs, je me dis : « Qu’est-ce que c’est que ce pays? » Plus tard, à la veille de la rentrée des classes au lycée, à Nantes, une crainte m’étreint: « Qu’est-ce que je vais prendre, je vais peut-être être le seul Noir… » Et je m’aperçois que non. En fait, nous étions une dizaine, originaires de différents territoires d’Afrique, et j’étais traité comme un Blanc. Car, en France, le racisme n’existait pas. Mieux, le colonialisme était désavoué par mes correspondants (ceux qui me faisaient sortir le dimanche). C’est donc en France que nous découvrons que le racisme que nous subissions dans nos pays n’existait pas. Par ailleurs, à mon arrivée en France, quelques années après la Libération, les communistes étaient au pouvoir, avec Thorez (et de Gaulle). Mon mentor, un professeur de philo, était un marxiste. À l’époque, toute

EN FRANCE, LE RACISME N’EXISTAIT PAS. MIEUX, LE COLONIALISME ÉTAIT DÉSAVOUÉ PAR MES CORRESPONDANTS. 104

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l’intelligentsia française était communiste ou de gauche et, en tout cas, jamais anticommuniste. Et ce n’était pas le communisme tel qu’il existait à Moscou, à Pékin ou à Prague… C’est dans ce contexte que nous avons été formés. Il faut reconstituer tout cela pour comprendre comment nous sommes devenus marxistes et comment certains se sont ensuite détachés de cette idéologie. Le pays ne porte-t-il pas encore trop l’empreinte des choix opérés dans les années 1960-1970, notamment dans le fonctionnementduParticongolaisdu travail (PCT, au pouvoir) ?

Il y a toujours une culture communiste au sein du PCT, même s’il s’en défend. L’appareil et son fonctionnement sont restés. Mais, en dehors de cela, l’idéologie est vague… Quand le PCT se réunit, il entonne une chanson très belle, avec une mélodie de psaume, qui a été composée à Kinshasa sous Mobutu. Le PCT l’a reprise, sans le dire, au MPR [Mouvement populaire de la révolution], de Mobutu, en remplaçant dans les paroles MPR par PCT. Vous voyez la confusion idéologique ! Il s’agit d’ailleurs moins d’une culture de parti communiste que d’une culture de parti unique, système en vigueur, quelle que soit l’idéologie, dans toute l’Afrique, que ce soit à Brazzaville, Kinshasa, Conakry, N’Djamena, PortoNovo… Les rares pays qui y avaient échappé étaient le Sénégal, où il y avait des marxistes, avec le PAI [Parti africain de l’indépendance], mais où la culture démocratique existait vraiment ; la Côte d’Ivoire, qui était la vitrine du libéralisme, par opposition au Ghana et à la Guinée; et le Gabon, qui, lui, voulait être carrément une copie conforme de la France. On se souvient de Léon Mba, en 1961, affirmant que « tout Gabonais [avait] deux patries : la France et le Gabon ». Le Congo a produit un grand nombre d’écrivains, de musiciens et de peintres renommés. Comment expliquez-vous cette effervescence intellectuelle et artistique ?


COMMUNIQUÉ

DOUANES CONGOLAISES : LA DÉMATÉRIALISATION ENCLENCHÉE POUR L’OPTIMISATION DES RECETTES FISCALO-DOUANIÈRES


OBJECTIF CONGO

SOCIÉTÉ Cette effervescence est née à la fin des années 1950 avec ceux que l’on appelait « les évolués » et leur revue, Liaison [qui fut un tremplin pour des auteurs congolais, dont Jean-Baptiste Tati Loutard, Tchicaya U Tam’si, Sylvain Bemba]. À l’époque, Brazza et Kinshasa, intellectuellement, ne faisaient qu’un. Le premier grand écrivain [qui avait dirigé un temps Liaison à Brazza], Lomami Tshibamba, était de Kinshasa, mais il venait souvent à Brazza. La rumba, c’était Brazza et Kinshasa. En peinture, on parle toujours de l’école de Poto-Poto, mais la palette était bien plus large, à Brazza comme à Kin. Mais j’ai peur que tout cela se perde. Vous aimez manier la langue française et les mots, surtout lorsqu’ils ont un sens particulier au Congo. Un exemple ?

J’ai assisté à un quiproquo entre le président Sassou et un journaliste qui lui dit au cours d’une interview : « Avouez qu’aux élections les choses ont un peu cafouillé. » Et le président, jusque-là détendu, de se raidir… Car si, en France, « cafouiller » signifie « s’embrouiller », au Congo, cela veut dire « employer le système D ». Le

À L’ÉPOQUE DE CEUX QUE L’ON APPELAIT « LES ÉVOLUÉS », INTELLECTUELLEMENT, BRAZZA ET KINSHASA NE FAISAIENT QU’UN. « cafouillage », c’est « la magouille ». Autre expression savoureuse qu’ont inventée récemment les Congolais : « être à deux ou à trois clos », c’est-àdire en petit comité de deux ou trois personnes – en jouant sur l’expression française « à huis clos ». Comment imaginez-vous l’avenir du Congo ?

Je suis un pessimiste empli d’espoir. Je crains que la crise que nous traversons à l’heure actuelle dans tous les domaines n’empire. Mais il en sortira quelque chose. Je crois de toute façon qu’il n’y a pas d’avenir pour le Congo, la RCA, le Gabon, le Cameroun sans l’intégration dans de grands ensembles. C’est sans doute le péché de ma génération, qui croit dur comme fer à l’unité africaine ! Je ne la vois pas pour demain, mais pour après-demain.

En tout cas, que ce soit sur le plan des marchés ou sur celui du développement humain, le Congo ne s’en sortira jamais seul, même avec du pétrole. Il faut aller vers les ensembles, même si c’est difficile. Par exemple, il va y avoir un pont sur le Congo (c’est sûr, même si cela prend encore du temps), mais le Congo-Brazza a peur du géant qui est en face, lequel, sur d’autres aspects, a peur de nous. Aussi, dans tous nos pays, les cadres politiques craignent de perdre leurs maroquins pour devenir des sous-préfets. Résultat, on se tourne le dos au lieu de dialoguer. Économiquement, politiquement, culturellement, il va falloir s’unir. Comment ? Je l’ignore. L’union est un processus complexe, elle sera peutêtre enfantée dans la douleur, je ne la verrai probablement pas. Mais elle se fera.

AKG-IMAGES / RIA NOWOSTI

Défilé célébrant l’indépendance, à Brazzaville, le 15 août 1965.

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no3092 – SEPTEMBRE 2020


COMMUNIQUÉ

« Nous voulons être des acteurs de l’émergence de l’Afrique » Entretien avec Patrick Hervé Obamby, directeur général adjoint de BSCA.BANK

Pouvez-vous vous présenter ? La Banque Sino-Congolaise pour l’Afrique (BSCA.BANK) est une banque commerciale à vocation universelle, créée le 28 mai 2015. Elle est l’aboutissement des relations économiques et commerciales entretenues entre le Congo et la Chine et animées par la volonté de deux chefs d’État d’y ajouter le volet bancaire aux coopérations fortes excellentes déjà existantes. Nous voulons citer ici le Président Denis Sassou Ngueso et son homologue chinois, le Président Xi Jinping. La BSA.BANK compte plusieurs actionnaires : l’Agriculture Bank of China (ABC), la Société de Participation des Actionnaires Congolais (SPAC), l’État congolais, et la Société Zhengwei Technologie (SZTC). BSCA.BANK détient des parts de marché significatives : 7,95 % en matière de créances (7e rang parmi les onze banques congolaises de la place) ; 8,69 % en matière de dépôts de la clientèle (6e) ; et 12,54 % en matière de créances sur l’État (4e).

La monétique est un de vos points forts... Nous avons banalisé l’acquisition de la carte bancaire en fixant le prix de son acquisition à deux mille francs CFA. Ce tarif avantageux a entrainé une augmentation forte d’entrée en relation, répondant ainsi aux besoins des clients.

Directeur Général de la BSCA.BANK ZHANG JIANYU

D’où l’implantation des ATM dans tous les quartiers de Brazzaville et Pointe-Noire afin de développer la proximité avec nos clients. Nous sommes aujourd’hui le leader en matière de réseau de distribution ATM au Congo et en Afrique Centrale, avec un total de 124 ATM. L’objectif est d’atteindre 200 ATM au 31 décembre 2020.

En 2016, la Banque a adhéré au Groupement Interbancaire Monétaire de l’Afrique Centrale (GIMAC)… En devenant membre du GIMAC, la banque a décidé de s’ouvrir à la sous-région et d’accélérer sa transformation numérique à travers le déploiement de divers produits et services électroniques. Je citerais la carte UnionPay International, lancée en 2016, qui fonctionne dans plus de 170 pays dans le monde entier et qui est leader en Asie. La BSCA.BANK est la seule banque au Congo et l’une des seules banques en Afrique Centrale à émettre ces cartes (plus de 15 000 cartes au 31 juillet 2020). En 2021, la BSCA.BANK va émettre des cartes VISA International et lancer de nouveaux produits et services (paiement des factures de biens et de services, impôts et taxes, paiement mobile, transfert d’argent, etc.)

Comment faites-vous face au COVID-19 ? Au niveau de la gestion du personnel, il nous a fallu revoir la composition de nos équipes afin de respecter les mesures de distanciation sociales. D’où l’obligation de constituer des équipes de travail alternées de façon rotative sur une période hebdomadaire. Le transport du personnel a été notamment revu et pris en charge par la société en veillant aux mesures barrières. La clientèle a été invitée à respecter les mesures barrières. Nous avons développé les échanges téléphoniques et les audioconférences avec nos clients. Dans le cadre de l’Association professionnelle des établissements de crédit (APEC), la banque a aussi participé au soutien financier de l’État congolais aux côtés des autres banques dans la lutte contre la pandémie.

Quels sont vos projets futurs ? La BSCA.BANK a pour leitmotiv l’émergence de l’Afrique. Cet axiome, qui est le fil d’Ariane de notre stratégie, a consisté à conquérir le territoire congolais.

+ (242) 06 700 05 67

Z

ecouteclient@bscabank.com

Nous prévoyons la création de deux filiales stratégiques dont les localités restent à déterminer par le conseil d’administration. L’objectif est d’améliorer notre présence stratégique dans la sous-région et de promouvoir la mise à disposition de la clientèle du renminbi (RMB).

JAMG - PHOTOS : D.R.

BP 199 Brazzaville, CONGO

Nous projetons à l’horizon 2024, un déploiement qui repose sur un double objectif : parachever la conquête du territoire congolais par l’implantation de nouvelles agences ; et amorcer notre installation dans les autres pays de la CEMAC, ce qui découle des textes fondamentaux créant la BSCA.BANK et signés à Beijing le 12 juin 2014.


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OBJECTIF CONGO

MIKHAIL METZEL/TASS/SIPA USA/SIP

COOPÉRATION

Denis Sassou Nguesso et Vladimir Poutine, lors de la visite du président congolais en Russie, en mai 2019.

Amitiés au long cours

Outre ses liens toujours soutenus avec la France, le pays continue d’entretenir des relations très étroites avec Cuba, la Chine et la Russie.

D

MURIEL DEVEY MALU-MALU

ans sa vie politique et diplomatique, dans ses échanges universitaires et culturels comme dans ses affaires, le Congo a toujours gardé des liens particulièrement forts avec Cuba, la Chine et l’ex-URSS, ses fidèles compagnons des années 1960 à 1980. Leurs dénominateurs communs au lendemain des indépendances: l’idéologie marxiste-léniniste, l’appui aux mouvements de libération africains et la lutte contre l’impérialisme. En 1989, la chute du mur de Berlin marque l’effondrement de l’Union soviétique. En septembre 1990, le Parti congolais du travail (PCT) abandonne le marxisme-léninisme, et, pendant une décennie, la coopération entre le Congo et ses amis va tourner au ralenti. Le premier camarade à redynamiser ses relations avec le Congo sera la Chine. Au début des années 2000, Pékin décide de s’ouvrir à l’Afrique en

structurant ses relations avec le continent autour de forums. Allié privilégié de cette nouvelle politique de coopération, le Congo aura le statut de pays pilote. L’accord-cadre de partenariat stratégique signé en 2006 sera élevé au rang de « partenariat stratégique global » en 2016. Une aubaine pour le Congo, qui veut s’équiper, et pour les sociétés de BTP chinoises, auxquelles l’État congolais commande de nombreux ouvrages à travers le pays. Des entrepreneurs chinois privés s’y installent dans la filière bois, le commerce, les mines, le ciment, la banque, etc., et les échanges commerciaux explosent (lire«Chine-Congo:unerelation décomplexée », sur jeuneafrique .com). Enfin, l’année 2019 marque la volonté de renforcer les contrats en mode public-privé (lire pp. 98-99). Après la chute du mur de Berlin, les relations entre le Congo et la Russie ont été mises en veille. Toutefois, cette dernière livrait du matériel militaire, et quelques contractuels russes intervenaient, de manière

marginale, dans le cadre de la coopération policière et hospitalière. Les échanges culturels sont quant à eux restés dynamiques à travers le Centre culturel russe à Brazzaville et l’octroi de bourses à des étudiants congolais pour qu’ils aillent se former dans des instituts publics ou privés russes. Les relations bilatérales reprennent de la vigueur au début des années 2010, quand la Russie s’ouvre à l’Afrique. En 2012, un partenariat stratégique « gagnant-gagnant » est conclu. En 2019, à la suite de la visite du président congolais à Moscou, en mai, et de la tenue du Forum Russie-Afrique à Sotchi, en octobre, des accords de coopération sont signés, qui portent, entre autres, sur la coopération militaire (envoi de conseillers, formation et fourniture de matériel), sur l’agriculture, la médecine, le nucléaire civil, ainsi que sur la construction d’un oléoduc. Dans la filière pétrole, Gazprom est titulaire du permis Nanga II, et son compatriote Luxoil détient 25 % du permis Néné-Banga.

Rumba, salsa et santé

La coopération avec Cuba est axée surtout sur la santé, la formation de médecins congolais à Cuba et l’accueil de nombreux médecins cubains dans les établissements hospitaliers et centres sanitaires congolais. Les Cubains sont également encore présents dans la protection rapprochée de hautes personnalités. Et si la coopération culturelle, notamment en matière de musique (rumba et salsa), naguère très soutenue, a décliné, Cuba peut toujours compter sur le soutien diplomatique de son ami congolais quand il s’agit de dénoncer l’embargo dont il est victime. Dans la relance de ses relations bilatérales, même si la Chine a pris une longueur d’avance grâce à une stratégie bien huilée, chacun des trois pays use des mêmes arguments: volonté d’instaurer un partenariat gagnant-gagnant, respect des traditions et des modes de vie, pas de passé colonial, pas d’ingérence politique, pas de prêts conditionnés à des règles de transparence, ni d’interférence dans la gestion du pays.

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MINISTÈRE DE LA SANTÉ, DE LA POPULATION, DE LA PROMOTION DE LA FEMME ET DE L’INTÉGRATION DE LA FEMME AU DÉVELOPPEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO

CONSTRUIRE AUJOURD'HUI LA SANTÉ DU CONGO DE DEMAIN Entretien avec madame Jacqueline Lydia Mikolo, Ministre de la Santé, de la Population, de la Promotion de la Femme et de l’Intégration de la femme au développement de la République du Congo Quels sont les objectifs du PNDS 2018-2022 ? Les résultats obtenus jusqu’ici sont satisfaisants mais il y a encore beaucoup à parcourir et nous devons accélérer l’application de notre stratégie. Les objectifs du PNDS 2018-2022 sont au nombre de six : 1. Réduire la mortalité maternelle de 436 à 210 décès pour 100 000 naissances vivantes d’ici 2022.

Quelles sont les priorités et la stratégie de votre gouvernement dans le secteur de la santé pour les deux prochaines années ?

2. Réduire la mortalité infanto-juvénile (enfants de moins de 5 ans) de 52 à 45 décès pour 1 000 naissances vivantes d’ici 2022.

Dans son projet de société, « La Marche vers le développement, allons plus loin ensemble », le Président de la République, Chef de l’État, Son Excellence Monsieur Denis Sassou-N’Guesso a fait de la santé une priorité nationale. Ainsi, afin de concilier et de traduire les engagements nationaux et internationaux pris par le Congo, le pays s’est doté d’une Politique Nationale de Santé 2018-2030.

3. Réduire la mortalité liée aux maladies transmissibles de 10 % d’ici 2022.

Celle-ci a pour vision de doter le Congo d’un système de santé performant, résilient et à même de garantir l’accès universel à des services de santé de qualité. Nous avons décliné cette stratégie dans un cadre programmatique de référence : le Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2016-2020 qui a été actualisé pour la période 2018-2022. Ce plan repose sur 4 programmes majeurs : le renforcement de la gouvernance, du leadership et du pilotage du secteur de la santé ; l’amélioration de l’accès équitable des populations à des paquets de services essentiels et de qualité ; la sécurité sanitaire et la gestion des situations d’urgence selon l’approche englobant l’ensemble des menaces ; et la promotion d’un meilleur état de santé et du bien-être de la population.

« La Politique Nationale de Santé 2018-2030 a pour objectif majeur de doter le Congo d’un système de santé performant, résilient et à même de garantir l’accès universel à des services de santé de qualité ».

4. Réduire de 20 % la prévalence des facteurs de risque des maladies non transmissibles d’ici 2022. 5. Réduire de 20% la prévalence des comportements à risque chez les adolescents et chez les jeunes d’ici 2022. 6. Réduire de 20 % la vulnérabilité des populations face aux épidémies, autres catastrophes et événements de santé d’ici 2022.

Lancement de la vaccination de la poliomyélite sous le Haut patronage du Président de la République

Comment caractériseriez-vous l’importance des partenariats public-privé dans l’industrie de la santé dans votre pays ? Il n’existe pour l’heure aucune industrie dans le secteur de la santé au Congo. Néanmoins, deux initiatives importantes ont été mises en œuvre : le projet de production d’antipaludiques avec le Ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique ; et le projet la production de certaines molécules pharmaceutiques dans


COMMUNIQUÉ

le cadre du centre d’excellence d’Oyo. Actuellement, nous avons deux partenaires qui produisent, pour le premier, des solutions de sérum salé et sucré ; et, pour le second, de l’oxygène et d’autres fluides médicaux.

Quelle est votre stratégie pour attirer les investissements nationaux et étrangers dans le secteur de la santé ? Au Congo, nous travaillons sans ménager nos efforts pour rendre attractif le secteur de la santé. Grâce à sa position géographique, le Congo est un carrefour. La durée des déplacementsparvoie routièreverslescapitales des 5pays limitrophes (Centrafrique, Angola, Cameroun, Gabon, République Démocratique du Congo) se situe entre 4 h et 24 h.

L’État congolais dispose du matériel adéquat pour faire face aux cas graves de Covid-19 ∆

« Le pays dispose donc de tous les avantages compétitifs pour attirer les investissements nationaux mais surtout étrangers ». Quels sont les priorités du partenariat avec la Banque Africaine de Développement, l’Organisation Mondiale de la Santé et la Banque Mondiale ?

Visite des laboratoires d’analyse Covid-19

Par ailleurs, le pays a engagé d’importantes ressources pour la construction des zones économiques spéciales. A cela, s’ajoute la panoplie des incitations fiscales contenues dans les différents textes juridiques. Ces différents atouts permettent aux investisseurs de viser un marché de plus de 109 millions de consommateurs, bien plus important que le marché congolais d’environ 5 millions d’habitants. Le Congo dispose donc de tous les avantages compétitifs pour attirer les investissements nationaux et internationaux. Plusieurs projets sont en cours de discussions avec des partenaires étrangers.

Cette approche rejoint celle de la déclaration de Paris du 9 septembre 2005 sur l’efficacité de l’aide au développement. La mutualisation des efforts du Gouvernement et de l’ensemble de ces acteurs est la condition du succès du partenariat.

« Pendant le COVID-19, une lutte active contre toutes les formes de violence basées sur le genre » Depuis le 17 septembre 2019, vous êtes également en charge de la Promotion de la femme et de l’Intégration de la femme au développement. Quelles sont vos priorités dans ce domaine ? Les priorités sont inscrites dans la Politique Nationale du Genre qui est assortie d’un plan d’action de mise en œuvre pour la période 2017-2021. Cette politique, qui a pour but d’assurer la promotion de la femme et l’intégration du genre dans le processus du développement national, s’articule autour des axes suivants : la consolidation de l’égalité de sexes ; le renforcement du rôle et de la place des femmes et des filles dans l’économie et l’emploi ; l’accès accru des femmes et des filles dans les sphères de prise de décisions ;

la lutte contre toutes les formes de violences sexuelles et basées sur le genre ; le renforcement du mécanisme institutionnel de mise en œuvre de la Politique National du Genre.

ont été sensibilisés en direct sur cette question dans les marchés domaniaux du département de Brazzaville, qui reste le département le plus touché par le Covid-19.

En ce qui concerne la lutte contre toutes les formes de violences sexuelles et basées sur le genre, quelles ont été les actions fortes initiées pendant la pandémie du Covid-19 ?

Avec le confinement, nous avons eu recours aux médias et particulièrement aux médias audiovisuels. Enfin, on citera les actions visant à la réactivation du numéro vert d’urgence, le 14 44, et à sa connexion avec le numéro d’intervention d’urgence de la police, le 117. Il s’agit de donner aux victimes et aux témoins des actes de violence basées sur le genre des moyens de dénoncer les auteurs auprès des services de police habilités en toute sécurité et dans l’anonymat. Le gouvernement a aussi accompagné les victimes des VBG y compris sur les plans psychologiques et juridiques.

L’une des actions phares a été la sensibilisation des hommes et des femmes, vendeurs et vendeuses dans les marchés domaniaux, sur les violences basées sur le genre et particulièrement les violences domestiques en temps de confinement. Ainsi, pendant la période allant du 13 avril au 11 mai 2020, plus de 5 000 vendeuses et vendeurs

www.sante.gouv.cg

JAMG - Photos : D.R.

Afin de relever les défis en lien notamment avec l’Objectif de Développement Durable n°3, « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge », le partenariat entre le Gouvernement et ses partenaires privilégiés, à savoir la Banque Africaine de Développement, l’Organisation Mondiale de la Santé et la Banque Mondiale, est orientée vers un alignement des appuis et investissements sur les priorités locales définies dans les documents stratégiques.


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