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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57 année • n° 2917 • du 4 au 10 décembre 2016
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Place sur l’éc hiquier Où en africain est , résultat Pour l’ex le pays dep s économ uis écutif comme le début du iques, septen dynami pour l’op nat de que position auront valeur , les légi Macky Sall sociale… , en 201 de pre mier gran slatives de juin pro 2 ? d test. chain
N 0 2917
• DU 4 AU 10 DÉCEM
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Mali Au cœur du procès Sanogo
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Dossier
Transport maritime
Le pari africain FRET
N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Delphine Augu, responsable desserte
Afrique de l’Ouest chez Maersk Line
REPORTAGE
Le Chantier naval de Lomé contre vents et marées
Arrivée à Marseille du navire CMA CGM Jules Verne, l’un des plus grands porte-conteneurs du monde, qui dessert Tanger.
STRATÉGIE
Petit port veut devenir grand
Fuyant la concurrence sur les axes traditionnels, les grands transporteurs se tournent de plus en plus vers le continent. Mais les volumes traités sont encore insuffisants, et la surcapacité menace. OLIVIER CASLIN
À
première vue, le transport maritime semble avoir digéré la crise de 2008. Pour la première fois dans son histoire, les volumes chargés par la flotte mondiale ont dépassé 10 milliards de tonnes, tous modes de conditionnement confondus, soit une hausse de 2,1 % par rapport à 2015. Quatre cinquièmes des marchandises échangées à travers le monde voyagent aujourd’hui par la mer. Ces chiffres auraient été encore plus impressionnants si le commerce mondial n’avait été complètement atone, avec une croissance qui ne devrait pas dépasser 1,6 % en 2016 – la hausse la plus faible depuis la dernière dépression financière. Pourtant, les principaux acteurs de la filière, les compagnies spécialisées dans le transport de conteneurs, souffrent le martyre, hier déjà le long des routes très concurrentielles de l’axe est-ouest, entre l’Asie et l’Europe ainsi qu’à travers l’Atlantique, mais également depuis quelques mois sur la desserte de l’Afrique. En cause, la chute des cours des matières premières ces deux dernières années, dont les conséquences se font particulièrement sentir chez les champions du continent que sont l’Angola ou le Nigeria.
IAN HANNING/REA
FLOTTILLE. Si le trafic avec l’Europe, le long
JEUNE AFRIQUE
du traditionnel axe nord-sud, reste rentable et conserve ses tonnages, le cabinet londonien Drewry annonce une baisse de 19 % des volumes africains conteneurisés échangés avec l’Asie pour le troisième trimestre et une baisse globale « supérieure à 10 % » pour 2016. Une tendance qui s’inversera avec la remontée des cours, alors que les économies africaines les plus diversifiées, comme celles de la Côte d’Ivoire, de l’Éthiopie ou du Sénégal, devraient continuer d’aligner des taux de croissance supérieurs à 5 % et donc doper dans la foulée leurs échanges commerciaux. Même s’il reste très conjoncturel, le coup est difficile à encaisser pour les compagnies. Certes, l’Afrique subsaharienne n’absorbe que 1,78 % du trafic conteneurisé mondial, mais l’élan et les perspectives économiques, ainsi que l’explosion démographique annoncée du continent, N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
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Dossier Transport maritime laissaient augurer des lendemains plus enchanteurs. D’ailleurs, les trois plus grands acteurs du secteur, le danois Maersk Line, le français CMA CGM et l’italo-suisse MSC, qui, ensemble, chargent trois quarts des boîtes destinées à l’Afrique ou qui en proviennent, ainsi que la flottille d’opérateurs asiatiques et européens qui naviguent dans leurs sillages, n’ont pas lésiné sur les capacités mises en ligne pour desservir le continent. Confrontés à la baisse abyssale des taux de fret provoquée par l’arrivée de navires de plus en plus gros ces trois dernières années, les armateurs ont réduit la voilure au Nord et transféré une partie de leur flotte au Sud pour répondre à la croissance, notamment en Afrique. Laquelle, parallèlement, modernisait et approfondissait ses principaux ports pour pouvoir accueillir ces géants des mers.
+46%
INCERTITUDES. Si la capacité mondiale de trans-
port a augmenté de 3,5 % en 2016, elle a enflé de 46 % pour le continent seul, et il est de moins en moins rare de croiser un navire chargé de 6 000 conteneurs ou plus à Abidjan ou à PointeNoire. En 2011, Safmarine, la filiale africaine de Maersk, roulait des mécaniques avec l’arrivée de sa classe Wafmax, capable de porter 4 500 boîtes sur la côte ouest-africaine. Quelques années plus tard, MSC ouvrait un service de transbordement à Lomé avec un porte-conteneurs de 6 500 équivalents vingt pieds (EVP). Aujourd’hui, la compagnie met en ligne des navires d’une capacité de 13 000 EVP. Toujours mieux que de les mettre à la casse. Au manque à gagner qu’impliquent ces surcapacités en temps de chute des prix s’ajoute « l’effet
C’est la hausse de la capacité de transport du continent en 2016
SUEZ, UN CANAL QUI VOIT DOUBLE Construit en à peine un an pour un investissement de 2,5 milliards de dollars (2,35 milliards d’euros), le nouveau canal de Suez a été inauguré en août 2015. Plus large, plus profond, il doit renforcer son rôle de porte incontournable entre l’Europe et l’Asie, sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées du monde. « En 2015, les porte-conteneurs sont devenus dominants, avec 5941 unités pour un total de 17483 bateaux. Sur 4 millions d’équivalents vingt pieds ayant transité par le canal en 2015, les trois quarts proviennent d’Extrême-Orient. Aujourd’hui, tous les navires marchands, hormis les plus grands vraquiers et les plus gros pétroliers, N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
peuvent emprunter Suez », rappelle l’expertYann Alix dans Histoires courtes maritimes et portuaires (parues en mai 2016). De gigantesques travaux d’élargissement et d’approfondissement ont été effectués sur 37 des 193 km de l’ouvrage et une voie parallèle de 35 km a été réalisée. L’Égypte table sur un doublement du trafic d’ici à 2023 : de 49 à 97 navires par jour, alors que le temps d’attente a été réduit de dix-huit à onze heures. Les revenus devraient atteindre 13,2 milliards de dollars par an, contre 5,3 milliards aujourd’hui. Contribuant à 20 % du budget de l’État, ils soutiendront une économie actuellement en RÉMY DARRAS berne.
des incertitudes géopolitiques », précise Mukhisa Kituyi, le secrétaire général de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Le doublement du canal de Suez, dans l’environnement tendu du Moyen-Orient, provoque par exemple des surcoûts en matière d’assurance qui plombent un peu plus les comptes des armateurs. Avec un tarif de passage estimé à 800 000 dollars (environ 754 000 euros) pour un porte-conteneurs, beaucoup d’opérateurs cherchent des solutions de contournement. Le passage par le cap de Bonne-Espérance pourrait redevenir d’actualité, mais son trop long temps de transit demeure un handicap. Surtout avec le développement, sur le continent, de liaisons terrestres (notamment ferroviaires) qui, à terme, devraient présenter une alternative au tout-maritime. En plus de détourner une partie des trafics transcontinentaux, ces lignes de vie pourraient, dans un futur plus lointain, détourner des côtes les tonnages d’un commerce intra-africain en devenir. La carte de la desserte maritime en serait redessinée en fonction des flux commerciaux entre les différentes zones d’intégration économique. MEUTE. En attendant une telle redéfinition logis-
tique, l’offre maritime pour l’Afrique est encore loin d’être excédentaire. Entre le déséquilibre récurrent des volumes importés et exportés – gonflé par le ralentissement des économies dépendantes des ressources naturelles – et l’explosion de la capacité des soutes, Drewry estime que le taux de chargement des navires « ne dépasse parfois pas 56 % ». C’est à se demander si les compagnies gagnent encore de l’argent sur certaines escales. Et le phénomène pourrait s’amplifier. L’Afrique a encore d’énormes besoins. Mais, au rythme actuel, et à mesure que la concurrence s’intensifiera entre des compagnies leaders qui tentent de limiter leurs pertes et une meute de poursuivants exclus des sillons est-ouest par manque de moyens, l’offre pourraitbiendépasserlademande. Heureusement, le potentiel du continent semble ne pas devoir connaître de limite. L’arrivée programmée de mégaports de nouvelle génération (lire p. 116) au Nigeria ou sur la côte orientale, en Tanzanie et au Kenya, pourrait justifier la mobilisation de telles capacités. Sans oublier l’ouverture de lignes sur des voies encore inédites avec un marché aussi gigantesque que celui de l’Inde. L’avenir s’annonce donc peut-être moins sombre qu’aujourd’hui, même si, concernant l’Afrique, il n’est certainement pas aussi prometteur que les armateurs veulent le croire. Ils sont de toute manière habitués aux incertitudes d’un secteur qui vit au rythme des soubresauts de l’économie mondiale et trouvent toujours les ressources nécessaires pour s’y adapter. Voire les anticiper. Tout est question de capacité. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Transport maritime
Sale temps pour les mégaprojets portuaires La chute des cours du pétrole a entraîné le gel de nombreux programmes d’infrastructures sur les côtes africaines. En particulier au Nigeria, au Cameroun et en Angola.
A
lors qu’il a fallu à l’Europe quelques décennies pour mettre ses ports à niveau, l’Afrique de l’Ouest a fait le grand saut en quelques années. Capables d’accueillir des navires de grande taille – 9 000 à 10 000 conteneurs équivalent vingt pieds (EVP), voire 13 000 pour le numéro deux mondial, MSC, à Lomé – les quais en eau profondeontimposéuneincroyable mise à niveau portuaire. L’effondrement des cours du pétrole et des matières premières a mis un frein à ce mouvement. En Afrique, l’Angola et le Nigeria ont été les plus touchés, avec pour conséquence un ralentissement brutal des importations, et donc des trafics portuaires. Voilà pourquoi tous les projets de construction à partir de zéro – greenfield ports, comme disent les Anglo-Saxons – sont aujourd’hui à l’arrêt. Officiellement, cependant, il n’en est rien. Lors d’une conférence à Londres en octobre, le géant APM Terminals et le gouverneur de l’État de Lagos ont réaffirmé leur confiance dans le projet de Badagry, à 50 km à l’ouest de la capitale nigériane. « L’expérience montre que ce genre d’annonces publiques vagues signifie le plus souvent qu’un projet est reporté et ne se fera en tout cas pas au rythme prévu », commente le cabinet d’analyse Alphaliner.
Son initiateur, le géant portuaire philippin ICTSI, a été rejoint en 2014 par CMA CGM, qui a pris un quart du capital du consortium. Depuis, c’est silence radio. Au Nigeria, les opérateurs portuaires préfèrent, en période de vaches (très) maigres, consolider leurs terminaux existants. Le nigérian Sifax Group a obtenu en début d’année une concession sup-
Tous les projets de construction à partir de zéro – les greenfield ports – sont aujourd’hui à l’arrêt.
Le terminal de Kribi, au Cameroun, offre une capacité de 1,4 million d’EVP.
plémentaire de cinq ans pour son terminal de Tincan, tandis qu’APM Terminals pourrait investir les 135 millions de dollars annoncés en 2013 pour booster son terminal existant d’Apapa. En Afrique de l’Ouest, les difficultésduNigeriaremettentenquestion la viabilité de projets de grande envergure. C’est le cas de deux ports, Cotonou – géré en partie par Bolloré – et Lomé – entre les mains de MSC –, qui ont été très largement modernisés ces dernières années, principalement en vue d’échanges avec le Nigeria voisin.
À Kribi, au Cameroun, un autre greenfield port, où Bolloré, associé à CMA CGM et à China Harbour Engineering Company (Chec), a obtenu il y a plus d’un an la concession du terminal à conteneurs déjà construit, aucun navire n’a encore été reçu. Kribi, avec 1,4 million de conteneurs EVP de capacité, était pourtant censé servir de port de redistribution régionale tout en soulageant Douala. En Angola, CMA CGM reste également muet au sujet de Lobito, après avoir annoncé, en janvier 2015, qu’il s’associait au groupe local Multiparques pour développer un terminal destiné à soulager Luanda. Pour l’heure, seul Bolloré a engagé d’importants travaux, à Freetown et à Abidjan (terminal 2). Les Chinois restent néanmoins dans les starting-blocks, notamment en Guinée. Chec a signé le 25octobreunprojetdeconstruction de trois nouveaux quais à Conakry pour 770 millions de dollars. Et si le retrait définitif de Rio Tinto du projet minier géant du Simandou met en stand-by la construction d’un port vraquier XXL sur la rivière Morebeya, près de Forécariah, à la frontière entre la Guinée et la Sierra Leone, il sera peut-être un jour relancé par Chinalco, désormais seul maître à bord. THIBAUD TEILLARD
SILENCE RADIO. Badagry, un pro-
jet à 1,8 million de conteneurs de capacité annuelle, devait démarrer en janvier 2016 pour une mise en service en 2018, pour la première phase. Mais le nouveau port ne figure pas dans les dossiers en développement d’APM Terminals, qui a été choisi pour sa construction et son exploitation. Le projet concurrent de Lekki, toujours au Nigeria, semble dans une situation équivalente. Autre greenfield port du grand Lagos, il a reçu l’accord des autorités en 2013. N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
MENOBA
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JEUNE AFRIQUE
Dossier Transport maritime INTERVIEW
Delphine Augu
Responsable de la desserte entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest chez Maersk Line
« Nous voulons nous concentrer sur la qualité plutôt que de plier sur les prix » (rachetée en 1999), se placent en tête devant leurs deux concurrents mondiaux dans le transport de conteneurs,lefrançaisCMACGMet MSC. Delphine Augu, responsable pour la compagnie danoise de la desserte entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, revient sur la politique suivie par l’opérateur pour garder, voire renforcer, ses positions.
VINCENT FOURNIER/JA
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L’armateur danois conserve son leadership sur la desserte africaine, sans surcapacité pour l’instant. Ni ouverture de ligne ni escale à l’horizon, mais des rotations accélérées.
L
estempssontdurspourles compagnies maritimes. La première d’entre elles, la danoise Maersk Line, souffre, comme ses consœurs, de la baisse des taux de fret provoquée par la surcapacité récurrente de la flotte mondiale. Après une chute de ses résultats au premier semestre de 2016 et des bénéfices six fois inférieurs à ce qu’ils avaient été un an plus tôt, le groupe a lancé une vaste réorganisation, créant deux entités distinctes. Ainsi, les activités transport(MaerskLine)etlogistique (APMT) sont dorénavant séparées de celles liées à l’énergie (Maersk Oil), pour éviter que l’ensemble des opérations ne subisse les tourmentes liées à la baisse des cours du pétrole. L’objectif de l’opérateur est de conforter ses parts de marché partout où il le peut, à commencer par l’axe Europe-Asie, devenu ces dernières années, et de très loin, la N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
route maritime laplus empruntée et la plus concurrentielle du monde. Au point que le leader du secteur a passé, au début de 2015, une alliance de circonstance avec son challenger, l’armateur italo-suisse MSC, pour rationaliser les capacités mises en ligne. Cette alliance, baptisée 2M, doit permettre aux deux compagnies de réaliser les économies d’échelle nécessaires pour s’adapter au marché baissier, tout en améliorant la fréquence de leurs services ainsi que la desserte des ports en direct. L’accord a été signé pour une période de dix ans et concerne également les corridors transatlantique et transpacifique. L’axe Nord-Sud, reliant l’Europe à l’Afrique, n’est en revanche pas concerné par cette révolution, et chacun assure ses services selon sa propre stratégie. Avec 35 % du marché, Maersk Line et sa filiale africaine, Safmarine
JEUNE AFRIQUE: MSC dessert avec succès la côte ouest-africaine via ses hubs de Lomé et de Las Palmas. Qu’en est-il de l’organisation de Maersk Line ? DELPHINE AUGU : Depuis 2014,
tous nos trafics concernant l’Afrique de l’Ouest passent par les ports de Tanger ou d’Algésiras, situé de l’autre côté du détroit de Gibraltar, en Espagne, auxquels sont également connectés nos services EstOuest, en provenance d’Asie ou d’Amérique du Nord, ainsi que les caboteurs arrivant des autres ports européens. L’ensemble de l’Afrique est desservi après transbordement sur ces deux hubs. Nous ne proposons aucun service en direct sur le continent, où, excepté celle de Tanger, nous ne disposons pas non plus de plateformes de transbordement.
C’est le plus souvent le meilleur temps de transit qui fait la différence. Comment fonctionnent vos hubs de Tanger et d’Algésiras entre eux?
La grande majorité de nos services africains dessert les deux ports afin de proposer un maximum de connexions à nos clients. Il n’y a pas vraiment de répartition de trafic entre eux. Tout dépend en fait des lignes Est-Ouest de JEUNE AFRIQUE
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préacheminement des marchandises, qui desservent l’un ou l’autre hub en fonction de l’organisation définie dans l’alliance 2M et de la rapidité des connexions. C’est le plus souvent le meilleur temps de transit possible qui fait la différence. Quels sont les intérêts de cette alliance passée avec MSC ?
L’objectif était de mettre en commun nos capacités respectives pour rationaliser nos services. Cette alliance vient de connaître une troisième réorganisation, 2M 3.0, pour améliorer davantage la qualité et la rapidité de nos services. Mais elle ne concerne toujours que l’Asie, et a peu de répercussions directes sur notre desserte de l’Afrique, centrée, comme je vous le disais, sur nos hubs de Tanger et d’Algésiras pour l’Ouest, ou de Salalah, à Oman, pour l’Afrique de l’Est et l’océan Indien. Où en sont vos projets concernant Port-Louis, à Maurice ?
Port-Louis est un port significatif pour notre desserte de l’océan Indien, mais nous n’y avons pas de service direct, puisque dans notre stratégie globale tout passe par Salalah. L’escale mauricienne reçoit par contre les navires en provenance d’Afrique du Sud et reste notre port préférentiel dans cette région, puisqu’il nous permet d’assurer un maximum de connexions sur la façade orientale avant que les navires remontent vers l’Asie. La surcapacité qui caractérise l’axe Europe-Asie existe-t-elle aussi sur la desserte africaine ?
Non, pas encore. Les navires utilisés sont de taille plus réduite et ne dépassent pas en capacité les 12000 conteneurs, notamment à cause des limites techniques et maritimes des ports du continent. Comment y sont organisés vos réseaux ?
Nous disposons de nos propres flottes de feeders [caboteurs] et de navires mères, avec une capacité JEUNE AFRIQUE
Nous n’avons pas, pour l’instant, de projets d’ouverture de lignes ou d’escales supplémentaires sur de nouveaux ports.
moyenne de 6 000 équivalents vingt pieds [EVP] par navire. Nous voulons proposer les rotations les plus rapides pour rester compétitifs. Nous sommes notamment les plus rapides pour rallier Abidjan depuis l’Europe, et ce malgré le transbordement. C’est le cas pour huit ports de la côte ouest-africaine, où la fluidité de nos connexions et
Et avez-vous constaté une évolution du trafic ?
Le marché a atteint un niveau de prix qui n’est intéressant pour personne. le faible temps de transit – entre d’un côté nos hubs et de l’autre les différents ports africains – nous permettent de concurrencer les services directs proposés par les autres compagnies. Comment articulez-vous vos services avec Safmarine ?
Contrairement à CMA CGM, qui a absorbé Delmas, nous souhaitons conserver la marque Safmarine, qui possède un réel ancrage africain et qui est très appréciée des chargeurs sur le continent. Les services et les navires sont les mêmes, seules les rotations sont un peu différentes. Safmarine reste notre spécialiste sur l’Afrique et sur les autres marchés émergents du Moyen-Orient et d’Amériquelatine.Maisc’estsurtout la politique commerciale qui crée une vraie différence, avec une plus grande affinité avec la clientèle. Nous venons même de rapatrier son siège de Copenhague au Cap, alors que Safmarine fêtait ses 70 ans cette année. Comment évolue votre desserte des ports ouest-africains ?
Notre objectif est d’avoir l’offre le plus large possible pour conforter nos positions. Pour cela, nous nous adaptonsconstammentaucontexte. Actuellement, nous notons une baisse sur les ports liés au trafic pétrolier, et nous en tenons compte.
Il y a toujours ce déséquilibre persistant entre les volumes importés vers l’Afrique, constitués essentiellement de biens de consommation, et les volumes exportés, qui restent axés sur les matières premières – cacao, bois et coton essentiellement. Mais cette différence tend à diminuer puisque de plus en plus de ressources naturelles sont aujourd’huiconteneurisées.Etnous notons également une réelle dynamiqueconcernantlatransformation réalisée sur le continent. Quels sont vos liens avec APM Terminals ?
Maersk possède une flotte de
611
porte-conteneurs qui ont transporté
12
millions d’EVP en 2015 La compagnie dessert
343
ports dans le monde, dont
51
en Afrique
Depuis la réorganisation, nous appartenons à la même entité, et il existe une volonté générale de développerles synergiesentre l’opérateur maritime et la compagnie de manutention, mais nous n’avons pas encore de visibilité. Comment faites-vous face à la volatilité des taux de fret ? Doit-on prévoir un retour de tendance ?
Le marché a atteint un niveau de prix qui n’est intéressant pour personne. Sur l’Afrique, la volatilité du cours des soutes est exacerbée par l’arrivée d’une nouvelle concurrence, attirée par le dynamisme du marché, et les taux, constamment réajustés à la baisse, ont dégringolé. Nous sommes donc satisfaits d’avoir pu, en octobre, augmenter nos tarifs, pour la première fois depuis longtemps, de 250 dollars par boîte. Même si c’est encore très peu par rapport au rabais auquel nous avons dû consentir pour rester compétitifs. Mais la dynamique a changé. Et nous voulons dorénavant nous concentrer sur la qualité de notre offre plutôt que de plier sur les prix. Propos recueillis par OLIVIER CASLIN N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
Dossier Transport maritime
Otam restaure des navires depuis fin 1989.
EMMANUEL PITA/APRESENT POUR JA
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REPORTAGE
Le Chantier naval de Lomé contre vents et marées En trente années, la société Otam, nichée au fond de l’immense zone portuaire de la capitale togolaise, a réparé plus de mille bateaux venus des quatre coins du monde… Mais 2016 aura été plus compliquée.
T
out d’abord emprunter la longue voie poussiéreuse qui mène au port de pêche, puis passer les nombreux contrôles d’identité, se soumettre à une fouille minutieuse du véhicule et porter un casque de sécurité, obligatoire. Pour trouver l’entrée de la société de réparation navale Omnium Togolais Assistance Maritime (Otam), logée aux confins de la zone portuaire de Lomé, il faut faire montre d’une sacrée patience. Vu de l’extérieur, ce chantier n’offre pourtant rien d’imposant. Sous N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
le hangar où est disposée une partie du matériel, les ouvriers se succèdent, de jour et souvent de nuit, pour respecter les délais de livraison des navires traités. Au milieu des nombreuses machines, un tout petit escalier en bois mène au bureau très sobre du directeur général, Gilles Calmes. Ce Français, plongeur en Côte d’Ivoire pour Saneco Marine Offshore, une entreprise spécialisée dans les travaux sous-marins, est arrivé au Togo en 1987. Constatant l’absence totale de chantier naval dans le pays,
il réussit en dix-huit mois à rassembler les fonds nécessaires pour créer sa société, en juillet 1988. Et, en décembre 1989, il accueille son premier navire. Mais « dès le départ, la réparation des navires exigeait d’investir beaucoup dans l’acquisition de matériel », reconnaît Gilles Calmes. Si l’entreprise a connu des débuts difficiles, elle s’est stabilisée après sept années d’activité, notamment grâce à la dévaluation du franc CFA, en 1994. Mais ce n’est qu’en 1997 qu’Otam solde des crédits, réalise d’importants investissements et augmente ses effectifs. Sur ses 150 collaborateurs actuels, une dizaine sont là depuis le début de l’aventure. En vingt-sept ans, le Chantier naval de Lomé – qui dispose d’un atelier de 1 000 m2 – a caréné plus d’un millier de navires. L’entreprise effectue toutes les réparations (à flot ou à sec) sur deux cales, de 50 et de 500 tonnes, et travaille notamment sur des remorqueurs JEUNE AFRIQUE
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portuaires, des patrouilleurs de guerre et des pétroliers, ainsi que sur des vedettes de la gendarmerie et de la marine togolaises.
moyenne 120 millions de F CFA (183000 euros) par an dans de nouveaux équipements. Par ailleurs, elle mise fortement sur l’embauche de personnel qualifié ainsi que sur la formation continue de ses employés au Togo et à l’étranger, indique Adjegan, responsable de maintenance qui vient, dans ce but, de passer deux semaines à Manchester (Royaume-Uni).
FIERTÉS. Devenu une référence
dans la sous-région, le Chantier naval de Lomé se targue de disposer de « l’atelier le plus compétitif du golfe de Guinée, après Abidjan ». Otam comprend ainsi un laboratoire de soudure « de dernière génération » comptant 20 postes pour ses techniciens, hautement qualifiés. Le laboratoire de métrologie – maintenu à une température permanente de 24 °C grâce à l’air conditionné – constitue l’une des fiertés de Gilles Calmes, avec le laboratoire de mécanique, lui aussi « sous atmosphère contrôlée » vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour se mettre à niveau, l’entreprise a dû investir en
L’entreprise se targue de disposer de l’atelier le plus compétitif du golfe de Guinée, après Abidjan. Des investissements que le chantier souhaite absolument rentabiliser. Problème, les résultats de 2016 ont été plus que moroses en raison des difficultés traversées par le port de Lomé. Otam, qui traite en moyenne 52 navires par an, en a accueilli la moitié cette année.
Le chiffre d’affaires de la société, de 1,6 milliard de F CFA en 2015, devrait baisser de 28 % cette année. Il lui faut donc aller chercher « très loin » les clients. Le groupe, qui a des contacts en Afrique centrale, notamment au Gabon, espère rattraper son retard en 2017. « Nous nous spécialisons désormais dans des remorqueurs un peu plus spécifiques. » Pour accéder à de nouveaux marchés, justement. Les pétroliers subissent les effets de la chute des cours, et leurs commandes se font rares. Mais la situation pourrait changer si le prix de l’or noir venait à remonter. « On aurait alors à faire face à un rush qu’il faudrait absorber », fait mine de craindre Gilles Calmes. En attendant, l’entreprise devra faire le dos rond et miser sur son expérience pour tirer son épingle du jeu. EDMOND D’ALMEIDA
L’Afrique, cet éternel poids plume Part du commerce maritime mondial par continent
Afrique Asie Europe
Pourcentage des capacités mondiales destinées à l’Afrique
Amérique Océanie
8% 22 % 12 %
Flotte totale 12,97 %
5%
41 %
14 %
60 %
17 %
20 %
Porte-conteneurs 17,03 %
1% Marchandises déchargées
Marchandises chargées
Une surcapacité mondiale aux conséquences lourdes Des taux de fret en chute libre (index)
Max. : 646
k rs
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CNUCED/HARPER PETERSEN & CO
-1%
Min. : 316 1 mai 2015
JEUNE AFRIQUE
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Vraquiers 19,47 %
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Marge opérationnelle des principaux armateurs au 1er semestre (%)
- 4,5 % - 7,6 %
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Tankers 9,91 %
N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
Dossier Transport maritime qui rendent désormais possible l’accueil des bateaux de plus de 10,5 m de profondeur.
STRATÉGIE
Petit port veut devenir grand Pour la première fois depuis vingt ans, les dirigeants du Port autonome de Cotonou sont allés en Europe à la rencontre des grands armateurs mondiaux. Objectif : attirer les navires de nouvelle génération.
Vue aérienne du port.
L
e gouvernement du Bénin veut insuffler un nouveau dynamisme au management des activités portuaires. » Sous le crépitement des flashs des photographes, il fallait parfois tendre l’oreille pour écouter Huguette Amoussou Kpéto, la nouvelle directrice générale du Port autonome de Cotonou (Bénin), dérouler son argumentaire. En octobre, c’est à Paris que la responsable, nommée en mai dans la foulée de l’élection de Patrice Talon, a conclu une mission qui l’a menée dans toute l’Europe, de La Haye à Rotterdam en passant par Anvers, Genève et Marseille, à la rencontre des grands armateurs mondiaux : Grimaldi, APM Terminal (filiale de Maersk Lines), MSC, CMA CGM et Bolloré Africa Logistics. Un événement en soi. « Cela faisait plus de vingt ans que la communauté portuaire n’était pas venue à leur rencontre », témoigne N 0 2917 • DU 4 AU 10 DÉCEMBRE 2016
GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR JA
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Bernard Amoussou-Sossou, l’énergique patron de la Société béninoise des manutentions portuaires (Sobemap). Conduisant une délégation composée du commandant du Port, des responsables des douanes et de la manutention portuaire, la directrice générale a défendu les atouts du port et les efforts de modernisation en cours. Le port, qui a perdu depuis plusieurs années de nombreuses parts de marché par rapport aux ports de Lomé (Togo), de Tema (Ghana) et d’Abidjan (Côte d’Ivoire) – moins 50 % de recettes douanières au premier trimestre de 2016, d’après le Journal de la marine marchande –, souhaite attirer des navires plus gros et de plus grande capacité. Ceux de la nouvelle génération, avec leurs 300 m de long, leurs coques de 14 m de tirant d’eau et qui permettent de réduire le coût du transport. Des travaux ont donc été engagés en 2014, avec notamment l’agrandissement des bassins,
Au large, des progrès en matière de sécurité « La zone du Port de Cotonou est toujours considérée à très haut risque par les assureurs, qui majorent leurs contrats de 20 % », rappelle Léon Adda, commandant de la capitainerie du port. Pour lutter contre les actes de piraterie, en recrudescence depuis 2011, une meilleure coordination avec le Nigeria a permis d’améliorer la sécurité au large des côtes.
MODERNES. Le quai sud, exploité par Bolloré, a été réaménagé dans l’attente de la réhabilitation du quai nord. « Un bateau passe plus de quinze jours à quai, alors qu’il devrait sortir au bout de vingtquatre heures », ajoute Bernard Amoussou-Sossou. Ainsi les activités de chargement et de déchargement de conteneurs à destination des pays de l’hinterland (Niger, Mali, Burkina et Tchad) ont-elles été délocalisées au port sec d’Allada (à 40 km de Cotonou), opérationnel depuis le 10 octobre. Les conteneurs qui partent au Nigeria et ceux restent au Bénin transitent par le terminal de Zongo. Un troisième port sec est prévu. Dans la foulée, un plan d’investissements de 12 milliards de F CFA (environ 18 millions d’euros), réalisé aux deux tiers, a été engagé pour doter le port d’engins de manutention modernes. Par ailleurs, un guichet unique pour les formalités a été créé en 2011, et, en 2014, la douane s’est informatisée. « Nous contribuons à 80 % aux recettes fiscales du pays. La douane ne peut pas être un goulet d’étranglement pour les échanges. On contrôlera seulement les marchandises à risques », expose Marcellin Laourou, secrétaire général des Douanes. S i l ’o b j e c t i f d ’ Hu g u e t t e Amoussou Kpéto est d’accroître de 2 à 3 millions de tonnes le volume de marchandises qui transitent par le port (9 millions en 2015), elle a, à l’issue de sa tournée européenne, franchi une première étape : les armateurs se sont engagés à y faire accoster plus de bateaux. « Ils ont constaté que le port a changé de stratégie depuis l’arrivée de Talon », observe le patron de la Sobemap. Avec ces appuis, ce port, plus petit que ses concurrents, peut devenir une escale qui rayonne dans tout le golfe de Guinée. « Nul besoin de 10 km de quais. Avec les bons outils, on peut avoir un port petit mais très attractif », RÉMY DARRAS conclut-il. JEUNE AFRIQUE
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