JA 3095 DU 1ER DECEMBRRE 2020 GF TCHAD

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DÉCEMBRE 2020

INTERVIEW EMMANUEL MACRON

« Entre la France et l’Afrique, ce doit être une histoire d’amour »

NO 3095 – DÉCEMBRE 2020

OBJECTIF

SPÉCIAL DAKAR 16 PAGES

ISMAÏL OMAR GUELLEH « Comment Djibouti est devenu incontournable » Un entretien avec le chef de l’État

SAHARA Mourir pour Guerguerat ? TCHAD Test électoral crucial SPÉCIAL 20 PAGES

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GOUVERNANCE

L’Afrique en quête d’un nouveau leadership Qu’il semble loin le temps des Senghor, Houphouët, Sankara, Bourguiba ou Mandela… Confrontée à des défis de plus en plus complexes, l’Afrique a pourtant plus que jamais besoin de dirigeants visionnaires, intègres et courageux, capables de les relever. 20 PAGES


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Test électoral crucial Trente ans après son accession à la tête du pays, qui célèbre aussi cette année les 60 ans de son indépendance, Idriss Déby Itno sera candidat à sa succession en avril prochain. Dans quel contexte sécuritaire, économique et social? Une alternance ou une ouverture sont-elles envisageables? Éléments de réponse. no3095 – DECEMBRE 2020

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COMMUNIQUÉ

CHAMBRE DE COMMERCE, D’INDUSTRIE, D’AGRICULTURE, DES MINES ET D’ARTISANAT DU TCHAD

AGIR POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DU TCHAD

Le nouveau bureau exécutif, présidé par monsieur ALI ADJI MAHAMAT SEIID et issu des élections du 11 septembre 2020, a présenté un plan stratégique de la mandature 20202024, dont l’objectif est de doter la CCIAMA d’une vision ambitieuse, afin d’en faire un organisme qui fédère l’ensemble des opérateurs économiques du Tchad autour d’un projet commun d’expansion du secteur privé. Il se positionne ainsi comme un interlocuteur crédible et incontournable du Gouvernement, sur les questions relevant de l’économique.

PROMOUVOIR L’INVESTISSEMENT PRIVÉ

Le Nouveau Président,

Ali Adji Mahamat Seïd

présente le plan stratégique de la mandature 2020-2024

LES GRANDS AXES DE LA NOUVELLE MANDATURE Le programme d’actions que l’équipe actuelle s’engage à mettre en œuvre s’articule autour des axes majeurs et actions suivants : 1.

Renforcer les structures de la CCIAMA

2. Accroître les capacités d’autofinancement de la CCIAMA

3. Développer la concertation et la coordination

des actions entre, d’une part, au niveau bipartite, la CCIAMA et le patronat ; et, d’autre part, au niveau tripartite, l’État, la CCIAMA et le patronat

4. Fortifier les capacités du secteur privé 5. Disposer d’une base de données fiable à caractère commercial, industriel, agropastoral, fiscal, et social

6. Réaffirmer les missions de la CCIAMA

à tous et pour tous, et défendre les intérêts de tous les opérateurs économiques

Cette vision a sa traduction concrètement à travers deux objectifs :

7.

Le premier consiste à accompagner l’État tchadien dans la mise en œuvre du Plan National de Développement 2017-2021. Ainsi, la CCIAMA entend agir sur plusieurs fronts : promotion des investissements privés, nationaux comme étrangers ; recherche de nouveaux investissements dans les filières de

9. Appuyer le développement

Favoriser l’innovation comme moteur de l’économie de demain

8. Soutenir la valeur ajoutée de l’industrie et de la production locale

de l’enseignement supérieur

10. Développer la formation et l’apprentissage 11. Accompagner le commerce dans sa modernisation 12. Appuyer l’internationalisation des entreprises tchadiennes

13. Développer l’animation des réseaux 14. Promouvoir la croissance du tourisme.

BP458 N’Djamena, Tchad - Tél. : 52 52 64 - Fax : 52 52 63 - Email : CCIAMA_tchad@yahoo.fr

transformation des produits du terroir tchadien ; appui accru au développement des nouvelles filières : tourisme et nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ; et amélioration de l’environnement des affaires. Le deuxième objectif est d’amélioorer l’efficacité de la CCIAMA afin quu’elle puisse pleinement jouer soon rôle. Le premier domaine cooncerné est celui de l’informatioon, notamment sur les secteurs écconomiques, la réglementation duu travail, la fiscalité, les possibilités de financement, etc. Laa CCIAMA envisage également dee devenir un centre d’appui aux enntreprises, un lieu d’écoute et d’ééchanges, notamment sur les quuestions de la responsabilité soociale des entreprises (RSE) et la sensibilisation au respect de la dééontologie dans la participation auux marchés publics. La chambre enntend mettre un accent particuulier sur la nécessité d’améliorer less structures de formation professionnelle existantes afin de less rendre conformes aux besoins d’eexcellence des entreprises. Ennfin, elle ambitionne de développer la coopération avec les chhambres de commerce des pays éttrangers, en visant le transfert de savoir-faire notamment industriel, maais également les possibilités dee partenariat commercial profitables au Tchad.

JAMG - Photos : D.R. sauf header ©Riccardo Niels Mayer/Adobestock.com

La Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture, des Mines et d’Artisanat (CCIAMA) a pour mission principale de promouvoir le développement du secteur privé, à travers un dialogue franc et constructif entre les pouvoirs publics et le secteur privé. Les élections consulaires pour le renouvellement des organes de la CCIAMA, qui ont eu lieu en septembre 2020, ont vu la victoire de l’« Alliance du Consensus », qui entend impulser une nouvelle dynamique à l’institution.


ÉDITORIAL

François Soudan

Comment peut-on être Tchadien?

S

oixante ans de colonisation et soixante ans d’indépendance, dont la moitié sous la direction du même homme : ainsi peut se résumer l’histoire contemporaine du Tchad. Lorsque Idriss Déby Itno accède au pouvoir, le 4 décembre 1990, après avoir chassé Hissène Habré de N’Djamena, son pays est encore très largement une protonation, « un espace délimité par les frontières de ses voisins », disait Jacques Chirac, à la fois accident historique et fruit d’une surenchère territoriale décidée au Congrès de Berlin pour des raisons qui relevaient avant tout du prestige. En dehors du « Sud utile » et de ses champs de coton, le colonisateur français ne s’est jamais intéressé à ce territoire où l’administration se résumait au maintien de l’ordre. À son départ en 1960, la seule route praticable du pays était celle qui permettait d’évacuer « l’or blanc » vers le Cameroun. Pendant les trente années qui suivirent, quatre présidents (plus trois intérimaires, dont la durée de survie au pouvoir ne dépassa pas quatre mois) se succédèrent avant d’être renversés : François Tombalbaye (quinze ans), Félix Malloum (quatre ans), Goukouni Oueddeï (deux ans et neuf mois) et Hissène Habré (sept ans et demi).

Question existentielle

Autant dire qu’à l’arrivée d’Idriss Déby Itno dans la capitale la question existentielle qui se posait le 11 août 1960 était toujours la même : comment peut-on être Tchadien ? Lui-même parvenu au pouvoir par la force, IDI s’est donc retrouvé face à un défi incontournable. Sachant que

l’idée de nation relevait beaucoup plus au Tchad de la leçon apprise et de la constante verbale de tous les dirigeants depuis l’indépendance que du sentiment profond, et sachant que c’est l’État qui fait la nation, il lui a fallu construire l’État tchadien. En l’occurrence un État fort, c’est-à-dire un appareil administratif et politique légitime, entendu et obéi.

De la fiction à la réalité

Trente ans plus tard, y est-il parvenu ? En grande partie, oui. La notion même de peuple tchadien, qui recouvrait hier un assemblage de populations vivant sur le territoire d’un pays dont les frontières avaient été tracées par des étrangers, est passée du stade de fiction à celui de réalité. Ce n’est pas rien. Et peut-être faut-il voir, dans sa décision controversée d’« accepter » la distinction de maréchal du Tchad, la continuité logique de ce qui précède. Par tradition, ici comme ailleurs, les populations recherchent un certain charisme chez ceux qui les gouvernent, et Idriss Déby Itno coche sans doute quelques-unes des cases qui permettent de prétendre à cette dignité militaire suprême – bien plus en tout cas qu’un Mobutu, un Amine Dada, un Khalifa Haftar ou un Abdel Fattah al-Sissi. Depuis quarante ans, des légions de Kadhafi aux jihadistes du Mali, en passant par les sectateurs de Boko Haram et les rebelles lancés à l’assaut de son Palais, une partie de sa vie s’est égrenée au rythme des batailles gagnées. On lui concédera donc ce droit. À condition qu’il n’oublie pas cette maxime d’un autre maréchal, Hubert Lyautey : « Rien de durable ne se fonde sur la force. »

202 ENJEUX

Un maréchal en campagne

208 Politique Génération IDI

210 Réformes

La nouvelle Constitution déjà retouchée

214 ÉCONOMIE Qui veut, peut

218 Stratégie

Interview d’Issa Doubragne Ministre de l’Économie

223 Technologie

Les télécoms font-elles (enfin) leur révolution?

224 SOCIÉTÉ

Hindou Oumarou Ibrahim, géographe militante

227 Médias

Djam’s brille sur N’Djam

Suivez toute l’actualité du Tchad sur www.jeuneafrique.com

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GRAND FORMAT TCHAD

ISSOUF SANOGO/AFP

ENJEUX

Un maréchal en campagne


Premier scrutin depuis la promulgation de la nouvelle Constitution et l’instauration du « régime présidentiel intégral », en mai 2018, l’élection à la magistrature suprême aura lieu le 11 avril 2021. En tournée dans les régions, Idriss Déby Itno semble, sans surprise, décidé à briguer un sixième mandat.

T

«

MATHIEU OLIVIER

Le chef de l’État au stade de N’Djamena, lors de son dernier meeting d’avant la présidentielle d’avril 2016.

error belli, decus pacis ». « Terreur de la guerre, honneur de la paix ». Le jeune fils de berger qu’est Idriss Déby Itno (IDI) imaginait-il, alors qu’il obtenait sa licence de pilote au milieu des années 1970, qu’il tiendrait quarante-cinq ans plus tard entre ses mains un bâton de maréchal ? En ce 11 août, les dignitaires tchadiens sont réunis au Palais de la démocratie de N’Djamena pour sa cérémonie d’élévation, et le chef de l’État inaugure sa tenue d’apparat. Vingt-trois étoiles dorées, comme le nombre de provinces du Tchad, ornent son bâton. Son sabre est frappé de la devise « Pour l’honneur et la fidélité à la patrie ». Le col Mao de sa vareuse est brodé à la main de feuilles de chêne dorées. Autour de lui, les soldats de l’armée sont au garde-àvous. Idriss Déby Itno sourit. Nulle part ailleurs le président ne se sent plus à l’aise qu’au milieu de ses troupes. Il les a façonnées, vues grandir, en a nommé les officiers. Au début d’avril, sur les rives du lac Tchad, le chef de l’État, à la tête de ses troupes, a mené une offensive médiatico-militaire contre l’État islamique en Afrique de l’Ouest. Quelques jours plus tôt, le 23 mars, plus de 90 soldats tchadiens avaient été tués dans des affrontements avec ces jihadistes dans la province du Lac. En treillis, accompagné de ses

ministres Mahamat Ismaïl Chaïbo et Mahamat Abali Salah, ou de son chef d’état-major, Abakar Abdelkerim Daoud, le président a multiplié les réunions de stratégie et les visites de soutien aux troupes.

Patron de la région

Auprès de lui, deux de ses fils, que le président associe à son pouvoir : Zacharia, ambassadeur aux Émirats arabes unis, et Mahamat Idriss Déby, directeur général des services de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE). Militaire dans l’âme, IDI sait que l’armée constitue son atout principal. Depuis le sommet du G5 Sahel de janvier, il n’a fait que réaffirmer son lien avec la France. Il entretient une excellente relation avec le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qu’il n’hésite pas à présenter comme son frère. Quant à Emmanuel Macron, il sait que N’Djamena est indispensable au Sahel. « Idriss Déby Itno veut être le véritable patron de la région, explique un diplomate en poste à N’Djamena. Que ce soit à travers l’armée ou à travers des liens familiaux, il veut peser sur toutes les situations de crise de ses voisins. » Au Soudan, IDI est l’un des parrains de l’accord de paix entre Khartoum et les rebelles du Sud, et il a placé l’un de ses hommes de confiance, l’ambassadeur Abdelkerim Koïboro, au plus près des discussions. Ce dernier présente l’avantage d’être marié à la fille de Timan Déby Itno, le frère cadet du président, décédé en mai 2019. IDI garde aussi un regard attentif sur les prochaines élections présidentielles en Centrafrique et au Niger, où il est proche du candidat Albadé Abouba, qu’il a reçu à N’Djamena le 9 octobre. Quant à la crise en Libye, il la surveille de près. « La Libye empêche Déby Itno de dormir », expliquait récemment à Jeune Afrique un ancien ministre. Le chef de l’État a un temps misé sur le maréchal Khalifa Haftar, qui s’était engagé à exercer une pression sur les groupes rebelles tchadiens, basés dans le sud de la Libye, mais ce dernier n’a pas réussi à imposer son autorité. Déby a déchanté et ne soutient aujourd’hui le maréchal qu’avec un très faible enthousiasme. Une frontière libyenne mal contrôlée et un Sud libyen en proie aux ingérences étrangères sont pour lui un risque de troubles dans l’ancienne région du Borkou-Ennedi-Tibesti.

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GRAND FORMAT TCHAD

RENAUD MASBEYE BOYBEYE/AFP

ENJEUX

Le 11 août, jour du 60e anniversaire de l’indépendance, Idriss Déby Itno reçoit à l’Assemblée nationale les insignes de maréchal du Tchad.

Idriss Déby Itno a de grands projets, en particulier pour le Tibesti. Depuis plusieurs années, il compte sur le potentiel minier de cette région pour combler le déficit budgétaire, lié à la chute des revenus pétroliers, et attirer des investisseurs étrangers. Mais un comité d’autodéfense s’y est mis en place et reproche au pouvoir central de vouloir mettre la main sur la manne aurifère. IDI a bien envoyé des émissaires – comme l’ex-président Goukouni Weddeye ou son fils et directeur de cabinet adjoint Abdelkerim Déby Itno (très associé à la gestion de l’État) –, mais le bras de fer se poursuit. « Il aimerait régler le problème avant les prochaines échéances électorales », explique un proche du palais présidentiel. Le chef de l’État a le regard tourné vers trois scrutins à venir : les élections locales (fin 2021), les législatives (fixées au 24 octobre) et, surtout, la présidentielle, dont le premier tour est annoncé pour le 11 avril prochain. Au début

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de novembre, il a organisé le deuxième Forum national inclusif (lire pp. 210-211) pour faire le bilan de la mise en place de la IVe République – depuis mai 2018 –, même si la rencontre a été boycottée par une partie de l’opposition et par la plus grande centrale syndicale, l’Union des syndicats du Tchad. Quelques jours plus tard, IDI a reçu le soutien d’une alliance lui demandant d’être candidat à sa succession, comme l’y autorise la Constitution. Regroupant 82 personnalités issues de la société civile et de partis politiques, ce groupe a expliqué, par la voix de son porte-parole, le député Djimet Clément Bagaou, qu’Idriss Déby Itno était « le seul à même de fédérer les Tchadiens et de les conduire vers un avenir meilleur ». Depuis, le chef de l’État a pris la route. Il a sillonné les provinces du Mayo-Kebbi Est, du MayoKebbi Ouest, du Mandoul et du Moyen-Chari, enchaînant les poses de première pierre et les inaugurations. Un air de précampagne,



GRAND FORMAT TCHAD

ENJEUX

tandis que le Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) était prié de se mettre en ordre de bataille. « La tension est montée d’un cran depuis l’organisation du forum, estime un diplomate. Tout le monde a compris que cela lançait la campagne ». Et un autre d’ajouter : « Idriss Déby Itno sait que le contexte sécuritaire et sa relation avec la France le protègent. Mais les élections n’en sont pas moins un test. » Alors que le forum se déroulait et proposait la création d’un poste de vice-président – très controversée par ses détracteurs, qui craignent que le chef de l’État n’y nomme l’un des siens –, les forces de l’ordre se positionnaient aux abords des sièges de partis et d’associations d’opposition, officiellement pour en « limiter l’accès » en raison de la situation sanitaire liée au Covid-19. Les opposants Saleh Kebzabo, président de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), et Mahamat Ahmad Alhabo, leader du Parti pour les libertés et le développement (PLD), ont dénoncé l’encerclement de leur domicile et du siège de leurs partis. « Déby Itno est entré en campagne. Un président au pouvoir qui commence avant tout le monde, c’est un signe de peur et de faiblesse, donc d’échec ! » a réagi Kebzabo. « Le président est en déplacement, à la rencontre des populations, et nous n’avons même pas le droit de nous réunir alors que nous respectons les gestes barrières », a déploré auprès de Jeune Afrique Succès Masra, le leader du mouvement Les Transformateurs (lire p. 208).

IL FAUT QUE TOUTE L’OPPOSITION SE RÉUNISSE ET S’ENTENDE, EXPLIQUE L’UN DE SES CADRES. C’EST LA SEULE FAÇON DE PESER FACE AUX MOYENS DU MPS.

de 2011, lorsque Saleh Kebzabo, Kamougue Abdelkader et Yorongar Ngarlegy avaient appelé à ne pas participer à la « mascarade électorale ». Mais, en 2016, Saleh Kebzabo et son UNDR avaient changé de stratégie et pris part à la course présidentielle, à l’issue de laquelle Kebzabo était arrivé second, avec 12,80 % des voix. Pour le moment, l’UNDR n’envisage pas de ne pas participer aux scrutins à venir. Elle réfléchit même à l’éventualité d’une candidature unique de l’opposition pour la présidentielle. « Il faut que toute l’opposition se réunisse et s’entende, explique l’un de ses cadres. C’est la seule façon de peser face aux moyens du MPS. » En tournée au début du mois de novembre dans le Mayo-Kebbi Ouest – la région d’origine de Saleh Kebzabo –, Idriss Déby Itno est toutefois serein. Face à lui s’agitent les drapeaux bleu, jaune et blanc de son parti. Cette fois, le maréchal n’a pas revêtu sa tenue d’apparat. Il n’a pas non plus emporté avec lui son treillis. En boubou blanc, le chef de l’État vient au contact du « pays profond », insistant sur « la culture du vivre-ensemble et de la fraternité ». « C’est sa force, conclut un diplomate en poste au Tchad. Il se montre en maréchal et en protecteur face à des menaces extérieures qui, objectivement, ne manquent pas. » Un costume qu’il endosse depuis maintenant trente ans.

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JOK SOLOMUN/REUTERS

« Monarchie républicaine »

Depuis plusieurs mois, les appels au boycott des élections se multiplient du côté de l’opposition. Commission électorale « inféodée » au MPS, absence de dialogue, manque de crédibilité d’un fichier électoral qui vient pourtant d’être révisé… Les accusations ne manquent pas, notamment du côté de l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP), de Max Kemkoye, ou du PLD, de Mahamat Ahmad Alhabo. « Les dés sont pipés. Aller à ces scrutins reviendrait à cautionner la monarchie républicaine », tranche un partisan du boycott. Une situation qui rappelle la présidentielle

De g. à dr., Abdel Fattah al-Burhan, leader de la transition soudanaise, Salva Kiir, président du Soudan du Sud, et Idriss Déby Itno, lors de la signature de l’accord de paix, parrainé par le président tchadien, entre le Soudan et les rebelles sud-soudanais, le 3 octobre, à Juba.


MESSAGE

« La tendance du digital pour les services bancaires va se poursuivre » ENTRETIEN AVEC

CEO de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE TCHAD Pour faire face à la crise du COVID19, de nombreux acteurs du secteur bancaire firent le choix stratégique de digitaliser leurs services. Peut-on dire que vous en faites partie ? L’innovation est une valeur clé au sein du groupe SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, elle est donc dans l’ADN de chacune de nos filiales Africaines et le Tchad n’y fait pas exception. Pour faire face aux défis imposés par la crise du COVID19, il a fallu accélérer la digitalisation de nos services – qui est une tendance sur le long terme – et délivrer au pas de courses notre nouvelle interface de banque en ligne pour les Entreprises (SOGECASHNET). Nous avons voulu rendre notre solution accessible au plus grand nombre et pour encourager cette mue technologique nous avons rendu la solution gratuite les premiers mois. En septembre, nous avons procédé à l’automatisation de la chaine d’octroi de crédit aux particuliers ce qui a considérablement réduit notre time to cash. Enfin, dans les jours à venir, nos clients bénéficieront de la fonction de paiement sans contact dans les grandes surfaces et de notre solution de « mobile banking », SG CONNECT. Nous pensons qu’elle répondra aux besoins qui sont les leurs à savoir : l’information en temps réel, la sécurité des transactions et l’ergonomie. Avec un taux de pénétration d’internet estimé à un peu moins de 7 % et des restrictions importantes sur l’accès aux réseaux sociaux, pourquoi fondez-vous autant d’espoir sur la banque à ligne au Tchad ? D’abord, la problématique de l’accessibilité d’Internet n’est pas typiquement Tchadienne et nos solutions ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pays où SOCIÉTÉ GÉNÉRALE est implanté. Depuis son lancement en mars, nous avons constaté au travers de l’expérience SOGECASHNET, une nette propension des clients à privilégier les transactions bancaires électroniques par rapport aux déplacements en agence. Au-delà de l’avantage économique, il y a également en cette période de pandémie la nécessité de limiter au maximum les contacts : nous pensons donc que la tendance du digital pour les services bancaires va se poursuivre. Le taux de pénétration du mobile au Tchad est estimé autour de 48 % (digital report de We are social, Janvier 2019), c’est dire que l’usage du portable s’est déjà fortement démocratisé. Le coût de l’Internet

bien qu’élevé a lui-même sensiblement diminué et cette tendance est inexorablement amenée à perdurer, si l’on se fie au développement de la 4G et les projets d’extension de la fibre optique. Dans notre dossier spécial, certaines banques disaient avoir « systématisé leur offre digitale », est ce que cette solution vous parait envisageable dans votre environnement ? Si vous faites référence à la banque 100 % Digitale sans conseiller, ma réponse est « Non ! ». Evidemment tout va plus vite lorsque l’on a sa banque au bout des doigts. Toutefois il y a dans la relation qu’entretiennent les clients avec leurs conseillers, un lien de « confiance » et une proximité qu’aucun outil technologique ne saurait substituer. Nous sommes profondément sensibles à cela, combiner modernité avec notre cœur de métier, conseiller et apporter des solutions aux besoins de nos clients. Je note au passage que dans votre dossier, seuls 9 % des personnes sondées au Maroc, disaient pouvoir se passer d’une visite à leur agence une fois la crise du Covid, terminée. Cet exemple suffit à comprendre qu’il n’est ni souhaitable, ni envisageable pour le client d’avoir uniquement affaire de bout en bout à une interface automatisée, dans sa relation avec la banque. Le Groupe SOCIETE GENERALE a fait beaucoup en Afrique pour démontrer qu’il est possible d’alterner espaces digitaux en accès libre, application mobile et agences classiques – c’est un juste équilibre auquel il nous faut continuer de prêter attention. Dans un pays où le taux de bancarisation est des plus faibles et où la culture de l’argent liquide demeure très prégnante, quelle stratégie votre banque met elle en place pour réduire la propagation du virus ? Les premières mesures fortes auront été d’imposer le port du masque, la prise de température, le respect de la distanciation sociale et d’un numerus clausus strict dans l’enceinte de la banque et ce, dès les premières semaines de la pandémie. Ce devoir de vigilance collectif nous l’avons cultivé tant et si bien auprès de nos collaborateurs, clients et fournisseurs, que prenant exemple sur nous, d’autres ont adopté nos mesures de télétravail et de rotations, afin de diminuer les effectifs en présence dans les locaux. Sur le plan commercial, outre la gratuité de l’e banking nous avons tenu à équiper massivement nos clients de cartes VISA, afin de les rendre autonome et leur éviter des déplacements. Réduire le coût de nos cartes VISA et des frais de retrait sur les DAB des banques consœurs, fut en cela un geste fort de notre part pour préserver la santé de nos clients. La banque en ligne complète ce dispositif en assurant un total contrôle de leurs finances, à nos clients désireux de s’éviter les déplacements et contacts physiques.

www.societegenerale.td

JAMG - © SGT

Magloire N’GUESSAN,


GRAND FORMAT TCHAD

POLITIQUE

Génération IDI En décembre, Idriss Déby Itno célébrera ses trois décennies à la tête du pays. En nommant quelques ministres âgés de moins de 30 ans lors du remaniement de juillet, il semble vouloir miser sur le renouvellement des cadres… Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Trop jeunes pour concourir…

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PO

Le mouvement Les Transformateurs, créé en 2018 par Succès Masra (photo ci-contre), 37 ans, ancien économiste de la Banque africaine de développement, n’a pas encore été reconnu en tant que parti politique. Pourtant, il revendique une modification de la Constitution afin de permettre à son leader de se présenter à la prochaine présidentielle – pour laquelle E EL l’âge minimum requis pour être éligible vient d’être IV GR S I O FRANÇ abaissé de 45 ans à 40 ans, à l’issue du deuxième Forum national inclusif, qui s’est tenu du 29 octobre au 1er novembre. Cette question était au centre de la rencontre, organisée par la majorité et censée évaluer la Constitution de la IVe République, entrée en vigueur en mai 2018, afin de remédier à ses éventuelles imperfections. Au cours des débats, la plupart des participants ont sollicité l’abaissement de l’âge d’éligibilité pour la présidentielle à 30 ou 35 ans, comme il était inscrit dans la précédente Constitution, abrogée en 2018. Mais Mariam Mahamat Nour, la ministre secrétaire générale du gouvernement, qui présidait le forum a tranché: ce sera 40 ans au lieu de 45 ans, pas moins. Ce qui exclut donc de la course à la présidentielle d’avril 2021 le leader des Transformateurs, lequel dénonce une « clause anti-Masra » et déplore que, dans un pays où 80 % de la population a moins de 40 ans, c’est exclure en partie les représentants et les revendications de la jeunesse du jeu électoral. À titre de comparaison, l’âge minimum requis pour être candidat aux fonctions électives de député ou de conseiller municipal est de 25 ans… Ce que certains détracteurs de l’actuel code électoral ne trouvent encore « pas assez jeune », estimant qu’il n’est pas juste que l’on puisse être électeur (18 ans) sans pouvoir être éligible.

Déby Itno à Bongor, dans le sud-ouest du Tchad ce 5 novembre 2020, au début d’une tournée qui a tout d’une précampagne électorale. Au cours de cette visite de quelques jours dans les provinces du sud du pays – plutôt hostile au pouvoir –, le chef de l’État va inaugurer tantôt la construction d’une route, tantôt un projet d’inclusion financière en faveur des jeunes et des femmes, deux catégories qui constituent la majorité de la population tchadienne et, donc, le plus important réservoir de voix, autant de citoyennes et de citoyens à séduire. Entre 1990 et 2020, la population tchadienne a triplé, passant de 5,9 millions à 15,3 millions d’habitants, et s’est considérablement rajeunie. Selon l’Institut national des statistiques et des études économiques et démographiques (Inseed), l’âge moyen de la population tchadienne est de 19,7 ans et l’âge médian de 14,8 ans. Par ailleurs les femmes et les jeunes de moins de 15 ans sont majoritaires, avec une proportion de 50,6 %. JA

ors du remaniement du 14 juillet dernier, le cinquième depuis l’entrée en vigueur de la Constitution, en 2018, le maréchal président Idriss Déby Itno (IDI), 68 ans, dont bientôt trente à la tête du pays, a nommé quelques ministres âgés de moins de 30 ans au sein du gouvernement, dont Amina Priscille Longoh, ministre de la Femme et de la Protection de la petite enfance,

et Routouang Mohamed Christian Donga, au portefeuille de la Jeunesse et des Sports, l’un et l’autre âgés de 29 ans. Ce dernier n’était pas encore né, en 1990, quand son père, haut gradé des forces armées nationales tchadiennes (Fant) se mettait à la disposition du colonel Idriss Déby, 39 ans, dont les forces venaient de s’emparer de N’Djamena et de chasser Hissène Habré du pouvoir. Trente ans plus tard, c’est lui, Mohamed Christian Donga, qui accueille le maréchal Idriss

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MADJIASRA NAKO, À N’DJAMENA

MADJIASRA NAKO

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« Les enfants de ses collaborateurs »

Parallèlement à la croissance de la population, la pauvreté, l’analphabétisme et la déperdition scolaire se sont accentués, malgré la multiplication des établissements d’enseignement. « Les conditions de vie des personnes pauvres demeurent précaires et sont exacerbées par un faible accès aux services de base, tels que l’eau potable, l’assainissement et l’électricité », estime la Banque mondiale dans un rapport publié en septembre. En réponse à cette situation, les pouvoirs publics ont lancé diverses actions, allant d’une plus grande


CAMILLE MILLERAND/ DIVERGENCE

Quel que soit leur parcours, diplômés ou non, de nombreux jeunes sont contraints d’exercer des petits métiers. Ici, dans le centre-ville de N’Djamena.

intégration des jeunes à la fonction publique (20 000 ont été recrutés pour l’année 2020) à des dispositifs pour encourager et accompagner l’entrepreneuriat, mais leurs effets sont encore peu visibles sur les conditions de vie des 15-30 ans. Dans la capitale, tout le monde a en tête l’image marquante de ces jeunes diplômés obligés de devenir conducteurs de motos-taxis, de ces autres venant par cohortes des provinces, contraints d’exercer les petits métiers de domestiques, gardiens de nuit, vendeurs ambulants… Des clichés malheureusement réels, que gomme difficilement la présence de jeunes ministres au sein du gouvernement. « Malgré le discours des autorités, il n’y a pas de politique claire en faveur de la jeunesse. La nomination de jeunes ministres n’est en vérité qu’une sorte de reproduction sociale. Déby a nommé les enfants de

ses collaborateurs », estime le sociologue Abderamane Ali Goussoumian, qui travaille depuis des années sur les questions de gouvernance. « En matière d’entrepreneuriat, par exemple, il faut des actions plus ouvertes, au-delà des considérations partisanes », ajoute-t-il. Entre 2010 et 2012, près de 23 milliards de F CFA (plus de 35 millions d’euros) ont été distribués sous forme de microcrédits dans les 23 régions du pays pour booster l’entrepreneuriat, sans résultat tangible et, surtout,

POUR OSER, ENCORE FAUT-IL AVOIR UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE ET, SURTOUT, UN CADRE LÉGAL QUI LE PERMETTE.

avec un taux de remboursement si faible qu’à l’annonce, en avril dernier, de la mise en place d’un fonds de soutien à l’entrepreneuriat doté de 30 milliards de F CFA, les banques désignées comme partenaires n’ont montré que fort peu d’empressement. « Il nous faut une jeunesse qui ose et qui ait de l’audace », a l’habitude de marteler le chef de l’État dans ses discours. Mais pour oser il faut un environnement favorable et, surtout, un cadre légal qui le permette. Or, par exemple en matière de politique, pour être membre du bureau d’un parti, il faut avoir au moins 30 ans (selon l’ordonnance sur les partis). « Si l’on veut avoir demain des cadres formés et expérimentés, il faut qu’ils aient eu le temps de faire leurs armes. Aujourd’hui, le cadre légal ne permet pas aux jeunes de participer à la gestion de la chose publique », regrette Abderamane Ali Goussoumian.

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GRAND FORMAT TCHAD

RÉFORMES

DR

Au palais du 15-Janvier, à N’Djamena, le 29 octobre, lors de l’ouverture du forum.

La nouvelle Constitution déjà retouchée Création d’une vice-présidence et d’un Sénat, abaissement de l’âge d’éligibilité à la magistrature suprême… Les conclusions du deuxième forum national inclusif proposent des ajustements à la Loi fondamentale adoptée en 2018. Et font réagir la classe politique.

D

MARIE TOULEMONDE

eux ans après la tenue du premier forum, en mars 2018, qui avait notamment abouti à la suppression du poste de Premier ministre, un deuxième forum national inclusif (FNI) s’est tenu au palais du 15-Janvier, à N’Djamena, du 29 octobre au 1er novembre. Organisé par la majorité afin d'évaluer la Constitution de la jeune IVe République, en vigueur depuis 2018, il a été boycotté par une partie de l’opposition et de la société civile. À six mois de l’élection

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no3095 – DECEMBRE 2020

présidentielle fixée au 11 avril 2021, cette deuxième assemblée « inclusive » et « démocratique » a souhaité opérer quelques ajustements et a validé de nouvelles réformes, dont le rétablissement du Sénat et de la Cour des comptes, et, surtout, la création d’un poste de vice-président. Une disposition qui, selon ses détracteurs, est une manière pour la majorité de préparer le terrain en vue des prochaines échéances électorales.

Pas de Premier ministre

Alors que l’opposition plaidait pour un retour de la primature, supprimée en 2018, la majorité a réaffirmé que le

poste de Premier ministre était trop coûteux. Les discussions se sont finalement soldées par la création d’un poste de vice-président, sans que l’étendue de ses missions ne soit encore précisée. « Le futur vice-président aura pour fonction d’alléger les charges du président et de le suppléer, notamment au niveau de l’administration », résume Jean-Bernard Padaré, porte-parole du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti au pouvoir. Concernant les modalités de sa désignation, une élection au suffrage universel est d’ores et déjà écartée : « Nous nous acheminons vers une désignation par le président de la


République », assure Padaré, citant l’exemple de la Côte d’Ivoire. Cette nomination, déjà évoquée en 2018, accentue la crainte de l’opposition de voir Idriss Déby Itno placer l’un de ses proches à ce poste pour préparer sa succession.

Un Parlement bicaméral

C’est une décision pour le moins surprenante, alors que la restriction budgétaire est le mot d’ordre depuis cinq ans: le pays va se doter d’un Parlement bicaméral avec la création d’un Sénat. Paradoxe que l’opposant Succès Masra ne manque pas de relever. « Je peux vous garantir que la création du Sénat sera bien plus budgétivore qu’a pu l’être le poste de Premier ministre », prévient-il. Selon lui, il aurait été plus judicieux de développer les localités grâce à l’élection de gouverneurs de province et d’augmenter le nombre de députés, plutôt que de mettre en place un Sénat qui risque de se transformer en « un casernement de retraite dorée pour les anciens ministres et amis du président ». Défendue au cours des travaux par Fatime Assarah Abdelaziz, ex-présidente de la chambre consultative de la Cour des comptes et fonctionnaire des Finances, la Cour des comptes a été rétablie. En revanche, le Conseil économique, social et culturel a été supprimé.

UN COMITÉ VA RÉFLÉCHIR À L’AJOUT D’UN ÉLÉMENT AU DRAPEAU NATIONAL – BLEU, JAUNE ET ROUGE – POUR LE DISTINGUER DU DRAPEAU ROUMAIN. De nouveaux symboles

D’autres projets de réformes ont été examinés. Parmi eux, le serment à caractère confessionnel nécessaire pour accéder aux fonctions de l’État. Vivement critiqué dans un pays qui se veut laïc, il a été abandonné. Le drapeau tricolore, source de polémique car similaire à celui de la Roumanie, a lui aussi été au cœur du débat. Selon Jean-Bernard Padaré, un comité constitué d’artistes et d’historiens sera établi pour réfléchir à l’ajout d’un élément qui le distingue du drapeau roumain. La proposition sera ensuite soumise à référendum. La volonté de mieux associer les femmes et les jeunes à la gestion des affaires publiques a également été évoquée, notamment avec la mise en place d’un Conseil national des femmes (Conaf), d’un Conseil national consultatif des jeunes (CNCJ) et d’un observatoire du genre.

Motion « antijeunesse »

L’abaissement de l’âge d’éligibilité à la présidentielle, fixé à 45 ans lors du premier FNI, était la principale revendication de Succès Masra, 37 ans, leader des Transformateurs (lire p. 208), qui l’avait qualifié de « réforme antijeunesse ». In fine, c’est l’âge minimum de 40 ans qui a été retenu, ce qui rend tout de même impossible la candidature de Succès Masra à la présidentielle de 2021. Persuadé d’être la cible de cette motion, l’opposant s’est empressé de rappeler, dans une lettre adressée au président de l’Union africaine et aux partenaires du Tchad, qu’Idriss Déby Itno avait 38 ans quand il a pris le pouvoir, en décembre 1990.

Boycott regrettable

Le « consensus » sur les décisions prises durant le forum n’aurait sans doute pas été si large en présence de toute l’opposition. Car, hormis la frange dirigée par Romadoumngar Félix Niabé, l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP), l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) et l’Union des syndicats du Tchad (UST) ont refusé d’y participer. Succès Masra, dont le parti n’a pas été officiellement reconnu par le ministère de l’Intérieur, n’avait quant à lui pas été invité.

Ensemble transformons l’Économie Tchadienne Association Tchadienne des Investisseurs en Capital NOS MISSIONS l

Promouvoir le Capital Investissement auprès des entrepreneurs et des investisseurs Tchadiens ;

l

Développer les bonnes pratiques et établir des règles de déontologie tout en favorisant l’autorégulation de la profession,

l

Favoriser la croissance, le développement et la transmission d’entreprises,

l

Stimuler l’innovation à travers des échanges avec les associations consœurs,

l

Être une force de propositions sur les textes réglementaires régissant l’environnement économique et administratif de la profession.

Message du Président M. Mohamed Kadergueli « L’Association Tchadienne des Investisseurs en Capital (ATIC) fédère et représente les professionnels du capital investissement opérant au Tchad. Notre ambition durant cette mandature est de faire émerger N’Djamena comme une place financière à part entière au niveau continental , en attirant des flux importants de capitaux vers les projets Nationaux. Et aussi que le capital investissement soit synonyme de croissance, de création de richesses, de mixité, et d’un plus grand partage de la valeur avec les salariés des entreprises que nous avons dans nos portefeuilles. L’association est constituée des membres actifs et des membres associés et est ouvert à tous les professionnels et acteurs de la finance ».

Accompagner - Former - Informer

NOTRE PROGRAMME 2021

Chadian Women On Board (CWOB) l Women Investment Club Tchad (WIC Tchad) l Jeunes Professionnels pour le Capital (JPCI) l 10 Projets pour la Croissance l

Cité du 1er Décembre Radisson Blu BP 2800, Quartier Sabangali, N’Djamena Emaill : info@atic-tchad.org Tél : +235 92 00 94 46

www.atic-tchad.org


Centre Hospitalier Universitaire LA RENAISSANCE

UNE RÉFÉRENCE EN MATIÈRE DE SOINS DE SANTÉ AU TCHAD

Répondre aux attentes des patients et devenir une référence en offrant des prestations médicales et techniques de très haut niveau, tels étaient les objectifs de l’hôpital de la Renaissance à son ouverture. L’Hôpital de la Renaissance a été créé dans l’objectif d’offrir une alternative crédible aux évacuations sanitaires très coûteuses pour le Tchad. Il est chargé de prendre en charge, en tant qu’établissement de recours, les pathologies et les séjours les plus complexes ainsi que les interventions les plus délicates adressés en amont par les établissements de santé et le corps médical du réseau sanitaire Tchadien. Doté d’un plateau technique conforme aux standards internationaux, l’HR s’inscrit dans le paysage sanitaire tchadien et sous régional comme un lieu de haute technologie médico-chirurgicale.

mission progressive aux équipes tchadiennes des méthodes d’administration modernes d’un établissement hospitalier de référence.

UNE VÉRITABLE RÉFÉRENCE MÉDICO-CHIRURGICALE L’hôpital de la Renaissance prend en charge les pathologies les plus complexes et réalise les interventions les plus délicates adressées en amont par les établissements du réseau sanitaire tchadien.

Conçu et réalisé par la Société française d’Équipement Hospitalier (SFEH) sous la forme d’un contrat clés-en mains l’établissement de 240 lits se déploie sur plus de 15 000 m2 pour un investissement total inférieur à 34 milliards de francs CFA. Placé sous la tutelle du Ministère de la Santé Publique, son exploitation a été confiée à un opérateur privé sous la forme d’un contrat de délégation de gestion. Ce schéma novateur en Afrique garantit une trans-

Hôpital de la Renaissance - Quartier N’Djari BP 2029 N’djamena - Tél. : (+235) 62.23.11.82


COMMUNIQUÉ

L’établissement offre une gamme de soins variés notamment la cardiologie avec une unité de coronarographie. La médecine interne, l’infectiologie, la gastroentérologie avec endoscopie diagnostique et thérapeutique, la néphrologie avec une unité d’hémodialyse et d’endocrinologie, le diagnostic avec un plateau d’imagerie intégré d’une IRM. L’offre des spécialités chirurgicales est également riche : Orthopédie avec pose de prothèse totale de la hanche, neurochirurgie, chirurgie viscérale avec cœlioscopie, urologie dotée d’un appareil de lithotritie extracorporelle, odontologie et chirurgie maxillo-faciale, ORL et chirurgie cervico faciale et, ophtalmologie.

L’hôpital véhicule des valeurs de qualité centrées sur le patient. Soucieux du respect scrupuleux des protocoles d’hygiène et du règlement intérieur le personnel place le patient et la qualité des soins au cœur de ses préoccupations. L’hôpital véhicule en effet des valeurs de qualité centrées sur le patient.

des budgets rationnels et maîtrisés offrant des résultats de qualité avec un impact immédiat sur la réduction des évacuations sanitaires et l’amélioration de l’offre de soins pour la population.

L’hôpital de la Renaissance est l’établissement de recours de nombreuses organisations internationales RÔLE DU CHUR DANS LA LUTTE CONTRE LA COVID-19 Le Centre Hospitalier Universitaire la Renaissance a été au cœur du dispositif national de riposte contre la pandémie de la Covid-19 au moment du pic épidémique entre Avril et Juin 2020. Il a accueilli pendant cette période les cas les plus graves grâce à ses ressources humaines spécialisées (infectiologue, urgentistes, anesthésistes-réanimateurs, radiologues…) et un plateau technique de haut niveau. Les traitements contre cette pandémie n’étant pas encore bien connus à l’époque, l’ingéniosité et l’inventivité du corps médical ainsi que la compétence et le dévouement du personnel ont permis de sauver beaucoup de vies humaines.

PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DU CHUR Le CHUR compte étoffer son offre de soins par des projets innovants d’ici 2025 : • La création d’un centre de bilans ; • La création d’une maternité de niveau III ; • La création d’une unité de cancérologie, d’un centre de Médecine du Sport, d’un Institut Universitaire d’Odontologie et d’un Institut de Médecine légale

Signe d’une reconnaissance de son niveau d’excellence, l’hôpital de la Renaissance est rapidement devenu l’établissement de recours de nombreuses institutions et organisations internationales. Il soigne par exemple les militaires de la force multinationale appuyée par l’Union Européenne. L’hôpital de la renaissance est la démonstration que des problématiques de santé complexes dans la sous-région peuvent être adressées avec

• L’amélioration des prises en charge en post-op grâce à la création d’unités de soins intensifs et d’unités de soins continus. • L’appui sur les compétences extérieures à travers la coopération internationale afin de recruter des médicaux extérieurs et d’avoir la venue d’intervenants de haut niveau ; • Le développement de la télémédecine en lien avec l’APHP et la Coopération Française ; • Le développement du pôle médical avec les deux facultés de Médecine.

www.hopitalrenaissance-tchad.com

JAMG - PHOTOS : D.R.

LA CONFIANCE DES CLIENTS LES PLUS EXIGEANTS


GRAND FORMAT TCHAD

ÉCONOMIE

Qui veut, peut


L

Malgré le contexte sécuritaire et la crise liée à la chute des cours du brut, les finances publiques ont été redressées. Et, contre toute attente, le pays résiste bien mieux que ses voisins aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Décryptage.

ALAIN FAUJAS

e Tchad était au bord de la faillite en 2016 et 2017, après l’effondrement des cours du brut. Surprise ! En 2020, il est l’un des pays africains qui souffrent le moins de la pandémie et de ses dégâts économiques. Cette année, il enregistrera une récession d’à peine 0,7 % selon le FMI, alors que ses voisins de la Cemac subiront un recul de 3,2 % en moyenne. Mieux, le Fonds parie sur une reprise de la croissance au Tchad de 6,1 % en 2021 (voir p. 220). Cette étonnante résilience s’explique d’abord par l’élan qu’avaient donné les bons résultats de 2019. Croissance de la production pétrolière notamment grâce au champ de Daniela, abondantes récoltes, comme le coton, moindre place des hydrocarbures dans le budget de l’État et mesures d’austérité antérieures (les fameuses « seize mesures » entrées en vigueur dès 2016) permettent aujourd’hui au Tchadd’amortirenpartielechocdûauCovid-19. La crise semble être moins sévère que celle née en 2014 de l’effondrement des prix du pétrole.

Siège national de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), place de la Justice, à N’Djamena.

RENAUD VAN DER MEEREN/EDJ

Mesures de sauvetage

Il faut dire que la petite taille de l’économie tchadienne (PIB d’environ 10 milliards de dollars) la rend très réactive aux mesures de sauvetage prises à partir de 2016. Si celles-ci ont durement fait souffrir la population, elles ont aussi permis une meilleure rentrée des recettes publiques, par exemple en raison de l’impôt enfin payé par la China National Petroleum Corporation (CNPC) et d’une chute des dépenses de fonctionnement (notamment de la masse salariale), qui ont ramené les comptes publics dans des zones moins dangereuses. Les autorités ont par ailleurs fait preuve d’un volontarisme remarqué pour contrer l’épidémie et les effets délétères des dispositifs mis en place pour la maîtriser (fermeture des frontières, arrêt de l’activité économique, limitation des déplacements). Elles ont débloqué une enveloppe pour renforcer les stocks de denrées de l’Office national de sécurité alimentaire (25 milliards de F CFA, soit plus de 38 millions d’euros), créé un fonds national de soutien aux populations vulnérables (100 milliards de F CFA), institué la gratuité de l’eau et de l’électricité pour les ménages les plus défavorisés, recruté près de 1640 agents de santé et exonéré de taxes les importations de produits et matériels médicaux.

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GRAND FORMAT TCHAD

ÉCONOMIE

Le gouvernement s’est aussi soucié du secteur économique en difficulté. Le président Déby Itno a annoncé le paiement d’une partie des arriérés dus aux entreprises privées (110 milliards de F CFA sur les 1000 milliards estimés). Un fonds pour l’entrepreneuriat des jeunes doit faciliter l’octroi de prêts bancaires garantis par l’État à hauteur de 70 % (30 milliards de F CFA). Enfin, le chef de l’État a décidé une réduction de 50 % de la patente et des contributions au titre de l’impôt libératoire pour l’exercice 2020, mesure qui réduit partiellement un matraquage fiscal décidé dans la loi de finances initiale et susceptible de provoquer des hausses de plus de 1500 % de la patente des entreprises! Il faut aussi souligner que les aides n’ont pas manqué – grâce à la suspension de la charge de la dette décidée par le Club de Paris, aux deux décaissements du FMI au titre de la facilité de crédit rapide et aux apports de la Banque mondiale, de la BAD, de l’UE et de la France. Les recettes ont augmenté de 7 % en 2020, mais pas suffisamment pour compenser les dépenses supplémentaires liées à la lutte contre le Covid. L’année 2021 s’annonce donc plus délicate, avec un fléchissement projeté des recettes budgétaires de 11 %, alors que les dépenses ne baisseraient pas dans la même proportion. Il n’empêche que, comme le souligne Fulbert Tchana Tchana, économiste principal de la Banque mondiale pour le Tchad, « les autorités ont la rude tâche de continuer à soutenir les ménages précaires et les entreprises qui ont été les plus touchées tout en continuant à investir dans des secteurs et infrastructures clés pour préparer l’avenir, alors que les recettes budgétaires baisseront en 2021 ».

LE PLUS IMPORTANT SERA DE RÉDUIRE LA DÉPENDANCE DU PAYS VIS-À-VIS DU PÉTROLE.

Une tâche gigantesque

L’État doit se battre sur tous les fronts: limiter l’inflation qui a repris sous l’effet de la fermeture des frontières et menace le faible pouvoir d’achat d’une population dont l’indice de capital humain est le plus faible du monde, selon la Banque mondiale ; limiter la poussée de la dette publique déjà excessive, mais que le FMI juge encore viable ; financer la lutte contre le terrorisme qui dévore 30 % du budget de l’État; apporter l’électricité aux 92,4 % des Tchadiens qui n’y ont pas accès; améliorer, par l’éducation et la formation, les compétences des jeunes qui se pressent sur un marché de l’emploi étriqué; retenir le pétrolier Exxon, qui serait tenté, dit-on, de plier bagage; obtenir de ne plus être

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le parent pauvre du G5 Sahel en matière de répartition des allocations budgétaires; trouver les quelque 600 milliards de F CFA nécessaires au financement du nouveau Plan directeur d’industrialisation et de diversification économique (PDIDE), etc. Une tâche gigantesque. Le plus important sera de réduire la dépendance du pays vis-à-vis du pétrole et de diversifier une économie encore fondée sur la rente, l’entreprise publique et le commerce. Pour en venir à bout, il faudra que le Tchad améliore le climat de ses affaires, qui paralyse les investissements domestiques et étrangers. Au classement « Doing Business 2020 » de la Banque mondiale, il pointe au 182e rang sur les 190 pays analysés, parce que ses entreprises privées se voient infliger un parcours du combattant réglementaire, fiscal, social et douanier.

De sérieux atouts, mais…

Pourtant il existe des niches où les entreprises tchadiennes disposent de sérieux atouts pour créer de la valeur et donc des emplois. « Le Tchad est le champion de l’élevage en Afrique centrale, souligne Fulbert Tchana Tchana, mais il n’exploite pas bien ce secteur, qui reste à l’état artisanal. Nous travaillons avec l’État pour que les populations en tirent de meilleurs profits. En adoptant des normes de qualité, en organisant les acteurs du secteur et en réduisant les entraves bureaucratiques, il exportera mieux ses bovins et ses moutons et pourra concurrencer les viandes venues du Brésil ou d’Europe. » D’autres filières sont à l’étude au ministère du Plan, comme celle du sésame ou de la gomme arabique. Celle-ci est aujourd’hui récoltée, collectée et exportée sans transformation, donc à bas prix, vers des usines d’Europe et de Chine où elle est purifiée et réduite en poudre. Pourquoi ne pas emboîter le pas au Soudan, qui s’est lancé dans des plantations d’acacias de première qualité et dans la valorisation de sa gomme? « En jouant la carte de l’irrigation efficace, le Tchad pourrait réduire sa dépendance vis-à-vis de ses voisins et donc ses importations de produits agricoles, ajoute Fulbert Tchana Tchana. En digitalisant son économie, il réduirait le handicap de son enclavement et pourrait développer le secteur des services, mais cela réclame de l’énergie, du haut débit, des réglementations adaptées aux besoins des populations. » Cela exigera encore et toujours un appui vigoureux de la communauté internationale, sans lequel le Tchad peinera à surmonter son enclavement, le dérèglement climatique et sa croissance démographique galopante.


M Abdulaziz Mohamed Saleh, Directeur Général de la BCC

Kossi Brahim Bichara, Directeur Général Adjoint de la BCC

LA BCC, UNE BANQUE AU SERVICE DE L’ÉCONOMIE TCHADIENNE

Finance islamique : un rôle pionnier Banque innovante et à l’écoute de sa clientèle, la BCC a décidé de lancer son agence BCC AL YOUSR qui est la toute première agence bancaire spécialisée en finance islamique (finance éthique) au Tchad. Cette offre propose des services particulièrement intéressants pour les clients.

Avec un capital détenu à 50 % par la Lybian Foreign Bank et à 50 % par l’Etat tchadien, la Banque Commerciale du Chari (BCC) occupe d’ores et déjà une place clé dans le paysage bancaire tchadien. Elle se classe au deuxième rang en termes de bilan et de volume de crédits. Le portefeuille de clients est très diversifié et couvre la plupart des secteurs de l’activité économique et industrielle du pays.

Il s’agit, entre autres, de l’ouverture d’un compte courant sans frais de gestion, de conditions de financement inédites au Tchad et de placements très rentables, ainsi que de solutions de financement et d’investissement, dont les termes épousent les valeurs locales.

La BCC représente 22 % du total de crédits nets sur le marché tchadien et compte, parmi sa clientèle, des acteurs clés de l’économie tels que les grandes sociétés des télécommunications, du secteur pétrolier, du bâtiment et des travaux publics ainsi qu’un tissu non négligeable de PME et PMI.

Extension du réseau Parallèlement à ces innovations en matière d’offre, la BCC renforce le maillage de la ville de N’Djamena et accentue sa présence sur le territoire national à travers l’extension de son réseau d’agences dans les provinces.

Un intérêt marqué pour les particuliers Avec une population totale estimée à 15 millions d’habitants et projetée à 23 millions à l’horizon 2030, le Tchad enregistre, à l’instar de la majorité des pays africains, une forte croissance démographique. Sa population active, estimée à 1,3 million de personnes, suit la même courbe. D’où l’option prise par la BCC, au cours des deux dernières années, de s’orienter davantage vers la clientèle des particuliers avec des offres innovantes et avantageuses, intégrant les produits de e-banking, de Mobile Banking, de monétique (GIMAC, VISA) ainsi que la finance islamique (finance éthique).

La BCC compte ainsi, outre son siège, situé avenue Charles de Gaulle à N’Djamena, 9 autres agences réparties sur tout le territoire national. Plusieurs ouvertures d’agences nouvelles sont prévues au cours des prochains mois. En définitive, la BCC participe activement au financement de l’économie tchadienne, au demeurant en pleine mutation, dans le but d’œuvrer pour un développement durable dans tous les domaines. Elle travaille avec toutes les organisations afin de permettre la concrétisation de leurs projets.

JAMG - © STOCK.ADOBE.COM

Établie au Tchad depuis 1993, la Banque Commerciale du Chari (BCC) propose une offre adaptée aux besoins de ses clients et développe son réseau à l’échelle du territoire national. Son ambition est d’accompagner la croissance d’un pays en pleine expansion démographique.

Cherif Tom Kasser, Directeur Commercial de la BCC


GRAND FORMAT TCHAD

STRATÉGIE

Issa Doubragne

Ministre de l’Économie et de la Planification du développement

« Il faut investir sans attendre que les autres nous viennent en aide » PROPOS RECUEILLIS À N’DJAMENA PAR MADJIASRA NAKO

C

est sans doute l’une des surprises de cette fin d’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19 qui a ébranlé les économies les plus robustes à travers le monde. Malgré les lourdes dépenses sécuritaires qui grèvent le budget du pays depuis 2012 et malgré la crise financière liée à la chute des cours du brut depuis 2014, l’économie tchadienne se montre plus résistante que celle de ses voisins d’Afrique centrale. Selon les projections publiées en octobre par le FMI (voir p. 220), le Tchad est le pays de la Cemac qui devrait enregistrer la plus faible récession en 2020 (– 0,7 %) et qui présente la perspective de reprise la plus dynamique (+ 6,1 %) en 2021. À la tête du portefeuille de l’Économie depuis la fin de 2017, Issa Doubragne, 47 ans, explique en quoi les réformes engagées depuis bientôt cinq ans permettent aujourd’hui au pays de tenir le cap. C’est aussi l’occasion de revenir sur les facteurs qui ont freiné le Plan national de développement (PND) 2017-2021, ainsi que sur les décisions qui ont été prises pour y remédier.

des États de l’Afrique centrale], le taux de croissance prévu à 3,8 % pour cette année a été revu à la baisse, mais nous ne sommes pas allés plus bas que ce que nous redoutions. Et quand on regarde les prévisions de reprise pour 2021, le Tchad est plutôt mieux loti que ses voisins, avec un taux de croissance estimé de 6 %. Nous avons certes le triomphe modeste, mais c’est encourageant de voir les résultats du travail que nous abattons depuis des années. En quoi a consisté ce travail ?

Le Tchad est le pays le plus réformateur de la région. Grâce à l’appui budgétaire de nos partenaires, nous avons pu mener des réformes, certes douloureuses mais aussi très vertueuses, qui ont permis d’améliorer notre gouvernance et le climat des affaires. Même si, dans ce dernier cas, il y a encore du travail à faire. Nous entendons poursuivre nos efforts afin d’améliorer drastiquement notre score, notamment en réformant le code des marchés publics. Vous récoltez les fruits des fameuses « seize mesures » d’austérité décidées en 2016 pour faire face à la crise financière…

Jeune Afrique : Comment se porte l’économie tchadienne ?

Issa Doubragne : En dépit des dégâts causés par la pandémie de Covid-19, notre économie a été résiliente. Pourtant, on ne donnait pas cher de sa peau, parce que ses fondamentaux ne sont pas les plus solides de la sous-région. Au regard des estimations du FMI et de la Beac [Banque

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LE SECTEUR PRIVÉ, QUI RESTE EMBRYONNAIRE, A BESOIN DE RESTRUCTURATION.

Oui en effet ! Les gens ont vite fait de jeter l’anathème sur les « seize mesures », qui, pour limiter la casse, impliquaient d’opérer des coupes sombres sur des secteurs parfois prioritaires. On s’est rendu compte que la maîtrise des dépenses publiques et le renforcement des contrôles sur les recettes fiscales ont permis de stabiliser notre système financier, ce qui nous autorise aujourd’hui à espérer investir dans la diversification de notre économie. Il faut que nous commencions à investir sans attendre que les autres nous viennent en aide. Quels sont les enjeux pour l’économie tchadienne en cette fin de 2020 ?

Il s’agit de continuer ce que nous avons commencé et que la pandémie est venue perturber, en particulier de poursuivre et de consolider les réformes pour ouvrir l’économie aux investissements extérieurs, ce qui suppose que nous fassions des efforts pour améliorer encore le climat des affaires ainsi que le cadre juridique et institutionnel, afin de rassurer les partenaires. Ainsi, l’adhésion du Tchad à l’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique permet d’apporter une substitution à la garantie souveraine requise par les partenaires. Nous échangeons par ailleurs avec la SFI [filiale de la Banque mondiale pour le secteur privé], qui vient d’ouvrir un bureau à N’Djamena, afin de voir comment elle pourra accentuer la garantie et les financements qu’elle va apporter au secteur privé. Nous avons aussi l’aval de la Miga [Agence multilatérale de garantie des investissements], autre filiale de


VINCENT FOURNIER/JA

À un an de son terme et alors que le chef de l’État a annoncé la préparation d’un nouveau plan, quel bilan peut-on faire du PND 2017-2021?

la Banque mondiale. Sur instructions du président Idriss Déby Itno, nous travaillons aussi à la mise en place d’un fonds souverain d’investissement au Tchad avec l’appui du Fonds africain de garantie et de coopération économique [Fagace], qui recevra des dotations annuelles. Pourtant, le Tchad n’a toujours pas bonne presse en matière de climat des affaires. Il se place au 182e rang sur 190 pays classés dans le rapport « Doing Business 2020 »…

Le problème du Tchad provient du mauvais « rapportage » des faits. Par exemple, le rapport « Doing Business » est mal renseigné, car quand il n’y a pas d’informations la case n’est pas remplie. Or, si les bonnes informations étaient compilées à temps et lorsqu’elles sont disponibles, je vous assure qu’on aurait changé de position dans le classement ! C’est la raison pour laquelle nous avons engagé la révision du système national de statistiques. L’Institut

national des statistiques économiques et démographiques a été redynamisé, nous venons de mettre en place un Fonds national de développement de la statistique et une École nationale de statistiques et d’informatique appliquée. Pour chapeauter ce nouveau dispositif, un Conseil national de la statistique sera chargé de valider toutes les données, qui seront désormais produites en temps réel. Comment comprendre que, jusqu’à présent, le PIB du Tchad soit calculé à partir de données datant de 2005 ? Nous avons obtenu (difficilement) de revoir le PIB du pays, et il est possible que celui-ci fasse un bond de 50 % à la fin de l’exercice qui s’achève, donc d’ici à la fin de l’année ou en janvier 2021 tout au plus. Enfin, nous sommes en train de préparer le plus grand recensement général que le Tchad ait jamais organisé. Il sera biométrique et, en même temps que le recensement général de la population, nous ferons celui de l’agriculture.

Le PND 2017-2021 a souffert de nos faiblesses structurelles, à savoir la lenteur administrative dans le traitement des dossiers, la faible capacité d’absorption, l’absence d’études de faisabilité… Aujourd’hui, 80 % de ces problèmes sont résolus, même si la question des passations de marchés nous retarde encore dans l’utilisation des ressources. En revanche, le secteur privé, qui reste embryonnaire, a besoin de restructuration, pour que les opérateurs économiques tchadiens qui aspirent à faire des affaires avec des partenaires étrangers rassurent ces derniers sur le fait qu’ils pourront investir dans un environnement favorable. En réalité, nous ne disposons pas encore d’un secteur privé qui produise des services, et, pour le moment, ce secteur en importe et dépend entièrement de la commande publique. La chambre de commerce, par exemple, regroupe à elle seule huit secteurs de l’économie. Elle a besoin d’être réformée, de façon que chaque secteur s’organise en chambre consulaire, ce qui permettra à chacun de jouer pleinement son rôle, de transformer davantage sur place et d’éviter la fuite des capitaux qui déséquilibre la balance des paiements. L’une des faiblesses de l’administration n’est-elle pas aussi l’absence de cadres compétents aux postes où l’on en a besoin?

La fonction publique ne manque pas de cadres compétents. Mais certaines compétences sont peut-être trop peu utilisées ou n’ont pas été assez mises à jour dans le cadre de la formation continue. Il faut aussi reconnaître que les bons cadres préfèrent se réfugier dans des projets privés où ils sont mieux payés que dans la fonction publique. C’est pourquoi nous disons que nous ne pouvons pas continuer dans cet éternel renouvellement de projets qui génèrent des ressources pour leurs opérateurs sans produire de résultats

no3095 – DECEMBRE 2020

219


GRAND FORMAT TCHAD

STRATÉGIE

REPÈRES

Une croissance encore sauvée par le pétrole 2018

2019

2020

2021 Projections

PIB pétrolier PIB hors pétrole

2,3 12,7 0,3

3,0 7,6 2,0

– 0,7 2,3 – 1,5

6,1 19,2 3,1

Inflation

4,0

– 1,0

2,8

3,0

Solde budgétaire global

(dons compris, base engagement)

1,9 11,1

– 0,2 10,9

– 0,6 11,2

– 1,2 13,4

Balance globale des paiements

2,7

0,0

– 5,0

– 6,2

Solde extérieur courant

– 1,4

– 4,9

– 14,0

– 11,6

Dette publique

49,1

44,3

46,4

44,4

Dette publique extérieure

24,9

24,4

29,3

25,4

(En % du PIB)

(encours total, FMI compris)

SOURCES : AUTORITÉS TCHADIENNES ET FMI - OCTOBRE 2020

(Variation annuelle, en %)

PIB réel (à prix constants)

L’un des principaux axes du prochain PND est le Plan d’industrialisation et de diversification de l’économie. Pouvez-vous nous en dire deux mots ?

Ce plan est le plus grand jamais élaboré au Tchad en matière de diversification de l’économie, à travers les industries que nous allons installer. Ainsi, nous aurons sous peu d’importantes discussions sur la filière bétail-viande, pour tirer profit de notre immense cheptel [plus de 100 millions de têtes]. Notre vision est de privilégier l’investissement privé, comme dans le cas de la CotonTchad SN, dont 60 % des parts ont été vendues au singapourien Olam, pour créer de l’emploi mais aussi pour favoriser le marché local, qui importe beaucoup. Imaginez : le nombre d’élèves qui vont à l’école à travers le pays et qui pourraient être habillés par la nouvelle société de textile implantée à Sarh ! Le marché est là et ne demande qu’à consommer…

JAMG - Photo : D.R.

des ressources des projets pour évaluer leur efficacité, chercherait en fait à s’approprier ces ressources – lesquelles, du reste, ont été mobilisées au nom des populations tchadiennes.

L'Office National pour la Promotion de l'Emploi est un établissement public, à caractère administratif, doté d'une personnalité morale et d'une autonomie de gestion. L’ONAPE a pour mission principale la matérialisation de la politique du gouvernement en matière de l’emploi.

Afin de contrecarrer l’impact négatif dee la Covid-19 sur l’économie Tchadiennee, l’ONAPE a très vite mis en place dess crédits pour le financement des jeuness entrepreneurs, suivi du financementt de la campagne agricole 2020 dans less zones rurales. L’ONAPE a poursuivi au mois de juin n, par la mise en œuvre d’une campagnee de distribution des kits alimentaires et d’hygiènes au profil des couches vulnérables. Toujours dans l’action, une mission à sillonnée les zones méridionale et septentrionale du pays pour accompagner les jeunes des différentes provinces à lutter efficacement contre le chômage

M. SADICK BRAHIM DICKO

Directeur de l’ONAPE

+ La promotion de l'emploi et la lutte contre le chômage et le sous emploi ;

+ L’insertion et réinsertion les jeunes sortant de l’appareil éducatif ;

+ Promouvoir le placement, la reconversion et la mobilité de la main d’œuvre qualifiée de tous les secteurs d’activité ;

+ Travailler au préalable au diagnostic et à l'établissement des besoins en main d’œuvre qualifiée de tous les secteurs d’activité ;

+ Le développement des actions de formation, d’orientation, de conseil professionnel et d’initiation à la création de l’emploi (Auto emploi) ou d’une micro entreprise ;

SOURCES : AUTORITÉS TCHADIENNES ET FMI - OCTOBRE 2020

Le Directeur de l’Office National pour la a Promotion de l’Emploi, Sadick Brahim m Dicko déploie réflexion et énergie pour mener à bien sa mission et œuvrer quo-tidiennement pour le développement dee cette institution.

Nos actions

OFFICE NATIONAL POUR LA PROMOTION DE L’EMPLOI

« un jour, une action »

et la pauvreté. Plusieurs formations en faveur des jeunes ont été initiées donc la plus récente est le partenariat signé avec la Fondation Scheider Electric et l’Institut Panafricain de Développement qui a permit la formation de 84 jeunes artisans électriciens.

+ La bonne délivrance des autorisations d'emploi et de visa des contrats de travail.

En parallèle, ll l l’l’ONAPE procède d à lla collecte de données qui permettra de mettre à jour la base de données sur l’emploi afin de mieux satisfaire les décideurs politiques et les acteurs du monde de l’entreprise.

Email : contact@onape.td - Tél. : (+235) 22 52 29 61 - E DGONAPE

pour le pays et les populations. Et c’est la raison pour laquelle nous avons suggéré une réforme qui a été mal comprise par certains, qui ont estimé que l’État, en voulant utiliser une partie


>> SIÈGE SOCIAL Rue du Colonel Hassan Moursal Kourda, B.P.19 - N’Djamena - Tchad Tél. : (+235) 22 52 28 29 Tél. : (+235) 22 52 32 84 - 22 52 37 41 Fax : (+235) 22 52 33 18 - 22 52 06 53 E-mail : cb-tchad@groupe commercialbank.com >> AGENCE DE MOUNDOU B.P. 382 - Moundou - Tchad Tél. : (+235) 22 69 17 86 Fax : (+235) 22 69 17 87 >> AGENCE « RUE DE 40 M » Rue de 40 m B.P. 19 - N’Djamena - Tchad Tél. : (+235) 22 53 13 24 Tél. : (+235) 22 53 13 25 - 22531326 Fax : (+235) 22 53 13 27 >> AGENCE D’ABÉCHÉ B.P. 114 - Abéché - Tchad Tél. : (+235) 22 69 88 68 Fax : (+235) 22 69 88 69 >> AGENCE « Avenue MALDOUM BADA » ABBASS B.P. 19 N’Djamena -Tchad Tél. : (+235) 22 52 28 29 Fax : (+235) 22 53 33 18


GRAND FORMAT TCHAD

STRATÉGIE

L’économie la plus résiliente de la Cemac

Sauf que le coût de production favorise les produits chinois…

2019

2020

2021

Projections

2,3 2,5

Tchad – 0,7

3 6,1

Centrafrique

3

–1

– 2,7

3,8 2,1 4,1 3,9

Cameroun – 2,8 – 5,8 – 6,1 –6

Guinée équatoriale Congo

– 6,4 –7

OFFICE NATIONAL POUR LA PROMOTION DE L’EMPLOI

3,4

2,2 – 0,6 – 0,8

SOURCES : AUTORITÉS TCHADIENNES ET FMI - OCTOBRE 2020

3 1

Gabon

3,8

Le coût de l’électricité est l’un des principaux facteurs du renchérissement des produits manufacturés localement. Nous avons intégré ce facteur en privilégiant le solaire, qui est moins onéreux, et allons investir dans des parcs solaires qui augmenteront la capacité de 100 mégawatts (MW) à N’Djamena et de 900 MW pour les villes de province, entre deux à trois ans. S’y ajoutent les efforts de désenclavement. Nous avons presque bouclé le financement de la construction de la route Abéché-Adré, à la frontière avec le Soudan, qui va nous ouvrir un corridor supplémentaire vers Port-Soudan. Avec la Banque mondiale et l’Union européenne, nous sommes en train de boucler le financement pour la réhabilitation du tronçon Bongor-Moundou-Koutéré, à la frontière avec le Cameroun. Ces réalisations nous permettront de concrétiser une bonne partie du PND 2017-2021 et, surtout, de mieux préparer le plan suivant.

« Donnons le goût d’entreprendre à la jeunesse tchadienne » Le développement d’un pays et son devenir reposent essentiellement sur la jeunesse ; Une jeunesse entreprenante, qu’il faut accompagner et à qui il faut fournir les bons outils. En plus de l’intermédiation qui consiste à mettre en relation les demandeurs d’emploi et les entreprises, l’ONAPE a développé plusieurs programmes afin d’apporter des réponses à la problématique de l’emploi des jeunes. L’accent est mis sur le développement des actions de formation, d’orientation, de conseil professionnel et d’initiation à la création de l’emploi (Auto-emploi) ou d’une entreprise LE PROGRAMME D’APPUI AUX DIPLÔMÉS SANS EXPÉRIENCES (PADE) C’est un programme qui consiste à donner une opportunité d’emploi aux jeunes diplômés à travers des stages pré-emploi dans les entreprises privées et publiques. Le PADE est une école d’expérience qui permet aux jeunes de concilier la théorie apprise lors des formations (écoles, universités) aux réalités de l’entreprise et de connaitre le fonctionnement réel du monde professionnel. LE PROGRAMME AUTO-EMPLOI Le programme Auto-Emploi a pour but d’installer les jeunes promoteurs à leur propre compte en finançant leur projet à taux d’intérêt zéro. Il s’agit de créer une opportunité pour la jeunesse tchadienne à entreprendre.

L’entrepreneuriat reste le moyen le plus sûr pour assurer le développement et l’épanouissement de la jeunesse Il permet à la jeunesse de participer et de contribuer au développement socio-économique du pays. LE PROGRAMME CRÉDIT AGRICOLE C’est un programme conçu pour financer spécifiquement le développement du monde rural incluant tous ceux qui produisent et exploitent les matières premières agricoles. Il permet de créer de l’emploi aux jeunes, de développer le monde rural et de favoriser l’auto suffisance alimentaire. LES PROGRAMMES DE FORMATION Nous développons aussi des actions de formations dans différents « petits métiers ». Des formations vont également dans le sens de la reconversion dans des domaines porteurs. Tout est mis en œuvre pour faciliter l’insertion et la réinsertion des jeunes dans la vie active.

JAMG - Photo : D.R.

2018

Email : contact@onape.td - Tél. : (+235) 22 52 29 61 - E DGONAPE

(évolution du PIB réel, en %, à prix constants)


GRAND FORMAT TCHAD

TECHNOLOGIE

Les télécoms font-elles (enfin) leur révolution? Coûts élevés, accessibilité défaillante… Un plan a été lancé pour rattraper le retard en matière de services mobiles et numériques. Et ouvrir le marché à de nouveaux opérateurs. Parmi les nouvelles mesures adoptées: la portabilité des numéros.

a-t-elle utilisé des outils qui ont permis d’obtenir une réduction des tarifs. » Mais celle-ci est insuffisante, de l’avis des associations de défense des droits des consommateurs, qui appellent à aligner les coûts sur ceux pratiqués dans la sous-région et, surtout, à améliorer la qualité des services.

ABDOULAYE BARRY POUR JA

Fibre chinoise

C

MADJIASRA NAKO

est par deux tweets, à la mi-octobre, qu’Idriss Saleh Bachar, le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, annonçait deux mesures que les usagers tchadiens de la téléphonie mobile attendaient depuis des lustres : la « portabilité des numéros ». Ce qui, en français facile, signifie que les abonnés pourront désormais communiquer avec un correspondant branché sur un autre réseau et changer d’opérateur en conservant le même numéro – et l’alignement des prix entre opérateurs. Après une évaluation dans la foulée, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a infligé une amende de plus de 8 milliards de F CFA (environ 12,2 millions d’euros)

aux trois opérateurs de téléphonie mobile : Airtel (filiale de Bharti) et Tigo Tchad (racheté à Millicom par Maroc Telecom en juin 2019), qui se partagent plus de 95 % du marché, et la société publique Salam (filiale de l’opérateur historique Sotel). Ces décisions devraient marquer le début de la fin d’un « duopole » en place depuis des années. Malgré les critiques sur la mauvaise qualité et le coût prohibitif de leurs services, pour les appels comme pour internet, les deux principaux opérateurs de téléphonie mobile n’ont jusqu’à présent répondu que fort peu aux plaintes – légitimes – des consommateurs, lesquelles ont été multipliées par dix entre 2014 et 2020, selon le ministère des Télécommunications. « Après une étude en 2018-2019, nous avons remarqué que s’était installé un duopole qui n’est pas bon pour les consommateurs, explique Idriss Saleh Bachar. Aussi l’autorité de régulation

Pour cela, le Tchad doit disposer d’une couverture en fibre optique plus large, son réseau national n’étant encore que de 2200 km. Avec 7 millions d’abonnés mobiles, le pays a un taux de pénétration de 48 % pour le téléphone et de 5 % pour internet, soit l’un des plus faibles au monde. Un accord a été signé avec le chinois Huawei pour poser 2300 km de fibre supplémentaire d’ici à la fin de 2021 afin de résoudre une partie des problèmes d’accessibilité et de qualité des services. Ce chantier est l’une des composantes du Plan stratégique de développement du numérique et des postes 2020-2030. Adopté à la mi-juillet, ce programme, doté de 1 452 milliards de F CFA, a pour objectif d’augmenter la contribution des TIC à l’économie nationale pour qu’elles atteignent 10 % à 15 % du PIB. Dans cette optique, le Tchad est en train de construire avec le géant chinois Huawei un big data center (« centre de données massives »), et l’État compte mobiliser 36 milliards de F CFA sur dix ans afin d’investir dans la recherche et l’innovation. Une bonne volonté qui reste soumise à un environnement des affaires pas toujours favorable. En témoigne l’échec des deux publications d’appels d’offres parues depuis 2018 pour la quatrième licence mobile, qui n’a toujours pas trouvé de nouvel opérateur.

no3095 – DECEMBRE 2020

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DAMIEN GRENON POUR JA

GRAND FORMAT TCHAD

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no3095 – DECEMBRE 2020


SOCIÉTÉ

Hindou Oumarou Ibrahim

GÉOGRAPHE MILITANTE De Paris à Marrakech en passant par New York, la N’Djaménoise s’est imposée comme l’une des personnalités incontournables des négociations sur le climat. Elle est aussi la voix des femmes peules et des peuples autochtones.

Q

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

À Paris, le 6 août.

uand elle commence à parler, on ne l’arrête plus. Hindou Oumarou Ibrahim est à la fois portée e t e m p o r té e p a r ses expériences, ses convictions, ses causes et ses émotions. À 37 ans, la géographe n’djaménoise, fille d’éleveurs peuls mbororos (ou wodaabes) – une communauté semi-nomade du Sud tchadien –, n’est intimidée par personne. Et certainement pas par les grands de ce monde. Elle porte d’ailleurs bien son prénom, « Hindou », issu de « Hind », qui, en arabe, symbolise la ténacité. « J’ai la réputation de toujours arriver à mes fins et de fatiguer les autres, reconnaît-elle. Je me

souviens, la première fois que je suis allée à un sommet à Davos, j’étais entourée de gens avec des costumes à 10 000 euros. Il n’y avait que des hommes, ou presque, tous tirés à quatre épingles, et moi j’étais “la Tchadienne”, avec son petit foulard. Mais ils ne me faisaient pas peur! »

Une enfant déterminée

Hindou Oumarou Ibrahim raconte que, lorsqu’elle était enfant à N’Djamena, elle se battait dans la cour de récréation quand les autres élèves se moquaient d’elle en criant : « Dieu a créé les mouches avant de créer les Peuls .» Alors qu’elle n’a que 15 ans, l’adolescente fonde l’Association des femmes peules et peuples autochtones du Tchad (l’Afpat) pour lutter contre les discriminations et garantir le droit à l’éducation, à la santé, à l’eau et à la terre aux peuples autochtones. Cette détermination empreinte de courage qui lui a notamment permis de résister très jeune aux mariages forcés, l’adolescente la tient de sa mère. Celle-ci releva en effet le défi de mettre à l’école ses quatre enfants, ce malgré le milieu très conservateur de son époux… Quitte à divorcer et à être exclue du clan. « Ma mère était analphabète et ne voulait pas que nous subissions les mêmes humiliations qu’elle. Elle nous a poussés à nous instruire malgré l’hostilité de la famille et des marabouts. Elle se privait de manger pour qu’on ne manque de rien pour étudier, et l’été elle nous envoyait au village pour qu’on ne perde pas le sens des

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GRAND FORMAT TCHAD

SOCIÉTÉ

réalités. C’est comme ça que j’ai appris à traire les vaches, à vendre du beurre au marché et que, en revenant au village plus tard, j’ai pu voir la désertification avancer, les rivières disparaître, les animaux sauvages et la vie pastorale mourir… » De cette enfance elle tire une extraordinaire énergie qui fait d’elle la femme moderne et « tout-terrain » qu’elle est aujourd’hui.

Gardiens de la nature

Hindou Oumarou Ibrahim ne polémique pas gratuitement. Elle agit concrètement contre les effets dévastateurs du réchauffement climatique, en particulier sur les peuples nomades du Sahel. Son Aftap est la première association communautaire à participer aux négociations internationales sur le climat, en 2005, à New York, où la jeune femme se bat alors pour la reconnaissance des savoirs traditionnels dans l’adaptation aux changements climatiques. Son action sera couronnée de succès puisqu’ils sont inscrits dans le Pacte des Nations unies pour l’environnement en 2012. La militante se souvient des longues négociations lors de l’historique Conférence des Nations unies sur les changements climatiques en France, en décembre 2015. Pour faire entendre sa cause, elle a encore une fois dû s’imposer, notamment face au président de la COP21, l’ex-ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius. Ce dernier s’est finalement laissé convaincre par la détermination de Hindou Oumarou Ibrahim et a admis la justesse de son combat pour la reconnaissance des savoirs traditionnels dans la lutte contre la désertification. Depuis, ils sont amis. « Lui comme d’autres hommes d’État encore plus méfiants ont finalement compris que nous n’étions pas là seulement pour débattre, ainsi que le font parfois certains représentants de la société civile qui s’opposent à tout, mais que nous étions aussi venus pour apporter des solutions concrètes. C’est nous, les gardiens de la nature. Et nous avons fini par obtenir gain de cause: les droits des peuples autochtones et des communautés locales ont été inscrits dans le préambule de l’accord de Paris, insiste-t-elle, enthousiaste. Pour moi, tout est lié. Pas de lutte contre le réchauffement climatique sans une reconnaissance des peuples autochtones. » Depuis la première victoire remportée à New York en 2012, Hindou Oumarou Ibrahim continue de parcourir le monde, invitée à participer à des conférences et à des groupes de travail par des chaînes de télévision et de radio internationales. En Amérique du Nord, en Europe ou en

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no3095 – DECEMBRE 2020

Afrique, « Hindou » est aujourd’hui respectée et écoutée de tous, en particulier par le président Idriss Déby Itno. Ils se sont rencontrés pour la première fois en septembre 2019, au siège de l’ONU, à New York, lors du sommet Action Climat. « On a beaucoup parlé du réchauffement, de l’importance de l’éducation, etc. Je lui ai fait des propositions très concrètes, et, depuis, il me soutient dans mes combats. » Le chef de l’État s’est d’ailleurs particulièrement fait remarquer lors de ce sommet, en exhortant les pays industrialisés à soutenir les efforts déployés par les pays africains face au changement climatique. Et, au mois de décembresuivant,ilanomméHindouOumarou Ibrahim ambassadrice itinérante du Tchad.

Ambassadrice de l’Afrique verte

Un titre et surtout un motif d’action supplémentaire pour cette battante. Exploratrice de solutions pour le magazine américain National Geographic depuis 2017, élue parmi les 100 femmes les plus influentes de la planète dans le « 100 Women 2018 » de la BBC, elle a reçu en novembre 2019 le prix Pritzker du génie environnemental émergent, remis par l’Institut de l’environnement et du développement durable de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Désignée l’an dernier par le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, comme étant l’une des dix-sept personnalités influentes et leaders des Objectifs de développement durable (ODD), elle est aussi sa conseillère officielle en prévision de la COP26, qui doit se tenir à Glasgow, en Écosse, en septembre 2021. Mariée à un ancien collaborateur du Français Nicolas Hulot lorsqu’il était à la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire, Hindou Oumarou Ibrahim regrette de devoir reporter une partie de ses actions et d’être bloquée en France à cause de la pandémie de Covid-19, « cette maladie du dérèglement mondial ». Ce qui ne l’a pas empêchée de monter une opération de prévention au sein des communautés nomades démunies face à la pandémie. Selon elle, pour freiner les conséquences du réchauffement climatique, surtout en Afrique, chaque jour est précieux. « Je ne suis jamais restée aussi longtemps loin de mon pays et je trépigne, car ma vie et mes combats sont là-bas… Même si ce coronavirus nous rappelle que nous vivons sur le même bateau et que la planète est la même pour tous. »

ELLE EST CONSEILLÈRE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU POUR LA COP26, QUI SE TIENDRA EN SEPTEMBRE 2021.


© HUGUES LIONEL TIADJI

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GRAND FORMAT TCHAD

MÉDIAS

Djam’s brille sur N’Djam

Ses traits de crayon capturent l’humeur et l’humour de ses concitoyens. Bédéiste et illustrateur de presse, Mahamat Djamadjibeye est le dessinateur préféré des N’Djaménois. ans ses yeux, son sourire et ses propos, pointe le même trait d’humour que dans ses dessins. À presque 40 ans, Mahamat Djamadjibeye, alias Djam’s, dessine pour la presse depuis seize ans déjà. Mais il manie le crayon depuis bien plus longtemps. « Gamin, en classe, je dessinais systématiquement mes amis, surtout ceux qui se moquaient de moi », se souvient-il, derrière le sourire narquois qu’on lui connaît. Des croquis et des caricatures qui ne font pas toujours rire. « Un jour, j’ai été copieusement tabassé par un camarade de classe qui n’avait pas apprécié que je dessine son père, un forgeron », ajoute-t-il. À l’adolescence, le jeune Djam’s cultive sa passion. « Les amis qui écrivaient des lettres d’amour aux filles dans les “cahiers d’amitié” me payaient pour dessiner de belles fleurs à côté de leurs textes. » Amateur de bandes dessinées, il a pour revue préférée Les Aventures de Kouakou, de Bernard Dufossé, un journal qui a bercé l’enfance de jeunes Africains des pays francophones dans les années 1980. « Je reproduisais les planches de Dufossé pour m’exercer », raconte-t-il. Mahamat Djamadjibeye est bientôt régulièrement sollicité, ici pour réaliser une fresque murale, là pour concevoir une boîte à image, etc., des prestations qui lui permettent de gagner un peu d’argent. Au début des années 2000, le jeune homme, qui clopine depuis son plus jeune âge – « la faute à une piqûre mal faite » –, pousse les portes de l’Atelier

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bulles du Chari (ABC), un centre de formation à la caricature créé par l’architecte français Gérard Leclaire. Au sein de l’atelier, il peaufine son talent, se forme, rencontre d’autres dessinateurs… Jusqu’au grand saut dans le monde des médias.

À la une de tous les journaux

Nous sommes en 2004, les membres de l’ABC montent une publication satirique, Le Miroir. Djam’s en a encore des trémolos dans la voix : « On attendait impatiemment la sortie du journal. J’étais tout excité. C’était mon premier dessin de presse. On était payé 750 F CFA [moins de 1,15 euro] le dessin, mais cela m’importait peu. » C’est finalement en 2008, en rejoignant l’équipe de N’Djamena Hebdo – l’un des plus vieux titres de la presse tchadienne (né en 1989), auquel il collabore encore aujourd’hui –, qu’il confirmera

Au début de novembre, dans les locaux du journal N’Djamena Hebdo, devant l’une de ses planches.

ABDOULAYE BARRY POUR JA

D

MADJIASRA NAKO

son statut de dessinateur de presse – même si, jusqu’à présent, il n’a jamais pu obtenir une carte de presse. Depuis, ses dessins font la une de presque tous les journaux du pays en vente dans les rues de la capitale. Son style, proche de celui du dessinateur de bande dessinée algérien Maëster, arrache chez les uns des éclats de rire, chez les autres un commentaire désapprobateur – surtout quand il « tire les traits » du chef de l’État. « Un jour, l’un de mes oncles, haut gradé dans l’armée, m’a vivement réprimandé parce qu’il n’avait pas apprécié l’un de mes dessins représentant Idriss Déby Itno », raconte Djam’s, qui se considère comme « le dernier des Mohicans ». « Les journaux vivotent, et nous, les collaborateurs, nous en pâtissons. À cause de sa précarité, le métier n’attire plus. Je suis quasiment le seul encore en activité », déplore le dessinateur. Son autre frustration est l’absence de reconnaissance par la profession, qui, au Tchad, ne décerne pas de prix pour le meilleur dessin de presse. Mais Djam’s n’abandonnera pour rien au monde. En attendant la création d’un journal satirique à laquelle il travaille, l’artiste recherche des financements pour publier un portrait en bande dessinée du chef de l’État tchadien, intitulé Le Jeune Berger devenu maréchal.


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