Pdf 2915 du 20 au 261116 plus djibouti

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États-Unis Trump, les populistes et nous jeuneafrique.com

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LE PLUS

de Jeune Afrique

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • no 2915 • du 20 au 26 novembre 2016

Reportage Kinshasa la rebelle Algérie Issad Rebrab : « Il est urgent de diversifier notre économie »

Spécial

16

pages

JEUNE AFRIQUE

PATRICK ROBERT

DJIBOUTI

Le dernier défi N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

African King Jamais Mohammed VI ne s’était autant investi (et déplacé) sur le continent qu’en cette fin de 2016. En filigrane : le grand retour du Maroc au sein des instances panafricaines, dans moins de trois mois. ÉDITION GÉNÉRALE France 3,80 € • Algérie 250 DA • Allemagne 4,80 € • Autriche 4,80 € • Belgique 3,80 € • Canada 6,50 $ CAN • Espagne 4,30 € • Éthiopie 67 birrs • Grèce 4,80 € • Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € • Italie 4,30 € • Luxembourg 4,80 € • Maroc 25 DH • Martinique 4,60 € • Mauritanie 1 2 00 MRO • Mayotte 4,60 € • Norvège 48 NK • Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € • Réunion 4,60 € • RD Congo 6,10 $ US • Royaume-Uni 3,60 £ • Suisse 6,50 FS • Tunisie 3,50 DT • USA 6,90 $ US • Zone CFA 1 900 F CFA • ISSN 1950-1285



LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA Socialement vôtre

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INTERVIEW Abdoulkader Kamil Mohamed, Premier ministre DIPLOMATIE Ménage à trois TOURISME L’appel du désert

DJIBOUTI

Réélu en avril pour un quatrième mandat à la tête du pays, Ismaïl Omar Guelleh sait que les vraies priorités pour ses concitoyens sont l’emploi et l’amélioration de leurs conditions de vie.

JEUNE AFRIQUE

N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

PATRICK ROBERT

Le dernier défi


Ensemble Préservons nos Ressources

Financement : un Prêt de l’EXIM BANK chinoise Coût : 339.000.000 $US Cibles : Ali Sabieh, Dikhil, Arta et Djibouti Durée : 2 ans et demi > Pose du premier tuyau à Ali-Sabieh (projet d’adduction d’eau potable Ethiopie-Djibouti).

LES OBJECTIFS : • Lutter contre la pénurie d’eau en République de Djibouti ; • La conception, la fabrication, l’approvisionnement de 100 000m3/j ; • Pose de 358 km de conduite.

Projet « PEPER » Production d’Eau potable par dessalement et Énergie Renouvelable Financement : Union Européenne Cible : Population de Djibouti-ville et Balbala Coût : 63 millions d’euros Durée prévisionnelle des travaux : 3 ans > Usine de dessalement.

LES OBJECTIFS • Produire une eau de qualité et aux normes OMS ; • Produire une quantité suffisante dans les zones défavorisées ; • Améliorer la gestion des services d’approvisionnement en eau et en énergie.

Direction Générale : +253 21 353 107 Service Communication : +253 21 352 443 Service Dépannage : +253 21 340 498 Standard : +253 21 323 400

Projet d’Assainissement Liquide de Balbala Financement : Union Européenne / Agence Française de Développement (AFD) Cible : Certains quartiers de Balbala et du centre-ville. Coût : 5,5 millions d’euros. LES OBJECTIFS • Pose d’un linéaire de conduite d’assainissement (gravitaire et refoulement) de 11 km ; • Création de 5 stations de pompage.

Projet PIN • Couverture des dalots de l’avenue Nasser ; • Réhabilitation et la mise à niveau de la station de l’Hôpital Peltier ; • Doublement de la capacité de la STEP actuelle et réalisation d’une STEP supplémentaire à Balbala de 30 000 EH ; • Réhabilitation en PEHD des conduites de transfert, la réalisation de la ceinture de Balbala, la réhabilitation des châteaux d’eau et des réservoirs de la Voirie, Issa et Aviation.

> Station d’épuration de Douda.

Boulevard de la République BP : 1914 E-mail : oneadinfo@onead.dj Site : www.onead.dj

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

Projet transfrontalier d’Approvisionnement d’eau potable Ethiopie-Djibouti

COMMUNIQUÉ

PROJETS DE L’OFFICE NATIONAL DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT DE DJIBOUTI


Le Plus de Jeune Afrique

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LE PLUS

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de Jeune Afrique

Prélude Olivier Caslin

Amitiés bien ordonnées…

L

e 22 octobre, Jean-Marie Le Guen Pendant que la France y espaçait ses visites débarquait à l’aéroport d’Ambouli. Le et réduisait son contingent, les autres partesecrétaire d’État français chargé des naires du pays y renforçaient leur présence. Relations avec le Parlement réponDu Japonais Shinzo Abe, en 2013, au vicedait à l’invitation d’Ali Hassan Bahdon, le président chinois, Li Yuancho, il y a quelques ministre djiboutien de la Défense et des jours, en passant par le secrétaire d’État Relations avec le Parlement, pour une visite américain, John Kerry, ou encore le président de travail de quarante-huit heures, avant turc, Erdogan, en 2015, les responsables de s’envoler à nouveau directement vers politiques de haut niveau se succèdent au Paris. Sans passer par la case éthiopienne, palais présidentiel. Les GI sont aujourd’hui contrairement à Jean-Yves Le Drian, derplus nombreux que les soldats des Forces nier officiel français à avoir fait le déplacefrançaises stationnées à Djibouti (FFDj). Et, ment à Djibouti, en juillet 2015, après avoir depuis 2008, quelques centaines de Japonais, d'Allemands, d'Italiens et d'Espagnols y reporté deux fois sa venue. Le ministre de la Défense, lui aussi en visite pour moins de sont positionnés à l’année – officiellement quarante-huit heures, n’avait alors pas pu s’empêcher de rendre une Pendant que la France espaçait visite de courtoisie aux autorités ses visites, les autres partenaires éthiopiennes. Ce qui avait passablement agacé les Djiboutiens. ont renforcé leur présence. Comme si les liens séculaires tissés entre la France et la petite république ne pour lutter contre la piraterie le long des pouvaient justifier à eux seuls le voyage côtes somaliennes. En attendant l’arrivée d’un membre du gouvernement français. des troupes chinoises début 2017. Et peutD'autant que Djibouti attendait ce déplaêtre russes et indiennes à plus long terme. cement depuis plus de quatre ans, c’està-dire depuis qu’Henri de Raincourt, à Le plus vexant, pour les Djiboutiens, c'est l'époque ministre chargé de la Coopération, encore de voir le désintérêt quasi général des avait assisté à l’investiture d’Ismaïl Omar acteurs économiques français, au moment Guelleh, alors fraîchement réélu pour un où le pays se construit – au sens propre – un troisième mandat. nouvel avenir, grâce aux milliards investis par la Chine, mais aussi par le Japon, le Brésil, Le dernier président français à avoir la Turquie, le Royaume-Uni… Lors de son entretien avec le président visité le golfe d’Aden, un soir de janvier 2010, Guelleh, auquel on ne peut reprocher la s’appelle Nicolas Sarkozy. Fidèle à son style, l’ancien chef de l'État n’avait même pas passé moindre attitude antifrançaise, Jean-Marie une heure complète en compagnie de son Le Guen a formulé « le vœu de voir les homologue djiboutien avant de rentrer à entreprises françaises s’investir à Djibouti ». Paris. Juste le temps de parler des dossiers Elles vont devoir se dépêcher pour rattraper qui fâchent, comme celui de l’affaire du le retard pris ces dernières années face à juge Borrel ou de la réaffectation, prévue leurs concurrentes éthiopiennes, émiraties, un an plus tard, de la 13e demi-brigade de sud-africaines, etc. Et même la langue la Légion étrangère (DBLE) à Abu Dhabi. française commence à être malmenée Après quarante-neuf années de présence dans les rues de la vieille ville au profit de à Djibouti, le départ des bérets verts sonne l’anglais, de l’arabe et de l’amharique. En alors comme un symbole des nouvelles attendant le mandarin ? Incontournable il amitiés et priorités de Paris dans la région. y a encore dix ans, la France semble avoir Quel contraste avec le ballet diplomaticoconsciencieusement abandonné le terrain. militaire des autres puissances à Djibouti ! Oubliant que la nature a horreur du vide. JEUNE AFRIQUE

N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

JEUNE AFRIQUE

PATRICK ROBERT

DJIBOUTI

Le dernier défi N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

POLITIQUE Socialement vôtre LOGEMENT Des villas aux bidonvilles

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INTERVIEW Abdoulkader Kamil Mohamed, Premier ministre p. 62 DIPLOMATIE Ménage à trois TRANSPORTS ET LOGISTIQUE Le port de la capitale a le vent en poupe

p. 64

p. 69

AÉRIEN La compagnie nationale, sur un air de rock’n’roll p. 72

SECTEUR PRIVÉ Banquières en plein air p. 74 PORTRAITS Partir pour mieux revenir p. 78 TOURISME L’appel du désert

p. 80


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Le Plus de Jeune Afrique

POLITIQUE

Socialement Réélu en avril, Ismaïl Omar Guelleh a fait de l’amélioration des conditions de vie et de la lutte contre le chômage la pierre angulaire de son quatrième et, a priori, dernier mandat. OLIVIER CASLIN,

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envoyé spécial

t de quatre ! Ismaïl Omar Guelleh (IOG) a été reconduit le 8 avril pour un nouveau quinquennat présidentiel. Ça n’a été une surprise pour personne – et certainement pas pour l’intéressé. Une élection dans un fauteuil, puisqu’il a rassemblé sur son nom 86 % des suffrages exprimés dès le premier tour du scrutin. Le chef de l’État peut en partie remercier l’opposition, qui s’est présentée devant les électeurs en ordre dispersé. À commencer par certains de ses leaders, qui n’ont tout simplement

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pas pu être candidats. C’est le cas de Daher Ahmed Farah, alias « DAF », sa binationalité belgo-djiboutienne le rendant inéligible, et d’Abdourahman Mohamed Guelleh, dit « TX », emprisonné au lendemain des affrontements claniques qui ont fait sept morts en décembre 2015 à Balbala, un quartier de Djibouti. L’essentiel semble être ailleurs pour l’opposition, en pleine réorganisation, qui espère pouvoir tirer son épingle du jeu politique lors des législatives de 2018. L’échéance semble être la même pour le chef de l’État. Bien qu’il ait déjà assuré à plusieurs reprises ne pas vouloir se présenter pour un cinquième mandat, IOG semble aujourd’hui pressé JEUNE AFRIQUE


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de redistribuer les fruits de la croissance à une population lassée de les attendre. REDISTRIBUTION. Après la paix en 1999, le développement économique en 2005, les grands projets structurants en 2011, l’heure est désormais à la redistribution sociale, avec un nouvel ennemi identifié : le chômage. Le pays a beau aligner, ces dernières années, des taux de croissance supérieurs à 6 %, près des deux tiers de la population restent sans emploi. Pour mener la lutte, IOG a considérablement remanié son gouvernement, formé le 12 mai, et accordé sa confiance à une nouvelle génération de ministres, le plus souvent issus de la société civile. « Un gouvernement de combat », selon l’expression du chef de l’État, qui a tracé les grandes lignes de la feuille de route confiée à JEUNE AFRIQUE

ABOU HALLOYTA

vôtre Bain de foule du chef de l’État dans un quartier populaire de la capitale, le 24 mars, pendant la campagne présidentielle.

son fidèle Premier ministre, Abdoulkader Kamil Mohamed, l’un des rares à avoir conservé ses fonctions (lire interview pp. 62-63). Ismaïl Omar Guelleh sait que la lutte contre le chômage s’annonce longue et difficile. Les premières dispositions ont été prises, en matière de formation professionnelle notamment, mais les premiers résultats ne seront pas visibles avant des mois, voire des années. D’autant qu’en ce domaine l’exécutif n’est pas vraiment maître du jeu. La création des dizaines de milliers d’emplois nécessairespourprogresserdemanièresignificative sur ce front dépend pour beaucoup de la volonté des Chinois d’implanter une partie de leur appareil industriel dans la sous-région. Pour être sûr de toucher le jackpot, Djibouti est prêt à leur accorder toutes les facilités, comme N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016


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Le Plus de JA Djibouti la création d’une vaste zone franche, appuyée sur un port qui n’en finit pas de s’étendre et de se moderniser (lire pp. 64-66 et 69-70). Le pays n’a pas grand-chose à perdre. Bien au contraire, il en profite pour s’équiper en infrastructures modernes, renforçant au passage son rôle de hub régional au service d’un marché éthiopien en pleine expansion, grâce à ses 100 millions de consommateurs potentiels… Même si l’arrivée de ces équipements se fait au prix d’un endettement qui commence à inquiéter certains milieux financiers. ACCÉLÉRATION. Dans l’immédiat, et pour que

son action puisse rapidement se traduire par des retombées concrètes au sein de la population – non seulement dans la capitale, mais à l’intérieur du pays –, lOG a demandé à son équipe d’accélérer le travail sur deux dossiers

en particulier : le logement et la décentralisation (lire pp. 62-63), n’hésitant pas à s’engager personnellement pour passer à la vitesse supérieure, comme lorsqu’il lance sa propre fondation sur le logement afin de mobiliser plus efficacement les forces vives du pays. Après l’eau et l’électricité La population attend des fournies par les Éthiopiens en échange de l’utilisation du port retombées concrètes, dans la capitale, mais aussi de Djibouti, après les infrastructures routières et ferroviaires dans l’intérieur du pays. financées par les Chinois et qui vont donner une nouvelle ossature au pays, le chef de l’État djiboutien s’est fixé pour objectif principal, au cours de son nouveau quinquennat, d’améliorer le quotidien de ses concitoyens. De quoi mieux les faire patienter jusqu’au dernier grand chantier qui continue de se faire attendre à Djibouti, celui de la démocratie.

Opération proximité Envisagée il y a dix ans, la décentralisation est remise à l’ordre du jour. Il s’agit désormais d’opérer le délicat transfert de compétences et de moyens de l’État vers les collectivités locales.

C

est une première dans l’histoire de Djibouti. En mai, un ministère délégué à la Décentralisation a vu le jour lors de la formation du gouvernement, comme pour sanctionner le fait que l’aménagement du territoire reste un grand chantier à accomplir. Une tentative avait déjà été lancée en 2006, au lendemain des premières élections locales organisées dans le pays. « L’initiative était cependant restée sans suite », rappelle Hamidou Ongoiba, consultant pour le Pnud sur les questions de décentralisation, un sujet ô combien sensible en Afrique. Ce Malien connaît bien les problématiques propres à Djibouti en la matière, puisqu’il avait déjà été dépêché sur place en 2006. Dix ans plus tard, il rouvre le dossier, avec cette fois le sentiment de pouvoir mener à bien sa mission. « La nomination d’un jeune ministre [Hamadou Mohamed Aramis], issu du développement local, témoigne de la prise de conscience des dirigeants politiques djiboutiens de l’importance de la réforme à mener », veut croire Hamidou Ongoiba, qui, à son arrivée à Djibouti, le 5 septembre, a rapidement eu confirmation de son impression. En octobre, Hamadou Mohamed Aramis a réussi à réunir autour de la table huit ministres, dont plusieurs poids lourds du gouvernement, ainsi que les N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

secrétaires généraux des autres ministères, sans oublier un représentant de la présidence. « Il agit comme un véritable chef d’orchestre et, grâce à son sens de la diplomatie et au soutien du chef de l’État, il est en passe de gagner son pari », reprend l’expert malien. Lui est là pour aider le ministre à définir la feuille de route qui doit être mise en place afin, dans un premier temps, de procéder à la déconcentration des services publics hors d’une capitale qui représente à elle seule 75 % de la population du pays et 90 % de la formation des richesses.

Six régions

Mer Rouge

Érythrée

Obock

Éthiopie

Obock

Tadjourah Tadjourah Lac Assal

Arta

Dikhil Lac Kadi

Arta

Dikhil

Éthiopie

Golfe d’Aden

Djibouti

Djibouti

Ali Sabieh Ali Sabieh

30 km

Côté décentralisation, il ne semble pas nécessaire de démultiplier les niveaux de responsabilité et, donc, les coûts de fonctionnement pour se rapprocher de la population. Mais il reste à définir un cadre juridique pour accompagner les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales. « Le grand point d’interrogation concerne la définition d’une vraie fiscalité locale, même symbolique », souligne Hamidou Ongoiba. Nombre d’expériences de décentralisation à travers le continent montrent que la faiblesse des taux de recouvrement fiscal empêche toute indépendance financière des collectivités locales. Souvent, les moyens de ces dernières se résument encore aux seules subventions accordées par l’État central ou par les bailleurs de fonds. « Il faudrait les convaincre de financer non pas les projets mais les structures qui en sont chargées, estime par ailleurs le consultant du Pnud. Encore faut-il pour cela que les compétences existent sur place. » C’est le cas dans les cinq chefs-lieux régionaux de Djibouti. « Reste à savoir s’ils ont les moyens techniques de remplir leurs missions pour accompagner cette décentralisation », s’interroge encore Hamidou Ongoiba, qui doit rendre son rapport à la fin de cette année. OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE


Le dernier défi

Des villas aux bidonvilles L’habitat devient une préoccupation majeure pour l’exécutif. Ismaïl Omar Guelleh tente d’y remédier en créant une fondation privée et en relançant la construction de logements sociaux.

D

jibouti a deux visages. D’un côté, les villas modernes et un brin ostentatoires – comme celles du quartier-champignon de Haramous, près de l’aéroport –, les tours et les futurs centres commerciaux qui bousculent la verticalité de la vieille ville. De l’autre, l’habitat précaire, principalement visible aux abords du quartier populaire de Balbala, où s’étendent les bidonvilles, construits au moyen de cartons et de sacs plastique. Un grand écart jugé aujourd’hui intolérable par le président Ismaïl Omar Guelleh (IOG), qui a fait de la lutte contre le mal-logement l’une des priorités de son quatrième mandat. Le chef de l’État vient d’ailleurs de lancer sa propre fondation, dont la mission est de « loger décemment les plus démunis, toutes ces catégories de personnes qui ne peuvent emprunter l’argent nécessaire ». En s’appuyant

sur la solidarité des Djiboutiens et, en particulier, celle du secteur privé, la fondation a engagé la construction de 2 000 logements standard sur les 5 000 dont la capitale aurait besoin pour voir disparaître ses bidonvilles. IOG assure être en mesure de remettre, en personne, les 200 premières clés « avant la fin de cette année ». DÉFICIT. Parallèlement à

sortir de terre sous peu grâce aux 105 millions de dollars (environ 95 millions d’euros) collectés auprès de diverses institutions internationales. Car si le foncier ne manque pas autour de la capitale, les budgets restent en revanche plus difficiles à boucler. « Nous sommes en négociation pour 20 000 logements

Le foncier ne manque pas autour de la capitale, les budgets sont en revanche difficiles à boucler.

l’initiative présidentielle, le ministère de l’Habitat poursuit l’objectif, fixé il y a cinq ans, de construire près de 27 000 logements sociaux. « Il s’agit de réduire le déficit constaté depuis quinze ans et amplifié par les pressions démographique et migratoire », explique Kadir Abdallah Youssouf, le directeur du Fonds de l’habitat, dépendant du ministère. Les 3 000 premières maisonnettes devraient

supplémentaires », assure Kadir Abdallah Youssouf. La capitale n’est pas la seule concernée par ce programme, puisque le Fonds travaille également à réunir les capitaux nécessaires à la construction de 500 logements dans chaque chef-lieu de région. O.C.

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Le Plus de JA Djibouti INTERVIEW

Abdoulkader Kamil Mohamed « La grande priorité reste l’emploi » Six mois après avoir constitué sa nouvelle équipe, le Premier ministre fait le point sur les dossiers les plus urgents.

N

ommé le 31 mars 2013, Abdoulkader Kamil Mohamed est resté le chef d’un gouvernement pourtant profondément remanié au lendemain de la réélection d’Ismaïl Omar Guelleh pour un quatrième mandat, le 8 avril dernier. À 65 ans, il apparaît comme le garant d’un nouvel équilibre entre les anciens, membres des partis traditionnels, et la nouvelle génération, issue de la société civile. Avec un objectif très clair : redistribuer les fruits de la croissance et faire en sorte que celle-ci soit perceptible pour la population. JEUNE AFRIQUE: C’est un gouvernement profondément remanié que vous dirigez depuis le mois de mai. Comment décririez-vous votre équipe ? ABDOULKADER KAMIL MOHAMED: En

effet, seuls dix membres du précédent gouvernement ont conservé leur poste, dont moi-même, alors que quatorze nouveaux ont été nommés pour la première fois. En outre, la plupart d’entre eux viennent de la société civile, et non de partis traditionnels. C’est donc une équipe composée de personnes qui connaissent le terrain, une équipe de techniciens bien plus que de politiciens. Et, six mois après leur nomination, je constate que c’était une très bonne idée de faire appel à cette nouvelle génération, par ailleurs très bien encadrée par des ministres expérimentés, qui ont une parfaite connaissance de leurs dossiers. C’est un gouvernement d’action !

la lutte contre le chômage des jeunes. L’État s’est engagé à trouver une solution adaptée à tous les Djiboutiens, qu’ils soient diplômés ou non. Nos besoins sont aujourd’hui importants, tant dans les postes d’encadrement intermédiaire qu’en matière de savoir-faire technique spécifique, comme la soudure par exemple. Il n’est pas question d’importer de la main-d’œuvre alors que tant de Djiboutiens n’ont pas d’emploi. Cela fait partie des dossiers sur lesquels nous devons pouvoir obtenir rapidement des résultats palpables. D’ici à deux ans, le chômage n’aura pas disparu mais il aura considérablement baissé, et une grande partie des services publics aura été déconcentrée. Comptez-vous sur la livraison des grands projets d’infrastructures pour développer l’emploi ?

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Le chef de l’État fait également de la question du logement l’un des axes forts de son nouveau mandat. Quelle est l’urgence en la matière ?

Nous voulons faire disparaître les bidonvilles qui ceinturent la capitale et accélérer l’attribution de logements décents aux ménages les plus pauvres. C’est exactement le but de la fondation que vient de créer le chef de l’État. Il souhaite que les premiers logements soient attribués avant la fin de cette année. Cette question est d’autant plus

J’aurais aimé vous dire que les premiers investisseurs du pays sont les Français… Tout à fait. Rien que la ligne de chemin de fer peut créer un millier d’emplois, entre sa gestion au quotidien et sa maintenance. Nos ingénieurs sont actuellement en formation en Turquie, en Éthiopie et en France, auprès de la SNCF. Le secteur du gaz, avec son pipeline et son usine de liquéfaction à Damerjog, au sud de la capitale, va aussi avoir besoin de main-d’œuvre.

Quelle est votre feuille de route ?

L’un de nos premiers objectifs est de rapprocher l’administration de la population, en raccourcissant notamment les délais d’obtention des documents officiels. C’est l’une des principales demandes exprimées par les Djiboutiens pendant la dernière campagne présidentielle, et c’est dans ce but qu’un ministère de la Décentralisation a été mis en place. Mais la grande priorité reste l’emploi et

des infrastructures, que nous commençons à mettre en place et, surtout, une véritable volonté politique. Un ministère spécifique a ainsi été créé, doté des moyens financiers nécessaires à sa mission et, étant donné que les effets doivent être visibles très rapidement par la population, directement géré par la primature. Tout doit commencer à se mettre en place dès 2017, les transferts de compétences comme les finances.

Quels sont les principaux objectifs du processus de décentralisation et de déconcentration voulu par le président Guelleh ?

Le but est d’apporter les services publics dans les régions et les communes afin que les gens ne soient plus contraints de venir systématiquement à Djibouti pour obtenir les papiers dont ils ont besoin. Il nous faut pour cela

importante que nous devons faire face à un afflux de plus en plus important de réfugiés, pour lesquels les infrastructures de Djibouti n’ont pas été dimensionnées. La présence chinoise est de plus en plus marquée et remarquée à Djibouti. Comprenez-vous que cela puisse inquiéter les chancelleries étrangères, en particulier celles des pays occidentaux ?

Ces derniers font pourtant la même chose: ils vont chercher des investisseurs et des capitaux chinois. Pourquoi ce qui serait bon pour leur économie ne le serait pas pour la nôtre ? J’aurais aimé vous dire que les premiers investisseurs du pays sont les Français… Mais ils ne viennent pas. Que ce soit dans les ports, les chemins de fer, l’énergie ou l’aménagement JEUNE AFRIQUE


Le dernier défi Il dirige un gouvernement largement renouvelé à la suite de l’élection présidentielle d’avril.

Nos installations construites dans le Nord seront également rentables, d’autant qu’elles participent, en plus, à nos objectifs de décentralisation. Donc nous ne sommes pas inquiets, tous ces investissements s’autorembourseront. L’Éthiopie est devenue un partenaire incontournable de Djibouti. Comment qualifieriez-vous vos relations ?

L’Éthiopie est un modèle d’intégration pour tout le continent. Même le président kényan, Uhuru Kenyatta, le dit et cherche à s’en inspirer pour l’Afrique de l’Est. L’axe Djibouti - Addis-Abeba peut s’imposer comme la base d’un réseau plus vaste en matière d’intégration régionale, tant au niveau économique que politique. L’Éthiopie devient un peu moins arrogante que par le passé et souhaite développer des relations avec l’ensemble de ses voisins. Et c’est une très bonne chose pour Djibouti.

ABOU HALLOYTA

Au point d’envisager un jour une union monétaire ?

urbain, Djibouti a multiplié les investissements ces dernières années. Que répondez-vous aux bailleurs de fonds qui craignent que le taux d’endettement du pays devienne insupportable ?

Tous ces investissements seront rentables à l’avenir. Destinées à alimenter le marché éthiopien, les infrastructures actuellement en construction ne suffiront même pas à satisfaire ses besoins.

Nous sommes très fiers de notre franc djiboutien, qui est amarré à la zone dollar et présente une excellente garantie pour nos échanges commerciaux. C’est une devise convertible, reconnue et appréciée. Il n’est donc pas question de la voir disparaître. Nos échanges avec l’Éthiopie s’effectuent pour l’instant en dollars, d’où les retards permanents de paiement auxquels nous sommes confrontés. Avoir une devise commune serait une très bonne chose, mais c’est à eux de venir vers nous. Pas le contraire. Propos recueillis à Djibouti par OLIVIER CASLIN

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Le Plus de JA Djibouti

AFP

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De g. à dr., Ismaïl Omar Guelleh, président de Djibouti, Hailemariam Desalegn, Premier ministre éthiopien, et l’envoyé spécial du président chinois lors de l’inauguration de la ligne ferroviaire Djibouti -Addis-Abeba, le 5 octobre. DIPLOMATIE

Ménage à trois

ses installations portuaires. D’autant que la présence d’importants contingents La Chine et l’Éthiopie sont désormais des partenaires de militaires américains et français sur le territoire de la petite république interdit premier plan pour le pays. Qui a lui-même très bien compris ce toute velléité éthiopienne de tenter une qu’il peut tirer de cette entente politique, économique et militaire. invasion pourtant « possible en moins de quatre heures », selon un expert étranger des questions de sécurité. entre Djibouti et Addis-Abeba, qui ne orsqu’on demande au président Mieux, les deux voisins ont tout à Ismaïl Omar Guelleh si l’intédisposaient ni l’un ni l’autre des moyens gagner à s’entendre. L’Éthiopie utilise gration économique entre son financiers nécessaires pour concrétiser cette union en marche. à sa guise les quais de Djibouti, où elle pays et l’Éthiopie, présentée Seule certitude, les deux pays de la réceptionne chaque année 98 % de ses aujourd’hui par nombre d’observateurs Corne de l’Afrique n’ont pas eu besoin importations, dopant les résultats du comme « le modèle à suivre en Afrique », port. Les échanges avec aurait été possible sans l’apport des l’Éthiopie représentent en capitaux chinois, la réponse du chef de Pour sortir de son enclavement, effet 90 % des trafics enrel’État est aussi franche que spontanée : Addis-Abeba n’a pas d’autre choix « Non ! » Mahamoud Ali Youssouf, le gistrés, à l’import comme ministre djiboutien des Affaires étranà l’export (voir infographie que de s’entendre avec Djibouti. gères et de la Coopération internatiop. 66). En échange, depuis des Chinois pour identifier leur des2011, Addis-Abeba fournit à son voisin nale, peut bien affirmer que son pays n’a tin commun, encore moins depuis que pas attendu l’arrivée de la Chine pour près de 50 % de sa consommation en électricité, pour à peine quelques millions se rapprocher de son puissant voisin l’Éthiopie a perdu l’Érythrée et son accès de dollars par an, en attendant l’arrivée éthiopien, les milliards de dollars que à la mer Rouge, en 1991. Depuis, pour sorPékin a injectés ces dernières années tir de son enclavement et alimenter son d’une deuxième ligne à haute tension, en 2017. Ce sera la même chose pour l’eau dans la construction de nombreuses vaste marché de 90 millions d’habitants, Addis-Abeba n’a pas d’autre choix que infrastructures de la région ont certaipotable, qui sera bientôt livrée gratuitement à Djibouti depuis la région de nement contribué à renforcer les liens de s’entendre avec Djibouti pour utiliser

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JEUNE AFRIQUE


HORIZON DJIBOUTI TERMINALS, l’incontournable de l’Afrique de l’Est Avec des capacités de stockage record, les terminaux portuaires de Djibouti sont à la pointe du commerce mondial. Il est possible d’y emmagasiner aussi bien des produits pétroliers, des huiles végétales que du GPL. ment. Il fournit la première installation indépendante de stockage en cuve dans la Corne de l’Afrique. La première phase de sa construction, complétée en 2005, a permis de créer 25 réservoirs d’une capacité totale de 240 000 m3. Deux quais ont aussi été construits, l’un pouvant accueillir des navires de 30 000 tonnes de port en lourd (tpl) et l’autre des bateaux allant jusqu’à 85 000 tpl. La seconde phase, finalisée en 2006, a ajouté 150 000 m3 de stockage, pour une capacité totale de 390 000 m3. cé la construction d’un terminal pétrolier indépendant (HDTL) pour le stockage et la manutention des produits pétroliers, des produits chimiques, des huiles végétales et du GPL à Djibouti.

Horizon Terminals Limited (HTL) étend son réseau en Afrique pour répondre aux besoins croissants de ses clients situés dans la Corne de l’Afrique, notamment en Ethiopie. Le groupe s’est spécialisé dans le stockage des produits pétroliers et autres produits d’échange.

Horizon Djibouti Terminals Ltd FZCO (HDTL) est, lui, un terminal ultramoderne avec des normes élevées en matière de sécurité et d’environne-

Dès 2003, HTL, en collaboration avec ses partenaires, a commen-

Tout cela est en parfaite cohérence avec la vision de Monsieur Ismail Omar Guelleh, le président de la République de Djibouti, qui annonçait déjà en 2003 : « Nous croyons fermement au succès de ce projet, car nous sommes convaincus de l’avenir de la République de Djibouti en tant que centre commercial et logistique pour la région et les marchés mondiaux. »

En matière de commerce mondial, difficile d’avoir une position géographique plus stratégique que celle de Djibouti. Le pays borde le détroit de Bab-elMandeb, dans la mer Rouge. Ce détroit est au carrefour des voies de navigation entre la Méditerranée, la Péninsule arabique et l’océan Indien. Djibouti donne accès aux marchés locaux d’Afrique de l’Est, notamment aux marchés éthiopiens et somaliens. Le pays permet aussi d’atteindre les pays membres du Comesa, le marché commun de l’Afrique orientale et australe.

EN CHIFFRES ◗ Le port a un tirant d’eau de 16 mètres ◗ Le quai N°1 peut accueillir jusqu’à 85 000 tonnes de port en lourd (tpl) ◗ Le quai N°2 peut accueillir jusqu’à 30 000 tonnes de port en lourd (tpl) Horizon Djibouti Terminals Ltd (HDTL) Doraleh - BP 2630, Djibouti - RDD Fax : (+253) 21 36 11 00 – Tel : (+253) 21 31 50 00 / 31 50 01 / 31 50 29 – www.enoc.com

www.horizon-terminals.com


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Le Plus de JA Djibouti Dire Dawa, dans l’est de l’Éthiopie. Un projet qui n’est devenu réalité que grâce à la Chine : ses entreprises sont en train d’achever la construction des 358 km de l’aqueduc, et ses banques ont financé l’investissement à hauteur de 300 millions de dollars (276 millions d’euros). Et ce n’est pas le seul chantier d’envergure que la manne chinoise a permis de concrétiser ces dernières années. Si, sur ce projet, l’empire du Milieu n’a rien d’autre à gagner qu’une image positive dans la région, c’est évidemment pour satisfaire son immense appétit de matières premières qu’il finance les ports djiboutiens, ainsi que les oléoducs et trains éthiopiens. Ainsi, les Chinois ont investi 80 millions de dollars dans le port de Tadjourah, qui exportera dès l’année prochaine la potasse éthiopienne, et 70 millions de dollars dans celui du Goubet, par lequel transitera le sel djiboutien du lac Assal. ZONE FRANCHE. Dans le sud de Djibouti, le terminal de Damerjog, attendu pour fin 2017, expédiera en Chine du gaz éthiopien liquéfié dans une usine en cours de construction pour un coût de 2,6 milliards de dollars. Avec ses 700 km de pipeline tirés depuis l’Ogaden, le projet pèse plus de 4 milliards de dollars. « Le plus gros investissement direct étranger jamais réalisé à Djibouti », précise Aboubaker Omar Hadi, le président de l’Autorité des ports et zones franches de Djibouti. Ce dernier peut d’ailleurs se frotter les mains, car depuis l’arrivée en 2013 de China Merchants Holding International (CMHI), à hauteur de 23,5 %, dans le capital de l’organisme public qu’il dirige, les dollars venus de Chine pleuvent sur le port de Djibouti. À Doraleh, un nouveau terminal à conteneurs est programmé, proche du futur quai polyvalent attendu pour mars 2017. Juste derrière ces nouvelles installations portuaires, destination finale du train en provenance d’Addis-Abeba

Destination des trafics du port de Djibouti en 2015

(en millions de tonnes)

11,3

Doraleh. Officiellement dimensionnée pour accueillir 300 à 500 marins, elle est la première installation du genre à voir le jour en dehors de la Chine et la première perle du collier que Pékin veut mettre en place pour sécuriser la ligne maritime qui traverse l’océan Indien.

RUMEURS. L’autorisation délivrée par les autorités djiboutiennes – un bail de dix ans moyennant une redevance 2,7 annuelle de 20 millions de dollars – a passablement agacé les alliés américains et japonais, également présents dans la Marché petite république. Ceux-ci n’auraient djiboutie Marché n éthio T pien inransbordemen pas hésité à faire courir les bruits les t ternatio nal plus inquiétants, comme l’affectation par Pékin de plus de 10 000 soldats… (lire p. 70), une vaste zone franche de « Il n’en a jamais été question et cela n’arrivera jamais », insiste Mahamoud 4 800 ha est en cours de réalisation. Elle devrait recevoir quelques-unes des milAli Youssouf, qui comprend l’insistance liers d’entreprises chinoises que Pékin chinoise à affirmer sa présence militaire, prévoit de délocaliser dans les années « pour protéger ses intérêts commerciaux à venir en Afrique, pour permettre aux et ses milliers de ressortissants présents dans la région ». produits chinois de rester compétitifs sur le marché mondial en profitant des Un tiers du trafic maritime transitant faibles coûts de la main-d’œuvre sur le aujourd’hui par le détroit de Bab-elMandeb est d’origine chinoise, alors continent. Avec à la clé la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois que les investissements de Pékin dans rien qu’à Djibouti. la région viennent de dépasser Tous ces investissements les 10 milliards de dollars. De plus en plus conforreprésentent quelques centablement assise sur ses taines de millions de doldeux piliers éthiopien et lars supplémentaires et de la dette publique djiboutien, l’influence pourraient bien, à terme, djiboutienne est détenue bouleverser l’économie chinoise grandit pour se par la Chine de l’ensemble de la sousfaire de plus en plus sentir dans la Corne de l’Afrique, région, alors que Djibouti et Addis-Abeba commencent à voire au-delà. Au point d’attiparler de plus en plus ouverteser les jalousies et de faire enfler les pires rumeurs. Comme celle qui ment de la mise en place d’une « zone verrait la main des États-Unis derrière yuan », susceptible de remplacer le les troubles qui secouent depuis un dollar et d’unifier le birr et le franc djian le pouvoir central d’Addis-Abeba, boutien pour fluidifier leurs échanges afin de contrecarrer l’avancée chinoise commerciaux. Pourtant, la grosse affaire du moment dans la sous-région. Partant du principe n’est pas économique mais militaire, que « quand l’Éthiopie éternue, c’est avec la mise en place, dès l’an protoute la région qui s’enrhume », selon chain, d’une base navale chinoise et l’expression employée par notre expert O.C. de son quai, également dans la baie de militaire.

2,3

60 %




Le Plus de JA Djibouti

ABOU HALLOYTA

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Les nouveaux quais, construits avec des capitaux chinois, devraient entrer en service au début de 2017. TRANSPORTS & LOGISTIQUE

Le vent en poupe Principale porte d’entrée maritime de l’Afrique orientale, le port de la capitale change de dimension. Le pays aménage en outre de nouveaux terminaux sur le golfe de Tadjourah.

D

epuis une douzaine d’années, le port de Djibouti est entré dans une nouvelle catégorie, celle des interfaces portuaires majeures du continent. Sa position géostratégique, entre l’Asie et l’Europe, lui avait depuis longtemps conféré un statut particulier et un nom connu des marins du monde entier. Sa notoriété ne se justifiait cependant pas par les volumes de marchandises traitées à l’époque (notamment celles qui étaient conteneurisées) sur ses quais vieillissants, surtout au regard des trafics manutentionnés par

certains ports égyptiens ou sud-africains. Mais, cela, c’était avant que le port de Djibouti change de dimension. Dans les années 1960, les terminaux du pays voyaient passer en moyenne 1 million de tonnes de marchandises chaque année. Depuis 2006, les tonnages ont été multipliés par dix. L’an dernier, le port de Djibouti a établi à lui seul un nouveau record : 15,5 millions de tonnes de marchandises ont transité sur ses quais – dont certains flambant neufs –, soit une hausse de 6 % par rapport à l’exercice précédent.

Une zone en plein développement

Si le port est désormais entré pleinement dans la modernité, il le doit en grande partie au terminal à conteneurs inauguré en 2009 et géré depuis par Dubai Port World (DP World). Un tournant stratégique pris au moment même où le conteneur s’imposait définitivement dans les échanges maritimes mondiaux, ce qui a permis à un petit port de dimension régionale de devenir une escale obligée sur l’un des axes maritimes les plus empruntés du monde. Symbole de ce changement d’échelle, le nombre de conteneurs réceptionnés sur place est passé de 160 000 unités en 2004 à plus de 900 000 en 2015. Sur le continent, seul Tanger Med, au Maroc, affiche une progression aussi rapide. Et ce n’est qu’une première étape pour l’escale djiboutienne, qui pourrait bien devenir la porte d’entrée de toute l’Afrique orientale si son concurrent kényan, Mombasa, ne s’active pas davantage. RÉVOLUTION. C’est une véritable

métamorphose qui attend le port de Djibouti – et, au-delà, tout le pays –, car les investissements en cours ne concernent pas que la capitale : grâce à la maind’œuvre et aux capitaux chinois, tout un chapelet de terminaux devrait, à terme, voir le jour le long du golfe de Tadjourah. Premier symbole de cette révolution en marche, le vieux port, installé depuis la fin du XIXe siècle aux portes de la ville de Djibouti, va déménager. Cette opération, dont le coût est estimé à 3,5 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros), prévoit le démantèlement complet, d’ici à 2030, de l’ancienne structure. Ses bassins vont

Port traditionnel Terminaux à conteneurs (Doraleh Container Terminal + Doraleh International Container Terminal)

Port polyvalent (Doraleh Multi-Purpose) Terminal pétrolier (Horizon Terminal)

Zone franche (Free Trade Zone, FTZ)

JEUNE AFRIQUE

N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016


Le Plus de JA Djibouti être entièrement remodelés pour laisser place à une ville nouvelle constituée de zones commerciales et résidentielles ainsi que de centres d’affaires, le tout « les pieds dans l’eau », autour d’une marina destinée à accueillir bateaux de croisière et de plaisance. À partir de mars 2017, les marchandises conteneurisées et celles qui sont en vrac seront manutentionnées de l’autre côté de la baie, à Doraleh, où se trouvent déjà le terminal à conteneurs ainsi que le poste pétrolier, géré depuis 2006 par Horizon Terminal. Dans la continuité du premier, un deuxième port à conteneurs, Doraleh International Container Terminal (DICT), va être construit sur un remblai gagné sur la mer, pour un investissement de 640 millions de dollars. Il devrait être opérationnel à partir de 2020 et sera en mesure de traiter 2,5 millions de conteneurs équivalent vingt pieds (EVP). DICT aura pour opérateurs Port Djibouti Société Anonyme (PDSA) et son partenaire privilégié, China Merchants Holdings International (CMHI), tout comme l’immense linéaire de quais de 1 500 m construit un peu plus à l’ouest.

Dès le début de l’année prochaine, les 645 ha de terre-pleins de ce port polyvalent accueilleront les produits en vrac et les marchandises diverses destinées à l’Éthiopie. L’Exim Bank of China apporte 85 % des 580 millions de dollars nécessaires à son aménagement, le solde étant financé sur les fonds propres de l’autorité portuaire djiboutienne.

d’un montant total estimé à 156 millions de dollars, pourrait permettre de créer 250 000 emplois, essentiellement dans l’assemblage et l’industrie légère. De l’autre côté de la ville, en allant vers la Somalie, le port de Damerjog doit prochainement commencer ses activités d’exportation de bétail vers les pays du golfe Persique. Sur ses 50 ha de terre-pleins, construits et aménagés pour La future zone franche industrielle 70 millions de dollars, près de 150 000 têtes devraient abritera les usines et les emplois défiler chaque année. Ce site jouxtera les terminaux délocalisés par Pékin. pétroliers et gaziers, dont la Pour unifier le tout, à seulement construction doit démarrer dans les tout quelques centaines de mètres des quais prochains mois, pour une livraison prévue et à proximité de la future base militaire en 2019. D’ici là, le pays aura réceptionné chinoise (lire pp. 64-66), des colonnes les premiers ports décentralisés de son d’ouvriers rasent les montagnes pour histoire, à Tadjourah et au Goubet, dans préparer l’installation de la future Free le nord du pays. Là encore, les deux insTrade Zone (FTZ) : une zone franche tallations ont été réalisées et financées industrielle de 4 800 ha, qui abritera les par la Chine, qui en accueillera la totalité usines et les emplois délocalisés par Pékin. des trafics à partir de la fin de cette année. Une première tranche de 244 ha sera De quoi doper un peu plus le chiffre des disponible avant la fin de cette année. échanges commerciaux entre Pékin et Des entreprises s’y installeront dès juilDjibouti, décidément au beau fixe ces OLIVIER CASLIN dernières années. let 2017. À long terme, cet investissement,

Bientôt à plein régime? Entre l’Éthiopie et son voisin, tout roule ou presque : la liaison ferroviaire devrait fonctionner dès cette année. Et prendre de l’ampleur très rapidement.

R

égulièrementannoncée depuis un an, et officiellement inaugurée le 5 octobre dans la capitale éthiopienne, la liaison ferroviaire Addis-Abeba - Djibouti n’est toujours pas sur les rails, mais presque. Selon le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, le premier service est attendu « pour le 22 décembre », et la ligne devrait être pleinement opérationnelle un mois plus tard. Le temps de régler les derniers problèmes d’alimentation de cette connexion ferroviaire – la première du continent à être entièrement électrique. S’il est ouvert aux passagers, le service vise essentiellement le fret. Destiné à désenclaver le vastemarchééthiopien,letrain rejoindra directement N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

Présentation de la nouvelle ligne, le 5 octobre, en gare d’Addis-Abeba. JEUNE AFRIQUE

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Le secteur bancaire à Djibouti : une place financière sûre, moderne et attractive

La Banque Centrale de Djibouti a pour principales missions de veiller sur la convertibilité de la monnaie nationale, le Franc Djibouti qui a été créé en 1949. Librement convertible et lié au Dollar américain par une parité fixe, le Franc Djibouti puise sa stabilité linéaire qui le caractérise depuis plus de 65 ans dans les fondements de son système d’émission du type « currencyboard ». Son principe de fonctionnement est des plus simples : chaque Franc Djibouti émis doit être entièrement couvert par un dépôt en dollars américains auprès de l’un des correspondants à New-York. C’est ainsi que la Banque Centrale de Djibouti est chargée de la gestion des réserves officielles en devises du pays pour garantir un taux de couverture de son émission largement positif. Quant à l’achat de devises, il est libre et s’effectue contre simple dépôt de Francs Djibouti. Cette absence de contrôle de change et une application stricte et contrôlée des dispositions réglementaires et prudentielles des établissements de crédit, ont fait de Djibouti une place financière dynamique attractive et sécurisante où les opérateurs de la sous-région logent leurs principales opérations. Le secteur financier, profitant largement de la vigueur de la croissance économique du pays depuis plusieurs années, connaît une forte expansion. Le nombre d’opérateurs financiers en activité ne cesse d’augmenter et compte désormais 11 banques commerciales, un Fonds étatique de financement des PME/PMI, 2 institutions de microfinance et 18 bureaux de change et de transfert de fonds. La multiplication d’opérateurs a permis d’enrichir la panoplie de produits et services financiers offerts par la place djiboutienne.

Pour accompagner au mieux ce foisonnement du secteur financier, les autorités nationales ont procédé à une refonte de la législation bancaire et financière en janvier 2011, de sorte à l’adapter aux attentes de la profession.

NOTRE CORRESPONDANT EN EURO • Banque de France CENTRAL BANK OF DJIBOUTI SWIFT : BCDJDJJDXXX IBAN N° FR76 3000 1000 6400 5245 024 BANQUE DE FRANCE SWIFT CODE : BDFEFRPPCCT

NOS CORRESPONDANTS EN DOLLARS US • BNP PARIBAS – New York Branch Central Bank Of Djibouti - SWIFT : BCDJDJJDXXX IBAN N° FR53 3000 4056 5800 0004 1015 D42 BNPPARIBAS – PARIS SWIFT CODE : BNPAFRPPXXX • Federal Reserve Bank of New York CENTRAL BANK OF DJIBOUTI - SWIFT: BCDJDJJDXXX ACCOUNT N° 0210 83 682 FEDERAL RESERVE BANK OF NEW YORK SWIFT CODE : FRNYUS33XXX • Citibank – NA New York CENTRAL BANK OF DJIBOUTISWIFT : BCDJDJJDXXX ACCOUNT N° 36252795 CITIBANK–NA NEW YORK - SWIFT CODE : CITIUS33XXX

Banque Centrale de Djibouti Boulevard Saint-Laurent du Var - BP 2118 - Tél. : (253) 35 27 51 / (253) 31 20 00 Fax : (253) 35 62 88 / (253) 35 12 09 Télex : 5838DJ - SWIFT : BCDJDJJDXXX E-mail : bndj@intnet.dj - www.banque-centrale.dj


Le Plus de JA Djibouti le port de Djibouti pour embarquer près de 70 % des 11,3 millions de tonnes de marchandises qui transitent chaque année par les quais du pays. Il lui faudra un peu moins de douze heures pour parcourir les 752 km qui séparent Addis-Abeba de Djibouti (contre trois jours actuellement pour les 1 500 camions empruntant quotidiennement la route entre les deux capitales). Cette ligne pourrait être

le premier maillon d’un réseau ferroviaire qui desservirait à terme toute la sous-région. CONSORTIUM. Si les deux

pays peuvent se féliciter de disposer d’un tel outil, susceptible de doper leurs économies respectives, ils le doivent à l’implication des Chinois (lire pp. 64-66), qui, eux, y voient un moyen d’inonder le continent de leurs produits manufacturés tout en réceptionnant en

retour les matières premières dont ils ont besoin. Symbole de cette entente très cordiale aux intérêts bien compris par chacune des parties, cette ligne a été financée à hauteur de 70 %, soit 2,4 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros), par l’Exim Bank of China. Quant à sa réalisation, elle a été confiée à un consortium réunissant China Railways Engineering Corporation (CREC) et China CivilEngineeringConstruction

Corporation (CCECC). Et si, sur le chantier (qui a duré trois ans et demi), la plupart des 25 000 ouvriers étaient d’origine éthiopienne ou djiboutienne, l’encadrement venait de Pékin. Un avant-goût de ce qui devrait se passer en Éthiopie comme au sein de la zone franche en construction à Djibouti, où la Chine compte délocaliser une partie de son appareil industriel. OLIVIER CASLIN

Sur un air de rock’n’roll Dans le secteur aérien également, le pays prend son envol, notamment grâce au flair du chanteur et pilote britannique Bruce Dickinson, qui a relancé la compagnie nationale.

L

e gouvernement djiboutien a confié les manettes d’Air Djibouti à un as. Essentiellement connu pour être le chanteur d’Iron Maiden, le célèbre groupe de heavy metal britannique, Bruce Dickinson a pris, le 11 août, les commandes du B737 qui a décollé de Cardiff (Pays de Galles) pour rallier Djibouti lors du vol inaugural de « sa » compagnie. Car, même si le transporteur reste la propriété de la petite république, sa gestion ainsi que la maintenance de ses appareils ont été confiées en août 2015 à la société Cardiff Aviation, fondée en 2011 par Bruce Dickinson himself. Un sacré coup médiatique pour Djibouti, dont

bord afin de se faire embaucher par des compagnies britanniques. Depuis qu’il a rejoint ses copains de scène, en 1999, il n’a pas lâché le manche. C’est lui qui pilote le B747-400 chargé de convoyer le groupe aux quatre coins du monde lors de ses tournées.

OPPORTUNITÉS. En 2011, lorsque Astraeus, la compagnie aérienne pour laquelle il travaille en parallèle de ses activités musicales, met la clé sous la porte, Bruce Dickinson réalise son rêve et crée sa propre société, Cardiff Aviation, spécialisée dans la maintenance des avions de ligne et la formation des personnels de bord. Quelques années plus tard, il rencontre le repréC’est dans le domaine du fret sentant à Londres de l’Autoque les ambitions d’Air Djibouti rité portuaire djiboutienne, qui l’entretient du projet de sont le plus manifestes. relance de la compagnie les autorités espèrent bien qu’il suffira à nationale. Le temps de se rendre dans assurer la pérennité d’une compagnie le pays afin de rencontrer le président, et tombée en faillite en 2002. le voilà embarqué dans l’aventure. Leader d’un groupe mondialement Le plan de vol de la compagnie est des connu qui, en près de trente-cinq ans plus précis. Pendant que le B767 est en de carrière, a écoulé plus de 16 millions maintenance au Pays de Galles (jusqu’en d’albums, Bruce Dickinson est aussi un février), le B737 qu’elle a affrété est utilisé pour couvrir l’Europe et quelques destipilote chevronné qui cumule plus de sept nations du golfe Persique, en attendant mille heures de vol depuis l’obtention de l’arrivée prochaine d’un BA146 qui, dans sa licence, en 1991. Le chanteur a profité d’un moment de tension au sein d’Iron un premier temps, desservira la Somalie. Mais c’est dans le domaine du fret que Maiden pour prendre un peu d’altitude. Il les ambitions de la compagnie aérienne a alors coupé ses cheveux longs et tombé sont le plus manifestes, compte tenu de le Perfecto pour enfiler la chemise blanche l’augmentation constante des volumes aux trois barrettes de commandant de N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

VINCENT FOURNIER/JA

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Le patron de Cardiff Aviation a d’autres projets de reprise sur le continent.

transitant par les ports djiboutiens. Pour répondre à l’énorme demande, Bruce Dickinson prévoit déjà l’arrivée, début 2017, de deux « B737 ou B757 » spécialisés. En véritable businessman, et fort du soutien de Djibouti, il a le flair pour les opportunités que représentent les liaisons vers l’Europe via des lignes triangulaires pour embarquer de la marchandise en Afrique australe, mais aussi les connexions avec l’Asie, sans oublier les pays limitrophes de la Corne. Kenya Airways respecte déjà son nouveau concurrent. Ethiopian Airlines le craint. Et la petite musique jouée par Bruce Dickinson à Djibouti a déjà séduit plusieurs autres pays, du Portugal à l’Albanie, sans oublier d’autres États d’Afrique francophone où il annonce disposer de deux contacts avancés. O.C. JEUNE AFRIQUE



Le Plus de JA Djibouti

OLIVIER CASLIN POUR JA

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MONNAIE

Banquières en plein air Depuis des générations, une trentaine de femmes proposent des opérations de change informelles dans le centre-ville. Si les autorités les ont toujours tolérées, elles veulent mieux les encadrer.

L

eur présence surprend le visiteur qui se promène pour la première fois dans la capitale. Assises à chaque coin de rue de la vieille ville de Djibouti, ces dames, généralement bien mises, papotent entre elles ou avec les passants. Et dès que passe un étranger, elles bondissent de leur chaise en plastique en dégainant des liasses de billets. Elles n’ont pas cambriolé la banque. Elles pratiquent simplement une activité aussi vieille que la ville elle-même : celle de changeur de devises. Chaque jour depuis cinq ans, Choukri Omarshi est installée, avec quelques collègues, au croisement des rues d’Athènes et de Rome. Aînée d’une fratrie de huit enfants, elle a succédé à sa mère, comme cette dernière l’avait fait avant elle. « C’est toujours mieux que d’être au chômage », lance la jeune femme de 34 ans. Dans la sacoche posée entre ses pieds s’empilent des liasses de birrs éthiopiens, de livres sterling, de dollars américains et d’euros, N 0 2915 • DU 20 AU 26 NOVEMBRE 2016

Les pouvoirs publics voudraient légaliser l’activité des « changeuses » en les regroupant dans un local unique.

acte de solidarité sociale. » Dans l’opération, Choukri Omarshi vient en effet de gagner 100 francs djiboutiens (56 centimes d’euro), et peut récolter entre 1 000 et 4 000 francs par jour, soit un bon salaire de complément pour sa famille. Elle se rend chaque matin à la Banque centrale, avec ses « sœurs », pour connaître les taux de change du jour. Puis, pour ne pas tenter le diable et éviter les mauvaises rencontres, elles s’installent toujours par petits groupes dans les endroits les plus animés du centre-ville, jamais très loin d’un policier en faction. Les cas de violence à leur

sagement rangées dans leurs petits étuis transparents. En tout, l’équivalent de 2 500 euros. Installée depuis quelques heures, Choukri Omarshi a déjà vu passer pas mal de clients quand arrive Ali, un jeune Dubaïote. Il se plante devant elle et lui tend 100 dollars en coupures de 10, qu’elle a vite fait de recompter de ses doigts experts pour les enfouir dans sa besace et en ressortir la somme correspondante, au franc djiboutien L’activité peut rapporter entre près. Sous l’œil protecteur 1 000 et 4 000 francs par jour, soit du policier qui fait sa ronde, l’opération n’a pas pris plus un bon salaire de complément. de cinq minutes. Pourquoi venir ici plutôt qu’au bureau encontre restent exceptionnels. « Un de change situé à moins de dix mètres ? jour, l’une d’elles s’est fait kidnapper, « Parce que c’est plus rapide, moins cher elle a été retrouvée le soir même. Elles que les banques traditionnelles, et que se protègent entre elles et la population ces dames sont là tous les soirs jusqu’à est toujours prête à leur venir en aide », 23 heures, explique Ali. Elles font partie explique le sergent-chef Abdou Razak du paysage. Même le président Guelleh Abdi, dans son uniforme élimé, sans veut les conserver. Et puis c’est aussi un jamais quitter des yeux ses protégées. JEUNE AFRIQUE



Le Plus de JA Djibouti

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Elles sont encore une trentaine à faire perdurer cette tradition que même l’administration coloniale avait refusé de bousculer, à pratiquer cette activité appréciée par la population et acceptée par les autorités. « Les volumes qu’elles brassent ne pèsent rien par rapport à la masse monétaire du pays. Elles ne représentent aucun risque macroéconomique, assure Ali Daoud Houmed, chef du service des renseignements financiers à la Banque centrale de Djibouti. Et, grâce à elles, il n’y a pas de faux-monnayeurs. » Pas question, donc, de chercher des noises à celles que

le fonctionnaire considère comme « les meilleures banquières du pays » ni de « prendre le risque de voir leur activité passer sous le manteau ». MUTUALISATION. Au contraire, il est plu-

tôt question de mieux les encadrer. Les pouvoirs publics cherchent en effet à les faire entrer dans le cadre légal, « ne seraitce que pour des raisons d’équité fiscale », précise Ali Daoud Houmed. Mais aussi pour des questions de sécurité, afin d’éviter tout blanchiment d’argent sale. Pour les faire rentrer dans le rang, la Banque

centrale propose de les réunir dans un même local : « Elles y mutualiseraient les demandes en toute sécurité et ce serait pour elles une forme de reconnaissance officielle », reprend le banquier. Derrière son beau voile bleu turquoise, l’œil de Choukri Omarshi reste circonspect face à cette perspective. Elle n’a jamais été enregistrée, rarement contrôlée. « La modernisation en marche de la société djiboutienne va pourtant avoir raison de certaines habitudes », soupire, un peu fataliste, Ali Daoud Houmed. OLIVIER CASLIN

Quand l’eau coule de source Pomper les nappes phréatiques plutôt que dessaler la mer, voilà une idée qui réussit à Yassin Ali, directeur du groupe Bio. Commercialisées depuis 2013, ses bouteilles pourraient un jour s’exporter.

A

près une quarantaine de kilomètres à rouler dans le désert poussiéreux depuis la capitale, difficile d’imaginer visiter l’une des principales usines d’embouteillage d’eau naturelle de Djibouti. Elle est d’ailleurs bien cachée, tel un trésor, derrière son haut mur peint en vert et recouvert de barbelés. Yassin Ali, directeur du groupe Bio et patron des lieux, est persuadéd’avoirtouchéle jackpot, au point de délaisser un peu les activités d’importation de matériel informatique qui ont fait jusque-là sa fortune. « Le

OLIVIER CASLIN POUR JA

Importée de Chine, la chaîne d’embouteillage n’a pas encore atteint son plein rendement.

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marchéestenpleindéveloppement, notamment avec toutes les bases militaires à approvisionner », veut croire l’homme d’affaires djiboutien, âgé de 52 ans. Bio est venu compléter l’offre du pays – l’eau minérale de Tadjourah, commercialisée depuis 2009 – et apporter une vraie alternative à l’eau dessalée, alors majoritairement consommée par les Djiboutiens. Avec ses partenaires, Yassin Ali s’est installé près d’Arta, petite ville de villégiature prisée par l’élite locale, où une source d’eau souterraine a depuis longtemps

été identifiée. Jusqu’à ce que Yassin Ali soit autorisé à y placer ses pompes, en 2010, seul le bétail en profitait. Le temps de mobiliser les quelque 1,3 mil-

Si l’objectif de production de 5 000 bouteilles à l’heure est encore rarement atteint – à cause de problèmes techniques récurrents –, les ren-

La marque bénéficie aujourd’hui d’une excellente image et d’un réseau de distribution très efficace. lion d’euros d’investissements nécessaires pour importer de Chineunechaîned’embouteillage dernier cri et les premières bouteilles estampillées Bio ont commencé à inonder le marché local en 2013.

dements s’améliorent chaque année et la marque gagne ses lettres de noblesse à travers le pays, bénéficiant d’une excellente image et d’un réseau de distribution très efficace. Pendant que les bouteilles en plastique se remplissent à la chaîne, à l’autre bout de l’unité, les palettes s’empilent dans les trois camions quittant quotidiennement l’usine. En attendant de s’attaquer, plus tard, à l’export. « Dubaï s’est déjà montré intéressé, mais il est encore un peu trop tôt. Nous ne disposons pas pour l’instant des capacités de production suffisantes », tempère Yassin Ali, qui réfléchit pourtant déjà à agrandir son usine afin d’accompagner la croissance du secteur. Il songe même à diversifier et à valoriser saproduction en proposant des eaux parfumées, comme le font les grandes marques européennes. O.C. JEUNE AFRIQUE



Le Plus de JA Djibouti

Partir pour mieux revenir Ils sont de plus en plus nombreux, ces Djiboutiens, trentenaires ou quadragénaires, qui se sont exilés et effectuent aujourd’hui le chemin inverse. Désireux de participer à la modernisation de leur pays, ils apportent l’expérience qu’ils ont acquise ailleurs et leur soif de changement.

Linda Aïcha Ahmed Hassan 41 ans, hôtelière

L

Mourwan Mohamed Robleh 36 ans, expert en sécurité

A

vec son mètre quatre-vingt-douze et son énergie débordante, Mourwan Mohamed Robleh impose d’entrée le respect. Encore plus après avoir déroulé le fil de sa carrière au sein de l’armée française, d’abord comme fusilier marin puis dans les commandos : sept ans passés sous l’uniforme entre Lorient, en Bretagne, et Kourou, en Guyane, avec en bandoulière quelques faits d’armes en Côte d’Ivoire et au Tchad. « Comme un hommage » à son père, dit-il, lui-même ancien militaire français en poste à Djibouti, où il a rencontré la mère de Mourwan. Le destin de ce Franco-Djiboutien aurait pourtant pu être très différent. Lorsqu’il quitte son pays après le bac, en 1998, c’est pour intégrer un cursus sport-études à Montréal, avec l’ambition de rejoindre la NBA, la célèbre ligue nord-américaine de basket-ball professionnel. Mais il se fait dribbler – et doubler – par un jeune Canadien, qui signera un peu plus tard à Toronto. Son pied tape encore nerveusement quand Mourwan raconte cet épisode de sa vie… Il se défoule donc à l’armée et en

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profite pour voir du pays avant de rentrer dans le sien, à Djibouti, en 2008. Le réseau local des anciens militaires se met vite en branle. Il travaille un temps dans un casino, avant d’être engagé comme agent de sûreté maritime dans une mer encore infestée de pirates. Mourwan fait vite ses preuves et gagneassezd’argentpourlancersonpropre business, dans la construction, en plein boom à Djibouti. Il a peu de temps pour s’occuper de sa petite entreprise, d’autant qu’il succombe à l’appel du large et file au

MEYSMAN PHIL

inda Aïcha Ahmed Hassan est rentrée au pays depuis bientôt deux ans, et elle ne regrette pas sa décision. Partie à l’âge de 22 ans afin de poursuivre ses études de comptabilité en France puis en Belgique, elle rayonne aujourd’hui devant l’Oceania Appart’Hotel, qu’elle dirige depuis septembre 2015. Seuls ses enfants, restés à Bruxelles pour des raisons scolaires, lui manquent. Mais, affirme-t‑elle, « il était temps de se stabiliser, après tant d’années passées entre l’Europe et le Canada », où vit sa mère. Elle qui ne s’était jamais vraiment habituée au froid a choisi la fournaise djiboutienne pour réaliser son rêve d’ouvrir une maison d’hôte pour les membres de la diaspora de passage dans le pays, ce qu’elle a elle-même été pendant plus de dix-sept ans. Ses compatriotes sont encore rares à fréquenter son établissement haut de gamme, alors elle remplit ses chambres et appartements avec des expats, bien contents de trouver un endroit tout confort dans le quartier parfaitement sécurisé de Haramouss, entre l’aéroport d’Ambouli et le centre-ville de Djibouti – à un pâté de maisons de la résidence présidentielle et de l’ambassade américaine. Pour l’instant, elle est locataire de l’immense villa et de sa crêperie, ouverte depuis trois mois. Mais depuis qu’elle a trouvé sa clientèle, Linda Aïcha cherche à acheter et, surtout, à se rapprocher de la mer. Pour justifier pleinement le nom de son hôtel, qui est aussi celui de sa fille de 3 ans. OLIVIER CASLIN

Yémen, où il prend en charge la sécurité d’un site gazier pour Total. Jusqu’à ce que la guerre éclate dans ce pays, en 2014. Même si sa petite entreprise de construction ne connaît pas la crise, l’entrepreneur rêve de créer sa propre société de sécurité à Djibouti. « Il y a tellement de demande dans ce secteur », constate le gaillard, qui se laisserait bien tenter aussi, à plus long terme, par la politique. Avec en ligne de mire un poste de ministre de l’Intérieur qui lui irait comme un gant. O.C.

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COMMUNIQUÉ

LA COUR DES COMPTES DE DJIBOUTI

Un pilier de la bonne gouvernance ENTRETIEN AVEC le premier président de la Cour des Comptes Mr Abdoulkader Mohamed Gadileh Monsieur le Président, les institutions de la bonne gouvernance sont légions dans le pays. Quelle plus value, la Cour des Comptes peut apporter à ce combat ?

Sur le terrain, comment votre institution promeut la bonne gouvernance ?

La responsabilité et la transparence sont les deux piliers de la bonne gouvernance. L’institution met l’accent sur ces deux principes dans la gestion des deniers publics. Votre institution audite chaque année un certain nombre d’établissements publics. Quel est l’impact de cette audition sur la performance de ces établissements ?

Tout d’abord, il y a une ambiguïté qu’il faut lever, la vocation première de la Cour des Comptes n’est pas de faire le gendarme visà-vis des entités qu’elle audite. Notre institution ne verse pas non plus dans le spectaculaire ou le médiatique durant l’exécution de ses travaux.

L Le professionnalisme f i li ett lla dili diligence ddans lle processus de contrôle sont des principes constants. Si la Cour semble discrète, c’est pour être mieux audible. Par ailleurs, je tiens à souligner que tous les établissements n’ont pas la même qualité de management. La rigueur dans la gestion peut être modulable d’une entité à l’autre. L’impact de nos travaux n’est donc pas uniforme et varie nécessairement en fonction de l’entité publique contrôlée. Mais d’une manière générale, les contrôles de la Cour apportent une plus-value aux entités auditées puisqu’elles tiennent compte de nos observations et recommandations. Est-ce que votre institution a les moyens de ses objectifs ?

Notre institution est assurément plus performante qu’il y a quelques années. Surtout avec le nouveau cadre juridique qui renforce considérablement notre capacité organisationnelle. La mise en place d’un secrétariat général et des services de soutien (administratifs et techniques) rendra optimale notre rendement. Conformément au plan stratégique 20132017, notre ambition est de parvenir à la mise en place d’une institution performante, c’est à dire capable de remplir efficacement sa mission. Nous sommes d’ailleurs en train de concevoir une stratégie de communication pour mieux nous faire connaitre auprès de l’opinion et de tous les acteurs de la bonne gouvernance. ● Cérémonie de prestation des serments

Effectivement la bonne gouvernance est un combat qui mobilise beaucoup d’acteurs sur le terrain. Il faut s’en réjouir car c’est un processus de longue durée qui nécessite beaucoup d’énergie et de détermination. La Cour des Comptes, avec d’autres structures, apporte sa pierre à l’édifice. Néanmoins notre institution se démarque des autres puisque sa qualité en tant qu’institution supérieure de contrôle et indépendante du pouvoir public a été consacrée par une résolution de l’assemblée générale des nations unies en 2009.

À PROPOS DE La Cour des Comptes

LA COUR DES COMPTES DE DJIBOUTI Tél. : (+253) 21 35 77 75 / 21 35 67 76 Fax : (+253) 21 25 10 93 E-mail: ccdb.djibouti@intnet.dj/ www.coursdescomptes.dj

La Cour des Comptes de Djibouti est la juridiction supérieure de contrôle des finances publiques. Elle a remplacé, en janvier 2008, la Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire. La Cour a un pouvoir de contrôle sur tous les fonds publicsquelquesoitlestatutjuridiquedeleursgestionnairesoudeleursbénéficiaires. Son champ de compétences comprend les services de l’État, les collectivités locales, les institutions autonomes, les entités publiques (établissements, entreprises) soumis aux règles de la comptabilité publique, les organismes bénéficiant du concours financiers de l’État ou faisant appel à la générosité publique.


Le Plus de JA Djibouti TOURISME

L’appel du désert Encore peu nombreux à visiter le pays, les étrangers s’aventurent rarement au-delà de la capitale et des côtes de la mer Rouge. Le nouveau pari du secteur ? Les attirer dans les terres. plus courageux rentreront à pied, en se protégeant comme ils pourront du soleil de plomb, qui permet au campement de disposer de l’énergie nécessaire pour assurer le gîte et le couvert. Le confort est sommaire mais l’essentiel y est, notamment la moustiquaire, grâce à laquelle on peut s’endormir en écoutant les chants d’oiseaux qui percent dans la nuit noire. Les repas se prennent en commun sous la grande case construite au milieu d’arbres et de fleurs odorantes, avec une large baie ouverte sur le panorama alentour. Éblouissement garanti. FRANÇAIS ET ITALIENS. Mais les touristes sont encore peu nombreux: à peine 200 chaque année à venir humer ce parfum de bout du monde. Essentiellement en provenance de France, mais aussi d’Italie, car Houmed propose également, depuis 2010, quelques escapades en Éthiopie, de l’autre côté de la frontière toute proche. Depuis que le campement est référencé par plusieurs tour-opéUn confort sommaire au milieu d’une nature préservée. rateurs européens, les touristes remune trentaine de kilomètres placent avantageusement les expatriés, sommets arides qui bouchent l’horizon. En contrebas devait couler une rivière. de Tadjourah, le long du golfe moins nombreux aujourd’hui à résider à du même nom qui sépare Seules affleurent encore quelques flaques Djibouti que dans un passé encore récent. le nord de Djibouti de sa Pour l’instant, Houmed ne vit pas d’eau, prises d’assaut par les troupeaux de capitale, Houmed Ali Houmed a monté de cette activité. Il espère qu’un jour, chèvres en provenance du village perché son campement. Au milieu des oueds peut-être, les Chinois viendront à leur sur le versant d’en face. Le long de son lit desséchés qui n’ont pas connu la pluie pierreux poussent des palmiers géants tour découvrir les beautés sauvages du et quelques-uns de ces fameux pays afar. À condition bien sûr depuis une éternité, difficile de parler de tourisme vert. Et pourtant, c’est le pari manguiers de Bankoualé, au de leur faire savoir que de tels Pour les feuillage abondant, grâce qu’a décidé de faire ce Djiboutien de campements existent. Les voyageurs touristes commencent 40 ans, avec l’objectif d’ouvrir l’intérieur aux sources souterraines en quête d’authenticité, seulement à quitter la de son pays au tourisme international qui permettent aux rares Djibouti compte déjà capitale et le littoral habitants de la région de pour créer un peu d’emploi local et facipour explorer l’intéliter le développement économique de faire un peu de maraîrieur du pays. Il est cette région reculée. « Si cela pouvait chage pour satisfaire campements, déjà pousser le gouvernement à finir de tout juste leurs besoins donc temps de diversifier dont 9 dans la région une offre jusqu’à présent goudronner la route nationale, comme et alimenter, à l’occasion, de Tadjourah les hôtes de Houmed. il l’a promis il y a cinq ans », soupire essentiellement axée sur le potentiel exceptionnel – bien Ils sont une dizaine actuelHoumed, assis à l’ombre du grand acacia dominant la petite case qui lui sert lement, venus de France pour réaqu’également encore trop peu valoliser un périple de quelques jours entre risé – des fonds multicolores de la mer de bureau d’accueil. Cela fait bientôt le lac Assal et la ville d’Obock. Arrivés Rouge. L’Office national du tourisme se vingt ans qu’il a construit les premières au campement la veille, ils sont partis de ses quatorze paillotes sur un terrain lance aujourd’hui dans la promotion de ce nouveau tourisme vert. Avec l’espoir familial, à flanc de coteau. Installées sur depuis le matin en expédition de l’autre de doper les chiffres de fréquentation. de petites terrasses bien ombragées, elles côté de la montagne pour visiter la forêt du Day et ses genévriers rabougris. Les OLIVIER CASLIN offrent toutes une vue imprenable sur les OLIVIER CASLIN POUR JA

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PORT DE DJIBOUTI Un futur hub des transports Le Port de Djibouti S.A. ambitionne de devenir un important hub de transport régional en Afrique de l’Est, avec comme partenaire l’un des principaux opérateurs portuaires du monde, la China Merchant Port. Dans cet objectif, le Port a entamé sa transformation en vue de se moderniser. Le Directeur Général du Port de Djibouti S.A. Monsieur Saad Omar Guelleh supervise les différents projets. » Entretien. En quoi le développement du port est-il un pilier de la stratégie du pays ? Je rappelle que le programme de modernisation du Port de Djibouti est la pierre angulaire de la politique visionnaire du Président de la République qui vise à développer les infrastructures de transport, à faire de notre pays un hub logistique régional d’excellence. Notre port est la principale porte d’entrée et de sortie des marchandises destinées ou en provenance de l’Éthiopie. Avec ces nouvelles infrastructures, nous ambitionnons de devenir une porte d’entrée du grand marché COMESA. Cet ambitieux plan de modernisation aspire donc à ouvrir de nouvelles perspectives pour le développement de notre pays en mettant en place une plateforme logistique multimodale combinant le transport maritime, aérien, ferroviaire et routier. Quels sont les nouveaux terminaux qui sont en cours de constructions ? Nous avons aujourd’hui plusieurs terminaux en cours de construction : un Port Multifonction à Doraleh, un terminal à bétail à Damerjog et deux terminaux minéraliers respectivement à Tadjourah et au Lac Assal.

Saad Omar Guelleh Directeur Général du port de Djibouti

Ces futurs sites portuaires spécialisés nous permettront de mieux nous adapter à un environnement portuaire évolutif et relever les défis de la concurrence sur le plan régional ; ils

▲ Doraleh Multi-purpose Port Phase 1 opérationnel très prochainement.

nous permettront d’accroître nos parts de marché, en proposant un service de très grande qualité à nos clients. Nous avons mis au cœur de notre stratégie la satisfaction de nos clients. Ainsi, avec ces nouveaux terminaux, le port de Djibouti aspire à être non seulement une porte d’entrée évidente vers l’Éthiopie mais aussi un carrefour indispensable dans la région. Quels seront les points forts du Port de Djibouti ? Le Port de Djibouti est situé sur la principale route commerciale AsieEurope-Afrique, ce qui lui confère naturellement une position stratégique exceptionnelle. Dès que ces terminaux seront opérationnels, le Port de Djibouti sera en mesure de faire valoir, face au ports de la région, des quais capables d’accueillir les plus grands navires, des engins de manutention modernes, une plus grande productivité opérationnelle et la possibilité de combiner les modes de transport (air – mer – rail – route).

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