DÉCEMBRE 2020
INTERVIEW EMMANUEL MACRON
« Entre la France et l’Afrique, ce doit être une histoire d’amour »
NO 3095 – DÉCEMBRE 2020
OBJECTIF
SPÉCIAL DAKAR 16 PAGES
ISMAÏL OMAR GUELLEH « Comment Djibouti est devenu incontournable » Un entretien avec le chef de l’État
SAHARA Mourir pour Guerguerat ? TCHAD Test électoral crucial SPÉCIAL 20 PAGES
JEUNE AFRIQUE N O 3 0 95
Algérie 420 DA • Allemagne 9 € • Belgique 9 € Canada /A 12,99 $CAN • Espagne 9 € • France 7,90 € Grèce 9 € • DOM 9 € • Italie 9 € • Maroc 50 MAD Pays-Bas 9,20 € • Portugal continental 9 € • RD Congo 10 USD Suisse 15 CHF • Tunisie 8 TND • TOM 1 000 XPF Zone CFA 4800 F CFA • ISSN 1950-1285
GOUVERNANCE
L’Afrique en quête d’un nouveau leadership Qu’il semble loin le temps des Senghor, Houphouët, Sankara, Bourguiba ou Mandela… Confrontée à des défis de plus en plus complexes, l’Afrique a pourtant plus que jamais besoin de dirigeants visionnaires, intègres et courageux, capables de les relever. 20 PAGES
OBJECTIF DAKAR UNE VILLE, SES DÉFIS
Banlieues, la révolution capitale
Développement urbain. Hier très populaires, les communes de Guédiawaye et de Pikine attirent désormais la classe moyenne et ne sont plus les parents pauvres de la métropole dakaroise.
ne poignée de gamins du quartier posent leur regard curieux sur la chorégraphie de trois danseurs qui s’exécutent au rythme de l’afrobeat devant la fresque d’un ghetto-blaster géant et un portrait de Nelson Mandela. Le centre Guédiawaye Hip-Hop, devenu incontournable dans la vie culturelle de cette ville de la banlieue de Dakar, accueille tous les jours les jeunes du coin. À moins de un kilomètre de là, le chantier du futur Hôtel de Ville avance bon train. Située à quelques pas, l’actuelle mairie deviendra bientôt un centre commercial. Dans les allées Serigne-Saliou-Mbacké qui la desservent,
les jardinières verdies et la peinture fraîche remplacent progressivement le sable et les gravats. À l’échelle d’une ville de 500 000 habitants, c’est encore bien peu, mais ces aménagements tranchent avec l’image d’entassements d’habitats précaires que l’on colle d’habitude à la banlieue de Dakar. Aliou Sall, le maire de Guédiawaye, y voit les signes d’un frémissement culturel, commercial et urbain en marche dans la ville, et plus largement dans toute la périphérie de Dakar Avec plus de la moitié des 3,6 millions d’habitants recensés autour de la capitale sénégalaise, les communes de la banlieue aspirent à changer de visage. « Jusqu’ici, elles ont essentiellement joué un rôle de villes-dortoirs pour ceux qui travaillent à Dakar. On a totalement oublié certaines fonctions essentielles qui font une ville sur les plans culturel, économique et social. En conséquence, on a
Chantier d’aménagement des voies du premier réseau de bus en site propre, Bus Rapid Transit (BRT), à Guédiawaye, en novembre.
GUILLAUME BASSINET POUR JA
U
MANON LAPLACE, À DAKAR
OBJECTIF DAKAR
DÉVELOPPEMENT URBAIN
aujourd’hui un déficit criant d’infrastructures que l’on pallie comme on peut », résume Aliou Sall. Pour comprendre ce diagnostic, il faut revenir soixante-dix années en arrière. À l’époque, l’entrée de la péninsule n’est qu’une vaste étendue de plaines broussailleuses. Les premières installations, dans les années 1950, découlent du départ forcé des villages ceinturant le Plateau (centre-ville), alors en pleine expansion, et de l’exode rural.
Explosion démographique
Des installations spontanées, souvent anarchiques, poussent l’État à se saisir de la question de l’habitat. S’ensuit la construction de plusieurs cités destinées aux fonctionnaires. « Après l’habitat spontané, puis organisé, pour les fonctionnaires, est arrivée la promotion privée. C’est à ce moment que l’on n’a plus maîtrisé l’explosion démographique. Dans une ville comme Guédiawaye, on arrive à une urbanisation qui couvre 96 % du territoire. Cela pose un problème d’aménagement, et nous cherchons aujourd’hui à tout réorganiser », explique Aliou Sall. Un réaménagement nécessaire pour les populations déjà installées, mais aussi pour le flot de nouveaux arrivants absorbé chaque année. Souvent des jeunes actifs ou des habitants issus de la classe moyenne, qui quittent le centre de Dakar face à l’envol des prix de l’immobilier et la saturation foncière. « La banlieue de Dakar est assez représentative de l’état général du pays. Les populations sont entassées à l’entrée de la capitale, où tout est concentré, quand le reste du pays est à la traîne », analyse Ibou Sane, professeur en sociologie et en sciences sociales à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. Saturée, la banlieue se heurte à un cassetête en matière d’aménagements du territoire : se moderniser, développer ses services et ses infrastructures, tout en s’attaquant à des problèmes aussi vieux que son existence. « L’assainissement reste l’un des enjeux les plus sensibles en banlieue, mais les choses évoluent. À Guédiawaye, les investissements réalisés ont permis de quasiment régler la question des inondations, notamment grâce à l’installation d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales », explique Aliou Sall, dont les administrés ont eu les pieds au sec cette année. Les habitants de Keur Massar, un peu
POUR GÉNÉRER DES REVENUS, PIKINE MISE SUR LA FORMALISATION DE SON ÉCONOMIE, ET GUÉDIAWAYE SUR L’ESSOR DES SERVICES.
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plus à l’est dans le département de Pikine, n’ont pas eu cette chance. Durement touchée, une partie de la commune a été inondée pendant plusieurs semaines, ce qui a causé d’importants dégâts humains, matériels et sanitaires. « Pour lutter contre les inondations et pour réaménager les espaces libérés par les sinistres, il faut l’aide de l’État. Les collectivités n’ont pas les moyens d’agir seules », déplore Abdoulaye Thimbo, maire de Pikine, la plus grande ville de la banlieue dakaroise qui comptait 1,2 million d’habitants en 2013, lors du dernier recensement. Un constat partagé par les maires voisins. « Le tissu économique, souvent informel, et les ressources fiscales ne permettent pas à la collectivité de subvenir à ses besoins d’investissements, et parfois même de fonctionnement. Nous sommes régulièrement amenés à solliciter des crédits auprès du budget de l’État, preuve du marasme économique des collectivités territoriales », renchérit Aliou Sall. Quand Pikine mise sur la formalisation de son économie, portée notamment par l’artisanat, Guédiawaye compte sur le développement des services. Avec une priorité pour le secteur médical et paramédical, que viendra bientôt renforcer l’hôpital Dalal-Jamm, l’un des plus grands du pays. Une redynamisation des quartiers populaires qui doit aller de pair avec l’arrivée de nouveaux transports en commun pour répondre à l’infernal défi de la mobilité urbaine à Dakar. « Les populations souffrent beaucoup des problèmes de mobilité. Tous les jours, on observe un mouvement de balancier de près de 2 millions de personnes quittant Rufisque, Pikine et Guédiawaye pour aller à Dakar », admet Aliou Sall. Selon le Conseil exécutif des transports urbains de Dakar, 1,7 million de travailleurs dont les options de déplacement se limitent aux cars rapides, aux taxis collectifs et aux véhicules individuels. Si l’autoroute à péage, dont les travaux ont débuté sous la présidence d’Abdoulaye Wade et qui a été réceptionnée sous Macky Sall, a déjà permis d’absorber une partie des déplacements, le problème est loin d’être réglé. En plus du prolongement de certains axes routiers de la capitale, l’État a lancé deux chantiers d’envergure. D’un côté, le BRT, un réseau de 150 bus reliant Dakar à sa banlieue, qui devrait être opérationnel en 2022. De l’autre, le Train express régional (TER), un chantier très contesté pour son coût et son retard, dont les rames doivent circuler entre Dakar-centre et Diamniadio en desservant la banlieue. « Pikine compte sur l’arrivée du TER, qui pourrait faire
Guédiawaye
Pikine Ville nouvelle de Diamniadio
La région de Dakar
Rufisque
Dakar
(4 départements) Pikine Aéroport international Blaise-Diagne
PROJET DES LIGNES DE BUS EXPRESS - BRT
Guédiawaye Fadia 3
Océan Atlantique
Hopital D. Jamm
PROJET DU TER DAKAR - AIBD Dakar
Ligne existante
Grand Yoff BRT 1
Sacré Cœur
BRT 2
Dial Diop 2
BRT 3
Ligne nouvelle Autoroute A1 Pôle urbain
BRT4
Obélisque
Station
Grande Mosquée Gare Petersen 3 km
passer le trajet jusqu’en centre-ville de une heure à moins de dix minutes », expose le maire Abdoulaye Thimbo.
Immense réservoir de voix
Si les projets ne manquent pas, leurs effets, eux, se font attendre. En plus des chantiers pour les transports, « l’État œuvre à l’amélioration du cadre de vie, avec par exemple des programmes zéro déchet, des aménagements pour capter les eaux de pluie et éviter les inondations ou encore la construction de logements sociaux », explique Oumar Ba, directeur du cadre de vie et de l’hygiène publique au ministère de l’Urbanisme. Car le principal enjeu reste de « fixer les populations sur place », explique le sociologue Ibou Sane. Et de faire en sorte que la banlieue de Dakar ne se sente plus le parent pauvre de la métropole. Les hommes politiques de tous bords ne s’y sont pas trompés. Par leur poids démographique, les banlieues dakaroises représentent un immense réservoir électoral. En 2012, c’est à Pikine que Macky Sall bouclait sa campagne électorale. Sept ans plus tard, la figure
montante de l’opposition Ousmane Sonko y organisait à son tour un meeting géant. Alors que Pikine et Guédiawaye (leurs maires respectifs, Abdoulaye Thimbo et Aliou Sall, sont l’oncle et le frère du chef de l’État) sont aux mains de l’Alliance pour la République (APR, de Macky Sall), Rufisque et ses 490000 habitants sont tenus par le Parti démocratique sénégalais (PDS, d’Abdoulaye Wade). Autant de villes périphériques qui seront au cœur des élections locales prévues pour 2021 et qui permettront à la classe politique de prendre le pouls de l’électorat en vue de la présidentielle de 2024. Bien implantée dans les banlieues, la majorité devra notamment faire face à la montée en puissance d’Ousmane Sonko, qui y a réalisé de bons scores lors du scrutin présidentiel de 2019. « Les banlieues sont dépourvues d’infrastructures et d’équipements mais représentent une base politique énorme, d’autant que la population y est très jeune, décrypte le sociologue Ibou Sane. Ce n’est pas pour rien que la majorité comme l’opposition y portent une attention particulière. Les politiques savent que quiconque gagne la banlieue gagne Dakar. »
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Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz
LE PÉTROLE ET LE GAZ AU SÉNÉGAL
Au-delà de la rente financière une vision stratégique de développement industriel pour une transformation structurelle de l’économie
Depuis 2014, plusieurs gisements de pétrole et de gaz de classe mondiale ont été découverts aux larges du Sénégal. Pour préparer ces changements qui impacteront de manière positive la vie des sénégalais, le Président de la République a entrepris plusieurs réformes et une restructuration profonde. Les importantes découvertes de pétrole et de gaz, dans les eaux profondes sénégalaises, suscitent à la fois beaucoup d’espoirs et beaucoup d’attentes liés aux urgences auxquelles chaque pays en développement fait face. L’importance de ces ressources d’hydrocarbures découvertes depuis 2014, avec le gisement pétrolier de Sangomar (au large de la région de Fatick), puis en 2014 et 2017 pour les gisements de gaz respectivement situés à Saint-Louis et à Cayar, fera entrer le Sénégal, en 2023, dans le cercle restreint des pays producteurs d’hydrocarbures. En effet, le développement de ces ressources, dans un contexte de marché difficile et très concurrentiel, a fait l’objet d’un pari audacieux des autorités sénégalaises. Le Sénégal, jusque-là, fait figure d’exception en termes de rapidité de prise de décisions et d’exécution de projets aussi complexes tant par la géologie des réservoirs que leur situation géographique. Ainsi, pour tirer le meilleur profit de ces ressources pour le bénéfice des populations, le Président de la République a entrepris une série de réformes institutionnelles, la mise à jour du corpus juridique encadrant la gestion des futures recettes d’hydrocarbures et la réorganisation des structures de l’État en charge du secteur. Pour une meilleure transparence dans l’industrie mais également pour la capacitation rapide des acteurs concernés, plusieurs actes ont été entrepris dont l’adhésion à l’ITIE en 2013, bien avant les découvertes. Cela a permis une meilleure visibilité autour des contrats signés entre l’État du Sénégal et
les compagnies pétrolières dans le cadre de l’exploitation de nos ressources naturelles, qui, pour rappel, appartiennent au peuple, comme stipulé dans l’article 25-1 de la constitution. De plus, le Président de la République, a mis en place, en octobre 2016, le Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ). En tant qu’organe de pilotage stratégique, le COS-PETROGAZ a pour mission d’assister le Président de la République et le Gouvernement dans la définition de la politique de développement du secteur pétrolier et gazier, et ce par le biais de son secrétariat permanent en collaboration avec le Ministère du Pétrole et des Énergies (MPE). Bras stratégique de la présidence en matière de pétrole et de gaz, le COS-PETROGAZ joue un rôle primordial dans le secteur pétrolier et gazier au Sénégal.
Importance du renforcement du dispositif institutionnel avec la création du COS-PETROGAZ En effet, le COS-PETROGAZ, avec le Ministère du Pétrole et des Énergies a dirigé et coordonné les négociations avec la Mauritanie dans le cadre de l’accord inter-gouvernemental pour l’exploitation du gisement de GTA partagé par les deux pays. Ces accords juridiques et fiscaux constituent un volet très important dans les négociations avec les compagnies pétrolières car permettant l’optimisation des revenus de l’État durant l’exploitation des hydrocarbures. Ainsi, dans le but de soutenir les
COMMUNIQUÉ
Contrairement à beaucoup de rumeurs, le Sénégal, jusquelà, a très bien négocié ses contrats pétroliers et gaziers avec les majors, et de manière très efficiente. Par exemple, le fait d’avoir réussi à atteindre une décision finale d’investissement en 3-4 ans, pour le projet GTA, est juste remarquable et exceptionnel pour un gisement en eau très profonde et partagé par deux pays frontaliers. Qui plus est, la signature de ces décisions d’investissement, pour GTA et Sangomar, avant la pandémie de la Covid-19, a permis de limiter l’impact de cette crise sur nos projets. En effet, seul le projet GTA est jusque-là affecté avec un report du début de la production à 2023. Si nous nous intéressons un peu plus au projet GTA, nous verrons que le Sénégal a su tirer son épingle du jeu, comparé à d’autres projets similaires dans la région.
Pour y parvenir, l’Institut National du Pétrole et du Gaz (INPG) créé en 2017, est la carte maîtresse qui permettra d’assurer la montée en puissance des capacités locales et fournira les ressources humaines de qualité capables de mener à bien nos projets.
Part des flux financiers captée par les États dans les projets gaziers en Afrique
Les projets GTA et Sangomar sont destinés à l’export, tandis que pour la première phase du projet Yakaar Teranga, le Président de la République a décidé qu’elle sera la principale source d’approvisionnement pour une utilisation locale. C’est ainsi que dans le cadre du Gas Master Plan, ce gaz servira à alimenter les centrales de la Senelec qui fonctionneront au gaz ; l’objectif étant la réduction de la facture énergétique des ménages mais aussi l’ouverture vers d’autres opportunités, en particulier vers les industries énergivores. Même si le Sénégal sera un pays producteur d’hydrocarbures, il est important de rappeler qu’on ne sera pas au même niveau que certains pays comme le Nigéria, qui produit par exemple près de 2 000 000 bbl/jour (là où Sangomar ne produira que 100 000 bbl/jour), il est donc primordial de réfléchir à d’autres moyens de valorisation de nos hydrocarbures. Ainsi, outre le rôle important de coordination et de conseil entre les différentes entités qui composent le secteur de l’énergie, le COS-PETROGAZ joue un rôle de veille stratégique en menant des études prospectives sur les possibilités de transformation de nos hydrocarbures, en utilisant le gaz de Yakaar Teranga. Des pistes comme la pétrochimie mais aussi le Gas For Mining sont en train d’être étudiées actuellement. Avec un prix du gaz abordable, le Sénégal peut se positionner sur des secteurs tels que la sidérurgie ou la verrerie. L’ambition est de faire du Sénégal un hub de transformation minière de la région pour capter une bonne partie de la valeur ajoutée qui échappe aux pays africains dotés de richesses minières, pétrolières et gazières.
Ca p
Utiliser le gaz de Yakaar teranga pour booster l’industrie locale
eT G hre ha e P na oin Ma ts GTA urit a Ph nie a ses Mo zam 1 biq u Are e Mo a zam 1 biq Areue a4 GTA Ma Ph urita ase ni s1 e ,2, Tan 3 zan Blo ie ck 2 GTA S Ph éné ase ga s1 l ,2, 3 Ég yp te Zoh r
Le projet de loi d’orientation encadrant la gestion et la répartition de ces futurs revenus tirés de l’exploitation de nos gisements témoigne de la volonté du Chef de l’État de garantir que les recettes d’hydrocarbures puissent à la fois contribuer au développement à long terme de la société et de l’économie du Sénégal, et assurer une solidarité financière entre la génération actuelle et les générations à venir.
Ce schéma montre les performances de différents projets gaziers en Afrique comparables à celui de GTA. On y met en exergue la part des flux financiers captée par les États, c’est-à-dire la part captée par la compagnie nationale, la part de l’État ainsi que les impôts et taxes captés. Ce qui montre clairement que pour le projet GTA, en additionnant les phases 1,2 et 3, l’État du Sénégal capte au minimum 68 % des flux financiers. Seul le projet Zohr en Égypte fait mieux en termes de performances. Cela prouve que le Sénégal n’a pas du tout été lésé dans les contrats pétroliers et gaziers, au contraire, sur tous les projets pétroliers ou gaziers, entre 55 % et 75 % des flux financiers sont captés par le pays. Le Sénégal compte certes sur ces retombées financières, mais ces dernières, à elles seules, ne permettront pas de développer le pays, raison pour laquelle le COS-PETROGAZ réfléchit à comment utiliser le gaz pour booster notre économie et faire un saut dans le cercle des pays industrialisés.
Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz 18, Boulevard de la République, Dakar, Sénégal
www.cospetrogaz.sn
JAMG - Photo : © Jan-Rune Smenes Reite/Pexels
Toutefois, le secteur privé national pourra bénéficier pleinement des opportunités générées par ce nouveau secteur grâce au soutien des pouvoirs publics. La loi sur le contenu local, adoptée en février 2019, est un levier de promotion du patriotisme économique pour maximiser les retombées économiques et sociales des projets pétroliers et gaziers par le développement du secteur privé local. Cette loi vient compléter l’action de l’État en posant les bases d’une participation pragmatique et ambitieuse de toutes les forces vives de la nation aux activités liées directement ou indirectement au secteur. L’ambition du Sénégal est d’atteindre, voire dépasser le seuil de 50 % de contenu local à l’horizon 2030.
Performances du Sénégal pour un projet aussi challengeant que celui de GTA
Source : Wood Mackenzie
structures de premier de rang dans leurs missions, notamment le Ministère du Pétrole et Petrosen, le COS-PETROGAZ s’était attaché les services d’un cabinet d’avocat de premier rang, comme Cleary Gottlieb Hamilton, ou encore d’un cabinet spécialisé en ingénierie pétrolière et fiscale comme GaffneyClines, pour assister l’État dans ses négociations.
OBJECTIF DAKAR
POLITIQUE
Papa Fara Diallo
Politologue
« Jamais le jeu n’a été aussi ouvert pour prendre la mairie de Dakar » PROPOS RECUEILLIS À DAKAR PAR MANON LAPLACE
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est l’un des derniers bastions de l’opposition. Et qu’importe si Khalifa Sall a perdu son fauteuil de maire à la suite d’une condamnation judiciaire. Qu’importe également si la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY, au pouvoir) a, au fil des ans et des scrutins, absorbé une large frange de l’opposition et fait de l’hôtel de ville l’un de ses principaux objectifs. Depuis 2009, la mairie de Dakar demeure inaccessible à la majorité. En septembre 2018, c’est Soham El Wardini, ex-première adjointe de Khalifa Sall, fidèle parmi les fidèles du dissident socialiste, qui a été élue pour assurer l’intérim de l’édile déchu. Et, alors que la stratégie de captation et d’annihilation de l’opposition par le camp de Macky Sall a porté ses fruits sur l’essentiel du territoire national, la capitale reste, avec la Casamance, l’un des derniers sanctuaires de l’opposition. Elle sera sans nul doute le théâtre d’une âpre bataille lors des élections locales, qui sont censées se tenir d’ici à la fin de mars 2021 et constitueront une étape clé avant la présidentielle de 2024. Entre la majorité désireuse de se refaire une santé après sa défaite à Dakar lors des municipales de 2014, les « khalifistes » affaiblis par l’inéligibilité de leur leader et la percée du jeune opposant Ousmane Sonko à la présidentielle de 2019, rien n’est joué. Papa Fara Diallo analyse les stratégies des uns et des autres, mais aussi ce qu’impliquent le prolongement du mandat de Soham El Wardini et l’affaiblissement des prérogatives municipales au profit de celles de l’État.
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Jeune Afrique : D epuis sep tembre 2018, Dakar est administrée par une maire par intérim, dont le mandat est prorogé en raison des reports successifs des élections locales. Cette situation affaiblit-elle le camp des « khalifistes » ?
Papa Fara Diallo : Soham El Wardini a été portée à la tête de la mairie pour un an. Elle y est depuis deux ans, et la date des prochaines élections locales reste floue, mais, pour l’instant, elle conserve la loyauté et le soutien du conseil municipal, majoritairement acquis à Khalifa Sall et au sein duquel les lignes ont très peu bougé, à l’exception du départ de Moussa Sy, qui a quitté la coalition Taxawu Dakar pour soutenir BBY. La majorité ne gagne donc pas de terrain dans la capitale pour l’instant ?
Elle y travaille. Le report des scrutins municipaux et départementaux, dans le cas de Dakar, profite à Macky Sall. En faisant accepter le dernier report des locales comme le fruit d’un consensus entre majorité et opposition au sein du dialogue national, le chef de l’État a réussi à faire passer une décision qui lui sied. Macky Sall a pu envoyer quelques ballons de sonde, qui sont passés pour des initiatives individuelles. Comme lorsqu’il a été suggéré par Aminata Mbengue Ndiaye [du Parti socialiste] de faire nommer le maire de Dakar plutôt que de l’élire : une proposition largement impopulaire que la majorité ne peut pas appuyer officiellement, mais qui lui a permis de tâter le terrain. Celle-ci a surtout gagné du temps pour faire émerger une figure capable de reprendre Dakar, qui est un enjeu de pouvoir majeur depuis la défaite de Mimi Touré en 2014 : à
mesure que le temps passe, la situation se complique pour l’opposition, et la majorité place ses pions, renforce sa coalition et compte faire émerger une figure pour porter le drapeau de BBY à Dakar. Au fond, le chef de l’État est le seul maître du calendrier et il veut jouer sur l’effet de surprise. Pourtant, aucune figure de la majorité ne semble émerger pour prendre Dakar en 2021 ?
Elle a du mal à se trouver un candidat qui puisse fédérer toutes les forces de la coalition BBY. Amadou Ba a été mis de côté. Le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, maire de Yoff, dont le nom circulait aussi, n’a pas l’envergure pour faire face au camp de Khalifa Sall. Pas plus que le maire des Parcelles-Assainies, Moussa Sy, ancien collaborateur de Khalifa Sall, qui s’était présenté contre Soham El Wardini en 2018. Or la majorité a besoin de quelqu’un qui non seulement puisse faire consensus au sein de la coalition mais qui ait aussi un poids électoral suffisant pour se mesurer au candidat que se choisira Khalifa Sall, ainsi qu’au troisième pôle qui se dessine : celui d’Ousmane Sonko, qui a fait une belle percée dans la capitale et dans sa banlieue lors de la présidentielle de 2019. Malgré la condamnation de Khalifa Sall et l’élargissement de la coalition
TROIS CAMPS DEVRAIENT S’AFFRONTER EN 2021: LA COALITION BBY, CELLE DES « KHALIFISTES », ET UN NOUVEAU PÔLE, AUTOUR D’OUSMANE SONKO.
Ce qui cantonnerait Sohal El Wardini au rôle d’intérimaire ?
Il était entendu que le choix de Soham El Wardini était temporaire. Elle était la figure la plus consensuelle pour le rôle, car elle est considérée comme quelqu’un qui ne trahira jamais Khalifa Sall et qui n’a pas les ambitions personnelles d’un B ar thélémy Dias ou d’un Bamba Fall. Mais Soham El Wardini jouit tout de même d’une grande légitimité au sein de la majorité municipale. À travers elle, les gens voient le prolongement du mandat de Khalifa Sall, auquel elle est très loyale.
YOURI LENQUETTE POUR JA
LA MUNICIPALITÉ EN EST RÉDUITE À GÉRER LES AFFAIRES COURANTES EN ATTENDANT LA PROCHAINE ÉLECTION.
BBY, Macky Sall n’a plus vraiment de leviers pour continuer le travail de débauchage à Dakar. Il a besoin de dégager une candidature crédible, qui n’existe pas aujourd’hui. C’est pour cela qu’il est en train de débaucher dans la famille libérale, notamment au sein de Rewmi, ou en allant chercher Malick Gakou, une figure appréciée à Dakar, avec lequel il pourrait créer une large alliance permettant de prendre la capitale. Il faut donc s’attendre à une bataille entre la majorité, l’équipe sortante de Khalifa Sall, et Ousmane Sonko ?
Ce sont les trois pôles qui se dessinent clairement. Du côté de la majorité, Abdou Karim Fofana peut être une option. Depuis son entrée au ministère de l’Urbanisme, en 2019, il a gagné du galon et mené des projets qui lui ont offert une certaine visibilité auprès des Dakarois : la construction de logements sociaux, le programme zéro déchet ou la réhabilitation de certains espaces publics, comme le marché de Sandaga. Du côté de l’opposition, on pourrait imaginer une alliance entre Khalifa Sall et Ousmane Sonko, car jamais le jeu n’a été aussi ouvert pour prendre
la tête de Dakar. Pour l’heure, Sonko n’a pas encore assez de figures importantes à Dakar, mais il y gagne du terrain. Il pourrait sembler logique de le voir négocier quelques mairies de communes contre un soutien au candidat de Taxawu Dakar. Ce ne sont que des hypothèses, mais Sonko ne peut pas lâcher Dakar s’il aspire à accéder à la magistrature suprême en 2024. Quoi qu’il en soit, la bataille de Dakar et sa banlieue, avec ses 4 millions d’habitants, sera un enjeu de taille dans la perspective de la présidentielle. Khalifa Sall inéligible, a-t-il un successeur naturel ?
Dans les rangs de Khalifa Sall, les négociations sont en cours pour savoir qui sera le visage de Taxawu Dakar. On peut penser à Barthélémy Dias, qui est combatif, très médiatique et un opposant très apprécié des militants. Mais aussi à Bamba Fall, maire de la Médina, qui a une base politique importante. Si Khalifa Sall, Soham El Wardini, Barthélémy Dias et Bamba Fall trouvent un consensus, ils peuvent faire très mal : ils sont très populaires et bien ancrés à Dakar.
Au-delà de l’image de « remplaçante de Khalifa Sall », elle est aussi confrontée à un chef d’État et à un gouvernement qui ont récupéré une partie des prérogatives de la ville…
Avec son acte III de la décentralisation, l’État en a érodé certaines, en effet, torpillant la possibilité pour cette mairie d’opposition de présenter un bilan visible : le pouvoir central a fait en sorte qu’elle ne puisse pas porter de grands projets visibles pour les populations. Il y a eu des demandes d’emprunts obligataires sur les marchés financiers pour lesquels la mairie n’a pas reçu l’aval de l’État, qui est indispensable. Les projets envisagés, comme le pavage ou la création d’espaces verts, ont été récupérés par le ministère de l’Urbanisme. On a l’impression que la municipalité gère les affaires courantes en attendant la prochaine élection et ne lance plus de grands projets. Toutefois, cela n’empêche pas Soham El Wardini d’être appréciée, notamment pour les fonds débloqués contre la pandémie de Covid-19, les titres alimentaires distribués aux populations et, globalement, sa gestion de la crise sanitaire.
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LE MATCH
Akon City vs Lake City, ces cités qui voient (trop?) grand Encore au stade virtuel, ces projets titanesques, extrêmement ambitieux et onéreux, pourraient-ils devenir les villes du futur?
Marcel Diagne est à la tête du holding sénégalo-émirati Semer Investment, fondé en 2017 – date de signature du bail attribuant les hectares nécessaires au projet. Vivant entre Dakar et Dubaï, il est chargé de la construction et de l’aménagement de la cité. Le Sénégalais, qui travaillait auparavant dans le secteur de l’énergie, revendique un « projet unique », « futuriste », « pharaonique », admettait-il en 2017 dans une interview à la Deutsche Welle. Un projet « inspiré de la vision de Macky Sall », dont le coût est estimé à 2 milliards de dollars. La directrice des investissements de Semer Investment, Marième Faye, refuse toutefois l’étiquette de « petite ville de riches ». « Son volet résidentiel s’adresse à la classe moyenne », insistet-elle. Réparti sur une soixantaine d’hectares, il est divisé en trois phases. La première (26 ha, 50 milliards de F CFA, soit plus de 76,2 millions d’euros) comprend la construction de 165 villas, d’un immeuble résidentiel
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MARIÈME SOUMARÉ, ENVOYÉE SPÉCIALE
akar étouffe. Polluée, surpeuplée, l’agglomération ne sait plus comment loger et faire cohabiter ses 4 millions d’habitants. Le constat est sans appel, et la solution toute trouvée : construire, aux portes de la presqu’île, une ville nouvelle. Projet central du Plan Sénégal émergent (PSE), de Macky Sall, Diamniadio est cette cité miracle, à une trentaine de kilomètres de Dakar et à 15 kilomètres du nouvel Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD). Elle sera bientôt desservie, promet-on, par le Train express régional (TER, voir carte p. 105). C’est dans cette nouvelle agglomération, qui pourrait accueillir 350 000 habitants sur près de 2 000 hectares, que Diène Marcel Diagne, le PDG du groupe Semer, prévoit de construire, autour d’un lac, la Diamniadio Lake City, une « ville dans la ville », écologique et intelligente, qui mêle quartiers résidentiels, bureaux et « espaces de divertissement ». Villas de « standing », « mall » surplombé par une bibliothèque nationale, « fashion avenue », siège de grandes institutions internationales… « Le projet a été conçu en réponse aux aspirations nouvelles de la population sénégalaise, qui assume sa modernité et un goût prononcé pour l’élégance », faisait savoir son concepteur lors du lancement. À moins de 40 ans, Diène
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HUSSEIN BAKRI/BAD CONSULTANT
Goût pour l’élégance
Modélisation d’Akon City…
de plus de 100 appartements et d’une station d’épuration. Sa réalisation devrait être achevée d’ici à deux ou trois ans. La construction de l’agglomération dans son ensemble pourrait générer plusieurs dizaines de milliers d’emplois et s’achever au cours de la prochaine décennie. N’en déplaise à Marième Faye, cette cité à 2 milliards de dollars semble encore virtuelle, bien loin des réalités de la métropole dakaroise. Semer Investment et son patron n’auraient-ils pas vu trop grand ? « Pourquoi voir petit ? rétorque Marième Faye. L’important, c’est d’avoir les moyens de son développement. C’est à croire que, parce que le projet est réalisé en Afrique, avec un Africain à sa tête, certains expriment ce genre de scepticisme », s’agace-t-elle. La délégation générale à la promotion des pôles urbains de Diamniadio (DGPU), qui régit l’espace de la ville nouvelle à travers un titre foncier cédé par l’État, se veut toutefois rassurante.
« Le financement du projet est bouclé depuis 2017, assure une source au sein de la délégation. » « Les travaux ont à peine commencé, vient nuancer un membre du bureau chargé du suivi du PSE. Certes, la maison-témoin est construite, mais si l’on compare ce qui est en train d’être fait à la maquette… on ne voit pas le bout du tunnel ! » « Nous nous réservons le droit de retirer le bail au promoteur s’il ne respecte pas son cahier des charges », rétorque notre interlocuteur de la DGPU. Sinon, ce bail initial de trente ans pourrait se solder par une cession définitive.
Une réplique du Wakanda
par Jeune Afrique, ni la Sapco ni le ministère du Tourisme n’ont souhaité s’exprimer, pas plus que le producteur Mbacké Dioum, également partie prenante dans le projet. Seul l’architecte a répondu à nos sollicitations. Selon lui, les travaux pourraient commencer dès 2021, avec une première phase de 55 ha : 50 ha réservés à Akon City et 5 ha supplémentaires pour des « villages africains », en bordure de la ville. « Nous avions besoin de créer quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant », explique Hussein Bakri. En plus des logements, Akon City doit accueillir des studios de cinéma, des hôtels, un casino, des hôpitaux, des universités… La ville se veut à la fois moderne et écologique, africaine et internationale. Une deuxième phase prévoit même une avancée des constructions sur la mer.
à attirer les Africains-Américains. Il était accompagné d’Alioune Sarr, le ministre du Tourisme, et de son architecte, Hussein Bakri. Le Libanais, fondateur de Bakri & Associates Development Consultants, est par ailleurs l’architecte principal d’une ville nouvelle nommée… Diamniadio Lake City. Et il est loin d’être le seul lien qui existe entre les deux projets. Selon nos informations, Akon aurait en effet approché Semer Investment pour une collaboration. Mais c’est finalement à travers la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques (Sapco) qu’il développe son propre programme. Selon un responsable de la mairie de Mbodiène, les hectares attribués au promoteur l’ont été par cette société nationale, qui s’est chargée des négociations. Contactés
Au nom de la star
HUSSEIN BAKRI/BAD CONSULTANT
Il y a quelques mois, un projet étrangement similaire faisait les gros titres des journaux. Le succès de la communication tenait sans doute à la popularité de son promoteur, un certain Alioune Badara Thiam, alias Akon. D’origine sénégalaise, le chanteur, qui a fait sa carrière aux États-Unis, est revenu au Sénégal avec un projet très ambitieux. Une réplique du Wakanda, ce royaume africain supermoderne dépeint dans la bande dessinée et le film Black Panther. Le 31 août, Akon se rendait à Mbodiène, village situé à 100 km de Dakar, pour y poser la première pierre de « sa » ville, destinée notamment
CERTES, LA MAISON TÉMOIN EST CONSTRUITE, MAIS SI L’ON COMPARE CE QUI EST EN TRAIN D’ÊTRE FAIT À LA MAQUETTE DU PROJET…
… et de Diamniadio Lake City, par leur concepteur commun, l’architecte libanais Hussein Bakri.
Mais le projet à 6 milliards de dollars, financé en partie par la société américaine KE International, suscite beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes. Y compris au sein de l’administration sénégalaise. « C’est un bon projet d’avoir ce type de ville futuriste, positive, écologique, reconnaît un officiel sénégalais. Mais les évaluations environnementales n’ont pas été faites. À part un nom et une première pierre, on n’a pas grand-chose… Pour l’instant, tout ça, c’est de l’utopie. » Les ONG s’inquiètent quant à elles des « sommes faramineuses » injectées, de l’absence d’études d’impact publiques et de la volonté affichée d’Akon d’y faire circuler sa propre cryptomonnaie, l’akoin. Boosté par le nom de la star, crédibilisé par l’appui du ministère du Tourisme, le projet, qui reste à l’état virtuel, a su faire parler de lui. Finirat-il par voir le jour ? « Akon est venu à plusieurs reprises à la DGPU », confirme notre source à la délégation, ajoutant qu’il n’a pu y sceller de collaboration. « La preuve qu’il ne suffit pas de nous contacter avec beaucoup d’argent pour que ça marche. Nous ne travaillons pas avec n’importe qui », glisse notre interlocuteur.
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LA DIVERSITÉ DES TALENTS, MOTEUR DU DÉVELOPPEMENT Fondée en 2006 et spécialisée dans la conception et la construction d’infrastructures et de bâtiments Ecotra S.A. est une entreprise multinationale d’ingénierie de construction fournissant des solutions de service unique aux grandes organisations. Son principal atout compétitif réside dans la diversité et la qualité des talents.
La société Ecotra S.A. ne se définit pas seulement par son parc matériel, le plus important du Sénégal dans le secteur de la construction, mais aussi par ses employés. « Notre force réside dans notre diversité en ressources humaines et nos différentes compétences, une famille bien composée » affirme-t-on au siège de la société, à Dakar. Avec 800 salariés, la société mise sur la sécurité de l’emploi.
UN FUTUR ACTEUR DU SECTEUR ÉLECTRIQUE Conçu initialement pour être alimentée au charbon, le projet de construction d’une centrale électrique d’une capacité de 300 MW a été modifié pour permettre l’utilisation du gaz naturel, en tirant parti de l’existence de gisements offshore au Sénégal. Ce projet, réalisé sous la modalité IPP (Independent Power Producer), est porté par la société Africa Energy contrôlée par Abdoulaye Sylla, président de Easy Holding Sasu, la holding qui contrôle la société Ecotra S.A.. L’investissement est évalué à 450 millions de dollars. La centrale sera construite à Darou Khoudoss, une localité située près de Mboro, à 70 km au nord de Dakar. Le projet revêt une importance vitale pour le Sénégal compte tenu de la forte croissance de la consommation d’électricité. Il est au cœur de la planification 2020-2030 de la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec). Les premiers travaux d’aménagement du site (terrassement, etc.) ont été réalisés. L’appel d’offres pour le choix de la société en charge de réaliser le projet est en cours. Selon le calendrier prévu, les travaux devraient démarrer pendant le 4e trimestre de 2021 et devraient s’achever fin 2023.
d évode qualité leur permettant d’évo luer sans difficultés dans l’environnement d’une entreprise multinationale du 21e siècle. Chez Ecotra S.A., une bonne compréhension, à l’écrit et à l’oral, de la langue de travail, le français, est exigée aux conducteurs d’engins. La formation continue qui leur est assurée est à ce prix.
APPEL AUX COMPÉTENCES ÉTRANGÈRES E District financier de Diamniadio par ECOTRA
« Construire votre Futur », le maître-mot chez Ecotra S.A., signifie tout autant fournir clés en main des ouvrages de dernière génération
(de la conception de l’idée à la réalisation au moyen de techniques innovantes et matériels de haute technologie) qu’assurer à ses agents une formation continue
La formation a dicté le recrutement d’experts d’expériences et d’horizons divers, ayant participé à des projets majeurs à travers le monde, ce qui facilite le transfert de technologies de pointe. À cet
COMMUNIQUÉ ABDOULAYE SYLLA, UN PATRON AUSSI DISCRET QUE DYNAMIQUE Très discret, au point de ne pas accorder d’interviews, Abdouyalle Sylla, président d’Easy Holding, la holding qui contrôle la société de BTP Ecotra S.A., n’en est pas moins un homme d’affaires particulièrement dynamique. Self made man et financier de formation, il a réussi à bâtir un groupe de sociétés chapeauté par Easy Holding Sasu. Il montre ainsi aux jeunes entrepreneurs la voie à suivre. Outre Ecotra S.A., le groupe rassemble sept autres sociétés : Wootel (technologies de l’information et des télécommunications), SCI Yallis (gestion immobilière), TSTC (services logistiques et portuaires), APA (importation, distribution et transport de produits pétroliers), SMPL (maintenance de véhicules et d’engins de chantier), NH-WA (services de transport par hélicoptère) et SLC (commerce international de matières premières). Le groupe affiche une volonté claire de développement, comme en témoigne le projet de construction d’une centrale électrique d’une capacité de 300 MW.
effet Ecotra S effet, S.A. A compte 21 natio nationalités en son sein : sénégalaise, indienne, américaine, égyptienne, moldave, béninoise, française, portugaise, etc. Ces compétences ont valu à Ecotra S.A. d’avoir été appelée en renfort sur des projets de construction d’infrastructures aussi importants au Sénégal que l’AIBD, l’autoroute Ila Touba, la construction d’un poste électrique
E Chateaux d’eau de Diamniadio par ECOTRA
à haute tension à Diamniadio pour le compte de VINCI et du nouveau siège d’OFOR dans la même ville.
et durables. Après la construction au Sénégal d’infrastructures de dernière génération dans les régions de Dakar, Thiès et Diourbel, Ecotra S.A. a été adjudicataire des travaux de VRD dans la nouvelle ville de Diamniadio pour son expertise et la qualité de son parc.
Dans le cadre du Partenariat Public Privé, option irréversible d’Ecotra S.A. pour contribuer au développement du Sénégal et de l’Afrique, l’entreprise s’est donnée pour ambition la construction de nouvelles villes intelligentes
La politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) fait partie des principaux axes stratégiques de la société. La construction d’un centre de dialyse à Dakar en est la parfaite illustration.
TROIS QUESTIONS À... monsieur Alpha Samb, Directeur Suivi et Contrôle d’Ecotra
Ecotra S.A. est une entreprise sénégalaise du bâtiment et travaux publics qui intervient dans les différents domaines d’activités de ce secteur : routes, ouvrages d’art (ponts, viaducs, etc.), adduction d’eau, assainissement, électrification, bâtiment résidentiel et non résidentiel, etc. Nous avons à notre actif des références de premier plan. Ainsi, nous sommes très actifs dans le projet de construction de la ville, durable et intelligente de Diamnidio. Nous y réalisons des travaux de voirie, d’adduction d’eau, d’assainissement et d’électrification.
Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ? Nous avons mis l’accent sur deux aspects fondamentaux. Le premier est la constitution d’un parc d’engins et de matériel diversifié et de qualité. Avec 105 unités
d’engins lourds, nous sommes la société de BTP qui a le parc le plus important du Sénégal.
à 15 milliards de FCFA et le démarrage des cours est prévu en 2022.
Par ailleurs, nous avons beaucoup investi dans la formation des talents. La société emploie des salariés étrangers (21 nationalités) afin de favoriser le transfert de savoir-faire. Nous avons créé des ateliers de perfectionnement afin d’améliorer les compétences dans des métiers spécialisés tels que la soudure, la maçonnerie, l’électricité, etc.
Comment avez-vous réagi face à la pandémie de Covid-19 ?
Nous sommes en train de créer, dans la ville nouvelle de Diamniadio, une Université des Métiers, dédiée à la formation des profils les plus pointus et ouverte à nos salariés mais aussi à des personnes extérieures. Celle-ci devrait fournir notamment des formations dédiées à l’utilisation des équipements et machines de dernière génération. L’investissement total s’élève
La société Ecotra S.A. a eu d’emblée une attitude très proactive. Nous avons mené une campagne d’information et de sensibilisation sur tous les sites, où nous avons mobilisé nos équipes d’infirmiers habituellement présentes. Par ailleurs, nous avons procédé à la distribution massive à nos salariés d’équipements de protection individuelle (masques, gants, gel, etc.). Enfin, le télétravail est devenu la norme pour tous les salariés qui peuvent travailler depuis leur domicile. A ce jour, nous n’avons recensé aucun cas de Covid-19 parmi nos salariés.
« Notre Université des Métiers devrait démarrer en 2022 » www.ecotra-sa.com
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Dans quel type de travaux intervenez-vous ?
OBJECTIF DAKAR
LOGISTIQUE partie par les 21 milliards de F CFA attribués au Sénégal par le gouvernement japonais. Ce terminal sera en mesure d’accueillir des navires de 35000 tonnes de port en lourd, contre 15 000 aujourd’hui. Le PAD disposera aussi d’un nouveau port minéralier à Sendou, à 30 km au sud de Dakar. Développé sur 500 ha, pour un investissement de 500 milliards de F CFA, il doit entrer en activité en 2021. SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
Hub régional
Zone de stockage du terminal à conteneurs (TAC) géré par DP World.
Le PAD pas à pas Le Port autonome de Dakar est un univers gigantesque… engoncé en plein cœur de la capitale. S’il veut se développer, il doit se moderniser, mais aussi se « décentraliser ».
C
OLIVIER CASLIN
ertainement titillé à l’idée de voir ses concurrents du littoral ouest-africain, de Tanger à Pointe-Noire, rivaliser de projets tous plus ambitieux les uns que les autres, le Port autonome de Dakar (PAD) a lui aussi dégainé son plan de développement en 2018. Nommé à la direction de l’autorité portuaire à la fin de 2017, Aboubacar Sédikh Bèye n’a mis que quelques mois pour peaufiner la stratégie qu’il comptait mettre en œuvre avec son équipe de 2019 à 2023 pour donner une nouvelle jeunesse à un port dont les plus anciens bassins ont été creusés à la fin du XIXe siècle. Depuis, l’eau a coulé le long des quais dakarois, de plus en plus enserrés par la métropole, qui n’a jamais cessé de s’étendre autour du PAD. Jusqu’à poser des problèmes d’engorgement devenus insolubles. « Si nous résolvons l’équation de la congestion,
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le Sénégal sera en mesure d’enregistrer une progression de trois points de croissance supplémentaires », assure le directeur général du PAD. L’enjeu est de taille pour le pays, qui, chaque année, réceptionne 90 % de ses échanges internationaux via ses différents terminaux dakarois. La direction du port peut s’appuyer sur les bons résultats enregistrés ces deux dernières années pour lancer la modernisation de ses installations. Depuis 2017, le PAD a en effet vu son chiffre d’affaires annuel progresser de près de 25 %, pour dépasser les 60 milliards de F CFA en 2019 (environ 91,5 millions d’euros), ce qui lui donne les moyens financiers d’accompagner les changements en cours. En juillet 2019 a démarré le premier projet de rénovation, celui du terminal vraquier spécialisé dans les trafics ô combien stratégiques destinés au marché malien. Les travaux sont exécutés par le japonais Towa Corporation et financés en
Mais la pierre angulaire de ce plan de développement censé lutter contre l’engorgement d’un port engoncé dans sa ville concerne la réalisation « green field » d’un terminal multifonctionnel dans les environs de Ndayane, à 50 km au sud de la capitale. Le chantier, qui devait démarrer à la fin de 2019, n’est pas encore lancé, les autorités sénégalaises étant encore en négociation pour trouver un accord avec le futur opérateur, l’émirati DP World, qui gère déjà depuis 2007 le principal port à conteneurs du PAD. Réalisé pour 3 milliards de dollars, ce futur terminal dotera Dakar d’une interface portuaire flambant neuve d’ici à 2024, dotée d’un tirant d’eau de 20 mètres – soit l’un des plus profond de toute la côte ouest-africaine. Il sera adossé à une zone économique spéciale de 600 ha et directement connecté à la zone économique intégrée au pôle urbain de Diamniadio ainsi qu’à l’Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD). « Ces équipements permettront à Dakar de jouer son rôle de hub logistique pour le Sénégal, mais aussi et surtout pour la sous-région », veut croire Aboubacar Sédikh Bèye – en effet, sur le trafic annuel de 18 millions de tonnes enregistré au PAD, près de 4 millions sont en provenance ou à destination du voisin malien. La modernisation du corridor ferroviaire Dakar-Bamako, au point mort depuis des années, reste donc plus que jamais d’actualité. Ne serait-ce que pour réduire le nombre de camions circulant entre les deux capitales (plus de 1 000 par jour)… qui contribuent à embouteiller les terminaux du PAD.
PUBLIREPORTAGE
ISM, pionnier et leader de la formation en Afrique de l’Ouest C’est en 1992 que Amadou Diaw créa à Dakar ce qui allait devenir en 25 ans la première business School d’Afrique de l’Ouest. L’ISM compte aujourd’hui plus de 10 000 apprenants, 20 000 diplômés, 10 écoles à travers le Sénégal et une centaine de partenariats internationaux.
ABDOU DIOUF Directeur général du Groupe ISM
Pour répondre au besoin croissant de former cette nouvelle génération de managers africains, l’ISM a développé une offre de formation complète en Management, Droit, Science politique, Informatique et Digital. Un enseignement de qualité largement reconnu sur le continent. À l’aube de ces trente ans, l'ISM confirme son leadership, renforcé par l’intégration, en 2017, au réseau Galileo Global Education (1er opérateur d’enseignement privé en Europe et 2e mondial).
« Nous avons su transformer une crise en opportunité » Cette alliance a permis à l’ISM d’élargir son offre de programmes : en big data, arts et culture, management du sport, agro-business… des spécialisations dans des domaines clés pour le développement de l’Afrique et la professionnalisation de ces secteurs. La crise du Covid a fortement impacté le secteur de l’enseignement, en Afrique et ailleurs. « Le Groupe ISM a su faire preuve d’agilité et assurer une continuité pédagogique à l’ensemble de ses apprenants, grâce à un dispositif online très puissant et un corps professoral formé en un temps record » commente Abdou Diouf, directeur général. Cette période a constitué un véritable défi pédagogique et technologique pour les équipes
et les étudiants d’ISM. « Nous avons su transformer une crise en opportunité » ajoute Kamil Senhaji, président du Groupe ISM. « Cela a permis de tester nos solutions de formation online et d’accélérer le développement de nouvelles offres de cours en ligne. »
DES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT AMBITIEUSES En effet, dès janvier 2021, avec l’ambition de permettre au plus grand nombre de se former sur le continent, le Groupe ISM lance une offre de programmes 100 % en ligne et disponible toute l’année. ISM online propose à la fois des formations diplômantes (licence et master) à distance mais aussi des formations certifiantes, accessibles avec ou sans le Bac,en gestion,management,marketing, digital ou immobilier. Le second chantier d’ampleur initié par ISM est la construction d’un campus unique, dans le quartier du Point E qui l’a vu naître et grandir. Le « campus Baobab », un bâtiment écoresponsable et inédit dans le paysage dakarois, réunira 5 000 étudiants dans les meilleures conditions pour se former au cœur de la capitale sénégalaise.
www.groupeism.sn
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UN LEADERSHIP CONFIRMÉ
OBJECTIF DAKAR
TECHNOLOGIE
Supercalculateur, un moteur pour l’innovation
Installé au sein de la Cité du savoir de Diamniadio depuis le mois de février, cet ordinateur ultra-puissant va permettre aux universités et aux entreprises sénégalaises de produire à domicile des simulations à partir d’importantes masses de data.
L
JULIEN CLÉMENÇOT
«
es épidémiologistes ont bâti un modèle national de gestion de la pandémie, mais avec le supercalculateur, ils auraient pu en faire un pour chacune de nos quatorze régions », explique Abdou Sene, responsable du Pôle d’innovation et de l’expertise pour le développement (Pied) au sein de l’Université virtuelle du Sénégal. Depuis le mois de février, le pays dispose de cet outil indispensable pour réaliser des simulations complexes, qu’il s’agisse de procédés industriels, de phénomènes climatiques ou de l’évolution d’une situation sanitaire. « Mon projet le plus cher actuellement est de modéliser le profil hydrologique du Sénégal en intégrant à la fois eaux de surface et eaux souterraines. C’est un outil essentiel pour développer notre agriculture », détaille le mathématicien, qui, au sein du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, a participé au démarrage du projet d’acquisition du supercalculateur.
Livré en kit
Après l’Afrique du Sud en 2016 et la Côte d’Ivoire en 2018, le Sénégal est le troisième pays subsaharien à disposer d’un tel équipement. Il aura fallu cinq ans après les premiers échanges avec le constructeur français Atos pour réceptionner ce bijou technologique. Livré en kit, au sein de la Cité du savoir de Diamniadio, le supercalculateur occupe désormais
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trois sortes de gros conteneurs réfrigérés formant un carré de 20 mètres de côté. À la tête du projet, Seydina Ndiaye, directeur du centre des réseaux et des systèmes d’information au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, assure que toutes les équipes nécessaires à son fonctionnement seront bientôt en place. Le contrat de 15 millions d’euros signé avec Atos court sur cinq ans et prévoit un transfert total de compétences aux chercheurs et informaticiens sénégalais. Le supercalculateur de Diamniadio est pour le moment deux fois moins puissant que celui livré en Afrique du Sud, mais sa capacité atteint tout de même 537,6 téraflops, soit 537600 mil-
GRÂCE À CE « PETIT » BIJOU, PLUS BESOIN D’ENVOYER LES DONNÉES À L’ÉTRANGER POUR POUVOIR LES TRAITER. liards d’unités de calcul à la seconde. « Pas la peine d’avoir un cheval de course avant que nous ayons bâti l’écosystème pour en tirer le meilleur profit. Il faut former des ingénieurs et des techniciens pour assurer sa maintenance, et familiariser les chercheurs avec l’informatique développée par Atos, qui est propre à ce type d’équipement », précise Seydina Ndiaye. Pour y parvenir, ce dernier entend s’appuyer sur les compétences locales, mais aussi mobiliser les Sénégalais de la diaspora, comme
Sidy Ndao, professeur à l’Université du Nebraska-Lincoln (UNL) et passé par le célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux États-Unis, ou Moustapha Cissé, responsable du centre de recherche de Google sur l’intelligence artificielle, au Ghana.
Première modélisation
« Nos clients seront les universités, le gouvernement, mais aussi les entreprises qui, aujourd’hui, doivent envoyer leurs données à l’étranger pour pouvoir les traiter. Actuellement, pour connaître l’état de nos réserves en gaz et en pétrole, nous sommes obligés de recourir à des aides extérieures, c’est un comble ! Demain, Sonatel ne sera plus obligé de s’appuyer sur Orange. Les banques et les sociétés de transfert d’argent pourront aussi tirer parti de cet équipement », se réjouit Seydina Ndiaye. « On ne voulait pas acheter un supercalculateur pour en faire un jouet pour les chercheurs, ajoute-t-il. Ce projet a été pensé pour accompagner notamment l’industrialisation du pays et le développement des usages numériques. » L’acquisition de ce méga-ordinateur est d’ailleurs entièrement liée au Plan Sénégal émergent (PSE), porté par le président Macky Sall. Ce sont les chercheurs de l’Université virtuelle du Sénégal qui devraient pouvoir en profiter avant les autres. Le premier cas d’usage portera sur la filière rizicole, avec l’objectif de mieux maîtriser l’exploitation des parcelles de la vallée du fleuve Sénégal. L’achèvement de cette première modélisation est attendu pour la fin de 2021.
COMMUNIQUÉ
Devenir meilleur pour mieux servir
DOUANES SÉNÉGALAISES
Une administration au cœur du développement économique et social
M. Abdourahmane DIEYE, Directeur général des Douanes
Le rôle de la Douane dans la mobilisation des recettes au profit du budget de l’Etat et dans la protection de l’économie fait de cette administration un pilier central du développement du Sénégal. Conformément à ses nouvelles orientations stratégiques, elle mène une croisade ardue contre la fraude et la contrebande qui minent le tissu industriel national, accentuent le chômage et privent le Trésor public de ressources nécessaires au financement des politiques publiques.
Vaincre la Covid-19 et reprendre l’initiative
Lutter contre la criminalité transfrontalière organisée et sécuriser le capital humain
Pour accompagner le Programme de Résilience économique et sociale (Prés-Covid-19), la Direction générale des Douanes a pris 14 mesures fortes. L’une de ces mesures a permis l’approvisionnement correct du marché intérieur en denrées de première nécessité, en produits pharmaceutiques et matériel médical.
Acteur de premier plan dans la gestion coordonnée des frontières, la Douane, dans une démarche participative et concertée, assume avec professionnalisme sa mission sécuritaire. Pour la Douane, la question sécuritaire est d’une priorité absolue eu égard à la montée de la criminalité transfrontalière organisée.
Ces mesures, en parfaite cohérence avec celles initiées par les autres administrations impliquées dans la riposte, ont permis à l’économie nationale de mitiger les contrecoups de la pandémie et de reprendre la trajectoire de l’émergence.
Les actions d’envergure de démantèlement des réseaux et couloirs de trafics illicites effectuées tout au long de l’année ont été d’un apport considérable dans la sécurisation du territoire douanier. Les opérations « coup de poing » sur le corridor Dakar-Bamako en constituent une
éloquente illustration.
Une douane de proximité au service du développement économique et social
www.douanes.sn
JAMG - Photos D.R.
Protectrice et promotrice de l’activité entrepreneuriale, la Douane offre une panoplie de services de facilitation et d’encadrement aux opérateurs économiques avec comme toile de fond une dématérialisation des procédures alliant célérité et sécurité des opérations de dédouanement.
OBJECTIF DAKAR
PATRIMOINE
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
Une des dernières maisons « Airform », dans la commune de Fann-Point E-Amitié.
Les maisons bulles, un héritage menacé
Construites dans les années 1950 par un architecte américain, ces habitations iconoclastes imaginées pour répondre à la démographie galopante de Dakar sont en voie de disparition.
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MANON LAPLACE
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est une partie de dôme qui surgit entre deux immeubles, une curiosité de béton camouflée par l’urbanisme galopant et souvent anarchique de la capitale. Fut un temps, les « maisons ballons » s’étiraient par rangées au milieu des plaines broussailleuses du quartier de Ouakam, offrant un paysage de science-fiction. Ces bulles de béton, dont il resterait quelque 200 exemplaires à Dakar, sont nées de l’imagination de l’architecte Wallace Neff. Plus connu pour avoir dessiné les villas de célébrités de Hollywood, il met au point en 1946 un procédé inédit. Avec sa technique brevetée dite « Airform », le Californien veut créer un habitat moderne à bas coût, face à la pénurie de logements après la Seconde Guerre mondiale. Un socle de
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béton, un ballon gonflable sur lequel sont projetées plusieurs couches de béton et d’isolation, l’ensemble achevé en deux jours seulement.
Village ultra-moderne
« À Dakar, où les maisons ballons sont arrivées dans les années 1950, l’idée était de répondre à une démographie en pleine expansion. Il fallait absorber les populations venues des campagnes, mais aussi celles déplacées du centreville », résume Carole Diop, architecte et fondatrice de la revue de design et d’art contemporain Afrikadaa. Ainsi est né aux portes de la capitale un « village ultra-moderne » construit par l’administration française de l’AOF et destiné à la « population indigène », selon le compte rendu du journal télévisé français de l’époque. Si l’on trouve aussi les coupoles de Wallace Neff au Portugal, en Angola et même en Turquie, l’architecte a fait de Dakar son plus grand laboratoire.
En un temps record, 1200 habitations voûtées sortent de terre (de 32 m2 à 150 m2), derrière lesquels certains voient une réinterprétation des cases peules, elle aussi rondes et basses. « C’est une erreur, certains observateurs aiment rattacher les expérimentations architecturales que l’on trouve en Afrique à une inspiration traditionnelle. Mais, dans le cas des maisons ballons, l’inspiration vient d’ailleurs », corrige Carole Diop. En effet, à des milliers de kilomètres du Sénégal, c’est parmi les Inuits et les Amérindiens que l’architecte a trouvé l’inspiration. En témoigne son « village igloo », en Virginie, premier terrain d’expérimentation pour les maisons rondes de Wallace Neff en 1941. Mal connues et mal conservées au Sénégal, ces bizarreries voûtées sont en voie de disparition, en partie du fait du manque d’intérêt des autorités pour leur histoire et leur conservation. « Aujourd’hui, la plupart des maisons ont disparu, intégrées à des constructions nouvelles ou simplement rasées, souvent pour des raisons économiques. Mais ces constructions font partie du patrimoine de Dakar, de son histoire urbanistique et architecturale et doivent faire l’objet d’un programme de conservation de l’État. Pour les classer, encore faut-il leur donner un sens », reconnaît l’architecte Annie Jouga, conseillère culturelle à la ville de Dakar. À l’ouest de la péninsule, dans la Zone-B du Point-E, ou vers la « Cité ballon » de Ouakam, peu de propriétaires résistent à la pression des promoteurs immobiliers. « Aujourd’hui, si tu as une maison ballon, il vaut mieux la vendre, elle peut valoir jusqu’à 90 millions F CFA (137 500 euros) », avance M. Coulibaly, qui observe le quartier depuis la terrasse de son immeuble où se tenait auparavant la maison bulle dans laquelle il a grandi. M. Niane, lui, préfère conserver la sienne. « Je suis né ici, toute ma famille a vécu dans cette maison. À l’époque, c’était une maison de fonctionnaire, celle de mon père. Aujourd’hui, c’est toujours une maison de fonctionnaire, la mienne, et elle résiste contre vents et marées. »
COMMUNIQUÉ
L’expertise locale au service du Oil & Gas sénégalais Depuis sa création en 2017, la société spécialisée dans la fourniture de services adaptés au secteur pétrolier et para-pétrolier ne cesse de gagner des parts de marché. Tout récemment retenue dans le cadre d’un appel d’offres publique pour l’une des principales compagnies pétrolières étrangères, la société sénégalaise a su démontrer ses capacités techniques et commerciales pour l’emporter malgré la présence de multinationales déjà bien implantées dans le pays.
Entretien avec Amadou Sakhir GAYE, Président Directeur Général de Sentrak Logistics
Comment vous est venue l’idée de créer SENTRAK LOGISTICS et pourquoi ? Avant toute chose, Il est important de spécifier que les équipes de SENTRAK sont une petite famille. Cela fait une dizaine d’années que nous travaillons ensemble à travers différentes multinationales de la place. À l’époque, Jonathan Petit notre ancien Président et cofondateur de la société, avait la charge de gérer ces explorations pétrolières au travers de ces différentes structures. Je dois vous avouer que l’aventure a été parsemée d’embûches, surtout dans un secteur aussi concurrentiel que la logistique et particulièrement par la présence de grands groupes présents depuis des décennies. Nous avons la confiance de nos clients et une expertise avérée ce qui nous permet de travailler de manière proactive afin de nous préparer au développement du secteur pétrolier au Sénégal. Qu’entendez-vous par « vous préparer » ? L’industrie pétrolière requiert entre autres les plus hauts standards en matière de qualité, hygiène, sécurité, environnement. Il est primordial d’implémenter des procédures administratives et opéra-
tionnelles qui répondent au besoin de nos clients afin de travailler avant tout dans un environnement sécuritaire pour nos employés et les leurs. Que pensez-vous de la mise en place du contenu local au Sénégal ? Le contenu local est un parfait outil d’équité, de promotion de l’emploi et de l’entrepreneuriat dans le secteur pétro-gazier. Il est important de souligner que le contenu local doit avant tout générer de la valeur ajoutée pour assurer la viabilité et la rentabilité des projets pour les opérateurs, leurs sous-traitants mais surtout pour le Sénégal et tout son tissu économique.. Quel est selon vous l’impact de ces projets sur le Sénégal ainsi que ses retombés pour les citoyens ? Au Sénégal, L’article 25 de la Constitution confère les ressources naturelles du pays au peuple. Le Sénégal est un pays reconnu, dans la sous région, comme leader en matière d’économie, de bonne gouvernance et de paix. Ces conditions cumulées à l’essor d’un nouveau secteur tel que l’exploitation du pétrole et du gaz constituent en premier lieu des incitations macroéconomiques favorables à l’investissement privé. Le Sénégal pourra avant tout bénéficier dans certains secteurs méconnus d’un transfert d’expertise de sociétés étrangères, d’une modernisation de ses infrastructures portuaires afin de se placer dorénavant comme un acteur clé de l’industrie pour la sous-région Ouest Africaine. C’est dans cette perspective que notre entreprise accompagne déjà des opérateurs dans l’exploration de gisement offshore en Républiques de Gambie et de Guinée Bissau prévu l’année prochaine. À ce titre, nous saluons l’initiative présidentielle d’allouer une partie de ces ressources aux générations futures.
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JAMG - PHOTOS : D.R.
Jeune entrepreneur de 30 ans,Amadou Sakhir GAYE titulaire d’un MBA en responsabilité organisation et management, a rapidement évolué dans les métiers de la logistique pétrolière. Tout d’abord au travvers de multinationales installées au Sénéégal où il a eu l’opportunité dde se former duraant les campagnes dd’explorations péétrolière de 2014,et par la suite coffondateur de SENTRAK LLOGISSTICS en 2017 dont il estt aujourd’hui le Président Dirrecteur Général.
OBJECTIF DAKAR
Humeur
Ville « occidentée » Ousseynou Nar Gueye
«
O
Éditorialiste sénégalais, fondateur du site Tract.sn
ccidenté ». Mot-valise combinant « occidentalisé » et « accidenté ». C’est le qualificatif que donne à Dakar le dramaturge, écrivain et acteur culturel sénégalais, feu Oumar Ndao, auteur du beau livre Dakar, l’ineffable, qui vient d’être réédité en poche*. La capitale sénégalaise, partie continentale de l’Afrique la plus avancée dans l’océan Atlantique, est en effet à l’ouest. Et parfois, « complètement à l’ouest ». Dakar tient finalement en deux aspects: « l’occidenté » et l’imprévisibilité. D’abord, « l’occidenté ». Ces situations cocasses où les oripeaux architecturaux coloniaux, les tentatives de remises en ordre et de mises au pas, héritées d’une administration calquée sur celle de l’Europe, entrent en collision avec l’exubérance autochtone et ses protubérances « rurbaines ». Ainsi, les perspectives rectilignes qui témoignent d’un vrai plan d’urbanisme du centre-ville, de la Médina attenante et des quartiers (Sicap, Mermoz, HLM) créés dans les années 1960 et 1970 par le président-poète Léopold Sédar Senghor ont vite fait de céder le pas aux ruelles en oblique et chaussées à dos d’âne non conventionnelles des nouveaux quartiers.
Résistance par l’inertie
Dans la ville « moderne », des quartiers qui se désignent eux-mêmes comme des « villages traditionnels » font de la résistance, avec une grande force d’inertie. Dakar n’a pas été « fondée » en 1857, comme le prétend l’histoire officielle. Les villages des « Lébous », cette branche des Wolofs qui parlent une langue aux tournures typiques avec un vocabulaire spécifique très vaste, étaient déjà là depuis des siècles. Les Lébous, qui ont majoritairement rallié la confrérie musulmane layène, ont leur « grand Serigne de Dakar », qui leur tient lieu de roi coutumier. Les Layènes, dont le fondateur est considéré comme une réincarnation africaine et musulmane de Jésus, sont entre autres à Cambérène [proche banlieue de Dakar]. Là-bas, ils font bloc contre la connexion de deux bouts d’autoroute par un pont déjà construit, qui se trouve pile devant le mausolée du fils aîné et premier khalife du Mahdi fondateur. Et le pont trône là, sur la
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plage, incongru comme une chèvre perchée sur un poteau électrique. À Ngor, sur la corniche à Soumbédioune ou à Ouakam, ou encore à Yoff, leurs « villages », il n’est pas rare que les Lébous organisent sur la plage une séance d’exorcisme pour « désenvoûter » une personne neurasthénique: le ndeup, avec battements de tam-tam, immolation d'un bœuf et bain de la personne « possédée » avec le sang du bovin.
L’inattendu
L’imprévisibilité de Dakar, c’est une horde de « Baye Fall » (disciples mourides) qui s’invite dans les embouteillages. Tunique jusqu’aux genoux, sarouel patchwork et rastas, ils formulent pour vous des prières ferventes, avec un sourire radieux, alors que vous ne pouvez rien leur donner. Effarement garanti aussi devant l’affabilité exagérée de nombre de Dakarois qui, lorsque vous leur demandez votre chemin, vous l’indiquent, quand bien même ils ne savent pas. Et parfois, s’ils sont en groupe, ils finiront par se disputer pour décider qui aura le droit de vous donner le bon itinéraire. Vous tentez de les calmer, et vous vous faites illico remettre à votre place. Impondérables de Dakar, quand des administrations sont censément ouvertes, mais vous y découvrez que le préposé a fermé son guichet en raison d’un décès familial ou parce qu’il a décidé d’aller voir ce jour-là ce parent au cas où il serait sur le point de trépasser. Imprédictibilité avec des rues où soudain une tente barre le chemin parce qu’il y a un baptême ou un mariage: vous étiez pourtant passé par là deux heures plus tôt. L’inattendu encore: des nouveaux commerces, bars ou restaurants, dont on apprend la cessation d’activité le jour où on avait décidé d’en être un client. Ce sont là quelques-uns des côtés contrastés qui font de Dakar une ville où l’on ne sait pas de quoi notre journée sera faite, ce qui la rend d’autant plus attachante, y compris pour ses visiteurs, vite devenus de vrais Boys Dakar. L’expression unisexe qui désigne ceux qui ont la capitale sénégalaise dans la peau. *Dakar, l’ineffable, de Oumar Ndao, éditions Vives Voix, janvier 2011, réédité au format poche en septembre 2020.
OBJECTIF DAKAR
TENDANCE
Priorité au made in Sénégal
Encouragés par un regain de patriotisme économique chez les consommateurs, producteurs et transformateurs locaux tentent de tirer leur épingle du jeu face à la concurrence étrangère.
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MARIÈME SOUMARÉ
e geste est devenu, au fil du temps, une habitude. Dans les grandes surfaces de Dakar, lorsque Nafissatou Mbaye (le nom a été modifié) fait ses courses, elle vérifie systématiquement où sont produits les biens qu’elle s’apprête à acheter. Un coup d’œil sur l’étiquette, pour identifier la provenance et la composition des produits. « J’ai toujours eu à cœur de valoriser notre production locale. J’ai dû me battre avec mes employés, qui préféraient acheter le sucre importé plutôt que notre sucre national, parce qu’il était plus blanc », explique cette consultante pour une organisation internationale. Un acte « militant », un geste de « patriotisme économique », insiste la Dakaroise. « Je suis convaincue que nos pays ne peuvent pas se développer si l’on ne met pas de valeur ajoutée dans nos produits », affirme-t-elle. Une tendance qui procède de la volonté combinée de manger mieux, de soutenir les producteurs et les industries locales, de privilégier les circuits courts, et de « décoloniser son assiette ». L’expression est d’Awa Caba. Cette trentenaire originaire de Saint-Louis a ouvert en 2014 une plateforme de livraison de produits 100 % sénégalais. De simple application à plateforme digitale, « Soreetul » (« Ça n’est pas loin », en wolof) est devenue, aussi, une boutique physique en 2019. Produits cosmétiques à base de karité et d’huiles naturelles, pâte à ngalakh (dessert à base de mil et d’arachide), jus de fruits locaux… Dans sa boutique dakaroise de Liberté-4, Awa Caba déambule entre les 400 produits commercialisés par son entreprise,
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qui viennent en grande partie de l’intérieur du pays (Kédougou, Sine Saloum, Ziguinchor), et dont certains ne correspondent pas aux habitudes de consommation des Dakarois. « Beaucoup parmi les produits que nous commercialisons ici sont méconnus », du moins de la classe moyenne, urbaine et éduquée visée par Soreetul. Une méconnaissance née « des séquelles coloniales », note la cheffe d’entreprise. « En dehors de notre tiep national, nos habitudes alimentaires restent occidentales et nous avons perdu notre art culinaire traditionnel », regrette Awa Caba. Consommer de la confiture d’abricots plutôt qu’une confiture de bissap ou de mangues : une aberration pour cette Saint-Louisienne, qui se félicite d’une progressive prise de conscience par les Sénégalais de la nécessité de favoriser des produits issus de l’agriculture ou de l’élevage local. Elle en veut pour preuve l’augmentation de 30 % de sa clientèle fidélisée sur l’année 2019, soit près de 2 000 clients enregistrés. Soreetul travaille désormais avec 23 TPE et PME, contre seulement 5 au début de son activité. Des structures de taille réduite qui ont du mal à se faire commercialiser par de grandes enseignes. « Les professionnels avec lesquels nous travaillons manquent de moyens, ils pâtissent d’un faible niveau d’incitations politiques et fiscales. » Certaines mesures ont toutefois bien été mises en place par l’État. Ainsi, la Banque agricole du Sénégal soutient la modernisation de l’agriculture à travers un appui à l’investissement en matériel et machines à hauteur de 70 % (30 % restant à la charge du cultivateur). Le ministère de l’Économie évalue à 60 milliards de F CFA (près de 91,5 millions d’euros) la
part de la campagne agricole financée par l’État en 2020. Certaines récoltes (arachide, anacarde) sont également achetées, à prix fixe, par les pouvoirs publics.
L’import garde la cote
Il n’empêche : les produits importés, mieux implantés dans les habitudes de consommation des Sénégalais, parfois jugés de meilleure qualité et souvent moins chers que les produits locaux, ont toujours la cote. Au détriment de la production nationale. Quoi de mieux pour illustrer ce paradoxe que la consommation du riz, qui a détrôné les céréales locales telles que le mil ou le maïs. Avec près de 90 kg de riz par habitant chaque année, le Sénégal en est l’un des plus gros consommateurs en Afrique de l’Ouest. Plus de 1 million de tonnes de riz sont consommées chaque année dans le pays : 650 000 t sont importées, contre 430 000 t produites au niveau national, selon une étude coréalisée par le ministère de l’Agriculture publiée en 2018. Des importations qui coûtent 190 milliards de F CFA chaque année au pays, toujours selon cette étude. « De 2015 à 2019, la production locale a évolué en moyenne de 24 %, alors que les importations ont stagné, défend une source au ministère de l’Économie. La dynamique de substitution des importations par la production se poursuit : la part de 37 % de production locale en 2010 est passée à 52 % en 2019. » La demande de certains produits de grande nécessité est couverte en majorité par la production locale, comme le mil et le sorgho (99 %) ou le sucre : la production locale couvrait seulement 42 % de la consommation en 2015, contre 58 % pour l’année 2019.
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
À Dakar notamment, le made in Sénégal a de plus en plus la cote. Les marchés et les boutiques qui favorisent la commercialisation des aliments et de l’artisanat locaux se démocratisent. Dans les boulangeries, les étals des pains à la farine de mil, de niébé ou de moringa viennent concurrencer le pain blanc 100 % blé traditionnel. Et les grandes enseignes sont bien obligées de s’adapter. Ainsi, Auchan, qui dispose de 26 magasins et d’un drive sur la seule agglomération de Dakar, revendique une augmentation de 54 %, depuis 2015, des produits locaux vendus dans ses magasins. Le pourcentage de ces produits sur la totalité des ventes est passé de 26 % à 38 % sur la même période, et les ventes du riz de la vallée du fleuve ont connu un boom de plus de 70 %. « Nous privilégions les circuits courts car ils nous permettent de gagner du temps et de l’argent, argumente Papa Samba Diouf, responsable de la communication du groupe au Sénégal. Nous observons par ailleurs que les filières locales se
LES BOUTIQUES QUI PRIVILÉGIENT LES CIRCUITS COURTS SE DÉMOCRATISENT, ET LES GRANDES ENSEIGNES SONT BIEN OBLIGÉES DE SUIVRE LE MOUVEMENT. professionnalisent, et que de plus en plus d’entre elles répondent à notre cahier des charges et passent notre contrôle qualité. » L’enseigne française communique largement sur sa collaboration avec des TPE sénégalaises, à l’image des Jardins de la teranga, de Thérèse Diatta. « Avant l’arrivée d’Auchan, je livrais à Saly [à 90 km de Dakar] en petites quantités, pas en grosses quantités comme aujourd’hui », déclare la gérante de cette TPE dans un spot publicitaire diffusé par le groupe. Une belle opération de communication qui ne peut faire oublier que les petits
commerçants souffrent aussi des prix réduits pratiqués par l’enseigne. « Il y a des choses que je refuse d’acheter dans les grandes surfaces, comme les fruits et les légumes. Je sais que la commerçante qui achète ses produits en banlieue pour venir les vendre à Dakar ne peut pratiquer les mêmes prix que les entreprises, explique Nafissatou Mbaye. Mais c’est aussi parce que j’en ai les moyens. » À l’occasion du mois du « consommer local », en décembre 2020, l’État promet quant à lui d’engager un « dialogue public-privé », afin d’établir des mesures incitatives qui permettraient de favoriser la consommation nationale. Plusieurs pistes sont envisagées, comme la promotion du développement de la transformation des produits locaux avec une industrie à échelle locale elle aussi, ou encore l’adaptation de la fiscalité. « Je me dis: si nous, Sénégalais, ne consommons pas notre propre production et ne soutenons pas nos agriculteurs et nos commerçants, qui le fera? » s’interroge Nafissatou Mbaye.
En plus de sa plateforme en ligne, Soreetul a ouvert un magasin à Dakar en 2019.
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PUBLI-INFORMATION
Le « yaataL » au service de l’émergence du sénégal Bassirou Samba NIASSE Directeur général des Impôts et des Domaines du Sénégal
La mobiLisation des ressources internes dans La dynamique de La réforme structureLLe de L’économie et des finances Le Président de la république, son excellence monsieur macky saLL, à travers le Plan sénégal émergent (Pse), entend impulser un développement solidaire et durable au sénégal. À cet effet, il invite à la mobilisation de l’ensemble des sénégalais en vue de la construction du bien-être collectif. de même, le contexte d’intégration régionale (cedeao), sous régionale (uemoa) et internationale (ZLcaf), embarque l’ensemble des états concernés dans un processus décisif de transition fiscale. en effet, la mobilisation des recettes domestiques constitue le principal enjeu budgétaire des pays en développement et elle revêt une portée stratégique dans les domaines économique, social et environnemental. c’est pourquoi, le ministre des finances et du budget a engagé toutes les parties prenantes de l’administration dans l’élaboration inclusive et endogène de la stratégie de recettes à moyen terme (srmt). L’objectif visé est de porter le taux de pression fiscale à 20% à l’horizon 2024. La direction générale des impôts et des domaines (dGid) est fortement concernée par cet objectif, tant son rôle est prégnant dans la mobilisation des recettes fiscales et non fiscales. son défi majeur, dans ce cadre, est l’élargissement et la maîtrise de la population et de la matière fiscales. elle s’emploie, ainsi, à massifier la population de contributeurs et, incidemment, à accroître les ressources internes, afin de pourvoir aux besoins de financement des projets et programmes de l’état et des collectivités territoriales, d’où l’élaboration et la mise en œuvre du programme yaataL.
Le yaataL, une aPProche fédératrice Pour un déveLoPPement incLusif dans le sillage des axes stratégiques des politiques publiques (Pse et acte 3 de la décentralisation), la dGid a conçu le programme « yaataL ». il s’agit d’un document de planification opérationnelle d’un ensemble d’actions ayant comme dénominateur commun les notions d’extension, d’élargissement, de vulgarisation, d’accroissement et d’ouverture. L’approche du programme yaataL est de recentrer tout le dispositif fiscal sur le citoyen, à la fois contributeur au budget et destinataire, in fine, des impôts collectés. L’élaboration de ce programme s’inscrit dans une dynamique d’efficacité et de performance, s’inspirant des meilleures pratiques de gestion. en effet, le « yaataL » s’insère tout naturellement à la logique nouvelle du budget programme. Pour rappel, il correspond au Programme n°3 intitulé « Gestion de la fiscalité intérieure et du foncier ».
Le slogan complet de ce programme est : « yaataL natt teGGi yoKKute ». il peut être traduit par : « la contribution de tous pour un développement inclusif ». en pratique, la mise en œuvre du programme yaataL assure l’intégration cohérente de tous les métiers de la dGid et la promotion du civisme fiscal, dans le but d’élargir significativement l’assiette fiscale, de maitriser les assiettes foncières et d’améliorer la qualité de service à tous les niveaux d’intervention. en résumé, le pacte fiscal du yaataL est un dialogue de responsabilités entre le citoyen et l’état, et il réserve une place de choix à chaque acteur social, en particulier aux autorités et notabilités religieuses et coutumières, aux élus, aux organisations professionnelles et à celles de la société civile, aux chercheurs et à toutes les forces vives de la nation.
La maturité diGitaLe de La dGid, un axe de modernisation GaGe d’une meiLLeure quaLité de service La composante n° 2 du programme « yaataL » porte sur le parachèvement de la transformation digitale de la dGid par la mise à niveau du système d’information et la poursuite de la dynamique de généralisation des télé-procédures. Les principaux objectifs de cette composante sont l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience administratives et une meilleure qualité de service. dans cette optique, la dGid a axé la gouvernance stratégique de son système d’information sur la sécurité des données et la mise à niveau des infrastructures informatiques. elle déploie avec prudence et volontarisme plusieurs applications qui facilitent l’administration de l’impôt et améliorent la qualité de service. ce processus de mise en place du système d’information (si) de la dGid a connu plusieurs phases. en premier lieu, l’objectif était d’avoir un dispositif de gestion fiscale interne, d’où l’acquisition du système intégré de Gestion des taxes de l’administration du sénégal (siGtas). ensuite, le si a progressé vers les télé-procédures en s’ouvrant aux usagers avec plusieurs applications (etax, mon espace perso, senetafi...). L’étape décisive, qui est en cours avec le programme « yaataL », tend, d’une part, à intégrer tous les métiers de la dGid dans le si, en faisant dialoguer les applications existantes et en les adaptant aux besoins des usagers, et, d’autre part, à dématérialiser les interactions avec les partenaires et les usagers de l’administration fiscale. ainsi, la dynamique de généralisation progressive de la dématérialisation des procédures et documents administratifs permet à la dGid de se moderniser et d’accroitre ses capacités de collecte, de traitement et d’exploitation des renseignements de toute nature à des fins fiscales, tout en facilitant aux usagers leurs démarches administratives, qu’elles soient à titre professionnel ou personnel.
OBJECTIF DAKAR
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
CULTURE
Des visites guidées font découvrir les œuvres de street art, comme ce visage réalisé par Sabotaje Al Montaje.
Dessine-moi la Médina Collages de photographies, peintures murales, graffitis… Le cœur historique de la capitale est devenu une véritable galerie de street art à ciel ouvert.
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MARIÈME SOUMARÉ
ur la façade en bois de la petite maison à un étage, un regard fixe le passant. L’œil gauche est niché entre deux fenêtres grillagées ; le droit, à moitié dissimulé par une bâche qui traîne dans la rue. Le visage de l’enfant, de même que la petite boucle d’oreille qui pend à son oreille, sont bien visibles. La fresque a été peinte en 2015 sur l’une des plus vieilles maisons de la Médina par le collectif Sabotaje Al Montaje, qui réunit des grapheurs originaires des Canaries. Collages de photographies, peintures murales, graffitis… Il suffit de déambuler dans le quartier pour profiter des dizaines
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d’œuvres plaquées sur les portes et les façades des maisons. Ici des femmes noires à la coiffure afro, aux robes tout droit sorties de l’époque de Louis XIV, s’apprêtent à monter dans un palanquin aux couleurs des cars rapides dakarois (Doline Legrand Diop, 2018); là un chat allongé attend paresseusement que des humains imprudents se fassent piéger par une souricière où les francs CFA tiennent lieu de fromage (Marto, 2016). « Mais depuis que le chat est là, il n’a encore attrapé personne », plaisante Mamadou Boye Diallo. À 32 ans, ce Dakarois est le fondateur de l’association Yataal Art (« élargir l’art »). Depuis sa création, en 2010, une centaine d’artistes de toutes nationalités sont venus peindre les murs du
quartier. « Les fresques murales, elles sont d’abord pour les maisons ellesmêmes, explique Mamadou Boye Diallo. Pour rendre l’art accessible, il fallait bien le faire sortir des musées et des belles galeries, et l’amener jusqu’aux quartiers défavorisés. L’art que l’on défend est un art vivant. L’après-midi, les habitants sortent devant les fresques pour partager le thé, c’est devant ces œuvres que les gens baptisent leurs enfants, qu’ils se marient… Ce sont des murs qui racontent une histoire. » En 1914, quand les colons décident d’installer leur administration sur le Plateau, ils déplacent (« déguerpissent », dirait-on aujourd’hui) les populations noires aux portes du centre-ville, donnant ainsi
PUBLI-INFORMATION
LE SÉNÉGAL SIGNE UN CONTRAT EPC POUR UNE CENTRALE CCGT DE 300MW West African Energy, Calik Enerji et General Electric ont signé des contrats pour la construction d’une centrale électrique de 300 MW au Cap des Biches Dakar, Sénégal. La centrale utilisera initialement du naphta, mais devrait fonctionner au gaz local dès qu'il sera disponible à partir des développements en cours. est African Energy, la société turque Calik Enerji et la société américaine General Electric (GE) ont signé le 03 Octobre 2020 dernier des contrats d’ingénierie, d’approvisionnement, de construction et d’équipement pour la construction d’une centrale électrique à turbine à gaz au cycle combiné (CCGT) de 300 MW. Le projet est développé par la société 100% Sénégalaise West African Energy avec Senelec comme actionnaire. Un avis de démarrage des travaux associé avec un paiement de 15% du montant de l’investissement a été donné à Calik Enerji et GE, les contrats complets devant entrer en vigueur avec la clôture financière à la fin de cette année.
Africa Finance Corporation (AFC) a rejoint le projet dès le début de cette année, fournissant une participation sur les couts de développement, et dirige désormais la syndication de la dette pour le projet. Le Conseil d’Administration de AFC a approuvé 130 millions d’Euro pour le financement. La Société islamique pour l’assurance des investissements et des crédits à l’exportation de la Banque islamique de développement (BID) cherche à fournir une assurance et la Banque africaine d’importation et d’exportation AFREXIMBANK a également manifesté son vif intérêt à financer le projet à hauteur de 150 millions d’Euro. Calik Enerji a également amené une banque turque qui souhaite à financer à hauteur de 25 millions d’Euro.
Calik Enerji va finaliser les études d’exécution, commencer à mobiliser et procéder au nettoyage du site, tandis que GE devrait commencer à fabriquer les turbines à gaz et les auxiliaires. La durée de construction est de 28 mois. Calik Enerji a été sélectionné par West African Energy à l'issue d'un processus d’appel d’offre international. Le projet a été développé d'une manière exceptionnellement rapide (12 mois de développement). West African Energy a signé un protocole d'accord avec Senelec l'année dernière pour développer la centrale et un contrat d'achat d'électricité a suivi peu de temps après. Une garantie gouvernementale a également été octroyée. Senelec fournit le site au Cap des Biches et West African Energy apporte les fonds propres nécessaires au financement.
West African Energy appartient à un groupe d'hommes d'affaires sénégalais incluant Monsieur Samuel Sarr, ancien directeur général de Senelec et ministre d’Etat de l'Énergie et du Pétrole sous le régime de l'ancien Président Abdoulaye Wade. Monsieur Sarr a une longue expérience dans les IPP (18 au total), la première était réalisée en 1996 avec Gampower, en Gambie. Parmi les autres investisseurs figurent le directeur général de Sénégalaise Industrie et Commerce (Senico) Abdoulaye Dia, une holding dans l’agro-industrie dans plusieurs pays de la sous-région, le grand homme d'affaires établit dans plusieurs pays de la sous-région Harouna Dia, le directeur général de Locafrique Khadim Bâ et le grand négociant en riz de la sous-région Moustapha Ndiaye.
OBJECTIF DAKAR
La fresque murale « Pauvre », de Matar Fall.
naissance à la Médina. Il s’agissait selon eux de prévenir une épidémie de peste. Foyer d’une population hétéroclite, le quartier verra naître des artistes iconiques tels que le chanteur Youssou N’Dour et le percussionniste Doudou N’Diaye Rose. Dans une ville où la rue sert souvent de vitrine aux artistes, la Médina revendique sa spécificité. « À Dakar, le street art se pratique surtout le long des routes, sur des infrastructures publiques. Nous, c’est différent. On travaille sur d’anciennes maisons détériorées auxquelles on donne une seconde vie. Les artistes n’ont besoin d’aucune autorisation de la ville, juste celle des habitants de la maison sur laquelle ils travaillent, puisque c’est une propriété privée », revendique Mamadou Boye Diallo. L’un des artistes le plus représenté – et le plus connu – du quartier est aussi un enfant de la Médina. Toute la journée, Pape Diop peint, avec ce qu’il peut (café, huile de moteur, mégots de cigarettes) et sur tout ce qu’il trouve (murs, sols, morceaux de bois ou cartons). Son personnage de prédilection ? Serigne Touba [guide
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spirituel et fondateur du mouridisme]. Marginal pour certains, génie incompris pour d’autres, il a exposé ses œuvres en 2019 à l’Institut français de Dakar.
Sauvegarde de l’Histoire
« Ici, il est plus facile de pratiquer son art. Il y a un partage entre les gens et les artistes », fait valoir Maguette Traoré, dit Diablos. Ce graffeur de 30 ans, membre du collectif RBS Crew, a réalisé plusieurs des œuvres du quartier. L’une d’elles a été créée avec l’Algérien Serdas. « Il a fallu beaucoup de temps pour que nous nous mettions d’accord sur les formes et les couleurs. Mais nous avons
EN 1914, L’ADMINISTRATION COLONIALE DÉPLACE LES POPULATIONS NOIRES AUX PORTES DU CENTRE-VILLE: AINSI NAÎT LA MÉDINA.
réussi à travailler ensemble, et chacun a nourri la pratique artistique de l’autre », raconte l’artiste. Entre shootings de mode et tournages de clips, le quartier attire les visiteurs. Mamadou Boye Diallo organise des visites guidées de cette galerie à ciel ouvert. Tout en essayant de préserver l’âme de ce quartier historique: « Nous organisons des visites et nous veillons à les espacer, à ne pas empiéter sur l’intimité des gens. Nous ne sommes pas dans les guides touristiques, nous fonctionnons par le bouche-à-oreille. Ici, ce n’est pas Gorée. » Le « boy Medina » rêve de sauver d’une lente destruction les maisons coloniales qui font l’âme du quartier. Il espère par exemple empêcher la démolition de la bâtisse de 1914, l’une des dernières de cette époque à demeurer debout, sur laquelle le collectif Sabotaje Al Montaje a peint son graffiti. Et, peut-être, qui sait, y ouvrir un « centre communautaire » ou une « maison culturelle » pour organiser des expositions, une fois la bâtisse restaurée. Pour préserver l’Histoire et surtout la partager.
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
CULTURE